action en innoposabilité

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Le gage commun des créanciers o Un débiteur peut avoir plusieurs créanciers o Quand il ne paie pas ses dettes volontairement, ses créanciers peuvent le poursuivre en jugement, et peut saisir tous ses biens pour se payer o Alors, le législateur indique à CCQ 2644 que tout ce qu’a le débiteur est le gage commun de ses créanciers Menace : fraude o Ce n’est pas la fraude que l’on a vu l’année dernière (CCQ 1401), qui touche la formation du K o Certains débiteurs veulent éviter payer leurs dettes; ils essaient de cacher leurs biens pour ne les faire pas saisir o L’action paulienne (i.e., l’action en inopposabilité) va s’attaquer à ces efforts Caractères généraux CCQ 1631 : action intentée par un créancier contre son débiteur et un tiers qui a contracté ou reçu paiement du débiteur, afin de faire déclarer sans effet à son égard les actes frauduleux et préjudiciable qui diminuent le patrimoine de ce débiteur Origine romaine, sanctionnée par le droit français, incluse au CCBC, reprise au CCQ avec certaines précisions Conditions strictes limitent l’exercice de ce recours Interaction avec la faillite (juridiction fédérale) o La Loi sur la faillite provient un recours semblable (le recours pour les transactions révisables) o Complémentaire, mais les exigences de la Loi sur la faillite sont généralement moins rigoureuses (preuve de l’intention de

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Page 1: Action en innoposabilité

Le gage commun des créanciers

o Un débiteur peut avoir plusieurs créanciers

o Quand il ne paie pas ses dettes volontairement, ses créanciers peuvent le poursuivre en jugement, et peut saisir tous ses biens pour se payer

o Alors, le législateur indique à CCQ 2644 que tout ce qu’a le débiteur est le gage commun de ses créanciers

Menace : fraude

o Ce n’est pas la fraude que l’on a vu l’année dernière (CCQ 1401), qui touche la formation du K

o Certains débiteurs veulent éviter payer leurs dettes; ils essaient de cacher leurs biens pour ne les faire pas saisir

o L’action paulienne (i.e., l’action en inopposabilité) va s’attaquer à ces efforts

Caractères généraux

CCQ 1631 : action intentée par un créancier contre son débiteur et un tiers qui a contracté ou reçu paiement du débiteur, afin de faire déclarer sans effet à son égard les actes frauduleux et préjudiciable qui diminuent le patrimoine de ce débiteur

Origine romaine, sanctionnée par le droit français, incluse au CCBC, reprise au CCQ avec certaines précisions

Conditions strictes limitent l’exercice de ce recours

Interaction avec la faillite (juridiction fédérale)

o La Loi sur la faillite provient un recours semblable (le recours pour les transactions révisables)

o Complémentaire, mais les exigences de la Loi sur la faillite sont généralement moins rigoureuses (preuve de l’intention de frauder et de la mauvaise foi du cocontractant n’est pas exigée)

o En certaines circonstances, le recours au CCQ est encore utile en cas de faillite

CCQ 1631 et 1636 profitent à ce seul créancier (ainsi que tout autre créancier qui aurait pu intenter l’action et qui y est intervenu) et donnent ouverture à la saisie du bien qui fait l’objet de l’acte rendu inopposable

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Caractère personnel et non réel

Le contrat entre le débiteur et le tiers demeure valide, mais devient inopposable quant au créancier

La question délicate concerne le tiers, qui subit un préjudice; le législateur a dû choisi entre deux victimes

Questions : Qu’est-ce que le préjudice? Quel rôle joue la mauvaise/bonne foi?

Les pluparts d’actions pauliennes se retrouvent aux milieux familiaux; la sympathie des juges envers les victimes a élargi l’action paulienne comme recours

Le recours s’exerce contre le tiers, même si l’action est intentée contre le débiteur

Conditions

Conditions s’expliquent par le désir de ne pas porter une atteinte trop sérieuse au principe de la liberté contractuelle, de protéger le cocontractant ou le créancier de bonne foi, et de préserver la sécurité des transactions

Relatives au créancier

o Qualités de la créance (CCQ 1634)

On veut protéger le droit à l’exécution d’un créancier, alors il doit y avoir une créance entre le demandeur et le défendeur; cette créance doit présenter certaines qualités

CCQ 1634(2) : créance antérieure à l’acte ou au paiement attaqué; moment pertinent est celui de la naissance du droit du créancier initial (exception : acte fait par le débiteur dans l’intention de frauder ses créanciers subséquents)

CCQ 1634(1) : créance certaine (au moment où l’action est intentée) et liquide et exigible (au moment du jugement sur l’action)

o Exercice diligent du recours (CCQ 1635)

Action peut être exercée individuellement par un créancier ou collectivement par le syndic, et consiste généralement en une demande en justice (mais peut prendre la forme d’une intervention dans le contexte de procédures de saisie)

Action individuelle : délai d’un an, commençant le jour où le créancier a connaissance (souvent difficile d’acquérir compte) du préjudice qui résulte de l’acte attaqué (pas de l’acte lui-même); là où le créancier connaît le préjudice

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mais ne connait pas que l’acte était frauduleux, la jurisprudence écarte la déchéance

Action collective : faillite met fin au droit des créanciers d’intenter individuellement le recours en inopposabilité; le syndic se voit imposé un délai d’un an après le jour de sa nomination (présumé en mesure de connaître vite la situation du failli); les recours prévus par la Loi sur la faillite ne sont pas soumis à un tel délai; le délai ne s’applique qu’à son recours en tant que syndic (s’il intente une action individuelle, il est soumis au régime individuel); lorsque le syndic n’agit pas, les créanciers peuvent agir individuellement

Relatives à l’acte attaqué (CCQ 1631)

o Il faut souvent concilier les intérêts légitimes mais conflictuels du créancier et du tiers

o Acte juridique

D’habitude, un contrat entre le débiteur et un tiers, mais peut aussi être un acte juridique unilatéral

L’acte doit émaner du débiteur lui-même (les démarches entreprises par un tiers ne constituent pas des actes juridiques visés par CCQ 1631)

o Acte préjudiciable au créancier

Préjudice qui résulte de l’insolvabilité du débiteur

Considéré comme préjudiciable au créancier; présomption légale d’intention frauduleuse

Existence de l’insolvabilité est une question laissée aux tribunaux, qui se refusent une définition trop rigide (préférant une conception large)

Le simple fait que le débiteur traverse une période difficile ne permet toutefois pas de conclure systématiquement à un état d’insolvabilité, en l’absence de preuve

L’insolvabilité peut être prouvée par tout moyen de preuve

Préjudice autre que celui qui résulte de l’insolvabilité du débiteur

L’insolvabilité n’est plus la seule mesure de préjudice et n’est donc plus une condition nécessaire de l’exercice de l’action

Le créancier peut tendre inopposable un acte qui a pour effet de soustraire la fortune du débiteur à ses créanciers, de rendre difficile

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l’exercice de leur créance, ou de compromettre la réalisation du gage général

Nature de l’appauvrissement

L’acte attaqué doit avoir eu pour effet d’appauvrir le patrimoine du débiteur de nature positive; le débiteur doit avoir manœuvré pour nuire à son créancier (le défaut de s’enrichir ne donne pas ouverture à l’action)

L’acte peut provenir d’un contrat à titre gratuit, d’un contrat à titre onéreux ou d’un paiement préférentiel accordé à un des créanciers

Droits à caractère personnel

Les actes du débiteur portant sur ses droits extrapatrimoniaux ne sont pas soustraits à l’action en inopposabilité (mais pas s’ils sont frauduleux)

La loi autorise parfois l’intervention du créancier dans certaines affaires familiales ou personnelles

o Acte frauduleux

Difficile de définir l’intention frauduleux : intention spécifique (position minoritaire : difficile de le prouver) ou conscience des répercussions négatives (position majoritaire)?

Fardeau de preuve : incombe à la partie qui recherche l’inopposabilité

Preuve : par tout moyen – mais les difficultés de preuve font jouer les présomptions

Présomptions : contrat à titre gratuit (CCQ 1633)

Seule condition : preuve que le débiteur était insolvable au moment du contrat ou l’est devenu par cet acte (la bonne ou la mauvaise foi du tiers n’est pas pertinente)

Peut être étendue à un acte par lequel le tiers fournit une contrepartie nettement disproportionnée en comparaison avec ce qu’il en tire

Conception purement objective de l’intention frauduleuse; présomption absolue (« réputé ») qui ne permet pas de preuve contraire

Justifications : empêcher le débiteur de frauder; préférer le créancier qui subirait une perte au donataire qui recevrait un gain

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Présomptions : contrat à titre onéreux (CCQ 1632)

Conditions plus exigeantes

Créancier doit démontrer que le débiteur était ou se rendait insolvable au moment de conclure l’acte à titre onéreux, ou qu’il cherchait à se rendre insolvable (→ mauvaise foi)

Créancier doit prouver que le cocontractant connaissait l’insolvabilité actuelle ou recherchée du débiteur (→ mauvaise foi), pas qu’il connaissait toute la situation du débiteur

Problème d’interprétation : CCQ 1632 emploie « réputé » plutôt que « présumé »

o Si le débiteur a contracté de bonne foi, voulant se sortir d’une situation difficile, BJV croient que la connaissance de l’insolvabilité du débiteur par le tiers n’empêche pas ce débiteur de faire la preuve de sa bonne foi, comme était le cas au CCBC

o Si le tiers a contracté de bonne foi (ignorance ou volonté de sauvegarder ses intérêts légitimes malgré sa connaissance), BJV croient que l’inopposabilité devrait être écartée – en ce cas le législateur sacrifie le tiers au lieu du créancier

o BJV : il serait préférable que le CCQ dissocie l’intention du débiteur et celle du tiers; le QC CA semble être d’accord

o Alors le CA a décidé que le législateur a fait un erreur, voulant employer le mot « présumé » ici au lieu de « réputé »

Les paiements faits en vertu d’un contrat sont soumis aux mêmes règles que celles du contrat auquel ils se rapportent

Le créancier qui ne peut pas rencontrer les conditions de l’établissement d’une présomption selon CCQ 1632-1633 peut se rabattre sur le principe général énoncé à CCQ 1631

Celles-là sont des présomptions légales – mais les juges ont aussi à leur disposition les présomptions de fait (par ex. les banquiers sont souvent présumés de savoir la situation des débiteurs)

Effets

o Entre le créancier et le tiers

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Inopposabilité de l’acte attaqué : le créancier bénéficie seul (ou seuls les créanciers qui s’y joignent bénéficient)

Pour protéger ses droits, le créancier dispose de la saisie avant jugement

Le tiers est frustré du bénéfice du K

K portant sur la transmission de droits réels

L’action en inopposabilité n’est que préparatoire à la saisie; le créancier doit faire procéder à la saisie et à la vente du bien

La différence ne retombe pas dans le patrimoine du débiteur mais reste dans celui du tiers (qui peut au lieu payer au créancier le montant dû et garder le bien intact)

Si le tiers a aliéné le bien à un sous-acquéreur de bonne foi, le tiers doit restituer la valeur du bien; le sous-acquéreur de mauvaise foi peut être poursuivi par action en inopposabilité; pratiquement, le créancier accompagne sa demande d’une saisie avant jugement pour éviter la transmission du bien

K portant sur la transmission de droits personnels : on doit distinguer entre l’inopposabilité et la nullité

L’inopposabilité peut en certains cas être complémentée par d’autres recours (comme les dommages-intérêts)

o Entre le débiteur et le tiers

L’acte reste valide entre eux; le tiers garde son droit de recours contre le débiteur, même si ce recours risque d’être largement illusoire

Sanctions habituelles pour inexécution injustifiée du contrat, qui libèrent le tiers de ses obligations à l’endroit du débiteur

Page 7: Action en innoposabilité

En plusLa créance est établie et l’intention de Nolin de frauder L s’infère

1. L’existence d’un préjudice

Pour qu’il y ait préjudice, il faut ou que l’acte frauduleux ait rendu le débiteur insolvable, ou qu’il ait augmenté son insolvabilité – ou qu’il ait privé le créancier du gage général sur les biens du débiteur

Preuve de l’insolvabilité de Nolin n’a pas été faite – on sait seulement qu’il a amassé une importante quantité d’argent liquide

Le point de départ de l’action paulienne est que les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers; pour intenter l’action paulienne, il n’est pas nécessaire que le créancier détienne sur le bien aliéné des sûretés particulières

(Parenthèse : il n’était pas nécessaire pour L d’enregistrer ses droits pour exercer l’action paulienne)

La fraude consiste dans l’intention de nuire; Nolin a voulu soustraire son actif aux poursuites

2. La mauvaise foi de D

La mauvaise foi ne se présume pas, mais doit être prouvée

Nolin n’a pas dit à D plus qu’il était marié sous le régime de la séparation de biens, alors D était de bonne foi jusqu’au moment où il a reçu le lettre qui indiquait clairement l’intention de contester la transaction

Tout ce qui intéressait D était l’enregistrement d’un jugement sur l’immeuble

D aurait dû savoir qu’il payait trop peu pour l’hypothèque, et se mettre sur ses gardes

D a alors agi de mauvaise foi

Ratio : pour que l’action paulienne puisse être exercée, il faut que 4 conditions soient réalisées :

(1) Le demandeur doit avoir, contre son débiteur qui aliène, une créance valable et antérieure à l’acte d’aliénation

(2) L’acte d’aliénation doit causer préjudice au créancier demandeur (diminution du patrimoine du débiteur ou aliénation de biens aisément saisissables contre des biens facile à dissimuler aux poursuites des créanciers)

(3) Le débiteur doit avoir agi avec l’intention de frauder

Page 8: Action en innoposabilité

(4) Celui qui a contracté avec le débiteur n’était pas de bonne foi (qui ne se présume pas mais doit être prouvée)

Notes

Il arrive très souvent que les créances sont vendues à beaucoup moins que leur valeur, à cause de risque attaché

Le préjudice n’était pas de vendre la créance, mais de le vendre à petit prix

D savait qu’il était de mauvaise foi, qu’il était complice