abbé babaquy - prêtre et patriote

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1 e suis né à Arcangues en 1913. Mon père a fait la guerre de 14- 18 et moi celle de 40 ; je suis de la classe 32, j’ai devancé l’appel d’un an. Quand Hitler a occupé la Rhénanie, le service militaire a été rallongé de trois mois mais ce changement est entré en vigueur pour la classe suivant la mienne, je n’ai donc été appelé sous les drapeaux qu’une année seulement. A cette époque, j’étais séminariste. J’ai passé les trois premiers mois d’armée à Bayonne, puis j’ai poursuivi par un stage d’officiers de réserve à Pau. Mes camarades prêtres ont terminé leur armée en tant que sous-officier, moi, je n’en suis sorti que caporal chef. Je n’étais pas toujours très bien noté en raison de mon caractère un peu rebelle et comme nous devions assister régulièrement à des cours du soir, au lieu de m’y rendre, j’allais dîner au Sacré-Cœur, où se retirent les prêtres lorsqu’ils sont à la retraite. J’ai été mobilisé à Bayonne, au 49 ème R.I. Ce régiment avait été dissout à la fin de la Première Guerre et reconstitué pour la Seconde. Nous sommes à la fin du mois d’août 1939 et je suis assez contrarié de devoir partir d’abord parce que la guerre est déclarée mais peut- être et surtout parce que je suis chasseur depuis toujours et qu’à cette période de l’année, je « prépare » un terrain, c’est-à-dire que j’ai étendu un filet pour la chasse à la tourterelle. Je me souviens très bien du jour, un samedi, je viens de rentrer, tout est prêt pour le surlendemain lundi, mes obligations m’empêchant de chasser le dimanche. Lorsque mon père qui a guetté mon retour, me dit : « Tu peux repartir ramasser tes filets, c’est la mobilisation ! » Nous sommes restés une quinzaine de jours à Bayonne puis nous sommes partis en train pour Saverne, en Alsace. Les deux éléments les plus marquants de notre tenue sont la capote et surtout les pataugas. Quel équipement pour partir à la guerre ! J’ai été versé dans les infirmiers, comme tous mes autres camarades prêtres, mais je n’ai aucune connaissance en la matière. Nous sommes une quinzaine de prêtres, dont l’abbé Ornon et l’abbé Larzabal, résistant basque, curé de Socoa, qui sera très connu pour son dévouement à l’égard des réfugiés basques-espagnols. Cette affectation en tant qu’infirmiers ne nous plaît pas du tout, nous avons demandé à être intégrés dans une unité combattante. En ce qui me concerne, il me faudra attendre quelque temps avant de voir mon vœu se réaliser. Nous débarquons donc à Saverne, nous sommes tout un bataillon sous les ordres du commandant Soulier. Il fait très chaud et nous commençons par monter la fameuse côte de Saverne jusqu’à un petit village Danne-et-Quatre-Vents, six kilomètres plus haut. Nous avons très soif et nous avons acheté du vin bouché à 3 Francs la bouteille, ce qui est très cher. Nous resterons dans ce village deux ou trois semaines, histoire de nous rafraîchir la mémoire des choses de l’armée et J Etchevéria, Fagoaga et un prêtre brancardier Prêtre et patriote.

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e suis né à Arcangues en 1913. Mon père a fait la guerre de 14-18 et moi celle de 40 ; je suis de

la classe 32, j’ai devancé l’appel d’un an. Quand Hitler a occupé la Rhénanie, le service militaire a été rallongé de trois mois mais ce changement est entré en vigueur pour la classe suivant la mienne, je n’ai donc été appelé sous les drapeaux qu’une année seulement. A cette époque, j’étais séminariste. J’ai passé les trois premiers mois d’armée à Bayonne, puis j’ai poursuivi par un stage d’officiers de réserve à Pau. Mes camarades prêtres ont terminé leur armée en tant que sous-officier, moi, je n’en suis sorti que caporal chef. Je n’étais pas toujours très bien noté en raison de mon caractère un peu rebelle et comme nous devions assister régulièrement à des cours du soir, au lieu de m’y rendre, j’allais dîner au Sacré-Cœur, où se retirent les prêtres lorsqu’ils sont à la retraite.

J’ai été mobilisé à

Bayonne, au 49ème R.I. Ce régiment avait été dissout à la fin de la Première Guerre et reconstitué pour la Seconde.

Nous sommes à la fin du mois d’août 1939 et je suis assez contrarié de devoir partir d’abord parce que la guerre est déclarée mais peut-être et surtout parce que je suis chasseur depuis toujours et qu’à cette période de l’année, je « prépare » un terrain, c’est-à-dire que j’ai étendu un filet pour la chasse à la tourterelle. Je me souviens très bien du jour, un samedi, je viens de rentrer, tout est prêt pour le surlendemain lundi, mes obligations m’empêchant de chasser le dimanche.

Lorsque mon père qui a guetté mon retour, me dit : « Tu peux repartir ramasser tes filets, c’est la mobilisation ! » Nous sommes restés une quinzaine de jours à Bayonne puis nous sommes partis en train pour Saverne, en Alsace. Les deux éléments les plus marquants de notre tenue sont la capote et surtout les pataugas. Quel équipement pour partir à la guerre !

J’ai été versé dans les infirmiers,

comme tous mes autres camarades prêtres, mais je n’ai aucune connaissance en la matière. Nous sommes une quinzaine de prêtres, dont l’abbé Ornon et l’abbé Larzabal, résistant basque, curé de Socoa, qui sera très connu pour son dévouement à l’égard des réfugiés basques-espagnols. Cette affectation en tant qu’infirmiers ne nous plaît pas du tout, nous avons demandé à être intégrés dans une unité combattante.

En ce qui me concerne, il me faudra attendre quelque temps avant de voir mon vœu se réaliser. Nous débarquons donc à Saverne, nous sommes tout un bataillon sous les ordres du commandant Soulier. Il fait très chaud et nous commençons par monter la fameuse côte de Saverne jusqu’à un petit village

Danne-et-Quatre-Vents, six kilomètres plus haut. Nous avons très soif et nous avons acheté du vin bouché à 3 Francs la bouteille, ce qui est très cher. Nous resterons dans ce village deux ou trois semaines, histoire de nous rafraîchir la mémoire des choses de l’armée et

J

Etchevéria, Fagoaga et un prêtre

brancardier

Prêtre et patriote.

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d’effectuer quelques sorties, marches d’approche etc.. C’est totalement défendu, mais j’ai quelques camarades basques contrebandiers qui se chargent de chasser dont Fagoaria et Etchevéria. Ce dernier a emprunté un mousqueton et nous sommes partis à la chasse à la biche. Nous formons un petit groupe et parmi nous, un autre prêtre, aumônier des Marins à Saint-Jean-de-Luz, qui a été mobilisé mais dans une unité différente, en même temps que son frère prêtre également. Nous avons débusqué une biche que nous suivons tranquillement lorsque nous entendons au loin, une sonnerie de clairon. Le prêtre nous dit : « C’est le rassemblement, vite ! », il fait demi tour et part en courant. Nous nous mettons à rire un peu, pensant qu’il plaisante, mais dans le doute, nous le suivons sans trop attendre. Il nous faut un peu de temps pour rejoindre la troupe car nous nous sommes passablement éloignés. Nous arrivons tout juste à temps pour rassembler notre paquetage, monter dans le car et partir. C’était bien le rassemblement et sans notre ami, nous manquions le départ. Les ennuis auraient commencé pour nous puisque nous serions passés pour déserteurs.

Il y a aussi une autre

équipe de brancardiers, eux forment l’équipe des pêcheurs ; ils ont tellement pris de poissons que nous avons l’impression qu’ils ont vidé le lac environnant. Un jour, ils ont même poussé le culot jusqu’à faire servir de leur poisson à la table du commandant. Tout ceci sert plus à nous amuser qu’à améliorer notre alimentation car, à ce moment du moins, nous n’avons pas à nous en plaindre.

ous arrivons à la frontière allemande, à Epping, à une soixantaine de

kilomètres au nord de Danne-et-Quatre-Vents. Les premiers jours, nous entrons même en Allemagne puisque nous avons

ordre de nous placer devant la ligne Maginot. Je me souviens d’une usine dans laquelle nous avons récupéré deux drapeaux allemands. Mon ami Larzabal a jeté ces drapeaux sur une chaise et je l’ai même photographié monté dessus et les piétinant. Tout un symbole !

C’est cela, la « drôle de guerre » : les Allemands ont d’abord été occupés à écraser la Pologne et quand ils ont terminé leur sale besogne et qu’ils se sont repliés chez eux, nous avons eu ordre d’en faire autant et de nous retirer côté français afin de ne pas les provoquer. Je conviens que c’était assez surprenant !

Nous retrouvons donc Epping.

Nous sommes maintenant en octobre et il fait déjà très froid, surtout pour nous qui ne sommes pas habitués au climat. Nous logeons dans une maison équipée d’un énorme poêle à charbon. Une nuit, pour avoir chaud, nous avons chargé le poêle au maximum et nous nous sommes endormis. En ma compagnie se trouvent le Dr Stephan, notre capitaine, son adjoint médecin auxiliaire et mon

ami Larzabal. Heureusement, l’un d’entre nous s’est réveillé et a secoué les autres, car le tirage était défectueux et nous avons bien failli mourir asphyxiés tous les quatre. Lorsque nous sommes sortis, nous nous sentions vraiment très mal.

’est aussi pendant cette période que j’ai été témoin de quelques incidents.

Nous avons toujours ordre de reculer en cas d’attaque allemande et en compagnie de notre médecin chef, je suis allé reconnaître une

maison plus en retrait et qui pourrait, le cas échéant, nous servir de nouveau poste de secours. Et c’est en revenant, que nous voyons, au loin, ce qui ressemble fort à un bombardement important provenant du camp français. Trois prêtres de chez nous sont en poste à l’observatoire de la division et pendant leur tour de garde,

N

C L’abbé

Larzabal « écrase » le drapeau

i

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ont entendu ou cru entendre des bruits de moteur. Il ont alors téléphoné pour prévenir qu’un déclenchement d’attaque était en train de se préparer. Ordre est aussitôt donné de lancer un feu de barrage et le bruit se répand, comme une traînée de poudre, que nous sommes attaqués. La 5ème Compagnie, postée dix kilomètres en avant et où se trouve un de mes anciens camarades de service militaire, quitte ses positions et nous voyons arriver sur nous tous ces hommes qui courent, affolés, exténués, portant comme ils le peuvent leur chargement. Le commandant auxiliaire Arbeletche ordonne de constituer un barrage avec tout ce que nous pouvons trouver et d’arrêter les fuyards. En fait, personne ne nous attaque et, dans la nuit, tout le monde peut être rassemblé puis les hommes priés de rejoindre leur position initiale.

Quelques temps après,

sur une hauteur près d’Epping, les Allemands se sont installés et nous surveillent de la route. Un avion de surveillance allemand nous survole toute la journée. Le commandant, agacé, demande alors l’appui des chars, afin de montrer à l’ennemi de quel bois nous nous chauffons et si possible, de les forcer à se replier chez eux. C’est ainsi que nous voyons arriver, trois petits chars Renault de la guerre 14-18. Nous les regardons approcher, le commandant s’avance pour parlementer un moment avec celui qui dirige le groupe, puis, sous nos yeux ébahis, ils font demi tour et repartent comme ils sont venus. Quand nous nous renseignons, soit disant qu’ils n’ont pu opérer car le terrain ne se prête pas à ce genre d’attaque. Ce sont d’ailleurs les seuls chars français que j’ai vus durant mon temps passé sur le front.

Si nous n’avons pratiquement

pas eu l’occasion d’admirer l’aviation française, par contre, l’aviation allemande est très présente.

Nous avons pris l’habitude de voir passer au-dessus de nos têtes celui qui

nous surveille du matin au soir et qui tourne à basse altitude et parfois d’autres, plus gros, volant beaucoup plus haut et qui, sans doute , rentrent chez eux après avoir bombardé un secteur français.

Un jour que l’avion de

surveillance passait, il est soudain assailli par trois avions de chasse alliés qui arrivent à haute altitude et qui lui foncent dessus en piqué chacun leur tour et l’ abattent en flammes. L’avion se transforme en torche et tombe puis nous voyons deux parachutes descendre lentement. Les deux pilotes seront certainement cueillis à leur arrivée au sol et fait prisonniers, mais ce sera le seul combat aérien auquel j’assisterai.

Toujours pendant notre période

de base à Epping, Etchevéria a ramassé deux vaches laitières qui ont suivi nos déplacements un certain temps, les villages frontaliers ayant été évacués. Grâce à elles, nous avons du lait à volonté et l’abbé Larzabal qui, dans le civil est apiculteur à ses heures, a trouvé des ruches et récolte le miel. Pendant cette

période, nous avons bu du café au lait sucré au miel en telle quantité que nous en avions la nausée.

Nous occupions une maison vide où nous logions avec nos deux vaches. Un jour qu’un lieutenant de l’intendance passait l’inspection, il dit à Etchevéria : « Vous avez là deux vaches que je viendrai prendre demain , elles serviront à l’alimentation de la troupe ! » Non loin de là, nous avions aussi trouvé un cochon. Etchevéria répond alors de son accent très particulier, il avait des difficultés avec le masculin et le féminin : « Non, Monsieur, tu n’auras pas le vache, prends la cochon si tu veux, mais pas le vache ! » Le lieutenant, levant les yeux au ciel, repart mais quand il se présente à nous le lendemain, plus de vaches, elles se sont littéralement envolées. Il a beau fouiller

L’abbé

Larzabal

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le rez-de-chaussée de la maison et les alentours, plus de vaches. Il finit par abandonner et n’a jamais su ce qu’étaient devenus ces animaux. En fait, Etchevéria les avait cachés à l’étage : il a réussi à leur faire monter l’escalier et les a parqués dans une chambre. Lorsque nous avons quitté Epping pour partir au front, il les a confiés à un copain basque dont nous avons croisé la troupe qui revenait des lignes quand nous y montions.

ous avons eu ensuite ordre de nous rendre devant la ligne Maginot,

pour construire des avant postes : il s’agissait d’abris faits de rondins de bois.

Cette période étant relativement calme pour les infirmiers, l’un d’entre nous a pris l’habitude de rester en faction au poste de secours pendant que les autres aident au montage de ces fortins. Un tué est malheureusement à déplorer : le motocycliste qui porte les rapports du capitaine au général et qui est mort lors d’un bombardement.

De temps à autre, nous subissons quelques petites attaques allemandes, mais sans grandes conséquences.

Puis, nous reculons encore,

toujours à pied, nous marchons toute la nuit pour revenir presque à notre point de départ puisque nous nous arrêtons finalement dans un village non loin de Phalsbourg. Nous passons l’hiver à cet endroit. Nous, les infirmiers sommes hébergés par des religieuses qui nous gâtent beaucoup, le reste de la troupe est logé dans le village.

Cet hiver est très rigoureux, la température descend jusqu’à –28°. Le matin, nous avons de la glace sur le visage,

c’est la vapeur de notre respiration qui gèle.

Il n’y a aucun combat, par contre, le travail ne manque pas au poste de secours, il faut faire face à une épidémie de grippe. Nous possédons peu de médicaments :de l’aspirine et des ventouses . Nous sommes vraiment peu experts dans l’application de ces dernières et nous faisons souvent souffrir les malades quand nous les

leur posons. Nous passons Noël chez les

religieuses qui nous ont préparé un repas splendide. C’est à cette occasion que j’ai fumé le second cigare de ma vie. Un de mes anciens élèves du petit séminaire

m’avait envoyé un colis contenant diverses choses dont ce cigare que j’ai savouré à la fin du repas de Noël. Ce fut le second et le dernier de mon existence car j’ai tellement été malade que j’en ai été dégoûté à jamais.

Comme il y a beaucoup de neige,

nous occupons nos journées à faire de la luge. Tous les matins, je vais chercher le lait dans une ferme du village et tous les matins je salue le fermier qui ne me répondra jamais ni ne m’adressera la parole une seule fois.

uis, l’hiver se termine enfin et pour Pâques j’ai une permission. C’est à cette

occasion que je vais connaître une modification dans mon statut militaire.

Je rentre sans encombre de ma permission, mais avec quarante huit heures de retard puisque j’ai accepté d’aider le prêtre de ma paroisse à assurer les messes et confessions des fêtes

N

P

Jean Babaquy pendant

l’hiver 39-40

Un brancardier

devient responsable

d’une mitrailleuse.

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pascales, ce qui me vaut une convocation chez le lieutenant qui remplace notre capitaine. Il me signifie que ce retard entraîne une sanction et qu’il me détache de l’infirmerie pour m’envoyer vers une unité combattante, en clair il me confie deux mitrailleuses. Je ne suis toujours pas très expert en la matière mais loin de m’ennuyer, cela exauce enfin mon vœu de me battre pour de bon.

Un jour où nous sommes encore

une fois postés sur une hauteur en surveillance, nous voyons de nouveau passer des bombardiers allemands qui rentrent après avoir accompli leur funeste mission. Puis, plus tard, vers 17 heures, nous repérons trois avions qui volent assez bas. Je crie : « A vos mitrailleuses ! ». A côté de nous sont postées des batteries de canons anti-aériens . Nous nous mettons à tirer sur ces avions comme des malades mais lorsque je regarde autour de moi, je m’aperçois que nous sommes les seuls à tirer, l’artillerie ne suit pas. Soudain, un lieutenant qui dirige une autre batterie se met à hurler : « Arrêtez le tir, ce sont des avions français ! »

C’était en réalité trois avions anglais et c’est sur les seuls et uniques avions alliés de toute la journée que nous avons fait feu, sans en toucher aucun, heureusement.

Puis un autre après-midi, nous

sommes toujours en défense anti-aérienne, comme rien ne se passe de particulier, nous cassons la croûte tranquillement, quand nous levons la tête et voyons un gros avion de bombardement qui nous survole très bas. Nous pouvons même « admirer » sa « croix » noire mais au bruit inhabituel qu’il produit, nous pensons tout de suite que cet appareil est touché. Notre commandant se met à hurler : « Vite, à vos postes ! » D’un bond je m’installe derrière ma mitrailleuse et c’est la seule fois où je tire réellement. Et nous tirons tous et malgré le bruit infernal, j’entends le commandant qui continue à s’époumoner : « Mais ils ne l’auront pas, ils le l’auront pas ! » Effectivement, nous ne l’avons pas touché.

Nous sommes passés en unité d’infanterie alpine et nous nous attendions à être envoyés dans les Alpes puisque l’Italie était entrée en guerre aux côtés de l’Allemagne. En fait nous ne sommes pas partis si loin.

ous avons été renvoyés au front toujours à pied, à Wissembourg, à une

centaine de kilomètres au nord est, à la frontière allemande.

A partir du 10 mai, les choses changent. Les évènements se durcissent, les Allemands sont devenus vraiment agressifs. Nous marchons nuit et jour, sac au dos. Nous transportons tout notre matériel et pour cela nous avons troqué nos quelques chariots contre des mulets.

Un des conducteurs de mulet est un camarade juif, un bijoutier de Bayonne, un homme très gentil, très fin. Le regarder accompagner le mulet me fait mesurer l’incongruité de notre situation. Il est vrai qu’aucun d’entre nous n’est à sa place et je me demande quel est le plus curieux : un bijoutier acheminant du matériel militaire à dos de mulet ou un prêtre tirant à la mitrailleuse ? Je dis souvent à mon ami : « Toi, ce n’est pas toi qui conduit le mulet, c’est le mulet qui te mène ! » Et nous allons toujours à pied, à marcher sans prendre beaucoup de repos. A certains moments, nous nous arrêtons, nous établissons une ligne de résistance pour permettre au reste des troupes de se replier aussi. Nous pouvons nous reposer quatre, cinq heures au plus et nous repartons en arrière. Je me souviens que nous nous arrêtons dans un petit village, à Thaon-les-Vosges, à cent kilomètres en retrait.

Notre adjudant nous a demandé de passer la nuit dans les maisons du village. Nous sommes entrés dans l’une d’elles et je revois encore le regard affolé du couple qui allait nous héberger. Il faut dire que nous avons débarqué chez eux, sans prévenir, avec nos mitraillettes, il y avait de quoi avoir peur ! Je m’adresse alors à eux :

N

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« Monsieur et Madame, ne vous inquiétez pas, les allemands ne vont pas arriver et si par malheur, ils bombardent, j’ai vu que votre maison comportait une cave, vous n’aurez qu’à vous y réfugier, vous ne risquez rien, ne vous inquiétez pas ! » Et le lendemain, nous sommes repartis.

Nous avons fini par atteindre

Gondrexon, petit village situé à 30 km à l’est de Lunéville. Nous marchions depuis dix jours nuit et jour sans nous changer ni nous laver. Nous sommes arrivés en fin de journée pour nous établir à la lisière d’un petit bois. Nous entrons dans les fourrés et nous découvrons, tous les cinq mètres environ, des vestiges, des restes d’obus rouillés et des trous, datant de la guerre 14-18. Je trouvais cela extraordinaire de nous retrouver exactement à la place qu’avaient occupée nos aînés, vingt cinq ans plus tôt et malheureusement pour les mêmes raisons.

Nous nous sommes installés face à

la ligne de chemin de fer, en défense et j’ai dit à mes camarades : « Si nous sommes attaqués, ne ripostez pas trop vite, laissez les approcher au maximum ». Pendant que nous sommes là à attendre, je me dis que dégoûtants comme nous sommes tous, ce serait embêtant s’il devait nous arriver quelque chose, de mourir sales. Je trouve alors un petit ruisseau et je me lave les pieds. « Au moins, si on me trouve, j’aurai les pieds propres ! » pensé-je.

Puis nous apprenons que les Allemands arrivent par le Nord, face à nous, les Polonais nous protégeant par la gauche. Nous sommes continuellement surveillés par un avion qui tourne au dessus de nous et qui doit renseigner l’ennemi sur nos positions.

Nous sommes assez peu au courant

de la situation, si ce n’est qu’au cours de notre retraite, en traversant un village, des habitants qui possèdent un poste de radio nous disent que les Allemands sont arrivés à Calais, qu’ils ont aussi pris Dijon, qu’ils s’approchent de Paris et que Pétain a demandé l’armistice.

Nous ressentons un grand découragement : nous nous sentons seuls, mal préparés, fatigués, mal équipés. Nous sommes résignés et pensons que nous n’en avons plus pour longtemps. Nous ne nous faisons aucune illusion quant à la suite des évènements.

Puis nous apprenons que les Polonais ont battu en retraite. Les ordres ont été donnés ainsi : si nous nous sentons trop menacés, il faut immédiatement se replier vers la route.

Le matin du 19 juin 1940 arrive, il est 8 ou 9 heures, nous buvons tranquillement notre café. Les Allemands sont arrivés sur notre secteur sans que nous en ayons été avertis. Ils se sont doucement approchés et arrivés à la ligne de chemin de fer, il s’abattent sur nous en hurlant tels une meute de chiens enragés et la fusillade commence sur notre gauche.

Le combat s’avère inégal : nous sommes installés après avoir fait une très longue marche et nous avons en face de nous des gens armés comme il le faut et qui sont arrivés sur les lieux en camions. De plus, leur manière de se ruer en hurlant n’arrange pas les choses. La fusillade commence sur notre gauche, nous n’avons qu’une crainte, être pris en tenaille si d’autres arrivent du côté opposé. Nous ne sommes pas de taille à l’emporter. Suivant les ordres, nous rassemblons notre matériel et nous nous replions vers la route. A gauche, se trouve un petit sentier, nous nous y engageons et pointons nos mitrailleuses sous un déluge de balles. Toutes les feuilles du taillis où nous sommes réfugiés frissonnent sous « l’averse ». Je bondis et je cherche un renfoncement pour m’installer. Nous sommes couchés sur le sol. Je fais un mouvement de tête pour appeler mes camarades et c’est à ce moment qu’une balle ricoche sur le sol et vient se ficher dans ma figure. Elle me traverse le visage de part et d’autre du nez et me fracture la mâchoire supérieure. A côté de moi se trouve l’abbé Ornon. Je me retrouve à genou, lui aussi et il me dit : « Pauvre Babaquy, pauvre Babaquy ! ».

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Fébrilement, je tâtonne pour trouver mon masque à gaz. Je sais que j’y ai placé un pansement. J’abandonne mes deux musettes et mes pellicules photo. J’attrape le pansement et je le plaque sur mon visage. L’abbé Ornon me fait un bandage et le lieutenant Moras m’ envoie directement au poste de secours de Gondrexon. Seulement, pour se rendre à Gondrexon, il faut y aller par la route et sur la route la bataille fait rage. Les Français sont postés tout le long , tirent sur les Allemands qui le leur rendent au centuple, la voie est balayée par les balles. J’essaie de passer par le fossé mais il est rempli de ronces. Impossible de s’aventurer !

C’est alors qu’un coup de folie me prend : je me relève, me précipite sur la route et je me mets à courir, à courir. Je n’ai qu’une idée en tête : aller me faire soigner au plus vite. Mes copains hurlent : « Viens ici, Baba, tu vas te faire descendre, reviens ! »

Je parcours environ cent mètres quand j’avise un fossé et derrière ce fossé est caché le motocycliste et le side-car du commandant. Je n’ai jamais douté qu’il y ait une providence, mais là j’en avais la preuve ! « Que fais-tu là et qu’est-ce qui t’arrive ? » me demande t-il. Et il voit ma tête et le pansement sanguinolent. « Allez, monte, je vais t’emmener au poste ! » Je grimpe dans le side-car et arrivé au poste de secours régimentaire, je retrouve l’abbé Larzabal qui est toujours à son poste d’ infirmier. Je ne peux plus parler et mon visage ensanglanté doit donner à penser que je n’en ai plus pour longtemps, il me donne l’absolution, histoire d’être en paix avec le Bon Dieu. Et moi, pendant ce temps, je pense : « Il me croit fichu, mais non, je suis costaud, je vais m’en tirer ! »

Au moment où j’ai été blessé et pendant quelques secondes, j’ai appelé du fond du cœur la miséricorde de Dieu, je me suis abandonné et j’ai ressenti une grande paix. Je me suis alors demandé : « Comment est-ce de l’autre côté ? » Sans aucune appréhension, j’ai fait don de ma personne et puis j’ai ouvert les yeux et j’ai alors compris que j’étais vivant. Pendant un court instant, ce fut une terrible

déception. Puis l’instinct de survie a pris le dessus, ce qui explique que lorsque l’abbé m’a donné l’absolution, cet état de grâce était passé et je savais que je me battais pour vivre. Nous sommes partis au poste de secours divisionnaire où l’abbé Verges m’a changé mon pansement. Cela m’a mis en colère car il m’a bandé les yeux en même temps que le reste du visage. Et de là, en compagnie d’autres blessés, nous montons dans un camion chargé d’explosifs et on nous expédie vers Raon-l’étape, à 35 km au sud est de Lunéville, non loin de Baccarat. En cours de route, à un croisement, c’est un soldat allemand qui réglait la circulation qui a indiqué la direction à notre chauffeur.

Je resterai un mois à Raon-l’étape. J’y suis opéré et l’on m’extrait un morceau de fer. L’hôpital est à l’origine deux écoles qui ont été réquisitionnées. Nous sommes une centaine de blessés.

e 21 juin, les Allemands prennent possession de la ville. Je me souviens d’un

soldat blessé arrivant, son fusil à l’épaule, complètement affolé et hurlant : « Si vous le pouvez, foutez le camp , ils tuent tous les prisonniers, surtout les prisonniers de guerre ! Dans l’état de faiblesse où nous nous trouvons, que pouvons nous faire ? Dans le courant de la journée, un officier allemand nous rend visite, accompagné d’une infirmière. C’est un grand bonhomme qui nous fait le salut militaire, nous regarde, se tourne vers l’ infirmière et lui dit : « Ces draps sont sales, vous les changerez ! » Il fait demi tour et il sort. Je suis dans un drôle d’état, mon œil droit suppure beaucoup, mon pansement est changé, une fois de plus.

Le 22 ou le 23 juin, l’hôpital est bombardé par les Polonais. Bien qu’ils aient failli nous tuer ce jour là, je tiens à leur rendre hommage. J’estime qu’ils ont manifesté un courage exemplaire ; ces soldats en voulaient vraiment et n’étaient pas prêts à renoncer. Ils avaient déjà tant souffert chez eux, leur pays était détruit, ils n’avaient plus rien à perdre. En ce

L

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sens, et à cette époque, c’était pour nous une leçon.

Les Allemands ont disposé trois canons à côté de l’hôpital et ripostent. Nous sommes au centre de la bataille. Une aile est touchée, quelques blessés tués. La nouvelle se répand dans l’hôpital : « Vite, les Allemands bombardent, descendez à la cave ! »

Dans la salle où je repose, nous sommes une dizaine de blessés et dans l’affolement général, l’un d’entre nous, touché à la colonne vertébrale, est oublié et reste seul dans la chambre pendant tout le bombardement. Pauvre homme, comme le temps a dû lui sembler long, qu’a-t-il pensé pendant cette atroce demi-heure ?

Puis nous sommes transportés à Saint-Dié, plus au sud, à la caserne Scherren-Kellermann transformée en hôpital. Je me souviens , non loin de nous, sont rassemblés des prisonniers français qui souffrent de dysenterie. Une corde les sépare des autres blessés. Je m’ approche d’eux malgré tout car j’ai reconnu un de mes compatriotes d’Ustaritz. Aussitôt la sentinelle allemande bondit et aboie : « Raus ! » Dans cette caserne-hôpital est entreposé beaucoup de matériel confisqué par les Allemands à leurs prisonniers. Pendant mon séjour à Saint-Dié, je retrouve l’abbé Etchémendy, blessé à la jambe, que j’ai connu au séminaire. Chaque jour, nous mettons au point ensemble, des plans d’évasion que nous ne concrétiserons jamais.

Puis je passe une visite médicale et on m’avertit que je vais être transféré dans un camp en Allemagne. Je suis incapable de manger, je ne peux ingurgiter que des aliments liquides. Je me défends du mieux que je peux compte tenu de ma blessure, en arguant que je suis loin d’être guéri. Je dois être convainquant, car le

médecin me fixe un rendez-vous pour le lendemain afin de m’examiner plus en détail et de me passer à la radio. Il s’aperçoit alors qu’il me reste un morceau de balle au-dessus de la gencive supérieure. Il me faut être opéré de nouveau , selon les médecins, cela équivaudra, pour moi, à une extraction de dent. Les médecins ne sont pas d’accord entre eux : l’un pense que le

morceau se trouve à l’intérieur du sinus, l’autre à l’extérieur.

L’intervention a lieu, sans succès. Ils décident alors de me trépaner. Je serai sous anesthésie locale et pendant l’intervention, j’entends, en plus du bruit des instruments : « Qu’est-ce que cela pisse ! » Je ne me sens pas particulièrement rassuré.

Pour terminer, je repasse une radio encore une fois et grâce à cette dernière les chirurgiens réussissent à extraire la balle. Je reste entre la vie et la mort, la plaie est très infectée. Pour finir, j’attrape la dysenterie. Je dois partir pour Nancy, dans un service maxillo-facial et à cause de cette maladie, je pense que mon départ sera retardé. Les brancardiers viennent tout de même me chercher et un médecin me conseille : « Partez, c’est

votre seule chance, où vous finirez dans un camp allemand ! »

Nous partons donc pour Nancy, cinq ou six blessés conduits par un chauffeur allemand et escortés par un soldat, mitraillette au poing. Là-bas, je suis placé dans une unité de soins des cancéreux de la gorge. Une doctoresse, assistée d’une religieuse s’occupe de moi. Je me fais connaître auprès

de la religieuse qui appelle à mon chevet une chirurgienne spécialiste qui me dit que l’intérieur de mon nez est très abîmé mais qu’elle peut m’opérer. A mon

St Dié : caserne

Scherren-Kellermann, le matériel

français « confisqué »

par les Allemands.

Jean Babaquy est appareillé

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réveil, je souffre beaucoup, j’entends la religieuse qui me veille me dire : « Mon pauvre petit, est-ce que vous souffrez, mon pauvre petit ? » Je n’ai jamais su si je le pensais ou si je m’exprimais tout haut, mais j’avais l’impression de crier : « Fichez moi la paix, mais fichez moi la paix ! »

Je resterai ainsi huit jours à Nancy puis je suis transféré, toujours escorté par des soldats allemands, à l’hôpital Civil de Neuilly, dans un grand service maxillo-facial , dans une aile réservée aux blessés de la face. Je suis soigné par le Dr Virenque. J’y retrouve un ancien copain de collège d’Hasparren, Guillaume Etcheverse que je n’ai jamais revu depuis et qui se trouve dans le même service. Je reste huit mois, tout l’hiver 40-41. Nous passons nos journées à jouer aux dames avec l’abbé Mathieu, prêtre vosgien. Les Sœurs qui travaillent à l’hôpital nous ont affublé d’une soutane. C’est tout ce qu’elles ont pu trouver mais cela nous permet de nous déplacer dans une tenue plus correcte que le pyjama. L’abbé Bréhamet, jeune séminariste mais plus âgé que nous du fait de sa vocation tardive, aumônier des « Gueules Cassées », nous promène dans Paris et s’occupe de l’animation du service. Comme mon œil est toujours infecté, je vais à l’hôpital Cochin me faire soigner le canal lacrymal. Mais nous sommes toujours prisonniers des Allemands et lorsque je suis guéri, un médecin autrichien fait passer une visite médicale à une centaine de blessés et les libère tous. Sauf moi, que l’on a oublié de présenter.

Quelques temps après, je suis envoyé à Issy-les-Moulineaux où se trouve un centre rassemblant tous les prisonniers de guerre rentrant en France et en instance d’être libérés. Nous sommes une multitude qui attendons, je suis toujours

vêtu de ma soutane. Je décide d’y aller au culot, j’entre sans faire la queue dans le bureau d’un sous-officier qui me demande de lui présenter des papiers que je n’ai pas. Il me donne alors une adresse où je me rends, dès le lendemain et où l’on me conseille de revenir avec une attestation du médecin de l’hôpital

certifiant que je n’ai jamais été prisonnier. Le Dr Virenque me la rédige sans problème et je la porte à l’officier qui me verse au Val de Grâce comme infir-mier. Là-bas, tous les infirmiers de la classe 32 sont libérés, je le suis donc aussi et le soir même, je suis libre

et mes papiers en règle. Je rentre alors chez moi par le train.

orsque je fais le bilan de cette période du début de la guerre, je m’estime assez privilégié car, mis

à part l’assaut allemand, le jour où j’ai été blessé et où nous étions vraiment sous les balles ennemies, tous les combats auxquels j’ai assisté ne se passaient pas juste devant nous, notre rôle a surtout

été un rôle de surveillance. Je n’ai donc jamais vraiment eu peur. Et puis, nous étions jeunes et un peu inconscients, assez mal informés de la situation de la France. En fait, nous ne nous rendions pas compte de la réelle gravité des évènements. Par contre, j’en veux

particulièrement à nos dirigeants politiques de l’époque, Blum et les autres. Tous savaient ce que manigançait Hitler, depuis 1932-33 et ils ont été incapables de préparer le pays à ce qui allait arriver. Ils étaient plus préoccupés de politique sociale que de politique étrangère, à ce niveau tous furent lamentables. Je ne cesserai de dire

L

L’abbé Bréhamet (à gauche) aumônier

des « Gueules Cassées ».

Le docteur Virenque (2ème à partir de la

gauche) et les artistes qui

nous distraient.

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que notre préparation militaire n’avait de préparation que le nom, nous n’avions aucun équipement correct, nous avions repris les armes de la guerre 14-18 pour nous battre, alors qu’en face les Allemands possédaient une armée moderne. Que pouvions nous faire ? Personnellement, cet épisode ne m’a pas semblé aussi pénible qu’on pourrait le supposer. Sortant du Séminaire où la vie et la discipline étaient si dures, la vie de soldat m’a paru très supportable. Ma vocation de prêtre et mon rôle militaire ont cohabité en bonne entente.

Dans mon esprit, les choses étaient claires : mon pays était en danger, je le défendais, j’étais prêtre mais patriote tout de même.

Et puis, je n’avais pas le choix, à moins de déserter, mais ce n’était pas dans mon état d’esprit.

J’espère avoir néanmoins soulagé les quelques hommes à qui j’ai donné l’absolution et que nous avons perdus lors des attaques.

La vie en général, et cette

période en particulier, m’ont conforté dans cette opinion : il existe toujours un côté positif à toutes choses, même les plus noires, car Dieu du mal tire toujours le bien.

Abbé Jean Babaquy.

Par Marie-Dominique DEPREZ, Ecrivain Privé Mémoiries

Hôpital de Neuilly :

un groupe de blessés de la face et de la

tête.