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N° 4308 ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 QUATORZIÈME LÉGISLATURE N° 729 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013 EnregistrĂ© Ă  la PrĂ©sidence de l’AssemblĂ©e nationale le 1 er juillet 2021 EnregistrĂ© Ă  la PrĂ©sidence du SĂ©nat le 1 er juillet 2021 RAPPORT PUBLIC FAIT AU NOM DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE AU RENSEIGNEMENT relatif Ă  l’activitĂ© de la dĂ©lĂ©gation parlementaire au renseignement pour l’annĂ©e 2020-2021, PAR Mme FRANÇOISE DUMAS, DĂ©putĂ©e, PrĂ©sidente de la dĂ©lĂ©gation —— PAR M. FRANÇOIS-NOËL BUFFET, SĂ©nateur, Premier vice-prĂ©sident de la dĂ©lĂ©gation ——

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N° 4308 ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 QUATORZIÈME LÉGISLATURE

N° 729 SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

EnregistrĂ© Ă  la PrĂ©sidence de l’AssemblĂ©e nationale le 1er juillet 2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 1er juillet 2021

RAPPORT PUBLIC

FAIT

AU NOM DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE AU RENSEIGNEMENT

relatif Ă  l’activitĂ© de la dĂ©lĂ©gation parlementaire au renseignement pour l’annĂ©e 2020-2021,

PAR Mme FRANÇOISE DUMAS,

Députée,

PrĂ©sidente de la dĂ©lĂ©gation ——

PAR M. FRANÇOIS-NOËL BUFFET,

SĂ©nateur,

Premier vice-prĂ©sident de la dĂ©lĂ©gation ——

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SOMMAIRE

___

Pages

CHAPITRE IER BILAN D’ACTIVITÉ DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE AU RENSEIGNEMENT DE JUIN 2020 À JUIN 2021 .................................................................................................................................... 11

I. UNE COMPOSITION PARTIELLEMENT RENOUVELÉE ..................................... 11

II. LA PERMANENCE DU CONTRÔLE PARLEMENTAIRE DU RENSEIGNEMENT, MALGRÉ LA CRISE SANITAIRE ........................................ 13

A. LES THÈMES DE TRAVAIL DE L’ANNÉE ÉCOULÉE ...................................... 14

B. LES DOCUMENTS TRANSMIS À LA DÉLÉGATION ....................................... 15

C. LES PERSONNALITÉS AUDITIONNÉES ........................................................... 16

III. LE RENFORCEMENT DES PRÉROGATIVES DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE AU RENSEIGNEMENT ............................................................ 17

IV. LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS 2019-2020 DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE AU RENSEIGNEMENT ............................................................ 21

A. SUR LE BILAN DES LOIS DE 2015 ..................................................................... 21

B. SUR LE RENSEIGNEMENT PÉNITENTIAIRE ................................................... 23

C. SUR LA MAÎTRISE DES RISQUES ..................................................................... 24

D. SUR LE RENSEIGNEMENT SPATIAL ................................................................ 26

E. SUR LA CYBERDÉFENSE .................................................................................... 27

F. RECOMMANDATIONS GENERALES DE LA COMMISSION DE VERIFICATION DES FONDS SPECIAUX .......................................................... 28

CHAPITRE 2 LES ENJEUX D’ACTUALITÉ LIÉS À LA POLITIQUE PUBLIQUE DU RENSEIGNEMENT ...................................................................... 29

I. ACTIVITES ET RESSOURCES DES SERVICES DE RENSEIGNEMENT ......... 29

A. LES FAITS MARQUANTS DE L’ACTIVITÉ DES SERVICES DE RENSEIGNEMENT EN 2019 ................................................................................ 29

B. LES RESSOURCES ALLOUÉES AU RENSEIGNEMENT ONT POURSUIVI LEUR PROGRESSION ................................................................... 30

1. Les ressources budgétaires ...................................................................................... 30

2. Les ressources humaines ......................................................................................... 31

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C. LES COOPÉRATIONS ........................................................................................... 31

1. Les coopérations opérationnelles thématiques........................................................ 31

2. Les coopérations techniques ................................................................................... 32

II. LA PERSISTANCE D’UNE MENACE TERRORISTE À UN NIVEAU ÉLEVÉ .. 33

A. DEPUIS 2015 : UNE MENACE TERRORISTE QUI A CHANGÉ DE NATURE MAIS QUI NE FAIBLIT PAS ................................................................ 33

1. D’une menace projetĂ©e Ă  une menace endogĂšne .................................................... 33

2. Les attentats commis depuis 2020 confirment l’évolution de la menace ............... 35

B. LES ENSEIGNEMENTS TIRÉS DES ATTENTATS RÉCENTS ...................... 36

1. Renforcer les échanges avec le monde psychiatrique et les préfets dans le cadre de la lutte contre la radicalisation ........................................................................... 36

2. Répondre aux signalements effectués sur les réseaux sociaux ............................... 37

C. DE NOUVEAUX DISPOSITIFS JURIDIQUES DE LUTTE CONTRE L’ISLAM POLITIQUE : LES FERMETURES DES LIEUX DE CULTE ET L’EXTENSION À LEURS DÉPENDANCES ........................................................ 38

D. DES MOTIFS DE PRÉOCCUPATION PERSISTANTS .................................... 39

1. Le suivi en détention et à la sortie de prison ........................................................... 39

2. La possible reconstitution d’une menace projetĂ©e .................................................. 41

III. L’EXTENSION DES FICHIERS DE POLICE ET DE GENDARMERIE PAR TROIS DÉCRETS DU 2 DÉCEMBRE 2020 ............................................................. 43

A. LES PRINCIPALES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LES DÉCRETS ................................................................................................................ 45

B. LES GARANTIES PRÉVUES PAR LES TEXTES .............................................. 45

C. UNE EXTENSION QUI FAIT L’OBJET D’UN RECOURS DEVANT LE CONSEIL D’ÉTAT ................................................................................................... 45

IV. LA REFONTE DU PLAN NATIONAL D’ORIENTATION DU RENSEIGNEMENT (PNOR) ....................................................................................... 47

A. LA VOCATION DU PNOR EN TANT QU’OUTIL DE PILOTAGE .................... 47

B. LES PRINCIPALES MENACES IDENTIFIÉES PAR LE PNOR ....................... 48

1. Les menaces terroristes ........................................................................................... 48

2. L’anticipation des crises et risques de ruptures majeures ....................................... 48

3. La défense et la promotion de notre économie : ..................................................... 48

4. Les menaces transversales ...................................................................................... 48

5. ***** ...................................................................................................................... 49

C. LES FICHES D’ORIENTATION STRATÉGIQUE ............................................... 49

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V. L’IMPACT DE LA JURISPRUDENCE EUROPÉENNE SUR L’ACTIVITÉ DES SERVICES DE RENSEIGNEMENT ET LE PROJET DE LOI RELATIF À LA PRÉVENTION D’ACTES DE TERRORISME ET AU RENSEIGNEMENT ...................................................................................................... 51

A. UNE JURISPRUDENCE DE LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME FONDÉE SUR LE RESPECT DE LA VIE PRIVÉE ........................ 51

B. UN CONTRÔLE DE LA CJUE LIÉ AUX OBLIGATIONS REPOSANT SUR LA CONSERVATION DES DONNÉES PERSONNELLES .............................. 52

1. La directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractÚre personnel et la protection de la vie privée, dite ePrivacy ......................................................................................... 53

2. Le contrĂŽle exercĂ© par la CJUE sur le respect de cette directive et l’arrĂȘt Tele2 ... 54

C. UN CADRE NATIONAL CONFORTÉ PAR LA JURISPRUDENCE DU CONSEIL D’ÉTAT ET LES ÉVOLUTIONS APPORTÉES PAR LE PROJET DE LOI RELATIF À LA PRÉVENTION D’ACTES DE TERRORISME ET AU RENSEIGNEMENT, MAIS LA PERMANENCE D’ENJEUX COMPLEXES. .......................................................................................................... 56

1. Les garanties apportĂ©es par le projet de loi relatif Ă  la prĂ©vention d’actes de terrorisme et au renseignement .............................................................................. 56

2. La nĂ©cessitĂ© d’anticiper sur les exigences posĂ©es par le droit europĂ©en ................. 57

a. Une action sur le droit de l’Union europĂ©enne ...................................................... 57

b. La question des Ă©changes d’informations avec les services Ă©trangers. ................... 57

CHAPITRE III LA CONTINUITÉ DES MISSIONS DE RENSEIGNEMENT PENDANT LA CRISE SANITAIRE ................................ 59

I. LE RISQUE PANDÉMIQUE EST CLAIREMENT IDENTIFIÉ, MAIS INSUFFISAMMENT SUIVI PAR LES SERVICES DE RENSEIGNEMENT ....... 59

A. UN RISQUE PRIS EN COMPTE PAR LA REVUE STRATÉGIQUE DE DÉFENSE ET DE SÉCURITÉ NATIONALE DE 2017 ...................................... 59

B. POURTANT, LES SERVICES DE RENSEIGNEMENT N’AVAIENT, JUSQU’ALORS, DÉVELOPPÉ AUCUNE CAPACITÉ D’ANTICIPATION ..... 60

II. MALGRÉ LE CONFINEMENT, LES SERVICES ONT ASSURÉ LA CONTINUITÉ DE LEURS MISSIONS ESSENTIELLES ........................................ 61

A. LORSQUE LA CRISE SANITAIRE S’EST DÉCLARÉE, TOUS LES SERVICES DE RENSEIGNEMENT NE DISPOSAIENT PAS D’UN PLAN DE CONTINUITÉ D’ACTIVITÉ ADAPTE ............................................................ 61

1. Un document indispensable pour surmonter une crise nouvelle et soudaine ......... 61

2. Les plans de continuitĂ© d’activitĂ© des services ont rapidement Ă©voluĂ© pour prendre en compte la situation sanitaire ................................................................. 61

B. UNE ACTIVITÉ RÉDUITE ET RECENTRÉE SUR LES MISSIONS PRIORITAIRES ....................................................................................................... 62

1. L’organisation interne des services ......................................................................... 62

2. Une activité concentrée sur les missions jugées essentielles .................................. 62

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3. La coopération internationale a été sensiblement ralentie par la crise, au contraire de la coopération interservices ............................................................................... 62

4. Un recours au télétravail trÚs restreint .................................................................... 63

C. DES CONSÉQUENCES SUR LE RECRUTEMENT LIMITÉES ...................... 64

III. PENDANT LA CRISE SANITAIRE, LES MENACES PESANT SUR LA FRANCE ET SES INTÉRÊTS N’ONT PAS FLÉCHI .............................................. 65

A. LA CRISE N’A PAS EU DE CONSÉQUENCE SUR L’ÉVOLUTION DE LA MENACE TERRORISTE, TOUJOURS AUSSI PRÉGNANTE ........................ 65

B. LES TENTATIVES D’INGÉRENCE N’ONT PAS CONNU DE RÉELLE ÉVOLUTION, MAIS LES RISQUES SE SONT ACCENTUÉS ........................ 65

C. LES TRAFICS ET LES FRAUDES N’ONT PAS BAISSÉ NON PLUS ............ 65

D. DES DIFFICULTÉS SE SONT FAIT JOUR AU SEIN DE CERTAINS ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES .............................................................. 66

CHAPITRE IV LE RENSEIGNEMENT TERRITORIAL, MAILLON CLÉ DE LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE ............................................................................ 67

I. LE RENSEIGNEMENT DE PROXIMITÉ EN PREMIÈRE LIGNE FACE AUX NOUVEAUX RISQUES D’ATTEINTE À L’ORDRE PUBLIC ET À LA PRÉVENTION DU TERRORISME ............................................................................. 67

A. LA MULTIPLICATION DES PHÉNOMÈNES CONTESTATAIRES ................. 67

1. Des contestations plus nombreuses et plus radicales
 .......................................... 67

2. 
 qui concernent l’ensemble du territoire
 ......................................................... 68

3. 
amplifiées par les réseaux sociaux ... .................................................................. 69

4. 
et qui s’accompagnent d’une recrudescence des violences ................................ 69

B. LES MOUVEMENTS SÉPARATISTES LIÉS AUX DÉRIVES RELIGIEUSES ......................................................................................................... 71

C. LA MENACE TERRORISTE ENDOGÈNE .......................................................... 72

II. LONGTEMPS CONSIDÉRÉ COMME LE PARENT PAUVRE DU RENSEIGNEMENT INTÉRIEUR, LE RENSEIGNEMENT TERRITORIAL RESTE EN CONSTRUCTION .................................................................................... 75

A. LES RÉFORMES DE 2008 ET 2014 ET L’AFFIRMATION PROGRESSIVE DU RENSEIGNEMENT TERRITORIAL .............................................................. 75

B. LE SCRT, UN SERVICE « BAROQUE » ............................................................. 77

C. UNE MONTÉE EN PUISSANCE RAPIDE DEPUIS 2014, ET QUI N’EST PAS ENCORE ACHEVÉE ..................................................................................... 78

1. Le renforcement des effectifs .................................................................................. 78

2. Le renforcement des moyens budgétaires ............................................................... 81

3. Le renforcement de la filiÚre « recherche et appui » .............................................. 81

D. DES FRAGILITÉS PERSISTANTES .................................................................... 81

1. La difficulté à prioriser les missions ....................................................................... 81

2. L’absence d’autonomie ........................................................................................... 83

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3. Des freins techniques .............................................................................................. 84

4. Des prérogatives juridiques encore limitées ........................................................... 86

a. Un accÚs aux techniques de renseignement limité à certaines finalités .................. 86

b. Un accÚs restreint aux fichiers de souveraineté ..................................................... 86

c. Le cloisonnement avec les informations de nature judiciaire ................................ 87

III. PLUTÔT QU’UNE NOUVELLE REFORME, LE RENSEIGNEMENT TERRITORIAL A SURTOUT BESOIN DE MOYENS OPÉRATIONNELS PLUS ADAPTÉS À L’EXERCICE DE SES MISSIONS ......................................... 87

1. CrĂ©er au sein du ministĂšre de l’intĂ©rieur une direction gĂ©nĂ©rale rĂ©unissant le SCRT, la SDAO et la DRPP. ................................................................................. 88

2. Doter le renseignement territorial de budgets opérationnels de programme « BOP » dédiés. ...................................................................................................... 88

3. Confier au renseignement territorial le chef de filùt sur la prévention et le suivi des subversions violentes. ...................................................................................... 88

4. Promouvoir la mobilité des agents. ......................................................................... 89

5. Renforcer les compétences du renseignement territorial par un recrutement plus diversifié et des formations adaptées aux besoins des missions de renseignement. ....................................................................................................... 89

6. Faire du dialogue avec les Ă©lus des territoires un critĂšre d’évaluation des cadres du renseignement territorial. .................................................................................. 90

7. Doter le SCRT d’un rĂ©seau classifiĂ© sĂ©curisĂ© ......................................................... 90

8. Prévoir un plan pluriannuel de modernisation des matériels .................................. 90

9. Donner à la filiÚre « recherche et appui » du SCRT les moyens humains et matériels de sa montée en puissance ...................................................................... 91

10. Autoriser l’accĂšs du renseignement territorial aux techniques de renseignement pour la finalitĂ© 5c « subversions violentes » .......................................................... 91

11. Autoriser l’accĂšs du renseignement territorial aux informations judiciarisĂ©es ..... 92

12. Envisager la crĂ©ation d’un fichier commun dĂ©diĂ© renseignement territorial (SCRT, SDAO et DRPP) ....................................................................................... 92

CHAPITRE V RAPPORT GÉNÉRAL DE LA CVFS ........................................ 93

I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DES FONDS SPÉCIAUX EN 2019 ..................... 95

A. ***** ............................................................................................................................. 95

B. ***** ............................................................................................................................. 95

II. OBSERVATIONS COMMUNES À L’ENSEMBLE DES SERVICES ................... 97

A. LE PÉRIMÈTRE D’EMPLOI DES FONDS SPÉCIAUX ..................................... 97

1. Des marges de manƓuvre qui persistent pour la normalisation de certaines dĂ©penses ................................................................................................................. 97

a. La bascule progressive de certaines dépenses en fonds normaux .......................... 97

b. ***** .................................................................................................................. 98

c. Étudier les possibilitĂ©s d’anonymisation dans l’application Chorus ...................... 98

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2. ***** ...................................................................................................................... 98

B. LE NECESSAIRE RENFORCEMENT DU CONTRÔLE INTERNE ................. 98

C. L’ACCÈS DE LA CVFS À UNE INFORMATION FIABLE ET EXHAUSTIVE .................................................................................................................................... 99

D. LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS ................................................................ 99

III. RECOMMANDATIONS GENERALES 2019 EMISES PAR LA CVFS .............. 103

RECOMMANDATIONS DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE AU RENSEIGNEMENT AU TITRE DE SON RAPPORT ANNUEL D’ACTIVITÉ 2020-2021 .............................................................................................. 105

EXAMEN PAR LA DÉLÉGATION .......................................................................... 109

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AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

L’annĂ©e Ă©coulĂ©e a une nouvelle fois montrĂ© combien les enjeux liĂ©s au renseignement prennent une place de plus en plus importante, non seulement pour notre sĂ©curitĂ© et la dĂ©fense de notre souverainetĂ© mais aussi dans le fonctionnement de nos sociĂ©tĂ©s dĂ©mocratiques.

Loin de faiblir, les menaces, omniprĂ©sentes, prennent des formes de plus en plus variĂ©es, s’affranchissent des frontiĂšres et se nourrissent du progrĂšs technologique. Espionnage, cyberattaques, terrorisme, sĂ©paratisme, contestations violentes : les dangers des temps modernes appellent Ă  de l’anticipation et Ă  des rĂ©ponses rapides, efficaces et proportionnĂ©es qui, dans un État de droit, se doivent d’ĂȘtre nĂ©cessairement respectueuses des principes dĂ©mocratiques.

L’onde de choc de la pandĂ©mie de la Covid-19 a Ă©galement impactĂ© la communautĂ© du renseignement qui a dĂ» s’organiser pour assurer la continuitĂ© de ses missions. Mais cette annĂ©e singuliĂšre ne fut en aucun cas une annĂ©e blanche pour le contrĂŽle parlementaire de la politique publique du renseignement.

Au cours des douze derniers mois, la DĂ©lĂ©gation parlementaire au renseignement a en effet connu une activitĂ© soutenue dans un contexte marquĂ© par de nouveaux attentats meurtriers et le traumatisme de l’assassinat de Samuel Paty, la rĂ©surgence d’actions violentes sur la voie publique, la multiplication d’attaques cyber contre des systĂšmes informatiques stratĂ©giques ou encore des rĂ©vĂ©lations d’espionnage d’État.

Cette année fut également marquée par la révision du cadre légal du renseignement. Six ans aprÚs la loi fondatrice du 24 juillet 2015, la révision de la loi renseignement est une réponse à une tripe évolution :

D’abord, l’évolution de la menace terroriste, de plus en plus endogĂšne, qui appelle Ă  dĂ©tecter le mieux possible ces signaux faibles qui alertent d’un possible passage Ă  l’acte ; le suivi du « bas du spectre » est un dĂ©fi lancĂ© au renseignement territorial, de plus en plus souvent en premiĂšre ligne.

Il y a ensuite les Ă©volutions technologiques qui sont autant d’opportunitĂ©s nouvelles pour les terroristes et les trafiquants. Qu’il s’agisse par exemple de la 5G ou de la massification Ă  venir des communications satellitaires, la course aux technologies est une vĂ©ritable course contre la montre qui ne doit souffrir aucun vide juridique ; l’enjeu pour la communautĂ© du renseignement Ă©tant de conserver son temps d’avance.

Il Ă©tait enfin nĂ©cessaire de transcrire, dans notre droit, les consĂ©quences de la jurisprudence « TĂ©lĂ© 2 » de la Cour de justice de l’Union europĂ©enne quant aux rĂšgles applicables Ă  la conservation des donnĂ©es. La loi a tirĂ© les enseignements de l’arrĂȘt du Conseil d’État du 21 avril 2021 qui dĂ©finit les obligations nouvelles liĂ©es

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au respect du droit européen sans pour autant contraindre la puissance publique à renoncer aux outils juridiques dont elle a besoin pour nous protéger face à des menaces graves et persistantes pour la sécurité nationale.

Le dĂ©bat parlementaire sur le projet de loi relatif Ă  la prĂ©vention d’actes de terrorisme et au renseignement a Ă©galement permis, par voie d’amendement, de franchir une nouvelle Ă©tape dans le renforcement du contrĂŽle parlementaire du renseignement. La DĂ©lĂ©gation parlementaire au renseignement voit en effet son rĂŽle confortĂ© et ses prĂ©rogatives Ă©largies en matiĂšre de droit Ă  l’information et de pouvoir d’audition.

Ces diffĂ©rents sujets, qui ont marquĂ© l’annĂ©e Ă©coulĂ©e, ont fait l’objet de rĂ©unions, d’auditions et de dĂ©placements de la DPR dont la synthĂšse des travaux figure dans le prĂ©sent rapport, composĂ© de cinq chapitres :

– Le bilan d’activitĂ© de la dĂ©lĂ©gation de juillet 2020 Ă  juin 2021 (I)

– Les enjeux d’actualitĂ© liĂ©s Ă  la politique publique du renseignement (II)

– La continuitĂ© des missions de renseignement pendant la crise sanitaire (III)

– Le renseignement territorial (IV)

– La prĂ©sentation des travaux de la Commission de vĂ©rification des fonds spĂ©ciaux (CVFS) portant sur l’exercice budgĂ©taire 2019 (V)

***

À la date de l’adoption du prĂ©sent rapport, le dĂ©bat parlementaire sur le projet de loi relatif Ă  la prĂ©vention d’actes de terrorisme et au renseignement n’était pas achevĂ©. Dans un souci de clartĂ© rĂ©dactionnelle, il a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ©, postĂ©rieurement Ă  l’adoption du prĂ©sent rapport de faire rĂ©fĂ©rence non plus au projet de loi, mais Ă  la loi n°2021-998 du 30 juillet 2021 relative Ă  la prĂ©vention d’actes de terrorisme et au renseignement, dĂ©finitivement adoptĂ©e par le Parlement.

*** Nonobstant son souci de rĂ©pondre aux lĂ©gitimes attentes de transparence des citoyens, les membres de la DPR ont Ă©galement conscience que certaines informations portĂ©es Ă  leur connaissance doivent ĂȘtre soustraites Ă  la curiositĂ© de nos rivaux comme de nos adversaires. C’est pour parvenir Ă  concilier ces deux impĂ©ratifs antagonistes qu’il a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© de masquer quelques passages sensibles au moyen d’un signe typographique (*****), invariable quelle que soit l’ampleur des informations rendues ainsi illisibles. EmployĂ© par le parlement britannique, ce procĂ©dĂ© permet une synthĂšse entre des logiques ambivalentes. Nos concitoyens pourront ainsi apprĂ©cier le raisonnement dĂ©ployĂ©, sa cohĂ©rence, ses principales conclusions, tandis que certains dĂ©tails resteront protĂ©gĂ©s sans que l’on puisse critiquer la vacuitĂ© du propos ou un « caviardage » excessif.

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CHAPITRE IER

BILAN D’ACTIVITÉ DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE AU RENSEIGNEMENT

DE JUIN 2020 À JUIN 2021

I. UNE COMPOSITION PARTIELLEMENT RENOUVELÉE

Au cours de l’annĂ©e Ă©coulĂ©e, la composition de la dĂ©lĂ©gation parlementaire au renseignement a Ă©tĂ© partiellement renouvelĂ©e Ă  la suite, d’une part, de la dĂ©mission le 17 juin 2020 de Patrice VerchĂšre de son mandat de dĂ©putĂ© et, d’autre part, des Ă©lections sĂ©natoriales du 27 septembre 2020.

Claude de Ganay, député (LR) du Loiret a ainsi succédé à Patrice VerchÚre, désormais ancien député (LR) du RhÎne.

Deux nouveaux sénateurs ont été désignés par le Président du Sénat pour siéger à la DPR : AgnÚs Canayer, sénatrice (LR) de la Seine-Maritime et Yannick Vaugrenard, sénateur (SER) de la Loire-Atlantique.

Le sĂ©nateur (LR – RhĂŽne) François-NoĂ«l Buffet, prĂ©sident de la Commission des lois du SĂ©nat, dĂ©jĂ  membre de la DPR depuis 2015, y siĂšge dĂ©sormais en tant que membre de droit (en remplacement de Philippe Bas, sĂ©nateur (LR) de la Manche), au mĂȘme titre que le sĂ©nateur Christian Cambon (LR – Val-de-Marne), PrĂ©sident de la Commission des affaires Ă©trangĂšres et des forces armĂ©es du SĂ©nat.

ConformĂ©ment Ă  la loi, la composition de la DPR est le reflet d’une reprĂ©sentation pluraliste des sensibilitĂ©s politiques :

– le groupe LREM est reprĂ©sentĂ© par 2 membres ;

– le groupe LR est reprĂ©sentĂ© par 4 membres ;

– le groupe AGIR est reprĂ©sentĂ© par 1 membre ;

– le groupe SER est reprĂ©sentĂ© par 1 membre.

Il est Ă  noter que du fait des Ă©quilibres politiques diffĂ©rents Ă  l’AssemblĂ©e nationale et au SĂ©nat, l’opposition est davantage reprĂ©sentĂ©e au sein de la DPR que ne l’est la majoritĂ© prĂ©sidentielle. Le mode de fonctionnement de la dĂ©lĂ©gation, qui n’intervient pas en tant que telle dans la procĂ©dure lĂ©gislative, relativise cette singularitĂ©.

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II. LA PERMANENCE DU CONTRÔLE PARLEMENTAIRE DU RENSEIGNEMENT, MALGRÉ LA CRISE SANITAIRE

MalgrĂ© les contraintes liĂ©es Ă  la crise sanitaire, la dĂ©lĂ©gation parlementaire au renseignement a maintenu une activitĂ© soutenue au cours de l’annĂ©e Ă©coulĂ©e. Sous la prĂ©sidence de Françoise Dumas, la DPR a tenu une quinzaine de rĂ©unions et effectuĂ© cinq dĂ©placements.

En raison de la nature de ses missions et de l’accĂšs de ses membres Ă  des informations classifiĂ©es, la dĂ©lĂ©gation a tenu ses rĂ©unions en prĂ©sentiel, dans sa salle de rĂ©union sĂ©curisĂ©e Ă  l’AssemblĂ©e nationale ou directement dans les locaux des services visitĂ©s.

Réunions pléniÚres de la DPR de juin 2020 à juin 2021

Jeudi 25 juin 2020 :

Audition de M. Pierre de Bousquet de Florian, coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme

Jeudi 9 juillet 2020 :

Déplacement à la préfecture de Police de Paris

Audition de M. Didier Lallement, préfet de Police de Paris

Audition de Mme Françoise Bilancini, directrice du renseignement de la préfecture de Police de Paris

Jeudi 26 novembre 2020 :

Reconstitution du Bureau de la DPR

Reconstitution de la CVFS

Audition de M. Laurent Nunez, coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme

Jeudi 5 décembre 2020 :

Audition de M. Jean-Jacques Brot, préfet des Yvelines

Audition de M. Pierre de Bousquet de Florian, directeur de cabinet du ministre de l’IntĂ©rieur

Jeudi 14 janvier 2021 :

Déplacement à la Direction du renseignement militaire (DRM) sur la base aérienne de Creil

Jeudi 28 janvier 2021 :

Adoption du rapport de la Commission de vérification des fonds spéciaux (CVFS)

Reconstitution de la CVFS

DĂ©placement Ă  l’Office de lutte contre la criminalitĂ© liĂ©e aux technologies de l’information et de la communication – visite de la plateforme Pharos

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Jeudi 11 février 2021 :

Déplacement à la Direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD)

Jeudi 25 mars 2021 :

Déplacement à la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI)

Jeudi 8 avril 2021 :

Audition conjointe de M. Laurent Nunez, coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme et M. Franck Robine, conseiller « affaires intérieures » au cabinet du Premier ministre

Audition du GĂ©nĂ©ral Patrick Henry, sous-directeur de l’anticipation opĂ©rationnelle Ă  la Direction gĂ©nĂ©rale de la gendarmerie nationale (SDAO)

Jeudi 15 avril 2021 :

Audition de M. Francis Delon, président de la CNCTR

Audition conjointe de Mme Lucile Rolland, directrice du Service central du renseignement territorial (SCRT) et M. Arnaud Verhille, chef du service départemental du renseignement territorial des Yvelines

Mercredi 5 mai 2021 :

Audition de M. Laurent Nunez, coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme

Jeudi 17 juin 2021 :

Audition de M. Laurent Nunez, coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme

Jeudi 24 juin 2021 :

Audition de M. JérÎme Leonnet, Directeur général adjoint de la Police nationale.

Jeudi 1er juillet 2021 :

Adoption du rapport annuel d’activitĂ© et renouvellement du Bureau de la DĂ©lĂ©gation.

A. LES THÈMES DE TRAVAIL DE L’ANNÉE ÉCOULÉE

Dans le cadre de sa mission de suivi et d’évaluation de la politique publique du renseignement, la dĂ©lĂ©gation a consacrĂ© une part importante de ses travaux au suivi des enjeux d’actualitĂ© en lien avec le renseignement. Cela s’est traduit par des auditions trĂšs rĂ©guliĂšres du coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme qui a Ă©tĂ© entendu Ă  cinq reprises. Ces auditions ont notamment portĂ© sur un retex de l’attentat commis contre Samuel Paty, sur la prĂ©sentation du projet de loi relatif Ă  la prĂ©vention des actes de terrorisme et au renseignement ainsi que sur une prĂ©sentation de la refonte du plan national d’orientation du renseignement (PNOR).

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Outre le suivi des enjeux d’actualitĂ© liĂ©s au renseignement, la dĂ©lĂ©gation a, au cours de l’annĂ©e Ă©coulĂ©e, orientĂ© ses travaux autour de deux thĂšmes :

– Les consĂ©quences de la crise sanitaire sur l’activitĂ© des services de renseignement ;

– Le renseignement territorial.

S’agissant des consĂ©quences de la crise sanitaire, un questionnaire a Ă©tĂ© adressĂ© Ă  l’ensemble des services spĂ©cialisĂ©s ainsi qu’au GIC.

En ce qui concerne le sujet du renseignement territorial, la délégation a procédé à plusieurs auditions tant au niveau central que territorial, a effectué un déplacement à la DRPP et a adressé un questionnaire au SCRT.

B. LES DOCUMENTS TRANSMIS À LA DÉLÉGATION

En application de la loi, la dĂ©lĂ©gation a Ă©tĂ© destinataire comme chaque annĂ©e du rapport annuel d’activitĂ© des services spĂ©cialisĂ©s de renseignement et des services mentionnĂ©s Ă  l’article L. 811-4 du code de la sĂ©curitĂ© intĂ©rieure, ainsi que du rapport annuel de synthĂšse exhaustif des crĂ©dits consacrĂ©s au renseignement.

Ce rapport est trĂšs utile Ă  la dĂ©lĂ©gation pour l’exercice de sa mission de contrĂŽle. Il reste nĂ©anmoins transmis tardivement puisqu’il n’a Ă©tĂ© adressĂ© que fin dĂ©cembre 2020 pour des donnĂ©es portant sur l’annĂ©e 2019. Si le contexte sanitaire particulier de l’annĂ©e 2020 peut expliquer cet envoi tardif, il est nĂ©cessaire qu’à l’avenir ce rapport puisse ĂȘtre transmis au plus tard le 1er juillet de l’annĂ©e n+1.

Par ailleurs, ce rapport pourrait Ă©galement utilement faire Ă©tat de la mise en Ɠuvre des recommandations de la DPR [Recommandation n° 1].

Au cours de l’annĂ©e 2020, la dĂ©lĂ©gation a Ă©galement Ă©tĂ© destinataire d’un rapport classifiĂ© sur la mise en Ɠuvre expĂ©rimentale de la technique de l’algorithme. La DPR se fĂ©licite de la transmission de ce rapport rĂ©alisĂ© spĂ©cifiquement pour la DPR alors qu’aucune obligation lĂ©gislative ou rĂ©glementaire n’imposait Ă  l’exĂ©cutif de le faire. Ce rapport classifiĂ© est venu en complĂ©ment du rapport d’évaluation – celui-ci non classifiĂ© – transmis au Parlement en application de la loi de 2015.

La dĂ©lĂ©gation a Ă©galement sollicitĂ© de la CNCTR la prĂ©sentation, par technique et par finalitĂ©, des Ă©lĂ©ments statistiques figurant dans son rapport d’activitĂ©. Au cours de l’annĂ©e 2020, la CNCTR n’a pas formulĂ© d’observation au Premier ministre en application de l’article L. 855-1 du code de la sĂ©curitĂ© intĂ©rieure.

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Enfin, Ă  sa demande, la liste des rapports de l’inspection des services de renseignement a Ă©tĂ© transmise Ă  la DPR pour la pĂ©riode allant de juillet 2020 Ă  juin 2021. Trois rapports ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s :

– Rapport n°06/CD/ISR du 31 aoĂ»t 2020 sur les problĂšmes de contrĂŽle interne et d’organisation Ă  la DGSE et Ă  la DGSI rĂ©vĂ©lĂ©s par les agissements de trois militaires du centre parachutiste d’entrainement spĂ©cialisĂ© ;

– Rapport n°07/CD/ISR du 31 aoĂ»t 2020 sur les dispositifs de contrĂŽle des agents des services de renseignement ;

– Rapport n°08/CD/ISR du 10 dĂ©cembre 2020 sur le renseignement Ă©conomique.

C. LES PERSONNALITÉS AUDITIONNÉES

Au cours de l’annĂ©e Ă©coulĂ©e, la dĂ©lĂ©gation aura auditionnĂ©, soit lors de ses rĂ©unions plĂ©niĂšres, soit dans le cadre des contrĂŽles opĂ©rĂ©s par les commissions de vĂ©rification des fonds spĂ©ciaux (CVFS), l’ensemble des directeurs des services spĂ©cialisĂ©s du 1er cercle, ceux du second cercle pouvant bĂ©nĂ©ficier de techniques de renseignement (SCRT, DRPP, SNRP) ainsi que le Groupement interministĂ©riel de contrĂŽle (GIC).

Comme la loi l’y autorise, la dĂ©lĂ©gation a Ă©galement auditionnĂ© :

– le prĂ©sident de la CNCTR ;

– le conseiller du Premier ministre disposant d’un pouvoir de dĂ©lĂ©gation pour dĂ©livrer des autorisations de mise en Ɠuvre des techniques de renseignement.

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III. LE RENFORCEMENT DES PRÉROGATIVES DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE AU RENSEIGNEMENT

La DPR a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e par la loi du 9 octobre 2007 aprĂšs de multiples tentatives avortĂ©es de crĂ©ation d’un organe parlementaire de contrĂŽle des services de renseignement.

AprĂšs une dĂ©cennie d’existence, une relation de confiance s’est Ă©tablie entre la DPR et la communautĂ© du renseignement.

Un premier renforcement des compĂ©tences de la DPR s’est opĂ©rĂ© avec l’entrĂ©e en vigueur de la LPM 2014-2019.

En 2018, lors du dĂ©bat parlementaire sur la LPM 2019-2025, le sĂ©nateur Philippe Bas avait dĂ©posĂ© un amendement visant Ă  franchir une nouvelle Ă©tape dans le contrĂŽle parlementaire de la politique publique du renseignement. Le Gouvernement s’y Ă©tait opposĂ© et, lors de la commission mixte paritaire sur la LPM, le SĂ©nat avait acceptĂ© de retirer cette disposition moyennant un engagement du Gouvernement Ă  remettre l’ouvrage sur le mĂ©tier au moment de la rĂ©vision de la loi renseignement de 2015.

À l’occasion du colloque organisĂ© en novembre 2018 au Palais Bourbon et auquel avaient participĂ© ensemble les prĂ©sidents du SĂ©nat et de l’AssemblĂ©e nationale, en prĂ©sence des principaux acteurs de la communautĂ© du renseignement, le Gouvernement avait, par la voix du coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme, indiquĂ© ses « lignes rouges » quant aux possibilitĂ©s de renforcement du contrĂŽle parlementaire.

La lente montée en puissance du contrÎle parlementaire de la politique publique du renseignement

Jusqu’au dĂ©but des annĂ©es 1970, le contrĂŽle parlementaire de la politique publique du renseignement Ă©tait, en dehors de quelques commissions d’enquĂȘte, quasi-inexistant. On avançait alors une contradiction supposĂ©e entre la publicitĂ© des travaux parlementaires et l’existence du « secret dĂ©fense ».

De 1971 Ă  1999, en revanche, concomitamment avec la montĂ©e en puissance des fonctions de contrĂŽle du Parlement, ce ne sont pas moins de 14 propositions de crĂ©ation d’un organe de contrĂŽle de services de renseignement qui ont Ă©tĂ© dĂ©posĂ©es, sans succĂšs, au Parlement.

Ce n’est qu’à la quinziĂšme tentative, en 2005, que la procĂ©dure arriva Ă  son terme, Ă  l’initiative du dĂ©putĂ© Alain Marsaud Ă  l’occasion de l’examen d’un projet de loi anti-terroriste. Il constatait alors que la France Ă©tait le seul pays occidental, avec le Portugal, Ă  ne pas disposer d’un organe parlementaire de contrĂŽle permanent.

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Le ministre de l’IntĂ©rieur d’alors, Nicolas Sarkozy, se dĂ©clara favorable Ă  cette initiative mais proposa la crĂ©ation d’un groupe de travail chargĂ© de rĂ©flĂ©chir Ă  cette question. Divers amendements furent donc rejetĂ©s lors de l’examen du projet de loi anti-terroriste, Ă  l’automne 2005, mais le groupe de travail ne vĂźt jamais le jour. C’est le Gouvernement Villepin qui dĂ©posa un projet de loi en mars 2006 Ă  l’AssemblĂ©e nationale, projet qui ne fĂ»t jamais discutĂ©.

Le projet fĂ»t finalement redĂ©posĂ© par le Gouvernement Fillon en 2007 et dĂ©boucha sur l’adoption de la loi du 9 octobre 2007.

La dĂ©lĂ©gation avait initialement pour mission « de suivre l’activitĂ© gĂ©nĂ©rale et les moyens des services spĂ©cialisĂ©s » des ministĂšres de la DĂ©fense, de l’IntĂ©rieur et des Finances. Le terme de « contrĂŽle » n’est alors volontairement pas utilisĂ© dans la loi car celui-ci aurait eu, selon le rapporteur du texte Ă  l’AssemblĂ©e nationale, Bernard Carayon, « une connotation trop intrusive ».

Si la mission de la dĂ©lĂ©gation est alors dĂ©finie en des termes trĂšs gĂ©nĂ©raux, la liste de ses prĂ©rogatives l’est en revanche avec beaucoup plus de prĂ©cision.

La loi de 2007 prĂ©voyait ainsi que, dans le cadre de ses fonctions, la DPR Ă©tait informĂ©e des Ă©lĂ©ments relatifs « au budget, Ă  l’activitĂ© gĂ©nĂ©rale et Ă  l’organisation des services de renseignement » mais elle prĂ©cisait que ces Ă©lĂ©ments ne pouvaient porter « ni sur les activitĂ©s opĂ©rationnelles de ces services » et leur financement, « ni sur les Ă©changes avec des services Ă©trangers ».

De fait, de 2008 Ă  2013, l’activitĂ© de la DPR se limitait Ă  moins d’une dizaine d’auditions par an et Ă  la publication d’un rapport d’activitĂ© trĂšs succinct. Cette pĂ©riode n’en fut pas moins fructueuse car elle a permis aux parlementaires de tisser des liens de confiance avec la communautĂ© du renseignement.

L’adoption, Ă  l’automne 2013, de la LPM 2014-2019, consĂ©cutif Ă  plusieurs travaux parlementaires consacrĂ©s au renseignement – notamment la mission d’information Urvoas-VerchĂšre sur le cadre juridique applicable aux services de renseignement de mai 2013 – marque incontestablement une rupture.

Alors qu’elle Ă©tait cantonnĂ©e jusque-lĂ  au « suivi de l’activitĂ© gĂ©nĂ©rale et des moyens des services spĂ©cialisĂ©s », la DPR s’est vue reconnaĂźtre une mission de « contrĂŽle et d’évaluation de l’action du Gouvernement en matiĂšre de renseignement », ce qui constituait alors une vĂ©ritable mutation philosophique.

Pour lui permettre d’exercer au mieux sa mission nouvelle de contrĂŽle et d’évaluation, la liste des documents qui lui sont transmis a Ă©tĂ© enrichie.

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La liste des personnes qu’elle peut entendre a Ă©galement Ă©tĂ© Ă©largie en 2013 puis complĂ©tĂ©e Ă  nouveau par la loi relative au renseignement du 24 juillet 2015 qui a Ă©galement prĂ©vu la possibilitĂ© pour la dĂ©lĂ©gation parlementaire au renseignement d’entendre chaque semestre le Premier ministre sur son application ainsi que les personnes spĂ©cialement dĂ©lĂ©guĂ©es par lui pour dĂ©livrer les autorisations de mise en Ɠuvre des techniques de renseignement mentionnĂ©es par la loi.

Celle-ci peut Ă©galement inviter le prĂ©sident de la CNCTR Ă  lui prĂ©senter le rapport d’activitĂ© de la commission, tout comme le prĂ©sident de la Commission consultative du secret de la dĂ©fense nationale. Elle entend enfin trĂšs rĂ©guliĂšrement le coordinateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme mais aussi des personnalitĂ©s dont l’audition n’est pas expressĂ©ment prĂ©vue par la loi comme des universitaires ou autres personnalitĂ©s qu’elle juge utile d’entendre.

Le dĂ©pĂŽt par le Gouvernement du projet de loi relatif Ă  la prĂ©vention d’actes de terrorisme et au renseignement est apparu comme Ă©tant le moment opportun pour procĂ©der Ă  une Ă©volution du cadre lĂ©gislatif de la DPR.

A l’initiative des dĂ©putĂ©s membres de la DPR, un amendement renforçant les prĂ©rogatives de la DPR a Ă©tĂ© adoptĂ© en premiĂšre lecture Ă  l’AssemblĂ©e nationale, puis a obtenu le vote favorable du SĂ©nat. Au terme de la loi n°2021-998 du 30 juillet 2021 relative Ă  la prĂ©vention d’actes de terrorisme et au renseignement, les principales modifications apportĂ©es Ă  l’article 6 nonies de l’ordonnance du 17 novembre 1958 sont les suivantes :

– Le champ de compĂ©tence de la DPR est Ă©largi au suivi des enjeux d’actualitĂ© et des dĂ©fis Ă  venir qui concernent la politique publique du renseignement.

– La DPR sera dorĂ©navant destinataire, chaque semestre, de la liste des rapports d’inspection portant sur les services de renseignement.

– La DPR pourra Ă©galement demander communication de tout document, information et Ă©lĂ©ment d’apprĂ©ciation nĂ©cessaire Ă  l’accomplissement de sa mission. Il s’agit d’une avancĂ©e significative car jusqu’à prĂ©sent, la DPR n’est destinataire que d’une liste limitative de documents. En revanche, ce droit Ă  l’information Ă©largi reste limitĂ© au besoin d’en connaĂźtre de la DPR, ce qui exclut les opĂ©rations en cours, les mĂ©thodes opĂ©rationnelles et les relations des services avec leurs partenaires Ă©trangers.

– Au-delĂ  de la liste limitative jusqu’à prĂ©sent prĂ©vue par la loi, la DPR pourra dĂ©sormais auditionner « toute personne exerçant des fonctions de direction » au sein des services de renseignement. Jusqu’à prĂ©sent, seuls les directeurs des services et les personnes placĂ©es auprĂšs de ces directeurs et occupant un emploi pourvu en conseil des ministres pouvaient ĂȘtre auditionnĂ©es.

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– Enfin, la DPR aura la possibilitĂ© de demander chaque annĂ©e au coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme de lui prĂ©senter le plan national d’orientation du renseignement (PNOR).

Cet amendement, portĂ© Ă  l’AssemblĂ©e nationale par les quatre dĂ©putĂ©s membres de la dĂ©lĂ©gation parlementaire au renseignement, puis soutenu au SĂ©nat, reprend l’esprit de la proposition de loi de Philippe Bas de 2018, tout en encadrant rigoureusement les nouvelles prĂ©rogatives accordĂ©es Ă  la DPR. Un point d’équilibre a Ă©tĂ© atteint qui permet de franchir une nouvelle Ă©tape dans le renforcement du contrĂŽle parlementaire de la politique publique du renseignement au moment oĂč la rĂ©vision des lois de 2015 et 2017 offre de nouveaux outils juridiques et techniques aux services de renseignement.

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IV. LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS 2019-2020 DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE AU RENSEIGNEMENT

A. SUR LE BILAN DES LOIS DE 2015

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B. SUR LE RENSEIGNEMENT PÉNITENTIAIRE

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C. SUR LA MAÎTRISE DES RISQUES

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D. SUR LE RENSEIGNEMENT SPATIAL

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E. SUR LA CYBERDÉFENSE

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F. RECOMMANDATIONS GENERALES DE LA COMMISSION DE VERIFICATION DES FONDS SPECIAUX

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CHAPITRE 2 LES ENJEUX D’ACTUALITÉ LIÉS À LA POLITIQUE PUBLIQUE

DU RENSEIGNEMENT

I. ACTIVITES ET RESSOURCES DES SERVICES DE RENSEIGNEMENT

A. LES FAITS MARQUANTS DE L’ACTIVITÉ DES SERVICES DE RENSEIGNEMENT EN 2019

Parmi les donnĂ©es figurant au sein du rapport annuel d’activitĂ© des services de renseignement et du rapport annuel de synthĂšse exhaustif des crĂ©dits consacrĂ©s au renseignement, on peut retenir les Ă©lĂ©ments suivants :

S’agissant de l’aide Ă  la dĂ©cision, 15 123 notes ont Ă©tĂ© produites par les services de renseignement en 2019. C’est supĂ©rieur au nombre constatĂ© en 2018 (13 607) mais lĂ©gĂšrement infĂ©rieur Ă  la production de 2015 (16 722 notes) au plus fort de la menace terroriste. Parmi ces notes, il faut distinguer les notes de renseignement (6 872) des notes d’évaluation (1 894) et d’information (1 851).

La majoritĂ© de la production des six services spĂ©cialisĂ©s du premier cercle porte sur les finalitĂ©s 1 et 2 de la loi du 24 juillet 2015, Ă  savoir l’indĂ©pendance nationale, l’intĂ©gritĂ© du territoire et la dĂ©fense nationale, les intĂ©rĂȘts majeurs de la politique Ă©trangĂšre et les engagements internationaux. La production relative Ă  la prĂ©vention du terrorisme est en baisse (7 % de moins par rapport Ă  2018) tandis que celle relative Ă  la protection des intĂ©rĂȘts Ă©conomiques, industriels et scientifiques majeurs poursuit sa progression (3 % de plus qu’en 2018).

On a comptabilisĂ© en 2019, 279 509 transmissions des notes dont 23 778 Ă  la PrĂ©sidence de la RĂ©publique, 28 405 au sein des cabinets ministĂ©riels et 227 326 au sein de l’administration d’État. Le ministĂšre des ArmĂ©es est, de loin, celui qui compte le plus grand nombre de destinataires.

S’agissant de la prĂ©vention et de la rĂ©duction des vulnĂ©rabilitĂ©s, les enquĂȘtes diligentĂ©es en matiĂšre de renseignement ont principalement concernĂ© la lutte contre le terrorisme. La part des actions relevant des finalitĂ©s de dĂ©fense des intĂ©rĂȘts majeurs de la politique Ă©trangĂšre a progressĂ© tandis que celle relative Ă  la criminalitĂ© et Ă  la dĂ©linquance organisĂ©es a baissĂ© (de 18 % Ă  11 %). Les actions relevant de la prĂ©vention des atteintes Ă  la forme rĂ©publicaine des institutions (de 1 % Ă  4 %) ont Ă©galement augmentĂ© en raison de l’implication de militants des mouvances radicales dans les manifestations de voie publique.

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Le travail interministĂ©riel menĂ© dans le cadre de la lutte contre la prolifĂ©ration des armes de destruction massive s’est traduit par une nette augmentation des actions de prĂ©vention et de rĂ©duction des vulnĂ©rabilitĂ©s dans ce domaine *****.

L’AcadĂ©mie du renseignement a Ă©galement conduit de nombreuses actions de sensibilisation qui ont concouru Ă  la diffusion de la culture du renseignement. Ces actions ont concernĂ© 1 909 personnes en 2019 contre 511 en 2018 et 285 en 2017. Si on y ajoute les actions de sensibilisation Ă©galement effectuĂ©es chaque annĂ©e par la DGSI et la DRSD, on atteint 111 125 personnes sensibilisĂ©es en 2019.

Parmi les actions d’entrave et de neutralisation des menaces, il convient de distinguer les mesures s’appliquant aux personnes (inscription dans un fichier, par ex.), de celles relatives aux lieux (fermeture administrative, par ex.), ou encore de celles concernant les biens (saisies administratives, par ex.) et des mesures affectant les fonds et les valeurs (gel d’avoir, par ex.) *****.

(Tableau)

*****

Contrairement aux annĂ©es prĂ©cĂ©dentes, la majoritĂ© des activitĂ©s d’entrave et de neutralisation ne s’inscrit plus dans la finalitĂ© d’indĂ©pendance nationale et dĂ©fense nationale, fortement liĂ©e aux OPEX : 39 % contre 70 % en 2018. C’est dĂ©sormais la finalitĂ© de prĂ©vention du terrorisme qui prĂ©domine : 45 % en 2019 contre 13 % en 2018.

B. LES RESSOURCES ALLOUÉES AU RENSEIGNEMENT ONT POURSUIVI LEUR PROGRESSION

Qu’elles soient budgĂ©taires ou humaines, les services de renseignement ont bĂ©nĂ©ficiĂ© en 2019 de ressources supĂ©rieures Ă  celles des exercices antĂ©rieurs.

1. Les ressources budgétaires

Il faut distinguer les fonds normaux des fonds spéciaux.

En ce qui concerne les fonds normaux, 11 programmes budgĂ©taires contribuent au financement de la politique publique du renseignement. L’enveloppe totale des crĂ©dits en fonds normaux consacrĂ©s au renseignement s’est Ă©tablie Ă  2 732 millions d’euros en 2019, soit une hausse de 9,59 % par rapport Ă  2018. Cette Ă©volution significative s’explique par une augmentation de plus de 13 % des crĂ©dits de la mission DĂ©fense. *****. L’augmentation des effectifs des services de renseignement a induit une nette progression des dĂ©penses de personnel et de fonctionnement.

S’agissant des fonds spĂ©ciaux, les six services spĂ©cialisĂ©s de renseignement et le GIC en ont bĂ©nĂ©ficiĂ© en 2019 ainsi que, pour la premiĂšre fois, le SNRP. *****.

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2. Les ressources humaines

En 2019 les effectifs des services de renseignement et de leurs structures d’appui se sont Ă©tablis Ă  20 168 agents (dont 14 512 pour les services spĂ©cialisĂ©s du 1er cercle), en augmentation de 3,1 % sur un an et de 22,1 % depuis 2015.

La répartition des effectifs est restée stable : la DGSE, la DGSI et le SCRT ont concentré 72 % des personnels.

Sur l’ensemble de la communautĂ© du renseignement, le nombre d’agents contractuels est en progression (+14 % par rapport Ă  2018) pour s’établir Ă  17,11 % des effectifs (et mĂȘme 22 % pour les services du 1er cercle).

En termes de catĂ©gories, 35,65 % relĂšvent de la catĂ©gorie A, 51,2 % de la catĂ©gorie B et 13,07 % de la catĂ©gorie C, ce qui est stable par rapport aux annĂ©es prĂ©cĂ©dentes. La part des femmes a augmentĂ© de 5 % sur une annĂ©e, pour s’établir Ă  29,24 %.

S’agissant des flux sortants des services pour motif de sĂ©curitĂ© (liĂ©s Ă  la perte d’habilitation), on en dĂ©nombre 15 en 2019 (contre 22 en 2018, dans le contexte de l’attentat commis Ă  la prĂ©fecture de police de Paris).

En 2019, un effort particulier a Ă©tĂ© mis sur la formation des agents des services de renseignement. En ce qui concerne les formations assurĂ©es par l’AcadĂ©mie du renseignement, l’effort de formation a mĂȘme augmentĂ© de prĂšs de 100 % en un an. L’AcadĂ©mie a ouvert ses formations aux agents des services du deuxiĂšme cercle qui ont reprĂ©sentĂ© 21 % des participants en 2019 contre 2,4 % en 2018.

Le comitĂ© des ressources humaines des services de renseignement (CRHSR) crĂ©Ă© en 2018, s’est rĂ©uni Ă  quatre reprises en 2019, tenant compte des 21 recommandations issues du rapport de la DPR. Le comitĂ© a mis en place un rĂ©pertoire interministĂ©riel des mĂ©tiers du renseignement visant Ă  favoriser la mobilitĂ© interservices. Ce rĂ©pertoire est structurĂ© autour de 4 filiĂšres : renseignement d’origine humaine, renseignement d’origine technique, entrave, appui.

C. LES COOPÉRATIONS

1. Les coopérations opérationnelles thématiques

L’annĂ©e 2019 a Ă©tĂ© marquĂ©e par un fort dynamisme en matiĂšre de coopĂ©rations. La lutte contre le terrorisme reste le champ majeur de coopĂ©ration entre les services, avec un chef de filĂąt exercĂ© par la DGSI.

Ces coopĂ©rations sont Ă©galement tournĂ©es vers l’international. Au niveau global, la CNRLT a portĂ© en 2019 le projet de « CollĂšge du renseignement en Europe ».

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De multiples cellules ou enceintes de coopération existent en fonction des finalités poursuivies telles que :

– L’indĂ©pendance nationale et l’intĂ©gritĂ© du territoire et la dĂ©fense nationale (4 cellules ou structures de coopĂ©ration).

– La cyberdĂ©fense (4 cellules ou structures de coopĂ©ration).

– Les intĂ©rĂȘts majeurs de la politique Ă©trangĂšre et l’exĂ©cution des engagements europĂ©ens (7 cellules de coopĂ©ration).

– La prĂ©vention de toute forme d’ingĂ©rence Ă©trangĂšre (5 cellules ou structures de coopĂ©ration).

– La dĂ©fense et la promotion des intĂ©rĂȘts Ă©conomiques, industriels et scientifiques majeurs de la France (22 cellules ou structures de coopĂ©ration).

– La prĂ©vention du terrorisme (19 cellules ou structures de coopĂ©ration).

– La prĂ©vention de la criminalitĂ© ou de la dĂ©linquance organisĂ©e (9 cellules ou structures de coopĂ©ration).

– La prĂ©vention de la prolifĂ©ration des armes de destruction massive (17 cellules ou structures de coopĂ©ration).

2. Les coopérations techniques

Depuis 2017, les coopĂ©rations techniques s’organisent autour de trois structures :

– Le comitĂ© de pilotage stratĂ©gique (CPS), prĂ©sidĂ© par le CNRLT et dont le secrĂ©tariat est assurĂ© par le SGDSN, est l’instance supĂ©rieure de gouvernance des capacitĂ©s techniques mutualisĂ©es.

– Des comitĂ©s d’orientation et de pilotage qui rĂ©unissent un directeur technique et l’ensemble des services de renseignement qui ont pour objet le pilotage des dĂ©veloppements techniques.

– Des comitĂ©s internes aux programmes (comitĂ©s utilisateurs).

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II. LA PERSISTANCE D’UNE MENACE TERRORISTE À UN NIVEAU ÉLEVÉ

A. DEPUIS 2015 : UNE MENACE TERRORISTE QUI A CHANGÉ DE NATURE MAIS QUI NE FAIBLIT PAS

39 attentats (21 aboutis et 18 échoués), attribués ou revendiqués par la mouvance islamiste, ont été perpétrés sur le sol français depuis janvier 2015, causant la mort de 263 personnes. 22 de ces attentats ont eu pour cible les forces de sécurité intérieure : policiers, gendarmes, militaires, surveillants pénitentiaires.

1. D’une menace projetĂ©e Ă  une menace endogĂšne

Le mode opĂ©ratoire du terrorisme islamiste a Ă©voluĂ© depuis 2015, passant d’une menace projetĂ©e (2015) Ă  une menace dĂ©sormais endogĂšne. Celle-ci fut dans un premier temps soutenue (2016) avant de devenir davantage inspirĂ©e sur la pĂ©riode 2017-2019.

34 ressortissants Ă©trangers ont Ă©tĂ© impliquĂ©s dans des projets terroristes aboutis, Ă©chouĂ©s ou dĂ©jouĂ©s depuis 2014, ce qui reprĂ©sente environ 20 % du total d’individus impliquĂ©s. Parmi eux, si les deux tiers Ă©taient originaires des pays du Maghreb entre 2015 et 2017, cette proportion est retombĂ©e Ă  23 % sur la pĂ©riode 2018-2020. Plus de la moitiĂ© (54 %) des auteurs d’attentats sont originaires de Syrie et de Russie.

Lorsqu’il s’agit d’auteurs Ă©trangers, il apparaĂźt que sur la pĂ©riode 2018-2020, environ la moitiĂ© d’entre eux avaient le statut de rĂ©fugiĂ©s ou de demandeurs d’asile. Sur la pĂ©riode antĂ©rieure 2015-2017, il y avait parmi les Ă©trangers une majoritĂ© de non-rĂ©sidents ou de titulaires d’un titre de sĂ©jour.

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Attentats islamistes commis en France depuis 2015

Date Lieu Bilan 2015

7 et 8 janvier 2015 Paris / Charlie Hebdo Montrouge (92)

12 morts, 11 blessés 1 mort

9 janvier 2015 Paris / Hyper Cacher 4 morts, 9 blessés 3 février 2015 Nice 2 blessé 19 avril 2015 Villejuif 1 mort26 juin 2015 Saint-Quentin-Fallavier 1 mort, 2 blessés21 août 2015 Oignies (Thalys) 3 blessés

13 novembre 2015

Saint-Denis Paris Bataclan / Terrasses de café

1 mort, 56 blessés 129 morts, 357 blessés

2016 7 janvier 2016 Paris / Commissariat de la Goutte d’or Pas de victime

11 janvier 2016 Marseille 1 blessé 13 juin 2016 Magnanville 2 morts

14 juillet 2016 Nice 86 morts, 458 blessĂ©s 26 juillet 2016 Saint-Étienne-du-Rouvray 1 mort, 4 blessĂ©s

3 septembre 2016 Notre-Dame-de-Paris Pas de victime 4 septembre 2016 Osny 1 blessé 8 septembre 2016 Boussy-Saint-Antoine 1 blessé

2017 3 fĂ©vrier 2017 Paris / Carrousel du Louvre 2 blessĂ©s18 mars 2017 AĂ©roport d’Orly 1 blessĂ© 20 avril 2017 Paris / Avenue des Champs-ÉlysĂ©es 1 mort, 2 blessĂ©s6 juin 2017 Paris / Notre-Dame-de-Paris 2 blessĂ©s

19 juin 2017 Paris /Avenue des Champs-ÉlysĂ©es Pas de victime

5 août 2017 Paris / Tour Eiffel Pas de victime

9 août 2017 Levallois-Perret 6 blessés 12 septembre 2017 Aix en Provence Pas de victime 15 septembre 2017 Paris Pas de victime 29 septembre 2017 Paris / Immeuble rue Chanez Pas de victime

1er octobre 2017 Marseille 2 morts2018

23 mars 2018 Carcassonne et TrĂšbes 4 morts, 15 blessĂ©s 12 mai 2018 Paris / Quartier de l’OpĂ©ra 1 mort, 4 blessĂ©s

11 décembre 2018 Strasbourg 5 morts, 11 blessés 2019

5 mars 2019 Condé-sur-Sarthe 2 blessés 24 mai 2019 Lyon 14 blessés

3 octobre 2019 Préfecture de police de Paris 4 morts, 1 blessé 2020

3 janvier 2020 Villejuif 1 mort, 2 blessés4 avril 2020 Roman sur IsÚre 2 morts, 6 blessés

27 avril 2020 Colombes 2 blessés 25 septembre 2020 Paris / Rue Nicolas Appert 2 blessés

16 octobre 2020 Conflans-Sainte-Honorine 1 mort29 octobre 2020 Nice 3 morts

2021 23 avril 2021 Rambouillet 1 mort

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2. Les attentats commis depuis 2020 confirment l’évolution de la menace

L’état de la menace terroriste s’est trouvĂ© sensiblement augmentĂ© Ă  l’automne 2020 en raison de tenue du procĂšs des attentats contre Charlie-Hebdo et l’hyper-casher de la porte de Vincennes.

Notre pays a subi Ă  cette pĂ©riode une vague d’attentats avec une frĂ©quence particuliĂšrement soutenue puisque 3 attaques ont Ă©tĂ© perpĂ©trĂ©es en Ă  peine un peu plus d’un mois :

– le 25 septembre 2020 à Paris,

– le 16 octobre 2020 à Conflans-Sainte-Honorine,

– le 29 octobre 2020 à Nice.

Il faut remonter Ă  2016 pour observer un rythme similaire d’attaques terroristes lorsque trois attentats avaient frappĂ© notre sol en l’espace de seulement six semaines, entre le 13 juin 2016 et le 26 juillet 2016.

La republication des caricatures de Mahomet et le discours du PrĂ©sident de la RĂ©publique sur la lutte contre le sĂ©paratisme ont eu un impact sur l’état de la menace. L’agence de presse Thabat, proche d’Al QaĂŻda, a ainsi appelĂ© le 25 octobre 2020 Ă  mener des actions violentes sur le territoire français, par tous moyens y compris souvent rudimentaires.

La nature des attaques commises et les profils des terroristes soulignent l’évolution de la menace et la difficultĂ© pour les services de renseignement Ă  entraver des auteurs qui sont de plus en plus nombreux Ă  ne pas ĂȘtre connus des services de renseignement.

Les attentats de la pĂ©riode rĂ©cente soulignent Ă©galement un processus de radicalisation de plus en plus rapide et une accĂ©lĂ©ration de la dĂ©cision, prise souvent de façon solitaire, de passage Ă  l’acte, sans aucun contact avec des individus suivis sur le territoire national ou Ă  l’étranger.

Les attentats déjoués depuis 2015

On recense 60 attentats islamistes déjoués sur le territoire français depuis 2015 :

Année 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021

(au 30/06) Nombre d’attentats

déjoués 7 17 20 7 4 2 3

Par ailleurs, 5 projets d’attentats Ă©manant de l’ultra-droite ont Ă©tĂ© dĂ©jouĂ©s depuis 2017, rĂ©vĂ©lant le danger pour la sĂ©curitĂ© nationale que reprĂ©sente la montĂ©e en puissance des mouvances suprĂ©macistes et survivalistes.

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B. LES ENSEIGNEMENTS TIRÉS DES ATTENTATS RÉCENTS

1. Renforcer les échanges avec le monde psychiatrique et les préfets dans le cadre de la lutte contre la radicalisation

15,8 % des personnes enregistrĂ©es dans le FSPRT prĂ©senteraient des troubles psychiatriques1, Ă  l’instar de l’auteur de l’attaque au couteau perpĂ©trĂ©e le 28 mai 2021 contre une policiĂšre municipale de La Chapelle-sur-Erdre.

Les actions terroristes commises depuis 2019 ont rĂ©vĂ©lĂ© la nĂ©cessitĂ© d’amĂ©liorer la communication entre le milieu de la santĂ© et l’administration pour mieux prĂ©venir d’éventuels actes terroristes et assurer une prise en charge plus adaptĂ©e des profils prĂ©sentant des troubles du comportement altĂ©rant le discernement.

C’est dans ce contexte qu’est intervenu le rapprochement du fichier HOPSYWEB, qui recense et assure le suivi des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques sans consentement, avec le fichier des signalements pour la prĂ©vention de la radicalisation Ă  caractĂšre terroriste (FSPRT).

Seul le lĂ©gislateur pouvant autoriser des personnes qui ne sont pas des professionnels de santĂ© Ă  avoir accĂšs Ă  des donnĂ©es protĂ©gĂ©es par le secret mĂ©dical, la loi du 30 juillet 2021 relative Ă  la prĂ©vention des actes de terrorisme et au renseignement a ajoutĂ© dans le code de la santĂ© publique, d’un article L. 3211-12-77 qui permet la communication au prĂ©fet et aux services de renseignement du lieu de rĂ©sidence, et non, comme la loi le prĂ©voyait jusqu’alors, du seul dĂ©partement d’hospitalisation des informations strictement nĂ©cessaires Ă  l’accomplissement de leurs missions.

Cette mise en relation des fichiers HOPSYWEB et FSPRT rĂ©pond Ă  un motif d’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral, comme l’exige le Conseil constitutionnel (CC 22 mars 2012, loi relative Ă  la protection de l’identitĂ©, n° 2012-652 DC) et comme l’a reconnu le Conseil d’État (CE 27 mars 2020, cercle de rĂ©flexion et de proposition d’actions sur la psychiatrie et a., n° 431350), Ă  savoir « prĂ©venir le passage Ă  l’acte terroriste des personnes radicalisĂ©es qui prĂ©sentent des troubles psychiatriques ».

La finalitĂ© qui vise Ă  partager les informations relatives au suivi des ces personnes entre autoritĂ©s sanitaires et autoritĂ©s administratives est donc lĂ©gitime, afin de mieux prĂ©venir les risques de passage Ă  l’acte des personnes faisant l’objet d’un suivi au titre de la radicalisation terroriste. À cet Ă©gard, l’autoritĂ© de police administrative en charge de ce suivi doit en particulier ĂȘtre Ă  mĂȘme de savoir si la personne inscrite dans le fichier de signalement pour la prĂ©vention de la radicalisation Ă  caractĂšre terroriste fait ou a fait l’objet d’une prise en charge psychiatrique, pour adapter son suivi.

1 Cf. rapport d’information de l’AssemblĂ©e nationale du 27 juin 2019, relatif aux services publics face Ă  la

radicalisation.

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2. Répondre aux signalements effectués sur les réseaux sociaux

L’attentat commis contre Samuel Paty a soulignĂ© l’importance de surveiller les rĂ©seaux sociaux et d’analyser les contenus en ligne susceptibles de rĂ©vĂ©ler une menace terroriste.

Le compte twitter (tchetchene270) de l’auteur de cette attaque perpĂ©trĂ©e le 16 octobre 2020 avait Ă©tĂ© signalĂ© une premiĂšre fois le 12 juillet 2020 Ă  la plateforme Pharos, dĂ©diĂ©e au traitement des contenus illicites de l’internet signalĂ©s par les particuliers et les professionnels et Ă  l’orientation en temps rĂ©el vers les services enquĂȘteurs pour exploitation. NĂ©anmoins, ce premier signalement ne contenait pas de menace explicite contre le territoire national.

Au lendemain de l’attentat contre Samuel Paty, le Premier ministre a annoncĂ© le renforcement des effectifs de cette plateforme, au sein de la sous-direction de la lutte contre la cybercriminalitĂ© de la direction centrale de la police judiciaire.

Une quarantaine de policiers et de gendarmes sont affectĂ©s Ă  Pharos qui doit encore poursuivre sa montĂ©e en puissance. La cellule de traitement des signalements – qui ne cessent d’augmenter – est composĂ©e de 21 enquĂȘteurs, et fonctionne dĂ©sormais 24h/24 depuis janvier 2021. Au cours de l’annĂ©e 2020, Pharos a Ă©tĂ© destinataire de 289 590 signalements correspondant Ă  130 995 contenus, contre environ 50 000 signalements Ă  la crĂ©ation de la plateforme.

Il y a eu, pour la seule annĂ©e 2020, 18 626 signalements en matiĂšre de terrorisme dont 14 456 ont Ă©tĂ© effectuĂ©s en Ă  peine plus de deux mois, aprĂšs le 16 octobre 2020, date de l’assassinat de Samuel Paty.

Au cours de l’annĂ©e 2020 :

– 141 procĂ©dures judiciaires ont Ă©tĂ© ouvertes pour apologie du terrorisme,

– 4 214 demandes de retrait de contenus,

– 29 demandes de blocage auprùs des fournisseurs d’accùs internet (FAI)

– 1 355 demandes de dĂ©rĂ©fĂ©rencement de contenus.

MĂȘme si la vocation de Pharos est essentiellement judiciaire, il existe des liens avec les services de renseignement. Lors du mouvement des gilets jaunes, entre novembre 2018 et novembre 2019, 332 contenus ont fait l’objet d’une transmission aux services de renseignement compĂ©tents.

En matiĂšre de lutte anti-terroriste, il est essentiel d’entraver la viralitĂ© des contenus, en visant leur retrait dans les plus brefs dĂ©lais – une quinzaine de minutes – aprĂšs leur signalement. Pour y parvenir, des mesures administratives peuvent ĂȘtre prises sur la base de l’article 6-1 de la loi sur la confiance dans l’économie numĂ©rique, comme l’injonction donnĂ©e Ă  un hĂ©bergeur de retirer un contenu immĂ©diatement.

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En cas de menace terroriste immédiate, le point de contact est la DGSI *****.

C. DE NOUVEAUX DISPOSITIFS JURIDIQUES DE LUTTE CONTRE L’ISLAM POLITIQUE : LES FERMETURES DES LIEUX DE CULTE ET L’EXTENSION À LEURS DÉPENDANCES

L’action contre le sĂ©paratisme islamiste a conduit Ă  la fermeture administrative de plusieurs lieux de culte et Ă  la dissolution d’associations.

La loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sĂ©curitĂ© intĂ©rieure et la lutte contre le terrorisme (SILT) a crĂ©Ă© l’article L. 227-1 du CSI.

Cet article dispose qu’« aux seules fins de prĂ©venir la commission d’actes de terrorisme, le reprĂ©sentant de l’État dans le dĂ©partement, ou Ă  Paris, le prĂ©fet de police peut prononcer la fermeture des lieux de culte dans lesquels les propos qui sont tenus, les idĂ©es ou thĂ©ories qui sont diffusĂ©es ou les activitĂ©s qui se dĂ©roulent provoquent Ă  la violence, Ă  la haine ou Ă  la discrimination, provoquent Ă  la commission d’actes de terrorisme ou font l’apologie de tel actes ».

En application de ces dispositions, la fermeture administrative d’un lieu de culte est soumise à une double condition :

– elle ne peut ĂȘtre prononcĂ©e qu’aux fins de prĂ©venir la commission d’un acte de terrorisme ;

– les propos tenus au sein du lieu de culte concernĂ©, les idĂ©es ou thĂ©ories qui y sont diffusĂ©es ou les activitĂ©s qui s’y dĂ©roulent doivent soit provoquer Ă  la violence Ă  la haine ou Ă  la discrimination, soit provoquer Ă  la commission d’actes de terrorisme ou en faire l’apologie.

À la date du 31 mai 2021, et depuis l’entrĂ©e en vigueur de la loi SILT du 30 octobre 2017, 8 lieux de culte ont Ă©tĂ© fermĂ©s sur ce fondement : 3 en 2017, 3 en 2018, 1 en 2019 et 1 en 2020, qui concerne la mosquĂ©e de Pantin, fermĂ©e en novembre 2020 pour six mois, notamment pour avoir relayĂ© une vidĂ©o qui avait mis en cause Samuel Paty avant son assassinat.

Sept des huit décisions de fermeture ont été contestées au fond comme en référé, mais leur bien-fondé a systématiquement été confirmé par le juge administratif.

Sur le plan gĂ©ographique, ont Ă©tĂ© concernĂ©s les dĂ©partements du Nord (deux fermetures), des Bouches-du-RhĂŽne (deux fermetures), de l’HĂ©rault, de l’IsĂšre, des Yvelines et de la Seine-Saint-Denis (une fermeture pour chacun de ces dĂ©partements).

L’ensemble des mesures de fermetures prononcĂ©es ont concernĂ© des mosquĂ©es en lien avec la mouvance islamiste radicale.

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La loi n°2021-998 du 30 juillet 2021 relative Ă  la prĂ©vention des actes de terrorisme et au renseignement Ă©tend la possibilitĂ© de fermeture administrative de locaux dĂ©pendants d’un lieu de culte.

En effet, mĂȘme s’il n’existe pas de dĂ©finition prĂ©cise du lieu de culte, qui pourrait ĂȘtre regardĂ© comme tout lieu dans lequel se tient un culte, l’acception commune tend Ă  limiter le lieu de culte au lieu « dĂ©diĂ© au culte », rendant de facto sa fermeture relativement aisĂ©e Ă  contourner et tend Ă  priver celle-ci d’effet dĂšs lors qu’il existe des espaces adjacents au lieu de culte et en dĂ©pendant, au sein du bĂątiment en question ou Ă  proximitĂ© immĂ©diate, vers lesquels peut ĂȘtre dĂ©portĂ©e la pratique du culte.

Il doit exister des raisons sĂ©rieuses de penser que ces locaux, dont la dĂ©pendance organique ou gĂ©ographique est avĂ©rĂ©e, sont utilisĂ©s pour contourner la mesure de fermeture du lieu de culte. Selon les cas, la mesure de fermeture du lieu dĂ©pendant du lieu de culte pourra donc ĂȘtre concomitante Ă  celle prononçant la fermeture dudit lieu de culte, s’il existe des raisons sĂ©rieuses de penser que le culte est susceptible de se tenir dans le lieu en dĂ©pendant (parce que tel a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© le cas par exemple ou parce qu’il existe une imbrication trĂšs forte entre les lieux...) ou diffĂ©rĂ©e, Ă  raison de manƓuvres postĂ©rieures de contournement de la mesure.

D. DES MOTIFS DE PRÉOCCUPATION PERSISTANTS

Deux motifs de prĂ©occupation dominent au regard de la menace terroriste : il s’agit d’une part du risque liĂ© aux sortants de prison et d’autre part de la reconstitution possible d’une menace projetĂ©e au vu de la dĂ©gradation de la situation sĂ©curitaire sur zone.

1. Le suivi en détention et à la sortie de prison

Le nombre de dĂ©tenus condamnĂ©s pour des faits de terrorisme islamiste commence Ă  dĂ©cliner dans les prisons françaises et le rythme des sorties va sensiblement s’accĂ©lĂ©rer en 2023 et 2024. On recensait au premier trimestre 2021 environ 470 dĂ©tenus TIS contre 550 Ă  600 lors du pic atteint sur la pĂ©riode 2018-2019. Il faut y ajouter environ 700 dĂ©tenus condamnĂ©s pour des faits de droit commun radicalisĂ©s.

TIS sortants Ă  3 ans 163 Fin 2020 17 Fin 2021 66 Fin 2022 47 Fin 2023 33

Source : Ă©tude d’impact PJL renseignement

Par ailleurs, de plus en plus de personnes sont suivies en milieu ouvert, par les services pĂ©nitentiaires d’insertion et de probation (SPIP). Certains d’entre eux font l’objet de mesures individuelles de contrĂŽle administratif et de surveillance

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(MICAS). À titre d’illustration, depuis la promulgation de la loi SILT en octobre 2017, 147 sortants de prison condamnĂ©s pour terrorisme se sont vus notifier une MICAS.

Alors qu’une majoritĂ© d’actes terroristes a pour cible des forces de sĂ©curitĂ© – Ă  l’instar de l’attaque au couteau dans la prison de CondĂ©-sur-Sarthe le 5 mars 2019 – il s’agit pour les services de renseignement de prĂ©venir tant les attentats commis en dĂ©tention que ceux susceptibles d’ĂȘtre perpĂ©trĂ©s par des sortants de prison.

C’est dans ce contexte que le renseignement pĂ©nitentiaire a vu ses moyens significativement renforcĂ©s ces deux derniĂšres annĂ©es avec la crĂ©ation du SNRP, l’attribution de fonds spĂ©ciaux, et le dĂ©veloppement de moyens techniques mutualisĂ©s avec la DGSI.

De nouveaux quartiers d’évaluation de la radicalisation (QER) et de prise en charge de la radicalisation (QPR) ont Ă©tĂ© crĂ©Ă©s ou le seront prochainement, en particulier dĂ©diĂ©s aux femmes. Un QER pour femmes a ainsi Ă©tĂ© ouvert Ă  la prison de Fresnes qui disposera de 8 places d’ici Ă  la fin de l’annĂ©e 2021 ; et un QPR pour femmes verra prochainement le jour Ă  la prison de Rennes qui sera, Ă  terme, dotĂ© d’une trentaine de places. La DĂ©lĂ©gation estime nĂ©cessaire d’augmenter le nombre de places pour femmes au sein des QER et des QPR dans le cadre du programme immobilier pĂ©nitentiaire [Recommandation n° 2].

Enfin, la nouvelle loi relative Ă  la prĂ©vention d’actes de terrorisme et au renseignement prĂ©voit la crĂ©ation d’une mesure judiciaire de prĂ©vention de la rĂ©cidive terroriste et de rĂ©insertion. Cette mesure de sĂ»retĂ© a pour objectif d’assurer le suivi des personnes actuellement dĂ©tenues pour actes de terrorisme en lien avec la mouvance islamiste dont la peine arrive Ă  Ă©chĂ©ance dans les prochains mois ou prochaines annĂ©es.

Cette mesure s’applique aux personnes condamnĂ©es Ă  une peine privative de libertĂ© non assortie du sursis d’une durĂ©e supĂ©rieure ou Ă©gale Ă  5 ans pour des faits de terrorisme, ou 3 ans en cas de rĂ©cidive, s’il est Ă©tabli, Ă  l’issue d’un rĂ©examen de leur situation intervenant Ă  la fin de l’exĂ©cution de leur peine, qu’ils prĂ©sentent une particuliĂšre dangerositĂ© caractĂ©risĂ©e par une probabilitĂ© trĂšs Ă©levĂ©e de rĂ©cidive et par une adhĂ©sion persistante Ă  une idĂ©ologie ou Ă  des thĂšses incitant Ă  la commission d’actes de terrorisme (I de l’article 706-25-16 du code de procĂ©dure pĂ©nale).

Trois niveaux de prise en charge sont possibles en fonction des besoins repérés dans chacune des dimensions du suivi (psychosociale, psychologique, culturelle, socio-professionnelle
) :

– le niveau 1 dit milieu ouvert renforcĂ©, consistant en une prise en charge de 3 heures par semaine ;

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– le niveau 2 dit intermĂ©diaire permettant une prise en charge jusqu’à 10 heures par semaine pour les personnes dont le niveau de radicalitĂ© et d’intĂ©gration sociale demande un accompagnement important ;

– le niveau 3 dit intensif correspondant Ă  une prise en charge jusqu’à 20 heures par semaine, et visant les personnes ayant un niveau de radicalitĂ© Ă©levĂ© et nĂ©cessitant par ailleurs un accompagnement intensif en vue de leur rĂ©insertion sociale.

Le niveau de prise en charge proposĂ© par le centre Ă  l’issue du diagnostic est soumis Ă  la validation du SPIP et peut ĂȘtre modifiĂ© tout au long du suivi.

La mesure judiciaire de rĂ©insertion sociale antiterroriste a donc pour objectif d’assurer la rĂ©insertion des dĂ©tenus TIS par un accompagnement resserrĂ© et adaptĂ© Ă  leur profil, au moyen d’obligations ou d’interdictions Ă  vocation essentiellement sociale.

2. La possible reconstitution d’une menace projetĂ©e

Si la menace endogĂšne a pris le pas ces derniĂšres annĂ©es sur la menace dite projetĂ©e depuis l’étranger, il ne faut toutefois pas sous-estimer la reconstitution de rĂ©seaux terroristes dans la zone irako-syrienne. Les personnes retenues dans les camps du nord est syrien reprĂ©sentent un vivier stratĂ©gique pour Daesh, en particulier les mineurs considĂ©rĂ©s comme de vĂ©ritables « lionceaux du califat ».*****

Seul un rĂšglement politique du conflit syrien serait de nature Ă  permettre une sĂ©curisation pĂ©renne de la zone, ce qui n’est pas aujourd’hui le scĂ©nario le plus vraisemblable Ă  court ou Ă  moyen terme.

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III. L’EXTENSION DES FICHIERS DE POLICE ET DE GENDARMERIE PAR TROIS DÉCRETS DU 2 DÉCEMBRE 2020

Par trois décrets du 2 décembre 2020, le Gouvernement a sensiblement étendu les possibilités de collecte de trois fichiers gérés par la police et la gendarmerie nationales.

Le Gouvernement a justifiĂ© ces extensions de possibilitĂ©s de fichage par les forces de l’ordre en raison de l’évolution des menaces, dans un contexte liĂ© d’une part au mouvement des gilets jaunes et d’autre part Ă  la nĂ©cessitĂ© de mieux dĂ©tecter les « signaux faibles » pour lutter plus efficacement contre le terrorisme.

Les trois fichiers concernés sont :

– Le fichier PASP (prĂ©vention des atteintes Ă  la sĂ©curitĂ© publique), crĂ©Ă© en 2009 et gĂ©rĂ© par la direction gĂ©nĂ©rale de la police nationale (DGPN). Environ 60 000 personnes y sont inscrites.

– Le fichier GIPASP (gestion de l’information et prĂ©vention des atteintes Ă  la sĂ©curitĂ© publique), crĂ©Ă© en 2011 et gĂ©rĂ© par la direction gĂ©nĂ©rale de la gendarmerie nationale (DGGN). Environ 67 000 personnes y sont inscrites.

Ces deux fichiers (PASP et GISASP) ne portent pas sur des personnes condamnĂ©es mais seulement « susceptibles d’ĂȘtre impliquĂ©es dans des actions de violences collectives, en particulier en milieu urbain ou Ă  l’occasion de manifestations sportives ». Entrent dans le cadre de ces fichiers toutes les personnes dont l’activitĂ© individuelle ou collective indique qu’elles peuvent porter atteinte Ă  la sĂ©curitĂ© publique.

– Le fichier EASP (enquĂȘtes administratives), crĂ©Ă© en 2009 et utilisĂ© en amont du recrutement de fonctionnaires sur des postes sensibles (magistrats, policiers, surveillants pĂ©nitentiaires, par ex). Il est gĂ©rĂ© par la direction centrale de la sĂ©curitĂ© publique (DCSP) et la prĂ©fecture de police. DestinĂ© Ă  Ă©viter de recruter des personnes potentiellement dangereuses ou radicalisĂ©es, ce fichier vise Ă  faciliter la rĂ©alisation d’enquĂȘtes administratives au moyen du recueil et de l’exploitation d’informations nĂ©cessaires pour rĂ©pondre aux demandes dĂ©volues au renseignement territorial. 221 771 personnes y Ă©taient inscrites en novembre 2020.

Ces trois fichiers ont Ă©tĂ© alimentĂ©s de façon significative ces derniĂšres annĂ©es, puisqu’on constate une hausse des inscriptions d’environ 50 %.

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A. LES PRINCIPALES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LES DÉCRETS

– Les dĂ©crets du 2 dĂ©cembre 2020 procĂšdent Ă  l’élargissement des finalitĂ©s des fichiers PASP et GIPASP, initialement limitĂ©es Ă  la prĂ©vention des atteintes Ă  la sĂ©curitĂ© publiques, aux fins de tenir compte de l’évolution de certaines pratiques dans l’utilisation de ces fichiers. Peuvent dĂ©sormais ĂȘtre conservĂ©es des informations concernant des personnes pouvant porter atteinte non plus seulement Ă  la « sĂ©curitĂ© publique » mais, plus largement, Ă  « la sĂ»retĂ© de l’État, Ă  l’intĂ©gritĂ© du territoire ou des institutions de la RĂ©publique ». Il est prĂ©cisĂ© que « les donnĂ©es intĂ©ressant la sĂ»retĂ© de l’État sont celles qui rĂ©vĂšlent des activitĂ©s susceptibles de porter atteinte aux intĂ©rĂȘts fondamentaux de la Nation ou de constituer une menace terroriste portant atteinte Ă  ces mĂȘmes intĂ©rĂȘts ».

– Par ailleurs, les dĂ©crets du 2 dĂ©cembre 2020 sont venus Ă©largir les donnĂ©es pouvant faire l’objet d’une collecte et d’un enregistrement dans ces fichiers. Si la collecte de donnĂ©es relatives Ă  « des activitĂ©s politiques, philosophiques, religieuses ou syndicales » Ă©tait dĂ©jĂ  autorisĂ©e, les nouveaux dĂ©crets font rĂ©fĂ©rence non plus aux « activitĂ©s » mais aux « opinions » politiques, aux « convictions » philosophiques, religieuses et Ă  l’« appartenance » syndicale.

– Les donnĂ©es relatives Ă  l’état de santĂ©, s’agissant de troubles psychologiques ou psychiatriques, peuvent dĂ©sormais ĂȘtre collectĂ©es.

– Les donnĂ©es de personnes morales et de groupements de fait peuvent Ă©galement dĂ©sormais faire l’objet d’un enregistrement dans ces traitements au mĂȘme titre que celles des personnes physiques. Ceci rĂ©pond Ă  la volontĂ© du Gouvernement de mieux surveiller les activitĂ©s associatives, en particulier dans le cadre de la lutte contre la radicalisation et le terrorisme.

– Les types de donnĂ©es pouvant ĂȘtre enregistrĂ©es sont sensiblement Ă©largies, en particulier en ce qui concerne les « activitĂ©s susceptibles de porter atteinte Ă  la sĂ©curitĂ© publique ou Ă  la sĂ»retĂ© de l’État ». Figurent notamment les « comportements et habitudes de vie », les « dĂ©placements », les « pratiques sportives », « la pratique et le comportement religieux ».

– Les identifiants utilisĂ©s sur internet (pseudonymes, sites ou rĂ©seaux concernĂ©s, autres identifiants techniques) peuvent dĂ©sormais faire l’objet d’une mention dans ces fichiers, Ă  l’exclusion toutefois des mots de passe. Les informations collectĂ©es porteront principalement sur les commentaires postĂ©s sur les rĂ©seaux sociaux et les photos ou illustrations mises en ligne, ces Ă©lĂ©ments Ă©tant considĂ©rĂ©s comme pertinents dans le cadre de la prĂ©vention des atteintes Ă  la sĂ©curitĂ© publique ou Ă  la sĂ»retĂ© de l’État.

– L’accĂšs aux fichiers est Ă©largi, notamment aux procureurs de la RĂ©publique.

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B. LES GARANTIES PRÉVUES PAR LES TEXTES

– Seules les activitĂ©s « susceptibles de porter atteinte Ă  la sĂ©curitĂ© publique ou Ă  la sĂ»retĂ© de l’État » peuvent donner lieu Ă  l’enregistrement de donnĂ©es sur des activitĂ©s publiques ou au sein de groupements ou de personnes morales. Cela interdit notamment un enregistrement de personnes dans le traitement fondĂ© sur une simple appartenance syndicale.

– La possibilitĂ© d’enregistrer des donnĂ©es relatives aux activitĂ©s susceptibles de porter atteinte Ă  la sĂ©curitĂ© publique sur les rĂ©seaux ne peut provenir que de donnĂ©es collectĂ©es individuellement et manuellement.

– Les donnĂ©es relatives aux troubles psychologiques ou psychiatriques susceptibles de rĂ©vĂ©ler des facteurs de dangerositĂ© ne peuvent ĂȘtre collectĂ©es que si elles sont obtenues conformĂ©ment aux dispositions lĂ©gislatives et rĂšglementaires en vigueur, ce qui doit garantir le respect du secret mĂ©dical.

– Il n’est pas autorisĂ© de sĂ©lectionner dans le traitement une catĂ©gorie particuliĂšre de personnes Ă  partir des seules donnĂ©es mentionnĂ©es au I de l’article 6 de la loi du 6 janvier 1978, Ă  savoir les opinions politiques, les convictions religieuses et philosophiques ou encore l’appartenance syndicale.

– La possibilitĂ© de renseigner dans les fichiers l’indication de renseignement ou non de la personne dans 6 autres fichiers (TAJ, N-SIS II, GIPASP, personnes recherchĂ©es, FSPRT, objets et vĂ©hicules volĂ©s ou signalĂ©s) n’autorise pas pour autant l’interconnexion desdits fichiers. En outre, l’accĂšs aux fichiers consultĂ©s se fait par des agents expressĂ©ment et individuellement habilitĂ©s.

C. UNE EXTENSION QUI FAIT L’OBJET D’UN RECOURS DEVANT LE CONSEIL D’ÉTAT

Plusieurs syndicats, notamment la CGT, FO ou la FSU, mais aussi le syndicat de la magistrature et le syndicat des avocats de France, avaient saisi le Conseil d’État en rĂ©fĂ©rĂ©, aprĂšs la publication des dĂ©crets par le ministĂšre de l’IntĂ©rieur, le 4 dĂ©cembre 2020. Ils pointaient la « dangerositĂ© » et le caractĂšre « flou » desdits dĂ©crets.

Le 4 janvier 2021, le Conseil d’État a rejetĂ© ces requĂȘtes, considĂ©rant que les trois dĂ©crets ne portaient pas une atteinte disproportionnĂ©e Ă  la libertĂ© d’opinion, de conscience et de religion ou Ă  la libertĂ© syndicale. Il a fait valoir que le recueil de ces donnĂ©es sensibles Ă©tait dĂ©jĂ , par dĂ©rogation, autorisĂ© dans le code de la sĂ©curitĂ© intĂ©rieure, et que seules les activitĂ©s « susceptibles de porter atteinte Ă  la sĂ©curitĂ© publique ou Ă  la sĂ»retĂ© de l’État » Ă©taient concernĂ©es, ce qui « interdit notamment un enregistrement de personnes sur une simple appartenance syndicale ».

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La procĂ©dure au fond est nĂ©anmoins toujours en cours devant le Conseil d’État appelĂ© Ă  statuer prochainement.

MĂȘme si l’extension des possibilitĂ©s de fichage n’est pas sans rappeler la tentative avortĂ©e de crĂ©ation du fichier EDVIGE, en 2008, destinĂ©e Ă  collecter des informations personnelles sur des personnes et organismes susceptibles de troubler l’ordre public, la dĂ©lĂ©gation considĂšre que les modifications apportĂ©es par les dĂ©crets du 2 dĂ©cembre 2020 visent, en partie, Ă  fixer un cadre lĂ©gal Ă  des pratiques existantes. Le Gouvernement met en avant la lutte contre la radicalisation et la nĂ©cessitĂ© de mieux dĂ©tecter les signaux faibles face Ă  une menace terroriste de plus en plus endogĂšne.

Dans ses avis rendus le 25 juin 2020, prĂ©alablement Ă  la publication desdits dĂ©crets, la CNIL avait considĂ©rĂ© que les finalitĂ©s de traitement des donnĂ©es avaient Ă©tĂ© suffisamment prĂ©cisĂ©es pour permettre de distinguer clairement les donnĂ©es ayant vocation Ă  ĂȘtre traitĂ©es pour des finalitĂ©s relevant de la « sĂ»retĂ© de l’État » et faisant l’objet d’un encadrement juridique distinct du rĂšglement gĂ©nĂ©ral sur la protection des donnĂ©es (RGPD). L’autoritĂ© administrative indĂ©pendante a estimĂ© qu’il Ă©tait bien Ă©tabli que seules les activitĂ©s « susceptibles de porter atteinte Ă  la sĂ©curitĂ© publique ou Ă  la sĂ»retĂ© de l’État » pouvaient ĂȘtre collectĂ©es.

En revanche, la dĂ©lĂ©gation regrette que le Gouvernement n’ait pas soumis Ă  la CNIL la rĂ©daction dĂ©finitive du dĂ©cret publiĂ© le 2 dĂ©cembre 2020, qui diffĂšre de celle sur laquelle elle s’était prononcĂ©e quelques mois auparavant. L’exĂ©cutif a en effet substituĂ© aux « activitĂ©s politiques, philosophiques, religieuses ou syndicales », les termes « opinions » politiques, « convictions » philosophiques et religieuses et l’« appartenance » syndicale.

Au vu du caractĂšre sensible de cette collecte d’informations, la dĂ©lĂ©gation souhaite que le coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme puisse Ă  l’avenir rĂ©guliĂšrement lui rendre compte de la mise en Ɠuvre, par les services de renseignement, de ces nouvelles possibilitĂ©s de collecte [Recommandation n° 3].

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IV. LA REFONTE DU PLAN NATIONAL D’ORIENTATION DU RENSEIGNEMENT (PNOR)

A. LA VOCATION DU PNOR EN TANT QU’OUTIL DE PILOTAGE

Dans sa forme actuelle, le PNOR trouve son origine dans le Livre blanc sur la dĂ©fense et la sĂ©curitĂ© nationale de juin 2008 qui proposait qu’un « Conseil national du renseignement » – qui n’existait pas encore Ă  cette Ă©poque – dĂ©finisse les grandes orientations assignĂ©es aux services de renseignement.

La mission avait alors Ă©tĂ© confiĂ©e au Coordonnateur national du renseignement d’élaborer ce document dans le cadre de son rĂŽle consistant Ă  orienter l’action des services, Ă  dĂ©finir et Ă  orienter les prioritĂ©s de recherche du renseignement.

Le PNOR est un document qui traite de la menace et de l’orientation des services. Il vise Ă  orienter les capteurs en fonction d’un Ă©tat de la menace Ă©tabli prĂ©alablement. À la diffĂ©rence de la « stratĂ©gie nationale du renseignement », document public adoptĂ© en juillet 2019, le PNOR est un document classifiĂ© qui constitue la feuille de route des services.

Depuis 2009, le PNOR a fait l’objet de versions successives adoptĂ©es par le Conseil national du renseignement : en 2010, en 2012, en 2014 et en 2018. Ce document a fait l’objet d’une refonte en janvier 2021 que le Coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme est venu prĂ©senter Ă  la dĂ©lĂ©gation le 17 juin 2021.

Cette refonte du PNOR fait apparaßtre plusieurs éléments nouveaux par rapport à la version précédente de ce document.

– S’agissant tout d’abord de son Ă©laboration, elle a fait l’objet de consultations trĂšs larges, pendant plus d’une annĂ©e, par le Coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme. Ces consultations n’ont pas concernĂ© les seuls services de renseignement, mais l’ensemble des ministĂšres. Tous les directeurs de cabinet ont en effet Ă©tĂ© sollicitĂ©s pour identifier les besoins des ministĂšres.

– Ensuite, la classification du PNOR est passĂ©e de « secret dĂ©fense » Ă  « confidentiel dĂ©fense ». Cet assouplissement vise Ă  partager plus facilement ce document afin que les services et les ministĂšres puissent se l’approprier, notamment aux Ă©chelons hiĂ©rarchiques intermĂ©diaires. La classification « secret dĂ©fense » limitait en effet trĂšs strictement le nombre de ses destinataires.

– Enfin, Ă  la diffĂ©rence des versions prĂ©cĂ©dentes, le choix a Ă©tĂ© fait de ne pas donner de durĂ©e de vie au PNOR adoptĂ© en janvier 2021. Il s’agit d’un document vivant, pluriannuel et adaptable en permanence en fonction des menaces.

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Dans le cadre de la refonte de janvier 2021, le PNOR Ă©volue aussi dans sa forme : il est dĂ©sormais constituĂ© d’un document d’orientation, accompagnĂ© de fiches d’orientations stratĂ©giques sur huit thĂ©matiques spĂ©cifiques qui appellent Ă  une attention accrue de l’ensemble des services de renseignement et Ă  une coordination renforcĂ©e. Une comitologie de suivi est mise en place par la CNRTL afin de s’assurer de la mise en Ɠuvre des orientations du plan stratĂ©gique.

Depuis 2017, Le PNOR est Ă©galement complĂ©tĂ© par des « doctrines » qui dĂ©finissent une rĂ©partition des compĂ©tences entre les services de renseignement. Ces doctrines concernent par exemple la lutte antiterroriste, la protection de nos intĂ©rĂȘts Ă©conomiques, le contre-espionnage, la contre-prolifĂ©ration
.

En outre, le PNOR s’articule avec des stratĂ©gies nationales de protection et de dĂ©fense, *****. Ces stratĂ©gies nationales de protection et de dĂ©fense ont un pĂ©rimĂštre plus large que la seule communautĂ© du renseignement.

B. LES PRINCIPALES MENACES IDENTIFIÉES PAR LE PNOR

En cohĂ©rence avec les grandes lignes de la stratĂ©gie nationale du renseignement, les prioritĂ©s du nouveau PNOR s’articulent autour de quatre volets principaux que sont :

– Les menaces terroristes ;

– L’anticipation des crises et les risques de ruptures majeures ;

– La dĂ©fense et la promotion de notre Ă©conomie ;

– Les menaces transversales.

*****.

1. Les menaces terroristes

*****.

2. L’anticipation des crises et risques de ruptures majeures

*****.

3. La défense et la promotion de notre économie :

*****.

4. Les menaces transversales

*****.

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5. *****

*****.

C. LES FICHES D’ORIENTATION STRATÉGIQUE

Les grandes orientations du PNOR sont complĂ©tĂ©es par des fiches d’orientation stratĂ©gique au nombre de huit. La volontĂ© du CNRLT, en accord avec le Chef de l’État, a Ă©tĂ© de ne pas multiplier le nombre de ces fiches afin de ne pas enfermer l’action des services de renseignement dans un pĂ©rimĂštre trop contraint pour leur laisser un niveau d’autonomie suffisant.

Les thĂšmes retenus font l’objet de suivis rĂ©guliers par la coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme et peuvent donner lieu Ă  des Ă©changes et dĂ©cisions en Conseil de dĂ©fense.

*****.

*** Parmi les menaces identifiĂ©es, le PNOR met en avant un risque d’ingĂ©rence

de plus en plus prĂ©gnant. À cet Ă©gard, les parlementaires sont des objectifs pour des services de renseignements Ă©trangers qui cherchent Ă  recueillir des informations stratĂ©giques. Il est nĂ©cessaire de renforcer la sensibilisation des Ă©lus de la Nation aux risques d’espionnage dont ils peuvent ĂȘtre la cible, en particulier lors de leurs dĂ©placements Ă  l’étranger, dans le cadre de leur mandat, ou Ă  titre privĂ©. À l’occasion de chaque renouvellement de l’AssemblĂ©e nationale et du SĂ©nat, un temps de sensibilisation sur les risques d’espionnage liĂ©s Ă  leur mandat devrait ainsi ĂȘtre systĂ©matiquement et obligatoirement proposĂ© Ă  tous les parlementaires et un kit d’information sur les bonnes pratiques Ă  respecter devrait ĂȘtre intĂ©grĂ© Ă  la mallette du dĂ©putĂ© et du sĂ©nateur [Recommandation n° 4].

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V. L’IMPACT DE LA JURISPRUDENCE EUROPÉENNE SUR L’ACTIVITÉ DES SERVICES DE RENSEIGNEMENT ET LE PROJET DE LOI RELATIF À LA PRÉVENTION D’ACTES DE TERRORISME ET AU RENSEIGNEMENT

C’est sous la pression des cours europĂ©ennes, et malgrĂ© la rĂ©sistance des cours nationales, que le cadre lĂ©gal encadrant les activitĂ©s de renseignement a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ© en France. La jurisprudence europĂ©enne a ainsi permis un dĂ©veloppement du contrĂŽle sur l’activitĂ© des services de renseignement. La question de l’équilibre entre les droits issus des traitĂ©s tels qu’interprĂ©tĂ©s par les juges et la garantie des intĂ©rĂȘts fondamentaux de la nation se pose cependant face aux exigences croissantes des cours. Si elles imposent aux autoritĂ©s nationales de continuer Ă  renforcer les garanties en matiĂšre de recours aux techniques de renseignement, les arrĂȘts rendus par la cour europĂ©enne des droits de l’homme et surtout par la cour de justice de l’Union europĂ©enne au cours des derniĂšres annĂ©es semblent atteindre les limites du contrĂŽle possible sans remettre en cause les compĂ©tences rĂ©galiennes de l’État.

A. UNE JURISPRUDENCE DE LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME FONDÉE SUR LE RESPECT DE LA VIE PRIVÉE

L’article 8 de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme consacre le « droit au respect de la vie privĂ©e et familiale ». Il dispose que :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

« 2. Il ne peut y avoir ingĂ©rence d’une autoritĂ© publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingĂ©rence est prĂ©vue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une sociĂ©tĂ© dĂ©mocratique, est nĂ©cessaire Ă  la sĂ©curitĂ© nationale, Ă  la sĂ»retĂ© publique, au bien-ĂȘtre Ă©conomique du pays, Ă  la dĂ©fense de l’ordre et Ă  la prĂ©vention des infractions pĂ©nales, Ă  la protection de la santĂ© ou de la morale, ou Ă  la protection des droits et libertĂ©s d’autrui. »

C’est sur ce fondement que la Cour a trĂšs tĂŽt exigĂ© qu’un cadre lĂ©gal soit fixĂ© pour encadrer les ingĂ©rences dans la vie privĂ©e induites par la mise en Ɠuvre d’activitĂ©s de surveillance. Pour le juge de Strasbourg, la loi non seulement doit exister (que ce soit sous forme d’un texte ou d’une jurisprudence uniforme et constante), mais il faut encore qu’elle prĂ©sente une certaine « qualitĂ© ». Cette notion de « qualitĂ© de la loi » est ancienne et figure dĂ©jĂ  dans les arrĂȘts Klass du 6 sept. 1978 et Malone du 2 aoĂ»t 1984. « Elle signifie que la loi doit remplir certains caractĂšres qui sont l’accessibilitĂ© et la prĂ©visibilitĂ©. Ce dernier mot veut dire que la loi doit user de termes clairs « pour indiquer Ă  tous, de maniĂšre suffisante, en quelles circonstances et sous quelles conditions elle habilite la puissance publique Ă  opĂ©rer pareille atteinte secrĂšte et virtuellement dangereuse au droit au respect de la vie privĂ©e et de la correspondance » (arrĂȘt Malone), ou employer des termes

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prĂ©cis, nets « pour fournir Ă  l’individu une protection adĂ©quate contre l’arbitraire » (ibid.) »1.

Deux arrĂȘts de la Cour europĂ©enne des droits de l’homme ont condamnĂ© la France pour atteinte au droit au respect de la vie privĂ©e CEDH, arrĂȘtĂ© Kruslin et Ă©poux Huvig c/ France, 24 avril 1990. Il s’agissait seulement de la deuxiĂšme fois que la France Ă©tait condamnĂ©e pour non-respect de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme Ă  la demande d’un particulier.

En effet, si le droit français remplissait la condition d’accessibilitĂ© de la loi, puisque tout citoyen pouvait connaĂźtre les rĂšgles juridiques relatives aux Ă©coutes, la condition de prĂ©visibilitĂ© n’était en revanche pas remplie aux yeux de la Cour. MĂȘme si le gouvernement français avait Ă©numĂ©rĂ© une liste de dix-sept garanties pour faire juger le contraire. Tout en reconnaissant leur existence, la Cour a alors soulignĂ© deux insuffisances dans le dispositif français : d’une part, le caractĂšre fragmentaire de la jurisprudence ; d’autre part et surtout, l’absence de rĂšgles sur des points substantiels : les catĂ©gories de personnes ou d’infractions susceptibles de donner lieu Ă  des Ă©coutes, les limites Ă  la durĂ©e de la mesure, les conditions d’établissement des procĂšs-verbaux, leur contrĂŽle, leur destruction aprĂšs non-lieu ou acquittement. En consĂ©quence, la Cour a considĂ©rĂ© que, du fait de l’imprĂ©cision de son droit pour encadrer l’ingĂ©rence dans la vie privĂ©e des citoyens, la France ne s’était pas conformĂ©e aux exigences de l’article 8 de la Convention.

C’est pour faire face aux consĂ©quences de cet arrĂȘt que la premiĂšre pierre du dispositif de contrĂŽle de l’activitĂ© des services de renseignement fut posĂ©e par la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances Ă©mises par la voie des tĂ©lĂ©communications, qui a soumis les interceptions de sĂ©curitĂ© Ă  une procĂ©dure d’autorisation prĂ©alable du Premier ministre et Ă  un contrĂŽle, initialement a posteriori, d’une commission indĂ©pendante, la commission nationale de contrĂŽle des interceptions de sĂ©curitĂ© (CNCIS).

Ainsi que l’a rappelĂ© le prĂ©cĂ©dent rapport de la DPR, c’est notamment le risque d’une nouvelle condamnation de la France par la Cour europĂ©enne des droits de l’homme qui a conduit Ă  l’élaboration de la loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement.

B. UN CONTRÔLE DE LA CJUE LIÉ AUX OBLIGATIONS REPOSANT SUR LA CONSERVATION DES DONNÉES PERSONNELLES

L’intervention de la CJUE en matiĂšre de donnĂ©es conservĂ©es aux fins de renseignement se fonde sur la directive dite ePrivacy de 2002 ; elle a rendu un arrĂȘt de 2016 dit Tele2, qui pose le principe de l’interdiction de la conservation gĂ©nĂ©ralisĂ©e et indiffĂ©renciĂ©e des donnĂ©es de trafic et de localisation (i.e. des donnĂ©es

1 Jean Pradel « Une condamnation des écoutes téléphoniques à la française par la Cour européenne des droits

de l'homme », Recueil Dalloz 1990 p. 353

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de connexion), y compris Ă  des fins de sĂ©curitĂ© nationale. C’est pour connaĂźtre les implications de cette dĂ©cision sur la lĂ©gislation française que le Conseil d’État, saisi de recours dĂ©posĂ©s par plusieurs associations et opĂ©rateurs, a posĂ© en 2018 une question prĂ©judicielle Ă  la Cour, qui y a rĂ©pondu par l’arrĂȘt La quadrature du Net du 6 octobre 2020.

1. La directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractÚre personnel et la protection de la vie privée, dite ePrivacy

Comme l’a rappelĂ© le Conseil d’État dans la question prĂ©judicielle posĂ©e Ă  la CJUE en 20181, la directive 2002/58/CE du Parlement europĂ©en et du Conseil du 12 juillet 2002 concernant le traitement des donnĂ©es Ă  caractĂšre personnel et la protection de la vie privĂ©e dans le secteur des communications Ă©lectroniques, procĂšde de la volontĂ© de rapprocher les lĂ©gislations des États membres afin de permettre l’établissement et le fonctionnement du marchĂ© intĂ©rieur.

Elle a pour objet, ainsi que l’énonce le paragraphe 1 de son article 3, le « traitement des donnĂ©es Ă  caractĂšre personnel dans le cadre de la fourniture de services de communications Ă©lectroniques accessibles au public sur les rĂ©seaux publics de communication dans la CommunautĂ© ». Mais, ainsi que le rappelle son article 1er, paragraphe 3, elle « ne s’applique pas aux activitĂ©s qui ne relĂšvent pas du traitĂ© instituant la CommunautĂ© europĂ©enne [...] et, en tout Ă©tat de cause, aux activitĂ©s concernant la sĂ©curitĂ© publique, la dĂ©fense, la sĂ»retĂ© de l’État (y compris la prospĂ©ritĂ© Ă©conomique de l’État lorsqu’il s’agit d’activitĂ©s liĂ©es Ă  la sĂ»retĂ© de l’État) ou aux activitĂ©s de l’État dans des domaines relevant du droit pĂ©nal ». Par ailleurs, son article 15 prĂ©voit que « Les États membres peuvent adopter des mesures lĂ©gislatives visant Ă  limiter la portĂ©e des droits et des obligations prĂ©vus aux articles 5 et 6, Ă  l’article 8, paragraphes 1, 2, 3 et 4, et Ă  l’article 9 de la prĂ©sente directive lorsqu’une telle limitation constitue une mesure nĂ©cessaire, appropriĂ©e et proportionnĂ©e, au sein d’une sociĂ©tĂ© dĂ©mocratique, pour sauvegarder la sĂ©curitĂ© nationale – c’est-Ă -dire la sĂ»retĂ© de l’État – la dĂ©fense et la sĂ©curitĂ© publique, ou assurer la prĂ©vention, la recherche, la dĂ©tection et la poursuite d’infractions pĂ©nales ou d’utilisations non autorisĂ©es du systĂšme de communications Ă©lectroniques, comme le prĂ©voit l’article 13, paragraphe 1, de la directive 95/46/CE. À cette fin, les États membres peuvent, entre autres, adopter des mesures lĂ©gislatives prĂ©voyant la conservation de donnĂ©es pendant une durĂ©e limitĂ©e lorsque cela est justifiĂ© par un des motifs Ă©noncĂ©s dans le prĂ©sent paragraphe. Toutes les mesures visĂ©es dans le prĂ©sent paragraphe sont prises dans le respect des principes gĂ©nĂ©raux du droit communautaire, y compris ceux visĂ©s Ă  l’article 6, paragraphes 1 et 2, du traitĂ© sur l’Union europĂ©enne ».

1 Questions préjudicielles à la CJUE sur la conservation des données de connexion,

ArrĂȘt rendu par Conseil d'État 10e et 9e chambres rĂ©unies, 26-07-2018, n° 394922 394925 397844 397851, mentionnĂ© aux tables.

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Les États membres sont ainsi autorisĂ©s, pour des motifs tenant Ă  la sĂ»retĂ© de l’État ou Ă  la lutte contre les infractions pĂ©nales, Ă  dĂ©roger, notamment, Ă  l’obligation de confidentialitĂ© des donnĂ©es Ă  caractĂšre personnel, ainsi que de confidentialitĂ© des donnĂ©es relatives au trafic y affĂ©rentes, qui dĂ©coulent de l’article 5, paragraphe 1, de la directive.

2. Le contrĂŽle exercĂ© par la CJUE sur le respect de cette directive et l’arrĂȘt Tele2

Cependant dans son arrĂȘt Tele2 Sverige AB c/ Post-och telestyrelsen et Secretary of State for the Home Department c/ Tom Watson et autres (C-203/15 et C-698/15), du 21 dĂ©cembre 2016, la CJUE a estimĂ© qu’il rĂ©sulte des dispositions de la directive du 12 juillet 2002 qu’elle « doit ĂȘtre regardĂ©e comme rĂ©gissant les activitĂ©s des fournisseurs [de services de communications Ă©lectroniques] ». Elle a considĂ©rĂ© que les dispositions imposant des obligations Ă  ces fournisseurs, telles que la conservation gĂ©nĂ©ralisĂ©e et indiffĂ©renciĂ©e des donnĂ©es relatives au trafic et des donnĂ©es de localisation de leurs utilisateurs et abonnĂ©s, aux fins mentionnĂ©es Ă  l’article 15, paragraphe 1, de la directive du 12 juillet 2002, parmi lesquelles figure la sauvegarde de la sĂ©curitĂ© nationale, de la dĂ©fense et de la sĂ©curitĂ© publique, relĂšvent dĂšs lors du champ d’application de cette directive, dans la mesure oĂč elles rĂ©gissent leur activitĂ©. Par ailleurs, le fait que de telles obligations n’interviennent qu’aux seules fins de rendre accessibles aux autoritĂ©s nationales compĂ©tentes les donnĂ©es personnelles qu’elles concernent, implique que la rĂ©glementation nationale encadrant l’accĂšs et l’utilisation de ces donnĂ©es relĂšve Ă©galement du champ d’application de la directive du 12 juillet 2002. En revanche, les dispositions nationales qui portent sur des techniques de recueil de renseignement directement mises en Ɠuvre par l’État sans rĂ©gir les activitĂ©s des fournisseurs de services de communications Ă©lectroniques en leur imposant des obligations spĂ©cifiques ne relĂšvent pas du champ d’application de cette directive.

Outre la compĂ©tence de la CJUE sur les lĂ©gislations nationales en matiĂšre de conservation des donnĂ©es, l’arrĂȘt « TĂ©lĂ©2 » affirme que le droit de l’Union s’oppose Ă  une rĂ©glementation nationale prĂ©voyant une conservation gĂ©nĂ©ralisĂ©e et indiffĂ©renciĂ©e des donnĂ©es.

La Cour considĂšre ensuite que, si la directive du 12 juillet 2002 permet aux États membres de limiter la portĂ©e de l’obligation de principe d’assurer la confidentialitĂ© des communications et des donnĂ©es relatives au trafic y affĂ©rentes, elle ne saurait justifier que la dĂ©rogation Ă  cette obligation de principe et, en particulier, Ă  l’interdiction de stocker ces donnĂ©es, prĂ©vue par celle-ci, devienne la rĂšgle.

En outre, la Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle la protection du droit fondamental au respect de la vie privĂ©e exige que les dĂ©rogations Ă  la protection des donnĂ©es Ă  caractĂšre personnel s’opĂšrent dans les limites du strict nĂ©cessaire. La Cour applique cette jurisprudence aux rĂšgles rĂ©gissant la conservation des donnĂ©es et Ă  celles rĂ©gissant l’accĂšs aux donnĂ©es conservĂ©es.

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La Cour constate, s’agissant de la conservation, que les donnĂ©es conservĂ©es prises dans leur ensemble sont susceptibles de permettre de tirer des conclusions trĂšs prĂ©cises sur la vie privĂ©e des personnes dont les donnĂ©es ont Ă©tĂ© conservĂ©es.

Elle en dĂ©duit que l’ingĂ©rence rĂ©sultant d’une rĂ©glementation nationale prĂ©voyant la conservation des donnĂ©es relatives au trafic et des donnĂ©es de localisation doit donc ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme particuliĂšrement grave. Le fait que la conservation des donnĂ©es est effectuĂ©e sans que les utilisateurs des services de communications Ă©lectroniques en soient informĂ©s est susceptible de gĂ©nĂ©rer, dans l’esprit des personnes concernĂ©es, le sentiment que leur vie privĂ©e fait l’objet d’une surveillance constante. Par consĂ©quent, seule la lutte contre la criminalitĂ© grave est susceptible de justifier une telle ingĂ©rence.

La Cour relĂšve qu’une rĂ©glementation prĂ©voyant une conservation gĂ©nĂ©ralisĂ©e et indiffĂ©renciĂ©e des donnĂ©es ne requiert pas de relation entre les donnĂ©es dont la conservation est prĂ©vue et une menace pour la sĂ©curitĂ© publique et ne se limite notamment pas Ă  prĂ©voir une conservation des donnĂ©es affĂ©rentes Ă  une pĂ©riode temporelle et/ou une zone gĂ©ographique et/ou un cercle de personnes susceptibles d’ĂȘtre mĂȘlĂ©es Ă  une infraction grave. Une telle rĂ©glementation nationale excĂšde donc les limites du strict nĂ©cessaire et ne saurait ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme Ă©tant justifiĂ©e dans une sociĂ©tĂ© dĂ©mocratique, ainsi que l’exige la directive lue Ă  la lumiĂšre de la Charte.

En rĂ©pondant Ă  la question prĂ©judicielle posĂ©e par le Conseil d’État en 2018 par l’arrĂȘt La Quadrature du Net du 6 octobre 2020, la CJUE procĂšde Ă  plusieurs distinctions fondĂ©es sur le niveau d’atteinte Ă  la vie privĂ©e. Ces distinctions portent sur les types de donnĂ©es, leurs modalitĂ©s de traitement, qui comprend les modalitĂ©s de conservation et d’accĂšs et fixe les finalitĂ©s lĂ©gitimes de conservation. Ce panorama trĂšs exhaustif tend Ă  dĂ©limiter la possibilitĂ© pour les États de dĂ©finir des rĂšgles de conservation.

S’agissant des types de donnĂ©es, la Cour distingue donnĂ©es de trafic et donnĂ©es de localisation, dont la conservation est celle qui risque de porter le plus atteinte Ă  la vie privĂ©e, ainsi que l’adresse IP qui permet de savoir Ă  partir de quel outil la communication est faite, et l’identitĂ© civile de l’utilisateur des services de communication.

La Cour se penche Ă©galement sur les types de traitement des donnĂ©es en distinguant la conservation gĂ©nĂ©ralisĂ©e et indiffĂ©renciĂ©e et la conservation ciblĂ©e, plus aisĂ©ment compatible avec les exigences du droit de l’Union, subdivisĂ©e entre le ciblage en fonction de catĂ©gories de personnes et le ciblage gĂ©ographique. Au-delĂ  de la conservation, la Cour s’estime compĂ©tente pour juger de l’accĂšs aux donnĂ©es conservĂ©es, en distinguant le recueil en temps rĂ©el ou diffĂ©rĂ©, ce dernier Ă©tant considĂ©rĂ© comme moins attentatoire Ă  la vie privĂ©e que le premier. La Cour fait rĂ©fĂ©rence Ă  la possibilitĂ© de conservation dite rapide des donnĂ©es, susceptible d’ĂȘtre utilisĂ©e pour la lutte contre la criminalitĂ© grave. Enfin, elle mentionne le traitement sous la forme d’une analyse automatisĂ©e des diffĂ©rentes donnĂ©es disponibles, soit l’algorithme.

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La Cour différencie les atteintes en fonction de la finalité du traitement poursuivi, la légitimité des finalités correspondant à la possibilité de recourir à la conservation et au traitement des données :

– les atteintes Ă  la sĂ©curitĂ© nationale ;

– la criminalitĂ© grave et les atteintes graves Ă  la sĂ©curitĂ© publique ;

– enfin la dĂ©tection et la poursuite d’infractions pĂ©nales.

La possibilitĂ© laissĂ©e aux État de dĂ©finir un rĂ©gime de conservation des donnĂ©es a donc semblĂ© particuliĂšrement faible, et cette dĂ©cision est parue de nature Ă  remettre en cause l’ensemble du cadre lĂ©gal français en matiĂšre de conservation des donnĂ©es et de techniques de renseignement.

C. UN CADRE NATIONAL CONFORTÉ PAR LA JURISPRUDENCE DU CONSEIL D’ÉTAT ET LES ÉVOLUTIONS APPORTÉES PAR LE PROJET DE LOI RELATIF À LA PRÉVENTION D’ACTES DE TERRORISME ET AU RENSEIGNEMENT, MAIS LA PERMANENCE D’ENJEUX COMPLEXES.

Initialement destinĂ© Ă  tirer les consĂ©quences des Ă©chĂ©ances prĂ©vues par la loi du 24 juillet 2015, la loi du 30 juillet 2021 relative Ă  la prĂ©vention d’actes de terrorisme et au renseignement tire les consĂ©quences de la jurisprudence de la CJUE et de la dĂ©cision du Conseil d’État, 21 avril 2021, French Data Network et autres.

1. Les garanties apportĂ©es par le projet de loi relatif Ă  la prĂ©vention d’actes de terrorisme et au renseignement

La dĂ©cision du Conseil d’État du 21 avril 2021 a Ă©tĂ© largement perçue comme posant un Ă©quilibre entre les exigences posĂ©es par la CJUE et le cadre institutionnel français. Cet Ă©quilibre repose essentiellement sur deux points : la possibilitĂ© de conservation de donnĂ©es fondĂ©es sur l’état d’une menace grave constatĂ©e annuellement par un dĂ©cret du Premier ministre et le renforcement du contrĂŽle a priori des techniques de renseignement exercĂ© par la CNCTR.

En consĂ©quence la loi du 30 juillet 2021 instaure un nouveau rĂ©gime juridique en matiĂšre de conservation des donnĂ©es et, pour les techniques de renseignement soumises au contrĂŽle de la Commission nationale de contrĂŽle des techniques de renseignement (CNCTR), tire les consĂ©quences de l’arrĂȘt de la Cour de justice de l’Union europĂ©enne (CJUE) du 6 octobre 2020 et de la dĂ©cision French data Network et autres du Conseil d’État du 21 avril 2021.

La loi modifie les articles L. 34-1 du code des postes et des communications Ă©lectroniques (CPCE) et 6 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numĂ©rique (LCEN). Elle prĂ©voit qu’en cas de menace grave, actuelle ou prĂ©visible pour la sĂ©curitĂ© nationale, le Premier ministre peut enjoindre aux opĂ©rateurs de communications Ă©lectroniques, par un dĂ©cret dont la durĂ©e d’application ne peut excĂ©der un an, de conserver, pour une durĂ©e d’un an, certaines

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catĂ©gories de donnĂ©es de connexion dont la nature serait prĂ©cisĂ©e par un dĂ©cret en Conseil d’État.

Il est Ă©galement inscrit dans la loi la durĂ©e de conservation – ainsi que les finalitĂ©s de cette conservation – des diverses catĂ©gories de donnĂ©es et informations.

Enfin, la loi du 30 juillet 2021 prĂ©voit la possibilitĂ©, pour les autoritĂ©s disposant en vertu de la loi d’un accĂšs aux donnĂ©es relatives aux communications Ă©lectroniques Ă  des fins de prĂ©vention de la criminalitĂ© grave ou d’autres manquements aux rĂšgles dont elles sont chargĂ©es d’assurer le respect, de prononcer une injonction de conservation rapide.

Bien qu’il rĂ©duise les capacitĂ©s d’enquĂȘte de l’autoritĂ© judiciaire en cas d’infractions pĂ©nales ordinaires, conformĂ©ment Ă  la lettre de l’arrĂȘt europĂ©en, le nouveau dispositif lĂ©gislatif permet de conserver les capacitĂ©s opĂ©rationnelles des services de renseignement et celles de l’autoritĂ© judiciaire en cas de « criminalitĂ© grave ».

La loi du 30 juillet 2021 Ă©tend Ă©galement Ă  toute technique de renseignement le mĂ©canisme prĂ©vu pour l’introduction dans un lieu privĂ© Ă  usage d’habitation lorsque la CNCTR Ă©met un avis dĂ©favorable sur une demande. Dans ce cas, la saisine de la formation spĂ©cialisĂ©e du Conseil d’État compĂ©tente en matiĂšre de techniques de renseignement sera obligatoire et celle-ci ne pourra ĂȘtre mise en Ɠuvre, sauf urgence, avant qu’elle n’ait statuĂ©. La formation spĂ©cialisĂ©e devra se prononcer en 24 heures.

2. La nĂ©cessitĂ© d’anticiper sur les exigences posĂ©es par le droit europĂ©en

Au regard des exigences anciennes mais toujours importantes de la CEDH et des nouvelles exigences posĂ©es par la CJUE, la France doit agir le plus en amont possible des Ă©volutions jurisprudentielles et surtout des condamnations dont elle pourrait faire l’objet

a. Une action sur le droit de l’Union europĂ©enne

Dans son arrĂȘt du 21 avril 2021, le Conseil d’État s’est refusĂ© Ă  contrĂŽler la compĂ©tence de la CJUE pour intervenir sur les questions relatives au renseignement. Ce dĂ©bat n’est cependant pas clos et il appartient au Gouvernement, en accord avec les autres États membres, de faire Ă©voluer le droit europĂ©en vers une meilleure prise en compte des enjeux liĂ©s Ă  la protection des intĂ©rĂȘts fondamentaux de la nation. La fin des nĂ©gociations sur le rĂšglement ePrivacy appelĂ© Ă  remplacer la directive de 2002 pourrait ĂȘtre une premiĂšre occasion en ce sens.

b. La question des Ă©changes d’informations avec les services Ă©trangers.

Par deux arrĂȘts du 25 mai 2021 (n° 58170/13, Big Brother Watch et autres) et du 19 juin 2018 (n° 35252/08, Centrum för rĂ€ttvisa c. SuĂšde) la CEDH a condamnĂ© le Royaume-Uni et la SuĂšde pour ne pas avoir entourĂ© de suffisamment

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de garanties leurs rĂ©gimes d’obtention de donnĂ©es de communication auprĂšs des fournisseurs de services de communication. Cette condamnation a cependant Ă©tĂ© largement vue comme offrant aux États des possibilitĂ©s de conservation des donnĂ©es plus large que celles dĂ©coulant de la jurisprudence de la CJUE, conformĂ©ment Ă  l’article 8.2 de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme.

Cependant la Cour a Ă©galement Ă©tĂ© conduite Ă  se prononcer dans ces deux affaires sur la rĂ©ception de renseignements obtenus auprĂšs de gouvernements et/ou de services de renseignement Ă©trangers. En ce domaine la Cour paraĂźt exiger un niveau de contrĂŽle similaire, sinon identique Ă  celui exercĂ© pour les renseignements recueillis par les services nationaux. La lĂ©gislation française pourrait donc ĂȘtre appelĂ©e Ă  Ă©voluer.

Il paraĂźt impossible Ă  la DPR qu’une telle Ă©volution, qui implique les relations internationales de la France et l’existence de liens de confiance avec des services Ă©trangers, se fasse de maniĂšre abrupte. Il est cependant nĂ©cessaire que le Gouvernement et les services rĂ©flĂ©chissent au cadre le plus adaptĂ© pour permettre Ă  la France de respecter ses obligations au regard de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme [Recommandation n° 5].

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CHAPITRE III LA CONTINUITÉ DES MISSIONS DE RENSEIGNEMENT

PENDANT LA CRISE SANITAIRE

I. LE RISQUE PANDÉMIQUE EST CLAIREMENT IDENTIFIÉ, MAIS INSUFFISAMMENT SUIVI PAR LES SERVICES DE RENSEIGNEMENT

A. UN RISQUE PRIS EN COMPTE PAR LA REVUE STRATÉGIQUE DE DÉFENSE ET DE SÉCURITÉ NATIONALE DE 2017

Dans la revue stratĂ©gique de dĂ©fense et de sĂ©curitĂ© nationale de 2017, les risques sanitaires sont prĂ©sentĂ©s comme des « fragilitĂ©s », des « facteurs d’aggravation des crises ».

Revue stratégique de défense et de sécurité nationale de 2017 (extraits)

3. Des fragilitĂ©s multiples, facteurs d’aggravation des crises

[
]

3.3. Risques sanitaires

69. L’accroissement de la mobilitĂ© de la population favorise l’extension des aires de diffusion de certaines maladies, ainsi que la propagation rapide et Ă  grande Ă©chelle de virus Ă  l’origine d’épidĂ©mies diverses (syndrome respiratoire aigu sĂ©vĂšre – SRAS). Le service de santĂ© des armĂ©es et ses capacitĂ©s de recherche sont ainsi rĂ©guliĂšrement mobilisĂ©s pour faire face Ă  ce type de situation. La derniĂšre Ă©pidĂ©mie d’Ébola survenue en 2014-2016 dans des pays fragiles d’Afrique de l’Ouest a dĂ©montrĂ© combien la densification des flux pouvait compliquer le confinement des grandes crises sanitaires, au point de devoir faire appel Ă  la communautĂ© internationale.

70. Le risque d’émergence d’un nouveau virus franchissant la barriĂšre des espĂšces ou Ă©chappant Ă  un laboratoire de confinement est rĂ©el. De mĂȘme, l’interconnexion des filiĂšres alimentaires gĂ©nĂšre des risques sur la santĂ© humaine et offre un terrain propice Ă  d’éventuelles actions « agro-terroristes ». Plus grave encore, la diffusion des biotechnologies pourrait permettre Ă  des groupes terroristes de conduire des attaques biologiques sophistiquĂ©es.

Ainsi, l’émergence d’un nouveau virus est bel et bien prise en compte parmi les risques sanitaires susceptibles d’avoir des consĂ©quences sur nos intĂ©rĂȘts. *****.

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B. POURTANT, LES SERVICES DE RENSEIGNEMENT N’AVAIENT, JUSQU’ALORS, DÉVELOPPÉ AUCUNE CAPACITÉ D’ANTICIPATION

Force est de constater que la pandémie de coronavirus a engendré des bouleversements sur le plan géopolitique, et fait peser des risques quant à notre souveraineté économique, technologique et scientifique avec, notamment, des tentatives de prédation sur des entreprises et des savoir-faire français. *****.

Dans la mesure oĂč les crises sanitaires naissent principalement hors de nos frontiĂšres, il semblerait utile que les services de renseignement français prĂ©sents Ă  l’étranger puissent ĂȘtre associĂ©s Ă  une telle dĂ©marche, afin de tenir compte, comme en matiĂšre de contre-terrorisme, du continuum entre sĂ©curitĂ© extĂ©rieure et intĂ©rieure. À cet effet, plusieurs capteurs pourraient utilement ĂȘtre utilisĂ©s et orientĂ©s sur ce sujet : recherche sur les rĂ©seaux sociaux (renseignement d’ambiance), recrutement de sources Ă©trangĂšres spĂ©cialisĂ©es dans le domaine Ă©pidĂ©miologique (renseignement humain et « d’alerte »), analyse de l’imagerie satellitaire pour dĂ©tecter des comportements anormaux (construction soudaine d’infrastructures mĂ©dicales, hausse sensible de la frĂ©quentation des cimetiĂšres, etc.). À ce titre, la DĂ©lĂ©gation estime nĂ©cessaire de mettre en Ɠuvre une capacitĂ© interservices d’anticipation et d’apprĂ©ciation des menaces sanitaires [Recommandation n° 6].

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II. MALGRÉ LE CONFINEMENT, LES SERVICES ONT ASSURÉ LA CONTINUITÉ DE LEURS MISSIONS ESSENTIELLES

Naturellement, le confinement n’a pas Ă©tĂ© sans consĂ©quence sur l’organisation interne des services de renseignement, sans pour autant interrompre leurs activitĂ©s identifiĂ©es comme prioritaires.

A. LORSQUE LA CRISE SANITAIRE S’EST DÉCLARÉE, TOUS LES SERVICES DE RENSEIGNEMENT NE DISPOSAIENT PAS D’UN PLAN DE CONTINUITÉ D’ACTIVITÉ ADAPTE

1. Un document indispensable pour surmonter une crise nouvelle et soudaine

En mars 2020, alors que le premier confinement venait d’ĂȘtre annoncĂ©, tous les services de renseignement, *****, disposaient d’un plan de continuitĂ© d’activitĂ© (PCA) ou d’un document Ă©quivalent. *****.

En cas de pandĂ©mie, le PCA doit prendre en compte les risques sanitaires afin, notamment, de protĂ©ger les agents, de limiter la contagion au sein du service et de conserver sa capacitĂ© Ă  mener ses missions essentielles, quel que soit le degrĂ© ou la phase de la crise sanitaire. À ce titre, le PCA doit prĂ©ciser, entre autres, les missions prioritaires du service, son organisation interne pour assurer la continuitĂ© desdites missions et le nombre maximal d’agents pouvant ĂȘtre prĂ©sents dans les locaux du service en prĂ©voyant, si nĂ©cessaire, un redĂ©ploiement des effectifs vers un ou plusieurs autres sites. Le profil des agents doit d’ailleurs faire l’objet d’un examen approfondi : situation personnelle (Ă©tat de santĂ© connu, enfants Ă  charge, distance entre le domicile et le lieu de travail, capacitĂ© de dĂ©placement autonome), polyvalence au regard des missions Ă  exercer, capacitĂ© d’accueil dans les locaux du service au regard des rĂšgles de distanciation sociale et des contraintes immobiliĂšres (bureau individuel ou collectif), etc.

2. Les plans de continuitĂ© d’activitĂ© des services ont rapidement Ă©voluĂ© pour prendre en compte la situation sanitaire

*****.

Afin d’éviter, Ă  l’avenir, toute imprĂ©paration Ă  la survenance d’un risque dĂ©jĂ  anticipĂ©, les services sont invitĂ©s Ă  consolider leur plan de continuitĂ© d’activitĂ©.

Aussi, il convient d’accompagner les services de renseignement des premier et second cercles dans la rĂ©daction d’un plan de continuitĂ© d’activitĂ© (PCA) prenant en compte l’ensemble des risques dĂ©crits par la revue stratĂ©gique de dĂ©fense et de sĂ©curitĂ© nationale de 2017. Ce PCA devra, entre autres, identifier les moyens informatiques et de communication nĂ©cessaires Ă  la poursuite des missions jugĂ©es essentielles ou prioritaires, y compris Ă  distance [Recommandation n° 7].

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B. UNE ACTIVITÉ RÉDUITE ET RECENTRÉE SUR LES MISSIONS PRIORITAIRES

1. L’organisation interne des services

AprĂšs que le premier confinement a Ă©tĂ© annoncĂ© par le PrĂ©sident de la RĂ©publique, les services ont dĂ©cidĂ©, sur la base de leurs PCA, de rĂ©duire la prĂ©sence de leurs agents sur site. L’ensemble des services a choisi le travail par roulement pour Ă©viter que les agents ne se croisent et rĂ©duire ainsi les risques de contagion du virus en leur sein.

Tous les services ont adaptĂ© leurs conditions de travail Ă  la situation : respect strict des gestes barriĂšres, organisation de « bordĂ©es », mise en place d’horaires de travail dĂ©calĂ©s, amĂ©nagement des locaux de restauration, etc.

*****.

2. Une activité concentrée sur les missions jugées essentielles

Compte tenu de cette rĂ©duction d’effectifs, les services de renseignement ont dĂ» dĂ©finir des prioritĂ©s afin d’assurer, sur celles-ci, la continuitĂ© de leurs missions.

*****.

L’ensemble des services ont pu garantir les missions prioritaires qu’ils ont identifiĂ©es.

TABLEAU

Missions investies prioritairement par les services de renseignement lors du premier confinement

*****

3. La coopération internationale a été sensiblement ralentie par la crise, au contraire de la coopération interservices

Les Ă©changes avec les partenaires Ă©trangers ont fortement diminuĂ© en raison des consĂ©quences du confinement (tarissement des flux migratoires, ralentissement de l’activitĂ© Ă©conomique, etc.). *****.

Compte tenu des mesures de restriction de dĂ©placements, certains services ont entretenu leurs relations partenariales par visioconfĂ©rence, quand cela Ă©tait compatible avec la nĂ©cessaire confidentialitĂ© des Ă©changes, ou par l’entremise des dĂ©tachements et des postes Ă  l’étranger.

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S’agissant des outils de visioconfĂ©rence, les services relevant du ministĂšre des armĂ©es ont parfois privilĂ©giĂ© l’emploi de moyens de communication classifiĂ©s interalliĂ©s. *****.

En revanche, la coopĂ©ration entre les services au niveau national s’est maintenue pendant la crise sanitaire grĂące aux bordĂ©es organisĂ©es dans chaque service et aux moyens dĂ©matĂ©rialisĂ©s de communication. Cependant, les services se sont heurtĂ©s aux limites de certains outils de visioconfĂ©rence et Ă  la multiplicitĂ© des plateformes techniques utilisĂ©es.

Afin d’assurer la permanence de la coopĂ©ration interservices lorsque les rĂ©unions ne peuvent se tenir en prĂ©sentiel, tout en garantissant la prĂ©servation du secret de la dĂ©fense nationale, il est important que les services puissent bĂ©nĂ©ficier d’outils de tĂ©lĂ©phonie et de visioconfĂ©rence souverains et classifiĂ©s, *****, qui permettent d’organiser des audioconfĂ©rences rĂ©unissant plusieurs participants. À cet Ă©gard, au-delĂ  de ces deux solutions difficiles Ă  dĂ©ployer Ă  grande Ă©chelle, les services pourraient s’appuyer sur l’interconnexion existante pour dĂ©velopper de telles solutions, comme ils le font dĂ©jĂ  grĂące Ă  leurs rĂ©seaux internes respectifs

L’Agence nationale de la sĂ©curitĂ© des systĂšmes d’information (ANSSI) pourrait se voir confier la mise en Ɠuvre d’un outil de visioconfĂ©rence souverain et sĂ©curisĂ© permettant aux services de l’État, dont les services de renseignement, d’échanger des informations classifiĂ©es [Recommandation n° 8].

4. Un recours au télétravail trÚs restreint

Les agents des services n’ont pu recourir que trĂšs marginalement au tĂ©lĂ©travail, pour des raisons de sĂ©curitĂ© d’une part, aucune donnĂ©e classifiĂ©e ne pouvant ĂȘtre traitĂ©e sur un ordinateur personnel ou au domicile des agents, et pour des raisons juridiques d’autre part, le cadre rĂ©glementaire n’ayant pas ouvert cette possibilitĂ© pour les agents de certains services.

Ainsi, seuls les agents ayant des missions compatibles avec le tĂ©lĂ©travail – c’est-Ă -dire pouvant s’exercer sans accĂšs aux applications classifiĂ©es (fonctions supports, principalement) – ont pu travailler Ă  distance pendant le confinement. *****.

NĂ©anmoins, certains services du second cercle, *****, se sont heurtĂ©s Ă  leur manque de moyens informatiques pour autoriser un accĂšs Ă©largi au tĂ©lĂ©travail. En effet, en centrale, moins de dix personnes Ă©taient Ă©quipĂ©es du matĂ©riel nĂ©cessaire au dĂ©but de la crise sanitaire, et ces agents ont rencontrĂ© des problĂšmes de connexion car le rĂ©seau n’était pas configurĂ© pour supporter une telle charge liĂ©e au travail Ă  distance. Le tĂ©lĂ©travail a donc nĂ©cessitĂ© l’utilisation de moyens personnels (matĂ©riels informatiques) ou professionnels (tĂ©lĂ©phones de service) qui prĂ©sentent des limites en termes de sĂ©curitĂ© et de traces laissĂ©es sur les sites internet visitĂ©s.

*****.

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C. DES CONSÉQUENCES SUR LE RECRUTEMENT LIMITÉES

La crise sanitaire n’a pas vĂ©ritablement perturbĂ© les plans de recrutement des services. En effet, les procĂ©dures de recrutement lancĂ©es avant le confinement ont simplement Ă©tĂ© ajournĂ©es et les concours ont pu se tenir. Si certains Ă©vĂšnements comme la participation aux salons Ă©tudiants ont dĂ» ĂȘtre annulĂ©s, ils ont Ă©tĂ© compensĂ©s par une prĂ©sence croissante sur les rĂ©seaux sociaux.

Certains recrutements de personnels contractuels, dont le contrat de travail avait Ă©tĂ© signĂ© avant le dĂ©but du premier confinement, n’ont pas pu ĂȘtre diffĂ©rĂ©s. Leur prise de fonctions s’est donc dĂ©roulĂ©e dans un contexte oĂč les effectifs Ă©taient essentiellement placĂ©s en tĂ©lĂ©travail ou en autorisation spĂ©ciale d’absence, ce qui n’a pas permis de les accueillir et de les former convenablement pendant plusieurs semaines. Ce retard a nĂ©anmoins Ă©tĂ© rĂ©sorbĂ© Ă  la faveur du dĂ©confinement et de la reprise progressive de l’activitĂ© des services.

Eu Ă©gard aux consĂ©quences de la crise sanitaire sur le marchĂ© de l’emploi, certains services ont notĂ© un accroissement important du nombre de candidatures reçues, y compris pour le recrutement de certains profils techniques dans les filiĂšres sous tension.

Enfin, il convient de souligner que cette crise n’a conduit aucun service Ă  revoir le profil des personnes recrutĂ©es ; les mĂ©tiers et les profils recherchĂ©s sont demeurĂ©s identiques. Ainsi, il n’est pas envisagĂ© de recruter des mĂ©decins ou des chercheurs pour travailler Ă  la prĂ©vention de ce type de risques.

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III. PENDANT LA CRISE SANITAIRE, LES MENACES PESANT SUR LA FRANCE ET SES INTÉRÊTS N’ONT PAS FLÉCHI

A. LA CRISE N’A PAS EU DE CONSÉQUENCE SUR L’ÉVOLUTION DE LA MENACE TERRORISTE, TOUJOURS AUSSI PRÉGNANTE

La situation sanitaire n’a pas eu d’incidence notable sur la menace terroriste djihadiste qui est demeurĂ©e Ă  un niveau trĂšs Ă©levĂ©.

En revanche, les mouvances violentes d’ultra-gauche et d’ultra-droite ont vu en la crise sanitaire un contexte propice Ă  l’action, chacune voyant dans les origines supposĂ©es de la pandĂ©mie une validation de ses propres thĂšses :

– lors du premier confinement, l’ultra-gauche a diffusĂ© un appel Ă  un « mois de mai dangereux », et continue depuis de prospĂ©rer dans un contexte social tendu ;

– pour la mouvance d’ultra-droite, la crise sanitaire a Ă©tĂ© perçue comme un Ă©vĂšnement validant ses thĂšses survivalistes, complotistes et racistes : repli communautaire sur des bases Ă  dĂ©fendre, critique des valeurs rĂ©publicaines comme prĂ©texte Ă  l’instauration d’une dictature, rejet de l’immigration, etc.

Les restrictions imposĂ©es par la crise sanitaire ont exacerbĂ© les mĂ©contentements sociaux et idĂ©ologiques qui ont donnĂ© lieu Ă  des contestations ainsi qu’à des occupations de la voie publique. Les manifestations du premier trimestre 2021 ont pu avoir un effet exutoire pour certains individus, signe d’un comportement plus hostile vis-Ă -vis des institutions et de la force publique. Enfin, la pandĂ©mie a fait naĂźtre d’autres motifs et formes de contestation : contestation virtuelle, mouvements anti-masque et anti-vaccin, contestation des mesures de restriction de libertĂ©, etc.

B. LES TENTATIVES D’INGÉRENCE N’ONT PAS CONNU DE RÉELLE ÉVOLUTION, MAIS LES RISQUES SE SONT ACCENTUÉS

AprĂšs une pĂ©riode d’adaptation, la DGSI a observĂ© une certaine constance des activitĂ©s d’espionnage et des tentatives d’ingĂ©rence ou d’influence menĂ©es sur le territoire national par les principaux services offensifs *****.

C. LES TRAFICS ET LES FRAUDES N’ONT PAS BAISSÉ NON PLUS

Durant la pandĂ©mie, la DNRED a constatĂ© une forte rĂ©silience des trafiquants qui se sont rapidement adaptĂ©s aux contraintes logistiques en recourant davantage au fret et au transport par poids lourds, moins concernĂ©s par les restrictions de dĂ©placements. Par ailleurs, le service relĂšve un accroissement des menaces d’arnaques et de fraudes sur des produits sanitaires.

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Le trafic de cocaĂŻne n’a pas faibli pendant la crise sanitaire ; au contraire, le maintien des flux maritimes l’a renforcĂ©. En revanche, la fermeture des frontiĂšres dĂ©cidĂ©e lors du premier confinement a portĂ© un coup d’arrĂȘt aux Ă©changes commerciaux et a suspendu certains schĂ©mas de fraude, par exemple la contrebande d’alcool. Cependant, un effet de rattrapage temporaire a pu ĂȘtre observĂ© lorsque les frontiĂšres ont rouvert.

Tracfin s’est intĂ©ressĂ© aux fraudes au chĂŽmage partiel et au prĂȘt garanti par l’État, ainsi qu’à la prĂ©dation Ă©conomique *****.

D. DES DIFFICULTÉS SE SONT FAIT JOUR AU SEIN DE CERTAINS ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES

La pandĂ©mie a mis en exergue des vulnĂ©rabilitĂ©s au sein de certains Ă©tablissements pĂ©nitentiaires (arrĂȘt des activitĂ©s et des visites, absence de nombreux personnels de surveillance) et un potentiel d’aggravation des difficultĂ©s de gestion de la population pĂ©nale (mutineries, agressions, destructions de biens et d’équipements).

Ces Ă©lĂ©ments ont Ă©tĂ© pris en compte, dĂšs le premier confinement, par le SNRP qui a renforcĂ© la veille et la collecte de renseignements au profit de la sĂ©curitĂ© des Ă©tablissements et des personnels pĂ©nitentiaires. GrĂące Ă  une veille sur les rĂ©seaux sociaux, une Ă©quipe d’analystes-veilleurs a permis d’identifier des menaces ayant pour origine des personnes dĂ©tenues ou leurs proches. Ces informations ont alimentĂ© la cellule de crise mise en place au sein de la direction de l’administration pĂ©nitentiaire.

L’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de rĂšgles de procĂ©dure pĂ©nale sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face Ă  l’épidĂ©mie de covid-19, a permis de rĂ©duire les difficultĂ©s causĂ©es par la surpopulation carcĂ©rale dans certains Ă©tablissements. Les mesures prises ont entraĂźnĂ© une baisse des menaces d’atteinte Ă  la sĂ©curitĂ© des Ă©tablissements et des personnels pĂ©nitentiaires.

Le service a Ă©galement fait part des adaptations et priorisations rendues nĂ©cessaires afin d’assurer le maintien de son activitĂ© opĂ©rationnelle habituelle1, en mĂȘme temps que la gestion des effets de la crise sanitaire sur les tentatives ou les actions de dĂ©stabilisation des Ă©tablissements pĂ©nitentiaires.

1 Rédaction de notes de renseignement, de mesures de police administrative et de réponses à réquisitions

judiciaires ; actualisation des tableaux de suivi des sortants de prison ; etc.

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CHAPITRE IV LE RENSEIGNEMENT TERRITORIAL,

MAILLON CLÉ DE LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE

I. LE RENSEIGNEMENT DE PROXIMITÉ EN PREMIÈRE LIGNE FACE AUX NOUVEAUX RISQUES D’ATTEINTE À L’ORDRE PUBLIC ET À LA PRÉVENTION DU TERRORISME

Tant la stratĂ©gie nationale du renseignement adoptĂ©e en juillet 2019 que le Livre blanc sur la sĂ©curitĂ© intĂ©rieure de septembre 2020 alertent sur l’évolution des menaces et affirment le rĂŽle confiĂ© aux services de renseignement en matiĂšre d’anticipation des crises et des risques de ruptures majeures.

Le renseignement de proximitĂ©, dont l’organisation actuelle est encore rĂ©cente, est en premiĂšre ligne face Ă  la multiplication des phĂ©nomĂšnes contestataires, aux tentations sĂ©paratistes liĂ©es Ă  certaines dĂ©rives religieuses et Ă  la persistance d’une menace terroriste devenue endogĂšne.

A. LA MULTIPLICATION DES PHÉNOMÈNES CONTESTATAIRES

Plus nombreux et souvent plus violents, les phĂ©nomĂšnes contestataires touchent l’ensemble du territoire national, tant en milieu urbain que dans le monde rural. L’évolution des modes opĂ©ratoires rend l’expression de ces contestations souvent moins prĂ©visibles et plus difficiles Ă  apprĂ©hender.

1. Des contestations plus nombreuses et plus radicales


La dĂ©cennie qui vient de s’écouler a Ă©tĂ© marquĂ©e par des mouvements sociaux et sociĂ©taux d’ampleur qui se sont traduits par des mobilisations importantes, qu’il s’agisse par exemple des manifestations contre le mariage pour tous (2013), contre la loi travail El Khomri (2016), contre la rĂ©forme de la SNCF (2018) ou encore contre le projet de systĂšme de retraites Ă  points (2019). Ces contestations ont pris des formes classiques Ă  travers les traditionnelles manifestations de voie publique Ă  l’initiative de syndicats ou de grandes associations.

À ces mouvements, importants par leur ampleur mais habituels dans la façon dont ils se sont exprimĂ©s, se sont ajoutĂ©es d’autres formes de contestations, plus spontanĂ©es et rapides en termes de mobilisation, tĂ©moignant de nouveaux modes opĂ©ratoires, avec des regroupements qui ne sont pas toujours dĂ©clarĂ©s et s’affranchissent souvent des principes de la rĂ©glementation des manifestations sur de voie publique.

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Le mouvement des Gilets Jaunes, commencĂ© le 17 novembre 2018 et qui s’est installĂ© dans la durĂ©e, en est l’exemple le plus emblĂ©matique. L’absence d’organisation structurĂ©e et d’interlocuteurs identifiĂ©s a reprĂ©sentĂ© un dĂ©fi pour les services de renseignement en termes d’anticipation et de suivi de la contestation.

La période récente est également marquée par plusieurs phénomÚnes concomitants :

– La rĂ©surgence de mouvements contestataires, qu’ils soient de l’ultra gauche ou de l’ultra droite. L’ultra droite conteste la lĂ©gitimitĂ© d’un État en dĂ©ficit d’autoritĂ© tandis que l’ultra gauche cherche Ă  dĂ©stabiliser le systĂšme avec un discours justifiant la violence et une dialectique insurrectionnelle.

– L’apparition de mouvements radicaux, tels « Extinction RĂ©bellion », qui appellent Ă  la dĂ©sobĂ©issance civile non violente en rĂ©ponse Ă  un État jugĂ© oppresseur ou a minima le complice de dĂ©rives sociĂ©tales.

– Le dĂ©veloppement, Ă  la faveur de la crise sanitaire, de mouvements subversifs. MĂȘme marginaux, ces mouvements environnementalistes, anti-nuclĂ©aires, animalistes, fĂ©ministes, ou liĂ©s aux phĂ©nomĂšnes Ă©mergents du masculinisme, du survivalisme, du complotisme peuvent ainsi accueillir des individus radicaux susceptibles de basculer dans l’action violente.

Des contestations qui procĂšdent de l’importation de mouvements liĂ©s Ă  des problĂ©matiques extĂ©rieures au territoire national, Ă  l’instar du mouvement #metoo ou de celui des « Black Lives Matter » avec la spontanĂ©itĂ© des manifestations françaises dĂ©nonçant les circonstances du dĂ©cĂšs de George Floyd survenu aux États-Unis. Cette importation de causes Ă©trangĂšres, capables de mobiliser des publics parfois novices en matiĂšre de manifestations sur la voie publique, reprĂ©sente un dĂ©fi pour le renseignement territorial Ă  la fois dans la dĂ©tection du fait gĂ©nĂ©rateur et dans l’évaluation des volumes de mobilisation. L’interdiction par la prĂ©fecture de police de Paris d’une manifestation de soutien Ă  Gaza prĂ©vue le 15 mai 2021 a Ă©tĂ© ainsi justifiĂ©e par « un risque sĂ©rieux que les affrontements entre Palestiniens et forces de l’ordre israĂ©liennes ne se transportent sur le territoire national », occasionnant « des troubles graves Ă  l’ordre public ».

2. 
 qui concernent l’ensemble du territoire


CaractĂ©risĂ© par son utilisation des rĂ©seaux sociaux, son horizontalitĂ© et sa dĂ©concentration, le mouvement des Gilets Jaunes a montrĂ© sa capacitĂ© de mobilisation simultanĂ©e sur l’ensemble du territoire, tant en milieu urbain que dans le monde rural qui se rĂ©vĂšle ĂȘtre un thĂ©Ăątre Ă  part entiĂšre de contestations.

Ainsi les ZAD – zones d’amĂ©nagement diffĂ©rĂ© devenues « zones Ă  dĂ©fendre » – expriment une nouvelle forme de contestation politique de la part de ceux qui les occupent et qui revendiquent une quĂȘte de sens et pour certains un mode

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ultime d’action. Ce sont de vĂ©ritables villages en lutte qui se sont ainsi constituĂ©s un temps Ă  Notre-Dame-des-Landes, mais aussi Ă  Bures (66) contre le centre de stockage de dĂ©chets nuclĂ©aires, Ă  Roybon (38) contre la construction d’un Center Parcs ou Ă  Strasbourg (67) contre le contournement ouest de la ville.

Entre mars 2020 et mars 2021, la zone gendarmerie, qui couvre 95 % du territoire national, mais seulement 52 % de la population, a Ă©tĂ© le thĂ©Ăątre d’environ 150 faits judiciarisĂ©s. Il s’agit souvent d’actions violentes commises contre des agriculteurs ou de dĂ©montage d’antennes relais 5G qui sont gĂ©nĂ©ralement le fait de mouvements contestataires de l’ultra-gauche.

Les phĂ©nomĂšnes contestataires touchent Ă©galement l’outre-mer, notamment aux Antilles. Mayotte fait Ă©galement l’objet d’une attention particuliĂšre du fait d’une situation sociale particuliĂšrement fragile dans un dĂ©partement oĂč 90 % de la population est de confession musulmane. En Nouvelle-CalĂ©donie, la prĂ©paration du troisiĂšme rĂ©fĂ©rendum sur l’indĂ©pendance appelle Ă©galement Ă  une vigilance particuliĂšre quant Ă  de possibles regains de violence.

3. 
amplifiées par les réseaux sociaux ...

Le dĂ©veloppement des rĂ©seaux sociaux et des usages numĂ©riques n’est plus un phĂ©nomĂšne nouveau, mais il rend sensiblement plus difficile la tĂąche des services de renseignement.

Les rĂ©seaux sociaux sont des amplificateurs, tant des sujets que des mobilisations. Internet met chacun au mĂȘme niveau et favorise la constitution de groupe qui permet Ă  leurs membres d’échanger librement et gratuitement parfois sur des sujets illĂ©gaux. Le recours accru aux messageries cryptĂ©es (Telegram, WhatsApp) reprĂ©sente un dĂ©fi supplĂ©mentaire pour les services de renseignement. En juin 2020, dans le contexte du premier dĂ©confinement, environ 2000 personnes ont participĂ© Ă  une fĂȘte improvisĂ©e Ă  Paris, sur l’esplanade des Invalides. L’invitation Ă  cette fĂȘte baptisĂ©e « Projet X », en rĂ©fĂ©rence au film amĂ©ricain sorti en 2012, avait Ă©tĂ© lancĂ©e Ă  peine quelques heures auparavant et n’a pu ĂȘtre entravĂ©e. S’en sont suivis des affrontements avec les forces de l’ordre. Le mĂȘme phĂ©nomĂšne s’est reproduit au mĂȘme endroit le 12 juin 2021.

*****.

4. 
et qui s’accompagnent d’une recrudescence des violences

« La montĂ©e en puissance des mouvements et rĂ©seaux Ă  caractĂšre subversif constitue un facteur de crise d’autant plus prĂ©occupant qu’ils visent directement Ă  affaiblir voire Ă  ruiner les fondements de notre dĂ©mocratie et les institutions rĂ©publicaines par la violence insurrectionnelle. Cela se traduit par des actions violentes contre les personnes ou contre les biens (black bloc, pĂ©nĂ©tration dans les enceintes protĂ©gĂ©es, sabotages
), mais aussi par la captation des revendications traditionnelles que ces mouvements s’emploient Ă  infiltrer afin de les radicaliser »

StratĂ©gie nationale du renseignement – juillet 2019

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La contestation de l’autoritĂ© a laissĂ© la place Ă  des atteintes Ă  l’autoritĂ© (forces de l’ordre, Ă©lus locaux et nationaux), tĂ©moignant d’une dĂ©sinhibition des colĂšres.

De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, indĂ©pendamment de l’idĂ©ologie dĂ©fendue, le recours Ă  la violence est dĂ©complexĂ© et son degrĂ© Ă©levĂ©. L’ultra-droite se singularise par une appĂ©tence pour les armes lĂ©tales.

Dans ce contexte, le nouveau schĂ©ma national du maintien de l’ordre, prĂ©sentĂ© le 16 septembre 2020 par le ministre de l’IntĂ©rieur, confie aux services de renseignement la charge « d’assurer un suivi dans la durĂ©e des mouvements contestataires les plus radicaux, Ă  l’origine d’actions violentes. Ce travail doit permettre de dĂ©jouer des projets d’actions violentes au sein ou en marge des manifestations, voire d’envisager la dissolution de certains groupes constituĂ©s lorsque les conditions de droit sont rĂ©unies ».

Les mouvements de subversion violente constituent en effet une menace rĂ©elle caractĂ©risĂ©e par un recours dĂ©complexĂ© Ă  la violence et parfois par une remise en cause des principes fondamentaux de la RĂ©publique et des institutions. Au-delĂ  de l’idĂ©ologie violente qu’ils promeuvent, ces groupes constituent Ă©galement un risque au titre des oppositions qu’ils suscitent. Loin d’ĂȘtre tournĂ©s exclusivement vers la remise en cause d’un systĂšme qu’ils dĂ©noncent unanimement, ces groupuscules violents restent Ă©galement focalisĂ©s sur la lutte contre l’idĂ©ologie adverse qu’ils n’hĂ©sitent pas Ă  combattre physiquement par le recours Ă  la violence. Ces mouvances continuent Ă  faire des Ă©mules au sein de populations jeunes et volontaires, malgrĂ© les coups d’arrĂȘt portĂ©s Ă  une frange « historique » grĂące aux mesures de dissolution administrative qui ont pu ĂȘtre mises en Ɠuvre.

La remise en cause de l’État tous azimuts entraĂźne la dĂ©lĂ©gitimation de l’État, le faisant apparaĂźtre comme un acteur bloquant qu’il convient de contourner voire de combattre. PrivĂ© de son statut d’arbitre et donc de vecteur d’apaisement, l’État laisse le champ libre Ă  des individus dĂ©sireux d’exprimer leurs idĂ©es et leurs visions en dehors du cadre dĂ©mocratique y compris en ayant recours Ă  la violence. Cette situation crĂ©e des lignes de fractures entre idĂ©ologies et pratiques incompatibles pouvant aller jusqu’à l’affrontement physique : agriculteurs contre dĂ©fenseurs de l’environnement ou de la cause animale, identitaires contre tenants d’une pratique rigoriste de l’Islam, mouvance anarcho-autonome contre les projets d’amĂ©nagements ou de dĂ©ploiement technologiques, affrontements entre communautĂ©s Ă©trangĂšres
 On a ainsi assistĂ©, en juin 2020, Ă  une vĂ©ritable expĂ©dition punitive menĂ©e dans un quartier de Dijon par environ 200 TchĂ©tchĂšnes en reprĂ©sailles de l’agression de l’un des leurs.

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B. LES MOUVEMENTS SÉPARATISTES LIÉS AUX DÉRIVES RELIGIEUSES

Le service central du renseignement territorial est chargĂ© du suivi de l’Islam de France. Cela concerne les grandes fĂ©dĂ©rations et reprĂ©sentations de l’Islam de France, les mouvements religieux musulmans, les projets de mosquĂ©es, le recensement des lieux de culte ainsi que des problĂ©matiques liĂ©es Ă  l’islam (hallal, pĂšlerinage, financement des lieux de culte, formation des imams, enseignement). Le SCRT assure Ă©galement la dĂ©tection et le suivi des dĂ©stabilisations de mosquĂ©es, des mouvements radicaux et dĂ©rives communautaires.

Selon Lucile Rolland, directrice du SCRT, « l’immense majoritĂ© des lieux de culte ne pose aucun problĂšme. Mais une petite minoritĂ© propage un discours fondamentaliste, comme il en existe dans les deux autres religions du Livre. Une fraction encore plus faible rĂ©pond Ă  un discours pouvant ĂȘtre qualifiĂ© de sĂ©paratiste. Il peut ĂȘtre qualifiĂ© ainsi, car il fait prĂ©valoir la loi de Dieu sur la loi des hommes, et particuliĂšrement sur celles de la RĂ©publique »1. Sur environ 2 400 lieux de culte musulmans en France, moins d’une centaine tiendrait un discours sĂ©paratiste ne respectant pas les principes fondamentaux de la RĂ©publique que sont la libertĂ©, l’égalitĂ©, la fraternitĂ© et la laĂŻcitĂ©.

Dans le cadre de ses missions, le renseignement territorial peut proposer des mesures de police administrative, principalement aux prĂ©fets et au ministre de l’IntĂ©rieur. C’est ainsi que depuis l’entrĂ©e en vigueur de la loi SILT (2017), 7 lieux de culte ont Ă©tĂ© fermĂ©s Ă  l’initiative du SCRT. Le service peut Ă©galement proposer la dissolution d’une association, *****. Les mesures d’entrave peuvent aussi prendre la forme de mesures d’expulsion, d’interdiction administrative du territoire, de dĂ©chĂ©ance de la nationalitĂ© pour des binationaux2, de gel d’avoirs financiers ou encore l’interdiction administrative d’acquisition et de dĂ©tention d’armes.

Ces mesures peuvent se combiner les unes avec les autres. *****

L’action du renseignement territorial s’intĂšgre dans le cadre plus large des Cellules dĂ©partementales de lutte contre l’islamisme et le repli communautaire (CLIR) crĂ©Ă©es par la circulaire du 27 novembre 2019 et constituĂ©es dans tous les dĂ©partements. Le renseignement territorial est ainsi amenĂ© Ă  proposer des objectifs susceptibles de faire l’objet de mesures d’entrave diligentĂ©es par d’autres services de l’État et motivĂ©es par la violation de normes particuliĂšres (droit rĂ©gissant les Ă©tablissements recevant du public, les Ă©tablissements scolaires hors contrat, droits fiscal ou social, 
).

Ces CLIR mobilisent ainsi l’ensemble des services dĂ©partementaux, sous la prĂ©sidence du prĂ©fet et en lien avec le procureur de la RĂ©publique ; les services de sĂ©curitĂ© y participent (police, gendarmerie, renseignement territorial) et elles

1 Audition le 15 janvier 2021 de Mme Lucille Rolland, cheffe du Service central du renseignement territorial, par la

Commission spĂ©ciale chargĂ©e d’examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la RĂ©publique. 2 Sous certaines conditions strictement Ă©noncĂ©es par les articles 25 et 25-1 du code civil.

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associent Ă©galement, selon les thĂ©matiques identifiĂ©es, des partenaires extĂ©rieurs (Ă©lus, bailleurs sociaux, opĂ©rateurs de transports, etc.), se coordonnent avec les Groupes d’Évaluation DĂ©partementaux (GED) et les Cellules de PrĂ©vention de la Radicalisation et pour l’Accompagnement des Familles (CPRAF). Les CLIR sont chargĂ©es d’établir un diagnostic de l’état de l’islamisme et du repli communautaire dans le dĂ©partement. Elles sont Ă©galement le lieu de centralisation et de partage des informations confidentielles sur les phĂ©nomĂšnes d’islamisme et de repli communautaire.

De janvier 2020 Ă  mars 2021, 8 395 contrĂŽles ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s dans le cadre des CLIR, 559 Ă©tablissements accueillant du public ont Ă©tĂ© fermĂ©s et plus de 43 millions d’euros ont Ă©tĂ© redressĂ©s par les services fiscaux.

C. LA MENACE TERRORISTE ENDOGÈNE

Dans le contexte de l’affaire Merah (2012), qui avait mis en Ă©vidence la nĂ©cessitĂ© de renforcer les liens entre le renseignement territorial et le renseignement intĂ©rieur, le SCRT a acquis une compĂ©tence en matiĂšre de prĂ©vention du terrorisme sur la base du dĂ©cret n° 2015-923 du 27 juillet 2015 modifiant le dĂ©cret n° 2013-728 du 12 aoĂ»t 2013 portant organisation de l’administration centrale du ministĂšre de l’intĂ©rieur et du ministĂšre des outre-mer.

Au sein du SCRT, il existe ainsi une division exclusivement consacrée au traitement de la radicalisation et de la prévention du terrorisme. Elle est constituée de deux sections :

– La section « mesures de police administrative » qui propose, en concertation avec les SDRT, des mesures de police administrative (Fiches S, MICAS, IST, expulsions, IAT/TE, gels des avoirs, criblages rĂ©galiens, prĂȘcheurs radicaux, fermeture des salles de priĂšre) et en assure le suivi.

– La section « suivi des objectifs et des individus signalĂ©s », qui assure le suivi renforcĂ© des cas individuels, notamment des individus inscrits au FSPRT, les dossiers d’objectifs (prĂ©vention du terrorisme), par dĂ©partement, par type de profils et comportements (notamment profession sensible, sorties de dĂ©tention
).

Alors que la Direction gĂ©nĂ©rale de la sĂ©curitĂ© intĂ©rieure (DGSI), service chef de file de la lutte antiterroriste, travaille sur « le haut du spectre » en suivant les « objectifs » nĂ©cessitant un niveau Ă©levĂ© de surveillance, ceux jugĂ©s moins dangereux, dits du « bas du spectre » sont suivis par le service central du renseignement territorial (SCRT) et, pour Paris et sa petite couronne (dĂ©partements 92, 93 et 94), par la Direction du renseignement de la prĂ©fecture de Paris (DRPP). Ceci, dans le droit fil de la mission qu’exerçaient auparavant les RG qui suivaient les mouvements radicaux lorsque la DST travaillait sur les objectifs de contre-terrorisme d’État d’une part et l’ensemble des organisations terroristes d’inspiration Ă©trangĂšre d’autre part.

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BĂ©nĂ©ficiant du maillage tant des services territoriaux de sĂ©curitĂ© publique que des unitĂ©s de gendarmerie, le renseignement territorial, grĂące Ă  son rĂ©seau de proximitĂ©, doit jouer un rĂŽle dĂ©terminant, notamment dans la dĂ©tection des « signaux faibles » et contribue Ă  ce titre Ă  la mission de prĂ©vention du terrorisme. Au sein du SCRT, la dĂ©tection de la radicalisation et la prĂ©vention du terrorisme font l’objet d’un dispositif complĂ©mentaire particulier : des antennes du renseignement territorial situĂ©es en zone gendarmerie sont ainsi composĂ©es de gendarmes, mais placĂ©es pour emploi sous l’autoritĂ© du chef du SDRT.

La dĂ©tection de ces signaux faibles permettant de contrecarrer le passage Ă  l’acte d’un individu isolĂ© est un dĂ©fi majeur pour le renseignement territorial dans le cadre de son concours Ă  la lutte anti-terroriste. À ce titre, et compte tenu des profils des objectifs du renseignement territorial, le dialogue avec la mĂ©decine psychiatrique et la lutte contre les vecteurs de propagande constituent aujourd’hui des enjeux prioritaires. En effet, alors que les rĂ©cents attentats commis en France ont pour la plupart du temps Ă©tĂ© le fait de personnes non connues des services de renseignement, la problĂ©matique est de plus en plus celle d’un suivi de masse d’individus plus ou moins imprĂ©gnĂ©s d’islam radical ou de propagande terroriste et prĂ©sentant des troubles psychiatriques les rendant instables et particuliĂšrement influençables.

La prĂ©vention de la menace terroriste et le suivi des phĂ©nomĂšnes de radicalisation appellent Ă©galement une coordination indispensable et qui s’est renforcĂ©e ces derniĂšres annĂ©es. Elle se dĂ©ploie dans diverses enceintes, notamment les groupes d’évaluation dĂ©partementale (GED), les CEPRAF et au niveau national, l’état-major permanent (EMaP) hĂ©bergĂ© par la DGSI au titre de son rĂŽle de chef de file de la lutte anti-terroriste.

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II. LONGTEMPS CONSIDÉRÉ COMME LE PARENT PAUVRE DU RENSEIGNEMENT INTÉRIEUR, LE RENSEIGNEMENT TERRITORIAL RESTE EN CONSTRUCTION

Le renseignement intĂ©rieur a fait l’objet d’importantes rĂ©formes d’abord en 2008 puis en 2014. La disparition des renseignements gĂ©nĂ©raux s’est accompagnĂ©e d’une crise de confiance et d’identitĂ© d’un renseignement de proximitĂ© qu’il a fallu rĂ©inventer.

Dans le contexte d’une menace terroriste persistante et diffuse, ces rĂ©formes ont profondĂ©ment rĂ©interrogĂ© les modalitĂ©s d’organisation des services de renseignement du ministĂšre de l’IntĂ©rieur.

A. LES RÉFORMES DE 2008 ET 2014 ET L’AFFIRMATION PROGRESSIVE DU RENSEIGNEMENT TERRITORIAL

Le renseignement intĂ©rieur a fait l’objet d’un important mouvement de rĂ©forme, intervenu en deux temps : d’abord en 2008 avec la constitution de la DCRI – qui deviendra la DGSI – puis en 2014 avec la crĂ©ation du service central du renseignement territorial (SCRT).

Jusqu’en 2008, le renseignement intĂ©rieur Ă©tait organisĂ© en France autour de deux grandes directions :

– La direction de la surveillance du territoire (DST) chargĂ©e du contre-espionnage, de la lutte contre le terrorisme et de la dĂ©fense du patrimoine industriel, Ă©conomique et scientifique du pays.

– La direction centrale des renseignements gĂ©nĂ©raux (DCRG), en charge du suivi des phĂ©nomĂšnes sociaux et des mouvances extrĂ©mistes et reposant sur un maillage territorial fin.

Cette organisation a montrĂ© ses limites, conduisant la DST et les RG Ă  se livrer une concurrence qui pouvait parfois conduire Ă  une vĂ©ritable guerre des polices. L’évolution de la menace terroriste a aussi progressivement rendu obsolĂšte la pertinence de la rĂ©partition des rĂŽles entre ces deux directions.

Dans un contexte politique marquĂ© par la RĂ©vision GĂ©nĂ©rale des Politiques Publiques (RGPP), le renseignement a ainsi Ă©tĂ© marquĂ© par une premiĂšre rĂ©forme en 2008 avec la crĂ©ation de la Direction centrale du renseignement intĂ©rieur (DCRI) qui a consistĂ© Ă  regrouper au sein d’une mĂȘme direction les personnels de la DST et une partie substantielle de la direction centrale des renseignements gĂ©nĂ©raux. Au terme de cette rĂ©forme, la nouvelle DCRI est devenue seule compĂ©tente en matiĂšre de lutte contre le terrorisme, dans le cadre de sa mission plus large consistant Ă  « lutter contre toutes les activitĂ©s susceptibles de constituer une atteinte aux intĂ©rĂȘts fondamentaux de la Nation ».

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Cette mĂȘme rĂ©forme de 2008 a confiĂ© Ă  la Direction centrale de la sĂ©curitĂ© publique (DCSP) une mission d’information gĂ©nĂ©rale avec la crĂ©ation en son sein d’une sous-direction de l’information gĂ©nĂ©rale (SDIG) qui reprend l’essentiel des missions des renseignements gĂ©nĂ©raux. À la DCRI le renseignement principalement en milieu fermĂ© ; Ă  la SDIG le renseignement principalement en milieu ouvert.

À sa crĂ©ation, le SDIG compte 1 544 agents rĂ©partis sur l’ensemble du territoire national, dans le cadre d’un renseignement de proximitĂ©. La participation directe de la gendarmerie Ă  cette mission d’information gĂ©nĂ©rale Ă©tait prĂ©vue via le dĂ©tachement par la gendarmerie d’un militaire au sein de chaque service dĂ©partemental d’information gĂ©nĂ©rale.

Cette rĂ©forme de 2008, initialement prĂ©sentĂ©e comme une fusion entre la DST et les renseignements gĂ©nĂ©raux, s’est toutefois rĂ©vĂ©lĂ©e ĂȘtre davantage une absorption – brutale – des RG, mal vĂ©cue par les agents concernĂ©s. Sans que cela ne soit jamais assumĂ©, il s’agissait en quelque sorte d’effacer la culture RG. La SDIG disposait de peu de moyens.

Il s’en est suivi une crise d’identitĂ© et de reconnaissance du renseignement territorial qui a conduit Ă  une nouvelle rĂ©forme, en 2014, avec la transformation du SDIG en un service central Ă  part entiĂšre dĂ©diĂ© au renseignement territorial. Cet Ă©chelon central a Ă©tĂ© distinguĂ© des autres sous-directions de la DCSP en devenant le Service central du renseignement territorial (SCRT) ; composĂ© trĂšs majoritairement de policiers mais aussi de gendarmes. Pour le diriger, un second poste de directeur central adjoint de la sĂ©curitĂ© publique, spĂ©cialement chargĂ© du renseignement territorial, a Ă©tĂ© crĂ©Ă©. La participation active de la gendarmerie Ă  la mission de renseignement s’est traduite par la crĂ©ation, en dĂ©cembre 2013, de la sous-direction de l’anticipation opĂ©rationnelle (SDAO) au sein de la direction gĂ©nĂ©rale de la gendarmerie nationale (DGGN). La SDAO, comme le SCRT, appartient au second cercle de la communautĂ© du renseignement ; elle centralise, analyse en temps rĂ©el et anime toute la chaĂźne fonctionnelle chargĂ©e du recueil du renseignement dans la gendarmerie, en liaison Ă©troite avec le SCRT qui relĂšve pour sa part de la DGPN.

La DCRI fut pour sa part transformĂ©e en Direction gĂ©nĂ©rale de la sĂ©curitĂ© intĂ©rieure (DGSI), service actif de la police nationale, mais directement rattachĂ© au ministre et non plus dĂ©pendant de la DGPN, lui confĂ©rant une autonomie de recrutement et de fonctionnement. Ses missions sont fondĂ©es sur la dĂ©fense de la souverainetĂ© nationale, des intĂ©rĂȘts fondamentaux de la Nation et de l’intĂ©gritĂ© des institutions rĂ©publicaines.

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Le maillage territorial du SCRT

Le service central du renseignement territorial (SCRT) et ses services dĂ©concentrĂ©s bĂ©nĂ©ficient du maillage territorial des directions dĂ©partementales de la sĂ©curitĂ© publique (DDSP) et des commissariats, au plus prĂšs des rĂ©alitĂ©s du terrain. Des militaires de la gendarmerie nationale lui Ă©tant rattachĂ©s organiquement et fonctionnellement et des antennes du renseignement territorial ayant Ă©tĂ© mises en place dans des compagnies ou brigades territoriales, le « RT » bĂ©nĂ©ficie aussi de l’apport de la gendarmerie et de ses Ă©chelons territoriaux. GrĂące Ă  cet ancrage dans les territoires et au professionnalisme de ses agents, le renseignement territorial joue ainsi un rĂŽle dĂ©terminant de surveillance, d’évaluation et de suivi des individus prĂ©sentant des risques de radicalisation ou dĂ©jĂ  radicalisĂ©s. Il contribue Ă  ce titre Ă  la mission de prĂ©vention du terrorisme.

Le SCRT dispose de 255 implantations territoriales rĂ©parties sur le territoire mĂ©tropolitain et les dĂ©partements et territoires d’outre-mer comme suit :

– 97 services « dĂ©partementaux » (Ă©chelons zonal, rĂ©gional ou dĂ©partemental)

– 87 services du renseignement territorial (SRT – Ă©chelon infra-dĂ©partemental)

– 63 antennes locales (ART) en zone gendarmerie

– 8 antennes aĂ©roportuaires : *****

De cette réforme de 2014 est résultée une séparation plus stricte entre renseignement intérieur et renseignement de proximité, tout en établissant un continuum indispensable en matiÚre de lutte contre le terrorisme.

B. LE SCRT, UN SERVICE « BAROQUE »

La rĂ©forme de 2014 a incontestablement corrigĂ© les dĂ©sĂ©quilibres de celle de 2008, sans pour autant parvenir Ă  rationaliser totalement l’organisation administrative du renseignement de proximitĂ©.

À ce titre, le service central du renseignement territorial demeure un service « baroque » selon le terme utilisĂ© par sa directrice lors de son audition devant la dĂ©lĂ©gation parlementaire au renseignement.

Sa compĂ©tence gĂ©ographique reste en effet amputĂ©e de Paris et des dĂ©partements de la petite couronne (92, 93 et 94) qui relĂšvent de la Direction du renseignement de la prĂ©fecture de police de Paris (DRPP). La DRPP, *****, exerce une pleine compĂ©tence dans le domaine du renseignement territorial Ă  l’exception du suivi des dĂ©rives urbaines qui sont du seul ressort du SCRT. La DRPP concourt par ailleurs Ă  l’activitĂ© de la DGSI pour la surveillance des individus, groupes, organisations et phĂ©nomĂšnes de sociĂ©tĂ© susceptibles, par leur

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caractĂšre radical, leur inspiration ou leurs modes d’action, de porter atteinte Ă  la sĂ©curitĂ© nationale.

S’agissant de l’articulation avec la SDAO, la circulaire ministĂ©rielle du 21 mars 2014, crĂ©ant le SCRT, insiste sur la nĂ©cessitĂ© de fournir aux autoritĂ©s gouvernementales et Ă  leurs reprĂ©sentants, un renseignement unifiĂ©. Cette mission incombe au SCRT tant au plan territorial que national. IntĂ©grant des militaires de la gendarmerie, le SCRT exerce ses missions en lien direct avec la gendarmerie nationale et Ă  son profit. Il agrĂšge et consolide, dans ses notes, un renseignement unifiĂ© remontant des services de police et des unitĂ©s de gendarmerie. Les notes portent le double timbre « Police nationale » et « Gendarmerie nationale ». Pour ce faire, il dĂ©veloppe au niveau central une relation privilĂ©giĂ©e avec la SDAO et, sur le terrain, par le truchement de ses services territoriaux, avec les Ă©chelons territoriaux de la chaĂźne renseignement de la gendarmerie (Bureau Renseignement, Cellule Renseignement). ConcrĂštement, un bureau de liaison SDRT-GGD se rĂ©unit hebdomadairement pour Ă©changer des informations, Ă©voquer les prioritĂ©s et besoins, les notes en cours de rĂ©daction, rĂ©partir le travail et prĂ©parer certaines rĂ©unions. La complĂ©mentaritĂ© se fonde Ă©galement sur le partage des productions entre le groupement de gendarmerie et le SDRT : la gendarmerie partage ses fiches de renseignement opĂ©rationnel avec le SDRT et le SDRT adresse au groupement de gendarmerie ses notes de renseignement. Les responsables dĂ©partementaux des deux forces peuvent l’un comme l’autre exprimer des besoins et prioritĂ©s. En revanche, seul le SDRT adresse ses notes de renseignement au prĂ©fet.

Se pose Ă©galement la question de la rĂ©partition de compĂ©tences avec les Directions dĂ©partementales de la sĂ©curitĂ© intĂ©rieure (DDSI). Celle-ci est thĂ©matique : les intĂ©rĂȘts fondamentaux de la nation dont le terrorisme relĂšve des DDSI. La prĂ©vention des troubles graves Ă  l’ordre public relĂšve du SCRT qui concourt Ă©galement, sous pilotage DGSI, Ă  la prĂ©vention du terrorisme. En matiĂšre de radicalisation religieuse ou de subversions violentes, si une dĂ©rive vers le terrorisme est dĂ©tectĂ©e ou suspectĂ©e, la compĂ©tence DGSI s’impose.

C. UNE MONTÉE EN PUISSANCE RAPIDE DEPUIS 2014, ET QUI N’EST PAS ENCORE ACHEVÉE

Les augmentations d’effectifs rĂ©guliers et les crĂ©ations de nouvelles antennes dans les territoires ont permis au SCRT de retrouver progressivement les moyens et le maillage dont disposaient les RG Ă  l’aube de leur disparition.

1. Le renforcement des effectifs

À sa crĂ©ation en 2014, le Service Central du Renseignement Territorial (SCRT) comptait 1967 agents, soit davantage qu’en 2008 lors de constitution de la sous-direction de l’information gĂ©nĂ©rale, mais seulement 60 % des effectifs des anciens renseignements gĂ©nĂ©raux.

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Au cours de ses premiĂšres annĂ©es d’existence, le SCRT et la DRPP ont bĂ©nĂ©ficiĂ© du renforcement de leurs effectifs dans le cadre du Plan de lutte contre le terrorisme. Le SCRT a ainsi pu compter sur 500 agents supplĂ©mentaires (350 policiers et 150 gendarmes), auxquels se sont ajoutĂ©s 130 policiers dans le cadre du Pacte de SĂ©curitĂ© du 16 novembre 2015.

Ces hausses d’effectifs ont permis de renforcer, aux diffĂ©rents Ă©chelons locaux du renseignement territorial, les capacitĂ©s de surveillance, d’évaluation et de suivi des individus prĂ©sentant des risques de radicalisation ou dĂ©jĂ  radicalisĂ©s.

Elles se sont poursuivies avec un nouveau plan de renfort quinquennal 2017-2022 de 410 agents supplĂ©mentaires (policiers et gendarmes) mais dont la mise en Ɠuvre a rĂ©ellement dĂ©butĂ© en 2019.

À l’issue de ce plan en cours de dĂ©ploiement, les effectifs du SCRT devraient atteindre 3200 agents, dont 90 % affectĂ©s sur le terrain dans chacun des dĂ©partements de l’hexagone, et en outre-mer. Avec 126 agents, c’est le dĂ©partement du Nord qui concentre le plus grand nombre d’agents, suivi de prĂšs par les Bouches-du-RhĂŽne (117 agents). À l’opposĂ©, c’est le dĂ©partement ***** qui compte l’effectif le plus rĂ©duit (9 agents).

*****.

Parmi les 3 103 agents du SCRT, 326 relĂšvent de la gendarmerie nationale, soit environ 10 %. Cette proportion est appelĂ©e Ă  croĂźtre dans les annĂ©es Ă  venir pour se situer autour de 15 %, avec 420 gendarmes. En effet, le plan de recrutement 2018-2022 qui prĂ©voit le renforcement des forces de sĂ©curitĂ© intĂ©rieure Ă  hauteur de 10 000 emplois sur la pĂ©riode, a induit la crĂ©ation de 27 Ă©quivalents temps plein (ETP) en gendarmerie nationale en 2020 afin d’accompagner la montĂ©e en puissance des activitĂ©s de renseignement au sein de la gendarmerie nationale.

Le profil des agents du SCRT rĂ©vĂšle une faible part de hauts gradĂ©s – Ă  l’inverse de la DGSI – puisqu’on ne dĂ©nombre que 51 commissaires et 17 officiers de gendarmerie. Cette typologie des fonctions n’est pas sans consĂ©quence sur le niveau de mobilitĂ© des agents.

Les actions de formation des agents du renseignement territorial

Depuis les réformes de 2008 et de 2014, des progrÚs significatifs ont été accomplis dans le domaine de la formation des agents du service central du renseignement territorial.

Il existe à ce jour trois grands domaines de formations pour les personnels affectés dans un service de renseignement territorial, qui ont bénéficié à 1 020 agents en 2019 et 730 en 2020, année perturbée en raison de la crise sanitaire.

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Les formations proposées concernent :

Des stages d’intĂ©gration au RT, sorte de formation initiale pour les personnels qui viennent d’ĂȘtre affectĂ©s dans un service RT et qui regroupe 3 modules (acquisition des fondamentaux, confĂ©rences thĂ©matiques et sĂ©curisation des dĂ©placements officiels) – 563 personnels formĂ©s en 2019 et 409 en 2020.

*****.

Des stages thĂ©matiques, vus comme un approfondissement du mĂ©tier d’agent de renseignement territorial et Ă  destination soit des personnels actifs, soit des personnels administratifs. Il s’agit des stages « ApprĂ©hender le monde de l’entreprise sous l’angle RT », « RT et lutte contre la radicalisation : contexte, objectifs et mĂ©thodes » et du stage « Professionnalisation des personnels administratifs affectĂ©s en RT » – 90 personnels formĂ©s en 2019 et 40 en 2020.

Au-delĂ  des modules de formation obligatoire existant, l’idĂ©e d’un « parcours de formation » pour les personnels du renseignement territorial est en cours de dĂ©finition.

Ce parcours de formation pourrait s’articuler autour de trois axes :

Une formation « initiale » pour tout personnel affectĂ© en SCRT revue et davantage axĂ©e sur les besoins pragmatiques liĂ©s Ă  une prise immĂ©diate de poste (connaissance de la matiĂšre du renseignement, connaissance des modalitĂ©s de prise de contact, de rĂ©daction et de structuration d’une note de renseignement
).

La rĂ©vision des modules « thĂ©matiques » (autour des 3 grands thĂšmes du SCRT : DĂ©rives urbaines, radicalisation et repli identitaire ; Économique et social et intelligence Ă©conomique, et enfin, Mouvances contestataires subversives et contestation sociĂ©tale) qui permettront pour un personnel du RT d’approfondir ses connaissances en fonction de la section thĂ©matique dans laquelle il est affectĂ©, ou de prĂ©parer une mutation ou un changement de section.

L’objectif est de mieux cibler, par rapport aux choix Ă©voquĂ©s supra, une adĂ©quation entre le stagiaire et ses missions, d’une part en anticipant le dĂ©veloppement de nouvelles compĂ©tences en lien avec une nouvelle mission de type changement de groupe ou de service, et d’autre part, en raccourcissant les dĂ©lais entre affectation en RT et le dĂ©part en stage d’intĂ©gration.

Les formations extĂ©rieures au pĂ©rimĂštre DCRFPN, qui sont amenĂ©es Ă  se dĂ©velopper en raison de la technicitĂ© requise pour certaines missions du SCRT *****, sur des thĂ©matiques soit trĂšs spĂ©cifiques, soit trĂšs pointues, et qui nĂ©cessitent d’une part de dĂ©gager un budget et d’autre part de cibler les stagiaires. Sur ce type de stage, la crĂ©ation de clause de fidĂ©lisation et/ou de rĂŽle de rĂ©fĂ©rent national sont des pistes Ă  rĂ©flĂ©chir.

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2. Le renforcement des moyens budgétaires

Les plans successifs de lutte contre le terrorisme et de renforcement des services de renseignement ont eu comme corollaire des besoins en matĂ©riels spĂ©cifiques ainsi qu’une augmentation continue des missions opĂ©rationnelles.

La montée en puissance du SCRT, *****, a conduit la direction centrale de la sécurité publique (DCSP) à financer les moyens nécessaires à ses activités dans le cadre du programme budgétaire 176 (Police nationale).

En crédits de paiement, les dépenses de fonctionnement du SCRT sont en augmentation constante. Sur la période 2018-2020, elles ont augmenté de 22 % passant de 966 576 euros en 2018, à 1 176 596 euros en 2019 et 1 179 691 euros en 2020 malgré une activité perturbée par la crise sanitaire et le premier confinement.

Les dĂ©penses du SCRT concernent principalement les dĂ©placements et l’équipement. Pour 2020, la rĂ©partition a Ă©tĂ© la suivante :

– Frais de transport et dĂ©placements : 633 124 euros.

– DĂ©penses de carburant : 179 171 euros.

– DĂ©penses de pĂ©age : 59 745 euros.

– Achat divers mobiliers et matĂ©riels : 216 623 euros.

3. Le renforcement de la filiÚre « recherche et appui »

Si environ 80 % de l’activitĂ© du renseignement territorial s’effectue en milieu ouvert, le SCRT a Ă©galement recours aux techniques de renseignement et Ă  des investigations en milieu fermĂ©, qui mobilisent « recherche et appui ».

*****.

D. DES FRAGILITÉS PERSISTANTES

1. La difficulté à prioriser les missions

Le SCRT dĂ©pend de la Direction centrale de la sĂ©curitĂ© publique (DCSP), une direction qui se caractĂ©rise par le pĂ©rimĂštre trĂšs large de ses missions, le renseignement n’en Ă©tant qu’un volet parmi d’autres. Ainsi, le SCRT et ses services dĂ©partementaux sont sollicitĂ©s sur beaucoup d’autres sujets que le renseignement, liĂ©s au maintien de l’ordre public. Avec des effectifs parfois trĂšs rĂ©duits et l’existence de prioritĂ©s spĂ©cifiques pour chaque territoire, il existe un risque de dispersion de l’action du SCRT.

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À sa crĂ©ation en 2014, le SCRT est un service de renseignement d’ordre public. Mais dĂšs 2015, lui sont rajoutĂ©es de nouvelles missions en matiĂšre de lutte anti-terroriste, de suivi de l’Islam de France et des phĂ©nomĂšnes de radicalisation. La proportion des notes produites par le SCRT relatives Ă  des questions d’ordre public reste d’environ 80 %.

Le SCRT remplit Ă©galement deux missions annexes mais nĂ©anmoins particuliĂšrement chronophages : les enquĂȘtes administratives d’une part, et la participation Ă  la sĂ©curisation des dĂ©placements officiels des membres du Gouvernement d’autre part.

À plusieurs reprises, le renseignement territorial a Ă©tĂ© pointĂ© du doigt pour son manque d’anticipation. Sans pour autant que cette mise en cause ne soit forcĂ©ment toujours Ă©tayĂ©e de façon objective.

Il est en ainsi des scĂšnes de guĂ©rilla urbaine liĂ©es Ă  la communautĂ© tchĂ©tchĂšne qui se sont dĂ©roulĂ©es dans un quartier de Dijon les 13 et 14 juin 2020, avec des tirs Ă  l’arme lourde et de nombreux vĂ©hicules incendiĂ©s. Pourtant, dĂšs les 12 juin 2020, le service du renseignement territorial du dĂ©partement de l’Aube produisait une note intitulĂ©e : « TchĂ©tchĂšnes : appel Ă  expĂ©dition punitive Ă  Dijon » aprĂšs l’interception la veille, sur le rĂ©seau Snapchat, d’un message rĂ©digĂ© par un membre de la communautĂ© tchĂ©tchĂšne rĂ©sidant dans la banlieue de Troyes et lançant un appel au rassemblement « pour les frĂšres de Dijon et des alentours ». La prĂ©paration d’une action violente Ă©tait dĂ©tectĂ©e, et sa dangerositĂ© correctement Ă©valuĂ©e. En revanche, le renseignement territorial envisageait une action de la communautĂ© tchĂ©tchĂšne plus tardive alors qu’à l’évidence, les choses se sont prĂ©cipitĂ©es. L’ensemble de la chaĂźne police a bien rendu compte au prĂ©fet concernĂ© qui a dĂ©cidĂ© du dispositif de maintien de l’ordre Ă  dĂ©ployer. Pour le renseignement territorial, il apparaĂźt toutefois qu’au-delĂ  de la dĂ©tection, il s’agit aussi de travailler sur l’exploitation des informations recueillies.

Quelques mois plus tard, lors de l’attentat commis contre Samuel Paty le 16 octobre 2020, le renseignement territorial est Ă  nouveau mis en cause au vu du faisceau d’indices qui, a posteriori, aurait dĂ» alerter les services de renseignement. Mais lĂ  encore, la situation est plus complexe. Le maire de Conflans-Saint-Honorine avait Ă©tĂ© alertĂ© dĂšs le 9 octobre par la Principale du collĂšge des tensions observĂ©es dans l’établissement et de la menace qui pesait sur l’enseignant. L’édile a alors fait remonter cette crainte auprĂšs du renseignement territorial qui, Ă  son tour, a fait remonter aux autoritĂ©s prĂ©fectorales le 12 octobre par une note Ă©voquant « un incident en lien avec les principes de laĂŻcitĂ© » et concluant, en dĂ©pit de la diffusion des vidĂ©os qui ont animĂ© les rĂ©seaux sociaux, sur « aucune tension palpable majeure » et sur le fait que « la communication entre la direction et les familles avait permis d’apaiser les tensions ». On sait a posteriori qu’il en a Ă©tĂ© diffĂ©remment.

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Comment expliquer cette erreur d’apprĂ©ciation sur la rĂ©alitĂ© de la situation ? AuditionnĂ© par la DĂ©lĂ©gation, le directeur dĂ©partemental du renseignement territorial a mis en avant le fait qu’en l’absence de compĂ©tence judiciaire du renseignement territorial (Ă  la diffĂ©rence de la DGSI), son service n’a pas eu Ă  connaĂźtre des informations liĂ©es aux plaintes dĂ©posĂ©es le 8 octobre par Brahim Chnina, le pĂšre d’une Ă©lĂšve de la classe de M. Paty, pour « diffusion d’images pornographiques » et, ce mĂȘme jour, par le professeur d’histoire-gĂ©ographie, pour diffamation. En l’espĂšce, la judiciarisation a eu pour effet de prĂ©empter la capacitĂ© d’analyse du renseignement territorial, dĂšs lors qu’il n’est pas possible de se prĂ©valoir dans des notes d’analyse, d’informations contenues dans des procĂ©dures en cours. Or une mĂȘme personne ne tiendra pas forcĂ©ment les mĂȘmes propos en renseignement et en judiciaire.

La note de renseignement du 12 octobre 2020 rĂ©vĂšle une lecture trĂšs partielle de la situation qui n’est en rĂ©alitĂ© abordĂ©e que sous le seul prisme de l’ordre public, et en aucun cas de la menace terroriste. La semaine de l’attentat, le service dĂ©partemental de renseignement territorial a produit 39 notes d’analyse et autant de notes Flash ; il a par ailleurs dĂ» gĂ©rer quatre dĂ©placements officiels et ses effectifs ont Ă©tĂ© mobilisĂ©s sur deux sujets d’importance : d’une part, la mobilisation d’agriculteurs qui voulaient bloquer l’accĂšs Ă  Paris et d’autre part, la fĂȘte des Loges dans le contexte de la crise sanitaire. En d’autres termes, l’arbitrage entre l’urgent et l’important est une difficultĂ© majeure. L’affaire Paty aura montrĂ© Ă  quel point il est nĂ©cessaire de pouvoir se dĂ©tacher du flux quotidien pour consacrer des moyens humains Ă  la mission spĂ©cialisĂ©e, en l’espĂšce la prĂ©vention d’un terrorisme endogĂšne. Ceci nĂ©cessite de renforcer la mission de pilotage et de coordination des services dĂ©partementaux afin de prioriser les missions.

Soumis Ă  des contraintes multiples et devant s’adapter Ă  un contexte extrĂȘmement mouvant, le SCRT travaille davantage Ă  partir d’indicateurs d’activitĂ© que de rĂ©els objectifs : volumĂ©trie des notes produites, nombre de techniques de renseignement mises en Ɠuvre, sources humaines traitĂ©es. Sur la base de ces indicateurs d’activitĂ©, l’apprĂ©ciation qualitative du renseignement fourni par le service repose essentiellement sur l’évaluation qu’en font les « donneurs d’ordre ».

2. L’absence d’autonomie

À la diffĂ©rence de la DGSI, service de renseignement du premier cercle rattachĂ© directement au ministre de l’IntĂ©rieur, le SCRT, comme la DRPP et la SDAO ne disposent pas d’une autonomie propre.

Le service central du renseignement territorial prĂ©sente cette particularitĂ© d’ĂȘtre placĂ© au sein de la Direction centrale de la sĂ©curitĂ© publique (DCSP), sous la tutelle de la direction gĂ©nĂ©rale de la police nationale (DGPN), alors mĂȘme qu’il compte dans ses effectifs un nombre significatif et croissant de gendarmes. Cette singularitĂ© prĂ©sente Ă  la fois des avantages et des inconvĂ©nients.

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Il existe en effet une rĂ©elle plus-value pour le renseignement territorial Ă  faire partie de la maison « sĂ©curitĂ© publique » de la police et de la gendarmerie. Cela permet une proximitĂ© qui favorise la fluiditĂ© dans l’échange d’informations et facilite la mise en Ɠuvre d’actions d’entrave, notamment judiciaire. Cette proximitĂ© avec les services de police n’est pas exclusive d’une relation riche avec la gendarmerie nationale qui joue pleinement son rĂŽle de captation du renseignement. Ce renseignement issu de la gendarmerie est partagĂ© avec le SCRT qui le fusionne et l’analyse Ă  l’échelle nationale.

NĂ©anmoins, le fait de ne pas disposer d’un statut autonome n’est pas sans poser de difficultĂ©s. Dans la gestion quotidienne du SCRT, ces difficultĂ©s sont de deux ordres :

– D’une part, l’absence de budget dĂ©diĂ©, soclĂ© et protĂ©gĂ©. Les crĂ©dits allouĂ©s au SCRT Ă©manent d’une direction centrale, la DCSP, qui ne dispose elle-mĂȘme pas d’un budget propre. Ceci complique considĂ©rablement la planification du dĂ©veloppement du service, crĂ©e un alĂ©a au niveau de la ressource financiĂšre disponible et entraĂźne la mise en concurrence de projets du SCRT avec d’autres projets de la Police Nationale. Cette situation empĂȘche Ă©galement la dĂ©finition d’une stratĂ©gie budgĂ©taire pluriannuelle, tant en fonctionnement qu’en investissement.

– D’autre part, la complexitĂ© Ă  dĂ©ployer une politique de ressources humaines, en l’absence de pouvoir de nomination de la directrice du service.

Ces difficultĂ©s sous-tendent la rĂ©flexion sur l’organisation administrative du renseignement territorial et les effets induits par la coexistence de trois structures distinctes que sont le SCRT, la SDAO et la DRPP. Dans un rapport d’observation sur l’organisation du renseignement territorial, la Cour des comptes pose la question d’un service de renseignement territorial unifiĂ© entre les structures du second cercle. Une telle option peut sembler sĂ©duisante Ă  premiĂšre vue, car elle ferait Ɠuvre de rationalisation. Pour autant, elle mĂ©rite d’ĂȘtre questionnĂ©e au vu de la spĂ©cificitĂ© du renseignement territorial qui se nourrit avant tout du terrain et d’une dimension humaine.

En crĂ©ant un service unifiĂ© du renseignement territorial, il ne faudrait pas perdre cette capacitĂ© de capteurs sur l’ensemble du territoire national, en ne disposant plus de tous les moyens d’un maillage territorial dense. L’enjeu est de ne pas mettre Ă  mal l’origine du renseignement.

3. Des freins techniques

Si le renseignement d’origine humaine reste largement prĂ©pondĂ©rant, tant la montĂ©e en puissance des contestations violentes que la mission confiĂ©e au SCRT en matiĂšre de lutte contre la menace terroriste endogĂšne conduisent Ă  recourir plus frĂ©quemment aux techniques de renseignement et investigations en milieu fermĂ©.

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Le SCRT a accĂšs aux techniques de renseignement suivantes :

– Balisage (BAL)

– Captation de donnĂ©es informatiques (CDI)

– Captation de donnĂ©es par dispositif de proximitĂ© (DDP)

– DonnĂ©es en temps rĂ©el (DTR)

– Interception par dispositif de proximitĂ© (IDP)

– Introduction dans un lieu privĂ© (ILP)

– Interception de sĂ©curitĂ© (ISO)

– Recueil de donnĂ©es informatiques (RDI)

– Sonorisation (SON)

– VidĂ©o surveillance (VDO)

– DonnĂ©es de connexions

– GĂ©olocalisation en temps rĂ©el (GTR).

On constate une augmentation significative du recours aux TR au cours de la période récente *****.

Toutefois, le SCRT n’est aujourd’hui pas en mesure de mettre en Ɠuvre la totalitĂ© des techniques de renseignement que la loi met Ă  sa disposition. *****.

La filiĂšre « recherche et appui » ne dispose pas encore des outils et moyens techniques lui permettant de remplir pleinement ses missions. Elle n’a pas encore recrutĂ© tous les fonctionnaires qui devaient l’ĂȘtre. La DNRA cherche Ă  maintenir son niveau d’effectif actuel sans parvenir Ă  atteindre son effectif total. Quant aux GRA de crĂ©ation plus rĂ©cente, l’effectif de 8 GRA n’est pas atteint avec d’importantes diffĂ©rences selon la date de crĂ©ation du GRA ; *****.

Plus globalement, le renseignement territorial souffre d’un niveau de dotation technique qui n’est pas ou plus en phase avec les exigences de ses missions. Ses agents disposent d’outils basiques pour rĂ©aliser leurs recherches numĂ©riques et certains n’ont mĂȘme pas d’accĂšs Ă  l’internet grand public !

Le matĂ©riel technique est souvent obsolĂšte et aucun plan pluriannuel d’investissement ne prĂ©voit Ă  ce jour son renouvellement complet.

Enfin, le SCRT ne dispose d’aucun systĂšme sĂ©curisĂ© de communication interne, ce qui constitue une entrave importante Ă  la circulation d’une information protĂ©gĂ©e. *****. Il conviendrait aussi de renforcer la sĂ©curitĂ© bĂątimentaire de ses

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implantations territoriales du SCRT. En d’autres termes, dans bien des domaines, le renseignement territorial exerce ses missions du 21e siùcle avec des outils techniques du 20e siùcle.

4. Des prérogatives juridiques encore limitées

Les freins juridiques à l’action du renseignement territorial concernent tout à la fois l’accùs à certaines techniques de renseignement, l’accùs à certains fichiers et enfin l’accùs à des informations de nature judiciaire.

a. Un accÚs aux techniques de renseignement limité à certaines finalités

S’il dispose d’un accĂšs Ă  un large Ă©ventail de techniques de renseignement, le SCRT n’a toutefois pas accĂšs Ă  l’ensemble d’entre elles, comme c’est le cas pour les services du premier cercle.

Le SCRT souhaiterait une modification de l’article R853-3 du CSI qui lui interdit de s’introduire dans un domicile au titre de la finalitĂ© 5c1 de l’article L. 811-3 du CSI ; cette possibilitĂ© lui est en effet seulement possible au titre de la finalitĂ© 4, Ă  savoir la prĂ©vention du terrorisme.

b. Un accÚs restreint aux fichiers de souveraineté

S’agissant de l’accĂšs aux fichiers de souverainetĂ©, le dĂ©cret modificatif des fichiers du renseignement territorial, en date du 2 dĂ©cembre 2020, a permis de clarifier les catĂ©gories de donnĂ©es Ă  caractĂšre personnel que le service est en droit de collecter au regard de la RGPD. De plus, en classant une partie de ces donnĂ©es comme relevant de la sĂ»retĂ© de l’État, le dĂ©cret permet de restreindre en partie le droit d’accĂšs des particuliers qui pouvait, dans certains cas, nuire au suivi effectuĂ© sur des personnes identifiĂ©es comme dangereuses.

Des freins existent toutefois quant à l’accùs des agents à certains fichiers de renseignement. *****. Or si le partage de l’information est devenu la rùgle en matiùre de lutte antiterroriste, la coordination entre le renseignement territorial et la DGSI est moins aboutie s’agissant du suivi des subversions violentes.

Au sein du SCRT, les capacitĂ©s d’accĂšs aux fichiers ne sont d’ailleurs pas les mĂȘmes selon que l’agent de renseignement est issu de la police ou de la gendarmerie. Les militaires affectĂ©s dans les SDRT disposent en effet d’un accĂšs au fichier de renseignement de la gendarmerie. Mais l’inverse n’étant pas vrai, il s’institue alors un droit tacite de prĂ©emption de l’information brute intĂ©grĂ©e dans ce fichier par les gendarmes des unitĂ©s territoriales. La production rĂ©alisĂ©e est alors absorbĂ©e et exploitĂ©e avec les services du renseignement territorial. L’action de la gendarmerie peut se trouver Ă  la fois diluĂ©e et relĂ©guĂ©e Ă  celle de la simple captation au profit de partenaires extĂ©rieurs.

1 La finalité 5c correspond aux violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique

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c. Le cloisonnement avec les informations de nature judiciaire

L’attentat commis contre Samuel Paty a rĂ©vĂ©lĂ© la difficultĂ© que pouvait poser, pour un service de renseignement, le fait de ne pas avoir accĂšs Ă  des informations de nature judiciaire.

Le cumul au sein d’un mĂȘme service d’une compĂ©tence en renseignement et d’une compĂ©tence judiciaire (sur le modĂšle de la DGSI) est une exception dans le monde du renseignement. Le renseignement est une activitĂ© Ă©minemment rĂ©galienne rattachĂ©e au pouvoir exĂ©cutif et ne peut s’accorder avec un contrĂŽle de l’autoritĂ© qu’avec des rĂšgles de cloisonnement strictes telles celles mises en Ɠuvre par la DGSI. Au demeurant, la compĂ©tence judiciaire de la DGSI est fondĂ©e sur des contentieux spĂ©cifiques donnant lieu Ă  des Ă©changes avec des juridictions spĂ©cialisĂ©es (lutte antiterroriste, compromission de secret).

Les infractions qui peuvent ĂȘtre mises en lumiĂšre par le SCRT sont essentiellement des infractions de droit commun, donnant lieu Ă  des saisines des juridictions territorialement compĂ©tentes. À ce titre l’alternative consistant pour le SCRT Ă  judiciariser son renseignement via des services judiciaires de police ou de gendarmerie reste la solution la plus pertinente.

Pour autant, il serait utile d’autoriser les services du second cercle à pouvoir demander la transmission d’informations judiciaires.

Des rĂ©flexions sont Ă©galement menĂ©es sur certaines modifications rĂ©glementaires qui permettraient au SCRT d’accĂ©der Ă  diffĂ©rents systĂšmes de traitement de donnĂ©es pouvant intĂ©resser ses investigations.

III. PLUTÔT QU’UNE NOUVELLE REFORME, LE RENSEIGNEMENT TERRITORIAL A SURTOUT BESOIN DE MOYENS OPÉRATIONNELS PLUS ADAPTÉS À L’EXERCICE DE SES MISSIONS

PlutĂŽt qu’une nouvelle rĂ©forme de son organisation administrative, le renseignement territorial a surtout besoin de disposer des moyens de ses ambitions, dans une pĂ©riode oĂč l’évolution des menaces lui confĂšre un rĂŽle stratĂ©gique.

Si la question d’un service unifiĂ© du renseignement territorial peut lĂ©gitimement se poser, elle pourrait en l’état susciter davantage de difficultĂ©s que de solutions.

Il apparaßt en revanche possible, sans remettre en cause les structures actuelles, de promouvoir une véritable filiÚre du renseignement territorial autour de coopérations renforcées entre les services du second cercle.

Pour en finir avec une forme de nostalgie des renseignements gĂ©nĂ©raux d’un cĂŽtĂ©, et le sentiment que le renseignement territorial serait pour toujours le parent pauvre du renseignement intĂ©rieur, la DĂ©lĂ©gation propose un plan d’action pour le renseignement territorial, autour de douze mesures concrĂštes.

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1. CrĂ©er au sein du ministĂšre de l’intĂ©rieur une direction gĂ©nĂ©rale rĂ©unissant le SCRT, la SDAO et la DRPP.

Trois entitĂ©s distinctes concourent aujourd’hui au renseignement territorial : le SCRT, rattachĂ© Ă  la DGPN, la SDAO, rattachĂ©e Ă  la DGGN et la DRPP qui exerce une compĂ©tence gĂ©ographique sur le pĂ©rimĂštre de Paris et sa petite couronne.

Sans remettre en question les spĂ©cificitĂ©s de chacune de ces structures, il conviendrait nĂ©anmoins de les rĂ©unir au sein d’une seule et mĂȘme direction gĂ©nĂ©rale du ministĂšre de l’intĂ©rieur qui s’accompagnerait de la mutualisation des fonctions support de ces trois entitĂ©s.

Les services du second cercle partagent en effet des problĂ©matiques similaires mais sans aucun pilotage commun, qu’il s’agisse des questions relatives aux ressources humaines, aux enjeux budgĂ©taires, aux moyens techniques, etc.

La crĂ©ation de cette direction gĂ©nĂ©rale dĂ©diĂ©e au renseignement territorial deviendrait le cadre d’un pilotage unifiĂ© et autonome du renseignement de proximitĂ© et le gage d’une reconnaissance de la fonction renseignement au sein du ministĂšre de l’intĂ©rieur [Recommandation n° 9].

2. Doter le renseignement territorial de budgets opérationnels de programme « BOP » dédiés.

Trois services du second cercle concourent au renseignement territorial : le SCRT et la DRPP qui dĂ©pendent de la police nationale, et la SDAO qui dĂ©pend de la gendarmerie nationale. En cohĂ©rence avec la crĂ©ation d’une direction gĂ©nĂ©rale dĂ©diĂ©e, il est proposĂ© d’adosser le renseignement territorial Ă  un BOP spĂ©cifique.

L’existence de deux programmes budgĂ©taires distincts « Police nationale » (176) et « Gendarmerie nationale » (152) rend nĂ©cessaire la crĂ©ation de deux BOP distincts ; mais ceux-ci devraient faire l’objet d’un pilotage commun.

L’absence d’autonomie budgĂ©taire est en effet un handicap majeur pour la fonction renseignement territorial dont les moyens budgĂ©taires sont dĂ©pendants de deux programmes budgĂ©taires sĂ©parĂ©s.

La crĂ©ation de BOP dĂ©diĂ©s au renseignement territorial permettra au SCRT, Ă  la DRPP et Ă  la SDAO de disposer d’une sĂ©curitĂ© budgĂ©taire ainsi que d’indicateurs de pilotage et de performance [Recommandation n° 10].

3. Confier au renseignement territorial le chef de filùt sur la prévention et le suivi des subversions violentes.

À l’instar de la DGSI dont le rĂŽle de chef de file a Ă©tĂ© consacrĂ© en matiĂšre de lutte contre le terrorisme, le renseignement territorial devrait devenir chef de file s’agissant des subversions violentes.

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Le renseignement territorial serait ainsi chargĂ© du pilotage de l’analyse et de la synthĂšse afin de fournir un renseignement unifiĂ© sur les activitĂ©s de ces mouvements [Recommandation n° 11].

4. Promouvoir la mobilité des agents.

Depuis fin 2019, le SCRT s’est dotĂ© d’une clĂ© de rĂ©partition des effectifs employables pour les adapter Ă  la charge d’activitĂ© des services territoriaux. Cette clĂ© de rĂ©partition tient notamment compte d’un critĂšre de population mais s’appuie Ă©galement sur des donnĂ©es spĂ©cifiques au renseignement territorial (frĂ©quence des visites officielles, Ă©valuations, productions, manifestations, nombre de fiches crĂ©Ă©es, travail en milieu fermĂ©, etc.). En mĂȘlant ces donnĂ©es, il s’agit d’obtenir la vision la plus juste possible de la charge de travail de chaque service de renseignement territorial pour rĂ©partir de la façon la plus pertinente les effectifs. En effet, chaque territoire a ses spĂ©cificitĂ©s et un traitement uniformisĂ© de l’ensemble ne saurait les reflĂ©ter, ce qui conduirait alors Ă  une mauvaise rĂ©partition des effectifs, premiers acteurs du renseignement.

Alors que le SCRT indique ne pas disposer d’informations sur la durĂ©e moyenne d’affectation de ses personnels non soumis Ă  une obligation de mobilitĂ©, cet outil devrait ĂȘtre utilisĂ© pour mettre en place un plan incitatif de mobilitĂ© des agents. Pour la qualitĂ© du renseignement produit, la durĂ©e d’affectation dans un service ou sur un territoire ne doit en effet ĂȘtre ni trop courte (effet nĂ©gatif d’un turn over trop frĂ©quent) ni trop longue (effet routinier). La mobilitĂ© des agents devrait Ă©galement ĂȘtre favorisĂ©e entre services de renseignement du second cercle [Recommandation n° 12].

5. Renforcer les compétences du renseignement territorial par un recrutement plus diversifié et des formations adaptées aux besoins des missions de renseignement.

Depuis la crĂ©ation du SCRT, des progrĂšs ont Ă©tĂ© accomplis dans le domaine de la formation des personnels du renseignement territorial. Environ un millier d’agents bĂ©nĂ©ficient chaque annĂ©e d’une action de formation (stage d’intĂ©gration, modules thĂ©matiques, formations techniques).

Il convient d’adapter en permanence cette offre de formation Ă  l’évolution des menaces et des modes opĂ©ratoires. À ce titre, un plan de formation linguistique (arabe, anglais, turc
) devrait ĂȘtre dĂ©ployĂ© Ă  destination des agents du renseignement territorial qui sont en charge des sujets liĂ©s Ă  la radicalisation et Ă  la lutte contre le terrorisme. De mĂȘme, des formations aux outils et aux usages numĂ©riques devraient ĂȘtre dĂ©veloppĂ©es.

Un partenariat renforcĂ© entre l’AcadĂ©mie du renseignement et les services du second cercle est Ă©galement souhaitable afin de pourvoir Ă  la formation d’analystes au sein de la filiĂšre « renseignement territorial » [Recommandation n° 13].

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6. Faire du dialogue avec les Ă©lus des territoires un critĂšre d’évaluation des cadres du renseignement territorial.

Par leurs contacts directs et permanents avec la population et les corps intermĂ©diaires, les Ă©lus des territoires, en particulier les maires, sont des capteurs d’information qu’il serait dommage de nĂ©gliger. Or force est de constater que, depuis la disparition des renseignements gĂ©nĂ©raux, les liens se sont distendus entre le renseignement territorial et les Ă©lus.

Les maires ne sont ainsi jamais sollicités dans le cadre des GED et ne sont pas plus en retour informés de situations individuelles qui concernent leur territoire.

Il semble important de sensibiliser les Ă©lus des territoires aux enjeux du renseignement territorial pour en faire des capteurs actifs et utiles. Un kit d’information des maires pourrait utilement ĂȘtre Ă©laborĂ© et, sur le modĂšle des cellules de veille qui existent en matiĂšre de sĂ©curitĂ© et de prĂ©vention de la dĂ©linquance, des rĂ©unions pĂ©riodiques pourraient ĂȘtre organisĂ©es, dans le respect de la confidentialitĂ© des situations individuelles, sur les sujets qui intĂ©ressent le renseignement de proximitĂ©.

La rĂ©alitĂ© du dialogue avec les Ă©lus devrait faire partie des critĂšres d’évaluation des cadres du renseignement territorial [Recommandation n° 14].

7. Doter le SCRT d’un rĂ©seau classifiĂ© sĂ©curisĂ©

Le partage de l’information est essentiel Ă  la fonction renseignement. Or, Ă  l’heure actuelle, le SCRT ne dispose d’aucun rĂ©seau sĂ©curisĂ©. Au-delĂ  d’une seule messagerie, il s’agit de pouvoir transmettre et partager des informations en toute sĂ©curitĂ© avec les 255 implantations territoriales du service, en mĂ©tropole comme en outre-mer.

L’absence de rĂ©seau classifiĂ© sĂ©curisĂ© est aujourd’hui un vrai frein Ă  la fluiditĂ© de l’information et la rĂ©activitĂ©. La dĂ©lĂ©gation recommande, comme l’envisagerait la DGSI *****, que soit crĂ©Ă© un rĂ©seau classifiĂ© commun Ă  l’ensemble des services de renseignement, dont ceux concourant au renseignement intĂ©rieur [Recommandation n° 15].

8. Prévoir un plan pluriannuel de modernisation des matériels

AccĂšs limitĂ© Ă  internet, matĂ©riel informatique obsolĂšte : les agents du renseignement territorial disposent souvent d’outils trĂšs basiques pour effectuer leurs investigations. Les services zonaux de recherche et d’appui (SZRA) possĂšdent seulement des Ă©quipements basiques ***** mais qui doivent ĂȘtre renouvelĂ©s au vu de leur obsolescence.

Un diagnostic du parc informatique existant, des matĂ©riels disponibles et des besoins du service devrait ĂȘtre rĂ©alisĂ© dans le cadre d’un plan de renouvellement des matĂ©riels, adossĂ© Ă  un plan pluriannuel d’investissement.

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Au vu de l’évolution des modes opĂ©ratoires et de l’intensification des usages numĂ©riques, il apparaĂźt Ă©galement nĂ©cessaire de gĂ©nĂ©raliser l’accĂšs Ă  l’internet grand public pour les agents du renseignement territorial. Un effort de dotation en matiĂšre d’internet grand public pour accĂ©der Ă  certaines applications et un accĂšs Ă  des applications de collecte automatisĂ©e serait le gage d’une plus grande efficacitĂ© [Recommandation n° 16].

9. Donner à la filiÚre « recherche et appui » du SCRT les moyens humains et matériels de sa montée en puissance

La montĂ©e en puissance de la filiĂšre « recherche et appui » a pris du retard, le niveau d’effectifs annoncĂ© n’ayant pas Ă©tĂ© atteint. Il est impĂ©ratif de mener Ă  son terme le plan de renforcement de la DNRA et des SZRA en procĂ©dant aux crĂ©ations de postes prĂ©vues.

S’agissant des moyens en matĂ©riel, il convient de doter la direction nationale de recherche et d’appui des Ă©quipements techniques lui permettant de mettre en Ɠuvre les techniques de renseignement que la loi met Ă  disposition du SCRT.

Quant aux groupes de recherche et d’appui (GRA), il s’agit de les doter des matĂ©riels nĂ©cessaires pour couvrir leurs besoins, en particulier en termes de vĂ©hicules automobiles [Recommandation n° 17].

10. Autoriser l’accĂšs du renseignement territorial aux techniques de renseignement pour la finalitĂ© 5c « subversions violentes »

La stratĂ©gie nationale du renseignement fait de la prĂ©vention des subversions violentes une mission du renseignement qui doit anticiper et prĂ©venir. Or paradoxalement, le renseignement territorial est limitĂ©, pour cette finalitĂ©, dans son accĂšs aux techniques de renseignement. En effet, la mise en place, l’utilisation et retrait d’une balise (L. 851-5), d’un dispositif d’enregistrement sonore ou image (L. 853-1) et d’un dispositif de captation de donnĂ©es informatiques (L. 853-2 I 1°) dans un lieu d’habitation lui sont possibles pour la seule finalitĂ© de prĂ©vention du terrorisme.

De mĂȘme, la mise en place, l’utilisation ou le retrait d’un dispositif technique permettant d’accĂ©der Ă  des donnĂ©es informatiques stockĂ©es dans un systĂšme informatique, de les enregistrer, de les conserver et de les transmettre (L. 853-2 I 1°) dans un lieu d’habitation (L. 853-3) ne sont Ă©galement autorisĂ©es que pour la seule finalitĂ© de prĂ©vention du terrorisme.

Le recours Ă  ces techniques devrait ĂȘtre Ă©largi Ă  la finalitĂ© 5c.

Plus globalement, la question de l’accĂšs Ă  certaines techniques de renseignement que la loi rĂ©serve au premier cercle doit ĂȘtre expertisĂ©e, Ă  la fois sur la rĂ©alitĂ© du besoin, sur l’apprĂ©ciation juridique et politique qui peut ĂȘtre portĂ©e sur ce vƓu et sur la pertinence d’une Ă©volution [Recommandation n° 18].

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11. Autoriser l’accĂšs du renseignement territorial aux informations judiciarisĂ©es

Parmi les enseignements tirĂ©s de l’attentat commis contre Samuel Paty on peut retenir que le cloisonnement de l’information entre les volets administratifs (renseignement) et judiciaire peut provoquer des angles morts en termes d’analyse des informations recueillies. Sans donner de compĂ©tence judiciaire au renseignement territorial, il faudrait nĂ©anmoins l’autoriser Ă  accĂ©der Ă  des informations judiciarisĂ©es en lui permettant de les solliciter auprĂšs des procureurs de la RĂ©publique [Recommandation n° 19].

12. Envisager la crĂ©ation d’un fichier commun dĂ©diĂ© renseignement territorial (SCRT, SDAO et DRPP)

Les gendarmes affectĂ©s au sein des services dĂ©partementaux du renseignement territorial disposent d’un accĂšs au fichier de renseignement de la gendarmerie. Or, l’inverse n’étant pas vrai, s’institue alors un droit tacite de prĂ©emption de l’information brute intĂ©grĂ©e dans ce fichier par les gendarmes des unitĂ©s territoriales. La production rĂ©alisĂ©e est alors absorbĂ©e et exploitĂ©e avec les services du renseignement territorial. L’action de la gendarmerie s’en trouve Ă  la fois diluĂ©e et relĂ©guĂ©e Ă  celle de la simple captation au profit de partenaires extĂ©rieurs.

Aussi, il conviendrait d’étudier la possibilitĂ© de crĂ©er un fichier commun dĂ©diĂ© Ă  l’ensemble des services de renseignement territorial (SCRT, SDAO et DRPP) avec des modalitĂ©s d’accĂšs et d’usage harmonisĂ©es. Ceci serait cohĂ©rent avec l’objectif fixĂ© par le livre blanc sur la sĂ©curitĂ© intĂ©rieure de septembre 2020 qui appelle Ă  la production de synthĂšses analytiques consolidĂ©es et endossĂ©es par l’ensemble des services impliquĂ©s [Recommandation n° 20].

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CHAPITRE V RAPPORT GÉNÉRAL DE LA CVFS

Conditions d’emploi des fonds spĂ©ciaux au cours de l’exercice 2019

Le contrĂŽle de l’utilisation des fonds spĂ©ciaux a Ă©tĂ© confiĂ© par le lĂ©gislateur (loi de finances pour 2002) Ă  la commission de vĂ©rification des fonds spĂ©ciaux (CVFS) dont la composition a Ă©tĂ© modifiĂ©e par la loi de programmation militaire du 18 dĂ©cembre 2013 qui en fait une formation spĂ©cialisĂ©e de la dĂ©lĂ©gation parlementaire au renseignement (DPR).

La CVFS, composĂ©e de deux dĂ©putĂ©s et deux sĂ©nateurs membres de la DPR est chargĂ©e de « s’assurer que les crĂ©dits [en fonds spĂ©ciaux] sont utilisĂ©s conformĂ©ment Ă  la destination qui leur a Ă©tĂ© assignĂ©e par la loi de finances ».

Au mois de janvier 2020, sa composition Ă©tait la suivante :

– M. Michel Boutant, sĂ©nateur (SER) de la Charente, prĂ©sident ;

– M. François-NoĂ«l Buffet, sĂ©nateur (LR) du RhĂŽne ;

– M. LoĂŻc Kervran, dĂ©putĂ© (LREM) du Cher ;

– M. Patrice VerchĂšre, dĂ©putĂ© (LR) du RhĂŽne.

À la suite des Ă©lections municipales de mars et juin 2020, puis des Ă©lections sĂ©natoriales de septembre 2019, la CVFS a Ă©tĂ© profondĂ©ment renouvelĂ©e. À compter du mois de novembre, la commission Ă©tait composĂ©e comme suit :

– M. François-NoĂ«l Buffet, sĂ©nateur (LR) du RhĂŽne, prĂ©sident ;

– M. Claude de Ganay, dĂ©putĂ© (LR) du Loiret ;

– M. LoĂŻc Kervran, dĂ©putĂ© (LREM) du Cher ;

– M. Yannick Vaugrenard, sĂ©nateur (SER) de la Loire-Atlantique.

Pour mener sa mission et rĂ©aliser son rapport, la CVFS s’est dĂ©placĂ©e au siĂšge de chacune des structures bĂ©nĂ©ficiaires de fonds spĂ©ciaux pour y rĂ©aliser des contrĂŽles sur place et sur piĂšces.

Elle s’est ainsi rendue :

– Ă  la direction gĂ©nĂ©rale de la sĂ©curitĂ© extĂ©rieure (DGSE), les 9 juillet, 12, 16, 26 et 30 octobre, 2 et 6 novembre, et 3 dĂ©cembre 2020 ;

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– Ă  la direction gĂ©nĂ©rale de la sĂ©curitĂ© intĂ©rieure (DGSI), les 25 et 26 juin, et 30 novembre 2020 ;

– à la direction du renseignement militaire (DRM), les 2 juillet, 9 et 16 octobre 2020 ;

– Ă  la direction du renseignement et de la sĂ©curitĂ© de la dĂ©fense (DRSD), le 18 juin 2020 ;

– Ă  la direction nationale du renseignement et des enquĂȘtes douaniĂšres (DNRED), le 7 juillet 2020 ;

– à Tracfin, le 17 septembre 2020 ;

– au service national du renseignement pĂ©nitentiaire (SNRP), le 17 septembre 2020 ;

– au groupement interministĂ©riel de contrĂŽle (GIC), les 17 septembre et 20 novembre 2020.

Au cours de ces visites, la commission a auditionné les principaux responsables des services et a systématiquement procédé à un contrÎle par échantillon des piÚces comptables.

En raison du contexte sanitaire, elle n’a pu, contrairement aux annĂ©es prĂ©cĂ©dentes, se dĂ©placer auprĂšs de postes Ă  l’étranger pour y effectuer des contrĂŽles.

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I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DES FONDS SPÉCIAUX EN 2019

A. *****

Les services spĂ©cialisĂ©s de renseignement et le GIC ont disposĂ© en 2019 d’un montant moins important de ressources en fonds spĂ©ciaux, en comparaison avec l’exercice prĂ©cĂ©dent. Le total s’élĂšve Ă  *****, soit une baisse de prĂšs de 5,5 % par rapport Ă  2018.

RESSOURCES EN FONDS SPÉCIAUX – ÉVOLUTION 2018/2019 (EN M€)

Tableau *****

Cette baisse globale de l’enveloppe de fonds spĂ©ciaux masque toutefois des Ă©volutions contrastĂ©es selon les services.

*****

Dans ses prĂ©cĂ©dents rapports, la CVFS a soulignĂ© le recours trĂšs important Ă  des dĂ©crets pour dĂ©penses accidentelles et imprĂ©visibles (DDAI) et Ă  des dĂ©crets de transfert pour abonder en cours d’annĂ©e les moyens allouĂ©s aux services.

ConsidĂ©rant que cette pratique pouvait s’apparenter Ă  une atteinte Ă  la sincĂ©ritĂ© de la prĂ©vision budgĂ©taire, dĂšs lors que lesdites dĂ©penses Ă©taient en rĂ©alitĂ© largement prĂ©visibles, elle recommandait d’effectuer un resoclage de la dotation initiale en fonds spĂ©ciaux inscrite au programme 129 pour tenir compte des besoins rĂ©els et de l’évolution de l’activitĂ© opĂ©rationnelle des services (recommandation gĂ©nĂ©rale n° 18.01).

Cette pratique s’est toutefois sensiblement rĂ©duite au cours des deux derniers exercices. *****

Recommandation gĂ©nĂ©rale n°1 : Mettre un terme Ă  la pratique de redĂ©ploiement entre services des dotations non consommĂ©es dans l’annĂ©e, Ă  titre d’avance sur l’exercice suivant.

*****

B. *****

En 2019, le montant des fonds spĂ©ciaux dĂ©pensĂ©s dans l’annĂ©e a connu une baisse sensible *****

Tableau *****

LĂ  encore, cette Ă©volution gĂ©nĂ©rale ne reflĂšte qu’imparfaitement la situation des diffĂ©rents services. *****

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De nombreux services ont en revanche vu leur trajectoire de dépenses continuer leur progression rapide, avec des hausses trÚs marquées pour certains services, en proportion de leurs dépenses totales *****

Comme pour l’exercice prĂ©cĂ©dent, les dĂ©penses en fonds spĂ©ciaux n’ont pas Ă©tĂ© intĂ©gralement couvertes par le montant de la dotation annuelle. *****

Tableau *****

Compte tenu de ces évolutions, le niveau global de la trésorerie a diminué, *****

Une interrogation sur les modalités de présentation des informations budgétaires et comptables transmises à la CVFS

La CVFS n’a pas Ă©tĂ© en mesure, cette annĂ©e, de procĂ©der Ă  une Ă©valuation plus fine des dĂ©penses rĂ©alisĂ©es en fonds spĂ©ciaux, en particulier s’agissant de la nature des dĂ©penses.

Elle a en effet constaté des écarts importants entre les données consolidées qui lui ont été transmises par la CNRLT et celles qui lui ont été communiquées directement par les services bénéficiaires.

La commission a, en consĂ©quence, fondĂ© ses analyses sur les donnĂ©es communiquĂ©es par les services, consolidant elle-mĂȘme les informations lorsque cela Ă©tait possible. Elle regrette toutefois de n’avoir pu disposer d’une information fiable sur l’ensemble des donnĂ©es dont elle assure habituellement l’analyse, ce qui nuit Ă  l’exercice de son contrĂŽle.

Outre une diffĂ©rence de pĂ©rimĂštre dans la comptabilisation des dĂ©penses de la DGSE, la commission s’interroge sur le fait que certaines dĂ©penses puissent ĂȘtre prises en compte deux fois dĂšs lors que deux services interviennent dans le processus de rĂšglement.

Elle invite en consĂ©quence la CNRLT Ă  examiner avec les services bĂ©nĂ©ficiaires les raisons des Ă©carts constatĂ©s et Ă  fiabiliser les informations qu’elle transmet chaque annĂ©e Ă  la CVFS concernant le montant des ressources en fonds spĂ©ciaux, le montant des dĂ©penses annuelles ainsi que l’état de la trĂ©sorerie en fin d’annĂ©e (recommandation gĂ©nĂ©rale n° 2).

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II. OBSERVATIONS COMMUNES À L’ENSEMBLE DES SERVICES

L’examen des comptes en fonds spĂ©ciaux des services bĂ©nĂ©ficiaires permet Ă  la CVFS de disposer d’une vision globale et transversale de la gestion des fonds spĂ©ciaux.

S’il existe des spĂ©cificitĂ©s propres Ă  chaque structure, il n’en demeure pas moins que des rĂ©flexions et des problĂ©matiques communes interpellent la commission.

A. LE PÉRIMÈTRE D’EMPLOI DES FONDS SPÉCIAUX

1. Des marges de manƓuvre qui persistent pour la normalisation de certaines dĂ©penses

a. La bascule progressive de certaines dépenses en fonds normaux

ConformĂ©ment aux recommandations de la CVFS, la plupart des services bĂ©nĂ©ficiaires de fonds spĂ©ciaux se sont engagĂ©s dans un effort d’identification des dĂ©penses susceptibles d’ĂȘtre basculĂ©es en fonds normaux, aux fins d’assurer un respect plus strict de la doctrine d’emploi des fonds spĂ©ciaux.

De nouvelles avancĂ©es ont pu ĂȘtre rĂ©alisĂ©es au cours de l’annĂ©e 2019, tant par les services les plus consommateurs de fonds spĂ©ciaux ***** que par les services les plus petits*****.

Comme elle a dĂ©jĂ  eu l’occasion de le rappeler, la CVFS admet que ce mouvement de bascule ne puisse ĂȘtre que progressif, compte tenu soit de la complexitĂ© des opĂ©rations que cela nĂ©cessite, soit du caractĂšre historique de certaines dĂ©penses dont la bascule implique d’attendre le renouvellement d’un contrat. *****

En dĂ©pit des avancĂ©es rĂ©alisĂ©es, la CVFS observe qu’à dĂ©faut de dĂ©finition d’une doctrine commune, des pratiques hĂ©tĂ©rogĂšnes persistent entre les services, y compris pour des dĂ©penses de mĂȘme nature. Il n’est bien entendu pas question, pour la commission, de demander un alignement complet des pratiques, chaque service conservant des besoins propres liĂ©s Ă  la spĂ©cificitĂ© de ses missions et de ses modalitĂ©s d’action.

Ceci Ă©tant, elle estime qu’un effort, si ce n’est d’harmonisation, du moins de rapprochement doit ĂȘtre conduit par la diffusion, Ă  l’ensemble de la communautĂ© du renseignement, de bonnes pratiques mises en place par certains services.

*****

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Recommandation générale n°3 : *****

b. *****

*****

La CVFS a formulé des recommandations spécifiques invitant les services concernés à corriger leur pratique.

De maniĂšre plus gĂ©nĂ©rale, elle rappelle Ă  destination de l’ensemble des services que l’usage des fonds spĂ©ciaux a vocation Ă  demeurer rĂ©siduel et limitĂ© aux seules situations dans lesquelles aucune possibilitĂ© de prise en charge de fonds normaux n’existe. Elle observe, Ă  cet Ă©gard, que les entorses observĂ©es rĂ©sultent parfois d’une mĂ©connaissance du droit de la commande publique, et notamment des possibilitĂ©s de discrĂ©tion et/ou d’urgence qu’il offre pour certaines catĂ©gories de marchĂ©s de dĂ©fense et de sĂ©curitĂ©.

Elle invite en consĂ©quence la CNRLT Ă  mettre en place un groupe de travail en vue d’aider les services Ă  Ă©tudier les possibilitĂ©s de prise en charge en fonds normaux des achats de matĂ©riels ou d’équipements qui ne seraient pas justifiĂ©s par un besoin absolu de dĂ©marquage ou d’urgence (recommandation gĂ©nĂ©rale n°4).

c. Étudier les possibilitĂ©s d’anonymisation dans l’application Chorus

Dans certains cas, l’usage des fonds spĂ©ciaux paraĂźt justifiĂ© par un besoin de confidentialitĂ© non pas tant vis-Ă -vis de l’extĂ©rieur, mais plutĂŽt Ă  l’égard du reste de l’administration interne de l’État. Plusieurs services ont en effet indiquĂ© Ă  la commission recourir aux fonds spĂ©ciaux lorsque l’usage de fonds normaux impliquerait *****

2. *****

*****

B. LE NECESSAIRE RENFORCEMENT DU CONTRÔLE INTERNE

Les fonds spĂ©ciaux bĂ©nĂ©ficient d’un rĂ©gime juridique dĂ©rogatoire au regard du droit budgĂ©taire commun (absence d’annualitĂ© budgĂ©taire, pas de spĂ©cialisation des crĂ©dits).

En contrepartie, la CVFS estime indispensable que leur usage soit soumis Ă  des rĂšgles strictes et prĂ©cises ainsi qu’à un contrĂŽle interne et externe approfondi.

Si les pratiques divergent d’un service Ă  l’autre, elle se fĂ©licite des progrĂšs accomplis en la matiĂšre au cours des derniers exercices, tant par les services historiquement les mieux dotĂ©s en fonds spĂ©ciaux que par les services qui n’en font qu’un usage restreint et rĂ©cent.

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Assez logiquement, la structuration de l’environnement de contrĂŽle interne ne saurait ĂȘtre identique d’un service Ă  l’autre. À cet Ă©gard, la commission estime nĂ©cessaire de distinguer les services les plus consommateurs en fonds spĂ©ciaux, ou ceux dont la dotation tend fortement Ă  augmenter, des services pour lesquels les dĂ©penses en fonds spĂ©ciaux ne reprĂ©sentent que quelques dizaines, voire quelques centaines de milliers d’euros.

Dans le premier cas, il importe qu’un dispositif de contrĂŽle interne consolidĂ© soit mis en place, comprenant, dans la mesure du possible, deux niveaux de contrĂŽle. L’annĂ©e 2019 a Ă©tĂ© marquĂ©e, Ă  cet Ă©gard, par des Ă©volutions importantes. *****

Dans les services ayant un usage des fonds spĂ©ciaux plus restreint, le renforcement de l’environnement de contrĂŽle interne se traduit principalement par la mise en place d’une doctrine stricte d’usage des fonds spĂ©ciaux et d’un contrĂŽle de rĂ©gularitĂ© comptable a posteriori. LĂ  aussi, la commission a pu constater des progrĂšs notables au cours de son contrĂŽle. *****

Ici ou là, la CVFS a néanmoins pu observer des fragilités qui confirment la nécessité de parfaire les réformes engagées. *****

La commission a formulé des recommandations spécifiques aux services concernés.

À moyen terme, la CVFS suggĂšre qu’un nouvel audit des dispositifs de contrĂŽle interne soit confiĂ© Ă  l’ISR, de maniĂšre Ă  Ă©valuer la pertinence des rĂ©formes conduites.

C. L’ACCÈS DE LA CVFS À UNE INFORMATION FIABLE ET EXHAUSTIVE

La qualité du contrÎle exercé par la CVFS dépend, trÚs largement, de sa capacité à accéder à une information fiable et exhaustive.

À cet Ă©gard, la commission se fĂ©licite du souci croissant de transparence dont les services font preuve Ă  son encontre Ă  l’occasion de ses contrĂŽles.

*****

D. LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS

Au dĂ©but de l’exercice 2019, 16 recommandations gĂ©nĂ©rales Ă©mises en 2016, 2017 et 2018 restaient Ă  mettre en Ɠuvre ou ne l’avaient Ă©tĂ© que partiellement.

Au terme de son contrîle, la CVFS n’a pu clîturer que trois de ces recommandations :

– la recommandation gĂ©nĂ©rale n° 16.16 relative au renforcement des moyens de contrĂŽle de la CVFS : la commission est progressivement

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montĂ©e en puissance dans l’exercice de ses missions, augmentant le temps consacrĂ© Ă  ses contrĂŽles et Ă©largissant le champ de ses actions (dĂ©placements Ă  l’étranger et en province). Elle a pu, ce faisant, accompagner les services dans le renforcement de leur dispositif de contrĂŽle interne, ainsi que la sĂ©curisation de certaines de leurs opĂ©rations, par exemple en matiĂšre de dĂ©marquage ;

– la recommandation gĂ©nĂ©rale n° 16.13 qui visait Ă  renforcer et formaliser les environnements de contrĂŽle interne et Ă  Ă©tablir Ă  l’attention de la CVFS une synthĂšse documentĂ©e sur les contrĂŽles mis en Ɠuvre et leurs rĂ©sultats. La CVFS a Ă©tĂ© destinataire des notes Ă©tablies par les services bĂ©nĂ©ficiaires de fonds spĂ©ciaux sur leur dispositif de contrĂŽle interne. L’extinction de cette recommandation gĂ©nĂ©rale ne fait toutefois pas obstacle Ă  ce qu’elle formule des prĂ©conisations spĂ©cifiques Ă  l’égard de tel ou tel service ;

– la recommandation gĂ©nĂ©rale n° 18.03 *****

Les autres recommandations demeurent en revanche ouvertes, soit parce qu’elles sont restĂ©es sans effet Ă  ce jour, soit parce qu’elles Ă©taient encore en cours de mise en Ɠuvre en 2019 ou que la CVFS n’a pu constater par elle-mĂȘme leur rĂ©alisation.

RECOMMANDATIONS GÉNÉRALES 2016, 2017 ET 2018 RESTANT OUVERTES

N° Objet Observations de la CVFS

16.02 Exclusion des fonds spĂ©ciaux de l’assiette de calcul de la rĂ©serve de prĂ©caution du programme 129.

La CVFS se fĂ©licite que la rĂ©serve de prĂ©caution du programme 129 ait systĂ©matiquement Ă©tĂ© levĂ©e s’agissant de l’enveloppe de fonds spĂ©ciaux. Pour autant, elle n’est pas explicitement exclue de l’assiette de calcul de la rĂ©serve. La CVFS maintient donc la recommandation, et restera attentive Ă  l’évolution de la situation, particuliĂšrement en pĂ©riode budgĂ©taire contrainte.

16.05 ***** *****

16.07 Constituer un groupe de travail sur les possibilités de démarquage existantes dans le logiciel Chorus.

La CVFS maintient cette recommandation, aucun groupe de travail n’ayant Ă©tĂ© lancĂ© sur le sujet.

*****

16.09 Augmenter la dotation en fonds normaux à due proportion des montants transférés en fonds spéciaux.

***** La CVFS sera trĂšs attentive Ă  la mise en Ɠuvre de cette recommandation qui constitue une condition sine qua non au mouvement de dĂ©port vers les crĂ©dits ministĂ©riels.

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N° Objet Observations de la CVFS

17.03

DĂ©finir des principes et des outils communs Ă  l’ensemble des services spĂ©cialisĂ©s de renseignement s’agissant du contrĂŽle interne de la gestion des sources : turn over rĂ©gulier des agents, Ă©laboration d’indicateurs au niveau central, sĂ©paration des fonctions de gestion et de contrĂŽle, etc.

Les notes portant sur le contrĂŽle interne transmises Ă  la CVFS ne font pas toutes Ă©tat des rĂšgles de gestion et de contrĂŽle des sources humaines. *****

Elle maintient en conséquence sa recommandation.

17.04 ***** *****

17.05 ***** *****

18.01

Effectuer un « resoclage » de la dotation en fonds spĂ©ciaux inscrite au programme 129 pour tenir compte des besoins rĂ©els et de l’évolution de l’activitĂ© opĂ©rationnelle des services.

La CVFS salue l’effort de resoclage entrepris par les services du Premier ministre, *****

18.02 ***** *****

18.04

DĂ©signer par arrĂȘtĂ© ou une circulaire, non publiĂ© au Journal officiel, les entitĂ©s et services susceptibles de bĂ©nĂ©ficier de fonds spĂ©ciaux. Cet arrĂȘtĂ© ou circulaire, et les modifications apportĂ©es ultĂ©rieurement, serait communiquĂ©s sans dĂ©lai Ă  la CVFS.

La CVFS n’a Ă©tĂ© informĂ©e de la publication d’aucun arrĂȘtĂ© ou circulaire en ce sens.

18.05

RĂ©affirmer la possibilitĂ© pour la CVFS d’accĂ©der aux rapports d’inspection et d’audit interne nĂ©cessaires Ă  sa pleine information et Ă  l’exercice de son contrĂŽle, par la diffusion d’une instruction aux services.

Plusieurs services ont inflĂ©chi leur position sur le sujet, ce qui devrait permettre Ă  la commission d’avoir accĂšs aux documents sollicitĂ©s lors de son prochain contrĂŽle annuel.

La recommandation est nĂ©anmoins maintenue pour s’assurer de sa mise en Ɠuvre.

18.06 Mettre en place, au sein de chaque service, des indicateurs *****

Aucune information n’a Ă©tĂ© communiquĂ©e Ă  la CVFS en ce sens.

18.07 Mettre en place une cellule interservices *****

Aucune information n’a Ă©tĂ© communiquĂ©e Ă  la CVFS en ce sens. *****

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III. RECOMMANDATIONS GENERALES 2019 EMISES PAR LA CVFS

Recommandation gĂ©nĂ©rale n° 1 (Ă  l’attention de la CNRLT) : Mettre un terme Ă  la pratique de redĂ©ploiement entre services des dotations non consommĂ©es dans l’annĂ©e, Ă  titre d’avance sur l’exercice suivant.

Recommandation gĂ©nĂ©rale n° 2 (Ă  l’attention de la CNRLT) : Remettre Ă  plat, en collaboration avec les services bĂ©nĂ©ficiaires, les modalitĂ©s de consolidation des donnĂ©es comptables et budgĂ©taires relatives aux fonds spĂ©ciaux et fiabiliser les informations transmises Ă  la CVFS concernant le montant des ressources et des dĂ©penses annuelles, ainsi que le niveau global de la trĂ©sorerie en fin d’annĂ©e.

Recommandation générale n° 3 : *****

Recommandation gĂ©nĂ©rale n° 4 (Ă  l’attention de la CNRLT) : Mettre en place un groupe de travail transversal Ă  l’ensemble des services bĂ©nĂ©ficiaires de fonds spĂ©ciaux sur les possibilitĂ©s de discrĂ©tion et/ou d’urgence offertes par le droit de la commande publique.

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RECOMMANDATIONS DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE AU RENSEIGNEMENT AU TITRE DE SON RAPPORT ANNUEL D’ACTIVITÉ 2020-2021

ÉVALUATION ET CONTRÔLE PARLEMENTAIRE DE LA POLITIQUE PUBLIQUE

DU RENSEIGNEMENT

Recommandation n° 1 : IntĂ©grer au rapport annuel d’activitĂ© des services spĂ©cialisĂ©s de renseignement et des services mentionnĂ©s Ă  l’article L. 811-4 du code de la sĂ©curitĂ© intĂ©rieure un chapitre consacrĂ© au suivi des recommandations formulĂ©es par la DĂ©lĂ©gation parlementaire au renseignement dans ses rapports annuels d’activitĂ©.

LUTTE CONTRE LE TERRORISME ET RENSEIGNEMENT PÉNITENTIAIRE

Recommandation n° 2 : Augmenter le nombre de places pour femmes en quartiers d’évaluation de la radicalisation (QER) et quartiers de prise en charge de la radicalisation (QPR) dans le cadre du programme immobilier pĂ©nitentiaire.

FICHIERS DE RENSEIGNEMENT

Recommandation n° 3 : Réaliser une évaluation du recours aux nouvelles possibilités de collectes dans les fichiers PASP, GIPASP et EASP permises par les décrets du 2 décembre 2020 et rendre la Délégation parlementaire au renseignement destinataire de cette évaluation.

SENSIBILISATION DE LA REPRÉSENTATION NATIONALE AUX RISQUES

D’ESPIONNAGE

Recommandation n° 4 : À l’occasion de chaque renouvellement de l’AssemblĂ©e nationale et du SĂ©nat, proposer systĂ©matiquement et obligatoirement Ă  tous les parlementaires un temps de sensibilisation sur les risques d’espionnage liĂ©s Ă  leur mandat ainsi qu’un kit d’information, intĂ©grĂ© Ă  la mallette du dĂ©putĂ© et du sĂ©nateur, sur les bonnes pratiques Ă  respecter.

ÉCHANGE D’INFORMATIONS AVEC LES SERVICES DE RENSEIGNEMENT

ÉTRANGERS

Recommandation n° 5 : Au regard de la jurisprudence rĂ©cente de la Cour europĂ©enne des droits de l’homme (ArrĂȘt Big Brother Watch et autres du 25 mai 2021) sur l’échange d’informations avec des services de renseignements Ă©trangers, engager avec la DĂ©lĂ©gation parlementaire au renseignement une rĂ©flexion sur la dĂ©finition d’un mĂ©canisme appropriĂ© d’encadrement de ces Ă©changes.

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CONTINUITÉ DES MISSIONS DE RENSEIGNEMENT PENDANT LA CRISE

SANITAIRE

Recommandation n° 6 : Mettre en Ɠuvre d’une capacitĂ© interservices d’anticipation et d’apprĂ©ciation des menaces sanitaires, comme le prĂ©conise la revue stratĂ©gique de dĂ©fense et de sĂ©curitĂ© nationale de 2017.

Recommandation n° 7 : Établir un plan de continuitĂ© d’activitĂ© (PCA) prenant en compte l’ensemble des risques dĂ©crits par la revue stratĂ©gique de dĂ©fense et de sĂ©curitĂ© nationale de 2017. Ce PCA devra, entre autres, identifier les moyens informatiques et de communication nĂ©cessaires Ă  la poursuite des missions jugĂ©es essentielles ou prioritaires, y compris Ă  distance.

Recommandation n° 8 : Mettre en place un outil de visioconfĂ©rence souverain et sĂ©curisĂ©, avec le soutien de l’Agence nationale de la sĂ©curitĂ© des systĂšmes d’information (ANSSI), permettant aux services de l’État, dont les services de renseignement, d’échanger des informations classifiĂ©es.

RENSEIGNEMENT TERRITORIAL

Recommandation n° 9 : CrĂ©er au sein du ministĂšre de l’intĂ©rieur une direction gĂ©nĂ©rale rĂ©unissant le SCRT, la SDAO et la DRPP et permettant de mutualiser les fonctions supports de ces trois entitĂ©s.

Recommandation n° 10 : Doter le renseignement territorial de budgets opérationnels de programme « BOP » dédiés

Recommandation n° 11 : Confier au renseignent territorial le chef de filùt sur la prévention et le suivi des subversions violentes.

Recommandation n° 12 : Établir un indicateur permettant de connaĂźtre la durĂ©e d’affectation dans leur poste des agents du renseignement territorial et dĂ©velopper les incitations Ă  la mobilitĂ© gĂ©ographique et fonctionnelle des agents non soumis Ă  une obligation statutaire de mobilitĂ©.

Recommandation n° 13 : Renforcer les compétences du renseignement territorial par un recrutement plus diversifié et des formations adaptées aux besoins des missions de renseignement, en particulier dans le domaine linguistique et en matiÚre de connaissance et de suivi des usages numériques.

Recommandation n° 14 : Faire du dialogue avec les Ă©lus des territoires un critĂšre d’évaluation des cadres du renseignement territorial.

Recommandation n° 15 : Doter le SCRT d’un rĂ©seau classifiĂ© sĂ©curisĂ©, permettant d’échanger des informations avec les 255 implantations territoriales du service.

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Recommandation n° 16 : Prévoir un plan pluriannuel de modernisation des matériels.

Recommandation n° 17 : Donner à la filiÚre « recherche et appui » du SCRT les moyens humains et matériels de sa montée en puissance.

Recommandation n° 18 : Autoriser l’accĂšs du renseignement territorial aux techniques de renseignement pour la finalitĂ© 5c « subversions violentes ».

Recommandation n° 19 : Autoriser l’accĂšs du renseignement territorial aux informations judiciarisĂ©es.

Recommandation n° 20 : Envisager la crĂ©ation d’un fichier commun dĂ©diĂ© au renseignement territorial (SCRT, SDAO et DRPP).

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EXAMEN PAR LA DÉLÉGATION

RĂ©unis le jeudi 1er juillet 2021 sous la prĂ©sidence de Mme Françoise Dumas, la DĂ©lĂ©gation a procĂ©dĂ© Ă  l’examen de son rapport annuel.

AprĂšs un exposĂ© de sa prĂ©sidente, la DĂ©lĂ©gation a adoptĂ© son rapport pour 2020-2021 (chapitres I Ă  IV), en application du VI de l’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958.

Par ailleurs, elle avait entendu le jeudi 28 janvier 2021 la prĂ©sentation du rapport de la Commission de vĂ©rification des fonds spĂ©ciaux en application du VI de l’article 154 de la loi n° 2001-1275 du 28 dĂ©cembre 2001 de finances pour 2002 (chapitre V).

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