59599032 genre stereotypes et communication partie 1

100
1 ère partie Genres, Stéréotypes & Communication : Les enjeux d’une «gender communication» Ce syllabus a été réalisé par Le FOREM grâce à un financement européen dans le cadre de l’initiative EQUAL Il vient en support de la formation mise en place par le Service Ethique & Diversité du FOREM

Upload: toutthoun

Post on 29-Oct-2015

36 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

1ère partie

Genres, Stéréotypes & Communication :

Les enjeux d’une «gender communication»

Ce syllabus a été réalisé par Le FOREM grâce à un financement européen dans le cadre de l’initiative EQUAL

Il vient en support de la formation mise en place par le Service Ethique & Diversité du FOREM

Page 2: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

PréambuleCette formation intitulée « Genres, Stéréotypes & Communication » a été organisée dansle cadre d’un projet EQUAL, dont le nom « Muqarnas » 1 évoque la multiplicité de leviersà actionner lorsque l’on veut agir sur les freins matériels, physiques, psychologiques oumentaux, qui écartent encore les hommes et les femmes de trajectoires, professionnellesou autres, où leur sexe est peu représenté.

Parmi ces freins figurent, en bonne place, nos représentations, à nous, hommes etfemmes, nos stéréotypes, notre langage, qui structurent le monde et lui donnent du sens,et dont nous ne pouvons nous passer sans courir le danger d’être inadaptés – ou inadap-tées – au monde et à la société.

Ce syllabus est le compte rendu fidèle des journées de formation dispensées entre le moisde novembre 2003 et le mois de juin 2004 par Emmanuelle DANBLON, Docteure en linguistique à l’Université Libre de Bruxelles, fervente adepte de l’argumentation et despossibilités qu’elle nous donne d’ouvrir le monde et de construire la démocratie.

Ces journées font partie d’un cursus plus large mis en place par le Service Ethique &Diversité du FOREM comprenant une initiation aux concepts du genre et de l’égalité à destination des « gender blinds », des « gender sceptics » et des « experts » et « expertes » en matière de genre et une initiation à l’approche de la diversification deschoix pour les femmes et les hommes et de la mixité dans la formation professionnelle.

Les solutions aux exercices d’argumentation repris dans ce syllabus sont le fruit de laréflexion des différents groupes en formation. Certains et certaines ne manqueront pasde s’y reconnaître…

Genres, Stéréotypes et Communication - 2

1. Un "Muqarnas" est une pièce d'architecture arabe, constituée de 7 parties à facettes. Imbriqués les uns avec les autres, les muqarnas, permettent depasser harmonieusement de la structure carrée (au sol) à la coupole (plafond/toit). L'objectif attendu par ce projet est une transformation fondamentale(levée des freins tant physiques que mentaux) par rapport à l'inégalité que subissent, encore aujourd'hui, les femmes et les hommes dans le domaine del'emploi et de la conciliation de la vie privée avec la vie professionnelle, et ce dans le concept de "transformation harmonieuse".

Page 3: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Au menu de la formationDans le cadre d’un exposé pratique, nous répondrons aux questions suivantes :• Qu’est-ce qu’un stéréotype ? Théorie sur le fonctionnement des stéréotypes. • Comment se comporter vis-à-vis de cet objet de pensée, sachant qu’il est utilisé

partout et par tout le monde, que l’on ne peut s’en passer, mais que cela ne veutpas dire qu’il faille l’accepter tel quel, sans rien dire ?

• Comment le critiquer ? Bilan par rapport à ce que peuvent la langue & la linguis-tique, à ce qu’elles ne peuvent pas. Présentation d’outils de formalisation pourexpliciter les stéréotypes, voir où ils se nichent et comment les débusquer.

Cet exposé sera suivi d’exercices pratiques…

Nous nous pencherons ensuite sur le lien entre valeurs et stéréotypesDans ce chapitre, nous essaierons de comprendre que poser un acte de communicationen matière d’égalité hommes/femmes (féminisation, inversion ou neutralisation de stéréotype, etc.) touche au domaine des émotions et des valeurs. Nous montrerons que ces dernières ne sont pas toujours compatibles entre elles, qu’elles sont hiérarchi-sées… et nous illustrerons les valeurs fondamentales qui se trouvent derrière les 2 grandes options d’un féminisme dit « en crise ».

Nous ferons le bilan sur les politiques en matière de féminisation dans l’ensemblede la FrancophonieNous montrerons les limites de la langue et de la linguistique : que peuvent-elles etque ne peuvent-elles pas en matière de féminisation. Nous apprécierons le fait quec’est compliqué, que les décisions sont fondées sur des options idéologiques pas toujours compatibles entre elles, que le risque existe de mettre en danger certaineschoses et valeurs essentielles.

Exercices et illustrationsA partir de documents et de textes, nous verrons les choix qui ont été posés par rapport au traitement des stéréotypes, neutralisés ou pas, et les avantages et inconvénients de ces choix.

AnnexesDifférents textes et documents intéressants sous l’angle du traitement des stéréotypesde genre nous montrent à quel point nous ne pouvons nous passer des stéréotypes et à quel point ils entrent parfois en paradoxe avec des intentions affichées.

Bibliographie

Glossaire

Genres, Stéréotypes et Communication - 3

Page 4: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

STEREOTYPES

PréliminairesLes représentations générales que l’on a des femmes, dans le discours, la publicité, lesmagazines féminins et autres, les fictions en général, etc. interviennent à 2 niveaux :

1. les stéréotypes : véhiculés à travers le langage, dans les images et les représen-tations non conscientes. Ils sont de l’ordre du PASSIF, de l’INCONSCIENT, del’IMPLICITE. Ils ne sont pas le fruit d’une production intentionnelle de notre part,sont de l’ordre du FLOU et du LOINTAIN, de l’ARCHAÏQUE. De manière générale, on estime que les stéréotypes sont à combattre, qu’ils sont « non politiquementcorrects ».2. les argumentations, la critique présente dans les échanges verbaux, les débats,les discussions, dans lesquels il y a un enjeu. Ces aspects sont plus conscients, car formulés. Ce sont donc des prises de position ACTIVES, activement adoptées,reflets de nos intentions de bien faire, de respecter l’égalité, d’être « correct-e-s »et de nos choix idéologiques profonds.

Il s’agit plus ou moins du même objet de pensée (la femme), mais dans des sphères dela vie publique très différentes et dans des intentions du langage également diffé-rentes.

Ces deux niveaux coexistent en permanence, interagissent, mais ne fonctionnent pas de la même façon dans notre comportement langagier quotidien. À un niveau, nouspensons, politiquement, devoir faire d’une façon qui entre en contradiction avec notreniveau implicite. Les ENJEUX de l’utilisation de ces deux types de représentation sontévidents par rapport à l’objectif d’égalité pour les femmes et les hommes.

Postulats de départ• Les exposés théoriques qui vont suivre, de même que les exemples et exercices qui

les illustrent et les appuient, n’ont pas l’objectif ni l’ambition de dire qu’il y a ouaurait de bonnes et de mauvaises options, de bonnes et de mauvaises pratiques.

• Dans nos sociétés actuelles, tout le monde est d’accord sur le QUOI. Il existe unCONSENSUS généralisé ou quasi sur le but à atteindre : garantir, promouvoir l’égalitépour tous et pour toutes, obtenir une égalité de droit et de fait pour les hommes etles femmes, au nom d’un principe démocratique. Il s’agit d’une valeur affichée officiellement, même si les personnes ne les portent pas vraiment, à l’intérieur.

Cet accord sur le QUOI est profond et tacite.

Genres, Stéréotypes et Communication - 4

Page 5: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Si l’on n’est pas OK avec ce principe, on ose à peine le dire, car ce n’est pas sociale-ment admis, c’est suspect. Celui ou celle qui dirait « Je ne suis pas d’accord. » seraitconsidérée comme hors norme, non-fréquentable, dans la société dans laquelle nousvivons.

Par contre, la question se pose au niveau des COMMENTS ? C’est là, au niveau desactions, des arguments, des moyens, qu’apparaissent les désaccords, que commencentles questions, les discussions, les problèmes, les conflits. Les émotions, tensions,débats et argumentations difficiles, voire violentes débouchent sur des positions paradoxales, reflets de représentations incompatibles.

Les problèmes qui se posent au niveau du COMMENT sont en lien direct avec les stéréotypes. Il y a plusieurs couches. Il faut le comprendre, pas forcément l’accepter,et mettre en œuvre les moyens à notre portée, sans dramatiser, pour autant, les para-doxes 2.Toutes ces matières charrient des valeurs, liées à des émotions, à des idéaux.Nous devrons donc hiérarchiser nos valeurs autour de nos choix, renoncer à certainesvaleurs, faire des deuils, plus ou moins douloureux…

Stéréotype = ?Toute vision du monde, toute représentation, est fondée sur des propositions générales,objets de pensée, représentations du monde, produites par des habitudes forgées jouraprès jour. Elles se traduisent par des phrases et concernent tout : les gens, le temps,les saisons, les habitudes sociales, les meubles, les chaises, les étoiles, les planètes,les choses, les événements, etc.

Dans la tradition, on appelle ces propositions générales des LIEUX COMMUNS.

LIEU = quelque chose de fixe auquel on adhère,le sol, un endroit spatial, sans lequel rien neserait possible, notre expérience du monde.Sans lieu, c’est le chaos.

COMMUN nous renvoie à la communauté humaineà laquelle nous appartenons, ou à laquelle noussouhaitons appartenir, à notre adaptation à l’en-vironnement, au social. C’est le tissu de notrepossibilité-même de vivre ensemble. Sans cela,pas d’intégration.

Sans lieux communs ou « topoi » du grec signifiant lieux, on ne peut pas vivre, on estinadapté. Grâce à ces « topoi », on peut prévoir les choses, avoir des « attentes rai-sonnables » par rapport aux choses, aux gens, au temps, etc. Notre corps et notreesprit ne sont pas surpris par le déroulement des événements. Nous sommes rassurés.

Genres, Stéréotypes et Communication - 5

2. Comme exemple de paradoxe, au cœur même du débat sur la parité, on remarque la tendance féministe qui revendique la parité au nom de valeurs fémi-nines telles que la créativité, la sensibilité, etc. qui sont des stéréotypes portés par les plus grands « machistes » !

Page 6: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Il y a différents types de lieux communs, parmi lesquels :• les vérités générales = les choses sur lesquelles tout le monde s’accorde

ex : le soleil brille, la neige est blanche, le printemps vient après l’hiver, le jouraprès la nuit, etc.Les vérités générales sont la base de notre rationalité.

• les habitudes = la structuration du temps, la régularitéex : faire son « samedi », on est plus fatigué le soir que le matin, les légumes sontmeilleurs au printemps, etc.

• les lois physiquesex : loi de la pesanteur, gravitation universelle

• les lois juridiquesex : on ne peut pas tuer

Les lieux communs sont la base de notre rationalité, commune pour l’ensemble de l’hu-manité. Nous possédons un patrimoine, un socle de lieux communs qui nous servent àdonner du sens au monde, qui ordonnent nos pensées. Ils sont à la base de notrecapacité «d’être au monde», de survivre. Tout jugement se fait sur base d’un lieu commun censé être admis par l’ensemble de la collectivité à laquelle nous appartenons.Il y a des lieux communs à propos de tout : des hommes, des femmes, de certaines catégories de la société, de la nature, des habi-tudes de santé, des comportements attendus des autres, etc.Les lieux communs vont dans tous les sens. Il s’agit d’un patrimoine commun apparte-nant à un groupe humain et grâce auquel les individus peuvent communiquer, êtreadaptés à la vie sociale, biologique, physique, etc.

• Ainsi, si je ne crois pas à la loi sur la gravitation universelle, je me jette par lafenêtre et je meurs…

• Les lieux communs que nous avons intégrés à propos de la biologie de notre corpsnous permettent de formuler certaines attentes par rapport à ses réactions. Noussavons ainsi que les lésions physiques dont nous souffrons aurons des conséquencessur nos émotions.

La plupart des représentations, dont les représentations sociales, appartiennent à unesociété donnée.

Il y a des lieux communs CULTURELS et des lieux communs INDIVIDUELS.

• Ainsi, lors du tremblement de terre de 1995 en Belgique, plusieurs personnes ontassimilé le bruit et le tremblement qu’elles ont perçus au passage d’un groscamion ou d’un tram, événements qui existaient dans leur stock de lieux com-muns. Le lieu commun, en l’occurrence, rassure. Par contre, un habitant d’unpays où il y a beaucoup de tremblements de terre et pas de tram ni de camionva relier le passage d’un tram ou d’un camion à un tremblement de terre…

• Avant la colonisation, en Afrique centrale, le lieu commun «Tous les hommessont noirs» était universellement reconnu et non remis en question. Noussommes ici en présence d’un lieu commun culturel (J.S. MILL). Cette vérité admi-se en Afrique répond bien à l’objectif du lieu commun : cela a du sens (jusqu’àpreuve du contraire) – cela est utile et cela aide à être adapté au monde. Unhomme qui n’est pas noir, sur base de cette vérité admise, est une exception.

Genres, Stéréotypes et Communication - 6

Page 7: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Plus les sociétés évoluent et plus les topoi se spécialisent dans des disciplines particu-lières. Ainsi se construisent des lieux communs

• sur des habitudes : « Souvent, les gens partent en vacances en juillet »

• sur les lois : « L’enfant conçu pendant le mariage a pour père le mari de la mère. » partant du principe qu’une femme mariée n’a derelations sexuelles qu’avec son mari…

• du domaine des proverbes : «Les voyages forment la jeunesse.»

Il y a de l’universel dans les lieux communs. Ils constituent un sol, un socle commun,un patrimoine qui nous permet de relier des situations entre elles, des faits entre eux,qui nous permet de dire que l’on est d’accord ou pas d’accord avec ce qui se passeautour de nous, d’émettre des jugements sur les choses, les événements et les gens.

Les lieux communs sont des objets de pensée tellement fondamentaux que nous ne lesvoyons plus du tout. Ils sont de l’ordre de l’évidence, du trivial, et nous ne pensonsplus à les expliciter. Notre corps s’attend à certaines choses. S’il ne s’y attend pas,nous sommes inadaptés. Cette image forte s’applique aussi aux lieux communs sur les rapports entre les femmes et les hommes, entre les groupes sociaux, etc.Nous devons bien faire, ici, la différence entre ce qui est vrai et ce qui donne du sensaux choses, événements, etc. et est utile à notre adaptation au monde.

Origine et formation des lieux communsLes lieux communs sont en nous, même si nous n’en sommes pas conscient-e-s.On ne naît pas avec nos lieux communs. Toutefois, certains semblent apparaître austade fœtal.

Les lieux communs se forment par INDUCTION, à partir de l’observation d’événementsrécurrents, une série de cas particuliers qui, en se répétant, deviennent des généralités,des lieux communs. Il s’agit d’un mode de raisonnement tout à fait naturel, d’unefaçon d’être adapté au monde.

On ne peut, néanmoins, tout observer. Il existe donc toute une série de représenta-tions générales que l’on a formées par OUÏ-DIRE. Ces dernières fonctionnent en nousexactement comme les lieux communs que nous avons formés par notre expérience.

Genres, Stéréotypes et Communication - 7

Exemples : Le soleil se lève tous les matins. – En hiver, il fait froid. – L’herbe estverte. – La neige est blanche. – Les corbeaux sont noirs. – Le matin, quand je melève, j’ai soif. – Chaque jour, vers 18 heures, il y a des embouteillages dans lesgrandes villes.

Page 8: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Fonctionnement : quand on voit une situation X et qu’on en conclut une situation Y,on établit un lien, qui repose sur une vérité générale, sur un lieu commun.

On peut aussi former les lieux communs par EXTRAPOLATION. On extrapole sur une partie du monde que l’on ne connaît pas, que l’on n’a pas observée.

La plupart du temps, quand nous parlons entre nous, nous n’énonçons pas ces véritésgénérales, qui existent en nous et sont partagées par notre communauté, car c’estinutile. C’est trivial, ça ne sert à rien…

Elles sont vitales, nécessaires, indispensables, mais elles sont tellement communes qu’il est irrationnel de les exprimer, car elles sont de l’ordre de l’évidence.

Ces vérités nous permettent de faire des liens explicatifs.

Genres, Stéréotypes et Communication - 8

Exemple 1 Hier, j’ai mangé des fraises et j’ai des boutons aujourd’hui.Le lieu commun qui se cache derrière le lien est que, souvent, les fraises donnentde l’urticaire… Nous convoquons, à l’occasion, dans notre discours, nos vérités etnos lieux communs : Fraise = allergie = boutons. Il se peut que j’aie la varicelle,mais je suis rassuré-e ! Le lieu commun donne du sens, mais n’est pas infaillible.

Exemples : Tous les Hollandais sont grands, les Chinois sont petits, et ce même si jene les ai jamais observés…

Exemples :Tous les corbeaux sont noirs. Je n’ai pas observé tous les corbeaux du monde, maiscela me paraît raisonnable de dire cela, même si le monde est ouvert et qu’il y aune grande part d’infini. On arrive ainsi à dire des choses peut-être tout à faitfausses !Ainsi, en Afrique centrale, pendant très longtemps, le lieu commun « Tous leshommes sont noirs. »3 a permis de donner du sens au monde dans lequel vivaientles populations et leur a permis de se rassurer, de faire des prédictions sur leschoses et les situations, de s’adapter.

Ainsi, sans habiter en ville, on sait, par ouï-dire, qu’il y a des embouteillages vers18 h. On trouve une explication logique à cet état de fait et on s’adapte à la situa-tion. On se contente, sans avoir fait personnellement l’expérience de la situation,d’ajouter un lieu commun à notre stock, à notre tissu personnel de lieux communs.

3. Exemple cité par Stuart MILL

Page 9: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Il s’agit d’un puissant mécanisme de pensée, d’un puissant donneur de sens, que nousavons tous et toutes et qui se met en marche dès la naissance. Il est si fort qu’il fonctionne même si nous ne sommes pas au courant de la vérité générale. Il permet de procéder par allusions.

Ce mécanisme naturel et inconscient nous permet d’être adapté-e-s aux situations, maissans certitude formelle que les choses vont se passer comme nous nous y attendons.Cela nous rassure, cela donne du sens, une explication aux événements. C’est aussiquelque chose d’imparfait, d’erroné, qui nous livre une représentation floue, grossièreet déformante du monde.

Nous ne sommes pas coupables de raisonner comme cela, car nous ne pouvons faireautrement, faute d’être inadapté-e-s. Nous produisons ces raisonnements, toutes ettous, tout le temps. c’est le principe de rationalité.

Genres, Stéréotypes et Communication - 9

Exemple 2 C’est mercredi, donc, Pierre va sans doute venir.Le lien : Pierre vient tous les mercredis ou D’habitude, Pierre vient les mercredis. (Sauf si…Pierre m’a dit dimanche qu’il viendrait au milieu de la semaine.)Nous convoquons, naturellement, un raisonnement logique qui va donner du sensaux choses. Même si nous ne connaissons pas Pierre, nous mettons tout en œuvrepour que le lien fonctionne et nous laissons libre cours à notre tendance, tout à fait naturelle et « normale », à la GÉNÉRALISATION. C’est un PARI que nous faisons sur l’expérience de la personne qui fait le lien. Nous faisons confiance à la cohérence du lien.

Il serait trop lourd, redondant, de dire : « C’est mercredi. Or, Pierre vient tous lesmercredis. Donc, Pierre va arriver bientôt. » Celui ou celle qui formulerait le mes-sage tel quel serait l’inadapté ou l’inadaptée… Si, par contre, en tant que récep-teur ou réceptrice du message, je n’accepte pas le lien, c’est moi qui suis inadapté-e. Remettre tout en cause et douter de tout mène à l’inadaptation et à la mort.

Si l’a priori est la contradiction, on ne peut rien faire : toute communication estbasée sur un principe de coopération (voir plus loin) qui suppose que l’autre veutêtre compris.

Page 10: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Lieux communs et garantieToutefois, bien qu’essentiels à notre adaptation au monde, les lieuxcommuns n’offrent aucune garantie absolue. Ce ne sont que desPARIS SUR LE MONDE : on peut se tromper. Il se peut que la réali-té soit autre.

A partir des lieux communs, nous pouvons formuler des attentesraisonnables sur le monde et les choses. Ces attentes raisonnablessont le fruit de notre expérience et de nos habitudes. Elles peu-vent ne pas se vérifier, être remises en cause. Chaque conclusionpeut-être invalidée par une situation particulière, qui ne met pasen péril la vérité admise, la généralité. L’exception ne remet pasen cause le lieu commun général, preuve s’il en est que celui-ci estsolidement ancré en nous.

La possibilité peut être également envisagée que la person-ne qui parle ne soit pas rationnelle. Le « principe decoopération » qui postule que les gens ont des attentes surce que fait quelqu’un quand il parle (théorie de GRICE4) estdonc rompu. Il existe différentes façons de rompre cesattentes, parmi lesquelles le mensonge, l’omission (on faitcomme si on avait tout dit), la transgression par l’humour,l’ironie, la poésie, la rhétorique, etc.

Le lieu commun ou topos n’a pas le statut de loi universel-le, loin de là. Il s’agit bien seulement de l’expressiond’une attente raisonnable. Tant qu’il n’est pas remis en question de façon extrêmementrépétitive par une série d’observations contradictoires, on le garde, car il contribue àdonner du sens au monde.

Les stéréotypesLes stéréotypes sont une catégorie de lieux communs.

A ce titre, ils présentent une double face, une ambivalence :• il est impossible de s’en passer. Ils appartiennent au domaine du « quasi-idéolo-

gique » et sont une source d’adaptation.

Genres, Stéréotypes et Communication - 10

4. Grice, Herbert Paul - Grice est né en 1913 et mort en 1988. Titulaire de plusieurs chaires à l’Université d’Oxford puis, après 1967, à l’Université de Berkeleyen Californie, Grice est principalement connu pour son travail sur la philosophie du langage et plus particulièrement pour son analyse de l’intention du locu-teur.

Ainsi, le fait que j’ai mangé des fraises n’est peut-être pas à la source de mes bou-tons… : Je commence peut-être une rubéole ou une rougeole…ouPierre ne viendra pas, bien que ce soit mercredi, parce qu’il est malade, qu’il a eu unaccident, etc.

Page 11: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

• ils offrent une représentation du monde, des gens et des choses, si générale, com-mune, réductrice, grossière qu’elle est figée et constitue un miroir grossier, défor-mant d’une réalité que l’on ne peut analyser ou voir seulement à travers eux. Ilsn’offrent aucune garantie totale, et nous pouvons les remettre en question.

Nous vivons dans une société qui voudrait se débarrasser des stéréotypes, mais qui nepeut s’en passer… Les stéréotypes aident toutefois à donner du sens et trouvent leurorigine dans l’habitude de « typifier » le monde qui existe au cœur des SOCIÉTÉSORALES. Nous pourrions les résumer comme suit : «Tout les ceci sont comme ça, etc.»

Les sociétés oralesLes sociétés orales sont les sociétés SANS ARGUMENTATION, sans débat contradictoire,sans critique de point de vue, tout au moins de manière institutionnalisée. Elles n’uti-lisent pas l’écrit, et il est prouvé que l’on ne pense pas de la même façon quand onutilise ou pas l’écriture.

Il en reste quelques unes dans le monde, mais il subsiste, même dans nos sociétésdémocratiques, des parcelles d’habitudes orales (les religions, le théâtre, le mime, lesarts, etc.)

Dans ces sociétés, le patrimoine commun, les lieux communs ne sont jamais remis enquestion. Ils sont transmis par voie orale, utilisent les proverbes, les histoires, lescontes, les fables et paraboles, etc. et ne sont jamais discutés, car ce sont les privilé-giés, les poètes, les sages au coin du feu, à la veillée, la mère au bord du lit, les sor-ciers, les religieux, etc. qui sont les vecteurs de leur transmission, purement ORALE.On raconte des histoires exemplaires dans lesquelles on se projette. Elles sont lesreprésentations culturelles de lieux communs et fonctionnent comme étant la référenceabsolue des représentations du monde.

Tout ce qui fait le tissu explicatif du monde est transmis de façon orale, reproduitd’une génération à l’autre, de façon orale et répétée, sans distance critique.

Les stéréotypes constituent la condition de la rationalité et de l’appartenance à lacommunauté. Ils ont FORCE DE LOI, d’EXPLICATION DU MONDE, de VÉRITÉ GÉNÉRALE. Iln’y a pas de science, pas de critique. Le MYTHE a statut de science et le PROVERBE devérité scientifique. On ne les remet pas en question, on ne pose pas la question de leurorigine. Ils sont incritiquables, inattaquables. Les critiquer équivaudrait à une inadap-tation, qui serait suivie d’un rejet par la société.

Genres, Stéréotypes et Communication - 11

Exemple : « En avril, ne te découvre pas d’un fil. »Cette recommandation sous forme de proverbe fonctionne encore très bien dans nos sociétés, mais avec un changement de statut.

Page 12: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Dans la société et la transmission orales, une dimension de la langue n’est pas – ou plus – accessible, celle del’ARGUMENTATION et de la possibilité de remettre en question les lieux communs et les stéréotypes5. On peut discuter : « D’accord, MAIS… »

Le statut des lieux communs et stéréotypes a changé au coursde l’histoire. Bien qu’évoluant, pour la plupart d’entre nous6,dans une société écrite, nous venons tous et toutes d’un mondestructuré par le MYTHE, qui n’est autre qu’un stock de proverbes,d’idées reçues, d’histoires, de paraboles, de contes, de légendes,etc. sur les choses, les animaux, les gens, les événements, etc.transmis sous des formes poétiques qui ont tendance à figer lesreprésentations, précisément par leur cadence, leur rythme, leursrimes, les jeux de sons et de mots, etc. Pensons notamment auxcomptines…

L’autreQuand nous observons les représentations du monde, le stock de stéréotypes et de pro-verbes à notre disposition, la plupart du temps, ce qui est représenté, c’est l’AUTRE,celui ou celle qui n’est PAS MOI, que je ne CONNAIS PAS, que je ne COMPRENDS PAS,que je ne CONTRÔLE PAS, qui me FAIT PEUR par sa DIFFÉRENCE, sa MONSTRUOSITÉ.Pour toutes ces raisons, je le cerne dans une catégorie typifiante. JE ME RASSURE ETJE NE LE REJETTE PAS en le mettant en scène dans des proverbes.

C’est une des raisons pour lesquelles il y a tant de stéréotypes de tous genres sur descatégories ethniques, sur leurs habitudes alimentaires, leurs coutumes, leur façon des’habiller, de jouer au football, etc.ex. Les Allemands sont les plus grand buveurs de bière.

Les Italiens mangent des spaghettis.Les Écossais sont avares.Les Belges mangent des frites.Les Vikings sont grands, blonds et forts.

Ce foisonnement de proverbes et de lieux communs de type ethnique nous permet,lorsque nous croisons quelqu’un de différent, de ne pas avoir peur, de donner du sens àla situation.

Il y a un niveau où tous et toutes, même les plus érudits et érudites, véhiculent desstéréotypes. Il ne faut pas nous culpabiliser lorsque nous participons à un stéréotypeou à une vérité universelle. Le seul danger du stéréotype est de lui conférer un statutde rationalité scientifique ou juridique.

Les terrains les plus fréquents des stéréotypes= ÉTRANGERS + FEMMES

Genres, Stéréotypes et Communication - 12

5. Lorsque l’on considère que, dans certains pays et dans certaines religions, la condition féminine est telle que le droit à l’apprentissage de la lecture, entreautres barbaries, est nié aux femmes, on mesure bien le pouvoir qui est pris par le sexe dominant.6. Même les analphabètes, que l’on peut définir comme des « oraux - ou orales - de fait », puisqu’ils et elles ne maîtrisent ni la lecture ni l’écriture, pensentcomme la majorité de la société écrite dans laquelle ils et elles évoluent.

Page 13: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Le fait que les femmes constituent l’un des terrains les plusfertiles des stéréotypes est l’indice même que nous avonshérité d’une société construite cognitivement, y compris entermes de représentations du monde, à partir d’un modèlemasculin, pour lequel FEMME=AUTRE. L’homme est la base, lafemme est la différence.

La femme étant l’autre, le mystère, qu’en tant qu’homme, jene comprends ni ne m’explique, il s’agit de la typifier, de lastéréotyper, pour me rassurer, pour qu’elle fasse moins peurpar sa différence.

Ce qu’il est important n’est pas ici de confirmer ce que l’onsait sur les sociétés occidentales machistes ou patriarcales,mais de savoir que les idées (sur les femmes) étaient parta-gées et véhiculées par les femmes et par les hommes, dansune société où femmes et hommes étaient d’accord sur lesidées portées par les proverbes. Les représentations stéréoty-pées des femmes et des hommes ont été construites par lesfemmes autant que par les hommes.

Il n’y a pas de symétrique7, pas de proverbes ni d’histoires sur les hommes, saufquelques petites choses. C’est normal, il s’agit d’un héritage du passé. Ce n’est pascondamnable : c’est comme ça.

On distingue donc• des stéréotypes dont les intentions sont positives, dans le regard de la société qui a

émis ces représentations• des stéréotypes qui sont de véritables monstruosités, révélatrices d’un degré de

haine, de rancœur et de ressentiment, qui évoquent des conflits ancestraux, ancrésdans de très lointaines traditions.

Ils sont le résultat d’une tentative de typifier sur base de l’observation et de l’induc-tion.

Remarquons, au passage, que les femmes creusent elles-mêmes le sillon de la misogy-nie et participent à la typification des femmes via l’éducation qu’elles donnent à leursenfants, garçons et filles.

Genres, Stéréotypes et Communication - 13

7. Il serait intéressant de réaliser une étude sur le sujet dans une société purement matriarcale, mais cela n’a pas été fait à ce jour.

Ce qui est rassurant : toutes les représentations des femmes ne sont pas forcément négatives, elles aident juste à les faire comprendre. Ce qui est moins rassurant : celles qui sont négatives sont vraiment très très négatives !!

Page 14: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

On constate donc, dans les stéréotypes féminins, une coexistencede deux grands archétypes de la femme : la femme mère, symbolede vie et la femme fatale, destructrice, symbole de mort.

Il s’agit bien la de stéréotypes sur les femmes, mis en place parune société patriarcale, mais ils ne sont pas forcément tous déva-lorisants.

Nous sommes en présence d’une scission manichéenne : le bienopposé au mal, le positif au négatif. Tantôt créatrice, inspiratri-ce, immaculée conception, soumise, en retrait, tantôt fatale,mante religieuse, mangeuse d’hommes, sorcière, destructrice du

lien social et de la chose politique, la femme symbolise la VIE ou la MORT. Réceptacle,rassurante, consolatrice, elle contient la vie, la donne, elle est la condition de la vie,sans pour autant la vivre elle-même… Par ailleurs, elle est fatale, mortifère, destruc-trice, mène l’homme a sa perte et menace les bases de la société. Tout se passecomme si, chaque fois qu’elle a l’occasion de s’exprimer, le monde courait a sa perte.

Genres, Stéréotypes et Communication - 14

Représentations positives (orientées Hommes)

• toutes les représentations qui met-tent en exergue le rôle positif desfemmes sur la carrière des hommes– La femme est la moitié d’unhomme, les femmes font les hommes

• les représentations positives de lafemme dans son rôle d’éducationdes enfants, dans la conduite dufoyer, dans la protection, le récon-fort, la douceur, la maternité (« repos du guerrier »), la patience,les dons pour les travaux d’aiguille

• dans son habileté à manier le langa-ge, dans la fameuse « intuitionféminine », dans ses compétencesen matière de conseil « Écoute toujours le premier conseil de ta femme. »

• dans son intelligence

Représentations négatives

• femme méchante, mégère, jalouse,rouleau à tarte

• femme adultère, légère, volage,putain

• femme versatile, girouette, incons-tante – Souvent femme varie, bien fol est qui s’y fie

• femme dépensière, panier percé,indigne de confiance

• femme « à châtier » : Tous lesmatins, bats ta femme. Si tu ne sais pas pourquoi, elle le sait. (Proverbe arabe)

• femme bavarde, commère, incapablede garder un secret, menteuse +tous les proverbes et lieux communsconcernant l’attitude d’une femmepar rapport au secret : ne pasconfier un secret à une femme !

• femme fatale, mante religieuse,mangeuse d’hommes, sorcière, castratrice

Page 15: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Genres, Stéréotypes et Communication - 15

8. Un des rares éloges de femme est celui de Turia, à Rome. Turia avait pris en charge les tâches des hommes pendant une guerre, avait eu un couraged’homme, mais sa plus grande vertu avait été de revenir « à sa place » après ses exploits et, au retour des hommes, de retourner dans l’ombre. Elle avaitfait preuve de bravoure, mais l’éloge porte bien sur son humilité, sur le fait qu’elle était retournée « à sa place ». Dans le registre « bravoure au champd’honneur », Jeanne d’Arc a été également louée, mais à l’analyse, on constate que son statut est différent : elle se situe plutôt « borderline », ni femme nihomme, « pucelle »…

La Vierge Marie et Pénélope sont des exemples à suivre. Pandora, femme fatale,porte tous les malheurs du monde. Les gorgones sont féminines et le sphynx a unvisage de femme. Hélène de Troie est à mettre dans le panier des mangeusesd’hommes, dangereuses mantes religieuses et veuves noires qui menacent l’équilibredu monde et apportent la guerre. Eve, quant à elle, exprime tout le paradoxe de la condition féminine, entre mère de l’Humanité et femme fatale, source du péchéoriginel…, signe que dans notre culture judéo-chrétienne, ce serait une erreur deminimiser le poids des archétypes culturels.

Tantôt saintes, tantôt démons : il est difficile de sortir de là…

Une des vertus suprême, pour la femme, est de se faire oublier, de se gommer, de ne pas exister, c’est la vertu du retrait, comme en témoignent le proverbe chinois « La femme la plus louée est celle dont on parle le moins. » et sa version européen-ne « La femme la plus honnête est celle dont on parle le moins. » On retrouve peud’éloges de femmes, même dans les sociétés matrilinéaires8.

On peut aussi évoquer les représentations négatives sur les femmes, à la limite dusupportable, installées entre le XVIè et le XIXè siècle dans notre patrimoine de lieuxcommuns sur les femmes. La femme est diabolisée, est infidèle et constitue un danger ou elle est effacée, acceptable, ne se fait pas remarquer, reste discrète et se laisse oublier.

On ne peut s’empêcher de penser également aux représentations féminines véhiculées au XVIIème siècle, au lien à Eve ou aux sorcières, brûlées au bûcher de l’Inquisition. Si les hommes sont allés jusque là, c’est bien qu’ilsavaient peur…

Au XIXème siècle, la femme occupe 3 sphères : celle de la femme-épou-se, celle de la femme-maîtresse et celle de la femme prostituée (« fille de joie »). Nous ne parlerons pas de la gouvernante, qui n’a pasd’existence propre et semble asexuée. La femme est fatale ou gardiennedu foyer. Pour la famille bourgeoise, la norme est la femme au foyer.L’homme se rend au bordel et a une maîtresse, qui est une demi-mondaine et jouit d’un statut particulier dans les représentations féminines.

Au XIXème siècle, les différentes représentations des femmes sont struc-turées, tous milieux confondus, par des lieux communs. La femme doit réussir savie de famille, avoir un mari, une maison, des enfants. Son rôle est privé, elle esttournée vers l’intérieur. Par contre, l’homme doit avoir un travail qui lui permettede faire vivre sa famille. Son rôle est public, il est tourné vers l’extérieur.

Il s’agit là d’un modèle mental, ce vers quoi chacun et chacune doivent tendre. Il n’existe, à cette époque, pas de conscience, chez les femmes, qu’elles puissent se réaliser autrement, sans transgresser l’ordre établi.

Cf. Les livrets bleus, qui étaient les premiers romans-photos.

Page 16: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Cette scission manichéenne est-elle universelle ou non ? Globalement, a peu près danstoutes les cultures, on retrouve le même clivage « la mamma – la putain ». Les hommes, comme les femmes, ont tendance a utiliser ces représentations de maniè-re intuitive, et ce malgré les différences culturelles.

De nos jours, un décalage s’est installé – depuis 1968 – entre ce que l’on fait et lesocle de nos représentations et stéréotypes. Nous jouons sur deux niveaux.

Disposons-nous de suffisamment de représentations féminines positives dans lesquellesnous puissions nous projeter, nous, femmes ? Wonderwoman ? Femme d’affaires ?Bonne épouse ? Bonne mère ?

Actuellement, une tentative se dessine de produire une représentation positive de lafemme active dans la société, et ce via les différents médias, les fictions, etc. Cettetentative se heurte a l’ambivalence de la condition féminine et le portrait commencésous forme d’éloge se termine par un blâme : « Oui, mais qu’advient-il de sa famille, deses enfants, etc. ». Ces reproches sont émis tant par les femmes que par les hommes…Comment vivre cette ambivalence9 ?

Il est intéressant d’analyser comment nos habitudes et attitudes renforcent les stéréo-types ou les combattent. Souvent, force est de constater que les femmes reproduisent« benoîtement » ce que faisaient leur mère et - parfois - leur grand-mère.

Ne les entend-on pas aussi véhiculer des blagues sexistes, que l’on pourrait verser dansla catégorie des stéréotypes, comme avatars modernes du stéréotype ?

Les stéréotypes sont donc très vivants, ils sont ancrés en nous (niveau implicite,inconscient, archaïque), mais nous développons sur eux notre esprit critique pour reve-nir au « politiquement correct » (niveau argumentatif).

Genres, Stéréotypes et Communication - 16

9. cf films : « Dans la peau d’un homme », « Working girl » - cf aussi le livre « Conte à l’eau de bleu » d’Isabelle ALONSO

Page 17: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Qu’en est-il, ici et maintenant ?Notre société utilise largement l’écrit, qui a modifié notre façon de penser, et l’argu-mentation, donc la capacité de critiquer les stéréotypes.

De plus, les nouveaux outils technologiques disponibles actuellement – nous sommestrès loin de la tradition orale – nous permettent d’utiliser, notamment, l’image commemode de communication.

Le statut du stéréotype et des vérités universelles a changé :• ce sont des choses qui font partie de nous, que nous transmettons, qui continuent

a nous aider a « donner du sens ». Nous fonctionnons toutes et tous avec les stéréotypes et l’induction. Ils font partie de nous,

MAIS

• nous les tenons a distance, car nous avons pris conscience qu’ils sont CRITI-QUABLES. Nous prenons ainsi nos distances par rapport aux clichés. Nous avonsconscience que cette typification est grossière et peut être critiquée, remise enquestion, qu’elle n’offre aucun type de garantie. Le stéréotype a perdu la vertu de vérité scientifique que lui conférait la société orale,

Genres, Stéréotypes et Communication - 17

Il nous arrive de pratiquer une inversion de certains stéréotypes. Ainsi commencent à se multiplier les blagues sexistes sur les hommes.

Prenons garde, lors de l’inversion d’un stéréotype, à ne pas en générer un autre : en inversant les stéréotypes présents dans les blagues racistes, nous avons ainsicréé les stéréotypes autour de la blonde stupide… Paradoxe !!!

Page 18: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

• avec, pour conséquence, un mode de fonctionnement souple utilisant des représen-tations du monde qui ne sont pas toujours compatibles entre elles. On sait que l’onpourrait trouver, sans doute, un proverbe, un stéréotype, un lieu commun, qui ditexactement le contraire que le premier. Le monde est ouvert.

La critique par argumentation s’opérera donc toujours a partir du patrimoine communconstitué par le stock de lieux communs dont nous disposons. Tout se passe a l’inté-rieur : le locuteur parle, je l’écoute, je prends position.

Dans nos sociétés modernes, écrites, les lieux communs, les clichés, les stéréotypessont présents et exploités, utilisés, dans l’image et dans le texte, a tous les niveaux de la communication : publicité, cinéma, télévision, nouvelles, etc. Nous sommes dansune société démocratique, c’est a nous de mettre en œuvre les techniques d’argumen-tation et notre esprit critique.

La critique et l’argumentation ne sont pas suffisamment a l’honneur dans notre systèmeéducatif. La pratique de la critique et de l’argumentation est pourtant essentielle, carc’est seulement a travers elles que les représentations pourront évoluer, et que lesgénérations futures pourront prendre une distance critique par rapport au matraquaged’images auquel elles seront soumises.

Genres, Stéréotypes et Communication - 18

Page 19: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Modèle de TOULMIN : premier outil pour l’argumentation

Un moyen technique de critiquer les stéréotypes : le CADRE ou MODÈLE de StephenTOULMIN10, outil qui permet de déceler, de débusquer, d’expliciter l’implicite, en partantdu principe que l’implicite n’est tu ni par intention ni par manipulation.

Dans notre société, les habitudes de rhétorique et d’argumentation ont été progressive-ment gommées.

Nous devons prendre garde a cette tendance, qui se confirme en ce début de XXIèmesiècle : nous perdons l’habitude de critiquer et de participer a la démocratie citoyenne.Les raisons sont multiples, et l’on doit sans doute y mettre la pléthore d’informationset de supports de communication engendrée par la montée en puissance des télécom-munications.

Or, la critique est saine et doit être encouragée comme principe de base de toutedémocratie. Nous avons le droit et le devoir de dire que nous ne sommes pas d’accordavec la représentation du monde qui nous est livrée, et nous le dirons en utilisant lestock de vérités générales, le patrimoine commun, critiquable aussi, sans doute, mais ilne suffit pas de jeter les stéréotypes – on ne peut pas s’en passer : il faut les prendrea bras le corps et les critiquer.

Le modèle de Toulmin nous montre comment se construit une induction, comment,même si l’on n’a pas, en soi, la vérité ou le lieu commun, on le reconstruit via l’argu-mentation de la personne qui parle (ou locuteur/trice) : le mécanisme de l’inductionnous permet de donner un sens a des situations précises du quotidien et de produire denouvelles conclusions, de nouvelles hypothèses.

Voici un exemple de raisonnement modélisé par Toulmin dans sa présentation linéaire :« Petersen est Suédois. Donc, probablement, il n’est pas catholique. »

Modèle ou cadre de Toulmin

Genres, Stéréotypes et Communication - 19

10. Les Usages de l’argumentation, 1958. Stephen TOULMIN, né en 1922 à Londres, est l’un des leaders modernes de la théorie rhétorique. Diplômé enmathématique et sciences naturelles, il est aussi Docteur en Philosophie (Cambridge). Auteur des Usages de l’Argumentation (Uses of Argument), il participeà la renaissance des théories de l’argumentation. Contemporain de Chaïm PERELMAN (Université Libre de Bruxelles - « père de la nouvelle rhétorique »),Toulmin s’oppose aux théories réductrices de la logique. Pour lui, tout ne peut se résumer à la logique : il y a des valeurs, des émotions, des nuances, qui nepeuvent être codifiées par la logique.

Donnée D Petersen est suédoisdonc

Qualificateur modal Q probablement

Conclusion C Petersen n’est pas catholiquepuisque

Garantie G moins de 2% des Suédois sont catholiquesétant donné

Support S les statistiques disponiblesà moins que

Restriction R Petersen ait fait un pèlerinage à Lourdes

Page 20: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Au départ d’une donnée D, on arrive a une conclusion C, en utilisant une garantie G.

Donnée Conclusion

Garantie

Ce cadre nous permet de formaliser le double statut des vérités générales :• elles sont toujours la• comme nous sommes dans une société d’argumentation, nous pouvons les remettre

en question, en utilisant la RESTRICTION R. Il faut savoir que, la plupart du temps,la garantie G est implicite, n’est pas exprimée et que l’on n’a pas toujours conscien-ce du support S de la garantie, qui est pourtant révélateur du lieu idéologique oùl’on se situe et auquel on adhère.

Ce modèle montre comment un simple raisonnement inductif peut être formalisé.

La DONNÉE est l’élément observé et sur la base duquel on va réfléchir, ce dont il estquestion, le premier élément de la discussion. Nous avons connaissance d’un fait a pro-pos du monde. La donnée est quelque chose que l’on sait et qui se pose la.

La GARANTIE est ce qui fournit le lien de pertinence et donne du sens au lien que l’onfait entre la DONNEE et la CONCLUSION. Elle n’est normalement pas (expli)citée dansle texte, tellement elle est de l’ordre de L’ÉVIDENCE. Le simple fait de relier la donnéea la conclusion induit, crée le stéréotype et prouve notre adaptation au monde.

Dans le modèle de Toulmin, la flèche symbolise le lien, le chemin inductif.

Quelqu’un peut demander au locuteur ou a la locutrice d’expliciter ce lien et de citer sagarantie pour justifier son passage de la donnée a la conclusion. La plupart du temps,l’on n’exige pas que soit formulée la garantie, sauf si l’on ne comprend pas du tout lelien, par naïveté, sauf aussi dans un jeu rhétorique, pour rendre la garantie vulnérableet pour l’attaquer, si l’on a envie de polémiquer.

Les garanties, de manière générale, sont le refuge des lieux communs. Nous les pui-sons dans les différents champs des représentations du monde. Elles peuvent être aussides lois scientifiques, juridiques, des statistiques, des articles de la DéclarationUniverselle des Droits de l’Homme, des proverbes, etc.

La garantie est l’élément fondamental du jeu de l’argumentation.

Le lien entre la donnée D et la conclusion C est également appelé LIEN D’INFÉRENCE etla garantie G le TICKET D’INFÉRENCE (RYLE).

Ce n’est qu’au cours d’un éventuel débat, d’une discussion, que nous pouvons êtreamené-e-s a formuler la garantie. Dès que celle-ci est exprimée, elle est vulnérable,critiquable. La garantie peut être discutée, remise en question. Elle est ainsi livrée aujeu de la critique et de l’argumentation. Dans les textes, nous trouverons donc beau-coup de données et de conclusions, mais peu de garanties, car leur expression peutremettre en question une vérité admise.

Genres, Stéréotypes et Communication - 20

Page 21: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Dans une argumentation bien conçue, nous devons cependant nous préparer a fournirles garanties : nous ne sommes pas « du bon côté une fois pour toutes ». Le pensercorrespondrait a une attitude non-démocratique (paradoxe !), qui affaiblit tout qui seplace du côté de l’évidence, même si, dans certains débats, l’évidence est souvent utili-sée comme effet rhétorique. Nous devons pouvoir mettre nos lieux communs au défi.

La garantie ne présente donc aucun caractère d’infaillibilité. Si une garantie estinfaillible, nous entrons dans le mécanisme de la déduction11. L’utilisation des « toujours », « jamais », « tout-e, tou-te-s », « aucun-e », dans l’établissement d’unlien logique entre une donnée et une conclusion, est de l’ordre du discours politique,mais personne n’est dupe de cette représentation rhétorique qui vise l’effet de manche.Par ailleurs, une garantie peut être tout simplement fausse ou « pas applicable ».

Nous devons avoir conscience que le monde est ouvert, que l’on peut aller jusqu’a l’infini, que les garanties ne sont pas définitives et qu’elles ne nous sécurisent pas a 100%. Il faut donc que nous restions optimistes et fassions le travail d’argumenta-tion, car rien n’est fixé.

Le modèle de Toulmin permet d’expliciter la garantie et de nommer le SUPPORT. Le support est le champ du savoir humain dans lequel nous sommes allé-e-s chercher la garantie. Ce ne sera pas toujours la valeur scientifique qui sera la plus persuasive.L’autorité de la garantie et du support doit être construite et mise en scène.

A noter que la possibilité existe de critiquer le statut épistémologique12 du support,concrètement, a se poser la question de savoir si ce champ est vraiment valable.Par rapport aux statistiques, on pourrait dire qu’on leur fait dire ce que l’on veut, par exemple.

Si nous reprenons l’exemple des fraises et de l’urticaire, le support pourrait être lasagesse populaire, ou encore les livres de médecine. Nous sommes en droit de critiquerle statut épistémologique de ces deux supports.

On peut donc critiquer une garantie et son support. C’est vertigineux, nous ne sommesjamais sûr-e-s de rien, mais cela représente, en même temps, une superbe possibilité,pour chacun et chacune, de faire avancer la société et le domaine de la connaissance.

Ainsi, la gravitation universelle, qui est une loi physique, est-elle également l’objetd’une remise en question.

Genres, Stéréotypes et Communication - 21

11. Exemple de déduction : « Tous les hommes sont mortels. Socrate est un homme. Donc, Socrate est mortel. »12. Epistémologique = du mot « épistémologie » (théorie de la connaissance) - lorsque l’on parle du statut épistémologique d’un support, on parlera de salégitimité scientifique.

Exemple : Dans les campagnes électorales du Front National, les tracts annoncent 3 millions dechômeurs et 3 millions d’immigrés et en conclut qu’il faut renvoyer les immigrésdans leur pays d’origine.

Le choix des supports et des garanties dépendra de qui parle et de l’auditoire àconvaincre.

Page 22: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

La plupart du temps, l’argumentation porte sur des événements, des faits ou desthèmes qui impliquent une forte charge émotionnelle chez nous. Ainsi, l’égalité,thème fortement chargé émotionnellement, doit-elle être argumentée.

La RESTRICTION est un élément important de l’argumentation. Elle sème le doute etnous permet de ne pas prendre de risque par rapport a la vérité générale. Elle nousmet a l’abri de la remise en question du lien par l’autre.

Notons enfin que, dans le modèle de Toulmin, les connecteurs sont les mots liens « amoins que », « puisque », « donc » et « étant donné ». Le qualificateur modal (« cer-tainement », « sans doute », « probablement », etc.) indique le degré de confiance quel’on a par rapport a l’accomplissement de la conclusion. Chaque lien n’a pas la mêmeforce. Le qualificateur modal permet de nuancer le lien.

Qu’est-ce qui va nous servir dans l’argumentation ?• le support S: Il est déterminant des valeurs auxquelles on adhère.

par exemple : « La Bible dit que… »Nous devons pouvoir identifier le support pour l’argumentation.

• la critique via la restriction R = l’expression du cas particulier qui pourrait faire,qui illustrerait que justement, cette fois-ci, le stéréotype ou la garantie pourrait nepas être d’application. L’effet est déstabilisant, insécurisant.

= A MOINS QUEè On formule une restriction, mais qui n’est que «l’exception qui CONFIRME LA RÈGLE» (autre lieu commun !!!).La garantie est sauve ! Le lieu commun, la proposition générale n’est pas remise encause. C’est rassurant.

Le SUPPORT S sera choisi dans un champ culturel ou cognitif, thématique, présent dansla communauté a laquelle nous appartenons ou souhaitons appartenir. Les supportsappartiennent a des domaines de la pensée, a des champs (le champ juridique, celui del’expérience quotidienne, de l’habitude, le champ scientifique, éthique, institutionnel,la tradition orale, la sagesse des nations, les statistiques, etc.)

Nous avons des lieux communs a l’infini et irons y puiser nos garanties. Le choix dusupport, « étiquette » qui situe le champ d’où est issue notre garantie, dépend dulocuteur/ de la locutrice, mais aussi du public auquel il ou elle s’adresse. On ne choisi-ra pas le même type de support dans un débat politique ou dans une discussion defamille.Très souvent, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme est donnéecomme support : la plupart du temps, même sans connaître le texte exact de cette Déclaration, nousfonctionnons avec un stock de lieu communs sur les droits de l’Homme, sur le respectde l’autre, sur la justice, etc.

Genres, Stéréotypes et Communication - 22

Page 23: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

La restriction R peut a son tour devenir une donnée15, que nous appellerons donnée D 2.

La restriction 2 peut devenir une donnée 3, et ainsi de suite. Boîte de Pandore oupoupées russes, l’argumentation est ouverte a l’infini, avec, chaque fois, la particulari-té que les conclusions, de situation en situation, prennent alternativement les valeursC1 et C216.

C’est toute la richesse du débat, avec, souvent, la remise en question des garanties,qui sont le siège des stéréotypes, le lieu de toutes les croyances, des émotions.

Le support n’est pas non plus a l’abri d’une remise en question. Les seules17 véritésabsolues sont de l’ordre des vérités physiques (pas toutes) et mathématiques. Avecelles, on sort de l’argumentation pour entrer dans la DÉMONSTRATION.

Le monde est ouvert par l’argumentation, qui est l’essence même de la démocratie :rien n’est jamais certain, tout peut être remis en question par l’expérience, par la réali-té. La société est ouverte a la critique, a la réflexion, a l’incertitude, a la remise enquestion. C’est insécurisant, mais plus responsabilisant et délicieusement démocra-tique : on ouvre le monde et la possibilité de le faire changer. C’est a nous qu’il appar-tient d’agir pour faire évoluer le monde, via l’argumentation et la mise en doute.

Il y a des sociétés qui encouragent l'argumentation, d’autres qui la condamnent ou larendent impossible (sociétés orales). L’expérience nous recommande toutefois de nepas en faire un usage constant : c’est très fatigant…

Genres, Stéréotypes et Communication - 23

13. La plupart du temps, on cite la donnée D et la conclusion C. On ne cite ni la garantie G, ni le support S, que si l’interlocuteur ou interlocutrice le deman-de, dans un esprit – souvent – de polémique et de critique. Dans les conflits, plus le débat charrie de valeurs, plus la charge en émotion augmente, à unpoint tel que la violence peut être choisie comme alternative à l’argumentation, tout simplement parce que, en l’absence de socle commun, le dialogue estdevenu impossible.14. Les argumentations féministes vont parfois chercher leurs garanties dans les articles de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.15. La restriction ne sera jamais formulée sous forme de proverbe !16. Exprimer toutes les restrictions revient à se mettre dans la position de l’adversaire ou des adversaires, qui entendent l’autre exprimer ses propres restric-tions. C’est tout l’art de la rhétorique, qui renforce la garantie, d’une part, et revêt, d’autre part, un caractère machiavélique et manipulatoire.17. On a tendance à dire qu’elles sont absolues, mais elles sont régulièrement remises en cause.

Révéler son support, c’est révéler ses positions, ses valeurs13, c’est, également, révé-ler la confiance que l’on a par rapport au support (donc, la manière dont on fonc-tionne…)14. Il y a toujours un arrière-plan émotionnel : nous voudrions croire quenos valeurs sont absolues et partagées par tous et toutes, mais elle ne le sont pas.

Donnée D 2 : Petersen a fait un pèlerinage à Lourdes

Conclusion C 2 : donc, il est catholique(la conclusion 2 correspond à l’inverse de la première conclusion)

Garantie G 2 : Ceux qui vont en pèlerinage à Lourdes sont catholiques.

Support S 2 : les statistiques, les ouï-dire, etc.

Restriction R 2 : à moins que Petersen pratique une autre religion qui reconnaît leculte de la Vierge

Page 24: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Le modèle de Toulmin existe dans notre tête, et les éléments ne sont pas toujours rendus visibles dans le discours, qui utilise des raccourcis, sur base de la confiance que chacun et chacune ont en la capacité d’induction de ses interlocuteurs et interlo-cutrices.

Argumentation et valeursChanger d’avis, se poser des questions résultent simplement d’une prise de conscienceque l’on a été piégé par des valeurs, qui parfois n’étaient pas les nôtres, mais cellesd’une majorité ou d’un groupe et que l’on désigne sous l’expression de « valeurs fusionnelles ».

Via la restriction, je me mets en danger et je mets l’autre en danger dans ses valeurs.

Aucune de nos valeurs les plus chères n’est a l’abri d’un choix ou de l’attribution d’undegré de priorité, expression de notre hiérarchie de valeurs, de notre échelle devaleurs.

Le modèle de Toulmin permet un déroulement de l’argumentation a l’infini, mais nousne pouvons perdre de vue le fait qu’une négociation doit mener a une fin, a un accord,et qu’elle sera le fruit d’une décision prise en fin de parcours, de commun accord.Cette décision, ces accords se retrouveront au cœur des chartes, des déclarations, des traités, etc. au sein desquels un rassemblement s’opère autour de notions sur les-quelles tout le monde est d’accord.

Beaucoup de valeurs, bien qu’elles soient reliées a des émotions, seront exprimées viaces « notions floues » (Chaïm PERELMAN18), grandes valeurs formulées a un certainniveau, pour récolter l’adhésion du plus grand nombre. Ce sont, par exemple, lesnotions de liberté, égalité, dignité, que l’on retrouvera dans la Déclaration Universelledes Droits de l’Homme. D’une personne ou d’un groupe a l’autre, les représentationsrésultant de ces notions floues divergent. A nouveau, on est d’accord sur le quoi (qui est flou), mais pas sur le comment.

Restriction et stéréotypeIntroduite par « a moins que », la RESTRICTION R exprime une situation qui ferait que,cette fois-ci, la garantie G ne serait pas d’application. Même si la restriction est la, la loi, le stéréotype, la vérité, reste intacte. La restriction ne remet pas en cause lestéréotype, elle NE DÉSTRUCTURE PAS.

Il y a un travail de critique a faire, qui va s’opérer a partir de la restriction, sachantque le point de départ reste le lieu commun – signe-même du fait que l’on ne peut s’en passer…

Genres, Stéréotypes et Communication - 24

18. Ch. PERELMAN, autant qu’inventeur d’une « Nouvelle rhétorique», est philosophe du droit. L’une des profondes originalités de son œuvre est d’avoir inté-gré la théorie de l’argumentation à une philosophie de la connaissance et à une philosophie de la décision et de l’action, profondément explicites. Le Traitéde l’Argumentation de Ch. PERELMAN et L. OLBRECHTS-TYTECA (Bruxelles – 1958) s’occupe des moyens discursifs employés pour obtenir l’adhésion des esprits.On y examine les techniques qu’utilise le langage pour persuader et pour convaincre l’auditoire. C’est que l’argumentation vise, grâce au discours, à obtenirune action efficace sur les esprits.

Page 25: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Exercices d’entraînement au modèle de ToulminExercice 1

Donnée D = Pierre est (encore) parti en voyage Conclusion C = Marie va (finir par) prendre un amant.

Consigne 1 : formaliser la situation en utilisant toutes les composantes du modèle deToulmin.Consigne 2 : la garantie G doit être exprimée sous forme d’un proverbe.

Pensez au qualificateur modal et aux différentes restrictions.

Vous trouverez en page 43 les résultats de ce premier exercice, tels qu’ils ont été livréspar 4 groupes en formation.

Genres, Stéréotypes et Communication - 25

Page 26: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Exercice 2

Donnée D : C’est une femme qui préside la réunion.Conclusion C : On aura fini avant 16 heures.

Consigne : reconstituer le modèle en utilisant un qualificateur modal, une garantie etun support au choix.

Vous trouverez quelques réponses possibles à cet exercice en page 47.

Genres, Stéréotypes et Communication - 26

Page 27: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Il est important de prendre conscience du fait que, quand on se bat pour une cause,plus on passe par une phase d’honnêteté intellectuelle par rapport à cette cause, pluson sera fort pour la défendre.

Nous trouvons normal d’aller chercher des supports forts, et nous serions choqués parl’inverse de ce qu’ils nous disent. Face à des groupes ou à des personnes qui ontd’autres opinions que les nôtres, nous entrons parfois dans l’inversion du stéréotype.

Aucun argument n’est définitif. Il y a toujours une contre-argumentation. Nous devonsgarder en mémoire, avoir conscience du fait que l’on peut faire deux poids, deuxmesures et avoir également conscience du STATUT des garanties et de leur support :

• le choix de la garantie et du support résulte d’un choix émotionnel qui reflète nosvaleurs

• plus nous apprenons à quitter l’effet, la conviction d’évidence, plus nous renforçonsnotre pouvoir d’argumentation.

Genres, Stéréotypes et Communication - 27

En résumé

• Contrairement à ce qui se passe dans les sociétés orales, nous pouvons prendrenos distances par rapport aux et à nos stéréotypes.

• Toutefois, notre société fonctionne beaucoup par stéréotypes. Ceux-ci sont véhi-culés par la presse, par l’image, la presse féminine, la télé, les bandes dessinéeset les dessins animés, les livres d’enfants, d’adolescents et adolescentes, lapublicité. Nous sommes au début du 21ème siècle, mais la représentationpublique de la femme repose sur plusieurs couches de stéréotypes solidementancrés et très diversifiés, autour des thèmes « femme battante au boulot »(thème en construction), « bonne mère » et « femme fatale ».

• Nous vivons dans une société à deux vitesses, témoin1. du rejet des stéréotypes, objets de pensée discriminatoires. Dans la pensée

et la réflexion, on les remet en question et on choisirait plus vite la censureque l’argumentation

2. du fait que nous baignons dans une société qui utilise les stéréotypes et nousles met sous le nez, avec des images parfois incompatibles entre elles et quialimentent un chaudron de lieux communs et de stéréotypes. Nous les subis-sons, nous les vivons, de manière passive.

• Cette situation est génératrice de paradoxes sur le statut de la femme et sur lesreprésentations de la femme par la femme elle-même et par la société. Uneillustration en est la création de jouets, comme « Barbie famille heureuse », quiinclut Barbie enceinte, Ken papa et Barbie pédiatre. Nous assistons ici à uneconjonction de deux stéréotypes, l’un très ancien « femme – mère – heureuse »et un nouveau, en construction « femme – médecin – égale de l’homme ».

Page 28: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

TRAITEMENT DES STÉRÉOTYPES & VALEURS : 2 GRANDES OPTIONS

Le CONFLIT IDÉOLOGIQUE qui abrite la plupart des débats sur le COMMENT faire l’égalitéentre les hommes et les femmes révèle l’ambivalence existant autour de la recherche del’égalité et nous confronte à des paradoxes et des difficultés venant du fait que nousfonctionnons en plusieurs couches et que les situations sont complexes.

Dans les grands débats sur le féminisme émergent deux façons de se positionner.D’une part, nous trouvons la position UNIVERSALISTE et, d’autre part, la position PARTICULARISTE. Chacune cherche à faire le nécessaire pour la défense de l’égalité(OK sur le « quoi »), mais les moyens et les stratégies mis en place pour lutter contreles stéréotypes sont différents.

1. Pour l’UNIVERSALISTE, c’est simple : l’égalité doit être garantie au nom de laDéclaration Universelle des Droits de l’Homme19. Pas de spécificité, quels quesoient les différences de nature. Tous les citoyens et les citoyennes ont droit àla même chose, quelle que soient leur sexe, genre, origine ethnique, nationalité,couleur de peau, apparence physique, etc. Le fait de créer une déclaration oucharte des Droits de la Femme serait une forme de particularisation qui les exclurait de l’universel, ce qui est inacceptable.

Le stéréotype est nié : la diversité est présentée comme non problématique, commenon stéréotypée. La volonté de montrer une certaine forme de diversité existe, maiscette diversité n’est pas problématique.

« Les femmes sont des hommes comme les autres. » La femme est l’égale de l’hommeen droit. Tous les hommes sont égaux, y compris les femmes. Il ne s’agit pas dequelque chose qui existe dans la nature, mais d’une déclaration de droits.

L’Humanité se donne un droit pour elle-même. « Égaux » n’est pas synonyme de « pareils ».

Il ne s’agit pas d’une négation de la différence : on ne nie pas les différences biolo-giques, psychologiques, organiques entre les hommes et les femmes, mais ces différences ne sont pas pertinentes dans la vie politique ou publique pour définir etdéfendre le principe d’égalité : chaque individu est ce qu’il est, avec ses différences,mais a droit à la même chose.

Cette position s’accompagne d’une exigence forte de la reconnaissance de la diversité,au nom de l’UNIVERSALITÉ des droits de l’Homme, de l’égalité de droit (en anglais :Human Rights). Il faut se battre pour l’égalité des hommes et des femmes, mais sans faire des femmes une minorité.

De façon schématique : « pas de quotas » - « pas de discrimination positive »

Genres, Stéréotypes et Communication - 28

19. Lors de la parution de la Déclaration des Droits de l’homme, en 1789, il s’agit bien de mettre un petit h à « homme ». Elle ne vise et concerne, à l’époque, que les hommes et pas les femmes. Olympe de Gouges, connue pour sa Déclaration des Droits de la femme, revendiquant le droit de vote pour les femmes, en vertu du fait qu’elles ont le droit à la guillotine, trouvera la mort sur l’échafaud… Toutefois, en 1948, les pendules sont remises à l’heure : il s’agit bien des Droits de l’Homme, cette fois avec un grand H. La Déclaration concerne aussi les femmes. Dans ce cas, on pourrait peut-être la rebaptiser « Déclaration Universelle des Droits Humains », traduction littérale de « Human Rights », « Derechos Humanos », etc. On ne le fait pas en Europe mais bien au Québec ...

Page 29: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Dans les formulations, on aura recours aux termes épicènes ou englobants : « la per-sonne », « l’individu », etc.

La position universaliste se voit reprocher, par les particularistes, le statut-même de laDéclaration des Droits de l’Homme, déclaration d’un idéal commun basé sur des notionsfloues et vers lequel on doit tendre, qui est son principal support et n’est pas appliquéà l’ensemble de l’Humanité. Sans être naïf, il apparaît comme tel dans les débats.

Par ailleurs, dans l’universalisme poussé à l’extrême, on ne tient pas compte des diffé-rences biologiques entre les femmes et les hommes.Dans les faits, il existe une réelle difficulté à gérer les différences.

Beaucoup de féministes rétorquent également aux adeptes de cette position que la société n’est pas prête et qu’il est nécessaire d’avoir recours à des options dures,légiférantes (quotas, actions positives, etc.), qui sont les instruments-mêmes du particularisme.

2. Pour l’adepte de la position PARTICULARISTE, en effet, l’accent est mis surles minorités20 à protéger. On parle d’« essence du féminin ». Chaque communauté a le droit de revendiquer ses spécificités.

L’inversion du stéréotype est un outil : on le reconnaît et on le combat, on le retourne.

Il y a une spécificité du féminin, et c’est au nom de cette spécificité que l’ondoit adapter la vie politique et publique. Les différences entre les hommes etles femmes sont donc jugées importantes et pertinentes pour gagner le com-bat de l’égalité entre les hommes et les femmes dans les différentes politiqueset la sphère publique.

Le droit à la différence est revendiqué (alors que la différence n’est pas un droit, c’estun fait).

On fait état de l’ensemble des représentations du féminin pour en tirer un argumentairepolitique. On met en avant les traits féminins, et on valorise la différence entre lesfemmes et les hommes. À cette fin sont utilisées les représentations et les stéréotypesde la femme plus intuitive, plus douce, plus méticuleuse, plus apte à gérer des conflits,etc.

Genres, Stéréotypes et Communication - 29

20. Le terme « minorité » ne désigne pas un ensemble de personnes inférieures en nombre, mais bien un ensemble de personnes, quelle que soit son impor-tance numérique, victimes d’inégalités et de discriminations.

Ainsi, d’aucuns – et d’aucunes – reprochent à l’universalisme d’avoir conduit, enBelgique, à autoriser les femmes à travailler la nuit, alors que peut-être, dans lesouci du bien-être de tous et de toutes, il aurait fallu l’interdire aux hommes, saufdérogations très spécifiques comme le travail hospitalier. De même, l’universalismea été pointé du doigt lors de l’uniformisation de la législation belge en matière depension, lorsque l’âge de la retraite est passé de 60 à 65 ans pour les femmes.Peut-être aurait-il fallu penser à l’inverse et abaisser l’âge de la retraite à 60 anspour les hommes…

Page 30: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

« Les hommes et les femmes sont complémentaires. » (Notion floue : tout le mondeest plus ou moins OK, sauf quand on la met en pratique…)

Si l’on insiste sur les différences, on insiste sur les stéréotypes… Donc, au départ deprincipes d’égalité, on utilise des qualités féminines stéréotypées comme outils d’égali-té, et on entre dans le paradoxe.

En effet, on recrée par là-même des sources d’inégalité. Dire que les femmes sont plusdouées pour le social, sont plus minutieuses, plus soignées, plus diplômées, etc.(autant de clichés…) sous-entend que les hommes ne le sont pas ou le sont moins…On les écarte de ces qualités et on les exclut !

Revanche normale, diront certaines - voire certains. Danger surtout : s’il y a des diffé-rences entre les sexes, il y en a entre les races, etc. On forge là un outil d’exclusion…Gare au relativisme !

Les vieux stéréotypes machistes sont aujourd’hui relayés par les féministes particula-ristes avec une inversion des valeurs qui glorifie les particularités féminines et lesdonne pour supérieures à celles des hommes.

Le premier danger de cette position particulariste se situe donc dans le relativisme quien découle. Chacun, chacune peut proclamer son droit individuel sans prendre enconsidération le droit de l’autre, ce qui apporte une justification à tous les excès liésaux cultures, religions, etc. Nous prendrons pour seul exemple la « coutume » de l’ex-cision.

Le risque de cette position est que les femmes se confèrent des droits particuliers qui,en même temps, les enferme. Nous assistons à une forme de « ghettoïsation » invo-lontaire et à une perte d’universalité.

Autre danger : celui de la généralisation. Ainsi, dans une argumentation visant ladéségrégation professionnelle, on entend souvent dire que « les femmes sont plusminutieuses ». Cela est vrai pour certaines d’entre elles, mais pas pour toutes. Parailleurs, il y a des hommes qui sont très minutieux. La généralisation, de même que lerelativisme, mène à l’exclusion.

Genres, Stéréotypes et Communication - 30

Ainsi, dans le débat sur le voile, en France, deux lieux communs sacrés s’affrontent :celui de la liberté du culte et celui de la laïcité de la République.

Expression d’un particularisme féministe à l’extrême, il existe un courant, aux États-Unis, qui estime que les femmes sont la race supérieure, car donneuses de vie, etqu’elles doivent, à ce titre, dominer les hommes.

Cette notion de « race supérieure », que l’on retrouve dans le nazisme, illustre ledanger du féminisme particulariste, qui en vient à nier la Déclaration des DroitsHumains, en niant l’intégrité de la personne et sa dignité.

Page 31: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Tout en restant dans une approche féministe, on peut faire vivre les deux strates enmême temps, mais si l’on fait un choix strict pour l’une des deux stratégies, selon quel’on choisisse la position universaliste ou la particulariste, on construira son argumen-tation à partir du droit ou à partir des faits.

La stratégie du gender mainstreaming se rapproche davantage de la position universa-liste, alors que celle des discriminations positives est le reflet clair d’une position par-ticulariste.

Il n’y a pas une bonne et une mauvaise position. Chacune se trouve, à un moment ouà un autre, confrontée à ses paradoxes… Souvent, dans les débats, on fera usage d’unpatchwork d’arguments tantôt universalistes, tantôt particularistes, pas toujours cohé-rent et générateur de nombreuses contradictions internes.

Les supports de communication sont le reflet des choix, des options prises, qui seretrouvent dans les textes et dans les images. Dans la plupart des documents, onconstate un consensus clair sur le « quoi » (égalité hommes/femmes –autochtones/allochtones – etc.), mais le choix du « comment » sera le reflet d’une ten-dance universaliste ou particulariste, et chaque position s’accompagne d’un traitementspécifique des stéréotypes.

Rédiger un document, quel qu’il soit, implique un choix. Il n’y a pas d’option neutre.Il faut savoir ce que l’on fait.

Ces choix se feront sans négliger le fond permanent de stéréotypes de genres et desexes, qui ont la vie dure et ont très peu évolué depuis que la société existe, d’autantqu’ils ont été mis en place ou intégrés aussi bien par les femmes que par les hommes.

Ce fond permanent est constitué de deux images fortement ancrées, valables pour l’en-semble de la société, hommes et femmes :

• femme = mère, sainte, condition de possibilité de vie pour les hommes et pour lesfemmes et

• femme = putain, femme fatale, sorcière, mort, destructrice du lien social.

Nous irons puiser consciemment dans les « vertus féminines » : empathie, douceur, etc.Toutefois, malgré l’intention consciente et affichée de mettre en exergue les imagespositives de la femme, inconsciemment, nous laisserons parler des représentations de lafemme que nous aurions voulu officiellement mettre entre parenthèses.

Genres, Stéréotypes et Communication - 31

Page 32: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Le matériel des stéréotypes est un matériel archaïque, qui se trouve en contradictionavec la position « qu’il faut prendre » (cf. la chanson de Renaud sur Madame Tatcher).

On a tendance à chercher des excuses aux femmes violentes, parce qu’elles sortent denos lieux communs. Si elles se sont rendues coupables de violence, c’est parce qu’ellesont été manipulées – par un homme, qu’elles étaient sous influence – d’un homme,qu’elles ont obéi aux ordres – d’un homme.

Universalisme et neutralisation du stéréotypeDans la position universaliste, on gomme le stéréotype, on le neutralise. On traite lesreprésentations de la manière la plus neutre possible : les différences ne sont pas per-tinentes. On se situe dans un cadre universel qui reconnaît tout le monde et danslequel tout le monde doit pouvoir se reconnaître. L’inégalité n’existe pas, elle n’est pasreprésentée.

Les différences entre hommes et femmes sont d’ordre biologique, psychologique, etc.,mais il n’est pas légitime que ces différences se traduisent au niveau des droits.

Genres, Stéréotypes et Communication - 32

En illustration de ces paradoxes, nous prendrons le cas de Lynndie England, cettejeune femme soldat américaine, photographiée par ses collègues alors qu’elle tienten laisse un prisonnier iraquien (avril-mai 2004) dans la prison d’Abou Ghraïb, en Irak.

En une photo, la société se trouve en porte-à-faux. On ne comprend plus rien : ça part dans tous les sens ! Cette femme appartient à l’armée. Elle est OK sociale-ment, et on ne peut pas la mettre dans la colonne « MORT ». Elle devrait être dansla colonne « VIE ». Or, elle n’y est pas !

On ne s’attend pas, de la part d’une femme, à une telle expression de violence et à un non-respect des droits humains (cf. également, en illustration de ce paradoxe,le problème qu’a posé la condamnation de Michèle MARTIN, épouse de MarcDUTROUX). Si c’est un homme, on est révolté, mais la société n’est pas en danger,car c’est une chose à laquelle on peut s’attendre.

Or, cette photo, qui a suscité un tollé général, a été utilisée par certains magazinesféminins comme argument pour conclure à un progrès – voire une victoire - versl’égalité : les femmes aussi ont – enfin - le droit d’exprimer leur violence !

Nous sommes en plein paradoxe : au nom de l’égalité, il y a revendication du droit,pour les femmes, de violer le premier article de la Déclaration universelle des DroitsHumains.

Page 33: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Ainsi, le rapport d’activités du FOREM 2002 neutralise le stéréotype. La diversité estreprésentée, elle est là, de fait. On évite de choquer. L’intention est de doser afin de donner une image harmonieuse de la diversité, comme un monde idéal auquel onaspire.

Particularisme et inversion du stéréotypeDans la position particulariste, on inverse le stéréotype, on travaille sur les mentalitésen les prenant à rebours. On tire argument des faits pour agir sur le droit.L’essentialisme, qui revendique le déterminisme biologique entre les hommes et lesfemmes, est une forme de particularisme.

En exemple, la campagne d’affichage du FOREM : « Il n’y a pas de métiers de femmes,il y a des femmes de métiers. ». On inverse le stéréotype, on détourne l’idée reçue quidit que, justement, il y a des métiers de femmes et des métiers d’hommes pour direque, tout compte fait, il y a des femmes capables de faire tous les métiers.

On part du principe, sur l’une des 4 affiches, que tout le monde a ancré en soi le sté-réotype conduire un camion = métier d’homme et on joue avec les mots.

Le choix de l’image de la jeune femme avec un casque rose est elle-même une inver-sion de stéréotype. C’est une femme qui exerce un métier d’homme, elle est jeune,jolie, habillée en rose du casque à la pince en passant par la carrosserie de son véhicu-le… Il y a un jeu au niveau du slogan et au niveau de la photo, donc provocation,donc prise de risque…

Il est important, lorsque l’on conçoit un produit de communication, de connaître oud’évaluer, avant sa diffusion, l’effet qu’il va engendrer. Va-t-il choquer, va-t-il déplaire,va-t-il renforcer le stéréotype21 ?

Chaque option comporte ses risques. Les féministes qui prennent l’option universalistecourent le risque de se faire traiter en traîtres ou traîtresses (le plus souvent), ceux etcelles qui prennent l’option particulariste celui de ne pas être entendus de tous et detoutes… Le problème du « comment » n’est pas mince : il y a un côté archaïque, diffi-cile à remettre en cause, et des garanties présentées comme évidentes, sans support.

On se retrouve avec des objets qui viennent des sociétés orales : si tu n’es pas d’accordavec moi, tu es un monstre. Les garanties sont réduites à des slogans, qui finissentpar se comporter comme des proverbes et ne sont que difficilement critiquables, souspeine, en transgressant un stéréotype ou en refusant de s’y conformer, de devenir « a-topos », hors des lieux communs, synonyme, dans la Grèce antique, d’absurde, hors del’humanité22.

Genres, Stéréotypes et Communication - 33

21. cf. l’utilisation de la femme dans la publicité. Dans une publicité pour une entreprise de distribution de chaussures à succursales multiples, la femme estreprésentée dans un rapport dominante/dominé. Dans une publicité pour un téléphone portable, la femme porte une queue de billard. Dans une annoncepour une ONG, la femme est représentée sans tête… De même, l’image de l’homme dans la publicité est le reflet de certains stéréotypes et valeurs. 22. Voir le livre de Nathalie HEINICH, « Les ambivalences de l’émancipation féminine »

Il y a neutralisation du stéréotype : le monde qui est représenté est un monde danslequel le stéréotype n’existe plus.

Page 34: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Ménager la chèvre et le chou ?Il y a, bien entendu, des positions plus nuancées. Il n’y a pas d’obligation de « choisirun camp ». La défense de l’égalité peut se faire à l’appui des deux options idéolo-giques, sachant que faire le choix d’une option par rapport à l’autre implique le rejetde certaines valeurs que l’on ne souhaite pas rejeter… Il faut pouvoir hiérarchiser sesvaleurs en toute connaissance de cause.

Ainsi, prenons l’exemple d’un ancien triptyque du Réseau Égalité des Chances du FOREM (voir annexes).

La phrase « Vous vivez une situation de discrimination dans votre recherche d’emploi. » sous-entend : « ce n’est pas normal », « ce n’est pas légitime ». On est tous égaux(option universaliste). Être victime de discrimination dans la vie politique ou publiquene doit pas exister.

La phrase suivante : « Vous souhaitez pouvoir valoriser votre différence sur le marchéde l’emploi ? » suggère, par contre, que nous sommes tous et toutes différents (option particulariste) = « Je reconnais vos différences et je vous apprends à les valoriser sur le marché de l’emploi, à en tirer argument à l’embauche. »

Il y a donc coexistence de deux « comments » différents, reflétant deux options diffé-rentes, sur le même support, sur la même page, l’un après l’autre. Cela peut être le résultatd’un choix, qui vise à interpeller aussi bien les universalistes (phrase 1), que les parti-cularistes (phrase 2). Il convient d’en être conscient-e.

À la page suivante, on trouvera la phrase « Toutes les formations sont accessibles auxhommes comme aux femmes » plutôt que « aux femmes comme aux hommes ». Noussommes ici en présence d’une inversion flagrante de stéréotype.

Notons que la formule choisie respecte l’ordre de « préséance » fixé par la rhétorique (« Mesdames, Messieurs, ») ...

Genres, Stéréotypes et Communication - 34

Page 35: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Genres, Stéréotypes et Communication - 35

En conclusion

Chaque choix présente des avantages et des inconvénients, il faut faire ces choix de façon consciente, lucide et cohérente, en fonction des priorités à atteindre. Cette recommandation sera particulièrement importante dans le cadre de la rédaction d’une charte de communication.

On constate, par ailleurs, une importante évolution dans les positions et le vécu des femmes, partagées entre deux représentations que nous pourrions schématisercomme suit : 1. femme = aide = accueil des enfants (allaitement, éducation des enfants,

congé de maternité) = soins2. femme = homme comme un autre, qui peut, voire doit faire carrière

Dans le particularisme, on est dans l’image traditionnelle de la femme, dans lareconnaissance de ses différences et des particularismes (femme plus soigneuse,méticuleuse, maternelle, studieuse, etc.).Dans l’universalisme, on s’inscrit dans le renoncement des femmes à leurs diffé-rences par rapport à un modèle masculin.

Chaque option, nous l’avons dit, comporte ses paradoxes et ses difficultés. Ainsi,dans « Fausse route », Elisabeth BADINTER, partisane de l’option universaliste, for-mule des « comments » à la limite de l’admissible et est contestable dans certainspassages de son argumentation. Les « Chiennes de garde », en France, partisanes de l’option particulariste, ont défini un grand principe de non-agression et de non-dévalorisation des femmes publiques. En contradiction totale avec ce principe,autorisation a été donnée, dans le forum de discussion, à un homme « chienne degarde », d’insulter publiquement Elisabeth BADINTER. Paradoxe !?…

Parmi les grands paradoxes :• en demandant l’égalité au nom de la différence, on renforce la différence• si on parle de la différence, c’est qu’elle existe et argumenter la différence, c’estprouver qu’elle existe• le/la féministe ne peut exister que dans un monde machiste…

Les options universaliste et particulariste en matière de féminisme possèdent leurspropres conséquences et effets, qu’accompagnent d’inévitables incompatibilités etparadoxes : le féminisme évolue en parallèle d’une société véhiculant des valeurs parfois paradoxales et incompatibles.

Page 36: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

BILAN DES POLITIQUES EN MATIÈRE DE FÉMINISATION DES NOMS ET DES TITRES EN FRANCOPHONIE

Derrière ces positions politiques, il y a des enjeux, politiques eux aussi, et différentesfaçons d’argumenter la parité.

Politiques de féminisation des noms, des fonctions et des métiersPostulat de départ : globalement, tout le monde est d’accord sur le FAIT qu’il fautféminiser les noms de métiers (= faire en sorte que les femmes et les hommes puissents’y reconnaître), mais il existe un déséquilibre – maintenant connu – entre le QUOI(par rapport auquel on est OK) et le COMMENT (non OK). Les différentes politiquesexistant en Francophonie (Québec, France, Belgique, Suisse Romande) sont le résultatde querelles de spécialistes.

Préambule : le statut du langage

1. Qu’est-ce que le langage ? Que peut-il ? Que ne peut-il pas ?

Il existe une vérité générale par rapport à la linguistique, une réalité scientifique :l’évolution des langues ne se fait pas par des lois.

UNE LANGUE = un organisme qui évolue à son propre rythme, comme toute espèce, enfonction de l’environnement. Cette évolution, ce rythme dépendent de toutes sortes defacteurs dont, principalement, l’USAGE que les locuteurs, hommes et femmes, en font,de manière, la plupart du temps, inconsciente. C’est l’usage qui fait apparaître et dis-paraître les mots et les règles. Cela prend du temps, parfois des générations. Unelangue se construit à partir des habitudes de parole des locuteurs et locutrices, du faitqu’ils adoptent, rejettent ou modifient mots, expressions, règles, etc.

Cette réalité scientifique entre en contradiction avec le fait de LÉGIFÉRER sur unelangue, le fait de légiférer impliquant un EFFET IMMÉDIAT, contrôlable, évaluable.Légiférer sur une langue relève pratiquement de l’absurdité et les lois n’ont qu’uneinfluence, toute proportion gardée, très relative sur l’évolution de la langue. Agir surla langue via des décrets et réglementations est louable, mais pas forcément efficace.

Le langage n’est ni raciste, ni sexiste.

Genres, Stéréotypes et Communication - 36

Page 37: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

L’évolution des mentalités fait en sorte que, de plus en plus, on joue sur les connota-tions. Par souci d’éviter les connotations négatives, on évite les mots car la dénotationest venue à se confondre avec une connotation péjorative.

Par exemple, on utilisera le terme « technicien-ne de sur-face », car on n’ose plus nommer la chose, elle devientquelque chose de sale. On ne sait plus ce que l’on peutdire pour être politiquement correct.

Un autre exemple : comment nommer le produit de lafécondation d’un ovule par un spermatozoïde avant deprendre la décision de le garder ou non ? Fœtus,embryon, enfant, bébé ? Le choix du terme n’est pas neutre, il est le fait du locu-teur, de la locutrice, et sera le reflet de leurs valeurs.

Le langage est un outil puissant qui participe à la structuration de la société et à laprédominance de l’homme sur la femme, et ce malgré son arbitraire apparent.

2. Paradoxe du FRANÇAIS

FRANÇAIS = langue particulière, institutionnalisée depuis la création, au XVIIèmesiècle, de l’Académie Française, qui décide de RÉFORMES, censées exercer un POUVOIRSUR L’USAGE24.

Le français fait, effectivement, politiquement l’objet d’une NORME, de RÈGLES. Il exis-te donc un rapport normatif entre les locuteurs et la langue25.

En Francophonie, il existe, de la part des locuteurs et locutrices, un rapport idéolo-gique, politique et émotionnel à la norme. L’ambition était donc, dès le départ, detrouver une théorie générale sur la féminisation des noms de métiers, mais cette ambi-tion de départ va se heurter aux cadres institutionnels, différents d’un pays à l’autre.

Genres, Stéréotypes et Communication - 37

23. On appelle sens dénoté, ou dénotation, le sens le plus objectif ou neutre d'un mot. On appelle sens connoté, ou connotation, les significations beaucoupplus nombreuses et subjectives qui correspondent plutôt à des aspects affectifs du signifié.24. Le même souci d’unification s’est présenté en Italie (Dante), en Espagne, en Grande-Bretagne, mais pas avec la même fonction de norme, notamment auniveau de l’orthographe et de son évolution.Dans les autres langues, il n’y a pas le même rapport normatif entre la langue et le locuteur. Même si toutes leslangues ont une grammaire – cela fait partie de la définition-même de la langue, dans la plupart d’entre elles, la langue écrite est très proche de la langueparlée. En français, l’orthographe éloigne l’usager de la langue écrite, qui ressemble parfois à une langue morte, figée dans le bon usage.25. Ainsi, il y a quelques années, la loi Toubon décrète l’interdiction de l’utilisation des anglicismes, au mépris du fait que les langues évoluent en fonctiondes apports des autres langues. Cette tentative de légiférer, totalement absurde, ne donnera pas les résultats voulus et sera contredite par l’usage des locu-teurs et locutrices. Cette tendance à légiférer vient de la peur du gouvernement français que la langue leur échappe, qu’elle ne soit plus le reflet des valeurs àtransmettre.

dénotation23

mot choseconnotations

dans les mots eux-mêmesdans le choix des mots

Page 38: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Des obligations institutionnelles vont donc apparaître dans chacun des pays de laFrancophonie en matière de féminisation des noms de métiers et de fonctions. Il y aobligation d’y adhérer dans le cadre institutionnel, mais, dans la rue, on fait ce qu’onveut : c’est le POUVOIR DE L’USAGE !

Si l’on se réfère au français parlé en Belgique, on ne peut s’empêcher de constater uncertain complexe par rapport à la France. Le Belge a le souci d’être le « bon élève ».

C’est l’usage qui préside, mais les francophones ont une idée forte du « bien parler » et du « pas bien parler ». Le rapport n’est pas neutre. Nous vivons, en Francophonie,dans une sphère politique et linguistique où la langue existe POLITIQUEMENT et NORMATIVEMENT.

Dans les autres langues, on simplifie tout naturellement. En français, toute réforme ou modification de l’orthographe, de la grammaire ou de tout autre aspect de lalangue, provoque des levées de boucliers. Il semble que toute réforme porte atteinte à un processus identitaire ou à un sentiment d’appartenance à une élite gagnée dans la souffrance et la douleur.

La féminisation des noms de métiers et de fonctions et des titres en Francophonie

Au Québec

L’influence des USA et plus particulièrement du féminisme qui y est très actif se notedans la féminisation générale des noms de fonctions et de métiers. Cette notion estinstallée, au Québec, depuis environ 30 ans (1976-1977). Tout le monde était d’accordsur le fait qu’il fallait féminiser, que c’était une question d’égalité homme/femme.

Toutefois, la question qui s’est posée aux lin-guistes, à l’époque, était la suivante :

Est-ce qu’il y a lieu de féminiser systématiquementtous les noms de métiers (particularisation) ou biende neutraliser automatiquement (universalisation),comme en anglais, alors que l’on sait que le neutre,en français, n’existe pas.

Comment s’y prendre ? (Nous retrouvons ici lasource des débats sur le COMMENT, alors qu’il y aaccord sur le QUOI.)

Le choix qui est fait, à l’époque, et qui demeure d’application est de TOUT féminiser,même les déterminants, sans se soucier des effets possibles. Au besoin, on invente laforme féminine lorsqu’elle n’existe pas : c’est ce que l’on pourrait appeler l’OPTIONFORTE.

Genres, Stéréotypes et Communication - 38

Page 39: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

L’effet produit, dans le reste de la Francophonie, est un effet d’étrangeté, parfois demalaise : cela fait rire, ou sourire, comme tout régionalisme. Parfois, la féminisationsubit un effet de péjoration : plutôt que « docteure », certains utiliseront « docteuse», pour se moquer26.

En Suisse Romande

L’influence de la langue allemande, dans laquelle il n’existe pas de lien de nature entrele genre grammatical et le sexe, a pour effet que les locuteurs, hommes et femmes, nesont pas attachés à « l’effet de genre » et considèrent la langue comme neutre.

Prenons, pour illustrer ce fait linguistique, l’exemple du mot « das Mädchen », la jeunefille, qui est marqué par le déterminant neutre « das », comme d’ailleurs son équivalentmasculin « das Bübchen » (moins utilisé). En allemand, le soleil est féminin et la lunemasculine.

Toutefois, ces mêmes locuteurs établissent des liens d’eux-mêmes entre le genre gram-matical et le sexe. Ils en reconnaissent les effets, qui sont ressentis comme péjoratifs,mais la langue n’est pas incriminée. Par ailleurs, le féminisme est plus actif dans lapartie germanophone du pays.

La question est donc posée : va-t-on opter pour la neutralisation et l’utilisation dumasculin comme neutre ou pour la féminisation ?

1. L’option choisie est de ne pas légiférer et de laisser la liberté à l’usage, en utilisantune formulation par « doublets », qui fait apparaître, à chaque fois, les deux genres,comme par exemple « il/elle », mais au risque de l’ILLISIBILITÉ du texte, rendulourd et parfois difficile à comprendre. D’où un coût énorme au point de vue lin-guistique. On fait ici le sacrifice de la clarté et de la compréhensibilité du texte, desa lisibilité.

2. Plus tard, une étude et un rapport de psychologues montrent que, effectivement, lemasculin est bien perçu comme neutre « par défaut », englobant les deux genreslorsqu’il est utilisé seul. Dans la réalité, on percevrait le « il » comme neutre danscertains cas et dans d’autres comme masculin.

3. Un problème pratique se pose maintenant, au vu des résultats de cette enquête etde ce rapport : après 10 à 15 ans d’utilisation de la formulation « il/elle », unretour en arrière serait bizarre et risquerait d’œuvrer dans l’autre sens.

Une chose est de légiférer, mais cela n’a pas d’effet véritable et direct sur l’usage auniveau des particuliers.

En France

La particularité politique de la France est d’abriter, dans sa capitale, dans la capitalede l’Ile-de-France, le siège de l’ACADÉMIE FRANÇAISE.

Genres, Stéréotypes et Communication - 39

26. Il existe un vrai débat qui porte sur la féminisation des noms en « eur » et en « teur ». L’option choisie, dans les cas litigieux, pour faire le moins dedégâts possible, est de privilégier la neutralisation de l’effet, en inventant un féminin qui évite la péjoration. Pour « Docteur », on choisira plutôt «Docteure ». Les critères linguistiques et politiques étant fluctuants, l’adaptation s’est faite et se fait au cas par cas.

Page 40: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Les locuteurs français, hommes et femmes, vivent donc avec la double conscience :

1. que le bon usage, c’est eux (tendance élitiste et conservatrice),on ne se remet pas en question

2. qu’ils opèrent dans un rapport normatif et normalisé àl’Académie Française : ils sont donc frileux par rapport au changement

Le point le plus important, c’est que les gens communiquent entreeux, c’est qu’en choisissant entre deux expressions, ils ne se cou-pent pas du reste du monde.

Le français est une langue vivante, qui évolue. • En témoignent les réformes, comme celle de l’orthographe.

Chaque changement, chaque réforme, est la source de débats –toujours chargés d’émotions - sur l’évolution de la langue.Ainsi, la génération qui a peiné sur les bancs d’école pourapprendre l’orthographe française trouve quelque part injusteque d’autres n’en saisissent pas la quintessence et l’intérêt.L’orthographe française est un outil d’excellence et d’intégra-tion.

• En témoignent, également, les niveaux de langue, qui se multiplient et sont la caractéristique d’une langue fluctuante, en perpétuelle évolution.

En 1998, un rapport de commission, au sujet de la féminisation, apporte des conclu-sions mitigées par rapport aux usages des locuteurs, qui utilisent progressivement la féminisation, tout au moins au niveau institutionnel.

Quoi qu’il en soit, la France est « à la traîne » par rapport au phénomène de la fémini-sation et les usagers s’habituent plus facilement à féminiser les noms de métiers queles titres.

Les freins exprimés sont• tantôt psychologiques : féminiser un nom, même auxyeux de certaines femmes, même des féministes, c’estdévaloriser la fonction. Certaines femmes, arguant du fait qu’il ne faut pas confondre sexe et genre gram-matical, préfèrent le terme « Directeur » à celui de « Directrice », parce qu’elles estiment ce dernier connoté. Dans leur fonction, elles s’identifient parfois à des modèles masculins, mais pas toujours. Que cesfemmes aient raison ou tort, on peut le penser, maisc’est leur vécu, leur émotion. Leur option est de laisserfaire l’usage, mais sans contribuer à son évolution.Considérées comme traîtresses par certaines et certains,leur position est vue comme une trahison à la cause :leur point de vue n’est pas reconnu par grand nombre de féministes.

Genres, Stéréotypes et Communication - 40

Page 41: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

• tantôt linguistiques : il existe des homonymies fâcheuses entre les personnes et les machines dans la mise au féminin ou au masculin. Certains hommes utiliserontmême la féminisation pour ridiculiser la femme, la dénigrer dans sa fonction, enchoisissant la forme la plus péjorative, comme par exemple, «Madame la Docteuse».

La conclusion du rapport de commission montre que, si plus d’une personne sur deuxféminise massivement en France, il apparaît que c’est au sein de la couche active desfemmes de 30 à 50 ans que cela se fait le moins. La position de ces femmes, quievendiquent le droit d’être « un homme comme un autre » n’est ni bonne ni mauvaise,ni louable ni condamnable. C’est leur ressenti.

En Belgique

La Belgique pratique, de longue date, le souci d’être le «bon élève de la francophonie».Les arguments avancés contre la féminisation sont les mêmes qu’en France : la fémini-sation engendrerait une dévalorisation de la fonction27. Certaines féministes refusentla féminisation de leur fonction, arguant des effets psychologiques qu’elle entraînerait(dévalorisation, manque de sérieux, confusions, etc.)

En 1993 est publié un décret de la Communauté Française, dans lequel il est fait obli-gation aux administrations et aux institutions d’utiliser la féminisation des noms. Cedécret fait SCANDALE et recueille l’opposition des linguistes : les intellectuels et intel-lectuelles du langage partent en croisade contre le décret sur la féminisation.

L’usage n’a suivi que très timidement le décret. N’oublions pas que l’obligation ne viseque les administrations, pas les individus… La féminisation fait donc lentement sonchemin et a tendance, aujourd’hui, à se généraliser.

Conclusion

Quel que soit l’argument politique, quelle que soit l’option choisie, la féminisation desnoms de métiers, de titres et de fonctions fait son chemin, même si la « Maison-Mère »freine des quatre fers… Le pouvoir reste à l’usage, donc à nous, locuteurs et locu-trices, de faire évoluer la langue dans ce sens.

La métaphore « Ce qui n’est pas nommé n’existe pas. » est souvent avancée commeargument par les adeptes de la féminisation. Il s’agit bien là d’une métaphore qu’il y alieu de nuancer : le langage ne possède pas de vertu particulière qui lui permette de faire exister ce quin’existe pas, il n’a pas de « pouvoir magique ». Il peut créer des faits sociaux28, maispas des faits bruts29.

LE LANGAGE NE PEUT PAS CRÉER LE RÉEL. Il est une représentation de la société, de cequi existe. Féminiser un nom de métier peut juste collaborer à ouvrir la féminisationde ce métier.

Genres, Stéréotypes et Communication - 41

27. exemples : Docteur/Docteure – Échevin/Échevine28. exemple : la séance est ouverte29. exemple : le soleil est vert

Page 42: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Nous sommes constamment en train de passer du niveau du monde au niveau du langa-ge, avec une double influence. Le langage n’est qu’un outil qui nous permet de nom-mer ce qui existe et non de faire exister ce qui n’existe pas… Il faut savoir ce quel’on fait, ce que le langage peut et ce qu’il ne peut pas.

Lorsque l’on considère l’objectif poursuivi, qui est l’égalité entre hommes et femmes, on ne peuts’empêcher, par ailleurs; de constater que, dans les pays de langues romanes autres que le fran-çais, dans lesquelles le féminin existe depuislongtemps pour toutes les professions, ce fait lin-guistique n’a pas d’incidence sur la déségrégationprofessionnelle pas plus qu’il n’en a sur la percep-tion ou sur la position sociale de la femme.

Comment faire pour agir de manière optimale ?Unifier au maximum, quitte à choquer, ou, au vu de ce que la langue est ou fait d’habitude,attendre de voir ce que fera l’usage – sachant quel’usage, en partie, c’est nous…

Dans certains cas, on attend que la règle entérine la réalité, dans un autre, on espèrequ’elle va la créer. Les choses se font, doucement, non sans mal, de façon tout à faitdésordonnée, sans règle fixe. Retenons, en tant que moteurs de l’usage, que chaquechoix que nous portons selon notre propre échelle de valeurs va engendrer des effetssur nos interlocuteurs et interlocutrices et que, par là, nous interpellons leur propresystème de valeurs. C’est à ces éléments que nous devons penser lorsque nous rédi-geons un document, que nous réalisons une affiche, un folder, un site Web, etc.

Nos productions sont le reflet de nos valeurs et interpellent celles de nospublics.

Derrière toute option de féminisation, il y a DES CONFLITS DE VALEURS. Ces valeurs qui nous sont propres ne sont pas isolées, elles sont fortementhiérarchisées. Privilégier une valeur se fera souvent aux dépens d’une oude plusieurs autres valeurs, parmi lesquelles l’esthétique de la langue et la lisibilité.

Genres, Stéréotypes et Communication - 42

Langage

Monde

Page 43: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

SOLUTION DES EXERCICES

Toulmin - Exercice 1Résultats des travaux des différents groupes et réflexions autour de l’exercice.

Donnée générale : le support S. Comme pour tous les proverbes, le support est lasagesse populaire, la sagesse des nations, la tradition.

Plusieurs garanties ont été formulées, avec, pour chaque garantie, quelques restrictions :

« Qui va à la chasse perd sa place. »A MOINS QUE« Marie ne l’accompagne » ou « qu’ils ne partent ensemble »« Marie ne soit pas sa femme » ou « qu’il n’y ait pas de lien affectif entre eux » (Le lien logique, la cohérence, la pertinence du lien est remise en question, mais ne peut-on pas TOUT remettre en question ?)« cela ne convienne à Marie, qui a besoin d’être un peu seule »« Marie soit très amoureuse de Pierre »« Marie ait le nom de Pierre tatoué sur le bras » !

« Loin des yeux, loin du cœur. »A MOINS QUE« le sentiment de Marie soit tellement fort qu’il résiste à la distance »« Pierre ne soit parti dans le cadre de son travail »« Pierre ne veuille prendre du recul »« Pierre n’ait emmené Marie avec lui » ou « qu’ils ne partent ensemble »« Marie ne soit trop moche »

Genres, Stéréotypes et Communication - 43

Page 44: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

« Quand le chat est parti (ou n’est pas là), les souris dansent. »30

A MOINS QUE« Marie n’ait pas de besoins sexuels »« Marie n’aime pas faire l’amour »« Marie ne soit fidèle » (En effet : « Pourquoi aller chercher ailleurs ce que l’on achez soi ? » et, comme dit le proverbe chinois : « Les cœurs les plus proches nesont pas ceux qui se touchent. »)« Marie soit amoureuse de Pierre » (Garantie 2 : « L’amour est plus fort que l’ab-sence » - à moins que : « Pierre et Marie aient établi une règle de non-exclusivi-té sexuelle » … et Jules est bien sympathique !)« Pierre n’ait mis à Marie une ceinture de chasteté » (La restriction est typique-ment le reflet de notre vision du monde…)« Marie ne soit papiste »« Marie n’ait peur de Pierre »« Marie n’ait pas le temps » !« Marie ait déjà un amant » (parce que garantie 2 : « Un amant ça suffit » à moins que restriction 2 : « Elle ne soit nymphomane », d’où la question : « Deux amants, c’est déjà nymphomane ? » et sa réponse sous forme de proverbe : « L’ennui a le visage de l’uniformité », etc. La restriction a quelque chose de critique, de revendication de la liberté sexuelle de la femme et se réfère ici auchoix de Marie.)

« Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse. » (On exprime ici une idée derépétition : « Il ne faut pas trop tirer sur la ficelle » !!! – On peut supporter beaucoup, maispas au-delà d’une certaine limite !)

A MOINS QUE« Marie ne soit patiente, résistante »« Marie ait déjà un amant »…

« Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras. »A MOINS QUE« Marie n’ait d’autres choses à faire »« Marie ne soit très patiente, sache attendre »

« Qui sème le vent récolte la tempête. » (Il a ce qu’il mérite : on change deregistre. Pierre devient acteur de ce qui lui arrive !)

A MOINS QUE« Marie n’ait d’autres choses à faire »« Marie n’ait pas l’esprit de vengeance »

« Les voyages forment la jeunesse » (Par ce proverbe, on prend une autre distancepar rapport à la situation, c’est la distance de l’IRONIE.)

A MOINS QUE« Marie n’adhère pas à ces pratiques »

« Pierre qui roule n’amasse pas mousse. »A MOINS QUE« Marie ne soit fidèle », etc.

Genres, Stéréotypes et Communication - 44

30. La formulation-même de la donnée peut induire la formulation de la garantie. « Pierre est parti » fait penser au proverbe « Le chat est parti ». Une «souris » est un terme d’argot qui désigne la femme.

Page 45: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

« Les absents ont toujours tort. »A MOINS QUE« Pierre ne revienne par surprise »« Pierre ne lui explique les raisons de son voyage »

« C’est l’occasion qui fait le larron. » (Le proverbe se présente ici comme un juge-ment moral)

A MOINS QUE« Pierre et Marie ne s’entendent très bien » (Jeu de mots : ils s’entendent « comme larrons en foire ». Ils sont tous les deux des larrons : Pierre a une maîtresse et Marie prend un amant. Ils sont pareils : pas de coupable !)

« C’est en forgeant qu’on devient forgeron. »ou « C’est au pied du mur qu’on reconnaît le maçon.Le choix des garanties implique icil’idée d’un mariage libre, où l’infidélité est une habitude, presque un devoir… Le locu-teur, ou la locutrice, a l’habitude de la situation. Le monde est inversé et nous entronsdans la subversion totale… Dans ce contexte, Marie s’exerce, se professionnalise…

A MOINS QUE« Marie ne soit malade »

« Un de perdu, dix de retrouvés ! » (A noter ici que le fait que Pierre soit parti envoyage fait déjà de lui une histoire ancienne !)

A MOINS QUE« Pierre reste le numéro 1 de Marie » (d’où, conclusion 2 : « Même séparés, ils ne forment qu’un, et Marie ne prend pas d’amant »

D’autres proverbes ont été cités, et les restrictions déjà citées peuvent y être appli-quées :

« Il n’y a pas de mal à se faire du bien »« Œil pour œil, dent pour dent »« Qui trop embrasse, mal étreint »

Ce qui est amusant, c’est que l’on peut critiquer à l’infini. Nous ne rencontrons aucunproblème pour trouver des proverbes, ils sortent de partout, pendant et bien aprèsl’exercice : « La vengeance est un plat qui se mange froid », « Tel est pris qui croyaitprendre », « Bien mal acquis ne profite jamais », etc.

Nous constatons aussi que, dans le choix des garanties, le jugement se porte tantôt surMarie, tantôt sur Pierre, tantôt sur la fatalité31. Le choix de la garantie est donc bienle reflet de nos stéréotypes, de nos positions personnelles (ici, sur les femmes et leshommes, sur leur esprit volage, sur leurs attitudes revanchardes, etc.).

Parfois, on présuppose que Pierre est parti en voyage avec une autre, parfois qu’il estparti seul dans le cadre de son travail. Les suppositions que l’on fait sont le fruit denotre vision du monde, des hommes et des femmes.

Nous pouvons aussi supposer que Pierre et Marie ne se connaissent pas, que Marie estseule et que Pierre part en voyage vers le pays de Marie. Marie va prendre un amantpuisqu’elle va rencontrer Pierre.

Genres, Stéréotypes et Communication - 45

31. Avec « Loin des yeux, loin du cœur », on reste avec une impression de fatalité, de quelque chose d’inévitable, de l’ordre du fait, de l’excuse, avec unenote de compassion : « Que voulez-vous, ma bonne dame, c’est ainsi ! » Avec « Quand le chat est parti, les souris dansent », Marie devient faible, infantile,femme enfant, qui doit être « tenue », dressée par son mari. On est dans le jugement, Marie est une « Marie couche-toi là ». D’autres proverbes mettrontPierre en cause : « Qui va à la chasse perd sa place. », etc.

Page 46: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

On peut aussi supposer que Pierre est le frère de Marie et qu’il la surprotège. Dès qu’ilpart, Marie en profite…

Selon nos représentations, nous serons d’accord ou pas avec l’équation « amant = adul-tère ».

Si l’on remet en question le fait que Marie et Pierre forment un couple, on remet enquestion le rapport de confiance au locuteur ou on présuppose que Pierre est un obs-tacle à l’épanouissement sexuel de Marie… Le monde est ouvert…

Les restrictions portent sur la garantie, elle sont donc différentes d’une garantie àl’autre, avec néanmoins certaines constantes. Tantôt elles condamnent le comporte-ment répréhensible de Marie (femme fatale, trompeuse, etc.), tantôt celui de Pierre.

Le qualificateur modal Q exprime le degré de probabilité que la conclusion C se pro-duise sur base de la donnée D. Dans cet exercice, plusieurs qualificateurs modaux ontété cités :

« peut-être »« probablement »« certainement »

On remarquera le confort de l’argumentation : on peut argumenter sur tout, y comprissur le langage lui-même.

Certains modèles ont été développés au-delà de la première argumentation. Ainsi, la restriction « à moins que Marie ne soit trop moche » est devenue une donnée2 (conclusion 2 : donc, Marie ne va pas prendre un amant) avec, comme restrictions «à moins qu’elle n’ait d’autres qualités » ou « à moins que son amant soit mal voyant»,la garantie étant que les femmes moches ne trouvent pas facilement un amant ou queles hommes préfèrent les belles femmes.

De même, la restriction « à moins que Marie ne soit papiste » est devenue une donnée2 (conclusion 2 – toujours la même, puisqu’elle est non-C) : donc, Marie ne va pasprendre un amant), la garantie étant que les catholiques papistes sont fidèles enmariage (dogme), à moins qu’elle ait subi de mauvaises influences (garantie 3 = « La chair est faible »).

Genres, Stéréotypes et Communication - 46

Page 47: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Toulmin – Exercice 2Résultats des travaux des différents groupes etréflexions autour de l’exercice.

Plusieurs garanties ont été formulées, avec,pour chaque garantie, quelques restrictions.Les garanties ont été réunies par grandes caté-gories.

« Les femmes vont plus vite à l’essentiel. »ou« Les femmes vont droit à l’essentiel. Les points à l’ordre du jour seront abordés l’unaprès l’autre. »ou« Les femmes ont, plus que les hommes, l’esprit pratique et elles s’organisent plus etmieux. »ou« Les femmes sont plus concises et synthétiques. »Support = notre expérience de travail - études – vérité scientifique !!! (Attention à cegenre d’assertion ! Elle nous expose à certains risques…)

« Les femmes respectent le timing et les horaires. »ou« Les femmes gèrent, organisent mieux le temps, ont une meilleure gestion du temps,sont plus structurées. »ou« Les femmes sont beaucoup mieux organisées que les hommes. » (Cette dernière for-mulation, plus encore que la précédente, insiste sur la supériorité des femmes sur leshommes sur le terrain de l’organisation et de la gestion du temps.) Support = observation – études statistiques – étude de la KUL – vérité admise - véritéscientifique !!!

« Les femmes tiennent compte de la conciliation vie familiale/vie professionnellede leurs collaborateurs et collaboratrices. »ou« Les femmes sont gentilles et elles pensent à leurs collaborateurs masculins qui vontchercher les enfants. »Support = observation – études – provocation – monde à l’envers (à moins que : ce ne soit contredit par la réalité)

« Les femmes n’apprécient pas les réunions stériles qui durent pour durer et pré-fèrent respecter le timing des réunions. »Support = observation – études

Genres, Stéréotypes et Communication - 47

Page 48: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

« Les femmes sont respectueuses des réglementations et il existe une réglemen-tation qui impose le respect strict des horaires dans les timings de réunions. »Support = idée reçue : les femmes sont plus respectueuses des autres et sont plus sou-mises aux règlements (façon des femmes d’être « morales » = sollicitude)(à moins qu’il n’y ait une dérogation cette fois-ci)

Les restrictions, pour cette première volée de garanties, pourraient être :« à moins qu’elle soit incompétente »ou « à moins qu’il ne s’agisse de Madame X, qui ne sait pas gérer son temps » (juge-ment sur la personne)ou « à moins qu’elle se laisse embobiner »ou « à moins que le fait de présider n’implique pas la maîtrise du temps »ou « à moins que l’ordre du jour ait changé, qu’il soit plus chargé que prévu, qu’il y aitun imprévu à traiter, que les divers soient trop nombreux, qu’il y ait beaucoup de ques-tions, de débat(s) »ou « à moins que le débat tourne autour de l’égalité femmes-hommes et que leshommes fassent en sorte que le débat s’éternise » (car les femmes et les hommes ontdes difficultés à s’entendre sur le sujet de l’égalité – Support = article d’EmmanuelleDANBLON)ou « à moins que quelqu’un ne monopolise la parole juste avant 16 heures »ou mieux : « à moins qu’un homme monopolise la parole juste avant 16 heures » (Noussommes ici en présence d’un cas typique d’inversion de stéréotype : Les hommes sontbavards.) La garantie que l’on pourrait apporter à cette restriction 4 est que les hommes se pré-occupent moins - ou ne se préoccupent pas du tout – des horaires d’ouverture desécoles et garderies. A moins que…ou encore : « à moins qu’elle n’ait oublié d’envoyer les invitations » (auquel cas laréunion n’aura pas lieu – à moins que son ou sa secrétaire soit particulièrement effica-ce)

En fonction du type de restriction, on va avoir, ou non, une inversion de stéréotype,un jeu de miroir hommes/femmes.

« Les femmes vont plus souvent chercher leurs enfants à l’école. »ou« Dans 90% (75%, 85%, …) des cas, ce sont les femmes qui vont chercher les enfantsà l’école. »ou« En général, ce sont les femmes qui se préoccupent d’aller chercher les enfants. »ou« Ce sont les femmes qui vont chercher les enfants à l’école. »ou« Les femmes aiment être à la maison peu après 16 heures pour accueillir leursenfants. »ou« Toutes les femmes vont chercher leur mioches à l’école. » (le qualificateur modalserait ici : « certainement »)

Genres, Stéréotypes et Communication - 48

Page 49: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Support = statistiques, études ou ouï-dire, expérience personnelle, observation, obser-vations collectivesDans la seconde formulation, le support appartient à un champ qui fait autorité,presque incontestable, dans lequel on est allé rechercher le lieu commun, par opposi-tion à la première formulation, qui ouvre à l’argumentation.

« Les femmes partent toujours plus tôt. »Support = observation – statistiques RH

« Les femmes mettent en exergue les valeurs liées à la famille. »Support = études, statistiques

« Les femmes concilient mieux vie personnelle et vie professionnelle. » (On ne parle pas ici d’enfants : il peut s’agir de temps consacré aux loisirs ou à desrôles sociaux…)Support = études, statistiques

« Les femmes savent doser travail et « temps pour soi » : après le travail, le plai-sir ! » (même idée)Support = études, observations, statistique

« Les femmes ont une deuxième vie après le travail. »Support = le 5 à 7

Les restrictions, pour cette deuxième volée de garanties, pourraient être :« à moins qu’elle n’ait pas d’enfant » (et chacun-e sait – autre garantie, autre stéréoty-pe - que : « Les femmes qui n’ont pas d’enfant restent plus tard, car elles sont carrié-ristes »)ou « à moins qu’elle ait convenu avec son mari ou conjoint – ou avec quelqu’un d’autre(belle-mère, voisine, grands-parents, etc.) - que c’était lui qui allait rechercher lesenfants (elle l’a « bien dressé ») »ou « à moins que ce soit la semaine de son mari » (garde alternée)ou « à moins que son mari aille chercher les enfants » (Il n’y a pas, ici, de notion deconvention ou de dialogue : c’est ainsi, il y va, car garantie 2 : « De plus en plus d’hommes vont chercher les enfants à l’école » – àmoins que « il ne soit coincé dans les embouteillages », car, garantie 3 « Il y a beaucoup d’embouteillages dans les grandes villes » (lieu com-mun) à moins que « Il ne travaille pas en ville », etc. – Nous pourrions égalementremettre en question l’accord de son mari en argumentant : « à moins qu’il ne refused’y aller », car garantie 2 : « La majorité des hommes refusent de s’occuper des enfants. », etc.ou « à moins que les tâches soient réparties différemment dans son couple ou sa famil-le » (le même développement que le précédent est applicable à cette restriction)ou « à moins que ses enfants aient 24 et 28 ans »ou « à moins que ses enfants soient autonomes ou en pension »ou « à moins que l’école ou la garderie ait un horaire élargi »ou « à moins que ce soit les vacances » (logique !)ou « à moins que ses enfants soient en voyage scolaire »ou « à moins qu’elle ait prévu de prendre le train de 17 heures »ou « à moins qu’elle ait envie de faire des heures supplémentaires (à récupérer !) »ou « à moins qu’elle n’ait rien d’autre à faire après 16 heures ce jour-là »

Genres, Stéréotypes et Communication - 49

Page 50: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

ou « à moins qu’elle ait prévu de travailler plus tard »ou pire « à moins qu’elle ait de la conscience professionnelle » (sous-entendu : seulesles personnes qui travaillent après 16 heures ont de la conscience professionnelle…autre cliché… Argument « d’homme », culture d’entreprise ? Cliché et stéréotype, cer-tainement : « Plus on est consciencieux, plus on reste tard, plus on accepte de dépas-ser l’horaire normal ou prévu. »)

« Les femmes ont, plus que les hommes, leurs preuves à faire. »(Donc, elles se feront un point d’honneur à respecter un timing, un emploi du temps, un ordre du jour.)Support = études, statistiques, observationRestrictions« à moins que des sujets supplémentaires aient été ajoutés à l’ordre du jour – dans lesdivers, par exemple »Deuxième niveau de restriction : « à moins qu’elle organise une seconde réunion pourtraiter ces sujets » (sur base de la même garantie, que les femmes doivent prouverleurs compétences)

« Les femmes n’aiment pas être dehors quand il fait noir. »Support = observation, expérience personnelleRestrictions« à moins que ce soit l’été »« à moins qu’elle soit karateka »Nous entrons ici dans un autre champ, celui de la femme fragile et ses peurs « irrai-sonnées », celle qu’il faut protéger ?

« Les femmes n’aiment pas, ne supportent pas, n’ont pas la patience de supporterd’être coincées dans les embouteillages. »Support = observation, statistiques, vérité scientifiqueRestrictions« à moins qu’elle prenne le train » (deuxième niveau d’argumentation : « à moins qu’il y ait une grève de train, auquel cas elle est en voiture et la réunion se poursuivraau-delà de 16 heures » - conclusion inverse !)

En résumé, il existe deux façons de donner du sens à la situation, chacune d’entre ellesétant l’expression d’un stéréotype. Soit la femme est présentée dans son rôle de mère,qui s’occupe (bien) de ses enfants, soit elle est présentée comme organisée, ce quinous ramène, sans le vouloir, à ses qualités de « ménagère »32.

On constate comment le lien de pertinence peut s’exprimer par des choses ressentiescomme positives ou négatives, suivant que l’on adopte une position machiste ou égali-taire. Dans ce dernier cas, on ressent très fortement l’aspect « militant pour laconstruction d’une représentation positive de la femme au travail». Cela renforce notreconviction qu’il faut bien connaître les arguments de la partie adverse pour ne pas larenforcer.

Dans les garanties que l’on produit et dans les supports, on ne retrouve pas toujours lamême valeur scientifique. Les choix des supports et des garanties va varier selon lecontexte et l’auditoire ou le public. Comment présenter les choses ? Certaines per-

Genres, Stéréotypes et Communication - 50

32. Le verbe « manage » vient du français « ménage ».

Page 51: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

sonnes seront plus sensibles à une argumentation basée sur l’expérience personnelle,parce qu’elles vivent la même et sont rassurées de ne pas être des cas isolés, d’autresexigeront des supports et garanties plus scientifiques, estimant que les statistiqueselles-mêmes n’en sont pas et qu’elles donnent trop de place aux interprétations.

On constate également, à la lumière de cet exercice, que l’explicitation des garanties et des supports trouve parfois sa source dans d’autres stéréotypes, parfois paradoxaux.Cette explicitation donne une indication sur les contextes discursifs de l’argumenta-tion.

Nous avons l’argumentation, la critique, et la conscience que nous pouvons, que nousdevons critiquer. Cependant, que ce soit en dehors ou à l’intérieur de l’argumentation,nous continuons à fonctionner avec les stéréotypes.

On n’arrive jamais au bout de l’implicite, du non-dit. On part d’une réalité commune etconnue, mais non dite. Dans chaque support de communication que nous construisons,nous nous devons de porter attention au message que nous faisons passer, aux choix etoptions qu’il reflète.

Un autre document, repris en annexe, pratique largement l’inversion de stéréotype. Ils’agit d’une affiche conçue dans le cadre d’un projet ADA visant l’intégration d’un plusgrand nombre de femmes dans les métiers de l’informatique (page 77).

L’accroche - « Où sont les femmes ? » - est extraite d’une chanson de Patrick JUVET.On peut considérer que les chansons actuelles font partie de la mémoire communeorale et ont statut, pour ainsi dire, de « proverbes modernes ». Elles véhiculent, parailleurs, de nombreux lieux communs, des idées reçues.

La chanson en question, qui plus est, par son contenu, transmet et participe à unereprésentation de la femme particulièrement stéréotypée. Le chanteur, quant à lui, aété l’objet de nombreuses controverses… On peut, à juste titre, se demander queleffet aura une telle accroche sur les femmes en recherche de projet professionnel.

Dans les lignes suivantes, on décèle une puissante inversion de stéréotype : « Aujourd’hui, 80% des femmes brillent dans le secteur de l’informatique… », immédiatement suivie d’une nouvelle inversion, cette fois d’une attente : « … surtoutpar leur absence. » La formule est de l’ordre de la provocation. Reste à voir si l’objectif poursuivi sera atteint par ce support de communication.

Suivent des formules jouant sur les mots, les sons et les rimes :« Osez les TIC » jeu de mot avec « l’éthique »« Changez les statistiques » rime et sons« et soutenez notre action »…« Ada Femmes & Nouvelles Technologies ».

Genres, Stéréotypes et Communication - 51

Page 52: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

ANNEXES ET COMMENTAIRES

Extrait du forum des « Chiennes de garde » *

Dans le forum ci-dessous, repérer les arguments particularistes et universalistes, enappliquant le schéma de Toulmin à quelques extraits choisis. Il s’agit d’un débat surun Forum Internet. Il convient donc de le lire à l’envers.

Souvent, dans ce genre de débat, les personnes parlent au nom d’un groupe, d’uneposition, d’une vision du monde. Elles parlent donc en stéréotypes, en lieux communs,en vérités reconnues et admises par le groupe auquel elles appartiennent ou souhaitentappartenir ou être identifiées…

Au niveau de l’argumentaire, c’est l’émotion qui prend le pas, et l’argumentationdevient difficile. Le non ou l’expression du contraire choque quelquefois trop pour allerde l’avant dans l’argumentation. Dans les garanties, on retrouve des notions-clés trèschargées en émotions, qui se réfèrent à des idéaux.

FORUM

- Non, vous ne me suivez pas. Ce que je tente d'exprimer - et plutôt que de citer Iacubqui n'a d'importance que dans un système franco-français, vous feriez mieux de citerButler ou Bourcier - c'est qu'a force d'opposer les hommes et les femmes, comme le fontles machistes, nous faisons perdurer cette inégalité. Je suis bien consciente que la parité,par exemple, est nécessaire, mais elle ne doit pas être envisagée comme une finalité carcela n'en est pas une.

- Je me calme :). Nous subissons en effet un traitement différentialiste ; mais n'oubliezpas qu'en demandant, au nom de notre sexe biologique, un parité, nous le faisons per-durer. Je ne dis pas que c'est mal, je constate.Le problème principal est celui ci selon moi ; vous dites que nous sommes discriminéesselon notre sexe. Et je m'inscris en faux total contre cela.Nous sommes discriminées pour notre genre, c'est à dire pour ce que nous représentonsculturellement. Cela n'est pas un clitoris ou un vagin qui sont génants ; ce sont ce qu'ilsreprésentent. Rappelons nous les romans naturalistes du 19eme ; si les paysans étaient sidéçus d'avoir des filles c'était car leur genre symbolisait la paresse, la lascivité, les terresà partager. En Inde, si on tue les bébés filles c'est parce que la dot sera énorme a verser; pas parce qu'on a vu un clitoris. La nuance est mince, mais importante je le crois. C’estpourquoi les transgenres sont aussi discriminées car on les associe a ce genre féminin (sic'était le sexe, comme beaucoup conservent un pénis, on ne leur dirait rien).

- Autre nuance. Vous dites que les hommes n'en souffrent pas. Oui s'ils sont riches,blancs et hétérosexuels : sinon ils en souffrent. Prenons la quintessence du machisme quiest l'islamisme ; les hommes ne s'en sont pas sortis indemnes non plus. Les femmes ontplus souffert, évidemment, mais nombreux ont été les hommes tués en Afghanistan. deplus il y a des hommes qu en souffrent sinon il n'y aurait aucun pro féministe. On pour-rait inverser ce que vous dites ; la majorité des femmes n'est pas féministe preuve quenous n'en souffrons pas....

* texte intégral du Forum

Genres, Stéréotypes et Communication - 52

Page 53: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

- Disons que je me pose la question suivante. Le patriarcat blanc a imposé le libéralisme.Pour avoir de l'importance, il faut donc être à un poste à responsabilité et bien payé. demanière anecdotique, cela transparaît dans votre post puisque vous citez en premier lieule fait que les femmes ne sont pas patronnes ou cadres. J'aurais cité en premier la pau-vreté, les femmes déplacées, touchées par le sida (on peut même dire que le sida est lepremier problème des femmes dans le monde). La question est : veut on être patronneparce que cela nous plait ou parce qu'on pense que les valeurs dispensées par leshommes sont les meilleures ? Je suis bien consciente que la seule façon de faire changerles choses est d'accéder à un haut poste. Mais n'est ce pas succomber aux valeurs patriar-cales ? Qui a dit qu'être patron est ce qu'il y a de mieux ? Le pouvoir blanc hétérosexuel.Ma conclusion est donc que nous voulons l'égalité certes, mais en fonction de ce qu'ontles hommes et que nous estimons si génial. Et la cela pose le problème suivant ; cela estdire que ce que nous avons encore - éducation des enfants entre autres - ne nous plaitpas ; dites moi alors pour quelles raisons un homme blanc qui a le choix, déserterait lemilieu professionnel pour partager des choses, que nous clamons détestables ? Il n'estpas maso non plus !

- Pour l'athéisme. Oui le pouvoir patriarcal blanc existe. Mais n'est ce pas lui redonner del'importance que de se référer à lui tout le temps ? N'est ce pas le faire perdurer ? Je diset j'affirme que les femmes sont amoureuses de l'heterocentrisme et veulent y accédersans se rendre compte que cela représente absolument tout ce qui nous a opprimé.

- Je reprendrais Wittig en modifiant sa phrase : "les féministes ne devraient pas être desfemmes" (elle a dit "les lesbiennes ne sont pas des femmes").

- Donc si on te suit bien, il vaut mieux baisser les bras parce qu'à trop pointer les discri-minations que nous subissons, nous ne faisons que renforcer le système patriarcal. Mieux:c'est de ce système que les féministes tirent leur existence et leur raison d'être. De là àdire qu'elles soutiennent ce système, il n'y a qu'un pas..?On comprend mal où tout cela veut en venir. Si nos grandes soeurs, à la fin du 19°siècle avaient raisonné comme ça, nous ne voterions toujours pas.

- Quant au parallèle avec l'athéisme, il laisse sceptique. Il faudrait donc poser que lepatriarcat et l'oppression n'existent pas pour, comme d'un coup de baguette magique, enfaire disparaître tous les effets? Dieu n'existe pas. le patriarcat, lui, existe bel et bien:nous le rencontrons tous les jours. Y compris à l'intérieur de nous.

- Enfin, quand tu écris que nous demandons un droit en fonction de notre sexe biolo-gique, je pense que tu inverses un peu le processus. Nous sommes discriminées en fonc-tion de notre sexe biologique par la société que les hommes ont organisée pour leurconfort (et là, je voudrais dire à Louise Anne que les hommes n'en souffrent pas de cesystème, c'est d'ailleurs pour ça qu'ils y tiennent autant et qu'ils ne le feront pas dispa-raître.). Donc, dire (là encore comme Elisabeth Badinter, Marcela Iacub ou quelquesautres "universalistes" qui sont tout simplement anti-féministes) que la démarche fémi-niste est "différentialiste", c'est faire une erreur d'analyse. Nous SUBISSONS un traite-ment différentialiste. Et ce n'est pas de le nier qui fera avancer les choses. Il faut lereconnaître et y remédier. Sans oublier qu'en tant que catégorie discriminée, la classe desfemmes est beaucoup plus vulnérable à divers égards (éducation, emploi, argent, loge-ment, propriété, représentation politique) que celle des hommes; ce qui signifie que des

Genres, Stéréotypes et Communication - 53

Page 54: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

lois bêtement égalitaires et qui oublient de tenir compte des inégalités concrètes dont lesfemmes sont toujours victimes, c'est voter des lois qui les enfonceront un peu plus dansleur misère.

- Petit rappel (pour celles qui croient que l'égalité, "c'est dans la poche"):Combien de femmes patronnes dans les 100 entreprises françaises les plus importantes? 0%

Combien de femmes aux postes de direction dans les 200 entreprises françaises les plus importantes? 4%

Combien de femmes parmi les RMIstes? 50%

Combien de femmes parmi les smicards? 66%

Combien de femmes à la tête des familles monoparentales (dont une sur trois vit au-dessous du seuil de pauvreté)? 90%

(..)

Sur les 15 millions de réfugiés qui se baladent sur la terre, 75 % sont des femmes et desenfants. (..) Sur le milliards d'illettrés que compte la planète, il y a deux fois plus defemmes que d'hommes. Sur les 130 millions d'enfants qui par le monde ne fréquententpas du tout l'école, les 2/3 sont des files. En Chine et en Inde, les progrès de l'amniocen-tèse permettent de ne pas mener à terme une grossesse si le foetus est féminin. Ou bienon tue le bébé à la naissance quand c'est une fille. Résultat de ces pratiques sur la com-position de la population mondiale: un déficit de femmes estimé à100 millions".Isabelle Alonso, "Tous les hommes sont égaux...même les femmes" 1999.

Mais à part ça, nous sommes d'horribles misandres et les hommes sont de pauvres vic-times des féministes .... et du patriarcat..tout à la fois (tant qu'à faire).

Il est long, le chemin, il est long....Hélène.

- At 4:04 +0200 14/08/03, mathilde wrote:On pourrait traduire cela ainsi ; la féministe vit dans le monde machiste; elle utilise doncce monde pour se construire et s'affirmer. Il y a les femmes qui s'opposent aux hommes ;elles mettent en avant, pour la critiquer, la société mais au fond elle ne font que renfor-cer cette société en la pensant telle que les hommes l'ont pensé. S'affirmer contrequelque chose ca n'est pas s'affirmer ! Je reprendrais mon exemple déjà cité. Un athée nerejette pas Dieu, il sait qu'il n'existe pas. Nous sommes comme des athées qui nousconstruisons contre dieu au lieu de nous construire hors de sa présence.

On constate donc que l'on continue envers et contre tout à se fonder surLe génital pour demander un droit.Parce que je suis femme, je n'ai pas droit à quelque chose.Parce que je suis femme et munie d'organes génitaux féminins, je réclame

Ce droit.ce n'est évidemment réclamer un droit qui pose problème c'est de le faire enfonction de notre sexe biologique.

Genres, Stéréotypes et Communication - 54

Page 55: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Portrait de Marie TRINTIGNANT – NouvelObservateur – décembre 2003Voir texte en page suivante.

Consigne de lecture : repérer dans le texte, les mots et expressions qui correspondentaux colonnes « Vie » et « Mort ».

L’article est extrait d’un journal progressiste. Il est rédigé par une femme, qui n’a pas l’intention de condamner Marie TRINTIGNANT, car personne ne l’oserait ! Marie TRINTI-GNANT symbolise l’héroïne tragique dans la transgression des règles de l’Univers.

Le choix des photos est aussi important que le texte. Ainsi, sur la couverture duNouvel Observateur (page 57), Marie apparaît comme Esmeralda, alors que Kristina,épouse de CANTAT, apparaît comme une vierge, une mater dolorosa, Véronique essuyantle visage du Christ (page 56).

Genres, Stéréotypes et Communication - 55

Vie – Mère, compagne Mort – Femme fatale« elle a un passé »« pas un long fleuve tranquille »

« quatre enfants » « de quatre pères » C’est ce qui vient en dernier qui touche !

« mère de famille » « mais femme libre de son cœur »

Usage argumentatif du « mais », central : P, mais Q – avec P qui entraîne uneconclusion C et Q une conclusion non-C. Les conclusions ne sont pas données, maissont implicites et l’opposition est forte.

« famille recomposée » « publicité », « pourrait »« mère, fille » « amante, amie, actrice »

(sous-entendu : elle « joue »)« subjuguait ses hommes »« tumultueuses »« mante religieuse »

« Noël » « rarement »« glisser »

« enfants » « que dix jours »« rôle parental » « début d’histoire d’amour »

Conclusion : elle voulait tout, le beurre et l’argent du beurre. Elle a voulu trans-gresser l’ordre établi. Sous-entendu : elle n’a eu que ce qu’elle méritait.Condamnation irrévocable et vraisemblablement involontaire par le texte, le choixdes mots et l’argumentation.

Page 56: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Genres, Stéréotypes et Communication - 56

Page 57: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Genres, Stéréotypes et Communication - 57

Page 58: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Éloge funèbre de Marie TRINTIGNANT par Jean-Jacques AILLAGON, Ministre de la Culture au 6 août 2003

Cet exercice consistera à repérer, dans l’éloge funèbre de Marie TRINTIGNANT (page 61-62), les éléments illustrant le paradoxe entre les représentations de la femme.

Nous essaierons de démontrer comment, dans un discours destiné à valoriser à fond la personne défunte comme incarnant des valeurs et vertus qui rassemblent la sociétéentière (but du discours épidiptique), sans y arriver vraiment, mais dans la nuance,l’éloge « vire au blâme ».

Pour ce faire, nous repérerons dans le texte les éléments qui relèvent d’une représenta-tion archaïque de la femme (stéréotypique – de l’ordre de l’évidence), tour à tour mèredonneuse de vie et femme fatale porteuse de mort (voire ici de sa propre mort). Nousrepérerons également les éléments du texte qui révèlent l’intervention d’une fatalitécontre laquelle on ne pouvait rien.

Nous tracerons donc deux colonnes :

Genres, Stéréotypes et Communication - 58

Préambule

Alors que le but de la rhétorique est de convaincre d’un point de vue, en utilisantdes arguments et garanties susceptibles d’interpeller l’auditoire auquel nous nousadressons, les discours de circonstances – ou « discours épidictiques » - ont un toutautre statut.

On peut mettre dans ce champ les éloges, les blâmes, les harangues, discours nonargumentatifs, qui ont pour caractéristique de présupposer d’une communauté devaleurs. Le but est de tout lisser, pour créer, via une émotion collective, une com-munauté, une appartenance.

L’individu est entièrement dans l’excellence (cf. éloge de Baudouin 1er), soit dans le monstrueux (cf. blâme de Dutroux ). Dans le premier cas, l’individu est élevé aurang de saint, dans l’autre rejeté hors de la communauté, a-topos.

Dans le blâme, à l’opposé de l’éloge, on part d’une personne considérée comme l’in-carnation des pires vices de la société. Dans l’éloge, pas de place pour le blâme :c’est l’un ou l’autre.

Il n’y a pas d’argumentation : tout le monde est d’accord ou sensé l’être. Ces discours vont puiser leur fond dans nos représentations archaïques.

Mère =vie Femme fatale = mortéloge blâme

victime innocente victime bouc-émissaire

Page 59: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Par rapport à la victime : 2 stéréotypes co-existent.

Analyse

Marie TRINTIGNANT apparaît clairement comme une victime, mais jamais il n’est faitmention de l’acte de violence dont, précisément, elle a été la victime. On ne parle pasdu problème.

Dans tout le texte, nous retrouverons, intimement mêlés, des termes la situant tantôtdans la colonne de la vie, tantôt dans la colonne de la mort.

On note, dans le choix des termes, plusieurs champs sémantiques :• la volonté de transcender les normes, de briser les conventions, de prendre des

risques.D’où le portrait d’une femme « hors norme », brisant l’ordre établi, dangereuse etlibre. Risque et danger pas seulement pour elle, mais aussi pour la société.« transcender l’ordinaire », « faire de la vie un pari, un risque », « vous n’aimiezpas les cadres trop solidement établis et trop confortables »

• la volupté« Souvenons-nous de la volupté avec laquelle vous dévoriez les textes »

• l’inconstance, l’esprit volage. On cite tous les hommes avec lesquels MarieTrintignant a travaillé.« au gré de vos coups de cœurs »

• le féminisme comme transgression des règles établies« la conquête du droit de faire elles aussi du cinéma »

• la maternité« avant de nous en donner la becquée »

« Ce n’est pas à moi qu’il appartient d’évoquer ce que fut votre vie, votre vie privée » =on ne va pas déballer ça ici, mais on est d’accord. L’emphase renforce l’effet de sous-entendu, juste après avoir évoqué la perception de l’amour chez Marie Trintignant.

« le désir de l’art […] s’enrichit dans les unions, survit aux désunions » : stéréotypeliés aux comédiens qui mènent une vie de saltimbanque.

Genres, Stéréotypes et Communication - 59

Victime bouc-émissaire Victime innocenteARCHAÏQUE « MODERNE »

On la rend coupable de tous « Elle est victime,les maux de la société. donc innocente. »

On l’élimine, on la sacrifie, On lui témoigne une formeon la tue,pour sauver d’empathie, expression

la communauté. d’« émotions éthiques ».

mort de la victime = mort de la victime = ORDRE DES CHOSES, FATALITÉ SCANDALE

Page 60: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Les textes fonctionnent à deux niveaux. Une analyse fine d’un texte et du pourquoi unmot a été choisi plutôt qu’un autre permet d’en saisir les paradoxes.

Il y a, dans cet éloge de Marie Trintignant, des interférences entre les deux représenta-tions, positive et négative, de la femme.

Marie Trintignant endosse le statut de victime tel qu’il existait dans les sociétésarchaïques. Elle devient bouc-émissaire (ou doit-on dire « chèvre émissaire » ?).

Il s’agit d’un statut tout à fait particulier : quelqu’un ou quelqu’une pose un problèmepour la société parce qu’il ou elle est trop « hors-norme », « a-topos ». La sociétédoit donc s’en débarrasser absolument, sous peine du déchaînement d’une violence col-lective. La communauté n’est sauvée que par sa mort.

Dans cet éloge funèbre de Marie TRINTIGNANT, nous sommes en présence d’une repré-sentation du bouc-émissaire : il fallait qu’elle meure.

Beaucoup de tournures et de vocabulaire viennent à l’appui de cette construction tra-gique évoquant l’aspect inévitable (fatum) de ce qui s’est passé et le statut de bouc-émissaire de Marie TRINTIGNANT :• le fatum, le destin

« née au cinéma, vous avez disparu en lui »• le rôle de bouc-émissaire

« C’est soi-même qu’on accepte de mettre en cause » = elle a choisi de jouer ce rôle pour nous.

Historiquement, le discours de blâme était la version évoluée du bouc-émissaire : lasociété retrouve sa concorde et son harmonie.

Nous pouvons dire qu’ici, sans intervention consciente de l’auteur, l’éloge vire au blâme parce que, dans la description de la vie de Marie TRINTIGNANT, avec des intentionsd’éloge, ce dernier va presque tout chercher (exemples, termes, etc.) dans la « mauvai-se colonne », où femme = mort.

Genres, Stéréotypes et Communication - 60

Page 61: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Éloge funèbre de Marie TRINTIGNANT

prononcé le 6 août 2003 par Jean-Jacques AILLAGON, Ministre français de la Culture

Marie Trintignant, vous êtes en quelque sorte née au cinéma, et vous avez disparu enlui. Vous êtes de ces familles du cinéma et du théâtre dans lesquelles le désir de l'artnaît avec le jour et ne s'épuise que dans les ténèbres de la mort, de ces familles où ledésir de l'art se transmet de génération en génération, s'enrichit dans les unions, survitaux désunions, pour toujours transcender l'ordinaire, le quotidien, pour toujours fairede la vie un pari, un risque, un jeu délicat et terrible où derrière le masque d'un rôlec'est soi-même qu'on expose, c'est soi-même qu'on accepte de mettre en cause. Marie,vous êtes de cette belle tribu, entraînée sur les sentiers de la création par vos parentsNadine et Jean-Louis, votre beau-père Alain, où déjà s'avancent vos enfants, Roman etPaul. A tous, à Léon et à Jules aussi, je manifeste aujourd'hui ma fraternité dansl'épreuve.

En les saluant, en les embrassant, je pense à toutes les familles d'artistes que l'histoirede la scène et de l'écran ont donné à la France, aux Wilson, aux Depardieu, auxBrasseur, aux Gainsbourg-Birkin-Doillon, aux Bohringer... Je pense, en m'en émer-veillant, à ce formidable miracle de la transmission de la passion et de l'art, dès lanaissance, au berceau même, dans l'émotion émerveillée des premières années. Je vousrevois, Marie, à quatre ans, dans " Mon amour, mon amour " déjà jouant sous la direc-tion de votre mère, sous la direction de Nadine, comme vous le ferez si souvent ensui-te, enfant, adolescente, adulte, huit fois en tout, de " Mon amour, mon amour " jusqu'à" Colette " que Nadine a décidé de finir, pour ne pas capituler devant la fatalité,devant la cruauté du destin, devant la mort.

Marie Trintignant, tout au long de cette déjà longue carrière, de cette carrière de 36ans, vous nous aurez fait le don permanent de votre talent, de votre générosité, devotre curiosité si avide de tout. Vous aurez, avec cette personnalité singulière que n'acessé de saluer la critique, interprété quarante cinq films, trois avec votre beau-pèreAlain Corneau dont " Série noire ", en 1979, avec Patrick Dewaere, tous les autres, augré de vos coups de cœur, avec des réalisateurs, comme Ettore Scola, Claude Chabrol,Michel Deville, Jacques Doillon, Pierre Granier-Defferre, Elie Chouraqui - qu'on me par-donne de ne les citer tous - qui ont marqué l'inépuisable aventure du cinéma, avecaussi, outre votre mère, Nadine, des réalisatrices, témoins et actrices de la conquêtepar les femmes du droit de faire elles aussi le cinéma, Magali Clément, MartineDugowson, Maria de Medeiros et Claire Devers.

Marie, c'est parce que vous n'aimiez pas les cadres trop solidement établis et tropconfortables, les situations trop sûrement acquises, même pas celle que vous offrait lecinéma, que vous avez très tôt éprouvé le désir de la scène, fragile espace de la créa-tion. En 1994, vous jouez, aux antipodes de votre personnalité, le rôle d'Arsinoé dansle Misanthrope de Molière, Arsinoé, femme vieillissante et acariâtre, à l'opposé de laCélimène que vous auriez pu être avec éclat et avec grâce ! Au théâtre, fidèlement,vous aimiez nous donner rendez-vous. Souvenons-nous de " Y'a pas que les chiens quis'aiment ", que vous avez écrit et interprété avec François Cluzet, à Chaillot.Souvenons-nous de " Conversation sur un quai de gare " avec Jean-Louis, votre père,sous la direction de Samuel Benchetrit, au théâtre Hébertot. Souvenons-nous de la

Genres, Stéréotypes et Communication - 61

Page 62: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

volupté avec laquelle vous dévoriez les textes avant de nous en donner la becquée,vous qui savouriez Pinter, Molière, Apollinaire et vous prépariez à interpréter AndréBreton et Philippe Soupault. Rien ne vous était indifférent, ni le cinéma, ni le théâtre,ni la chanson. Qu'on se souvienne de vos duos avec Thomas Fersen.

Chez vous, Marie Trintignant, chose admirable, jamais non plus l'artiste n'efface lafemme. Marie, vous avez été une femme libre sachant que l'amour, que sa palpitation,sont trop fulgurants pour qu'on tente de les enfermer dans des conventions, dans descodes, dans des habitudes et des règlements. Ce n'est pas à moi qu'il appartient d'évo-quer ici ce que fut votre vie, votre vie privée. C'est vous, sa famille, ses amis, qui enêtes ici les témoins. C'est à votre mémoire, au doux silence de votre souvenir qu'appar-tiennent désormais ces heures de passion, de désir, de tendresse, de sincérité, de dou-leur aussi. Vous en êtes les gardiens pour qu'en demeure vive une flamme que la mortmême ne peut anéantir.

Le combat de Marie n'a jamais été un combat solitaire et égoïste. Pour elle, lutterc'était bien lutter pour tous, pour les Hommes quelle que soit leur souffrance, pour lesfemmes plus particulièrement, pour leur liberté, pour leur dignité, pour l'avènementcomplet de leur égalité. Votre destin, le drame où s'achève votre vie soulignent, sibesoin était, la force de ce combat et sa nécessité. C'est bien ce qu'écrivait si juste-ment Gisèle Halimi dans Le Monde il y a deux jours.

En 1996, Marie tournait avec Didier le Pêcheur " Des nouvelles du Bon Dieu ".Aujourd'hui, elle nous en donne. Tout n'est pas rose. Tout n'est pas gris non plus. Dansla longue chaîne de l'Humanité, il nous appartient seulement de tout faire pour quedemain soit bien meilleur et pas seulement moins pire qu'aujourd'hui. La fatalité sou-vent nous frappe et nous abat. Elle a rencontré Marie, tragiquement, à Vilnius. Notredignité, c'est de dire NON à cette fatalité et à la tentation de s'y soumettre. Et pour lereste ? Marie a rejoint dans les vastes étendues de la mémoire des Hommes, ces cama-rades disparus avec qui elle avait partagé la vie ou l'écran : Christian Marquand, JeanYanne, Patrick Dewaere.

Quand Galilée à la fin de sa vie demande à sa fille Virginia, dans cette pièce de Brechtde la maturité qu'est " La vie de Galilée ", " comment est la nuit ? ", cette dernièrerépond : " claire, la nuit est claire ", et le rideau tombe, apaisé.

Sur le cercueil de Marie Trintignant, je dépose respectueusement la reconnaissance etl'hommage de la République française qui nous rassemblent dans l'amour de la liberté,de l'égalité et de la fraternité.

Genres, Stéréotypes et Communication - 62

Page 63: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Autre lecture sur le thème de la mort de Marie TRINTIGNANT : Marie Trintignant a été tuéepar un homme violent,

écrit le 6 août 2003 par Micheline CARRIER

Ce texte (page 64-69) participe à la constitution d’un dossier contre la violence mascu-line. Cette utilisation de situations médiatisées à l’appui de thèses constitue une autretendance discursive. L’objectif est annoncé : « Les médias français […] ont d’abordtenté d’éviter le sujet de la violence masculine contre les femmes […] ».

Dans ce texte, on assiste à la construction de la figure à la fois traditionnelle etmoderne de la victime, et plus spécifiquement de la femme victime des hommes. Cettereprésentation entre dans le stéréotype moderne – difficile à casser - de la victime toutà fait innocente.

L’auteure du texte se livre à une valorisation de la victime, mettant en exergue son sta-tut de mère de 4 enfants et l’avenir brillant qui lui était promis.

Toutefois, la phrase « elle recherchait les situations dangereuses », même dans saforme interrogative, vient sous-entendre « elle l’avait bien cherché ». La glorificationde la victime vire, un peu, imperceptiblement, au blâme…

Ce texte tente de faire de Marie TRINTIGNANT une victime innocente, mais la vérité estplus complexe que de la faire entrer dans une colonne, que ce soit celle de gauche oucelle de droite, celle de la vie ou celle de la mort.

Nous noterons, dans ce texte, le processus de généralisation via l’utilisation du termegénérique « l’homme » pour désigner Bertrand CANTAT, et la mise en exergue de la soli-darité masculine. Nous sommes dans un discours argumentatif, à intention polémique.

Genres, Stéréotypes et Communication - 63

Page 64: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

6 août 2003, Marie Trintignant a été tuée par un homme violent par Micheline CARRIER

Les fans de Bertrand Cantat, le chanteur du groupe Noir Désir, sont consternés etincrédules. Certains ont d'abord cru à des ragots de journalistes, d'autres ont parléd'un complot contre leur idole. Comme s'il n'y avait pas eu mort de femme... Ilsinondent les forums des sites internet de leurs exhortations à comprendre et à nepas juger leur idole. Des choses semblables peuvent arriver à des gens qui viventde grandes passions, explique-t-on, et qui sait, lui ET elle étaient peut-être sousl'effet de stupéfiants et de l'alcool... Le drame passionnel, l'alcool et la drogue, laprésumée collaboration des victimes à leur propre sort, voilà réunies les excusesmasculines classiques.

Les médias français, visiblement gênés par les circonstances de ce drame, ont d'abordtenté d'éviter le sujet de la violence masculine contre les femmes, et comme eux, lesfans de Cantat se sont accrochés longtemps à la thèse de l'accident, la version que lechanteur lui-même a donnée au juge d'instruction. On a voulu faire diversion en seconcentrant quelque temps sur les rôles "passionnés et tumultueux" qu'aurait affec-tionnés la comédienne Marie Trintignant, ex-compagne de Cantat. Que voulait-on nousdire ? Qu'au fond, elle recherchait les situations dangereuses ? « On ne peut pas utili-ser le mot crime », a déclaré pour sa part l'avocat du chanteur, évoquant « un accidentdes deux côtés, une tragédie, un conflit humain entre deux personnes, deux artistes àfort tempérament. » Il y avait eu échanges de coups, ont souligné d'autres. Il semblenéanmoins que Bertrand Cantat n'ait pas été blessé dans la bagarre... Si le ridicule ne les retenait pas, certains iraient jusqu'à dire que la vedette rock s'estdéfendue légitimement contre une femme au physique frêle qui, à ce qu'on sache, nes'entraînait pas aux arts martiaux.

Une " violence extrême " Ceux et celles qui ne demandent pas mieux que de soutenir la thèse d'une " banalequerelle d'amoureux qui a mal tourné ", en invoquant le tempérament excessif desconjoints comme circonstance atténuante, devront pourtant se raviser. Les médecinslégistes sont formels : Marie Trintignant est morte, non d'un simple " accident après chute ", mais de mul-tiples coups violents que Bertrand Cantat lui a infligés au visage. Et ces coups ne peu-vent pas être un accident, ils sont volontaires. « Ces lésions cérébrales sont de mêmenature que celles qui sont observées, par exemple, chez des conducteurs de moto, devéhicules automobiles non protégés par des casques ou des ceintures lors de collisions.Dans ce contexte, les ecchymoses observées sur le visage de la victime plaident enfaveur d'un scénario d'une violence extrême ; une violence aux conséquences d'autantplus dramatiques que la victime était d'une constitution physique fragile. Dans certainscas, des coups portés sur un visage peuvent avoir des conséquences aussi graves quedes chocs plus violents portés sur le crâne. » (1) Passion ? Amour ? Vous m'en direztant. Marie Trintignant a été tuée par un homme violent.

L'homme n'avait probablement pas l'intention de tuer, mais le résultat est le même :une femme libre et engagée, une mère de quatre enfants, une comédienne de grandtalent, qui avait devant elle un avenir brillant, a perdu la vie à l'âge de 41 ans sous lescoups de poing d'un homme qui disait l'aimer. Ce qui plus est, le chanteur n'a pas

Genres, Stéréotypes et Communication - 64

Page 65: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

porté secours à sa compagne blessée et inconsciente. Il a attendu des heures avantd'appeler sur les lieux le frère de la victime, Vincent Trintignant, à qui il a menti surl'état de sa sœur. Il aurait également " rassuré " au téléphone l'ex-conjoint de MarieTrintignant à quelques reprises au cours de la nuit fatale. Pourquoi a-t-il agi ainsi ?Effet prolongé de l'alcool ou de la drogue ? Inconscience de la gravité du drame ?Panique ? En prenant soudain conscience du tragique de la situation, Cantat auraittenté de se suicider au moyen de médicaments et d'alcool... Un autre classique de laviolence conjugale : abattre la conjointe et attenter ensuite à sa propre vie. Et unautre motif pour les médias de s'apitoyer sur le désarroi de la vedette rock.

Une culture machiste Si certains ont du mal à admettre les faits bruts, c'est que la société entretient despréjugés sur les auteurs de tels drames. On les imagine ou on préfère les croire tousdes hommes (quelquefois des femmes) frustrés, issus de milieux défavorisés, touchéspar le chômage, etc. On se plaît à les voir comme des êtres nécessairement malmenéspar la vie ou victimes de traumatismes familiaux dans l'enfance. Ou on plaide pour euxl'état de découragement, voire la dépression : ils se défoulent sur la personne la plusproche et, hélas, perdent accidentellement tout contrôle. Nombre de personnes vio-lentes répondent à ce profil, mais ce n'est pas le cas, sauf erreur, de Bertrand Cantat nicelui de nombreux conjoints violents. En outre, personne n'ignore (ou ne devrait igno-rer) que la violence conjugale, puisque c'est de ça qu'il s'agit, ne respecte pas des fron-tières socio-économiques et que, dans la grande majorité des cas, ce sont les femmesqui en sont victimes. Cette violence est souvent le fruit d'une culture machiste si bienintégrée qu'on la trouve " naturelle chez un homme ".

Est-ce cette " culture " qui explique les réactions du frère et de l'ex-conjoint de MarieTrintignant à l'annonce par Cantat que la comédienne n'avait qu'un " œil au beurre noir" ? Le fait d'infliger un œil au beurre noir à sa compagne est-il une affaire trop banale,trop anodine, en France, pour qu'on s'en inquiète sur-le-champ ? Si mon beau-frèrem'appelait pour m'annoncer qu'il a frappé ma sœur au cours d'une querelle et qu'il setrouve dans une "sale situation",(2) la première chose que je ferais, une fois sur leslieux, serait de vérifier moi-même l'état dans lequel elle se trouve. J'aurais de trèsbonnes raisons de mettre en doute la parole d'un homme qui tabasse de la sorte unepersonne qu'il prétend aimer. Entre hommes, apparemment, on agit autrement, et laparole de l'un suffit à rassurer les autres. À moins qu'on hésite à se mêler de la vie"privée" d'autrui ou, comme le font les animaux, qu'on respecte des codes territoriaux,le " territoire " étant en l'occurrence le corps de " sa " femme ou de " sa " conjointe.(" Dans les fantasmes masculins, dit Alain Robbe-Grillet, le corps de la femme est lelieu privilégié de l'attentat." Seulement dans les fantasmes, Robbe-Grillet ?)

Cette apparente indifférence, hélas très répandue, devant la violence masculine contreles femmes est révoltante. Elle explique en partie que tant d'hommes se croient justi-fiés de taper sur celles avec qui ils vivent, au point de les blesser ou de les tuer. Ils sesavent bénéficiaires d'une tolérance sinon d'une approbation tacite : après tout, unhomme, c'est un homme, et il faut s'attendre à ce qu'il se montre agressif dans cer-taines circonstances. On invoque également le motif de la "virilité" pour justifier lecomportement brutal de certains garçons à l'école primaire, même à la maternelle...Devant une telle acceptation sociale de la violence, il n'est pas étonnant que deshommes aient intégré ce "droit naturel" de contrôler des personnes de sexe féminin,fillettes ou adultes, et qu'on connaisse de tels drames.

Genres, Stéréotypes et Communication - 65

Page 66: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Jalousie et contrôle Le chanteur du groupe Noir Désir est considéré comme un homme de gauche, toujoursprêt à soutenir les justes causes. Du moins les causes populaires, celles qui font parlerd'elles sur la place publique. Associé à la militance pour l'altermondialisation, Cantatcombat, affirme-t-on, l'exploitation et l'intolérance partout où il la débusque. Commentet pourquoi, demandent aujourd'hui des fans de Bertrand Cantat, un tel homme a-t-ilpu se laisser aller à des actes extrêmes ? Le chanteur n'a jamais prétendu que sonengagement contre les injustices de ce monde s'étendait à la recherche de l'égalité etde la non violence entre les sexes. Des paroles de ses chansons inciteraient plutôt àcroire le contraire.* « Je constate, écrit un internaute au sujet de ces chansons,qu'elles parlent de violences allant jusqu'à la torture sans oublier les violencessexuelles clairement exprimées. Cette violence, à mon avis, est bien une violenceconjugale de possession de l'autre et cela peut aller jusqu'à la mort comme exprimédans certains de ces textes. » (3)

On a tort sans doute de chercher une adéquation entre, d'une part, la vie personnelled'un-e artiste et, d'autre part, les chansons qu'il chante sur scène ou les rôles qu'ellejoue à l'écran. Il est vrai, également, qu'un homme ou une femme de gauche est d'abord et avant toutun être humain, avec ses défauts, ses excès et son héritage culturel. En outre, l'enga-gement social et politique n'a jamais immunisé contre le machisme, le désir de domina-tion, le contrôle, la possession et la jalousie.

Il semble que ce soient là les mobiles de la querelle survenue entre Bertrand Cantat etMarie Trintignant, sa compagne depuis six mois. Le chanteur a en effet confié àVincent Trintignant que les rapports cordiaux que la comédienne entretenait avec sonex-conjoint, Samuel Benchetrit, également père de deux de ses enfants, lui portaientombrage. Un message de Benchetrit à Marie Trintignant, avec qui il devait bientôt tour-ner un film sur Janis Joplin, serait à l'origine de la dispute qui a dégénéré en coupsmortels. Cantat aurait en outre confié à Vincent Trintignant qu'à ses yeux la comédien-ne consacrait trop de temps à sa famille et au tournage. (4) Autrement dit, MarieTrintignant menait sa vie librement, une vie apparemment centrée sur sa famille et saprofession plutôt que sur " l'illustre homme ". Un crime de lèse-majesté dont bien desfemmes, dans l'Histoire passée et contemporaine, ont été accusées.

Les médias ont beaucoup parlé de la vie privée et professionnelle de Marie Trintignant,mais ils se sont montrés plus discrets sur celle de Bertrand Cantat. Quand la mère deMarie Trintignant, Nadine, a déclaré que la vedette rock avait des antécédents de vio-lence à l'égard des femmes,(5) on ne s'est pas étendu sur cette question, pourtant trèssérieuse, et on n'a pas cherché, sauf erreur, à vérifier cette accusation que le chanteura niée. Une journaliste pigiste, qui a interviewé Bertrand Cantat il y a quelques années,dit l'avoir rencontré depuis à quelques reprises, notamment en Hongrie où il se rendaitsouvent à l'époque où il était amoureux d'une Hongroise francophone. « D'après lesreportages dans la presse française, écrit-elle, après la naissance de leur deuxièmeenfant, Bertrand Cantat l'a abandonnée en février dernier pour vivre une passion tumul-tueuse avec Marie Trintignant. » (6)

Genres, Stéréotypes et Communication - 66

Page 67: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

La violence conjugale : un problème social majeur Parce que l'agresseur et sa victime sont des personnes célèbres, la mort de MarieTrintignant frappera davantage les esprits. Pour combien de temps ? Et à qui ira sur-tout le capital de sympathie ? On a déjà parlé beaucoup plus de l'avenir brisé de NoirDésir et de la déception de ses fans que de la vie et de la carrière de Marie Trintignantinjustement interrompues, ou de l'avenir de quatre enfants orphelins et de parents etami-es affligé-es.

Il faudrait surtout se rappeler que de tels actes surviennent trop fréquemment chez descouples inconnus du public et que, si la violence conjugale ne finit pas toujours par unou des meurtres, elle a toujours des conséquences désastreuses. Il faudrait surtouts'ouvrir les yeux et reconnaître que la violence conjugale est plus qu'un banal faitdivers, elle est une plaie sociale, et dans la majorité des cas, ce sont les femmes et lesenfants qui en font les frais.

En France, l'Enquête nationale sur les violences envers les femmes (ENVEFF) indiquequ'en l'an 2000 environ une femme sur 10 a été victime de violences verbales, psycho-logiques, physiques et/ou sexuelles en milieu conjugal. (7) Six Françaises meurentchaque mois dans des conditions comparables à l'agression qu'a subie la comédienneMarie Trintignant.

Au Canada, une enquête a révélé les mêmes tendances, soit qu'une femme sur dix avaitété victime de violence conjugale. En 2001, le nombre d'homicides entre conjointsreprésentait 20% de tous les homicides résolus au pays et 85% des victimes de violen-ce conjugale étaient des femmes. Cette année-là, 86 personnes ont été tuées par leurconjoint d'alors ou leur ex-conjoint, soit une hausse de18 victimes par rapport à l'an-née précédente. Cette hausse est attribuée en grande partie à l'augmentation deshomicides commis par des maris (conjoints légalement mariés) ; 69 femmes comparati-vement à 17 hommes - y compris une victime de sexe masculin issue d'une relationentre conjoints de même sexe - ont été victimes de meurtre commis par un-e conjoint-e. Les victimes de sexe féminin ont été le plus souvent poignardées (29 %), abattues àl'aide d'un arme à feu (26 %), battues (19 %) et étranglées (17 %). (8)

Au Québec, la presque totalité (98 %) des auteurs présumés de violence conjugale faiteaux femmes en 2001 étaient des hommes, alors que les auteurs présumés de violenceconjugale faite aux hommes étaient des femmes trois fois sur quatre. Le quart deshommes avaient subi la violence d'un conjoint de même sexe. Cette même année, unpour cent ou 20 personnes (14 femmes, 6 hommes) ont été victimes de meurtre dansun contexte conjugal, 44 personnes (37 femmes, 7 hommes) d'une tentative de meurtreet 75 personnes (64 femmes et 11 hommes) de voies de fait graves. (9) Au Québec,toujours, quelques jours avant la mort de Marie Trintignant, un homme a tué son ex-conjointe et ses deux enfants, puis il s'est suicidé.

A la racine du problème : les rapports de domination Si la violence n'a pas de sexe et ne respecte pas de frontières socio-économiques, laviolence des conjoints (ou ex-conjoints) contre les conjointes (et ex-conjointes) estplus fréquente que l'inverse, comme l'indiquent les statistiques ; elle blesse plus grave-ment et tue plus souvent. Ce qui n'empêche pas certains de prétendre que les hommessubissent autant de violence conjugale de la part des femmes. Ce mensonge propagésur des sites internets et dans certains médias conventionnels vise à banaliser la vio-

Genres, Stéréotypes et Communication - 67

Page 68: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

lence masculine contre les femmes et à masquer les inégalités de genre qui persistentdans toutes les sociétés, évoluées ou non. Elle vise surtout à détourner l'attention dela source même de cette violence, les rapports de domination, dont les sociétés évo-luées ne se sont toujours pas départies.

« Je dirais que la violence a un système bien établi qui est le patriarcat et que celui-cia un sexe dominant et prédominant, écrit Louky Bersianik, l'une de nos grandes écri-vaines québécoises. Quand la domination est menacée, la violence reprend ses droits. »(10)

On souhaiterait que cette tragédie rende les gens, en particulier les hommes, plusconscients que le machisme et la misogynie sont encore présents dans les rapportsentre les sexes et que la meilleure façon de réduire la violence et d'assurer l'harmonie,c'est d'avoir le courage de les dénoncer partout où ils se manifestent. Il s'agirait, de lapart des hommes non violents, de rompre le silence face à la violence masculine contreles femmes et de renoncer à la solidarité masculine traditionnelle au profit de la soli-darité humaine tout simplement. Ce serait là une belle contribution à l'évolution del'humanité.

Sur Sisyphe fortement recommandé ! « Marie Trintignant - Nul n'a su contourner l'agresseur »

Sources 1. http://www.lemonde.fr/article/0,5987,3226--329612-,00.html

2. « Le point est essentiel : si l'enquête montre que Vincent Trintignant est resté plu-sieurs heures sans réaction, il pourrait être poursuivi pour non-assistance à personneen danger. », citation du journal Le Monde,http://www.lemonde.fr/article/0,5987,3226--329610-,00.html ethttp://www.lalibre.be/article.phtml ?id=5&subid=105&art_id=127448

3. Courrier des lecteurs sur Indy Media de Paris, 1er août 2003http://paris.indymedia.org/article.php3 ?id_article=5893

4. http://www.lesoir.com/articles/n_04.asp

5. http://www.liberation.com/page.php ?Article=128357 ethttp://www.mcm.net/news/index.php/33997/

6. http://www.emmanuelle.net

7. http://www.social.gouv.fr/femmes/actu/doss_pr/enquete.htm

8. Dauvergne, M. (2002) « L'homicide au Canada - 2001 », Juristat 22(7), Ottawa :Centre canadien de la statistique juridique, Statistique Canada, cité par Condition fémi-nine Canada.

9. « La violence conjugale », statistiques 2001, Ministère de la Sécurité publique,Québec. Document en PDF ici, http://www.msp.gouv.qc.ca/stats/crimina/2001/viol-conj/viol_conjugale_01.pdf

10. Louky Bersianik, « Le manteau de Noé », dans La main tranchante du symbole, LesÉditions du remue-ménage, Montréal, 1990, p. 164

Mis en ligne sur Sisyphe le 6 août 2003

Genres, Stéréotypes et Communication - 68

Page 69: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

LECTURES SUGGÉRÉESFace aux conjoints agresseurs...La danse avec l'ours

« Les meurtriers », par Michel Garneau, poète et animateur à la Chaîne culturelle deradio de Radio-Canada, à Montréal -

« Que Marie Trintignant ne soit pas morte pour rien », par Florence Montreynaud, histo-rienne et féministe, éditrice du site Encore féministes !

« La violence sexiste tue. Et le silence qui l'entoure tue aussi. », par Marie-Joseph BER-TINI, maître de conférences en sciences de l'information et de la communication àl'Université de Nice-Sophia-Antipolis. Dernier ouvrage paru : « Cachez ce sexe que je nesaurais voir », éd. Dis voir, 2003

Forum Noir Désir Le forum a été fermé.

« Marie Trintignant », par Gisèle Halimi, journal Le Monde, 4 août 2003

« Les femmes meurent de violence conjugale », position du Mouvement français pour le planning familial, 14 août 2003.

« Kiejman et le "machisme" de Bertrand Cantat ». Pour l'avocat des Trintignant, lechanteur, mis en examen jeudi par la juge Turquey, a adopté un système de défense "classiquechez les machistes". 23 août 2003

« Marie Trintignant. Bertrand Cantat reconnaît qu'il est responsable de sa mort ». 23août 2003

« Mort de Marie Trintignant. Nul n'a su contourner l'agresseur », par Lucile Cipriani.

À la fenêtre, par Yannick Demers. Une chanson inspirée par le drame. Nouveau sur Sisyphe

« Élisabeth Badinter dénature le féminisme pour mieux le combattre », par ÉlaineAudet

Genres, Stéréotypes et Communication - 69

Page 70: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Campagne « Il n’y a pas de métiers de femmes, il y a des femmes de métiers »L’image illustre le paradoxe.

Parmi ces 4 affiches, 3 représentent des femmes photographiées effectivement ensituation professionnelle. On ne nie pas le stéréotype, mais on le dépasse. On estdans une représentation positive de la femme au travail.

La quatrième représente une jeune femme, que certains publics formés ont assimilée àune poupée Barbie, et qui est devenue, au fil des formations « Barbie au chantier ».Ici, on pousse le stéréotype jusqu’au bout : utilisation du rose jusque dans le moindreaccessoire. Cela a quelque chose de choquant, de passage à la limite. La femme sur lechantier entre dans la colonne « femme fatale, femme dangereuse, danger ». On a bas-culé dans une représentation négative de la femme au travail. La photo vient d’unebanque d’images.

Genres, Stéréotypes et Communication - 70

Page 71: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Genres, Stéréotypes et Communication - 71

Page 72: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

«Egalité des chances»Le dépliant a été produit en août 2000

Genres, Stéréotypes et Communication - 72

Page 73: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Genres, Stéréotypes et Communication - 73

Page 74: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Genres, Stéréotypes et Communication - 74

Page 75: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Rapport d’activités du FOREMCe document montre des illustrations « universalistes » : avec des femmes, des jeunes,des travailleurs et travailleuses âgé-e-s, des personnes étrangères et/ou de couleur,etc.

Genres, Stéréotypes et Communication - 75

Page 76: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Genres, Stéréotypes et Communication - 76

Page 77: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Femmes dans les TIC (réseau ADA)

Genres, Stéréotypes et Communication - 77

Page 78: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Quelques représentations de l’homme et de lafemme dans la publicité.

Genres, Stéréotypes et Communication - 78

Page 79: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Genres, Stéréotypes et Communication - 79

Page 80: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Genres, Stéréotypes et Communication - 80

Page 81: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Illustration des « notions floues »Convention sur l'élimination de toutes les formes de

discrimination à l'égard des femmesAdoptée et ouverte à la signature, à la ratification et à l'adhésion par l'Assemblée générale dans sa résolution 34/180 du 18 décembre 1979

Entrée en vigueur : le 3 septembre 1981, conformément aux dispositions de l'article 27 (1)

état des ratifications Organe de surveillance déclarations et réserves

Les Etats parties à la présente Convention,Notant que la Charte des Nations Unies réaffirme la foi dans les droits fondamen-

taux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine et dans l'égalitédes droits de l'homme et de la femme,

Notant que la Déclaration universelle des droits de l'homme affirme le principe dela non-discrimination et proclame que tous les êtres humains naissent libres et égauxen dignité et en droit, et que chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutesles libertés qui y sont énoncés, sans distinction aucune, notamment de sexe,

Notant que les Etats parties aux Pactes internationaux relatifs aux droits del'homme ont l'obligation d'assurer l'égalité des droits de l'homme et de la femme dansl'exercice de tous les droits économiques, sociaux, culturels, civils et politiques,

Considérant les conventions internationales conclues sous l'égide de l'Organisationdes Nations Unies et des institutions spécialisées en vue de promouvoir l'égalité desdroits de l'homme et de la femme,

Notant également les résolutions, déclarations et recommandations adoptées parl'Organisation des Nations Unies et les institutions spécialisées en vue de promouvoirl'égalité des droits de l'homme et de la femme,

Préoccupés toutefois de constater qu'en dépit de ces divers instruments lesfemmes continuent de faire l'objet d'importantes discriminations,

Rappelant que la discrimination à l'encontre des femmes viole les principes del'égalité des droits et du respect de la dignité humaine, qu'elle entrave la participationdes femmes, dans les mêmes conditions que les hommes, à la vie politique, sociale,économique et culturelle de leur pays, qu'elle fait obstacle à l'accroissement du bien-être de la société et de la famille et qu'elle empêche les femmes de servir leur pays etl'humanité dans toute la mesure de leurs possibilités,

Préoccupés par le fait que, dans les situations de pauvreté, les femmes ont unminimum d'accès à l'alimentation, aux services médicaux, à l'éducation, à la formation,ainsi qu'aux possibilités d'emploi et à la satisfaction d'autres besoins,

Convaincus que l'instauration du nouvel ordre économique international fondé surl'équité et la justice contribuera de façon significative à promouvoir l'égalité entrel'homme et la femme,

Genres, Stéréotypes et Communication - 81

Page 82: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Soulignant que l'élimination de l'apartheid, de toutes les formes de racisme, dediscrimination raciale, de colonialisme, de néocolonialisme, d'agression, d'occupation etdomination étrangères et d'ingérence dans les affaires intérieures des Etats est indis-pensable à la pleine jouissance par l'homme et la femme de leurs droits,

Affirmant que le renforcement de la paix et de la sécurité internationales, le relâ-chement de la tension internationale, la coopération entre tous les Etats quels quesoient leurs systèmes sociaux et économiques, le désarmement général et complet et,en particulier, le désarmement nucléaire sous contrôle international strict et efficace,l'affirmation des principes de la justice, de l'égalité et de l'avantage mutuel dans lesrelations entre pays et la réalisation du droit des peuples assujettis à une dominationétrangère et coloniale et à une occupation étrangère à l'autodétermination et à l'indé-pendance, ainsi que le respect de la souveraineté nationale et de l'intégrité territorialefavoriseront le progrès social et le développement et contribueront par conséquent à laréalisation de la pleine égalité entre l'homme et la femme,

Convaincus que le développement complet d'un pays, le bien- être du monde et lacause de la paix demandent la participation maximale des femmes, à égalité avec leshommes, dans tous les domaines,

Ayant à l'esprit l'importance de la contribution des femmes au bien-être de lafamille et au progrès de la société, qui jusqu'à présent n'a pas été pleinement recon-nue, de l'importance sociale de la maternité et du rôle des parents dans la famille etdans l'éducation des enfants et conscients du fait que le rôle de la femme dans la pro-création ne doit pas être une cause de discrimination et que l'éducation des enfantsexige le partage des responsabilités entre les hommes, les femmes et la société dansson ensemble, Conscients que le rôle traditionnel de l'homme dans la famille et dans lasociété doit évoluer autant que celui de la femme si on veut parvenir à une réelle éga-lité de l'homme et de la femme,

Résolus à mettre en oeuvre les principes énoncés dans la Déclaration sur l'élimi-nation de la discrimination à l'égard des femmes et, pour ce faire, à adopter lesmesures nécessaires à la suppression de cette discrimination sous toutes ses formes etdans toutes ses manifestations,

Sont convenus de ce qui suit :

Première partie

Article premierAux fins de la présente Convention, l'expression "discrimination à l'égard des femmes"vise toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe qui a pour effet oupour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l'exercicepar les femmes, quel que soit leur état matrimonial, sur la base de l'égalité de l'hommeet de la femme, des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans les domainespolitique, économique, social, culturel et civil ou dans tout autre domaine.

Genres, Stéréotypes et Communication - 82

Page 83: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Article 2Les Etats parties condamnent la discrimination à l'égard des femmes sous toutes sesformes, conviennent de poursuivre par tous les moyens appropriés et sans retard unepolitique tendant à éliminer la discrimination à l'égard des femmes et, à cette fin,s'engagent à :

a) Inscrire dans leur constitution nationale ou toute autre disposition législativeappropriée le principe de l'égalité des hommes et des femmes, si ce n'est déjà fait,et assurer par voie de législation ou par d'autres moyens appropriés l'applicationeffective dudit principe;

b) Adopter des mesures législatives et d'autres mesures appropriées assorties, y com-pris des sanctions en cas de besoin, interdisant toute discrimination à l'égard desfemmes;

c) Instaurer une protection juridictionnelle des droits des femmes sur un pied d'égalitéavec les hommes et garantir, par le truchement des tribunaux nationaux compétentset d'autres institutions publiques, la protection effective des femmes contre toutacte discriminatoire;

d) S'abstenir de tout acte ou pratique discriminatoire à l'égard des femmes et faire ensorte que les autorités publiques et les institutions publiques se conforment à cetteobligation;

e) Prendre toutes mesures appropriées pour éliminer la discrimination pratiquée àl'égard des femmes par une personne, une organisation ou une entreprise quel-conque;

f) Prendre toutes les mesures appropriées, y compris des dispositions législatives, pourmodifier ou abroger toute loi, disposition réglementaire, coutume ou pratique quiconstitue une discrimination à l'égard des femmes;

g) Abroger toutes les dispositions pénales qui constituent une discrimination à l'égarddes femmes.

Article 3Les Etats parties prennent dans tous les domaines, notamment dans les domaines poli-tique, social, économique et culturel, toutes les mesures appropriées, y compris desdispositions législatives, pour assurer le plein développement et le progrès des femmes,en vue de leur garantir l'exercice et la jouissance des droits de l'homme et des libertésfondamentales sur la base de l'égalité avec les hommes.

Article 41. L'adoption par les Etats parties de mesures temporaires spéciales visant à accélérer

l'instauration d'une égalité de fait entre les hommes et les femmes n'est pas consi-dérée comme un acte de discrimination tel qu'il est défini dans la présenteConvention, mais ne doit en aucune façon avoir pour conséquence le maintien denormes inégales ou distinctes; ces mesures doivent être abrogées dès que les objec-tifs en matière d'égalité de chances et de traitement ont été atteints.

2. L'adoption par les Etats parties de mesures spéciales, y compris de mesures prévuesdans la présente Convention, qui visent à protéger la maternité n'est pas considéréecomme un acte discriminatoire.

Genres, Stéréotypes et Communication - 83

Page 84: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Article 5Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour :

a) Modifier les schémas et modèles de comportement socio- culturel de l'homme et dela femme en vue de parvenir à l'élimination des préjugés et des pratiques coutu-mières, ou de tout autre type, qui sont fondés sur l'idée de l'infériorité ou de lasupériorité de l'un ou l'autre sexe ou d'un rôle stéréotypé des hommes et desfemmes;

b) Faire en sorte que l'éducation familiale contribue à faire bien comprendre que lamaternité est une fonction sociale et à faire reconnaître la responsabilité communede l'homme et de la femme dans le soin d'élever leurs enfants et d'assurer leur déve-loppement, étant entendu que l'intérêt des enfants est la condition primordiale danstous les cas.

Article 6Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées, y compris des dispositionslégislatives, pour supprimer, sous toutes leurs formes, le trafic des femmes et l'exploi-tation de la prostitution des femmes.

Deuxième partie

Article 7Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimina-tion à l'égard des femmes dans la vie politique et publique du pays et, en particulier,leur assurent, dans des conditions d'égalité avec les hommes, le droit :

a) De voter à toutes les élections et dans tous les référendums publics et être éligiblesà tous les organismes publiquement élus;

b) De prendre part à l'élaboration de la politique de l'Etat et à son exécution, occuperdes emplois publics et exercer toutes les fonctions publiques à tous les échelons dugouvernement;

c) De participer aux organisations et associations non gouvernementales s'occupant dela vie publique et politique du pays.

Article 8 Observation générale sur son applicationLes Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour que les femmes, dansdes conditions d'égalité avec les hommes et sans aucune discrimination, aient la possi-bilité de représenter leur gouvernement à l'échelon international et de participer auxtravaux des organisations internationales.

Article 91. Les Etats parties accordent aux femmes des droits égaux à ceux des hommes en ce

qui concerne l'acquisition, le changement et la conservation de la nationalité. Ilsgarantissent en particulier que ni le mariage avec un étranger, ni le changement denationalité du mari pendant le mariage ne change automatiquement la nationalitéde la femme, ni ne la rend apatride, ni ne l'oblige à prendre la nationalité de sonmari.

Genres, Stéréotypes et Communication - 84

Page 85: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

2. Les Etats parties accordent à la femme des droits égaux à ceux de l'homme en cequi concerne la nationalité de leurs enfants.

Troisième partie

Article 10Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimina-tion à l'égard des femmes afin de leur assurer des droits égaux à ceux des hommes ence qui concerne l'éducation et, en particulier, pour assurer, sur la base de l'égalité del'homme et de la femme :

a) Les mêmes conditions d'orientation professionnelle, d'accès aux études et d'obten-tion de diplômes dans les établissements d'enseignement de toutes catégories, dansles zones rurales comme dans les zones urbaines, cette égalité devant être assuréedans l'enseignement préscolaire, général, technique, professionnel et techniquesupérieur, ainsi que dans tout autre moyen de formation professionnelle;

b) L'accès aux mêmes programmes, aux mêmes examens, à un personnel enseignantpossédant les qualifications de même ordre, à des locaux scolaires et à un équipe-ment de même qualité;

c) L'élimination de toute conception stéréotypée des rôles de l'homme et de la femmeà tous les niveaux et dans toutes les formes d'enseignement en encourageant l'édu-cation mixte et d'autres types d'éducation qui aideront à réaliser cet objectif et, enparticulier, en révisant les livres et programmes scolaires et en adaptant lesméthodes pédagogiques;

d) Les mêmes possibilités en ce qui concerne l'octroi de bourses et autres subventionspour les études;

e) Les mêmes possibilités d'accès aux programmes d'éducation permanente, y comprisaux programmes d'alphabétisation pour adultes et d'alphabétisation fonctionnelle,en vue notamment de réduire au plus tôt tout écart d'instruction existant entre leshommes et les femmes;

f) La réduction des taux d'abandon féminin des études et l'organisation de programmespour les filles et les femmes qui ont quitté l'école prématurément;

g) Les mêmes possibilités de participer activement aux sports et à l'éducation phy-sique;

h) L'accès à des renseignements spécifiques d'ordre éducatif tendant à assurer la santéet le bien-être des familles, y compris l'information et des conseils relatifs à la pla-nification de la famille.

Article 111. Les Etats parties s'engagent à prendre toutes le mesures appropriées pour éliminer

la discrimination à l'égard des femmes dans le domaine de l'emploi, afin d'assurer,sur la base de l'égalité de l'homme et de la femme, les mêmes droits, et en particu-lier :

Genres, Stéréotypes et Communication - 85

Page 86: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

a) Le droit au travail en tant que droit inaliénable de tous les êtres humains;

b) Le droit aux mêmes possibilités d'emploi, y compris l'application des mêmes cri-tères de sélection en matière d'emploi;

c) Le droit au libre choix de la profession et de l'emploi, le droit à la promotion, àla stabilité de l'emploi et à toutes les prestations et conditions de travail, ledroit à la formation professionnelle et au recyclage, y compris l'apprentissage, leperfectionnement professionnel et la formation permanente;

d) Le droit à l'égalité de rémunération, y compris de prestation, à l'égalité de trai-tement pour un travail d'égale valeur aussi bien qu'à l'égalité de traitement ence qui concerne l'évaluation de la qualité du travail;

e) Le droit à la sécurité sociale, notamment aux prestations de retraite, de chôma-ge, de maladie, d'invalidité et de vieillesse ou pour toute autre perte de capacitéde travail, ainsi que le droit à des congés payés;

f) Le droit à la protection de la santé et à la sécurité des conditions de travail, ycompris la sauvegarde de la fonction de reproduction.

2. Afin de prévenir la discrimination à l'égard des femmes en raison de leur mariage oude leur maternité et de garantir leur droit effectif au travail, les Etats parties s'en-gagent à prendre des mesures appropriées ayant pour objet :

a) D'interdire, sous peine de sanctions, le licenciement pour cause de grossesse oude congé de maternité et la discrimination des les licenciements fondée sur lestatut matrimonial;

b) D'instituer l'octroi de congés de maternité payés ou ouvrant droit à des presta-tions sociales comparables, avec la garantie du maintien de l'emploi antérieur,des droits d'ancienneté et des avantages sociaux;

c) D'encourager la fourniture des services sociaux d'appui nécessaires pour per-mettre aux parents de combiner les obligations familiales avec les responsabilitésprofessionnelles et la participation à la vie publique, en particulier en favorisantl'établissement et le développement d'un réseau de garderies d'enfants;

d) D'assurer une protection spéciale aux femmes enceintes dont il est prouvé que letravail est nocif.

3. Les lois visant à protéger les femmes dans les domaines visés par le présent articleseront revues périodiquement en fonction des connaissances scientifiques et tech-niques et seront révisées, abrogées ou étendues, selon les besoins.

Article 12 Observation générale sur son application1. Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimi-

nation à l'égard des femmes dans le domaine des soins de santé en vue de leurassurer, sur la base de l'égalité de l'homme et de la femme, les moyens d'accéderaux services médicaux, y compris ceux qui concernent la planification de la famille.

Genres, Stéréotypes et Communication - 86

Page 87: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

2. Nonobstant les dispositions du paragraphe 1 ci-dessus, les Etats parties fournissentaux femmes pendant la grossesse, pendant l'accouchement et après l'accouchement,des services appropriés et, au besoin, gratuits, ainsi qu'une nutrition adéquate pen-dant la grossesse et l'allaitement.

Article 13Les Etats parties s'engagent à prendre toutes les mesures appropriées pour éliminer ladiscrimination à l'égard des femmes dans d'autres domaines de la vie économique etsociale, afin d'assurer, sur la base de l'égalité de l'homme et de la femme, les mêmesdroits et, en particulier :

a) Le droit aux prestations familiales;

b) Le droit aux prêts bancaires, prêts hypothécaires et autres formes de crédit finan-cier;

c) Le droit de participer aux activités récréatives, aux sports et à tous les aspects dela vie culturelle.

Article 141. Les Etats parties tiennent compte des problèmes particuliers qui se posent aux

femmes rurales et du rôle important que ces femmes jouent dans la survie écono-mique de leurs familles, notamment par leur travail dans les secteurs non moné-taires de l'économie, et prennent toutes les mesures appropriées pour assurer l'ap-plication des dispositions de la présente Convention aux femmes des zones rurales.

2. Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimi-nation à l'égard des femmes dans les zones rurales afin d'assurer, sur la base del'égalité de l'homme et de la femme, leur participation au développement rural et àses avantages et, en particulier, ils leur assurent le droit :

a) De participer pleinement à l'élaboration et à l'exécution des plans de développe-ment à tous les échelons;

b) D'avoir accès aux services adéquats dans le domaine de la santé, y compris auxinformations, conseils et services en matière de planification de la famille;

c) De bénéficier directement des programmes de sécurité sociale;

d) De recevoir tout type de formation et d'éducation, scolaires ou non, y compris enmatière d'alphabétisation fonctionnelle, et de pouvoir bénéficier de tous les ser-vices communautaires et de vulgarisation, notamment pour accroître leurs com-pétences techniques;

e) D'organiser des groupes d'entraide et des coopératives afin de permettre l'égalitéde chances sur le plan économique, qu'il s'agisse de travail salarié ou de travailindépendant;

f) De participer à toutes les activités de la communauté;

Genres, Stéréotypes et Communication - 87

Page 88: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

g) D'avoir accès au crédit et aux prêts agricoles, ainsi qu'aux services de commer-cialisation et aux technologies appropriées, et de recevoir un traitement égaldans les réformes foncières et agraires et dans les projets d'aménagement rural;

h) De bénéficier de conditions de vie convenables, notamment en ce qui concernele logement, l'assainissement, l'approvisionnement en électricité et en eau, lestransports et les communications.

Quatrième partie

Article 151. Les Etats parties reconnaissent à la femme l'égalité avec l'homme devant la loi.

2. Les Etats parties reconnaissent à la femme, en matière civile, une capacité juridiqueidentique à celle de l'homme et les mêmes possibilités pour exercer cette capacité.Ils lui reconnaissent en particulier des droits égaux en ce qui concerne la conclu-sion de contrats et l'administration des biens et leur accordent le même traitementà tous les stades de la procédure judiciaire.

3. Les Etats parties conviennent que tout contrat et tout autre instrument privé, dequelque type que ce soit, ayant un effet juridique visant à limiter la capacité juri-dique de la femme doivent être considérés comme nuls.

4. Les Etats parties reconnaissent à l'homme et à la femme les mêmes droits en ce quiconcerne la législation relative au droit des personnes à circuler librement et àchoisir leur résidence et leur domicile.

Article 161. Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimi-

nation à l'égard des femmes dans toutes les questions découlant du mariage et dansles rapports familiaux et, en particulier, assurent, sur la base de l'égalité de l'hommeet de la femme :

a) Le même droit de contracter mariage;

b) Le même droit de choisir librement son conjoint et de ne contracter mariage quede son libre et plein consentement;

c) Les mêmes droits et les mêmes responsabilités au cours du mariage et lors de sadissolution;

d) Les mêmes droits et les mêmes responsabilités en tant que parents, quel que soitleur état matrimonial, pour les questions se rapportant à leurs enfants; dans tousles cas, l'intérêt des enfants est la considération primordiale;

e) Les mêmes droits de décider librement et en toute connaissance de cause dunombre et de l'espacement des naissances et d'avoir accès aux informations, àl'éducation et aux moyens nécessaires pour leur permettre d'exercer ces droits;

Genres, Stéréotypes et Communication - 88

Page 89: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

f) Les mêmes droits et responsabilités en matière de tutelle, de curatelle, de gardeet d'adoption des enfants, ou d'institutions similaires, lorsque ces concepts exis-tent dans la législation nationale; dans tous les cas, l'intérêt des enfants est laconsidération primordiale;

g) Les mêmes droits personnels au mari et à la femme, y compris en ce qui concer-ne le choix du nom de famille, d'une profession et d'une occupation;

h) Les mêmes droits à chacun des époux en matière de propriété, d'acquisition, degestion, d'administration, de jouissance et de disposition des biens, tant à titregratuit qu'à titre onéreux.

2. Les fiançailles et les mariages d'enfants n'ont pas d'effets juridiques et toutes lesmesures nécessaires, y compris des dispositions législatives, sont prises afin de fixerun âge minimal pour le mariage et de rendre obligatoire l'inscription du mariage surun registre officiel.

Cinquième partie

Article 171. Aux fins d'examiner les progrès réalisés dans l'application de la présente Convention,

il est constitué un Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard desfemmes (ci-après dénommé le Comité), qui se compose, au moment de l'entrée envigueur de la Convention, de dix-huit, et après sa ratification ou l'adhésion du tren-te-cinquième Etat partie, de vingt-trois experts d'une haute autorité morale et émi-nemment compétents dans le domaine auquel s'applique la présente Convention. Cesexperts sont élus par les Etats parties parmi les ressortissants et siègent à titre per-sonnel, compte tenu du principe d'une répartition géographique équitable et de lareprésentation des différentes formes de civilisation ainsi que des principaux sys-tèmes juridiques.

2. Les membres du Comité sont élus au scrutin secret sur une liste de candidats dési-gnés par les Etats parties. Chaque Etat partie peut désigner un candidat choisiparmi ses ressortissants.

3. La première élection a lieu six mois après la date d'entrée en vigueur de la présenteConvention. Trois mois au moins avant la date de chaque élection, le Secrétairegénéral de l'Organisation des Nations Unies adresse une lettre aux Etats parties pourles inviter à soumettre leurs candidatures dans un délai de deux mois. Le Secrétairegénéral dresse une liste alphabétique de tous les candidats, en indiquant par quelEtat ils ont été désignés, liste qu'il communique aux Etats parties.

4. Les membres du Comité sont élus au cours d'une réunion des Etats parties convo-quée par le Secrétaire général au Siège de l'Organisation des Nations Unies. A cetteréunion, où le quorum est constitué par les deux tiers des Etats parties, sont élusmembres du Comité les candidats ayant obtenu le plus grand nombre de voix et lamajorité absolue des votes des représentants des Etats parties présents et votants.

5. Les membres du Comité sont élus pour quatre ans. Toutefois, le mandat de neuf desmembres élus à la première élection prendra fin au bout de deux ans; le Présidentdu Comité tirera au sort les noms de ces neuf membres immédiatement après la pre-mière élection.

Genres, Stéréotypes et Communication - 89

Page 90: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

6. L'élection des cinq membres additionnels du Comité se fera conformément aux dis-positions des paragraphes 2, 3 et 4 du présent article à la suite de la trente-cin-quième ratification ou adhésion. Le mandat de deux des membres additionnels élusà cette occasion prendra fin au bout de deux ans; le nom de ces deux membres seratiré au sort par le Président du Comité.

7. Pour remplir les vacances fortuites, l'Etat partie dont l'expert a cessé d'exercer sesfonctions de membre de Comité nommera un autre expert parmi ses ressortissants,sous réserve de l'approbation du Comité.

8. Les membres du Comité reçoivent, avec l'approbation de l'Assemblée générale, desémoluments prélevés sur les ressources de l'Organisation des Nations Unies dans lesconditions fixées par l'Assemblée eu égard à l'importance des fonctions du Comité.

9. Le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies met à la disposition duComité le personnel et les moyens matériels qui lui sont nécessaires pour s'acquitterefficacement des fonctions qui lui sont confiées en vertu de la présente Convention.

Article 181. Les Etats parties s'engagent à présenter au Secrétaire général de l'Organisation des

Nations Unies, pour examen par le Comité, un rapport sur les mesures d'ordre légis-latif, judiciaire, administratif ou autre qu'ils ont adoptées pour donner effet aux dis-positions de la présente Convention et sur les progrès réalisés à cet égard :

a) Dans l'année suivant l'entrée en vigueur de la Convention dans l'Etat intéressé :

b) Puis tous les quatre ans, ainsi qu'à la demande du Comité.

2. Les rapports peuvent indiquer les facteurs et difficultés influant sur la mesure danslaquelle sont remplies les obligations prévues par la présente Convention.

Article 191. Le Comité adopte son propre règlement intérieur.

2. Le Comité élit son Bureau pour une période de deux ans.

Article 20 Observation générale sur son application1. Le Comité se réunit normalement pendant une période de deux semaines au plus

chaque année pour examiner les rapports présentés conformément à l'article 18 dela présente Convention.

2. Les séances du Comité se tiennent normalement au Siège de l'Organisation desNations Unies ou en tout autre lieu adéquat déterminé par le Comité.

Article 211. Le Comité rend compte chaque année à l'Assemblée générale de l'Organisation

des Nations Unies, par l'intermédiaire du Conseil économique et social, de sesactivités et peut formuler des suggestions et des recommandations généralesfondées sur l'examen des rapports et des renseignements reçus des Etats parties.Ces suggestions et recommandations sont incluses dans le rapport du Comité,accompagnées, le cas échéant, des observations des Etats parties.

Genres, Stéréotypes et Communication - 90

Page 91: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

2. Le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies transmet les rapports duComité à la Commission de la condition de la femme, pour information.

Article 22Les institutions spécialisées ont le droit d'être représentées lors de l'examen de la miseen oeuvre de toute disposition de la présente Convention qui entre dans le cadre deleurs activités. Le Comité peut inviter les institutions spécialisées à soumettre des rap-ports sur l'application de la Convention dans les domaines qui entrent dans le cadre deleurs activités.

Sixième partie

Article 23Aucune des dispositions de la présente Convention ne portera atteinte aux dispositionsplus propices à la réalisation de l'égalité de l'homme et de la femme pouvant êtrecontenues : a) Dans la législation d'un Etat partie;

ou b) Dans toute autre convention, tout autre traité ou accord international en vigueur

dans cet Etat.

Article 24Les Etats parties s'engagent à adopter toutes les mesures nécessaires au niveau natio-nal pour assurer le plein exercice des droits reconnus par la présente Convention.

Article 251. La présente Convention est ouverte à la signature de tous les Etats.

2. Le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies est désigné comme déposi-taire de la présente Convention.

3. La présente Convention est sujette à ratification et les instruments de ratificationseront déposés auprès du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies.

4. La présente Convention sera ouverte à l'adhésion de tous les Etats. L'adhésion s'ef-fectuera par le dépôt d'un instrument d'adhésion auprès du Secrétaire général del'Organisation des Nations Unies.

Article 261. Tout Etat partie peut demander à tout moment la révision de la présente Convention

en adressant une communication écrite à cet effet au Secrétaire général del'Organisation des Nations Unies.

2. L'Assemblée générale de l'Organisation des Nations Unies décide des mesures àprendre, le cas échéant, au sujet d'une demande de cette nature.

Article 271. La présente Convention entrera en vigueur le trentième jour qui suivra la date du

dépôt auprès du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies du vingtièmeinstrument de ratification ou d'adhésion.

Genres, Stéréotypes et Communication - 91

Page 92: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

2. Pour chacun des Etats qui ratifieront la présente Convention ou y adhéreront aprèsle dépôt du vingtième instrument de ratification ou d'adhésion, ladite Conventionentrera en vigueur le trentième jour après la date du dépôt par cet Etat de son ins-trument de ramification ou d'adhésion.

Article 281. Le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies recevra et communiquera à

tous les Etats le texte des réserves qui auront été faites au moment de la ratifica-tion ou de l'adhésion.

2. Aucune réserve incompatible avec l'objet et le but de la présente Convention nesera autorisée.

3. Les réserves peuvent être retirées à tout moment par voie de notification adresséeau Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, lequel informe tous lesEtats parties à la Convention. La notification prendra effet à la date de réception.

Article 291. Tout différend entre deux ou plusieurs Etats parties concernant l'interprétation ou

l'application de la présente Convention qui n'est pas réglé par voie de négociationest soumis à l'arbitrage, à la demande de l'un d'entre eux. Si, dans les six mois quisuivent la date de la demande d'arbitrage, les parties ne parviennent pas à semettre d'accord sur l'organisation de l'arbitrage, l'une quelconque d'entre elles peutsoumettre le différend à la Cour internationale de Justice, en déposant une requêteconformément au Statut de la Cour.

2. Tout Etat partie pourra, au moment où il signera la présente Convention, la ratifieraou y adhérera, déclarer qu'il ne se considère pas lié par les dispositions du para-graphe 1 du présent article. Les autres Etats parties ne seront pas liés par lesditesdispositions envers un Etat partie qui aura formulé une telle réserve.

3. Tout Etat partie qui aura formulé une réserve conformément aux dispositions duparagraphe 2 du présent article pourra à tout moment lever cette réserve par unenotification adressée au Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies.

Article 30La présente Convention, dont les textes en anglais, arabe, chinois, espagnol, françaiset russe font également foi, sera déposée auprès du Secrétaire général de l'Organisationdes Nations Unies. En foi de quoi les soussignés, à ce dûment habilités, ont signé la présente Convention.

Genres, Stéréotypes et Communication - 92

Page 93: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Liste des participant-e-sOnt participé à ces journées de formationet de réflexion co-animées par Ariel CAR-LIER (LE FOREM) et Emmanuelle DANBLON(Université Libre de Bruxelles)

AFT-IFTIM (France)Edith GUENNETEAU

ANTRAM (Portugal)Ana GOMES SILVA

Arbeitsamt de la CommunautéGermanophone

Christiane EICHERAstrid JENNIGESSilvie NYSSENJoseph PETERS

CBE – Comité de Bassin d’Emploi d’EpernayEric de BOUCLANSJason JOBERT

Centre coordonné de l’Enfance de ChâteletMartine BONNEJONNEOlivier CASSINChristelle CHAMPIONAngélique COLSONCarole DAMSINCharlotte de LEU DE CECILCédric DE LONGUEVILLEAurélie DESSARTCéline FLAMENTRaphaël GAUTHIERElisa JACOBSAurélie LELUPEJo MARTINTanguy PUISSETReine MARCELISCaroline SPEZIWilly TIPPEAUMikaïl ZRIKA

Centre d’Orientation et de Formationd’Amay (COF)

Marie-France HOLLANGEMarie VAES

CESEP NivellesNathalie DAMMANMadeleine MIGNOLET

GRETA LorraineLaurent BURG

IRFA Est de la FranceRosette HAAR

OSERADenis ISSA

Retravailler FranceYves DELOISON

SETCAAnne-Marie BROGNIEZ

Cellule FSEJenny CHARLIERFlorence HOGNELaetitia MAGINOTIngrid MARTENSMagdalena POLACZYK

BRASEAPSandrinne GERARDSabrina BORDRONPascale JOFFRINMichaël GARCIA

FLORASophie GIEDTSAnne KERVYN

SOFFTAnne DELEPINEEdith DE WOUTERSMyriam FATZAUNMyriam LEMORT

Fondation Travail-UniversitéCaroline GUFFENS

LE FOREMAriel CARLIER Serge CASTELAIN Danielle COLLINETMarie-Christine EXSTEYL Vassiliki GHIKAKISRobert GILLOTPascal GRAULICHDanièle JAËLRosy MONTAGNERAnne MUSELLE Marianne PARADOWSKI Christiane PERWUELZSimon TRAPPENIERSYves VANDERBIEST

Genres, Stéréotypes et Communication - 93

Page 94: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

BIBLIOGRAPHIEAMOSSY, Ruth et HERSCHBERG PIERROT, Anne, 1997, Stéréotypes et Clichés, Paris,Nathan Université.

BADINTER, Elisabeth, 2003, Fausse route, Paris, Odile Jacob.

DANBLON Emmanuelle, 2002, Rhétorique et rationalité. Essai sur l’émergence de la cri-tique et de la persuasion, Éditions de l’Université de Bruxelles, Collection «Philosophieet Société ».

DANBLON, Emmanuelle, 2004, Argumenter en démocratie, Labor, Quartier Libre.

DANBLON, Emmanuelle, éd., 2004, Les stéréotypes féminins. Une étude rhétorique etdiscursive, Revue Degrés.

DANBLON, Emmanuelle, éd., 2004, Les stéréotypes féminins. Une étude rhétorique etdiscursive, Revue Degrés.

FARGE, Arlette, 1982, Le miroir des femmes, (textes réunis et commentés), Paris,Montalba, Bibliothèque bleue.

GRICE, H. Paul, 1979, « Logique et conversation », traduction par Frédéric Berthet etMichel Bozon, Communications, n° 30, 57-72.

HEINICH, Nathalie, 1996, Etats de femme. L’identité féminine dans la fiction occidenta-le, Paris, Gallimard.

HEINICH, Nathalie, 2003, Les ambivalences de l’émancipation féminine, Paris, AlbinMichel.

JONCKERS, Danielle, CARRÉ, Renée et DUPRÉ, Marie-Claude, éds., 1999, Femmes plu-rielles. Les représentations des femmes. Discours, normes et conduites, Paris, Editionsde la Maison des Sciences de l’Homme

MAINGUENEAU, Dominique, 1999, Féminin fatal, Paris, Descartes et Cie.

MILL, John Stuart, 1988 (1866), Système de Logique, Liège-Bruxelles, Mardaga.

PERELMAN, Chaïm et OLBRECHTS-TYTECA, Lucie, 1988 (1958) Traité de l’argumentation,5e éd., Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles.

QUITARD, M., 1842, Proverbes sur les femmes, l’amitié, l’amour et le mariage, Paris,Librairie Garnier Frères.

RYLE, Gilbert, 1971 (1950), « If, So and Because », dans Collected Papers, Londres,Hutchinson, 234-249.

Genres, Stéréotypes et Communication - 94

Page 95: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

TOULMIN, Stephen E., 1958, The Uses of Argument, Cambridge, Cambridge UniversityPress.

TOULMIN, Stephen E., 1993, Les usages de l’argumentation, traduction par Philippe DeBrabanter, Paris, Presses Universitaires de France.

http://www.culture.gouv.fr/culture/actualites/conferen/Aillagon2002/trintignant.htm

www.artsci.wustl.edu/~philos/MindDict/grice.html

http://sisyphe.org/article.php3?id_article=577

Genres, Stéréotypes et Communication - 95

Page 96: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

GLOSSAIRE

Épicène : se dit d’un mot (adjectif, pronom ou substantif) dont la forme ne varie passelon le genre.

Genre : terme qui relève au départ de la grammaire et qui désigne la morphologieféminine ou masculine des mots. Par extension, désigne le « sexe social » etrecouvre l’ensemble des études et des travaux de toutes disciplines traitant de la différence entre les hommes et les femmes.

Égalité : valeur politique inscrite dans la déclaration des droits de l’Homme et se fondant sur une règle de justice stipulant que chaque membre d’une mêmecatégorie doit bénéficier d’un traitement égal.

Notions floues : les valeurs politiques et sociales qui sont inscrites dans les charteset les textes de droit sont représentées par des notions telles quel’égalité, la liberté, la dignité. Le « flou » est une qualité linguis-tique de ces notions qui permet simultanément de rassembler unconsensus assez large lors de leur inscription dans les textes juri-diques et de laisser une certaine souplesse à l’interprétation destextes face à des cas partculiers.

Discours épidictique : chez Arisote, désigne les discours d’éloge et de blâme dans lesquels on renforce les valeurs chères à la communauté. Par extension, désigne tous les discours de circonstances quiont pour fonction rhétorique essentielle de raviver le sentimentd’adhésion à des valeurs communes.

Induction : type de raisonnement qui mène de la répétition de plusieurs éléments particuliers vers une loi générale. Par exemple, l’observation de plusieurscorbeaux noirs mène à la loi générale « tous les corbeaux sont noirs ».

Inférence : chemin logique qui, grâce à un raisonnement, mène d’une ou de plusieurs prémisses vers une conclusion. L’inférence peut être inductive, déductiveou abductive.

Stéréotype : au départ, lieu commun, comme un autre, mais dont le contenu pose, à un certain moment, un problème politique à la société qui l’a produit.Celle-ci doit donc adopter une attitude face à lui qui est complexe.

• Inversion du stéréotype : on déconstruit volontairement le stéréotype en affichantl’inverse de ce qu’il évoque traditionnellement. Procédé « subversif » qui joue surl’ironie et la complicité avec l’auditoire. Cf. détournements de proverbes :« Les amis sont toujours là quand ils ont besoin de nous ».

• Neutralisation du stéréotype : on construit une représentation de la société quicherche à faire disparaître les caractères assaillants du stéréotype derrière la multitude.

Genres, Stéréotypes et Communication - 96

Page 97: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

SOMMAIREPréambule ................................................................................................ 2

Au menu de la formation ............................................................................ 3

Stéréotypes................................................................................................ 4

- Préliminaires ........................................................................................ 4

- Postulats de départ ................................................................................ 4

- Stéréotype=? ........................................................................................ 5

- origine et formation des lieux communs .................................................. 7

- Lieux communs et garantie .................................................................. 10

- Les stéréotypes .................................................................................. 10

- Les sociétés orales .............................................................................. 11

- L’autre .............................................................................................. 12

- Qu’en est-il, ici et maintenant .............................................................. 17

Modèle de TOULMIN : premier outil pour l’argumentation .............................. 19

- Modèle ou cadre de Toulmin ................................................................ 19

- Qu’est-ce qui va nous servir dans l’argumentation? .................................. 22

- Argumentation et valeurs .................................................................... 24

- Restriction et stéréotype ...................................................................... 24

- Exercices d’entraînement au modèle de Toulmin ...................................... 25

- En résumé .......................................................................................... 27

Traitement des stéréotypes & valeurs : 2 grandes options .............................. 28

- Universalisme & neutralisation du stéréotype .......................................... 32

- Particularisme & inversion du stéréotype ................................................ 33

- Ménager la chèvre et le chou ? ............................................................ 34

- En conclusion ......................................................................................35

Bilan des politiques en matière de féminisation des noms et

des titres en francophonie ........................................................................ 36

- Politiques de féminisation des noms, des fonctions et des métiers ............ 36

• Préambule : le statut du langage .................................................... 36

• La féminisation des noms de métiers et de fonctions

et des titres en Francophonie ........................................................ 38

• Conclusion .................................................................................. 41

Genres, Stéréotypes et Communication - 97

Page 98: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Solution des exercices................................................................................ 43

- Toulimin - exercice 1 .......................................................................... 43

- Toulmin - exercice 2 ............................................................................ 47

Annexes et commentaires .......................................................................... 52

- Extrait du forum des «Chiennes de garde» .............................................. 52

- Portrait de Marie Trintignant - Nouvel Observateur .................................. 55

- Eloge funèbre de Marie Trintignant ........................................................ 58

- Autre lecture sur le thème de la mort de Marie Trintignant :

« Marie Trintignant a été tuée par un homme violent » ............................ 63

- Campagne « Il n’y a pas de métiers de femmes,

il y a des femmes de métiers » .............................................................. 70

- Egalité des chances (dépliant) .............................................................. 72

- Rapport d’activités du FOREM ................................................................ 75

- Femmes dans les TIC ............................................................................ 77

- Quelques représentations de l’homme et de la femme dans la publicité ........ 78

- Illustration des «notions floues» .......................................................... 81

- Liste des participant-e-s ...................................................................... 93

Bibliographie .......................................................................................... 94

Glossaire ................................................................................................ 96

Genres, Stéréotypes et Communication - 98

Page 99: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

NOTES......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

Genres, Stéréotypes et Communication - 99

Page 100: 59599032 Genre Stereotypes Et Communication Partie 1

Genres, Stéréotypes et Communication - 100

NOTES......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................

......................................................................................................................