acconier et steevedors
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ACCONIER ET
STEVEDORE
1998-1999
2
SOMMAIRE
INTRODUCTION………………………………………………………………………p.4
Première partie : Affaiblissement de la distinction acconier/stevedore ……p.8
Chapitre 1 : La distinction traditionnelle ………………………………………….p.9
Section 1 : Origine des termes et fonctions…………………………………….p.10
Section 2 : Prise en considération des particularismes
dans la loi du 18 juin 1966………………………………………….p.20
Chapitre 2 : Le contexte d’évolution des fonctions de l’entrepreneur de
de manutention …………………………………………………………p.29
Section 1 : Le cadre structurel……………………………………………………p.29
Section 2 : Le contexte économique et social……..…………………………...p.36
Deuxième partie : Uniformisation des contrats de ma nutention dans les
ports de la Mer du N ord, de l’Atlantique, de la Manche
et dans les ports mé diterranéens ……………………………p.40
Chapitre 1 : Extension des obligations de l’entrepr eneur de
manutention ………………………………………………………….….p.41
Section 1 : Les obligations de l’entrepreneur…………………………….……...p.42
Section 2 : Les obligations du cocontractant…………………………………….p.54
Chapitre 2 : Un régime de responsabilité commun aux entrepreneurs
des ports de la Mer du Nord, de l’Atlantique et de la
Manche et des ports méditerranéens ………………………………p.58
Section 1 : Les conditions de la responsabilité de l’entrepreneur…………….p.58
Section 2 : Les cas d’exonération et la réparation du dommage……………..p.64
Section 3 : L’action en responsabilité……………………………………………p.70
Conclusion ………………………………………………………………………………...p.76
Bibliographie ………………………………………………………………………………p.77
Table des annexes ………………………………………………………………………..p.80
3
Table des matières ………………………………………………………………………..p.82
INTRODUCTION
Les phases terrestres entourant la phase purement maritime du transport de
marchandises par mer ont de tous temps nécessité l'accomplissement de
nombreuses opérations. La multiplicité d'opérateurs indépendants gravitant autour du
transporteur maritime aujourd'hui confirme l'importance de ces opérations.
Quelles soient matérielles ou juridiques, elles étaient traditionnellement confiées au
personnel du bord. Ainsi le capitaine procédait-il à la réception des marchandises,
amenées le long du navire par les chargeurs. Il surveillait le chargement effectué par
l'équipage1 et, à l'arrivée, il contrôlait les opérations de déchargement et de livraison
aux destinataires, attendant le long du quai. Les escales étaient longues et le
capitaine, maître de l'expédition commerciale, se chargeait de conclure les contrats
d'affrètement, s'occupait de l'entretien du navire et des approvisionnements2.
A partir de la deuxième moitié du XIXème siècle, la révolution économique,
l'extension des relations commerciales inter-continents et le développement du
transport maritime à grande échelle3 justifièrent la création d'entreprises spécialisées,
afin de suppléer l'armateur et les propriétaires de marchandises dans
l'accomplissement des tâches terrestres liées au transport maritime. Le
développement des lignes régulières entraîna une nouvelle organisation des
armements et des ports et on assista à la naissance des auxiliaires de la navigation.
1 Ce travail était considéré comme le prolongement normal du travail de bord. 2RODIERE (R), Traité Général de Droit Maritime, Introduction - L'armement, Dalloz, 1976, p.498. 3TASSEL (Y), Le statut juridique de l'entrepreneur de manutention dans la loi du 18 juin 1966 et le décret du 31 décembre 1966, Thèse Nantes, 1973, p.2-5.
4
L'augmentation du tonnage des navires et la réduction des temps d'escales
suscitèrent notamment le besoin de confier les opérations de chargement et de
déchargement des navires à des entrepreneurs indépendants, les entrepreneurs de
manutention.
D'autre part, "la nécessaire exactitude dans la rotation des navires et, la
multiplication de lots à laquelle donna naissance le transport sous connaissement
eurent pour effet d'imposer dans les ports, entre le transporteur et les destinataires,
la présence d'un intermédiaire se chargeant de garder les marchandises à terre et
parfois même de représenter leur ayant droit"4.
Mais cette fonction ne fut pas organisée de la même façon dans les ports français:
Ainsi, certains transporteurs créèrent leurs agences dans les ports où leurs navires
faisaient escale, pour se charger des opérations en question, d'autres ne voulant pas
installer une organisation propre, eurent recours à des agences d'autres
transporteurs. Enfin, dans certains cas, les transporteurs reportèrent directement sur
les chargeurs ou les destinataires le soin de se charger de ces opérations à terre.
Ainsi, se regroupaient, autour du transporteur, des auxiliaires ayant pour vocation de
s'occuper des tâches matérielles de chargement déchargement des marchandises,
les entrepreneurs de manutention, et des auxiliaires destinés à s'occuper de tâches
juridiques comme la garde des marchandises avant le chargement ou après le
débarquement.
Cependant, la pratique révéla que dans certains ports, ces deux types d'opérations
étaient confiées à une même entreprise.
Ainsi, les entreprises de manutention modernes ne se développèrent pas, en France,
de façon homogène, ce fut au gré des usages des différents ports qu'elles mirent en
place leurs structures et leur organisation.
4TASSEL (Y), Le statut juridique de l’entrepreneur de manutention dans la loi du 18 juin 1966 et le décret du 31 décembre 1966, Thèse Nantes, 1973, p.6.
5
Elles furent donc baptisées différemment selon la nature des opérations qu'elles
accomplissaient, selon le type d'infrastructures utilisées, ou selon leurs modes de
fonctionnement, mais également selon leur localisation géographique 5.
La grande distinction que l'on signale encore aujourd'hui6 est celle concernant les
acconiers et les stevedores qui se différencient par la nature des opérations qu'ils
accomplissent et par leur localisation géographique.
Traditionnellement, les entrepreneurs de manutention des ports de l'Atlantique, de la
Mer du Nord et de la Manche sont appelés stevedores n'ont pas d'autre fonction que
des tâches matérielles7: ils chargent et déchargent les marchandises des navires, les
mettent sous hangar ou sur terre plein.
Les acconiers des ports méditerranéens effectuent aussi ces opérations; mais leur
particularité tient au fait qu'il prennent en charge juridiquement la marchandise pour
une durée variable avant l'embarquement ou après le débarquement, ce qui les
distingue des stevedores qui n'ont à aucun moment la garde de la marchandise8.
La loi du 18 juin 19669, sur les contrats d'affrètement et de transport maritimes,
élaborant pour la première fois un statut juridique propre aux entrepreneurs de
manutention, pris d'ailleurs en considération ces différences de pratiques dans les
ports français, en distinguant, dans les articles 50 et 51, les opérations matérielles
(accomplies autant par les stevedores que par les acconiers) et les opérations
juridiques, éventuellement accomplies par les acconiers.
5 Ainsi a-t-on trouvé au fil du temps, les Gabariers à Bordeaux, les brouettiers du Grand corps au Havre, les portefaix, les acconiers à Marseille, les wharfs et sociétés de batelage en Afrique et à Madagascar. 6 RODIERE(R) et DUPONTAVICE (E), Droit Maritime, Précis Dalloz, 12 ème Ed., N°277, p.252-253; BONASSIES (P), Droit Maritime, Cours de D.E.S.S Aix.; LE LOUER (F), L'acconier, Thèse Aix, 1979, et Annales de l'I.M.T.M. 1985, Vol.2, p.5; TASSEL (Y), Les auxiliaires du transport maritime, D.M.F hors série mars 1999:" 1949-1999 - cinquante ans de Droit positif", N°1. 7RODIERE (R), Traité de Droit Maritime - Affrètements et transports, Tome III, Dalloz, 1970, N°811, p.14. 8LAFAGE (G.H), L'acconage, D.M.F 1965, p.451. 9 Loi N°66-420.
6
Or ce "rôle juridique de l'acconier" qui fit couler beaucoup d'encre à une époque10,
compte tenu de la difficulté de lui appliquer un régime juridique précis, ne lui semble
plus exclusivement réservé de nos jours.
De plus en plus d'ouvrages aujourd'hui envisagent les acconiers et les stevedores,
acteurs du transport maritime, sous le terme générique d'entreprises de manutention
et ce, parce que dans les ports de la Mer du Nord, de l'atlantique et de la Manche les
stevedores accomplissent les opérations réservées pendant longtemps aux seuls
acconiers11. Ainsi selon certains, c'est la notion d'acconage que l'on rencontre de
plus en plus notamment en raison de la prise en charge très répandue par les
stevedores des opérations juridiques de la manutention12.
De ce fait, l'étude de la distinction traditionnelle et du contexte d'évolution des
entreprises de manutention permettront donc d'envisager l'affaiblissement de la
distinction entre les acconiers et les stevedore.
Et l'analyse du contenu des contrats de manutention ainsi que d'une jurisprudence
récente sur les manutentionnaires portuaires, nous démontrerons que la distinction
traditionnelle ne trouve plus réellement de justification en pratique.
Enfin, la conséquence immédiate de l'accomplissement d'opérations juridiques par
les entrepreneurs de manutention des ports de la Mer du Nord, de la Manche et de
l'Atlantique sera la soumission de ces entrepreneurs au régime institué par l'article 51
de la loi du 18 juin 1966, traditionnellement réservé aux acconiers.
Qu'elles opèrent dans les ports de la Mer du Nord, de la Manche, de l'Atlantique ou
de la Méditerranée, les entreprises de manutention, en France se voient appliquer le
même régime de responsabilité.
10PRODROMIDES (M), De l'action directe du destinataire contre l'acconier, D.M.F 1953, p.671. 11Lamy Transports, tome 2, N°611, p.409. 12 BENAMAR (M), Les auxiliaires du transport maritime, Thèse Aix-en-Provence, 1994, p.17
7
PREMIERE PARTIE AFFAIBLISSEMENT DE LA DISTINCTION
ACCONIER/STEVEDORE
La nature particulière d'une activité économique se définit par rapport au besoin
essentiel auquel elle pourvoit. Traditionnellement, quelles que soient les formes sous
lesquelles apparaissaient les entreprises de manutention, leur caractère identique a
toujours été et est encore d'opérer le chargement et le déchargement des navires de
commerce13. Mais ce "plus petit dénominateur commun" s'est, compte tenu des
évolutions technique, économique et sociale, élargi à d'autres fonctions. Les
entrepreneurs de manutention qu'ils soient acconiers ou stevedores, ont
généralement connu la même évolution du transport maritime: libérés de certaines
contraintes, profitant du progrès technique, se sont semble-t-il adaptés pour
répondre aux attentes de leurs cocontractants.
CHAPITRE 1 LA DISTINCTION TRADITIONNELLE
13 LAFAGE (G.H), L'acconage, D.M.F 1965, p.455.
8
Il n'est pas un auteur du Droit Maritime qui n'ait au moins une fois souligné la
différence de terminologie et de fonctions applicable aux entrepreneurs de
manutention des ports de l'Atlantique, de la Mer du Nord et de la Manche et des
ports méditerranéens14. Il ne semble pas exister de raison précise à cette distinction
bien que diverses théories aient été avancées15, il semble qu'une multitude de
facteurs aient contribué à son établissement.
Quoiqu'il en soit, la différence de pratiques était bien réelle et en l'absence de régime
juridique propre aux entrepreneurs de manutention, le particularisme des fonctions
de l'acconier a certainement contribué, à enclencher de vifs débats doctrinaux et à
susciter bien des divergences jurisprudentielles à partir de la mise en application de
la loi de 1936 jusque dans les années soixante, avant la réforme.
Après de longues hésitations, un régime juridique fut élaboré par la Cour de
Cassation. Cependant, pour mettre fin à toute incertitude, la Loi du 18 juin 1966
intervint et pris en compte la différence de pratique afin de régler le problème du
statut juridique des entrepreneurs de manutention et plus précisément de celui des
acconiers, dans le cadre général du transport maritime.
SECTION 1 ORIGINE DES TERMES ET FONCTIONS
14Notamment: RODIERE (R), Traité Général de Droit Maritime, Affrètement et Transports, Tome III, Dalloz, 1970. FRAIKIN (G), Traité de la responsabilité du transporteur maritime, L.G.D.J, 1957. 15 TASSEL (Y), Le statut juridique de l'entrepreneur de manutention dans la loi du 18 juin 1966 et le décret du 31 décembre 1966, Thèse Nantes, 1973, p.8.
9
La différence de pratiques dans les ports français trouve certainement son origine
dans les usages propres à chaque "région portuaire". Ainsi est-il indispensable de
traiter des aspects historiques expliquant que les acconiers et les stevedores se
distinguent par les fonctions qu'ils occupent.
§1 Aspects historiques
A/ Les acconiers
Le mot acconier provient du terme accon, désignant un petit bateau à fond plat qui
selon certain16 avait été imaginé par Patrice Walton vers 1235; ce marin irlandais
naufragé vers la Pointe d'Escale, prés du port d'Esnandes (Charente Maritime) aurait
utilisé cette embarcation pour recueillir les coquillages qui l'empêchèrent de mourir
de faim.
L'accon17 ou pousse-pied avait la particularité d'être facile à manœuvrer. Il était donc
utilisé comme un véritable quai mobile18 de chaque côtés des navires mouillant en
rade, à une époque où les ports étaient trop exigus pour recevoir à quai tous les
navires arrivant au port. Pour éviter les temps d'attente, on procédait au chargement
et au déchargement à l'aide de ces barques qui venaient chercher les marchandises
à bord pour les amener à quai et inversement. Leurs propriétaires prient donc le nom
"d'acconiers".
D'ailleurs, ce moyen de chargement ou déchargement fut généralisé par la suite,
dans les différents ports où l'on employa différentes sortes d'engins de servitudes
comme les chattes19, engins assez rudimentaires ou les gabares, plus
"sophistiquées", qui étaient dotées d'une quille.
16 THOMAS (A), Les acconiers, Thèse, L.G.D.J, 1923, N°7 , p.7. 17 " L'accon est un bateau plat, simple pièce de bois longue de deux mètres ou deux mètres cinquante, large de cinquante à soixante centimètres, légèrement recourbée à ses extrémités et recouverte sur le flanc d'un minuscule bordage", JOUSSET, France géographique illustrée, Tome 1, p.816, dans THOMAS (A), Ibid. 18Selon l’expression de M. Antoine THOMAS. 19 sortes de planchers flottants.
10
Ce moyen fut également reprit, jusqu'à une époque récente dans certains ports
africains où les wharfs20 et sociétés de batelage utilisaient et utilise peut-être encore
des petites embarcations comme des allèges, des chalands, ou des mahonnes21,
pour le déchargement et le chargement des navires en rade foraine c'est à dire au-
delà de la barrière naturelle présente sur les côtes de l'Afrique de l'ouest et de
Madagascar.
L'historique des acconiers est sans nul doute lié à celui du port de Marseille22; les
ascendants de l'acconier moderne se trouvant être les portefaix 23.
Dés la fin du XIVème siècle24, la corporation appelée Société de bienfaisance des
portefaix de Marseille25 regroupait des travailleurs du port qui s'employaient au
chargement et au déchargement des navires 26 lorsque la cargaison était trop
importante à manutentionner par rapport au nombre de matelots 27. Les portefaix
avaient, en fait, le monopole de la manutention qui n'était pas effectuée par les
équipages. A cette époque, le portefaix n'était donc qu'un simple manutentionnaire,
exerçant les mêmes fonctions que le stevedore.
20Les wharfs tiennent leur nom des jetées en bois ou en ciment sur pilotis utlisées pour le chargement et le déchargement des navires en Afrique. 21 Embarcation à quille, plus vaste et plus spacieuse que l'accon, dont le nom provient de Mahon, petit port des Baléares où elle servait. Le nom fut repris par les manutentionnaires de certains ports comme ceux de Constantinople que l'on appelle les mahonnadjis: dans THOMAS (A), Thèse, op.cit. p.9 22BOULANGER (P), A la recherche du passé de la Méditerranée, dans La nouvelle revue maritime, janvier 1983, p.71. 23BERARD (G), Les entreprises de manutention dans les ports maritimes, Thèse Aix, 1951. 24Elle fut créée au Moyen-âge. Alors appelés "gagne-deniers", on trouve trace des portefaix pour la première fois dans un acte de 1393, la première constitution écrite intervenant en 1704: THOMAS (A), Thèse, op.cit., p.9. 25 Qui comme son nom l'indique, avait à l'origine une fonction caritative organisée par des religieux : BERARD (G), Les entreprises de manutention dans les ports maritimes, Thèse Aix-en-Provence, 1951. 26TASSEL (Y), Le statut juridique de l'entrepreneur de manutention dans la loi du 18 juin 1966 et le décret du 31 décembre 1966, THESE Nantes, 1973. 27Emmanuel Dupontavice signale d'ailleurs dans l'un de ses articles que "les aventures de Sinbad le Marin" relatait déjà l'existence des portefaix au Xème siècle avant J-C: Revue trimestrielle de droit commercial, 1970, p.215, N°2.
11
Selon certains28, la corporation des portefaix fut épargnée par le décret d'Allarde29 et
continua à travailler selon son organisation traditionnelle30. Pour d'autres, elle
disparut à la Révolution et fut reconstituée en 181431.
Quoiqu'il en soit, durant la première moitié du XIX ème siècle, la corporation était très
puissante et ne tolérait pas sur les quais de Marseille, les travailleurs indépendants
appelés aussi les robeirols32. On y travaillait de père en fils et l'absence d'utilisation
de matériel s'expliquait par la volonté d'employer un nombre maximum de porteurs.
La corporation atteint son apogée vers 1830, jouissant d'un monopole de la
manutention à Marseille.
De plus, partir de cette période, elle commence à prendre en charge, outre les
opérations de manutention pure, la réception et la garde des marchandises.
Cependant, les choses changèrent vers 1860: avec l 'augmentation du tonnage des
navires, l'évolution des trafics et des techniques visant à opérer les navires en quête
de gain de productivité, et l'extension du port de Marseille, la société des Portefaix de
Marseille ne répondait plus aux critères de modernité et de rapidité exigés par les
acteurs du transport maritime.
Elle fut donc supplantée par des entreprises portuaires modernes et notamment par
la Compagnie des docks et entrepôts de Marseille33, qui, pour mettre en pratique le
monopole du déchargement dans l'enceinte de sa concession, édifia de vastes
magasins aux abords des bassins, exécuta à ses frais les travaux d'infrastructure
des bassins, construisit des entrepôts frigorifiques, se dota d'importants silos à
céréales pour faciliter plus encore le passage des grains à Marseille. De plus, elle
installa sur les quais des grues hydrauliques, de nouveaux engins de levage à portée
28Répertoire commercial Dalloz, 2ème Ed., p.2. 29Du 2 mars 1791. 30 La corporation ne comportait ni jurandes ni maîtrises. 31THOMAS (A), Thèse, op.cit., p.9 32 Ibid. 33 Constituée en 1856 par Paulin Talabot, le célèbre protagoniste des chemins de fer de Lyon à Marseille et de plusieurs autres grandes entreprises du milieu du 19ème siècle, la compagnie connaît une prospérité certaine jusqu'à la guerre de 1914-1918.
12
variable qui provoquèrent "par la hardiesse de leur conception un sentiment
d'admiration dans tous les milieux concernés"34.
Un grand conflit opposa alors la corporation des portefaix à la Compagnie des
Docks, au sujet de la répartition du travail sur les quai, la dernière obtenant gain de
cause devant le Tribunal de Commerce de Marseille, la première se scinda en deux
groupements35.
La corporation face aux divergences internes, se désagrégea et l'ont vit apparaître
les dockers, travailleurs indépendants par opposition aux portefaix favorables à la
corporation. Le travail sur les quais était devenu libre et d'autres entreprises de
manutention furent créées36.
Les portefaix, ne disposant pas de matériel adapté et donc déchargés de leurs
obligations de chargement - déchargement des navires, se consacrèrent alors
exclusivement à l'accomplissement des opérations juridiques consistant à
réceptionner, à garder et à livrer la marchandise.
Finalement, vers la fin du siècle dernier, les portefaix disparurent, les entreprises
modernes prenant le relais dans leurs fonctions juridiques.
Ces entreprises conservèrent néanmoins l'appellation d'acconiers, même lorsque les
opérations de manutention se faisaient directement de navire à quai37 , l'acconage
désignant en fait, l'ensemble des opérations à caractère juridique effectuées par les
manutentionnaires des ports méditerranéens.
B/ Les stevedores
34BOULANGER (P), A la recherche du passé de la Méditerranée, in, La nouvelle revue maritime, janvier 1983, p.74. 35 BERARD (G), Thèse, op.cit. 36La première véritable entreprise de manutention à Marseille fut créée en 1860: La Société des Embarcations de Servitude: THOMAS (A), Thèse, op.cit., p.10. 37CHAUVEAU (P), Traité de Droit Maritime, Librairies Techniques, 1958, N°319, p.224.
13
Le terme Stevedore, à consonance anglaise proviendrait de l'espagnol "estibador" ou
de l'italien "stivatore (étant entendu que l'origine de ces mots est le latin stipo,
stipare, entasser, empiler, presser38) signifiant empiler d'une manière serrée39.
Soulignons également que le vocabulaire français connaît le verbe "estiver", qui
désigne l'action de comprimer des marchandises destinées à être embarquées40
Dire qu'avant la révolution du transport, la profession de la manutention n'était pas
organisée sauf à Marseille41 n'est pas vraiment exact:
Au Havre il y avait la corporation des "Brouettiers du Grand Corps", qui s'est
transformée par la suite en société coopérative.
A Nantes existait encore en 1950 une corporation à laquelle la Chambre de
Commerce avait donné des droits valant presque monopole42.
Le port de Bordeaux connaissait quant à lui, les "Gabariers" chargeant et
déchargeant les navires dans l'estuaire de la Garonne selon la technique des
acconiers mais à l'aide d'embarcations dotées de quilles que l'on appelait gabares.
Dans la doctrine, les références aux stevedores ne sont présentes que pour en
limiter leur étude; ainsi est-il peu aisé de trouver des informations sur la profession,
"l'activité ne soulevant aucun problème spécial"43. L'historique des stevedores ne se
révèle donc pas aussi particulier que celui des acconiers.
Il reste à souligner le fait que les manutentionnaires anglo-saxons sont également
appelés stevedores. Cependant, le terme a peut-être dans les pays d'influence
britannique, une plus large acception que dans les ports du nord de la France où le
terme équivaut uniquement à celui de manutentionnaire44.
38 RODIERE (R), Traité Général de Droit Maritime, Affrètements et transports, Tome III, Librairie Dalloz, 1970, p.14. 39 Lord CHORLEY, Shipping Law, Londres 1947, p.222. 40 BERARD (G), Thèse op.cit. Introduction. 41 Recueil Dalloz 42RIPERT (G), Droit Maritime, Tome 1, 4ème ED, 1950, p.753, N°876 bis et s. 43LAFAGE (G.H), L'acconage, D.M.F 1965, p.452. 44Ibid.
14
§2 Distinction par les fonctions
Outre la différence de terminologies, les acconiers et les stevedores se distinguent
surtout par les fonctions qu'ils accomplissent.
Ainsi selon le Doyen Rodière, les stevedores sont, sur les côtes de la Mer du Nord,
de la Manche et de l'Atlantique, "les entrepreneurs qui vont coltiner les cargaisons" et
15
qui " se renferment bien dans cette tâche matérielle " tandis que les acconiers, en
Méditerranée, "outre ces tâches, accomplissent des actes juridiques; ainsi ils
prennent livraison pour le compte des destinataires ou assurent la garde des
marchandises une fois débarquées" 45.
Pour le Doyen Chauveau, dans le sens étroit du terme, l'acconier est chargé
d'accomplir un certain nombre d'opérations matérielles de manutention de la
cargaison, mais il assume aussi d'autres obligations comme celles de dépositaire, de
consignataire de la marchandise ou de transitaire46.
Pour G.H Lafage, le terme acconier, a pris un sens plus général que celui qu'on a pu
lui attribuer étymologiquement et s'applique à l'entrepreneur qui avant
l'embarquement ou après le débarquement, prend pour une durée variable la
marchandise en charge, ce qui le distingue du simple manutentionnaire, appelé
habituellement stevedore, lequel n'a à aucun moment la garde des cargaisons
manipulées. Le stevedore ne prend pas la marchandise en charge, il n'a donc pas à
la compter, et les opérations d'allotissement et de pointage ne lui incombent pas. S'il
y a pointage, c'est uniquement par rapport au rendement des dockers et au calcul de
leurs primes47.
Enfin, selon Roland Hautefeuille, l'acconier est, comme le stevedore, le
manutentionnaire chargé des opérations matérielles du déchargement mais il est
aussi le consignataire commercial du navire chargé de livrer la marchandise pour le
compte du transporteur48.
Beaucoup d'auteurs ont donc souligné la différence de pratiques, mais très peu ont
tenté de l'expliquer.
45RODIERE (R), Traité de Droit Maritime, op.cit., p.14. 46 Traité de Droit Maritime, 1958, N°323, p.226. Et au ssi, FRAIKIN (G), Traité de la responsabilité du transporteur maritime, L.G.D.J, 1957, N°87, p.90. 47 RODIERE (R), Traité de Droit Maritime, op.cit., p.25. 48Stevedores et acconiers, L'informateur maritime, 22 décembre 1952, dans BERTRAND DE LA GRASSIERE (P), La nature juridique des opérations de manutention et de livraison des marchandises, D.M.F 1953, p.493.
16
Il convient de rappeler tout d'abord que l'organisation moderne des entreprises de
manutention s'inscrit dans un contexte de développement du transport de ligne,
imposant une nouvelle structure maritime49. Le développement des échanges et
l'augmentation du volume des cargaisons nécessita l'intervention d'intermédiaires
pour prendre soin de la marchandise avant l'embarquement et après débarquement.
On sait que l'acconier tient ses fonctions juridiques de la pratique des portefaix qui,
dépourvus de leurs fonctions initiales de "simples manutentionnaires" se chargèrent
de prendre soin des marchandises avant leur chargement et après leur
déchargement50.
Les magistrats de la Cour de Cassation ayant pris soin de relever que précisément
l'entrepreneur de manutention en cause (un acconier) avait reçu des usages une
autre mission que celle d'un simple manutentionnaire51.
Cependant, dans les ports de l'Atlantique, de la Mer du Nord et de la Manche, les
armateurs développent des agences52 pour s'occuper des opérations juridiques
afférentes à la marchandise, or la différence de pratiques ne semble pas tenir de la
création des grandes compagnies d'armement puisqu'elles se sont constituées sur
les côtes atlantiques et méditerranéennes en même temps.
Les stevedores ne se chargeant que de la manutention pure, les opérations
juridiques afférentes à la marchandises pouvaient être également confiées à une
autre entreprise indépendante53, comme cela est d'ailleurs encore le cas aujourd'hui
en Belgique où, à coté des "arrimeurs anversois" effectuant les opérations de
chargement - déchargement, opèrent les entreprises de manutention dénommées les
49TASSEL (Y), Thèse, op.cit., p.8. 50"A Marseille, la différence entre les diverses obligations des entrepreneurs de manutention est très apparente: il y a les acconiers et les portefaix: le portefaix n'a gardé que le rôle de mandataire du négociant propriétaire; c'est lui qui fait la reconnaissance, qui a le pouvoir de donner décharge au capitaine, qui se rend à bord à côté de l'acconier pour prendre réception lors de la livraison sous palan. L'acconier, lui, ne fait que des opérations matérielles et n'opère de reconnaissance de la marchandise que pour établir sa responsabilité vis-à-vis du transporteur..."THOMAS (A), Les acconiers, Thèse Aix 1923, N°48, p.41. 51Cass.Com 26 juin 1957 et Cass. Com 12 mai 1958. 52Tel fut le cas par exemple de la Compagnie Générale Transatlantique qui créa ses propres installations à Dunkerque, au Havre, à Nantes, à Bordeaux et même à Marseille.
17
"nations" 54, qui sont spécialisées dans les opérations préalables au chargement ou
postérieures au débarquement à savoir les opérations de réception, de manutention
sur les quais, de garde, et d'entreposage.
En fait, à côté des stevedores, opèrent des entreprises indépendantes, appelées
consignataires de navires, dont les services ont été requis par l'armement lorsque
celui-ci n'a pas d'agence, ou consignataires de la cargaison dont les services sont
requis par le chargeur ou le destinataire lorsque le transporteur reporte sur eux le
soin de s'occuper juridiquement de la marchandise.
Cependant, ces consignataires n'opèrent pas exclusivement dans les ports de la Mer
du Nord, de l'Atlantique et de la Manche. La présence de ces intermédiaires dans les
ports méditerranéens provient notamment du fait que rien n'interdit aux acconiers de
ne procéder qu'à la manutention.
La distinction de fonctions accomplies par les acconiers et les stevedores est bien
réelle mais n'a jamais été absolue, les deux catégories de manutentionnaires
pouvant contractuellement restreindre ou élargir l'étendue de leurs obligations.
Pour revenir au schéma distinctif classique, basé sur la localisation géographique,
son explication n'a jamais vraiment été clairement donnée.
Yves Tassel avança dans sa thèse55 deux motifs pouvant expliquer cette distinction:
Il souligne tout d'abord le fait que la division des tâches favorise l'accélération des
opérations et essentiellement celles de la manutention. Pour lui, ceci expliquerait que
les ports de l'Atlantique, de la Mer du Nord et de la Manche, soumis au phénomène
de marées, qui peut exiger que les opérations matérielles et juridiques se déroulent
en un temps plus limité et plus court, l'aient adopté, à la différence des ports
méditerranéens.
53Dans des ports comme Dieppe ou Calais, la Compagnie Générale Transatlantique fut pendant longtemps représentée par la société Léon Vincent. 54PINTO (P), L'entrepreneur de manutention à Marseille et à Anvers, Mémoire D.E.S.S. AIX, 1996. 55Le statut juridique de l'entrepreneur de manutention dans la loi du 18 juin 1966 et le décret du 31 décembre 1966, Nantes, 1973, p.9.
18
Ensuite, la différence tiendrait à la nature même des ports. Citant le géographe Alain
Vigarié56, Yves Tassel reprend la classification des ports en deux groupes:
ceux dont l'impulsion vient par l'horizon marin et ceux dont les centres de pulsion
sont placés à l'arrière pays. Or au moment du développement des grandes
compagnies d'armement, cette différence entre les ports est réelle.
Ainsi Yves Tassel précise-t-il, sans pour autant vouloir exagérer la distinction que:
"la façade Atlantique reflète une dépendance continentale alors que la façade
méditerranéenne est d'une dépendance océanique. Mais là où l'intérieur n'est pas un
centre de pulsion intense, l'organisation portuaire doit être plus développée. Tel est
le cas des ports méditerranéens, où une même entreprise assume non seulement la
manutention, mais aussi la consignation. Au contraire, lorsque le port vit au rythme
de l'intérieur, l'organisation de la consignation se fait sans doute moins sentir. De
toute façon, elle n'est pas aussi intimement liée à la manutention. On comprend dés
lors quelle soit organisée par un autre que par l'entrepreneur de manutention".
SECTION 2 PRISE EN COMPTE DES PARTICULARISMES
DANS LA LOI DU 18 JUIN 1966
Jusqu'à 1966, aucun texte ne prévoit vraiment le régime juridique de la manutention
portuaire, la situation en France n'étant pas différente des autres pays.
La situation juridique de la profession est donc laissée à l'appréciation de juges
jusqu'à la réforme de 1966.
56 La circulation maritime, M.Th. Génin, Paris 1968, p.86 et s. dans TASSEL (Y) Thèse, op.cit., p.8.
19
Mais la différence de nature des opérations accomplies par les acconiers et les
stevedores, laisse suggérer une différence de régimes juridiques leur étant
applicables.
§1 Le Régime juridique avant la Loi de 1966 - Aspec ts jurisprudentiels
Le Code de commerce de 1808 consacrait la notion d'unité du contrat de transport
maritime57. Le contrat de transport couvrait la période depuis la prise en charge de la
marchandise par le capitaine jusqu'à la remise de celle-ci au destinataire58 à moins
qu'une clause claire énonça que la prise en charge et la livraison avaient lieu sous
palan59. Les opérations précédant ou suivant le transport par mer étaient
considérées comme un prolongement nécessaire du contrat de transport maritime,
ce qui correspondait tout à fait à l'économie du transport de l'époque.
Ainsi la Cour de Cassation déclarait: "si en dehors du transport par mer, il y a eu des
opérations qui en ont été le préalable ou devaient en être la suite, il n'y a qu'un seul
contrat, constaté par le connaissement"60. L'entrepreneur de manutention était alors
considéré comme un agent du transporteur 61.
La Convention de Bruxelles de 1924 ne fait pas allusion aux entreprises de
manutention ne gouvernant uniquement que, d'après son article premier, le trajet
maritime et laissant aux textes internes le soin de régler les phases terrestres du
transport maritime62.
57 "Ce vieux principe raisonnable", selon Pierre BOULOY, Le contrat d'acconage, mythe ou réalité ?,D.M.F 1964, p.707. 58De GRANDMAISON (J), Le contrat de transport maritime, D.M.F 1951, p.55. 59 Dans ce cas le destinataire ne pouvait plus agir sur le base du contrat de transport mais sur la base d'un nouveau contrat le liant à l'entrepreneur de manutention, il pouvait également agir sur le terrain délictuel. 60 Cass.civ. 16 juillet 1912, Recueil Sirey 1912, vol.1, p.579. 61 C.A BORDEAUX, 6 février 1889, dans CHAO (A), Acconiers et destinataires, Thèse Paris, Librairies Techniques, 1971, p.17, note 6. 62 Article 7 de la Convention pour l'Unification de certaines règles relatives aux connaissements, signée à Bruxelles le 25 août 1924.
20
La loi du 2 avril 1936 opéra donc ce que l'on a appelé le "sectionnement du contrat
de transport maritime"63. En ce sens, l'article premier de la loi, en établissant un
régime impératif de responsabilité pour la phase maritime du transport semblait avoir
exclu de son champs d'application les opérations précédant ou suivant le transport
maritime.
Ce texte suscita bien des controverses parmi lesquelles celle de déterminer le sens
exact des expressions "prise en charge sous palan" et livraison sous palan", celle de
savoir à quel régime juridique devaient être soumises les opérations dites "ante" et
"post palan"64.
Multiples théories furent avancées pour élaborer un système de responsabilité
cohérent mais sans vraiment grand succès, la jurisprudence elle même échafaudant
des constructions aussi diverses que variées sans réelle continuité. La différence de
pratiques dans les ports français ne facilita pas l'analyse et les acconiers furent "au
coeur de la tourmente"65.
On a vu précédemment que le transporteur, avec le développement des échanges,
l'augmentation du volume des cargaisons ne procédait plus lui même à la
manutention des marchandises et qu'il avait pour cela recours à des entrepreneurs
indépendants, qui exécutent à sa place, les opérations d'embarquement et de
débarquement des cargaisons ainsi que de réception, de garde et de livraison.
Et du fait du sectionnement du contrat de transport maritime, "aux rapports simples
transporteur - ayant droit (ou chargeur) se sont substituées des relations triangulaires
et l'expérience montre combien il est toujours difficile d'ajuster de pareilles
relations"66.
63 Combattu par beaucoup d'auteurs tels: Ad CHOTEAU, dans Les marchandises à quai en quête d'un statut légal, D.M.F 1950, p.317; 64 Ad.CHOTEAU, Les marchandises à quai en quête d'un statut légal, D.M.F ?, p.315. 65 A ce propos Emile Jauffret déclara: "les conflits nés du transport de marchandises par mer seraient relativement simples si les acconiers n'existaient pas" dans: L'intervention de l'acconier lors de la réception des marchandises, D.M.F 1951, p.367. 66RODIERE (R), Préface de la thèse de Mme CHAO (A), Acconiers et destinataires, Paris, Librairies techniques, 1971.
21
Les opérations de manutention pure et les opérations d'acconage (c'est à dire les
opérations juridiques accomplies par l'acconier) devaient-elles êtres soumises à la loi
maritime de 1936, au code de commerce sur le transport et les affrètements ou sur le
transport terrestre, ou bien au code civil en matière de contrat de dépôt, de mandat
ou de gestion d'affaires?
Les difficultés ont été en fait accentuées par le fait que d'une part, le transporteur,
impérativement responsable de la marchandise de palan à palan, tentait de se libérer
pour les phases ante et post palan en insérant des clauses dans ses
connaissements67, et d'autre part, à l'époque, le contrat de manutention ne se
matérialisait pas, il n'y avait pas d'instrumentum et le contrat negotium se bornait à
un échange de volontés.
Dans la pratique, même si le transporteur stipulait dans le connaissement qu'il n'était
pas responsable des opérations précédant ou suivant le transport, c'était presque
toujours lui qui avait recours aux entrepreneurs de manutention et ce, pour le compte
du chargeur ou du destinataire. De ce fait, lorsque le demandeur s'adressait au
transporteur pour réclamer des dommages survenus au cours des phases de
manutention, le transporteur lui opposait qu'il n'en était pas encore ou plus
responsable; s'il poursuivait l'entrepreneur de manutention, celui-ci invoquait le fait
qu'il ne le connaissait pas et qu'il n'était à aucun moment rentré en relation
contractuelle avec lui68.
Pour ce qui concerne les opérations de manutention pure, c'est à dire les opérations
de chargement et de déchargement de palan à palan69, elles entraient dans le cadre
de la loi de 1936, les marchandises se trouvant alors encore dans la dépendance du
navire.
67Notamment la clause dite de déchargement d'office, permettant un déchargement rapide. Cette clause était interprétée comme un mandat donné par le chargeur au transporteur de choisir l'acconier pour le compte du destinataire . 68CHAO (A), Acconiers et destinataires, Thèse Paris, Librairies techniques, 1971, N°2, p.3. 69T.C Marseille 12 octobre 1954: "...par palan, la loi entend celui du navire...". Revue de Droit Commercial, Maritime et Fiscal, 1955, p.6.
22
En ce qui concerne les opérations de manutention avant ou après palan, effectuées
par le stevedore, la nature juridique du contrat de manutention n'a pas vraiment été
discutée: l'activité du stevedore ne soulevait aucun problème particulier, responsable
de ses fautes à l'égard de celui qui l'emploie, il était tenu d'une simple obligation de
moyens70. Il n'était donc pas étonnant que la jurisprudence soit si peu fournie à son
endroit71.
En revanche elle l'a été, en fait, dans le cadre de la détermination de la nature
juridique du contrat d'acconage c'est à dire dans le cadre de l'ensemble des
opérations matérielles et juridiques effectuées par l'acconier72.
Ainsi en considérant leur tâches matérielles durant cette période, il a été soutenu que
le contrat de manutention relevait du contrat de transport . Ainsi Francis Sauvage73,
par exemple développa l'idée que la manipulation des marchandises à terre
constituait une opération terrestre devant être soumise aux dispositions applicables
aux transports terrestres à savoir l'article 103 du Code de Commerce et ce, dans le
but d'écarter les clauses de non responsabilité invoquées par les manutentionnaires.
Cette théorie ne retint pas l'attention74 même si un arrêt de la Cour de Cassation
sembla aller dans ce sens75.
Avant cela, on développa l'idée selon laquelle, l'acconier effectuant des opérations
de manutention du navire au quai sur des allèges, devait être considéré comme un
transporteur maritime76. Cette conception fut rejetée par une grande partie de la
70T.C Marseille, 18 juin 1954, D.M.F 1955, p.36. 71LAFAGE (G.H), L'acconage, D.M.F 1965, p.452. 72"Ainsi, pour les opérations de manutention pure, la nature de l'obligation pesant sur l'entrepreneur de manutention n'était pas très nette. Même si l'idée d'une simple obligation de diligence avait été avancé, la jurisprudence semblait de temps en temps faire peser sur l'acconier l'obligation de prouver une cause étrangère pour se libérer" CALAIS-AULOY (J), Armateurs et acconiers, bénéficiaires de la loi du 18 juin 1966, Recueil Dalloz Sirey 1966, Chronique XXIII, p.25. 73La condition juridique des marchandises à terre avant embarquement ou après déchargement, D.M.F 1949, p.135. 74Cass.com. 17 mai 1960, D.M.F 1960, p.472. 7523 février 1948, Gazette du Palais 1948, 1, 243 dans, SAUVAGE (F), op.cit. 76THOMAS (A), Thèse, op.cit.
23
doctrine77 ainsi que par la jurisprudence78 même si encore une fois elle reçu l'aval de
certaines juridictions79.
S'agissant des opérations d'acconage, plusieurs constructions juridiques furent
également proposées: c'est dans ce cadre en fait que le contrat d'acconage suscita
le plus de controverses:
On proposa alors la thèse du contrat de garde ou de dépôt, l'acconier agissant
comme dépositaire de la marchandise80 mais cette construction ne reflétait pas
l'ensemble des opérations accomplies par l'acconier. Elle fut donc amplement
critiquée par la doctrine soulevant l'impossibilité d'assimilation de ces deux types de
contrats81.
L'acconage, gestion d'affaires fut également suggéré mais la différence de nature
fondamentale entre les deux contrats ne se prêtait pas non plus à assimilation dans
la mesure où le contrat d'acconage impliquait un but lucratif.
Enfin, le contrat d'acconage, contrat de mandat retînt l'attention à la fois d'une
certaine partie de la doctrine82 et des juridictions83:
Cette qualification fut retenue en considération des clauses insérées dans les
connaissements par les transporteurs et notamment la clause de déchargement
d'office, le chargeur donnant mandat au transporteur de choisir une entreprise de
77LAFAGE (G.H), L'acconage, D.M.F 1965, p.451. FRAIKIN (G), le régime juridique de la manutention, D.M.F 1955, p.451. WOLFF (L), Le contrat d'acconage et le principe de l'unité du contrat de transport maritime, D.M.F 1951, p.315. 78C.A. Aix, 19 novembre 1924. 79T.C Marseille, 29 janvier 1951, D.M.F 1951, p.301, reconnaissant à l'acconier le droit de se prévaloir des article 433 et 435 du Code de Commerce. 80Notamment: C.A Aix 4 octobre 1948, D.M.F 1950, p.70; T.C Marseille 11 février 1949, D.M.F 1950, p.247.;T.C Marseille 22 février 1958. 81FRAIKIN (G), Le régime juridique de la manutention, D.M.F 1955, p.455. 82WOLFF (L), op.cit. JAUFFRET (E), op.cit. 83T.C. Marseille 18 mai 1956, D.M.F 1956, p.667; 20 avril 1951, D.M.F 1951, p.335, 26 octobre 1951, D.M.F 1952, p.494, Cass.com 21 octobre 1952, D.M.F 19553, p.73; Cass.com 1er décembre 1958, D.M.F 1959, p.210.
24
débarquement et en vertu d'une "stipulation pour autrui tacite du transporteur"84, un
lien contractuel était crée entre l'acconier et le destinataire85.
En fait toutes ces constructions juridiques avaient pour objectif de pouvoir justifier un
lien de droit entre l'acconier, dont les services étaient le plus souvent requis par le
transporteur, et le destinataire, dépourvu d'action à son encontre à faute de lien
contractuel.
Finalement, pour mettre fin aux incertitudes, la Cour de cassation posa le principe
que le contrat de transport maritime impliquait par sa nature le droit pour le
destinataire de se prévaloir de la convention intervenue entre le transporteur et
l'acconier86. Cette décision ne fit pas l'unanimité certains considérant que le
destinataire agissant contre l'acconier pouvait obtenir réparation de dommages qui
n'aurait pas été réparé sur la base du contrat de transport, l'acconier ne bénéficiant
pas du régime protecteur du transporteur87.
Mais cet arrêt ne mettait pas fin à toutes les incertitudes concernant notamment
l'étendue de la responsabilité de l'entrepreneur de manutention. C'est la raison pour
laquelle intervînt la réforme de 1966 qui dota l'entrepreneur de manutention du statut
juridique légal qui lui manquait.
§2 Les articles 50 et 51 de la loi du 18 juin 1966 88 et l'article 80 du décret
d'application du 31 décembre 1966 89
En 1950, le projet de loi sur le statut de l'entrepreneur de manutention des ports
maritimes qui n'a pas abouti, consacrait la distinction traditionnelle entre les
acconiers et les stevedores en ces termes:
84RODIERE (R), Traité de Droit Maritime, Affrètements et transports, Tome III, Dalloz 1970, N°848, p.47. 85CHAO (A), Acconiers et destinataires, Thèse Paris, op.cit. 86Cass.com. 3 juin 1964, D.M.F 1964, p.588. 87CALAIS-AULOY (J), Armateurs et acconiers bénéficiaires de la loi du 18 juin 1966, Recueil Dalloz Sirey 1966, Chronique XXIII, p.25. 88 Loi N°66-420 du 18 juin 1966. Dalloz 1966, p.295. 89Décret N°66-1078 du 31 décembre 1966. D.67, 65.
25
"lorsque son activité se limite aux opérations de chargement, arrimage,
déchargement, et transbordement, l'entrepreneur prend le nom de stevedore; il prend
le nom d'acconier lorsqu'il procède également aux opérations visées aux alinéas a/ b/
c/ (réception, reconnaissance à terre des marchandises, gardiennage à quai ou en
magasin, livraison)90.
Le but de la réforme de 1966 était d'harmoniser le régime de responsabilité des
entreprises de manutention avec celui du transporteur maritime. Sur un avant projet
de René Rodière, le texte fut élaboré par une commission de spécialistes et fut
approuvé par les différentes organisations professionnelles.
Selon René Rodière et Emmanuel Dupontavice, la loi du 18 juin 1966 a tenu compte
des nombreuses difficultés survenues pour régler le statut des entrepreneurs de
manutention. Ces difficultés étaient en partie nées de la diversité de pratiques dans
les ports français.
Aussi la réforme de 1966 a - t - elle distingué les deux catégories d'opérations:
dans son article 50, il s'agit des opérations que tous accomplissent, c'est à dire les
opérations de manutention proprement dites et dans l'article 51, sans les nommer, du
fait que la loi doit être une pour tous, celles dont la convention ou les usages ne
chargent en fait la plus part du temps que les entrepreneurs de la Méditerranée91.
Le texte n'a pas effacé la distinction mais il n'était pas souhaitable d'une part
promouvoir des règles différentes pour les ports français de la Méditerranée et les
autres ports français et d'autre part qu'un usage de certains ports devienne une
contrainte. Il fut donc question de souplesse des dispositions sur les entreprises de
manutention et on parla de régime juridique "à deux vitesses"92.
90 LAFAGE (G.H), L'acconage, D.M.F.1965, p.452. 91RODIERE (R), DUPONTAVICE (E), Précis de Droit Maritime, DALLOZ, 12ème Ed., p.253 et s. 92VEAUX-FOURNERIE (P) et VEAUX (D), Les auxiliaires terrestres du transport maritime, Jurisclasseur commercial, Fascicule 1190, Editions du Juris-classeur 1998, p.4.
26
La loi 93 consacre huit articles aux entrepreneurs de manutention se regroupant
autour de deux grandes divisions à savoir d'une part le régime juridique de
l'intervention de l'entrepreneur de manutention et d'autre part le régime juridique de
l'action en responsabilité contre l'entrepreneur de manutention.
Elle est complétée par le décret du 31 décembre 1966, dont les dispositions prennent
également en considération les différents types d'opérations accomplies par les
entreprises de manutention.
La distinction des articles 50 et 51 de la loi est d'autant plus importante qu'ils
n'énoncent pas le même type d'obligation.
L'article 50 recouvre la phase de l'intervention de l'entrepreneur de manutention qui
se compose uniquement d'opérations matérielles94. Il s'agit de l'obligation essentielle
de l'entrepreneur, son intervention caractéristique dans le transport maritime95.
Cet article s'applique autant aux stevedores qu'aux acconiers. Il comporte à la fois
une obligation de moyens pour les opérations de chargement et de déchargement
mais aussi pour les opération de mise et reprise sous hangar ou sur terre-plein.
L'article 51 de la loi va préciser le régime des opérations juridiques accomplies
éventuellement par l'entrepreneur de manutention96.
Cet article est complété par l'article 80 du décret du 31 décembre 1966 énumérant
précisément ces opérations juridiques97.
93En application de l'article 59 de la loi, les nouvelles dispositions ont pris effet le 1er avril 1967 et régissent les contrats conclus postérieurement à cette date. 94Article 50: "L'entrepreneur de manutention est chargé de toutes les opérations qui réalisent la mise à bord et le débarquement des marchandises, y compris les opérations de mise et de reprise sous hangar et sur terre-plein, qui en sont la préalable ou la suite nécessaire". 95TASSEL (Y), Le statut de l'entrepreneur de manutention dans la loi du 18 juin 1966 et le décret du 31 décembre 1966, Thèse Nantes, 1973, p.19. 96 Article 51:"En dehors des opérations visées à l'article précédent, l'entrepreneur de manutention peut éventuellement être appelé à accomplir pour le compte du navire, du chargeur ou du réceptionnaire, d'autres opérations définies par décret" 97Article 80:"Les opérations visées à l'article 51 de la loi sur les contrats d'affrètement et de transport maritimes que l'entrepreneur de manutention peut éventuellement être appelé à effectuer pour le compte du navire, du chargeur ou du réceptionnaire sont notamment les suivantes:
27
Ces opérations consistent, à l'import, à réceptionner la marchandise, à la reconnaître
et à la garder jusqu'à son embarquement et à l'export, à également la réceptionner,
la reconnaître et surtout à la délivrer. L'article 80 précise en outre que ces opérations
peuvent résulter, soit d'un contrat, soit des usages du port.
Ainsi, selon la distinction traditionnelle, l'acconier supporte à la fois une obligation de
moyens dans les termes de l'article 50 mais également une obligation de résultats
dans les termes de l'article 51 de la loi.
CHAPITRE 2 CONTEXTE D’EVOLUTION DES FONCTIONS DE
L'ENTREPRENEUR DE MANUTENTION
Après avoir décrit les éléments de distinction traditionnelle entre les deux catégories
d'entrepreneurs, il faut s'attacher maintenant à relater ceux qui ont contribué
récemment à entraîner un affaiblissement de cette distinction ou qui permettent de
constater que les entreprises de manutention ont connu une évolution semblable
autant au niveau de leur cadre structurel que de leur contexte économique et social.
a/ La réception et la reconnaissance à terre des marchandises à embarquer ainsi que leur garde jusqu'à leur embarquement; b/ La réception et la reconnaissance à terre des marchandises débarquées ainsi que leur garde et leur délivrance.
28
SECTION 1 LE CADRE STRUCTUREL
§1 La conteneurisation et le développement du trans port multimodal
En termes de volumes, les conteneurs représente la plus grande partie des
marchandises manutentionnées à l'exception des vracs liquides.
Le développement du conteneur a représenté une véritable révolution dans la
technique du transport et même dans la structure du commerce des armateurs.
Apparu dans les années vingt, ce n'est que dans les années cinquante qu'il connaît
un véritable essor en assurant le "porte à porte"98; le conteneur a en fait été conçu
dans une logique de transport multimodal.
Sa manutention étant facile et rapide, il permit l'accélération des opérations de
chargement, de déchargement et d'arrimage, ce qui en termes de productivité pour
l'armateur n'était pas négligeable puisque les temps d'escales se voyaient réduits.
Pour la marchandise, il présentait l'avantage d'une meilleure protection de la
marchandise tant au niveau de la casse que du vol; les assureurs consentant même
d'ailleurs à l'époque des conditions spéciales à leurs utilisateurs.
La conteneurisation a suscité en outre l'avènement des navires spécialisés ce qui a
entraîné la nécessité de mettre en place de nouvelles structures dans les ports, et de
les équiper notamment d'appareils de levage spéciaux.
Encore aujourd’hui on remarque le transfert de certaines catégories de marchandises
habituellement transportées en conventionnel vers la technique de la
conteneurisation99 .
Ces services supplémentaires sont dus s'ils sont convenus ou sont conformes aux usages du port". 98WAROT (J), L'avènement du container dans le trafic maritime, D.M.F 1951, p.263. 99 Le BARS (F), Réflexions sur les mutations dans le monde maritime dues à la conteneurisation, Annales de l’I.M.T.M 1987, Vol.4, p.41.
29
Face à ce phénomène, les entreprises de manutention devaient s'adapter; qu'ils
soient utilisés par les transporteurs maritimes, les sociétés spécialisées, les
transitaires ou les commissionnaires, pour pouvoir recevoir, stocker, redistribuer et
déplacer ces conteneurs.
Outre la modification des infrastructures et de l'outillage, la conteneurisation a en
quelque sorte crée de nouvelles tâches100 pour les entrepreneurs de manutention. Ils
ont de ce fait modifié leur façon de travailler face aux nouveaux besoins de leurs
cocontractants: ainsi, ont-ils commencer à procéder à la vérification de l'état des
conteneurs, à l'empotage et aux dépotage des marchandises, aux déplacement et
stockage des conteneurs vides, à prendre soin des conteneurs réfrigérés, autant de
tâches qui ont une rémunération mais aussi qui nécessitent la mise en place de
nouvelles installations.
C'est dans ce cadre général de la conteneurisation que l'on a vu apparaître les
opérateurs de terminaux:
Cette nouvelle génération d'entrepreneurs de manutention qui ne se bornent plus à
exécuter les fonctions strictes de manutention mais étendent leurs interventions aux
opérations de réception, de reconnaissance et de garde des marchandises101.
"A notre époque, les stevedores et les acconiers, tels qu'on les connaissait autrefois
se transforment "en terminal operator", dans les grands ports tout au moins,
employant des engins de levage fort coûteux et gérant des parcs à conteneurs de
plusieurs hectares"102.
On a alors parlé de mutation fonctionnelle, laquelle a par exemple entraîné la
signature d'une convention internationale à Vienne le 19 avril 1991, sur la
responsabilité des exploitants de terminaux de transports dans le commerce
international.
100Voir les contrats en annexe. Le détail de ces nouvelles obligations sera étudié dans la deuxième partie. 101D.M.F 1992 p.561.
30
Même si cette convention n'est pas encore entrée en vigueur103, elle a pour objet de
définir le régime applicable aux entreprises "effectuant des services de stockage,
entreposage, chargement, déchargement, arrimage, trimmage, fardage et accorage".
La conteneurisation a en outre « engendré l’industrialisation du transport maritime en
faisant pénétrer les grands principes d’organisation industrielle comme les effets
d’économie d’échelle, l’interchangeabilité du fret grâce à un contenant
standardisé »104.
§2 Modernisation de l'outillage
Vers les années 1950, les entreprises de manutention ont contribué à donner aux
ports leur aspect moderne en les dotant de puissantes installations, engins de
lavage, silos, parc de stockage, voies ferrées, tracteurs...105
En 1970, René Rodière notait l'industrialisation profonde de la profession, se
marquant dans l'usage d'appareils de divers types, dont certains extrêmement
coûteux comme les portiques106.
Si l’on a souligné l’importance de la conteneurisation dans la mutation fonctionnelle
des entrepreneurs de manutention des ports de la Mer du Nord, de la Manche et de
102NICOLAS (P.Y), Note sous un arrêt de la Cour de Cassation du 3 février 1998, D.M.F 1998, p.383. 103Sur le nouveau régime qu'elle institue, voir D.M.F.1992, p.11 et p.71. 104 FIORE (C), Lignes tour du monde ou réseaux :le point du débat en matière de maîtrise de la circulation des conteneurs, Annales de l’I.M.T.M 1986, Vol.3, p.49. 105 FRAIKIN (G), Traité de la Responsabilité du transporteur maritime, L.G.D.J, 1957, p.89. 106 RODIERE (R), Traité, p.23.
31
l’Atlantique, l'apparition du conteneur sonna le glas des élingues, plateaux, filets et
autres107.
Aujourd’hui, l’outillage des entreprises comporte essentiellement, des grues de quais,
automotrices ou flottantes, des portiques (pour les conteneurs ou les minerais), des
chariots élévateurs (pour les marchandises diverses en palettes), des cavaliers
(destinés à la manutention des conteneurs du quai au lieu de stockage), des
tracteurs (pour les remorques en Ro/Ro).
Normalement, l’outillage portuaire comme les grues ou les portiques, est loué par le
port ou la chambre de commerce et est sous la responsabilité de l’entrepreneur.
Les équipements propres aux entreprises de manutention étaient autrefois peu
importants. Ils sont devenus la base de leur activité ces dernières années; la
modernisation du transport maritime a poussé les entrepreneurs qu'il s'agisse des
entrepreneurs de manutention des ports de la Mer du Nord, de l'Atlantique, de la
Manche ou des ports méditerranéens, à investir davantage en particulier en matériel
lourd108 et en nouvelles technologies109.
La force humaine, qui était le critère de la manutention, a fait progressivement place
à la mécanisation110.
107WAROT (J), op.cit. 108 Destiné principalement au développement des terminaux à conteneurs. 109 Comme l’informatisation des données et la mise en place du système G.P.S dans la gestion des mouvements sur zone de stockage. 110 PERI (H), Les opérateurs portuaires français dans la Communauté Européenne, Annales de l’I.M.T.M 1992, vol.9, p.155.
32
§3 Les infrastructures de stockage
Auparavant, le stevedore ne recevait pas la marchandise dans un entrepôt lui
appartenant ou loué par lui et la conservait en attente d'embarquement. Il attendait
les instructions de l'armateur ou du consignataire pour prendre les marchandises
dans un certain lieu. Le premier travail du stevedore consistait alors à aller chercher
la marchandise pour l'amener sur le quai puis à la charger sur le navire111.
Aujourd'hui il en va différemment, dans la plus part des cas, l'entrepreneur de
manutention dans les ports de la Mer du Nord, de la Manche ou de l'Atlantique
dispose d'infrastructures de stockage en attendant l'arrivée du navire.
De même au déchargement, les marchandises sont stockées en attendant la
délivrance ou la prise en charge pour le post acheminement par un transporteur
terrestre.
111 RODIERE (R), Traité Général de Droit Maritime, Affrètements et Transports, Tome III, Librairies Dalloz, 1970, p.23.
33
Pour cela, les entrepreneurs disposent de surfaces sur les quais ou dans l’hinterland
et de hangars. Ces surfaces ou hangars sont le plus souvent loués par le port mais
peuvent également appartenir à l’entreprise.
On observe aujourd’hui le fait que de plus en plus d’entrepreneurs désirent disposer
de leurs propres lieux de stockage et de quais privés112.
§4 La sécurité des sites portuaires
Il est un fait bien établi qu’une grande partie des pertes occasionnées aux
marchandises lors des phases terrestres provient des vols, qu’il s’agisse de simple
« chapardage » ou de véritable vol organisé, ce problème a toujours été l’un des soucis
majeurs des entrepreneurs de manutention.
Malgré la prise en charge de la sécurité des sites portuaires par les autorités du port, il
n’avait pas vraiment été constaté d’amélioration dans les chiffres concernant la
disparition des marchandises durant les phases de manutention.
Aujourd’hui il faut remarquer la tendance des entrepreneurs à compléter les services de
sécurité des ports par des moyens privés. Les entrepreneurs requièrent de plus en plus
les services de sociétés de surveillances privées, notamment sur les parcs à
conteneurs.
Il n’est pas une entreprise de manutention aujourd’hui, tout au moins en ce qui
concerne les grandes entreprises, qui ne mette en place son propre système de
112 C’est le cas notamment au Havre, pour la société des Terminaux de Normandie.
34
sécurité, afin d’améliorer sa fiabilité en matière de gardiennage des marchandises dans
l’enceinte de sa concession.
Le système de surveillance consiste généralement en un contrôle accru des sorties de
marchandises, en un contrôle informatisé de l’emplacement de celles-ci dans l’enceinte
portuaire, en une mise en place d’équipes de surveillances de jour et de nuit effectuant
des rondes régulières113.
Ce phénomène s’observe tant au niveau des ports méditerranéens que des
ports de la Mer du Nord, de la Manche ou de l’Atlantique, qui comme nous allons
le constater, se chargent des opérations de garde des marchandises et peuvent
donc être tenus pour responsable des pertes114.
SECTION 2 Le contexte économique et social
§1 Le désengagement des armements
Il s’agirait ici d’un autre élément ayant sans doute contribué à faire évoluer les
entreprises de manutention :
Bonnecase disait à propos des entrepreneurs de chargement et de
déchargement:"Ils méritent de figurer à côté des agents terrestres de la navigation
maritime à raison de ce que ces entrepreneurs de chargement et de déchargement
des navires constituent de plus en plus en fait une branche des maisons d'armement
elles-mêmes, ou en tous les cas des maisons de transit"115.
Selon Guy Fraikin, l'acconier pouvait être aussi transporteur maritime et avoir une
branche d'acconage nettement distincte116.
113 KARAVOKYROS (A), Le terminal à conteneurs portuaire, Mémoire de D.E.S.S Aix 1997-1998, Les modalités du gardiennage, p.61. 114 Sur la fonction de garde des entrepreneurs, voir la deuxième partie du mémoire. 115BONNECASE (J), Traité de Droit Commercial Maritime, Librairie de la Société du Recueil Sirey, 1923, N°373, p.392. 116FRAIKIN, Traité de la responsabilité du transporteur maritime, L.G.D.J, 1957, p.90.
35
En fait, pendant longtemps, les transporteurs ont possédé leurs propres entreprises
de manutention. Que ce soit en prise de participation dans le capital ou pleine
propriété, ils étaient directement liés que ce soit aux stevedores ou aux acconiers117.
Ils ont par là même favorisé leur développement technique en apportant une partie
des capitaux nécessaires.
Cependant vers le début des années quatre-vingt-dix, on constate un
désengagement de ces armements dans le domaine de la manutention. Les
armements n’engrangent plus suffisamment de bénéfices pour continuer à soutenir
ces entrepreneurs. Ils se séparent donc peu à peu de leurs branches de
manutention118 mais dans la plus part des cas, en restant clients des sociétés
indépendantes.
Ce phénomène aurait poussé les entrepreneurs à réagir face à la concurrence des
autres ports européens et donc à celle de leurs homologues des ports d’Anvers,
Hambourg, Gênes, etc.… offrant des services supplémentaires, et des
infrastructures adaptées.
Il est alors question, pour les entreprises françaises, de se développer afin de
satisfaire au premier chef les transporteurs mais aussi les chargeurs.
§2 La réforme Dockers de 1992 et la concurrence des ports européens
Jusqu’au début du XXème siècle, les dockers étaient principalement des travailleurs
manuels et les marchandises étaient alors conditionnées en unités correspondant à
la force humaine.
Le travail étaient irrégulier sur les quais, du fait des arrivées aléatoires des navires
dans les ports mais le besoin de main-d’œuvre était important.
117 Ainsi par exemple, la Compagnie Générale Maritime opéra avec la Générale de manutention portuaire au Havre, la S.N.C.M et la C.M.N avec la SOCOMA à Marseille..
36
Après la deuxième Guerre mondiale, la volonté de relancer l’économie et donc
d’assurer le bon fonctionnement des ports maritimes pour développer le commerce
international poussa les pays d’Europe et notamment la France à adopter un régime
très favorable à la main-d’œuvre portuaire. Les moyens techniques étant peu
performant, il y avait un besoin de main-d'œuvre abondante. L’organisation du travail
devait être adaptée aux fluctuations de trafic et les dockers devaient bénéficier d’une
protection sociale suffisante pour leur permettre de faire de cette activité leur métier
à l’exclusion de tout autre119.
C’est dans ce cadre que fut modifiée la loi du 28 juin 1941120 par la loi du 6
septembre 1947121 posant les bases d’un statut de docker dérogatoire au droit
commun, fondé sur l’idée de monopole et de priorité d’embauche des dockers
professionnels pour le chargement et le déchargement des navires. Ce statut
organisa la « permanence de la main-d’œuvre dans l’intermittence du travail »122.
Or, après les années cinquante, les mutations technologiques modifièrent les
conditions de travail. La conteneurisation123, le développement des navires à
manutention horizontale et l’informatisation de la gestion portuaire ont entraîné une
diminution de l’emploi124 sur les quais, mais créa un besoin d’ouvriers spécialisés.
La réduction de main d’œuvre engendra des luttes syndicales. Alors que certains
pays européens réagirent rapidement à cette évolution, d’autres, comme la France
ou l’Italie se laissèrent submerger.
118 Il en existe cependant toujours, par exemple au terminal de Fos, la société SEAYARD est notamment contrôlée par l’armement chinois COSCO. 119 PERI (H), Les opérateurs portuaires français dans la Communauté Européenne, Annales de l’I.M.T.M 1992, Vol.9, p.155. 120 J.O 1er juillet 1941, p.2758.Après 1936, les dockers bénéficièrent de certains acquis sociaux. 121 Loi N°47-1746, J.O 7 septembre 1947. 122 Grâce à la mise en place du versement d’une indemnité de garantie pour inemploi financée solidairement dans les ports : TASSEL (Y) et MORINIERE (J.M), Manutention Portuaire, Jurisclasseur commercial, Fascicule 1192, Editions du Jurisclasseur 1996, p.1. 123 PADIS (P), Le docker et le conteneur, Gazette du Palais 1972, p.611. 124 Dans certains port, le taux d’inemploi atteignait les 40%.
37
Jusqu’en 1992 aucun projet de réforme du statut des dockers n’aboutit. Face à la
concurrence des ports européens comme Anvers ou Rotterdam, les problèmes des
entrepreneurs de manutention en France, dus au manque de fiabilité causé par la
main d’œuvre docker, ne leur permettent pas d’être compétitifs.
Alors que les autres ports européens développent de nouveaux services et de
nouvelles technologies, les ports français cherchent des solutions afin de diminuer le
trop-plein de main-d’œuvre.
Finalement la réorganisation de la manutention portuaire est lancée au cours de
l’année 1991 et une Loi est votée le 9 juin 1992125. Elle organise la réforme autour de
deux grandes idées : la mensualisation des dockers et le maintien de dockers
intermittents dont la charge financière est assumée par les places portuaires.
En fait, d’un point du vue économique, la réforme a coûté cher, aux autorités
portuaires ainsi qu’aux entrepreneurs de manutention : les départs des ouvriers
dockers peu qualifiés ont entraîné de lourdes charges financières pour les
entrepreneurs126.
Mais, selon eux, cette réforme, bien que n’étant encore pas achevée, leur a permis
de réorganiser leur activité dans le sens d’une meilleure compétitivité.
125 Loi N°92-496, J.O 10 juin 1992.
38
DEUXIEME PARTIE L'UNIFORMISATION DES CONTRAT DE
MANUTENTION DANS LES PORTS DE LA MER DU NORD, DE LA
MANCHE ET DE L'ATLANTIQUE ET DES PORTS MEDITERRANEE NS
Si l'on a affirmé que les entreprises de manutention des ports de la Mer du Nord, de
l'Atlantique et de la Manche avaient subi une mutation fonctionnelle compte tenu du
contexte d'évolution générale du transport maritime, l'étude du contenu des contrats
de manutention permet d'appuyer cette observation.
Le contrat de manutention est un contrat consensuel qui se forme dés l'échange des
consentements127. C'est un contrat commercial dont la preuve se fait par tout
moyen128. Aucun écrit n'est exigé pour sa validité.
Cependant, dans la plupart des cas, le contrat de manutention est matérialisé par un
écrit. Il s'agit généralement d'un accord cadre avec un transporteur maritime conclu
pour une certaine durée généralement minimum d'un an129.
126 Qui répercutent une partie des coûts sur leurs tarifs. 127RODIERE (R), Traité de Droit Maritime, Affrètements et transports, Tome III, Dalloz 1970, p.53. Si exceptionnellement le contrat avait un caractère mixte, sa preuve serait alors libre de la part de celui pour qui l'acte est commercial et soumise aux règles du Droit Civil pour l'autre. 128Article 109 du Code de Commerce. 129Clause 2.3 du contrat en annexe 3, clause 2.01 du contrat en annexe 4, clause 13 du contrat en annexe 6.
39
Ceci permet aux deux parties d'assurer une certaine sécurité, pour le transporteur de
ligne, au niveau de la rotation de ses navires et pour le manutentionnaire, au niveau
de son organisation en personnel et matériel et de ses prévisions d'investissements.
Chaque escale donnera alors lieu à un sous-contrat, pouvant se conclure par
courrier, téléphone ou télécopie130.
CHAPITRE 1 EXTENSION DES OBLIGATIONS DE L'ENTREPREN EUR DE
MANUTENTION
Au delà de la prestation caractéristique accomplie par l'entrepreneur de manutention,
l'analyse des différents contrats, notamment de ceux concernant des entreprises des
ports du Havre, et de Dunkerque révèlent un élargissement de leur champs d'activité,
à des opérations juridiques traditionnellement accomplies par les acconiers131.
Si l'on a déjà souligné l'influence de la conteneurisation, la mutation fonctionnelle des
entrepreneurs ne concerne pas uniquement la manutention des conteneurs, mais
aussi celle des marchandises non conteneurisées, des produits primeurs, et des
vracs.
Ces opérations rentrent dans le champs d'application de la loi de 1966 mais l'on
remarquera également de nouvelles opérations convenues dans les contrats
accomplies tant par les acconiers et les stevedores, et qui ne sont pas prévues dans
les dispositions de la loi de 1966.
130VEAUX-FOURNERIE (P), VEAUX (D),Les auxiliaires terrestres du transport maritime, op.cit., N°7, p.5. 131C.A Paris 18 octobre 1995, D.M.F 1996, p.1002.
40
SECTION 1 LES OBLIGATIONS DE L'ENTREPRENEUR DE MANU TENTION
§1 L'accomplissement d’opérations matérielles
Il s'agit donc ici des opérations de chargement déchargement , de mise et reprise
sous hangar ou sur terre-plein prévues dans la loi du 18 juin 1966.
Pour cela, l'entreprise doit mettre en œuvre les moyens nécessaires à
l'accomplissement de cette obligation. Ainsi est-il généralement prévu dans les
contrats de lignes régulières les obligations suivantes:
L'entreprise doit faire en sorte qu'un poste à quai soit disponible à l'arrivée du
navire132. En cas de retard à l'accostage133, il est souvent prévu dans le contrat que
les frais d'attente des navires ne seront pas à la charge de la ligne.
Elle doit ensuite mettre à disposition les moyens adaptés et les surfaces suffisantes
pour la manutention et le stationnement des marchandises134.
Elle doit en outre assurer la mise à disposition du matériel de manutention et de la
main d'œuvre adaptés:
132Clause 2.1.1 du contrat du Havre en annexe 2; clause 3.1.1 du contrat du Havre en annexe 3, clause 2.1.1 du contrat de Marseille en annexe 5 etc… 133Seulement si ce retard est dû à une décision de l'entrepreneur: clause 2.4 du contrat du Havre en annexe 2. 134 Clause 2.1.3 et 2.1.4 du contrat du Havre en annexe 2, clause 3.1.3 et 3.1.4 du contrat du Havre en annexe 3, clause 2.1.3 du contrat de Marseille en annexe 5
41
Au niveau du matériel, les contrats prévoient l'utilisation de portiques, grues, chariots
à fourches, cavaliers et pour la manutention plus spécialisée du vrac, l'utilisation de
bandes transporteuses.
Au niveau de la main d’œuvre, l’entrepreneur doit requérir un nombre suffisant
d’équipes de dockers afin de respecter les clauses de rendement souvent ajoutées
dans les contrats135.
Les cadences sont établies en fonctions du type de manutention, c’est à dire
verticale ou horizontale car, en cas de non-respect des cadences détaillées dans le
contrat, le manutentionnaire se verra sanctionné par des pénalités si la fin des
opérations remet par exemple en cause le départ du navire136.
S'agissant des opérations à proprement parler, à l’embarquement, pour les navires à
manutention verticale, elles comprennent une partie « terre » consistant à prendre la
marchandises sous hangar ou sur terre plein pour les amener à l’aplomb du navire,
et une partie « bord » consistant à la mise à bord proprement dite des marchandises.
Pour les navires rouliers, la manutention à terre consiste à disposer sur le terre-plein
près du navire l’ensemble des remorques « esclaves » et autres ensembles routiers
afin de procéder rapidement à l’embarquement.
Toutes les marchandises et matériels roulant sont présenté à l’aplomb du navire le
sont dans un ordre précis, en suivant le plan de chargement et ce, afin de permettre
un déchargement rapide des cargaisons en fonction de leur destination, les
marchandises devant être transportées jusqu’au port de destination finale étant bien
évidement chargées en premier.
En outre certaines marchandises sont embarquées directement, sans attendre le
long du navire. Il s’agit des marchandises ne supportant pas un séjour à quai
prolongé : c’est le cas des conteneurs reefers, des remorques réfrigérées mais aussi
135 Clause 2.1.6 du contrat du Havre en annexe 2, clause 2.1.6 du contrat de Marseille en annexe 5. 136 Clause 2.1.7 du contrat du Havre en annexe 2, clause 2.1.7 du contrat de Marseille en annexe 5.
42
des produits primeurs ou autres, non conteneurisés, destinés à être chargés dans
des cales réfrigérées et qui sont unitarisés en palettes, et enfin des marchandises
dangereuses.
Avant que la mise à bord de la marchandise soit réalisée, l’entrepreneur procède le
plus souvent à l’ouverture des panneaux de cale137 qui nécessite l'emploi de matériel
lourd, puis après la mise à bord, il procède à l’arrimage138 de la cargaison. Cela fait
partie de ses obligations contractuelles. L’arrimage est effectué avec les moyens du
navire et sous le contrôle des officiers du bord, le transporteur étant responsable de
l’arrimage des marchandises139.
S’agissant des opérations de déchargement, l’entrepreneur se verra transmettre
avant l’arrivée du navire les informations sur la marchandise lui permettant de fournir
les moyens en équipement et en équipes nécessaires.
Les manutentionnaires procèdent tout d’abord au désarrimage des marchandises,
toujours sous le contrôle du personnel du bord.
Là encore les opérations se déroulent en deux étapes : les marchandises chargées
en pontée sont évidemment déchargée en premier, puis, après ouverture des
panneaux de cales, les autres marchandises sont déchargées sur le quai.
Elles sont ensuite reprises pour être « alloties » sous hangar ou sur terre-plein. Les
matériels roulants sont généralement délivrées directement à leur réceptionnaire sur
le quais.
137 Clause 3.2.1.2 du contrat du Havre en annexe 2, clause 3.2.1.2 du contrat de Marseille en annexe 5, clause 4.2.1.b du contrat de Sète en annexe 10 138 Voir pour les marchandises diverses, conteneurs et matériels roulant : la clause 3.2.1.2 du contrat du Havre en annexe 2 ; clause 4.1.2.7 du contrat du Havre en annexe 3 ; clause 4.01.H du contrat de Marseille-Fos en annexe 4, clause 4.2.1.B du contrat de Dunkerque en annexe 5. Pour les véhicules, la clause 4 du contrat du Havre en annexe 8 et pour les produits primeurs, la clause IV.1 du contrat en annexe 9. 139 Article 38 du décret du 31 décembre 1966 sur les contrats d’affrètement et de transports maritimes. Les dommages aux marchandises provenant d’un mauvais arrimage constitue une faute commerciale du transporteur maritime. Cependant certains contrats prévoient que l’entrepreneur engagerait sa responsabilité en cas de mauvais arrimage, tel le contrat de Sète en annexe 10 « le
43
Au delà des opérations de manutention de "quai à bord », le manutentionnaire va
également effectuer les opérations de transbordement d'un navire à un autre140.
C’est souvent le cas en matière de conteneurs ; ceux-ci étant amenés dans les ports
par des navires « feeders » pour être rechargés sur des navires plus important
effectuant des voyages sur de longues distances.
Enfin, lors des opérations de chargement-déchargement, le manutentionnaire aura à
effectuer ce que l’on appelle les « shiftings », également prévus dans les contrats141.
Ces opérations consistent à manutentionner les marchandises qui sont déjà sur le
navire, soit sur le navire lui-même (« bord-bord »), soit du navire au quai et
inversement (« quai-bord/bord-quai »), et ce, afin d’organiser au mieux le
chargement des marchandises en attente et d’assurer une disposition de celles-ci à
bord dans un soucis de sécurité.
§2 La généralisation de l'accomplissement d'opérati ons juridiques
Dans tous les contrats référencés en annexe, qu'il s'agisse d'une entreprise située au
Havre, à Dunkerque, à Marseille ou à Sète, que ce soit en matière de manutention
de conteneurs, marchandises non conteneurisées, matériel roulant, ou de vrac, la
clause définissant l'objet du contrat fera état de l'obligation pour l'entrepreneur de
s'acquitter de tâches à caractère juridique:
Ainsi dans la clause 1.1.2 du contrat d'une entreprise du Havre manutentionnant les
conteneurs, marchandises non-conteneurisées et matériel roulant en annexe 2:
"Le présent contrat a pour objet l'ensemble des opérations suivantes" notamment :
"La réception et la reconnaissance à terre des marchandises à embarquer ou
manutentionnaire engagerait sa pleine responsabilité pour les faits résultant d’un saisissage incomplet et/ou ne respectant pas les consignes reçues », article 2.p. 140 Clause 3.3 du contrat du Havre en annexe 2, clause 4 .1.4 du contrat du Havre en annexe 3, clause 3.3 du contrat de Marseille en annexe 5. 141 Clause 3.4 du contrat du Havre en annexe 2, clause 4.1.6 du contrat du Havre en annexe 3, clause 4.02 du contrat de Marseille-Fos en annexe 4, clause 3.4 du contrat de Marseille en annexe 5, clause 4.2.i du contrat de Dunkerque en annexe 7, clause 4.2.3 du contrat de Sète en annexe 10.
44
débarquer ainsi que leur garde et leur délivrance jusqu'à ce que l'Entreprise en soit
régulièrement dessaisie.".
On trouvera également dans le contrat d'une entreprise de Dunkerque en annexe 7
la clause suivante:
"l'Entreprise assure les opérations de manutention....ainsi que les opérations sur le
terminal, et les opérations d'empotage/dépotage sur terre-plein qui en sont le
complément"142.
En matière de manutention de produits primeurs, dans le contrat type en annexe 9,
on trouvera la clause III:
"ainsi que le pointage, la livraison, le relevage, les formalités de douane et de
transit...."143.
Le contrat de manutention de vrac en annexe 6 a quant à lui pour objet:
" 1/les opérations de déchargement des navires de minerais de fer sur le quai du
Q.P.O du Port de Dunkerque, 2/ les opérations de mise en stock desdits minerais sur
les parcs du Q.P.O, 3/ les opérations de rechargement de ce même minerai, après
pesage en continu sur bande et pointage approprié des wagons ".
Et enfin on notera dans les clauses du contrat de manutention de véhicules d'une
entreprise du Havre, en annexe 8, les termes "whilst in his custody"144.
Comme le précise l'article 51 de la loi de 66, les opérations juridiques effectuées par
l'entrepreneur de manutention comprennent, la réception, la reconnaissance, la
garde et la délivrance des marchandises.
A/ La réception et la reconnaissance
142 Clause 1. 143 Article III. 144 Clause 6.3.
45
La plupart des contrats référencés en annexe comportent une rubrique « réception »
décrivant les opérations que l’entrepreneur doit effectuer.
Ainsi, les contrats des entreprises du Havre et Dunkerque en annexe 1, 2 et 7 la
prévoient en détail pour les conteneurs pleins145, les marchandises diverses et le
matériel roulant146, de même que les contrats des entreprises de Marseille ou de
Sète147.
A l’exportation des marchandises, l’entrepreneur de manutention va s’engager à les
réceptionner sur le quai. Les marchandises y sont généralement acheminées par un
transporteur terrestre, par camion ou par wagon.
Une fois les marchandises déchargées à terre, l’entrepreneur doit procéder à leur
reconnaissance. Il doit procéder à la vérification des documents accompagnant la
marchandise148. L’entrepreneur de manutention désignera une personne habilitée à
procéder aux réserves contradictoires et à signer les procès verbaux149.
Pour les marchandises non conteneurisées, la reconnaissance consiste, pour le
manutentionnaire à vérifier la quantité de marchandises par rapport aux documents,
à examiner l’état apparent des marchandises, à contrôler les marquages et la
destination des marchandises et à éventuellement signaler des réserves sur les
documents150.
145 Clause 3 .1.1 du contrat en annexe 2, clause 4.1.1. du contrat en annexe 3, clause 4.2 du contrat en annexe 7. 146 Clause 3.1.3 du contrat en annexe 2, clause 4.2.1. du contrat en annexe 3. 147 Clause 4.01 du contrat en annexe 4 pour les conteneurs, clause 3.1.2 du contrat en annexe 5 pour les marchandises diverses et matériel roulant, clause 4.1 du contrat en annexe 10, pour les même type de marchandises à Sète. 148 Il s’agit notamment de la note de chargement qui est un document fondamental et obligatoire, institué par une décision de la Direction Générale des Douanes en 1970 dans le cadre d’une harmonisation des imprimés commerciaux et douaniers utilisés à l’exportation. Ce document sert à la fois de note de chargement et de déclaration de douane. 149 Clause 2.1.15 du contrat du Havre en annexe 2, clause 2.1.15 du contrat de Marseille en annexe 5. 150 Clause 3.1.3 du contrat du Havre en annexe 2 ; clause 4.3.1.1 du contrat du Havre en annexe 3, clause 3.1.2.1 et 3.1.2.2 du contrat de Marseille en annexe 5 ; clause 4 du contrat en annexe 8.
46
Pour les conteneurs, il s’agit de faire, le cas échéant un rapport rapide des
dommages au conteneur lui-même, et à la marchandise s’il s’agit de conteneurs
« flat » ou « open-top ». L’entrepreneur doit également vérifier les plaques CSC
(comportant les numéros d’identification des conteneurs) et surtout l’état des scellés
et la conformité de leur numéros avec les documents. Si ces numéros ne
correspondent pas ou que les scellés dont endommagés, le manutentionnaire est
tenu de reporter l’incident sur les documents151 et/ou de placer de nouveaux
scellés152.
Pour les conteneurs reefers, il doit relever d’abord les températures affichées et
vérifier qu’ils ont bien été branchés153.
En ce qui concerne les marchandises dangereuses, l’entrepreneur procédera en plus
à la vérification de la conformité des étiquettes ainsi qu’à leur remplacement en cas
de besoin154.
Une fois les marchandises pointées et reconnues, le manutentionnaire prend en
charge juridiquement la marchandise.
S’il y a des dommages apparents il est tenu d’émettre des réserves précises et
circonstanciées contre le transporteur terrestre ou le déposant. Ces réserves doivent
être transmises au transporteur maritime155.
Les marchandises sont ensuite disposées sous hangar ou sur terre-plein dans un
ordre précis de façon à les appréhender et les reconnaître rapidement à l’arrivée du
navire. Elles sont classées en fonction de leur destination et de leur type156.
151 Notamment sur un document appelé E.I.R, « equipment interchange receipt ». 152 Clause 3.2.1 du contrat du Havre en annexe 2 ; clause 4.1.1.1 et 4.1.1.2 du contrat du Havre en annexe 3 ; clause 4.01.E et F du contrat de Fos en annexe 4. Etc.… 153 Clause 3.1.1.8 du contrat du Havre en annexe 2 ; clause 4.1.1.6 du contrat du Havre en annexe 3 ; etc.… 154 Clause 3.1.1.7 du contrat du Havre en annexe 2 ; Clause 4.1.1.5 du contrat du Havre en annexe 3 ; etc.… 155 Clause 3.1.1.2 et 3.1.1.3. du contrat du Havre en annexe 2, clause 4.1.1.2, 4.2.1.2, et 4.3.1.1 du contrat du Havre en annexe 3, clause 4.01.L du contrat de Marseille-Fos en annexe 4, Etc… 156 cette phase constitue l’allotissement des marchandises pour les acconiers.
47
A l’importation, les opérations en sens inverse sont accomplies. Une fois les
marchandises débarquées, le manutentionnaire s’assure du pointage et de la
reconnaissance des marchandises lors de leur prise en charge ; il le fait en fonction
du manifeste de déchargement et selon les mêmes critères que pour l’exportation
des marchandises.
En matière de vrac solide, par exemple, le pointage de la cargaison se fait par
pesage157 de celle-ci tandis que pour les véhicules, il consiste évidemment en une
vérification du nombre, du type et de la marque. Pour les produits primeurs, cette
reconnaissance s’effectue généralement après leur mise sous hangar réfrigéré et
consiste en une vérification par marque, variété et calibre158.
Une fois les marchandises débarquées le manutentionnaire va prendre des réserves
« contre le bord »159 si des dommages aux marchandises sont constatés, autres que
ceux provenant des opérations de manutention, en relation avec le transport. Il s’agit
par exemple de l’absence de scellés ou de numéros de scellés non conformes. Les
réserves pour être valables doivent être signées par le bord160.
Ensuite les marchandises sont généralement conduites sur l’aire de stockage, sous
hangar ou sur terre plein pour y être gardées jusqu’à leur délivrance au
réceptionnaire.
B/ La garde
157 Article 6 du contrat de Dunkerque en annexe 6. 158 Article IV et V du contrat-type en annexe 9. 159 Voir le chapitre 2, Section 2. 160 Voir par exemple l’article IV du contrat en annexe 9.
48
Qu’il s’agisse de l’importation ou de l’exportation de marchandises, l’entrepreneur
aura le cas échéant à les conserver161 dans l’attente de leur chargement ou de leur
délivrance. Cette fonction est également prévue dans les contrat de manutention du
Havre, ou de Dunkerque comme dans les contrats de Marseille ou de Sète.
Titulaire d’une obligation de résultats durant ces périodes, le manutentionnaire doit,
apporter tous les soins nécessaires à la conservation de la marchandise162. Selon le
type de marchandises, il devra pour remplir ses obligations, s’acquitter de certaines
tâches, liées aux spécificités des diverses marchandises.
Ces tâches sont précisées dans les différents contrats qu’il s’agisse des contrats de
manutention des ports du Havre et de Dunkerque que de Marseille, Fos ou Sète. On
remarquera qu’elles sont généralement plus détaillées à propos des conteneurs
« reefers », des marchandises diverses et matériels roulants et des véhicules,
compte tenu des risques inhérents à ces marchandises.
Ainsi, pour les conteneurs « reefers » est-il prévu que l’entrepreneur doit procéder au
branchement et débranchement du conteneur au moment du stockage163, il doit en
outre vérifier le bon fonctionnement du groupe frigorifique164, surveiller et relever les
températures à intervalles réguliers165, transmettre les données au transporteur
maritime166 et enfin lui signaler immédiatement toute anomalie167.
161 Clause 3.7« stationnement » dans le contrat du Havre en annexe 2, clause 4.1.5 du contrat du Havre en annexe 3, clause 3.7 du contrat de Marseille en annexe 5, clause 4.5 du contrat de Sète en annexe 10. 162 Comme par exemple la conservation des produits primeurs en entrepôts réfrigérés : voir l’article XI du contrat-type en annexe 9. 163 Par exemple, voir la clause 4.1.8.1 du contrat du Havre en annexe 3, ou la clause 4.2.4 du contrat de Sète en annexe 10. 164 Clause 3.5.3 du contrat du Havre en annexe 2, clause 4.3.7.b du contrat de Dunkerque en annexe 7.etc… 165 Clause 4.03.c du contrat de Marseille –Fos en annexe 4, ou clause 4.1.8.3 du contrat du Havre en annexe 3 etc… 166 Clause 3.5.9 du contrat du Havre en annexe 2, clause 3.5.10 du contrat de Marseille en annexe 5 etc… 167 Clause 4.03.d du contrat de Marseille-Fos en annexe 4 , clause 4.3.7.b du contrat de Dunkerque en annexe 7 etc…
49
En ce qui concerne les marchandises diverses et le matériel roulant, l’entrepreneur
devra les conserver dans un lieu sûr ; il devra en outre bâcher les remorques 168 et
apporter tous les soins nécessaires à leur conservation.
Pour le stockage des véhicules, la clause 4.2.1.3 du contrat du Havre en annexe 3
prévoie par exemple « storage of vehicles and rolling cargo in a safe and protected
parking area between two sailings ».
En matière de vrac solides, l’entrepreneur devra également respecter les instructions
de son cocontractant quant au soins particuliers à apporter à la cargaison, ces
instructions variant bien entendu en fonction du type de marchandises169.
S’agissant de la durée de la garde des marchandises par l’entrepreneur de
manutention, un délai de franchise est instauré par les usages du port. Ce délai
concerne généralement les marchandises en attente de la délivrance au
réceptionnaire qui se verra facturer les frais du gardiennage au-delà du délai
d’usage. En outre, le délai peut également concerner les marchandises en attente
d’embarquement, les frais supplémentaires étant selon le cas, facturés au
transporteur ou au chargeur.
C/ La délivrance
168 Voir par exemple le clause 3.1.3.3. du contrat du Havre en annexe 2. 169 Par exemple en matière de minerais, l’article 4 du contrat de Dunkerque en annexe 6 prévoie que l’entrepreneur « lorsque les conditions climatiques le rendront nécessaire, pratiquera l’arrosage des tas au moyen d’eau douce ».
50
Cette opération est généralement désignée dans les différents contrats sous le terme
de « livraison » bien que la loi du 18 juin 1966 prévoie le terme de "délivrance" des
marchandises, le terme « livraison » ne s’appliquant qu’au transporteur.
Quoiqu’il en soit, les contrats de manutention des entreprises du Havre et de
Dunkerque comprennent bien des clauses170 imposant à l’entrepreneur d’effectuer la
délivrance des marchandises, comme dans les contrats des entreprises
méditerranéennes.
La délivrance est sans doute l’une des phases les plus importante puisqu’elle met fin
à l’intervention de l’entrepreneur et donc à sa responsabilité.
Dans tous les cas, le transporteur ou son agent donneront les instructions à
l’entrepreneur de délivrer la marchandise soit à l’ayant droit en apposant une mention
sur l’exemplaire du connaissement original soit à un transporteur terrestre.
Le réceptionnaire se présente donc à l’entrepreneur avec les documents attestant de
son droit sur la marchandise après avoir, le cas échéant reconnu la marchandise et
effectué sa déclaration au service de la Douane.
L’entrepreneur, après avoir pris connaissance des documents présentés par le
réceptionnaire, émet un bulletin de livraison, appelé dans les ports méditerranéens
« billette de sortie ». Avant cela, il vérifie que des frais supplémentaires de
gardiennage ou autres ne sont pas à la charge du réceptionnaire.
Celui-ci se présente ensuite à un pointeur de l’entrepreneur qui effectue la livraison
matérielle de la marchandise et émet un bulletin de livraison dont un exemplaire est
remis au réceptionnaire.
170 Ainsi les clauses 3.1 du contrat du Havre en annexe 2, 3.1.6 ; 4.1.1 ; 4.2.1 et 4.3.1 du contrat du Havre en annexe 3, 4.01 du contrat de Marseille-Fos en annexe 4, 3 .1.1 du contrat de Marseille en annexe 5, article 5 du contrat de Dunkerque en annexe 6, 4.2.a du contrat de Dunkerque en annexe 7 Etc…
51
En cas d’avaries ou de manquants, un constat de livraison est établi
contradictoirement entre l’entrepreneur et le réceptionnaire. Ce dernier peut
éventuellement commander une expertise afin de préserver ses droits.
L’entrepreneur, au cours de la délivrance doit en fait établir tous les documents
attestant de la livraison et transmettre les informations à son cocontractant171.
§3 les obligations supplémentaires
Outre les opérations matérielles de chargement - déchargement et les opérations
juridiques prévues dans la loi du 18 juin 1966, la plupart des contrats de manutention
vont prévoir des obligations supplémentaires à la charge de l'entrepreneur. Ces
obligations peuvent être également soit matérielles soit juridiques.
En ce qui concerne les opérations matérielles, il s’agit d’une part des mouvements
sur les parcs ou terre-plein qui ne sont pas en relation avec le chargement ou le
déchargement d’un navire172. Ces opérations ne sont pas systématiques et doivent
être demandées par la ligne.
D’autre part, certains contrats prévoient le reconditionnement des marchandises
lorsque le contenant a subi des dommages lors du transport. C’est fréquemment le
cas pour les produits primeurs173.
Enfin, il peut arriver que les prestations du manutentionnaire comprennent également
des opérations de nettoyage des cales ; c’est généralement le cas dans la
manutention des vracs174.
171 notamment avec la procédure de l’ « equipment interchange receipt » :clause 3.1.1.1 du contrat du Havre en annexe 2, clause 4.1.1.1 du contrat du Havre en annexe 3, 4, clause 3.1.1.1 du contrat de Marseille en annexe 5, article 5 du contrat de Dunkerque en annexe 6. 172 clause 3.8 du contrat du Havre en annexe 2, clause 3.8 du contrat de Marseille en annexe 5, clause 4.3.6 du contrat de Dunkerque en annexe 7, clause 4.6 du contrat de Sète en annexe 10. 173 Article IV.1 du contrat type en annexe 9. 174 Voir notamment l’article 3 du contrat en annexe 6.
52
S’agissant d’opérations juridiques, le manutentionnaire va être chargé de la garde et
de la surveillance des équipements de son cocontractant :
Il est généralement prévu dans les contrats, le stationnement des conteneurs vides,
des remorques, mafis et du matériel roulant175. Lors de ce stationnement,
l’entrepreneur devra surveiller et contrôler l’état des équipements de la ligne de
manière à lui signaler tout événement les concernant176.
Enfin, dans le cadre des contrats de manutention de conteneurs, l’entrepreneur
s’engage, en cas de besoin à procéder à leur empotage ou à leur dépotage177. Ces
opération consistent à l’exportation, à disposer, à caler et à arrimer des
marchandises dans un conteneur, fourni par le transporteur mais dont l’état doit être
contrôlé par l’entrepreneur, ou à l’importation, à les en sortir178.
Cela se produit lorsque le transporteur agit aussi en tant que commissionnaire ou
simplement lorsqu’il désire grouper des marchandises non-conteneurisées sur un
navire porte-conteneurs.
SECTION 2 LES OBLIGATIONS DU COCONTRACTANT
§1 L'obligation d'information
Pour que l'entrepreneur de manutention puisse effectuer les opérations dont il a la
charge, le transporteur maritime doit quant à lui, lui fournir des informations.
175 Clause 3.7.2 du contrat du Havre en annexe 2, clause 4.06 du contrat de Marseille-Fos en annexe 4, clause 4.2.l du contrat de Dunkerque en annexe 7, article 4.2.1 du contrat de Sète en annexe 10. 176 Clause 2.1.5 du contrat du Havre en annexe 2, clause 4.01.k du contrat de Marseille-Fos en annexe 4, clause 2.1.5 du contrat de Marseille en annexe 5 et article 2.e du contrat de Sète en annexe 10. 177 Clause 3.6 du contrat du Havre en annexe 2, Clause 4.1.7 du contrat du Havre en annexe 3, clause 3.6 du contrat de Marseille en annexe 5, clause 4.3.5 du contrat de Dunkerque en annexe 7, clause 4.3 du contrat de Sète en annexe 10.
53
Ces informations portent tout d'abord sur les dates et heures d'arrivée des navires
afin que le manutentionnaire puisse le cas échéant réserver un poste à quai du port
soit, s'il s'agit d'un quai privé, s'organiser dans les meilleures conditions en tenant
compte de ses autres clients. Généralement, le transporteur fournira des dates
indicatives un mois à l'avance, et les derniers changement devront être notifiés à
l'entrepreneur au moins dans les vingt-quatre heures précédant l'arrivée du navire179.
En ce qui concerne les opérations de chargement, le transporteur doit fournir
également à l'avance un plan de chargement. Pour les opérations de déchargement,
il doit informer l'entrepreneur de la quantité et la nature des marchandises à
manutentionner, ou stocker afin que celui-ci, logiquement puisse prévoir le matériel,
la main d'œuvre et la surface nécessaires.
Si les marchandises sont destinées à être renfermées dans des contenants, la ligne
doit fournir suffisamment à l'avance les conteneurs, mafis, remorques et autres. Le
transporteur devra également informer l’entrepreneur des éventuelles opérations
d’empotage et de dépotage des conteneurs, ainsi que la quantité et la nature des
marchandises à opérer.
Lorsque la marchandise est destinée à être stockée, le transporteur doit indiquer les
conditions de stockage, notamment les températures pour les marchandises
périssables, ou si le stockage doit être effectué sous abris.
Enfin, le transporteur devra fournir les informations afférentes à la marchandises à
décharger s'agissant par exemple de marchandises relevant de réglementations
particulières comme les marchandises dangereuses, ou de marchandises non
conteneurisées présentant un mode de conditionnement particulier.
En outre, le transporteur s'engage généralement à ne pas occuper le quai plus de
temps que nécessaire aux opérations de manutention.
178 KARAVOKYROS (A), Le terminal à conteneurs portuaire, Mémoire de D.E.S.S Aix-en-Provence 1998, : Empotage et dépotage des conteneurs sur un terminal, p.73. 179 Clause 2.1 du contrat du Havre en annexe 2, clause 3.1 du contrat du Havre en annexe 3, clause 2.1 du contrat de Marseille en annexe 5, clause 3 du contrat de Dunkerque en annexe 7, article 3.a, b et c du contrat de Sète en annexe 10.
54
§2 Le paiement du prix
C'est l'obligation principale du cocontractant de l'entrepreneur de manutention.
Tous les contrats ont, dans une annexe faisant partie intégrante dudit contrat, le
détails des tarifications. On remarque généralement plusieurs rubriques dans les
tarifs distinguant :
- le type de manutention (verticale ou horizontale) : rubriques « manutention en roll-
on/roll-of », « manutention en lift-in/lift-of ».
- le type de prestation accomplie : rubriques « chargement-déchargement »,
« réception-livraison », « empotage-dépotage », « stationnement », « mouvement
sur parc », etc…
- le type de marchandise : rubriques « conteneurs frigorifiques », « conteneurs »
etc..
- les temps d’attente des personnels de l’entrepreneur et les suppléments pour
horaires spéciaux.
En fait, tous les tarifs des prestations sont détaillés de manière extrêmement
précise180.
En France, ces tarifs ne sont libres que depuis le 1er janvier 1990181 et font l'objet de
négociations entre l'entrepreneur de manutention et le cocontractant.
Il sont déterminés en fonction de l'étendue des prestations accomplies mais aussi,
lorsque l'on est en présence d'un contrat-cadre avec un transporteur maritime, en
180 Voir l’annexe 4 du contrat du Havre en annexe 2, l’annexe 8 du contrat de Marseille en annexe 5, annexe 1 du contrat de Dunkerque en annexe 6, l’annexe tarifaire du contrat de Dunkerque en annexe 7, annexe 1 du contrat-type en annexe 7 etc… 181Ils faisaient l'objet auparavant de fixation soit par des arrêtés ministériels soit par des arrêtés préfectoraux. Voir: La tarification de la manutention dans BENAMAR (M), thèse, op.cit, p.87. Cass.Com 19 décembre 1983, B.T 1984, p.445.
55
fonction des volumes annuels manutentionnés, des types de navires et de leur
fréquence. Ces tarifs sont généralement revus tous les ans.
Les prix étant convenus contractuellement, l’entrepreneur de manutention ne pourra
pas réclamer un supplément de prix en raison des difficultés rencontrées par lui dans
les opérations de manutention182.
CHAPITRE 2 UN REGIME DE RESPONSABILITE COMMUN AUX
ENTREPRENEURS DE MANUTENTION DES LES PORTS DE LA ME R DU NORD,
DE L'ATLANTIQUE ET DE LA MANCHE ET AUX ENTREPRENEUR S DE LA
MEDITERRANEE
L'acconier comme le stevedore effectuant le même type d'opérations, vont être
soumis au même régime de responsabilité, à savoir celui de la responsabilité pour
faute s'agissant des opérations matérielles et à celui de la présomption de
responsabilité s'agissant des opérations juridiques.
56
Cependant, certaines opérations, non prévues par la loi du 18 juin 1966 suscitent
encore des interrogations quant à leur régime juridique.
SECTION 1 LES CONDITIONS DE LA RESPONSABILITE DE L' ENTREPRENEUR
DE MANUTENTION
§1 La Faute prouvée
Pour les opérations de manutention pures, telles que définies dans l'article 50 de la
loi de 66, l'entrepreneur de manutention est tenu d'une obligation de moyens.
Constitue les opérations de manutention pures, les opérations de chargement et de
déchargement du navire ainsi que les opérations de mise et reprise sous terre-plein
ou sous hangar.
Le statut spécial de la loi du 18 juin 1966 ne s'applique pas cependant à toutes les
opérations de manutention effectuées dans un port; il faut qu'elles constituent le
préalable ou la suite nécessaire d'un transport maritime. Ainsi, n'entrent pas dans le
domaine de la manutention maritime, le chargement ou le déchargement de camions
ou de tout autres moyens terrestres, constituant le dernier ou le premier élément du
transport terrestre183.
Selon l'article 53 de la loi de 1966, le manutentionnaire est responsable des
dommages qui lui sont imputables. Sa responsabilité sera engagée lorsqu'il sera
prouvé qu'il a commis une faute184 et que sera rapportée la preuve d’un lien de
causalité entre la faute commise et le dommage185. Le degré de gravité de la faute
n’importe pas ici, la preuve de toute faute, même légère engage la responsabilité de
l’entrepreneur.
182 C.A Aix 23 septembre 1993, B.T.L 1993, p.741 et D.M.F 1994, p.134. 183Cass.com. 19 janvier 1976, B.T 1976, p.76; C.A Aix 15 novembre 1991, B.T.L 1991, p.591; Cass.com. 3 février 1998, B.T.L 1998, p.124. 184C.A Aix 17 octobre 1985, Revue Scapel 1987, p.5. 185 T.C Paris 9 avril 1975, D.M.F 1975, p.625 (sur le défaut de lien de causalité entre le dommage et l’acte de l’entreprise).
57
Ainsi constituera une faute de l’entrepreneur dans les opérations matérielles de
manutention, une mauvaise manipulation des marchandises186 en cours de
chargement ou de déchargement, un mauvais arrimage de la cargaison dans le
navire187. Par contre, la faute du manutentionnaire ne saurait résulter d’un mauvais
positionnement de la cargaison à bord du navire188. Le nom respect des instructions
de stockage sous hangar du cocontractant189, ou également l’emploi de matériel
inadapté190, en mauvais état ou son mauvais emploi engagera la responsabilité de
l’entrepreneur. Sera également considéré comme fautif le manutentionnaire ayant
détruit l’emballage de la marchandise191.
Ce régime juridique des opérations matérielles s’est toujours appliqué aux
manutentionnaires, qu’ils soient acconiers ou stevedores, depuis la mise en
application de la loi de 1966. En revanche cela n’a pas été toujours le cas du régime
de responsabilité s’agissant des opérations juridiques.
§2 La présomption de responsabilité applicable à to us les entrepreneurs
La présomption de responsabilité de l'article 53 de la loi va donc s'appliquer à tous
les manutentionnaires qu'ils accomplissent des opérations juridiques dans les ports
de la Mer du Nord, de la Manche de l’Atlantique ou dans les ports méditerranéens.
Ainsi, dans un arrêt du 18 octobre 1995, la Cour d'Appel de Paris a déclaré:
"Considérant que la société GAMAC, entreprise de manutention a procédé au port
du Havre aux opérations de manutention ainsi qu'à celles propres à
l'acconier;....L'acconier est présumé avoir reçu la marchandise telle que déclarée par
le déposant...."192.
186 A propos d’une chute de la marchandise, C.A Paris 24 novembre 1976, D.M.F 1977, p.162 187 Sur le mauvais arrimage en cale de tubes d’acier, C.A Aix 15 juillet 1987, Revue Scapel 1987, p.3. 188 C.A Aix 28 mai 1991, Revue Scapel 1992, p.5. 189 C.A Paris 26 juin 1979. 190 A propos de l’utilisation d’un tuyau de diamètre insuffisant pour décharger un liquide en vrac :T.C Paris 26 juin 1974, D.M.F 1975, p.738. 191 C.A Paris 21 mars 1975, D.M.F 1975, p.467. 192C.A Paris 18 octobre 1995, D.M.F 1996, p.1002.
58
S’agissant de la garde des marchandises, citons par exemple un arrêt de la Cour
d'Appel de Rouen au sujet d'un pillage de conteneur sur un terminal du Havre: "Dés
lors qu'il est constant que le conteneur ayant été pillé lors de son passage sur le
terminal, son exploitant doit être condamné"193.
C'est à l'entrepreneur de manutention qu'il appartient de démontrer qu'il n'est pas
responsable. Ainsi le stevedore qui autrefois ne se voyait tenu responsable que
lorsque sa faute était démontrée, il est aujourd'hui présumé responsable lorsqu'il
effectue des opérations juridiques.
La présomption de responsabilité de l'entrepreneur de manutention est, comme nous
l'avons évoqué, sanctionnée par une obligation de résultat.
Lorsqu'il reçoit et reconnaît le marchandise, l'entrepreneur sera déclaré responsable
des dommages survenus à la marchandise s'il ne procède pas correctement au
pointage et à l'examen de celle-ci:
ainsi le fait de ne pas procéder au contrôle des températures extérieures d'une
remorque frigorifique194, le fait de ne pas apposer de nouveaux scellés dès le constat
de l'absence de plombs195, la rédaction incomplète des documents de
débarquement196, l'absence de réserves quant au marquage de la destination197.
S'agissant de la garde des marchandises, l'entrepreneur est tenu de les restituer
dans l'état tel que déclaré par le déposant. Ainsi sera-t-il tenu responsable lorsqu'il
laisse les marchandises prendre l'eau sur le terre-plein198, s'il ne signale pas au
transporteur qu'il détient des marchandises destinées à être embarquées199, s'il ne
procède pas à la surveillance des marchandises200.
193C.A Rouen 3 mars 1994, D.M.F 1995, p.223. 194 C.A Aix-en-Provence 20 décembre 1991. 195 Cass.Com 7 février 1995, B.T.L 1995, p.145. 196 T.C Marseille 13 septembre 1993. 197 C.A Versailles 24 septembre 1992, D.M.F 1992, p.698. 198 T.C Paris 28 février 1973, D.M.F 1974, p.183. 199 C.A Aix-en-Provence 27 avril 1972, D.M.F 1973, p.565. Cass.Com novembre 1994, D.M.F 1995, p.364. 200 C.A Versailles 27 novembre 1997, D.M.F 1998, p.353. C.A Rouen 10 septembre 1998, D.M.F 1999. C.A Aix-en-Provence 13 février 1997, D.M.F 1997, p.482.
59
Enfin, s'agissant de la délivrance de la marchandise au destinataire, la question
s'était posée de savoir à quel moment elle intervenait, soit au moment de la
délivrance juridique c'est à dire au moment de la remise des documents permettant
de retirer la marchandise201, ou bien au moment de la délivrance matérielle de celle-
ci, c'est à dire au moment où le réceptionnaire était en mesure d'en vérifier l'état202.
Cette question, d'une importance majeure car permettant de savoir à quel moment,
la responsabilité de l'entrepreneur cessait, fut tranchée par la Cour de Cassation,
après de nombreuses divergences jurisprudentielles, dans le sens de la livraison
matérielle des marchandises203. Tant que le réceptionnaire n'est pas en mesure
d'appréhender physiquement sa marchandise, celle-ci se trouve encore sous la
responsabilité de l'entrepreneur de manutention.
§3 Les problèmes soulevés par l’accomplissement d’o pérations non prévues
par la Loi du 18 juin 1966
Outre les opérations de chargement, déchargement, mise et reprise sous hangar ou
sur terre-plein, l'énumération des opérations effectuées par l'entreprise de
manutention dans la loi de 1966 ne semble pas exhaustive de même que
l’énumération de l'article 80 du décret de 1966 sur les opérations juridiques s’ouvrant
en effet par l'adverbe "notamment"204.
Il ressort de l’étude des différents contrats que les entrepreneurs sont tenus
d’accomplir d’autres opérations non prévues par la loi du 18 juin 1966 et qui ne
semble pas être le préalable ou la suite nécessaire du transport maritime, critère
essentiel pour faire application de la loi.
201 C.A Aix-en-Provence 13 mars 1987, D.M.F 1989, p.123. 202 T.C Marseille 25 octobre 1988, Revue Scapel 1988, p.64. 203 Cass.Com.17 novembre 1992, D.M.F 1993, p.563. 204RODIERE (R), Traité de Droit Maritime, Affrètements et Transports , tome III, N°854, p.54.
60
Ainsi, avons-nous évoqué l'obligation de l'entrepreneur de procéder à la garde des
équipements du transporteur 205. En principe, ce type d'opération ne devrait pas
relever de la loi maritime car ne constitue pas la suite ou le préalable nécessaire du
transport maritime.
La Cour d'Appel de Rouen en a cependant décidé autrement à propos de la garde
de conteneurs vides par un entrepreneur du Havre en faisant une application des
dispositions de la loi de 1966 à une situation différente de celle pour laquelle elles ont
été rédigées.
Les opérations confiées à l'entreprise ne se situaient pas dans le contexte du contrat
de transport. Il semble que dans ce cas, l'entrepreneur devait plutôt être considéré
comme un simple dépositaire salarié, sur lequel le contrat faisait peser une
présomption de faute sanctionnée par une obligation de résultat; l'entrepreneur étant
tenu de restituer les conteneurs dans l'état où il les avait reçus206.
S'agissant des mouvements de marchandises sur les surfaces de l'entrepreneur,
mais demandés par le transporteur, peut-on réellement considérer ces opérations
comme des opérations de manutention "maritime"?
Ce ne sont pas des opérations en relation directe avec le chargement ou le
déchargement des marchandises et concernent généralement les mouvements
d'équipement des transporteurs. En ce sens, il faudrait considérer l'entrepreneur
comme un entrepreneur de droit commun dont l'activité est régie par le code civil,
répondant donc à ce titre des dommages provenant de ses fautes prouvées.
S'agissant des opérations d'empotage et de dépotage des conteneurs, le problème
semble être le même. Il s'agit de savoir si ces opérations font partie des opérations
que l'entrepreneur de manutention peut éventuellement effectuer conformément à
l'article 80 du Décret de 66 dans la mesure où elles sont convenues ou bien si elles
ont été volontairement exclues du décret.
205 Conf. §3, section 1 du chapitre 1: les obligations de l'entrepreneur.
61
Si l'on interprète restrictivement les dispositions de la loi, il faut considérer que ces
opérations sont distinctes de celles énoncées dans les article 50 et 51. En ce sens,
en cas de dommages causés aux marchandises dans l'attente de l'empotage ou du
dépotage, la responsabilité de l'entreprise de manutention sera engagée sur le
fondement du droit commun. Il sera donc responsable de ses fautes prouvées mais
pourra s'exonérer en prouvant soit une faute du chargeur soit un cas de force
majeure; dans le cas contraire il devra réparer intégralement les dommages.
Cependant, en faisant une interprétation extensive des dispositions de la loi de 66, et
en considérant que le législateur de l'époque n'a pu envisager toutes les situations et
a fortiori, les pratiques issues de la conteneurisation, on pourrait considérer, d'une
part, la phase d'empotage des marchandises comme faisant partie de la prise en
charge de celles-ci par l'entrepreneur, et d'autre part, considérer la phase de
dépotage comme faisant partie de la délivrance des marchandises à des
destinataires multiples207.
En ce cas, les dispositions de la loi de 1966 sur les conditions de la responsabilité, la
limitation de réparation et les exonérations s'appliqueraient à l'entrepreneur qui
effectue de telles opérations.
Les tribunaux ne s'étant pas prononcés sur ce point , le régime applicable à ces
opérations reste incertain.
SECTION 2 LES CAS D'EXONERATION DE RESPONSABILITE E T LA
LIMITATION DE REPARATION DU DOMMAGE
L'unification des régimes de responsabilité du transporteur maritime et de
l'entrepreneur de manutention voulue par le législateur de 1966 a eu pour
206 C.A Rouen 1er octobre 1998, B.T.L 1999, p.219. 207 KARAVOKYROS (A), Le terminal à conteneurs portuaires, Mémoire de D.E.S.S, Aix-en-Provence 1998, p.73.
62
conséquence de faire bénéficier l'entrepreneur des cas d'exonération du transporteur
(lui correspondant )208 et de la limitation de réparation.
Ces cas d’exonération et la limitation s’appliqueront donc indifféremment aux
entrepreneurs de manutention des ports de la Mer du Nord, de l’Atlantique et de la
Manche et des ports méditerranéens.
§1 L’exonération de l’entrepreneur
Dans le cadre de sa responsabilité contractuelle, l'entrepreneur de manutention
répond des dommages causés aux marchandises sauf s’il prouve de ces dommages
proviennent des causes limitativement énumérées par la loi ou qu’il prouve qu’ils se
sont produits alors que les marchandises n’étaient pas sous sa garde c’est à dire en
démontrant qu’il a pris des réserves209.
A/ Les réserves du manutentionnaire
L’entrepreneur pourra donc s’exonérer en prouvant que le dommage s’est produit
pendant le transport maritime, il prendra donc des réserves contre le bord à l’import
au moment du débarquement210 et à l’export, il prendra des réserves contre le
déposant, qu’il soit chargeur ou pré-transporteur, s’il ne veut pas se voir imputer les
dommages à la réception.
En premier lieu ces réserves porteront sur les dommages apparents, c’est à dire les
dommages éventuels au contenant de la marchandise. Ainsi par exemple,
l’entrepreneur prendra des réserves sur l’état extérieur d’un conteneur et sur
l’intégrité de son scellé. Mais il a été jugé qu’il devait prendre aussi des réserves sur
les dommages non apparents211, ce qui semble a priori difficile en pratique.
208 Article 53-b de la loi. Sont donc exclus les cas de faute nautique du capitaine ou des préposés, d’inavigabilité du navire, de freinte de route, de vices cachés du navire, des actes ou tentatives de sauvetage de vies ou de biens en mer ou de déroutement à cette fin. 209 La loi de 1966 ne prévoie rien en ce qui concerne les réserves prises par le manutentionnaire, on s’en référera donc à l’article 57 de la loi , voir en annexe. 210 C.A Aix 28 mai 1991, B.T.L 1992, p.311. 211 C.A Aix 17 février 1994, D.M.F 1994, p.785.
63
L’entreprise de manutention qui ne formule pas de réserves contre le transporteur
sera présumé avoir reçu la marchandise en bon état212 et par exemple le
transporteur ne pourra pas se prévaloir de la présomption de livraison conforme si le
manutentionnaire avait constaté la présence d’un plomb cassé et différent de celui
d’origine213. Il a été cependant jugé qu’il ne pouvait être prouvé que le dommage
avait eu lieu après la remise de la marchandise au manutentionnaire dans la mesure
où celui-ci ne pouvait prendre des réserves sur le plomb d’un conteneur n’ayant pas
connaissance des numéros de scellés mentionnés au connaissement 214: mais cette
jurisprudence semble méconnaître le fait qu’il appartient à l’entrepreneur de
reconnaître les marchandises débarquées et donc de s’approprier les documents ou
renseignements nécessaires à l’accomplissement de sa mission215.
Pour qu’elles ne soient pas contestées par la suite, les réserves de l’entrepreneur
doivent être écrites, précises et motivées : elles doivent notamment faire état de la
nature et l’importance des dommages216. Elles doivent en plus être contradictoires
pour produire leur plein effet.
B/ Les cas exceptés prévus par la loi
Il appartient à l’entrepreneur d’établir l’existence du cas excepté qu’il revendique et
qu’il est la seule cause du dommage217. L’article 53-b de la loi de 1966 prévoie cinq
cas d’exonération qui seront applicables à tous les entrepreneurs de manutention :
Ainsi, l’incendie permet au manutentionnaire de s’exonérer et il ne sera pas
nécessaire de rechercher la cause de l’incendie218. Cependant, le demandeur pourra
toujours neutraliser l’effet libératoire de ce cas en prouvant que le manutentionnaire a
212 T.C Marseille 3 février 1998, Revue Scapel 1998, p.66 et 10 septembre 1993, Revue Scapel, p.146. 213 C.A Aix 28 mai 1991, Revue Scapel 1992, p.5. 214 C.A Paris 18 octobre 1995, D.M.F 1996, p.1002. 215 TASSEL (Y), note sous l’arrêt ci-dessus. 216 Cass.Com. 10 décembre 1962, B.T 1963, p.125. 217 C.A Rouen 1er octobre 1998, B.T.L 1999, p.219. 218 L’incendie dont l’origine sera inconnue pourra quand même exonérer le manutentionnaire : C.A AIX 16 juillet 1977, B.T.L 1977, p.587.
64
commis une faute ayant causé l’événement comme par exemple un défaut de
surveillance219.
Les faits constituant un événement non imputable à l’entreprise permettent
également l’exonération. Il s’agit en fait des cas de force majeure devant présenter
les caractères d’imprévisibilité et « d’irresistibilité » classiques. Ainsi une tempête ne
constitue pas un événement susceptible d’exonérer un manutentionnaire du Havre à
qui il appartenait de prendre possession des bulletins spéciaux d’avertissement220.
Ensuite, les cas de grève, lock-out ou entraves apportés au travail pour quelque
cause que ce soit, partiellement ou complètement sont interprétés restrictivement par
la jurisprudence. L’entrepreneur qui invoque la grève par exemple, doit d’abord
prouver que la grève touche son entreprise et que celle-ci est bien la cause du
dommage : ne peut s’exonérer le manutentionnaire qui ne démontre pas le lien de
causalité entre la grève des agents de surveillance et la disparition de la
marchandise sous sa garde221.
Enfin, l’entrepreneur ne saura être tenu responsable des dommages lorsqu’ils
proviennent de la faute du chargeur ou du vice propre de la marchandise :
La faute du chargeur résultera, comme pour le transporteur, d'un mauvais
conditionnement de la marchandise, d'un marquage insuffisant, ou d’un emballage
défectueux. Pour que le vice propre de la marchandise exonère l’entrepreneur, il doit
être à l’origine de l’avarie.
§2 La limitation de réparation
Que la responsabilité de l'entrepreneur de manutention soit fondée sur une
présomption légale ou une faute prouvée, la réparation du dommage est limitée,
219 Cass.com 10 février 1975, B.T.L 1975, p.454 ; C.A Paris 4 juin 1975, B.T.L 1976, p.36 . Et aussi à propos d’un acconier : C.A Aix 17 novembre 1987, D.M.F 1990, p.71. 220 C.A Rouen 1er octobre 1998, B.T.L 1999, p.219. 221 C.A Aix 30 mai 1991, D.M.F 1992, p.194.
65
comme pour le transporteur maritime, à un certain montant222. La responsabilité du
manutentionnaire ne peut en aucun cas dépasser les montants fixés à l'article 28 de
la loi du 18 juin 1966 relatif à la responsabilité du transporteur maritime223.
S'agissant des modalités de la limitation, la question s'est posée de savoir si l'on
devait appliquer à l'entrepreneur les mêmes notions de colis ou kilo et d'unité de
compte que celles du transporteur maritime. La réponse ne pouvait être que
positive224 dans la mesure où d'une part le montant de la réparation est fixé par le
même décret et d'autre part une application différente n'aurait pas été conforme à
l'idée d'alignement de leurs régimes de responsabilité225.
Depuis la loi du 22 décembre 1986, le montant de la réparation est plafonné à 666,67
D.T.S226 par colis ou 2 DTS par kilo.
Quoiqu'il en soit, des difficultés sont apparues s'agissant de déterminer sur quelle
bases, le colis ou le kilo, devait être calculé le montant de la limitation de réparation
de l'entrepreneur.
Dans une affaire soumise à une juridiction provençale227, un transporteur avait été
reconnu responsable de manquants dans un conteneur. Le calcul du montant de la
réparation avait été basé, conformément aux mentions du connaissement, sur le
colis, calcul le plus avantageux pour la victime. Il avait d'autre part été décidé que le
transporteur devait être garanti par le manutentionnaire. Or, une décision de la Cour
d'Appel d'Aix en Provence228, avait ramené le montant de la condamnation à garantie
à la limite la moins élevée, relevant que la responsabilité de l'entrepreneur n'était
engagée que dans la limite de la déclaration de marchandises effectuée par le
222Article 54 de la loi du 18 juin 1966, op.cit. modifié par la loi du 23 décembre 1986 N° 86-1292: JO 24 décembre 1986. 223Cass.com. 20 juin 1995, B.T.L 1995, p.507. 224TASSEL (Y), Thèse, op.cit, p.257. 225CHAO (A), Les limitations de responsabilité du transporteur et de l'acconier peuvent-elles être différentes?, B.T.L 1995, p.72. 226 Droit de tirage spéciaux. 227T.C Marseille 10 septembre 1993, B.T.L 1993, p.648 : « la limitation de responsabilité accordée respectivement au transporteur et à l’acconier n’est pas automatiquement similaire et dépend des engagements de chacun ». Voir aussi T.C Marseille 23 août 1994, B.T.L jurisprudence, janvier 1995. 228C.A Aix, 13 février 1997, D.M.F 1997, p.482.
66
transporteur qui ne pouvait lui opposer les mentions du connaissement auquel il était
étranger229. Cette position fut très critiquée par la doctrine230.
La Cour de Cassation statuant récemment231 a cependant rejeté cette argumentation
en se basant sur l'article 54 précité et sur l'article 1er du décret de 23 mars 1967232 :
"il résulte du premier de ces textes que, pour les pertes subies par les marchandises,
les limites de responsabilité de l'entrepreneur de manutention sont celles applicables
au transporteur maritime; que pour le calcul de la limitation par colis ou unité, il y a
lieu, aux termes du second, de considérer comme un colis ou une unité tout colis ou
unité énumérés au connaissement comme étant inclus dans un conteneur utilisé
pour grouper des marchandises; que dés lors, les mentions du connaissement
constituent les éléments objectif du calcul de la limitation légale de responsabilité du
transporteur maritime et, par conséquent, de l'entrepreneur de manutention qui ne
bénéficie pas d'autre limitation, peu important que cet entrepreneur n'ait pas été
informé, par un document contractuel à son égard, des mentions portées au
connaissement."
Le même principe a été dégagé par la Cour de cassation à propos d'une entreprise
de manutention du Havre en 1998 233.
Le principe de la limitation de réparation va connaître toutefois deux exceptions:
La première est posée par l'article 54 de la loi du 18 juin 66 qui énonce que la
responsabilité du manutentionnaire ne peut en aucun cas dépasser les montants
fixés à l'article 28 "à moins qu'une déclaration de valeur ne lui ait été notifiée"234. Une
229 Ibid : « La responsabilité de l’entreprise de manutention est engagée envers le transporteur maritime dans la limite de la déclaration de marchandise effectuée par ce dernier qui ne peut lui opposer les mentions du connaissement auquel il est étranger ». 230 Notamment par BONASSIES (P), D.M.F 1994, p.97. 231Cass.com. 13 avril 1999. 232Décret N°67-268. 233 Cass.com 9 juin 1998, B.T.L 1998, p.477. 234Sur la notification: TASSEL (Y), Thèse, op.cit., p.258 et s.
67
simple indication de valeur portée sur des documents235, n'est donc pas susceptible
d'augmenter la réparation.
Ensuite, comme pour le transporteur maritime, le dol236 c'est à dire la faute
intentionnelle de l'entrepreneur de manutention fait logiquement échec à l'application
de la limitation de réparation 237.
Cependant, alors que la faute inexcusable du transporteur maritime238 fait également
obstacle à la limitation de réparation, il n'est pas certain que ce principe s'applique
également à l'entrepreneur de manutention si l'on s'en tient à la lettre de l'article 54
de la loi239. Cependant sur ce point, la jurisprudence n'est toujours pas fixée240 et il
semble que l'unification du régime de responsabilité du transporteur et de
l'entrepreneur de manutention ne soit pas ici réalisée.
SECTION 3 L'ACTION EN RESPONSABILITE
§1 Les titulaires de l'action
A/ L'action contractuelle du donneur d'ordres
"L'entreprise de manutention opère pour le compte de celui qui a requis ses services
et sa responsabilité n'est engagée qu'envers celui-ci qui seul a une action contre
lui"241.
Bien que quelques décisions se soit prononcées en sens contraire242, la Cour de
Cassation rappela le principe dans un arrêt du 5 juillet 1994243.
235Par exemple la valeur portée sur la police d'assurance ou les documents du service des douanes. 236Cass.com 18 juillet 1984, D.M.F 1985, p.210. 237L'article 54 de la loi de 66 renvoyant à l'article 28 concernant le transporteur. 238 La loi du 23 décembre 1986 a modifié l’article 28 de la loi du 18 juin 1966 en ce sens : le transporteur maritime ne pourra invoquer le bénéfice de la limitation de réparation s’il est prouvé que le dommage résulte de son fait ou de son omission personnelle commis …témérairement et avec conscience qu’un dommage en résulterait probablement. 239Cass.com. 29 novembre 1994, D.M.F 1995, p.364. 240Arrêt de la Cour de cassation du 15 février 1994 contredisant celui du 29 novembre 1994 précité.: D.M.F 1995, p.700. Note TASSEL (Y). 241C.A Rouen 16 juin 1994, D.M.F 1995, p.458.
68
Pour ce qui concerne les opérations de chargement et de déchargement, l'action
contractuelle est toujours réservée au transporteur maritime244 qui a requis les
services de l'entrepreneur puisqu'il lui incombe de procéder au chargement et au
déchargement des marchandises245.
S’agissant des opérations antérieures au chargement ou postérieures au
déchargement, il se peut que ce soit le chargeur ou le réceptionnaire qui aient
directement requis les services du manutentionnaire. Dans ce cas, ils disposeront
naturellement, en vertu de l’article 52 de la Loi de 1966 d’un droit d'action contre
l’entrepreneur.
En revanche, la loi de 66 prévoie une action contractuelle de l’ayant droit contre
l’entrepreneur lorsque les services de celui-ci ont été requis par le transporteur et ce,
en vertu d’un mandat donné par l’ayant droit au transporteur de désigner
l’entrepreneur pour les opérations à terre246.
Or ce mandat doit être prouvé et pour cela, il figure parfois dans une clause du
connaissement. Mais cela n'est pas toujours le cas, et souvent, il appartient au juge
de rechercher si le mandat a réellement été donné au transporteur par le chargeur
de choisir un entrepreneur pour son compte.
Certains tribunaux ont déduit implicitement son existence de certaines clauses du
contrat de transport247. Ainsi a-t-il été jugé qu'une clause de livraison sous palan
242C.A Versailles 24 septembre 1992, D.M.F 1992, p. 698; C.A ROUEN 16 septembre 1993, D.M.F 1994, p.269. 243Cass.com.5 juillet 1994, D.M.F 1994, p. 244 La Cour de Cassation a cependant admis implicitement qu’un destinataire pouvait parfaitement requérir personnellement les services d’un entrepreneur de manutention pour effectuer ces opérations de chargement et déchargement : 14 mai 1991, D.M.F 1991, p.436. 245Article 38 du décret du 31 décembre 1966, op.cit. 246 C.A Versailles 29 octobre 1998, B.T.L 1999, au sujet d'une action contractuelle contre un entrepreneur, refusée au destinataire, à la suite de manquants constatés dans un conteneur transporté en FCL: il n'y avait ni lien contractuel, ni mandat. 247 Cass.com 28 mai 1974, D.M.F 1974, p.714.
69
valait mandat 248 de même qu'une clause de non-responsabilité après
déchargement249.
Mais pour une partie de la doctrine, il parait douteux que de telles stipulations, à elles
seules, vaillent mandat, lequel devant être selon elle, explicite250. La jurisprudence a
elle-même varié et certains tribunaux ont refusé de déduire d'une clause de
déchargement d'office, une clause de mandat251.
Quoiqu'il en soit, dans tous les cas, l’article 81 du décret du 31 décembre 1966252,
pose comme condition que le transporteur doit en informer l’entrepreneur; celui-ci
étant étranger au contrat de base, il est normal qu'il soit averti de l'existence d'un
représentation et qu'il sache qui est son donneur d'ordre envers lequel il va engager
sa responsabilité.
Seulement, le décret ne donne aucune précision sur la manière dont doit être donné
à l'entrepreneur l'avis qu'il prévoit. Il faut en fait s'en remettre à l'appréciation des
juges du fond. Mais cette appréciation a varié selon les juridictions, certaines
énonçant par exemple que du fait que l'entrepreneur de manutention déchargeait
habituellement les navires du transporteur en question, il ne pouvait ignorer les
clauses de son connaissement253.
A l'opposé, il a été jugé que l'avis ne pouvait résulter d'une lettre du transporteur à
l'entrepreneur, envoyée à l'avance sous une formulation générale pour dire qu'il
devait se considérer comme agissant pour le compte des ayants droits254.
Enfin, le problème le plus délicat que pose l'article 81 du décret est celui de sa
sanction car il ne prévoient pas les conséquences de l'absence d'avis.
248 C.A Aix 11avril 1973, Revue Scapel 1973, p.27. 249 T.C Marseille 8 juin 1971, p.670. 250 CHAO (A), Manutentionnaire/acconier, pour qui opère-t-il?, qui peut agir contre lui?, B.T.L 1996, p.66. 251 C.A Paris, 23 novembre 1973, D.M.F 1974, p.227. 252 « Si le transporteur est chargé par l’ayant droit et pour son compte de faire exécuter par un entrepreneur de manutention les opérations visées aux articles 50 et 51 de la loi…et l’article 80 ci-dessus, il devra en aviser cet entrepreneur ». 253 C.A Aix-en-Provence 13 juin 1972, B.T 1972, p.370.Cass.Com. 28 mai 1974, D.M.F 1974, p.717, Cass.Com 1 er mars 1977, Revue Scapel 1977, p.29.
70
Or si l'on considère que l'absence d'avis prive l'ayant droit d'une action contractuelle
à l'encontre de l'entrepreneur, on aboutie à un déni de justice, l'ayant droit ne
disposant pas non plus d'action à l'encontre du transporteur qui s'est dégagé sa
responsabilité après le déchargement. C'est pourquoi certaines décisions ont admis
que l'ayant droit conservait son action contractuelle contre l'entrepreneur même en
l'absence d'avis donné à l'entrepreneur255.
B/ L'action extra-contractuelle
Si l'article 52 de la loi de 66 dispose bien que la responsabilité de l'entrepreneur n'est
engagée qu'envers celui qui a requis ses services et que seul celui-ci a une action
contre lui, ce texte ne vise que les actions en responsabilité contractuelle256 et non
les actions en responsabilité délictuelle engagées par les véritables tiers au contrat
de transport. Aussi, lorsqu'un tiers a subi un dommage par le fait d'une entreprise de
manutention, sans avoir contracté avec elle, il dispose d'une action sur le fondement
des article 1382 ou 1384 alinéa 1 du code civil.
C'est donc une responsabilité délictuelle que supportera l'entrepreneur qui expédie
une marchandise appartenant à un chargeur n'ayant pas traité avec lui257 ou qui, par
un défaut de surveillance laisse un feu se propager dans des hangars voisins
détruisant ainsi les marchandises appartenant à des tiers258. Dans le même sens,
une entreprise de manutention est responsable sur un fondement délictuel,
lorsqu'elle occasionne des dommages à une autre entreprise de manutention259 ou à
son cocontractant s'il s'agit par exemple de dommages causés au navire lors des
opérations de déchargement260.
254 C.A Paris 24 novembre 1976, D.M.F 1977, p.272. 255 C.A Aix-en-Provence 13 juin 1972, op.cit. 256 Cass.Com 29 juin 1993 257 C.A Aix-en-Provence 12 juillet 1983, D.M.F 1985, p.335. 258 C.A Aix-en-Provence 13 décembre 1972, D.M.F 1973, p.535. 259 C.A Paris 24 novembre 1972, D.M.F 1973, p.522.
71
S'agissant maintenant de l'ayant droit à la marchandise ou du transporteur maritime,
la question s'est posée de savoir si, privés de toute action contractuelle, ils ne
pouvaient pas recourir à l'action délictuelle comme c'est le cas en droit commun.
En ce qui concerne l'ayant droit à la marchandise, cette action lui a été refusée. D'un
point de vue légal cela se justifie par l'interprétation de l'article 52 selon laquelle en
énonçant que seul celui qui a requis les services de l'entreprise a une action contre
lui, la volonté du législateur de 1966 a été d'exclure toute action contractuelle du
destinataire à l'encontre de l'entrepreneur, mais aussi toute action extra
contractuelle. Cette solution a bien été reprise par la jurisprudence261.
S'agissant maintenant du transporteur maritime, les tribunaux ont consenti à lui
accorder une action extra contractuelle dans le cas où, assigné par une partie au
contrat de transport, le transporteur n'aurait pas requis les services du
manutentionnaire et ne disposerait donc pas d'une action contractuelle 262.
§2 La prescription de l'action
L'article 56 de la loi de 1966 renvoie à l'article 32 sur la prescription applicable au
transporteur c'est à dire la prescription annale, dont le point de départ est le jour de
la livraison des marchandises ou le jour auquel elles auraient dues être livrées.
Cette prescription s'appliquera quelle que soit la nature de l'action engagée à
l'encontre de l'entrepreneur de manutention comme l'ont déclaré les juges de la Cour
de Cassation:
"Quel qu'en soit le fondement, toute action principale de responsabilité pour pertes
ou dommages aux marchandises exercée à l'encontre d'un entrepreneur de
manutention se prescrit dans le délai d'un an"263.
260 Cass.Com 19 mars 1991, J.C.P 1991, p.193. 261 Cass.Com. 5 juillet 1994, D.M.F 1994, p.648. 262 Cass.Com 15 juillet 1987, B.T.L 1987, p.507. Cass.Com 5 juillet 1994, Ibid. 263Cass.com. 22 octobre 1996, D.M.F 1996, p.1014.
72
La prescription de l'action quasi-délictuelle264 est la même que celle de l'action
contractuelle265.
L'action récursoire du transporteur doit intervenir dans les 3 mois suivant
l'engagement de l'action principale à l'encontre du transporteur ou bien suivant le
règlement amiable par celui-ci de la réclamation de l'ayant droit à la marchandise.
Enfin, la renonciation à la prescription ne se présume pas et doit résulter d’actes non
équivoques. Ainsi, par exemple, l’assistance à une expertise ne constitue pas une
renonciation tacite à la prescription266 .
264 En revanche, il ne devrait pas en être de même pour les actions en matière de dommages aux navires, malgré un arrêt de la Cour d’appel de Rouen du 22 janvier 1998, D.M.F 1998, p.364. 265C.A Rouen 22 janvier 1998, D.M.F 1998, p.364. 266 Cass.Com 7 juillet 1987.
73
CONCLUSION
Nous avons vu au cours de cette étude, que les entreprises de
manutention avaient subi une évolution en rapport avec celle du
transport maritime. Cette évolution s'est faite dans le sens d'une
harmonisation des fonctions des deux grandes catégories
d'entrepreneurs. D'un point du vue juridique, ils sont soumis aux
mêmes types d'obligations et sont responsables dans les
mêmes conditions.
Cependant, dans le langage courant, on remarque que les
entrepreneurs des ports de la Mer du Nord, de l'Atlantique et de
la Manche, demeurent des stevedores, mais rejoignent
l'acception du terme anglo-saxon, tandis que les entrepreneurs
de manutention des ports méditerranéens, perpétuent
l'appellation d'acconiers, issue de la pratique et des usages
marseillais.
74
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TABLE DES ANNEXES
ANNEXE 1
Loi N°66-420 du 18 juin 1966 et Décret N°66-1078 du 31 décembre 1966.sur
les contrats d’affrètement et de transport maritimes.
ANNEXE 2
Contrat de manutention, entreprise 1 au port du Havre :
Manutention de conteneurs, marchandises diverses et matériel roulant.
ANNEXE 3
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Contrat de manutention, entreprise 2 au port du Havre :
Manutention de conteneurs, marchandises diverses et matériel roulant.
ANNEXE 4
Contrat de manutention, Terminal à conteneurs de Marseille-Fos.
ANNEXE 5
Contrat de manutention, entreprise au port de Marseille.
Manutention de conteneurs, marchandises diverses, matériel roulant.
ANNEXE 6
Contrat de manutention, entreprise au port de Dunkerque :
Manutention de minerai en vrac.
ANNEXE 7
Contrat de manutention, entreprise au port de Dunkerque :
Manutention de conteneurs, marchandises diverses, matériel roulant.
ANNEXE 8
Contrat de manutention, entreprise au port du Havre :
Manutention de véhicules.
ANNEXE 9
Contrat type de manutention de produits primeurs.
ANNEXE 10
Contrat de manutention, entreprise au port de Sète :
Manutention de conteneurs, marchandises diverses.
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