7 la colonisation européenne (vers...
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1850 1860 1870 1880 1890 1900 1910 1920 1930 1940
1848 abolition de l’esclavagedans les colonies françaises
PremièreGuerre
mondiale
1936conquête de l’Éthiopie
SecondeGuerre
mondiale
1898crise de Fachoda
1905 et 1911crises marocaines
1918Président Wilson
opposé à la colonisation
1930agitation dans les colonies
françaises et anglaises
1884-1885conférence
de Berlin
SénégalCochinchine
Algérie
Inde, Canada, Australie APOGÉE DE L’IMPÉRIALISME ET DE LA COLONISATION
ESSOR DELA COLONISATION
Colonisation française
Colonisation anglaise
131
La colonisation européenne qui remonte au XVIe s., connaît à partir du milieu du XIXe s.une nette accélération : les empires britannique et français s’agrandissent, de nouvellespuissances entreprennent des conquêtes coloniales et de vastes territoires, sans êtrecolonisés, sont placés sous le contrôle économique de l’Europe. Cette situation,maintenue inchangée jusqu’en 1939, donne le sentiment que l’Europe domine le monde,même si cette domination commence à être contestée, en particulier à partir de 1919.
➤ Comment expliquer une expansion coloniale aussi rapide ?Comment et par qui est-elle contestée ?
7CHAPITRE La colonisation européenne
(vers 1850-1939)
130
1 D’une domination coloniale encore partielle…Les colonies européennes vers 1860.
o c é a n
A t l a n t i q u e
o c é a n
P a c i f i q u e
o c é a n
P a c i f i q u e
o c é a n
I n d i e n
4 000 km
Pays colonisateurs et leurs colonies
Espagne
Portugal
Pays-Bas
Danemark
Empire ottoman
Russie
Royaume-Uni
France
Sainte-Hélène
Saint-Pierre-et-Miquelon
Cuba
Guyanes
GuadeloupeMartinique
Jamaïque
Porto Rico
Hondurasbritannique
Sénégal
Gambie Guinée port.Sierra Leone
Angola
Coloniedu Cap
Mozambique
Côte de l’OrGabon
Natal
Obock
Guinée esp.
RéunionMaurice
Mayotte
ROYAUME-UNI
FRANCE
ESPAGNEPORTUGAL
Algérie
DANEMARK
PAYS-BAS
EMPIRE OTTOMAN
E M P I R E R U S S E
Inde
Aden
Ceylan Singapour
Tahiti
Islande
Groenland
Bermudes
Canada
Bahamas
Falkland
AçoresMadère
Canaries
Seychelles
Australie
Nouvelle-Zélande
Nouvelle-Calédonie
Java Timor
Bornéo
Cochinchine
Philippines
Alaska
équateur
Pondichéry
2 … à une domination mondiale.Les empires coloniaux en 1939.
o c é a n
A t l a n t i q u eo c é a n
P a c i f i q u e
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P a c i f i q u e
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I n d i e n
Royaume-Uniet Commonwealth
Puissances coloniales et leurs colonies
4 000 km
États indépendantsliés au Royaume-Uni
Japon
occupation japonaiseen Chine
Sainte-Hélène
France
Portugal Espagne
Pays-Bas Danemark
Belgique
Italie
Afriquedu Sud
Saint-Pierre-et-Miquelon
Guyanes
GuadeloupeMartinique
Jamaïque
Hondurasbritannique Gambie
Sierra Leone
Angola
AFRIQUEDU SUD
Mozambique
Côte de l’Or
Nigéria
Soudan
RéunionMaurice
Comores
Algérie
Empiredes Indes
Aden
CeylanSingapour
Tahiti
Groenland
Bermudes
Bahamas
Falkland(Malouines)
Açores
MadèreCanaries
Seychelles
Australie
Tasmanie
Nouvelle-Zélande
Nouvelle-Calédonie
IndochinePhilippines
Alaska(É-U)
équateur
ÉTATS-UNIS
Marquises
Établissements françaisd’Océanie
Pitcairn
Hawaï(É-U)
Madagascar
Namibie
MarocTunisie
LibyeAfrique
occidentalefrançaise
Rio de Oro
Afriqueéquatorialefrançaise
Congobelge
ÉGYPTE
Érythrée
ÉthiopieSomalie
Kenya
Tanganyika
KoweitIRAK
SyriePalestine
Goa
Nouvelle-Guinée
WakeMariannes
Carolines
Salomon
FidjiNouvelles-Hébrides
Bounty
Antipodes
JAPON
Mandchoukouo
MacaoHong Kong
Formose
CHINE
Aléoutiennes(É-U)
Indes
néerlandaises
Gilbert
Marshall
Rhod
ésie
C a n a d a
Pondichéry
• La colonisation européenne (vers 1850-1939)CHAPITRE 7132
Les causes de la colonisationA.La domination humaine de l’Europe doc.1■ La vitalité démographique de l’Europe fournit une première explication. Entre1840 et 1914, près de 40 millions d’Européens quittent le continent pour s’établir auxÉtats-Unis ou dans des colonies de peuplement.Ce mouvement s’accélère de 1880à 1914 : entre 1900 et 1914, plus d’un million de personnes quittent l’Europe chaqueannée, surtout à destination des États-Unis. Malgré ces départs massifs, la populationde l’Europe représente encore 24 % de la population mondiale en 1850, 26 % en 1900et 25 % en 1914. Cette proportion, jamais atteinte auparavant, diminuera constam-ment par la suite.■ À partir des années 1870, l’Europe connaît une crise économique, la GrandeDépression (1873-1896). Le départ outre-mer apparaît donc comme un moyen de ré-gler les problèmes sociaux des pays européens. Partir pour les colonies, tout commeémigrer aux États-Unis, c’est, pour ceux qui acceptent de quitter leur pays, prendre unnouveau départ dans la vie.■ Des États favorisent l’émigration outre-mer.C’est le cas du Royaume-Uni, dontles colons partent peupler le Canada et l’Australie ; c’est aussi le cas de la France, quicolonise l’Algérie.
B.La volonté de civiliser le monde doc.2,4 et 5■ Au milieu du XIXe s.,des parties importantes de l’Asie et de l’Afrique restent encoreinconnues des Européens.Des sociétés de géographie encouragent l’exploration desterritoires inconnus en Afrique, en Asie et en Océanie. L’Afrique et l’Asie sontainsi presque entièrement découvertes, les pôles atteints dans les premières annéesdu XXe s. Le monde en 1914 est un monde presque entièrement connu, grâce auxEuropéens.■ Des sociétés missionnaires poussent également au développement des explora-tions. Ses membres veulent évangéliser les indigènes et lutter contre l’esclavage.La puissance économique de l’Europe donne aux Européens l’impression qu’ils ont ledevoir d’éduquer les peuples des autres continents. C’est « le fardeau de l’hommeblanc » dont parle le poète britannique Rudyard Kipling en 1899.■ Ce complexe européen de supériorité repose parfois sur de bons sentiments etsur la certitude que la culture et les institutions politiques européennes (démocratielibérale, république dans le cas de la France) sont les meilleures du monde et qu’il fauten faire bénéficier les peuples des autres continents.
C.Développer sa puissance économique et stratégique doc.3 et 6■ La domination européenne obéit aussi à des motifs stratégiques. Certaines puis-sances (Royaume-Uni, France) cherchent à contrôler les routes maritimes vers leurspossessions d’outre-mer : la « route des Indes » (Gibraltar,Malte, canal de Suez, Aden)est ainsi vitale pour le Royaume-Uni. Il est donc nécessaire d’installer sur les côtes oudans des îles des points de ravitaillement (eau, vivres, charbon surtout avec le déve-loppement de la marine à vapeur) pour les navires. Ces escales sur les côtes serventensuite de points de départ pour l’exploration ou la conquête de l’intérieur.■ Enfin, le développement économique de l’Europe pousse les industriels et les Étatsà rechercher des débouchés extérieurs. Les colonies fournissent ainsi des matièrespremières et des produits tropicaux pour les pays européens.Elles sont également desdébouchés pour les produits fabriqués en métropole et offrent des possibilités deplacements pour les capitaux européens. La colonisation européenne aboutit ainsi audéveloppement de l’impérialisme européen.
V O C A B U L A I R E1impérialisme : voir Ne pas confondre p. 140.métropole : État européen possédant descolonies ; le mot est surtout utilisé dans lescolonies.
1 Le poids démographique de l’Europe. (en millions de personnes)
1850Europe
Asie
Afrique
AmériqueNordSud
Total
% Europe
266
671
100
4060
20
1 097
24 %
1870310
700
115
8560
25
1 210
25,6 %
1900400
860
130
106144
38
1 534
26 %
« Le fardeau de l’homme blanc »Ô Blanc, reprends ton lourd fardeau :Envoie au loin ta plus forte race,Jette tes fils dans l’exilPour servir les besoins de tes captifs ;Pour – lourdement équipé – veillerSur les races sauvages et agitées,Sur vos peuples récemment conquis,Mi-diables, mi-enfants. […]Blanc, reprends ton lourd fardeau ;Tes récompenses sont dérisoires :Le blâme de celui qui veut ton cadeau,La haine de ceux-là que tu surveilles.La foule des grondements funèbresQue tu guides vers la lumière :« Pourquoi dissiper nos ténèbres,Nous offrir la liberté ? »
Rudyard Kipling, 1899.
2
1. Expliquer « Jette tes fils dans l’exil » et« races sauvages et agitées ».
2. Selon Kipling, la colonisation est-elleacceptée ? Qui s’y oppose ? Au nom de quoi ?
} } }
Tripoli
TangerAlger Biskra
Le Caire
Bardai
Kouka Yoa El Facher
Khartoum
Le CapPort Elizabeth
Kuruman
St-Paul-de-Loanda
Chitambo
Tombouctou
zones connuesen 1849
zones exploréesde 1850 à 1900
zones inconnuesen 1900Stanley (1871-1877),
R.-U.
Barth (1850-1855),Allemagne
Savorgnan de Brazza(1875-1880), FranceFoureau - Lamy(1898-1900), France
Livingstone(1849-1873), R.-U.
Nachtigal (1871-1873),Allemagne
Explorateurs :
Nord
2 000 km
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A t l a n t i q u e
Congo
Nil
lacVictoria
lac Tanganyika
lac Malawi
Zambèze
Niger
lacTchad
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4 Le rôle des grandes explorations : la découverte de l’Afrique.
5 Livingstone dans le bassin du Zambèze
J’ai visité les chutes appelées Chongoué ou Mosi-oa-Tounya,dont on aperçoit les colonnes vaporeuses après vingt minutesde navigation à partir de Calaï. Le paysage est admirable. Je mefis débarquer dans une île qui est presque au milieu de la cas-cade et qui me permit de jouir du magnifique spectacle d’unfleuve large de mille mètres, s’engouffrant d’une seule massedans un abîme qui n’a guère plus de vingt mètres de largeur.C’est le spectacle le plus saisissant que j’aie contemplé enAfrique. J’ai donné à ces chutes le nom de Victoria [...].
Notre expédition est la première qui ait vu la traite au lieumême de son origine, et l’ait suivie dans toutes ses phases. Je me sens moins disposé que jamais à laisser aux commer-çants d’esclaves les régions que j’ai parcourues.
Je me propose de pénétrer dans les terres, au nord des pos-sessions portugaises, et d’y introduire le système qui a produitde si heureux effets sur la côte de la Guinée ; système dans le-quel l’établissement d’un commerce licite et celui des missionschrétiennes se joignent aux efforts des croiseurs.
David et Charles Livingstone, Explorations dans l’Afrique australe et dans le bassin du Zambèze, Hachette, 1885.
3 Investissements à l’étranger.
Royaume-Uni 300 7 850
France 100 3 300
Allemagne - 2 000
Pays-Bas 300 1 000
Ensemble de l’Europe 900 16 500
États-Unis - 400
Monde 900 17 000
1870 1900
1. Présenter le document.2. Quels sont les arguments avancés en faveur de la colonisation ?3. Selon l’auteur, quels avantages la colonisation apporte-t-elle ?4. Montrer que, derrière ces arguments, pointe l’idée d’une supériorité de la civilisation européenne.
133
(en millions de dollarscourants).
6 Pourquoi coloniser ?La colonisation est la force expansive d’un peuple, c’est sa puis-sance de reproduction, c’est sa dilatation et sa multiplication àtravers les espaces ; c’est la soumission de l’univers ou d’unevaste partie à sa langue, à ses mœurs, à ses idées et à ses lois.Un peuple qui colonise, c’est un peuple qui jette les assises desa grandeur dans l’avenir et de sa suprématie future. Toutes lesforces vives de la nation colonisatrice sont accrues par ce dé-bordement au-dehors de cette exubérante activité. Au point devue matériel, le nombre des individus qui forment la race s’aug-mente dans une proportion sans limite ; la quantité des res-sources nouvelles, des nouveaux produits, qui se trouventsolliciter l’industrie métropolitaine, est incommensurable ; lechamp d’emploi des capitaux de la métropole et le domaine ex-ploitable ouvert à l’activité de ses citoyens, sont infinis. Au pointde vue moral et intellectuel, cet accroissement du nombre des
forces et des intelligences humaines, ces conditions diverses oùtoutes ces intelligences et ces forces se trouvent placées, modi-fient et diversifient la production intellectuelle. Qui peut nierque la littérature, les arts, les sciences d’une race ainsi amplifiéen’acquièrent un ressort que l’on ne trouve pas chez les peuplesd’une nature plus passive et sédentaire ? Il se produit aussi dansce domaine intellectuel un phénomène analogue à celui quenous avons noté dans le domaine de l’industrie. […]À quelque point de vue que l’on se place, que l’on se renfermedans la considération de la prospérité et de la puissance maté-rielle, de l’autorité et de l’influence politique, ou que l’on s’élèveà la contemplation de la grandeur intellectuelle, voici un motd’une incontestable vérité : le peuple qui colonise le plus est lepremier peuple ; s’il ne l’est pas aujourd’hui, il le sera demain.
P. Leroy-Beaulieu, membre du parti radical, De la colonisation chez les peuples modernes, 1874.
1. Quel rôle joue Livingstone dans l’exploration de l’Afrique ?2. Quel aspect de la colonisation est ici mis en évidence ?
135• La colonisation européenne (vers 1850-1939)CHAPITRE 7134
L’expansion coloniale avant 1914
A.Des empires longtemps modestes■ Les empires coloniaux, nés au XVIe s., ont d’abord été marqués par une économiede plantation, reposant sur la culture de produits tropicaux, comme le coton ou lacanne à sucre. Au XIXe siècle, après l’abolition de l’esclavage, beaucoup d’Européensestiment alors la colonisation inutile. Les libéraux admettent qu’on crée des coloniesde peuplement dans des territoires encore à peu près vides, comme l’Australie (en-core que les émigrants se dirigent surtout vers les États-Unis). Mais ils jugent trop coûteux de conquérir et contrôler des territoires fortement peuplés pour enfaire des colonies d’exploitation. Ils préfèrent y entretenir de simples relationscommerciales par le biais de comptoirs.■ Vers 1850, l’empire britannique s’étend sur 22 millions de km2 et compte 240millions d’habitants. Il comprend notamment le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande ainsi que des îles et des comptoirs, escales sur la « route des Indes ». Les colonies de la France, des Pays-Bas, de l’Espagne et du Portugal sont beaucoup moinsétendues. L’Afrique demeure encore en grande partie inconnue des Européens.
B.La reprise de l’expansion coloniale doc.2■ Après 1870, la colonisation européenne se développe rapidement. L’essor colonialtient surtout aux difficultés de la Grande Dépression qui pousse les États à s’assurerdes marchés outre-mer : pour Jules Ferry, chef du gouvernement français, « une co-lonie,c’est d’abord un débouché ».■ L’essor colonial, lié à l’impérialisme, conduit certains États à se doter de zones d’in-fluence leur assurant un statut de grande puissance.Une telle politique concerne nonseulement la France, le Royaume-Uni, la Russie mais aussi de jeunes États tels quel’Allemagne, la Belgique et l’Italie.■ En Asie, le Royaume-Uni renforce sa domination en Inde, où l’autorité du gouver-nement se substitue en 1858, au lendemain de la grave révolte des Cipayes, à celle del’East India Company tandis que la France conquiert l’Indochine, entre 1859 et 1895et que les Pays-Bas poursuivent la conquête du gigantesque archipel indonésien. Maisc’est en Afrique que les conquêtes européennes sont les plus importantes. Lesconquêtes s’accélèrent après 1880 : Jules Ferry qualifie ces rivalités coloniales de « course au clocher ».
C.Le partage du monde doc.1,3,4 et 5■ Pour régler les rivalités qui ne cessent de surgir entre elles, les puissances euro-péennes réunissent une conférence à Berlin en 1884-1885. On y définit les règlesdes conquêtes coloniales. Pour qu’une colonie appartienne à un pays européen, uneoccupation effective du territoire est nécessaire. Les conquêtes coloniales reposentdésormais sur un accord international, accepté par tous les pays européens.Quasiment inconnue des Européens au XIXe siècle, l’Afrique est presque entièrementcolonisée en 1914.■ L’essor colonial engendre néanmoins des rivalités régionales entre pays européens :entre le Royaume-Uni et la Russie à propos de l’Afghanistan, aux confins de l’Inde an-glaise et de l’Asie centrale russe ; entre le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne enAfrique. Il en résulte des crises internationales. Une des plus graves survient en1898, entre Français et Britanniques, à Fachoda, à propos du Soudan. Deux autrescrises éclatent entre la France et l’Allemagne à propos du Maroc, en 1905-1906 puisen 1911. À la suite d’un accord international, le Maroc revient à la France ; l’Allemagnereçoit en échange des territoires français en Afrique centrale.
2 Les décisions de la conférence de BerlinArt.1 - Tous les pavillons sans distinction de nationalité, aurontlibre accès à tout le littoral des territoires énumérés ci-dessus,aux rivières qui s’y déversent dans la mer, à toutes les eaux duCongo et de ses affluents, y compris les lacs, à tous les ports si-tués au bord de ces eaux. […]Art. 6 - Toutes les puissances exerçant des droits de souverai-neté ou une influence dans lesdits territoires s’engagent àveiller à la conservation des populations indigènes et à l’amé-lioration de leurs conditions morales et matérielles d’existenceet à concourir à la suppression de l’esclavage et surtout la traitedes noirs ; elles protégeront et favoriseront […] toutes les insti-tutions et entreprises religieuses, scientifiques ou charitables,créées et organisées à ces fins, ou tendant à instruire les indi-gènes et à leur faire comprendre et apprécier les avantages dela civilisation. […]13 - La navigation du Congo est et demeurera entièrement librepour les navires marchands […] de toutes les nations, tant pourles marchandises que pour les voyageurs. […]26 - La navigation du Niger est et demeurera entièrement librepour les navires marchands […] de toutes les nations, tant pourles marchandises que pour les voyageurs. […]34 - La puissance qui, dorénavant, prendra possession d’un ter-ritoire sur les côtes du continent africain, […] ou qui viendrait àen acquérir avertira les autres puissances signataires. […]35 - Les puissances signataires […] reconnaissent l’obligationd’assurer, dans les territoires occupés par elles, l’existenced’une autorité suffisante pour faire respecter les droits acquis.États représentés : Allemagne, Autriche-Hongrie, Belgique,Danemark, Empire ottoman, Espagne, États-Unis, France, Italie,Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Russie, Suède.
2V O C A B U L A I R E
1. Quelles sont les décisions prises lors de cette conférence ?2. Quels États européens sont engagés dans ces décisions ?3. À quelle condition un État européen peut-il revendiquer
une colonie ? Quelles garanties sont apportées aux populationsindigènes ?
économie de plantation : économiereposant sur la culture de plantes tropicaleseffectuée dans de grands domaines mis envaleur par des esclaves ou des ouvriersagricoles.colonie d’exploitation : colonie souventsituée en zone chaude, où les Européens sontpeu nombreux, et destinée à fournir à la métropole des produits tropicaux.comptoir : établissement commercial dirigépar un État (métropole) dans un territoireétranger.
Nord
Le Caire
DakarDjibouti
Fachoda
Kitchener
Marchand
Le Cap
3 000 km
colonies britanniquesen 1898
colonies françaisesen 1898
« verticale » anglaise
« transversale » française
rencontre Marchand-Kitchener à Fachoda(Soudan)
1 La crise de Fachoda.En 1898, la France organise sous les ordresdu capitaine Marchand, une expédition,en direction de la haute vallée du Nil, qu’elleatteint à Fachoda en juillet 1898. De leurcôté, les Britanniques veulent contrôler le Soudan : remontant le Nil, le généralKitchener arrive en septembre 1898 àFachoda.Les Britanniques somment les Français derappeler Marchand. Après une vive tensiondiplomatique entre les deux pays, et devantle risque d’une guerre, le gouvernementfrançais cède et rappelle Marchand(novembre 1898). Finalement, un accord(mars 1899) délimite la frontière entre les colonies des deux pays dans cette régionet les Britanniques s’engagent à appuyer lesFrançais dans leurs evendications ultérieures,en particulier au Maroc.
3 Exposition coloniale de Marseille, 1906.
4 Plantation de café au Cameroun après 1920.
5 Les antagonismes entre France et Allemagne au Maroc. « La conférence du Maroc ». Caricature allemande du 8 janvier 1906 lors de la première crise marocaine (1905-1906).
137• La colonisation européenne (vers 1850-1939)CHAPITRE 7
A. Présenter les documents (nature, date, auteur)
B. Dégager des informations des documents1. Quels sont les arguments des libéraux contre lacolonisation ? (doc. 1)2. Quels sont les arguments de Jules Ferry en faveur de la colonisation ? (doc. 2)3. Quelles sont les critiques dirigées contre la politique de Jules Ferry en 1885 ? (doc. 3) 4. Quels sont les pays colonisateurs ? Comparer l’évolutionde la taille des empires coloniaux aux trois dates. (doc. 4)5. Comment sont présentés les Italiens et les indigènes ?Comment la colonisation de la Tripolitaine est-elle justifiée ?(doc. 5)6. Quel est le point de vue de Karl Marx sur la colonisationde l’Inde par les Britanniques (doc. 6)
C. Mettre en relation les documents7. Montrer comment et pourquoi les opinions européennesse sont ralliées peu à peu à la colonisation.
D. Synthèse8. Quels arguments sont utilisés pour justifier la colonisation ?
Q U E S T I O N S
3 Clemenceau et la colonisationRaces supérieures, races supérieures, c’est bientôt dit. Pour mapart, j’en rabats singulièrement depuis que j’ai vu des savantsallemands démontrer scientifiquement que la France devaitêtre vaincue dans la guerre franco-allemande parce que leFrançais est d’une race inférieure à l’Allemand. Depuis cetemps, je l’avoue, j’y regarde à deux fois avant de me retournervers un homme et vers une civilisation et de prononcer :homme ou race inférieures. […] C’est en augmentant inces-samment les charges du budget que vous prétendez vous ouvrir des débouchés, alors qu’il y a d’autres nations à côté denous qui, n’ayant pas fait la dépense de ces expéditions colo-niales, entrent en lutte avec nous sur le terrain même que nousavons choisi. Comme elles ont des budgets qui ne sont pasgrevés des frais de ces expéditions, elles nous font une concur-rence redoutable et nous enlèvent le commerce jusque dansnos propres marchés. Nous faisons la police pour elles et nousmontons la garde pour qu’elles puissent commercer en toutesécurité et gagner de l’argent à nos dépens. Lors donc que,pour vous créer des débouchés, vous allez guerroyer au boutdu monde, lorsque vous dépensez des centaines de millions,lorsque vous faites tuer des milliers de Français pour ce résultat, vous allez directement contre votre but : autant d’hommes tués, autant de millions dépensés, autant de chargesnouvelles pour le travail, autant de débouchés qui se ferment.
Clemenceau discours à la chambre des députés, 31 juillet 1885.
3
136
Pour ou contre la colonisation ?
DOSSIER
Vers 1850, les colonies sont encore peu nombreuses etseul le Royaume-Uni possède alors un empire colonial de grande taille. Les économistes libéraux sont peufavorables à la colonisation, que l’on accuse de coûterplus cher qu’elle ne rapporte. C’est surtout après 1870que les puissances européennes se lancent dans lacolonisation. Le redémarrage des conquêtes coloniales
entraîne un débat parmi les opinions publiques.Ces dernières se rallient majoritairement aux conquêtescoloniales à partir des années 1890. Des groupes depression (en France, le « parti colonial ») rassemblentdes députés de tous les partis, des industriels, desmembres de l’Église pour appuyer le développement des empires coloniaux.
Les libéraux contre la colonisationLes vraies colonies d’un peuple commerçant, ce sont les peu-ples indépendants de toutes les parties du monde. Tout peuplecommerçant doit désirer qu’ils soient tous indépendants, pourqu’ils deviennent tous plus industrieux et plus riches ; car plusils sont nombreux et productifs, et plus ils présentent d’occa-sions et de facilités pour les échanges. Ces peuples alors devien-nent pour vous des amis utiles, et qui ne vous obligent pas deleur accorder des monopoles onéreux, ni d’entretenir à grandsfrais des administrations, une marine et des établissements mi-litaires aux bornes du monde. Un temps viendra où l’on serahonteux de tant de sottises, et où les colonies n’auront plusd’autres défenseurs que ceux à qui elles offrent des places lucratives, le tout aux dépens des peuples.
J.-B. Say, Traité d’économie politique, 1825.
1
Karl Marx et la colonisation de l’IndeL’Angleterre a une double mission à remplir en Inde : l’unedestructrice, l’autre régénératrice – l’annihilation de la vieillesociété asiatique et la pose des fondements matériels de la so-ciété occidentale en Asie.Arabes, Turcs, Tatares, Moghols, qui envahirent successive-ment l’Inde furent bien « hindouisés ». Les conquérants bar-bares étaient par une loi éternelle de l’histoire, conquiseux-mêmes par la civilisation supérieure de leurs sujets. LesBritanniques étaient les premiers conquérants supérieurs etpar conséquent inaccessibles à la civilisation hindoue. Ils la dé-truisirent en détruisant les communautés indigènes, l’industrieindigène et en nivelant tout ce qui était grand et élevé dans lasociété indigène. […]L’unité politique de l’Inde, […] imposée par l’épée britanniqueva maintenant être affermie et perpétuée par le télégrapheélectrique. L’armée indigène organisée et entraînée par le ser-gent-instructeur britannique était le sine qua non de l’Inde s’é-mancipant et de l’Inde cessant d’être la proie du premier intrusétranger. La presse libre, introduite pour la première fois dansla société asiatique, et gérée principalement par la communeprogéniture d’Hindous et d’Européens, est un nouvel et puis-sant agent de reconstruction. Les natifs de l’Inde, éduqués, en-core qu’avec mauvaise grâce et parcimonie, à Calcutta, sous latutelle anglaise, sont en train dé former une classe nouvelle,douée des aptitudes requises au gouvernement et imbue descience européenne. […] Le jour n’est pas bien loin où, par unecombinaison de chemins de fer et de bateaux à vapeur, la dis-tance entre l’Angleterre et l’Inde, mesurée par le temps, seraréduite à huit jours, et où cette contrée jadis fabuleuse sera pra-tiquement annexée au monde occidental.
K. Marx, « Les résultats éventuels de la domination britannique en Inde »,article dans le New York Daily Tribune, 8 août 1853.
6
Jules Ferry justifie sa politique colonialeLa concurrence, la loi de l’offre et de la demande, la liberté deséchanges, l’influence des spéculations, tout cela rayonne dansun cercle qui s’étend jusqu’aux extrémités du monde. C’est làun problème extrêmement grave. Il est si grave […] que lesgens les moins avisés sont condamnés à déjà prévoir l’époqueoù ce grand marché de l’Amérique du Sud nous sera disputé etpeut-être enlevé par les produits de l’Amérique du Nord. […] Ilfaut chercher des débouchés…II y a un second point que je dois aborder […] : c’est le côté hu-manitaire et civilisateur de la question… Les races supérieuresont un droit vis-à-vis des races inférieures. Je dis qu’il y a pourelles un droit parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont ledevoir de civiliser les races inférieures. […]Il n’y a pas de compensation […] pour les désastres que nousavons subis [mais] est-ce que le recueillement qui s’impose auxnations éprouvées par de grands malheurs doit se résoudre enabdication ? […]Je dis que la politique coloniale de la France, que la politiqued’expansion coloniale, celle qui nous a fait aller, sous l’Empire,à Saigon, en Cochinchine, celle qui nous a conduits en Tunisie,celle qui nous a amenés à Madagascar, je dis que cette poli-tique d’expansion coloniale s’est inspirée d’une vérité sur la-quelle il faut pourtant appeler un instant votre attention : àsavoir qu’une marine comme la nôtre ne peut pas se passer,sur la surface des mers, d’abris solides, de défenses, de centresde ravitaillement. […] Rayonner sans agir, sans se mêler aux af-faires du monde, […] c’est abdiquer, et, dans un temps pluscourt que vous ne pouvez le croire, c’est descendre du premierrang au troisième et au quatrième…
J. Ferry, discours à la chambre des députés, 28 juillet 1885.
2
La conquête de la Tripolitaine par les Italiensvue par Le Petit Journal du 15 octobre 1911.
5
4 La taille des empires coloniaux européens de 1880 à 1938.
1880en millions de km2
Royaume-UniFrancePays-BasEspagnePortugalAllemagneBelgiqueItalie
22,5400,7280,4210,4200,188
---
191332,325
9,7072,0660,3340,8222,952,352,0-
193833,62412,115
2,0700,3340,93-2,403,425
D’après Bouda Etemad, La possession du monde, Complexe, 2000.
7 Un argument souvent utilisé pour justifier la colonisation : la mission civilisatrice de l’Europe.Sœurs missionnaires en Chine au début du XXe s.
139• La colonisation européenne (vers 1850-1939)CHAPITRE 7138
La puissance européenne contestéeA.L’importance des colonies entre 1914 et 1939 doc.3■ Les colonies ont joué un rôle important lors de la guerre de 1914-1918, en four-nissant aux puissances alliées des matières premières,des denrées alimentaires etsurtout des hommes. 587 000 Nord-Africains et Noirs ont combattu dans l’arméefrançaise ; 950 000 Indiens, 600 000 Canadiens, 450 0000 Australiens et des Néo-Zélandais dans l’armée britannique. Des Indochinois sont venus travailler en Francedans les usines d’armement.■ En 1919, les anciennes colonies allemandes et les territoires non turcs del’Empire ottoman sont répartis, sous le nom de mandats, entre les pays vainqueurs.La France reçoit donc le Togo et le Cameroun en Afrique, la Syrie et le Liban auProche-Orient ; le Japon, les possessions allemandes du Pacifique ; le Royaume-Uni, laPalestine et l’Irak ainsi que les territoires allemands de l’Est africain.
B.L’évolution de la domination coloniale doc.1,2 et 4■ Cependant, la domination coloniale a évolué.Déjà avant 1914, le Royaume-Uni avaittissé de nouveaux liens avec ses colonies à fort peuplement blanc. Entre 1867 et 1910,le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et l’Afrique du Sud étaient devenus des do-minions et avaient bénéficié d’un gouvernement autonome. Dès les années 1880 sedéveloppent les premières manifestations nationalistes, notamment en Inde et enIndochine.■ Après 1918, ces mouvements prennent une certaine ampleur : en Inde, Gandhi(1869-1948) fait usage de la non-violence pour obtenir l’autonomie de son pays.D’autres mouvements indigènes naissent en Tunisie, en Algérie, en Indochine. EnÉgypte, un mouvement islamiste est créé, les Frères musulmans, qui veulent créer unÉtat islamique et rejettent les valeurs de l’Occident. Des révoltes éclatent, au Marocdans les années 1920 (guerre du Rif) et en Indochine en 1930, à l’initiative du particommuniste indochinois créé par Hô Chi Minh. En Europe, des voix de plus en plusnombreuses dénoncent la domination coloniale. C’est le cas notamment des diri-geants communistes, d’intellectuels (Albert Einstein, Romain Rolland,André Gide), oude l’Église.■ Des évolutions se font jour peu à peu : l’Égypte devient indépendante en 1922 etl’Irak en 1932 ; le Royaume-Uni crée le Commonwealth en 1931. En 1939, leRoyaume-Uni et la France font encore illusion et apparaissent comme des grandespuissances, en raison notamment de l’importance de leurs empires coloniaux.
C.Vers le crépuscule des empires coloniaux ? doc.5■ La situation est cependant nettement moins favorable pour l’Europe qu’avant 1914.Les États-Unis, le Canada, l’Argentine ont développé leur industrie et leur agriculture àla faveur de la guerre. En Extrême-Orient, le Japon a remplacé les pays européens dansle commerce avec la Chine et le Sud-Est asiatique. Cette concurrence des paysneufs devient préoccupante pour les États européens.■ Si les empires coloniaux connaissent leur extension maximale dans les années 1930,l’heure de l’expansion est passée.Les dernières conquêtes (celle de la Mandchouriepar le Japon en 1932, et celle de l’Éthiopie par l’Italie en 1936) sont condamnées par laSDN et considérées comme des agressions contre des pays indépendants. À cescontestations viennent s’ajouter les critiques des États-Unis et du Japon. Les pre-miers, qui n’oublient pas qu’ils ont été les premiers à se libérer du joug colonial, défen-dent l’ouverture des possessions européennes au commerce international. Le secondexalte l’union des peuples jaunes contre la domination des Européens. C’est au mo-ment où les empires coloniaux sont les plus étendus que cette domination européennecommence à montrer des signes de fragilité.
V O C A B U L A I R E
3mandat : voir Ne pas confondre p. 154.dominion : voir Ne pas confondre p. 154.Commonwealth : association du Royaume-Uni et de ses dominions, créée en 1931.
Les colonies, la guerre et la révolution La guerre prouve en ce moment la solidité de l’édifice colonialfrançais, semblable en cela à l’anglais. Non seulement il n’a pascédé à la violence des événements, mais les peuples divers quile constituent nous ont manifesté avec une égale fermeté leurloyalisme. Ils se sont refusés à écouter les fauteurs de troublesque nos ennemis avaient envoyés chez certains d’entre eux, etc’est sans compter qu’ils nous ont apporté leur concours.
Bulletin de la Section d’information du grand quartier général,7 mars 1918.
La dernière guerre, qui n’était pas faite dans l’intérêt des colo-nies, fut cependant conduite avec l’aide des colonies. Les po-pulations coloniales furent mêlées à la guerre européenne à undegré encore jamais atteint. […] Pourquoi ? Pour avoir le droitde rester les esclaves de la France et de l’Angleterre ! […]L’émancipation des colonies est possible seulement en liaisonavec l’émancipation de la classe laborieuse métropolitaine. Lesouvriers et les paysans d’Annam, d’Algérie et du Bengale, maisaussi de Perse, obtiendront la possibilité d’avoir une existenceindépendante seulement lorsque les ouvriers français et an-glais auront […] placé dans leurs propres mains le pouvoir del’État. Esclaves coloniaux d’Afrique et d’Asie, l’heure de la dic-tature prolétarienne en Europe sera aussi l’heure de votre libé-ration !
Léon Trotski au premier congrès de la IIIe Internationale, 1919.
4
1 Affiche du Parti communistefrançais (1930).1. D’après cette affiche, quel est le sort
des indigènes ?2. Que dénonce cette affiche ?
équateur
guerre du Rifau Maroc
Mandchourie
Indes néerlandaises
Iles Carolines(Japon)
Hawaï
o c é a n
A t l a n t i q u e
o c é a n
P a c i f i q u e
o c é a n
I n d i e n
Europe colonisatrice
colonies et dépendancesdes États européens en 1939
pays neufs
rivalités entre intérêts économiqueseuropéens et américains
mouvements anti-colonialistes
territoires devenus indépendants
expansion des nouveauxpays impérialistes
4 000 km
AFRIQUEDU SUD
ÉGYPTE
SYRIEIRAK
ARABIE
U R S S
JAPON
INDE
NOUVELLE-ZÉLANDE
INDOCHINE
CANADA
ÉTATS-UNIS
BRÉSIL
BOLIVIEPARAGUAY
ARGENTINE
CHILIAUSTRALIE
MEXIQUE
CHINE
MADAGASCAR
3 La contestation de la suprématie européenne entre 1919 et 1939.
1. Que semblait-on craindre dans l’empire français durant la guerrre ? De quoi se félicite l’auteur du texte ?
2. Chercher qui est Trotski. Que propose-t-il aux peuplescolonisés ?
3. Montrer que ces deux textes s’opposent en tous points.
La foi en la colonisationPendant douze années, sous les tropiques comme en France,gouverneur général ou ministre, j’ai longuement médité sur lacolonisation, sa légitimité, ses conséquences morales. […]Dans l’action coloniale ainsi comprise, il n’y a plus comme audébut, « droit du plus fort », mais bien « droit du fort à aider lefaible », ce qui paraît vraiment le droit le plus noble et le plushaut de tous.L’opération n’est plus unilatérale ; elle n’évince pas un possé-dant au profit d’un spoliateur ; elle peut, plus justement quecelle qui la précéda, réclamer le titre de « pacte colonial », carelle est conçue pour l’avantage des deux ayants droit, liés parune politique d’association.La possession lointaine ne sera plus à présent un simple comp-toir, un dépôt de richesses, un débouché où le « conquérant » vient rafler les épices et écouler sa marchandiseen pressurant une race indigène taillable et corvéable à merci.Les colonies cessent de n’être que des marchés ; ce sont desentités vivantes, des créations d’humanité, des parties soli-daires de l’État français dont on va, par le progrès scientifique,moral, économique et politique, favoriser l’accès à de plushauts destins, au même titre que les autres parties du territoirenational.
Albert Sarraut, gouverneur de l’Indochine (1911-1914 et 1916-1919) et ministre des Colonies (1920-1924 et 1932-1933),
Grandeurs et servitudes coloniales, 1931.
5
Les socialistes et les coloniesau temps du Front populaire
Une politique coloniale socialiste aurad’autant plus de chances d’être cons-tructive et durablement féconde qu’ellese préoccupera moins de communi-quer d’une manière directe l’idéologiesocialiste aux indigènes… Il fautprendre garde au déchaînement deforces incontrôlables […] qui pour-raient sortir d’une action où des no-tions mal digérées de lutte des classes,certains fanatismes religieux, la natureémotive des Africains, la dissimulationislamique et asiatique et toutes sortesd’influences souterraines se rencontre-raient en des réactions complexes etimprévisibles.Déclaration de Marius Moutet, ministre socialiste
des Colonies du Front populaire, au Conseilsupérieur des colonies, mars 1938.
2
1. Montrer l’évolution de la pensée coloniale en France entre le XIXe s. et 1931.
2. Quelles perspectives propose Albert Sarraut pour l’empirecolonial français ?
➤ 1. Aide généraleA. Lire le sujet• Les termes employés :– les acteurs : par qui est effectuée la colonisation (des particu-liers ? des États ?) ;– la colonisation : ne pas oublier de définir ses différentsaspects.
Quels sont les acteurs et les modalités de la colonisation (1850-1939) ?
II. Quelles sont les étapes de la colonisation ?1. La situation vers 1850 2. La grande période des conquêtes coloniales : 1880-1914– la formation des empires coloniaux ;– les rivalités entre les puissances européennes.3. En apparence : l’apogée de la colonisation– les empires entre 1920 et 1939 ;– les dernières conquêtes coloniales ;– les premières remises en cause de la colonisation.
III. Comment expliquer cet essor colonial ?1. Le sentiment de supériorité des Européens2. Des raisons économiques 3. Des raisons politiques et stratégiquesConclusionAprès la période des explorations, les grands États euro-péens s’entendent pour développer leurs conquêtes colo-niales. Les acteurs et les motivations sont diverses. Lerésultat est l’apparition en une trentaine d’années, dans lesannées 1880-1910, de grands empires coloniaux, spéciale-ment en Afrique.
2. La zone géographique :– elle n’est pas indiquée– la retrouver en notant quels sont les payscolonisateurs et les régions colonisées.
3. Les dates permettent de limiter le sujet :– pourquoi 1850 ?– pourquoi 1939 ?
➤ 2. Proposition de plan détailléIntroduction
Vers 1850, l’idée coloniale est en perte de vitesse et les em-pires coloniaux sont peu développés. En 1939, ceux-ci sont aucontraire très importants, en particulier les empires colo-niaux britanniques et français. Qui sont les acteurs de l’ex-pansion coloniale européenne ? Quelles sont les grandesétapes de la colonisation ?
I. Qui sont les acteurs de la colonisation ?1. Des particuliers…– les explorateurs et missionnaires ;– les militaires ;– les colons.2. … agissant à l’instigation de groupes divers– des sociétés de géographie ;– des Églises désireuses d’évangéliser les populations ;– des États voulant étendre leur domination sur des terres in-connues.3. Les moyens utilisés
Méthode
1. Les thèmes : Définir la notion de colonisation :– comment se passe-t-elle ?
141• La colonisation européenne (vers 1850-1939)CHAPITRE 7
PRÉ
PA
BA
C
140
BILAN DU CHAPITRE
FICHE DE RÉVISIONDATES À RETENIR
NE PAS CONFONDRE
141
PRÉ
PA
BA
C
1.Les causes de l’expansion coloniale ➤ Les empires coloniaux sont encore peu développés vers 1850. Ensuite, forte expansion colo-niale entre 1880 et 1914.
• raisons démographiques (émigration de la population européenne) ;• raisons économiques (recherche de ressources et de débouchés), politiques (rivalités inter-
nationales) ;• raisons stratégiques (contrôler les routes maritimes) et par sentiment de supériorité desEuropéens (« civiliser les races inférieures »).
➤ Essor de l’impérialisme européen.
II.L’expansion coloniale avant 1914➤ Vers 1850, le seul empire colonial important est l’empire britannique. ➤ La colonisation reprend après 1850 et surtout 1880 :
• fixation de règles entre les pays colonisateurs à la conférence de Berlin (1884-1885) ;•les grandes puissances européennes (Royaume-Uni, France surtout, mais aussi Portugal,Espagne, Pays-Bas, Belgique, Allemagne, Italie) étendent leurs possessions sur tous lescontinents.
III.L’expansion coloniale avant 1914➤ L’Europe sort affaiblie de la Grande Guerre➤ Sa domination coloniale commence à être contestée :
• à cause du rôle important des colonies dans la guerre ;• à cause de la révolution russe : les communistes s’opposent à la colonisation ;• à cause de l’évolution interne des empires : création du Commonwealth britannique,mais développement des mouvements opposés à la colonisation (Gandhi en Inde, Frèresmusulmans en Égypte) et premières révoltes coloniales (Maroc, Madagascar, Indochine) ;• à cause de la contestation de la puissance européenne par les États-Unis et le Japon.
BIOGRAPHIES
� années 1880 : essor de la colonisationeuropéenne
� 1884-1885 : Conférence de Berlin� 1898 : crise de Fachoda entre la France
et le Royaume-Uni� 1905-1906 et 1911 : crises marocaines
entre la France et l’Allemagne� années 1920-1930 : premières révoltes
contre la colonisation (Maroc,Madagascar, Indochine) et essor du mouvement non-violent de Gandhi (Inde)
LIRE• A. GIRARDET, L’idée coloniale en France de 1871 à1962, Hachette, Pluriel, 1972.• B. BLANCHARD et N. BANCEL, De l’indigène à l’immigré, Gallimard, coll. « Découvertes »,n° 345.• A. HUGON, L’Afrique des explorateurs.Vers lessources du Nil, Gallimard, coll. « Découvertes »,n° 117.• A. HUGON, L’Afrique des explorateurs.VersTombouctou, Gallimard, coll. « Découvertes » n° 216.• C. CLÉMENT, Gandhi, athlète de la liberté,Gallimard, coll. « Découvertes », n° 50.• « Le temps de l’Algérie française. De la prised’Alger à l’indépendance », n° spécial deL’Histoire, n° 140, janvier 1991.« Le temps des colonies », Les collections de l’Histoire, n° 11, 2001.
VISITER• Le musée de l’Homme• Le musée de la Marine• Le musée des Arts Premiers
LIRE• J.-J. ANNAUD, La victoire en chantan, 1976.• R. ATTENBOROUGH, Gandhi, 1983.
Impérialisme et colonisation• L’impérialisme (du latin imperium : domination) est la domination d’un État sur d’autresÉtats. L’impérialisme peut être d’ordre économique, financier ou culturel. L’impérialisme neremet pas nécessairement en cause l’indépendance politique des pays qu’il domine ; ces der-niers peuvent conserver leur gouvernement.• La colonisation est une forme d’impérialisme dans laquelle la puissance colonisatrice, la mé-tropole, s’assure le contrôle politique de la colonie. Dans ce cas, c’est le gouvernement de lamétropole qui dirige la colonie dans tous les domaines.
Jules Ferry (1832-1893),président du Conseil (1880-1881et 1883-1885), instigateur de la politique coloniale française.(Voir biographie complète p. 284)
Gandhi (1869-1948),principal dirigeant du mouvement pour l’indépendance de l’Inde.(Voir biographie complète p. 284)
Composition (4/8)
Sujet : Quels sont les acteurs et les modalités de la colonisation (1850-1939) ?
• L’ampleur du sujet et ses limites :– les limites chronologiques : définir les débuts de la période(quelle est la situation à cette date ?) et la fin (la situation est-elle la même ?)– les limites géographiques : indiquer où se passe la colonisa-tion. Le sujet a une ampleur mondiale.
B.Analyser le sujet
Définir les acteurs :– qui sont-ils (les hommes sur le terrain) ?– qui sont les décideurs ? – comment agissent-ils ?
C. Dégager la problématique• Comment expliquer qu’en 1850 les empires coloniaux sont
peu importants et que la colonisation se développe fortement àpartir des années 1880 ?
Dieu offre l’Afrique à l’EuropeLe moment est venu de faire remarquer à l’Europe qu’elle a àcôté d’elle l’Afrique.La Méditerranée est un lac de civilisation ; ce n’est certes paspour rien que la Méditerranée a sur l’un de ses bords le vieilunivers et sur l’autre l’univers ignoré, c’est-à-dire d’un côtétoute la civilisation et de l’autre toute la barbarie. Le momentest venu de dire à ce groupe illustre de nations : unissez-vous !Allez au Sud. Il est là devant vous, ce bloc de sable et decendre, ce monceau inerte et passif qui, depuis six mille ans,fait obstacle à la marche universelle.Dieu offre l’Afrique à l’Europe. Prenez-la. Prenez-la, non pourle canon, mais pour la charrue ; non pour le sabre, mais pourle commerce ; non pour la bataille mais pour la fraternité.Versez votre trop-plein dans cette Afrique, et du même coup,résolvez vos questions sociales, changez vos prolétaires enpropriétaires. Allez, faites ! Faites des routes, faites des ports,faites des villes, croissez, cultivez, colonisez, multipliez.
Victor Hugo, discours prononcé lors d’un banquet commémorant l’abolition de l’esclavage, le 18 mai 1879.
143• La colonisation européenne (vers 1850-1939)CHAPITRE 7
DOCUMENT 4P
RÉP
A B
AC
Sujet : Comment l’Afrique a-t-elle été partagée et conquise entre 1870 et 1914 ?
PR
ÉP
A B
AC
Questions
PR
ÉP
A B
AC Étude d’un ensemble documentaire (6/11)
DOCUMENT 2La conquête de l’Afriqueorientale par les Allemands.Troupes colonialesallemandesaffrontant des Herreros,9 avril 1904.
DOCUMENT 1 La conquête de l’Afrique.
océan
At lant ique
océan
Indien
océan
At lant ique
océan
Indien
2 000 km
Royaume-Uni
France
Italie
Belgique
Espagne
Portugal
Allemagnecolonies axe des ambitions :
britanniques
françaises
portugaises
italiennes
TRANSVAAL
ORANGE
Aden
Madagascar
Cap-Vert
Madère
Canaries
Union Sud-africaine
Sud-Ouestafricain
allemand
Nigeria
Égypte
Afriqueoccidentalefrançaise
Tripolitaine Rio deOro
Angola
TogoCôte de l’Or
Moz
ambi
queRhodésie
Cameroun
Congo
Comores
Afriqueéquatorialefrançaise
Soudananglo-
égyptien
Congobelge
ÉTHIOPIELIBERIA
Sierra LeoneGuinée
GambieSomalie
britannique
Somalieitalienne
Afriqueorientaleallemande
ÉrythréeDjibouti
Afriqueorientale anglaise
Sénégal
Algérie TunisieMaroc
Madagascar
Cap-Vert
Madère
Canaries
colonie du Cap
Sud-Ouestafricain
Nigeria
ÉgypteRio de Oro
Angola
TogoCôte de l’Or
Mozambique
Cameroun
Congo
Comores
Congobelge
ÉTHIOPIE
LIBERIA
Sierra LeoneGuinée
Gambie
Somaliebritannique
Afriqueorientaleallemande
Djibouti
Sénégal
AlgérieTunisie
19141885
➤ 1. Comment répondre aux questions de la première partie
A. Question 1• Classer les documents dans l’ordre chronologique peut aiderà les présenter.
B. Question 2• Qu’évoque la charrue ? Pourquoi Victor Hugo évoque-t-illes « questions sociales » ? Classer les différentes raisons apparaissant dans les docu-ments. Ces raisons sont-elles toutes économiques ?
C. Question 3• Une conquête met aux prises des conquérants et des peuplesconquis. Sur quels documents les premiers apparaissent-ils ?De quelle façon sont-ils représentés ?• Se servir de la carte 1 : tous les États européens ont-ils parti-cipé à la conquête ? Y a-t-il des rivalités entre États ? Quelleévolution constate-t-on entre 1885 et 1914 ?
D. Question 4• Étudier les documents et classer les différents moyens em-ployés par les Européens. • Faire la critique des documents : a-t-on le point de vue descolonisés ? • Évoquer d’autres accords entre deux États européens, entrela France et l’Allemagne, par exemple.
➤ 2. Aide à la réponse à la question de la deuxième partie
• La synthèse peut s’organiser autour de trois thèmes : les rai-sons (pourquoi la conquête de l’Afrique ?), les acteurs et lesmoyens (comment ?) et les conséquences (quelle est l’évolu-tion de l’Afrique à la suite des conquêtes ? Quelles sont lesconséquences en Afrique et dans les relations entre pays euro-péens ?).
Première partie1. Présenter les documents (auteur, nature du document).2. Quelles sont les raisons de la colonisation de l’Afrique (doc. 1, 3 et 4) ? Expliquer « Prenez-la, non par le canon,
mais par la charrue » et « changez vos prolétaires en propriétaires » (doc. 4).3. Qui colonise l’Afrique ?4. Quels moyens sont employés par les Européens pour coloniser l’Afrique ? 5. Quelles sont les conséquences de la colonisation de l’Afrique ?Deuxième partie : Rédiger une synthèse permettant de répondre à la question posée par le sujet.
Quelques décisions de la conférence de Berlin (1885)
Art.6 : Toutes les puissances exerçant des droits de souverai-neté ou une influence dans lesdits territoires s’engagent àveiller à la conservation des populations indigènes et à l’amé-lioration de leurs conditions morales et matérielles d’existenceet à concourir à la suppression de l’esclavage et surtout de latraite des noirs ; elles protégeront et favoriseront […] toutesles institutions et entreprises religieuses, scientifiques ou cha-ritables, créées et organisées à ces fins, ou tendant à instruireles indigènes et à leur faire comprendre et apprécier les avan-tages de la civilisation. […]Art.26 : La navigation du Niger, sans exception d’aucun des em-branchements ni issues de ce fleuve, est et demeurera entière-ment libre pour les navires marchands […] de toutes les nations,tant pour les marchandises que pour les voyageurs. […]Art. 34 : La puissance qui prendra possession d’un territoiresur les côtes du continent africain situé en dehors de ses pos-sessions actuelles […] ou qui viendrait à en acquérir avertirales autres puissances signataires.Art. 35 : Les puissances signataires du présent Acte reconnais-sent l’obligation d’assurer, dans les territoires occupés parelles sur les côtes du continent africain, l’existence d’une auto-rité suffisante pour faire respecter les droits acquis et […] la liberté du commerce.
Extraits de l’Acte final de la conférence de Berlin, 26 février 1885.
DOCUMENT 3
Méthode
DOCUMENT 5 Soumission de chefs indigènes aux Français en Côte d’Ivoire. Petit journal, 1893.