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« Quel est l’impact de la propriété publique sur la rentabilité des banques ? Cas des banques tunisiennes» Chokri MAMOGHLI Professeur en finance, Institut Supérieur de Gestion de Tunis 41, rue de la liberté Cité Bouchoucha 2000 Le Bardo, Tunis, Tunisie Raoudha DHOUIBI Doctorante, Institut Supérieur de Gestion de Tunis 41, rue de la liberté Cité Bouchoucha 2000 Le Bardo, Tunis, Tunisie, Adresse électronique : [email protected] Résumé : La Tunisie constitue l’un des pays dans lesquels le secteur bancaire forme le noyau du système financier. En fait, le financement des entreprises tunisiennes se fait principalement par les crédits bancaires. Cependant, malgré ce poids déterminant de l’intermédiation bancaire pour le financement de l’économie tunisienne, les actifs des banques, rapportés au PIB, sont relativement faibles ; dont la propriété appartienne à raison de 43,50% au pouvoir public. De surcroît, les banques tunisiennes souffrent d’un risque de crédit élevé associé à des niveaux faibles de profitabilité, de liquidité et de capitalisation. La présence de ces signaux de fragilité au sein du système bancaire tunisien, nous a motivé à étudier les déterminants de cette faible rentabilité des banques. En effet, la rentabilité d'un établissement de crédit représente son aptitude à dégager de son exploitation des gains suffisants, après déduction des coûts nécessaires à cette exploitation, pour poursuivre durablement son activité. L’apport de cette étude, c’est qu’elle examine l’impact des variables organisationnelles, en plus des variables financières et macroéconomiques, en se concentrant essentiellement au rôle joué par l’Etat sur la rentabilité des banques tunisiennes. Les constats essentiels dégagés de cette étude empirique montrent que l’implication de l’Etat en tant qu’actionnaire semble être négativement corrélée avec la rentabilité des banques sur la période de référence. De surcroît, la présence des administrateurs représentant l’Etat et les administrations publiques est liée négativement avec la rentabilité des banques. Mots clés : Performance économique, banques, déterminants, gouvernance, conseil d’administration. 1

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Page 1: « Quel est l’impact de la propriété publique sur la

« Quel est l’impact de la propriété publique sur la rentabilité des banques ? Cas des banques tunisiennes»

Chokri MAMOGHLI Professeur en finance, Institut Supérieur de Gestion de Tunis

41, rue de la liberté Cité Bouchoucha 2000 Le Bardo, Tunis, Tunisie

Raoudha DHOUIBI Doctorante, Institut Supérieur de Gestion de Tunis

41, rue de la liberté Cité Bouchoucha 2000 Le Bardo, Tunis, Tunisie, Adresse électronique : [email protected]

Résumé : La Tunisie constitue l’un des pays dans lesquels le secteur bancaire forme le noyau du système

financier. En fait, le financement des entreprises tunisiennes se fait principalement par les crédits bancaires.

Cependant, malgré ce poids déterminant de l’intermédiation bancaire pour le financement de l’économie

tunisienne, les actifs des banques, rapportés au PIB, sont relativement faibles ; dont la propriété appartienne à

raison de 43,50% au pouvoir public. De surcroît, les banques tunisiennes souffrent d’un risque de crédit

élevé associé à des niveaux faibles de profitabilité, de liquidité et de capitalisation.

La présence de ces signaux de fragilité au sein du système bancaire tunisien, nous a motivé à étudier les

déterminants de cette faible rentabilité des banques. En effet, la rentabilité d'un établissement de crédit

représente son aptitude à dégager de son exploitation des gains suffisants, après déduction des coûts

nécessaires à cette exploitation, pour poursuivre durablement son activité. L’apport de cette étude, c’est

qu’elle examine l’impact des variables organisationnelles, en plus des variables financières et

macroéconomiques, en se concentrant essentiellement au rôle joué par l’Etat sur la rentabilité des banques

tunisiennes. Les constats essentiels dégagés de cette étude empirique montrent que l’implication de l’Etat en

tant qu’actionnaire semble être négativement corrélée avec la rentabilité des banques sur la période de

référence. De surcroît, la présence des administrateurs représentant l’Etat et les administrations publiques est

liée négativement avec la rentabilité des banques.

Mots clés : Performance économique, banques, déterminants, gouvernance, conseil d’administration.

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Page 2: « Quel est l’impact de la propriété publique sur la

« Quel est l’impact de la propriété publique sur la rentabilité des banques ? Cas des banques tunisiennes »

1. Introduction Les changements rapides causés par la globalisation, la déréglementation et les progrès

technologiques augmentent de plus en plus la vulnérabilité des banques face aux risques afférents à

leurs activités. Cette montée des risques pourrait se traduire par des défaillances bancaires affectant

aussi bien leurs propres partenaires que les autres banques vu les diverses relations entre elles et,

par conséquent, elle a un impact systémique sur l’économie en général. En effet, il y a eu de

nombreux exemples de pays à travers le monde où les défaillances bancaires ont amené les

économies entières à des crises systémiques. D’ailleurs, la crise actuelle est l’illustration typique de

ce fait. D’autant plus, les expériences passées montrent que les défaillances bancaires ne sont pas

toujours le résultat d’un environnement macroéconomique fragile. En effet, la situation des banques

et leurs indicateurs peuvent être des sources importantes de crises même dans un environnement

sain.

En effet, la Tunisie constitue l’un des pays dans lesquels le secteur bancaire forme le noyau du

système financier. En fait, le financement des entreprises tunisiennes se fait principalement par

crédits bancaires. Cependant, malgré ce poids déterminant de l’intermédiation bancaire pour le

financement de l’économie tunisienne1, les actifs des banques, rapportés au PIB, sont relativement

faibles et que ces actifs sont acquis jusqu’à 43,5% par les autorités publiques. De surcroît, les

banques tunisiennes souffrent d’un risque de crédit élevé2 associé à des niveaux faibles de

profitabilité, de liquidité et de capitalisation3.

Cette présence des signaux de la fragilité du système bancaire tunisien, suscite l’étude des

déterminants de la rentabilité des banques en examinant essentiellement l’impact de la participation

de l’Etat dans le capital des banques.

En effet, La réglementation imposée par les autorités publiques de certains pays sur la propriété du

capital bancaire constitue l’une des spécificités qui caractérisent la firme bancaire. On remarque

d’une part, que cette réglementation peut aller de la simple obligation assignée aux investisseurs de

déclarer à l’avance leur intention de prendre une participation significative au capital d’une banque

(généralement au delà de 5%) au plafonnement du pourcentage de capital d’une banque qui peut

être détenu par un individu, ou de l’interdiction pour des sociétés d’assurances ou industrielles de

participer au capital bancaire. Ces restrictions sont souvent justifiées par le souci d’empêcher la

concentration des pouvoirs économiques entre les mains d’un petit nombre de personnes ou d’un 1 Selon de rapport de la BCT (2004) : Les Crédits domestiques sont de 78% du PIB et la Capitalisation boursière est de 15% du PIB. 2 Rapport FMI (2006) : « Tunisie – Mise à jour de l’évaluation de la stabilité du système financier », Décembre 2006, Rapport n°06/448. 3 Sarra Zouari (2006) : « Evaluation du système bancaire tunisien : construction d’indice de stress », pour le séminaire Fianace d’entreprise et finance de marché : Quelles complémentarité ?

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Page 3: « Quel est l’impact de la propriété publique sur la

certain type de personnes. D’un autre coté, on observe une volonté des autorités publiques d’avoir

une main mise sur les banques. Dans une étude pionnière en la matière, et portant sur les plus

grandes banques appartenant à 92 pays, La Porta et al. (2002) montrent qu’en 1995, la moyenne

mondiale du capital bancaire détenu par les gouvernements s’élevait à 41%. Cette moyenne était de

55% avant la vague des privatisations survenue au début des années 1990 (données de l’année

1985). Cette moyenne pourrait augmenter considérablement après la vague de la nationalisation des

banques survenue lors de la crise actuelle.

La deuxième section de cet article sera consacrée à la présentation de l’approche théorique, dans

laquelle nous allons expliciter les différents facteurs qui agissent sur cette rentabilité. Dans la

troisième section nous allons définir les différents déterminants de la rentabilité des banques en

présentant les différentes mesures utilisées dans les travaux empiriques antérieurs. Par la suite, dans

la quatrième section, nous présenterons la méthodologie et les résultats empiriques. Finalement, la

cinquième section présentera la conclusion.

2. Approche théorique Le secteur financier est essentiel pour assurer une économie saine et vigoureuse répondant aux

besoins et aspirations des principaux acteurs économiques. Il remplit un large éventail de fonctions

importantes pour l'économie. Les exigences des acteurs économiques ont conduit à de nombreuses

mutations au niveau des prestations. Ces mutations ont largement modifié le paysage financier et

ont augmenté les risques afférents l’activité bancaire et se sont traduites par des pertes affectant la

rentabilité et la solvabilité des banques.

2.1. La rentabilité : Concept et mesures La rentabilité a été toujours une cible de stratégie bancaire. Jusqu'à la fin des années 80, les banques

maximisaient leur profit par la croissance du bilan. L'évaluation de la performance s'exprimait en

termes de parts de marché et en résultat net mesuré en valeur absolue. Par ailleurs, la prise des

mesures réglementaires des banques depuis le début de la décennie 90, la stratégie bancaire a

changé. La croissance des actifs s'est substituée à une gestion dynamique du bilan qui cherche les

emplois les plus rentables (Darmon, 1998). La rentabilité des fonds propres est devenue l'objectif

stratégique central des banques.

En effet, la mise en oeuvre du ratio Cooke conduit les banques à privilégier les activités qui

génèrent en elles-mêmes leur propre rentabilité ainsi que leur couverture.

La rentabilité est désormais une stratégie des banques qui a beaucoup plus d'importance que la

croissance du total du bilan. L'une des variables qui assure la solvabilité, est la rentabilité de leurs

opérations. Elle est donc, une condition nécessaire à la sécurité d'ensemble du système financier. En

conséquence de cette prise de conscience, l’orientation des activités bancaires vers les opérations

peu ou pas consommatrices de fonds propres. Ce choix stratégique a amené les banques à

3

Page 4: « Quel est l’impact de la propriété publique sur la

privilégier les activités de marché. L’accroissement des opérations bancaires s’est concentré, sur le

hors bilan dont la plupart des produits financiers sont des outils de gestion de taux d’intérêt ou taux

de change.

D’ailleurs, dans la phase de la mise à niveau des fonds propres, les banques ont eu recours à des

sources externes : émissions obligataires subordonnées, augmentations de capital, intégration de

réserves … Etc. Tout d’abord, le bénéfice mis en réserve, est le montant qui permet l’accroissement

des fonds propres. Cependant, et pour se développer, la banque doit avoir une rentabilité suffisante,

un bénéfice stable d'un exercice à l’autre et des actionnaires peu exigeants en matière de dividendes.

Or, le choix d’un objectif de rentabilité est compatible avec les possibilités et les perspectives de

croissance des activités. La politique de distribution des bénéfices n’est donc pas neutre sur la

liaison entre la croissance et la rentabilité4.

Egalement, l’augmentation du capital pourra être réalisée lorsque la conjoncture boursière s’y prête.

Cette augmentation est plus facile lorsque l’actionnaire est 1’Etat.

Par contre, la banque doit à la fois rémunérer convenablement les actionnaires et éviter les baisses

des dividendes toujours mal accueillis par le marché boursier. En général, les coûts boursiers

reflètent un taux de rendement exigé. Cependant, la rentabilité de la banque a toujours un rôle

important pour la collecte des fonds propres. L’analyse comparative entre la prime de risque

affectée par la banque et la prime exigée par le marché a permet de définir les conditions d’appel au

marché (comme la différence entre un taux de rendement et un taux de placement sans risque). La

conclusion est que :

- si la banque offre une prime de risque égale (ou supérieure) à celle exigée par le marché, sa valeur

de marché est égale (ou supérieure) à sa valeur comptable, elle n’a aucune difficulté pour trouver

des fonds propres externes.

- si au contraire, sa rentabilité est plus faible que celle exigée par le marché, elle aura des difficultés

pour obtenir des capitaux externes. De plus, l'augmentation des fonds propres risque de faire baisser

le cours de bourse de la banque.

En définitive, quel que soit le moyen interne ou externe, la croissance de l'activité bancaire dépend

de sa rentabilité. Mais les règles du ratio Cooke l'empêchent de jouer sur l'effet de levier pour

améliorer à la fois la rentabilité et la croissance.

Les autorités prudentielles utilisent plusieurs instruments d'appréciation de la rentabilité. Ces

derniers se répartissent en trois grandes catégories (Nouy D. 1992). Une première approche consiste

à mettre en évidence les soldes intermédiaires de gestion. Cela permet d'identifier les éléments

ayant concouru à l'obtention du résultat final. Ces soldes sont globalement le produit net bancaire, le

4 THE VAN N., Réglementation prudentielle et régulation monétaire, Revue d’Economie Financière, n028, printemps, 1994, p. 172.

4

Page 5: « Quel est l’impact de la propriété publique sur la

produit global d'exploitation, le résultat brut d'exploitation, le résultat d'exploitation et le résultat

net.

La seconde approche de mesure de rentabilité consiste à analyser les coûts, les rendements et les

marges. Cela est essentiellement motivé par la nécessité de prendre en compte l'ensemble de

l'activité bancaire, y compris les activités de service et de hors bilan, et le souci de calculer un

indicateur simple et facilement utilisable dans les comparaisons internationales.

La troisième approche comprend l'ensemble des ratios d'exploitation calculés afin de mettre en

évidence les structures d'exploitation. Il s'agit notamment du « coefficient global d'exploitation »

qui montre de façon synthétique la part des gains réalisés qui est absorbée par les coûts fixes; « Le

coefficient de rentabilité » (return on equity, ROE) qui exprime le rendement du point de vue de

l'actionnaire et ne recoupe pas forcement les besoins de l'analyse financière; « Le coefficient de

rendement » (return on assets, ROA) qui exprime de façon assez globale le rendement des actifs.

L'inconvénient de sa référence au total de bilan est qu'elle ne fait aucune différence entre les actifs

malgré les risques non convergents; « L'indicateur de fragilité financière » qui doit être relativisé

comme indicateur de poids des risques; et, du ratio de solvabilité (Ratio de Cooke) qui est un ratio

prudentiel destiné à mesurer la solvabilité. Un ratio moyen peut aussi être calculé. Il est égal au

rapport entre Fonds propres et l'ensemble des engagements pondérés par le risque.

2.2. Propriété publique versus propriété privée : Revue de la littérature Les banques sont parmi les entreprises les plus réglementées par les pouvoirs publics (Macey et

O’Hara, 2003). Bien que le degré de réglementation varie d’un pays à un autre. La réglementation

imposée par les autorités publiques de certains pays sur la propriété du capital bancaire constitue

l’une des spécificités qui caractérisent la firme bancaire. Cette réglementation peut aller de la

simple obligation assignée aux investisseurs de déclarer à l’avance leur intention de prendre une

participation significative au capital d’une banque (généralement au delà de 5%) au plafonnement

du pourcentage de capital d’une banque qui peut être détenu par un individu, ou de l’interdiction

pour des sociétés d’assurances ou industrielles de participer au capital bancaire. Ces restrictions

sont souvent justifiées par le souci d’empêcher la concentration des pouvoirs économiques entre les

mains d’un petit nombre de personnes ou d’un certain type de personnes.

Une autre caractéristique de la structure du capital bancaire qui témoigne de la volonté des autorités

publiques d’avoir une main mise sur les banques, et qui est susceptible d’affecter leur gouvernance,

est la participation des Etats dans le capital des banques. Dans une étude pionnière en la

matière, et portant sur les plus grandes banques appartenant à 92 pays, La Porta et al. (2002)

montrent qu’en 1995, la moyenne mondiale du capital bancaire détenu par les gouvernements

s’élevait à 41%. Cette moyenne était de 55% avant la vague des privatisations survenue au début

des années 1990 (données de l’année 1985). Caprio et al. (2004) rapportent des résultats suggérant

5

Page 6: « Quel est l’impact de la propriété publique sur la

que l’Etat est l’actionnaire principal dans 19% des banques qui ont un actionnaire de contrôle, i.e.,

un actionnaire qui détient au moins 10% des droits de vote5. Également, Sapienza (2004) rapporte

qu’en 1995, le pourcentage des actifs bancaires détenus par les banques à capitaux publics s’élevait

à 58% en Italie, 50% en Allemagne et à 36% en France.

Dans la théorie économique, l’existence d’entreprises publiques se fonde souvent sur deux

arguments théoriques considérés comme étant situés à l’opposé l’un de l’autre. D’une part,

l’argument du bien être social qui suggère que les entreprises publiques sont créées par un

gouvernement, soucieux de maximiser l’utilité collective, en vue de compenser les imperfections du

marché, à chaque fois que les bénéfices sociaux excèdent les coûts de telles entreprises (Atkinson et

Stiglitz, 1980). D’autre part, l’argument politique, développé plus récemment, faisant le lien entre

politique et détention d’entreprises par l’Etat, et selon lequel les entreprises publiques ne sont qu’un

mécanisme à travers lequel les partis et les hommes politiques poursuivent des objectifs privés

(Shleifer et Vishny, 1994).

- Dans la littérature économique basée sur l’argument du bien être social, la raison d’être des

banques publiques serait donc l’existence d’insuffisances sur les marchés financiers et de crédit

(stiglitz et Weiss, 1981; Greenwald et Stiglitz, 1986). Ainsi la création des banques publiques

répondrait, selon cet argument, au fait que les banques privées ne prennent pas en considération les

rendements sociaux dans leurs décisions de financement des projets. Par exemple, les banques

privées peuvent refuser de financer des projets ayant une rentabilité sociale élevée ou des firmes

opérant dans certains secteurs d’activité. Les banques publiques seraient donc un moteur de

développement économique et d’amélioration du bien être social (Stiglitz, 1993). Selon cette théorie

du bien être social, l’objectif des banques à capitaux publics doit être celui de canaliser les

ressources financières vers des projets qui sont socialement profitables ou à des firmes qui n’ont pas

accès à d’autres sources de financement.

En effet, les entreprises publiques maximisent des objectifs multiples, Tirole (1994). Dans

certains cas, ces derniers sont non-mesurables. Ceci est de nature à affaiblir les incitations de leurs

dirigeants. Par exemple, en plus d’avoir une bonne qualité de service offert à la clientèle et de

minimiser les coûts opérationnels, une banque publique peut avoir pour objectif de satisfaire le

maximum de demandes de crédit à des taux bas comme elle peut financer des secteurs d’activité

caractérisés par un risque trop élevé tels que le tourisme ou l’agriculture.

5Caprio et al. (2004) notent que, alors que l’Etat n’est pas l’actionnaire principal dans 29 pays de leur échantillon, il l’est dans plus de 50% des banques situées en Egypte, Grèce, Inde, Indonésie et Thaïlande.

6

Page 7: « Quel est l’impact de la propriété publique sur la

- Le deuxième argument avancé dans la littérature économique, et qui justifie l’existence des

banques publiques est lié à la fonction politique que peuvent jouer ces dernières. En effet, cet

argument suppose que l’objectif du gouvernement de rester au pouvoir l’emporte sur l’objectif plus

noble de maximiser le bien être social (Shleifer, 1998). L’implication directe de cet argument

politique est que les banques étatiques seraient inefficientes vu qu’elles sont utilisées par les

hommes politiques au pouvoir afin de transférer des ressources financières vers leurs partisans. Ceci

serait d’autant plus vrai dans les pays où les pouvoirs judiciaire et législatif ne sont pas totalement

indépendants du pouvoir exécutif. En effet, Dinç (2005) montre empiriquement que les banques à

capitaux publics augmentent leurs crédits par rapport aux banques privées au cours des années

d’élections. En plus, Sapienza (2004) compare les taux d’intérêt facturés à des entreprises

empruntant auprès les banques privées italiennes et à celles empruntant auprès de banques étatiques.

Cette comparaison montre que ces dernières facturent des taux d’intérêt moins élevés que ceux qui

sont facturés par les banques privées. L’auteur suggère que cette différence peut être expliquée par

l’argument politique des banques étatiques. De surcroît, les entreprises situées au sud de l’Italie

bénéficient plus que les autres des emprunts accordés par les banques publiques, conformément à

l’argument selon lequel le patronage politique est plus répandu dans le sud. Enfin, contrairement à

l’argument de la maximisation du bien être social, les banques publiques sont plus enclines à

favoriser les grandes entreprises. Quant à l’impact de la participation des Etats dans le capital

bancaire, Barth et al. (2004) montrent qu’elle est corrélée avec un faible développement financier et

La Porta et al. (2002) montrent qu’une allocation politisée des ressources financières peut avoir des

effets préjudiciables sur la productivité et sur la croissance économique.

2.3. Les déterminants de la rentabilité des banques Selon une revue de la littérature sur les déterminants de la rentabilité bancaire (Bourke 1989, H.

Huizinga 1999, Molyneux 1992, …), cet établissement de crédit est affecté par des variables

externes et d’autres internes de nature quantitative. La littérature suggère plusieurs facteurs

susceptibles d'influencer la rentabilité des banques. Les principaux restent les facteurs de régulation

(Jordan,1972), la taille de la banque et les économies d'échelle (Benston et al. 1982 ; Short 1979), la

concurrence (Tschoegl, 1982), la part de marché (Short, 1979), les taux d'intérêt comme indicateur

de faiblesse de capital (Short, 1979), la participation de l'Etat (Short, 1979), L'inflation et la

demande de monnaie (Bourke, 1989).

Cependant, dans un autre domaine de recherche, des auteurs tel que Hermalin et Weisbach, 2003 ;

Fourgon et al. 2002 ; Spong et al. (2001) …etc., expliquent la rentabilité des banques par d’autres

variables ; les variables liées à l’organisation interne de celles-ci et à la manière pour laquelle elles

sont gouvernées.

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Page 8: « Quel est l’impact de la propriété publique sur la

En effet, la gouvernance d’entreprise est le processus par lequel chacun des différents aspects d’une

entreprise joue le rôle qui lui est prévu et qui lui a été attribué pour créer de la valeur pour les

actionnaires et, partant, pour la société dans son ensemble. D’un point de vue interne, cette

gouvernance engendre des entreprises responsables et transparentes qui sont mieux préparées à

gérer leurs risques financiers, et qui peuvent être facilement tenues pour responsables de leurs actes.

D’un point de vue externe, elle facilite le développement d’institutions clés. Institutions qui édifient

des contextes commerciaux sains et stables.

La bonne gouvernance d’entreprise contribue à édifier un socle pour le développement. Toutefois,

comparée aux firmes classiques, la gouvernance des banques souffre d’un dysfonctionnement de

certains mécanismes.

Afin de garantir la poursuite durable de l’activité bancaire, essentielle pour le développement

économique, et par conséquent la persistance de la rentabilité, les banques doivent tenir compte de

plusieurs éléments qui ont un impact considérable sur leurs systèmes de gouvernance tels que

l’assurance des dépôts, la gestion des risques systématiques et spécifiques, l’optimisation des fonds

alloués aux emprunteurs, les systèmes de contrôle interne et la structure du capital. En effet, leurs

capitaux sont composés principalement de dettes. Les banques ont tendance à détenir une

proportion faible de fonds propres par rapport aux autres institutions. Leurs passifs sont

généralement sous forme de dépôts qui doivent être disponibles suite à la demande des dépositaires.

Alors que leurs actifs sont souvent sous forme de crédits de longs termes.

Cette structure déséquilibrée du bilan est la principale source de fragilité et des crises qui ont

endommagé les économies, balancé les gouvernements et aggravé la pauvreté. Ces effets néfastes

de l’instabilité du secteur bancaire donnent la légitimité à l’intervention des pouvoirs publics au

niveau du secteur bancaire. Cette intervention publique consiste à l’établissement de plusieurs

règles prudentielles ayant pour rôle l’atténuation des conséquences d’une faible gouvernance au

sein des banques. Ainsi, la gouvernance bancaire est considérée comme une affaire publique à

travers la réglementation et la supervision bancaires.

En fait, la réglementation, la supervision et l’opacité constituent les principales caractéristiques des

banques dont il faut tenir compte pour étudier leur gouvernance qui devient de la sorte bien

spécifique, (Adams et Mehran, 2003). En effet, les banques sont plus opaques que les autres firmes,

(Furfine, 2001). Elles sont fortement réglementées par rapport aux autres firmes. La réglementation

est fortement influente dans le secteur bancaire. Elle comporte entre autres les exigences sur les

fonds propres et les provisions et sur la divulgation d’informations et le contrôle des politiques de

crédits et ce pour assurer la solidité et la stabilité du système financier et bancaire. Caprio et Levine

(2003) recommandent qu’un contrôle plus strict sur les dirigeants, afin de réduire les coûts

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Page 9: « Quel est l’impact de la propriété publique sur la

d’agence, est spécialement nécessaire dans le contexte bancaire à cause des difficultés de

surveillance publique qu’il développe.

La discipline exercée par le marché du travail est restreinte par l’opacité accrue des banques et par

les faibles signes envoyés par les banques sur la qualité des managers. En d’autres termes, ils

existent plusieurs facteurs externes liés à la conjoncture qui pourraient expliquer la mauvaise

performance d’une banque et il serait difficile pour les recruteurs potentiels de percevoir la part de

responsabilité de ses dirigeants. De même qu’il est difficile aux acquéreurs potentiels d’obtenir

toutes les données nécessaires à la prise d’une décision d’acquisition ou d’une autre forme de prise

de contrôle. Par conséquent, la discipline du marché par toutes ses composantes est limitée à cause

surtout de l’opacité des banques.

Ces différents obstacles qui empêchent un meilleur contrôle des dirigeants accordent aux

mécanismes internes, essentiellement le conseil d’administration, ses caractéristiques et ses

mécanismes, une importance vitale dans la gouvernance des banques et la préservation de leur

performance. Pour Macey et O’Hara (2003), l’existence de l’assurance des dépôts et des ratios

élevés des dettes par rapport aux fonds propres peut mener à de grands conflits d’intérêts dans les

banques. Ils pensent alors que les administrateurs sont plus compétents pour dénouer ces conflits

dans les banques que dans les firmes industrielles. D’ailleurs, les défaites des conseils

d’administration et de la direction générale sont incontestablement l’une des causes majeures de la

faillite de plusieurs banques dans le monde. C’est pourquoi, le fait de mieux connaître les

mécanismes de gouvernance les plus pertinents dans les établissements de crédits aiderait à

surpasser les faillites et à éviter les énormes coûts financiers et sociaux qui en découlent.

3. Etude empirique de la rentabilité des banques tunisiennes 3.1. La Variable dépendante La variable dépendante retenue expliquant la rentabilité des banques tunisiennes est celle de la

rentabilité économique, ROA. Il s’agit d’une variable quantitative qui est exprimée par le taux de

résultat net à l’actif total.

On a choisit ce ratio comme mesure de la rentabilité des banques tunisiennes, et l’on a préféré aux

rendements des fonds propres, parce que, d’une part, dans les pays en voie de développement, les

banques opèrent avec des capitaux propres faibles. D’autre part, nous avons utilisé le ratio

Bénéfice/Total Actif (ROA) pour éviter le problème des fonds propres négatifs observés dans l’une

des banques formant l’échantillon de l’étude et qui nous empêchent d’utiliser le ratio résultat

net/Fonds propres (ROE).

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Page 10: « Quel est l’impact de la propriété publique sur la

3.2. Les variables indépendantes Les déterminants de la rentabilité des banques peuvent être regroupés en variables internes qui sont

de nature financières et organisationnelles ; et en variables externes de nature macroéconomiques.

Nous testerons les relations entre la rentabilité et les variables indépendantes6 suivantes :

3.2.1 Les déterminants internes

a) La propriété publique versus propriété privée de la banque (PRPUB) : Plusieurs études ont

montré que la propriété du capital d’une banque peut être une variable importante dans l’explication

de la rentabilité bancaire. Selon Bourke (1989), Short (1979), il existe une relation négative entre la

propriété publique de la banque et sa performance. Ce ci est expliqué par le fait que l’objectif des

banques publiques n’est pas toujours la maximisation du bénéfice, mais plutôt, le financement des

secteurs stratégiques et présentant un niveau de risque relativement élevé tel que le secteur de

l’agriculture est celui du tourisme. Cependant, Molyneux et Thornton (1992) ont trouvé qu’il existe

une relation positive entre la propriété publique de la banque et la rentabilité des fonds propres. Les

banques appartenant à l’Etat génère une rentabilité des fonds propres supérieure à celle de leurs

homologues du secteur privé, par le fait que les banques publiques maintiennent en général un ratio

des fonds propres plus faible, dans la mesure où le gouvernement couvre de manière implicite les

opérations effectuées par ces dernières.

En se basant sur la théorie d’agence, Saunders, Strock et Travlos (1990) estiment que les banques

contrôlées par des actionnaires privés sont moins averses au risque que celles contrôlées par des

cadres et des gestionnaires, ce qui affecte directement la rentabilité bancaire. Nous nous attendions

à une relation négative et significative entre la propriété publique et la rentabilité des banques

tunisiennes.

Pour mesurer l’impact de la propriété publique sur la rentabilité des banques tunisiennes nous

utiliserons la variable suivante :

PPRIV ⎩⎨⎧

nonsipubliqueestbanquelasi

01

Il s'agit d'une variable muette

Hypothèse 1 : Lorsque la propriété de la banque est publique, la rentabilité

diminue.

b) Caractéristiques du conseil d’administration

Etant un organe d’approbation, le conseil ne prend pas les décisions significatives mais aide les

dirigeants à les prendre pour les ratifier ensuite. Quand il s’agit d’une banque, le manque de 6 Les mesures utilisées pour représenter les différentes variables explicatives sont présentées dans le Tableau 3 à l’annexe.

10

Page 11: « Quel est l’impact de la propriété publique sur la

discipline significative de la part des créditeurs à cause l’existence de l’assurance des dépôts même

s’il y a des exigences de fonds propres incite les banques à prendre des risques plus élevés qu’ils ne

devraient être. Datar (2004) souligne dans ce contexte le besoin d’incomber au conseil

d’administration des responsabilités strictes. Il s’agit de la nomination, du contrôle et

éventuellement de la révocation de l’équipe managériale. En plus, il définit les objectifs à long et

moyen termes et les plus importantes politiques et veille à leurs applications. Selon Nam (2004), le

conseil d’administration est responsable de l’efficacité des mécanismes de gouvernance et

spécifiquement des systèmes internes de contrôle. En plus, il évalue la performance de la banque,

exerce un contrôle sur les dirigeants, fixe leurs plans de rémunération et établit les systèmes de

communication et de divulgation des informations concernant toutes les opérations de la banque. De

même, il doit s’assurer des procédures de contrôle élaborées pour gérer les différentes situations de

risque auxquelles la banque serait exposée. Becher et al. (2004) affirment aussi que la

déréglementation a accru le besoin d’exercer plus de contrôle par les mécanismes internes de

gouvernance particulièrement le conseil d’administration. Ce qui demande aux administrateurs des

banques une attention supplémentaire par rapport à celle exercée par leurs confrères dans d’autres

types de firmes. Les auteurs insistent sur le fait que leur rôle ne doive pas être ignoré sous prétexte

que les autorités surveillent particulièrement ce secteur vital. Selon Craig (2004), les

administrateurs des banques sont recrutés pour assumer de hautes responsabilités publiques. En

effet, ils ne sont pas seulement responsables vis à vis des actionnaires qu’ils ont élus mais aussi

responsables de la sécurité des fonds des dépositaires et de l’influence permanente des banques sur

le marché qu’elles servent. Ils doivent alors développer et maintenir un système détaillé de

supervision. Ce qui les distinguent des autres administrateurs exerçant dans d’autres firmes.

La capacité du conseil d'administration à remplir ses rôles d’une manière optimale dépend

essentiellement de sa composition et de sa taille.

Les études empiriques portant sur l’impact du conseil d’administration sur la performance des

banques et des firmes en général donnent lieu à des résultats contradictoires. La taille du conseil, la

présence de chaque type d’administrateurs (externes, institutionnels, étrangers et représentant l’Etat

et les établissements publics) ainsi que le cumul des fonctions de président du conseil et de directeur

général peuvent être positivement ou négativement corrélés à la performance bancaire.

La présence des représentant de l’Etat et des établissements publiques dans le conseil

(ADPUB) : Selon la théorie d’agence, les banques détenues par l’Etat subiraient un moindre

effet disciplinaire. Ce qui réduit considérablement la rentabilité de ces banques, (Lang et So,

2002). De même, La Porta, Lopez-de-Silanes et Shleifer (2002) révèlent que dans tous les

pays, essentiellement en voie de développement, l’actionnariat de l’Etat dans les banques

commerciales constitue un fait commun et une cause claire de leurs manques d’efficacité.

11

Page 12: « Quel est l’impact de la propriété publique sur la

Nous nous attendions à une relation négative et significative entre cette variable et la

rentabilité des banques tunisiennes.

Hypothèse 2 : Lorsque la proportion des administrateurs, qui représentent

l’Etat et les établissements publics, siégeant dans le conseil d’administration

augmente, la performance de la banque augmente.

La taille du conseil (TAICA): Conformément à la théorie de l’agence certains auteurs ont

conclu que la taille du conseil est négativement liée à la performance des firmes, (Hermalin

et Weisbach, 2003 ; Fourgon Ees et al. 2002). Lorsque la taille du conseil d’administration

est élevée, ceci favorise sa domination par le dirigeant et crée éventuellement des conflits

d’intérêt entre les administrateurs et les managers. Ce qui engendre un conseil fragmenté,

inefficace et présentant des difficultés pour aboutir à un consensus concernant les décisions

importantes, (Jensen, 1993). En revanche, la capacité ajoutée aux plus grands conseils peut

être plus importante que l’augmentation des problèmes de communication, de coordination

et de prise de décision (Forbes et Milliken, 1999 ; Dalton et al, 1999). Nous nous attendions

à une relation positive et significative entre cette variable et la rentabilité des banques

tunisiennes.

La présence des administrateurs indépendants dans le conseil : Les études qui analysent

l’impact des caractéristiques du Conseil d’administration sur la performance des banques,

tiennent en comptent d’autres caractéristiques de la composition du conseil. Comme

exemple, la présence des administrateurs indépendants7. Nam (2004) stipule que les

administrateurs indépendants sont les plus influents et qu’ils sont les seuls qui peuvent

assurer que les banques appliquent les réglementations propres à leurs activités et que les

dirigeants n’ont pas des comportements discrétionnaires qui nuisent à la richesse des

actionnaires. En revanche, Adams et Mehran (2003) dévoilent que le pourcentage

d’administrateurs externes n’a aucun effet sur la performance boursière et comptable des

banques. Prowse (1997) stipule que ces administrateurs sont moins efficaces dans la

discipline des dirigeants des banques que les mécanismes de réglementation instaurés par les

pouvoirs publics.

Dans notre analyse des déterminants de la rentabilité des banques tunisiennes, nous n’allons pas

prendre en compte cette caractéristique, à savoir le nombre des administrateurs indépendants, à

7 Pour Adams et Mehran (2003), un administrateur est dit interne s’il travaille pour la banque. Il est dit affilié, s’il a ou avait une relation d’affaires avec elle ou une relation de parenté ou autre avec ses managers. Tout autre administrateur est considéré par les auteurs comme externe ou indépendant.

12

Page 13: « Quel est l’impact de la propriété publique sur la

cause du manque de divulgation de l’information à propos de ce sujet. En fait, parmi les dix

banques commerciales, formant l’échantillon de l’étude, seule ATTIJARI BANK qui a mentionné

dans son rapport d’activité annuel de l’année 2004, qu’il y a un administrateur indépendant siégeant

dans son conseil d’administration.

La présence des administrateurs institutionnels dans le conseil (ADINST) : l’impact des

administrateurs institutionnels et des investisseurs qu’ils représentent au conseil sur la valeur

de la banque et de la firme en général a été débattu dans la littérature entre positif (tels que

pour McConnell et Servaes, 1990 ; Zeckhouser et Pound, 1990 ; Oswald et Jahera, 1991 ;

Pound, 1992 et Li et Simerly, 1998 et Whidbee, 1997) et négatif (tels que pour Morck,

Shleifer et Vishny, 1988 ; Barclay et Holderness, 1989 ; Mikkelson et Regassa, 1991 ;

Shleifer et Vishny, 1997 et Weinstein & Yafeh, 1998). En effet, ces administrateurs

bénéficient de compétences particulières leur permettant d’analyser finement les comptes de

la banque, ses perspectives de développement ainsi que la qualité de son management. Leur

présence au conseil d’administration permet une plus grande efficacité du contrôle et par

conséquent une meilleure rentabilité. Néanmoins, Paquerot (1997) remarque que les

montants élevés investis par les investisseurs institutionnels accroissent leur dépendance à

l’égard des dirigeants. L’objectif principal ne serait plus la maximisation de la valeur de

leurs participations mais une rémunération minimale permettant de compenser leurs risques.

Nous nous attendions à une relation positive et significative entre cette variable et la

rentabilité des banques tunisiennes.

La présence des administrateurs étrangers dans le conseil (ADETR) : Les banques à forte

propriété étrangère jouissent d’un meilleur accès aux marchés des capitaux, d’une capacité

supérieure à diversifier les risques et de plus grandes opportunités à offrir certains de leurs

services à des clients étrangers non facilement accessibles aux banques locales. Dans les

pays en voie de développement, les banques à propriété étrangère provenant des pays

développés ont également accès à des technologies nouvelles. Oxelheim et Randoy (2003)

trouvent que l’impact des administrateurs étrangers sur la performance des firmes est positif.

Leur étude porte sur plus de 200 firmes et la performance est mesurée par le Q de Tobin. Ils

affirment que le recrutement d’un nouveau membre étranger au conseil d’une firme est

perçu par les investisseurs comme un signal de transparence et de volonté d’amélioration de

la gouvernance. Nous nous attendions à une relation positive et significative entre cette

variable et la rentabilité des banques tunisiennes.

La dualité (DUAL) : Quant à la dualité8, Pi et Timme (1993) révèlent que dans le cas de la

dualité de direction de la banque, l’efficience et la rentabilité sont plus faibles. L’explication

8 La dualité signifie la nomination de la même personne, sur la même période, aux deux postes de directeur général et de président du conseil.

13

Page 14: « Quel est l’impact de la propriété publique sur la

réside dans le fait que le dirigeant qui est en même temps le président du conseil désire

toujours protéger sa puissante position et prend des décisions qui impliquent moins de

risques. Par contre, Fogelberg et Griffith (2000) ne remarquent aucun impact de la dualité

sur la performance des banques. Enfin, Boyd (1995) montrent que la nature et l’ampleur de

la relation entre la dualité et la performance varie selon le dynamisme de l’environnement.

Par conséquent nous supposons une relation significative et négative entre cette variable et

la performance bancaire.

c) La structure des fonds propres (CAP) : Berger (1995) précise que les banques bien capitalisées

sont considérées comme moins risquées et peuvent par conséquent accéder aux fonds à de

meilleures conditions. En plus, lorsque le niveau des fonds propres augmente, l’autonomie

financière de la banque augmente ce qui entraîne une diminution du besoin de financement à long

terme.

Les études antérieures montrent une relation positive entre le ratio des fonds propres et le ratio des

rentabilités des actifs (Demirguç.K, Huizinga 1999 ; Gadaneez 1998 ; Bourke 1989). Nous nous

attendions à une relation positive et significative entre cette variable et la rentabilité des banques

tunisiennes.

d) La qualité de l’actif (QA) : Les prêts octroyés par une banque représentent une source

importante du revenu. La relation de ce ratio avec la rentabilité de la banque dépend du risque

inhérent aux prêts détenus. La problématique du risque bancaire fait partie des thèmes récurrents de

l'actualité. Juvin (2001) dans son analyse distingue huit classes de risque: Le risque commercial, le

risque informatique, le risque opérationnel, le risque juridique et fiscal, le risque politique, le risque

de concurrence, le risque d'environnement, et le risque des ressources.

Pour faire face à ces diverses types de risques, les établissements bancaires les hiérarchisent,

mettent en place une charte de contrôle pour chaque risque et clarifient les responsabilités. Mais

l’essentiel réside dans une évolution nécessaire et délicate de la culture du risque. Les accords de

Bâle II sont censés corriger les erreurs liées à la mauvaise maîtrise de ces risques.

Au fur et à mesure que le risque des prêts augmente, le taux de rendement exigé par la banque

augmente également. Par conséquent, plus le ratio des prêts par rapport à l’actif total augmente, plus

la banque est rentable.

Cependant, lorsque le taux de défaillance de ces prêts est élevé, la probabilité d’avoir des créances

douteuses est importante et la relation entre la rentabilité et ce taux pourrait être négative

(Caudamine et Montier, 1998). Gadaneez (1998) a trouvé un impact négatif du taux des prêts à

l’actif total sur la rentabilité des fonds propres, en étudiant cette relation sur un échantillon de cent

quatre vingt banques européennes. Nous nous attendions à une relation positive et significative

entre cette variable et la rentabilité des banques tunisiennes.

14

Page 15: « Quel est l’impact de la propriété publique sur la

e) L’efficience bancaire (EFFISC) : Selon Chaffai et Diesh (1998), la profitabilité bancaire est

dépendante de l’efficience avec laquelle cette banque organise sa production. Par conséquent, il

paraît que l’efficience est un déterminant de la productivité et donc de la performance de la banque.

Frei, Harker et Hunter (1997) ont montré que la grande partie du succès des banques dépend de la

façon pour laquelle les gestionnaires choisissent le processus de production et arrivent à transformer

des intrants en extrants effectifs. Ce concept est mesuré par différents indicateurs et techniques,

selon qu’on veut exprimer l’efficience des coûts, d’échelle ou l’inefficience X. En Tunisie,

l’intermédiation bancaire constitue toujours la fonction principale des établissements de crédits.

Ainsi, nous avons choisit comme mesure de l’efficience, le taux des produits financiers par rapport

aux charges financières. Nous nous attendions à une relation positive et significative entre cette

variable et la rentabilité des banques tunisiennes.

f) La taille de la banque (TAIBQ) : Cette variable est utilisée dans plusieurs études telles que Mak et

Ong (1999), Godard (2001) et Fernandez et Arrondo (2002). Elle est aussi utilisée par Kwan (2003) qui

trouve que la taille de la banque a un effet positif et significatif sur sa profitabilité suggérant l’existence

d’économies d’échelles. Il confirme ce résultat en distinguant entre les banques cotées et celles non

cotées. D’autres auteurs (Boyd et Runkle, 199329 ; Pinteris, 2002 ; Adams et Mehran, 2003) trouvent

également que la performance est associée positivement avec la taille de la banque. En se basant sur ces

résultats, on suppose dans cette étude que la taille de la banque influence positivement sa performance.

Nous nous attendions à une relation positive et significative entre cette variable et la rentabilité des

banques tunisiennes.

g) Les déterminants macroéconomiques

Le développement du système financier constitue sans doute un élément moteur de la croissance

économique. En même temps, lui-même, il peut être comme étant le résultat du développement

global de l’économie. La relation supposée par Patrick H.T (1966) et validée plus récemment par

Jung (1986) et aussi par greenworrd J.C et B Jovanovic (1990), montre que la croissance

économique rend profitable le développement de nouvelles institutions financières.

Les variables liées à l’environnement économiques paraissent par conséquent, des déterminants

importants pour expliquer la rentabilité des banques. Dans ce cadre, nous traiterons l’impact de la

croissance économique de l’inflation sur rentabilité des banques.

L’inflation (INF) : l’inflation affecte le secteur bancaire à travers son influence sur le

marché de crédit bancaire. En effet, un accroissement dans le taux d’inflation engendre une

diminution du taux de rendement réel, ce qui va par conséquent affecter le marché de crédit

et donc la rentabilité bancaire, car avec une inflation élevée, les banques vont accorder

moins de crédits. Or, selon Demirguç-K et H.Huizinga (1999), une augmentation de

l’inflation doit avoir une répercussion positive sur la marge nette d’intérêts et donc sur la

15

Page 16: « Quel est l’impact de la propriété publique sur la

performance. Nous nous attendions à une relation positive et significative entre cette

variable et la rentabilité des banques tunisiennes.

La croissance économique (PIB) : Les théories financières classique et néoclassique

insistent sur le rôle passif du système financier, car ce dernier s’adapte aux besoins de

financement du secteur réel de l’économie en assurant son développement autonome. Par

contre, Patrick (1966) a montré une relation bilatérale entre les deux secteurs en distinguant

entre l’offre entraîné par le développement financier et la demande induite par celui-ci. Pour

valider cette hypothèse, Jeung (1986) a utilisé les tests de causalité au sens de Granger et a

montré qu’au cours des premiers stades du développement économique, le développement

financier accélère la croissance et que par la suite le sens de la causalité s’inverse d’où la

relation réciproque entre les deux secteurs. Comme la banque est le moteur du

développement financier, surtout dans les pays en voie de développement, il est nécessaire

d’examiner l’effet de la croissance économique sur la rentabilité des banques.

En se basant sur les études empiriques, les résultats obtenus montrent que l’impact de la

croissance économique sur l’activité bancaire est contrasté et parfois non significatif. Barth,

Nolle et Rice (1997) ont trouvé que l’évolution annuelle du Produit Intérieur Brut (PIB) a un

impact positif sur la rentabilité des fonds propres, Deminguç-Kunt et H.Huizinga (1999) ont

observé un impact non significatif, alors que T. Mickel et al (2003) ont trouvé que la marge

d’intermédiation des banques dépend du type de choc sur l’activité réelle et que le sens de la

relation entre la demande de crédit et l’activité conjoncturelle dépend de l’écart entre

l’investissement et la capacité de financement qui peut tout aussi bien augmenter ou

diminuer avec l’activité conjoncturelle. Nous nous attendions à une relation positive et

significative entre cette variable et la rentabilité des banques tunisiennes.

4. Méthodologie et Résultats empiriques 4.1. La présentation de l’échantillon Les données utilisées pour l'analyse empirique sont issues des états financiers des dix banques

commerciales9 cotées sur la Bourse des Valeurs Mobilières de Tunis (BVMT) dans la période 1999-

2006. Nous avons particulièrement veillé à la continuité temporelle des données par banque.

Les informations concernant les caractéristiques du conseil d’administration sont collectées à partir

des rapports d’activités annuelles des banques.

9 Il s’agit d’Amen Banque (AB), Arab Tunisian Bank (ATB), Attijari Bank (Attijari B), Banque de l’Habitat (BH), Banque Internationale Arabe de Tunisie (BIAT), Banque Nationale Agricole (BNA), Banque de Tunisie (BT), Société Tunisienne des Banques (STB), Union Bancaire pour le Commerce et l’Industrie (UBCI) et l’Union Internationale de Banques (UIB).

16

Page 17: « Quel est l’impact de la propriété publique sur la

Nous avons utilisé aussi les données agrégées des statistiques de l’Institut National de la Statistique

(INS). Ces données externes au système bancaire concernent essentiellement le produit intérieur

brut et les informations sur l'indice des prix à la consommation.

Notre base de données est composée de variables dont le choix a été guidé par les études récentes

sur la rentabilité des banques.

Tableau 2 : Statistiques descriptives des variables explicatives Variable | Obs Mean Std. Dev. Min Max

-------------+--------------------------------------------------------

TAICA | 90 11.6 1.987602 8 21

ADINST | 90 13.0672 12.16478 0 50

ADETR | 90 13.75578 19.54294 0 54.54

ADPUB | 90 11.13966 20.43343 0 66.66

DUAL | 90 .6222222 .4875478 0 1

-------------+--------------------------------------------------------

CAP | 90 .1010506 .0630448 -.3922516 .2145947

QA | 90 .0136865 .0122324 .0012369 .1177671

EFFISC | 90 2.627469 .5263695 1.858723 3.849154

PRPUB | 90 .7 .4608249 0 1

TAIBQ | 90 14.47351 .4857075 13.53922 15.36456

-------------+--------------------------------------------------------

INF | 80 .0219822 .0148827 0 .0448155

PIB | 80 .0780655 .0170293 .0405673 .0946991

Calculs : Auteurs

Nous remarquons d’après le tableau 2 la disparité des valeurs moyennes des variables explicatives

et de leurs écarts-types entre les différentes banques de l’échantillon. Ces deux grandeurs semblent

indiquer que la structure de l’échantillon n’est pas homogène et que des tests complémentaires

s’imposent quant au choix de l’estimateur approprié.

4.2. La méthodologie Comme nous l’avons déjà mentionné, nous utiliserons dans cette étude les données individuelles

(10 banques) et temporelles (8 années), des données de Panel à double dimension (soit 8 × 10 = 80

observations).

Baltagi (2001) et Hsiao (1986) indiquent que la méthodologie des données de Panel contrôle

l’hétérogénéité individuelle, réduit les problèmes associés avec la multicolinéarité et les biais des

estimations, comme elle spécifie une relation variable dans le temps entre les variables

indépendantes et celle dépendante.

17

Page 18: « Quel est l’impact de la propriété publique sur la

L’estimation par les moindres carrés ordinaires (MCO) sur des données de panel présuppose

l’homogénéité des individus qui composent l’échantillon, sinon les estimateurs seront biaisés.

L’hétérogénéité des valeurs moyennes des variables explicatives et de leurs écarts-types entre les

différentes banques de l’échantillon10, montre la nécessité de tests complémentaires à fin de pouvoir

choisir l’estimateur approprié.

En effectuant le test de Fisher (F-test) et celui Breushe Pagan Lagrange Multiplier (LM), nous

admettons le rejet d’une structure de panel parfaitement homogène et par conséquent notre modèle

est soit à effets individuels fixes, soit à effets individuels aléatoires. La spécification de ces effets

selon le test de Hausman (1968) nous indique que le modèle qui s’adapte à la structure des données

de l’échantillon est à effets fixes.

L’estimation d’un modèle à effet individuel fixe permet d’éliminer l’hétérogénéité individuelle et

d’appliquer l’estimateur MCO sur des données transformées. En effet, l’application de ce modèle

consiste à calculer pour chaque variable sa différence par rapport à la moyenne de la période pour

chaque banque (transformation WITHIN).

Cependant, ce calcul élimine de l’estimation toute variable explicative qui ne varie pas dans le

temps pour un même individu, tel que les variables qualitatives qui prend la valeur de 0 ou 1

(comme la variable représentant la propriété privée dans notre cas).

La méthode des moindres carrés quasi-généralisés (FGLS) avec effets fixes, permet de surmonter ce

problème.

En présence d’autocorrélation d’ordre 1, le modèle prendra la forme suivante :

tiititi euXROA ,,, +++= βν

)(82006;1999)(1010;;2;1

tempsTtindividusni

====

K

K

:,tiX Sont les variables explicatives de la rentabilité des banques tunisiennes (ROA) pour la banque

(i) pour l’année (t).

Ces variables explicatives sont : PRPUB, ADPUB, TAICA, ADINST, ADETR, QA, EFFISC,

TAIBQ, CAP, INF, PIB.

iu représente l’effet spécifique propre à chaque banque, qui demeure invariable dans le temps,

tandis que est une perturbation aléatoire dont la forme est générée par un processus

autorégressif d’ordre 1 et ~iid .

tie ,

10 Voir le tableau 1 des statistiques descriptives des variables explicatives.

18

Page 19: « Quel est l’impact de la propriété publique sur la

Les résultats de l’estimateur FGLS sont présentés dans le tableau 2.

L’estimation du modèle proposé nous a permis de dégager les résultats dans le tableau ci-dessous :

Tableau 2 : Les résultats de l’estimateur Feasible GLS

ROA

VARIABLES coefficient Ecart-type Z

La propriété publique (PRPUBL) -.001935 .0020317 0.95

Représentants de l’Etat (ADPUB) -.000063 .0000171*** -3.69

La taille du conseil (TAICA) .0001638 .0002034 0.81

Administrateurs institutionnels (ADINS) .0001946 .0000462*** 4.21

Administrateurs étrangers (ADETR) -.0001666 .000026*** -6.40

Dualité (DUAL) -.0001211 .0007826 -0.15

La structure des fonds propres (CAP) .0068373 .0109519 0.62

La qualité de l’actif (QA) -.7385569 .0128131*** -57.64

L’efficience bancaire (EFFISC) .0063827 .001059*** 6.03

La taille de la banque (TAIBQ) -.0040855 .0017731** -2.30

L’inflation (INF) .0488169 .0238646** 2.05

La croissance économique (PIB) -.0141081 .0132198 -1.07

Constante .0574366 .026537** 2.16

nbre d'ob 80

Wald chi2(12) 4769.32

Prob > chi2 0.0000

***;**;* : significatif à 1%; à 5%; à 10%

D’après ce tableau on peut constater que :

- La propriété de la banque : Cette variable est corrélée négativement avec la performance de

la banque. Ceci peut être expliqué par le fait que les banques publiques sont plus efficientes

que celles privés en terme d’organisation, de management et aussi en terme de maîtrise des

coûts. Mais cette variable est non significative. Ce résultat est conforme avec celui de

Bourke (1989) et Short (1979). Ces derniers précisent qu’il existe une relation négative entre

la propriété publique de la banque et sa performance. Ces auteurs expliquent ce contre

performance par le fait que l’objectif des banques publiques n’est pas toujours la

19

Page 20: « Quel est l’impact de la propriété publique sur la

maximisation du bénéfice, mais plutôt, le financement des secteurs stratégiques et présentant

un niveau de risque relativement élevé.

- Les administrateurs représentant l’Etat et les établissements publiques : la corrélation entre

le pourcentage des administrateurs qui représentent l’Etat et les établissement publiques et la

rentabilité des actifs des banques est négative et statistiquement significative. Ce résultat

confirme les conclusions de La Porta, Lopez-de-Silanes et Shleifer (2002) qui révèlent que

dans tous les pays, essentiellement en voie de développement, l’actionnariat de l’Etat dans

les banques commerciales constitue une source de leurs manques d’efficacité.

- La taille du conseil d’administration : a un impact positif et statistiquement non significatif

sur la rentabilité des actifs. Ce résultat corrobore les conclusions de certains auteurs qui

stipulent que le conseil de petite taille peut être facilement contrôlé et influencé par le

dirigeant, alors que le conseil de grande taille présente une variété d’expériences appartenant

aux différents administrateurs pouvant ainsi empêcher les managers à poursuivre leurs

propres intérêts, (Gary et Gleason, 1999). Ce résultat corrobore aussi les conclusions

d’Adams et Mehran (2003) qui révèlent que les banques ayant des conseils de grande taille

ont des performances plus élevées que les banques ayant des conseils de petite taille.

- Les administrateurs institutionnels : le pourcentage des administrateurs institutionnels a un

impact positif et significatif mais bien faible sur la rentabilité des actifs de ces banques. En

effet, les investisseurs institutionnels désignent leurs représentants au sein des conseils des

banques dans lesquelles ils investissent généralement des fonds bien importants. La faiblesse

de l’impact de l’existence de ces représentants dans la composition du conseil

d’administration sur la rentabilité des banques, peut être interprétée par le fait qu’ils

défendent les intérêts de leurs institutions d’origine.

- Les administrateurs étrangers : le pourcentage des administrateurs étrangers dévoile un

impact négatif et significatif sur la rentabilité des banques tunisiennes. Ceci ne peut être

expliqué que par le fait que ces individus peuvent ignorer les caractéristiques de la réalité

économique du pays hôte et peuvent avoir des difficultés à appliquer leurs concepts de

gouvernance sur les cas spécifiques des banques commerciales tunisiennes. En plus, ils

peuvent ne pas être bien impliqués dans le système bancaire tunisien pour bien saisir ses

forces et ses faiblesses.

- La dualité n’a aucun effet sur la performance des banques tunisiennes, ce résultat corrobore

les conclusions de Pi et Timme (1993) qui révèlent que dans le cas de la dualité de direction

de la banque, l’efficience et la rentabilité sont plus faibles. Comme il confirme celles de

Fogelberg et Griffith (2000) qui ne remarquent aucun impact de la dualité sur la

performance des banques.

20

Page 21: « Quel est l’impact de la propriété publique sur la

- La structure des fonds propres a une relation positive est mais non significative avec la

rentabilité économique des banques tunisiennes. Ce résultat corrobore celui de Berger

(1995) qui précise que les banques bien capitalisées sont considérées comme moins risquées

et peuvent par conséquent accéder aux fonds à de meilleures conditions. Comme il

corrobore les résultats de Demirguç.K, Huizinga 1999 ; Gadaneez 1998 et Bourke 1989.

Notre résultat corrobore aussi la thèse de Greenspan (1998) qui précise que le rôle fonds

propres consiste aussi à impliquer les actionnaires dans la couverture des pertes qu’engendre

la prise de risque de leurs banques. Par conséquent, les actionnaires, en investissant plus

dans leurs banques, exercent un contrôle plus efficace des décisions entreprises par les

managers. Il semble que les actionnaires des banques tunisiennes ne contrôle pas

suffisamment les banquiers, ce qui explique les coefficients très faibles des variables

mesurant l’impact des caractéristiques du conseil d’administration. Par conséquent, on peut

interpréter ce rôle limité du conseil d’administration à inciter les dirigeants à une meilleure

performance par le faite du manque de la pression des actionnaires, même avec un ratio de

fond propres élevé.

- La qualité des actifs : nous avons trouvé une relation négative et fortement significative

entre la qualité des actifs et la rentabilité économique des banques tunisiennes. Ce résultat

confirme les résultats des études effectuées par le FMI sur le secteur bancaire tunisiens ainsi

les conclusions de l’agence de notation Fitchrating, qui précisent que la rentabilité des

banques tunisiennes est fortement affectée par le volume importants des prêts non

performants.

- L’efficience : cette variable reflète la meilleure allocation des ressources de la banque dans

les opérations rentables, donc elle reflète l’organisation et la qualité de management au sein

de cet établissement. Nous avons trouvé une corrélation significativement positive avec la

rentabilité des actifs. Cette efficience peut être d’échelle ou des coûts. Ceci prouve que les

banques commerciales tunisiennes ont des revenus financiers plus importants que les

charges financières malgré les difficultés et le taux élevé des créances classées (20,9%,

selon le rapport du FMI de l’année 2006).

- La taille de la banque a une relation négative et significative avec la rentabilité des banques

tunisiennes. Ce résultat corrobore ceux de Mak et Ong (1999), Boyd et Runkle (1993) Pinteris

(2002) Adams et Mehran (2003), Godard (2001), Fernandez et Arrondo (2002) et Kwan (2003)

qui trouvent que la taille de la banque a un effet positif et significatif sur sa profitabilité

suggérant l’existence d’économies d’échelles. Ce résultat indique que les plus grandes banques

en termes de total actif sont les banques publiques à savoir la STB, la BNA et la BH. Et que les

21

Page 22: « Quel est l’impact de la propriété publique sur la

banques publiques sont reconnues à être moins performante. Ce qui explique le signe positif

relatif à la variable propriété privée.

- L’inflation : La relation entre cette variable et la rentabilité économique des banques

tunisiennes est positive et significative, mais bien faible. Ce résultat confirme la conclusion

de Demirguç-K et H.Huizinga (1999) qui précisent qu’une augmentation de l’inflation doit

avoir une répercussion positive sur la marge nette d’intérêts et donc sur la performance des

banques.

- La croissance économique (PIB) : Cette variable montre que la croissance du secteur réel de

l’économie tunisienne n’a pas un impact significativement positif sur la rentabilité des

banques tunisiennes. Ce résultat est surprenant, car si l’économie est performante, il y a plus

de demande de crédits que ceux soient pour l’investissement ou pour la consommation. Et

par la suite une amélioration de la performance des banques suite à cette demande élevée

doit paraître. Ce résultat ne peut être interprété qua par le fait que les banques tunisiennes

sont caractérisées par un volume important des créances classées. En fait, les pertes sur les

créances accordées lors de l’expansion peuvent compenser les gains de la demande élevée. 5. Conclusion Les résultats empiriques de notre analyse nous permettent d'éclairer les relations entre la mesure de

la rentabilité et une combinaison de déterminants aussi bien externes qu’internes.

L'utilisation du modèle à effets individuels fixes permet d'apprécier les conséquences d'une

modification de ces déterminants sur l'activité des banques.

Les constats essentiels dégagés de cette étude empirique montrent que l’implication de l’Etat en tant

qu’actionnaire semble être négativement corrélée avec la rentabilité des banques et soutiennent une

relation positive entre l’inflation et la rentabilité des banques sur la période de référence. Alors que

la croissance économique n’a aucun impact sur la rentabilité des banques tunisiennes.

Les banques tunisiennes ne répondent pas à l’augmentation des fonds propres, ceci n’est pas

conforme avec les attentes des autorités de réglementation en instaurant le ratio de couverture des

risques depuis 1992 et en le renforçant en 1999.

En revanche, la taille du conseil d’administration n’affecte pas la rentabilité des banques. Quant à la

présence des administrateurs représentant l’Etat et les administrations publiques est liée

négativement avec la rentabilité des banques. Par contre, la présence des administrateurs

institutionnels dans la composition du conseil d’administration, elle affecte positivement mais

faiblement la rentabilité des banques tunisiennes. Enfin, la présence des administrateurs étrangers

affecte négativement la rentabilité des banques tunisiennes, même si ces derniers sont eux-mêmes

des représentants des investisseurs institutionnels étrangers. Ceci peut être attribué à l’absence

d’une parfaite connaissance des spécificités de l’environnement économique de la Tunisie.

22

Page 23: « Quel est l’impact de la propriété publique sur la

Dans cette étude, et contrairement aux attentes, les résultats trouvés ont montré que le conseil

d’administration, en totalité, n’a pas un rôle dominant dans les banques commerciales tunisiennes.

Malgré la grande importance accordée à cet organe, il s’avère qu’il occupe une place limitée et il

présente plusieurs insuffisances par rapport à sa mission.

Signalons, en outre, que nos résultats présentent des limites dans la mesure où la taille de

l’échantillon est relativement restreinte par rapport aux études qui ont déjà examiné la relation entre

la rentabilité des banques et ses déterminants.

23

Page 24: « Quel est l’impact de la propriété publique sur la

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26

Page 27: « Quel est l’impact de la propriété publique sur la

ANNEXE Tableau 3 : Synthèse des hypothèses à tester, des variables de mesure et du signe attendu

Les variables Signification Mesures des variables Signe

attendu

ROA La rentabilité économique de la banque

C’est la variable dépendante qui représente la rentabilité économique (Return On Assets). Ce ratio est mesuré par le rapport du résultat net au total actif

TAICA La taille du conseil Cette variable indépendante représente « le nombre total des administrateurs »

+

ADINST Administrateurs institutionnels

Cette variable indépendante représente « le nombre des administrateurs institutionnels / Nombre total des administrateurs »

+

ADETR Administrateurs étrangers

Cette variable indépendante représente « le nombre des administrateurs étrangers / Nombre total des administrateurs »

+

ADPUB Représentants de l’Etat et des établissements publics

Cette variable indépendante représente « le nombre des administrateurs représentant l’Etat et les établissements publics / Nombre total des administrateurs »

-

CAP La structure des fonds propres

Cette variable indépendante représente « le taux des fonds propres y compris le résultat de l’exercice / Total Actif »

+

QA La qualité de l’actif

Cette variable indépendante représente « le taux des prêts / Total Actif »

-

EFFISC L’efficience bancaire

Cette variable indépendante est exprimée par « le taux des produits d’exploitation aux charges d’exploitation ».

+

PRPUB La propriété privée Cette variable indépendante prend la valeur de « 1 » si la banque est publique et la valeur « 0 » si elle est privée.

-

INF L’inflation

La variable indépendante qui représente l’inflation est le taux de croissance de l’indice à la consommation.

+

PIB La croissance économique

Cette variable indépendante est exprimée par le taux de croissance du PIB réel.

+

27

Page 28: « Quel est l’impact de la propriété publique sur la

Matrice de corrélation des variables explicatives | TAICA ADINST ADETR ADPUB DUAL PRPRIV QA EFFISC TAIBQ CAP INF PIB -------------+------------------------------------------------------------------------------------------------------------ TAICA | 1.0000 ADINST | -0.1617 1.0000 ADETR | -0.1917 0.3355 1.0000 ADPUB | 0.0153 0.2655 -0.3232 1.0000 DUAL | -0.5187 0.0646 -0.0051 -0.1778 1.0000 PRPRIV | -0.0451 0.1155 0.4683 -0.5765 0.0055 1.0000 QA | -0.0312 -0.0288 -0.0474 -0.1141 -0.0752 0.2080 1.0000 EFFISC | -0.1786 0.3532 0.6810 -0.3413 0.2229 0.4125 -0.0317 1.0000 TAIBQ | 0.3445 0.1288 -0.3573 0.5199 -0.2896 -0.6807 -0.0187 -0.4730 1.0000 CAP | -0.0152 0.5160 0.4912 -0.1853 0.0398 0.3035 -0.0932 0.5774 -0.0151 1.0000 INF | -0.0429 -0.1080 0.0759 0.0168 -0.2298 0.0000 0.1859 -0.2239 0.3340 0.0465 1.0000 PIB | -0.0142 0.0204 -0.0086 0.0145 0.1009 -0.0000 0.0827 0.1073 -0.0108 -0.0533 0.0167 1.0000

28