03.2012 - article dans le manipulateur

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1 Le Manipulateur n°208 dossier Téléradiologie < Un projet régional mené en coopération avec tous les acteurs impliqués La plateforme TLor est l’aboutissement d’une coopération continue et fructueuse entre informaticiens et acteurs du système de santé, depuis la production du cahier des charges (2007-2008), la mise en place de l’infrastructure (mi-2009), la validation des procédures, la formation des intervenants, jusqu’à la mise en service en avril 2010. Cette solution de téléradiologie a permis de mutualiser les praticiens exerçant sur plusieurs sites à Freyming-Merlebach et Saint-Avold. Les radiologues d’astreinte assurent un télé- diagnostic à l’aide d’un terminal dédié connectable au réseau depuis leur lieu de séjour. Les acteurs impliqués sont le mé- decin urgentiste ou le neurologue, le manipulateur en élec- troradiologie (MER) présent auprès du patient à l’hôpital, ainsi que le téléradiologue qui interprète les images et envoie son diagnostic selon un processus sécurisé. < La solution utilisée repose sur les bonnes pratiques Le consentement du patient pour la mise en œuvre d’une pro- cédure de téléradiologie est recueilli par le médecin pres- cripteur. Celui-ci, généralement un médecin urgentiste, après avoir eu un contact téléphonique avec le radiologue d’as- treinte, accède à la plateforme TLor et remplit une demande d’examen en renseignant différents champs : identité, date de naissance, antécédents et contexte clinique du patient, etc. Le téléradiologue est prévenu par SMS et mail de l’arrivée de cette demande. Il la valide, rédige sur le même support le pro- tocole souhaité et envoie le formulaire au MER présent sur site qui réalise alors l’examen. En cas d’injection d’iode, l’acte se fait en présence du prescripteur qui assure la couverture médicale. Une fois l’examen réalisé et après avoir vérifié la concor- dance des identifiants, le MER associe les images à la de- mande d’examen et met le dossier en ligne sur le serveur de la plateforme TLor. Prévenu par SMS et mail, le téléradio- logue, au vu du dossier, a la possibilité de demander via le serveur une série complémentaire d’examens. Il réalise en- suite son interprétation, écrit le compte rendu et par SMS si- gnifie au prescripteur que le résultat est accessible en ligne. La solution mise en œuvre respecte les normes de qualité édictées par le G4. Elle a permis de maintenir le recours à l’ex- pertise radiologique - malgré la pénurie de radiologues - pour une prise en charge de qualité des patients dans le ca- dre de la permanence des soins. La délivrance de l’avis ra- diologique H24/365 constitue en effet une importante aide à la décision : dans la prise en charge des patients arrivant en service d’urgence ou dans la gestion de patients hospitalisés présentant une dégradation d’état clinique. La sécurisation des patients pendant l’examen a été mise en place suite à une information en Commission médicale d’établissement qui a validé la procédure de téléradiologie et adopté la charte de bonne pratique. En Lorraine, une application de téléradiologie est intégrée dans l’offre de soins depuis 2010 Damien Clerc Cadre-manipulateur Hôpital de Freyming-Merlebach Dr Élisabeth Parizel Radiologue chef de service Hôpital de Freyming-Merlebach Pour faire face à la pénurie croissante de radiologues, le GCS Télésanté Lorraine a mis en place dans l’ancien bassin minier de la Moselle-est (secteur Freyming-Merlebach-Saint-Avold) une application de téléradiologie (basée sur la plateforme TLor-Télésanté- Lorraine) qui permet de mutualiser les actes entre radiologues d’astreinte. En fonctionnement depuis 2010, cette application, avec 3 000 actes de téléradiologie réalisés en deux ans, est devenue incontournable dans l’offre de soins de la région.

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Page 1: 03.2012 - article dans Le Manipulateur

1 Le Manipulateur n°208

dossier Téléradiologie

< Un projet régional mené en coopérationavec tous les acteurs impliqués

La plateforme TLor est l’aboutissement d’une coopérationcontinue et fructueuse entre informaticiens et acteurs dusystème de santé, depuis la production du cahier des charges(2007-2008), la mise en place de l’infrastructure (mi-2009), lavalidation des procédures, la formation des intervenants,jusqu’à la mise en service en avril 2010.Cette solution de téléradiologie a permis de mutualiser lespraticiens exerçant sur plusieurs sites à Freyming-Merlebachet Saint-Avold. Les radiologues d’astreinte assurent un télé-diagnostic à l’aide d’un terminal dédié connectable au réseaudepuis leur lieu de séjour. Les acteurs impliqués sont le mé-decin urgentiste ou le neurologue, le manipulateur en élec-troradiologie (MER) présent auprès du patient à l’hôpital,ainsi que le téléradiologue qui interprète les images et envoieson diagnostic selon un processus sécurisé.

< La solution utilisée reposesur les bonnes pratiques

Le consentement du patient pour la mise en œuvre d’une pro-cédure de téléradiologie est recueilli par le médecin pres-cripteur. Celui-ci, généralement un médecin urgentiste, aprèsavoir eu un contact téléphonique avec le radiologue d’as-treinte, accède à la plateforme TLor et remplit une demanded’examen en renseignant différents champs: identité, date de

naissance, antécédents et contexte clinique du patient, etc. Letéléradiologue est prévenu par SMS et mail de l’arrivée decette demande. Il la valide, rédige sur le même support le pro-tocole souhaité et envoie le formulaire au MER présent sursite qui réalise alors l’examen. En cas d’injection d’iode, l’actese fait en présence du prescripteur qui assure la couverturemédicale.Une fois l’examen réalisé et après avoir vérifié la concor-dance des identifiants, le MER associe les images à la de-mande d’examen et met le dossier en ligne sur le serveur dela plateforme TLor. Prévenu par SMS et mail, le téléradio-logue, au vu du dossier, a la possibilité de demander via leserveur une série complémentaire d’examens. Il réalise en-suite son interprétation, écrit le compte rendu et par SMS si-gnifie au prescripteur que le résultat est accessible en ligne.

La solution mise en œuvre respecte les normes de qualitéédictées par le G4. Elle a permis de maintenir le recours à l’ex-pertise radiologique - malgré la pénurie de radiologues -pour une prise en charge de qualité des patients dans le ca-dre de la permanence des soins. La délivrance de l’avis ra-diologique H24/365 constitue en effet une importante aide àla décision: dans la prise en charge des patients arrivant enservice d’urgence ou dans la gestion de patients hospitalisésprésentant une dégradation d’état clinique. La sécurisationdes patients pendant l’examen a été mise en place suite à uneinformation en Commission médicale d’établissement qui avalidé la procédure de téléradiologie et adopté la charte debonne pratique.

En Lorraine, une application de téléradiologieest intégrée dans l’offre de soins depuis 2010

Damien ClercCadre-manipulateurHôpital deFreyming-Merlebach

Dr Élisabeth ParizelRadiologuechef de serviceHôpital deFreyming-Merlebach

Pour faire face à la pénurie croissante de radiologues,le GCS Télésanté Lorraine a mis en placedans l’ancien bassin minier de la Moselle-est(secteur Freyming-Merlebach-Saint-Avold) une applicationde téléradiologie (basée sur la plateforme TLor-Télésanté-Lorraine) qui permet de mutualiser les actes entreradiologues d’astreinte.En fonctionnement depuis 2010, cette application,avec 3000 actes de téléradiologie réalisés en deux ans,est devenue incontournable dans l’offre de soinsde la région.

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2Le Manipulateur n°208

Une équipe d’informaticiens d’astreinte 24 heures sur 24 duGCS Télésanté Lorraine assure la permanence du bon fonc-tionnement de la plateforme: dépannages et en cas de be-soin, mise en œuvre de solutions de repli.

< L’avis du radiologue, Élisabeth Parizel

En deux ans, l’application a permis la réalisation de plus de3000 actes de téléradiologie. Non seulement TLor répondpleinement à ses objectifs initiaux, mais l’application a éga-lement changé la vie des médecins d’astreinte. Elle leur évited’avoir à se déplacer en cas d’urgence (sur un examen qui nedemande que vingt minutes en moyenne, le gain de temps liéau déplacement peut être de quarante minutes). La plate-forme leur donne aussi une certaine liberté d’itinérance, dumoment qu’ils restent joignables et peuvent se connecter auréseau.Dans cette nouvelle organisation de soins, il convient de sou-ligner la place fondamentale du MER. Il est, par sa présencesur le site hospitalier, l’interface entre le médecin prescripteur,le malade et le radiologue. Il doit pouvoir travailler en touteconfiance et sécurité dans ce dispositif où la traçabilité desactes et la sécurisation du patient sont impératives. Un MERréférent pour TLor a été nommé dans chaque établissementparticipant à l’application. Il est chargé de faciliter la prise encharge de ce nouvel outil par le personnel.

Compléments indispensables de l’application pour favoriserle contact, le téléphone et bientôt le visiophone permettentd’assurer une véritable téléprésence à l’hôpital du radiologued’astreinte.

< L’avis du manipulateur, Damien Clerc

Lors du lancement de ce projet de plateforme TLor dans no-tre établissement, il m’a semblé évident que les manipula-

teurs y avaient toute leur place. C’est en participant active-ment au développement de nouveaux outils que nous pou-vons nous assurer qu’ils répondent au mieux à nos attentes.J’ai intégré le projet dès la phase déploiement en tant que ré-férent TLor du site de Freyming. L’équipe de GCS TélésantéLorraine s’est montrée ouverte et réactive aux remarques etcorrections demandées.L’utilisation de cet outil est aujourd’hui devenue routinière.Ses caractéristiques fonctionnelles permettent même d’envi-sager son utilisation pour d’autres applications. Ainsi, nous letestons actuellement pour assurer le remplacement ponc-tuel d’un de nos deux radiologues en activité programmée dejour (vacation de scanner en matinée et d’IRM l’après-midi).Le manipulateur a également la possibilité d’envoyer les an-ciens examens du patient provenant du PACS ou d’un CD. Eten cas d’urgence, il peut donner la priorité à un examen, auniveau de la file d’attente du serveur. Un journal d’action, ta-bleau de bord du système, permet de vérifier que tous lesdossiers en attente sont complets et de s’assurer que lesexamens ont été interprétés.Maintenant que cet outil est intégré dans l’offre de soins, j’as-sure la formation de nouveaux utilisateurs : prescripteurs,manipulateurs ou secrétaires (qui intègrent les comptes ren-dus issus de la plateforme TLor dans notre PACS).

Je ressors satisfait de cette expérience : elle enrichit le travaildes manipulateurs en leur confiant plus de responsabilités.Elle fournit une solution efficace à la pénurie de radiologues,tout en garantissant la qualité et la sécurité des actes.

< Que s’est-il passé en mars 2012 ? Le colloque Télésanté 2012…

Télésanté 2012 : Quelle approche collaborative en télésanté?Le monde entier connecté le 29 mars 2012!Pour tout savoir : http://www.journee-telesante.com

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“ Cette expérience enrichit le travaildes manipulateurs en leur confiant plusde responsabilités. C’est une solutionefficace, tout en garantissant la qualitéet la sécurité des actes ”

dossier Téléradiologie

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3 Le Manipulateur n°208

dossier Téléradiologie

En premier lieu, il est nécessaire que l’ARS (Agence régionalede santé) soit l’élément moteur dans la prise de la décisiond’engager un projet de cette nature et de l’inscrire dans sonPRS (Programme régional de santé) pour obtenir l’assenti-ment de tous. Ce n’est pas fini, car il y a tous les acteurs quesont les professionnels de santé qui reçoivent les patients. Eneffet, il ne faut pas oublier qu’un projet de téléradiologie a plu-sieurs vocations, la première est d’assurer l’équité des soinsà tous les patients face à la pénurie future de radiologues.Donc, il faut assurer pour le patient un service rendu de qua-lité et sécurisé dans le respect des règles d’éthique et dedéontologie.

Cette chaîne passe par plusieurs maillons: les radiologues quiréalisent les actes intellectuels, mais aussi les urgentistes, lescadres de santé et, surtout, les manipulateurs.< Les radiologues ont des comportements divers. Certains neveulent pas que l’on touche à leur pré carré. C’est une in-sulte pour eux que de vouloir demander une coopération.C’est remettre en cause leurs compétences. Et à l’autrebout, vous avez les leaders, ceux qui ont véritablement ré-fléchi aux enjeux et qui sont prêts à s’investir. Ils ont un côté“innovateur”. Entre les deux, vous avez les suiveurs quiveulent bien, mais ne savent pas comment.

< Les urgentistes sont totalement partants, car ils saventqu’il est parfois difficile d’obtenir une interprétation, surtoutdurant la PDS (Permanence des soins). Toutefois, ils sou-haitent qu’un relationnel puisse s’établir avec les radio-logues pour créer un climat de confiance. Il ne faut pas ou-

blier qu’ils sont souvent seuls à prendre des décisions dansl’urgence. Aussi, avant de lancer un projet de téléradiologie,il est indispensable que tous les professionnels de santé serencontrent pour mettre un visage sur une voix.

< Le cadre de santé est celui qui doit assurer la cohésion en-tre tous les intervenants, il doit “mettre de l’huile dans lesrouages”.

< Les manipulateurs sont des acteurs pivots d’un tel projet.En dehors de la prise en charge du patient et de la réalisa-tion de l’examen, ce sont eux qui assurent le bon fonction-nement de l’outil de téléradiologie en relation avec le ra-diologue. Dans un premier temps, il leur faut décrire tout lecontexte clinique afin que le radiologue prenne la décisionde l’examen. Ensuite, tous les flux d’images sont à leurcharge. Et si l’outil a une défaillance, ils doivent mettre enœuvre une solution de contournement. Sans cette compo-sante, un projet de téléradiologie ne pourra pas réussir.

À cela, il faut se rapprocher des institutions savantes (le G4régional, le Conseil de l’Ordre…) qui jouent un rôle essentieldans l’avancée du projet et qui aident à bâtir les protocoles,les processus et la chaîne de prescription.

Et puis, il y a toutes les institutions nationales qui participentet qui facilitent tous les projets de télémédecine: la DGOS (Di-rection générale de l’offre de soins) pour tous les aspects ré-glementaires et juridiques, l’ASIP Santé (Agence des sys-tèmes d’information partagés de santé) pour les référentielset l’aide à la conduite de projet.

Déploiement d’une solution de téléradiologieComment construire un tel projet?

Christian BadinierDirecteur GCS (Groupement de coopération sanitaire) Télésanté Lorraine

Pour déployer un projet de téléradiologie, il suffit de mettreen place une solution technique et tout va bien!Erreur, la technique, même si elle représente unecomposante importante du projet, n’en est que la partieémergée de l’iceberg. En aucun cas, vous ne pouvez décréterun projet de téléradiologie sans parler de projet médicalqui doit être bâti avec tous les protagonistes.

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4Le Manipulateur n°208

dossier Téléradiologie

Un projet de téléradiologie doit être financé. Pour le cas pré-cis du projet lorrain, le conseil régional de Lorraine en a étéle premier financeur au même titre que l’ARH puis l’ARS.Il a obtenu des subventions européennes : FEDER (Fonds eu-ropéen de développement régional). Puis, dans le cadre duprojet de PDS radiologique régional, l’ASIP Santé a apportéune contribution à la suite d’un appel à projet.

Dans le cadre de notre projet de permanence des soins ra-diologique, nous passerons par une phase expérimentale surle territoire vosgien en lançant tout un programme d’actionscomme la gestion de projet, la conduite du changement,l’étude médico-économique, l’assistance juridique et ceciavec l’appui d’assistance à la maîtrise d’ouvrage.

La première démarche va être de construire un langage com-mun en utilisant des termes précis et concrets. Puis, nous al-lons bâtir une dynamique de communauté pour alimenterune motivation de groupe, apporter une réponse aux inter-rogations et gagner la confiance de tous. Nous prendrons encompte la spécificité des besoins et, en particulier, celles desurgentistes. Nous allons définir les modes opératoires selonles situations cliniques et mettre en place un certain nombred’indicateurs de mesure de performance pertinents.

Pour ce projet de PDS radiologique lorrain, tout cela se feraenfin autour d’un groupe action qui est constitué de toutes lescomposantes de la chaîne médicale, administrative, finan-cière, juridique et technique.

Pour le lancement d’une astreinte radiologique dématériali-sée, tout débute par une réunion de lancement qui a pour butd’informer et de faire de la pédagogie auprès des acteurs duprojet. C’est l’occasion de définir le protocole métier précis quisera mis en place.C’est ensuite au tour de la partie technique d’être réalisée,avec notamment l’installation d’une passerelle, la connexiondes modalités d’imagerie et le déploiement sur poste, le toutdans le respect des politiques de sécurité et d’exploitation dela DSI (Direction du système d’information) de l’établissementet avec l’aide du référent imagerie. Après quoi, l’équipe mé-dicale complète est formée, appuyée des manipulateurs qui

sont un excellent relais sur le terrain. Radiologues et urgen-tistes pratiquent alors une phase d’utilisation pilote, pourroder le protocole, l’ajuster au besoin, et pour repérer les der-niers problèmes techniques. Un suivi et un accompagne-ment rapprochés sont alors réalisés.Dès que l’ensemble est bien réglé, le feu vert au lancementréel est donné, le tout renforcé par des procédures dégradéeset une astreinte technique H24.La démarche se conclut avec une réunion de vérificationaprès quelques semaines d’activité pour obtenir les retoursterrains organisationnels et techniques, et améliorer le serviceTélésanté afin qu’il soit adapté aux besoins.

Mise en place d’un projet de téléradiologieQue se passe-t-il côté technique?

La mise en place de la téléradiologie au niveau du serviced’imagerie d’un établissement est une démarche qui doit être menéeavec soin. Elle nécessite l’approbation et la collaboration de tousles professionnels de santé.

Arnaud VezainChef de projet T-LOR

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