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470 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
du même principe général de droit suivant lequel nul n'est censé ignorer la loi, être censé avoir ou devoir avoir conscience que l'inobservance d'une des dispositions relatives à l'état de marche de son véhicule aggrave le risque d'accident ; qu'en effet une violation de ces dispositions n'est pas assimilable à une violation d'un des articles réglant la circulation routière comme telle, étant donné que ces articles ne constituent pas nécessairement une faute grave au sens de l'article 16 de la loi du 11 juin 1874 même si le lien de causalité entre leur' violation et l'accident est établi ; au'au contraire les articles réglant l'état de marche du véhicule assuré déterminent directement et nécessairement l'importance du risque garanti, puisque ce risque est nécessairement limité aux accidents provoqués au moyen d'un véhicule qui répond aux normes de sécurité prévues par la loi, de sorte qu'en estimant, quant à un accident provoqué au moyen d'un véhicule ne répondant pas aux conditions d'état de marche prévues par la législation applicable en la matière ~t ayant fait l'objet d'une décision passee en force de chose jugée du juge pénal selon laquelle cet état constituait la cause de l'accident, que, d'une part, le juge du fond au civil doit pouvoir apprécier souverainement si cet état litigieux constituait en l'espèce une faute grave dont l'assuré avait eu ou devait avoir en réalité conscience qu'elle entraînerait une aggravation du risque garanti, et que, d'autre part, la charge de cette preuve quant au fond reposait sur l'assureur, la cour d'appel viole les articles 87-1 du règlement général sur la police de la circulation routière, 16 de la loi du 11 juin 1874, 23, 24, 28 du Code judiciaire, 1134, 1135, 1350 du Code civil, 418 et 420 du Code pénal :
Quant à la première branche :
Sur la fin de non-recevoir opposée par les défendeurs et déduite de ce que les articles dont la violation est invoquée sont étrangers à la contestation :
Attendu que le grief invoqué dans cette branche du moyen ne concerne que la violation de la chose jugée en matière répressive ;
Attendu que les dispositions légales citées en cette branche sont étrangères à ce grief;
Que la fin de non-recevoir doit être accueillie ;
Quant à la seconde branche
Attendu que la faute grave prévue à l'article 16 de la loi du 11 juin 1874 est celle qui est assimilable à un fait intentionnel et dont l'assuré avait ou devait avoir conscience qu'elle entraînerait une aggravation du risque garanti ;
Attendu que, si toute personne est censée connaître la loi et, dès lors, avoir connaissance des dispositions réglementaires concernant les conditions auxquelles doit répondre un véhicule pour qu'il puisse être mis légalement en circulation le juge apprécie toutefois souveraine~ent si un manquement déterminé à une prescription réglementaire, même si celle-ci concerne l'état de marche de ce véhicule, constitue une faute grave au sens de l'article 16 précité et si l'assuré devait avoir conscience que ce manquement entraînerait une aggravation du risque garanti;
Attendu, dès lors, qu'en rejetant la demande récursoire de la demanderesse au motif que la faute grave de l'assuré n'est pas établie à suffisance l'arrêt ne viole ni les dispositions légales ni le principe de droit cités en cette branche et motive régulièrement sa décision ;
Qu'en cette branche le moyen ne peut être accueilli ;
Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne la demanderesse aux dépens.
Du 24 décembre 1976. - ir• ch. -Prés. et Rapp. M. de Vreese, conseiller faisant fonctions de président. - Concl. conf. M. Tillekaerts, avocat général. -Pl. MM. Bützler et Houtekier.
2" CH. - 3 janvier 1977.
1 ° MOYENS DE CASSATION. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - ACTION PUBLI• QUE. - PEINE UNIQUE PRONONCÉE POUR PLUSIEURS INFRACTIONS. - MOYEN NE CONCERNANT QUE L'UNE DE CES INFRAC• TIONS. - PEINE LÉGALEMENT JUSTIFIÉE PAR UNE AUTRE INFRACTION. - MOYEN IRRECEVABLE.
COUR DE CASSATION 471
2° PRESCRIPTION. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - ACTION PUBLIQUE. - SusPENSION DE LA PRESCRIPTION. - POURVOI CONTRE UNE DÉCISION AYANT STATUÉ DÉFINITIVEMENT ET CONTRADICTOIREMENT SUR L'ACTION PUBLIQUE. - SusPENSION DE LA PRESCRIPTION DEPUIS LA PRONONCIATION DE LA DÉCISION JUSQU'A CELLE DE L'ARRf:T DE CASSATION.
1 ° Lorsqu'une peine unique a été prononcée pour plusieurs infractions, est irrecevable, à défaut d'intérêt, la demande de cassation de la décision rendue sur l'action publique, qui est fondée sur un moyen ne concernant que l'une de ces infractions, alors que la peine prononcée demeure légalement justifiée par une autre infraction (1). (Code d'instr. crim., art. 411 et 413.)
2° Lorsqu'une partie s'est pourvue en cassation contre une décision ayant statué définitivement et contradictoirement sur l'action publique, la prescription de cette action est suspendue depuis la prononciation de cette décision jusqu'à celle de l'arrêt de cassation (2). (Loi du 17 avril 1878, art. 24.)
(VERBRUGGHE.)
ARRf:T.
LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 5 octobre 1976 par la cour d'appel de Bruxelles ;
Attendu que le pourvoi est limité aux dispositions pénales de l'arrêt relatives aux préventions C, D-1 et D-2;
Sur le moyen pris de ce que la prescription de l'action publique du chef de délit de fuite (C), d'ivresse au volant (D-1) et d'alcoolémie (D-2), faits commis le 27 novembre 1974, était acquise le 11 octobre 1976, date à laquelle le demandeur s'est pourvu en cassation contre l'arrêt rendu le 5 octobre 1976, le dernier acte interruptif de prescription datant du 9 octobre 1975 :
Attendu que le demandeur était poursuivi du chef de coups ou blessures invo-
(1) Cass., 16 novembre 1976, supra, p. 295.
(2) Cass., 18 novembre 1975 (Bull. et Pas., 1976, I, 344).
lontaires (A), d'abstention coupable (B), de délit de fuite (C), d'ivresse au volant (D-1) et d'alcoolémie (D-2) ;
Attendu que l'arrêt condamne le demandeur, d'une part, du chef de coups ou blessures involontaires, d'ivresse au volant et d'alcoolémie à une peine unique de deux mois d'emprisonnement et 100 francs d'amende et, d'autre part, du chef d'abstention coupable et de délit de fuite à une peine unique de un mois d'emprisonnement et 200 francs d'amende ; qu'il ordonne en outre la déchéance du droit de conduire pendant une durée d'un mois du chef d'ivresse au volant;
Attendu que, les peines uniques prononcées du chef de coups ou blessures involontaires et d'alcoolémie, d'une part, d'abstention coupable et de délit de fuite, d'autre part, étant légalement justifiées par l'infraction de coups ou blessures d'une part, et par l'infraction d'abstention coupable d'autre part, le moyen est irrecevable en tant qu'il concerne les infractions d'alcoolémie et de délit de fuite ;
Attendu que, en ce qui concerne l'ivresse au volant, l'action publique n'était pas prescrite le 5 octobre 1976, date à laquelle la juridiction d'appel a statué, la prescription ayant été régulièrement interrompue dans le délai d'un an, notamment le 9 octobre 1975 comme le constate l'arrêt ;
Attendu que le jugement, ayant statué définitivement et contradictoirement sur l'action publique, a mis fin à celleci, sauf cassation éventuelle, et que, partant, le délai de prescription de cette action a cessé de courir ; qu'au jour de la déclaration de pourvoi la prescription n'était donc pas acquise ;
Qu'à cet égard le moyen manque en droit;
Et attendu que les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et que la décision est conforme à la loi ;
Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne le demandeur aux frais.
Du 3 janvier 1977. - 2° ch. - Prés. Baron Richard, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Screvens. - Concl. conf. M. Charles, avocat général. - Pl. M. Boonen (du barreau de Nivelles).
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2e CH. - 3 janvier 1977.
l O PREUVE. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. -CAS OÙ LA LOI N'IMPOSE PAS UN MODE SPÉCIAL DE PREUVE. - APPRÉCIATION SOUVERAINE PAR LE JUGE DU FOND. -LIMITES.
2° APPRÉCIATION SOUVERAINE PAR LE JUGE DU FOND. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - NÉCESSITÉ OU OPPORTUNITÉ D'UNE MESURE D'INSTRUCTION. APPRÉCIATION SOUVERAINE.
1 ° En matière répressive, lorsque la loi n'établit pas un mode spécial de preuve, le juge du fond apprécie souverainement, en fait, la valeur probante des iléments sur lesquels il fonde sa conviction, qui lui sont régulièrement soumis et que les parties ont pu contredire (1).
2° Le juge du fond apprécie souverainement la nécessité ou l'opportunité d'une mesure d'instruction (2) et, notamment, celle de recourir à une expertise.
(ROSA, C. D'ANDRÉA.)
Arrêt conforme aux notices.
Du 3 janvier 1977. - 2• ch. - Prés. Baron Richard, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Screvens. - Concl. conf. M. Charles, avocat général. - Pl. M. Frère (du barreau de Charleroi).
2".CH. - 4 janvier 1977.
1 ° ORGANISATION JUDICIAIRE. COMPOSITION DU SIÈGE. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. DÉCISION REMETTANT L'EXAMEN ET LE JUGEMENT DE LA CAUSE EN VUE DE PERMETTRE UN COMPLÉMENT D'INSTRUCTION. DÉCISION ULTÉRIEURE STATUANT AU FOND. - DÉCISIONS NE DEVANT PAS i:TRE RENDUES PAR LES MÊMES JUGES.
(1) Cass., 22 novembre 1976, supra, p. 317. (2) Cass., 15 septembre 1975 (Bull. et
Pas., 1976, I, 63).
2° MOYENS DE CASSATION. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - POURVOI DU PRÉVENU. - POURVOI DIRIGÉ CONTRE LA DÉCISION RENDUE SUR L'ACTION PUBLIQUE. - MOYEN CONCERNANT UNIQUEMENT UNE FAUTE POUVANT DONNER LIEU A UN PARTAGE DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE. - MOYEN IRRECEVABLE.
3° POURVOI EN CASSATION. - DÉSISTEMENT. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. -POURVOI DU PRÉVENU CONTRE LES DÉCISIONS RENDUES SUR LES ACTIONS PUBLIQUE ET CIVILE. - DÉSISTEMENT DU POURVOI DIRIGÉ CONTRE LA DÉCISION RENDUE SUR L'ACTION CIVILE. - DÉSISTEMENT FONDÉ SUR L'UNIQUE MOTIF QUE CETTE DÉCISION N'EST PAS DÉFINITIVE AU SENS DE L'ARTICLE 416 DU CODE D'INSTRUCTION CRIMINELLE. - DÉSISTEMENT NE POUVANT i:TRE INTERPRÉTÉ COMME UN ACQUIESCEMENT. - CONSÉQUENCE.
1 ° La décision qui remet l'examen et le jugement de la cause en vue de permettre un complément d'instruction et celle qui statue ultérieurement au fond ne doivent pas être rendues par les mêmes juges (3). (Code judic., art. 779.)
2° Est irrecevable, à défaut d'intérêt, le moyen, pris par le prévenu à l'appui de son pourvoi dirigé contre la décision rendue sur l'action publique, qui concerne uniquement une faute éventuelle du défendeur pouvant donner lieu à un partage de la responsabilité civile.
3° Lorsque le prévenu s'est pourvu contre les décisions rendues sur les actions publique et civile exercées contre lui et s'est ensuite dé.sisté de son pourvoi en tant qu'il était dirigé contre la décision rendue sur l'action civile, pour l'unique motif que cette décision n'est pas définitive au sens de l'article 416 du Code d'instruction criminelle, ce désistement ne peut être interprété comme un acquiescement et n'est pas décrété par la Cour si celle-ci constate que ladite décision est définitive (4).
(3) Cons. cass., 22 mars 1965 (Bull. et Pas., 1965, I, 772), 6 novembre 1967 (ibid., 1968, I, 321) et 24 février 1976 (ibid., 1976, I, 705).
(4) Cass., 13 décembre 1976, supra, p. 418.
COUR DE CASSATION 473
(SCHELKENS, C. VERHEYEN.)
ARRÊ:T (traduction).
LA COUR ; - Vu le jugement attaqué, rendu le 14 mai 1976 par le tribunal correctionnel de Malines, statuant en degré d'appel ;
Sur le premier moyen, pris de la violation des articles 152, 153, 176, 185, 189, 190, 190bis, 193bis, 211 du Code d'instruction criminelle, 2, 779 et 1042 du Code judiciaire,
en ce que le jugement condamne la demanderesse sur l'action publique et la condamne en outre sur l'action civile à payer au demandeur un franc de dommages-intérêts et que ce jugement a été prononcé par une chambre à trois juges composée des juges de Forche, Simons et Bourgeois,
alors que la chambre de ce tribunal ayant remis la cause le 31 décembre 1975 en vue d'un complément d'instruction était composée des juges Wauters, de Forche et Simons, de sorte que les juges qui ont connu de la cause n'ont pas prononcé le jugement, qui est, dès lors, nul :
Attendu qu'à l'audience du 31 décembre 1975 le tribunal n'a pas instruit la cause mais s'est borné à la remettre en vue d'un complément d'instruction;
Que le moyen manque en droit ;
Sur les deuxième et troisième moyens réunis et pris,
le deuxième, de la violation des articles 7, 2°, 97 de l'arrêté royal du 14 mars 1968 portant règlement général sur la police de la circulation routière, 13, 29 de la loi relative à la police de la circulation routière (arrêté royal du 16 mars 1968 portant coordination des lois relatives à la police de la circulation routière), 1382, 1383, 1384 du Code civil et 97 de la Constitution,
en ce que le jugement condamne la demanderesse sur l'action publique et la condamne en outre sur l'action civile à payer un franc de dommages-intérêts au défendeur, aux motifs que l'expert est arrivé à la conclusion que l'accident est imputable au fait que la demanderesse a entamé le mouvement de tourner à gauche à un moment où la chaussée n'était pas libre, le défendeur ayant
déjà commencé à dépasser ; que, l'ayant fait soudainement, le défendeur n'a pu éviter l'accident ; que rien n'indique que le défendeur ait commis une faute quelconque,
alors que, première branche, en ses conclusions la demanderesse soutenait de manière expresse qu'il y avait interdiction de dépasser sur les lieux et que le défendeur devait rester derrière son véhicule et ne pouvait en aucun cas la dépasser par la gauche, et que le jugement ne répond pas à ce moyen (violation de l'article 97 de la Constitution) ;
seconde branche, le fait que le défendeur n'a pas eu égard au signal d'interdiction invoqué par la demanderesse constitue une faute engageant sa responsabilité (violation des articles 7, 2°, 97 de l'arrêté royal du 14 mars 1968 et du n° 30 de son annexe, 2, 13, 29 de la loi relative à la police de la circulation routière [coordination du 16 mars 1968], 1382, 1383 et 1384 du Code civil) ;
le troisième, de la violation des articles 97 de la Constitution, 1382, 1383, 1384 du Code civil et 27 de l'arrêté royal du 14 mars 1968 portant règlement général sur la police de la circulation routière,
en ce que le jugement condamne la demanderesse sur l'action publique et la condamne en outre sur l'action civile à payer un franc de dommages et intérêts au défendeur, aux motifs que l'expert estime que la vitesse du défendeur était à peu près de 60 km. à l'heure ; que la cause de l'accident résulte du fait que la demanderesse a entamé un mouvement consistant à tourner à gauche à un moment où la chaussée n'était pas libre, le défendeur ayant déjà commencé une manœuvre de dépassement ; que rien n'indique que le défendeur ait commis une faute quelconque et qu'il n'est pas établi qu'il circulât à grande vitesse,
alors que, première branche, la demanderesse soutenait de manière expresse dans ses conclusions que le défendeur circulait à une vitesse très élevée étant donné le choc violent de la collision et le fait que la demanderesse n'avait pu voir dans son rétroviseur arriver la« Jaguar» du défendeur; que le jugement ne répond pas ou à tout le moins répond de manière insuffi-
474 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
sante à ces conclusions (violation de l'article 97 de la Constitution) ;
seconde branche, la demanderesse soutenait aussi dans ses conclusions qu'elle avait ralenti avant d'exécuter son mouvement et que, partant, le défendeur aurait dû le remarquer et qu'il était imprudent de ne pas ralentir ; que ce comportement constitue une faute dans le chef du défendeur et que le jugement ne répond pas à ces conclusions (violation des articles 97 de la Constitution, 27 de l'arrêté royal du 14 mars 1968, 1382, 1383 et 1384 du Code civil) :
A. En tant que le moyen est dirigé contre la décision rendue sur l'action publique:
Attendu que le jugement condamne la demanderesse du chef d'infraction à l'article 25-2, a et d, 1 °, du Code de la route aux motifs que : 1 ° il ressort des éléments du dossier que la collision s'est produite sur la moitié droite de la chaussée de 10,20 m. de large et plus précisément à 3 mètres environ du bord droit de celle-ci ; 2° il n'est pas établi que les feux indicateurs de direction étaient allumés; 3° l'expert estime que l'accident est imputable au fait que la demanderesse a entamé un mouvement (tourner à gauche) à un moment où la chaussée n'était pas libre, le défendeur ayant déjà commencé à dépasser ;
Attendu que, les conclusions de la demanderesse visées aux deux moyens concernant uniquement une faute éventuelle du défendeur pouvant donner lieu à un partage de la responsabilité civile, les deux moyens sont irrecevables à défaut d'intérêt ;
Et attendu que les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et que la décision est conforme à la loi ;
B. En tant que le moyen est dirigé contre la décision rendue sur l'action civile exercée contre la demanderesse :
Attendu que la demanderesse déclare se désister de son pourvoi dans la mesure où celui-ci est dirigé contre cette décision;
Attendu que le jugement condamne la demanderesse à payer au défendeur l'indemnité provisionnelle de un franc réclamée par lui; qu'en outre il donne acte au défendeur de ce qu'il évalue sa demande à 30.000 francs sous réserve de
majoration ou de réduction en cours d'instance ;
Attendu qu'ainsi le juge, qui ne réserve rien sur quoi il devrait statuer ultérieurement, a épuisé sa juridiction ; d'où il suit que la décision est définitive au sens de l'article 416 du Code d'instruction criminelle et peut faire l'objet d'un pourvoi en cassation ; que, partant, il n'y a pas lieu de décréter le désistement, celui-ci se révélant entaché d'erreur et ne pouvant être interprété comme un acquiescement ;
Attendu que le jugement n'a aucun égard aux conclusions citées aux deuxième et troisième moyens ;
Que les moyens sont fondés ;
Par ces motifs, et sans avoir égard au désistement du pourvoi, casse le jugement attaqué, en tant qu'il statue sur l'action civile du défendeur, sauf en tant qu'il constate que la demanderesse a commis une faute en relation de cause à effet avec le dommage ; rejette le pourvoi pour le surplus ; ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de la décision partiellement annulée ; condamne la demanderesse et le défendeur chacun à la moitié des frais ; renvoie la cause, ainsi limitée, au tribunal correctionnel d'Anvers, siégeant en degré d'appel.
Du 4 janvier 1977. - 2° ch. - Prés. M. Wauters, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Delva. -Concl. conf. M. Dumon, premier avocat général. - Pl. M. Houtekier.
2° CH. - 4 janvier 1977.
CHASSE. - PERMISSION DE CHASSER DANS LES DOMAINES DE L'ETAT EN VERTU D'UNE ADJUDICATION PUBLIQUE. - LOI DU 28 FÉVRIER 1882, ARTICLE 13. -DISPOSITION NON APPLICABLE A LA CHASSE SUR DES FONDS APPARTENANT A UNE COMMISSION D'ASSISTANCE PUBLIQUE.
La disposition de l'article 13 de la loi du 28 février 1882, aux termes de
COUR DE CASSATION 475
laquelle il n'est permis de chasser qu'en vertu d'une adjudication publique, ne concerne que la chasse dans les domaines de l'Etat et non celle sur des fonds appartenant d une commission d'assistance publique (1) (2).
(VANDEPOEL.)
ARRtT (traduction).
LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 29 juin 1976 par la cour d'appel de Bruxelles ;
Sur le moyen pris, d'office, de la violation de l'article 13 de la loi du 28 février 1882 sur la chasse :
Attendu que l'arrêt condamne le demandeur uniquement du chef de la prévention « d'avoir chassé dans les domaines de l'Etat, en l'espèce sur des terres appartenant à l' Assistance publique de Geetbets, en n'y disposant pas du droit de chasse en vertu d'une adjudication publique » ;
Qu'il fonde sa décision sur les considérations, d'une part, que le demandeur ne peut se prévaloir d'aucun droit de chasse sur ladite parcelle, aucune adjudication publique ne l'ayant autorisé à y chasser, et, d'autre part, qu'en vertu de l'article 26 de la loi les poursuites du chef d'infraction à l'article 13 de la loi sur la chasse ont lieu d'office ;
Attendu toutefois que l'article 13 de la loi du 28 février 1882, aux termes duquel il n'est permis de chasser dans les domaines de l'Etat qu'en vertu d'une adjudication publique, n'est pas applicable à la chasse sur des fonds appartenant à une commission d'assistance publique;
Par ces motifs, et sans avoir égard aux moyens invoqués par le demandeur, lesquels ne pourraient entraîner une cassation plus étendue ou sans renvoi, casse l'arrêt attaqué, en tant qu'il con-
(1) Cons. BRAAS, Législation sur la chasse, n° 162, p. 159; Rép. prat. dr. belge, Compl. II, v° Chasse, n°• 26 et 28, et A.P.R., v 0 Jacht, no• 154 et 157.
(2) Sur ce que les dispositions de l'arti-
damne le demandeur du chef d'infraction aux articles 4 et 13 de la loi du 28 février 1882 ; ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de la décision partiellement annulée ; laisse les frais à charge de l'Etat ; renvoie la cause à la cour d'appel d'Anvers.
Du 4 janvier 1977. - 2• ch. - Prés. M. Wauters, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. Chevalier de Schaetzen. - Concl. conf. M. Dumon, premier avocat général.- PZ. M. J. Vermeersch (du barreau de Louvain).
2• CH. - 4 janvier 1977.
1 ° APPEL. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. APPEL DU MINISTÈRE PUBLIC, D'UN COPRÉVENU, DE LA PARTIE CIVILEMENT RESPONSABLE POUR CELUI-CI ET D'UNE PARTIE CIVILE. - RÉFORMATION DE LA DÉCISION RENDUE SUR L'ACTION D'UNE AUTRE PARTIE CIVILE. - ILLÉGAUTÉ.
2° RENVOI APRÈS CASSATION. -MATIÈRE RÉPRESSIVE. - ACTION CI-
- VILE. - DÉCISION RENDUE EN DEGRÉ D'APPEL CASSÉE PARCE QUE LE JUGE D' APPEL S'EST SAISI D'UNE ACTION CIVILE NON PORTÉE DEVANT LUI. - CASSATION SANS RENVOI.
1 ° Sur les seuls appels du ministère public, d'un coprévenu, de la partie civilement responsable pour celui-ci et d'une partie civile le juge d'appel ne peut réformer la décision rendue sur l'action d'une autre partie civile (3). (Code d'instr. crim., art. 202; Code judic., art. 1138, 2° .)
2° Lorsqu'une décision rendue en degré d'appel est cassée parce que le juge
cle 13 de la loi du 28 février 1882 s'appliquent au rivage de la mer et au domaine militaire, cons. cass., 13 avril 1896 (Bu!!. et Pas., 1896, I, 161) et 30 octobre 1961 (ibid., 1962, I, 236).
(3) Cons. cass., 15 mars 1976 (But!. et Pas., 1976, I, 783).
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d'appel s'est saisi d'une action civile qui n'était pas portée devant lui, la cassation est prononc{le sans renvoi (1).
(DEMAEYER, C. SOCIÉTÉ ANONYME « ARARAT », RENO ET MARCELIS.)
ARRÊT (traduction).
LA COUR ; - Vu le jugement attaqué, rendu le 29 avril 1976 par le tribunal correctionnel d'Anvers, statuant en degré d'appel ;
I. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l'action publique exercée à charge de la demanderesse :
II. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l'action civile exercée contre la demanderesse par la défenderesse société anonyme «Ararat»:
Attendu que la demanderesse n'invoque aucun moyen spécial ;
III. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur les actions civiles exercées contre la demanderesse par les défendeurs Reno et Marcelis :
Sur le moyen pris de la violation des articles 151, 172, 174, 187, 202, 203, 203bis du Code d'instruction criminelle, 2, 19, 23 à 28 du Code judiciaire,
en ce que le jugement condamne la demanderesse sur l'action civile à payer, in solidum avec Roothooft, les sommes de un franc à Marcelis et de 17.810 fr. à Reno,
alors que, première branche, les défendeurs Marcelis et Reno, parties civiles originaires, n'ont pas interjeté appel du jugement rendu en cette cause le 15 décembre 1975 par lequel le juge de police se déclarait incompétent pour connaître des actions civiles que ces défendeurs avaient exercées contre la demanderesse, de sorte que cette décision n'était pas soumise au juge d'appel (violation des articles 151, 172, 174, 187,202, 203 et 203bis du Code d'instruction criminelle) ;
(1) Cass., 15 mars 1976 (Bull. et Pas., 1976, I, 783).
seconde branche, le jugement a violé l'autorité et la force de chose jugée du jugement prononcé le 15 décembre 1975 par le juge de police et devenu définitif à l'égard des actions civiles exercées par les deux défendeurs contre la demanderesse (violation de toutes les dispositions légales indiquées) :
Attendu que le premier juge s'est déclaré incompétent pour connaître des actions civiles exercées par les défendeurs Reno et Marcelis, en tant qu'elles étaient dirigées contre la demanderesse;
Attendu que seuls le prévenu Roothooft, le ministère public, la partie civile Nuyts et la partie civilement responsable et partie civile, société anonyme « Ararat », ont interjeté appel de la décision du premier juge ;
Que ces appels n'ont pas saisi le juge d'appel des actions civiles exercées par les défendeurs Reno et Marcelis contre la demanderesse ;
Que le jugement attaqué n'a pu légalement réformer le jugement dont appel et condamner la demanderesse à payer des dommages et intérêts aux défendeurs Reno et Marcelis ;
Que le moyen est fondé ;
Par ces motifs, casse le jugement attaqué, en tant qu'il statue sur les actions civiles exercées contre la demanderesse par les défendeurs Reno et Marcelis ; rejette le pourvoi pour le surplus; ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de la décision partiellement annulée; condamne les défendeurs Reno et Marcelis à la moitié des frais et laisse l'autre moitié à charge de la demanderesse ; dit n'y avoir lieu à renvoi.
Du 4 janvier 1977. - 2° ch. - Prés. M. Wauters, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. Chevalier de Schaetzen. - Concl. conf. M. Dumon, premier avocat général. - Pl. M. Houtekier.
2° CH. - 4 janvier 1977.
1° CASSATION. - COMPÉTENCE. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - DÉNONCIATION DE
COUR DE CASSATION 477
CRIMES COMMIS DANS L'EXERCICE DE LEURS FONCTIONS, NOTAMMENT PAR DES MAGISTRATS D'UNE COUR D'APPEL. - DÉNONCIATION INCIDENTE A UN POURVOI. -NOTION.
2° CASSATION. - PROCÉDURE. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - DÉNONCIATION DE CRIMES COMMIS, DANS L'EXERCICE DE LEURS FONCTIONS, NOTAMMENT PAR DES MAGISTRATS D'UNE COUR D'APPEL. - ARRÊT DÉCIDANT QUE LA DÉNONCIATION N'EST PAS RECEVABLE PARCE QU'ELLE N'EST PAS INCIDENTE A UN POURVOI. - ARRÊT RENDU EN CHAMBRE DU CONSEIL.
1 ° Si la Cour peut connaître de la déinonciation directe de crimes qui auraient été commis, dans l'exercice de leurs fonctions, notamment par des magistrats d'une cour d'appel, c'est à la condition soit que la personne qui se prétend lésée demande à prendre lesdits magistrats à partie, soit que la dénonciation soit incidente à une affaire pendante devant la Cour, c'està-dire qu'elle soit de nature à exercer une influence sur la décision à rendre sur cette affaire (1) ; une telle influence ne saurait exister lorsque le pourvoi relatif à l'affaire pendante doit être déclaré irrecevable en raison de l'absence de notification à la personne contre laquelle il est dirigé. (Code d'instr. crim., art. 485, 486 et 493.)
20 L'arrêt de la Cour, décidant que la dénonciation à elle faite de crimes commis dans l'exercice de leurs fonctions notamment, par des magistrats d'un~ cour d'appel n'est pas incidente à une affaire pendante devant la Cour et est, partant, irrecevable, est rendu en chambre du conseil (2).
(MIERAS.)
ARRÊT (traduction).
LA COUR ; - Vu le réquisitoire du -procureur général à la Cour de cassation, conçu comme suit :
« A la deuxième chambre de la Cour de cassation.
(1) et (2) Cass., 25 septembre 1973 (Bull. et Pas., 1974, I, 83). •
(3) Ce pourvoi a été rejeté par arret du même jour, pour le motif indiqué dans le réquisitoire.
» Le procureur général à la Cour de cassation soussigné,
» Vu le pourvoi formé le 20 juillet 1976 par Mieras Emile, Marinus, Charles, né à Rotterdam (Pays-Bas) le 23 août 1931, résidant à Anvers, contre l'arrêt rendu le 20 juillet 1976 par la chambre des mises en accusation de la cour d'appel d'Anvers en des poursuites exercées à charge de diverses personnes, Mieras s'étant constitué partie civile (3) ;
» Vu les mémoires déposés au greffe de la Cour par ledit Mieras, imputant des faits visés à l'article 485 du Code d'instruction criminelle à des magistrats de la cour d'appel d'Anvers et du parquet général près cette cour ;
» Attendu qu'en autorisant la partie qui se prétend lésée à saisir directement la Cour de cassation d'un dénonciation incidente à une affaire pendante devant elle le législateur a voulu que la dénonciation pût avoir sur la décision ou sur le sort de l'affaire une influence juridique;
» Attendu qu'un pourvoi en cassation formé par une partie civile contre un arrêt de la chambre des mises en accusation n'est recevable que s'il a été notifié à la partie contre laquelle il est dirigé;
» Attendu que pareille notification n'a pas été faite en la cause ;
Attendu, dès lors, que la Cour doit déclarer irrecevable et rejeter ledit pourvoi et que cette décision ne peut par conséquent dépendre de la suite qui pourrait être donnée à l'examen de la dénonciation ;
» Par ces motifs, requiert qu'il plaise à la Cour, après avoir entendu le rapport de M. le conseiller rapporteur et statuant en chambre du conseil, rejeter la dénonciation et condamner le dénonciateur aux frais.
» Bruxelles, le 24 décembre 1976,
» Pour le procureur général, » Le premier avocat général,
» (s.) Dumon » ;
Vu les articles 485, 486, 493 et 502 du Code d'instruction criminelle, statuant en chambre du conseil, adoptant les motifs dudit réquisitoire, rejette la dénonciation ; condamne le dénonciateur aux frais.
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478 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
Du 4 janvier 1977. - 2° ch. - Prés. M. Wauters, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. Chevalier de Schaetzen. - Concl. conf. M. Dumon, premier avocat général.
2e CH. - 4 janvier 1977.
DÉTENTION PRÉVENTIVE. - MAINTIEN DE LA DÉTENTION. - LOI DU 20 AVRIL 1874, ARTICLE 5. - EXISTENCE DE CHARGES. - MOTIVATION. - NOTION.
Si les juridictions d'instruction doivent, lorsqu'elles maintiennent la détention préventive, motiver leur décision comme le prescrit l'article 5 de la loi du 20 avril 1874, elles ne sont toutefois pas tenues, en l'absence de conclusions sur ce point, de constater, en outre, expressément l'existence de charges suffisantes; lorsque des conclusions contestent ces charges, ces juridictions y répondent régulièrement en constatant que de telles charges existent (1).
(DE WIT.)
ARRÊ:T (traduction).
LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 7 décembre 1976 par la cour d'appel de Gand, chambre des mises en accusation, maintenant la détention préventive du demandeur ;
Sur le moyen pris de la violation des articles 97 de la Constitution, 1•r, alinéa 2, 2, 5, alinéas 1•r et 2, 19 et 20 de la loi du 20 avril 1874 relative à la détention préventive, modifiée par la loi du 13 mars 1973, et du principe général du respect des droits de la défense,
en ce que l'arrêt ordonne le maintien de la détention préventive du demandeur aux motifs exposés dans les réquisitions écrites du ministère public,
(1) Cass., 29 octobre 1974 (Bull. et Pas., 1975, I, 254).
alors que, première branche, à la suite de ces réquisitions écrites le demandeur avait, à l'audience du 7 décembre 1976, déposé des conclusions auxquelles il n'a été répondu ni par ces réquisitions écrites antérieures ni par l'arrêt (violation des articles 97 de la Constitution, 1•r, alinéa 2, 2, 5, alinéas 1er et 2, 19 et 20 de la loi du 20 avril 1874) ;
seconde branche, le demandeur soutenait de manière expresse en ses conclusions que, contrairement aux réquisitions écrites du ministère public, la victime 1 ° n'avait pas reconnu son visage et 2° s'était également trompée quant à la couleur de sa voiture ; qu'il ne peut être vérifié si ces moyens ont été examinés ni pour quels motifs ils ont été rejetés (violation de toutes les dispositions invoquées et du principe général de droit) :
Attendu que, bien que les juridictions d'instruction, lorsqu'elles ordonnent le maintien de la détention préventive, soient tenues de motiver leur décision, comme le prescrit l'article 5 de la loi du 20 avril 1874, ce qui est le cas en l'espèce, elles ne sont toutefois pas obligées, à défaut de conclusions sur ce point, de constater en outre de manière expresse l'existence de charges suffisantes;
Que, lorsque l'existence de celles-ci est contestée en conclusions, ces juridictions répondent régulièrement aux conclusions en constatant, comme en l'espèce, l'existence de pareilles charges ;
Que le moyen ne peut être accueilli ; Et attendu que les formalités substan
tielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et que la décision est conforme à la loi ;
Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne le demandeur aux frais.
Du 4 janvier 1977. - 2• ch. - Prés. M. Wauters, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Delva. -Concl. conf. M. Dumon, premier avocat général. - Pl. M. Houtekier.
COUR DE CASSATION 479
2• CH. - 4 janvier 1977.
1 ° DÉTENTION PRÉVENTIVE. - JURIDICTION D'INSTRUCTION APPELÉE A STATUER SUR LE MAINTIEN DE LA DÉTENTION. - CONCLUSIONS DE L'INCULPÉ. - MOTIVATION. - NOTION.
2° DÉTENTION PRÉVENTIVE. - JuRIDICTION D'INSTRUCTION STATUANT SUR LE MAINTIEN DE LA DÉTENTION. - VALIDITÉ DU MANDAT D'ARRiT NE POUVANT PLUS iTRE CONTESTÉE.
1 ° La juridiction d'instruction appelée à statuer, par application de l'article 5 de la loi du 20 avril 1874, sur le maintien de la détention préventive est tenue de répondre aux conclusions de l'inculpé en tant qu'elles soulèvent un déclinatoire de compétence, opposent une exception ou soutiennent que le fait imputé, fût-il constant, ne constitue pas une infraction punissable (1) (2).
2° La juridiction d'instruction appelée à statuer sur le maintien de la déltention préventive n'a plus à connaître de la validité du mandat d'arrêt (3). (Loi du 20 avril 1874, art. 5.)
(VAN ROSSEM.)
ARRtT (traduction).
LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 3 décembre 1976 par la chambre des mises en accusation de la cour d'appel de Gand ;
Sur les deux moyens réunis et pris,
le premier, de la violation des articles 97 de la Constitution, 1er, alinéa 2, 2, 5, alinéas 1•r et 2, 19, 20 de la loi du 20 avril 1874 relative à la détention préventive, modifiée par la loi du 13 mars 1973, 8, 9, 29, 31 du Code d'in-
(1) Cons. cass., 27 septembre 1972, aud. plén. (Bull. et Pas., 1973, 1, 99), et la note signée R.H. sous cass., 2 juillet 1951 (ibid., 1951, I, 762).
(2) Sur ce que, lorsque les conclusions contestent l'existence de charges suffisantes, la juridiction y répond régulièrement en constatant que de telles charges existent, cons. l'arrêt précédent.
Sur ce que la juridiction d'instruction
struction criminelle et 231 du Code pénal, et des principes généraux du respect des droits de la défense et fraus omnia corrumpit,
en ce que l'arrêt attaqué confirme le mandat d'arrêt décerné à charge du demandeur aux motifs énoncés dans les réquisitions écrites du ministère public,
alors que, première branche, le demandeur soutenait de manière expresse en ses premières conclusions que la procédure était entachée de nullité « et de provocation », des gendarmes en civil l'ayant interrogé sans lui faire connaître leur identité et sans dresser procès-verbal ; que l'arrêt ne répond pas à ces conclusions (violation des articles 97 de la Constitution, 1•r, alinéa 2, 2, 5, alinéas 1-er et 2, 19 et 20 de la loi du 20 avril 1874) ;
seconde branche, ces pratiques ont violé les droits de la défense, que la procédure poursuivie contre le demandeur est entachée de nullité en raison du fait qu'il n'a pas été dressé procèsverbal et que le contrôle de la régularité de la procédure ne peut de toute manière être exercé (violation des articles 8, 9, 29, 31 du Code d'instruction criminelle, 231 du Code pénal et 97 de la Constitution, et des principes généraux de droit);
le second, de la violation des articles 97 de la Constitution, 1•r, alinéa 2, 2, 5, alinéas 1-er et 2, 19 et 20 de la loi du 20 avril 1874 relative à la détention préventive, modifiée par la loi du 13 mars 1973, et du principe général du respect des droits de la défense,
en ce que l'arrêt confirme le mandat d'arrêt décerné contre le demandeur aux motifs énoncés dans les réquisitions écrites du ministère public,
alors que, première branche, le demandeur faisait valoir de manière expresse en ses troisièmes conclusions que le mandat d'arrêt n'était pas valable à
doit répondre aux conclusions contestant l'existence de circonstances graves et exceptionnelles intéressant la sécurité publique et qui nécessitent le maintien de la détention, cons. cass., 29 octobre 1974 (Bull. et Pas., 1975, I, 249).
(3) Cass., 5 octobre 1971 (Bull. et Pas., 1972, I, 126) et 27 septembre 1972, aud. plén. (ibid., 1973, 1, 99).
480 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
son égard, dès lors que celui-ci se bornait à le qualifier de coauteur et sans faire mention de l'identité de l'auteur principal et/ou des coauteurs, et que l'arrêt ne répond pas à ces conclusions (violation des articles 97 de la Constitution, 1er, alinéa 2, 2, 5, alinéas 1er et 2, 19 et 20 de la loi du 20 avril 1874) ;
seconde branche, l'arrêt, en ne répondant pas à ces conclusions, viole les droits de la défense du demandeur (violation du principe général de droit) :
Attendu que l'arrêt, mettant à néant l'ordonnance de la chambre du conseil, dont appel, ordonne le maintien de la détention préventive du demandeur qui avait été arrêté ensuite du mandat du juge d'instruction du 1er octobre 1976, confirmé par l'ordonnance de la chambre du conseil du 6 octobre 1976, contre laquelle aucun recours n'avait été exercé;
Attendu que, lorsque l'inculpé soulève en ses conclusions une exception de la nature de celle qui est visée au premier moyen, la chambre des mises en accusation est tenue d'y répondre ;
Attendu que l'arrêt ordonne le maintien de la détention préventive sur le fondement des motifs circonstanciés développés dans les réquisitions écrites du ministère public ;
Que, dès lors que des circonstances nombreuses, révélées par l'instruction, étaient relevées dans ces réquisitions, circonstances qui furent considérées comme étant indépendantes de l'intervention originaire de la gendarmerie - visée au moyen -, les conclusions qu'invoque le premier moyen étaient devenues sans pertinence et le juge n'était, dès lors, pas tenu d'y répondre;
Attendu en outre que, la chambre des mises en accusation n'ayant pas à statuer sur la confirmation du mandat d'arrêt mais sur le maintien de la détention préventive, une contestation relative à la validité du mandat d'arrêt ne pouvait plus être soulevée devant elle ;
Que, partant, les moyens ne peuvent être accueillis ;
Et attendu que les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et que la décision est conforme à la loi ;
Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne le demandeur aux frais.
Du 4 janvier 1977. - 2• ch. - Prés. M. Wauters, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Soetaert. -Concl. conf. M. Dumon, premier avocat général. - Pl. M. Houtekier.
2" CH. - 4 janvier 1977.
CASSATION. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - POURVOI DU PRÉVENU CONTRE UNE DÉCISION SE PRONONÇANT SUR UNE DEMANDE D'INTERPRÉTATION OU DE RECTIFICATION D'UNE DÉCISION ANTÉRIEURE STATUANT SUR L'ACTION CIVILE EXERCÉE CONTRE LUI. - PAS DE MOYEN. - REJET DU POURVOI.
La Cour rejette, sans plus, le pourvoi du prévenu, dirigé contre une décision se prononçant uniquement sur une demande d'interprétation ou de rectification d'une décision antérieure ayant statué sur L'action civile exercée contre lui, lorsqu'il n'invoque aucun moyen.
(MORTIER, C. VERKEST.)
ARRtT (traduction).
LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 26 mai 1976 par la cour d'appel de Bruxelles, statuant sur renvoi ;
Attendu que l'arrêt rendu le 26 mai 1976 par la cour d'appel de Bruxelles se prononce uniquement sur une demande d'interprétation ou de rectification de l'arrêt qui a statué, le 25 juin 1974, sur l'action civile du défendeur ;
Attendu que le demandeur n'invoque aucun moyen;
Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne le demandeur aux frais.
Du 4 janvier 1977. - 2° ch. - Prés. M. Wauters, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Delva. -Concl. conf. M. Dumon, premier avocat général.
COUR DE CASSATION 481
3" CH. - 5 janvier 1977.
MOYENS DE CASSATION. - MATIÈRE DE MILICE. - MOYEN CRITIQUANT UNE APPRÉCIATION DE FAIT DU CONSEIL DE REVISION. - MOYEN IRRECEVABLE.
Est irrecevable le moyen de cassation qui critique une appréciation de fait du conseil de revision (1). (Constit., art. 95.)
(REEKMANS.)
Arrêt conforme à la notice.
Du 5 janvier 1977. - 3" ch. - Prés. et Rapp. M. Naulaerts, conseiller faisant fonctions de président. - Concl. conf. M. Lenaerts, avocat général.
3" CH. - 5 janvier 1977.
1° MOYENS DE CASSATION. - MATIÈRE DE MILICE. - CONSEIL DE REVISION. - VIOLATION DES DROITS DE LA
DÉFENSE. - MOYEN PRIS DE CE QUE LE MILICIEN N'A PAS EU COMMUNICATION DES RAPPORTS MÉDICAUX, SUR LA BASE DESQUELS LE MÉDECIN, CHEF DU SERVICE MÉDICAL DU CENTRE DE RECRUTEMENT ET DE SÉLECTION, A PRIS SA DÉCISION. -MOYEN PROPOSÉ POUR LA PREMIÈRE FOIS DEVANT LA COUR. - MOYEN IRRECEVABLE.
2° DROITS DE LA DÉFENSE. - MATIÈRE DE MILICE. - CONSEIL DE REVISION. - VIOLATION DES DROITS DE LA DÉFENSE. - MOYEN PRIS DE CE QUE LE MILICIEN N'A PAS EU COMMUNICATION DES RAPPORTS MÉDICAUX, SUR LA BASE DESQUELS LE MÉDECIN, CHEF DU SERVICE MÉDICAL DU CENTRE DE RECRUTEMENT ET DE SÉLECTION, A PRIS SA DÉCISION.
(1) Cass., 17 novembre 1976, supra, p. 302.
(2) Cons. cass., 14 mars 1973 (Bull. et Pas., 1973, I, 667) ; comp. en matière répressive : cass., 22 décembre 1975 (ibid., 1976, I, 490) ; en matière disciplinaire cass., 18 juin 1976 (ibid., 1976, I, 1129).
PASIC., 1977. - 1re PARTIE.
- MOYEN PROPOSÉ POUR LA PREMIÈRE FOIS DEVANT LA COUR. - MOYEN IRRECEVABLE.
3° MILICE. - CONSEIL DE REVISION. -MISE EN OBSERVATION DU MILICIEN. -RÉSULTAT DE L'EXAMEN MÉDICAL NE DEVANT PAS iTRE COMMUNIQUÉ.
4° MILICE. - CONSEIL DE REVISION. -MISE EN OBSERVATION APRÈS COMPARUTION DU MILICIEN. - NOUVELLE COMPARUTION CONSIDÉRÉE COMME ÉTANT INUTILE. - CONSÉQUENCES.
1 ° et 2° Ne peut être proposé pour la première fois devant la Cour le moyen pris de ce que, en violation des droits de la défense, le milicien n'a pas eu communication des rapports médicaux sur la base desquels le médecin, chef du service médical du centre de recrutement et de sélection, a considéré le milicien comme définitivement inapte et l'a renvoyé au conseil de revision (2). (Lois sur la milice, coordonnées le 30 avril 1962, art. 59.)
3° Lorsque le conseil de revision ordonne la mise en observation du milicien, le résultat de l'examen médical ne doit pas être communiqué au milicien ou à son conseil (3). (Lois sur la milice, coordonnées le 30 avril 1962, art. 45.)
4° Lorsque, après comparution du milicien, le conseil de revision a ordonné sa mise en observation et estime qu'après l'examen médical une nouvelle comparution est inutile, il peut statuer même si le milicien ou son conseil n'ont pas eu l'occasion de produire, après l'examen, un mémoire ou une défense écrite (4). (Lois sur la milice, coordonnées le 30 avril 1962, articles 43, § 2, et 45, § 3.)
(SOMERS.)
ARRf:T (traduction).
LA COUR ; - Vu la décision attaquée, rendue le 1•r octobre 1976 par le
(3) et (4) Cons. cass., 17 octobre 1955 (Bull. et Pas., 1956, 1, 129) et 6 octobre 1976, supra, p. 148.
16
482 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
conseil de revision de la province d' Anvers;
Sur le moyen pris de la violation des droits de la défense et de l'article 43, § 2, des lois coordonnées sur la milice,
en ce que le conseil de revision déclare le demandeur désigné, apte au service,
alors que, première branche, le demandeur n'a pas été mis à même de prendre connaissance des rapports médicaux du service médical de l'armée ou de les soumettre à son médecin traitant;
deuxième branche, le demandeur n'a subi à l'hôpital militaire que l'un des deux examens supplémentaires prévus par le centre de recrutement ;
troisième branche, les résultats du second examen n'ont pas été communiqués au demandeur ou à son conseil ;
quatrième branche, ainsi le demandeur n'a pas eu la possibilité de se faire assister par un avocat ou mandataire pour produire un mémoire ou une défense écrite :
Quant à la première branche :
Attendu que le demandeur a été considéré comme définitivement inapte par le médecin, chef du service médical du centre de recrutement et de sélection, et a été renvoyé pour examen au conseil de revision ;
Attendu que le demandeur, dûment convoqué, a comparu et a été entendu à la séance du conseil de revision du 3 septembre 1976 où sa mise en observation à l'hôpital militaire d'Anvers a été ordonnée ;
Attendu que le demandeur ne soutient pas et qu'il ne ressort pas des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que le demandeur a allégué devant le conseil de revision que les rapports médicaux sur la base desquels le médecin, chef du service médical du centre de recrutement et de sélection, avait pris sa décision ne lui ont pas été communiqués;
Attendu que le demandeur ne peut invoquer pour la première fois devant la Cour ce moyen, qui se fonde sur la violation des droits de la défense ;
Qu'en cette branche le moyen est irrecevable;
Quant à la deuxième branche :
Attendu qu'en cette branche le moyen se fonde sur une affirmation qui ne trouve appui ni dans la décision attaquée ni dans les pièces auxquelles la Cour peut avoir égard ;
Quant aux troisième et quatrième branches :
Attendu que la décision attaquée est fondée sur le rapport d'expertise rédigé ensuite de la mise en observation ordonnée par le conseil de revision ;
Attendu qu'en vertu de l'article 45, § 3, des lois coordonnées sur la milice le conseil, s'il estime une nouvelle comparution inutile, ne fait pas convoquer celui qui a déjà comparu avant la mise en observation ;
Attendu que le conseil constate en l'espèce que le demandeur a comparu devant le conseil de revision avant sa mise en observation et y a été entendu, et décide qu'une nouvelle comparution est estimée inutile ;
Attendu qu'aucun texte de loi ne dispose que le résultat de l'expertise doit être communiqué à l'intéressé ou à son conseil;
Attendu que l'article 43, § 2, des lois coordonnées sur la milice n'est applicable qu'à la comparution de l'intéressé devant le conseil de revision avant toute mise en observation ; que, lorsque, en vertu de l'article 45, § 3, des mêmes lois, le conseil décide légalement qu'une nouvelle comparution de l'intéressé après la mise en observation est inutile, les droits de la défense ne sont pas violés si l'intéressé, son avocat ou son mandataire n'ont pu produire un nouveau mémoire ou une nouvelle défense écrite ;
Que le moyen ne peut être accueilli ;
Par ces motifs, rejette le pourvoi.
Du 5 janvier 1977. - 3° ch. - Prés. et Rapp. M. Naulaerts, conseiller faisant fonctions de président. - Concl. conf. M. Lenaerts, avocat général.
COUR DE CASSATION 483
3e CH. - 5 janvier 1977.
CONTRAT DE TRAVAIL. - NOTION.
L'existence d'un contrat de travail implique l'engagement d'exécuter un travail déterminé dans un lien de subordination moyennant rémunération (1). (Code civil, art. 1108 et 1126; lois relatives au contrat d'emploi, coordonnées le 20 juillet 1955, art. 5.)
(ASSOCIATION SANS BUT LUCRATIF « BROEDERS VAN UEFDE », C. VAN DER PUT,)
ARRÊT (traduction).
LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 18 juin 1975 par la cour du travail de Gand ;
Sur le deuxième moyen, pris de la violation des articles 1101, 1102, 1108, 1126, 1710, 1711, 1780 du Code civil, 1er, 5 des lois relatives au contrat d'emploi, coordonnées par l'arrêté royal du 20 juillet 1955 et modifiées par la loi du 5 décembre 1968, et 97 de la Constitution,
en ce que, après avoir constaté en fait que : « en 1935 l'appelant (ici défendeur) a adhéré, en qualité de membre, à la congrégation Broeders van Liefde, confrérie religieuse à Gand ; le 31 juillet 1966 l'intimée (ici demanderesse) l'a nommé en qualité de directeur administratif et d'économe de l'institut psychiatrique « Sint Amandus» à Beernem exploité par elle ; cette fonction de cadre était rémunérée par un traitement mensuel brut de 39.877 francs ; en avril 1972 l'appelant a demandé de quitter la congrégation en raison d'un cas de conscience ; cette demande a été accueillie par décision de la Sacra Congregatio pro religiosis et institutibus saecularibus à Rome du 18 juillet 1972 ; par lettre du 24 avril 1972 l'appelant a offert à l'intimée de poursuivre ses activités administratives en tant que laïque, mais par lettre du 28 avril l'intimée a rejeté cette offre », et après avoir considéré en droit qu'« il s'agit seulement de la question de savoir si, en l'espèce, il existait entre parties un contrat
(1) Cons. cass., 11 septembre 1974 (Bull. et Pas., 1975, I, 31) et 25 novembre 1975 (ibid., 1976, I, 379).
d'emploi, objet du litige », l'arrêt, sans toutefois se prononcer déjà sur les dommages-intérêts réclamés, répond affirmativement à cette question en décidant « qu'en sa qualité de directeur administratif et d'économe l'appelant a fourni des prestations pour le compte de l'intimée pendant la période du 31 juillet 1966 au 24 juillet 1972 dans un lien de subordination et était lié par un contrat d'emploi », aux motifs suivants : « l'intimée confond son attitude en tant que communauté religieuse à l'égard d'un religieux, d'une part, avec son attitude en tant qu'employeur à l'égard d'un travailleur, d'autre part; dans la première relation elle agit en qualité de congrégation religieuse qui a conclu un contrat d'association, un contrat d'adhésion ou un contrat religieux avec un membre, relation qui relève exclusivement du droit canonique, qui est régie par celui-ci et qui échappe au pouvoir d'appréciation des juridictions du travail : la fonction de directeur administratif et d'économe d'un institut psychiatrique, exercée en qualité d'employé par un religieux, n'a rien de commun avec un statut de religieux ; il y a lieu, dès lors, de faire une nette distinction entre la relation religieux/supérieur d'une part et la relation religieux en tant que travailleur à l'égard de l'employeur d'autre part, distinction qui a échappé au premier juge ; au préalable, en l'espèce, se pose concrètement la question de savoir si un lien de subordination a existé ou non entre l'appelant et l'intimée et, partant, un contrat d'emploi dont le lien de subordination constitue une caractéristique essentielle » et au motif que, sur la base d'une série de huit éléments de fait non contestés que l'arrêt énumère, « le lien de subordination, caractéristique essentielle du contrat d'emploi, est établi entre l'appelant et l'intimée »,
alors que, bien qu'il soit exact que le lien de subordination constitue une caractéristique essentielle du contrat de travail, ce n'est pas la seule caractéristique essentielle, mais qu'il est en outre requis que le travailleur s'oblige par un échange de libres consentements à fournir des prestations personnelles et que le travail ait pour cause l'obtention d'une rémunération (articles 1101, 1102, 1108, 1126, 1710, 1711 et 1780 du Code civil) ; qu'en conclusions la demanderesse contestait la présence simultanée
484 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
de ces éléments en faisant valoir, quant au consentement, « que les fonctions de directeur administratif et d'économe, comme d'ailleurs toutes les nominations antérieures du défendeur, étaient des modalités d'exécution de son engagement d'adhésion, qu'une personne qui adhère à une communauté religieuse s'engage à observer la règle propre à la communauté religieuse, que la règle, outre les obligations typiquement morales et spirituelles, établit des prescriptions relatives à un certain mode de vie et impose également des tâches déterminées, que la fonction litigieuse a été imposée et admise en vertu de la règle religieuse existant entre parties et que l'attribution ou le retrait de cette fonction dépend entièrement de l'autorité, qui peut congédier quelqu'un ad nutum, que précisément le fait d'accepter une fonction en tant que modalité d'exécution de l'engagement d'observer la règle implique nécessairement l'absence de contrat de travail» et, quant à la rémunération, « que, comme l'appelant le dit lui-même, il avait un devoir de pauvreté, de sorte que sa rémunération était remise à la communauté religieuse, que l'octroi d'une rémunération était une exigence administrative, que ce n'est d'ailleurs pas parce que l'argent était à ce moment versé au nom de la congrégation que ne vaudrait plus le principe du contrat religieux selon lequel, notamment, le religieux met son activité entière à la disposition de l'ordre, moyennant le gîte et le couvert, et que ce n'est pas parce que l'apport est devenu pécuniaire que la convention d'adhésion serait subitement nulle » ; que l'arrêt ne pouvait se borner à examiner la question concrète de savoir « si un lien de subordination a existé ou non entre l'appelant et l'intimée » et qu'il ne suffisait pas de répondre à cette question par la constatation que, en tant que directeur administratif et d'économe de l'institut, le défendeur se trouvait sous l'autorité et la surveillance de la congrégation ; que, le lien de subordination résultant déjà de l'obéissance à 1aquelle le défendeur était tenu à l'égard de la demanderesse de par son état religieux, l'arrêt devait examiner si, à tout 1e moins quant aux fonctions exercées pendant la période prise en considération par le défendeur, ce dernier avait conservé la possibilité de consentir librement à l'exécution du travail moyen-
nant payement, dans le cadre d'une convention de travail et en outre, en raison du vœu de pauvreté du défendeur et de l'obligation d'entretien par la congrégation qui en résulte, si la rémunération était liée à la fonction exercée par le défendeur dans l'institution dirigée par la demanderesse, si elle était la contreprestation du travail et si elle était acceptée en tant que telle par le défendeur ; qu'à défaut de procéder à cet examen l'arrêt n'est pas motivé à suffisance de droit (violation de l'article 97 de la Constitution) et, de plus, en déduisant de la seule existence d'un lien de subordination l'existence du contrat d'emploi litigieux, l'arrêt viole les articles du Code civil et des lois coordonnées relatives au contrat d'emploi cités au moyen:
Attendu que l'existence d'un contrat de travail implique l'engagement d'exécuter un travail; que cet engagement doit avoir pour objet l'exécution d'un travail déterminé ; que, si l'une des deux parties conteste qu'elles ont conclu un contrat de travail, le juge ne peut conclure à l'existence d'un contrat de travail que lorsqu'il constate que les parties ont contracté une convention avec l'engagement d'exécuter le travail dans un lien de subordination moyennant rémunération, convention par laquelle l'objet et la nature du travail à effectuer, la rémunération et les conditions de travail ont été librement convenus ;
Attendu que l'arrêt constate qu'en 1935 le défendeur a adhéré à la congrégation Broeders van Liefde ; que, selon le droit belge, le défendeur identifie cette congrégation à la demanderesse, l'association sans but lucratif Broeders van Liefde ; que la demanderesse soutenait que par cette adhésion « le religieux met son activité entière à la disposition de l'ordre moyennant le gîte et le couvert » et que le défendeur admettait que par son adhésion il s'engageait « à travailler dans les établissements» de la demanderesse « moyennant le gîte et le couvert comme contre-prestation » ; que pendant la période litigieuse le défendeur exerçait la fonction de directeur administratif et d'économe d'un institut psychiatrique fermé de la demanderesse ;
Attendu que la cour du travail examine si, outre la relation spécifique entre parties en tant que congrégation et religieux, un contrat de travail propre-
COUR DE CASSATION 485
ment dit a été conclu entre les mêmes parties;
Attendu que, en affirmant que la fonction exercée par le défendeur « ne serait que la conséquence de l'exécution de son engagement d'adhésion à la congrégation», la demanderesse avait contesté que la fonction avait été exercée en exécution d'un contrat de travail ;
Que l'arrêt ne constate pas que le défendeur avait conclu un contrat de travail proprement dit à l'égard de la demanderesse par un nouveau consentement libre en vue d'effectuer un travail déterminé dans des conditions déterminées moyennant un traitement déterminé;
Que la cour du travail ne justifie, dès lors, pas légalement sa décision ;
Que le moyen est fondé ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens, qui ne pourraient entraîner une cassation plus étendue, casse l'arrêt attaqué, sauf en tant que la cour du travail se déclare incompétente pour statuer sur la demande tendant à condamnation de la demanderesse à payer les cotisations de sécurité sociale ; ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de la décision partiellement annulée ; réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ; renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour du travail d'Anvers.
Du 5 janvier 1977. - 3° ch. - Prés. M. Naulaerts, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Janssens. - Concl. conf. M. Lenaerts, avocat général. - Pl. MM. Dassesse et De Gryse.
3e CH. - 5 janvier 1977.
CONTRAT DE TRAVAIL. - RENVOI SANS PRÉAVIS. - MOTIF GRAVE. - NOTION.
Des comportements qui sont la conséquence de dissensions conjugales entre deux membres du personnel peu-
vent constituer un motif grave de renvoi sur-le-champ de l'un d'eux ou des deux. (Lois relatives au contrat d'emploi, coordonnées le 20 juillet 1955, art. 18.)
(SOCIÉTÉ ANONYME (( W.C. NOORDAM HANDELSMAATSCHAPPIJ »,
C. PEETERS.)
ARRÊT (traduction).
LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 6 juin 1975 par la cour du travail d'Anvers;
Sur le moyen pris de la violation des articles 4bis (modifié par l'article 33 de la loi du 21 novembre 1969), 18 (modifié par les articles 34 de la loi du 10 décembre 1962 et 48 de la loi du 21 novembre 1969), 20 (modifié par l'article 49 de la loi du 21 novembre 1969) des lois relatives au contrat d'emploi, coordonnées par l'arrêté royal du 20 juillet 1955, 97 de la Constitution et 780, 3°, du Code judiciaire,
en ce que l'arrêt rejette l'offre faite en conclusions par la demanderesse d'apporter la preuve de l'existence et du caractère d'urgence du motif grave invoqué et condamne la demanderesse à payer au défendeur une indemnité de congé, aux motifs : « que le fait que, le 30 juin 1972, l'appelant (ici défendeur) aurait refusé d'exécuter une mission ordonnée par son épouse, en tant que secrétaire du directeur, et aurait dans un état d'excitation fermé violemment des tiroirs et fait exécuter la mission par un subordonné, a été invoqué dans le délai légal ; que ce fait doit toutefois être considéré dans le cadre de la dissension conjugale existant entre le défendeur et son épouse et n'est, dès lors, pas suffisamment grave pour rendre impossible toute collaboration entre l'employeur et le travailleur et pour justifier un renvoi immédiat ; que, partant, il n'y a pas lieu de procéder à une enquête »,
alors que la demanderesse soutenait précisément en conclusions, comme d'ailleurs dans la lettre de congé ellemême, que ces difficultés conjugales étaient de nature telle qu'elles rendaient impossible toute collaboration entre l'employeur et le travailleur et justifiaient le renvoi immédiat et fondait ce
486 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
soutènement sur une énumération de difficultés qui « ont créé une situation absolument intenable pour la bonne marche, l'ordre et la discipline de l'entreprise » et dont elle offrait d'apporter la preuve par une enquête ; que du fait que les événements du 30 juin 1972 doivent être appréciés dans le cadre de la dissension conjugale existant entre le défendeur et son épouse il ne résulte pas nécessairement que ces événements ne sont pas suffisamment graves pour rendre impossible toute collaboration entre l'employeur et le travailleur et pour justifier un congé immédiat, de sorte que la décision, qui rejette ladite offre d'apporter la preuve de faits graves par une enquête et qui condamne la demanderesse au payement d'une indemnité de congé, se fonde sur des motifs qui ne donnent pas de réponse ou, à tout le moins, pas de réponse suffisante aux conclusions de la demanderesse et qui ne justifient pas le rejet de ladite offre de la demanderesse et sa condamnation au payement d'une indemnité de congé :
Attendu que, après avoir décrit le fait allégué par la demanderesse comme constituant un motif grave, l'arrêt considère que « ce fait doit toutefois être apprécié dans le cadre de la dissension conjugale existant entre l'appelant (ici défendeur) et son épouse et n'est, dès lors, pas suffisamment grave pour rendre impossible toute collaboration entre l'employeur et le travailleur et pour justifier un renvoi immédiat»;
Qu'il ressort de cette considération et notamment de l'emploi des termes « dès lors » que le fait allégué n'est pas considéré comme grave parce qu'il doit être apprécié « dans le cadre de la dissension conjugale » existant entre le défendeur et son épouse ;
Attendu que des comportements qui sont la conséquence de dissensions entre deux époux, membres du personnel, peuvent être de nature telle que l'un d'eux ou aucun d'eux ne peut rai-
(1) Le manquement d'une partie à ses obligations peut constituer pour la partie adverse un motif de rupture sur-le-champ du contrat de travail pour motif grave ou de résolution du contrat par application de l'article 1184 du Code civil. Ce manquement peut aussi constituer un indice ou une preuve de la volonté de la partie qui l'a commis de modifier unilatéralement
sonnablement être maintenu en service, fût-ce pour une courte durée, et peuvent, dès lors, être allégués comme motif grave pour mettre immédiatement fin au contrat de travail ;
Que la considération de l'arrêt citée dans le moyen ne justifie pas légalement la décision que le fait allégué ne peut être considéré comme motif grave ;
Que le moyen est fondé ;
Par ces motifs, casse l'arrêt attaqué ; ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de la décision annulée ; réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ; renvoie la cause devant la cour du travail de Bruxelles.
Du 5 janvier 1977. - 3° ch. - Prés. M. Naulaerts, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Van Leckwijck. - Concl. conf. M. Lenaerts, avocat général. - Pl. MM. H. De Bruyn et Claeys Boùùaert.
3" CH. - 5 janvier 1977.
CONTRAT DE TRAVAIL. - CESSATION. - MANQUEMENT D'UNE PARTIE A SES OBLIGATIONS. - NE MET PAS, EN SOI, FIN AU CONTRAT DE TRAVAIL.
Le manquement d'une partie à ses obligations ne met pas, en soi, fin au contrat de travail (1).
(TAERWE, C. SOCIÉTÉ DE DROIT NÉERLANDAIS « PLEMI ».)
ARRÊ:T (trad,iction).
LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué,
le contrat; la modification unilatérale d'un élément essentiel du contrat de travail constitue une rupture illicite de ce contrat (cass., 27 janvier 1971, Bull. et Pas., 1971, I, 492 ; 6 septembre 1972, ibid., 1973, I, 15) ; 29 septembre 1976, supra, p. 122). Mais dans ce cas la cause de la rupture ne gît pas dans le manquement en tant que tel, mais dans la modification du contrat qui en résulte.
COUR DE CASSATION 487
rendu le 26 septembre 1975 par la cour du travail de Gand ;
Sur le troisième moyen, pris de la violation des articles 3, 10, 12, 14, 15, 23 de la loi du 30 juillet 1963 fixant le statut des représentants de commerce, 5bis, 18, 20, 22 des lois relatives au contrat d'emploi, coordonnées par l'arrêté royal du 20 juillet 1955 et modifiées par les lois des 10 décembre 1962 et 21 novembre 1969, ier, 2, 4, 5, 9, 15, 42 de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs, 6, 11, 1108, 1128, 1131, 1133, 1319, 1320, 1322 du Code civil, 6, 6bis et 97 de la Constitution,
en ce que l'arrêt rejette la demande formée par le demandeur contre la défenderesse en payement d'une indemnité de congé de 173.093 francs et d'une indemnité d'éviction de 86.547 francs et, sur demande reconventionnelle, condamne le demandeur à payer à la défenderesse des dommages-intérêts s'élevant à 40.995 francs, aux motifs que pour le représentant de commerce l'indexation du traitement fixe est également applicable lorsque le traitement fixe effectivement payé excède le traitement minimum ; que l'absence et le refus d'indexation entre le 19 et le 31 octobre 1973 ne peuvent toutefois être considérés comme une rupture du contrat de la part de la défenderesse ; que dans les circonstances données cette absence et ce refus ne peuvent davantage être considérés comme un motif grave ou fondé de rupture du contrat,
alors que, première branche, la défenderesse était tenue de payer mensuellement au demandeur son traitement entier, en ce compris les augmentations dues à la hausse de l'index, et que les manquements de la défenderesse à cet égard constituent une rupture du contrat de sa part (violation des articles 5bis, 18, 20, 22 des lois coordonnées par l'arrêté royal du 20 juillet 1955, 3, 10, 12, 14, 15, 23 de la loi du 30 juillet 1963, 1•r, 2, 4, 5, 9, 15 et 42 de la loi du 12 avril 1965) ;
deuxième branche, les motifs de l'arrêt, selon lesquels dans les circonstances données cette négligence de la défenderesse ne constituait ni une rupture du contrat ni un motif grave ou fondé de rupture du contrat, sont incomplets,
obscurs et contradictoires ; qu'ils ne permettent pas de discerner s'il a été statué de la sorte parce qu'en l'espèce une clause dérogeant à la loi a été éventuellement convenue, ou parce que le contrat a été rédigé aux Pays-Bas, ou pour tout autre motif (violation de l'article 97 de la Constitution) ;
troisième branche, le contrat conclu entre parties prévoit l'application de la législation belge, a d'ailleurs été exécuté en Belgique et tombe sous l'application des lois impératives belges des 30 juillet 1963 et 12 avril 1965 ; que, dès lors, l'arrêt attache à tort des conséquences aux clauses dérogatoires qui sont reprises dans un contrat rédigé aux Pays-Bas ; qu'ainsi l'arrêt porte encore atteinte à l'égalité des Belges devant la loi et que la distinction faite par l'arrêt entre les contrats rédigés en Belgique et ceux qui sont rédigés aux Pays-Bas est arbitraire (violation des articles 5bis, 18, 20, 22 des lois coordonnées par l'arrêté royal du 20 juillet 1955, 3, 10, 12, 14, 15, 23 de la loi du 30 juillet 1963, 1 •r, 2, 4, 5, 9, 15, 42 de la loi du 12 avril 1965, 6, 11, 1108, 1128, 1131, 1133 du Code civil, 6, 6bis et 97 de la Constitution) ;
quatrième branche, le contrat de représentation commerciale conclu entre parties ne contenait aucune clause dérogatoire en matière de payement du traitement entier et de l'indexation, de sorte que la foi due à cet acte a été violée (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil) :
Attendu que le manquement d'une partie à ses obligations ne met pas, en soi, fin au contrat d'emploi ; que l'arrêt n'invoque ni une clause dérogatoire ni la circonstance que la convention a été conclue aux Pays-Bas, mais se borne à apprécier en fait et, partant, souverainement que « l'absence et le refus d'indexation entre le 19 et le 31 octobre 1973 ne peuvent être considérés comme une rupture du contrat de la part de la défenderesse » ;
Que le moyen ne peut être accueilli ;
Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne le demandeur aux dépens.
Du 5 janvier 1977. - 3° ch. - Prés. M. Naulaerts, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Janssens. - Concl. conf. M. Lenaerts, avo-
488 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
cat général. - Pl. MM. Houtekier et L. Simont.
l'" CH. - 6 janvier 1977.
LOUAGE DE CHOSES. - BAUX A FERME. - RÉSILIATION. - PREUVE. -PREUVE POUVANT SE DÉDUIRE DE L'EXÉCUTION D'UNE CONVENTION DE RÉSILIATION NON CONSTATÉE PAR ÉCRIT. - CONDITION.
La preuve de la résiliation d'un bail à ferme peut se déduire de l'exécution d'une convention de résiliation dont, dans les circonstances familiales propres à l'espèce, la non-constatation par écrit était moralement justifiée (1). (Code civil, art. 1348 et 1353.)
(ÉPOUX DEBUYSSCHER-MARTIN, C. ÉPOUX LACROIX-DEBUYSSCHER ET CONSORTS.)
ARRi:T.
LA COUR ; - Vu le jugement attaqué, rendu le 9 septembre 1975 par le tribunal de première instance de Tournai, statuant en degré d'appel ;
Sur le moyen pris de la violation des articles 1315, 1316, 1341, 1347, 1348, 1353 du Code civil, 870 du Code judiciaire et 47 contenu dans l'article 1er de la loi du 4 novembre 1969 sur les baux à ferme,
en ce que, pour rejeter la demande des demandeurs fondée sur la violation de leur droit de préemption et tendant à être subrogés à Joseph Vanmansart qui avait acquis un terrain dont ils se pré-
(1) Sur ce que, en règle, la résiliation d'une convention portant sur une chose dont la valeur excède 3.000 francs doit être constatée par écrit, cons. cass., 2 mars 1973 (Bu!!. et Pas., 1973, 1, 617), et DE PAGE, t. III, n ° 870.
Sur ce que la règle de la preuve par écrit ne vaut pas d'une manière absolue et sur ce que les cas d'exception énumérés à l';;irticle 1348 du Code civil ne sont pas limitatifs, cons. cass., 23 novembre 1920
tendaient locataires-fermiers, en vertu d'une convention de bail à ferme conclue le 15 juillet 1933 au profit de leurs auteurs, les parties ici appelées en déclaration d'arrêt commun, le jugement décide que « la résiliation tacite du bail portant sur les quatre ares n'est pas douteuse», aux motifs, d'une part, que depuis le partage la première défenderesse « n'a reçu pour ce terrain aucun fermage en espèces », d'autre part, « qu'il ne ressort de rien que des prestations en nature (l'entretien d'un jardin par exemple) aient remplacé quelque versement » et, enfin, que l'« abandon caractérisé et anormal en soi de la destination agricole du fonds et l'absence de tout payement de fermage depuis 1949 ont impliqué dans le chef des locataires une volonté non équivoque de laisser libre le terrain à bâtir dont Blanche Debuysscher avait obtenu la propriété»,
alors que le jugement déduit ainsi l'existence d'une résiliation de la convention initiale du bail à ferme du 15 juillet 1933, constatée par écrit, d'une série de présomptions ; que le jugement, qui ne constate ni l'impossibilité de se procurer un écrit ni que la convention de résiliation avait une valeur inférieure à 3.000 francs, méconnaît dès lors les règles organiques de la preuve et, partant, viole les dispositions légales visées au moyen :
Attendu qu'il ressort des énonciations du jugement que la parcelle, d'une superficie de 4 ares, sur laquelle les demandeurs entendent exercer le droit de préemption a appartenu aux père et mère de la défenderesse Blanche Debuysscher, épouse Lacroix, qui étaient aussi les grands-parents des demandeurs ; que si, en 1933, elle était comprise dans des biens qui furent alors pris en location à des fins agricoles par les appelés en intervention, époux Edouard Debuysscher-Hellin, frère et belle-sœur de ladite défenderesse et parents des demandeurs, et si, en 1969, les
<Bu!!. et Pas., 1921, I, 144) et 3 juin 1935 (ibid., 1935, I, 270).
Sur ce que l'existence d'une convention peut résulter d'un aveu, fût-il extrajudiciaire et tacite, cons. les conclusions de M. le procureur général Cornil avant cass., 4 avril 1941 (Bull. et Pas., 1941, I, 120, spécialement p. 128 et 129) ; cass., 19 octobre 1944 (ibid., 1945, I, 14) et 23 octobre 1959 (ibid., 1960, 1, 230) ; DE PAGE, t. Ill, n° 1032.
COUR DE CASSATION 489
demandeurs en ont repris l'occupation par une cession de bail, elle avait, dès 1949, été attribuée en partage à cette défenderesse, lors de la liquidation de la succession des auteurs communs de celle-ci et des appelés en intervention ;
Attendu qu'en se fondant sur la superficie restreinte et la situation de la parcelle, « sise en pleine place d'Anserœul », le juge d'appel considère qu'elle avait, par la volonté même des copartageants, revêtu le caractère de terrain à bâtir au profit de ladite défenderesse ;
Attendu, il est vrai, que dans le litige opposant les parties cette considération ne pourrait suffire à justifier légalement le dispositif attaqué, suivant lequel la parcelle litigieuse a, dès 1949 et par l'effet d'une résiliation tacite, cessé de faire l'objet d'un bail à ferme;
Mais attendu que, après avoir constaté que, selon l'acte de partage du 15 septembre 1949, les copartageants auraient la jouissance de leurs lots soit effectivement, soit par la perception de loyers et souligné qu'il fallait, en l'espèce, tenir compte des réalités et plus spécialement des relations de famille, le jugement relève que, depuis 1949 encore, la défenderesse Blanche Debuysscher « n'a reçu des demandeurs ou de leurs auteurs aucun fermage en espèces » et « qu'il ne ressort de rien que des prestations en nature ... aient remplacé quelque versement » ; qu'enfin, en se fondant sur les éléments qu'il précise, le jugement tient pour constant que la parcelle a fait l'objet, de la part des demandeurs, d'un « abandon caractérisé et anormal en soi de la destination agricole» qu'elle avait antérieurement à 1949 ; que le jugement considère, en outre, que le comportement des demandeurs prouve qu'ils ont renoncé à se prévaloir de la nullité relative de la résiliation ;
Attendu qu'ainsi le juge d'appel constate l'existence de circonstances d'où il pouvait être déduit, ainsi qu'il le fait, qu'elles « ont impliqué dans le chef des locataires», ici demandeurs, « une volonté non équivoque de laisser libre le terrain à bâtir dont Blanche Debuysscher avait obtenu la propriété » par partage;
Qu'en d'autres termes il apparaît de l'ensemble des motifs du jugement que la juridiction d'appel fonde sa décision sur la constatation de faits qui relèvent de son pouvoir souverain d'apprécia-
tion et prouvent, dans le chef des demandeurs, l'exécution d'une convention de résiliation dont, dans les circonstances familiales propres à l'espèce, la nonconstatation par écrit était moralement justifiée;
Qu'il s'ensuit que le jugement repose tout ensemble sur la preuve, que ne prohibe pas l'article 1341 du Code civil fondant le moyen, d'un aveu extrajudiciaire tacite de la part des demandeurs et sur la règle prévue par l'article 1348 du même code;
Que, reposant sur une interprétation inexacte du jugement, le moyen manque en fait;
Et attendu que le rejet du pourvoi dirigé contre les défendeurs époux Lacroix-Debuysscher, d'une part, et les ayants droit Vanmansart, d'autre part, rend sans intérêt la demande en intervention dirigée par les demandeurs contre les époux Debuysscher-Hellin ;
Par ces motifs, rejette le pourvoi et la demande en intervention ; condamne les demandeurs aux dépens.
Du 6 janvier 1977. - 1r• ch. - Prés. M. Perrichon, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Capelle. - Concl. conf. M. Colard, avocat général. - Pl. MM. Dassesse et Fally.
l'" CH. - 6 janvier 1977.
MOTIFS DES JUGEMENTS ET ARR~TS. - MATIÈRE DISCIPLINAIRE. -
CONCLUSIONS. - CONSIDÉRATIONS D'OÙ LE CONCLUANT NE DÉDUIT AUCUNE CONSÉQUENCE JURIDIQUE. - POINT D'OBLIGATION POUR LE JUGE D'Y RÉPONDRE.
Le juge n'est pas tenu de répondre à des considérations d'où le concluant ne déduit aucune conséquence juridique (1). (Constit., art. 97.)
(1) Cons. cass., 12 octobre et 24 décembre 1976, supra, p. 184 et 466.
490 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
(G ... , C. ORDRE DES PHARMACIENS.)
Arrêt conforme à la notice.
Du 6 janvier 1977. - 1re ch. - Prés. M. Perrichon, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Trousse. .,-- Concl. conf. M. Colard, avocat général. - Pl. MM. L. Simont et Fally.
1re CH, - 7 janvier 1977.
1 ° PREUVE. - PREUVE LITTÉRALE. FOI DUE AUX ACTES. - MATIÈRE CIVILE. - CONVENTION. - INTERPRÉTATION CONCILIABLE AVEC LES TERMES DE CETTE CONVENTION. - POINT DE VIOLATION DE LA FOI DUE AUX ACTES.
2° LOUAGE DE CHOSES. - BAUX COMMERCIAUX. - CLAUSE DU BAIL ASSURANT L'ADAPTATION AUTOMATIQUE DU LOYER AUX VARIATIONS DE L'INDICE DES PRIX DE DÉTAIL. - ADAPTATIONS N'ÉQUIVALANT PAS A UNE REVISION AU SENS DE L'ARTICLE 6 CONTENU DANS LA LOI DU 30 AVRIL 1951.
3° MOYENS DE CASSATION. - MATIÈRE CIVILE. - MOYEN INVOQUANT LA VIOLATION DES DROITS DE LA DÉFENSE. -POINT DE PRÉCISION. - IRRECEVABILITÉ.
1 ° Ne viole pas la foi due à un acte de bail commercial la décision qui donne de cet acte une interprétation conciliable avec ses termes (1).
2° Lorsqu'un bail commercial prévoit que le loyer sera automatiquement adapté aux variations de l'indice des prix de détail, ces adaptations ne constituent pas des revisions nécessitant l'intervention du juge de paix (2). (Loi du 30 avril 1951, art. 6.)
(1) Cons. cass., 4 novembre 1976, supra, p. 262.
(2) Cons. cass., 1er décembre 1966 (Bull. et Pas., 1967, 1, 414).
(3) Cass., 4 janvier 1974 (Bull. et Pas., 1974, 1, 460).; comp. cass., 21 janvier et 24 février 1975 (ibid., 1975, 1, 522 et 644).
3° N'est pas recevable, à défaut de précision, le moyen qui invoque la violation des droits de la défense sans préciser en quoi ces droits auraient été violés (3).
(ZAJDMAN, C. COMMERMAN.)
ARRtT (traduction).
LA COUR ; - Vu le jugement attaqué, rendu le 21 mars 1975 par le tribunal de première instance d'Anvers, statuant en degré d'appel ;
Sur le premier moyen, pris de la violation des articles 1134, 1139, 1145, 1146, 1319, 1320, 1322, 1728, 2°, du Code civil et 6 contenu dans la loi du 30 avril 1951 sur les baux commerciaux en vue de la protection du fonds de commerce, formant la section IIbis du chapitre Il du titre VIII du livre III du Code civil, ainsi que du principe du respect des droits de la défense,
en ce que le jugement condamne la demanderesse à payer à la défenderesse la somme de 525.257 francs à titre d'arriérés de loyers du 1er mars 1969 au 31 mai 1974 et fixe le loyer, depuis le 1er mars 1972, à 376.060 francs, aux motifs qu'en son article 16 le bail originaire du 12 février 1957 stipule ce qui suit : « Chaque triennat et pour la première fois le 1er mars 1960, le loyer sera revisé de commun accord, en vue de l'adapter à la situation économique. Cette adaptation s'effectuera par comparaison de l'indice des prix au moment de la revision et de l'indice en vigueur à la date de la signature du présent contrat, à savoir 422, étant entendu que le loyer subira les mêmes variations proportionnelles que cet indice. Le nouveau loyer, ainsi revisé, sera valable pour le triennat suivant » ; qu'il ne peut être attribué aux termes « de commun accord » d'autre portée que celle qui consiste en ce que, pour assouplir les prescriptions de l'article 6 contenu dans la loi du 30 avril 1951, les parties ont voulu supprimer l'action judiciaire et les délais et que, dès le premier jour de ch'lqUe nouveau triennat, le loyer sera automatiquement et sans aucune restriction adapté aux variations de l'indice des prix ; que d'ailleurs, une fois stipulée, cette adaptation du loyer à l'indice
COUR DE CASSATION 491
se fait automatiquement, sans intervention de la volonté des parties, du moins pour autant qu'il n'ait été stipulé d'autre réserve, telle qu'une demande ou communication préalable, ce qui n'est pas le cas en l'espèce,
alors que, première branche, la clause de la convention suivant laquelle le loyer « sera revisé de commun accord », de trois ans en trois ans, pour l'adapter à la situation économique, implique que cette revision ne s'effectuerait pas automatiquement sans intervention de la volonté des parties à l'expiration de chaque triennat ; que le jugement viole la foi due à cette convention (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil) ;
deuxième branche, l'article 6 contenu dans la loi du 30 avril 1951 a un caractère impératif et que les parties ne peuvent y déroger dans leur contrat de bail, de sorte que la clause de revision automatique du loyer à l'expiration de chaque triennat, en vue d'adapter celui-ci à la situation économique, n'est pas valable, même si cette adaptation est liée à l'indice des prix (violation de l'article 6 contenu dans la loi du 30 avril 1951 et dudit principe général de droit);
troisième branche, le fait que le bail comporte la revision automatique des loyers, à l'expiration de chaque triennat, n'implique pas que la défenderesse était dispensée de l'obligation de mettre en demeure la demanderesse ; que la mise en demeure par le créancier s'impose de plein droit et ne doit pas être spécialement stipulée (violation des articles 1134, 1139, 1145, 1146, 1319, 1320, 1322 et 1728, 2°, du Code civil) :
Quant à la première branche : Attendu que l'article 16 du bail conclu
entre les parties le 12 février 1957, reproduit par le jugement et par le moyen, stipule qu'à l'expiration de chaque triennat le loyer sera révisé « de commun accord » ;
Que les parties ont dès le début fixé les modalités de cette revision triennale dans leur contrat, en stipulant que le loyer subirait la même variation proportionnelle que l'indice des prix et que le loyer ainsi adapté serait valable « pour le triennat suivant » ;
Qu'il s'ensuit que les termes « de commun accord » ne signifient pas né-
cessairement que l'adaptation v1see était subordonnée à un accord à conclure au préalable ; que, d'ailleurs, « l'accord» pouvait aussi viser le contrôle des chiffres adaptés ;
Attendu, dès lors, qu'en considérant que les parties ont convenu, par la stipulation litigieuse, que dès le premier jour de chaque triennat le loyer serait automatiquement adapté aux variations de l'indice des prix, le jugement donne de l'article 16 précité une interprétation qui n'est pas inconciliable avec ses termes;
Quant à la deuxième branche :
Attendu que le loyer des biens immobiliers qui sont affectés principalement à l'exercice d'un commerce est fixé librement par les parties ; qu'il suffit que le prix puisse être déterminé à l'aide des éléments mentionnés dans le contrat;
Attendu que le juge a pu considérer la clause litigieuse, qui constitue un mode de fixation du loyer, comme étant une clause qui ne vise qu'à assurer le maintien du prix initialement convenu et qui n'équivaut pas à la revision, visée à l'article 6 contenu dans la loi du 30 avril 1951, que le juge peut autoriser à la suite de circonstances nouvelles ayant entraîné une inadaptation du loyer à la valeur locative normale ;
Que, sans violer la disposition légale précitée, le jugement a, dès lors, pu déclarer valable l'adaptation du loyer telle qu'elle a été stipulée ;
Attendu que la demanderesse ne précise pas en quoi le jugement viole le principe général de droit visé au moyen ;
Quant à la troisième branche : Attendu que le jugement, ayant pu,
sans méconnaître la foi qui lui était due, interpréter le bail en ce sens qu'à l'expiration de chaque triennat le loyer est adapté suivant les variations de l'indice des prix et sans nouvelle manifestation de volonté des parties, a pu en déduire, sans violer la disposition légale citée dans cette branche du moyen, que cette adaptation a lieu « sans intervention des parties » et, dès lors, sans mise en demeure ;
Qu'en aucune de ses branches le moyen ne peut être accueilli ;
Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne la demanderesse aux dépens.
492 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
Du 7 janvier 1977. - 1re ch. - Prés. M. de Vreese, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Van Leckwijck. - Concl. conf. M. Declercq, avocat général. - Pl. MM. Houtekier et Bützler.
1•• CH. - 7 janvier 1977.
DROITS DE LA DÉFENSE. - MATIÈRE CIVILE. - ARRÊT REJETANT UNE DEMANDE DE RÉOUVERTURE DES DÉBATS AU MOTIF QUE LA COUR D'APPEL N'AURA PAS ÉGARD A CERTAINES PIÈCES. - ARRÊT SE RÉFÉRANT NÉANMOINS A UNE DE CES PIÈCES POUR FONDER SA DÉCISION. -VIOLATION DES DROITS DE LA DÉFENSE.
Viole le principe général de droit imposant le respect des droits de la défense le juge qui rejette une demande de réouverture des débats, au motif qu'il n'aura pas égard à certaines pièces, mais qui, pour fonder sa décision, se réfère à une de ces pièces (1). (Principe général de droit relatif au respect des droits de la défense.)
(WIMBORNE, C. VAN EYGEN.)
Arrêt conforme à la notice.
Du 7 janvier 1977. - 1•• ch. - Prés. M. de Vreese, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Gerniers. - Concl. conf. M. Declercq, avocat général. - Pl. MM. Fally et Bützler.
F• CH. - 7 janvier 1977.
1° CASSATION. - COMPÉTENCE. - MATIÈRE CIVILE. - ERREUR MATÉRIELLE DANS LA REQUÊTE EN CASSATION. - PouVOIR DE LA COUR DE LA RECTIFIER.
(1) Cons. cass., 10 octobre 1974 (Bull. et Pas., 1975, I, 170) et la note 1.
(2) Cass., 9 janvier 1969 (Bull. et Pas., 1969, I, 430) ; comp. cass., 30 juin 1975 (ibid., 1975, I, 1056).
(3) Cass., 12 novembre 1976, supra, p. 291.
2° MOTIFS DES JUGEMENTS ET ARRiTS. - MATIÈRE CIVILE. - DÉCISION ACCUEILLANT UNE DEMANDE. - DÉFENSE RÉGULIÈREMENT PROPOSÉE. - POINT DE RÉPONSE. - DÉCISION NON MOTIVÉE.
1 ° La Cour a, pour l'appréciation d'un pourvoi en matière civile, le pouvoir de rectifier une erreur matérielle commise dans la requête en cassation et apparaissant à l'évidence du contexte de celle-ci (2).
2° N'est pas motivée la décision qui accueme une demande sans rêpondre à une défense régulièrement proposée en conclusions par la partie adverse (3). (Constit., art. 97.)
(BROECKX, C. VERSPAANDONCK.)
Arrêt conforme aux notices.
Du 7 janvier 1977. - 1re ch. - Prés. M. de Vreese, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Sury. - Concl. conf. M. Declercq, avocat général. - Pl. M. L. Simont.
1re CH. - 7 janvier 1977.
1 ° COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES. - TRAITÉ INSTITUANT LA COMMUNAUTÉ ÉCONOMIQUE EUROPÉENNE. - LOIS. -LOI IMPOSANT NOTAMMENT UN PRIX DE VENTE AUX CONSOMMATEURS. - ARTICLE 85, PAR. 1er ET 2, DU TRAITÉ DISPOSANT QUE SONT INTERDITES ET NULLES DES CONVENTIONS ENTRE ENTREPRISES, DES DÉCISIONS D'ASSOCIATIONS D'ENTREPRISES ET DES PRATIQUES CONCERTÉES. - DISPOSITIONS DE DROIT COMMUNAUTAIRE NE POUVANT S'APPLIQUER AUX
LOIS.
2° LOIS ET ARRtTÉS. - TRAITÉ INSTITUANT LA COMMUNAUTÉ ÉCONOMIQUE EUROPÉENNE. - LOIS. - LOI IMPOSANT NOTAMMENT UN PRIX DE VENTE AUX CONSOMMATEURS. - ARTICLE 85, PAR. 1er ET 2, DU TRAITÉ DISPOSANT QUE SONT INTERDITES ET NULLES DES CONVENTIONS ENTRE ENTREPRISES, DES DÉCISIONS D'ASSOCIATION D'ENTREPRISES ET DES PRATIQUES CONCERTÉES. - DISPOSITIONS DE DROIT COMMUNAUTAIRE NE POUVANT S'APPLIQUER AUX LOIS.
COUR DE CASSATION 493
3° TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE. - LOI DU 3 JUILLET 1969, ARTICLE 58. - DISPOSITION LÉGALE SELON LAQUELLE LES TABACS DOIVENT ÊTRE VENDUS AU CONSOMMATEUR AU PRIX INSCRIT SUR LA BANDELETTE FISCALE. -ARTICLE 85, PAR. 1er ET 2, DU TRAITÉ INSTITUANT LA COMMUNAUTÉ ÉCONOMIQUE EUROPÉENNE DISPOSANT QUE SONT INTERDITES ET NULLES DES CONVENTIONS ENTRE ENTREPRISES, DES DÉCISIONS D'ASSOCIATION D'ENTREPRISES ET DES PRATIQUES CONCERTÉES. - DISPOSITIONS DE DROIT COMMUNAUTAIRE NE POUVANT S'APPLIQUER A LADITE DISPOSITION LÉGALE.
4° TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE. - LOI DU 3 JUILLET 1969, ARTICLE 58. - DISPOSITION LÉGALE IMPOSANT LA VENTE DES TABACS AU PRIX INDIQUÉ SUR LA BANDELETTE FISCALE. - LOI AU SENS DES ARTICLES 608 ET 1080 DU CODE JUDICIAIRE ET NON ACTE DE HAUTE TUTELLE ADMINISTRATIVE APPROUVANT UNE CONVENTION.
5° LOIS ET ARR:tTÉS. - LOI DU 3 JUILLET 1969 CRÉANT LE CODE DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE, ARTICLE 58. - DISPOSITION LÉGALE IMPOSANT LA VENTE DES TABACS AU PRIX INDIQUÉ SUR LA BANDELETTE FISCALE. -LOI AU SENS DES ARTICLES 608 ET 1080 DU CODE JUDICIAIRE ET NON ACTE DE HAUTE TUTELLE ADMINISTRATIVE APPROUVANT UNE CONVENTION.
6° COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES. - TRAITÉ INSTITUANT LA COMMUNAUTÉ ÉCONOMIQUE EUROPÉENNE, ARTICLE 177. - QUESTION D'INTERPRÉTATION D'UNE DISPOSITION DUDIT TRAITÉ. - INTERPRÉTATION NÉCESSAIRE POUR QUE LA COUR DE CASSATION PUISSE RENDRE SON ARRÊT. - COUR DE CASSATION DEVANT, EN RÈGLE, SAISIR LA COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES.
7° DENRÉES ET MARCHANDISES (ABUS DANS LE COMMERCE DES). - RÉGLEMENTATION ÉCONOMIQUE ET DES PRIX. - PRIX NORMAL ET PRIX MAXIMUM. - HAUSSE DES PRIX. - NOTIONS.
8° COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES. - DIRECTIVES. - TRAITÉ INSTITUANT LA COMMUNAUTÉ ÉCONOMIQUE EUROPÉENNE, ARTICLE 189. - DIRECTIVES POUVANT CONTENIR DES DISPOSITIONS DIRECTEMENT APPLICABLES DANS LES ETATS MEMBRES.
9° COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES. COMMUNAUTÉ ÉCONOMIQUE EURO
PÉENNE. - INTERPRÉTATION DU TRAITÉ INSTITUANT LA COMMUNAUTÉ ET DES ACTES PRIS PAR LES INSTITUTIONS DE LA COMMUNAUTÉ. - ARTICLE 177 DUDIT TRAITÉ. - APPLICABILITÉ DIRECTE D'UNE DISPOSITION DU TRAITÉ OU DE CES ACTES, NOTAMMENT D'UNE DIRECTIVE. - QUESTIONS D'INTERPRÉTATION AU SENS DUDIT ARTICLE 177.
10° COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES. - TRAITÉ INSTITUANT LA COMMUNAUTÉ ÉCONOMIQUE EUROPÉENNE, ARTICLE 177. - QUESTION D'INTERPRÉTATION DES DISPOSITIONS DU DROIT COMMUNAUTAIRE. -COUR DE CASSATION APPELÉE A STATUER SUR LA COMPATIBILITÉ DES DISPOSITIONS DU DROIT NATIONAL AVEC DES DISPOSITIONS DU DROIT COMMUNAUTAIRE. -QUESTIONS D'INTERPRÉTATION RELATIVES A CES DERNIÈRES DISPOSITIONS. -COUR DE CASSATION SAISISSANT LA COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES POUR QU'ELLE STATUE SUR CES QUESTIONS. - COUR DE CASSATION INDIQUANT, DANS SON ARRÊT SAISISSANT LADITE COUR DE JUSTICE, LES DISPOSITIONS DE DROIT NATIONAL APPLICABLES EN L'ESPÈCE ET PRÉCISANT, LE CAS ÉCHÉANT, LEUR SENS ET LEUR PORTÉE.
11 ° TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE. - TAXE SUR LES TABACS FABRIQUÉS, IMPORTÉS OU PRODUITS DANS LE PAYS, EN CE COMPRIS LES SUCCÉDANÉS DU TABAC. - MODALITÉS DE PERCEPTION ET DE CONTRÔLE.
12° DOUANES ET ACCISES. - Acc1-SES. - RÉGIME FISCAL DU TABAC. -DÉTERMINATION DU DROIT D'ACCISE EXIGIBLE. - NOTION.
1 °, 2° et 3° Constitue une «loi», au sens spécialement des articles 608 et 1180 du Code judiciaire, la disposition de l'article 58 de la loi du 3 juillet 1969 créant le Code · de la taxe sur la valeur ajoutée suivant laquelle le prix inscrit sur la bandelette fiscale apposée sur des produits de tabac est celui auquel ceux-ci doivent être vendus au consommateur ; il s'ensuit que cette disposition légale ne saurait être « interdite » et être « nulle » par application de l'article 85 du traité instituant la Communauté économique européenne qui ne concerne que des accords entre entreprises, des dé-
494 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
cisions d'associations d'entreprises et des pratiques concertées.
4° et 5° L'article 58 de la loi du 3 juillet 1969 créant le Code de la taxe sur la valeur ajoutée, aux termes duquel les produits de tabac doivent être vendus au prix inscrit sur la bandelette fiscale, étant une disposition normative générale et impersonnelle imposée par l'autorité et donc une « loi» au sens des articles 608 et 1080 du Code judiciaire (1), ne constitue point un acte de haute tutelle administrative se bornant à approuver une convention (2) notamment entre certaines entreprises.
6° Lorsqu'une question d'interprétation de dispositions du traité instituant la Communauté économique européenne est soulevée devant la Cour de cassation et que celle-ci estime qu'une décision à ce sujet est nécessaire pour qu'elle puisse rendre son arrêt, cette Cour doit, en règle, saisir la Cour de justice des Communautés européennes pour qu'elle statue à titre préjudiciel sur ladite question (3). (Traité instituant la Communauté économique européenne approuvé par la loi du 2 décembre 1957, art. 177.)
7° Il ressort des dispositions de l'arrêtéloi du 22 janvier 1945, tel qu'il a été complété et modifié par la loi du 23 décembre 1969 et par celle du 30 juillet 1971 sur la réglementation économique et les prix, et de celles de l'arrêté ministériel du 22 décembre
(1) Cons. conclusions de M. le procureur général P. Leclercq, alors avocat général, avant cass., 5 mars 1917 (Bun. et Pas., 1917, I, 118), conclusions de M. le procureur général Ganshof van der Meersch, alors avocat général, avant cass., 17 mai 1963 (ibid., 1963, I, 987), et conclusions du ministère public avant cass., 25 novembre 1955 (ibid., 1956, I, 285), 8 juin 1967 (J.T., 1967, p. 459 et suiv.) et 30 janvier 1976 (Arresten van Cassatie, 1976, p. 632).
(2) Cons. cass., 30 janvier 1976 (Bun. et Pas., 1976, 1, 607), et les conclusions du ministère public citées à la note précédente.
(3) Cons. cass., 16 juin 1976, deux arrêts (Bull. et Pas., 1976, I, 1119 et 1121).
(4) Cons. la loi du 23 décembre 1969, article 1er, § 3.
(5) Cons. note 1 sous cass., 16 juin 1975 (Bull. et Pas., 1975, I, 991), et les conclusions du ministère public publiées dans la
1971 prescrivant la déclaration des hausses de prix qu'il est permis aux fabricants et importateurs, sous réserve des dispositions d'un éventuel « contrat de programme » (4) et à condition qu'ils respectent le prix normal ou éventuellement le prix maximum fixé par le ministre des affaires économiques, de déterminer librement leurs nouveaux prix, en ce compris le prix de détail, après déclaration de la hausse de ces prix et moyennant observation d'un délai d'attente.
8° Bien que les directives du Conseil des ministres et de la Commission des Communautés européennes lient tout Etat membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux autorités nationales la compétence quant à la forme et aux moyens, leurs dispositions peuvent néanmoins être directement applicables dans les Etats membres (5). (Traité instituant la Communauté économique européenne, approuvé par la loi du 2 décembre 1957, art. 189.) (Solution implicite.)
9° Constitue une question d'interprétation, au sens de l'article 177 du traité instituant la Communauté! économique européenne, celle de déterminer si une disposition du traité ou d'un acte des institutions de la Communauté, notamment d'une directive, est ou non directement applicable dans les Etats membres (6). (Traité instituant la Communauté économique européenne, approuvé par la loi
Revue de droit pénal et de criminologie, 1975-1976, p. 67 et suiv. Cons. aussi, outre les arrêts cités dans la note 1 sous cass., 16 juin 1975 (voir supra), les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes des 1er février 1977, aff. 51/76, et 20 mai 1977, aff. 111/75. On consultera encore J.V. Loms, « L'effet direct des directives», in Mélanges en hommage au professeur J. Baugniet, p. 471 et suiv.
(6) Voir, à la note précédente, les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes s'étant prononcés, par application de l'article 177 du traité, sur l'effet direct de directives. De très nombreux autres arrêts de la même haute juridiction européenne se sont aussi prononcés par application de la même disposition sur l'effet direct de dispositions du traité ou de règlements pris soit par le Conseil des ministres soit par la Commission.
COUR DE CASSATION 495
du 2 décembre 1957, art. 177 et 189.) (Solution implicite.)
10° Lorsque la Cour de cassation doit, par application de l'article 177 du traité instituant la Communauté économique européenne, demander à la Cour de justice des Communautés européennes de statuer à titre préjudiciel sur une question d'interprétation de dispositions de droit communautaire dont la solution lui est nécessaire pour qu'elle puisse statuer, notamment sur la compatibilité de dispositions du droit national avec ledit droit communautaire, elle indique dans son arrêt quelles sont ces dispositions et, le cas échéant, elle précise leur sens et leur portée, de manière à permettre plus aisément à la Cour de justice de donner une réponse utile à la question d'interprétation qu'elle lui soumet (1).
11 ° La taxe sur la valeur ajoutée sur les tabacs fabriqués, importés ou produits dans le pays, en ce compris les succédanés du tabac, est exigible en même temps que le droit d'accise et son montant est acquitté par les personnes redevables du droit d'accise au receveur chargé de la perception de ce droit. Des modalités spéciales de contrôle, notamment, sont prévues lorsque la taxe a été acquittée préalablement à l'im::;,ortation. (Loi du 3 juillet 1969, art. 58, et arrêtés
(1) La Cour de justice des Communautés ne peut, lorsqu'elle statue par application de l'article 177 du traité instituant la Communauté économique européenne, interpréter les dispositions des droits nationaux. (Elle est appelée à le faire lorsqu'elle statue par application des articles 169 à 171 du même traité.)
Fréquemment, toutefois, les juridictions nationales doivent interpréter une disposition de droit communautaire aux fins de déterminer si une disposition de droit national est ou non visée par ce droit communautaire (ainsi en matière de réglementation sociale au profit des travailleurs migrants), ou est compatible avec celui-ci.
Les questions d'interprétation qui sont ainsi soumises par ces juridictions à la Cour de justice des Communautés européennes sont donc intimement liées à l'interprétation du droit national et cette haute juridiction ne peut donner une réponse utile à la question posée qu'en tenant compte du sens et de la portée des
royaux n° 7 du 12 mars 1970 et n° 13 du 3 juin 1970.)
12° Les tabacs fabriqués, indigènes ou étrangers, sont soumis à un droit d'accise dont le montant est déterminé par le prix de vente au détail selon un barème établi par le ministre des finances pour les tabacs livrés à des détaillants tenant étalage dans un endroit accessible au public; les intéressés fixent eux-mêmes, par le choix du prix de détail, la catégorie dans laquelle leurs produits doivent être rangés (2). (Loi du 31 décembre 1947 modifiée par celle du 16 juin 1973 ; arrêtés ministériels des 31 décembre 1947, 22 janvier 1948, 9 avril 1974, 4 novembre 1975 et 10 janvier 1976.)
(SOCIÉTÉ ANONYME « G.B., INNO, B.M. », C. ASSOCIATION SANS BUT LUCRATIF « VERENIGING V AN DE KLEINHANDELAARS IN TABAC A.T.A.B. ».)
ARRÊT (traduction).
LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 24 décembre 1974 par la cour d'appel de Bruxelles ;
Attendu que, par confirmation de la décision dont appel du président du tribunal de commerce de Bruxelles, siégeant comme en référé, en matière d'actions en cessation, l'arrêt ordonne à la demanderesse de cesser d'offrir en vente
dispositions de ce droit.. Ainsi les magistrats de la Cour de justice sont obligés de procéder à la recherche des dispositions du droit national qui suscitent la question d'interprétation et tant les arrêts que les conclusions des avocats généraux doivent consacrer de longs développements au sens et à la portée de ces dispositions. (Cons. à ce sujet, La jurisprudence de la Cour de justice, Examen critique des méthodes d'interprétation, Rencontre judiciaire et universitaire 27-28 septembre 1976, Luxembourg, p. 111-28 et 111-29 et la note I, p. III-29.)
Pour faciliter la tâche de la Cour de justice, il convient que le jugement ou l'arrêt par lequel une juridiction nationale lui soumet une question d'interprétation donne les indications essentielles quant aux dispositions du droit national qui donnent lieu à la question et précise notamment leur sens et leur portée.
(2) Cons. cass., 3 novembre 1969 (Bull. et Pas., 1970, I, 192).
496 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
ou de vendre des cigarettes à un prix inférieur à celui inscrit sur la bandelette fiscale ;
Attendu que cette décision se fonde sur ce que la demanderesse a commis un acte de concurrence déloyale, en ne respectant pas, lors de la vente ou de l'offre en vente de cigarettes, le prix qui est déterminé par l'article 58 de la loi du 3 juillet 1969 créant le Code de la taxe sur la valeur ajoutée ;
Attendu que le § 1er, alinéa 1er, dudit article 58 dispose : « En ce qui concerne les tabacs fabriqués importés ou produits dans le pays, la taxe est perçue dans tous les cas où, en vertu des dispositions légales ou réglementaires relatives au régime fiscal des tabacs, le droit d'accise doit être acquitté. La taxe est calculée sur la base du prix inscrit sur la bandelette fiscale, qui doit être le prix de vente imposé au consommateur ou, si aucun prix n'est prévu, sur la base adoptée pour la perception du droit d'accise » ;
Attendu que, sans être critiqué sur ce point, l'arrêt décide que cette disposition légale, qui impose pour les tabacs fabriqués, tant importés que produits en Belgique, un prix de vente au consommateur, à savoir celui qui est inscrit sur la bandelette fiscale, est aussi de « caractère économique », bien qu'elle fasse partie d'une loi fiscale ;
Sur le premier moyen, pris de la violation des articles 3 (f), 5, alinéa 2, 85, 86 du traité instituant la Communauté économique européenne, signé à Rome le 25 mars 1957, 1-1 de la loi belge du 2 décembre 1957 portant approbation de ce traité, 58 de la loi du 3 juillet 1969 créant le Code de la taxe sur la valeur ajoutée et 97 de la Constitution,
en ce que, pour rejeter les moyens de défense de la demanderesse soulevan t l'incompatibilité de l'article 58 de la loi du 3 juillet 1969 créant le Code de la taxe sur la valeur ajoutée avec les articles 3 (f), 5, alinéa 2, 85 et 86 du traité de Rome et pour ordonner ensuite à la demanderesse, sur l'action de la défenderesse fondée sur la violation dudit article 58, de cesser de vendre des cigarettes à un prix inférieur à celui inscrit sur la bandelette fiscale, l'arrêt décide, d'une part, « que l'article 85 du traité ne concerne que les accords entre entreprises, décisions d'associations d'entreprises et les pratiques concertées et
non la législation de l'un des Etats membres ; qu'une disposition légale telle que l'article 58 du Code de la taxe sur la valeur ajoutée ne tombe, dès lors, pas sous l'application de l'article 85 du traité ; que l'article 58 précité n'a pas confirmé ou entendu consolider et étendre des accords entre entreprises ; que la circonstance que cette disposition légale trouverait son. « point de départ » ou son « origine » dans certains accords entre entreprises qui seraient contraires à l'article 85 du traité ne peut entraîner la nullité de ladite disposition légale par application de cet article», d'autre part, que l'article 86 du traité « vise à nouveau le fait d'entreprises et non le fait d'un Etat membre ; qu'un texte de loi ne tombe pas sous l'application de l'interdiction formulée par l'article 86 du traité, même s'il peut favoriser lesdites pratiques abusives de certaines entreprises», et, enfin, « que ledit article 58 ne met pas davantage en péril la réalisation des buts du traité, notamment le principe d'une concurrence non faussée dans le marché commun, puisqu'il n'empêche pas les fabricants et les importateurs du marché commun de fixer librement leurs prix»,
alors que, première branche, bien qu'en principe la mesure prise par un Etat membre, telle la fixation du prix de vente imposé, ne tombe pas sous l'application de l'article 85 du traité instituant la C.E.E., il n'en est plus de même lorsque la mesure prise par l'Etat trouve son point de départ ou son origine dans des accords entre entreprises interdits par ledit article 85 et lorsqu'elle a pour conséquence d'étendre erga omnes les restrictions à la concurrence qui en résultent ; que l'article 5, alinéa 2, du traité instituant la C.E.E. impose aux Etats membres de s'abstenir de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du traité, parmi lesquels notamment la réalisation d'une concurrence non faussée ; que le régime de la concurrence non faussée, fixé notamment dans les articles 3 (f) et 85 du traité, régime que les Etats membres ne peuvent mettre en péril, ne concerne pas seulement la concurrence devant exister au niveau des producteurs, mais aussi celle devant exister entre les détaillants qui s'adressent aux consommateurs ; que, dès lors, en décidant que l'article 58 de la loi du 3 juillet 1969 ne tombe pas sous l'interdiction de
COUR DE CASSATION 497
l'article 85 du traité instituant la Communauté économique européenne, bien qu'il reconnaisse que cet article 58 avait comme point de départ ou comme origine des accords entre entreprises qui, aux termes de cette disposition du droit communautaire, sont interdits, et en considérant que l'article 58 n'empêche pas les fabricants et importateurs de fixer librement leurs prix, sans avoir égard à la concurrence qui doit exister au niveau de la distribution au consommateur, l'arrêt viole toutes les dispositions légales citées au moyen, à l'exception des articles 86 du traité instituant la C.E.E. et 97 de la Constitution,
qu'en outre, en rejetant le moyen de défense par lequel la demanderesse déduisait l'incomp'atibilité de l'article 58 avec les articles 3 (f), 5, alinéa 2, et 85 du traité instituant la C.E.E., tant du point de départ et de l'origine de l'article 58 précité que de ses effets, c'est-à-dire le fait d'imposer aux détaillants en tabacs la même obligation que celle qui résultait des accords contraires à l'article 85, à savoir l'obligation de vendre les produits du tabac aux consommateurs au prix inscrit sur la bandelette fiscale, au motif que l'article 58 du Code de la taxe sur la valeur ajoutée n'a confirmé aucun accord entre entreprises, l'arrêt viole l'article 58 de la loi du 3 juillet 1969 créant le Code de la taxe sur la valeur ajoutée;
qu'à tout le moins, en rejetant aux motüs précités le moyen de défense de· 1a demanderesse qui se fondait tant sur l'intention du législateur que sur l'origine de ces textes, l'arrêt se fonde sur une motivation inadéquate (violation de l'article 97 de la Constitution) ; que le motif par lequel l'arrêt constate que les fabricants et importateurs restent libres dans la fixation de leurs prix ne répond pas de manière adéquate au moyen de défense par lequel la demanderesse soutenait que l'article 58 est inconciliable avec les articles 3 (f), 5, alinéa 2, et 85 du traité instituant la C.E.E., parce que la taxe exclut toute concurrence entre les détaillants (violation de l'article 97 de la Constitution) ;
seconde branche, les Etats membres devant s'abstenir de mettre en péril la réalisation des buts du traité, et notamment la réalisation d'une concurrence
non faussée, l'arrêt n'a pu, sans violer les articles 3 (f), 5, alinéa 2, et 86 du traité instituant la C.E.E., décider que l'article 58 de la loi du 3 juillet 1969 ne tombe pas sous l'application de ces dispositions, « même s'il (le texte légal) peut favoriser lesdites pratiques abusives de certaines entreprises » (violation de toutes les dispositions légales citées au moyen, à l'exception des articles 85 du traité instituant la C.E.E. et 97 de la Constitution) ; qu'en outre le fait d'exploiter de façon abusive une position dominante, dénoncé en conclusions par la demanderesse, consistant en ce que les entreprises qui occupent cette position dominante, c'est-à-dire les fabricants et les importateurs, utilisent celle-ci pour obliger les grossistes et détaillants en tabacs à accepter les conditions de vente fixées par eux, spécialement le prix de vente aux consommateurs inscrit sur la bandelette fiscale, la circonstance que ces fabricants et importateurs continuent à fixer librement leurs prix est étrangère au moyen de défense de la demanderesse, auquel l'arrêt ne répond pas, dès lors, de manière adéquate (violation de l'article 97 de la Constitution) :
Quant à la première branche :
Attendu que, ayant égard aux règles de la Constitution et tenant spécialement compte de la nature des lois qui émanent du pouvoir législatif, l'arrêt constate, sans violer les dispositions légales citées dans cette branche, que l'article 58 de la loi du 3 juillet 1969 créant le Code de la taxe sur la valeur ajoutée n'a confirmé aucun accord et « a instauré une réglementation propre qui a été votée librement par les Chambres législatives » ;
Attendu qu'une telle loi du pouvoir législatif n'a confirmé ou déclaré obligatoire de manière générale aucun accord qui notamment serait contraire aux dispositions de l'article 85 du traité instituant la C.E.E. ;
Que, plus spécialement, en considérant que ledit article 58 n'a confirmé aucun accord entre entreprises, l'arrêt ne viole pas davantage cet article 58 lui-même;
Attendu qu'il ressort de ce qui précède que l'arrêt motive régulièrement la décision par laquelle il rejette la thèse de la demanderesse relative à
498 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
l'incompatibilité de l'article 58 précité avec les articles 3 (f), 5, alinéa 2, et 85 du traité instituant la C.E.E. ;
Attendu que, en relevant d'une part que la demanderesse fait valoir l'incompatibilité de l'article 58 avec l'article 85 et, dès lors, aussi avec les articles 3 (f), 5, alinéa 2, du traité instituant la C.E.E., et en considérant d'autre part que ledit article 85 ne concerne que les accords entre entreprises, alors que l'article 58 constitue une disposition légale et non un accord et ne confirme aucun accord, l'arrêt répond aux conclusions de la demanderesse visées dans cette branche du moyen ;
Qu'en cette branche le moyen ne peut être accueilli ;
Quant à la seconde branche : Attendu que, en considérant que les
fabricants et les importateurs peuvent fixer librement leurs prix, l'arrêt n'entend pas répondre aux conclusions de la demanderesse relatives à l'incompatibilité dudit article 58 avec l'article 86 du traité instituant la C.E.E., mais bien aux conclusions de \la demanderesse relatives à l'incompatibilité dudit article 58 avec les articles 30 à 32 dudit traité ;
Qu'en constatant que l'article 86 vise le fait des entreprises et non celui des Etats membres, de sorte qu'un texte de loi ne peut tomber sous l'application de l'article 86, l'arrêt répond aux conclusions de la demanderesse relatives à l'exploitation abusive d'une position dominante, mentionnées dans cette branche;
Que sur ce point le moyen, en cette branche, manque en fait ;
Attendu qu'en tant qu'elle soutient que l'arrêt n'a pu décider, sans violer les articles 3 (f), 5, alinéa 2, et 86 du traité instituant la C.E.E., que le texte de l'article 58 précité ne peut tomber sous l'application de cette disposition légale, même « s'il peut favoriser lesdites pratiques abusives de certaines entreprises », ladite branche pose des questions d'interprétation du droit communautaire à soumettre à la Cour de justice des Communautés européennes, qui seront formulées ci-après au 1 ° ;
Sur le deuxième moyen, pris de la violation des articles 1er, §§ 1•r, 2 et 3, 2, §§ 1er et 2bis, de la loi sur la régle-
mentation économique et les prix, instituée par l'arrêté-loi du 22 janvier 1945, tel qu'il a été modifié par les lois des 23 décembre 1969 et 30 juillet 1971, 1~r, § 1•r, de l'arrêté ministériel du 22 décembre 1971 prescrivant la déclaration des hausses de prix, du § 12 du règlement annexé à l'arrêté ministériel du 22 janvier 1948 réglant la perception du droit d'accise sur les tabacs fabriqués, tel qu'il a été modifié par l'arrêté ministériel du 28 mars 1951, pris en exécution de la loi du 31 décembre 1947 relative au régime fiscal des tabacs, des articles 90-1 du traité instituant la Communauté économique européenne, signé à Rome le 25 mars 1957, 1-1 de la loi belge du 2 décembre 1957 approuvant ce traité et 58 de la loi du 3 juillet 1969 créant le Code de la taxe sur la valeur ajoutée,
en ce que, pour rejeter la défense de la demanderesse soulevant l'incompatibilité de l'article 58 de la loi du 3 juillet 1969 avec l'article 90-1 du traité de Rome et pour ordonner ensuite à la demanderesse, sur l'action de la défenderesse fondée sur la violation de l'article 58 précité, de cesser de vendre des cigarettes à un prix inférieur à celui inscrit sur la bandelette fiscale, l'arrêt décide « que les fabricants et importateurs de produits du tabac sont des entreprises privées et que, même par l'article 58 du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, l'Etat belge ne leur accorde aucun droit spécial ou exclusif au sens de l'article 90 ; qu'en effet cet article ne crée aucun droit en faveur de certaines entreprises, et notamment pas celui de fixer erga omnes les prix imposés, mais se borne à introduire une réglementation qui vaut pour toutes les entreprises similaires et qui rend obligatoire le prix inscrit sur la bandelette fiscale, sans déterminer comment et par qui ce prix sera fixé,
alors que, première branche, la réglementation générale des prix résultant des dispositions organiques citées au moyen autorise les fabricants et les importateurs de tous les secteurs, le secteur du tabac y compris, sous réserve d'un contrat de programme, inexistant en l'espèce, à fixer librement leurs prix, après déclaration de hausse des prix, et leur impose de respecter le prix normal ou le prix maximum éventuellement fixé par le ministre des af-
COUR DE CASSATION 499
faires économiques ; que la déclaration de hausse des prix· faite par un fabricant ou un importateur lui permet seulement d'appliquer un nouveau prix, sans qu'il puisse pour autant fixer le prix imposé de vente au consommateur ; que le prix inscrit, pour les produits du tabac, sur la bandelette fiscale étant fixé conformément à cette réglementation générale après déclaration de hausse de prix par le fabricant ou par l'importateur, et l'article 58 de la loi du 3 juillet 1969 disposant que ce prix doit être le prix imposé de vente au consommateur, la portée économique de cette disposition, associée au régime général des prix, revient au contraire à permettre aux fabricants et aux importateurs de tabac de fixer erga omnes les prix de vente de leurs produits ; qu'en déniant pareil effet à l'article 58 précité l'arrêt viole toutes les dispositions légales citées au moyen, à l'exception de l'article 90 du traité instituant la C.E.E. et de l'article 1-1 de la loi d'approbation du 2 décembre 1957;
seconde branche, en décidant ensuite que les fabricants et importateurs de tabacs sont des entreprises privées, auxquelles l'Etat belge n'a accordé aucun droit spécial ou exclusif au sens de l'article 90 du traité instituant la C.E.E., bien que le régime général des prix ne permette pas aux fabricants et importateurs de produits autres que le tabac de fixer le prix imposé de vente au consommateur, l'arrêt viole l'ensemble des dispositions légales citées au moyen:
Quant à la première branche :
Attendu que, d'une part, en constatant que l'Etat belge « n'accorde aucun droit spécial ou exclusif au sens de cet article» aux fabricants et aux importateurs de produits du tabac, l'arrêt apprécie la situation en fonction des dispositions de l'article 90 du traité instituant la C.E.E., alors qu'en cette branche le moyen n'allègue aucune violation de cette disposition ;
Attendu que, d'autre part bien que l'arrêt relève que l'article 58 de la loi du 3 juillet 1969 n'accorde pas aux fabricants et importateurs de produits du tabac le droit « de fixer erga omnes le prix imposé », il ne viole pas cette disposition légale, puisqu'il lui attribue
sa portée exacte, à savoir « l'introduction d'une réglementation qui vaut pour toutes les entreprises similaires et selon laquelle le prix inscrit sur la bandelette fiscale sera obligatoire, sans déterminer comment et par qui ce prix sera fixé»;
Quant à la seconde branche : Attendu qu'il ressort de la législation
belge invoquée au moyen que le régime général de la réglementation des prix en Belgique permet aux fabricants et importateurs, sous réserve d'un contrat de programme, inexistant en l'espèce, et à la condition de respecter le prix normal à apprécier par les tribunaux ou le prix maximum éventuellement fixé par le ministre des affaires économiques, de fixer librement leurs nouveaux prix, en ce compris les prix de détail, après déclaration de hausse des prix et moyennant observation d'un délai d'attente ;
Que, si le fabricant ou l'importateur a, par cette déclaration de hausse des prix, la possibilité d'appliquer le nouveau prix après l'expiration du délai d'attente, il ne peut toutefois imposer le prix de vente au consommateur ;
Attendu que le moyen allègue que l'article 58 de la loi du 3 juillet 1969, combiné avec ledit régime de la réglementation des prix, revient au contraire à permettre aux fabricants et aux importateurs de produits du tabac d'imposer le prix de vente de leurs produits aux consommateurs;
Que le moyen soutient que, l'article 58 permettant ainsi aux fabricants et aux importateurs de produits du tabac d'imposer le prix de vente au consommateur, et le système général de la réglementation des prix ne le permettant pas aux fabricants et aux importateurs de produits autres que le tabac, les fabricants et importateurs de produits du tabac sont des entreprises privées auxquelles l'Etat belge accorde des droits spéciaux ou exclusifs, au sens de l'article 90 du traité instituant la C.E.E. ;
Attendu qu'ainsi le moyen pose une question d'interprétation du droit communautaire, qui sera formulée ci-après au 2°;
Sur le troisième moyen, pris de la violation des articles 3 (a), 5, alinéa 2, 30, 31, 32, 36 du traité instituant la
500 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
Communauté économique européenne, signé à Rome le 25 mars 1957, et 1-1 de la loi du 2 décembre 1957 portant approbation de ce traité,
en ce que, pour rejeter le moyen de défense par lequel la demanderesse soutenait en conclusions que l'article 58 de la loi du 3 juillet 1969 créant le Code de la taxe sur la valeur ajoutée est incompatible avec le principe de la libre circulation des marchandises et avec l'interdiction de mesures restrictives ou autres mesures d'effet équivalent, et pour ordonner ensuite à la demanderesse, sur l'action de la défenderesse fondée sur la violation dudit article 58, de cesser de vendre des cigarettes à un prix inférieur à celui inscrit sur la bandelette fiscale, l'arrêt, d'une part, décide « que l'article 58 du Code de la taxe sur la valeur ajoutée ne restreint pas les possibilités d'écoulement que les produits importés trouveraient sur le marché intérieur à défaut de ces mesures», aux motifs « que, &i certaines pratiques promotionnelles sont ainsi entravées, cette entrave est la même pour les produits fabriqués dans le pays que pour les produits importés » et, d'autre part, considère « que ledit article 58 ne met pas davantage en péril la réalisation des buts du traité et, notamment, comme il a été démontré ci-dessus, du principe de la libre circulation des marchandises, cet article n'empêchant pas les fabricants et les importateurs du marché commun d'importer librement leurs marchandises »,
alors que chaque réglementation du commerce d'un Etat membre, susceptible d'entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce intercommunautaire, constitue une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative ; que la seule circonstance qu'une mesure nationale ne comporte pas un effet discriminatoire, en ce sens qu'elle est appliquée sans distinction aux produits nationaux et aux produits importés, n'est pas pertinente quant à sa qualification de mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative,
et alors que, en décidant que l'article 58 de la loi du 3 juillet 1969 ne constitue pas une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative, parce qu'elle est appliquée tant aux pro-
duits nationaux qu'aux produits importés, et en décidant ensuite, par référence à ce motif, que cet article ne met pas en péril le principe de la libre circulation des marchandises, l'arrêt viole toutes les dispositions légales citées au moyen :
Attendu que la cour d'appel considère que l'article 58 de la loi du 3 juillet 1969 ne constitue pas une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation, interdite par les articles 30 et suivants du traité instituant la C.E.E., aux motifs qu'il ne restreint pas les possibilités d'écoulement que les produits importés trouveraient sur le marché intérieur à défaut de cette mesure, que, plus spécialement, si cette mesure entrave certaines pratiques promotionnelles, cette entrave est la même pour les produits nationaux que pour les produits importés;
Que l'arrêt décide que l'article 58 précité ne met pas en péril la réalisation des buts du traité instituant la C.E.E., et notamment le principe de la libre circulation des biens, puisqu'il n'empêche nullement les fabricants et importateurs du marché commun d'importer librement leurs marchandises et de fixer librement leurs prix ;
Attendu que le moyen allègue qu'une mesure nationale, même si elle est applicable sans distinction aux produits nationaux et aux produits importés, de sorte qu'en ce sens elle n'a aucun effet discriminatoire, constitue néanmoins une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation, interdite par les articles 30 et suivants du traité instituant la C.E.E., lorsqu'elle est de nature à entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce intercommunautaire ; que le principe de la libre circulation des marchandises peut être mis en péril par une mesure législative prise par un Etat membre, même si cette mesure est applicable tant aux produits nationaux qu'aux produits importés;
Attendu que, de la sorte, est soulevée la question de savoir si une mesure telle que celle qui est contenue dans l'article 58 peut néanmoins constituer une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation;
Attendu qu'ainsi le moyen pose une
COUR DE CASSATION 501
question d'interprétation du droit communautaire, qui sera formulée ci-après au 3°;
Sur le quatrième moyen, pris de la violation des articles 5, 12, 13 de la directive n° 72/464 du 19 décembre 1972 du Conseil de la Communauté économique européenne concernant les impôts, autres que les taxes sur le chiffre d'affaires, frappant fa consommation des tabacs manufacturés, 189 du traité instituant la Communauté économique européenne, signé à Rome le 25 mars 1957, 1-1 de la loi belge du 2 décembre 1957 portant approbation dudit traité, 58 de la loi du 3 juillet 1969 créant le Code de la taxe sur la valeur ajoutée et 97 de la Constitution,
en ce que, pour rejeter le moyen de défense par lequel la demanderesse soutenait que l'article 58 de la loi du 3 juillet 1969, en raison de son incompatibilité avec la directive précitée n° 72/464 du 19 décembre 1972 dudit Conseil, devait être considéré comme tacitement abrogé à partir du 1er juillet 1973, date de l'entrée en vigueur de cette directive, ou était à tout le moins devenu inapplicable, et pour ensuite ordonner à la demanderesse, sur l'action de la défenderesse fondée sur la violation de l'article 58 précité, de cesser de vendre des cigarettes à un prix inférieur à celui inscrit sur la bandelette fiscale, l'arrêt décide « qu'en effet cette directive n'interdit pas à un Etat membre d'introduire ou de maintenir dans sa législation une disposition qui oblige les détaillants de tabacs manufacturés à respecter les prix inscrits sur les bandelettes fiscales», au motif que, si l'article 5-1 de cette directive dispose que les fabricants et importateurs déterminent librement les prix maxima de vente au détail de chacun de leurs produits, il y ajoute immédiatement que cette disposition ne peut, toutefois, faire obstacle à l'application des législations nationales sur le contrôle du niveau des prix ou le respect des prix imposés »,
alors que, première branche, la directive du Conseil n° 72/464 du 19 décembre 1972 concernant les impôts, autres que les taxes sur le chiffre d'affaires, frappant la consommation des tabacs manufacturés se fondant sur le principe de la libre formation des prix et le législateur communautaire ayant
rejeté un amendement tendant à remplacer à l'article 5-1 le terme « les prix maxima de vente au détail » par celui de « prix imposés», l'article 5-1 in fine, selon lequel la directive ne peut faire obstacle au respect des prix fixés, c'està-dire imposés, n'a pas pour conséquence d'autoriser les Etats membres à introduire ou à maintenir dans leurs législations une disposition qui obligerait les détaillants en tabacs à respecter le prix inscrit sur les bandelettes fiscales et fixé par les fabricants et les importateurs ; qu'en décidant le contraire l'arrêt viole toutes les dispositions légales citées au moyen, à l'exception de l'article 97 de la Constitution;
seconde branche, en ne répondant pas au moyen, exposé dans les conclusions de la demanderesse, qui se fondait sur le rejet de l'amendement précité, l'arrêt viole l'article 97 de la Constitution :
Quant à la seconde branche : Attendu que, certes, la demanderesse
avait invoqué en conclusions le rejet de l'amendement litigieux, mais s'était bornée à le relever et à en déduire que l'article 58 est inconciliable avec la directive, parce qu'il exclut toute concurrence de prix au niveau du commerce de détail, « ce qui ne serait pas le cas dans un système de prix maxima comme celui prévu par la directive » ;
Attendu qu'ainsi la demanderesse n'a pas invité la cour d'appel à déduire une conséquence juridique de la procédure d'élaboration de la directive et spécialement du rejet de l'amendement litigieux, mais, d'une part, a souligné la différence entre le texte de l'article 58 de la loi de 1969 qui fait état de « prix de vente imposé » et le texte de la directive qui vise « les prix maxima » et d'autre part, a considéré que ledit article 58 n'aurait nullement été inconciliable avec la directive s'il avait visé « des prix maxima », comme le fait la directive, et non « des prix imposés»;
Attendu que la demanderesse ne soutient pas qu'il n'a pas été répondu à ces conclusions, lesquelles ne requéraient d'ailleurs pas de réponse, puisqu'elles se fondaient uniquement sur une supposition ;
Qu'en cette branche le moyen ne peut être accueilli ;
502 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
Quant à la première branche :
Attendu que la directive n° 72/464 du 19 décembre 1972 du Conseil de la Communauté économique européenne concernant les impôts, autres que les taxes sur le chiffre d'affaires, frappant la consommation des tabacs manufacturés se fonde, comme il ressort de ses motifs, sur le principe de la libre formation des prix pour toutes les catégories de tabacs manufacturés ;
Qu'en son article 5-1 ladite directive prévoit que les fabricants et importateurs déterminent librement les prix maxima de vente au détail de chacun de leurs produits ;
Attendu que l'arrêt considère que, l'article 5-1 précité ajoutant immédiatement que cette disposition « ne peut toutefois faire obstacle à l'application des législations nationales sur le contrôle du niveau des prix ou le respect des prix imposés », ladite directive n'interdit pas à un Etat membre d'introduire ou de maintenir dans sa législation une disposition obligeant les détaillants de tabacs manufacturés à respecter les prix inscrits sur les bandelettes fiscales ;
Attendu que le moyen soutient que, ladite directive se fondant sur le principe de la libre formation des prix et le législateur communautaire ayant rejeté un amendement tendant à remplacer dans l'article 5-1 précité le terme « prix maxima de vente au détail » par celui de « prix imposés», l'article 5-1 in fine n'a pas pour conséquence d'autoriser les Etats membres à introduire ou à maintenir dans leur législation une disposition qui obligerait les détaillants en tabacs à respecter « les prix inscrits sur les bandelettes fiscales » et « fixés par les fabricants et importateurs » ;
Attendu qu'ainsi le moyen pose une question d'interprétation du droit communautaire, qui sera formulée ci-après au 4°;
Attendu que, lorsque se posent à la Cour des questions d'interprétation du traité instituant la Communauté économique européenne au sujet desquelles une décision est nécessaire pour qu'elle puisse rendre son arrêt, la Cour ordonne la remise de la cause jusqu'à ce que la Cour de justice des Communautés européennes ait statué sur cette interprétation par une décision rendue à titre préjudiciel ;
Par ces motifs, remet la cause jusqu'à ce que la Cour de justice des Communautés européennes ait statué, par une décision rendue à titre préjudiciel, sur les quatre questions formulées ciaprès et faisant l'objet des précisions suivantes, en particulier quant aux questions deux, trois et quatre,
a) Dans la réglementation nationale dans le cadre de laquelle les questions sont posées, la taxe sur la valeur ajoutée sur les tabacs fabriqués importés ou produits dans le pays, en ce compris les succédanés du tabac, est exigible en même temps que le droit d'accise. Le montant de la taxe, calculé conformément à l'article 58, § 1er, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, est acquitté par la personne redevable du droit d'accise au receveur chargé de la perception de ce droit.
Le ministre des finances peut, dans des cas individuels et aux conditions qu'il fixe, accorder un délai pour le payement de ce droit d'accise.
Lorsque la taxe due sur les tabacs fabriqués déclarés pour la consommation a été acquittée préalablement à l'importation, un document spécial (voy. l'arrêté royal n° 7 du 12 mars 1970) doit être présenté au receveur des douanes aux fins de contrôler la perception de la taxe (arrêté royal n° 13 du 3 juin 1970, Moniteur belge du 5 juin 1970).
b) Suivant le régime national d'accise, notamment celui du tabac (loi du 31 décembre 1947, modifiée par la loi du 16 juin 1973), les tabacs fabriqués indigènes ou étrangers sont soumis à un droit d'accise fixé à un pourcentage déterminé du prix de vente au détail d'après un barème établi par le ministre des finances.
Pour les tabacs livrés à des détaillants tenant étalage dans un endroit accessible au public, les intéressés fixent eux-mêmes, par le choix du prix de détail, la catégorie dans laquelle leurs produits doivent être rangés. Ainsi, un fabricant ou un importateur qui livre des cigares à vendre au détail, tous droits compris, au prix de 3 francs la pièce (prix de base : 2 francs ; supplément d'accise : 1 franc), doit soumettre ces produits au droit d'accise qui, d'après le tableau des bandelettes fiscales, correspond à la catégorie dans laquelle est rangé le prix de base de 2 francs.
COUR DE CASSATION 503
Rien ne s'oppose, dès lors, à ce que les intéressés fassent apposer une bandelette fiscale pour un prix de vente supérieur à la valeur réelle des produits. Le payement du droit d'accise se constate en principe par l'apposition d'une bandelette fiscale sur les produits. Mais, une fois la bandelette appliquée - sauf s'il s'agit de la bandelette « Prix illimités » -, les produits doivent obligatoirement être vendus au consommateur au prix indiqué sur celle-ci. (Arrêté ministériel du 22 janvier 1948 - Moniteur belge du 18 février 1948 - tel qu'il a été dernièrement modifié par les arrêtés des 9 avril 1974 - Moniteur belge du 13 avril 1974 - et 4 novembre 1975 - Moniteur belge du 6 novembre 1975 -, spécialement paragraphes 12 et 13).
c) Le droit d'accise établi par la loi (voyez supra, b) est perçu d'après le tableau des bandelettes fiscales annexé aux arrêtés ministériels (voyez arrêtés ministériels des 31 décembre 1947 - Moniteur belge du 1er janvier 1948 -, 9 avril 1974 - Moniteur belge du 13 avril 1974 - et 10 janvier 1976 Moniteur belge du 15 juin 1976).
Ces tableaux indiquent le prix de vente au détail, le droit d'accise et la taxe à la valeur ajoutée.
d) Si le fabricant ou l'importateur désire, pour l'avenir et pour un produit déjà introduit dans le commerce, faire usage d'une bandelette fiscale qui mentionne un prix de vente supérieur, il doit tenir compte des dispositions légales et réglementaires qui imposent la déclaration de hausse de prix.
Questions: 1 ° a) Les articles 3 (f), 5, alinéa 2, et
86 du Traité instituant la Communauté économique européenne doivent-ils être interprétés en ce sens qu'il est interdit à un Etat membre d'introduire ou de maintenir dans sa législation une disposition telle que celle imposant, tant pour les biens importés que pour ceux produits dans le pays, un prix de vente aux consommateurs fixé par les fabricants ou importateurs, si cette disposition est de nature à favoriser l'exploitation abusive d'une position dominante sur le marché commun par une ou plusieurs entreprises, au sens de l'article 86 du traité ?
Est-il en ce sens notamment interdit
d'introduire ou de maintenir une disposition légale nationale qui favorise l'exploitation abusive, par une ou plusieurs entreprises, d'une position dominante consistant en ce que les fabricants et importateurs de tabac puissent obliger les détaillants d'un Etat membre à respecter les prix de vente aux consommateurs fixés par eux?
b) Est-il interdit d'introduire ou de maintenir une disposition nationale telle que celle qui est prévue sous a), même si elle a une portée générale, en ce sens qu'elle vise n'importe quels fabricants et importateurs, donc également ceux qui n'ont pas une position dominante ou qui ne l'exploitent pas de façon abusive, et a fortiori lorsque son but, son objet ou ses effets ne consistent nullement à contribuer à l'exploitation abusive d'une position dominante?
Les dispositions du traité indiquées sous a), éventuellement rapprochées d'autres dispositions, ne doivent-elles pas, dans ce cas, être interprétées en ce sens que l'introduction ou le maintien de pareilles dispositions légales nationales n'est pas interdit, mais que cette disposition ne peut avoir de répercussion sur le champ d'application de l'article 86 du traité, en ce sens que l'exploitation abusive d'une position dominante reste interdite, même si elle a été favorisée, en l'espèce, par cette disposition légale ?
2° L'article 90 du traité instituant la Communauté économique européenne doit-il être interprété en ce sens que l'on se trouve en présence « d'entreprises auxquelles l'Etat accorde des droits spéciaux ou exclusifs » lorsque, contrairement aux fabricants et importateurs de tous autres produits qui doivent déclarer au ministre des affaires économiques les hausses de prix projetées, mais qui ne peuvent fixer le prix imposé de vente au consommateur, l'Etat impose aux fabricants et importateurs de certains produits la même obligation de déclarer des hausses de prix projetées, mais, en raison d'une disposition légale qui après déclaration de hausse du prix rend celui-ci obligatoire, permet indirectement à ces fabricants et importateurs de déterminer eux-mêmes le prix de vente obligatoire aux consommateurs ?
Dans l'affirmative, le maintien de tels droits spéciaux ou exclusifs peut-il être
504 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
contraire aux règles du traité instituant la Communauté économique européenne, spécialement à celles prévues aux articles 7 et 85 à 94 ?
3° Les articles 30, 31 et 32 du Traité instituant la Communauté économique européenne doivent-ils être interprétés en ce sens que constitue « une mesure d'effet équivalant à ... », au sens de l'article 30 précité, une réglementation d'un Etat membre qui, pour la vente de certains produits au consommateur, impose un prix fixe, inscrit sur les bandelettes fiscales et fixé, selon le cas, tant par les fabricants de ces produits établis dans cet Etat que par les importateurs des mêmes produits, spécialement ceux provenant d'autres Etats membres?
Ou bien ces articles doivent-ils être interprétés en ce sens que pareille réglementation ne constitue pareille mesure que lorsqu'il est établi en fait qu'elle peut constituer directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, une entrave au commerce intercommunautaire, chose qu'il incombe au juge de l'Etat membre de constater?
En est-il autrement lorsque l'Etat membre permet aux producteurs et importateurs de fixer librement les prix, même les prix de détail, après une déclaration de hausse des prix et compte tenu d'un certain délai, mais publie ces prix et en impose le respect au moyen de la mesure précitée ?
4° a) Les dispositions de la directive n° 72/464 du 19 décembre 1972 du Conseil des ministres, spécialement son article 5, ont-elles un effet direct en ce sens notamment que les particuliers ont le droit de s'en prévaloir devant les juridictions nationales ?
b) L'article 5 de la directive n° 72/464 du 19 décembre 1972 du Conseil des ministres concernant les impôts, autres que les taxes sur le chiffre d'affaires, frappant la consommation des tabacs manufacturés doit-il être interprété en ce sens qu'il est interdit aux Etats membres d'introduire ou de maintenir une mesure légale imposant pour les tabacs fabriqués importés ou produits dans le pays un prix de vente au consommateur, à savoir le prix inscrit sur la bandelette fiscale, c'est-à-dire qu'il est interdit aussi bien
de dépasser les prix maxima que de vendre à un prix inférieur ?
Réserve les dépens.
Du 7 janvier 1977. - ir• ch. - Prés. Chevalier Rutsaert, premier président. - Rapp. M. de Vreese. - Concl. conf. (1). M. Dumon, premier avocat général. - Pl. MM. Dassesse et Bayart.
2• CH. - 10 janvier 1977.
1 ° MOTIFS DES JUGEMENTS ET ARRÎ:TS. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. -CONDAMNATION DU PRÉVENU POUR PARTICIPATION PRINCIPALE A UN DÉLIT. -MENTION DE L'ARTICLE 66 DU CODE PÉNAL NON REQUISE.
2° PARTICIPATION CRIMINELLE. -CONDAMNATION DU PRÉVENU POUR PARTICIPATION PRINCIPALE A UN DÉLIT. -MENTION DE L'ARTICLE 66 DU CODE PÉNAL NON REQUISE.
3° MOTIFS DES JUGEMENTS ET AR
RÎ:TS. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. -DÉCISION DE CONDAMNATION SUR L' ACTION PUBLIQUE. - DISPOSITIONS LÉGALES A INDIQUER.
4° PARTICIPATION CRIMINELLE. -PRÉVENU POURSUIVI POUR AVOIR EXÉCUTÉ UNE INFRACTION OU COOPÉRÉ DIRECTEMENT A SON EXÉCUTION OU, PAR UN FAIT QUELCONQUE, PRfTÉ POUR SON EXÉCUTION UNE AIDE TELLE QUE SANS SON ASSISTANCE LE CRIME OU LE DÉLIT N'EÛT PU fTRE COMMIS. - OBJET DE LA PRÉVENTION.
5° PARTICIPATION CRIMINELLE. -FAUX ET USAGE DE FAUX. - CONDAMNATION DU CHEF DE PARTICIPATION A CETTE INFRACTION. - LÉGALITÉ. - CONDITION.
6° FAUX ET USAGE DE FAUX. -PARTICIPATION CRIMINELLE. - CONDAMNATION DU CHEF DE PARTICIPATION A CETTE INFRACTION. - LÉGALITÉ. - CONDITION.
7° PARTICIPATION CRIMINELLE. -ESCROQUERIE. - CONDAMNATION DU
(1) Les conclusions du ministère public sont publiées à la date de l'arrêt dans Arr. cass., 1977.
COUR DE CASSATION 505
CHEF DE PARTICIPATION A CETTE INFRACTION. - LÉGALITÉ. - CONDITION.
8° ESCROQUERIE. - PARTICIPATION CRIMINELLE. - CONDAMNATION DU CHEF DE PARTICIPATION A CETTE INFRACTION. - LÉGALITÉ. - CONDITION.
9° PRESCRIPTION. - MATitRE RÉPRESSIVE. - ACTION PUBLIQUE. - INTERRUPTION DE LA PRESCRIPTION. ACTE D'INSTRUCTION. - NOTION.
1 ° et 2° Le juge qui condamne un prévenu pour participation principale à un délit, participation qu'il qualifie dans les termes de la loi, n'est pas tenu de faire mention, dans sa décision, de l'article 66 du Code pénal (1).
3° Pour être motivée en droit, une décision de condamnation sur l'action publique doit mentionner, soit dans ses motifs propres, soit par référence à la décision dont appel, les dispositions légales qui énoncent les éléments constitutifs de l'infraction retenue à charge du prévenu et celles qui établissent une peine (2). (Constit., art. 97.)
4° Le prévenu poursuivi pour avoir exécuté une infraction ou coopéré directement à son exécution ou par un fait quelconque prêté pour son exécution une aide telle que sans son assistance le crime ou le délit n'eût pu être commis est, par là même, poursuivi tant pour un acte d'exécution directe de l'infraction que pour l'un des actes définis par les alinéas 2 et 3 de l'article 66 du Code pénal (3).
5° et 6° Pour qu'un prévenu puisse être légalement condamné comme coauteur de l'infraction de faux en écritures et usage de faux, il n'est point requis que les actes de participation contiennent tous les éléments de l'infraction ; il suffit qu'il soit constant qu'un auteur a commis l'infraction de faux en écritures et usage de faux et que le coauteur a coopéré sciemment à l'exécution de celle-ci par l'un
(1) Cass., 14 janvier 1952 (Bun. et Pas., 1952, 1, 260).
(2) Cass., 9 février 1976 (Bull. et Pas., 1976, 1, 642).
(3) Cons. cass., 5 avril 1948 (Bull. et Pas., 1948, I, 215) et la note 1, 23 avril 1951 (ibid., 1951, 1, 573) et la note 1, 4 février
des modes de participation définis par les alinéas 2 et 3 de l'article 66 du Code pénal (4). (Code pénal, art. 66, 193, 196, 197 et 213.)
7° et 8° Pour qu'un prévenu puisse être légalement condamné comme coauteur de l'infraction d'escroquerie, il n'est point requis que les actes de participation contiennent tous les éléments de l'infraction; il suffit qu'il soit constant qu'un auteur a commis l'infraction d'escroquerie et que le coauteur a coopéré sciemment à l'exécution de celle-ci par l'un des modes de participation définis par les alinéas 2 et 3 de l'article 66 du Code pénal (5). (Code pénal, art. 66 et 496.)
9° Constitue un acte d'instruction interrompant la prescription de l'action publique tout acte émanant d'une autorité qualifiée à cet effet et ayant pour objet de recueillir des preuves ou de mettre la cause en état d'être jugée (6). (Loi du 17 avril 1878, article 22.)
(KRAM ET CONSORTS, C. UNION NATIONALE DES MUTUALITÉS SOCIALISTES ET CONSORTS.)
ARRi:T.
LA COUR; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 29 avril 1976 par la cour d'appel de Bruxelles ;
A. Sur les pourvois des demandeurs, en tant qu'ils sont dirigés contre la décision rendue sur l'action publique exercée à leur charge :
1. Sur le pourvoi du demandeur Kram:
Sur les premier et deuxième moyens réunis et pris,
le premier, de la violation de l'article 97 de la Constitution,
en ce que l'arrêt attaqué condamne le demandeur du chef des préventions A-VIII et B-A-XIII - à savoir du
1957 (ibid., 1957, 1, 660) et 21 novembre 1960 (ibid., 1961, 1, 304).
(4) Cass., 15 avril 1975 (Bull. et Pas., 1975, 1, 803).
(5) Cass., 6 février 1973 (Bull. et Pas., 1973, I, 539).
(6) Cass., 7 octobre 1976, supra, p. 150.
506 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
chef de faux et d'escroquerie - disant celles-ci établies, aux motifs : 1 ° en ce qui concerne le faux : « qu'en l'espèce Kram, docteur en médecine responsable des prescriptions qu'il délivre, a en connaissance de cause créé les conditions nécessaires à la perpétration de l'infraction en apportant au faussaire une aide telle que sans son assistance le faux n'eût pu être commis, tout au moins de la manière dont il l'a été ; que sa participation à l'infraction est établie » ; 2° en ce qui concerne l'escroquerie : « que, sans l'aide indispensable apportée par les médecins Nysenholc, Kram et Rosillon dans les circonstances de fait décrites au dossier, la directrice du home Marie-Thérèse et, en ce qui concerne Rosillon, Gassée et Thomsin n'eussent pu commettre les fraudes qui leur sont reprochées »,
alors que, première branche, ce disant, la décision attaquée, qui, tout en ne mentionnant pas l'article 66 du Code pénal, reprend presque mot pour mot les termes de l'article 66, alinéa 3, dudit code, est entachée de contradiction tant dans ses motifs qui retiennent dans le chef du demandeur une participation aux infractions, objet des préventions mises à sa charge, qu'entre ses motifs et son dispositif qui condamne le demandeur comme auteur de ces mêmes infractions, quoique nul ne puisse être à la fois « auteur » et « participant » à une même infraction ; d'où il suit que la décision n'est pas régulièrement motivée (violation de l'article 97 de la Constitution) ;
seconde branche, en retenant de la sorte à la fois à charge du demandeur les infractions de faux et d'escroquerie, et la « participation » à ces infractions dans les termes de l'article 66, alinéa 3, du Code pénal, il est dans ces conditions à tout le moins impossible de discerner si l'arrêt a entendu condamner le demandeur comme auteur ou comme participant - coauteur - aux infractions visées par les préventions A-VIII et B-A-XIII qu'il déclare établies ; qu'il s'ensuit que, les conditions légales de la condamnation d'un prévenu comme auteur ou coauteur étant différentes puisque le coauteur ne doit pas nécessairement réunir dans son chef tous les éléments constitutifs de l'infraction à laquelle il a participé, l'ambiguïté de l'arrêt ne permet pas à la Cour de contrôler
la légalité des condamnations prononcées à charge du demandeur (violation de l'article 97 de la Constitution) ;
le deuxième, de la violation du principe général du respect des droits de la défense et des articles 66, 67, 193, 196, 197, 496 du Code pénal et 97 de la Constitution,
en ce que l'arrêt condamne le demandeur du chef de faux et d'escroquerie aux motifs mentionnés dans le premier moyen,
alors que, première branche, le demandeur, qui était poursuivi du chef de faux et d'escroquerie, n'a pas été averti du changement de qualification des préventions en « participation » aux infractions faisant l'objet de ces préventions, qu'il n'a pu dès lors se défendre et en fait ne s'est pas défendu sur cette nouvelle qualification ; qu'il s'ensuit que les droits de défense du demandeur ont été violés, la participation comme coauteur ou complice d'une infraction de faux ou d'escroquerie n'exigeant pas que soient réunis nécessairement dans le chef du participant tous les éléments constitutifs de ces infractions (violation de toutes les dispositions visées au moyen et plus spécialement du principe général du respect des droits de la défense) ;
deuxième branche, l'arrêt, qui condamne le demandeur en raison de sa participation à des infractions de faux et d'escroquerie, ne mentionne ni dans ses motifs propres ni par référence à la décision a quo l'article 66 du Code pénal (participation en tant que coauteur) ou l'article 67 (participation en tant que complice) ; d'où il suit que la décision entreprise n'est pas régulièrement motivée en droit (violation de toutes les dispositions visées au moyen et plus spécialement de l'article 97 de la Constitution) ;
troisième branche, le dispositif de l'arrêt ne fait allusion qu'aux préventions A-VIII et B-A-XIII réunies, lesquelles sont par ailleurs dites établies, et non à la participation aux infractions visées par lesdites préventions, de sorte que les motifs et le dispositif de la décision attaquée sont contradictoires et que la décision n'est pas régulièrement motivée (violation de l'article 97 de la Constitution) :
Quant au premier moyen et aux deu-
COUR DE CASSATION 507
xième et troisième branches du deuxième moyen :
Attendu que, pour condamner le demandeur du chef des préventions de faux et d'escroquerie libellées à sa charge sous A-VIII et B-A-XIII de la citation, l'arrêt énonce : que le demandeur a créé les conditions nécessaires à la perpétration de l'infraction en apportant au faussaire une aide telle que sans son assistance le faux n'eût pu être commis, tout au moins de la manière dont il l'a été ; que sa participation à l'infraction est établie ; que, sans l'aide indispensable apportée par le médecin Kram dans les circonstances de fait décrites au dossier, la directrice du home Marie-Thérèse n'eût pu commettre les fraudes qui lui sont reprochées ;
Que l'arrêt décide ainsi légalement, sans ambiguïté ni contradiction, que le demandeur est l'auteur des infractions mises à sa charge, pour les avoir commises par le mode de participation prévu par l'article 66, alinéa 3, du Code pénal;
Attendu que l'arrêt, qui qualifie dans les termes de la loi la participation principale du demandeur auxdites infractions, ne doit pas contenir l'indication de l'article 66 du Code pénal, lequel ne prévoit pas une peine particulière ; que, mentionnant par référence au jugement dont appel les articles 193, 196, 197, 213, 214 et 496 du Code pénal, qui énoncent les éléments constitutifs des faux et escroqueries pour lesquels le demandeur est condamné et qui déterminent la peine pour ces infractions, l'arrêt est régulièrement motivé en droit;
Quant à la première branche du deuxième moyen :
Attendu que le demandeur était poursuivi pour avoir exécuté les infractions ou coopéré directement à leur exécution, pour avoir par un fait quelconque prêté pour leur exécution une aide telle que sans son assistance le crime ou le délit n'eût pu être commis ; qu'ainsi libellées les préventions comprenaient tout acte de participation défini par les alinéas 2 et 3 de l'article 66 du Code pénal ;
Que, dès lors, en condamnant le demandeur du chef des infractions mises à sa charge pour avoir prêté à l'exécution de celles-ci une aide telle que sans son assistance elles n'eussent pu être commises, l'arrêt n'a pas modifié la qua-
lification des infractions dont le demandeur avait à répondre et n'a pas davantage violé les droits de la défense ;
Qu'en aucune de leurs branches les moyens ne peuvent être accueillis :
Sur les troisième et quatrième moyens réunis et pris,
le troisième, de la violation des articles 66, 67, 193, 196, 197, 496 du Code pénal et 97 de la Constitution,
en ce que, saisie de conclusions par lesquelles le demandeur soutenait que « ce n'est pas sciemment mais en raison de la collaboration légitime que le concluant était en droit d'attendre du personnel du home » que celui-ci avait laissé en blanc certaines mentions de ses prescriptions, l'arrêt condamne le demandeur, aux motifs : 1 ° en ce qui concerne le faux : « que, sans doute, les éléments constitutifs de l'infraction ne sont pas réunis lorsque le signataire s'est trouvé dans l'ignorance absolue de l'usage frauduleux qui serait fait de sa signature et ne pouvait le prévoir ; qu'en l'espèce Kram, docteur en médecine, responsable des prescriptions qu'il délivre, a, en connaissance de cause, créé les conditions nécessaires à la perpétration de l'infraction en apportant au faussaire une aide telle que sans son assistance le faux n'eût pu être commis, tout au moins de la manière dont il l'a été ; que sa participation à l'infraction est établie» ; 2° en ce qui concerne l'escroquerie : « que, sans l'aide indispensable apportée par les médecins Nysenholc, Kram et Rosillon dans les circonstances de fait décrites au dossier, la directrice du home Marie-Thérèse et, en ce qui concerne Rosillon, Gassée et Thomsin n'eussent pu commettre les fraudes qui leur sont reprochées»,
alors que, première branche, pour être punissable comme coauteur et a fortiori comme complice, il ne suffit pas d'avoir agi librement et sans contrainte mais il faut avoir coopéré sciemment à la perpétration de l'infraction, à savoir qu'il y ait eu concert frauduleux entre l'auteur et le participant ; de sorte que, en retenant la participation du demandeur tout en se bornant à relever que le demandeur a agi « en connaissance de cause », c'est-à-dire librement et sans contrainte, l'arrêt ne constate pas le concert frauduleux requis par les articles 66 et 67 du Code pénal dont il fait
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implicitement application ; d'où il suit que l'arrêt méconnaît la notion légale de participation (violation des dispositions visées au moyen et spécialement des articles 66 et 67 du Code pénal) et n'est, en tout cas, pas légalement justifié quant à ce (violation des dispositions visées au moyen et spécialement de l'article 97 de la Constitution) ;
seconde branche, l'arrêt eût-il même entendu retenir l'existence d'un concert frauduleux dans le chef du demandeur, encore l'expression « en connaissance de cause » qu'il utilise est-elle ambiguë en ce qu'elle peut signifier ayant agi soit librement et sans contrainte, soit en concert frauduleux ; que l'ambiguïté de l'expression « en connaissance de cause» rend par suite ambigus les motifs par lesquels l'arrêt retient une participation à charge du demandeur ; d'où il suit qu'en raison de cette ambiguïté l'arrêt ne répond pas de manière adéquate à la défense reproduite au moyen et n'est dès lors pas régulièrement motivé (violation de l'article 97 de la Constitution) ;
le quatrième, de la violation des articles 66, 193, 196, 197 et 496 du Code pénal et 97 de la Constitution,
en ce que, saisie de conclusions par lesquelles le demandeur soutenait, d'une part, plus spécialement en ce qui concerne l'infraction de faux, que « ce n'est pas sciemment mais en raison de la collaboration légitime que le concluant était en droit d'attendre du personnel du home » que celui-ci avait laissé en blanc certaines mentions de ses prescriptions et que le demandeur n'avait eu aucune intention frauduleuse, et, d'autre part, en ce qui concerne l'escroquerie, qu'on recherche vainement le dol spécial requis par cette prévention », l'arrêt condamne le demandeur du chef des préventions A-VIII et B-A-XIII, les disant établies aux motifs mentionnés dans le troisième moyen,
alors que, première branche, les infractions de faux et d'escroquerie exigent chacune un dol spécial distinct du concert frauduleux requis pour la participation à ces infractions, de sorte que, en retenant ces infractions à charge du demandeur en se bornant à relever qu'il a agi « en connaissance de cause», c'està-dire librement et sans contrainte, et qu'il a participé aux infractions susdi-
tes, ce qui ne signifie pas qu'il y ait eu en son chef les dols spéciaux exigés par le faux et l'escroquerie, l'arrêt ne constate pas les dols spéciaux requis pour les infractions aux articles 193, 196, 197 et 496 du Code pénal ; d'où il suit que l'arrêt méconnaît les notions légales de faux (violation des articles 193, 196 et 197 du Code pénal) et d'escroquerie (violation de l'article 496 du Code pénal) et, en tout cas, n'est pas légalement justifié (violation de toutes les dispositions visées au moyen et spécialement de l'article 97 de la Constitution) ;
deuxième branche, l'arrêt eût-il même entendu retenir l'existence dans le chef du demandeur des dols spéciaux requis par les articles 193, 196, 197 et 496 du Code pénal, encore l'expression « en connaissance de cause » qu'il utilise serait-elle ambiguë en ce qu'elle peut signifier ayant agi soit librement et sans contrainte, soit avec une intention frauduleuse ; que l'ambiguïté de l'expression « en connaissance de cause » rend par suite ambigus les motifs par lesquels l'arrêt retient à charge du demandeur l'infraction de faux et d'escroquerie ; d'où il suit qu'en raison de cette ambiguïté l'arrêt ne répond pas de manière adéquate à la défense reproduite au moyen et n'est, dès lors, pas régulièrement motivé (violation de toutes les dispositions visées au moyen et spécialement de l'article 97 de la Constitution) ;
troisième branche, l'arrêt déduit de la sorte l'existence des infractions de faux et d'escroquerie à charge du demandeur de cela seul que celui-ci aurait participé à celles-ci en tant que coauteur ou complice, quoique tous les éléments constitutifs de l'infraction doivent être réunis dans le chef du participant, de sorte que cette déduction se fonde 1 ° sur une erreur de droit consistant dans la confusion entre les conditions de la perpétration des infractions, objet des préventions, et celles de la participation à ces infractions (violation des articles du Code pénal visés au moyen), 2° sur un raisonnement manifestement illogique, la perpétration des infractions, objet des préventions, ne pouvant se déduire d'une participation à celles-ci ; que, dès lors, l'arrêt n'est pas régulièrement motivé (violation de l'article 97 de la Constitution) :
Attendu que, pour pouvoir condamner
COUR DE CASSATION 509
légalement un prévenu comme coauteur des infractions de faux en écritures, d'usage de faux et d'escroquerie, il n'est pas requis de constater que ce prévenu a lui-même agi avec l'intention frauduleuse ; qu'il suffit qu'il soit établi qu'un auteur a commis ces infractions et que le coauteur a sciemment coopéré à leur exécution suivant l'un des modes de participation prévus aux alinéas 2 et 3 de l'article 66 du Code pénal;
Attendu que, après avoir rappelé les principes qui régissent en matière d'assurance maladie-invalidité l'intervention personnelle du médecin et précisé l'obligation qu'il a de vérifier dans chaque cas la quantité des soins qu'il prescrit et la manière dont ils sont prodigués, l'arrêt énonce que le demandeur, en remettant à des tiers des prescriptions signées mais incomplètement libellées, a, en connaissance de cause, créé les conditions nécessaires à la perpétration de l'infraction en apportant au faussaire une aide telle que sans son assistance le faux n'eût pu être commis ; que, sans l'aide indispensable apportée par le demandeur dans les circonstances de fait décrites au dossier, la directrice du home Marie-Thérèse n'aurait pu commettre les fraudes qui lui sont reprochées ; ·
Qu'ainsi l'arrêt constate sans ambiguïté que le demandeur a sciemment coopéré, suivant l'un des modes de participation prévus à l'alinéa 3 de l'article 66 du Code pénal, à l'exécution des fraudes commises par l'auteur des infractions de faux en écritures, d'usage de ces faux et d'escroquerie ; que ces considérations, d'une part, répondent de manière adéquate à la défense du demandeur faisant valoir qu'il n'avait pas imaginé que ses prescriptions médicales, telles qu'il les avait libellées, auraient été utilisées par la suite à des fins illicites et, d'autre part, relèvent, sans contredire la logique, l'existence des éléments constitutifs des infractions retenues à charge du demandeur ;
Attendu que l'arrêt a régulièrement motivé et légalement justifié sa décision;
Que les troisième et quatrième moyens manquent en fait ;
2. Sur le pourvoi du demandeur Rosillon :
Sur le premier moyen, pris de la violation des articles 21, 22, 23 de la loi
du 17 avril 1878 contenant le titre préliminaire du Code de procédure pénale, modifiée par l'article 1er de la loi du 30 mai 1961, 130, 163, 179, 182, 195, 199, 200, 202, 211 du Code d'instruction criminelle et 97 de la Constitution,
en ce que l'arrêt attaqué a dit non prescrits les faits des préventions AVIII-b et B-A-XIV à charge du demandeur et a ensuite dit établies ces mêmes préventions et condamné le demandeur, sur l'action publique, à une peine unique du chef de ces préventions réunies, aux motifs : d'une part, que le demandeur a régulièrement donné des soins aux personnes âgées hébergées dans la maison de repos dirigée par feu Elfriede Egg . . . et où travaillaient les coprévenus Thomsin et Gassée, jusqu'au 8 décembre 1969, date à laquelle il rompit ses relations professionnelles avec la première nommée ; que par la suite ... il resta en contact avec Thomsin et Gassée, qui à ce moment exploitaient à leur compte deux maisons de repos à Uccle; qu'il rédigea à leur demande des ordonnances médicales, que les derniers documents pris en considération portent la date du 1•r décembre 1972 et qu'en ce qui le concerne . . . la prescription de l'action publique a été interrompue par des actes de poursuite ou d'instruction effectués les 21 et 28 mai 1973, et, d'autre part, que le demandeur a déclaré : « j'ai signé sans aucune vérification tous les documents qui m'étaient soumis par Madame Egg ... , mais je n'ai jamais signé une prescription en blanc ... , je n'ai jamais contrôlé si les malades recevaient les soins . . . prescrits, sauf quelques exceptions en cas de maladie sérieuse » ; que, notamment le 17 novembre 1969, le médecin conseil de la Fédération mutuelle des syndicats réunis faisait reproche au demandeur de prescrire des pansements et toilettes quotidiennes à un malade non alité et pouvant accomplir les actes courants de la vie journalière et d'exposer ainsi l'organisme assureur à des débours non justifiés; que, sans l'aide indispensable apportée par . . . le demandeur dans les circonstances de fait décrites au dossier, la directrice du home MarieThérèse (Elfriede Egg ... ) et . . . Gassée et Thomsin n'eussent pu commettre les fraudes qui leur sont reprochées ; ... que les faits réputés établis ont été commis tant avant qu'après le 10 janvier 1970,
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alors que, première branche, ni lesdits motifs de l'arrêt ni le libellé des préventions à charge du demandeur ne constatent la date à laquelle ont été accomplis le dernier fait d'usage de faux visé par la prévention A-VIIl-b et les faits d'escroquerie visés par la prévention B-A-XIV et ne permettent, dès lors, de vérifier si ces faits se situent avant ou après les 21 ou 28 mai 1970 et, conséquemment, de contrôler la légalité de la décision déclarant non prescrite l'action publique à l'égard du demandeur du chef desdites préventions A-VIII-b et A-B-XIV réunies (violation des articles 21, 22 et 23 de la loi du 17 avril 1878 contenant le titre préliminaire du Code de procédure pénale et 97 de la Constitution) ;
seconde branche,
Quant à la première branche : Attendu que l'arrêt relève, d'une part,
que les dernières ordonnances médicales rédigées par le demandeur à la demande de Thomsin et Gassée portent la date du 1•• décembre 1972 et, d'autre part, que la prescription de l'action publique a été interrompue par des actes de poursuite ou d'instruction, notamment la perquisition effectuée le 28 mai 1973;
Que, constatant ainsi que la date du fait constitutif de faux était postérieure au 28 mai 1970, l'arrêt n'avait pas à indiquer en outre, pour justifier que la prescription n'était pas acquise, la date du dernier fait d'usage de ce faux ni, eu égard à l'unité d'intention délictueuse, la date des autres infractions ;
Quant à la seconde branche :
Qu'en chacune de ses branches le premier moyen manque en fait ;
Sur le second moyen,
Qu'en ses trois branch@s le second moyen manque en fait ;
3. Sur le surplus des pourvois des demandeurs Kram et Rosillon et sur les pourvois des demandeurs Nysenholc, Gassée et Thomsin :
Attendu que les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et que la décision est conforme à la loi ;
B. Sur les pourvois des demandeurs en tant qu'ils sont dirigés contre les décisions rendues sur les actions civiles exercées contre eux par les défenderesses
Que, prématurés, les pourvois sont irrecevables ;
Par ces motifs, rejette les pourvois ; condamne chacun de demandeurs aux frais de son pourvoi.
Du 10 janvier 1977. - 2° ch. - Prés. Baron Richard, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. Mm• Raymond-Decharneux. Concl. conf. M. Velu, avocat général. Pl. MM. L. Simont et A. De Bruyn.
2e CH. - 10 janvier 1977.
1° POURVOI EN CASSATION. - PERSONNES AYANT QUALITÉ POUR SE POURVOIR. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - ACTION PUBLIQUE. - DÉCISION DÉCLARANT L'ACTION PUBLIQUE PRESCRITE. - POURVOI DU PRÉVENU. - IRRECEVABILITÉ.
2° POURVOI EN CASSATION. - PERSONNES AYANT QUALITÉ POUR SE POURVOIR OU CONTRE LESQUELLES ON PEUT SE POURVOIR. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - ACTION CIVILE. - POURVOI DU PRÉVENU CONTRE LE FONDS COMMUN DE GARANTIE AUTOMOBILE, INTERVENU VOLONTAIREMENT. - POINT D'INSTANCE LIÉE ENTRE EUX NI DE CONDAMNATION DU PRÉVENU AU PROFIT DUDIT FONDS. - POURVOI IRRECEVABLE.
3° POURVOI EN CASSATION. - PERSONNES AYANT QUALITÉ POUR SE POURVOIR OU CONTRE LESQUELLES ON PEUT SE POURVOIR. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - ACTION CIVILE. - POURVOI DU PRÉVENU CONTRE L'ASSUREUR DE SA RESPONSABILITÉ CIVILE APPELÉ EN INTERVENTION. - POINT D'INSTANCE LIÉE ENTRE EUX NI DE CONDAMNATION DU PRÉVENU AU PROFIT DUDIT ASSUREUR. - POURVOI IRRECEVABLE.
COUR DE CASSATION 511
4° POURVOI EN CASSATION. - PERSONNES AYANT QUALITÉ POUR SE POURVOIR OU CONTRE LESQUELLES ON PEUT SE POURVOIR. - MATitRE RÉPRESSIVE. - ACTION CIVILE. - POURVOI DU FONDS COMMUN DE GARANTIE AUTOMOBILE, INTERVENU VOLONTAIREMENT, CONTRE L'ASSUREUR DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE DU PRÉVENU, APPELÉ EN INTERVENTION. - POINT D'INSTANCE LIÉE ENTRE EUX NI DE CONDAMNATION AU PROFIT DE L'ASSUREUR. - POURVOI IRRECEVABLE.
5° MOTIFS DES JUGEMENTS ET ARRÊTS. - MATitRE RÉPRESSIVE. - ACTION PUBLIQUE. - DÉCISION DE CONDAMNATION. - DÉFENSE DU PRÉVENU DEMEURÉE SANS RÉPONSE. - DÉCISION NON MOTIVÉE.
6° MOYENS DE CASSATION. - MATitRE RÉPRESSIVE. - ACTIO!'i' CIVILE. - POURVOI DU FONDS COMMUN DE GARANTIE AUTOMOBILE, INTERVENU VOLONTAIREMENT. - MOYEN, A L'APPUI DU POURVOI, PRIS DU DÉFAUT DE RÉPONSE AUX CONCLUSIONS DU PRÉVENU. - CONDITION DE RECEVABILITÉ.
7° CASSATION. - ETENDUE. - MATitRE RÉPRESSIVE. - POURVOIS DU PRÉVENU ET DU FONDS COMMUN DE GARANTIE AUTOMOBILE, INTERVENU VOLONTAIREMENT. - CASSATION DE LA DÉCISION RELATIVE A L'ACTION PUBLIQUE EXERCÉE CONTRE LE PRÉVENU. - CASSATION ENTRAÎNANT L'ANNULATION DU DISPOSITIF, FONDÉ SUR LA Mi:ME ILLÉGALITÉ, DÉBOUTANT LA PARTIE CIVILE DE SON ACTION CONTRE LA PARTIE APPELÉE EN INTERVENTION EN QUALITÉ D' ASSUREUR DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE DU PRÉVENU.
1 ° Est irrecevable, à défaut d'intérêt, le pourvoi formé par le prévenu contre une décision qui déclare l'action publique éteinte par la prescription (1).
2° Le prévenu n'est pas recevable à se
(1) Cass., 8 décembre 1975 (Bull. et Pas., 1976, I, 432).
(2) Cass., 31 octobre 1972 (Bull. et Pas., 1973, 1, 212) ; cons. cass., 26 février et 18 juin 1974 (ibid., 1974, 1, 667 et 1067).
(3) Cass., 26 février 1974 (Bull. et Pas., 1974, 1, 667) ; cons. cass., 1•• mars 1976 (ibid., 1976, I, 713).
(4) Cass., 15 mars 1971 (Bull. et Pas., 1971, 1, 648) ; cons. cass., 26 février et 18 juin 1974 (ibid., 1974, 1, 667 et 1067).
pourvoir contre le Fonds commun de garantie automobile intervenu volontairement devant la juridiction répressive, lorsqu'aucune instance n'a été liée entre eux et qu'aucune condamnation du prévenu n'a été prononcée au profit dudit Fonds (2).
3° Le prévenu n'est pas recevable à se pourvoir contre l'assureur de sa responsabilité civile, appelé en intervention devant la juridiction répressive, lorsqu'aucune instance n'a été liée entre eux et qu'aucune condamnation du prévenu n'a été prononcée au profit dudit assureur (3).
4° Le Fonds commun de garantie automobile, intervenu volontairement devant la juridiction répressive, n'est pas recevable à se pourvoir contre l'assureur de la responsabilité civile du prévenu, appelé en intervention devant la même juridiction, lorsqu'aucune instance n'a été liée entre ces parties et qu'aucune condamnation dudit Fonds n'a été prononcée au profit de l'assureur (4).
5° N'est pas motivée la décision qui condamne le prévenu sur l'action publique sans répondre à une défense régulièrement proposée par lui en conclusions (5). (Constit., art. 97 .)
6° Le Fonds commun de garantie automobile, intervenu volontairement devant la juridiction répressive, est recevable à invoquer à l'appui de son pourvoi l'illégalité résultant du défaut de réponse à une défense régulièrement proposée en conclusions par le prévenu et relative à une contestation dont la solution l'intéressait (6).
7° Lorsque le prévenu s'est pourvu contre la décision relative à l'action publique le condamnant du chef d'avoir mis en circulation un véhicule automoteur lui appartenant sans que sa responsabilité civile soit couverte par une assurance, et que le Fonds commun de garantie automobile, inter-
(5) Cass., 28 septembre 1976., supra, p. 114.
(6) Cons. cass., 4 décembre 1967 (Bull. et Pas., 1968. 1, 454), 24 novembre 1969 (ibid., 1970, 1, 269), 4 janvier 1971 (ibid., 1971, 1, 403), la note 2 sous cass., 11 avril 1972 (ibid., 1972, I, 739), cass., 15 octobre 1973 (ibid., 1974, 1, 170) et 24 mai 1976 (ibid., 1976, I, 1011).
512 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
venu volontairement devant la juridiction répressive, s'est pourvu contre la décision lui déclarant l'arrêt commun et opposable en tant que celui-ci déboute la partie civile de son action contre la partie appelée en intervention en qualité d'assureur de la responsabilité civile du prévenu, la cassation de la décision relative d l'action publique exercée contre le prévenu entraîne l'annulation du dispositif, fondé sur la même illégalité, déboutant la partie civile de son action contre l'assureur appelé en intervention (1).
(COULON, C. TERNOEY ET CONSORTS; FONDS COMMUN DE GARANTIE AUTOMOBILE, C. TERNOEY ET CONSORTS ; DURY, C. COULON ET CONSORTS.)
LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 1er juin 1976 par la cour d'appel de Mons;
A. Quant au pourvoi du demandeur Coulon :
1. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l'action publique exercée à charge du demandeur:
a) du chef des préventions III, IV, et V:
Attendu que l'arrêt constate que l'action publique relative aux infractions faisant l'objet de ces préventions est éteinte par prescription ; que le pourvoi est irrecevable à défaut d'intérêt ;
b) du chef du délit d'homicide involontaire faisant l'objet de la prévention I :
Attendu que les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et que la décision est conforme à la loi ;
Il. En tant que le pourvoi est dirigé contre les décisions rendues sur les actions civiles exercées contre le demandeur par les défendeurs Ternoey et Dury:
Attendu que le demandeur ne fait valoir aucun moyen ;
(1) Cons. cass., 25 septembre 1967 (Bull. et Pas., 1968, I, 106) et 26 février 1974 (ibid., 1974, I, 667).
III. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision déclarant l'arrêt commun et opposable au Fonds commun de garantie automobile, partie intervenue volontairement, et à la société anonyme Les Provinces réunies, partie citée en intervention :
Attendu qu'aucune instance n'a été liée entre le demandeur et les défendeurs devant le juge du fond et que l'arrêt ne prononce aucune condamnation à leur profit à charge du demandeur ; que, partant, le pourvoi est irrecevable ;
B. Quant au pourvoi du demandeur Fonds commun de garantie automobile :
1. En tant que le pourvoi est dirigé contre les décisions rendues sur les actions des parties civiles Ternoey et Dury exercées contre le prévenu :
Attendu que le demandeur ne fait valoir aucun moyen ;
II. En tant que le pourvoi est dirigé contre les décisions rendues sur les actions des parties civiles exercées contre la société anonyme Les Provinces réunies:
Attendu qu'aucune instance n'a été liée devant le juge du fond entre le demandeur et la défenderesse et que l'arrêt ne prononce aucune condamnation au profit de celle-ci à charge du demandeur;
Que, partant, le pourvoi est irrecevable;
C. Quant aux pourvois des demandeurs Coulon et Fonds commun de garantie automobile, en tant que le pourvoi du demandeur Coulon est dirigé contre la décision rendue sur l'action publique exercée à sa charge du chef de la prévention II et en tant que le pourvoi du demandeur Fonds commun de garantie automobile est dirigé contre la décision lui déclarant l'arrêt commun et opposable :
Sur le moyen pris de la violation des articles 1•r, 2, § 1•r, 3, 6, 11, 12, 16, 18, §§ 1•r et 3, de la loi du 1er juillet 1956 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs, 1134, 1135, 1319, 1320 et 1322 du Code civil, du contrat d'assurances conclu entre le premier demandeur et la société anonyme Les Provinces réunies, plus particulièrement de son article 33, et de l'article 97 de la Constitution,
COUR DE CASSATION 513
en ce que l'arrêt attaqué, réformant la décision du premier juge, a dit établie la prévention II à charge du premier demandeur (avoit 'mis en circula
. tion un véhicule automoteur lui appartenant sans que la responsabilité civile à laquelle peut donner lieu ce véhicule soit couverte par une assurance), a condamné celui-ci de ce chef à une amende de 200 francs et aux frais d'appel envers la partie publique, a dit cette décision commune et opposable au deuxième demandeur et à la défenderesse société anonyme Les Provinces réunies, et a délaissé au deuxième demandeur ses dépens dans les deux instances, aux motifs « que le prévenu avait couvert sa responsabilité civile auprès de la partie intervenante Les Provinces réunies pour la conduite d'un véhicule automoteur BMW 1600 châssis n° 1512405; que, le jour de l'accident, il conduisait un autre véhicule, de marque BMW également mais du type 2002 châssis n° 174.0308; que le prévenu estime qu'il est en droit de bénéficier des stipulations prévues à l'article 33 du contrat-type d'assurance, article aux termes duquel, en cas de cession du véhicule assuré, le contrat d'assurance reste en vigueur si ce véhicule est immédiatement remplacé ; que le bénéfice de ces stipulations ne peut être acquis au preneur d'assurance qu'à la condition que dans les huit jours suivant la cession le preneur d'assurance ait informé la compagnie d'assurances et de la cession du véhicule et de son remplacement ... ; que, pour autant que de besoin, il convient de faire remarquer que l'article 11 de la loi du 1•r juillet 1956 ne trouve pas application, puisque la question est de savoir s'il existe un contrat d'assurance ou non relativement à tel véhicule et non point une nullité, une exception ou une déchéance dérivant de la loi ou du contrat d'assurance»,
alors que l'article 33 des conditions générales de la police d'assurance n° 29330 conclue le 24 août 1970 entre le premier demandeur et la société anonyme Les Provinces réunies dispose comme suit : « en cas de cession du véhicule désigné, le preneur d'assurance doit dans les huit jours en informer la compagnie et, en ce cas, la garantie du contrat lui demeure acquise ... ; si le véhicule cédé est immédiatement remplacé, le preneur d'assurance doit en
PASIC., 1977. - Ir• PARTIE.
informer la compagnie dans le même délai de huit jours qui suit la cession et le contrat reste en vigueur aux conditions du tarif en cours à la compagnie au moment du remplacement », ce qui implique manifestement que le preneur d'assurance a un délai de huit jours à compter de la cession du véhicule désigné au contrat et de son remplacement pour signaler à l'assureur le remplacement du véhicule désigné et les caractéristiques du nouveau véhicule et que, pendant ce délai, la police en cours reste en vigueur et couvre la responsabilité civile à laquelle peut donner lieu le nouveau véhicule, et alors que, les demandeurs ayant revendiqué le bénéfice de ladite stipulation conventionnelle et expressément fait valoir en leurs conclusions devant la cour d'appel que le véhicule BMW 1600 désigné au contrat a été cédé et remplacé par le nouveau véhicule BMW 2002 le 30 mai 1974 tandis que l'accident est survenu le 3 juin 1974, soit dans le délai de huit jours précité, l'arrêt, qui ne dément pas ces allégations et qui décide pour les motifs ci-avant dénoncés que, le jour de l'accident, le premier demandeur circulait avec un véhicule non couvert par une assurance de responsabilité civile et le condamne pénalement de ce chef, a par là violé la foi due à ladite police d'assurance n° 29330 du 24 août 1970, spécialement audit article 33 des conditions générales de celle-ci (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil) et a méconnu la force obligatoire entre parties de ladite convention d'assurance (violation des articles 1134 et 1135 du Code civil, 1•r, 2, § 3, 6, 11, 12, 16 et 18, §§ 1•r et 3, de la loi du 1"' juillet 1956 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs) ;
et alors que, tout au moins, en condamnant le premier demandeur pour défaut d'assurance au motif que « le bénéfice des stipulations de l'article 33 du contrat d'assurance ne peut être acquis au preneur d'assurance qu'à la condition que dans les huit jours suivant la cession le preneur d'assurance ait informé la compagnie d'assurances et de la cession du véhicule et de son remplacement », l'arrêt a violé la foi due aux conclusions des demandeurs qui soutenaient précisément qu'au jour de l'accident le délai de huit jours pour informer la compagnie de la cession du
17
514 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
véhicule désigné et de son remplacement n'était pas encore expiré (violation des articles 1319 et 1320 du Code civil), et n'a pas répondu de manière adéquate à ces conclusions (violation de l'article 97 de la Constitution) :
a) En tant que le moyen est soulevé par le demandeur Coulon :
Attendu que, dans ses conclusions prises devant la cour d'appel, le demandeur soutenait que, la voiture BMW 1600, désignée dans le contrat, ayant été remplacée le 30 mai 1974, il se trouvait encore le 3 juin 1974, jour de l'accident, dans le délai de huit jours prévu par l'article 33 de la police d'assurance pour signifier le remplacement du véhicule à sa compagnie d'assurances et bénéficier du maintien du contrat ;
Attendu que l'arrêt, qui décide que le bénéfice des dispositions de l'article 33 du contrat d'assurances ne peut être acquis au demandeur en se fondant sur les seules considérations que celui-ci n'a pas notifié à son assureur, dans le délai et selon les formes prévues par la convention, la cession de son véhicule et le remplacement de celui-ci, sans examiner l'incidence que peut avoir sur le maintien de l'assurance le fait que l'accident serait survenu avant l'expiration du délai de huit jours depuis la cession dont se prévaut le demandeur, ne rencontre p:is les conclusions de celui-ci et n'est pas régulièrement motivé ;
Que le moyen est fondé ; b) En tant que le moyen est soulevé
par le demandeur Fonds commun de garantie automobile :
Attendu que le demandeur Fonds commun de garantie automobile est recevable à invoquer à l'appui de son pourvoi l'illégalité résultant du défaut de réponse aux conclusions du demandeur Coulon relatives à une contestation dont la solution intéressait le Fonds commun de garantie automobile ;
Et attendu que la cassation de la décision relative à l'action publique dirigée contre le demandeur Coulon entraîne l'annulation du dispositif, fondé sur la même illégalité, déboutant la partie civile Ternoey de son action contre la société anonyme Les Provinces réunies, citée en intervention ;
D. Quant au pourvoi de la demanderesse Dury :
Attendu qu'il ne ressort pas des pièces
auxquelles la Cour peut avoir égard que la demanderesse, partie civile, ait fait notifier son pourvoi aux parties contre lesquelles il est dirigé ;
Que le pourvoi est irrecevable ;
Par ces motifs, casse l'arrêt attaqué, en tant que, statuant sur l'action publique, il condamne le demandeur du chef de la prévention II (défaut d'assurance) et que, statuant sur les actions civiles, il dit non fondée l'action de la partie civile Ternoey contre la société anonyme Les Provinces réunies; rejette les pourvois pour le surplus ; dit que mention du présent arrêt sera faite en marge de la décision partiellement annulée ; condamne le demandeur Coulon à la moitié des frais de son pourvoi et délaisse à l'Etat l'autre moitié de ceuxci ; condamne le demandeur Fonds commun de garantie automobile au quart des frais de son pourvoi et les défendeurs Ternoey et Dury chacun à la moitié des trois quarts restant de ceuxci ; condamne la demanderesse Dury aux frais de son pourvoi; renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d'appel de Bruxelles.
Du 10 janvier 1977. - 2° ch. - Prés. Baron Richard, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. Mme Raymond-Decharneux. - Concl. conf. M. Velu, avocat général. - Pl. MM. A. De Bruyn et Dassesse.
2• CH. - 10 janvier 1977.
1 ° APPRÉCIATION SOUVERAINE PAR LE JUGE DU FOND. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - NÉCESSITÉ OU OPPORTUNITÉ D'UNE MESURE D'INSTRUCTION. - APPRÉCIATION SOUVERAINE.
2° DROITS DE LA DÉFENSE. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - DEMANDE D'INTRUCTION COMPLÉMENTAIRE. - MESURE REFUSÉE PAR LE JUGE EN RAISON DE SON INUTILITÉ. - POINT DE VIOLATION DES DROITS DE LA DÉFENSE.
1 ° Le juge du fond apprécie souveraine-
COUR DE CASSATION 515
ment la nécessité ou l'opportunité d'une mesure d'instruction complémentaire (1).
2° Ne viole pas les droits de la défense le juge qui rejette une demande de mesure d'instruction complémentaire en raison de ce que cette mesure n'est point nécessaire pour asseoir sa conviction (2).
(BRUYÈRE ET ROUSSEAU, C. VERTENOEIL.)
Arrêt conforme aux notices.
Du 10 janvier 1977. - 2° ch. - Prés. Baron Richard, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. Baron Vinçotte. - Concl. conf. M. Velu, avocat général. - Pl. M. P. Caroy (du barreau de Mons).
2° CH. - 10 janvier 1977.
CASSATION. - ETENDUE. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - ACTION CIVILE. POURVOI DU PRÉVENU. - PARTIE CIVILEMENT RESPONSABLE NE S'ÉTANT PAS POURVUE OU S'ÉTANT POURVUE IRRÉGULIÈREMENT. - CASSATION SUR LE POURVOI DU PRÉVENU. - EFFET A L'ÉGARD DE LA PARTIE CIVILEMENT RESPONSABLE.
Lorsque la décision condamnant le prévenu sur l'action civile est cassée sur le pourvoi de celui-ci et que la partie civilement responsable ne s'est pas pourvue ou s'est pourvue irrégulièrement, la décision déclarant cette partie civilement responsable de cette condamnation devient sans objet (3).
(SOCIÉTÉ ANONYME « INTERCOM », C. VAN DER FRAENEN ET SOCIÉTÉ ANONYME « ASSUBEL - RISQUES DIVERS ».)
ARRi:T.
LA COUR ; - Vu le jugement attaqué, rendu le 24 juin 1976 par le tribunal correctionnel de Mons, statuant en
degré d'appel et comme juridiction de renvoi;
Vu l'arrêt rendu par la Cour le 3 mai 1976 (4) ;
Attendu que le pourvoi est uniquement dirigé contre les dispositions civiles du jugement concernant la demanderesse;
Sur le moyen pris de ce que le jugement, ayant acquitté le prévenu Vermassen et constaté que le tribunal correctionnel était, dès lors, incompétent pour statuer sur les réclamations formées contre celui-ci par les défendeurs, parties civiles, a dit pour droit que la demanderesse, civilement responsable pour le prévenu, reste tenue des condamnations civiles prononcées contre elle par jugement du tribunal correctionnel de Tournai du 19 décembre 1975, faute de s'être pourvue en cassation contre cette décision,
alors que la cassation de la décision rendue sur l'action civile exercée contre le prévenu entraîne celle de la décision condamnant la partie civilement responsable, même si celle-ci n'a pas formé de pourvoi, et que cette partie ne peut être tenue d'indemniser la partie civile que pour autant que le prévenu ait été lui même condamné :
Attendu que l'arrêt de la Cour du 3 mai 1976 a cassé, sur le pourvoi du prévenu Vermassen, le jugement du tribunal correctionnel de Tournai du 19 décembre 1975, en tant qu'il statuait sur l'action publique et sur les actions civiles exercées contre celui-ci ;
Attendu que la demanderesse, civilement responsable pour Vermassen, ne s'était pas pourvue contre ce jugement, mais que la cassation intervenue a rendu sans objet la décision la déclarant civilement responsable des condamnations aux dommages-intérêts prononcées contre le prévenu et la condamnant, en conséquence, solidairement avec lui, au payement de ces dommages-intérêts ;
Que, dès lors, le jugement attaqué n'a pu légalement décider que la demanderesse, parce qu'elle ne s'est pas
(1) Cass., 3 janvier 1977, supra, p. 472. (2) Cass., 15 septembre 1975 (Bull. et
Pas., 1976, I, 63). (3) Cass., 26 février 1973 (Bull. et Pas.,
1973, I, 597) ; 14 septembre 1976, supra, p. 44.
(4) Bull. et Pas., 1976, I, 950.
516 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
pourvue contre la décision du tribunal correctionnel de Tournai, reste tenue de ce payement ;
Que le moyen est fondé ; Et attendu que la demanderesse ne
pourrait être tenue d'indemniser les défendeurs que si le prévenu, son préposé, était déclaré responsable de l'accident ;
Qu'en l'absence de pourvoi dirigé contre Vermassen la décision du jugement attaqué que celui-ci n'a pas commis l'infraction qui lui était imputée est passée en force de chose jugée ;
Par ces motifs, casse le jugement attaqué, en tant que, par confirmation du jugement dont appel, il condamne la demanderesse à indemniser les défendeurs ; ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de la décision partiellement annulée ; condamne le défendeur aux frais, sauf à ceux de la notification du pourvoi au ministère public, lesquels resteront à charge de la demanderesse ; dit n'y avoir lieu à renvoi.
Du 10 janvier 1977. - 2° ch. - Prés. Baron Richard, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. Baron Vinçotte. - ConcZ. conf. M. Velu, avocat général. - Pl. M. J. Deramaix (du barreau de Tournai).
2e CH. - 11 janvier 1977.
JUGEMENTS ET ARRtTS. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - TÉMOIN. - PARTIE CIVILE ENTENDUE SOUS SERMENT A L'AUDIENCE. - POINT D'OPPOSITION. - PAS DE NULLITÉ.
L'audition de la partie civile sous serment à l'audience n'opère pas de nullité lorsque ni le ministère public ni le prévenu ne s'y sont opposés (1). (Code d'instr. crim., art. 156.)
(1) Cass., 31 janvier 1949 (Bull. et Pas., 1949, I, 96) ; cons. cass., 23 janvier 1961 (ibid., 1961, I, 548), 23 juin 1969 (ibid., 1969, 1, 983) et 5 janvier 1971 (ibid., 1971, I, 414).
(VAN HECKE, C. SOCIÉTÉ DE PERSONNES A RESPONSABILITÉ LIMITÉE « CRISTAL MONOPOLE».)
ARRi1:T (traduction).
LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 11 juin 1976 par la cour d'appel d'Anvers ;
1. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l'action publique :
Sur le premier moyen, pris de ce que la nommée Serneels Maria a été entendue comme témoin,
alors que cette personne est une gérante de la défenderesse qui s'était déjà constituée partie civile, et que le gérant s'identifie à la société de personnes à responsabilité limitée :
Attendu que l'audition de la partie civile sous serment n'opère aucune nullité, lorsque, comme en l'espèce, ni le prévenu ni le ministère public ne se sont opposés à ce qu'il y soit procédé ;
Que le moyen manque en droit ;
Et attendu que les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et que la décision est conforme à la loi ;
II. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l'action civile :
Attendu que l'arrêt se borne à allouer une indemnité provisionnelle à la défenderesse et à ordonner une expertise ; que pareille décision n'est pas définitive au sens de l'article 416 du Code d'instruction criminelle et ne statue pas sur une contestation de compétence ;
Que le pourvoi est, dès lors, prématuré et irrecevable ;
Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne le demandeur aux frais.
Du 11 janvier 1977. - 2• ch. - Prés. M. Wauters, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. Chevalier de Schaetzen. - Concl. conf. M. Lenaerts, avocat général.
COUR DE CASSATION 517
2° CH. - Il janvier 1977.
1 ° INFRACTION. - CAUSE DE JUSTIFICATION. - ERREUR INVINCIBLE. - APPRÉCIATION PAR LE JUGE DU FOND.
2° CASSATION. - COMPÉTENCE. - VIOLATION DE LA JURISPRUDENCE. - NE DONNE PAS OUVERTURE A UN RECOURS EN CASSATION.
1 ° Le juge du fond apprécie souverainement, en fait, l'existence d'une erreur invincible, invoquée comme cause de justification par le prévenu (1). (Code pénal, art. 71.)
2° La violation de la jurisprudence ne donne pas ouverture à un recours en cassation (2). (Code judic., art. 608.)
(GILLET, C. CROMANS.)
Arrêt conforme aux notices.
Du 11 janvier 1977. - 2° ch. - Prés. M. Wauters, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Delva. -Concl. conf. M. Lenaerts, avocat général. - Pl. M. A. Courhouts (du barreau de Hasselt).
2° CH. - Il janvier 1977.
POURVOI EN CASSATION. - DÉLAI. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - ACTION CIVILE. - DOMMAGE COMPRENANT DES ÉLÉMENTS DISTINCTS. - ARRi:T STATUANT DÉFINITIVEMENT SUR UN DES ÉLÉMENTS ET, POUR LE SURPLUS, ALLOUANT UNE INDEMNITÉ PROVISIONNELLE, ORDONNANT UNE MESURE D'INSTRUCTION ET DÉCLARANT QUE LA PROSÉCUTION DE LA CAUSE APPARTIENDRA AU PREMIER JUGE. - POINT DE CONTESTATION DE COMPÉTENCE. - POURVOI FORMÉ AVANT LA
(1) Cass., 30 novembre 1970 (Bull. et Pas., 1971, 1, 281) et 21 octobre 1975 (ibid .. 1976, 1, 231) ; cons. cass., 29 novembre 1976, supra, p. 355.
(2) Cass., 25 novembre 1975 (Bull. et Pas., 1976, 1, 385).
DÉCISION DÉFINITIVE. - POURVOI IRRECEVABLE.
Est irrecevable le pourvoi formé, avant la dé,cision définitive, contre un arrêt qui, sans trancher une contestation de compétence, statue définitivement sur un élément du dommage, alloue une indemnité provisionnelle pour les autres éléments, ordonne une mesure d'instruction et déclare que la prosécution de la cause appartiendra au premier juge (3). (Code d'instr. crim., art. 416.)
(DE SCHRIJVER, C. SOCIÉTÉ ANONYME « VANDE MEERSCHE GEBROEDERS EN ci•» ET CONSORTS.)
Arrêt conforme à la notice.
Du 11 janvier 1977. - 2• ch. - Prés. M. Wauters, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. Chevalier de Schaetzen. - Concl. conf. M. Lenaerts, avocat général.
2° CH. - Il janvier 1977.
LANGUES (EMPLOI DES). - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - RECOURS EN CASSATION. - MÉMOIRE RÉDIGÉ DANS UNE LANGUE AUTRE QUE CELLE DE LA DÉCISION ATTAQUÉE. - NULLITÉ.
Est nul le mémoire dépos~ à l'appui d'un pourvoi formé en matière répressive et qui est rédigé dans une langue autre que celle de la décision attaquée (4). (Loi du 15 juin 1935, articles 27 et 40.)
(COLLETTE.)
Arrêt conforme à la notice.
(3) Cass., 21 janvier 1975 (Bull. et Pas., 1975, 1, 523) ; cons. cass., 13 avril 1976 (ibid., 1976, I, 902).
(4) Cass., 17 octobre 1972 (Bull. et Pas., 1973, I, 174) ; cons. cass., 14 janvier 1975 (ibid., 1975, 1, 493).
518 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
Du 11 janvier 1977. - 2° ch. - Prés. M. Wauters, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Delva. -Concl. conf. M. Lenaerts, avocat général.
2• CH. - Il janvier 1977.
FRAIS ET DÉPENS. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - CONDAMNÉ APPELANT. -MINISTÈRE PUBLIC APPELANT CONTRE LUI ET CONTRE UN COPRÉVENU ACQUITTÉ. -CONFIRMATION PAR LE JUGE D'APPEL. -CONDAMNATION DU CONDAMNÉ A TOUS LES FRAIS D'APPEL. - ILLÉGALITÉ.
Lorsqu'un condamné appelle et que le ministère public appelle contre lui et contre un coprévenu acquitté, les frais relatifs à l'appel du ministère public contre ce dernier doivent, en cas de confirmation de l'acquittement, rester à charge de l'Etat (1). (Loi du 1er juin 1849, art. 3.)
(PROCUREUR DU ROI A HASSELT, C. NULENS J. ET C. ET ACHTEN.)
Arrêt conforme à la notice.
Du 11 janvier 1977. - 2° ch. - Prés. M. Wauters, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Versée. -Concl. conf. M. Lenaerts, avocat général.
2• CH. - Il janvier 1977.
1 ° MOTIFS DES JUGEMENTS ET ARR~TS. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. ACTION PUBLIQUE. - DÉCLARATION DE
(1) Cass., 24 mai 1976 (Bull. et Pas., 1976, I, 1008) ; cons. cass., 28 juin 1976 (ibid., 1976, I, 1183).
(2) Cass., 30 novembre 1976, supra, p. 356. (3) Cass., 19 octobre 1976, supra, p. 213.
CULPABILITÉ. - FAITS QUALIFIÉS DANS LES TERMES DE LA LOI ET DÉCLARÉS ÉTABLIS. - POINT DE CONCLUSIONS. - DÉCISION RÉGULIÈREMENT MOTIVÉE.
2° RESPONSABILITÉ (HORS CONTRAT). - RELATION DE CAUSE A EFFET ENTRE UNE FAUTE ET UN DOMMAGE. -APPRÉCIATION PAR LE JUGE DU FOND.
1 ° En l'absence de conclusions sur ce point, le juge motive régulièrement la déclaration de culpabilité du prévenu en constatant que les faits, qualifiés dans les termes de la loi, sont établis (2). (Constit., art. 97 .)
2° Le juge du fond apprécie souverainement, en fait, s'il existe ou non un lien de cause à effet entre une faute et un dommage (3). (Code civil, article 1382.)
(VAN CANNEGEM ET VAN MELKEBEKE, C. DE SMET.)
Arrêt conforme aux notices.
Du 11 janvier 1977. - 2• ch. - Prés. M. Wauters, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Soetaert. -Concl. conf. M. Lenaerts, avocat général. - Pl. M. R. De Troyer (du barreau d'Audenarde).
3• CH. - 12 janvier 1977.
1° POURVOI EN CASSATION. - FIN DE NON-RECEVOIR. - MATIÈRE CIVILE. - FIN DE NON-RECEVOIR EXAMINÉE D'OFFICE PAR LA COUR. - CODE JUDICIAIRE, ARTICLE 1097, ALINÉA 3. -NOTION.
2° POURVOI EN CASSATION. - DÉLAI. - MATIÈRE CIVILE. - RECOURS EN CASSATION CONTRE UNE DÉCISION D'AVANT DIRE DROIT. - RECOURS OUVERT APRÈS LA DÉCISION DÉFINITIVE. -CODE JUDICIAIRE, ARTICLE 1077. - DÉCISION D'AVANT DIRE DROIT. - NOTION.
1 ° Lorsque la Cour entend examiner d'office une fin de non-recevoir, elle
COUR DE CASSATION 519
ordonne la remise de la cause (1). (Code judic., art. 1097, alinéa 3.)
2° Est irrecevable le pourvoi formé en matière civile, avant la décision définitive, contre un arrêt qui, avant dire droit, ordonne une mesure d'instruction, même s'il avait été indiqué devant le juge du fond qu'une des parties à l'égard desquelles il statue n'était pas à la cause (2). (Code judic., art. 19 et 1077.)
(SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE « LA PRÉVOYANCE SOCIALE » ET CAISSE COMMUNE D' ASSU
RANCES CONTRE LES ACCIDENTS DU TRAVAIL « LA PRÉVOYANCE SOCIALE», C. CO
MONTS.)
ARRÊT.
LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 2 octobre 1975 par la cour du travail de Liège ;
Sur la fin de non-recevoir examinée d'office, conformément à l'article 1097, alinéa 3, du Code judiciaire :
Attendu qu'il ressort des pièces de la procédure que, tant dans la citation introductive d'instance que dans son acte d'appel, le défendeur a qualifié la demanderesse La Prévoyance sociale de société coopérative ;
Que l'arrêt reprend cette dénomination dans l'indication des parties en cause;
(1) A l'audience du 8 décembre 1976, à laquelle la cause avait été originairement fixée, le président du siège fit connaître à l'avocat de la demanderesse, présent à la barre, que la Cour entendait examiner d'office si le pourvoi ne devait pas être déclaré irrecevable par application de l'article 1077 du Code judiciaire.
(2) Cons. cass., 4 avril 1975 et la note (Bull. et Pas., 1975, I, 769).
(3) Le ministère public avait conclu à la recevabilité du pourvoi et au fondement de la première branche du moyen.
Suivant son interprétation, l'arrêt attaqué contenait deux dispositifs ; l'un, non définitif, ordonnant une expertise, l'autre, définitif sur une question en litige, et donc susceptible, lui, d'un pourvoi immédiat.
« La Prévoyance sociale, caisse commune d'assurances contre les accidents du travail » et non la demanderesse - Société coopérative La Prévoyance sociale -avait, à son estime, allégué, en conclusions,
Attendu, cependant, que les conclusions prises devant la cour du travail portent « pour La Prévoyance sociale, caisse commune d'assurances contre les accidents du travail», et indiquent que celle-ci est défenderesse originaire et intimée;
Attendu que l'arrêt ne contient aucune décision sur l'identité des parties ;
Qu'après avoir déclaré l'appel recevable, décision contre laquelle aucun grief n'est formulé, l'arrêt se borne à ordonner une expertise ;
Que cette décision est d'avant dire droit;
Attendu qu'en vertu de l'article 1077 du Code judiciaire le recours en cassation contre pareille décision n'est ouvert qu'après le jugement définitif ;
Que le pourvoi n'est donc pas recevable;
Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne la première demanderesse aux dépens.
Du 12 janvier 1977. - 3° ch. - Prés. M. Polet, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Meeùs. Concl. contr. (3) M. Dumon, premier avocat général. - Pl. M. Houtekier.
devant le juge d'appel que c'était elle, et non la demanderesse, qui, contrairement à ce qui ressortait de l'acte d'appel, devait être à la cause en qualité d'intimée. L'arrêt attaqué ordonne néanmoins une mesure à l'égard de la demanderesse, décidant ainsi que c'était elle et non une autre personne morale qui était à la cause en qualité d'intimée. Le ministère public était d'avis que cette décision, contre laquelle la demanderesse s'était pourvue, était définitive au sens de l'article 19 du Code judiciaire et que, dès lors, ce pourvoi était immédiatement recevable.
Examinant le moyen, il avait conclu à l'accueil de sa première branche, l'arrêt attaqué ayant violé la foi due aux conclusions de la partie intimée en énonçant que celles-ci avaient été prises par la demanderesse et non par la « Prévoyance sociale, caisse commune d'assurances contre les accidents du travail».
520 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
3e CH. - 12 janvier 1977.
1 ° CONTRAT DE TRAVAIL. - EMPLOYÉS. - CLAUSE STIPULANT QUE LE MARIAGE MET FIN AU CONTRAT. - LOIS COORDONNÉES RELATIVES AU CONTRAT D'EMPLOI, COMPLÉTÉES PAR CELLE DU 21 NOVEMBRE 1969, ARTICLE 2lbis. NULLITÉ. - DISPOSITION LÉGALE NE FAISANT AUCUNE DISTINCTION.
2° CONTRAT DE TRAVAIL. - EMPLOYÉS. - MEMBRE DE L'ENSEIGNEMENT LIBRE. - CLAUSE DU CONTRAT STIPULANT QUE LE CONTRAT SERA RÉSILIÉ DE PLEIN DROIT ET SANS INDEMNITÉ LORSQUE LEDIT MEMBRE SE TROUVE, EN RAISON D'UN MARIAGE OU D'UN REMARIAGE, DANS UNE SITUATION INCOMPATIBLE AVEC LES LOIS ET LA MORALE CONFESSIONNELLES AUXQUELLES ADHÈRE LEDIT ENSEIGNEMENT LIBRE. - LOIS COORDONNÉES RELATIVES AU CONTRAT D'EMPLOI, ARTICLE 2lbis. - NULLITÉ. - NOTION.
3° CONTRAT DE TRAVAIL. - EMPLOYÉS. - MARIAGE DE L'EMPLOYÉ. -FAIT NE POUVANT LÉGALEMENT CONSTITUER, EN SOI, UN « MOTIF GRAVE» AU SENS DE L'ARTICLE 18 DES LOIS COORDONNÉES RELATIVES AU CONTRAT D'EMPLOI, AUTORISANT L'EMPLOYEUR A METTRE IMMÉDIATEMENT FIN AU CONTRAT, SANS PRÉAVIS OU SANS INDEMNITÉ.
4° PREUVE. - PREUVE LITTÉRALE. -FOI DUE AUX ACTES. - NOTION.
5° MOTIFS DES JUGEMENTS ET ARRiTS. - MOTIVATION DES JUGEMENTS ET ARRÊTS. - CONSTITUTION, ARTICLE 97. - NOTION.
1 ° Aux termes de l'article 21bis des lois relatives au contrat d'emploi coordonnées le 20 juillet 1955, inséré dans ces lois par celle du 21 novembre 1969, sont nulles les clauses stipulant que, notamment, le mariage met fin au contrat; cette disposition légale impérative ne fait aucune distinction entre les clauses stipulant que le ma-
(1) et (2) Cass., 8 décembre 1976 et les conclusions du ministère public, supra, p. 394.
(3) Cons. les conclusions du ministère public citées à la note précédente et celles précédant le présent arrêt, publiées à la date de celui-ci dans Arr. cass., 1977.
riage de l'employé met fin au contrat (1).
2° Le juge décide légalement, par application de l'article 21bis des lois relatives au contrat d'emploi, coordonnées le 20 juillet 1955 et complétées notamment par la loi du 21 novembre 1969, qu'est nulle, en tant qu'elle vise le mariage ou le remariage de l'employé - spécialement un enseignant -, la clause du contrat d'emploi stipulant que le contrat est résilié de plein droit et sans indemnité « dès que le membre du personnel se trouve dans une situation personnelle ou matrimoniale incompatible avec les lois de la morale chrétienne ou violant gravement les lois de l'Eglise catholique ou dès qu'il défend des idées contraires à la doctrine catholique » (2).
3° L'article 21bis des lois coordonnées relatives au contrat d'emploi disposant de manière impérative que sont nuUes les clauses du contrat stipulant que le mariage de l'employé met fin au contrat, le mariage ne saurait constituer, en soi, un « motif grave» au sens de l'article 18 desdites lois coordonnées, autorisant l'employeur à mettre immédiatement fin au contrat sans préavis ou sans indemnité (3).
4° et 5° Le juge du fond ne saurait violer ni la foi due aux conclusions ni la prescription de forme de l'article 97 de la Constitution par le seul fait qu'il considère que les conclusions d'une partie n'ont pas répondu de manière pertinente à un moyen invoqué devant lui par l'autre partie et ne l'ont pas non plus réfuté.
(ASSOCIATION SANS BUT LUCRATIF « SINT-CALASANZ INSTITUUT », C. DILLEN.)
ARRÊT (traduction).
LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 23 décembre 1974 par la cour du travail de Bruxelles ;
Sur le deuxième moyen, pris de la violation des articles 2lbis, inseré par la loi du 21 novembre 1969 dans les lois relatives au contrat d'emploi coordonnées par l'arrêté royal du 20 juillet
COUR DE CASSATION 521
1955, 1319, 1320 et 1322 du Code civil,
en ce que, après avoir à juste titre admis que peut être stipulée une condition résolutoire, confirmée dans un contrat de travail, que cette condition résolutoire ne doit pas être de nature à constituer un motif grave au sens de l'article 18 des lois relatives au contrat d'emploi et enfin que le statut des éducateurs chrétiens et le règlement général du personnel des écoles primaires et gardiennes catholiques auxquelles se réfère le contrat de travail conclu entre parties font indiscutablement partie de ce contrat et sont, dès lors, applicables, notamment la stipulation invoquée par l_a ?-emander~sse, à savoir l'article 31, almea 4, du reglement général, se trouvant sous la rubrique « Résolution de l'engagement » et rédigé comme suit : « en application de l'article 2 du présent règlement, le contrat d'engagement est résilié de plein droit et sans indemnité : 4. dès que le membre du personnel se trouve dans une situation personnelle ou matrimoniale incompatible avec la loi morale chrétienne ou violant gravement les lois de l'Eglise catholique, ou dès qu'il défend des idées contraires à la doctrine catholique », et après avoir aussi admis que cette clause doit être considérée comme une convention régulière entre parties, l'arrêt décide toutefois que « ladite clause est contraire à l'article 2lbis précité dans la mesure où elle aurait fait du mariage avec le sieur Van S. ou d'une certaine catégorie de mariages la réalisation de la condition résolutoire »,
alors que l'article 21bis inséré par la loi du 21 novembre 1969 dans les lois relatives au contrat d'emploi, coordonnées par l'arrêté royal du 20 juillet 1955, ne vise pas le mariage par lequel un membre du personnel se met dans une situation personnelle ou matrimoniale incompatible avec les lois morales chrétiennes ou violant gravement les lois de l'Eglise catholique :
Attendu que le moyen ne précise pas en quoi l'arrêt viole les dispositions citées du Code civil ;
Qu'à cet égard il est irrecevable ; Attendu que l'arrêt constate que le
10 juillet 1971 la défenderesse s'était mariée avec une personne divorcée et que par lettre recommandée du 12 juillet 1971 la demanderesse avait informé
la défenderesse de la cessation immédiate du contrat par application de l'article 31, 1•r, 4, du « règlement génér~ du personnel ... », parce que la condition résolutoire qui y était prévue était réalisée;
Attendu que l'article 21bis cité au moyen déclare nulles les clauses prévoyant que le mariage du travailleur met fin au contrat ;
Attendu que cette prescription constitue une disposition légale impérative ; que, par ailleurs, cette dispositi?n ne fait aucune distinction entre les différentes clauses stipulant que le mariage de l'employé met fin au contrat ;
Que l'article 21bis a, dès lors, une portée générale ;
Attendu que l'arrêt décide légalement que la clause invoquée par la demanderesse pour mettre immédiatement fin au contrat « est contraire à l'article 21bis, précité dans la mesure où elle aurait fait du mariage avec le sieur Van S... ou d'une certaine catégorie de mariages la réalisation de la condition résolutoire » ;
Que sur ce dernier point le moyen manque en droit ;
Sur le troisième moyen, pris de la violation des articles 18 des lois relatives au contrat d'emploi, coordonnées par l'arrêté royal du 20 juillet 1955 et modifiées par la loi du 21 novembre 1969, 8, 9, 12 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme du 4 novembre 1950, approuvée par la loi du 13 mai 1955, et 97 de la Constitution,
en ce que, en réponse à l'argumentation de la demanderesse qu'en tout cas la situation dans laquelle la défenderesse s'est placée doit être considérée comme une faute grave et que dans le fond et la forme les dispositions légales ont été observées en l'espèce, l'arrêt considère que cette situation doit être appréciée tant d'après la ,nature particulière de la convention précisée ci-dessus qu'à la lumière des articles 8, 9 et 12 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 et approuvée par la loi du 13 mai 1955 ; que ces dispositions garantissent le droit de chacun au respect de sa vie privée et matrimoniale, le droit de changer de conviction et le droit de se marier selon les lois nationales ; que l'exercice de
522 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
ces libertés et droits fondamentaux ne peut en soi constituer ni une faute ou un abus, ni un motif grave permettant de mettre fin au contrat sans préavis ou sans indemnité ; qu'il est vrai que la défenderesse est tenue, ensuite de la nature propre du contrat, au respect des convictions de la demanderesse, comme la demanderesse doit respecter aussi celles de la défenderesse, afin que ni l'enseignement chrétien donné à des enfants chrétiens ni les libertés et droits fondamentaux de l'homme ne soient compromis,
alors que l'article 18 des lois relatives au contrat d'emploi autorisait la demanderesse à mettre fin au contrat pour motifs graves et qu'il faut considérer comme une faute grave que, contrairement à l'engagement contracté par elle, la défenderesse s'est placée dans une situation matrimoniale incompatible avec la loi moi-ale chrétienne et violant gravement les lois de l'Eglise catholique ; que ni l'article 8, ni l'article 9, ni l'article 12 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme du 4 novembre 1950, approuvée par la loi du 13 mai 1955, n'ont été violés par la libre acceptation de l'obligation de ne pas se placer dans une situation personnelle ou matrimoniale incompatible avec la loi morale chrétienne ou violant gravement les lois de l'Eglise catholique ;
Attendu que, dès lors qu'une disposition légale impérative déclare nulles les clauses stipulant que le mariage de l'employé met fin au contrat, le mariage ne peut nécessairement constituer, en soi, un « motif grave» au sens de l'article 18 des lois relatives au contrat d'emploi, qui autoriserait l'employeur à mettre immédiatement fin au contrat sans préavis ou sans indemnité;
Que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le premier moyen, pris de la violation des articles 1319, 1320, 1322 du Code civil et 97 de la Constitution,
en ce que, première branche, l'arrêt admet « que la condition résolutoire litigieuse n'a pas été imposée par le pouvoir organisateur, seul habilité d'après le statut », et « que les conditions de validité de la condition résolutoire prévues dans le statut n'ont pas été prises en considération »,
alors que il a été expressément sti-
pulé, dans une convention conclue entre parties le 1er septembre 1953 que la défenderesse déclare avoir pris connaissance du « règlement général des écoles catholiques de l'archevêché de Malines» et dans l'annexe du 1or septembre 1966, à l'article 1"' : « Madame Bruyninckx Bertha, Nonnestraat, 21, à Nijlen, agissant en sa qualité de représentante du pouvoir organisateur de l'école gardienne libre subventionnée située à Nijlen, Broechemsesteenweg, et Mademoiselle Dillen Julia ont pris connaissance du statut relatif à la stabilité de l'emploi et au régime disciplinaire du personnel enseignant et administratif laïque subventionné des établissements d'enseignement libre subventionné, fixés le 24 mars 1965 par la commission paritaire nationale supérieure de l'enseignement libre subventionné», et à l'article 2 : « Dillen Julia reconnaît avoir reçu un exemplaire de la brochure « Responsabilités et sta-tut des éducateurs chrétiens » et déclare accepter les conditions et obligations imposées dans ces documents »,
et en ce que, seconde branche, l'arrêt considère que la demanderesse n'aurait pas réfuté le moyen qui faisait valoir que la condition résolutoire litigieuse n'a pas été imposée par le pouvoir organisateur, seul habilité par le statut, et n'aurait même pas répondu à ce moyen,
alors que la demanderesse soutenait en conclusions que « c'est à tort (et sans que le moyen ne soit soulevé et sans que les débats ne soient rouverts) que le premier juge décide que le règlement général n'est pas un acte du pouvoir organisateur et ne peut en soi fixer des conditions et des obligations à l'égard des parties en cause » et y ajoutait « que ce raisonnement va à l'encontre des conceptions les plus élémentaires et les plus généralement admises dans le droit des obligations, que les parties ont écrit et signé en l'espèce qu'elles acceptaient les conditions (et donc aussi la condition résolutoire) et les obligations mentionnées dans la brochure (dénommée documents) et, dès lors, le statut et le règlement, que cela ne peut avoir qu'une seule signification, à savoir que les parties considèrent ces conditions comme étant reprises dans leur propre contrat » :
Quant à la première branche : Attendu qu'en cette branche le
COUR DE CASSATION 523
moyen ne précise ni quels sont l'acte ou les actes dont la foi aurait été violée ni en quoi consisterait la violation de l'article 97 de la Constitution ;
Qu'en cette branche le moyen est irrecevable;
Quant à la seconde branche : Attendu que le juge ne viole ni la
foi due aux conclusions ni la prescription de forme de l'article 97 de la Constitution par le seul fait qu'il considère que des conclusions n'ont pas répondu de manière pertinente à un moyen soulevé devant lui et ne l'ont pas non plus réfuté;
Qu'en cette branche le moyen ne peut être accueilli ;
Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne la demanderesse aux dépens.
Du 12 janvier 1977. - 3° ch. - Prés. M. Naulaerts, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Van Leckwijck. - Concl. conf. (1) M. Dumon, premier avocat général. - Pl. MM. De Baeck et Bützler.
1'° CH. - 13 janvier 1977.
1 ° LOUAGE DE CHOSES. - BAUX A FERME. - RESTITUTION DES FERMAGES DÉPASSANT LE COEFFICIENT AUTORISÉ PAR L'ARTICLE p,r DE LA LOI DU 26 JUILLET 1952 LIMITANT LES FERMAGES. -LIMITATION AUX FERMAGES ÉCHUS ET PAYÉS DES CINQ ANNÉES QUI PRÉCÈDENT LA DEMANDE. - LIMITATION NON APPLICABLE A L'ACTION EN RESTITUTION FONDÉE SUR UNE FRAUDE A LA LOI COMMISE DANS L'INTENTION D'ÉLUDER LES DISPOSITIONS DE LA LOI DU 26 JUILLET 1952.
2° LOIS ET ARR~TÉS. - LOIS DES
(I) Les conclusions du ministère public ont été publiées, à la date de l'arrêt, dans Arr. cass., 1977.
(2) Cons. le rapport complémentaire des commissions réunies de la justice et de l'agriculture, Doc. Sénat, 1959-1960, séance du 17 décembre 1959; cons. aussi cass., 6 décembre 1956 (Bull. et Pas., 1957, I, 361), et 8 décembre 1966 (ibid., 1967, I, 434) et les conclusions de M. le procureur géné-
26 JUILLET 1952 ET 20 JANVIER 1961 LIMITANT LES FERMAGES, - LOIS IMPÉRATIVES.
3° ORDRE PUBLIC. - LOIS DES 26 JUILLET 1952 ET 20 JANVIER 1961 LIMITANT LES FERMAGES. LOIS N'ÉTANT PAS D'ORDRE PUBLIC.
1 ° Dans la mesure où ils dépassent le coefficient prévu à l'article 1101' de la loi du 26 juillet 1952 limitant les fermages, ces derniers doivent être restitués au preneur, à sa demande ; la limitat~on de cette restitution aux fermages échus et payés des cinq a~ nées qui précèdent la demande n'est pas applicable à la demande en restitution fondée sur une fraude à la loi commise dans l'intention d'éluder les dispositions de la loi du 26 juillet 1952 (2).
2° et 3° Les lois des 26 juillet 1952 et 20 janvier 1961 limitant les fermages ne sont pas d'ordre public mais sont impératives (3).
(LAMORT ET TOMC, C. MINET ET JACQUES.)
ARRÊT,
LA COUR ; - Vu le jugement attaqué, rendu le 1•r juillet 1975 par le tribunal de première instance de Charleroi, statuant en degré d'appel ;
Sur le premier moyen, pris de la violation des articles 3, spécialement alinéa 3, de la loi du 26 juillet 1952 limitant les fermages (remplacé par l'article 1•r de la loi du 20 janvier 1961), 2, § 2, contenu dans l'article III, et IV, 5°, de la loi du 4 novembre 1969 modifiant la législation sur le bail à ferme, 1131, 1235 et 1376 du Code civil,
en ce que, statuant sur la demande en restitution de fermages et d'un « chapeau », introduite par les défendeurs contre les demandeurs le 14 juillet
ral Hayoit de Termicourt précédant ces deux arrêts ; cass., 24 septembre 1976, supra, p. 101; Les Novelles, Droit civil, t. IV, Théorie générale des obligations, n° 1258.
(3) Cons. cass., 25 mai 1956 (Bull. et Pas., 1956, 1, 1023) et 27 juin 1975 (ibid., 1975, 1, 1049) ; DE PAGE, Traité élémentaire de droit civil belge, t. l•r, n° 91bis, et t. IV, n° 802.
524 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
1972, le jugement, après avoir déclaré « que, si la preuve est apportée d'une contre-lettre illicite au bail ostensible, contre-lettre qui peut être verbale, consistant en l'exigence et le versement d'un «chapeau» de 700.000 fr. et d'un supplément de fermage de 868.000 francs simultanément avec le bail authentique avenu le 21 avril 1966, la nullité de l'obligation devra être prononcée (article 1131 du Code civil) et seront sujettes à répétition les sommes versées indûment (articles 1376 et 1235 du Code civil) », dit fondé l'appel des défendeurs, qui avaient été déboutés de leur demande par le premier juge, « en ce qu'il tend, sur pied des articles 1131 et 1376 du Code civil, à admettre la preuve du fait ci-après libellé», et autorise avant dire droit les défendeurs à prouver, par toutes voies de droit, témoins compris, que préalablement à la conclusion du bail du 26 avril 1966 (lire 21 avril 1966) et avant toute signature, les bailleurs ont exigé et obtenu des preneurs le payement d'une somme totale de 1.568.000 fr. correspondant, d'une part, à une somme de 700.000 fr. due à titre de « chapeau» et, d'autre part, à une somme de 868.000 fr. constituant le payement en une seule fois et escompté d'un supplément de fermage annuel de 1.000 francs par hectare et 25.000 francs pour les bâtiments, calculé sur la durée du bail, soit 18 années »,
alors que, selon l'article 3, alinéa 3, de la loi du 26 juillet 1952, remplacé par l'article 1•r de la loi du 20 janvier 1961 et resté d'application en vertu des articles 2, § 2, contenu dans l'article III, et IV, 5°, de la loi du 4 novembre 1969, la restitution des fermages dans la mesure où ceux-ci dépassent le coefficient autorisé ne s'applique qu'aux fermages échus et payés des cinq dernières années qui précèdent la demande ; d'où il suit que, la demande ayant été introduite le 14 juillet 1972, le tribunal ne pouvait décider que l'ensemble desdits versements, prétendument faits le 21 avril 1966, serait sujet à répétition ou à restitution en vertu des articles cidessus cités du Code civil, si la preuve autorisée était apportée :
Attendu que l'article 3, alinéa 3, de la loi du 26 juillet 1952 limitant les fermages, modifié par la loi du 20 janvier 1961, disposait que : « Dans la mesure où ils dépassent le coefficient
prévu à l'article 1er, les fermages doivent être restitués au preneur, à sa demande. Cette restitution ne s'applique, toutefois, qu'aux fermages échus et payés des cinq années qui précèdent la demande, à l'exclusion de ceux qui ont été payés avant le 1"' janvier 1959 »;
Attendu que, après avoir précisé la portée de cette disposition, le rapport complémentaire fait au nom des commissions réunies de la justice et de l'agriculture du Sénat, le 17 décembre 1959, énonce : « Il n'est pas douteux que les règles de droit commun en matière de payement sans cause et de restitution de l'indû restent d'application et pourraient être invoquées à l'appui d'une demande en restitution de tout payement de fermage sous forme déguisée en vue d'éluder les dispositions de la loi du 26 juillet 1952, qui sont impératives»;
Attendu que la volonté des commissions réunies du Sénat, telle qu'elle ressort de ce texte, n'a pas été contredite au cours des travaux préparatoires ultérieurs; qu'il apparaît ainsi que le législateur a voulu que la disposition limitant à cinq années l'action en restitution qu'elle prévoit ne soit pas applicable à l'action en restitution fondée sur une fraude à la loi commise dans l'intention d'éluder les dispositions de la loi du 26 juillet 1952, qui sont impératives;
Attendu que, dès lors, en décidant que, si la fraude à la loi est prouvée, les fermages payés indûment seront sujets à répétition, sans limiter cette répétition au délai de cinq années prévu par l'article 3, alinéa 3, de la loi du 26 juillet 1952, modifié par la loi du 20 janvier 1961, le jugement n'a pas violé cette disposition ;
Que le moyen manque en droit ;
Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne les demandeurs aux dépens.
Du 13 janvier 1977. - ir• ch. - Prés. M. Perrichon, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Capelle. - Concl. conf. M. Ballet, avocat général. - PL MM. Fally et Bayart.
COUR DE CASSATION 525
ir• CH. - 13 janvier 1977.
1 ° LOUAGE DE CHOSES. - BAUX A FERME. - CONGÉ DONNÉ PAR LE BAILLEUR EN VUE D'EXPLOITER PERSONNELLEMENT LE BIEN. - CONSTATATION DE LA DÉCISION IMPLIQUANT QUE L'INTENTION MANIFESTÉE PAR LE BAILLEUR MANQUE DE SÉRIEUX. - DÉCISION DISANT LE CONGÉ NON VALABLE. - LÉGALITÉ.
2° MOTIFS DES JUGEMENTS ET ARRi!:TS. - MATIÈRE CIVILE. - CONCLUSIONS. - MOYEN DEVENU SANS PERTINENCE EN RAISON D'UNE CONSTATATION DU JUGE. - POINT D'OBLIGATION POUR LE JUGE DE RÉPONDRE A CE MOYEN.
1 ° Est légale la décision refusant la validation d'un congé donné par le bailleur d'un bien rural en vue d'exploiter personnellement ce bien, qui se fonde sur des constatations d'où le juge du fond à pu déduire que l'intention manifestée par le bailleur d'affecter le bien à une exploitation lucrative personnelle manque de sérieux (1).
2° Le juge n'est pas tenu de répondre à un moyen énoncé dans des conclusions, lorsque ce moyen est devenu sans pertinence en raison d'une constatation de sa décision (2).
(WATRY ET SCHOUWEILER, C. CONTER ET WANTZ.)
ARRÊ!T.
LA COUR ; - Vu le jugement attaqué, rendu le 16 décembre 1975 par le tribunal de première instance d'Arlon statuant en degré d'appel ; '
Sur le moyen pris de la violation des articles 1•r, 7, spécialement 1 °, 8, 9, 10 de la section III du livre III, titre VIII, chapitre II, du Code civil, intitulée « Des règles particulières aux baux à ferme», telle que modifiée par la loi du 4 novembre 1969 modifiant la législation sur le bail à ferme et sur le droit de préemption en faveur des
(1) Cons. cass., 19 avril 1974 (Bull. et Pas., 1974, 1, 838), 11 décembre 1975 (ibid 1976, 1, 453), 1•r et 15 octobre 1976, suprd; p. 137 et 201.
(2) Cass., 17 décembre 1975 (Bull. et Pas., 1976, 1, 468).
' preneurs de biens ruraux, 1134, 1762 du Code civil et 97 de la Constitution,
en ce que le jugement attaqué, réformant la décision dont appel, dit non valable le congé signifié par les demandeurs aux défendeurs le 8 mai 1973 sur la base de l'article 7, 1 °, contenu dans l'article I•r de la loi du 4 novembre 1969 sur le bail à ferme, sans même examiner le caractère sérieux et sincère de la justification invoquée, en l'espèce l'exploitation personnelle, en se fondant uniquement sur ce que celle-ci serait impossible à réaliser, aux deux motifs indissociables « que l'étendue du bien loué ne permet d'entretenir qu'un maigre cheptel d'ovins et que le travail des époux Watry à Luxembourg ne leur rend guère possible la surveillance et les soins nécessaires à un tel troupeau» ; qu'en effet « si l'étendue de la parcelle ( ... ) ne p~rmet pas à elle seule une véritable exploitation agricole à but lucratif et que cette parcelle n'est pas jointe à d'autres permettant une telle exploitation la loi n'autorise pas la validation dt_{ congé, surtout si en fait le bailleur ne prouve pas qu'il est à même d'assurer cette exploitation »,
alors que, première branche, ni l'article 7, 1 °, ni l'article 9, ni aucune autre disposition contenue dans l'article I•r de la loi sur le bail à ferme n'autorise à déduire le caractère inexploitable d'un bien loué de son étendue · qu'au contraire il ressort des travaux'. préparatoires de ladite loi que le régime du bail à ferme est indépendant de l'étendue du bien loué et que seule importe l'affectation agricole de celuici, l'exploitation pouvant d'ailleurs être exercée à titre principal comme à titre d'appoint, mais uniquement être conduite dans un esprit de lucre · que l'activité exercée à titre d'appoi~t ne d<;>it pa~, pour être légalement protégee, presenter un caractère objectivement viable mais seulement être cond~ite dans u1; esprit de lucre, et que, des lors, en disant le congé non valable parce que l'étendue de la parcelle ne permet pas à elle seule une véritable exploitation agricole, le jugement a méconnu la notion légale d'exploitation personnelle du bien loué (violation de toutes les dispositions visées au moyen);
deuxième branche, le jugement con-
526 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
state, d'une part, que « l'étendue de la parcelle contestée ne permet pas, à elle seule, une véritable exploitation agricole » et, d'autre part, que cette étendue « ne permet d'entretenir qu'un maigre cheptel d'ovins », que ces constatations sont contradictoires ou, à tout le moins, ambiguës dans la mesure où elles ne permettent pas de discerner si le jugement considère que le cheptel d'ovins susceptible d'être entretenu sur la parcelle peut ou non constituer l'exploitation personnelle requise par la loi ; d'où il suit que le jugement n'est pas régulièrement motivé (violation de l'article 97 de la Constitution) ;
troisième branche, les demandeurs faisaient valoir dans leurs conclusions d'appel qu'ils « sont propriétaires de la maison jouxtant la parcelle litigieuse d'une contenance de plus ou moins 70 ares et vont y transférer leur domicile ou résidence principale dès que les travaux de réfection seront terminés », que, pour que le congé soit légalement validé, il suffit qu'il soit constaté par le juge du fond qu'au moment où il statue les éléments de fait établissant la réalité du motif invoqué sont réunis, et que, dès lors, en se limitant à contredire un aspect de la thèse des demandeurs suivant laquelle leurs emplois et leur domicile à Luxembourg leur permettaient de surveiller une exploitation à Hondelange, le jugement ne donne aucune réponse adéquate à la défense susdite et n'est pas régulièrement motivé (violation de toutes les dispositions visées au moyen et plus spécialement de l'article 97 de la Constitution) :
Quant aux première et deuxième branches:
Attendu que, d'une part, le jugement relève à bon droit que, en vertu de l'article 9 contenu dans l'article I•' de la loi du 4 novembre 1969 établissant les règles particulières aux baux à ferme, la justification du congé donné par les demandeurs ne peut être que l'intention d'exploiter personnellement le bien loué ;
Que, d'autre part, à l'appui de sa décision le jugement constate que la parcelle litigieuse ne permettrait que l'exploitation d'un maigre cheptel ovin et que les demandeurs sont « occupés à Luxembourg, le mari comme chef de
chantier à Luxelec, l'épouse comme concierge à l'ambassade de Belgique », ce qui implique que, dans l'opinion souveraine du juge, l'intention manifestée par les demandeurs d'affecter le bien à une exploitation lucrative manque de sérieux;
Attendu que ces motifs, par ailleurs exempts de contradiction et d'ambiguïté, suffisent à justifier légalement la décision attaquée;
Quant à la troisième branche : Attendu que, en constatant que les
demandeurs ont à Luxembourg les occupations précisées dans la réponse aux deux premières branches du moyen, le jugement constate de manière implicite mais certaine que, lors même qu'ils fixeraient « leur domicile ou résidence principale » dans l'habitation leur appartenant, jouxtant la parcelle, les demandeurs ne pourraient exploiter personnellement le bien, faute de pouvoir donner les soins nécessaires au cheptel et exercer la surveillance de l'exploitation, en raison de leurs absences à Luxembourg ;
Que, partant, le juge n'était pas tenu de répondre spécialement aux conclusions invoquées dans le moyen ;
Qu'en aucune de ses branches le moyen ne peut être accueilli ;
Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne les demandeurs aux dépens.
Du 13 janvier 1977. - F 0 ch. - Prés. M. Perrichon, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Capelle. - Concl. conf. M. Ballet, avocat général. - PL MM. L. Simont et Bayart.
1re CH. - 14 janvier 1977.
CONVENTION. CONVENTION VER-BALE. - CONVENTION COMPRENANT PLUSIEURS POINTS. - NUMÉROTATION DES
DITS POINTS. - NUMÉROTATION NON INCONCILIABLE AVEC LE CARACTÈRE VERBAL DE LA CONVENTION.
Une convention verbale peut comprendre plusieurs points et ces pointi:
COUR DE CASSATION 527
peuvent faire l'objet d'une numérotation.
(VAN NIEUWENHUYZE, C. BAERT ET FARCY.)
ARRÊT (traduction).
LA COUR ; - Vu le jugement attaqué, rendu le 8 octobre 1975 par le tribunal de première instance de Bruges, statuant en degré d'appel ;
Sur le premier moyen, pris de la violation des articles 1322, 1714, 1717 du Code civil, 10 contenu dans la loi du 10 avril 1951 sur les baux commerciaux, en vue de la protection du fonds de commerce, formant la section !Ibis du chapitre II du titre VIII du livre III du même code, et 97 de la Constitution,
en ce que le jugement déclare nulle la cession de bail faite par la demanderesse au défendeur, prononce à charge de la demanderesse la résiliation du bail conclu entre elle et la défenderesse, propriétaire, condamne la demanderesse à payer à la défenderesse la somme de 24.000 francs et au défendeur la somme de 300.000 francs et ordonne une visite des lieux pour fixer à charge de la demanderesse les dégâts locatifs, aux motifs qu'il ressort de la convention de bail conclue verbalement le 1er novembre 1970 que la défenderesse avait donné en location à la demanderesse le café « Palermo », situé à Ruddervoorde, « Kortrijkse steenweg », 41, moyennant un loyer mensuel de 8.000 francs et qu'en vertu de l'article 7 de cette convention il est interdit de sous-louer et de céder le bail, si ce n'est dans le cas et de la manière prévus à l'article 10 de la législation sur les baux commerciaux,
alors que, première branche, les motifs du jugement, qui, d'une part, font état d'une convention de bail conclue verbalement et, d'autre part, renvoient à l'article 7 de cette convention, sont obscurs et ambigus ; que la subdivision d'une convention en articles suppose en effet un écrit ; que la régularité de la décision ne peut, dès lors, être examinée (violation des articles 97 de la Constitution, 1322 et 1714 du Code civil) ;
seconde branche, il est, dès lors, impossible de constater si la demande-
resse était ou non tenue par l'interdiction de sous-location et de cession de bail, objet de l'article 7 écrit de la convention de bail conclue verbalement (violation des articles 1717 du Code civil, 10 contenu dans la loi du 30 avril 1951 et 97 de la Constitution) :
Attendu que même une convention verbale peut comprendre plusieurs points et que ces points peuvent faire l'objet d'une numérotation ;
Attendu que le jugement dont appel, qui à cet égard n'a été attaqué par la demanderesse ni dans sa requête d'appel ni dans ses conclusions, constate que la convention a été conclue verbalement entre la demanderesse et la défenderesse et stipule, sous le numéro 7, ce qui suit : « Il est interdit de souslouer et de céder le bail autrement que dans le cas et de la manière prévus à l'article 10 de la loi sur les baux commerciaux»;
Attendu que, même s'il fait mention de « l'article 7 » de la convention, en vertu duquel « il est interdit de souslouer et de céder le bail autrement que dans le cas et de la manière prévus à l'article 10 de la législation sur les baux commerciaux », le jugement attaqué vise ainsi clairement le point 7 précité et non contesté de la convention;
Que ce motif, qui n'est ni obscur ni ambigu, indique en outre que, dans l'opinion du juge, la demanderesse était tenue de respecter la stipulation précitée ; que le moyen manque en fait;
Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne la demanderesse aux dépens.
Du 14 janvier 1977. - F 0 ch. - Prés. M. de Vreese, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Châtel. - Concl. conf. M. Charles, avocat général. - Pl. M. Houtekier.
528 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
ir• CH. - 14 janvier 1977.
PREUVE. - PREUVE LITTÉRALE. - FOI DUE AUX ACTES. - MATIÈRE CIVILE. -TESTAMENTS. - INTERPRÉTATION PAR LE JUGE D'UNE DISPOSITION TESTAMENTAIRE LITIGIEUSE. - INTERPRÉTATION MOTIVÉE ET COMPATIBLE AVEC LES TERMES DE L'ACTE. - POINT DE VIOLATION DE LA FOI DUE AUX ACTES.
Ne viole pas la foi due à une disposition testamentaire le juge du fond qui pour attribuer au testament son eff~t légal, prend en considération le texte intégral de cette disposition, sans addition ni omission, en corrigeant uniquement l'erreur matérielle relative à la ponctuation séparant les deux membres de phrase constituant la disposition, le second membre précisant le premier (1).
(VAN REYBROUCK ET CONSORTS, C. DEBAENE E. ET H.)
ARRÊT (traduction).
LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 30 juin 1975 par la cour d'appel d'Anvers ;
Sur le moyen pris de la violation des articles 967, 1039, 1044, 1045, 1157, 1319, 1320, 1322, 1349, 1350, 1352, 1353 du Code civil et 97 de la Constitution,
en ce que l'arrêt déclare non fondée la demande des demandeurs tendant à faire reconnaître leur qualité de légataires universels de feu Rosalie Verdaet, aux motifs : que le texte litigieux du testament de la de cujus énonce ce qui suit : « ... pour le reste, mes autres biens iront à la famille Debaene. Frères et sœurs de mon époux décédé, Jules Franciscus Debaene ... » ; que, lorsque des termes plus et moins généraux se succèdent, les derniers doivent être considérés, grammaticalement et d'après l'usage commun, comme une définition supplémentaire et, dès lors, comme une restriction des premiers, tandis qu'en l'espèce il est sans intérêt de savoir si les uns et les autres sont séparés erro-
(1) Cons. cass., 30 novembre 1972 (Bull. et Pas., 1973, I, 309).
nément par un point au lieu d'une virgule ; que cette succession d~s~its termes loin de créer une contrad1ct10n entre ~ux constitue une explication ou une précision ; que ce texte est, dès lors clair en lui-même, ne requiert aucun~ interprétation et ne peut être compris que signifiant : la famille Debaene, limitée aux frères et sœurs de mon époux décédé ; que les intentions tacites que les demandeurs attribuent à la de cujus ne sont pas de nature à justifier des ajoutés à la volonté clairement exprimée ; que le texte compris dans son sens littéral doit être apprécié en fonction des circonstances existant au moment de sa rédaction et qu'à ce moment il y avait des sœurs en vie ; que le fait qu'après le décès de ses sœurs Clara, Mathilde et Bertha la testatrice n'ait pas modifié son testament où figure le mot « sœurs » peut aussi bien confirmer qu'elle entendait par là que la disposition de l'article 1039 du Code civil sortît ses effets,
alors que, première branche, l'arrêt, d'une part, considère que le texte est en lui-même clair et ne requiert aucune interprétation, et, d'autre part, attribue au point entre « Debaene » et « Frères » la valeur d'une virgule et fait appel à la règle grammaticale relative aux dispositions supplémentaires pour donner aux termes « frères et sœurs » une signification restrictive ; que ces motifs sont contradictoires et ambigus (violation de l'article 97 de la Constitution) ;
deuxième branche, sous prétexte de la clarté du testament l'arrêt, en réalité, y attache une signification littérale obtenue par l'interprétation grammaticale et celle des signes de ponctuation et fait prévaloir cette signification sur l'interprétation des intentions réelles de la testatrice, proposée par les demandeurs et fondée sur des éléments qui ont précédé, accompagné ou suivi le testament, dont ils ont offert d'apporter la preuve, offre qui fut rejetée_ à tort en raison du texte prétendument clair du testament (violation des articles 967, 1039 1044, 1045, 1157, 1319, 1320, 1322, 1349: 1350, 1352, 1353 du Code civil) ;
troisième branche, les motifs contradictoires et les raisonnements ambigus de l'arrêt relatifs à l'interprétation du testament ne permettent pas de vérifier si les intentions de la testatrice, telles
COUR DE CASSATION 529
qu'elles sont interprétées par l'arrêt, correspondent à ses intentions réelles (violation des articles 97 de la Constitution, 967, 1319, 1320 et 1322 du Code civil) :
Attendu que la disposition litigieuse du testament énonce ce qui suit « Pour le reste, mes autres biens iront à la famille Debaene. Frère et sœurs de mon époux décédé, Jules Franciscus Debaene »;
Attendu qu'après avoir considéré que « lorsque des termes plus généraux et moins généraux se succèdent, les derniers doivent être entendus, grammaticalement et d'après l'usage commun, comme une définition supplémentaire et, dès lors, comme une restriction des premiers» et « qu'il est sans intérêt en l'espèce de savoir si les uns et les autres », c'est-à-dire les termes successifs, « sont séparés erronément par un point au lieu d'une virgule», l'arrêt en déduit « que, loin de créer une contradiction entre eux, cette succession constitue une explication ou une précision», de sorte que le texte litigieux est en lui-même clair, ne requiert aucune interprétation et ne peut être compris que signifiant : la famille Debaene, limitée aux frère et sœurs de l'époux décédé de la testatrice» ;
Attendu que, pour considérer qu'il est sans intérêt de savoir si les parties de phrase sont séparées par un point ou une virgule, l'arrêt examine la disposition testamentaire litigieuse dans son ensemble, sans addition ni omission, mais uniquement en corrigeant l'erreur matérielle relative à la ponctuation employée ; qu'il a pu considérer, dès lors, sans contradiction ni ambiguïté, que la disposition est en elle-même claire et ne requiert aucune interprétation ;
Attendu que, pour attribuer au testament son effet légal, l'arrêt prend en considération le texte intégral de la disposition testamentaire litigieuse, c'està-dire tant le premier que le second membre de phrase, celui-ci précisant celui-là, et rejette l'interprétation invoquée par les demandeurs, en la déclarant, étant donné la clarté de l'intégralité du texte, inconciliable avec celui-ci ;
Qu'il justifie ainsi légalement sa décision, sans violer les ·dispositions légales invoquées au moyen ;
Attendu que, puisqu'il ressort de ce
qui précède qu'il ne se fonde sur des motifs ni contradictoires ni ambigus et qu'il ne donne pas du testament une interprétation inconciliable avec ses termes, l'arrêt attribue à l'intention réelle de la testatrice tous ses effets ;
Que le moyen ne peut être accueilli ;
Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne les demandeurs aux dépens.
Du 14 janvier 1977. - F• ch. - Prés. M. de Vreese, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Van Leckwijck. - Cond. conf. M. Charles, avocat général. - Pl. MM. Houtekier et Bützler.
2• CH. - 17 janvier 1977.
1 ° RECEL. - CONNAISSANCE DE L'ORIGINE ILLICITE DE L'OBJET. - APPRÉCIATION PAR LE JUGE DU FOND.
2° RESPONSABILITÉ (HORS CONTRAT). - ETENDUE DU DOMMAGE. -MONTANT DE L'INDEMNITÉ. - APPRÉCIATION PAR LE JUGE DU FOND.
1 ° Le juge du fond apprécie souverainement, en fait, si le prévenu, poursuivi du chef de recel, avait, au moment où il a reçu l'objet obtenu à l'aide d'un crime ou d'un délit commis par un tiers, connaissance de l'origine illicite de cet objet (1). (Code pénal, art. 505.)
2° Le juge du fond apprécie souverainement, en fait, l'étendue du dommage causé par un fait illicite et le montant de l'indemnité destinée à le réparer intégralement (2). (Code civil, art. 1382 et 1383.)
(1) Cons. cass., 3 novembre 1975 (Bull. et Pas., 1976, I, 283) et 21 décembre 1976, et la note 1, signée E.K., supra, p. 448.
(2) Cass.. 1er juin 1976 (Bull. et Pas., 1976, I, 1046).
530 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
(HENSMANS A. ET R., C. SOCIÉTÉ DE PER-SONNES A RESPONSABILITÉ LIMITÉE « BRASSERIE HAELTERMAN ».)
Arrêt conforme aux notices.
Du 17 janvier 1977. - 2° ch. - Prés. Baron Richard, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. Baron Vinçotte. - Concl. conf. M. Velu, avocat général. - Pl. M. Veldekens (du barreau de Bruxelles).
2° CH. - 17 janvier 1977.
ROULAGE. - CODE DE LA ROUTE, ARTI
CLE 27-1. - OBSTACLE PRÉVISIBLE OU IMPRÉVISIBLE. - APPRÉCIATION PAR LE JUGE DU FOND.
Le juge du fond apprécie souverainement, en fait, d'après les éléments de la cause, si un obstacle était ou non imprévisible pour un conducteur (1). (Code de la route, art. 27-1.)
(DE FABRIQUE SAINT TOURS ET CONSORTS, C. DE MARNIX DE SAINTE ALDEGONDE ET CONSORTS.)
Arrêt conforme à la notice.
Du 17 janvier 1977. - 2° ch. - Prés. Baron Richard, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Screvens. - Concl. conf. M. Velu, avocat général. - Pl. MM. Dassesse, A. De Bruyn et L. Simont.
(1) Cass., 15 juin 1976 (Bull. et Pas., 1976, I, 1116).
(2) Cass., 4 novembre 1975 (Bull. et Pas., 1976, I, 295).
(3) Cass., 21 avril 1975 (Bull. et Pas., 1975, I, 834).
(4) Il apparaît des travaux préparatoires de la loi que les auteurs de la proposition de loi ont surtout voulu faire obstacle à des cassations pour irrégularité du serment (Doc. parlem., Sénat, session 1974-1975, no 426, no• 1 et 2). C'est
2° CH. - 17 janvier 1977.
1 ° JUGEMENTS ET ARRÉ';TS. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - TÉMOINS. -OBLIGATION DE PRÊTER SERMENT SAUF DANS LES CAS LIMITATIVEMENT INDI
QUÉS PAR LA LOI.
2° JUGEMENTS ET ARR~TS. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - JUGEMENT DU
TRIBUNAL DE POLICE NUL EN RAISON DE L'AUDITION IRRÉGULIÈRE D'UN TÉMOIN. - TRIBUNAL CORRECTIONNEL N'AYANT
PAS ÉCARTÉ CE TÉMOIGNAGE. - NULLITÉ DU JUGEMENT RENDU SUR L'APPEL.
3° LOIS ET ARRtTÉS. - MATIÈRE RÉ
PRESSIVE. - APPLICATION DANS LE TEMPS. - LOI DU 22 JUIN 1976 CON
CERNANT LE SERMENT EN MATIÈRE PÉNALE. - PAS DE RÉTROACTIVITÉ.
1 ° Les témoins entendus par une juridiction répressive doivent, à peine de nullité, prêter le serment prescrit par la loi, sauf dans les cas limitativement indiqués par celle-ci (2). (Code d'instr. crim., art. 155, 189 et 317.)
2° Lorsqu'un jugement du tribunal de police est nul en raison de l'audition sans serment d'un témoin, le jugement rendu sur l'appel, qui s'approprie cette nullité en n'écartant pas la déposition illégalement reçue, est nul même s'il réforme le jugement dont appel (3). (Code d'instr. crim., article 155.)
3° Seuls les jugements rendus après l'entrée en vigueur de la loi du 22 juin 1976 concernant le serment en matière pénale peuvent avoir l'effet nouveau que celle-ci leur attribue (4). (Solution implicite.)
ce qui sans doute explique l'insertion peu logique du texte nouveau dans l'article 407 du Code d'instruction criminelle, alors que cette nouvelle disposition s'impose non seulement à la Cour mais aussi à la juridiction d'appel et même au premier juge qui aurait déjà rendu un jugement ordonnant une mesure d'instruction.
La portée de la loi est uniquement de décider que tout jugement contradictoire ayant les caractères qu'elle indique couvre la nullité résultant d'une irrégularité
COUR DE CASSATION 531
(BOUVIER ET SOCIÉTÉ ANONYME « ÉTABLISSEMENTS SMIT-JUPRELLE », C. DEFROID
MONT ET CONSORTS.)
ARRÊT.
LA COUR ; - Vu le jugement attaqué, rendu le 10 mai 1976 par le tribunal correctionnel de Liège, statuant en degré d'appel ;
A. Sur les pourvois de Thierry Bouvier, prévenu, et de la société anonyme Smit-Juprelle, civilement responsable pour celui-ci :
I. En tant que le pourvoi de chacun des demandeurs est dirigé contre les décisions rendues sur l'action exercée par le ministère public,
a) contre l'autre demandeur et contre Maryse Defroidmont, coprévenue :
Attendu que les demandeurs sont sans qualité pour se pourvoir contre ces décisions ;
Que les pourvois sont irrecevables ;
b) contre ces demandeurs :
Sur le premier moyen, pris de la violation des articles 155, 172 (loi du 10 juillet 1967, article 1er, 89°) et 176 du Code d'instruction criminelle,
en ce que, lors de l'instruction de la cause, le premier juge s'est rendu, le 6 novembre 1975, sur les lieux des faits litigieux où il a entendu les témoins Antoine et Jehasse sous serment,
alors que le procès-verbal de la visite des lieux ne constate pas que les témoins ont prêté serment dans les termes prescrits par l'article 155 susdit, et que, en n'écartant pas les dépositions de ces témoins ainsi illégalement recueillies des éléments sur lesquels il se fonde, le jugement s'est approprié la
concernant le serment. Dès lors, seuls les jugements rendus après l'entrée en vigueur de la loi peuvent avoir l'effet nouveau qu'elle leur attribue. Sinon il s'agirait d'une loi rétroactive alors que le législateur n'a pas manifesté la volonté de donner à cette loi ce caractère.
Comme l'article 864 du Code judiciaire, dont elle reprend des termes, la loi du 22 juin 1976 est une loi de procédure (voy. notamment cass., 25 juin 1971, Bull. et Pas., 1971, 1, 1028 et la note signée W.G.,
nullité qui entache la décision dont appel:
Attendu que le jugement attaqué a été rendu avant l'entrée en vigueur de la loi du 22 juin 1976 concernant le serment en matière pénale ;
Attendu qu'il ne ressort pas du procès-verbal de l'audience du tribunal de police de Liège du 6 novembre 1975, tenue sur les lieux des faits, que le serment des témoins Antoine et Jehasse, entendus à cette audience, ait été prêté dans les termes prescrits par l'article 155 du Code d'instruction criminelle;
Attendu que, tout en réformant la décision du tribunal de police, le jugement ne constate pas que, pour asseoir sa conviction, le tribunal correctionnel ait écarté des débats les déclarations de ces témoins entendus de manière irrégulière par le premier juge ; qu'ainsi il s'approprie la nullité dont la procédure suivie devant celui-ci était entachée ;
Que le moyen est fondé ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens proposés à l'appui des pourvois, ces moyens ne pouvant entraîner une cassation plus étendue ou sans renvoi, casse le jugement attaqué, sauf en tant qu'il statue sur l'action publique exercée à charge de la défenderesse Maryse Defroidmont ; rejette le pourvoi formé par la société anonyme Etablissements SmitJuprelle en qualité de partie civile ; rejette les autres pourvois dans la mesure, indiquée ci-dessus, où ces pourvois sont irrecevables ; ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de la décision partiellement annulée ; condamne Thierry Bouvier à la moitié des frais de son pourvoi et la société anonyme Etablissements Smit-
spécialement p. 1030 et 1031, et 6 septembre 1972, ibid., 1973, I, 15).
Si une loi de procédure s'applique dès son entrée en vigueur aux procès en cours, elle n'atteint pas, sauf disposition dérogatoire, la validité des actes valablement accomplis sous l'empire de la loi antérieure et ne relève pas de la nullité ou de la déchéance des actes de procédure qui, suivant cette loi, étaient nuls ou tardifs (cass., 17 juin 1971, Bull. et Pas., 1971, I, 994).
532 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
Juprelle à la moitié des frais du pourvoi formé par elle en qualité de civilement responsable ; laisse le restant des frais susdits à charge de l'Etat ; condamne la société précitée aux frais du pourvoi qu'elle a formé en qualité de partie civile, Emile Bouvier et MarieLouise Petit à la moitié des frais de leurs pourvois, la société anonyme Assurances générales de 1830 à la moitié des frais de son pourvoi ; condamne Maryse Defroidmont au restant des frais des pourvois d'Emile Bouvier, de Marie-Louise Petit et de la société anonyme Assurances générales de 1830 ; renvoie la cause, ainsi limitée, au tribunal correctionnel de Huy, siégeant en degré d'appel.
Du 17 janvier 1977. - 2° ch. - Prés. M. Legros, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. Baron Vinçotte. - Concl. conf. M. Charles, avocat général. - Pl. MM. Fally et Houtekier.
2° CH. - 17 janvier 1977.
1 ° ROULAGE. - CODE DE LA ROUTE, ARTICLE 2, 1 °ter. - SENTIER. - NOTION.
2° ROULAGE. - PRIORITÉ. - CODE DE LA ROUTE, ARTICLES 2, 1 °ter ET 1 °quater, ET 16-2, b. - CHAUSSÉE ou SENTIER. - DISTINCTION. - APPRÉCIATION PAR LE JUGE DU FOND.
3° PREUVE. - PREUVE LITTÉRALE. -FOI DUE AUX ACTES. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - VIOLATION DE LA FOI DUE A UN PROCÈS-VERBAL. - NOTION.
1 ° Le sentier est, aux termes de l'article 2, 1 °ter, du Code de la route, un chemin étroit qui ne permet que la circulation de piétons et de véhicules n'exigeant pas un espace plus large que celui nécessaire aux piétons ; la règle faisant l'objet de l'article 2, l°quater, relatif au chemin de terre, est étrangère au sentier (1).
2° Le juge du fond apprécie souverainement en fait si, pour l'application de l'article 16-2, b, du Code de la
route, il s'agit d'un sentier ou d'une chaussée (2).
3° Ne viole pas la foi due à un procèsverbal le juge qui, sans en dénaturer les termes, donne des constatations contenues dans cet acte une interprétation différente de celle de son rédacteur (3). (Code civil, art. 1319 et 1320.)
(PETITFRÈRE, C. LASCHET ET WILLEMS.)
ARRÊT.
LA COUR; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 2 juin 1976 par la cour d'appel de Liège;
En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l'action publique:
Sur le moyen pris de la violation des articles 2, 1 °ter et 1 °quater, 16-1 et 2, b, 18 de l'arrêté royal du 14 mars 1968 portant règlement général sur la police de la circulation routière, 1319, 1320, 1322 du Code civil et 97 de la Constitution,
en ce que l'arrêt attaqué, au pénal, a condamné le demandeur du chef d'homicide involontaire et, au civil, a dit fondées les actions civiles, aux motifs : que, la victime venant à la droite du demandeur, celui-ci avait l'obligation de lui céder le passage au carrefour litigieux, bien qu'elle débouchât d'un sentier pour piétons (en allemand « Fusspfad ») ; qu'en effet, « entre sa jonction avec la Bachstrasse (sur laquelle circulait le demandeur) et le catadioptre reproduit à la troisième photographie prise par la gendarmerie (Fusspfad aus welchem der Radfahrer Laschet kam) et à la photographie n° 6 du rapport de l'expert judiciaire, le chemin d'où débouchait le cycliste Laschet ne constitue plus un sentier tel qu'il est défini par l'article 2, 1 °ter, du Code de la route, mais doit être considéré comme une chaussée au
(1) Cons. cass., 9 octobre 1972 (Bull. et Pas., 1973, I, 141).
(2) Cons. cass., 16 janvier 1970 (Bull. et Pas., 1970, I, 407) et 6 décembre 1976, supra, p. 386.
(3) Cons. cass., 10 novembre 1975 (Bull. et Pas., 1976, I, 308).
COUR DE CASSATION 533
sens de l'article 2-1 ° du même code, dont au demeurant il a toutes les apparences aux abords du carrefour», et que, si le demandeur avait, par temps de pluie, « modéré son allure à un endroit qu'il connaissait et qu'il tient pour dangereux et s'il avait été plus attentif, il aurait aperçu le jeune cycliste en temps utile et lui aurait cédé le passage ainsi qu'il en avait l'obligation, la victime débouchant à sa droite»,
alors que, première branche, en vertu de l'article 2, 1 °quater, du Code de la route, « le chemin de terre conserve sa nature s'il ne présente l'aspect d'une chaussée qu'à sa jonction avec une autre voie publique » ; que cette règle vaut a fortiori pour un sentier, le chemin de terre n'étant qu'« un chemin plus large qu'un sentier» ; que l'arrêt n'a donc pu décider légalement que le chemin d'où sortait la victime n'avait plus la nature d'un sentier à sa jonction avec la voie sur laquelle circulait le demandeur parce qu'il avait pris l'aspect d'une chaussée aux abords dudit carrefour, et que le demandeur aurait dû, pour cette raison, céder le passage à la victime (violation des dispositions du règlement général sur la police de la circulation routière indiquées en tête du moyen et de l'article 97 de la Constitution) ;
seconde branche, en affirmant que le chemin d'où débouchait la victime ne constituait plus un sentier aux abords du carrefour, l'arrêt a violé la foi due au procès-verbal n° 766 du 24 mai 1973 des verbalisants et au rapport de l'expert judiciaire qui, l'un et l'autre, ont expressément constaté que la victime circulait sur un sentier (violation des articles 1319, 1320, 1322 du Code civil et 97 de la Constitution)
Sur la première branche : Attendu qu'aux termes de l'article 2,
1 °ter, du Code de la route le sentier désigne un chemin étroit qui ne permet que la circulation de piétons et de véhicules n'exigeant pas un espace plus large que celui nécessaire aux piétons ;
Que l'article 2, 1 °quater, invoqué dans le moyen, est étranger au sentier ;
Attendu que, sur la base des éléments qu'il indique, l'arrêt, par une appréciation souveraine en fait, décide légalement que le cycliste, victime de
l'accident, débouchait d'une chaussée, non d'un sentier ;
Qu'en cette branche le moyen manque en droit ;
Sur la seconde branche : Attendu que ne viole pas la foi due
à un acte le juge qui, comme en l'espèce, sans en dénaturer les termes, donne des constatations faites dans cet acte une interprétation différente de celle de son rédacteur ;
Qu'en cette branche le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et que la décision est conforme à la loi ;
Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne le demandeur aux frais.
Du 17 janvier, 1977. - 2° ch. - Prés. Baron Richard, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. Mm• Raymond-Decharneux. Concl. conf. M. Charles, avocat général. - Pl. MM. A. De Bruyn et Bützler.
2° CH. - 18 janvier 1977.
1° POURVOI EN CASSATION. - PERSONNES AYANT QUALITÉ POUR SE POURVOIR. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - ACTION PUBLIQUE. - DÉCISION DÉCLARANT L'ACTION PUBLIQUE PRESCRITE. POURVOI DU PRÉVENU. - IRRECEVABILITÉ.
2° CITATION. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - INDICATION DES TEXTES LÉGAUX. -INDICATION NON PRESCRITE.
3° CITATION. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - OBJET DE LA PRÉVENTION SUFFISAMMENT INDIQUÉ. - DROIT DE LA DÉFENSE ASSURÉ. - VALIDITÉ.
4° POUVOIR JUDICIAIRE. - POURSUITE DU CHEF D'INFRACTION A UN ARRÊTÉ ROYAL. - POUVOIR ET DEVOIR DES COURS ET TRIBUNAUX DE VÉRIFIER SI CET ARRÊTÉ ROY AL A OU NON ÉTÉ PRIS ENSUITE D'UN EXCÈS DE POUVOIR
534 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
ET EST OU NON ENTACHÉ DE DÉTOURNEMENT DE POUVOIR.
5° POUVOIR JUDICIAIRE. - OPPORTUNITÉ D'UN ARRÊTÉ ROYAL. - POINT DE CONTRÔLE DU POUVOIR JUDICIAIRE.
6° EXCÈS DE POUVOIR. - DÉTOURNEMENT DE POUVOIR. - NOTION.
1 ° Est irrecevable, à défaut d'intérêt, le pourvoi formé par le prévenu contre une décision qui déclare l'action publique éteinte par la prescription (1).
2° L'indication, dans la citation donnée au prévenu, des articles de loi sur lesquels la poursuite est fondée n'est prescrite par aucune disposition légale (2).
3° Satisfait à la loi la citation libellée de manière à permettre au prévenu de connaître de façon suffi,sante l'objet de la prévention et d'assurer ainsi sa défense (3). (Code d'instr. crim., art. 182.)
4° Les cours et tribunaux, saisis d'une poursuite du chef d'une infraction à un arrêté royal, ont le pouvoir et le devoir de vérifier si cet arrêté royal a ou n'a pas été pris ensuite d'un excès de pouvoir et, en se fondant sur son contexte ou sur d'autres éléments régulièrement produits, s'il est entaché ou non de détournement de pouvoir (4). (Constit., art. 107.)
5° Il n'appartient pas au pouvoir judiciaire d'apprécier l'opportunité d'un arrêté royal (5).
6° Un arrêté royal n'est pas entaché de détournement de pouvoir, forme de l'excès de pouvoir, dès lors qu'en l'édictant le pouvoir exécutif a usé de
(1) Cass., 10 janvier 1977, supra, p. 510. (2) Cass., 19 septembre 1972 (Bull. et
Pas., 1973, I, 64). (3) Cass., 14 décembre 1976, supra,
p. 430. (4) Cons. cass., 3 mars 1972, chambres
réunies (Bull. et Pas., 1972, I, 601) et la note signée W.G., 4 mars et 17 juin 1974 (ibid., 1974, I, 681 et 1057), 16 septembre 1974 et 23 janvier 1975 (ibid., 1975, I, 56 et 533).
(5) Cons. cass., 4 mars et 17 juin 1974, cités à la note 4.
(6) Cons. cass., 14 juin 1948 (Bull. et Pas., 1948, I, 375) et les conclusions de
son pouvoir aux fins essentielles en vue desquelles il lui a été conféré (6) (7).
(VAN NESPEN.)
ARRÊT (traduction).
LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 30 juin 1976 par la cour d'appel d'Anvers ;
I. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision de l'arrêt déclarant prescrite l'infraction au Code de la route imputée au demandeur :
Attendu que le demandeur est sans intérêt à se pourvoir contre cette décision;
Que, dans cette mesure, le pourvoi est irrecevable ;
II. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision condamnant au pénal le demandeur :
Attendu que l'arrêt condamne le demandeur du chef d'infraction aux articles 1er et 5 de l'arrêté royal du 8 novembre 1973 limitant la vitesse des véhicules, modifié par l'arrêté royal du 20 mai 1974, pour « avoir, étant conducteur d'un véhicule automoteur sur la voie publique, et sans tomber sous l'application des dispositions d'exception prévues à l'article 3 ou en vertu de l'article 4 de l'arrêté royal précité, circulé à une vitesse supérieure à 120 km. à l'heure sur une autoroute ou une voie publique à quatre bandes de circulation ou plus, dont deux au moins sont affectées à chaque sens de circulation»;
Sur le premier moyen, pris de la violation des droits de la défense et de l'article 97 de la Constitution,
M. le procureur général Hayoit de Termicourt, alors premier avocat général, 19 octobre 1953 (ibid., 1954, I, 109), 9 octobre 1973, 4 mars et 17 juin 1974 (ibid., 1974, I, 147, 681 et 1057) ; MAST, Overzicht van het Belgisch administratief recht, éd. 1973, nos 492 à 495 et 535 à 539; DEMBOUR, Droit administratif, éd. 1972, nos 207 à 212.
(7) En ce qui concerne le fondement légal de l'arrêté royal du 8 novembre 1973, modifié par l'arrêté royal du 20 mai 1974, et les dispositions pénales applicables, voy. cass., 12 octobre 1976, supra, p. 179.
COUR DE CASSATION 535
en ce que l'arrêt, pour condamner le demandeur du chef de ladite infraction, fait application de l'arrêté royal du 23 décembre 1957, pris en exécution de l'article 16, 1 °, de la loi du 12 mars 1957, disposition prévoyant les peines prévues aux articles 9 et 10 de l'arrêtéloi du 22 janvier 1945 concernant la répression des infractions à la réglementation relative à l'approvisionnement du pays, modifié par la loi du 30 juillet 1971, et considère en outre que la cour d'appel, en se conformant à son obligation d'indiquer les dispositions légales applicables, ne viole pas les droits de la défense dans la mesure où ces dispositions légales diffèrent de celles mentionnées dans la citation, d'autant plus que les conclusions du ministère public ont permis au demandeur de se défendre sur les dispositions légales retenues et qu'il l'a fait en exposant son point de vue à cet égard,
alors que, première branche, le demandeur avait soutenu en conclusions que la loi du 12 mars 1957 et l'arrêté royal du 23 décembre 1957 n'étaient indiqués ni dans la citation ni dans le jugement dont appel ; qu'il avait présenté sa défense sur le fondement des mentions de la citation qualifiant la prévention d'« infraction aux articles 3-5-6-7-9-10 de la loi sur la réglementation économique et les prix, telle qu'elle résulte de la loi du 30 juillet 1971 modifiant l'arrêté-loi du 22 janvier 1945 concernant la répression des infractions à la réglementation relative à l'approvisionnement du pays, et aux articles 1er et 5 de l'arrêté royal du 8 novembre 1973, modifié par l'arrêté royal du 20 mai 1974 » ; que la modification apportée par le juge d'appel quant aux dispositions légales applicables ne consiste pas seulement en une indication des dispositions légales applicables ; qu'elle ne modifie pas non plus la qualification des faits, mais consiste à annuler entièrement une défense préparée et que la défense est différente dans chacun des deux cas ; que le demandeur, nonobstant les conclusions répondant à celles du ministère public, n'était plus en mesure d'assurer sa défense, de sorte que l'arrêt ne répond pas aux conclusions du demandeur;
deuxième branche, la cour d'appel, en ne décidant pas, par arrêt incident, laquelle des dispositions légales invo-
quées était applicable en l'espèce et en ne permettant pas ensuite au demandeur de présenter sa défense sur cette base, l'a obligé de développer ses moyens sans connaître le fondement exact de la prévention et a, dès lors, violé les droits de la défense;
troisième branche, le demandeur avait soutenu en conclusions qu'il désirait uniquement répondre aux conclusions du ministère public et n'était plus à même d'assurer sa défense, qu'en raison de la nouvelle qualification des faits la défense préparée par lui ne s'appliquait pas à l'article 1er de l'arrêté royal du 23 décembre 1957, de sorte que l'arrêt méconnaît le contenu des conclusions du demandeur :
Attendu que l'article 195 du Code d'instruction criminelle dispose que la disposition de la loi dont on fera application sera indiquée à l'audience par le président et qu'il sera fait mention de cette indication dans le jugement ; qu'en vertu de l'article 211 du même code cette prescription vaut aussi pour le jugement rendu sur l'appel, mais qu'aucune disposition légale ne prescrit de mentionner dans la citation les dispositions légales applicables ou de les faire préalablement connaître au prévenu par jugement ou arrêt incident, que sa défense soit ou non « annulée » ;
Attendu que l'arrêt ne modifie pas la qualification du fait mis à charge du demandeur, mais constate au contraire que la citation qualifie légalement ce fait en indiquant tous les éléments constitutifs de celui-ci ; qu'en outre l'arrêt précise et complète les dispositions légales indiquées dans la citation qu'il estime applicables; qu'il relève enfin que la défense a eu connaissance des dispositions légales applicables par les conclusions du ministère public et que le demandeur a eu la possibilité de se défendre à cet égard ;
Attendu qu'ainsi l'arrêt répond aux conclusions du demandeur et ne viole ni leur contenu ni les droits de la défense;
Que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le deuxième moyen, pris de la violation des articles 97 et 107 de la Constitution,
en ce que l'arrêt considère que l'appréciation de l'état de fait dangereux pour l'approvisionnement du pays n'ap-
536 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
partient pas au pouvoir judiciaire mais au pouvoir exécutif,
alors que, lorsque la loi subordonne la compétence de l'autorité à l'existence d'un état de fait, l'existence de celui-ci est requise pour que l'acte soit valable ; que le contrôle de l'existence et de l'exactitude de pareille situation appartient au pouvoir judiciaire :
Attendu qu'aux termes de l'article 107 de la Constitution les cours et tribunaux n'appliqueront les arrêtés et règlements généraux, provinciaux et locaux qu'autant qu'ils seront conformes aux lois ; que les cours et tribunaux, lorsqu'ils sont saisis d'une poursuite du chef d'infraction à l'un de ces arrêtés ou règlements, ont, dès lors, non seulement le pouvoir mais aussi le devoir de vérifier si ceux-ci ont ou n'ont pas été pris ensuite d'un excès de pouvoir et, en se fondant sur leur contexte ou d'autres éléments régulièrement produits, s'ils sont entachés ou non de détournement de pouvoir ;
Attendu que, pour satisfaire à cette obligation, l'arrêt constate, d'une part, que d'après leur préambule et leurs termes les arrêtés royaux des 8 novembre 1973 et 20 mai 1974 ont été régulièrement pris en exécution et dans les limites des pouvoirs conférés au Roi par l'arrêté royal du 23 décembre 1957 délibéré en conseil des ministres, lequel a lui-même été pris en application de l'article 16, 1 °, de la loi du 12 mars 1957, qui établit les mêmes peines que celles prévues aux chapitres Il et III de l'arrêté-loi du 22 janvier 1945, modifié par la loi du 30 juillet 1971, d'autre part, que le demandeur n'a pas contesté que l'arrêté du 8 novembre 1973 a été pris dans l'intérêt de l'approvisionnement du pays ; que l'arrêt considère enfin qu'en limitant la vitesse les deux arrêtés précités réduisent la consommation d'essence, produit de première nécessité, et qu'ils ont, en conséquence, une répercussion sur l'approvisionnement ; que, partant, ils ne sortent pas du cadre des pouvoirs attribués au Roi par la loi du 12 mars 1957 ;
Attendu que, eu égard à ce qui précède, l'arrêt décide légalement que l'appréciation de l'état de fait dangereux pour l'approvisionnement du pays n'appartient pas au pouvoir judiciaire ; qu'en effet, en l'espèce, une
semblable appréciation impliquerait nécessairement que le juge a le pouvoir d'apprécier l'opportunité des mesures à prendre et d'agir aux lieu et place du pouvoir exécutif ;
Que le moyen manque en droit;
Sur le troisième moyen, pris de la violation des articles 97 et 107 de la Constitution,
en ce que l'arrêt constate qu'il n'apparaît pas que les arrêtés royaux du 8 novembre 1973 et 20 mai 1974 aient été pris uniquement pour des raisons de sécurité routière,
alors que, si lesdits arrêtés royaux ont été pris en application de l'arrêté royal du 23 décembre 1957, il ne suffit pas qu'il ne soit pas établi qu'ils n'aient été pris qu'en vue d'assurer la sécurité routière, mais qu'il doit en outre être prouvé qu'ils ont été pris pour assurer l'approvisionnement du pays qui était en danger ; que, contrairement aux arrêtés pris en vertu de l'arrêté-loi du 22 janvier 1945, des considérations aoncernant le contrôle des prix et l'inflation ne constituent pas un fondement légalement valable,
et alors qu'il ressort des pièces produites par le demandeur qu'au moment de l'infraction soit la sécurité routière, soit l'inflation, soit le contrôle des prix a constitué le seul fondement desdits arrêtés royaux et qu'il n'apparaît d'aucune pièce qu'au moment de l'infraction l'on pouvait encore affirmer que l'approvisionnement du pays était en danger, de sorte que l'arrêt applique un arrêté illégal :
Attendu que l'arrêt constate non seulement qu'il n'apparaît pas que lesdits arrêtés n'aient été pris que pour des raisons de sécurité routière, mais aussi 1 ° que le demandeur ne conteste pas que l'arrêté du 8 novembre 1973 a été pris dans l'intérêt de l'approvisionnement du pays, 2° que d'après leur contenu les deux arrêtés facilitent l'approvisionnement du pays, 3° que rien ne permet de conclure que la sécurité routière ait constitué l'objet unique ou déterminant de l'arrêté du 20 mai 1974;
Attendu que l'arrêt constate, dès lors, qu'en édictant l'un et l'autre arrêté le pouvoir exécutif a poursuivi un but légal et non un but illégal d'intérêt déterminant, et, partant, décide à bon
COUR DE CASSATION 537
droit que ces arrêtés ne sont pas entachés de détournement de pouvoir ; d'où il suit que, compte tenu aussi de ce qui a été dit ci-dessus relativement au deuxième moyen, ils sont conformes à la loi;
Que, dans cette mesure, le moyen manque en droit ;
Attendu que, pour le surplus, le moyen obligerait la Cour à connaître de faits et de pièces auxquels elle ne peut avoir égard, de sorte qu'il est irrecevable;
Et attendu que les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et que la décision est conforme à la loi ;
Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne le demandeur aux frais.
Du 18 janvier 1977. - 2• ch. - Prés. M. Wauters, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Soetaert. -Concl. conf. M. Tillekaerts, avocat général. - Pl. M. De Corte (du barreau de Gand).
2• CH. - 18 janvier 1977.
POURVOI EN CASSATION. - DÉLAI. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - CONDAMNATION PAR DÉFAUT. - POURVOI DU PRÉVENU PENDANT LE DÉLAI ORDINAIRE D'OPPOSITION. - IRRECEVABILITÉ.
Est irrecevable le pourvoi formé par le prévenu, pendant le délai ordinaire d'opposition, contre un arrêt le condamnant par défaut (1). (Code d'instr. crim., art. 413.)
(DE PAUW, C. DE WISPELAERE.)
Arrêt conforme à la notice.
Du 18 janvier 1977. - 2• ch. - Prés. M. Wauters, conseiller faisant fonctions
(1 l Cass., 30 mars 1976 (Bull. et Pas., 1976, I, 836).
de président. - Rapp. M. Delva. -Concl. conf. M. Tillekaerts, avocat général.
2• CH. - 18 janvier 1977.
1 ° ROULAGE. - CODE DE LA ROUTE, ARTICLE 27-3. - FREINAGE SOUDAIN. -
NOTION.
2° MOYENS DE CASSATION. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - ACTION CIVILE. - MOYEN ALLÉGUANT QUE, SI LE PRÉVENU N'A PAS COMMIS D'INFRACTION, IL A NÉANMOINS COMMIS UNE FAUTE AYANT CAUSÉ LE DOMMAGE. - IRRECEVABILITÉ.
3° MOYENS DE CASSATION. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - ACTION CIVILE. - MOYEN ÉTRANGER A L'ORDRE PUBLIC ET NON SOUMIS AU JUGE DU FOND. IRRECEVABILITÉ.
4° APPEL. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. -ACTION CIVILE. - JUGEMENT D'ACQUITTEMENT. - APPEL RECEVABLE DE LA PARTIE CIVILE. - POUVOIRS DU JUGE D'APPEL.
5° POURVOI EN CASSATION. - DÉCISIONS CONTRE LESQUELLES ON PEUT SE POURVOIR. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - ACTION CIVILE. - POURVOI DE LA PARTIE CIVILE CONTRE LA DÉCISION DU JUGE D'APPEL SE DÉCLARANT INCOMPÉTENT POUR CONNAÎTRE DE L'ACTION CIVILE DIRIGÉE CONTRE LA PARTIE CIVILEMENT RESPONSABLE POUR LE PRÉVENU. - JUGE D'APPEL N'AYANT PAS ÉTÉ SAISI DE CETTE ACTION. - POURVOI SANS INTÉRÊT. - IRRECEVABILITÉ.
6° CHOSE JUGÉE. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - DÉCISION ACQUITTANT UN PRÉVENU, PASSÉE EN FORCE DE CHOSE JUGÉE. - DÉCISION N'AYANT POINT AUTORITÉ DE CHOSE JUGÉE A L'ÉGARD D'UN COPRÉVENU CONDAMNÉ AYANT INTERJETÉ APPEL TANT DE LA DÉCISION RENDUE SUR L'ACTION PUBLIQUE EXERCÉE CONTRE LUI QUE DE CELLE RENDUE SUR L'ACTION CIVILE EXERCÉE CONTRE LUI PAR LE PRÉVENU ACQUITTÉ.
1 ° Si l'article 27-3 du Code de la route interdit d'empêcher la marche nor-
538 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
male des autres conducteurs par un freinage soudain non exigé par des raisons de sécurité, quels que soient le ou les moyens mis en œuvre pour provoquer le freinage, cette disposition ne peut être étendue à un ralentissement ou un arrêt subit r~sultant d'une panne de moteur (1).
2° Est irrecevable, à défaut d'intérêt, le moyen alléguant, à l'appui du pourvoi de la partie civile, que, si le prévenu n'a pas commis d'infraction, il a néanmoins commis une faute ayant causé le dommage.
3° Est irrecevable le moyen, relatif à l'action civile dirigée contre le demandeur, qui est étranger à l'ordre public et n'a pas été soumis au juge du fond (2).
4° Sur l'appel recevable de la partie civile contre un jugement d'acquittement, le juge d'appel a le pouvoir de rechercher, en ce qui concerne l'action civile, si l'infraction qui sert de base à cette action est établie et si elle a causé un dommage à la partie civile (3). (Code d'instr. crim., article 202.)
5° Est irrecevable, à défaut d'intérêt, le pourvoi de la partie civile contre la décision du juge d'appel se déclarant incompétent pour connaître de l'action civile dirigée contre la partie civilement responsable pour le prévenu, alors que ce juge d'appel n'avait pas été saisi de cette action (4).
6° L'appel interjeté par un prévenu contre le jugement qui le condamne tant sur l'action publique exercée contre lui que sur l'action civile exercé,e contre lui par un coprévenu acquitté fait obstacle à ce que la décision d'acquittement de ce coprévenu, passée en force de chose jugée, puisse lui être opposée pour l'appréciation de ladite action civile exercée contre lui, le juge d'appel étant tenu, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, de statuer tant sur la responsabilité pénale que sur la responsabilité
(1) Cons. cass., 11 avril 1960 (Bull. et Pas., 1960, 1, 945).
(2) Cass., 15 juin 1965 (Bull. et Pas., 1965, I, 1118).
(3) Cass., 11 septembre 1961 (Bull. et Pas., 1962, 1, 50), 7 novembre 1972 (ibid.,
civile de la partie appelante et, notamment, d'apprécier si celle-ci est seule responsable du dommage (5).
(DE GROEF, C. VERCAMMEN, LINSSEN, ALVAREZ-VELASCO, VAN DEN BOS, SOCIÉTÉ DE PERSONNES A RESPONSABILITÉ LIMITÉE « PEETROONS » ET SOCIÉTÉ ANONYME « ASSURANCES DU BOERENBOND BELGE » ; LINSSEN, C. VERCAMMEN, DE GROEF, ALVAREZ-VELASCO, VAN DEN BOS, SOCIÉTÉ DE PERSONNES A RESPONSABILITÉ LIMITÉE « PEETROONS » ET SOCIÉTÉ ANONYME « ASSURANCES DU BOERENBOND BELGE ».)
ARRÊT (traduction).
LA COUR ; - Vu le jugement attaqué, rendu le 7 mai 1976 par le tribunal correctionnel d'Anvers, statuant en degré d'appel ;
A. Sur le pourvoi de De Groef :
III. En tant que le pourvoi est dirigé contre les décisions rendues sur l'action publique exercée à charge du demandeur, sur les actions civiles exercées contre le demandeur par Vercammen, Linssen et la société anonyme AssuTances du Boerenbond belge, et sur l'action civile exercée par le demandeur contre Vercammen, Linssen et AlvarezVelasco, en qualité de prévenus, et contre V an den Bos et la société de personnes à responsabilité limitée Peetroons, en qualité de parties civilement responsables :
1. Quant à l'ensemble des actions susdites:
Sur le premier moyen,
Que le moyen manque en ·fait ; Et attendu que les formalités sub
stantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et que la décision est conforme à la loi ;
2. Quant à l'action civile exercée contre le demandeur par Vercammen et par le demandeur contre Vercammen,
1973, 1, 225) et 8 octobre 1974 (ibid., 1975, I, 162).
(4) Cons. cass., 20 mars 1973 (Bull. et Pas., 1973, 1, 684), 2 septembre et 22 décembre 1975 (ibid., 1976, 1, 1 et 488).
(5) Cass., 6 mars 1972 (Bull. et Pas., 1972, 1, 618) et la note 1.
COUR DE CASSATION 539
prévenue, et Van den Bos, civilement responsable:
Sur le deuxième moyen, pris de la violation des articles 27-3 du Code de la route, 1382, 1383, 1384 du Code civil et 97 de la Constitution,
en ce que le jugement décide que Vercammen, ici défenderesse, n'a commis ni faute ni infraction à l'article 27-3 du Code de la route et déclare la juridiction répressive incompétente pour connaître de l'action civile exercée par le demandeur contre elle et son époux Van den Bos, au motif qu'elle n'a pas freiné soudainement, étant donné que son véhicule était brusquement tombé en panne et s'était immobilisé,
alors que, première branche, le jugement, constatant que le véhicule de Vercammen était tombé en panne et s'était immobilisé, constate ainsi le freinage soudain du véhicule ; qu'il est sans intérêt de savoir si ce freinage résulte d'une défectuosité quelconque ou de l'usage de la pédale de frein ; que la décision attaquée ne motive par aucune raison de sécurité le blocage du moteur et l'arrêt subit, et, partant, ne justifie pas légalement le rejet de la demande ;
seconde branche, Vercammen a commis une faute en circulant avec un véhicule défectueux, avec la conséquence que celui-ci s'est bloqué et est tombé en panne:
Quant à la première branche :
Attendu que l'article 27-3 du Code de la route interdit d'empêcher la marche normale des autres conducteurs . . . par un freinage soudain non exigé par des raisons de sécurité ; que cette disposition ne peut être étendue à un ralentissement subit résultant d'une panne ;
Attendu que le jugement, constatant que la voiture de Vercammen s'est soudain immobilisée en raison d'une panne de moteur, motive régulièrement et justifie légalement sa décision suivant laquelle Vercammen n'a pas commis d'infraction à l'article 27-3 du Code de la route;
Qu'en cette branche le moyen ne peut être accueilli ;
Quant à la seconde branche : Attendu qu'en tant qu'il est dirigé
contre la décision rendue sur l'action
exercée par le demandeur contre Vercammen et Van den Bos et qu'il tend à faire admettre que Vercammen a par sa faute causé le dommage, même si elle n'a pas commis d'infraction au Code de la route, le moyen est sans intérêt, étant donné que le juge, après avoir acquitté Vercammen, n'était plus légalement compétent pour statuer sur cette demande ;
Attendu qu'en tant qu'il concerne l'action exercée par Vercammen contre le demandeur, qui n'a pas pris de conclusions en appel, le moyen ne peut être soulevé pour la première fois devant la Cour de cassation ;
Qu'en cette branche le moyen est, dès lors, irrecevable ;
3. Quant à l'action civile exercée par le demandeur contre Alvarez-Velasco, prévenu, et la société de personnes à responsabilité limitée Peetroons, partie civilement responsable, et contre le demandeur par la société anonyme Assurances du Boerenbond belge :
Sur le troisième moyen, pris de la violation des articles 3, 4, 5, 26, 27 de la loi du 17 avril 1878 contenant le titre préliminaire du Code de procédure pénale, 165, 172, 174, 202, 2°, 203, § 1•r, du Code d'instruction criminelle, 1252, 1338, 1382, 1383, 1384 du Code civil, 1044, 1045 du Code judiciaire, 22 de la loi du 11 juin 1874 sur les assurances en général, formant le titre X du livre I•r du Code de commerce, 27-1 du Code de la route et 97 de la Constitution,
en ce que le jugement, d'une part, rejette l'action civile exercée par le demandeur contre Alvarez-Velasco et la société de personnes à responsabilité limitée Peetroons et tendant au payement de 26.200 francs, en raison de l'acquittement du premier et de la mise hors de cause de la seconde, et, d'autre part, condamne le demandeur à payer à la partie civile société anonyme Assurances du Boerenbond belge la somme de 16.853 francs, au motif que l'appel interjeté par le ministère public à l'égard du prévenu Alvarez-Velasco est irrecevable, la signification n'ayant pas atteint le prévenu, et que l'infraction à l'article 27-1 du Code de la route est établie à charge d'Alvarez-Velasco mais que l'acquittement de ce dernier par le jugement dont appel est définitif, l'acte
540 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
d'appel du ministère public n'ayant pu lui être signifié,
alors que, première branche, le demandeur avait interjeté appel de la décision rejetant son action civile dirigée contre Alvarez-Velasco et la société de personnes à responsabilité limitée Peetroons et que le jugement constate que cet appel était régulier ; que l'irrecevabilité de l'appel du ministère public et le fait que le jugement dont appel a, dès lors, acquis force de chose jugée au pénal ne peuvent entraîner ni l'irrecevabilité de l'appel du demandeur au civil ni l'absence de fondement de son action civile ; que le demandeur n'a renoncé ni à son action civile ni à son appel et que le désistement ne peut être présumé (violation des articles 3, 4, 5, 26, 27 de la loi du 17 avril 1878, 165, 172, 174, 202, 2°, 203, § l'"r, du Code d'instruction criminelle, 1338 du Code civil, 1044 et 1045 du Code judiciaire) ;
deuxième branche, le jugement constate de manière expresse que l'infraction d'Alvarez-Velasco à l'article 27-1 du Code de la route est établie et, partant, rejette à tort l'action civile exercée par le demandeur contre lui et la partie civilement responsable Peetroons en raison de l'acquittement au pénal d'Alvarez-Velasco; qu'à cet égard les motifs du jugement sont imprécis et ne justifient pas régulièrement la décision attaquée (violation des articles 27-1 de l'arrêté royal du 14 mars 1968, 1382, 1383, 1384 du Code civil et 97 de la Constitution) ;
troisième branche, le jugement condamne à tort le demandeur à payer à la partie civile société anonyme Assurances du Boerenbond belge, assureur de la société de personnes à responsabilité limitée Peetroons, 16.853 francs de dommages-intérêts, le conducteur AlvarezVelasco, préposé de la société de personnes à responsabilité limitée Peetroons, ayant lui-même commis une faute, de sorte que cette condamnation n'est pas justifiée (violation des articles 27-1 de l'arrêté royal du 14 mars 1968, 1252, 1382, 1383, 1384 du Code civil, 22 de la loi du 11 juin 1874 et 97 de la Constitution) :
Quant aux première et deuxième branches:
Attendu que l'appel recevable de la partie civile saisit le juge d'appel du
fait mis à charge du prévenu, dans la mesure où celui-ci concerne les intérêts civils ; que ce juge devait donc à nouveau examiner et juger le fait, tout en limitant sa décision à l'action de la partie civile;
Attendu que le jugement, après avoir déclaré recevable l'appel interjeté par le demandeur en qualité de partie civile contre Alvarez-Velasco et avoir décidé que l'infraction imputée à Alvarez-Velasco était établie, ne pouvait plus décider légalement que la juridiction répressive était incompétente pour connaître de ladite action civile ;
Qu'en ce qui concerne ces deux branches le moyen est fondé à l'égard d'Alvarez-Velasco ;
Qu'en ce qui concerne la société de personnes à responsabilité limitée Peetroons le moyen est toutefois irrecevable;
Qu'en effet il ne ressort pas des pièces de la procédure auxquelles la Cour peut avoir égard que le demandeur ait interjeté appel de la décision du premier juge statuant sur cette action ; que le jugement attaqué déclare néanmoins le tribunal incompétent pour connaître de cette action, eu égard à la mise hors de cause de la société de personnes à responsabilité limitée Peetroons, en qualité de partie civilement responsable ; que le pourvoi est dirigé contre cette décision ;
Que, bien que cette décision soit entachée de la même illégalité que la décision rendue sur l'action exercée par le demandeur contre son coprévenu, Alvarez-Velasco, le demandeur n'a cependant aucun intérêt à se pourvoir, le juge d'appel n'ayant pas été saisi de son action exercée contre la défenderesse;
Quant à la troisième branche : Attendu que, après avoir constaté
qu'Alvarez-Velasco avait commis une infraction à l'article 27-1 du Code de la route, le juge du fond ne pouvait, sur l'action exercée par la société anonyme Assurances du Boerenbond belge contre le demandeur et en tant qu'il était saisi de cette action, adjuger la totalité des dommages-intérêts réclamés par cette partie, sans constater qu'il n'y avait pas de relation causale entre ladite infraction et le dommage ; qu'en effet cette partie ne pouvait agir contre le demandeur qu'en qualité de subrogée
COUR DE CASSATION 541
aux droits de la société de personnes à responsabilité limité Peetroons, employeur et civilement responsable d'Alvarez-Velasco ;
Que dans cette mesure le moyen est fondé;
B. Sur le pourvoi de Linssen :
I. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l'action publique,
Il. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l'action civile exercée par le demandeur :
c) contre Alvarez-Velasco en qualité de prévenu et la société de personnes à responsabilité limitée Peetroons en qualité de civilement responsable :
Attendu que le moyen invoqué par le demandeur correspond au troisième moyen, première et deuxième branches, proposé par De Groef ;
Que pour les motifs précités le moyen est fondé;
Par ces motifs, casse le jugement attaqué, en tant qu'il statue sur l'action civile exercée contre De Groef par la société anonyme Assurances du Boerenbond belge, par De Groef contre Alvarez-Velasco et par Linssen contre Alvarez-Velasco et la société de personnes à responsabilité limitée Peetroons, et en tant qu'il statue sur les frais afférents à ces actions, avec cette restriction que la cassation ne concerne pas l'évaluation du dommage et la décision suivant laquelle De Groef est responsable de ce dommage au moins pour partie ; rejette les pourvois pour le surplus ; condamne chacun des demandeurs à un quart, Alvarez-Velasco et avec lui la société de personnes à responsabilité limitée Peetroons à un quart et la société anonyme Assurances du Boerenbond belge à un quart des frais, en ce non compris les frais de la signification au procureur du Roi, les frais de la signification à Vercammen, Van den Bos et la société de personnes à responsabilité limitée Peetroons à la requête de De Groef et ceux de la signification faite à la requête de Linssen à Vercammen, Van den Bos et la société anonyme Assurances du Boerenbond belge, qui resteront à charge de
la partie qui les a exposés ; renvoie la cause, ainsi limitée, au tribunal correctionnel de Malines, siégeant en degré d'appel.
Du 18 janvier 1977. - 2° ch. - Prés. M. Wauters, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Soetaert. -Concl. conf. M. Krings, avocat général. - Pl. MM. Houtekier et De Baeck.
3° CH. - 19 janvier 1977.
CONTRAT DE TRAVAIL. - EMPLOYÉS. - CONTRAT A DURÉE INDÉTERMINÉE. -DÉLAI DE PRÉAVIS. - RÉMUNÉRATION ANNUELLE DÉPASSANT 150.000 FRANCS. -DÉLAI DE PRÉAVIS A OBSERVER PAR L'EMPLOYÉ. - DÉLAI FIXÉ PAR LE JUGE. - COMPÉTENCE DU JUGE.
Le juge qui fixe la durée du délai de préavis à observer par l'employé; qui met fin à un contrat d'emploi à durée indéterminée, dont la rémunération dépasse 150.000 francs (1), n'est pas tenu par le délai de préavis fixé unilatéralement par l'employé (2). (Lois relatives au contrat d'emploi, coordonnées le 20 juillet 1955, article 15, § 2.)
(SOCIÉTÉ ANONYME « ORBIS BOEKHANDEL », C. VAN RIET.)
ARRÊT (traduction).
LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 17 novembre 1975 par la cour du travail d'Anvers;
Sur le moyen pris de la violation des articles 15, §§ 2 et 3, 22 des lois relati-
(1) 250.000 francs à partir du l•r juillet 1975, en vertu de l'arrêté royal du 6 juin 1975, article 3.
(2) Cons. cass., 9 octobre 1974 (Bull. et Pas., 1975, I, 166), 17 septembre 1975 (ibid., 1976, I, 76) et 22 décembre 1976, supra, p. 457.
542 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
ves au contrat d'emploi, coordonnées par l'arrêté royal du 20 juillet 1955 et modifiées par la loi du 21 novembre 1969, et 97 de la Constitution,
en ce que, après avoir constaté que la rémunération de la défenderesse était supérieure à 300.000 francs et que le délai maximum du préavis à donner par elle était de six mois, l'arrêt condamne la demanderesse à payer à la défenderesse la somme de 42.796 francs, aux motifs suivants : si le délai de préavis maximum à donner par l'employé peut être réduit dans l'intérêt de celui-ci, il semble exclu que cette réduction puisse se faire contre l'intérêt de l'employé qui a donné trois mois de préavis parce qu'il n'avait pas encore un autre travail en vue ; on peut supposer que l'employeur pouvait déjà engager un autre employé ; quel que soit le motif sur lequel l'employeur fonde sa demande, les dispositions des lois relatives au contrat d'emploi ne sont pas impératives au profit de l'employeur ; cela ne signifie pas que l'employeur ne puisse puiser des droits dans l'article 15, § 2, de ces lois ; il peut certainement le faire, si l'employé donne de manière déraisonnable un délai de préavis trop court ; dans ce cas, sur la base de critères tels que la rémunération, la fonction ou l'ancienneté, il pourrait prétendre à un délai supérieur, limité au maximum légal ; l'inverse, à savoir la réduction d'un délai de préavis donné par le travailleur, semble impossible lorsque celle-ci est contraire aux intérêts de l'employé, et en raison du caractère de protection, en faveur de celui-ci, des dispositions de l'article 15 des lois coordonnées,
alors que, première branche, la durée du préavis à donner par la défenderesse est fixée soit p2r les parties soit par le juge ; lorsque les parties ne l'ont pas fait, la durée du préavis est fixée par le juge et la décision de celui-ci quant à la fixation de cette durée ne dépend pas de la fixation unilatérale par l'employé du préavis donné par lui (violation des articles 15, §§ 2 et 3, et 22 de l'arrêté royal du 20 juillet 1955) ;
deuxième branche, la circonstance que l'article 15 est une disposition protégeant l'employé n'implique pas que, lors de la fixation de la durée du préavis donné par la défenderesse, le juge
ne pourrait tenir compte de critères tels que la rémunération, la fonction ou l'ancienneté, bien que ceux-ci entraînent une réduction du délai de préavis donné par l'employé (violation des articles 15, §§ 2 et 3, et 22 de l'arrêté royal du 20 juillet 1955) ;
troisième branche, l'arrêt, d'une part, suppose que la demanderesse, qui insistait pour un délai de préavis plus court, avait déjà engagé une autre employée, mais, d'autre part, refuse de prendre en considération les critères tels que la rémunération, la fonction et l'ancienneté pour fixer la durée du préavis ; que ces motifs sont obscurs et ambigus et ne justifient pas la décision (violation de toutes les dispositions légales) :
Attendu que, selon les constatations de l'arrêt, la défenderesse, qui était entrée au service de la demanderesse le 18 Jum 1973, avait le 27 mai 1974 notifié son congé à celle-ci, le délai de prèavis prenant cours le 1•r juin 1974 pour se terminer le 30 août de la même année, ce qui correspond à une durée de trois mois ; que la demanderesse avait accepté le congé mais non le délai de préavis qui, à son avis, devait être d'un mois et demi et devait, dès lors, expirer le 15 juillet 1974 ;
Attendu que les dispositions des lois coordonnées relatives au contrat d'emploi, qui concernent la durée du délai de préavis, imposent des règles qui visent la protection des deux parties, à savoir l'employeur et l'employé;
Attendu que, lorsque la rémunération annuelle de l'employé excède 150.000 fr., ce qui est le cas en l'espèce, la durée du délai de préavis est fixée, en vertu de l'article 15, § 2, des lois coordonnées, en vigueur au moment du litige, soit par une convention conclue entre les deux parties au plus tôt au moment où le préavis est donné, soit par le juge ;
Attendu que, si, comme en l'espèce, le congé émane de l'employé, le juge n'est tenu que par les délais maxima fixés au dernier alinéa du § 2 de l'article 15 ; que, pour autant qu'il ne dépasse pas ces délais maxima, le juge fixe souverainement la durée du délai de préavis, compte tenu des intérêts des deux parties ;
Qu'en estimant, pour les motifs cités au moyen, ne pouvoir exercer ce pouvoir souverain d'appréciation et en fi-
COUR DE CASSATION 543
xant pour cette' raison le délai de préavis comme la défenderesse l'avait fait originairement, l'arrêt viole la disposition légale précitée ;
Qu'en sa première branche le moyen est fondé;
Par ces motifs, casse la décision attaquée ; ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de la décision annulée ; réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ; renvoie la cause devant la cour du travail de Bruxelles.
Du 19 janvier 1977. - 3° ch. - Prés. M. Naulaerts, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Châtel. - Concl. conf. M. Lenaerts, avocat général. - Pl. M. Houtekier.
3• CH. - 19 janvier 1977.
1 ° MOTIFS DES JUGEMENTS ET ARR~TS. - MATIÈRE CIVILE. - DÉCISION PRÉCISANT LES ÉLÉMENTS DE FAIT SUR LESQUELS ELLE SE FONDE. - DÉCISION RÉPONDANT AINSI AUX CONCLUSIONS EXPOSANT DES ÉLÉMENTS DE FAIT DIFFÉRENTS OU CONTRAIRES. - DÉCISION RÉGULIÈREMENT MOTIVÉE.
2° MOTIFS DES JUGEMENTS ET ARR~TS. - MATIÈRE CIVILE. - JUGE DU FOND REJETANT LE FONDEMENT D'UNE DEMANDE OU D'UNE DÉFENSE, EN ÉNONCANT LES FAITS JUSTIFIANT LE REJET. - REJET IMPLIQUANT LE REJET DE LA DÉDUCTION TIRÉE DE CETTE DEMANDE OU DE CETTE DÉFENSE.
1 ° Le juge qui précise les éléments de fait sur lesquels il fonde sa décision, motive ainsi régulièrement le rejet de conclusions exposant des éléments de fait différents ou contraires (1). (Constitution, art. 97.)
(1) Cass., 28 octobre 1976, supra, p. 245. (2) Cass., 28 février 1975 (Bull. et Pas.,
1975, I, 671). (3) Cons. cass., 12 mars 1975 (Bull. et
Pas., 1975, I, 706). (4) Cass., 3 septembre 1976, supra, p. 7.
2° Le juge du fond, qui rejette, en relevant des faits différents ou contraires, les éléments sur lesquels se fonde une demande ou une défense, motive ainsi le rejet de la déduction tirée de cette demande ou de cette défense (2). (Constit., art. 97.)
(SOCIÉTÉ ANONYME « PHILLIPS PETROLEUM INTERNATIONAL BENELUX», C. DE MEYER.)
Arrêt conforme aux notices.
Du 19 janvier 1977. - 3° ch. - Prés. M. Naulaerts, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Châtel. - Concl. conf. M. Lenaerts, avocat général. - Pl. MM. De Gryse et Bützler.
3° CH. - 19 janvier 1977.
1° TAXES COMMUNALES ET PROVINCIALES. - TAXES COMMUNALES DIRECTES. - TAXE ANNUELLE. - TAXE NON ENRÔLÉE POUR LE PREMIER EXERCICE. - SANS EFFET SUR L'ÉTABLISSEMENT DE LA TAXE DES EXERCICES SUIVANTS.
2° MOYENS DE CASSATION. - TAXES COMMUNALES ET PROVINCIALES. -MOYEN MÉLANGÉ DE FAIT ET DE DROIT. - IRRECEVABILITÉ.
1 ° La circonstance qu'une taxe communale directe annuelle n'a pas été enrôlée pour le premier exercice n'empêche pas que cette taxe soit enrôlée pour les exercices suivants (3). (Arrêté du Régent du 10 février 1945, art. 43.)
2° Est mélangé de fait et de droit et, partant, irrecevable le moyen qui obligerait la Cour à vérifier des éléments de fait (4). (Constit., art. 95.)
(VIJVERMAN, C. VILLE DE BRUGES.)
ARRÊT (traduction).
LA COUR; - Vu la décision atta-
544 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
quée, rendue le 13 novembre 1975 P1l:r la députation permanente du conseil provincial de la Flandre occidentale ;
Sur le premier moyen, pris de la violation de l'article 43 de l'arrêté du Régent du 10 février 1945,
en ce que la décision rejette les réclamations par lesquelles le demandeur contestait les cotisations portées aux rôles de 1971, 1972, 1973 et 1974 relatives à la taxe de recouvrement sur l'aménagement de trottoirs perçue à Bruges, et déclare ces réclamations non fondées en ce qui concerne les années 1973 et 1974 et irrecevables en ce qui concerne les années 1971 et 1972, aux motifs : d'une part, qu'aux termes de l'article 1•r du règlement fiscal du 3 décembre 1965, applicable en la matière, sont assujetties à une taxe annuelle les propriétés, riveraines ou non, situées le long de voies publiques où des trottoirs sont aménagés ; que la durée du remboursement est fixée à cinq ans ; qu'il en ressort que la taxe litigieuse, comme en principe toute taxe, est un prélèvement annuel qui, pourvu qu'il soit porté au budget de chaque année, grève pendant cinq ans les propriétés qui tombent sous l'application du règlement fiscal ; qu'en l'espèce, les travaux ayant été achevés le 9 septembre 1969, soit au cours du délai de perception du règlement litigieux, la taxe, conformément à l'article 11 de celui-ci, était due pour la première fois en 1970 et la première annuité devait être portée au rôle relatif à l'exercice 1970 ; que, même si éventuellement elles n'ont pas été portées aux rôles de 1970, les annuités pouvaient continuer à être légalement perçues pour les exercices suivants, notamment la quatrième annuité en 1973 et la cinquième en 1974 ; et aux motifs : d'autre part, que les cotisations relatives aux exercices 1971 et 1972 « avaient déjà fait l'objet de réclamations antérieures que, par décision du 6 juin 1973, la députation permanente avait déclarées recevables mais non fondées ; que le réclamant s'était pourvu en cassation contre cette décision et que par arrêt du 20 mars 1974 la Cour de cassation avait rejeté le pourvoi » et que, dès lors, ces cotisations sont définitives à l'égard du réclamant,
alors que un impôt dû le 1"' janvier
1970 n'est plus exigible si le 31 mars 1971 il n'est pas repris dans un rôle rendu exécutoire ; qu'à tort la décision ne reconnaît pas en tant que tel l'impôt dû le 1•r janvier 1970, mais considère les tranches annuelles successives comme des impositions séparées ; qu'il ressort toutefois de la dernière phrase de l'article 1•r du règlement que « la durée du remboursement est fixée à cinq ans» ; qu'il ne s'agit pas d'une imposition pendant cinq années consécutives mais bien d'une imposition payable en cinq ans ; que, partant, la décision confond les notions de « payement », « recouvrement » et « annuité »,
et alors que la réclamation contre une imposition partielle est dirigée contre la cotisation entière, de sorte que les réclamations contre les impositions de 1973 et 1974 valent pour toutes les parties de l'impôt dû le 1er janvier 1970 :
Attendu que l'article 1er du règlement-taxe communal litigieux est libellé comme suit : « Sont assujetties à une taxe annuelle directe, en remboursement des frais exposés par la commune, les propriétés riveraines ou non situées le long de voies publiques ou de parties de celles-ci, où des trottoirs sont aménagés, réaménagés ou élargis ... Le montant total de la taxe n'est pas supérieur aux dépenses recouvrables, plus les intérêts. La durée du remboursement est fixée à cinq ans » ; qu'aux termes de l'article 7 « le montant total à payer correspond au total des tranches annuelles du capital à rembourser, utilisé pour le payement des dépenses recouvrables, augmenté du montant des intérêts qui doivent être payés sur la partie non versée. Les taxes annuelles peuvent être calculées sous la forme de montants annuels fixes », qu'aux termes de l'article 8 « le contribuable peut à tout moment s'acquitter du montant de la taxe en payant à la commune la valeur du montant total des tranches non encore exigibles du capital ; dans ce cas le contribuable doit en faire la demande par lettre recommandée à la poste » et qu'aux termes de l'article 11 « sont portés au rôle les redevables, définis par l'article 10, en fonction de leur qualité de redevable au 1er janvier suivant l'achèvement des travaux » ;
Attendu qu'il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que par application de ce règlement, pour
COUR DE CASSATION 545
les exercices 1971, 1972, 1973 et 1974, il a chaque fois été réclamé au demandeur un montant de 1.364 francs, à savoir un cinquième du montant total de la taxe fixée à 6.818 francs, augmenté des intérêts calculés par année ; qu'il n'apparaît pas qu'un enrôlement ait eu lieu pour l'année 1970;
Attendu qu'il ressort du rapprochement des articles précités du règlementtaxe et du mode d'imposition décrit que l'application du règlement n'avait pas pour objet et pour effet d'assujettir le demandeur à une taxe devant être établie par une cotisation relative à l'exercice 1970, mais à une taxe annuelle à établir pendant cinq ans, à commencer par l'année 1970, dont le montant total, réparti uniformément sur cinq ans, est nécessairement fixé dès le commencement et dont les conditions d'imposition sont déterminées d'après une situation existant au 1•r janvier 1970 ; que, toutefois, à chaque imposition annuelle le contribuable a la possibilité de contester tant le montant total fixé ou le cinquième retenu par année que les conditions d'imposition ;
Attendu, dès lors, que par les motifs cités au moyen la députation permanente justifie légalement sa décision ·
Que le moyen manque en droit ; '
Sur le second moyen, pris de ce que en tout cas, il a été porté en compt~ des intérêts de retard trop élevés,
alors que des intérêts de retard ne peuvent être réclamés avant le payement, que lors de l'envoi du premier avertissement-extrait il n'y avait pas encore de retard et que des intérêts ne peuvent être portés en compte qu'à partir de la date d'échéance de cet avertissement-extrait au plus tôt, jusqu'à chacun des payements ultérieurs :
Attendu que l'examen du moyen obligerait la Cour à procéder à des vérifications de fait ;
Qu'ainsi le moyen est mélangé de droit et de fait et est, dès lors, irrecevable;
Et attendu qu'il ne ressort pas des pièces régulièrement soumises à la Cour
(1) Cass., 24 janvier 1974 et conclusions de M. le procureur général Ganshof van der Meersch (Bull. et Pas., 1974, I, 544) ; GARSONNET et CÉZAR-BRU, t. VI, no 551 ; CUCHE et VINCENT, éd. 1960, no 451; BRAAS,
PASIC., 1977. - pe PARTIE.
, qu'un moyen intéressant l'ordre public doive être soulevé d'office ;
Par ces motifs, rejette le pourvoi; condamne le demandeur aux frais.
Du 19 janvier 1977. - 3° ch. - Prés. M. Naulaerts, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Versée. - Concl. conf. M. Lenaerts, avocat général. - Pl. M. Van de Voorde (du barreau de Bruges).
F" CH. - 20 janvier 1977.
1 ° TIERCE OPPOSITION. - MATIÈRE CIVILE. - RECEVABILITÉ. - CONDI
TIONS.
2° MOTIFS DES JUGEMENTS ET ARR:li:TS. - MATIÈRE CIVILE. - CONCLUSIONS. - MOYEN DEVENU SANS PERTINENCE EN RAISON DE LA SOLUTION DONNÉE PAR LE JUGE AU LITIGE. - POINT D'OBLIGATION POUR LE JUGE DE RÉPONDRE A CE MOYEN.
3° APPEL. - MATIÈRE CIVILE. - ARTICLE 1068, ALINÉA 2, DU CODE JUDICIAIRE. - MESURE D'INSTRUCTION. -
NOTION.
4° APPEL. - MATIÈRE CIVILE. - DÉCISION DU PREMIER JUGE AYANT STATUÉ SUR LA RECEVABILITÉ DE LA DEMANDE ET ORDONNÉ AUX PARTIES DE CONCLURE AU FOND. - APPEL DE CETTE DÉCISION. -EFFET DÉVOLUTIF DE L'APPEL. - CONSÉQUENCE.
1 ° Toute personne qui n'a point été dûment appelée ou n'est pas intervenue à la cause est recevable, sous les réserves indiquées aux paragraphes 1 ° à 4° de l'article 1122 du Code judiciaire, à former tierce opposition à la <Mcision, rendue par une juridiction civile, susceptible de préjudicier à ses droits (1).
t. Il, n° 1588, p. 791 et 792; DE PAGE, t. Il (éd. 1967), no 998, p. 1053 à 1055 ; BOYER, Rev. trim. dr. civ., 1951, p. 163 et suiv., spéc. p. 196.
18
546 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
2° Le juge n'est pas tenu de répondre à un moyen énoncé en conclusions, lorsque ce moyen est devenu sans pertinence en raison de la solution qu'il donne au litige (1). (Constit., art. 97 .)
3° et 4° La décision par laquelle le premier juge, après avoir statué sur la recevabilité de la demande, a remis la cause pour qu'il soit conclu au fond, fût-elle une décision de réouverture des débats, n'est pas une mesure d'instruction au sens de l'article 1068, alinéa 2, du Code judiciaire ; la cour d'appel, saisie du fond du litige par l'appel de cette décision, ne peut, dès lors, décider légalement que le premier juge connaîtra de la prosécution de la cause (2). (Code judic., art. 1068, al. 2.)
(VANDEN BROECK, C. GYSELINCK ET HENNEBERT.)
ARRÊT.
LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 26 novembre 1975 par la cour d'appel de Bruxelles ;
Sur le premier et le deuxième moyen réunis et pris,
le premier, de la violation de l'article 97 de la Constitution,
en ce que l'arrêt décide que le défendeur a démontré « qu'il a un intérêt personnel à ce que l'immeuble de sa femme ne soit pas vendu et à faire prononcer, pour éviter cette vente, la nullité du jugement prononcé contre sa femme»,
sans répondre au moyen par lequel la demanderesse faisait valoir dans ses conclusions régulièrement prises en dedegré d'appel « qu'en outre l'intimé (ici défendeur) n'est que créancier d'une dette future puisqu'à ce jour son épouse a contribué normalement aux
(1) Cons. cass., 22 septembre 1976, supra, p. 80.
(2) Cons. cass., 13 janvier 1972 et les conclusions du ministère public (Bull. et Pas., 1972, 1, 463) et 26 juin 1975 (ibid., 1975, I, 1043).
charges du ménage et qu'aucun élément n'est apporté permettant de supposer que la vente de son bien propre ne lui permettra plus, dans le futur, de contribuer aux charges du ménage selon les modalités de son contrat de mariage», en sorte que l'arrêt n'est pas régulièrement motivé ;
le deuxième, de la violation des articles 1122 du Code judiciaire, 1315, 1316, 1349, 1353 du Code civil et 97 de la Constitution,
en ce que l'arrêt confirme la décision déclarant recevable la tierce opposition formée par le défendeur, aux motifs « que le créancier chirographaire est également recevable à former tierce opposition en cas de fraude de son débiteur et qu'en l'espèce, si seul l'examen du fond pourra permettre de se prononcer au sujet de la réalité d'une telle fraude, il existe dès ores des éléments qui laissent penser que ne sont pas invraisemblables les allégations de l'intimé au sujet du comportement de sa femme, laquelle a d'ailleurs été interdite de l'administration de sa personne et de ses biens par jugement du 2 janvier 1974 »,
alors que, premiere branche, la preuve de l'existence d'une fraude de la part du débiteur, condition de recevabilité de la tierce opposition formée par un créancier chirographaire, doit être apportée devant le juge appelé à trancher cette question de recevabilité ; que l'arrêt relève « qu'en l'espèce, . . . seul l'examen du fond pourra permettre de se prononcer au sujet de la réalité d'une telle fraude », et que, dès lors, constatant ainsi qu'une des conditions de recevabilité de la tierce opposition n'était pas justifiée en l'état, l'arrêt n'a pu légalement déclarer la tierce opposition recevable (violation des dispositions visées au moyen et spécialement des articles 1122 du Code judiciaire et 1315 du Code civil) ;
deuxième branche, dût-on même admettre, quod non, qu'en relevant que « il existe dès ores des éléments qui laissent penser que ne sont pas invraisemblables les allégations de l'intimé au sujet du comportement de sa femme» l'arrêt a constaté l'existence d'une fraude, encore l'arrêt aurait-il, en faisant cette constatation, violé les règles relatives à la preuve par présomption puisqu'il n'exprime aucune certitude au sujet de l'existence de ladite fraude et
COUR DE CASSATION 547
qu'il la déduit par ailleurs non d'un fait certain, mais de simples allégations du défendeur qu'il constate simplement ne pas être invraisemblables (violation des dispositions visées au moyen et spécialement des articles 1315, 1316, 1349, 1353 du Code civil et 1122 du Code judiciaire) ; · troisième branche, dût-on même ad
mettre, quod non, que l'arrêt ait constaté l'existence d'une fraude par le motif repris à la deuxième branche du moyen, encore l'arrêt 1 ° ne donnerait-il aucune réponse adéquate au moyen par lequel la demanderesse faisait valoir dans ses conclusions régulièrement prises en degré d'appel « que seule la fraude commise au cours de l'instance peut être invoquée ; qu'en l'espèce le premier intimé n'est que créancier simple ; qu'aucune fraude commise au cours de l'instance n'a été et ne pourrait être invoquée » ; qu'en effet l'arrêt ne précise aucunement que la fraude dont il aurait, par hypothèse, constaté l'existence a été commise en cours d'instance, et que, dès lors, l'arrêt n'est pas régulièrement motivé (violation de l'article 97 de la Constitution) ; 2° laisserait-il à tout le moins incertain s'il déclare la tierce opposition recevable parce qu'il considère en fait qu'une fraude a été commise en cours d'instance ou parce qu'il a considéré (violant en ce cas l'article 1122 du Code judiciaire) que la tierce opposition serait recevable même si la fraude n'a pas été commise en cours d'instance ; qu'en raison de cette ambiguïté l'arrêt n'est ni légalement justifié ni régulièrement motivé (violation des dispositions visées au moyen et spécialement des articles 1122 du Code judiciaire et 97 de la Constitution) :
Attendu qu'il ressort des constatations et énonciations de l'arrêt qu'en exécution d'un jugement rendu par défaut le 27 avril 1972, condamnant la défenderesse à payer une somme de 1.500.200 francs à la demanderesse, celle-ci a fait saisir un immeuble appartenant en propre à la défenderesse, mais que, le défendeur ayant fait tierce opposition au jugement prononcé contre sa femme, le juge des saisies a ordonné qu'il soit sursis à la vente de l'immeuble ; que cet immeuble est le domicile des défendeurs et de leurs enfants;
Que, suivant le défendeur, son épouse et lui-même sont mariés sous le régime de la séparation de biens, mais qu'en vertu de leur contrat de mariage chacun des époux est tenu de contribuer aux charges du ménage conformément à l'article 1537 du Code civil, et que sa femme a constamment rempli cette obligation en mettant son immeuble à la disposition du ménage ;
Attendu que l'arrêt considère que le défendeur « démontre ainsi qu'il a un intérêt personnel à ce que l'immeuble de sa femme ne soit pas vendu et à faire prononcer, pour éviter cette vente, la nullité du jugement prononcé contre sa femme»;
Qu'il en déduit que le défendeur est un tiers, qu'il n'a pas été partie au jugement contre lequel il exerce son recours et qu'il établit que ce jugement lui cause préjudice ;
Que, sur la base de ces constatations et énonciations, l'arrêt décide « que c'est par conséquent à tort que l'appelante (ici demanderesse) conteste la recevabilité de la tierce opposition de l'intimé (ici défendeur) » ;
Attendu que l'arrêt ne fonde pas ainsi sa décision relative à la recevabilité de la tierce opposition du défendeur sur ce que celui-ci est un créancier, mais sur ce qu'il est un tiers ayant un intérêt personnel à ce que l'immeuble de sa femme, qu'il occupe avec sa famille, ne soit pas vendu ;
Qu'ainsi l'arrêt justifie légalement sa décision;
Attendu que, dès lors qu'il ne se fondait pas sur un droit de créance du défendeur, l'arrêt n'était pas tenu de répondre aux conclusions reproduites dans le premier moyen, suivant lesquelles le défendeur n'était créancier que d'une dette future, ni aux conclusions reproduites sous le 1 ° de la troisième branche du deuxième moyen, suivant lesquelles la fraude qui donne ouverture à la tierce opposition d'un créancier chirographaire doit avoir été commise au cours de l'instance, ces conclusions étant devenues sans pertinence;
Que, pour le surplus, le deuxième moyen, dirigé contre des considérations surabondantes de l'arrêt, est irrecevable à défaut d'intérêt ;
Que, dans la mesure où ils sont rece-
548 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
vables, les moyens ne peuvent être accueillis ;
Sur le troisième et le quatrième moyen réunis et pris,
le troisième, de la violation des articles 1317, 1319, 1320, 1322 du Code civil, 769, 775, 1046, 1050, 1068, 1071 du Code judiciaire et 97 de la Constitution,
en ce que l'arrêt décide « qu'à tort l'appelante (ici demanderesse) demande, à titre subsidiaire, qu'en vertu de l'effet dévolutif de l'appel la cour décide d'examiner l'affaire au fond et ordonne à cette fin la réouverture des débats ; qu'en effet c'est à bon droit que le premier juge a décidé de recourir à l'indispensable mesure d'instruction qu'il a ordonnée ; qu'il n'y a donc aucune raison de réformer le jugement sur ce point ; qu'il échet du reste de constater qu'en l'espèce les parties n'ont pas davantage conclu au fond devant la cour, si bien que l'appelante en est réduite à demander elle-même une réouverture des débats, c'est-à-dire, en fait, la confirmation de la mesure d'instruction ordonnée par le premier juge ; qu'il s'ensuit qu'en vertu des dispositions de l'article 1068, alinéa 2, du Code judiciaire la cour est tenue de renvoyer la cause au premier juge »,
alors que, première branche, le jugement dont appel du 21 mars 1974 n'ordonne pas la réouverture des débats mais remet la cause en continuation pour qu'il soit conclu au fond, et que, dès lors, en décidant que ce jugement avait ordonné la réouverture des débats, l'arrêt 1 ° lui donne une portée inconciliable avec ses termes et viole, partant, la foi qui lui est due (violation des dispositions, spécialement de celles du Code civil, visées au moyen), 2° méconnaît la notion légale de réouverture des débats (violation des dispositions visées au moyen et spécialement des articles 769, 775 et 1071 du Code judiciaire) ;
seconde branche, l'article 1068, alinéa 2, du Code judiciaire ne permet au juge d'appel le renvoi de la cause au premier juge que s'il confirme, même partiellement, une mesure d'instruction ordonnée par le premier juge ; qu'en l'espèce la mesure par laquelle le jugement dont appel du 21 mars 1974 remet la cause en continuation pour qu'il soit
conclu au fond, que confirme l'arrêt, constitue non pas une mesure d'instruction mais une simple mesure d'ordre ; qu'il en serait d'ailleurs de même s'il fallait considérer, quod non, que le premier juge a ordonné une réouverture des débats, et que, dès lors, en renvoyant la cause au premier juge par application de l'article 1068, alinéa 2, du Code judiciaire, en dehors du cas prévu par cett'e disposition, l'arrêt viole et méconnaît la règle de l'effet dévolutif de l'appel qui, en vertu de l'alinéa 1•r dudit article 1068, lui imposait de juger le fond du litige (violation des dispositions visées au moyen et spécialement des articles 1046 et 1068 du Code judiciaire) ;
le quatrième, de la violation des articles 1068, 1071 du Code judiciaire et 97 de la Constitution,
en ce que l'arrêt, après avoir constaté que les parties n'avaient pas encore conclu au fond, décide de renvoyer la cause au premier juge pour leur permettre de ce faire,
alors que le juge d'appel, saisi du fond du litige par l'effet dévolutif de l'appel, était tenu, en vertu de l'article 1068 du Code judiciaire, de statuer lui-même au fond et, pour ce faire, de renvoyer la cause, conformément à l'article 1071 du Code judiciaire, à une de ses audiences ultérieures pour être conclu et statué au fond, et que, dès lors, l'arrêt, en renvoyant la cause au premier juge au lieu de la renvoyer à une de ses propres audiences, a violé les dispositions visées au moyen :
Attendu que la décision par laquelle le premier juge, après avoir statué sur la recevabilité de la tierce opposition, a remis « la cause en continuation » pour qu'il soit conclu au fond, fût-elle une décision de réouverture des débats, encore ne serait-elle pas une mesure d'instruction au sens de l'article 1068, alinéa 2, du Code judiciaire ;
Que, dès lors, saisie du fond du litige par l'appel du jugement avant dire droit, la cour d'appel n'a pu décider légalement que le premier juge connaîtrait de la prosécution de la cause ;
Que les moyens sont fondés ;
Par ces motifs, casse l'arrêt attaqué, en tant qu'il renvoie la cause au premier juge ; rejette le pourvoi pour le surplus ; ordonne que mention du pré-
COUR DE CASSATION 549
sent arrêt sera faite en marge de la décision partiellement annulée ; réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ; renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Mons.
Du 20 janvier 1977. - F• ch. - Prés. M. Perrichon, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp M. Meeùs. - Concl. conf. M. Krings, avocat général. - Pl. MM. L. Simont et Bützler.
ir• CH. - 20 janvier 1977.
MOTIFS DES JUGEMENTS ET ARR~TS. - MATIÈRE CIVILE. - MOTIFS CONTRADICTOIRES. - NOTION.
Se fonde sur des motifs contradictoires et, partant, ne motive pas régulièrement sa décision le juge qui décide, d'une part, que l'appel principal est recevable et fondé et, d'autre part, que cet appel est téméraire et vexatoire et que l'appelant est tenu de payer de ce chef une indemnité à l'intimé (1). (Constit., art. 97 .)
(DEBEFFE, C. PRINTZ, THILL, WIRTGEN, KAUFMANN ET BECKER.)
Arrêt conforme à la notice.
Du 20 janvier 1977. - 1re ch. - Prés. M. Perrichon, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Closon. - Concl. conf. M. Krings, avocat général. - Pl. M. A. De Bruyn.
(1) Cons. cass., 27 novembre 1974 (Bull. et Pas., 1975, I, 343).
ir• CH. - 21 janvier 1977.
1 ° LIBERTÉ DU COMMERCE ET
DE L'INDUSTRIE. - DÉCRET DES 2-17 MARS 1791, ARTICLE 7. - PORTÉE DE CETTE DISPOSITION LÉGALE.
2° ART DE GUÉRIR. - ORDRE DES MÉDECINS VÉTÉRINAIRES. - LOI DU 19 DÉCEMBRE 1950, ARTICLE 11. - RÈGLES DE LA DÉONTOLOGIE VÉTÉRINAIRE ÉTABLIES PAR LE CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'ORDRE.
3° ART DE GUÉRIR. - ORDRE DES MÉDECINS VÉTÉRINAIRES. - CODE DE DÉONTOLOGIE ÉTABLI PAR LE CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'ORDRE. - LOI DU 19 DÉCEMBRE 1950, ARTICLE 11. - DISPOSITION INTERDISANT DE RÉCLAMER DES HONORAIRES INFÉRIEURS A CEUX QUI SONT GÉNÉRALEMENT DEMANDÉS. - DISPOSITION NON ENTACHÉE D'EXCÈS DE POUVOIRS.
4° ART DE GUÉRIR. - ORDRE DES MÉDECINS VÉTÉRINAIRES. - ACTION DISCIPLINAIRE. - LOI DU 19 DÉCEMBRE 1950 CRÉANT L'ORDRE DES MÉDECINS VÉTÉRINAIRES. - APPLICATION SYSTÉMATIQUE D'HONORAIRES RÉDUITS. - SOLLICITATION IRRÉGULIÈRE DE LA CLIENTÈLE. - APPLICATION D'UNE SANCTION DISCIPLINAIRE. - LÉGALITÉ.
1 ° L'article 7 du décret des 2-17 mars 1791, qui garantit la liberté du commerce et de l'industrie, n'exclut point que l'exercice de certaines professions puisse être réglementé par la loi ou en vertu de la loi (2).
2° L'article 11 de la loi du 19 décembre 1950 créant l'Ordre des médecins vétérinaires attribue au conseil supérieur de l'Ordre la tâche, notamment, d'établir les règles de la déontologie vétérinaire, conformément aux buts indiqués par l'article 5 de ladite loi.
3° En disposant dans le Code de déontologie, établi sur le fondement de l'article 11 de la loi du 19 décembre 1950 créant l'Ordre des médecins vétérinaires, qu'il est interdit de réclamer des honoraires inférieurs à ceux
(2) Cass., 21 février 1975 (Bull. et Pas., 1975, I, 636) ; cons. cass., 30 janvier 1976 (ibid., 1976, 1, 607).
550 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
qui sont généralement demandés, le conseil supérieur de l'Ordre n'a pas excédé ses pouvoirs (1).
4° Est légale la décision du conseil mixte d'appel de l'Ordre des médecins vétérinaires qui inflige une sanction disciplinaire à un médecin vétérinaire pour avoir sollicité la clientèle de manière irrégulière, notamment en appliquant des tarifs d'honoraires réduits, et avoir ainsi étendu sa clientèle en nuisant aux intérêts légitimes de ses confrères et en mettant en danger la dignité de la profession. (Loi du 19 décembre 1950, art. 5, 12 et 14, et Code de déontologie, art. 10 et 27 .)
(D... D., C. ORDRE DES MÉDECINS VÉTÉRINAIRES.)
ARRll:T (traduction).
LA COUR ; - Vu la décision attaquée, rendue le 31 mars 1976 par le conseil mixte d'appel d'expression néerlandaise de l'Ordre des médecins vétérinaires;
Sur le premier moyen, pris de la violation des articles 7 du décret des 2-17 mars 1791 portant suppression des droits d'aides, maîtrises, jurandes et établissement de patentes, 5, 6, 11, alinéa 5, 1°, de la loi du 19 décembre 1950 créant l'Ordre des médecins vétérinaires, modifiée par les lois des 20 janvier 1961 et 15 juillet 1970, 97, 107 de la Constitution, 1•r, alinéa 1•r, 10 et 27 du Code de déontologie de l'Ordre des médecins vétérinaires,
en ce que la décision inflige au demandeur la suspension pendant un an du droit d'exercer la médecine vétérinaire, aux motifs que le demandeur admet avoir procédé à des vaccinations contre la peste porcine à 20 francs le porcelet, que le législateur n'a pas subordonné les honoraires des médecins vétérinaires à des obligations légales, que s'il est vrai que les médecins vétérinaires peuvent déterminer librement, à leur choix, leurs honoraires, ce droit es'.; cependant réglementé par l'article 27 du Code de déontologie, en vertu
(1) Cons. cass., 25 avril 1975 (Bu!!. et Pas., 1975, I, 850).
duquel il est défendu de demander des honoraires inférieurs aux tarifs généralement adoptés, que les honoraires pour la vaccination contre la peste porcine ont été fixés par l'Union syndicale vétérinaire belge à 25 francs le porcelet, que le 22 décembre 1973 le conseil supérieur a décidé de se fonder sur ces tarifs lors de l'examen des contestations, qu'il ressort des pièces produites que ce tarif minimum est généralement adopté en Flandre occidentale, que la plainte collective signée par de nombreux médecins vétérinaires de cette province est, en l'espèce, convaincante, et que cette plainte est confirmée par l'instruction faite par le conseil,
alors que, première branche, la tâche du conseil supérieur consiste à fixer les règles de déontologie vétérinaire en vue du respect, de l'honneur, de la probité et de la dignité de la profession ; que cette tâche n'inclut pas celle de fixer des tarifs minima, de sorte que c'est à tort que la décision tient compte de la résolution du 22 décembre 1973 du conseil supérieur (violation des articles 7 du décret des 2-17 mars 1791, 5, 11, alinéa 5, 1 °, de la loi du 19 décembre 1950 et 107 de la Constitution) ;
deuxième branche, en condamnant le demandeur à une peine disciplinaire, pour n'avoir pas observé les tarifs fixés par l'Union syndicale sur lesquels le conseil supérieur avait décidé de se fonder, la décision a prononcé une peine fondée sur des motifs relatifs au mouvement syndical, ce que la loi interdit (violation des articles 6 de la loi du 19 décembre 1950 et 107 de la Constitution) ;
troisième branche, le demandeur invoquait en conclusions que le tarif généralement adopté dans la région où il travaillait était de 20 francs par vaccination et non de 25 francs, que les tarifs doivent être appréciés par région et non par province et diffèrent dans la même province de région à région ; que la décision ne répond pas à suffisance à ces conclusions et ne constate pas régulièrement que le tarif de 25 francs était généralement adopté dans la région du demandeur (violation des articles 97 de la Constitution, 1er, alinéa 1•r, 10 et 27 du Code de déontologie) :
Quant aux deux premières branches :
Attendu que, si l'article 7 du décret
COUR DE CASSATION 551
des 2-17 mars 1791 garantit la liberté du commerce et de l'industrie, il n'est toutefois pas exclu que l'exercice de certaines professions puisse être réglementé par ou en vertu de la loi ;
Attendu que l'article 11 de la loi du 19 décembre 1950 créant l'Ordre des médecins vétérinaires confère au conseil supérieur de cet Ordre la tâche d'établir « les règles de la déontologie vétérinaire conformément aux buts indiqués par l'article 5 de la présente 101»;
Qu'en disposant dans l'article 27 du Code de déontologie qu'il est interdit de réclamer des honoraires inférieurs à ceux qui sont généralement adoptés, le conseil supérieur n'a pas excédé les pouvoirs qui lui ont été conférés ;
Attendu que la décision condamne le demandeur, non pas pour ne pas avoir observé « les tarifs fixés par l'Union syndicale », mais pour avoir enfreint les dispositions de l'article 27 dudit code, parce que les honoraires qu'il réclamait pour les vaccinations étaient inférieurs aux « tarifs généraux », dont le montant se déduisait tant des tarifs de ladite Union auxquels le conseil supérieur se réfère à titre de directive que « du tarif généralement adopté en Flandre occidentale » ;
Quant à la troisième branche :
Attendu que, dès lors que le conseil d'appel a décidé que le demandeur avait enfreint les dispositions de l'article 27 du Code de déontologie, parce qu'il réclamait des honoraires inférieurs aux tarifs indiqués, à titre de directive, par le conseil supérieur pour les médecins vétérinaires ayant une clientèle rurale, sans distinction de régions et généralement adoptés en Flandre occidentale, ce conseil d'appel n'était pas tenu de répondre aux conclusions citées en cette branche, qui étaient devenues sans pertinence ;
Sur le deuxième moyen, pris de la violation des articles 6, 11, alinéa 5, 1 °, de la loi du 19 décembre 1950 créant l'Ordre des médecins vétérinaires, modifiée par les lois des 20 janvier 1961 et 15 juillet 1970, 97 de la Constitution, 1•r, alinéa 1•r, 10 et 27 du Code de déontologie de l'Ordre des médecins vétérinaires,
en ce que la décision inflige au de-
mandeur la suspension pendant un an du droit d'exercer la médecine vétérinaire, aux motifs que l'application systématique d'un tarif réduit en matière de vaccination contre la peste porcine est devenue rapidement notoire, qu'ainsi le demandeur a agi dans le but de solliciter la clientèle, que l'offre de services à tarif réduit est un des moyens employés pour solliciter de manière irrégulière la clientèle, qu'à une distance assez éloignée de son lieu de résidence le demandeur procède systématiquement à des vaccinations contre la peste porcine en des endroits où il ne fournit pas d'autres prestations vétérinaires, et que (le demandeur) a ainsi étendu sa clientèle, éliminé différents médecins vétérinaires d'une série d'exploitations, nui aux intérêts légitimes des médecins vétérinaires loyaux et mis sérieusement en danger l'autorité de la profession, violant ainsi les articles 1er, alinéa 1•r, 10 et 27 du Code de déontologie,
alors que, première branche, le demandeur invoquait en conclusions que l'offre de services à tarif réduit impliquait la nécessaire constatation qu'il faisait ou organisait personnellement de la publicité ; que la décision ne répond pas à ces conclusions (violation de l'article 97 de la Constitution) ;
seconde branche, les infractions disciplinaires retenues à charge du demandeur ne sont, dès lors, pas établies à suffisance et qu'en tout cas la régularité de la sanction ne peut être contrôlée (violation de toutes les dispositions légales invoquées) :
Attendu que le demandeur soutenait en conclusions que l'offre de services à tarif réduit, interdite par l'article 10 du Code de déontologie vétérinaire, suppose l'existence simultanée de deux éléments : a) l'application de prétendus tarifs réduits ; b) le fait de faire et d'organiser personnellement de la publicité basée sur ces tarifs ;
Attendu que la décision répond à ce moyen de défense en considérant « que l'application systématique d'un tarif réduit pour la vaccination contre la peste porcine devint rapidement notoire, qu'en appliquant ce tarif réduit l'appelant a agi dans le but de solliciter la clientèle et a effectivement atteint ce but ... , que l'interdiction imposée par l'article 10 est générale ... , que l'offre
552 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
de services à tarif réduit n'est qu'un des moyens employés pour solliciter illicitement la clientèle ... , et qu'il est apparu de l'instruction que, grâce à des pratiques contraires à la déontologie, l'appelant a réussi à étendre considérablement sa clientèle et à éliminer différents médecins vétérinaires d'une série d'exploitations» ;
Attendu que, par ces motifs et par ceux invoqués dans la réponse au premier moyen, le conseil mixte d'appel motive régulièrement sa décision et en déduit légalement que le demandeur a manqué aux règles de la déontologie, manquement qui justifie la sanction infligée;
Sur le troisième moyen, pris de la violation des principes généraux de droit non bis in idem et du respect des droits de la défense, et de l'article 97 de la Constitution,
Que le moyen ne peut être accueilli ;
Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne le demandeur aux dépens.
Du 21 janvier 1977. - 1re ch. - Prés. Chevalier Rutsaert, premier président. - Rapp. M. Gerniers. - Concl. conf. M. Dumon, premier avocat général. -Pl. M. Houtekier.
Du même jour, un arrêt analogue, en cause de D ... M., sur pourvoi contre la sentence rendue le 31 mars 1976 par le conseil mixte d'appel d'expression néerlandaise de l'Ordre des médecins vétérinaires.
2• CH. - 24 janvier 1977.
RESPONSABILITÉ (HORS CONTRAT). - ACCIDENT DU ROULAGE. - ARRÊ:T DÉCIDANT QUE LA FAUTE DE L'UN DES CONDUCTEURS N'A PAS ÉTÉ LA CAUSE DE L'ACCIDENT. - CONSTATATIONS DE L'ARRÊ:T D'OÙ IL RESSORT QUE, SANS CETTE FAUTE, L'ACCIDENT SE SERAIT PRODUIT TEL QU'IL S'EST RÉALISÉ. - DÉCISION LÉGALE.
Est légalement justifié l'arrêt qui, après avoir constaté que deux conducteurs impliqués dans un accident du roulage ont effectué une manœuvre fautive, décide que la collision a pour cause unique la faute commise par le premier conducteur et que la faute commise par le second est sans relation causale avec l'accident, dès lors qu'il ressort de ses constatations que, sans la faute du second conducteur, l'accident se serait néanmoins produit, tel qu'il s'est réalisé (1). (Code civil, art. 1382 et 1383.)
(CARRÉ ET GERNEZ, C. LEVECQ.)
ARRÊ:T.
LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 28 juin 1976 par la cour d'appel de Mons;
Attendu que les pourvois sont uniquement dirigés contre la décision rendue sur l'action exercée par les demandeurs, parties civiles, contre la défenderesse,
Sur le moyen pris de la violation des articles 12, 110 de l'arrêté royal du 14 mars 1968, 1382, 1383 du Code civil et 97 de la Constitution,
en ce que l'arrêt attaqué, après avoir constaté que le choc avait eu lieu sur la bande droite de circulation, à proximité immédiate de la ligne blanche continue tracée au milieu de la chaussée, et que la voiture de la défenderesse se trouvait au milieu de la route au moment où elle fut aperçue par le premier demandeur, à une distance de 30 mètres environ, acquitte la défenderesse de la prévention de coups ou blessures involontaires mise à sa charge et retient la responsabilité exclusive du premier demandeur dans l'accident, aux motifs « qu'aucune faute en relation causale directe et nécessaire avec l'accident n'a été établie dans le chef de la prévenue ; qu'il n'est pas démontré que Carré (demandeur) fût visible au moment où elle a entamé sa manœuvre de demi-tour ; qu'à supposer que la prévenue ait commis une faute en effectuant ce demitour malgré la présence d'une ligne
(1) Cass., 28 juin 1976 (Bull. et Pas., 1976, I, 1179) ; comp. cass., 13 septembre et 19 octobre 1976, supra, p. 37 et 213.
COUR DE CASSATION 553
blanche continue au centre de la chaussée, encore cette faute éventuelle n'aurait-elle aucun lien de causalité nécessaire avec l'accident ; qu'en effet il suffisait à Carré de poursuivre sa trajectoire en ligne droite pour éviter l'accident ... ; que, pratiquement, la prévenue avait dégagé au moment du choc toute la bande de circulation de droite dans le sens suivi par le cyclomotoriste »,
alors que, première branche,
seconde branche, l'arrêt n'a pas légalement justifié l'absence d'un lien de causalité entre la faute «éventuelle» de la défenderesse et le dommage subi par le premier demandeur, qu'en se bornant à affirmer « qu'il suffisait à Carré de poursuivre sa trajectoire en ligne droite pour éviter l'accident », après avoir constaté que le premier demandeur avait heurté la partie du véhicule de la défenderesse qui se situait sur la bande droite de circulation, l'arrêt ne constate pas que l'accident se serait néanmoins produit et aurait eu les mêmes conséquences si la défenderesse avait exécuté une manœuvre régulière puisque l'accident s'est produit sur la bande droite de circulation :
Sur la seconde branche : Attendu que l'arrêt ne constate pas
que le demandeur Carré a heurté la partie du véhicule de la défenderesse qui se situait sur la bande droite de circulation ;
Qu'il relève « qu'il résulte de la localisation de la terre tombée de la voiture pilotée par la prévenue (voir le plan dressé par les verbalisants) que le choc a eu lieu à proximité immédiate de la ligne blanche continue tracée au milieu de la chaussée ; . . . qu'au moment du choc la voiture était presque parallèle à l'axe de la chaussée et n'offrait avec cette dernière qu'un angle très fermé ; que, pratiquement, la prévenue avait dégagé au moment du choc toute la bande de circulation de droite dans le sens suivi par le cyclomotoriste » ;
Attendu que l'arrêt a pu décider légalement, en se fondant sur ces constatations, que, même à supposer que la prévenue ait commis une faute en effectuant un demi-tour malgré la ligne blanche continue tracée au milieu de la chaussée, cette faute éventuelle serait sans lien de causalité nécessaire avec
l'accident ; que, contrairement à ce que soutient le moyen, l'arrêt ne déduit pas l'absence de responsabilité de la défenderesse de la seule considération qu'il suffisait à Carré de poursuivre sa trajectoire en ligne droite pour éviter l'accident mais aussi de la circonsta:r;1ce qu'au moment du choc la défenderesse avait pratiquement dégagé toute la bande de circulation de droite ;
Qu'ainsi l'arrêt décide, de façon implicite mais certaine, que l'accident se serait produit de la même manière si la défenderesse avait, en exécutant une manœuvre régulière, occupé la même place sur la chaussée ;
Qu'en sa seconde branche le moyen ne peut être accueilli ;
Sur la première branche :
Par ces motifs, rejette les pourvois; condamne les demandeurs aux frais.
Du 24 janvier 1977. - 2" ch. - Prés. Baron Richard, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. Mm• Raymond-Decharneux. Concl. conf. M. Declercq, avocat général. - Pl. MM. Van Ryn et L. Simont.
2° CH. - 24 janvier 1977.
1 ° RESPONSABILITÉ (HORS CONTRAT). - DÉLIT OU QUASI-DÉLIT. -LOIS DÉTERMINANT LES ÉLÉMENTS DU FAIT GÉNÉRATEUR DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE AINSI QUE LE MODE ET L'ÉTENDUE DE LA RÉPARATION. - LOIS DE POLICE AU SENS DE L'ARTICLE 3 DU CODE CIVIL.
2° LOIS ET ARRÊTÉS. - LOIS DE POLICE. - CODE CIVIL, ARTICLE 3. - LOIS DÉTERMINANT LES ÉLÉMENTS DU FAIT GÉNÉRATEUR DE LA RESPONSABILITÉ HORS CONTRAT AINSI QUE LE MODE ET L'ÉTENDUE DE LA RÉPARATION.
3° LOIS ET ARRÊTÉS. - Lois CONCER
NANT L'ÉTAT ET LA CAPACITÉ DES PERSONNES. - LOIS ÉTRANGÈRES RÉGISSANT LES ÉTRANGERS EN BELGIQUE. - LIMITE.
4° ORDRE PUBLIC. - ORDRE PUBLIC
554 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
INTERNATIONAL. LOI ÉTRANGÈRE FIXANT L'ÂGE DE LA MAJORITÉ A 18 ANS. -NON CONTRAIRE A L'ORDRE PUBLIC INTERNATIONAL BELGE.
5° ROULAGE. - LOI RELATIVE A LA POLICE DE LA CIRCULATION ROUTIÈRE, ARTICLE 67. - RESPONSABILITÉ CIVILE DES AMENDES ET DES FRAIS. - RESPONSABILITÉ NE S'ÉTENDANT PAS A LA PERSONNE QUI A ÉTÉ LA TUTRICE D'UN MINEUR DEVENU MAJEUR, AU MOMENT DES FAITS, SUIVANT SA LOI NATIONALE.
1 ° et 2° Les lois qui déterminent les éléments du fait générateur de la responsabilité hors contrat, délictuelle ou quasi délictuelle, ainsi que le mode et l'étendue de la réparation sont des lois de police au sens de l'article 3 du Code civil (1).
3° Les lois étrangères concernant l'état et la capacité des personnes régissent les étrangers en Belgique, sauf lorsqu'elles sont contraires d l'ordre public international belge (2). (Code civil, art. 3, al. 3.)
4° La loi étrangère qui fixe l'âge de la majorité à 18 ans n'est pas, comme telle, contraire à l'ordre public international belge (3).
4° La responsabilité civile de l'amende et des frais, établie par l'article 67 de la loi relative à la police de la circulation routière, ne s'étend pas à la personne qui a été la tutrice d'un mineur devenu majeur, au moment des faits, suivant sa loi nationale (4).
(PROCUREUR DU ROI A VERVIERS, C. KEPPELS ET MÔRSHEIM.)
ARRÊT.
LA COUR ; - Vu le jugement attaqué, rendu en langue allemande le 6 septembre 1976 par le tribunal correctionnel de Verviers, statuant en degré d'appel, et le pourvoi formé en cette même langue ;
(1) Cass., 17 mai 1957, aud. plén., et les conclusions de M. le procureur général Hayoit de Termicourt (Bull. et Pas., 1957, I, 1111) ; 23 novembre 1962 (ibid., 1963, I, 374) ; 23 octobre 1969 (ibid., 1970, I, 168) ; 10 décembre 1976, supra, p. 413 et la note p. 414.
Vu l'ordonnance de Monsieur le premier président du 14 octobre 1976 disant que la procédure sera poursuivie en langue française devant la Cour à partir de l'audience ;
Sur le moyen pris de la violation du principe de la territorialité des dispositions de droit pénal et de l'article 67 de la loi relative à la police de la circulation routière (coordination du 16 mars 1968),
en ce que le tribunal a décidé que Gertrud Morsheim, grand-mère du prévenu André Keppels, ne pouvait être considérée comme civilement responsable pour lui,
alors que la condamnation de la personne civilement responsable n'est qu'une conséquence des dispositions pénales et qu'ainsi la responsabilité civile prévue par l'article 67 de l'arrêté royal du 16 mars 1968 est soumise au principe de la territorialité du droit pénal,
et alors que la législation allemande en vertu de laquelle la majorité est fixée à l'âge de 18 ans ne peut trouver d'application puisqu'elle est en contradiction avec les dispositions d'ordre public de la loi belge :
Attendu que les lois qui déterminent les éléments du fait générateur de la responsabilité civile, délictuelle ou quasi délictuelle, et les conditions d'existence de celle-ci, tant à l'égard de l'auteur du fait dommageable qu'à l'égard de ceux qui ont à répondre pour lui, sont des lois de police au sens de l'article 3, alinéa 1••, du Code civil;
Attendu que cependant l'âge de la majorité et la fin de la tutelle qui en est la conséquence se rattachent à l'état et à la capacité des personnes ;
Attendu qu'en vertu de l'article 3, alinéa 3, du Code civil les lois étrangères concernant l'état et la capacité des personnes régissent les étrangers en Belgique ; que l'application de ces lois n'est tenue en échec que lorsqu'elles vont à l'encontre de l'ordre public international belge ;
Attendu que les dispositions de la
(2) Cons. cass., 19 janvier 1882, motifs (Bull. et Pas., 1882, I, 36).
(3) Cons. cass., 16 février 1955, chambres réunies (Bull. et Pas., 1955, I, 647).
(4) Cons. cass., 6 mars 1950 (Bull. et Pas., 1950, I, 477) et 19 février 1968 (ibid., 1968, I, 772).
COUR DE CASSATION 555
loi allemande fixant l'âge de la majorité à 18 ans et mettant fin, à cet âge, à la tutelle ne sont pas contraires à des principes que le législateur belge considérerait comme essentiels pour la sauvegarde de l'ordre moral, politique ou économique belge ;
Qu'ainsi, ayant constaté que André Keppels, de nationalité allemande, était au moment des faits devenu majeur en vertu de sa loi nationale et avait cessé en conséquence d'être le pupille de Gertrud Morsheim, sa grand-mère, le jugement, qui décide que celle-ci n'est pas civilement responsable pour lui des amendes et des frais auxquels il est condamné, ne viole ni l'article 67 de la loi sur la police de la circulation routière ni le principe de droit pénal invoqué au moyen ;
Que le moyen manque en droit ; Et attendu que les formalités sub
stantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et que la décision est conforme à la loi ;
Par ces motifs, rejette le pourvoi ; laisse les frais à charge de l'Etat.
Du 24 janvier 1977. - 2" ch. - Prés. Baron Richard, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. Mme Raymond-Dechameux. Concl. conf. M. Declercq, avocat général.
2e CH. - 24 janvier 1977.
1 ° CHÈQUE. - LOI DU 1er MARS 1961, ARTICLE 61. - EMISSION. - NOTION.
2° CHÈQUE. - EMISSION SANS PROVISION PRÉALABLE, SUFFISANTE ET DISPONIBLE. - PROVISION DEVANT RÉSULTER
D'UN ENGAGEMENT DU TIRÉ, ANTÉRIEUR A L'ÉMISSION. - FACILITÉS DE CAISSE NE CONSTITUANT PAS CETTE PROVISION.
(1) Cass., 19 janvier 1976 (Bull. et Pas., 1976, I, 564).
Sur ce que la circonstance que le chèque, émis sans provision, est ultérieurement provisionné n'enlève pas à l'émission son caractère délictueux, cons. cass., 18 décembre 1972 (Bull. et Pas., 1973, I, 378).
(2) Cons. cass. fr., 22 avril 1977 (Bulletin
3° MOTIFS DES JUGEMENTS ET ARRÊTS. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. -MOTIFS AMBIGUS. - DÉCISION NON MO
TIVÉE.
4° CASSATION. - ETENDUE. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - ACTION PUBLIQUE. - POURVOI DU MINISTÈRE PUBLIC. - CASSATION D'UNE DÉCISION D'ACQUIT
TEMENT RELATIVE A UNE PRÉVENTION. -FAITS DE CETTE PRÉVENTION CONSTI
TUANT AVEC LES FAITS D'UNE AUTRE PRÉVENTION, AYANT AUSSI FAIT L'OBJET
D'UN ACQUITTEMENT, UN FAIT PÉNAL UNI
QUE. - CASSATION PORTANT SUR LES
DEUX DÉCISIONS.
1 ° IZ y a émission d'un chèque, au sens de l'article 61 de la loi du 1er mars 1961 concernant l'introduction dans la législation nationale de la loi uniforme sur le chèque, lorsque le chèque est mis en circulation ou remis au bénéficiaire (1).
2° Le délit d'émission sans provision d'un chèque bancaire suppose l'absence de provision préalable, suffisante et disponible, résultant d'un engagement du tiré antérieur à l'émission; ne constituent point pareille provision des facilités de caisse ou dépassements de crédit consentis par le tiré lors de la présentation du titre en vue du payement, même si ces tolérances sont conformes à une pratique usuelle mais ne constituent pas une obligation contractée par la banque avant l'émission du chèque (2). (Loi du 1er mars 1961, article 61.)
3° N'est pas régulièrement motivée la décision dont le dispositif est fondé sur des motifs ambigus (3). (Constit., art. 97.)
4° Lorsque, sur le pourvoi du ministère public, la décision d'acquittement relative à une prévention est cassée et que les faits de cette prévention ainsi
des arrêts, Chambre criminelle, n° 4, avril 1977, p. 327) ; XIII0 • journées franco-belgoluxembourgeoises de science pénale (Luxembourg, 6 et 7 avril 1973), in Rev. dr. pén., numéro spécial de novembre-décembre 1973, spécialement le rapport introductif de M. HENRY-D. BOSLY (p. 163 à 167) et les interventions de MM. J.B. HERZOG et PUCHEUS (p. 127).
(3) Cass., 27 octobre 1975 (Bull. et Pas., 1976, I, 253).
556 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
que les faits d'une autre prévention, ayant aussi fait l'objet d'une décision d'acquittement, constituent, d'après les constatations du juge du fond, un fait pénal unique, la cassation porte sur l'une et l'autre décision (1).
(PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D'APPEL DE LIÈGE,
C. GÉRARD.)
ARRf:T.
LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 6 octobre 1976 par la cour d'appel de Liège, statuant comme juridiction de renvoi ;
Vu l'arrêt de la Cour du 4 novembre 1974 (2) ;
Attendu que le défendeur était poursuivi du chef d'avoir, entre le 27 juin 1972 et le 9 septembre 1972, à plusieurs reprises, commis des escroqueries au préjudice de la société anonyme Kredietbank (prévention A) et, en contravention à l'article 61 de la loi du 1er mars 1961, sciemment émis des chèques tirés sur cette banque sans provision préalable, suffisante et disponible (prévention B) ;
I. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision acquittant le défendeur de la prévention B :
Sur le premier moyen, pris de la violation de l'article 61, 1 °, de la loi du l'" mars 1961,
en ce que l'arrêt décide « qu'il est loisible à une banque d'accorder volontairement et sciemment des dépassements de crédit, même d'une manière tacite, sans qu'il soit nécessaire de recourir aux formes usuelles de l'ouverture de crédit ... , qu'il apparaît de l'enquête complémentaire ordonnée . . . que cette pratique est d'usage à la Kredietbank et que le prévenu en a bénéficié, ... que la Kredietbank lui a accordé suivant l'usage des facilités de caisse ... , qu'il découle de ce qui précède qu'en pleine connaissance la Kredietbank a provi-
(1) Cons. cass., 21 mars 1972 (Bull. et Pas., 1972, I, 687), 4 novembre 1974 (ibid., 1975, I, 265) et, quant à la décision sur l'action civile, 8 septembre 1975 (ibid., 1976, I, 36).
Sur ce que, en matière civile, la cassation d'un dispositif de la décision attaquée
sionné les chèques émis par le prévenu»,
alors que, première branche, les éléments nécessaires et suffisants pour constituer l'infraction sont réunis dès que l'auteur émet sciemment un chèque sans provision préalable, suffisante et disponible ; que des « facilités de caisse » qu'un banquier accorde à son client sans aucun engagement de sa part ne permettent pas de considérer qu'il existe une ouverture de crédit susceptible de servir de provision à des chèques ; qu'en effet une simple tolérance de banque, appelée « facilités de caisse » ne suffit pas à établir la formation d'u'.n contrat d'ouverture de crédit, celui-ci impliquant de la part du banquier, aux termes d'un engagement formel et préalable, la mise à la disposition, au profit de son client, d'une somme déterminée dont il peut disposer comme d'un avoir propre ; que des « facilités de caisse » à caractère imprécis et discrétionnaire consenties par un banquier, au-delà d'un crédit automatique (en l'espèce de 25.000 francs), ne sauraient ni constituer une provision ni assurer la protection du public, la facilité des échanges et la sécurité des affaires ;
seconde branche, si la banque a honoré les chèques émis par son client, bien qu'il ait été constaté que le crédit automatique de 25.000 francs accordé par elle était dépassé, elle n'a pu « provisionner » des chèques postérieurement à leur émission et le payement qu'elle a consenti au titre de « facilités de caisse » ne constitue pas une provision préalable, suffisante et disponible, pas plus que la circonstance qu'un compte qui aurait été crédité dans un temps voisin postérieur à la mise en circulation du titre non provisionné n'enlève au fait incriminé son caractère délictueux:
Attendu qu'il ressort des constatations de l'arrêt qu'une partie au moins des chèques mentionnés dans la pré;.. vention ont été émis après épuisement du crédit automatique de 25.000 francs accordé par la Kredietbank au défen-
entraîne la cassation d'un autre dispositü uni par un lien nécessaire à celui qui a été cassé, cons. cass., 2 octobre 1975 et 5 février 1976 (Bull. et Pas., 1976, I, 141 et 631).
(2) Bull. et Pas., 1975, I, 265.
COUR DE CASSATION 557
deur en sa qualité de titulaire d'une carte de banque ;
Que néanmoins l'arrêt acquitte le défendeur de l'ensemble de la prévention en se fondant sur les motifs repris en substance au moyen ;
Attendu que le délit d'émission d'un chèque bancaire sans provision préalable, suffisante et disponible est consommé dès la mise en circulation de ce chèque ou sa remise au bénéficiaire ; qu'une ouverture de crédit susceptible de servir de provision à un chèque ne peut résulter que de l'obligation, contractée par le tiré envers le tireur avant l'émission de ce chèque, de constituer un avoir d'un montant au moins égal dont le tireur pourra disposer par ce chèque ; que ne peuvent former cette provision des dépassements de crédit ou « facilités de caisse », consentis par le tiré lors de la présentation du titre en vue de son payement, fût-ce conformément à une pratique usuelle de la part du tiré mais sans qu'il y soit tenu par un engagement antérieur à l'émission ;
Que ni par les motifs visés au moyen ni par aucun autre de ses motifs l'arrêt ne justifie légalement sa décision que « la Kredietbank a provisionné les chèques émis par le prévenu » ;
Que le moyen est fondé ;
Sur le second moyen, pris de la violation de l'article 97 de la Constitution,
en ce que l'arrêt énonce « qu'en tout état de cause celui-ci (le défendeur) a pu croire qu'il était autorisé a agir ainsi qu'il l'a fait »,
alors que cette motivation ne permet pas de discerner si l'arrêt considère que le prévenu a pu croire qu'il était autorisé à agir ainsi qu'il l'a fait par la loi ou par la banque, et que, quoi qu'il en soit, l'erreur ne constitue une cause de justification que si elle est invincible, ce que la bonne foi de l'auteur ne suffit pas à établir et ce que l'arrêt ne constate d'ailleurs pas :
Attendu qu'il ne ressort pas de l'arrêt que lors de l'émission des chèques le défendeur ait été victime d'une erreur de droit invincible ;
Que le moyen est fondé ;
II. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision acquittant le défendeur de la prévention A :
Attendu que l'arrêt constate que les
faits des préventions d'escroqueries et d'émission de chèques sans provision constituent en l'espèce un fait pénal unique et décide que, « la prévention d'émission de chèques sans provision n'étant pas établie, l'imputation d'avoir commis des escroqueries au moyen de ces émissions ne l'est pas non plus » ;
Que, dès lors, la cassation de la décision rendue sur la prévention d'émission de chèques sans provision doit s'étendre à la décision concernant la prévention d'escroqueries ;
Par ces motifs, casse l'arrêt attaqué ; ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de la décision annulée ; condamne le défendeur aux frais ; renvoie la cause à la cour d'appel de Mons.
Du 24 janvier 1977. - 28 ch. - Prés. Baron Richard, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. Baron Vinçotte. - Concl. conf. M. Declercq avocat général. - Pl. M. Saels (du b;rreau de Bruxelles).
2• CH. - 24 janvier 1977.
1 ° ROULAGE. - DÉCHÉANCE DU DROIT DE CONDUIRE FONDÉE SUR L'INCAPACITÉ PHYSIQUE. - MESURE DE SÉCURITÉ. -DÉCHÉANCE PRONONCÉE A TITRE DÉFINITIF. - POINT DE CONSTATATION QUE L'INCAPACITÉ EST DÉMONTRÉE DEVOIR ÊTRE PERMANENTE. - ILLÉGALITÉ.
2° POURVOI EN CASSATION. - PORTÉE. - MATIÈRES CORRECTIONNELLE ET DE POLICE. - JUGE AYANT STATUÉ PAR DES DÉCISIONS DISTINCTES, D'UNE PART, SUR LA CULPABILITÉ ET LA PEINE, D'AUTRE PART, SUR LA DÉCHÉANCE DU DROIT DE CONDUIRE FONDÉE SUR L'INCAPACITÉ PHYSIQUE. - POURVOI CONTRE LA SECONDE DÉCISION. - POURVOI NE DÉFÉRANT PAS A LA COUR LA PREMIÈRE.
1 ° La déchéance du droit de conduire un véhicule fondée sur l'incapacité physique du prévenu n'est pas une peine mais une mesure de sécurité qui ne peut être légalement prononcée à titre définitif que s'il est con-
558 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
staté que l'incapacité est démontrée devoir être permanente (1). (Loi relative à la police de la circulation routière, art. 42.)
2° Lorsque, en matières correctionneUe et de police, le juge a statué par des décisions distinctes, d'une part, sur
(1) Cass., 20 novembre 1967 (Bull. et Pas., 1968, 1, 374) ; cons. cass., 21 novembre 1966 (ibid., 1967, 1, 380).
(2) Le juge pénal ne peut scinder sa décision sur l'action publique. S'il statue d'abord sur la question de la culpabilité et ultérieurement, par un jugement distinct, sur la peine, les deux décisions sont nulles (cass., 24 février 1975, Bull. et Pas., 1975, 1, 657). Il en va de même si, dans un premier jugement, le juge inflige certaines pénalités en raison d'une infraction déclarée établie et rend ultérieurement un second jugement qui prononce d'autres pénalités en raison du même fait (cass., 29 novembre 1954, Bull. et Pas., 1955, 1, 279).
L'une et l'autre décisions étant nulles et cette nullité étant indivisible, il en découle :
1 ° que le pourvoi formé contre la première décision avant la prononciation de la seconde est irrecevable, la décision n'étant pas définitive au sens de l'article 416 du Code d'instruction criminelle (cass., 9 mars 1976, Bull. et Pas., 1976, I, 749);
2° que l'accueil du pourvoi formé contre la seconde décision entraîne nécessairement la cassation de la première, les deux décisions étant viciées par une seule et même illégalité (cass., 24 février 1975, déjà cité).
Ces principes s'appliquent dans l'hypothèse où deux décisions successives prononcent l'une et l'autre des peines en raison d'un seul fait.
Il est à noter que l'arrêt précité du 9 mars 1976 adopte les mêmes solutions, alors que la décision attaquée avait prononcé des peines du chef d'infraction à la législation sur l'urbanisme et remis la cause en continuation en vue de statuer, au moment opportun, sur la remise des lieux en état. Cette dernière mesure ne constitue assurément pas une peine mais est considérée comme appartenant à la décision sur l'action publique (conclusions de M. l'avocat général Lenaerts précédant l'arrêt du 9 mars 1976, Arresten, 1976, p. 785-787).
Dans l'espèce qui donna lieu à l'arrêt annoté, le tribunal de police avait, le 8 janvier 1976, définitivement statué sur la culpabilité du prévenu et sur les pénalités ; il avait ordonné une expertise en
La culpabiLité et la peine, d'autre part, sur la déchéance du droit de conduire fondée sur l'incapacité physique, le pourvoi dirigé contre la seconde décision ne soumet pas à la Cour l'examen de La légalité de la première (2). (Solution implicite.)
vue de statuer ultérieurement sur une éventuelle déchéance du droit de conduire fondée sur l'incapacité physique. C'est uniquement sur ce point qu'avait à statuer le jugement du 8 novembre 1976, attaqué par le pourvoi.
Se prononçant sur la même question, la cour d'appel de Gand (arrêt du 28 octobre 1971, Rechtsk. Weekbl., 1971-1972, col. 667) avait jugé irrégulière pareille scission de la décision et annulé le jugement qui, après avoir prononcé des peines, avait désigné un expert avant de statuer ultérieurement sur une éventuelle mesure de sûreté.
La déchéance à vie fondée sur l'incapacité physique ne constitue certes pas une peine. Mais n'appartient-elle pas à la décision sur l'action publique, comme la remise des lieux en état, en matière d'urbanisme?
S'il est vrai que, suivant les termes de l'article 42 de la loi relative à la police de la circulation routière, la déchéance est prononcée « à l'occasion d'une condamnation pour infraction ... », il faut en tout cas constater que, suivant sa raison d'être et sa finalité, cette mesure ne participe en rien de la nature de la peine.
L'annulation d'un jugement ne portant que sur cette mesure de sûreté ne peut logiquement exercer une influence sur la validité d'un jugement antérieur ayant complètement et définitivement jugé la question de la culpabilité et tous les effets pénaux qui en découlaient.
Pour décider que la cassation du jugement attaqué ne devait pas étendre ses effets à la première décision, la Cour trouvait d'ailleurs une indication dans ses arrêts du 21 novembre 1966 et du 20 novembre 1967, cités à la note précédente. Il s'agissait sans doute, chaque fois, d'une décision unique statuant tant sur l'action publique que sur la déchéance à vie. Mais, cette dernière mesure ayant été prononcée sans motivation régulière, la Cour avait limité l'annulation à la partie de la décision qui avait statué sur la mesure de déchéance, laissant subsister la décision sur la culpabilité et sur la peine.
Si, en pareil cas, la cassation est partielle, la Cour a estimé à juste titre que. dans l'espèce qui lui était soumise, la cassation ne devait pas s'étendre au premier jugement rendu en la cause.
R.-A. D.
COUR DE CASSATION 559
(SCHÜTZ,)
ARRÊT.
LA COUR ; - Vu le jugement attaqué, rendu le 8 novembre 1976 par le tribunal correctionnel de Liège, statuant en degré d'appel ;
Sur le moyen pris, d'office, de la violation de l'article 42 de la loi relative à la police de la circulation routière :
Attendu que le jugement prononce à charge du demandeur la déchéance définitive du droit de conduire un véhicule, un aéronef ou une monture, pour cause d'incapacité physique, en l'autorisant toutefois à demander, à partir du 1er mars 1978, à être relevé de cette déchéance;
Attendu qu'en se bornant à relever « que Schütz est physiquement incapable de conduire un véhicule jusqu'au 28 février 1975 (lire 1978) au moins ; qu'il est toutefois possible que son incapacité ne se prolonge pas au-delà de cette date », le juge ne constate pas que l'incapacité est démontrée devoir être permanente et ne justifie pas légalement la déchéance définitive du droit de conduire qu'il prononce ;
Par ces motifs, et sans avoir égard aux moyens proposés par le demandeur, qui ne pourraient donner lieu à une cassation sans renvoi, casse le jugement attaqué ; ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de la décision annulée ; laisse les frais à charge de l'Etat ; renvoie la cause au tribunal correctionnel de Huy, siégeant en degré d'appel.
Du 24 janvier 1977. - 2° ch. - Prés. Baron Richard, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. Baron Vinçotte. - Concl. conf. M. Declercq, avocat général. - Pl. MM. Lacroix et Wegnez (tous deux du barreau de Liège).
2• CH. - 25 janvier 1977.
1° JUGEMENTS ET ARRtTS. - VOIES DE NULLITÉ. - INAPPLICABLES AUX JUGEMENTS.
2° PRESCRIPTION. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - ACTION PUBLIQUE. - INTERRUPTION DE LA PRESCRIPTION NE POUVANT RÉSULTER D'UN ACTE NUL.
3° CASSATION. - COMPÉTENCE. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - ACTION PUBLIQUE. - PRESCRIPTION. - POUVOIR DE LA COUR DE VÉRIFIER S'IL EXISTE DES ACTES DE PROCÉDURE RÉGULIÈREMENT PRODUITS QUI ONT INTERROMPU OU SUSPENDU LA PRESCRIPTION DE L'ACTION PUBLIQUE.
4° PRESCRIPTION. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - ACTION PUBLIQUE. - JUGEMENT JOIGNANT DES CAUSES EN RAISON DE LEUR CONNEXITÉ. - ACTE INTERRUPTIF DE LA PRESCRIPTION.
5° PREUVE. - PREUVE LITTÉRALE. -FOI DUE AUX ACTES. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. PROCÈS-VERBAL D'ENQUÊTE. - DÉCISION ATTRIBUANT A CE PROCÈS-VERBAL UNE PORTÉE CONCILIABLE AVEC SES TERMES. - POINT DE VIOLATION DE LA FOI DUE AUX ACTES.
6° INSTRUCTION (EN MATIÈRE RÉPRESSIVE). - OFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE AGISSANT EN EXÉCUTION DE DEVOIRS PRESCRITS PAR UN JUGE D'INTRUCTION. - OFFICIER DE POLICE AINSI HABILITÉ POUR ACCOMPLIR CES DEVOIRS AUPRÈS DES SERVICES DES CONTRIBUTIONS DIRECTES.
7° MOYENS DE CASSATION. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - MOYEN IMPRÉCIS. - IRRECEVABILITÉ.
1 ° Les voies de nullité n'ont pas lieu contre les jugements ; ceux-ci ne peuvent être anéantis que sur les recours prévus par la loi. (Code judic., article 20.)
2° L'interruption de la prescription de l'action publique ne peut résulter d'un acte nul (1).
(1) Cass., 13 octobre 1930 (Bull. et Pas., 1930, I, 319, 20).
560 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
3° La Cour de cassation a le pouvoir de rechercher si, parmi les actes de procédure régulièrement produits, il en existe qui ont interrompu la prescription de l'action publique ou d'où se déduit la suspension de cette prescription ( 1).
4° Un jugement joignant des causes en raison de leur connexité, rendu en temps utile, interrompt la prescription de l'action publique (2). (Loi du 17 avril 1878, art. 22.)
5° Ne viole pas la foi due à un procèsverbal d'enquête la décision qui attribue à celui-ci une portée conciliable avec ses termes (3). (Code civil, articles 1319 et 1320.)
6° Lorsqu'un officier de police judiciaire agissant sur ordre du juge d'instruction est chargé de vérifier des dossiers fiscaux, il est habilité pour accomplir des devoirs d'instruction auprès des services des contributions directes. (Code des impôts sur les revenus, art. 244 ; Code pénal, art. 458.)
7° Est irrecevable le moyen qui invoque la violation d'une disposition légale sans préciser en quoi consiste cette violation (4).
(PACQUEU, C. ÉTAT BELGE, MINISTRE DES FINANCES.)
ARRÊT (traduction).
LA COUR : - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 19 février 1975 par la cour d'appel de Bruxelles, statuant comme juridiction de renvoi ;
Vu l'arrêt de la Cour du 8 janvier 1974 (5) ;
Sur les premier et deuxième moyens réunis et pris,
le premier, de la violation des articles 94, 97, 100, 101 de la Constitution, 21 à 28 du titre préliminaire du Code de procédure pénale, 292, alinéa 2, du Code judiciaire, et du principe général
(1) Cass., 8 octobre 1974 (Bull. et Pas., 1975, 1, 159).
(2) Cons. cass., 29 mai 1972 (Bull. et Pas., 1972, 1, 898), 18 novembre 1975 (ibid., 1976, 1, 344) et 7 octobre 1976, supra, p. 150.
de droit suivant lequel les juges doivent être indépendants et impartiaux et ne peuvent être juge et partie dans une même cause, des articles 1050, 1055 du Code judiciaire, 199, 202, 205 et 215 du Code d'instruction criminelle,
en ce que l'arrêt considère « que, les faits ayant été commis sans interruption de plus de trois ans du 1•r janvier 1964 au 12 mai 1968 et la prescription ayant été suspendue depuis la date de l'arrêt de la cour d'appel de Gand du 9 janvier 1973 jusqu'à celle de l'arrêt rendu par la cour de cassation le 8 janvier 1974, la prescription de l'action publique a été régulièrement interrompue par l'instruction de la cause devant le tribunal correctionnel de Courtrai le 11 mai 1971 »,
alors que, première branche : 1 ° l'instruction de la cause le 11 mai
1971 par un tribunal illégalement composé, puisque le juge Decuyper faisait partie de ce tribunal le 11 mai 1971 et « avait précédemment, en qualité de substitut du procureur du Roi à Courtrai, siégé le 25 mars 1969 comme ministère public en chambre du conseil, lorsque celle-ci devait statuer sur la confirmation ou la non-confirmation du mandat d'arrêt décerné contre le demandeur le 21 mars 1969 », était illégale et nulle ; qu'elle ne pouvait, partant, être considérée comme un acte interruptif de la prescription, un effet interruptif ne pouvant résulter que d'une instruction légale et valable de la cause par le tribunal correctionnel de Courtrai;
2° l'appelant, ici demandeur, ayant sollicité l'annulation des jugements des 16 mars et 15 juin 1971 en raison de la composition irrégulière du tribunal, l'arrêt aurait dû annuler toute la procédure, sauf si l'on devait interpréter l'arrêt en ce sens que par l'annulation du jugement du 15 juin 1971 toute la procédure antérieure a été annulée, hypothèse dans laquelle il y aurait contradiction entre le motif (interruption de la prescription par l'instruction de la
(3) Cass., 10 novembre 1975 (Bull. et Pas., 1976, 1, 308) ; cons. cass., 8 novembre 1976 et 17 janvier 1977, supra, p. 279 et 532.
(4) Cass., 13 décembre 1976, supra, p. 415. (5) Bull. et Pas., 1974, 1, 473.
COUR DE CASSATION 561
cause le 11 mai 1971) et le dispositif (nullité de cette instruction) de l'arrêt,
3° l'arrêt, en invoquant « l'instruction de la cause le 11 mai » comme constituant un acte interruptif de la prescription, s'approprie la nullité de ladite procédure, suivie devant un tribunal irrégulièrement composé, ce qui entraîne la nullité de l'arrêt lui-même ;
deuxième branche, le délai de prescription de trois ans prenant cours le 12 mai 1968, le dernier acte interruptif de la prescription accompli valablement par le ministère public était la citation du 15 février 1971, tous les actes de procédure subséquents du tribunal correctionnel (remise, audition de témoins, jugement de jonction) étant nuls, de sorte que, compte tenu de la suspension d'un an, la prescription, en ce qui concerne l'action publique, était acquise le 19 février 1975, date de l'arrêt attaqué ;
et, troisième branche, l'arrêt considère « que le prévenu invoque à tort la nullité du jugement du 16 mars 1971 ordonnant la jonction des causes numéros 3533-3534/69 et 10 R.D./71 des notices du parquet ; que ce jugement a, certes, aussi été rendu par un siège dont faisait partie le magistrat prénommé, qui ne pouvait intervenir successivement dans la même cause en qualité de partie poursuivante et en qualité de membre du siège » mais « qu'il n'a toutefois pas été interjeté appel de ce jugement, de sorte qu'il a acquis force de chose jugée » ; que, si pour rendre l'arrêt, la cour d'appel de Bruxelles se trouvait, certes, par l'effet dévolutif de l'appel, dans la même situation qu'antérieurement la cour d'appel de Gand, saisie par les appels des 15 juin et 18 juin 1971, le litige, dans l'état où il avait été porté devant la cour d'appel de Gand, ne se limitait cependant pas au seul jugement du 15 juin 1971, en tant que tel, mais s'étendait à toute la procédure suivie par le même tribunal irrégulièrement composé, en ce compris le jugement préparatoire du 16 mars 1971 prononçant la jonction parce que la cour d'appel de Gand ne pouvait, à peine de nullité, s'approprier aucune nullité commise au cours de la procédure en première instance et s'était précisément approprié cette nullité en admettant, en confirmant et en se référant au jugement du 15 juin 1971, ce qui impli-
quait dès lors l'appropriation implicite de la nullité du jugement du 16 mars 1971, de sorte que l'arrêt ne pouvait pas davantage s'approprier cette jonction du 16 mars 1971 et ne pouvait invoquer la force de chose jugée dudit jugement ; d'où il suit que, en invoquant précisément la force de chose jugée du jugement du 16 mars 1971 et ce sans luimême joindre les procédures litigieuses, l'arrêt s'est approprié la nullité du jugement du 16 mars 1971, avec toutes les conséquences qui en résultent, notamment l'anéantissement de l'effet interruptif de la prescription du jugement du 16 mars 1971 ;
le deuxième, de la violation des mêmes dispositions légales que celles citées dans le premier moyen,
en ce que l'arrêt déclare que la nullité du jugement du 16 mars 1971 ordonnant la jonction des causes numéros 3533-3534/69 et 10 R.D./71 des notices du parquet est invoquée à tort ; que ce jugement a, certes, aussi été rendu par un siège dont faisait partie ledit magistrat, qui ne pouvait intervenir successivement dans une même cause en qualité de partie poursuivante et en qualité de membre du siège, mais qu'« il n'a toutefois pas été interjeté appel de ce jugement, de sorte qu'il a acquis force de chose jugée »,
alors que, s'il est vrai que l'arrêt, même en cas d'évocation, ne pouvait statuer sur une cause plus étendue que celle dont avait été saisie la cour d'appel de Gand, il y a toutefois lieu de relever que la cour de Gand pouvait connaître non seulement du jugement du 15 juin 1971, en tant que tel, mais aussi de la procédure antérieure dont ledit jugement était le résultat et la conséquence, et, partant, aussi du jugement du 16 mars 1971, puisque ce dernier n'était qu'un jugement préparatoire et que son résultat, à savoir la jonction, était intégré dans le jugement dont appel du 15 juin 1971 et puisque, le jugement du 15 juin 1971 et tout ce qui l'avait précédéi et y était intégré étant entaché de nullité en raison de la composition irrégulière du tribunal, la cour d'appel de Gand ne pouvait, à peine de nullité, s'approprier aucune nullité entachant la procédure devant le premier juge ; que la cour de Gand s'était précisément approprié la nullité
562 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
de la jonction et, partant, du jugement du 16 mars 1971 en admettant le jugement «joint» du 15 juin 1971, en le confirmant et en s'y référant, de sorte que pour le même motif l'arrêt est également nul et ne pouvait décider que le jugement du 16 mars 1971 avait force de chose jugée : :
A. En tant que les moyens sont dirigés contre la disposition de l'arrêt par laquelle la demande d'annulation du jugement de jonction, prononcé par le premier juge le 16 mars 1971, est rejetée:
Attendu que l'arrêt considère « que la nullité du jugement du 16 mars 1971 ordonnant la jonction des causes numéros 3533-3534/69 et 10 R.D./71 des notices du parquet est invoquée à tort ; que ce jugement a, certes, aussi été rendu par un siège dont faisait partie le magistrat précité, qui ne pouvait intervenir successivement dans une même cause en qualité de partie poursuivante et en qualité de membre du siège ; qu'il n'a cependant pas été interjeté appel de ce jugement, de sorte qu'il a acquis force de chose jugée » ;
Attendu que cette décision est conforme à la loi, les voies de nullité n'ayant, aux termes de l'article 20 du Code judiciaire, pas lieu contre les jugements et ceux-ci ne pouvant être anéantis que sur les recours prévus par la loi ; que, le recours prévu en l'espèce par la loi, à savoir l'appel, n'ayant pas été exercé, le jugement de jonction du 16 mars 1971 demeure valable;
B. En tant que les moyens sont dirigés contre la disposition de l'arrêt suivant laquelle la prescription a été interrompue par l'instruction de la cause devant le tribunal correctionnel le 11 mai 1971 :
Attendu qu'aux termes de la feuille d'audience du 11 mai 1971 des conclusions ont été déposées à cette date par le ministère public, par le demandeur et par le ministère des finances ; que cette instruction, ayant été faite en présence d'un juge qui ne pouvait connaître de la cause, est nulle et n'a, dès lors, pas interrompu la prescription de l'action publique ;
Attendu toutefois que, compte tenu des autres constatations de l'arrêt à savoir « que les faits ont été com~is
sans interruption de plus de trois ans du 1•r janvier 1964 au 12 mai 1968 » et « que la prescription a été suspendue depuis la date de l'arrêt de la cour d'appel de Gand du 9 janvier 1973 jusqu'à celle de l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 8 janvier 1974 », il ressort des éléments de la procédure auxquels la Cour peut avoir égard que la prescription de l'action publique a été valablement interrompue par le jugement précité du 16 mars 1971 ;
Que les moyens ne peuvent être accueillis;
Sur les troisième et quatrième moyens réunis et pris,
ie troisième, de la violation des articles 97 de la Constitution, 43, 44, 45, 235, 244 du Code des impôts sur les revenus, 9, alinéa 2, de l'arrêté royal du 2 octobre 1937 portant le statut du personnel de l'Etat, 1er de la loi du 26 avril 1962 conférant des attributions de police judiciaire à certains agents du Comité supérieur de contrôle et 458 du Code pénal,
en ce que le demandeur a soutenu que, avant que le procureur du Roi eût requis une instruction concernant les faux en écritures imputés au demandeur et avant que le juge d'instruction eût ordonné ou pris une mesure d'instruction relativement auxdits faux, le sieur D'Haene, agent du service d'enquêtes du Comité supérieur de contrôle, s'était fait présenter le dossier fiscal du demandeur par l'administration des contributions directes, aux fins d'être ainsi renseigné sur le montant des timbres-poste que le demandeur prétendait avoir achetés à des dates déterminées et sur les montants que celuici avait alors déclarés et « prouvés» à titre de charges professionnelles, renseignements qui ont mis D'Haene en mesure de constater au bureau des postes de Roulers que, à certaines de ces dates, il avait été vendu une quantité de timbres-poste moindre que celle que le demandeur prétendait avoir achetée, circonstance qui a permis l'ouverture d'une instruction du chef de faux en écritures contre le demandeur, de sorte que le secret professionnel du fonctionnaire des contributions directes a été violé et que toute la procédure subséquente était nulle (y compris la per-
COUR DE CASSATION 563
quisition et la découverte de pièces de conviction et de pièces arguées de faux), et en ce que l'arrêt considère à cet égard que la loi du 26 avril 1962 a conféré à D'Haene un droit de recherche et d'enquête illimité pour constater les infractions commises soit par des préposés de l'administration, soit par des tiers à l'occasion du fonctionnement de celle-ci, qu'il ressort clairement du procès-verbal initial que personne n'a communiqué le nom du prévenu à D'Haene, qu'une violation du secret professionnel par un fonctionnaire des contributions directes constituant le point de départ de l'instruction n'est pas davantage établie, qu'en effet l'officier du Comité supérieur de contrôle est resté dans les limites de ses attributions et a agi dans le cadre de ses droits de recherche et de son domaine d'investigation, et que le fonctionnaire des contributions susvisé n'a ni agi hors l'exercice de ses fonctions ni fourni de renseignements relativement aux bénéfices du contribuable, mais uniquement des renseignements concernant des irrégularités commises par lui et en relation avec des frais ou des dépenses portées en compte,
alors que D'Haene est tenu au secret professionnel au même titre que les autres officiers de police judiciaire et que ce secret n'est levé que dans des cas déterminés, prévus par la loi, ce qui ne résulte pas de l'article 1•r de la loi du 26 avril 1962 ; que la violation du secret professionnel ne consiste pas dans la révélation d'un nom mais, en l'espèce, dans la communication d'éléments qui contribuent à déterminer un bénéfice net ; que, par ailleurs, il ressort du procès-verbal n° 275 du Comité supérieur de contrôle que d'Haene suspectait effectivement le demandeur (ce sur «suggestion» de B ... ) et s'est, dès lors, rendu à l'administration des contributions directes « en visant un objectif précis » ; que, si l'on admet la conception de l'arrêt, à savoir que le secret professionnel ne peut être opposé à D'Haene, ce dernier n'a certes pas excédé le cadre de ses attributions, mais que, si tel n'est pas le cas, l'arrêt ne répond pas de manière adéquate aux conclusions soutenant qu'aucune disposition légale ou/ni ordonnance ou mesure d'une autorité compétente (juge d'instruction) n'avait dispensé du secret
professionnel le fonctionnaire des contributions directes ; que, bien au contraire, l'administration elle-même impose le secret à l'égard du Comité supérieur de contrôle ; que le fonctionnaire des contributions directes concerné a certainement agi hors des limites de l'exercice de ses fonctions, puisque celles-ci consistent à participer, comme agent taxateur, à la détermination du montant de l'impôt, de sorte que, si dans ce but il a l'obligation de fournir des renseignements relatifs aux éléments de bénéfice du dossier O. Pacqueu à d'autres fonctionnaires du ministère des finances, il ne peut par contre en fournir à des tiers, c'est-à-dire des personnes étrangères à l'administration des finances ; que les éléments litigieux, à savoir les montants payés à des dates déterminées pour l'achat de timbresposte, et déclarés et « prouvés » comme dépenses professionnelles, sont bien en rapport avec les « bénéfices » visés à l'article 244, puisqu'ils sont de nature à diminuer le bénéfice brut et à permettre ainsi de déterminer le bénéfice net ; qu'ils ne perdent pas ce caractère parce qu'ils seraient inexacts, irréguliers ou prouvés par des documents faux ;
le quatrième, de la violation des articles 97 de la Constitution, 1er de la loi du 26 avril 1962, 8, 29 du Code d'instruction criminelle et 1317 à 1324 du Code civil,
en ce que l'arrêt affirme qu'en excipant de l'incompétence ratione materiae de D'Haene, agent du service d'enquêtes du Comité supérieur de contrôle, le demandeur vise notamment le contenu du procès-verbal n° 275, mais qu'il apparaît clairement de ce procès-verbal que son rédacteur a recueilli des renseignements au cours d'une instruction mise à charge d'un certain B ... R., dans laquelle pouvait être impliqué notamment un certain Van H ... , inspecteur des contributions directes à Ypres, de sorte que l'on peut en déduire que les renseignements relatifs au demandeur n'ont été recueillis que dans le cadre d'une enquête faite à charge d'un inspecteur des contributions, enquête qui concerne certainement le fonctionneme.nt de l'administration, avec cette conséquence que les renseignements concernant le demandeur ont, ensuite, été régulièrement transmis à l'autorité compétente,
564 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
alors qu'il ressort des conclusions prises devant la cour d'appel de Gand que le demandeur n'a pas seulement invoqué la nullité, du chef d'excès de pouvoir ratione materiae, du procès-verbal n° 275 mais aussi celle des actes, pièces, opérations et procès-verbaux subséquents, tels que le mandat de perquisition, la saisie par D'Haene des pièces découvertes lors de cette perquisition, les procès-verbaux d'audition, la saisie de déclarations fiscales et toutes les 111esures d'instruction relatives au fait B sur lesquelles l'administration des contributions directes s'est fondée, en bref, la nullité de toutes les pièces signées par D'Haene ou un agent du Comité supérieur de contrôle et de toutes les opérations auxquelles ils ont participé après le procès-verbal n ° 275, puisque ce n'est qu'ultérieurement que le procureur du Roi a requis une instruction et que le juge d'instruction a chargé le même D'Haene de devoirs d'information en la cause, ainsi que les dossiers le prouvent,
et qu'il apparaît du procès-verbal n ° 275 lui-même que les renseignements relatifs au demandeur n'ont pas été obtenus « à l'occasion» de l'instruction faite à charge de l'inspecteur Van H ... , mais ont été obtenus en obligeant d'abord un fonctionnaire à donner connaissance du dossier fiscal du demandeur et en comparant ensuite, au bureau des postes de Roulers, les éléments recueillis lors de la communication du dossier fiscal avec ceux du livre de timbres-poste « 995 », qu'il s'agit là d'activités spécifiques de recherche, de sorte que l'arrêt ne répond pas de manière adéquate aux conclusions du demandeur et viole la foi due au procèsverbal n ° 275 :
A. Attendu que le procès-verbal n° 275 du 17 mars 1969 du commissaire principal près le Comité supérieur de contrôle D'Haene, établi « en exécution du devoir prescrit par l'apostille n° 15286/68 du 26 novembre 1968 du juge d'instruction Casier à Courtrai », est ainsi conçu : « Au cours de l'instruction ouverte à charge de B ... Roger et lors d'un entretien confidentiel, l'intéressé à déclaré que la falsification des bordereaux d'achat de timbres-poste avait été commise par d'« autres». Il ne souhaitait toutefois pas fournir de plus amples renseignements. Les ré-
ponses évasives données à ces questions nous ont fait présumer que cela avait peut-être été le cas pour Pacqueu Oscar, directeur pour la Flandre occidentale de la compagnie d'assurances Union-Vie, et pour D.P.M. Compte tenu de la mission générale de vérifier les dossiers fiscaux des personnes qui avaient reçu des commissions payées par la compagnie Union-Vie, nous avons appris que pour l'exercice 1967, revenus de 1966, Pacqueu Oscar avait déclaré une dépense, pour des timbresposte, d'un montant de 34.000 fr. . .. » et « D'autre part nous avons également appris que Van H ... Albert, inspecteur à l'administration des contributions directes . . . aurait conclu des contrats d'assurance pour le compte de la compagnie Union-Vie et aurait utilisé à cette fin les noms desdits D.P.M. et Pacqueu. Nous rappelons que des rumeurs relatives à pareille activité de Van H ... nous ont déjà été rapportées confidentiellement lors de diverses auditions, sans toutefois que des faits précis aient été révélés » ;
Attendu qu'il ressort de ce qui précède que les juges n'ont pas donné du procès-verbal n° 275 une interprétation inconciliable avec ses termes en considérant qu'il apparaît de celui-ci que son rédacteur a obtenu des renseignements au cours d'une instruction ouverte à charge d'un certain B ... R., dans laquelle pouvait notamment être impliqué un certain Van H ... , inspecteur à l'administration des contributions directes d'Ypres ;
Attendu que, dès lors, dans la mesure où il allègue une violation de la foi due aux actes, le quatrième moyen manque en fait;
B. Attendu que, quant au surplus, les moyens reprennent en partie le grief que le demandeur avait soumis à la cour d'appel, à savoir que par son intervention dans le cas d'espèce le commissaire principal D'Haene avait excédé les pouvoirs qui lui étaient conférés par l'article 1er de la loi du 26 avril 1962 précité et avait fait des actes d'instruction ne concernant pas le fonctionnement des services publics, ou soutiennent que, tout au moins, il n'a pas été répondu à ce grief ;
Attendu que l'arrêt rappelle d'abord qu'en son article 1er « la loi du 26 avril 1962 conférant des attributions de po-
COUR DE CASSATION 565
lice judiciaire à certains agents du Comité supérieur de contrôle a donné aux agents du service d'enquêtes, dont D'Haene faisait partie, un droit de recherches et d'enquêtes illimité pour rechercher les infractions commises soit par des agents de l'administration, soit par des tiers à l'occasion du fonctionnement de l'administration, et pour constater ces infractions par des procèsverbaux faisant foi jusqu'à preuve du contraire » ;
Qu'ensuite et comme il a été dit cidessus il définit le contenu du procèsverbal n ° 275 et conclut « qu'il s'ensuit que les recherches faisant l'objet du procès-verbal litigieux relevaient de la compétence du verbalisateur ; qu'au cours de ses investigations ce dernier a cru trouver des indices d'une infraction qui aurait pu être commise par Pacqueu ; qu'en sa qualité d'officier de police judiciaire, et comme le lui imposait l'article 8 du Code d'instruction criminelle, il a informé l'autorité judiciaire des renseignements qu'il avait recueillis et que cette autorité en a régulièrement disposé » ;
Qu'ainsi l'arrêt relève que, lors des constatations et recherches consignées dans le procès-verbal n° 275, le commissaire D'Haene n'a pas excédé les limites de ses attributions et répond de manière adéquate aux conclusions du demandeur à cet égard ;
Que, dans la mesure où ils invoquent la violation de la loi du 26 avril 1962 et de l'article 97 de la Constitution, les moyens ne peuvent, dès lors, être accueillis;
C. Attendu que le troisième moyen reprend le grief déjà formulé devant la cour d'appel, à savoir que, en recueillant des renseignements quant aux achats de timbres-poste déclarés par Pacqueu comme charges professionnelles, un fonctionnaire des contributions directes avait violé le secret professionnel, et allègue du moins que sur ce point l'arrêt ne répond pas de manière adéquate aux conclusions du demandeur;
Attendu que l'arrêt ne décide pas qu'un fonctionnaire des contributions n'est pas tenu au secret professionnel vis-à-vis du commissaire D'Haene ; qu'il se borne à constater que l'instruction ne trouve pas sa cause dans un ren-
seignement fourni par un fonctionnaire des contributions ;
Attendu que, comme il a été dit cidessus, l'arrêt décide en outre non seulement que le commissaire principal du Comité supérieur de contrôle est resté dans les limites de ses attributions,, mais aussi qu'il a recueilli des renseignements à l'occasion d'une enquête faite à charge d'un membre de l'administration des contributions directes, et ce, sans qu'un fonctionnaire des contributions ait violé le secret professionnel ; que, partant, il répond aux conclusions du demandeur ;
Attendu que, lorsque, comme en l'espèce, un officier de police judiciaire agit régulièrement sur ordre du juge d'instruction et est chargé de la mission de vérifier des dossiers fiscaux, il est habilité pour accomplir des devoirs d'instruction auprès des services des contributions directes ; que l'article 244 du Code des impôts sur les revenus ne s'applique pas dans ce cas ;
Que, dans la mesure où ils soutiennent que le fonctionnaire des contributions n'a pas agi dans l'exercice de ses fonctions et que les renseignements fournis par lui concernaient des éléments de bénéfice, les moyens critiquent des motifs surabondants ; que, pour le surplus, ils n'indiquent pas en quoi les articles 43, 44, 45 et 235 du Code des impôts sur les revenus auraient été violés;
Que les moyens ne peuvent être accueillis ;
Sur le cinquième moyen,
Que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le sixième moyen,
Que le moyen manque en fait ;
Et attendu que les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et que la décision est conforme à la loi ;
Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne le demandeur aux frais.
Du 25 janvier 1977. - 2e ch. - Prés. M. Wauters, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Versée. -
566 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
Concl. conf. M. Colard, avocat général. - Pl. MM. Delafontaine (du barreau de Courtrai) et Claeys Boùùaert.
2e CH. - 25 janvier 1977.
1 ° RENVOI APRÈS CASSATION. MATIÈRE RÉPRESSIVE. - POUVOIRS DU
JUGE DE RENVOI. - CASSATION AVEC
RENVOI SUR LE SEUL POURVOI DU CONDAMNÉ. - POUVOIR DU JUGE DE RENVOI D'AGGRAVER LA PEINE.
2° MOYENS DE CASSATION. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - MOYEN INVO
QUANT UN DÉFAUT DE RÉPONSE AUX CON
CLUSIONS. - POINT DE PRÉCISION. -
IRRECEVABILITÉ.
1 ° Lorsque la cassation est prononcée, en matière répressive, sur le seul pourvoi du condamné et la cause renvoyée à un autre juge, celui-ci a les mêmes pouvoirs que le juge dont la décision a été cassée ; il peut, dès lors, prononcer toute peine que ce juge eût pu légalement prononcer et aggraver celle qui fut prononcée (1).
2° Est irrecevable, en raison de son imprécision, le moyen qui invoque un défaut de réponse aux conclusions, sans indiquer la demande, la défense ou l'exception à laquelle il n'aurait pas été répondu (2).
(TRUANT ET SOCIÉTÉ DE PERSONNES
A RESPONSABILITÉ LIMITÉE « FIRMA TRUANT ».)
ARRÊT (traduction).
LA COUR ; - Vu le jugement attaqué, rendu le 2 mars 1976 par le tribunal correctionnel de Furnes, statuant en degré d'appel et sur renvoi ;
Vu l'arrêt de la Cour du 14 octobre 1975 (3) ;
(1) Cass., 25 septembre 1974 (Bull. et Pas., 1975, I, 99).
(2) Cass., 10 novembre 1975 (Bull. et Pas., 1976, I, 316).
(3) Bull. et Pas., 1976, I, 189.
Sur le premier moyen, pris de ce que le jugement attaqué condamne le demandeur à une amende de 50 francs, sans sursis, quoique le jugement du tribunal correctionnel d'Ypres, cassé sur son pourvoi par l'arrêt de la Cour de cassation, ne l'eût condamné qu'à une amende de 20 francs avec sursis d'un an,
alors que le tribunal auquel une cause est renvoyée à la suite d'une cassation prononcée sur le seul pourvoi du condamné ne peut en aucun cas prononcer de peines plus fortes que celles infligées par la décision annulée:
Attendu que, lorsque la cassation est prononcée, en matière répressive, sur le seul pourvoi du condamné et la cause renvoyée devant un autre juge, celui-ci a les mêmes pouvoirs que le juge dont la décision a été cassée ; qu'il peut, partant, prononcer toute peine que ce juge eût pu légalement prononcer et aggraver celle qui l'a été;
Que le moyen manque en droit ;
Sur le deuxième moyen, pris de ce que le jugement ne répond pas à tous les moyens développés en conclusions par les demandeurs :
Attendu que le moyen n'indique pas la demande, l'exception ou la défense à laquelle il n'aurait pas été répondu ;
Qu'il est, dès lors, irrecevable ;
Sur le troisième moyen, pris de ce que le jugement viole la loi en l'appliquant d'une manière erronée,
Que le moyen manque en fait ; Et attendu, en ce qui concerne le de
mandeur, que les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et que la décision est conforme à la loi ;
Par ces motifs, rejette les pourvois; condamne les demandeurs aux frais.
Du 25 janvier 1977. - 2• ch. - Prés. M. Wauters, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Versée. -Concl. conf. M. Colard, avocat général. - Pl. M. Mahieu (du barreau de Furnes).
Du même jour, un arrêt analogue en
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COUR DE CASSATION 567
cause de Truant, société de personnes à responsabilité limitée « Firma Truant » et société de personnes à responsabilité limitée « Fury » contre un autre jugement, du même jour, du tribunal correctionnel de Furnes.
2• CH. - 25 janvier 1977.
JUGEMENTS ET ARR~TS. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. - TÉMOINS, EXPERTS, INTERPRÈTES. - NULLITÉS TOUCHANT LE SERMENT DE CES PERSONNES. - DÉCISION ULTÉRIEURE CONTRADICTOIRE, AUTRE QU'UNE DÉCISION D'ORDRE INTÉRIEUR. - NULLITÉ COUVERTE.
En matière pénale, les nullités résultant d'une irrégularité touchant le serment des témoins, experts et interprètes sont couvertes lorsqu'un jugement ou arrêt contradictoire, autre que celui prescrivant une mesure d'ordre intérieur, a été rendu sans qu'elles aient été proposées par une des parties ou prononcées d'office par le juge (1). (Code d'instr. crim., art. 407, complété par l'article unique de la loi du 22 juin 1976.)
(LEYSENS, C. SOCIÉTÉ ANONYME « FILATELIA DE BEIR » ET DE BEIR.)
ARRtT (traduction).
LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 9 novembre 1976 par la cour d'appel de Gand ;
I. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l'action publique:
Sur le premier moyen, pris de la violation des articles 78 du Code d'instruction criminelle et 97 de la Constitution,
en ce que l'arrêt rejette l'action tendant à l'internement du demandeur sur le fondement du rapport d'expertise du docteur Hubert Van Hoorde du 17 mars 1976,
alors que cet expert n'a pas prêté le
(1) Cons. cass., 17 janvier 1977, supra, p. 530 et la note 4.
serment prescrit par la loi ; qu'un procès-verbal signé par l'expert contient, certes, le serment prescrit par l'article 44 du Code d'instruction criminelle mais suivi des termes biffés « ainsi m'aide Dieu » ; que cette pièce est un acte de procédure pénale, qui, en vertu de l'article 78 du Code d'instruction criminelle, ne peut contenir aucune rature non approuvée ; que ladite rature dans l'acte signé par l'expert n'a pas été approuvée et est, dès lors, conformément à l'article 78 du Code d'instruction criminelle, réputée non existante ; de sorte que dans son premier rapport l'expert n'a pas prêté le serment prescrit par la loi et que, partant, le rapport d'expertise est nul et ne peut servir de motivation à l'appui de la décision de la Cour :
Attendu que la cause a été instruite par la cour d'appel au cours de l'audience publique du 3 octobre 1976, soit après l'entrée en vigueur de la loi du 22 juin 1976 concernant le serment en matière pénale ; que le demandeur n'a pas invoqué la nullité du rapport d'expertise devant le juge d'appel et que la nullité n'a pas non plus été prononcée d'office par ce dernier ; que, par conséquent, l'arrêt, qui ne concerne pas une mesure purement préparatoire et a été rendu contradictoirement, couvre la prétendue nullité ;
Attendu que le moyen, fût-il fondé, est irrecevable ;
Et attendu que les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et que la décision est conforme à la loi ;
II. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l'action civile exercée contre le demandeur par:
a) la défenderesse : Attendu que l'arrêt, par confirmation
du jugement dont appel, condamne le demandeur à une indemnité provisionnelle et remet la cause sine die en prosécution;
Attendu que pareille décision, qui ne statue pas non plus sur une contestation de compétence, n'est pas définitive au sens de l'article 416 du Code d'instruction criminelle ;
Que le pourvoi est, dès lors, irrecevable;
568 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
b) le défendeur : Attendu que le demandeur n'invoque
aucun moyen spécial ;
Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne le demandeur aux frais.
Du 25 janvier 1977. - 2e ch. - Prés. M. Wauters, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Soetaert. -Concl. conf. M. Colard, avocat général. - PL. M. G. De Heselle (du barreau de Gand).
2e CH. - 25 janvier 1977.
JURIDICTIONS D'INSTRUCTION. ARRt:T DE LA CHAMBRE DES MISES EN ACCUSATION RENVOYANT L'INCULPÉ AU TRIBUNAL CORRECTIONNEL. - ARRt:T RENDU HORS DE LA PRÉSENCE DU MINISTÈRE PUBLIC. - LÉGALITÉ.
Aucune disposition du Code d'instruction criminelle ou d'une autre loi ne prescrit que les arrêts de la chambre des mises en accusation, qui, en règle, statue à huis clos, doivent être rendus en présence du ministère public (1).
(VAN DER LEENDEN.)
ARRt:T (traduction).
LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 9 novembre 1976 par la cour d'appel d'Anvers, chambre des mises en accusation ;
Sur le second moyen, pris de ce que l'arrêt omet de mentionner quel magistrat du ministère public a assisté à
(1) Cons. cass. fr., 22 novembre 1923 (Bull. des arrêts, chambre criminelle, 1923, n° 403, p. 672); Novelles, Froc. pén., t. II-1, Des mises en accusation, n° 27 ; Rép. prat. dr. belge, vo Ministère public, no 430; FAUSTIN HÉLIE, Pratique criminelle, t. Il, n°• 7 et 20, et Instruction criminelle, t. II, n°• 2986, 3129 et 3130; GARRAUD, Instr. criminelle, t. III, no 1031.
l'audience de la chambre des mises en accusation le 9 novembre 1976,
alors que le ministère public devait assister à la prononciation de l'arrêt à ladite audience ; de sorte que l'arrêt, qui ne constate pas cette présence, est nul:
Attendu qu'aucune disposition du Code d'instruction criminelle ne prescrit que les arrêts de la chambre des mises en accusation, qui, en règle, statue à huis clos, doivent être rendus en présence du ministère public ; que, partant, ces arrêts ne doivent pas faire mention de l'identité du magistrat du ministère public qui aurait assisté à l'audience à laquelle un tel arrêt a été rendu;
Que le moyen manque en droit ;
Sur le premier moyen, pris de ce que l'arrêt ne répond pas aux conclusions du demandeur,
Que le moyen manque en fait ; Et attendu que les formalités substan
tielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et que la décision est conforme à la loi ;
Par ces motifs, rejette le pourvoi; condamne le demandeur aux frais.
Du 25 janvier 1977. - 2e ch. - Prés. M. Wauters, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. Chevalier de Schaetzen. - Concl. conf. M. Colard, avocat général. - Pl. M. Tytgat (du barreau de Gand).
3e CH. - 26 janvier 1977.
1 ° MILICE. - SURSIS OU DISPENSE DU SERVICE POUR CAUSE MORALE. - INSCRIT DONT UN FRÈRE OU UNE SŒUR A ACCOMPLI UN SERVICE ACTIF. - FAMILLE COMPTANT AU MOINS UN MEMBRE AYANT LA QUALITÉ DE PRISONNIER POLITIQUE. - QUALITÉ DE PRISONNIER POLITIQUE. - NOTION.
COUR DE CASSATION 569
2° MILICE. - SURSIS OU DISPENSE DU
SERVICE POUR CAUSE MORALE. - INSCRIT DONT UN FRÈRE OU UNE SŒUR A ACCOMPLI UN SERVICE ACTIF. - FA
MILLE COMPTANT AU MOINS UN MEMBRE AYANT SUBI, COMME PRISONNIER POLITIQUE, UNE DÉTENTION DE SIX MOIS AU MOINS. - AUTORITÉ COMPÉTENTE POUR
FIXER LA DURÉE DE LA DÉTENTION.
1 ° Par membre d'une famille ayant la qualité de prisonnier politique, au sens de l'article 12, § 1er, 5°, e, des lois sur la milice coordonnées le 30 avril 1962, modifié par l'article l", JO, de la loi du 30 juillet 1974, il faut entendre le membre de la famille bénéficiant du statut légal de prisonnier politique (1).
2° Les commissions a'agréation pour prisonniers politiques et ayants droit sont seules compétentes, à l'exclusion des juridictions de milice, pour déterminer la durée de l'incarcération ou de l'internement subi par un membre de la famille d'un milicien. (Loi du 26 février 1947 organisant le statut des prisonniers politiques et de leurs ayants droit, art. 32 ; arrêté du Régent du 27 mai 1947 créant les commissions d'agréation et fixant la compétence et la procédure pour l'application de la loi du 26 février 1947, art. 13 ; loi du 10 mars 1954.)
(DEBRUGE.)
ARRÊT.
LA COUR ; - Vu la décision attaquée, rendue le 9 novembre 1976 par le conseil supérieur de milice ;
Sur le moyen pris de la violation de l'article 12, § 1er, 5°, alinéa 3, e, des lois sur la milice, coordonnées le 30 avril 1962 et modifiées par l'article 1~r de la loi du 30 juillet 1974, et de l'arrêté ministériel du 2 décembre 1974,
en ce que, après avoir constaté que la période de détention, en qualité de
(1) Cass., 18 mars 1963 (Bull. et Pas., 1963, I, 779) ; cons., pour ce qui concerne les prisonniers de guerre, cass., 6 octobre 1976, supra, p. 147, et, pour ce qui concerne les déportés, cass., 9 juin 1976 (ibid., 1976, I, 1096).
prisonnier politique, du père du demandeur est de 114 jours ou trois mois de trente jours plus 24 jours, inférieure à une période de détention de six mois au moins, le conseil supérieur de milice décide que le demandeur ne peut se prévaloir d'aucun service de frère au sens des dispositions de l'article 12, § 1er,50,e, , ,,
alors que le conseil supérieur de milice a ajouté à cette disposition légale une condition qui n'y est pas inscrite, soit la reconnaissance d'au moins six mois de détention par la commission d'agréation pour prisonniers politiques ou ayants droit ; qu'en effet cette commission avait pour but de reconnaître le droit au titre de prisonnier politique ou de bénéficiaire du statut y afférent et de déterminer la durée de détention indemnisable ; qu'en revanche, au point de vue de la dispense du service, la juridiction de milice devait tenir compte non seulement de la période de détention indemnisable, dans le cadre du statut du prisonnier politique, mais de la durée de la détention effectivement subie par le père du demandeur ; que, suivant les pièces jointes au dossier, il était établi qu'entre les deux périodes de détention complète le père du demandeur avait été maintenu en semidétention, en résidence surveillée, ce qui avait d'ailleurs permis sa réincarcération ultérieure ; que cette période de semi-détention constitue, en fait, une période de privation de liberté qui doit être comprise dans le calcul de la détention subie ; qu'en refusant au demandeur d'admettre la dispense du service au motif que la durée de détention de son père en tant que prisonnier politique n'a pas été de six mois au moins, la décision méconnaît la disposition légale visée au moyen :
Attendu que, pour obtenir la dispense du service militaire pour cause morale, le demandeur invoquait la circonstance que son père avait obtenu la qualité de prisonnier politique et que la détention effectivement subie par celui-ci était supérieure à six mois ;
Attendu que la décision entreprise constate que la période de détention comme prisonnier politique du père du demandeur est de 114 jours ou trois mois complets de 30 jours, plus 24 jours, inférieure à la période de détention de six mois au moins prescrite à l'arti-
570 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
cle 12, § l'•r, 5°, alinéa 3, e, des lois sur la milice, coordonnées le 30 avril 1962 ;
Attendu que cette disposition légale prévoit que l'inscrit dont les père, mère, frère ou sœur ont subi comme prisonniers politiques une détention de six mois au moins est en droit d'être dispensé du service en temps de paix ;
Attendu que la notion de la qualité de prisonnier politique suppose nécessairement l'existence d'un statut ;
Attendu qu'il ressort de l'article 32 de la loi du 26 février 1947 organisant le statut des prisonniers politiques et de leurs ayants droit et de l'article 13 de l'arrêté du Régent du 27 mai 1947 créant les commissions d'agréation et fixant la compétence et la procédure pour l'application de ladite loi que ce sont les commissions d'agréation qui déterminent les cas où les prisonniers politiques peuvent revendiquer le titre de prisonnier politique ou celui de bénéficiaire du statut et qui fixent la durée de l'incarcération ou de l'internement ;
Attendu qu'il n'appartient pas aux juridictions de milice de modifier la durée de la détention, telle qu'elle a été déterminée par les commissions d'agréation;
Qu'il s'ensuit que, en prenant en considération la durée de la détention telle qu'elle a été fixée par la décision rendue le 28 octobre 1948 par la commission d'agréation, le conseil supérieur de milice a légalement justifié sa décision ;
Que le moyen manque en droit ;
Par ces motifs, rejette le pourvoi.
Du 26 janvier 1977. - 3° ch. - Prés. M. Polet, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Closon. - Concl. conf. M. Ballet, avocat général. - Pl. M. Saint-Remy (du barreau de Bruxelles).
(1) Cass., 7 avril 1970 (Bun. et Pas., 1970, 1, 672) et la note 1, et 15 janvier 1976 (ibid., 1976, I, 549) ; cons. cass., 21 mars et 19 juin 1975 (ibid., 1975, 1, 747 et 1013).
(2) Cass., 7 avril 1970, cité à la note 1, et la note 2.
(3) et (4) Cass., 7 avril 1970, cité aux
3° CH. - 26 janvier 1977.
1° TAXES COMMUNALES ET PROVINCIALES. - TAXES DIRECTES. -RÉCLAMATION. - DÉPUTATION PERMANENTE DU CONSEIL PROVINCIAL. POUVOIR JURIDICTIONNEL.
2° TAXES COMMUNALES ET PROVINCIALES. - TAXES DIRECTES. -RÉCLAMATION. - INSTRUCTION DE LA CAUSE PAR LA DÉPUTATION PERMANENTE DU CONSEIL PROVINCIAL. - PRÉSENCE DES PARTIES NON PRESCRITE PAR LA LOI.
3° TAXES COMMUNALES ET PROVINCIALES. - TAXES DIRECTES. -RÉCLAMATION. - DÉPUTATION PERMANENTE DU CONSEIL PROVINCIAL. EXERCICE D'UN· POUVOIR JURIDICTIONNEL. - OBLIGATION DE RESPECTER LES DROITS DE LA DÉFENSE.
4° DROITS DE LA DÉFENSE. - MATIÈRE DES TAXES COMMUNALES ET PROVINCIALES. - PRINCIPE GÉNÉRAL DU DROIT INSÉPARABLE DE TOUT ACTE DE JURIDICTION.
1 ° La députation permanente d'un conseil provincial, saisie d'une réclamation contre des impositions communales directes, exerce une juridiction contentieuse (1).
2° Aucune loi n'exige que les parties soient appelées à l'instruction des causes contentieuses fiscales qui sont soumises à la députation permanente du conseil provincial (2).
3° La députation permanente du conseil provincial, saisie d'une réclamation contre des impositions communales directes, est tenue, dans l'exercice de son pouvoir juridictionnel, de respecter les droits de la défense (3).
4° Le respect des droits de la défense constitue un principe général du droit, inséparable de tout acte de juridiction (4).
notes 1 et 2, et les notes 3 et 4 ; cons. cass., 20 mars 1974 (Bull. et Pas., 1974, 1, 749), 21 mars 1975 (ibid., 1975, I, 747) et 24 octobre 1975 (ibid., 1976, 1, 246) ; comp. cass., 12 mars 1976 (ibid., 1976, 1, 764) et la note.
COUR DE CASSATION 571
(MATOT, C. COMMUNE D'ANS.)
ARRÊT.
LA COUR ; - Vu l'arrêté attaqué, rendu le 19 février 1976 par la députation permanente du conseil provincial de Liège;
Sur le moyen pris de la violation du principe général du respect des droits de la défense et de l'article 97 de la Constitution,
en ce que l'arrêté fonde sa décision rejetant la réclamation du demandeur sur le rapport dressé le 4 décembre 1975 par le Service technique provincial « à la suite de visites distinctes effectuées sur les lieux », ainsi que sur « les renseignements communiqués le 29 janvier 1976 par la Société nationale des chemins de fer belges » (sur demande datée du 21 janvier 1976),
alors que ces documents n'ont pas été communiqués au demandeur et que, dès lors, celui-ci n'ayant pas été en mesure de prendre connaissance desdits documents de manière à faire valoir ses observations éventuelles, l'arrêté a violé son droit de défense (violation de toutes les dispositions visées au moyen) :
Attendu qu'il appert de l'arrêté attaqué que la députation permanente du conseil provincial fonde sa décision sur un rapport du Service technique provincial ainsi que sur des renseignements communiqués par la Société nationale des chemins de fer belges ;
Qu'il ressort des pièces régulièrement soumises à la Cour que ce rapport et ces renseignements, qui répondent à des demandes d'avis technique formulées par les services du gouvernement provincial, ont été joints à la procédure au cours de l'instruction de la cause par la députation permanente ;
Qu'il ne ressort d'aucune des pièces soumises à la Cour que ces documents aient été communiqués au demandeur ni que celui-ci ait été à même d'en prendre connaissance ;
Attendu que, lorsque, comme en l'espèce, la députation permanente statue sur une réclamation contre une taxe communale directe, elle accomplit un acte de juridiction contentieuse ;
Attendu que, si aucune loi n'exige que les parties soient appelées à l'in-
struction des affaires contentieuses fiscales soumises à la députation permanente du conseil provincial, il ne s'en déduit pas que le respect du droit de défense des parties ne doive pas y être assuré;
Que le législateur n'a pas organisé pour la sauvegarde de ce droit un système propre et complet de procédure pour l'instruction et le jugement des réclamations contre une taxe communale soumises à la députation ; que celle-ci, dans l'exercice de son pouvoir de juridiction, demeure tenue au respect du droit de défense, principe général de droit, inséparable de tout acte de juridiction;
Attendu qu'en fondant sa décision sur le rapport et les renseignements précités, dont le demandeur n'avait pas été mis à même de prendre connaissance de manière à pouvoir faire éventuellement valoir ses observations, la députation permanente a violé le droit de défense du demandeur ;
Que le moyen est fondé ;
Par ces motifs, casse l'arrêté attaqué ; ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de la décision annulée ; condamne la défenderesse aux frais ; renvoie la cause devant la députation permanente du conseil provincial de Namur.
Du 26 janvier 1977. - 3° ch. - Prés. M. Polet, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Closon. - Concl. conf. M. Ballet, avocat général. - Pl. M. L. Simont.
3• CH. - 26 janvier 1977.
POURVOI EN CASSATION. - FORME. - MATIÈRE DES TAXES COMMUNALES DIRECTES. - ARRÊTÉ DE LA DÉPUTATION PERMANENTE. - NOTIFICATION DE LA DÉCLARATION DE POURVOI. - FORMALITÉ NÉCESSAIRE.
Le pourvoi en cassation contre l'arrêté par lequel la députation permanente d'un conseil provincial statue sur ia réclamatio'l1 d'un contribuable en ma-
572 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
tière de taxes communales directes doit, à peine de déchéance, être notifié dans les dix jours à la partie co~ tre laquelle il est dirigé (1). (Loi du 22 janvier 1849, art. 4 ; loi du 22 juin 1865, art. 2; loi du 22 juin 1877, article 16.)
(SOCIÉTÉ ANONYME « IMODEC », C. COMMUNE DE SEPTON.)
ARRÊT.
LA COUR ; - Vu l'arrêté attaqué, rendu le 22 avril 1976 par la députation permanente du conseil provincial du Luxembourg, statuant en matière de taxes communales sur les propriétés non bâties;
Attendu que, aux termes de l'article 4 de la loi du 22 janvier 1849, modifié par l'article 53 contenu dans l'article 3 de la loi du 10 octobre 1967 contenant le Code judiciaire, et des articles 2 de la loi du 22 juin 1865 et 16 de la loi du 22 juin 1877, le pourvoi doit être notifié dans les dix jours, à peine de déchéance, à la partie contre laquelle il est dirigé ;
Attendu qu'il n'apparaît pas des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que le pourvoi ait été notifié à la défenderesse;
Que, partant, le pourvoi est irrecevable;
Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne la demanderesse aux frais.
Du 26 janvier 1977. - 3e ch. - Prés. M. Polet, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Meeùs. - Concl. conf. M. Ballet, avocat général. - Pl. M. de Suray (du barreau de Bruxelles).
3e CH. - 26 janvier 1977.
1 ° MOYENS DE CASSATION. - MATitRE CIVILE. - MOYEN REPROCHANT AU JUGE D'AVOIR RENDU UNE DÉCISION
FONDÉE SUR DES MOTIFS AMBIGUS. -
DÉCISION EXEMPTE D'AMBIGUÏTÉ.
MOYEN MANQUANT EN FAIT.
2° ACCIDENT DU TRA V AIL. - ACCIDENT SUR LE CHEMIN DU TRAVAIL. -NOTION.
1 ° Manque en fait le moyen reprochant au juge d'avoir rendu une décision fondée sur des motifs ambigus, alors que la décision est dépourvue d'ambiguïté (2).
2° Le chemin du travail s'entend du trajet normal que le travailleur doit parcourir pour se rendre de sa résidence au lieu de l'exécution du travail, et inversement (3) ; hormis le cas où l'accident a été provoqué intentionnellement par la victime, le comportement de celle-ci n'exclut pas l'indemnisation lorsque le trajet est normal quant à l'espace et au temps (4). (Loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail, art. 8, § l"", al. 2.)
(SOCIÉTÉ ANONYME « COMPAGNIE BELGE
D'ASSURANCES GÉNÉRALES INCENDIE AG 1830 », C. BEFAYT ET SOCIÉTÉ DES TRANSPORTS INTERCOMMUNAUX DE BRUXELLES.)
ARRÊT.
LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 22 décembre 1975 par la cour du travail de Bruxelles ;
Sur le moyen pris de la violation des articles 8, 48 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail et 97 de la Constitution,
en ce que, pour rejeter la demande de la demanderesse en restitution des décaissements effectués par elle au profit du défendeur, en sa qualité d'assureur-loi de l'employeur de celui-ci, à la suite d'un accident survenu le 5 décembre 1972, demande fondée sur le motif que cet accident ne constituait pas un
(1) Cass., 3 novembre 1976, supra, p. 257. (2) Cass., 23 avril 1976 (Bull. et Pas.,
1976, 1, 921). (3) Cass., 31 mars 1976 (Bull. et Pas.,
1976, 1, 846) ; cons. L. FRANÇOIS, J.T.T., 1972, p. 193 à 200.
(4) Cons. cass., 5 décembre 1973 (Bull. et Pas., 1974, 1, 357).
COUR DE CASSATION 573
accident sur le chemin du travail indemnisable en vertu des articles 8 et 48 de la loi du 10 avril 1971, l'arrêt décide, d'une part, relativement à l'article 48, qu'« il n'existait manifestement dans le chef de l'intimé (ici défendeur) aucune intention de provoquer l'accident dont il a été victime », et, d'autre part, relativement à l'article 8, que la définition du chemin du travail donnée par cette disposition, à savoir « le trajet normal que le travailleur doit parcourir pour se rendre de sa résidence au lieu de l'exécution du travail, et inversement », est « celle d'un tracé topographique et non d'une ligine de conduite à observer» et que, la limitation de l'assurance au seul risque inhérent au trajet normal ayant été supprimée, « il n'existe dès lors plus de base légale qui permettrait de décider qu'un trajet normal cesserait de l'être pour avoir été anormalement couvert»,
alors que, première branche, l'article 48 de la loi du 10 avril 1971, qui exclut l'indemnisation lorsque l'accident a été intentionnellement provoqué par la victime, s'applique dès lors que le fait générateur du dommage a été intentionnellement provoqué par la victime, même si celle-ci n'en a pas voulu les conséquences dommageables ; qu'en se limitant à affirmer « qu'il n'existait manifestement, dans le chef de l'intimé, aucune intention de provoquer l'accident dont il a été victime», après avoir rappelé que le défendeur « fut renversé par le bus reprenant sa course », fait générateur du dommage, et que « sa jambe gauche fut écrasée par la roue arrière droite du véhicule », conséquence dommageable, l'arrêt est entaché d'ambiguïté et ne permet pas à la Cour de contrôler la légalité de son dispositif, laissant incertain le sens précis qu'il a entendu attribuer au terme « accident » (violation des articles 48 de la loi du 10 avril 1971 et 97 de la Constitution) ;
seconde branche, la notion de trajet normal n'exclut nullement une appréciation qualitative du comportement du travailleur sur le chemin qu'il parcourt pour se rendre de sa résidence au lieu de l'exécution du travail ; que l'arrêt a, dès lors, violé l'article 8 de la loi du 10 avril 1971 :
Quant à la première branche : Attendu que les motifs de la décision
entreprise ne sont pas entachés d'ambiguïté;
Que, dans le passage de l'arrêt qui énonce « qu'il n'existait manifestement dans le chef de l'intimé aucune intention de provoquer l'accident», le mot « accident » désigne, sans aucun doute, le heurt de l'autobus qui a écrasé la jambe gauche de la victime;
Qu'en cette branche le moyen manque en fait;
Quant à la seconde branche : Attendu qu'aux termes de l'article 8
de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail le chemin du travail s'entend du trajet normal que le travailleur doit parcourir pour se rendre de sa résidence au lieu de l'exécution du travail, et inversement ;
Attendu que la notion de trajet normal se définit par rapport à l'espace et au temps ; que l'article 1~r de l'arrêtéloi du 13 décembre 1945 relatif à la réparation des dommages résultant des accidents survenus sur le chemin du travail ajoutait que la réparation des dommages résultant de l'accident survenu au cours du trajet normal n'était à charge du chef d'entreprise que si la victime ou ses ayants droit prouvaient que l'accident était dû à un risque inhérent à ce trajet ; que cet arrêté-loi a été abrogé par la loi du 10 avril 1971, qui n'a pas repris cette restriction ;
Attendu que, dès lors, hormis le cas où l'accident a été provoqué intentionnellement par la victime, le comportement de celle-ci n'exclut pas l'indemnisation lorsque le trajet est normal quant à l'espace et au temps ;
Qu'en cette branche le moyen manque en droit ;
Et attendu que le rejet du pourvoi rend sans intérêt la demande en déclaration d'arrêt commun ;
Par ces motifs, rejette le pourvoi et l'appel en déclaration d'arrêt commun ; condamne la demanderesse aux dépens.
Du 26 janvier 1977. - 3° ch. - Prés. M. Polet, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Janssens. -Concl. conf. M. Ballet, avocat général. - Pl. M. Dassesse.
574 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
ir• CH. - 27 janvier 1977.
PREUVE. - PREUVE LITTÉRALE. - FOI DUE AUX ACTES. - MATIÈRE CIVILE. -PROCÈS-VERBAL D'UNE COMMISSION D'ESTIMATION DE DÉGÂTS. - INTERPRÉTATION INCONCILIABLE AVEC LES TERMES DE PROCÈS-VERBAL. - VIOLATION DE LA FOI DUE A CET ACTE.
Lorsque le procès-verbal d'une commission d'estimation de dégâts se borne à constater l'existence d'un fait et un lien de causalité entre celui-ci et un dommage, sous réserve de la décision à intervenir quant à la responsabilité, viole la foi due à cet acte le jugement qui fonde sa décision sur ce que ledit procès-verbal contient la reconnaissance expresse d'une faute. (Code civil, art. 1319, 1320 et 1322.)
(ÉTAT BELGE, MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE, C. LECOQ.)
ARRÊT.
LA COUR; - Vu le jugement attaqué, rendu le 12 novembre 1975 par le tribunal de première instance de Verviers, statuant en degré d'appel ;
Sur le moyen pris de la violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil,
en ce que le jugement a déclaré fondée l'action du défendeur et a rejeté le moyen par lequel le demandeur faisait valoir que les exercices des para-commandos qui, aux dires du défendeur, étaient la cause de son dommage ne présentaient aucun caractère culpeux, par le motif que la faute qu'auraient constituée ces exercices aurait été expressément reconnue par la commission permanente d'estimation des dégâts de la province de Liège, dans le procèsverbal modèle 7 établi contradictoirement le 21 novembre 1972 et revêtu des signatures des membres de ladite commission, du délégué de l'administration communale et du défendeur,
alors que ledit procès--verbal du 21 novembre 1972 ne contient aucune reconnaissance de faute ; d'où il suit que le jugement a méconnu la foi due audit procès-verbal en vertu des articles précités du Code civil :
Attendu que le procès-verbal précisé dans le moyen mentionne que la commission a examiné la plainte introduite par le défendeur du chef d'avortement accidentel d'une génisse, ensuite d'un choc nerveux occasionné par le tir de militaires en manœuvre ; que la commission a « reconnu que les faits étaient exacts » et a fixé le dommage à 15.200 francs ; « en foi de quoi», les membres de la commission « ont signé le . . . procès-verbal, sous réserve de la décision du ministre sur la responsabilité et sur le montant définitif de l'indemnité»;
Attendu qu'ainsi, loin de reconnaître l'existence d'une faute, mais au contraire en faisant réserve de la reconnaissance de celle-ci par le ministre compétent, la commission s'est bornée à constater l'existence d'un fait et d'un lien de causalité entre celui-ci et le dommage allégué ;
Que, partant, le jugement n'a pu, sans attribuer au procès-verbal de ladite commission un sens et une portée inconciliables avec ses termes, fonder sa décision sur ce que ce procès-verbal contenait la reconnaissance expresse de l'existence d'une faute imputable au demandeur;
Que le moyen est fondé ;
Par ces motifs, casse le jugement attaqué ; ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de la décision annulée ; réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ; renvoie la cause devant le tribunal de première instance de Liège, siégeant en degré d'appel.
Du 27 janvier 1977. - 1re ch. - Prés. Chevalier Rutsaert, premier président. - Rapp. M. Capelle. - Concl. conf. M. Delange, procureur général. - Pl. M. Bayart.
1re CH. - 27 janvier 1977.
1 ° TRAITÉS INTERNATIONAUX. INTERPRÉTATION.
2° TRAITÉS INTERNATIONAUX. ARTICLE 25 DE LA CONVENTION DE VAR-
COUR DE CASSATION 575
SOVIE DU 12 OCTOBRE 1929 POUR L'UNIFICATION DE CERTAINES RÈGLES RELATIVES AU TRANSPORT AÉRIEN INTERNATIONAL APPROUVÉE PAR LA LOI DU 7 AV~IL 1936, MODIFIÉ PAR L'ARTICLE XIII DU PROTOCOLE DE LA HAYE DU 28 SEPTEMBRE 1955 APPROUVÉ PAR LA LOI DU 30 JUILLET 1963. - RESPONSABILITÉ DU TRANSPORTEUR OU DE SON PRÉPOSÉ. - CONSCIENCE EFFECTIVE DU DOMMAGE PROBABLE. - APPRÉCIATION SUBJECTIVE ET NON OBJECTIVE.
3° AVIATION. - TRANSPORT AÉRIEN INTERNATIONAL. - ARTICLE 25 DE LA CONVENTION DE VARSOVIE DU 12 OCTOBRE 1929 POUR L'UNIFICATION DE CERTAINES RÈGLES RELATIVES A CE TRANSPORT, APPROUVÉE PAR LA LOI DU 7 AVRIL 1936, MODIFIÉ PAR L'ARTICLE XIII DU PROTOCOLE DE LA HAYE DU 28 SEPTEMBRE 1955 APPROUVÉ PAR LA LOI DU 30 JUILLET 1963. - RESPONSABILITÉ DU TRANSPORTEUR OU DE SON PRÉPOSÉ. - CONSCIENCE EFFECTIVE DU DOMMAGE PROBABLE. - APPRÉCIATION SUBJECTIVE ET NON OBJECTIVE.
1 ° L'interprétation d'une convention internationale qui a pour but l'unification du droit ne peut se faire par référence au droit national de l'un des Etats contractants ; si le texte appelle une interprétation, celle-ci doit se faire sur la base d'éléments propres à la convention, notamment son objet, son but et son contexte, ainsi que ses travaux préparatoires et sa genèse (1).
2° et 3° Pour l'application de l'article 25 de la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929 pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international, approuvée par la loi du 7 avrii 1936, modifié par l'article XIII du Protocole de La Haye du 28 septembre 1955 approuvé par la loi du 30 juillet 1963, qui détermine les cas où le transporteur est tenu à la réparation intégrale du préjudice, il faut que le transporteur ou son préposé, auquel est reproché un acte ou une omission téméraires, ait eu la conscience effective qu'un dommage en résulterait probablement et non pas seulement qu'il ait normalement dû en avoir conscience (2).
(1) et (2) Cons. les références citées dans les conclusions du ministère public.
(SAUVAGE, VEUVE TONDRIAU, ET CONSORTS, C. SOCIÉTÉ DE DROIT INDIEN « AIR INDIA CORPORATION».)
M. Delange, procureur général, a dit en substance :
Les demanderesses sont, la première, la veuve, les deux autres, les filles de Julien Tondriau qui a perdu la vie le 24 janvier 1966 alors qu'il avait pris place à bord d'un avion de la société défenderesse : faisant route de Bombay à Londres, cet avion s'est écrasé sur une arête rocheuse peu en dessous du sommet du Mont Blanc, à 4.750 m. d'altitude, et alors qu'il s'apprêtait à faire escale à Genève.
Les demanderesses ont assigné la défenderesse devant le tribunal de première instance de Bruxelles en réparation de l'entier dommage qu'elles ont subi. Par jugement du 5 août 1971, le tribunal a rejeté l'exception de litispendance opposée par la défenderesse ainsi que l'interprétation donnée par celle-ci de l'article 25 de la Convention de Varsovie, a condamné la défenderesse à payer aux demanderesses, à titre provisionnel, les indemnités forfaitaires prévues par l'article 22 de cette Convention et a désigné un expert avant de statuer sur le surplus de la demande.
Après dépôt du rapport de l'expert et nouveaux débats, le tribunal a rendu le 19 septembre 1973 un jugement qui, écartant l'interprétation précédemment donnée de l'article 25 de la Convention, a limité aux seules indemnités forfaitaires les sommes auxquelles les demanderesses ont droit.
Sur les appels principaux de la défenderesse contre le premier jugement et des demanderesses contre le second et sur l'appel incident de la défenderesse contre celui-ci. la cour d'appel de Bruxelles a rendu l'arrêt attaqué, qui se rallie à l'interprétation de l'article 25 de la Convention donnée en dernier lieu par le tribunal, réforme sur ce point le premier jugement et confirme le second.
Suivant les constatations de l'arrêt, l'enregistrement des messages échangés en anglais par le et. D'Souza, pilote de l'avion, et le contrôleur du radar de Genève a établi qu'à 7 h.00.35 le pilote a signalé son approche au niveau de 19.000 pieds et le contrôleur lui a ré-
576 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
pondu de s'y maintenir, à moins de pouvoir descendre en vol à vue jusqu'à 1.000 pieds au-dessus du sommet des nuages. A 7 h.00.43 le pilote a annoncé qu'il allait descendre à ce niveau, ajoutant : « Je pense que nous sommes en train de passer en ce moment à la perpendiculaire du Mont Blanc », visant ainsi le point de report de position appelé Mont Blanc sur les cartes aéronautiques. A quoi le contrôleur du radar a répondu : « Vous avez 5 milles jusqu'au Mont Blanc », réponse ambiguë que le pilote a interprétée comme une précision de la distance latérale qui le séparait du point idéal indiqué sur les cartes comme étant le Mont Blanc, alors que le contrôleur entendait rectifier l'erreur du pilote quant à sa position réelle et le prévenir de ce que le Mont Blanc était à cinq milles devant lui. A 7 h.00.55, le pilote a encore signalé qu'il quittait le niveau de 19.000 pieds. Mais au lieu de descendre dans un couloir dominant le lac Léman, il a piqué sur le massif supérieur du Mont Blanc qu'il a heurté à 7 h.2.
L'arrêt a considéré que l'erreur fatale du pilote provient uniquement de l'opinion inexacte qu'il avait au sujet de sa position lorsqu'il a quitté l'altitude de 19.000 pieds et de son interprétation erronée de la réponse ambiguë du contrôleur du radar de Genève, qu'il a prise pour une confirmation, alors qu'il s'agissait d'une rectification. On peut se demander si l'arrêt a considéré le comportement du pilote comme téméraire et même comme simplement fautif ; il me paraît avoir évité de se prononcer expressément sur cette question, considérant que, à supposer même que le pilote ait agi témérairement, il n'a en tout cas pas eu conscience, en se comportant comme il l'a fait, de la probabilité du dommage qui en résulterait, condition suffisante d'après la cour d'appel pour entraîner le rejet de la demande d'indemnisation totale des demanderesses.
C'est en tout cas ainsi que les parties ont interprété l'arrêt et je ne vois pas de raison déterminante de le comprendre autrement.
En sa première branche, le moyen proposé dans la requête des demanderesses reproche à l'arrêt d'avoir violé les articles 20, 22 et 25 de la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929, approuvée par la loi du 7 avril 1936 et amen-
dée par le Protocole de La Haye du 28 septembre 1955, lui-même approuvé par la loi du 30 juillet 1963, ainsi que les articles 1135 et 1137 du Code civil, en décidant que la faute envisagée par l'article 25 de ladite Convention ainsi amendée devait être appréciée subjectivement, in concreto, alors qu'il s'agirait d'une « faute contractuelle à gravité élevée », c'est-à-dire d'un manquement à l'obligation de sécurité découlant du contrat de transport en vertu de l'article 1135 du Code civil et de l'article 20 de la Convention, et que, à défaut de dérogation expresse, cette faute contractuelle devrait être appréciée in abstracto conformément au principe général consacré en droit belge par l'article 1137 du Code civil. Les demanderesses auraient pu se prévaloir, à l'appui de leur thèse, de la jurisprudence de la Cour de cassation de France (1) tant avant qu'après les amendements apportés par le Protocole de La Haye à l'article 25.
En revanche le tribunal fédéral suisse a statué dans le sens opposé le 11 juillet 1972 (2).
C'est, à ma connaissance, la première fois que la Cour est appelée à se prononcer sur l'interprétation de cette disposition de droit international privé conventionnel, dont il n'est sans doute pas inutile de rappeler les termes et l'origine.
La question est d'autant plus importante que, d'une part, la Convention de Varsovie est d'application dans quasi tout l'univers et que, d'autre part, une autre convention internationale contient une disposition analogue : l'article 13, alinéa 1er, de la Convention d'Athènes du 13 décembre 1974 relative au transport par mer de passagers et de leurs bagages prévoit, dans les mêmes termes que l'article 25 actuel de la Convention
(1) Cass. fr., 5 décembre 1967 (J.C.P., 1968, Il, n° 15350 ; Rev. fr. droit aérien, 1968, p. 184) et conclusions contraires de l'avocat général Lindon ; 24 juin 1968 (Rev. fr. droit. aérien, 1968, p. 453) et note GÉORGIADES ; 16 avril 1975 (ibid., 1976, p. 105) ; cons. aussi cass. fr., 5 mars 1964 (ibid., 1964, p. 400) et 9 juin 1966 (ibid., 1966, p. 448).
(2) Revue fr. droit aérien, 1974, p. 75 et note MANKIEWICZ.
COUR DE CASSATION 577
de Varsovie, la déchéance du droit pour le transporteur d'invoquer les limites forfaitaires de responsabilité ( 3).
La Convention de Varsovie amendée à La Haye est intitulée « Convention internationale pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international».
Après avoir consacré, dans les articles 17 à 19, la présomption de responsabilité du transporteur aérien, tenu en principe à une obligation de résultat, l'article 20 écarte cette responsabilité dans le cas où le transporteur prouve que lui ou ses préposés ont pris toutes les mesures nécessaires pour éviter le dommage ou qu'il leur était impossible de les prendre. L'article 21 vise le cas où la faute de la personne lésée a causé le dommage ou y a contribué.
L'article 22 énonce la règle de la limitation de la responsabilité du transporteur à certaines sommes forfaitaires. L'article 23 prévoit la nullité des clauses limitant davantage la responsabilité du transporteur ou l'en exonérant. Enfin, l'article 25, dont la portée est en litige, dispose :
« Les limites de responsabilité prévues à l'article 22 ne s'appliquent pas s'il est prouvé que le dommage résulte d'un acte ou d'une omission du transporteur ou de ses préposés fait soit avec l'intention de provoquer un dommage » (hypothèse écartée en l'espèce par l'arrêt avec l'accord de toutes les parties), « soit témérairement et avec conscience qu'un dommage en résultera probablement». Ces termes ont été substitués par le Protocole de La Haye de 1955 à ceux de la Convention originaire qui prévoyait la responsabilité illimitée du transporteur aérien en cas de dol ou d'une faute qui, d'après la loi du tribunal saisi, est considérée comme équivalente au dol. Cette notion de « faute équivalente au dol », qui semble inconnue en droit anglo-saxon, et ce renvoi à la loi de la juridiction saisie avaient fait l'objet de malentendus et de controverses et donné lieu à des jurisprudences divergentes à l'encontre du but d'uniformisation que poursuivait la Convention de Varsovie.
C'est pour remédier à cette situation
(3) Cons. C. LEGENDRE, étude dans Le droit maritime français, 1976, p. 456 et suiv., spécialement p. 472.
(4) P.V. de la Conférence internatio-PASIC., 1977. - Ir• PARTIE.
que celle-ci a été amendée à La Haye en 1955 et qu'on a substitué aux termes « dol ou faute équivalente au dol » ceux que je viens de rappeler et qui se rapprochent davantage de la notion de « wilful misconduct » du droit britannique. Le représentant de la France aux discussions relatives au Protocole de La Haye, M. Garnault, ne s'y est point trompé puisque, comme le relève le mémoire en réponse, il a déclaré : « Pour la délégation française, cet article (25 nouveau) comporte l'abandon de ses conceptions nationales en ce qui concerne la faute équivalente au dol, c'est-à-dire la faute lourde » ... dont la gravité s'apprécie, d'après la conception objective française, « sans rechercher un élément intentionnel. Or dans l'article 25, tel qu'il est proposé, cet élément intentionnel apparaît à deux occasions». Examinant la portée des termes « avec témérité et sans se soucier qu'un dommage va probablement en résulter», alors proposés par le groupe de travail, M. Garnault considérait qu'ils signifient que, « bien qu'il ait conscience qu'il prend un risque pouvant éventuellement entraîner un dommage, il (l'auteur de la faute, de la témérité) décide tout de même de prendre ce risque». Et le délégué de la France constatait que, dans cette mesure, l'article 25 proposé « marque une régression à l'égard de l'interprétation de la faute lourde procédant de l'application de la Convention de Varsovie et est « loin de la conception qu'on connaît en France », mais qu'il était prêt « à l'accepter, à condition naturellement qu'on paie un certain prix sous la forme de limites plus élevées» (4). C'est pour éviter toute confusion que M. Garnault a alors proposé de remplacer les mots « sans se soucier ... », dans le texte du groupe de travail, par « avec la conscience qu'un dommage en résultera probablement» (5), qui impliquent une appréciation subjective de la faute de l'auteur de l'acte ou de l'omission téméraire.
Après nouveaux échanges de vue et discussion du montant des indemnités forfaitaires, c'est cette formule qui a été adoptée (6).
nale du droit privé aérien, La Haye, septembre 1955, p. 199.
(5) Ibid., p. 203. (6) Ibid., p. 284 à 286.
19
578 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
Le Protocole de La Haye a ainsi subordonné à des conditions plus strictes que la Convention de 1929 et, partant, restreint les cas de responsabilité illimitée du transporteur aérien, mais, en compensation, il a doublé les montants des réparations forfaitaires auxquels ce dernier était tenu en raison de sa responsabilité présumée en cas de dommage corporel ou de décès des passagers et il a rattaché à un étalon or toutes les sommes exprimées en francs, même pour les dommages causés aux bagages et marchandises. Ainsi a été réalisée une transaction entre les intérêts des transporteurs aériens ou de leurs assureurs et ceux des victimes de dommages subis au cours d'un transport, et ont été adoptées, quant à l'étendue de la responsabilité des transporteurs, des règles mieux définies et entièrement détachées des législations en vigueur dans chacun des Etats liés par la convention.
Il s'ensuit que l'interprétation de la convention amendée, et spécialement de son article 25, doit, à peine de méconnaître le but poursuivi, être la même dans tous ces Etats et ne peut donc dépendre de dispositions légales du droit interne propre à l'un d'eux (7).
Ce sont cependant de telles dispositions du droit belge que la première branche du moyen vous invite à appliquer, dans la mesure où les demanderesses soutiennent que l'arrêt aurait violé l'article 1137 du Code civil belge qui consacre le principe de l'appréciation in abstracto ou objective de la faute contractuelle, tout en prévoyant, en son alinéa 2, l'application d'une responsabilité contractuelle plus étendue dans certains cas.
La Convention ne se prononce d'ailleurs pas sur le caractère contractuel ou non de la responsabilité qu'elle règle (argt. art. 24, al. 1er et 2) ; spécialement, même si l'acte ou l'omission imputé au transporteur aérien ou à son préposé constitue une infraction prévue par le droit pénal d'un Etat, les articles 25 et 25 A de la convention amendée à La Haye en 1955 empêchent de dépasser les limites de responsabilité prévues à l'article 22, à moins que le dommage résulte d'un acte ou d'une omission fait soit avec l'intention de provoquer le dommage, soit témérairement et avec conscience qu'un dommage en résultera probablement.
Ce n'est que dans la mesure où une convention internationale y renvoie qu'on peut, pour l'interpréter, recourir au droit interne ou encore si la convention n'établit pas une règle uniforme. Or je crois avoir montré que la Convention de Varsovie établissait des règles uniformes et que, si, dans son texte de 1929, elle renvoyait au droit du for pour la notion de faute équivalente au dol, le Protocole de La Haye a remanié l'article 25 précisément pour établir une règle autonome, indépendante de la législation des Etats qui y ont adhéré et applicable dans chacun de ceux-ci avec la même portée.
Pour interpréter une convention internationale établissant une réglementation uniforme, il faut avant tout avoir égard à son texte même que l'on doit présumer être l'expression authentique de la commune intention des parties contractantes.
Si ce texte est obscur, les termes employés doivent être entendus dans leur sens ordinaire, en tenant compte de leur contexte et à la lumière de son objet. Un terme doit être entendu dans un sens particulier s'il est établi que telle était l'intention des parties. Telle est la « règle générale d'interprétation » qu'énonce, en son article 31, la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités, élaborée sous les auspices des Nations Unies et dont on peut s'inspirer, encore qu'elle ne soit pas encore en vigueur, ni même approuvée par la Belgique ; elle est, en effet, communément admise et elle a inspiré notamment l'arrêt Golder rendu par la Cour européenne des droits de l'homme le 21 février 1975, spécialement n°• 29 à 36 (8). Cette Convention de Vienne prévoit, en outre, en son article 32, des « moyens complémentaires d'interprétation » auxquels il peut être fait appel, « et, notamment les travaux préparatoires et les circonstances dans lesquelles le traité a été conclu, en vue soit de confirmer le sens résultant de l'application de l'article 31, soit de déterminer le sens lorsque l'interprétation, donnée
(7) Cons. Cour de justice des Communautés européennes, 6 et 14 octobre 1976, aff. no 12/76 et n° 29/76, Rec., 1976, p. 1473 et 1541.
(8) Publications de la Cour européenn@ des droits de l'homme, Strasbourg, 1975, p. 14 et suiv.
COUR DE CASSATION 579
conformément à l'article 31, a) laisse le sens ambigu ou obscur, ou b) conduit à un résultat qui est manifestement absurde ou déraisonnable» (9). Je crois avoir montré que le texte même de l'article 25 de la Convention de Varsovie amendée à La Haye, en visant l'acte ou l'omission téméraire avec la conscience qu'un dommage en résultera probablement, montre que les négociateurs ont envisagé ainsi le cas où le transporteur aérien ou son préposé ont eu effectivement conscience de la probabilité du dommage. Et s'il existait encore un doute sur la portée du protocole, le but et l'objet du texte adopté, sa genèse et les travaux préparatoires dont j'ai lu quelques extraits donnent la certitude que l'on a entendu imposer la règle uniforme de l'appréciation subjective, in concreto, du comportement de l'auteur de l'acte ou de l'omission téméraire et rejeter l'appréciation objective, in abstracto, de la gravité de sa faute.
En rejetant la demande d'indemnisation totale du préjudice causé aux demanderesses, en se fondant sur ce qu'elles n'ont pas prouvé que le commandant D'Souza, à supposer qu'il ait agi témérairement, a eu conscience du dommage qui en résulterait probablement, l'arrêt n'a pas violé les dispositions de la Convention visées au moyen, qui manque aussi en droit en tant qu'il se fonde sur les articles 1135 et 1137 du Code civil, non applicables en l'espèce.
En sa deuxième branche, le moyen soutient que, même s'il faut apprécier in concreto si l'auteur de l'acte ou de l'omission a eu conscience de la probabilité du dommage qui en est résulté, l'arrêt a encore violé l'article 25 de la Convention de Varsovie amendée à La Haye en 1955, en invoquant l'expérience et les antécédents professionnels du et. D'Souza et ses qualités de pilote spécialisé et consciencieux comme présomptions de ce qu'il a mal interprété
(9) La Cour a recouru aux travaux préparatoires de traités pour interpréter ceux-ci dans ses arrêts du 8 juillet 1955 (Bull. et Pas., 1955, 1, 1220 et la note signée F.D.) et du 4 mai 1972 (ibid., 1972, 1, 806).
Sur l'interprétation du droit international conventionnel, cons. LESCOT, « L'interprétation judiciaire des règles du droit privé uniforme» (J.C.P., 1963, 1, n° 1756) ; CH. DE VISSCHER, Problèmes d'in-
le message du contrôleur du radar et n'a pas eu conscience du danger, ce qui revient à dire que seul un mauvais pilote peut commettre un acte ou une omission donnant lieu à une indemnisation totale par application de l'article 25.
Je n'aperçois pas pourquoi, pour apprécier si le pilote a eu conscience du dommage qui résulterait probablement de son acte ou de son omission, à le supposer téméraire, la cour d'appel ne pourrait avoir égard à ses qualités professionnelles, à son expérience et à son caractère. Au surplus, ce n'est là que l'un des éléments dont elle a tenu compte pour former, par une appréciation souveraine en fait, sa conviction sur ce point. Elle relève aussi l'ambiguïté de la réponse donnée par le contrôleur du radar et le sens plausible que le pilote lui a attribué. Le moyen repose donc sur une · interprétation inexacte de l'arrêt et manque en fait.
Précisément, en sa troisième branche, le moyen soutient que le seul fait de l'ambiguïté de la réponse donnée au pilote, prise en soi, n'implique ni n'entraîne logiquement que celui-ci a accordé à cette réponse une signification erronée, et ne permet donc pas d'en déduire la conclusion que la cour d'appel en a tirée quant à l'absence de conscience effective de la probabilité du dommage qui est résulté de son acte ou de son omission.
Il me paraît que la cour d'appel a apprécié souverainement que le pilote avait interprété la réponse ambiguë du contrôleur du radar comme une confirmation de sa position latérale par rapport au point idéal indiqué sur les cartes aéronautiques pour figurer le Mont Blanc, alors qu'il s'agissait, dans l'esprit du contrôleur, d'une rectification de la position que le pilote venait de faire connaître.
Le moyen qui, en sa troisième bran-
terprétation judiciaire en droit international public (Paris, 1963, spéc. p. 50 à 52 et 114 à 118). Sur l'interprétation de la Convention de Varsovie, cons. CHAUVEAU, note sou~ Paris, 25 juin 1965 (Dall et Sir., 1966, Il, p. 408) ; MAx LITVINE, Droit aérien (Bruylant, 1970, spéc. p. 284 à 289) et « Le mythe de l'uniformisation du droit international aérien, public et privé», in Mélanges Baugniet (p. 455 à 460 et p. 468).
580 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
che, critique cette appréciation souveraine en fait est irrecevable.
Conclusion : rejet.
ARRtT.
LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 17 septembre 1975 par la cour d'appel de Bruxelles (1) ;
Sur le moyen pris de la violation des articles 20, 22, 25 de la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929 pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international, approuvée par la loi du 7 avril 1936, amendée par le Protocole de la Haye du 28 septembre 1955 approuvé par la loi du 30 juillet 1963, 1135, 1137 du Code civil et 97 de la Constitution,
en ce que la cour d'appel, après avoir constaté que le pilote avait une opinion inexacte sur sa position, cause de l'accident, et « qu'à n'en pas douter le contrôleur du radar a voulu lui signaler qu'il avait à rectifier sa position », a néanmoins décidé que le pilote, en n'ayant point modifié sa position malgré l'information donnée par le contrôleur, n'avait pas accompli un acte ou perpétré une omission témérairement et avec conscience qu'un dommage en résulterait probablement, par les motifs, d'une part, « qu'il est concevable, à peine de supposer que le commandant D'Souza voulait se faire périr et avec lui toutes les personnes à bord ou se soit comporté avec une incroyable légèreté, que, dans la pensée du pilote, la réponse du « radariste » n'exprimait qu'une précision au sujet de la position « par le travers » », telle que le pilote envisageait erronément cette position ; « que les suppositions ci-avant évoquées sont démenties par les documents produits sur les antécédents professionnels irréprochables et la grande expérience du commandant D'Souza, ensuite par la circonstance qu'ayant consciencieusement communiqué ce qu'il croyait être sa position réelle au contrôleur du radar, il attendit sa réponse avant de quitter le niveau 190 pour descendre en V.M.C. », et, d'autre part, que la faute génératrice d'une responsabilité illimitée aux termes de l'article XIII du Protocole de La Haye, qui modifia l'arti-
(1) Journ. trib., 1976, p. 564; Jur. Port Anvers, 1975-1976, p. 216.
cle 25 de la Convention de Varsovie, « consiste en un acte ou omission s'accompagnant soit de l'intention de provoquer un dommage (éventualité à écarter en l'espèce, avec l'accord de toutes les parties, parce que contraire à toute vraisemblance), soit de témérité et de la conscience qu'un dommage en résultera probablement ; que l'amendement introduit par le Protocole de La Haye s'est efforcé de traduire la notion anglo-saxonne de « wilful misconduct » qui s'entend de la témérité de l'agent accentuée par la conscience qu'il a qu'un dommage résultera probablement de son acte ou de son omission ; qu'ainsi importerait-il d'administrer la preuve que la conscience d'un dommage probable fut effective, cette conscience devant être appréciée subjectivement ; . . . que la preuve d'un tel état de conscience peut se déduire de simples présomptions ; . . . que, si (le pilote) a maintenu sa position erronée et, de ce fait, piqué droit sur le Mont Blanc, ce fut parce qu'à l'évidence il avait mal compris la réponse du « radariste » en prenant pour une confirmation ce qui était une rectification, cette réponse ayant été ambiguë ; . . . que la question cruciale est de savoir si, apprenant à 7 h.00.48' sa position réelle, il aurait néanmoins décidé, imbu de son expérience, de décrocher envers et contre t?ut du niveau de 19.000 pieds, avec le nsque conscient d'un accident probable ; qu'il faut répondre négativement à cette question dès lors que le pilote a saisi le message de 7 h.00.48' dans le sens d'une confirmation de ce qu'il se trouvait à la perpendiculaire du point de report Mont Blanc et que cette façon de le comprendre était plausible »,
alors que, première branche, l'acte ou l'omission téméraires et avec conscience qu'un dommage en résultera probablement, visés par l'article 25 de la Convention de Varsovie amendée à La Haye en 1955, sont constitutifs d'une faute contractuelle à la gravité élevée, le transporteur aérien ou son préposé n'ayant pas exécuté leur obligation de sécurité, à procurer aux passagers, découlant du contrat de transport, en vertu de l'article 1135 du Code civil ainsi que de l'article 20 de ladite Convention ; que le texte de l'article 25 de la Convention de Varsovie amendée à La Haye en 1955, du fait qu'il ne stipule
COUR DE CASSATION 581
pas expressément que serait suffisante, en vue de l'applicabilité de la responsabilité illimitée, la preuve que le transporteur ou son préposé aurait dû avoir conscience de la probabilité d'un dommage, ne contient point une dérogation au principe de l'appréciation in abstracto de toute faute contractuelle, lequel a son origine dans l'article 1137 du Code civil ; que l'article 25, en effet, ne prévoit paint que la conscience à prouver dans le chef du transporteur ou de son préposé est celle que ceux-ci ont eue effectivement, mais exige seulement que l'acte ou l'omission, générateurs du dommage, aient été perpétrés « témérairement et avec conscience qu'un dommage en résultera probablement » ; que le principe de l'appréciation in abstracto de toute faute contractuelle, en droit belge, est général et s'applique dans chaque hypothèse où il n'y a pas d'exception expresse audit principe ; que, dès lors, en décidant que le pilote n'a pas agi avec « une incroyable légèreté», cette témérité étant « l'absence de diligence la plus faible dont puisse faire preuve la personne la plus raisonnable (lire : la plus insouciante) dans son comportement », et qu'il n'a point eu une conscience effective d'un dommage probable, en se fondant non sur le critère objectif et abstrait du « bon pilote » mais sur ses appréciations concrètes et subjectives, respectivement, des capacités et du comportement personnels du commandant D'Souza, d'abord, et de la signification que ce pilote aurait luimême accordée à l'information du « radariste », ensuite, la cour d'appel a violé les articles 20, 22 et 25 de la Convention de Varsovie amendée à La Haye en 1955 et les articles 1135 et 1137 du Code civil ;
deuxième branche, quel que soit le mode d'appréciation adopté, à savoir in abstracto ou in concreto, l'acte ou l'omission visés par l'article 25 de la Convention de Varsovie amendée à La Haye en 1955, et entraînant la responsabilité illimitée du transporteur aérien, selon cette disposition même, ne sont pas uniquement l'acte ou l'omission commis .par un mauvais pilote mais bien tout acte ou omission commis témérairement et avec conscience de la probabilité d'un dommage, quels que soient les antécédents et l'expérience professionnels du pilote ou son compar-
tement généralement « consciencieux » ; que l'article 25 est donc vidé de toute sa substance par une interprétation fondée sur la capacité reconnue ou le comportement généralement consciencieux du pilote de l'avion accidenté et tendant à la conclusion qu'un tel pilote ne peut avoir commis la faute à lui reprochée, celle-ci supposant qu'il aurait agi avec une incroyable légèreté, c'est-à-dire avec témérité ; que, partant, en invoquant les antécédents et l'expérience professionnels du commandant D'Souza, ainsi que son comportement « consciencieux », comme présomptions de ce qu'il a dû mal interpréter l'information du « radariste » et n'a, dès lors, pas pu avoir une conscience effective du danger qui découlait du maintien par lui de sa position, la cour d'appel a violé l'article 25 de la Convention de Varsovie amendée à La Haye en 1955 ;
troisième branche, la constatation souveraine des juges d'appel, selon laquelle l'information donnée au pilote par le « radariste », prise en soi, était ambiguë, n'emporte point, même dans l'hypothèse de la légalité d'une appréciation subjective de la faute du pilote, l'absence de faute au sens de l'article 25 de la Convention de Varsovie amendée à La Haye en 1955 ; qu'en effet le seul fait de cette ambiguïté, considérée en elle-même et sans référence au commandant D'Souza, n'implique selon aucun mode d'appréciation de la faute de ce dernier ni n'entraîne logiquement que ce pilote ait effectivement accordé à ladite information une signification erronée, les seuls antécédents et expérience professionnels du commandant, comme son comportement « consciencieux », ne constituant pas des présomptions valables eu égard à l'économie de l'article 25 ; qu'en constatant la prétendue absence de conscience effective de la probabilité d'un dommage découlant de son acte, dans le chef du commandant D'Souza, eu égard à la simple ambiguïté, comme telle, de l'information donnée par le « radariste » ainsi qu'à la capacité professionnelle et au comportement « consciencieux » du commandant, la cour d'appel a fondé sa décision sur un raisonnement inconciliable avec la logique (violation de l'article 97 de la Constitution) et avec l'article 25 de la Convention de Varsovie amendée à La Haye en 1955 :
582 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
Attendu qu'il ressort des constatations de l'arrêt que, le 24 janvier 1966, un avion de la société Air India Corporation, ici défenderesse, s'est écrasé peu en dessous du sommet du Mont Blanc et que Julien Tondriau, époux de la première demanderesse et père des deuxième et troisième demanderesses, a péri dans cet accident, que le pilote de l'avion avait une opinion inexacte sur sa position et que, ayant communiqué ce qu'il croyait être sa position réelle au contrôleur du radar, il a mal compris la réponse de celui-ci, la prenant pour une confirmation, alors qu'elle était une rectification, cette réponse étant ambiguë ; qu'ainsi, au lieu de descendre dans un couloir dominant le lac Léman, il a piqué sur le massif supérieur du Mont Blanc ;
Attendu que l'action des demanderesses avait pour objet la réparation intégrale de leur préjudice ; que, pour faire admettre la responsabilité illimitée de la défenderesse, elles se fondaient sur l'article 25 de la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929 pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international, approuvée par la loi du 7 avril 1936, modifié par l'article XIII du Protocole de La Haye du 28 septembre 1955 aPprouvé par la loi du 30 juillet 1963 ;
Attendu que l'arrêt énonce que, pour l'application de cette disposition, il faut que le transporteur ou son préposé, auquel est reproché un acte ou une omission, fait témérairement, ait eu la conscience effective qu'un dommage en résulterait probablement, cette conscience devant être appréciée subjectivement ; que, se fondant sur les présomptions qu'il indique, l'arrêt décide que le pilote n'a pas eu cette conscience effective et déboute en conséquence les demanderesses de leur action dans la mesure où elle tendait au payement de sommes dépassant le forfait prévu à l'article 22 de la Convention précitée ;
Attendu que le moyen fait essentiellement grief à l'arrêt d'avoir ainsi violé l'article 25 de la Convention de Varsovie amendée à La Haye en 1955 et l'article 1137 du Code civil, ledit article 25 ne contenant pas de dérogation au principe, ayant son origine dans l'article 1137 du Code civil, suivant lequel toute faute contractuelle doit être aPpréciée in abstracto et non in concreto,
ou, en d'autres termes, objectivement et non subjectivement ;
Attendu que, si l'article 1137 du Code civil établit, en son alinéa 1•r, la règle invoquée par le moyen, il ne lui donne pas cependant un caractère absolu ; qu'en son alinéa 2 il réserve l'application, à certains contrats, de dispositions particulières ; que l'article 1137 du Code civil, fût-il applicable en la matière, ne dispenserait pas pour autant le juge de rechercher si des dispositions particulières ne régissent pas le litige dont il est saisi ;
Mais attendu que la responsabilité en matière de transport aérien international, question sur laquelle la cour d'appel était appelée à statuer, est régie par la Convention internationale de Varsovie ayant pour objet l'unification des règles applicables en ce domaine ; que le recours au droit interne ne peut, dès lors, se concevoir que dans la mesure où la Convention y renvoie ou le permet;
Attendu que l'interprétation d'une convention internationale qui a pour but l'unification du droit ne peut se faire par référence au droit national de l'un des Etats contractants ; que, si le texte appelle une interprétation, celle-ci doit se faire sur la base d'éléments propres à la convention, notamment son objet, son but et son contexte, ainsi que ses travaux préparatoires et sa genèse ; qu'il serait vain d'élaborer une convention destinée à former une législation internationale, si les juridictions de chaque Etat l'interprétaient suivant des notions propres à leur droit ;
Attendu que la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929 a eu pour but d'établir certaines règles uniformes pour le transport aérien international, notamment quant à la responsabilité du transporteur ; que ses dispositions, qui résultent d'un compromis entre les conceptions des différents Etats contractants, forment un système juridique autonome, indépendant des législations nationales, même si plusieurs de cellesci en ont étendu l'application au transport aérien interne ; qu'en particulier la Convention ne se prononce pas sur le caractère contractuel ou non de la responsabilité qu'elle règle, ainsi que cela ressort notamment de son article 24, alinéas 1 •r et 2 ;
Attendu que la Convention établit en matière de responsabilité trois règles
COUR DE CASSATION 583
essentielles : 1 ° une présomption de responsabilité à charge du transporteur (articles 17 à 19), présomption qui peut toutefois être renversée si le transporteur prouve que lui et ses préposés ont pris toutes les mesures nécessaires pour éviter le dommage ou qu'il leur était impossible de les prendre (article 20) ; 2° en revanche, une limitation de la responsabilité du transporteur à certains montants (article 22) ; 3° la responsabilité néanmoins illimitée du transporteur dans certains cas déterminés par la Convention (article 25) ;
Attendu que, quant à la responsabilité illimitée du transporteur, l'article 25, alinéa 1•r, de la Convention disposait, dans son texte originaire : « Le transporteur n'aura pas le droit de se prévaloir des dispositions de la présente Convention qui excluent ou limitent sa responsabilité, si le dommage provient de son dol ou d'une faute qui, d'après la loi du tribunal saisi, est considérée comme équivalente au dol» ;
Que, quelle que soit la portée de cette disposition, qui a donné lieu à des interprétations divergentes, elle traduisait la difficulté d'établir sur ce point une règle uniforme ;
Attendu que le Protocole de La Haye a eu pour but, à cet égard, d'éliminer les difficultés nées du texte antérieur, en fixant, par une solution de compromis, une règle commune, propre au transport aérien international ;
Qu'en outre le Protocole de La Haye a voulu, en raison de l'évolution du transport aérien et des conditions de vie, élever les montants des réparations auxquels la responsabilité présumée du transporteur était limitée et, en compensation, fixer plus strictement les cas de responsabilité illimitée du transporteur;
Attendu que l'article 25 de la Convention, dans le texte établi par le Protocole de La Haye et entré en vigueur pour la Belgique le 25 novembre 1963, dispose que : « Les limites de responsabilité prévues à l'article 22 ne s'appliquent pas s'il est prouvé que le dommage résulte d'un acte ou d'une omission du transporteur ou de ses préposés fait, soit avec l'intention de provoquer un dommage, soit témérairement et avec conscience qu'un dommage en résultera probablement, pour autant que, dans le cas d'un acte ou
d'une omission de préposés, la preuve soit également apportée que ceux-ci ont agi dans l'exercice de leurs fonctions » ;
Qu'ainsi le texte vise soit la faute intentionnelle, soit la faute caractérisée à la fois par la témérité et par la conscience de la probabilité du dommage ;
Attendu que les termes mêmes de cette disposition permettent déjà de considérer que ses auteurs ont voulu que soit prouvée la conscience effective que le transporteur ou ses préposés ont eue de la probabilité du dommage et non celle qu'ils auraient normalement dû avoir;
Que cette interprétation est, en outre, conforme au but poursuivi par la conférence de La Haye et, au surplus, confirmée tant par les documents qui ont été soumis à celle-ci et qui ont servi de base à la rédaction du texte que par les discussions qui ont précédé l'adoption de ce dernier ;
Attendu que l'arrêt est, dès lors, légalement justifié à cet égard et que, dans cette mesure, le moyen manque en droit;
Attendu que, pour le surplus, l'arrêt décide, par une appréciation souveraine en fait, que la communication du contrôleur du radar était ambiguë et, en se fondant sur les différentes présomptions qu'il indique et non uniquement sur l'expérience et les qualités du pilote, que celui-ci a mal compris cette communication;
Qu'à cet égard le moyen, qui repose sur une interprétation inexacte de la décision attaquée, manque en fait ;
Qu'en tant qu'il critique l'appréciation en fait du juge il est irrecevable ;
Par ces motifs, rejette les pourvois ; condamne les demanderesses aux dépens.
Du 27 janvier 1977. - F 0 ch. - Prés. Chevalier Rutsaert, premier président. - Rapp. M. Meeùs. - Concl. conf. M. Delange, procureur général. - Pl. MM. Bützler et Dassesse.
F• CH. - 28 janvier 1977.
1 ° PREUVE. - PREUVE LITTÉRALE. FOI DUE AUX ACTES. - MATIÈRE CI-
584 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
VILE. - RAPPORT D'EXPERTISE. - IN
TERPRÉTATION INCONCILIABLE AVEC LES TERMES DU RAPPORT. - VIOLATION DE
LA FOI DUE AUX ACTES.
2° CASSATION. - ETENDUE. - MATIÈRE CIVILE. - DÉCISION METTANT TOUTE LA RESPONSABILITÉ D'UN ABOR
DAGE ENTRE DEUX BATEAUX A CHARGE DU CONDUCTEUR D'UN DES BATEAUX. -
DÉCISION ILLÉGALE QUE LE CONDUCTEUR DE L'AUTRE BATEAU N'A PAS COMMIS DE FAUTE. - CASSATION. - LIMITE.
1 ° Viole la foi due à un rapport d'expertise la décision qui donne de cet acte une interprétation inconciliable avec ses termes (1). (Code civil, articles 1319, 1320 et 1322.)
2° Lorsqu'une décision, déclarant le conducteur de l'un des bateaux seul et entièrement responsable de l'abordage entre deux bateaux, est cassée au motif que le juge a illégalement décidé que le conducteur de l'autre bateau n'a pas commis de faute, la cassation ne s'étend pas au dispositif suivant lequel le premier conducteur a commis une faute engageant sa responsabilité (2).
(TAS, C. DE HAES.)
Arrêt conforme aux notices.
Du 28 janvier 1977. - F• ch. - Prés. M. de Vreese, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. M. Gerniers. - Concl. conf. M. Tillekaerts, avocat général. - Pl. M. Van Ryn.
ir• CH. - 28 janvier 1977.
1 ° CONVENTION. - INTERPRÉTATION PAR LE JUGE. - CONDITION.
(1) Cass., 11 octobre 1973 (Bull. et Pas., 1974, 1, 156) ; cons. cass., 27 janvier 1977, supra, p. 574.
(2) Cons. cass., 12 novembre 1973 et 26 avril 1974 (Bull. et Pas., 1974, I, 278 et 878), 9 décembre 1974 (ibid., 1975, I, 389), 9 septembre 1975 (ibid., 1976, I, 43) et 14 septembre 1976, supra, p. 44; comp.
2° PREUVE. - PREUVE LITTÉRALE. FOI DUE AUX ACTES. - MATIÈRE CI
VILE. - CAHIER DES CHARGES REQUÉRANT INTERPRÉTATION. - JUGE AYANT
RECOURS A DES ÉLÉMENTS EXTRINSÈQUES POUR DÉTERMINER LA VOLONTÉ RÉELLE DES PARTIES. - INTERPRÉTATION CON
CILIABLE AVEC LES TERMES DU CAHIER DES CHARGES. - POINT DE VIOLATION
DE LA FOI DUE AUX ACTES.
3° CONVENTION. - FORCE OBLIGA
TOIRE ENTRE PARTIES. - JUGE RECONNAISSANT A LA CONVENTION L'EFFET QUE, DANS L'INTERPRÉTATION QU'IL EN DONNE,
ELLE A LÉGALEMENT ENTRE PARTIES. -
POINT DE VIOLATION DE L'ARTICLE 1134 DU CODE CIVIL.
1 ° Le juge ne peut interpréter une convention que si elle n'est pas claire et requiert interprétation (3). (Solution implicite.) (Code civil, art. 1156 et suiv.)
2° Ne viole pas la foi due aux actes le juge qui, sans méconnaître les termes d'un cahier des charges requérant interprétation, recourt à des éléments extrinsèques pour déterminer la portée réelle que les parties ont entendu donner au cahier des charges (4). (Code civil, art. 1319, 1320 et 1322.)
3° Ne méconnait pas la force obligatoire d'une convention le juge qui reconnaît à celle-ci l'effet que, dans l'interprétation qu'il en donne, elle a légalement entre parties (5). (Code civil, art. 1134.)
(COMMISSION D'ASSISTANCE PUBLIQUE DE
GEEL, C. SOCIÉTÉ DE PERSONNES A RESPONSABLITÉ LIMITÉE « ALGEMENE 0NDERNEMINGEN J. EN K. WILLEMS».)
Arrêt conforme aux notices.
Du 28 janvier 1977. - ir• ch. - Prés. M. de Vreese, conseiller faisant fonc-
cass., 31 janvier 1975 (Bull. et Pas., 1975, I, 564) et 9 mars 1976 (ibid., 1976, I, 746).
(3) Cass., 22 octobre 1976, supra, p. 229 et la note 1.
(4) Cass., 17 mai 1974 (Bull. et Pas., 1974, I, 974) et 11 mars 1976 (ibid., 1976, I, 761) ; cons. cass., 28 janvier 1976 (ibid., 1976, I, 599) et 22 octobre 1976, supra, p. 229.
(5) Cass., 28 janvier 1976, cité à la note 4, et 29 octobre 1976, supra, p. 249.
COUR DE CASSATION 585
tions de président. - Rapp. M. Sury. - Concl. conf. M. Tillekaerts, avocat général. Pl. MM. Houtekier et Bayart.
2e CH. - 31 janvier 1977.
IVRESSE. - INFRACTION A L'ARTICLE 4 DE L'ARRÊTÉ-LOI DU 14 NOVEMBRE 1939. - SERVIR DES BOISSONS ENIVRANTES A UNE PERSONNE MANIFESTEMENT IVRE. -ELÉMENTS CONSTITUTIFS DE L'INFRACTION.
Le seul fait de servir des boissons enivrantes à une personne manifestement ivre étant punissable en vertu de l'article 4, alinéa 1~r, de l'arrêtéloi du 14 novembre 1939, est légalement justifié le jugement qui, ayant constaté que l'ivresse du consommateur à qui le prévenu a versé des boissons enivrantes était manifeste, condamne le prévenu en décidant que l'ignorance dont il excipe résulte de sa négligence (1).
(HAMELS.)
ARRÊT.
LA COUR ; - Vu le jugement attaqué, rendu le 13 septembre 1976 par le tribunal correctionnel de Liège, statuant en degré d'appel ;
En tant que le pourvoi est formé contre la décision rendue sur l'action exercée par le ministère public :
a) à charge des coprévenus Delfosse, Gigon et De Felice :
Attendu que la demanderesse est sans qualité pour se pourvoir contre cette décision;
b) à charge de la demanderesse :
Sur le moyen pris de la violation des articles 4 de l'arrêté-loi du 14 novembre 1939 relatif à la répression de l'ivresse et 97 de la Constitution,
(1) Cons. cass., 6 mars 1972 (Bull. et Pas., 1972, I, 617).
en ce que le jugement condamne la demanderesse du chef d'infraction à l'article 4, alinéa 1er, dudit arrêté,
alors que, d'une part, le jugement constatant que la prévenue ne s'est pas rendu compte de l'état d'ivresse des deux consommateurs et, par conséquent, n'avait pas l'intention d'enfreindre la loi, un élément constitutif de l'infraction fait défaut, et que, d'autre part, fondant sa condamnation sur ce que la prévenue a commis une négligence grave en ne se rendant pas compte de cet état d'ivresse, le jugement s'appuie sur un élément non visé par la disposition légale précitée,
et alors que, à tout le moins, le jugement n'a pas répondu aux conclusions de la demanderesse soutenant que, pour que la prévention fût établie, il fallait dans son chef l'intention d'enfreindre la loi :
Attendu qu'est punissable en vertu de l'article 4, alinéa 1er, de l'arrêté-loi du 14 novembre 1939 le seul fait de servir des boissons enivrantes à une personne manifestement ivre ;
Attendu que, pour déclarer la prévention établie, le jugement énonce que la demanderesse « a commis une négligence coupable en ne remarquant pas l'ivresse manifeste des deux premiers prévenus»;
Attendu que, constatant ainsi que l'ivresse des deux consommateurs auxquels la demanderesse a versé des boissons enivrantes était manifeste et que l'ignorance dont elle excipe résulte de sa négligence coupable, le jugement, tout en donnant une réponse adéquate aux conclusions, a légalement décidé que la demanderesse n'est pas justifiée par une erreur invincible et que le délit est établi dans tous ses éléments ;
Que le moyen ne peut être accueilli ; Et attendu que les formalités sub
stantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et que la décision est conforme à la loi ;
Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne la demanderesse aux frais.
Du 31 janvier 1977. - 2• ch. - Prés. Baron Richard, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. Mm• Raymond-Decharneux. Concl. conf. M. Krings, avocat général. Pl. M. Stockis (du barreau de Liège).
586 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
2• CH. - 31 janvier 1977.
PREUVE. - MATIÈRE RÉPRESSIVE. CHARGE DE LA PREUVE. - NOTION.
Le juge qui, sur la base des considérations qu'il relève, considère comme dépourvues de tout élément de nature à leur donner crédit les allégations formulées par le prévenu à l'appui de ses moyens de défense, motive régulièrement sa décision et fait une exacte application des règles relatives à l.a charge de l.a preuve en matière répressive (1).
(BISSEUX, C. SOCIÉTÉS DE PERSONNES A RESPONSABILITÉ LIMITÉE « NÉON »
ET « ANCIENS ÉTABLISSEMENTS MAETENS ».)
ARRl1:T.
LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 12 octobre 1976 par la cour d'appel de Bruxelles ;
I. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision de condamnation rendue sur l'action publique exercée à charge du demandeur :
Sur le moyen pris de la violation du principe général de la charge de la preuve en matière répressive,
en ce que, pour déclarer les préventions A et B établies, l'arrêt relève que la preuve du caractère frauduleux de la détention des objets soustraits résulte du fait que le prévenu n'a pu fournir aucune espèce de preuve, même partielle, des droits qu'il prétend avoir sur le matériel et la documentation trouvés chez lui lors de la perquisition, bien que, le 13 novembre 1970, il ait personnellement déclaré céder à la société de personnes à responsabilité limitée Anciens Etablissements Maetens « tout le matériel généralement quelconque ... lui appartenant . . . sans rien excepté ni réservé ... », et se soit en outre engagé à ne pas s'occuper directement ou indirectement d'affaires similaires sans
(1) Comp. cass., 26 février et 12 juin 1973 (Bun. et Pas., 1973, 1, 600 et 941), 21 janvier 1974 (ibid., 1974, 1, 531) et 29 juin 1976 (ibid., 1976, 1, 1188).
l'accord de ladite société de personnes à responsabilité limitée,
alors que, le prévenu n'ayant aucune preuve à faire pour se disculper et la charge de la preuve de tous les éléments d'une infraction incombant à la partie poursuivante ou à la partie civile, les juges d'appel ont imposé illégalement au demandeur une preuve qu'il ne devait pas apporter :
Attendu que l'arrêt énonce que le demandeur, « quittant la firme société de personnes à responsabilité limitée « Néon 10 » le 31 octobre 1973, alors qu'il avait été engagé le 18 octobre 1973 par une firme concurrente, . . . ne peut raisonnablement prétendre avoir agi de bonne foi, en conservant par devers lui, après la rupture, les objets et documents litigieux et ce à supposer même que la détention de ces choses, avant le 31 octobre 1973, ait fait l'objet d'un accord tacite de son employeur » ;
Attendu que, de ces mentions de l'arrêt rapprochées de celles que reproduit le moyen, il ressort que les juges d'appel ont considéré comme dépourvues de tout élément de nature à leur donner crédit les prétentions du demandeur à des droits sur le matériel et la documentation faisant l'objet des préventions;
Qu'en rejetant ces prétentions sur la base de ces considérations l'arrêt fait une juste application des principes légaux relatifs à la charge de la preuve;
Que le moyen ne peut être accueilli ; Et attendu que les formalités sub
stantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et que la décision est conforme à la loi ;
II. En tant que le pourvoi est dirigé contre les décisions rendues sur les actions civiles exercées par les défenderesses, parties civiles,
Par ces motifs, rejette le pourvoi; condamne le demandeur aux frais.
Du 31 janvier 1977. - 2• ch. - Prés. Baron Richard, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. Baron Vinçotte. - Concl. conf. M. Krings, avocat général. - Pl. M. Fally.
COUR DE CASSATION 587
2e CH. - 31 janvier 1977.
DÉTENTION PRÉVENTIVE. - MAINTIEN DE LA DÉTENTION. - LOI DU 20 AVRIL 1874, ARTICLE 5, MODIFIÉ PAR
L'ARTICLE 3 DE LA LOI DU 13 MARS 1973. - MOTIVATION.
Spécifie, par l'indication d'éléments propres à la cause ou à la personnalité de l'inculpé, des circonstances graves et exceptionnelles, intéressant la sécurité publique, qui nécessitent le maintien de la détention préventive, l'arrêt de la chambre des mises en accusation qui, tant par référence aux motifs d'un arrêt antérieur rendu en la même cause et à ceux qu'elle a légalement empruntés au réquisitoire du ministère public que par ses motifs propres, constate, d'une part, que le comportement de l'inculpé, qui manifeste un état particulièrement dangereux, porte directement et gravement atteinte à l'ordre social et, partant, à la sécurité publique et, d'autre part, qu'il est à craindre que L'inculpé ne quitte la Belgique après sa mise en liberté éventuelle et ne mette ainsi obstacle au bon déroulement de l'instruction qui nécessite encore sa présence pour la reconstitution des faits (1). (Loi du 20 avril 1874, art. 5, modifié par l'art. 3 de la loi du 13 mars 1973.)
(ALVAREZ-GARRIDO.)
ARRfT.
LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué, rendu le 17 décembre 1976 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation ;
Sur le moyen pris de la violation de l'article 2 de la loi sur la détention préventive,
en ce que, pour confirmer les motifs du mandat d'arrêt décerné à charge de la demanderesse, la chambre des mises en accusation s'est bornée à se référer
(1) Cass., 17 et 18 février 1975 (Bull. et Pas., 1975, I, 614 et 618) ; voy. aussi l'arrêt suivant.
aux circonstances graves et exceptionnelles énoncées dans le réquisitoire du :ministère public et reproduites dans l'arrêt rendu par elle le 16 novembre 1976, avec en outre « qu'il est à craindre que l'inculpée ne quitte la Belgique après sa libération éventuelle et ne mette ainsi obstacle au bon déroulement de l'instruction qui nécessite encore sa présence pour la reconstitution des faits »,
alors que, première branche, ces derniers motifs n'explicitent pas à suffisance les raisons de craindre que la demanderesse ne se soustraie aux poursuites ; qu'il ne suffit pas d'énoncer uniquement, comme le fait l'arrêt, les circonstances graves et exceptionnelles ; qu'il faut aussi que ces circonstances, propres à la cause ou à la personnalité de l'inculpé, exigent pour des raisons de sécurité publique la détention préventive ;
seconde branche, l'arrêt ne rencontre aucun des arguments repris en conclusions par la demanderesse :
Sur la première branche : Attendu que l'arrêt statue sur le
maintien de la détention préventive ; que la motivation de cette décision est, dès lors, soumise aux dispositions de l'article 5 de la loi sur la détention préventive, remplacé par l'article 3 de la loi du 13 mars 1973 ;
Attendu que, en fondant sa décision notamment sur les motifs de l'arrêt qu'elle a rendu dans la même cause le 16 novembre 1976 et qu'elle a légalement empruntés au réquisitoire du ministère public, la chambre des mises en accusation constate que « le comportement de l'inculpée, qui manifeste un état particulièrement dangereux, porte directement et gravement atteiinte à l'ordre social et, partant, à la sécurité publique»;
Qu'ainsi l'arrêt, outre la considération qu'il énonce dans ses motifs et que mentionne le moyen, précise les éléments propres à la cause et à la personnalité de la demanderesse qui constituent des circonstances graves et exceptionnelles et qui, intéressant la sécurité publique, nécessitent le maintien de la détention préventive ;
Attendu que, dès lors, la décision attaquée est légalement justifiée ;
588 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
Qu'en sa première branche le moyen ne peut être accueilli ;
Sur la seconde branche :
Attendu que le moyen n'indique pas la demande, la défense ou l'exception à laquelle il n'aurait pas été répondu ;
Qu'en cette branche le moyen est ir-recevable à défaut de précision ;
Et attendu que les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et que la décision est conforme à la loi ;
Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne la demanderesse aux frais.
Du 31 janvier 1977. - 2• ch. - Prés. Baron Richard, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. Baron Vinçotte. - Concl. conf. M. Krings, avocat général. - Pl. MMm•• Krywin et D. Claeys Boùùaert (toutes deux du barreau de Bruxelles).
2• CH. - 31 janvier 1977.
DÉTENTION PRÉVENTIVE. - MAINTIEN DE LA DÉTENTION. - LOI DU 20 AVRIL 1874, ARTICLE 5, MODIFIÉ PAR L'ARTICLE 3 DE LA LOI DU 13 MARS 1973. - CONDITIONS.
La décision de ia juridiction d'instruction ordonnant le maintien de ia détention préventive doit spécifier les éléments propres à ia cause ou à la personnalité de l'inculpé qui constituent des circonstances graves et exceptionnelles et qui, intéressant la sécurité publique, nécessitent le maintien de la détention (1). (Loi du 20 avril 1874, art. 5, modifié par l'article 3 de la loi du 13 mars 1973.)
(REITZ.)
ARRÊ:T.
LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué,
(1) Cass., 7 mai 1974 (Bull. et Pas., 1974, I, 932) et 9 juin 1975 (ibid., 1975, I, 968) ; voy. aussi l'arrêt précédent.
rendu le 28 décembre 1976 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation ;
Sur le moyen pris, d'office, de la violation de l'article 5, alinéa 1•r, de la loi du 20 avril 1874 relative à la détention préventive, remplacé par l'article 3 de la loi du 13 mars 1973 :
Attendu que, par confirmation de l'ordonnance dont appel, l'arrêt maintient la détention préventive ordonnée par le mandat d'arrêt du 19 novembre 1976 ; qu'à l'appui de cette décision l'arrêt, après avoir constaté « qu'il existe des indices suffisants justifiant l'inculpation de détention illégale de stupéfiants », relève, d'une part, « que les circonstances graves et exceptionnelles intéressant la sécurité publique nécessitent le maintien de la détention préventive » et, d'autre part, « que l'inculpé n'a pas de résidence fixe en Belgique ; qu'il y a lieu de craindre qu'il ne se soustraie aux poursuites, d'autant plus qu'il a marqué sa volonté de retourner aussi rapidement que possible en Californie » et « que la nécessité de garantir le déroulement normal de la procédure est d'ordre public ... »;
Attendu que la décision de la juridiction d'instruction ordonnant le maintien de la détention préventive doit spécifier les éléments propres à la cause ou à la personnalité de l'inculpé qui constituent des circonstances graves et exceptionnelles et qui, intéressant la sécurité publique, nécessitent le maintien de la détention préventive ;
Que l'existence de cette double condition doit être constatée de manière précise dans la décision ;
Attendu que les circonstances que l'inculpé n'a pas de résidence fixe en Belgique et a marqué sa volonté de retourner le plus tôt possible en Californie sont des éléments propres à sa personnalité ; qu'en énonçant « qu'il y a lieu de craindre qu'il se soustraie aux poursuites» l'arrêt déduit des susdits éléments que ceux-ci, intéressant la sécurité publique, exigent le maintien de la détention ;
Mais attendu que ni les motifs précités de l'arrêt ni aucune autre considération de celui-ci n'indiquent de manière certaine les éléments propres à la cause ou à la personnalité de l'inculpé que la chambre des mises en accusation
COUR DE CASSATION 589
a considérés comme graves et exceptionnels;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les moyens proposés par le demandeur, casse l'arrêt attaqué ; ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de la décision annulée ; laisse les frais à charge de l'Etat ; renvoie la cause à la cour d'appel de Mons, chambre des mises en accusation.
Du 31 janvier 1977. - 2• ch. - Prés. Baron Richard, conseiller faisant fonctions de président. - Rapp. Baron Vinçotte. - Concl. conf. M. Krings, avocat général. - Pl. M. Aronstein (du barreau de Bruxelles).
2° CH. - 1er février 1977.
1 ° MARIAGE. - BIENS RÉSERVÉS. BIENS PROPRES OU BIENS COMMUNS. CARACTÈRE DÉTERMINÉ PAR LEUR ORIGINE ET PAR LE RÉGIME MATRIMONIAL.
2° CONTRAT DE MARIAGE. - BIENS RÉSERVÉS. - BIENS PROPRES OU BIENS COMMUNS. - CARACTÈRE DÉTERMINÉ PAR LEUR ORIGINE ET PAR LE RÉGIME MATRIMONIAL.
1 ° et 2° Le caractère de biens propres ou de biens communs des biens réservés est déterminé par l'origine de ceux-ci et par le régime matrimonial des époux (1). (Code civil, article 226septies [2] .)
(VRANCKX ET SOCIÉTÉ ANONYME « L'ESCAUT», C. JESPERS, KLEFFNER ET SOCIÉTÉ ANONYME « GROUPE JOSI ».)
ARRÊT (traduction).
LA COUR ; - Vu l'arrêt attaqué,
(1) Cons. J. RENAULD, remis à jour par P. STIÉNON, « Régimes matrimoniaux», Répert. notarial, 1976, t. V, no 186, p. 156, et BAETEMAN, « De voorbehouden goederen », T.P.R., 1975, p. 144, n° 24.
(2) L'article 226septies du Code civil a été abrogé par l'article 1"" de la loi du
rendu le 28 mai 1976 par la cour d'appel d'Anvers;
Attendu que l'arrêt condamne la demanderesse Vranckx Martine du chef d'homicide involontaire de Jespers Brigitte, fille des défendeurs Jespers Augustinus et Kleffner Elisabeth, et, pour le surplus, statue a) sur les actions civiles exercées par ces défendeurs contre cette demanderesse, contre son père Vranckx Joseph en qualité de civilement responsable et contre la demanderesse société anonyme L'Escaut en qualité de partie intervenue volontairement et b) sur la demande en intervention et en garantie exercée par la demanderesse Vranckx et son père contre la défenderesse société anonyme Groupe Josi;
Attendu que la demande en intervention et en garantie était fondée sur ce que le véhicule, qui au moment de l'accident était conduit par la première demanderesse, était assuré au nom de la défenderesse Kleffner auprès de la défenderesse société Groupe Josi ; que, dans la mesure où il n'était pas couvert par cette police, le dommage était assuré auprès de la demanderesse société L'Escaut, en vertu d'une clause extensive de la police « responsabilité véhicules automoteurs » conclue par Vranckx Joseph;
Attendu que les pourvois ne concernent que les actions civiles ;
I. Quant au pourvoi de Vranckx Martine:
A. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur les actions civiles exercées par la demanderesse contre la société anonyme Groupe Josi, citée en intervention et en garantie :
Attendu qu'il ne ressort d'aucune des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que la demanderesse, partie citante, ait fait notifier son pourvoi à la partie contre laquelle il est dirigé ;
Que le pourvoi est, dès lors, irrecevable;
B. En tant que le pourvoi est dirigé
14 juillet 1976 et remplacé par des dispositions comprises dans le titre V du livre III du Code civil. La date d'entrée en vigueur de ces dispositions est fixée par l'article 3 de la susdite loi du 14 juillet 1976 (dispositions transitoires).