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Poèmes, contes et nouvelles en français, créole et anglais T hème : AILLEURS/AYER/ELSEWHERE Poète invité : Tenzin TSUNDUE Lumière sur : Safiya BAKSH HOSEIN Thème sur : Yannick SAVY édition n° 15 Juin 2016

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Poèmes, contes et nouvelles  en français, créole et anglais

Thème : AILLEURS/AYER/ELSEWHERE

Poète invité : Tenzin TSUNDUE Lumière sur : Safiya BAKSH HOSEIN Thème sur : Yannick SAVY

édition n° 15

Juin 2016

                   

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SIPAY

REVUE LITT  ÉRAIRE SEYCHELLOISE

N° 15 JUIN 2016

Thème : AILLEURS/ELSEWHERE /AYER

       

Avec le soutien de la CNF Commission Nationale de la Francophonie des Seychelles            

                   

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SOMMAIRE

ÉDITORIAL Catherine Panot p.3-5 POÈTE INVITÉ Tenzin Tsundue p.6-9 LUMIÈRE SUR Safiya Baksh Hosein p.10-12 THÈME SUR Yannick Savy p.13-14 POÈMES Karoly Fellinger - Beer Coaster p.15 - Spread Table - Passage Aboubacar Ben Said Salim - Voyage mystique p.16 Gilles Pommeret - L’Ailleurs p.17 Magie Faure-Vidot - Ailleurs p.18 Vincent Larue - Santye mon desten p.19-20 Stéphanie Joubert - Exil p.21 Vénida Marcel - Ou lespri i ayer p.22 Sylvie Jeantet - Ailleurs p.23 Catherine Panot - Fonkèr pou Péi Tibet p.24-25 Patrick Joquel - Ailleurs p.26 Francisco Jacques - Des Erreurs p.27-29 Sophie Brassart - Derrière la pluie p.30 - Contre l’onde Paolo Pezzaglia - Elsewhere p.31-32 Eliphen Jean - Espoir de Roseau p.33 Harris Kasongo - Pénitence p. 34 Mario Urbanet - Podemos !!! p.35 Joël Conte -Les Enfants des belles lumières p.36-37 Gaëtan Sorte - Nous avons besoin d'une poésie p.38 à ciel ouvert. Richard Taillefer - Plus loin je vais p. 39 CONTE Muriel Carupt - La place du hérisson p.40-42 Éditorial

                   

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 La fascination (ou la crainte) de l 'Ailleurs a toujours traversé l’esprit des hommes, et inspiré un grand nombre d’artistes, donnant lieu à des œuvres universelles. Les grandes épopées mythologiques et cosmogoniques que sont l’Odyssée en Europe, le Mahābhārata en Inde, et les Mvett en Afrique, sont rythmées par des départs, des exils et des retours. « Ailleurs », par définition, n’est pas ici. Et pourtant… entre l’ailleurs d’hier : « d’où je viens » et celui de demain : « où je vais », se dessine un Ici qui serait un Ailleurs. A La Réunion, Brigitte Croizier intitule son dernier livre : « Ailleurs est ici » . L’Ailleurs des îles peut-il être tout à fait le même que celui des continents ? « Les hommes venus de si loin, c’était l’ici, c’est l’ailleurs » dit Gilles Pommeret. Une expression populaire nous livre qu’« avoir la tête ailleurs », c’est divaguer en rêvasseries, ne pas être réellement présent. « E ou pran kont ki ou lespri ti ayer » - Vénida Marcel. « L’appel du grand dehors » selon Nicolas Bouvier, est le point de focalisation des désirs d’inconnu. Il est temps de partir lorsque l’on est gagné par un irrépressible besoin de se dépayser ou une insatisfaction chronique. « Je ne suis jamais bien nulle part, et je crois toujours que je serais mieux ailleurs que là où je suis » avoue Charles Baudelaire. Le rêve d’ailleurs est nourri d’illusions en images paradisiaques, mais aussi par l’envie contagieuse de vivre par soi-même une évasion du quotidien, entrevue dans des récits de voyageurs . « Les plus belles choses du monde ne sont que des mirages » - Karoly Fellinger. Pour Gilles Pommeret, « la poésie des départs, l’émotion des arrivées sont encloses dans la pierre de glissants embarcadères, plateformes vers les ailleurs. » Différents sont les voyageurs pour un aller-retour ou un aller sans retour, à la recherche d’une terre d’accueil idéale, où se reconstruire loin du connu. Le voyage prend alors une fonction cathartique de renaissance ailleurs, comme lavé du passé. Pour le dire en termes de marins, auxquelles les îles doivent tout, l’ailleurs c’est larguer les amarres, prendre le large, voguer au gré des vents et des flots, jeter l’ancre, s’arrimer, et brûler ses vaisseaux . « Au bord de la mer, les vagues, éternellement, embrassent le rocher pour mieux s’en détacher » Muriel Carrupt Que reste-t-il, au vingt-et-unième siècle, de la chance glorieuse des explorateurs, ces aventuriers des Terra incognita qui devaient dessiner, par eux-mêmes, de nouvelles cartes ? Quel élan guide les audacieux aventuriers de tous les continents, lancés à la conquête de Nouveaux Mondes sur des radeaux de fortune depuis les temps immémoriaux des grandes migrations humaines qui ont peuplé les îles, en passant par les caravelles des grandes découvertes, les expéditions ethnographiques et coloniales, jusqu’aux missions spatiales ? Rêvent-ils toujours, comme à Bitrista : « les enfants des belles lumières (…qui) espèrent que le monde va s’embellir et ouvrir leur bel avenir » Joël Conte. Ou bien portent-ils des intérêts autrements plus cupides ? Les terres inconnues et exotiques se sont amenuisées comme peaux de chagrin au fur et à mesure des explorations et de la mondialisation, réduisant le monde à un village. Les réseaux du cyberespace avec leurs règles de connexion, dessinent de nouveaux territoires, et peuvent nous projeter à l’autre bout de la terre, en contact instantané avec des lointains, devenus soudain proches, et presque familiers. « Partir n’est que le destin, jamais un choix » déclare Yannick Savy. Pourtant, nombre de

                   

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départs sont marqués de tourments et d’atermoiements, comme l’évoque Vincent Larue : « Dan mon santye mon kontinyen glise, Plir tar mon vwar en laklerte dan lwen, Petet laba i mon desten. » La face tragique de l’ailleurs, lorsqu’il ne résulte pas d’un choix, lorsqu’il est subi, s’appelle alors exil, exode, émigration, déportation, et il devient le sanctuaire du manque douloureux qu’est la perte des racines. « Ces déracinements profonds ne vont pas sans d’immombrables meurtissures, et il y a toujours quelque fibre du passé qui souffre dans les cœurs les mieux renouvelés. » Jean Jaurès . Combien dénombrons-nous, aujourd’hui, de peuples aux mémoires déracinées, chassés de leurs terres par des catastrophes naturelles (éruptions, séismes, tsunamis) par des cataclysmes climatiques ou industriels, ou des catastrophes humaines (guerres, famines, bannissements, conflits ethniques, colonisations) ? Les troubles du vingtième siècle, ont blessé des continents entiers : « Sur mon nuage, (…) je vois la terre en rage » écrit Magie Faure-Vidot. Pour ces peuples martyrs, comme les Chagossiens, proches de nous, toute la vie bascule dans des « ailleurs », où ils sont désormais comptabilisés et redéfinis comme victimes, migrants, réfugiés, déracinés, immigrés, fugitifs, déportés, apatrides, demandeurs d’asile… « Dans un ciel qui reste à colorier viennent se réfugier les fuyards du monde moderne » - Mario Urbanet. Tous les lieux de passages deviennent douloureusement sensibles et passent sous contrôles : frontières et barrières, routes et containers, murs et murailles, océans et mers, fleuves et montagnes, ports et isthmes, aéroports et camps de rétention . Catherine Panot : « mi voi zot péï lé kaparé ...Bonpé i sov zot péï san niabou fé antann azot...kansa li va artrouv son bann frèr dessi la tér ousa li lé né ? » Tenzin Tsundue, Tibétain né en exil, dépeint le manque de la terre natale, confisquée, interdite. « Ma mère m’a dit, tu es un réfugié ». Il évoque, dans « Maison d’exil », la douleur quotidienne de cet espoir qui se languit quand le retour au pays tarde, espoir qui ne s’éteint jamais « nous allons rentrer chez nous ». Ces nomades, en errance malgré eux, survivent avec un seul et unique but qui transcende toute leur vie : le retour au pays. « L’exil comme présence au cœur-même du pays et la force d’être au monde » Emile Ollivier. L’espoir du retour devient un signe de reconnaissance, militant et déterminé, pour contenir les pertes matérielles et humaines, les pertes identitaires et culturelles, les pertes patrimoniale et mémorielles. « Lui esseulé s’en va de jour et de nuit sur le Sahara de la vie »-Francisco Jacques. Dans la terre d’accueil, se pose constante, au contact de l’Autre, la question de l’identité : « comment puis-je dire à mes enfants d’où nous sommes venus ? » -« mon Losar, je l’ai perdu quelque part » -Tenzin Tsundue. L’Ailleurs devenu le nouvel Ici, est parfois l’endroit propice à un sursaut vital et héroïque, pour une prise de conscience identitaire. De l’extérieur, l’action se pense, s’organise et se projette. On pense à « Cahier d’un retour au pays natal » d’Aimé Césaire, cet acte fondateur de la négritude littéraire qui délivra son message au monde. Comme cet autre message évoqué par Eliphen Jean : « l’espoir bronche au sol sous la plante éraflée des pieds nus, à petits pas de vagues tu arriveras…et ton déferlement sur les brisants de tes mers, outragera le tonnerre assourdissant de la faim.» Depuis des milliers d’années, l’humanité a peuplé les Ailleurs de tabous, de divinités infernales, et de croyances terrifiantes, alimentant toutes nos peurs de l’inconnu, sans

                   

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pour autant décourager les audacieux. « A frontière du poème, tes pleurs-fleuves n’ont pas pu traverser » - Harris Kasongo. Ces Mondes fantasmés - milieux extrêmes des abîmes ou sommets les plus hauts - avant d’être étudiés et banalisés, étaient peuplés de créatures mythiques, d’interdits et de légendes effrayantes. Les mondes-souterrains, polaires et sous-marins, étaient assimilés aux enfers : séjour des morts. Les mondes célestes, intergalactiques, et extra–terrestres assimilés à l’au-delà : séjour des âmes. Soit on rejoint ces ailleurs ésotériques, la 4ème dimension, en trips intérieurs des paradis artificiels, soit on les invoque avec un respect teinté de crainte . C’est le cas des mondes surnaturels ou paranormaux, mystérieux et mystiques. « la Poésie comme nulle part ailleurs » selon Gaétan Sortet. Edouard Glissant définit « L’Ecrire, comme un lieu où les poétiques du Tout-Monde se rencontrent et s’émeuvent » En effet, par leur pouvoir d’imagination créatrice, l’Ecriture et la Poésie, sont des vecteurs infinis pour explorer par les mots, les ailleurs de l’esprit, au cours d’ un « voyage au bout de la Poésie » - Gaetan Sortet. Aboubacar Ben Saïd Salim intitule l’un de ses poèmes : « Voyage mystique » -« Par delà les nuages…. Ailleurs mon esprit s’envole à la recherche du beau, du bien …rien ne lui fait obstacle…» Il n’est de frontières et de bornages qu’entre les terres, pas entre les hommes. Méléagre de Gadara, dans l’Antiquité, affirme que « l’unique patrie, étranger, c’est le monde que nous habitons », c’est à dire un seul monde en partage précise Safiya Baksh Hosein « to share the same Earth Sky and Space ! » Il suffit de quelques mots pour réinventer des ailleurs poétiques. Richard Taillefer invoque un guide : « Qu’une voie lactée m’ouvre le chemin ». et Mario Urbanet se tourne aussi vers les cieux : « La Grande ourse tire son lourd chariot, sans jamais atteindre l’inaccessible étoile. » Le voyage vers l’Ailleurs se confond souvent avec la notion de voyage vers l’Autre. Mais plus qu’une rencontre avec l’autre, il représente une formidable rencontre avec soi-même, voie de transformation de soi. En découle l’éloge du Voyage intérieur, ou voyage immobile. « Le seul véritable voyage n’est pas d’aller vers d’autres paysages, mais d’avoir d’autres yeux » pense Marcel Proust. La quête d’ailleurs se doit d’être questionnée depuis le point d’ancrage où l’on se trouve : « I see my film of the Elsewhere: at the center of the ancient Lombardy blue skies » - « from Elsewhere I tell myself : the escape is here in the patient search of a balance, perhaps » - Paolo Pezzaglia. L’Oracle de Delphes prophétisait "Qui que vous soyez, oh vous qui souhaitez sonder les arcanes de la Nature, si vous ne pouvez pas trouver en vous-même ce que vous cherchez , si vous ignorez les merveilles de votre maison, comment voulez-vous trouver d'autres merveilles ? En vous est caché le trésor des dieux. Homme, connais-toi toi-même et tu connaîtras l'Univers et les Dieux. " Entre racine et errance, entre le Lieu et le Monde, se place le sujet qui écrit. Sylvie Jeantet confie : « nulle part ailleurs, nous ne trouverons la douce consolation, nulle part ailleurs que dans nos cœurs. » Aboubacar Ben Saïd Salim le constate aussi : « Ailleurs est en nous, nous transportons en voyage nos joies et nos peines ». Harris Kasongo conclut : « Ailleurs t’aura permis d’être toi et de luire dans la voûte céleste. Luire dans les regards effrénés des autres car ailleurs, ils sont aussi comme toi, avec leur identité. »

Catherine Panot

                   

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POÈTE INVITÉ

Tenzin Tsundue TIBET/INDIA    Tenzin  was  born  to  a  Tibetan  refugee  family  in  1970s  in  the  Spiti  Valley,  Himachal  state  of  North  India.  He   is     not   a   citizen  of   India  nor  has  he   any   rights   in  Tibet,   the   country  his   parents   escaped  due   to  Chinese  persecution.  He   is     a   stateless  person.  He  started  writing  when  he  was  doing  his   studies   in  Bombay   University.   He   is   an   activist   in   the   Tibetan   freedom   movement,   and   his   socio-­‐political  activism  has  taken  him  to  14  different  jails  in  Tibet  and  India,  and  also  20  different  countries  talking  Tibet.   He  makes   a   small   living   out   of   his  writings;   publishing   and   selling   books   by   himself.   At   the  moment  he    is  working  on  a  new  book,  a  collection  of  enduring  stories  of  Tibetan  exiles.  He    lives  in  a  rented  room  in  Dharamshala,  Himachal,  North  India.    Areas  of  Interest  As  a  refugee  living  between  the  dream  of  tomorrow  and  the  reality  of  today,  he  finds  the  life  of  an  exile  extremely  facinating,  and  often  wonders  about  what  he    calls  the  “Exile-­‐nation”.  He    believes  that  exile  makes  one  most  imaginative,  creative  and  resourceful  in  adaptation.  He    has  been  exploring  the  ideas  of   identity,   culture,   belongingness,   and   the  mass   and   the   individual   behaviour.  And   as   the  world   is  seeing  an  increasing  trends  of  displacement  and  immigration,  diasporic  and  exile  literatures  will  be  an  international   trend.   He   writes   about   these   subjects   as   he   lives   the   life   of   a   refugee   himself,   and  physically  and  intellectually  explores  the  idea  of  exile.  He  is    a  student  of  language;  as  a  writer  he  is    in  the  constant  search  for  a  more  holistic  perspective  and  more  insicive  language.    Published  books  1.  Crossing  the  Border  (poetry),  1999,  Bombay,  India  2.  Kora:  stories  and  poems,  2002,  Dharamshala,  India  3.  Semshook:  essays  on  Tibetan  freedom  struggle,  2007,  Dharamshala,  India  4.  Tsengol:  stories  and  poems  of  resistance,  2012,  Dharamshala,  India    Other  publications  Some  of  his  writings  have  been  anthologised  in  other  publications.  Some  of  his  writings    are  being  taught  as  text   in:  The  University  of  Madras,  Loyola  College,  Chennai,  Emory  University,  Atlanta,  USA,  University  of  Delhi    Lectures  and  workshops  He   has     designed   workshops   in   creative   writing;   short   and   medium   courses   for   schools   and  colleges.He    speaks  in  colleges,  universities  and  civil  society  groups  on  varied  topics  like  Exile  Writing,  Writing   and   Resistance,   Adaptation   and   Appropriation   in   Exile   Culture,   Languages   of   Protest,   Arts  Trends  in  Occupied  Tibet,  Buddhism  and  Activism,  Culture,  Identity  and  Politics.  As  a  writer  and  poet  he  has  done  extensive  speaking   tours   in   India  and   twenty  other  countries   including   the  US,   the  UK,  Australia,  France  and  Germany.    He  has  lectured  in  a  lot  of  universities:      Honours  and  Recognition  -­‐  Picador-­‐Outlook  Prize  for  Non-­‐fiction,  2001  -­‐  He  was   invited   as   a   guest   speaker   at:   Poetry  Afrika,  Durban,   2005,  Katha  Asia   Lit   Fest   2005,   2nd  South  Asian  Literary  Conference,   Sahitya  Akademi,   2006,   Jaipur  Literature  Festival,   2010,  TATA  Lit  Fest,  Mumbai,  2012,  Samanvay  Indian  Languages  Festival,  2013  and  2015.    

MAGIE  FAURE-­‐VIDOT  

                   

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Réfugié    Lorsque  je  suis  né  ma  mère  m’a  dit  tu  es  un  réfugié  Notre  tente  au  bord  de  la  route  fumait  sous  la  neige.    Sur  ton  front  entre  tes  sourcils  est  gravé  un  grand  R  m’a  dit  mon  instituteur.    Je  grattai,  je  frottai,  sur  mon  front  je  découvris  une  marque  de  souffrance  rouge.    Je  parle  trois  langues.  Cella  qui  chante  est  ma  langue  maternelle.    Le  R  gravé  sur  mon  front  Entre  mon  anglais  et  mon  hindi  Dans  la  langue  tibétaine  signifie  :    RANGZEN  *Liberté  se  dit  Rangzen        Maison d’exil  Notre  toit  de  tuiles  fuyait  Et  les  murs  menaçaient  de  s’écrouler  Mais  nous  allions  bientôt  rentrer  chez  nous,    Nous  fîmes  pousser  des  papayers  Devant  notre  maison  Des  piments  dans  notre  jardin  Et  des  changmas  *pour  nos  palissade,  Puis  des  citrouilles  se  mirent  à  rouler  sur  le  toit  de  l’étable  De  jeunes  veaux  trottèrent  hors  de  la  crèche,    De  l’herbe  sur  le  toit,  Des  haricots  germèrent  et  Grimpèrent  le  long  des  vignes  De  la  monnaie  du  pape  se  mit    à  ramper  par  la  fenêtre  Notre  maison  semble  avoir  pris  racine.    Les  palissades  se  sont  transformées  en  jungle,  Et  maintenant  comment  puis-­‐je  dire  à  mes  enfants  D’où  nous  sommes  venus  ?    *Changma  :  arbuste  que  l’on  plante  en  guise  de  palissade  

                   

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Somewhere I lost my Losar *  Somewhere  along  the  path,  I  lost  it,  don't  know  where  or  when.    It  wasn't  a  one-­‐fine-­‐day  incident.  As  I  grew  up  it  just  got  left  behind,  very  slowly,  and  I  didn't  go  back  for  it.  It  was  there  when  as  a  kid  I  used  to  wait    for  the  annual  momo  dinner,  when  we  lined  up  for  gifts  that  came  wrapped  in  newspapers  in  our  refugee  school,  it  was  there  when  we  all  gained  a  year  together,  before  birthdays  were  cakes  and  candles.    Somewhere  along  the  path,  I  lost  it,  don’t  know  where  or  when.    When  new  clothes  started  to  feel  stiff  and  firecrackers  frightening,  when  our  jailed  heroes  ate  in  pig  sties  there,    or  were  dead,  heads  smashed  against  the  wall  as  we  danced  to  Bollywood  numbers  here,  when  the  boarding  school  and  uniforms  took  care  of  our  daily  needs,  when    family  meant  just  good  friends,  sometime  when  Losar  started  to  mean  a  new  year,  few  sacred  routines,  somehow,  I  lost  my  Losar.    Somewhere  along  the  path,  I  lost  it,  don’t  know  where  or  when.    Colleged  in  seaside  city,  when  it  was  still  Bombay,  sister’s  family  on  pilgrimage,  uncle  in  Varanasi,  mother  grazing  cows  in  South  India,  still  need  to  report  to  Dharamsala  police,  couldn’t  get  train  tickets,    too  risky  to  try  waiting  list,  and  it’s  three  days,  including  return  journey  it’s  one  week.  Even  if  I  go,  other  siblings  may  not  find  the  time.  Adjusting  timings,  it’s  been  20  years  without  a  Losar.  

                   

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 Somewhere  along  the  path,  I  lost  it,  don’t  know  where  or  when.    Losar  is  when  we  the  juveniles  and  bastards  call  home,  across  the  Himalayas  and  cry  into  the  wire.  Losar  is  some  plastic  flowers  and  a  momo  party.  And  then  in  2008  when  our  people  rode  horses,  shouting  ‘Freedom’  against  rattling  machine  guns,  when  they  died  like  flies  in  the  Olympics’  spectacle,  we  shaved  our  heads  bald  and  threatened  to  die  by  fasting,  but  failed.      Somewhere  along  the  path,  I  lost  it,  don’t  know  where  or  when.  Somewhere,  I  lost  my  Losar.    Tenzin  Tsundue      *Losar  is  the  Tibetan  New  Year  festival  which  fall  in  the  month  of  February  or  March  of  the  Christian  calender.                                                                                                                      

                   

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LUMIÈRE SUR  Safiya Baksh Hosein TRINIDAD AND TOBAGO  Safiya  Baksh  Hosein  is  a  graduate  of  the''  University  of  the  West  Indies''-­‐Trinidad\Tobago.  She  specialized  in  the  languages  French  and  Spanish  -­‐B.A  General  Honours,  and  taught  these  languages,  including  English  for  many  years  in  the  Secondary  School  System  in  Port-­‐of-­‐Spain,  the  country's  capital.  She   writes   poetry   in   French,   English,   Spanish   and   Hindustani.   She   published   her   first   two  books  in  2012-­‐English-­‐''Dreams  of  Love''  and  Spanish-­‐''Poemas  del  Corazón''-­‐XLibris,U.S.A.  She  was  honoured  by  her  country's  Library  Association-­‐NALIS-­‐as  a  first  time  author  in  2012.  She   is   presently   a   member   of   one   of   her   country's   poetry   groups-­‐CIRCLE   OF   POETS  [facebook],  and  also  a  member  of  other  groups  within  'facebook'.  She  is  also  a  member  of  an  international   site-­‐ALLPOETRY-­‐where   she  has   submitted  over  one   thousand  poems.    On   this  site  she  writes  under  her  pen  name-­‐''Saadia''.                                                          

MAGIE  FAURE-­‐VIDOT  My Ideal World  I  want  to  see  a  world  free  from  strife,  where  both  rich  and  poor  would  share  a  decent  life,  where  one  is  not  prejudiced  against  because  of  colour,  creed  or  race,  for  we  were  all  put  here  by  God's  grace  to  share  the  same  Earth,  Sky  and  Space!    I  want  us  to  hold  hands  in  empathy  even  across  thousands  of  miles  as  brothers  in  humanity,  that  we  would  see  Nature  as  a  boon  to  us  all,  and  treat  with  love  and  respect,  all  God's  creatures  both  great  and  small!    I  want  to  see  a  world  where  violence  would  be  eradicated  and  religious  fanaticism  not  fabricated,  as  an  excuse  to  kill  and  terrorise,  and  be  the  cause  of  innocent  people's  demise;  I  want  a  world  where  children  would  be  no  longer  misused,  their  innocent  childhood  grossly  abused!    I  want  a  world  where  material  gain  is  not  our  main  priority,  But  a  world  where  we  would  all  give  thanks  to  The  Almighty,  Who  created  us  to  share  the  same  Earth,  Sky  and  Sea,  to  live  with  His  Blessings  in  Peace,  Harmony  and  Unity!    Prompt  ''what  kind  of  world  do  you  want?''  ©  Safiya  Baksh  Hosein  2015  

                   

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Le Grand Bal Masqué      Cette  vie,  c'est  une  danse  macabre  où  tous  les  joueurs  dansent  de  tout  leur  coeur  sur  le  tapis  de  joie,  et  portant  tous  les  joyaux  de  ce  monde,  ils  vantent  leurs  acquisitions  matérielles;    semblables  aux  robots,  ils  participent  dans  la  mélodie  de  la  vie  comme  s'ils  jouissaient  du  Paradis  ici-­‐même;  ils  ne  s'occupent  pas  du  tout  de  leurs  pauvres  frères  malheureux  qui  passent  sur  le  chemin  bourbeux  tous  les  jours!    leurs  visages  manifestent  les  traits  du  Bonheur,  mais  profondément  au-­‐dedans  de  leurs  âmes,  ils  sont  tout  tristes,  parce  que  plus  ils  amassent,  plus  ils  sont  mécontents;  La  soif  n'est  jamais  rassasiée!    Comme  leurs  compagnons,  ils  n'ont  pas  acquis  cet  esprit  de  satisfaction,  la  vertu  qui  est  absolument  nécessaire  pour  les  rendre  vraiment  heureux;  et  ainsi  ils  se  masquent  jusqu'à  ce  que  la  Mort  leur  serre  la  main.    La  fin  du  Grand  Bal  Masqué  !    Prompt-­‐Carnaval-­‐le  monde  est  un  grand  bal  masqué    où  chacun  est  masqué-­‐  Vauvenargues  ©  Safiya  Baksh  Hosein  2014      

                   

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The Dirge of Love  Who  will  sing  this  lovelorn  song  with  me,  this  dirge  of  love  ?  This  distant  love  I  tried  to  grasp  but  like  an    evanescent  bubble,  evaded    me  and  rose  into  nothingness  among  the  spirits  of  the  winds!    O    foolish  heart,  how  many  times  will  you    yearn  for  that  kind  of  love  you  can  never  have  ?  How  many  times  do  you  insist  on  being  hurt,  carried  away  by  your  ardent  passion?  In  your  naivete,  do  you  not  see  that  you're  always  just  a  passing  fancy,  something  to  be  toyed  with  and  abandoned?    Embroiled    in  your  flights  of  fancy,  do  you  enjoy  having  your  wings  continually  singed  by  the  flames  of  desire?  Perhaps  you  envy  the  fate  of  the  hapless  moth  that  must  needs  return  to  the  hearth  of  the  candle,  entranced  by  its  flame,  to  flutter  and  die  in  its    embrace,  forever  fulfilling  with  renewed  vigour,  its  irreversible,  inexplicable  destiny  !    prompt-­‐''distant  love''-­‐©  Safiya  Baksh  Hosein  2015                  

                   

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THÈME SUR Yannick Savy SEYCHELLES    Né  à  Victoria,  la  capitale    des  Seychelles  le  19  août  1995,  Yannick  Savy  est  un  poète,  rappeur  et  slameur.  Il  est  issu  d’une  famille  de  deux  enfants  dont  il  est  l’aîné.    Son  père  Michel  Savy,  est  aussi    poète.  C’est  grâce  à  ce  dernier  que  Yannick  possède  une  certaine  attirance  particulière  pour  la  poésie.    En  2011  avec  Ras  Pyek  il  effectue  une  sortie  musicale,  la  chanson  en  question  se  nomme  Poetik.  Cette  chanson,  comme  l’indique  son  titre,  tourne  autour  de  la  poésie.  C’est  une  des  preuves  de  l’attachement  de  Yannick  pour  cette  discipline.  Yannick  Savy  est  aussi  connu  sous  le  nom  de  Damasy  car  en  2012  il  sort  un  album  musical,  Pa  pe  kapab  kalibre.  Il  a  aussi  fait  d’autre  collaboration,  notamment  avec  Patrick  Victor.    Actuellement  en  France,  il  effectue  des  études  d’économie  à  l’Université  de  Rouen.  Yannick  est  à  la  faculté  depuis  2013  et  compte  terminer  en  2017.      

MAGIE  FAURE-­‐VIDOT                                                                                                                                                                                                Des envies d’ail leurs  Si  on  reculait  les  aiguilles  du  temps,  penses-­‐tu  être  ailleurs  Avoir  envie  de  posséder  le  temps,  c’est  des  envies  d’ailleurs  Et  d’ailleurs…    Je  ne  laisse  rien  sur  le  té-­‐cô  (côté)  Te  me  nnais-­‐co  (connais)  Et  si  on  tient  à  la  vie,  c’est  que  la  mort  est  dans  notre  rétro    Flotte  mais  jamais  ne  sombre  L’importance  c’est  la  chute  pas  l’atterrissage    Je  lutte  pour  un  meilleur  paysage  Les  plus  belles  choses  du  monde  Ne  sont  que  des  mirages    Brouillant  comme  une  arme,  c’est  pas  de  chance  Pour  entendre  le  bruit  de  mon  âme,  Brise  l’infini  de  ma  page  blanche    Pendant  que  mon  encre  se  vide  J’essaye  de  combler  le  vide    Du  temps  qui  passe    

                   

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 Voyage  Lustre  est  le  livre,  le  voyage  est  astral    M’en  aller  sans  vivre  est  entre  vipère  et  Ripaille  J’ai  eu  le  don  de  partir  si  loin  Mais  je  reste  le  même,  tant  que  Sipay  Me  rappelle  d’où  je  viens    Commerce  triangulaire  si  le  business  est  carré  Moche  comme  un  ton  vulgaire  de  sentiment  égaré  Prêt  pour  la  guerre,  prie  pour  la  paix    Dans  un  monde  effaré    Pour  l’instant  j’en  dis  quoi  ?  Il  faut  en  être  tant  que  les  gens  y  croient  Partir  n’est  que  le  destin,  jamais  un  choix                                                        

                   

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Karoly Fellinger SLOVAKIA      Károly  Fellinger  was  born  in  1963,  in  Bratislava.  He  lives  in  Jelka  since  his  childhood.  He  used  to  work  as  an  agronomist,  now  he  runs  his  own  smallholding.  He  has  published  18  books  in  Hungarian   so   far.   Most   of   them   are   collections   of   poems   for   adults   and   children,   a   village  monograph   and   tales.   As   a  mythographer,   he   collected   the   tales   and   legends   of  Mátyusföld  (region  of  the  Mátyus,  Matúšova  zem).  His  volumes  of  poetry  have  been  published  in  English,  German,  Romanian,  Serbian,  French,  Russian,  Slovak  and  Turkish.  He  has  been  awarded   the  Golden  Opus  Prize  of   the  SZMÍT   (Hungarian  Writers‘  Association  of   Slovakia)   twice  and   the  Imre  Forbáth  Prize  for  the  best  collection  of  poetry  written  in  Hungarian  in  2014.  In  2013,  he  was  the  winner  of  the  Bóbita  poetry  contest  of  the  Hungarian  Writers‘  Association.  He  was  a  deputy  of  the  municipal  council  for  twenty  years  and  the  deputy  mayor  for  for  years.       Beer coaster  The  perfect  poem    is  like  the  finest  coffee  that  you  manage  to  order  only  once,    you  spill  it  on  the  tablecloth    before  you  could  even  taste  it  and  it  leaves  an  irremovable  stain.      Spread table  Father,  son  and  holy  spirit.    Just  like  past,  present  and  future.    Everything  remains,  only  the  matter  is  untransformed.     Passage  Destiny  operates  on  batteries,  it  is  recharged  by  fleeting  time.    (translated  by  Károly  Sándor  Pallai  )  The  work  of  the  translator  was  supported  by  an  individual  scholarship  (NTP-­‐EFÖ-­‐P-­‐15-­‐0180)  of  the  National  Talent  Program.  

                   

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Aboubacar Ben SAID SALIM Comores      Aboubacar  Ben  SAID  SALIM  est  né  aux  Comores  où  il  a  fait  ses  études  jusqu'au  BAC  .  Il  a  obtenu  son  BAC  en  1970,  avec  une  mention  spéciale  du  jury  en  français.    Il  a  écrit  son  premier  roman  intitulé    «  Et  la  graine...  »  aux  éditions  Komedit,  qui  parle  de   la  grève  de  1968  aux  Comores  ,  qui   fut  un  prélude  à   l'indépendance  des  Comores.  Son  deuxième  roman  «  Le  bal  des  mercenaires  »,  parle  du  drame  de  la  domination  des  mercenaires  aux  Comores,  en  est  à  sa  troisième  réédition  et  figure  au  programme  de  la  classe  de  seconde  des   lycées.  Son  troisième  ouvrage  est  un  recueil  de  nouvelles   :  «  La  révolte   des   voyelles  »   .     Son   quatrième   ouvrage   est   un   recueil   de   poèmes   intitulé    «  Mutsa  mon  amour  »  aux  éditions  Cœlacanthe  .    Il  est  marié  et  père  de  9  enfants.      Voyage mystique                          Par  delà  les  nuages,  par  delà  l’Azur  immaculé    Ailleurs  mon  esprit  s’envole  à  la  Recherche.  La  recherche  du  beau,  la  recherche  du  bien  Rien  ne  lui  fait  obstacle,  ni  l’éther,  ni  l’éternité    Mon  corps  de  lumière  illumine  l’espace    Et  pâlit  les  soleils  et  tous  les  astres,  du  vaste  espace    L’Univers  illimité  m’ouvre  les  mondes  interstellaires  Que  j’embrasse  d’un  clin  d’œil,  et  me  fait  goûter      La  Joie  du  Créateur,  contemplant    sa  création,  Si  parfaite,  et  si  belle  dans  sa  resplendissante    Harmonie  de  sons  et  lumières  ivres  de  Dieu      Ailleurs,  est  en  nous,  nous  transportons  en  voyage  Nos  joies  et  nos  peines  que  nous  transcendons  par    L’espoir,  d’être  un  jour  en  fusion  avec  LUI  !                                                                                        

                   

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Gilles Pommeret FRANCE    Gilles  n’est  plus  à  présenter.    Il  appartient  à  l’avant-­‐garde  des  fidèles  animateurs  de  cette  revue.    L’ailleurs  La  poésie  des  départs,  L’émotion  des  arrivées  Sont  encloses  dans  la  pierre  Des  glissants  embarcadères,  Plateformes  vers  les  ailleurs  La  nef  s’écarte  du  quai  Délivrée  par  le  noroît.  Déjà  les  visages  aimés  S’éloignent  et  se  confondent.  Les  voiles  tendues,  ils  sont  ailleurs.    L’horizon  les  absorbe,  Le  soleil  complice  s’endort.  Le  quai  où  claque  la  houle  Soudain  devient  solitaire.  Qui  donc  les  attend  ailleurs  ?    Les  regards  de  l’équipage  Tournés  vers  l’Orient,  sourient.  Il  fait  un  avec  la  mer.  Nouvelle  Iliade,  si  heureux.  Leur  avenir  est  ailleurs.    Déjà  deux  mois  sont  passés  Le  temps  semble  immobile  Mais  la  mer,  belle  endormie,  Tricote  leur  renommée  :  Elle  sera  chantée  ailleurs.    Là-­‐bas,  cerisiers  en  fleurs,  Abeilles  soudain  chantonnent  Jardiniers  heureux  attendent  Les  hommes  venus  de  si  loin  :  C’était  l’ici,  c’est  l’ailleurs.    Oh  !  Regardez  là-­‐bas  :  Ils  sortent  de  l’horizon  !  Ce  soir,  ils  seront  ici.  Ils  sont  partis  des  Seychelles,  Des  îles  lointaines,  ailleurs.  

                   

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Magie Faure-Vidot SEYCHELLES        Magie    n’est  plus  à  présenter.    Elle    appartient  à  l’avant-­‐garde  des  fidèles  animateurs  de  cette  revue.            Ailleurs    Sur  l’aile  d’une  poussière,  Je  m’installe  tout  en  haut,  sur  mon  nuage,  D’où  je  vois  la  terre  en  rage  En  voulant  démarquer  un  autre  territoire.      Un  gentil  Requin  Se  repose  dans  son  coin  Ne  cherche  guère  A  rentrer  dans  une  guerre      Voilà  tout  d’un  coup  Arrive  un  fou,  En  fait  un  humain,    Qui  se  comporte  en  vaurien  .      Il  tire  une  flèche  En  attendant  une  viande  très  fraîche  .  Et  du  haut  de  mon  nuage,  Je  me  dis  “mais  quel  saccage”  !      Mon  Requin  Se  faufile  vite  vers  son  océan  Pour  rejoindre  Neptune  qui  prépare  une  grosse  pluie  Qui  va  éteindre  les  tirs  de  son  ennemi  .              

                   

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Vincent Larue SEYCHELLES      Vincent  est  né  à  Victoria  le  20  août  1981,  il  est    le  premier  garçon  et    le  troisième  dans  une  famille  des  six  enfants.    Il  a  fait  ses  études  à  Port  Glaude,  Bélonie,  le  service  national  de   la   jeunesse  et   a   fait   son  diplôme  en   statistiques  en   Inde.   Il   a   commencé  à  écrire  à  17ans.  Il  écrit  des  poèmes,  des  chansons  et  des  histoires  pour  les  enfants.    Il  écrit  dans  les   trois   langues   nationales,   en   créole,   français   et   anglais.   Il   a   publié   deux   livres   d’  histoires  courtes,  et  il  va  publier  une  anthologie  de    poèmes  cette  année.                  Santye mon desten  Anvair  dan  linyorans  mon  lanfans  O  milye  en  lafore  Mon  debite  lo  en  semen  santye  San  ekipe  san  prepare  Nenport  kwa  i  posib  lo  sa  traze  Letan  ou  vilnerabilite  i  ekspoze  Mefyan  tou  sa  ki  vivan    E  met  konfyans  dan  lasans  Li  osi  pa’n  en  tro  bon  dalon  Akoz  bokou  in  osi  konfye  avek  li  Soufrans  pou  grandi  ek  respe  Swa  bate  olye  pinisyon    Pa  ni  ekzazere    Mon  asire    En  kivet  larm  in  osi  devide  Sa    ki  roten  ti  dan  son  lanmen  Pa  ti  donn  kredi  lo  ledo  sa  pti  banben  Ni  konsyan  douler  sa  imen  Avek  en  santiman  boulverse  Mon  glis  trankilman  dan  sa  monn  adolesan  En  lot  laspe  trik  e  vyolan  Touzour  etidye  dan  mon  prop  liniversite  Pou  mon  premye  degre  konstren  lavi  Sapit  enn  i  fayle  e  met  dan  bife  Movetan  i  sekwe  mon  pti  kannot  papye  Atoure  parmi  serpan  ek  lera  Sa  de  plir  fay  vermin    I  pou  swa  pike  swa  morde  

                   

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Alor  mon  oblize  get  de  kote  Dan  sa  batay  pou  pas  legzanmen    Lapriyer  i  en  nesesite  Frekant  legliz  i  en  lot  senaryo    Limenm  i  kapab  detourn  ou  plan  d’aksyon    Se  la  kot  neven  ek  labouzi  i  bezwen  marse  Serten  i  servi  grigri  pou  dizef  eklo  plir  vit  E  menm  elimin  lobstak  dan  zot  semen  Dan  mon  santye  mon  kontinyen  glise  Plir  tar  mon  vwar  en  laklerte  dan  lwen  Petet  laba  i  mon  desten  Desizyon  pou  sanzman  i  efreyan  Plirzyer  in  sot  li  pou  pa  pran  sa  risk    Serten  in  mal  deside  e  zot  in  fouti  Bokou  in  fer  li  e  reisi  Me  mwan  mon  ankor  la  dan  sa  pti  semen  Par  fwa  apik  par  fwa  desant  Mon  profit  lo  plato  pou  repoze  Koumsa  mon  rekipere  pou  sa  ki  pe  vini  demen  Mon  pa  zanmen  konnen    Kwa  ki  pe  esper  mwan  Dan  santye  mon  desten                      

                   

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Stéphanie Joubert SEYCHELLES   Stéphanie Joubert est une poète Seychelloise. Elle écrit sur des thèmes divers, mais elle a une faiblesse pour les enfants et les domaines sociaux. Elle a représenté les Seychelles dans des rencontres poétiques à Maurice et à La Réunion. Exil je  suis  revenue  pas  pour  me  rapprocher  de  toi  mais  pour  m’éloigner  de  ton  silence  c’est  peut  -­‐être  au  hasard    que  je  dois  cette  révélation    je  suis  revenue  pas  pour  me  rapprocher  de  ton  regard  mais  pour  m’éloigner  de  ta  présence  cette  déclaration  ça  fait  longtemps  que  j’y  pensais    mais  simplement  je  ne  savais  pas  comment  l’écrire    tu  sais,  je  suis  revenue  pas  pour  me  rapprocher  de  ton  coeur  mais  pour  m’éloigner  de  ton  intimité    ça  fait  longtemps  que  ça  dure  et  dans  ma  tête  il  ne  reste  que  des  souvenirs      

                   

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Vénida Marcel SEYCHELLES        Vénida    n’est  plus  à  présenter.    Elle  appartient  à  l’avant-­‐garde  des  fidèles  animateurs  de  cette  revue.                                                                                                                                                                                                              Ou Lespri I Ayer  Ou  lespri  i  ayer  Ou  pa  mazinen  I  katrer  E  travay  in  terminen  Pou  ou  al  pran  bis  lo  stenn    Asize  dan  en  gran  mazinasyon  Ou  lizye  fikse  lo  ou  zournal  nasyon  San  ki  ou  pe  lir  E  ou  pa  pe  war  okenn  lekritir    Ou  pe  mazin  bann  lensidan  Ki’n  arive  dernyenman  Ki  ankor  en  mister  San  ki  ou  remarke  ou  lespri  i  ayer      Ou  koleg  i  kriy  ou  Andizan  si  ou  pa  pe  al  kot  ou  Ou  sote  e  pran  en  gran  respirasyon  en  regard  dan  son  direksyon    Avek  en  sourir  ou  dir  li  Mon  pe  vini  Ou  pran  ou  kaba  avek  en  ler  E  ou  pran  kont  ki  ou  lespri  ti  ayer  

                   

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Sylvie Jeantet LA REUNION /FRANCE      Sylvie  est  Professeur  de  français  au  Collège  l’Oasis  à  La  Réunion.      Ailleurs  Nous  rêvons  tous  d’un  ailleurs.  D’un  ailleurs  bien  meilleur,  Où  les  fruits  sont  plus  sucrés  Et  la  vie  moins  acidulée.    Mais,  on  revient  vite  sur  terre,  Lorsqu’on  rêve  les  yeux  ouverts.    J’ai  tant  rêvé  de  cet  ailleurs  Qui  efface  mes  peurs,  Où  la  vie  se  croque  à  belles  dents,  Où  l’on  profite  de  chaque  instant.    Mais,  on  revient  vite  sur  terre,  Lorsqu’on  rêve  les  yeux  ouverts.    Nulle  part  nous  ne  trouverons  La  douce  consolation.  Nulle  part  ailleurs,  Que  dans  nos  coeurs.                

                   

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Catherine Panot LA RÉUNION/FRANCE    Installée  à  La  Réunion  depuis  2005,  passionnée    de  marche  et  de  nature  intacte,  elle  arpente  les  sentiers  de  randonnée  dans  les  trois  cirques,  et  surtout  Mafate,  inaccessible  en  voiture.    Elle  sait  qu’elle  n’en  aura  jamais  fini  de  découvrir  ces  mille  kilomètres  de  sentiers  «  du  battant  des  lames  au  sommet  des  montagnes  ».        Fonkèr pou péi Tibet  Moin  nana  léspoir  pou  péi  Tibet  Rangzen,  Freedom,  la  Liberté  !    Rouvèr  noute  zié  Rényoné,  dann  la  France,  péi  lo  droi  d’lom,  agarde  inpé  domoun  péi  Tibet,  koman  banna  i  viv  dann  milié  do  fé.  Bann  larm,  èk  lo  san,  zot  pèp  i  koul,  na  tro  lontan  zot  lé  dann  malèr,  kom  dann  lanfèr  déssi  la  tèr  mi  voi  zot  péi  lé  kaparé.    Dann  fon  zot  zié,  zot  i  espèr  zot  Dalai  Lama,  zot  i  zèt  zot  kor  dann  flame  do  fé  la  Libérté.  Bonpé  i  sov  zot  péi  san  niabou  fé  antann  azot,  pou  fini  kom  zesklav  maron  partou  déssi  la  tèr.  Bann  Tibétin  i  koné  byin  kisa  zot  i  lé  pou  vréman,  zot  lé  Tibétin  zot  lépa  Shinoi  pou  viv  kom  zétranzé  dann  zot  péi.    Dodan  zot  tèr  na  bonpé  zarlor    solman  zot  tèr  lé  esploité,  lé  makoté,  oté  Tibet,  zot  péi  lé  divizé,  oté  Tibet  …  kolonizé.  Mi  antan  zot  doulèr  kongnyé,  i  kongn  dann  batan  d’  lam  la  mèr  ziska  dann  l’oséan  indyin.  Té  galé  sakré,  mon  léko  sakré.    É  zot  l’Oséan  la  Sazès,  Dalai  Lama,  ousa  li  lé  ?  Kansa  li  va  artrouv  son  bann  frèr  déssi  la  tèr  oussa  li  lé  né  ?  Zot  zoli  figuir  i  rakonte  lamour,  

                   

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lamour  po  toute  domoun  déssi  la  tèr,  zot  la  alim  in  takon  la  bouzi  pou  ninportékèl  bondié  nou  pri.    Lo  pèp  Tibétin  i  doi  viv  lib,  i  doi  viv  lib  kom  ou,  kom  moin,  i  doi  viv  lib  kom  lèr  ék  dolo  klèr  bann  zoli  bassin  koulèr  lo  sièl.  I  doi  viv  lib  kom  payanké,  toute  bann  zoizo  i  zoué  dann  van  la  Libèrté,  dann  dirèksion  solèy  Kailash,  lao,  lao  la  montane  sakré.    I  doi  viv  lib  parèy  dolo  bann  glasié  i  tonm  koman  troizièm  pol  la  planèt,  ziskakan  li  va  koul  an  rivièr  pou  done  la  vi  in  bonpé  péi  ?  Mi  voi  out  lespoir  lapo  fané  kom  la  nèz  sanm  la  glass  dann  solèy  anlèr  la  montagn  l’Himalaya,  Tibet  mon  frèr  lé  dann  malizé.    La  briz  i  souf,  bon  lèr  i  sa  désann  pou  frole  bann  kap  la  montane  glassé,  lé  sitèlman  for,  kom  la  Vérité  napoin  riyin  i  guingn  anbar  ali!  Alor  dalon,  kosa  nou  fé  ?  Nout  maloya  la  fine  libéré,  nout  patrimoine  lé  po  toute  domounité,  alon  shante  in  gayar  maloya  pou  péi  Tibet  !    Nout  toute  nou  doboute,  nou  lèv  pou  péi  Tibet  alon  marsh  ansanm  é  shante  ansanm  pou  péi  Tibet,  nout  toute  ansanm  va  di  koulèr  son  soufranss,  dann  son  rézistanss  napoin  la  violanss.  Tank  na  anvoy  nout  kozman  pou  péi  Tibet,  son  pèp  va  guingn  viv  ankor  pli  lontan.  Tank  na  anvoy  nout  kozman  pou  péi  Tibet,  nout  domounité  va  guingn  son  kontan.    Moin  nana  léspoir  pou  péi  Tibet  Rangzen,  Freedom,  la  Liberté            

                   

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Patrick Joquel FRANCE    Patrick    n’est  plus  à  présenter.    Il    appartient  à  l’avant-­‐garde  des  fidèles  animateurs  de  cette  revue.    Ailleurs  04h43  am  affiche  l’horloge  digitale  de  ma  vieille  auto  rouge  Greenwich  mean  time  car  ma  voiture  roule  en  temps  universel  je  me  gare  à  Courmes  j’éteins  les  phares  coupe  le  contact  je  sors  un  brame  résonne  ils  sont  là  calcul  juste  je  file  sur  le  sentier  de  Bramafan  au  fil  des  pas  la  lumière  apparaît  nul  besoin  de  lampe  je  marche  dans  le  silence  accompagné  des  brames  ils  sont  une  dizaine  au  moins  à  se  répondre  je  les  écoute  heureux  je  suis  venu  exprès  pour  les  entendre    je  ne  les  verrai  pas  mais  un  peu  plus  loin  deux  biches  et  un  faon  du  printemps  broutent  la  clairière  instant  de  grâce  ni  vu    ni  entendu  l’instant  dérobé    un  oiseau  que  je  n’identifie  pas  module  alors  un  chant  différent  aussitôt  les  biches  sont  aux  aguets  l’oiseau  m’a  trahi  elles  ne  me  distinguent  pas  encore  mais  elles  savent  l’intrus  elles  broutent  encore  sur  leur  qui-­‐vive  l’une  des  deux  croise  mon  regard  un  frémissement  elles  s’enfuient      

                   

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Francisco Jacques HAITI    Jacques  Francisco  est  un  poète  haïtien  vivant  à  Cap-­‐Haïtien.  Passionné  de  littérature,  il  fait,  affirme-­‐t-­‐il,  de  la  poésie  pour  se  libérer.  Pour  lui,  la  poésie  est  l’art  de  savoir  prononcer  un  Verbe.  Verbe  qui  doit  réjouir  l’âme,  susciter  des  émotions  et  réinventer  l’homme.    Francisco   croit   que   tout  peut   être   «  poésie   ».   Son  premier   recueil   «  UN  VERBE  »  paraîtra   sous  peu  comme   un   rai   d’aurore   jeté   à   l’ombre   des   colombes   et   des   papillons   pour   célébrer   l’amour   et  l’élévation  des  âmes.  Poésie  de  l’ascension  !  Poésie  de  l’interdit.      Des erreurs Amours  blessés  de  turpitudes  où  se  mêlent    les  regrets  fatalistes  la  plaie  et  la  souffrance  depuis  la  jeunesse  des  âges  vieillis.  Méprisables  instants  de  frustration  et  de  pleurs  devant  le  spectre  grimaçant  des  folies  et  la  frivolité  de  l'érotisme  des  sens.    Nul  conseil  sur  le  sentier  d'égarement  n'a  su  freiner  le  gâchis  des  âges  frivoles  la  jouissance  des  bourdonnements  du  sexe  ni  l'horreur  des  passions  irraisonnées  aux  nœuds  d'échecs  attristants  et  des  remords  en  larmes  une  blessure  d'ingénuité  comme  un  sein  cicatrisé  où  se  forme  un  cancer  durant  des  remous  d'agonie.    Beauté  et  élégance  raturées  de  l'encre  des  misères  et  des  sueurs  du  gagne-­‐pain.  Lui  esseulé  s'en  va  de  jour  et  de  nuit  sur  le  Sahara  de  la  vie  pour  un  soulagement  de  son  fardeau  le  poids  de  la  survie  lourd  qu'un  quintal  de  sel  une  existence  défaite  un  désespoir  d'audace  au  seuil  de  l'effort.      

                   

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Une  histoire  qui  peine  telle  une  épopée  tragique  les  mots  ensanglantés  incapables  de  bégayer  un  vide  de  merveilleux  trois  points  suspensifs  de  miracle  un  esquisse  de  sourire  timide  un  poignard  empoisonné  entre  le  cœur  et  les  poumons  vivotant.      Désistement  à  sa  foi  désespérante  si  croyance  sombre  et  passive  les  miracles  ponctuent  de  point  final  la  phrase  apaisante  à  la  mi-­‐page  du  mal  rongeur  de  ses  muets  soupirs  aux  spasmes  de  l'émoi.    La  mort  s'attarde  d'une  souffrance  qui  tarde  retarde  apitoie  devant  son  jeune  visage  ridé.  Lui  esseulé  s'en  va  de  jour  et  de  nuit  sur  le  Sahara  de  la  vie.    Malheureux  profondément  malheureux  tristement  malheureux  l'âme  troublée  d'inepties  perverses  des  idioties  juvéniles  nostalgique  et  tragique  le  poème  dont  le  lyrisme  se  coupe  en  rejet  et  bouts  de  vers  qui  poignardent  sous  l'ordre  du  dégoût  de  la  vie  rimée  de  dépit  le  sang  coule  à  torrent  dans  le  cœur  hémorragie  de  l'âme  empalée  d'épines  mortelles  le  souffle  en  bouffées  d'air  où  le  cœur  et  les  poumons  se  luttent  une  dernière  seconde  vie  l'imminence  du  trépas  sous  râles  l'enfer  ouvre  les  portes  devant  son  ombre  en  pâleur  de  clarté  l'effort  de  vivre  engorgé  par  la  lame  des  inquiétudes.  Coup  d'ignorance  à  feu  d'incurie  l'incompréhension  dans  l'amour  pour  les  passionnés  sans  raison  et  les  érotiques  de  la  beauté  l'immaturité  juvénile  dévore  le  devenir  de  l'amour  l'érotisme  aveugle  sous  le  charme  des  nudités  sensuelles.    

                   

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 Conséquence  de  l'inconséquence  les  souvenirs  amers  les  désirs  aliénants  le  voile  de  la  démence  obscurément  opaque  et  le  cerveau  sans  raison.    Impitoyablement  se  déchirent  et  se  brisent  les  dernières  neurones  du  cerveau  en  délire.    Déplorable  couche  à  l'horizontale  de  la  mort  le  corps  assombri  au  silence  du  cœur.  L'apocalypse  d'une  histoire  noire  sans  mémoire  à  l'observation  de  l'œil  faucon  une  jeunesse  finie  avant  la  vieillesse    à  folie  de  grandir    à  folle  vitesse  de  l'amour  aux  assouvissements  des  désirs  un  odyssée  qui  tue.    Lui  a  quitté  le  Sahara  de  la  vie  mais  son  parfum  parfume  la  poussière  du  désert  de  jour  et  de  nuit.    L'escalier  de  sa  vie  chavirée  à  très  glissante  pente  de  faïence  roulant  il  a  pleuré  solitaire  malheureux  tous  les  océans  de  ses  yeux  à  gouttes  de  larmes  et  de  sang.  Une  calamité  en  poursuite  de  l'enfer  une  malédiction  de  Caïn  de  jour  et  de  nuit.      

                   

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Sophie Brassart France      Sophie    n’est  plus  à  présenter.    Elle  appartient  à  l’avant-­‐garde  des  fidèles  animateurs  de  cette  revue.                                                                                                                                                                                                              Derrière la pluie    Pour  Clara  P.-­‐D.    Grave  et  sûr  le  scandale  tendant  la  main  à  la  lumière    Tu  danses  infini  pour  quelques  sillons    l'air  s'écartait    j'ai  confondu  la  biche  chassant  nos  cœurs    loin  de  tout  bois    j'ai  confondu  nos  larmes  avec    le  soir  invitant  quelques  démons      Tu  danses  derrière  la  pluie      Contre l ’onde      Sans  doute  sur  les  canaux  les  enfants  lancent  un  signal  joie  qui  carillonne  et  dévore  un  passé    Leurs  joues  fraîches  contre  l'onde      Tu  ne  prononces  rien  /  rien  ne  te  soustrait      

                   

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Paolo Pezzaglia ITALIE          Paolo    n’est  plus  à  présenter.    Il  appartient  à  l’avant-­‐garde  des  fidèles  animateurs  de  cette  revue.                                                                                                                                                                                                            Elsewhere  Beyond  the  dirty  warm  air    of  this  diseased  November  I  see  my  film  of  the  Elsewhere:  At  the    center  of    the  ancient    Lombardy  blue  skies    I  see  again  the  far  away  Americas,  the  North,  my  naive  alternative,  more  dreamt  than  lived,  and  the  discredited,  treacherous  South:  what  fate  without  the  war  we  brought  to  them  from  Europe?  For  the  stolen  (and  horribly  melted)    gold,  highly  fly  Aztec  idols  and    alien  condors  of  Hispanic  blood  thirsty.    The  big  warm  belly  of  Africa,    the  tribes’  smoke  in  the  jungle    the  last    baobabs  in  the  bush  thinning  in  shabby  suburbs:  on  the  red  clay  track  zigzagging  the  white  Land  Cruyser  driven  by  politicians-­‐soldiers  (homeric  murderers  or  simple  humans?)  Then  sat  at  the  democratic  business    table  with  us,  authoritative  white  guys,  with  us,  educated  washed  sellers  of  useless  high  priced  goods,  us,  forced  to  trade  and    deprived  of  our  own  old  souls,  tired  of  long  debated  expectations  in  the  local  Hilton  dangerous  lounge.    Another  November  in  Asia,  the  winds  from  Mongolia  freeze    the  Beijing  Forbidden  Town  and  

                   

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the  immense  squares-­‐airport  of  Mao.  Anywhere,  that  time,  the  gray  bundled  Chinese  people  moving.  A  garbage  yellow  river  under  the  bridges  of  the  sticky  old  capital  Nanjing:    the  daily  trap  factories  for  without  chains  new  slaves.  Better  get  lost  among  the  Anglo-­‐Chinese  thieves  of  Kowloon?    Blue  vision  of  moons  and  scattered  minarets:  yes,  I  loved  the  high  voice  of  the  muezzins,  now  at  war  with  our  western  creation,  with  fear  I  regret  my  Maghreb  friends    and  the  scent  of  jasmine.    Back  from  Elsewhere  I  tell  myself:  the  escape  is  here  in  the  patient  search  of  a  balance,  perhaps  the  short  and  light  breath  of  the  brighten  slumber  of  God.    Guiding  us  was  the  inspiration  of  the  New  Age:  as  naked  Jains,  respectful  of  the  smallest  insect,  we,  discrete  guests  of  the      ancient  land  ashram.  us,  conscious  of  infinite    divine  forms  of  Hindu  cribs:  so  we  came  to  understand  the  breath  of  Brahma,  the  rule  of  the  world.  so  we  came  to  understand  the  breath  of  Brahma  who  rule  the  world    What  to  say  in  simplicity  to  friends?  We  are  in  peace.  We  are  in  peace,    but  ready  to  fatal  unnecessary  war,    with  the  jade  dagger  of  Arjuna  ready  ...  (now  no  chariot  at  the  door).    Christ  knows,  we  observe.  We  love.  We  do  not  betray.  We  remain  here,  love  faithful,  ready  also  to  die.  

                   

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Eliphen Jean HAITI        Eliphen  Jean  a  fait  des  études  à  l’université  d’état  d’Haïti  (UEDT).    Il  est  blogueur  et  coordonnateur  Général  à  CECIH  –  Organisation.     Espoir de roseau  Sur  ta  chair  nue  je  lis  espoir  l’espoir  s’écrit  en  lettres  prosternées  sur  le  front  de  ta  jeunesse  l’espoir  bronche  au  sol  sous  la  plante  éraflée  des  pieds  nus  pieds  d’enfants  de  rue,  enfants  qui  ruent  sur  les  gens  qui  passent  pieds  de  paysans  esclaves  de  champs  infertiles  ou  robustes      au  rendez-­‐vous  de  la  conquête  tu  seras  là,  un  jour,  je  l’espère,  sous  ton  auréole  d’ébène  vêtue  de  ta  gloire  écornée  malgré  tout  comme  par  les  souillures  d’une  vie  errante  et  déchirée…      tu  marcheras  à  petits  pas  de  vagues  jusqu’au  ressac  tumultueux  de  tes  fesses  à  petits  pas  de  vagues  tu  arriveras  et  ton  déferlement  sur  les  brisants  de  tes  mers  outragera  le  tonnerre  assourdissant  de  la  faim                                  

                   

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Harris Kasongo REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO      Harris  n’est  plus  à  présenter.    Il    appartient  à  l’avant-­‐garde  des  fidèles  animateurs  de  cette  revue.                                                                                                                                                                                                              Pénitence    A    Frontière  du  poème  Tes    pleurs  fleuves  n’ont  pas  pu  traverser  Un  supplice  doux  et  amer  a  exilé  le  silence  en  toi  Et  tes  entrailles  ont  fondu  dans  le  deuil,    Vêtu  de  noir  comme  de  la  cire  Tu  auras  beau  chanter  Tu  auras  beau  aimer  Respirer  tendrement  la  senteur  d’Ailleurs  Toucher  des  visages  ,  qui  ne  sont  pas  à  chaque    Poignée  de  mains  les  mêmes  Parfois  étranges  et  tout  à  fait  nouveaux  L’Enfant  du  pays,  l’enfant  du  soleil  et  de  la  bruine  Ailleurs  t’a  aussi  appris  dans  le  givre  et  le  métro  Ailleurs  t’aura  permis  d’être  toi,    Et  luire  dans  la  voûte  céleste  Luire  dans  les  regards  effrénés  Des  autres  car  ailleurs,  ils  sont  aussi  Comme  toi,  avec  leur  identité.                          

                   

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Mario Urbanet FRANCE        Mario  n’est  plus  à  présenter.    Il    appartient  à  l’avant-­‐garde  des  fidèles  animateurs  de  cette  revue.                                                                                                                                                                                                              Podemos !!! en guise de vœux pour 2016    dans  un  ciel  qui  reste  à  colorier  viennent  se  réfugier    les  fuyards  du  monde  moderne      sur  une  planète  miniature  un  mouton  dessine  un  aviateur  Bellérophon  fait  se  cabrer  des  Pégases    pour  la  parade  du  Cirque  du  Soleil      la  voie  lactée  se    lamente  de  ne  pas  suffire  à  nourrir  tous  ceux  qui  ont  faim  la  lune  tente  de  réunir  Pierrots  et  Colombines  la  Grande  Ourse    tire  son  lourd  chariot  sans  jamais  atteindre  l’inaccessible  étoile      debout  sur  l’Olympe  des  mortels  en  souffrance  adressent  l’espoir  ultime    de  leurs  inconciliables  croyances  disparates    dérisoires  paravents  d’illusions      alors    que  se  délite  la  lie  du  monde    dans  l’indécense  des  avaricieux  des  esprits  sonnent  le  réveil  podemos  !!!  si  nous  le  voulons  …              

                   

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Joël Conte France          Joël  n’est  plus  à  présenter.    Il    appartient  à  l’avant-­‐garde  des  fidèles  animateurs  de  cette  revue.                                                                                                                                                                                                              Les enfants des belles lumières  Les  enfants  des  belles  lumières  Sont  à  Bistrita,  et  espèrent  Que  le  monde  va  s’embellir  Et  ouvrir  leur  bel  avenir.    Refusant  la  folie  des  guerres,  Ils  avancent  dans  la  prière  D’un  univers  où  le  soleil  Construit  toujours  des  merveilles.    Les  enfants  des  belles  lumières  Sont  à  Bistrita,  et  espèrent  Que  le  monde  va  s’embellir  Et  ouvrir  leur  bel  avenir.    Emportés  par  les  voix  divines  D’un  dieu  fort  et  unanime,  Ils  progressent  main  dans  la  main,  Et  sourient  à  tout  lendemain.    Les  enfants  des  belles  lumières  Sont  à  Bistrita,  et  espèrent  Que  le  monde  va  s’embellir  Et  ouvrir  leur  bel  avenir.    Des  arts,  et  devant  la  culture,  Ils  découvrent  que  le  futur  Peut  rimer  avec  le  bonheur,  Et  la  création  d’un  sculpteur.    Les  enfants  des  belles  lumières  Sont  à  Bistrita,  et  espèrent  Que  le  monde  va  s’embellir  Et  ouvrir  leur  bel  avenir.  

                   

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 Eblouis  par  le  Festival  De  Roumanie  en  Ardéal,  Les  enfants  poursuivent  leurs  rêves  D’une  sereine  vie,  sans  trêve.    Les  enfants  des  belles  lumières  Sont  à  Bistrita,  et  espèrent  Que  le  monde  va  s’embellir  Et  ouvrir  leur  bel  avenir.    Par  Liviu  Rebreanu,  Théâtre,  littérature,  nouent  Un  lien  où  l’âme  de  l’enfant  Sublime,  de  l’amour,  le  chant.    Les  enfants  des  belles  lumières  Sont  à  Bistrita,  et  espèrent  Que  le  monde  va  s’embellir  Et  ouvrir  leur  bel  avenir.      Joël  CONTE,  le  30  novembre  2015      Ecrit  à  Bistrita,  lors  du  Festival  International  de  Théâtre  et  de  Littérature  «  Liviu  Rebreanu  »,  devant  les  lumières  de  la  Place  de  la  Préfecture.                                            

                   

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Gaëtan Sortet FRANCE      Gaëtan  n’est  plus  à  présenter.    Il    appartient  à  l’avant-­‐garde  des  fidèles  animateurs  de  cette  revue.                                                                                                                                                                                                                  Nous avons besoin d'une poésie à ciel ouvert.  2.  La  vraie  vie  n'est  pas  ailleurs.  La  vraie  vie  est  à  Issy-­‐-­‐les  Moulineaux.      3.  Les  frontières  sont  à  l’écart  dans  la  cinquième.      4.  Voyage  au  bout  de  la  Poésie.      5.  Bonjour,  je  m’appelle  Alexandre  Hun.  Je  suis  agent  des  services  poétiques  publics.  Puis-­‐je  voir  vos  papiers  d’immatriculation  au  service  fédéral  de  poésie  déambulatoire,  svp?      6.  Il  pousse  plus  de  choses  dans  un  poème  que  n'en  sème  le  poète.      7.  «  À  charge  de  revanche  »  dit  la  lune,  en  prenant  la  place  du  soleil.      8.  Alea  jacta  est.  Va  à  Jacta...  Dans  la  partie  est  de  la  ville.  Sous  la  forme  du  vouvoiement.      9.  Quand  le  poète  passe,  les  chiens  aboient.      10.  Tant  qu'il  y  a  du  lavis,  il  y  a  de  l'espoir.  Parole  de  peintre  optimiste.    11.  La  Poésie  ne  nous  quitte  jamais,  parce  que  la  Poésie,  c'est  nous-­‐-­‐mêmes.      12.  Vocabulaire  en  allemand  se  dit  WORTSCHATZ.  Littéralement…  Trésor  de  mots.  C'est  beau,  non?      13.  Votre  beauté  ment  et  chante.    14  .  Mes  Prescriptions.  La  Poésie  comme  nulle  part  ailleurs.  

                   

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Richard Taillefer FRANCE      Richard  n’est  plus  à  présenter.    Il    appartient  à  l’avant-­‐garde  des  fidèles  animateurs  de  cette  revue.                             Plus loin je vais      Plus  loin  je  vais,  cultiver  mon  jardin  en  jachère.    Qu’une  voie  lactée  m’ouvre  le  chemin.  Ce  rêve  de  la  nuit  où  brille  une  petite  lumière.  Vastes  champs  de  solitude  au  carrefour  de  mes  pages.  Je  cherche  l’essentiel,  peu  importe  le  mystère.  L’ombre  d’un  poème  universel  oublié  entre  les  maux.  Immenses  trous  noirs  qui  m’absorbent  dans  un  dernier  murmure  avant  l’obscurité.      Depuis  le  rebord  de  ma  fenêtre,  j’imagine  une  île  lointaine,    au  parfum  de  mangue,  d’anémone  et  de  lilas.  Pourtant  sous  les  buissons  et  les  ronces,  riche  est  ma  maison  au  pied  de  la  montagne  qui  gronde.    Et  toi  Silhouette  printanière    Dans  ta  petite  robe  rouge  toute  simple  Assise  à  la  terrasse  du  Kafé  des  pas  perdus  Tes  yeux  dans  les  nuages                  

                   

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CONTE Muriel Carrupt FRANCE      Muriel  Carrupt,    comédienne,  metteur  en  scène,  art-­‐thérapeute  et  poète,  fondatrice  du  Caillou  rouge,    explore  depuis  vingt-­‐cinq  ans  les  espaces  poétiques  au  théâtre,  tant  aux  niveaux  gestuels  et  corporels  que  textuels.  Elle  s’enrichit  par  ses  rencontres  singulières,  notamment  avec  des  comédiens  handicapés  mentaux  (groupe  Signes  à  Lyon).  La  dimension  du  profane  et  du  sacré  est  une  ligne  invisible  qui  relie  tout  son  travail.  Elle  écrit  de  nombreux  contes  dont  certains  sont  devenus  des  spectacles  (Petits  cailloux  –  L’amour  sans  fin,  subventionné  par  la  DRAC  livre  Haute  Normandie  en  1999  –  Ouniame  et  la  rivière  qui  chante)  Lectrice  pendant  des  années  pour  la  revue  Verso  (2006  –  2013),  Muriel  accompagne  par  ailleurs  en  lecture  des  poètes  qui  la  touchent  (Valérie  Canat  de  Chisy,  Lorraine  Pobel  ,  Michel  Seraille,  Rolland  Dauxois…)  Ses  nombreux  poèmes  ont  été  publiés  dans  plusieurs  revues  depuis  plus  de  dix  ans  (Verso  -­‐  Point  barre  -­‐  Comme  en  poésie  -­‐  Capital  des  mots  –  Poèmes  épars  -­‐    Nouveaux  délits  –Traction  Brabant  –  Le  Moulin  de  la  poésie  –  Décharge  –  Cabaret  –  Florilège    -­‐  Remue.net  –  Phoenix  –  Traversées  –  Ecrit(s)  du  Nord    -­‐  A  la  dérive  -­‐  Suite  de  six  fusains  et  peintures  édités  dans  la  revue  en  ligne    -­‐  Cavale  -­‐  arts  et  littératures  en  mouvement  –  Sipay    Mémoire  Annexe  paru  Col.  Encre  blanche  édition.  Encres  vives  en  juillet  2015  -­‐    2016  :  Les  fragiles  Ed.  La  Porte.  -­‐  Revue     Textes  à  paraître  en  2016  dans  les  revues:  L’Intranquille  -­‐–  Cabaret  –  Verso  –  Paysages  en  revue  –    ainsi  que  Fragilité  à  paraître  aux  éditions  La  Porte  en  2016  -­‐        La place du he ́risson  Au  bord  de  la  mer,  les  vagues  se  fracassaient  contre  les  rochers.  Inlassablement,  elles  se  jetaient  sur  eux  avec  la  violence  insouciante  de  l'enfant  qui  se  croit   invincible.  Le  rocher  restait  paisiblement  au  même  endroit.    Un  vieil  homme  s’approcha  et  se  mit  à  parler  :    Il  y  a  bien  longtemps,  à  cette  place,  vivait  un  village.  Des  nomades  ou  des  romanos  on  ne  sait  pas  bien  faire   la  différence.  On  dit  que   c'est   le  hérisson  de   la  mi-­‐nuit  qui   les  avait   emmenés   là.  Un  des   leurs  aurait  manqué  aux   règles  du  groupe.  Qu'a-­‐t-­‐il   fait   exactement?  On  ne   le   sait  pas,   ces  gens-­‐là   savent  rudement  bien  garder   les   secrets.  La  vieille  avait   eu   la  vision  devant   le   feu:   il  partira  avec  celle  qui  voudra   bien   le   suivre.   Ils   suivront   le   hérisson,   et   lorsque   celui-­‐ci   ne   se   relèvera   plus,   alors,   ils   le  brûleront  dans  un   feu  bien  plus  brillant  que   l'étoile  du  berger,   et   ils   chanteront.   Ce   sera   l'heure  de  bâtir  une  maison.  D'autres  les  rejoindront,  et  un  village  se  construira.  Le  temps  sera  venu  de  ne  plus  partir  sur  les  routes.  De  cette  immobilité,  il  devra  se  contenter,  et  si  cela  doit  être,  alors  il  redeviendra  celui  qu'il  est.  Le  village  sera  là  pour  qu'il  se  souvienne  qu'il  n'est  pas  si  facile  de  prendre  la  route  sans  se  perdre.   Le   village   sera   là  pour  qu'il   ne   s'éloigne  plus  de   lui-­‐même.  Ainsi   parla   la   vieille.  Ainsi   se  déroula  l'histoire.    Cet   homme   s'appelait   Ktor.   Il   était   jeune   et   son   regard   de   braise   était   sans   détours.   Ses   colères  n'avaient  d'égal  que  sa  sagesse.  Jamais  on  avait  vu  en  un  seul  homme  tant  de  douceur  et  de  dureté.  Ses  colères   étaient   aussi   brèves   qu'effroyables   et   imprévisibles.   Un  mot,   un   geste   pouvait   devenir   une  étincelle   meurtrière.   Le   vent   tombait   tout   aussi   brutalement   qu'il   s'était   levé.   Il   partait   alors   et  s'enfonçait  dans  un  profond  sommeil.  Quand  il  revenait,  sa  nature  fine  et  subtile  avait  repris  le  dessus.  Mais  sa  famille  n'arrivait  pas  à  comprendre  cette  âme  tumultueuse.  Elle   le  craignait  de  plus  en  plus.  Lorsque  la  vieille  avait  parlé,  il  n'avait  pas  discuté.  Son  coeur  était  à  l'image  de  son  regard:  droit,  il  ne  contestait   pas   la   justice.   À   la   tombée   de   la   nuit,   il   s'en   alla.   Eadha,   une   très   jeune   femme   le   suivit.  C'était  la  petite  fille  de  la  vieille.  Une  jeune  femme  secrète  aux  yeux  trop  clairs  pour  être  explorés.  Elle  le   regarda  sans  ciller,   et  pour   la  première   fois  de   sa  vie,   les  yeux  de  Ktor   se  baissèrent,  non  pas  de  

                   

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servitude  ni  de  gratitude,  simplement  parce  qu'il  était  ému.  Eadha  savait  qu'elle  choisissait  un  chemin  où   elle   ne   pourrait   plus   faire   marche   arrière.   Mais   elle   ne   pouvait   qu'écouter   son   coeur   qui   ne  craignait  pas  cet  homme  singulier  en  tout.  Elle  avait  toujours  su  qu'elle  suivrait  Ktor.    Sa   grand-­‐mère   lui   avait   transmis   son   savoir,   elle   avait   appris   à   écouter   les   cours   d'eau,   elle   avait  appris  à  traverser  les  coups  de  tonnerre  et  à  fermer  les  yeux  devant  la  foudre.  Elle  ne  savait  pas  faire  grand  chose.  Elle  apprendrait.  Ils  ont  suivi  le  hérisson,  sans  rien  se  dire.  Les  nuits  se  succédaient.  Leur  marche   était   devenue   rapide   et   silencieuse,   leurs   yeux   transperçaient   la   nuit,   et   leurs   peaux   ne  craignaient  plus   les  piqûres  nocturnes.   Ils  avaient   traversé   les  montagnes  aux   roches  glissantes,   les  terres  lourdes  et  retournées,  les  chemins  de  poussière.  Se  nourrissant  de  baies,  d'insectes,  de  rien.  Des  semaines,  des  mois  s'étaient  écoulés.  Un  matin,  le  hérisson  s'était  couché  dans  un  trou  creusé  derrière  une  dune.  Le  soir,   il  ne  s'était  pas  relevé.  Devant  eux,   il  y  avait   la  mer  et   le  sel  qui  chahutaient  leurs  yeux.  Ils  auraient  mieux  aimé  un  endroit  plus  haut,  au-­‐dessus  des  regards.  Ils  firent  ce  qui  devait  être  fait.  Un  grand  feu,  des  chants  tout  en  larmes  et  en  rires,  un  puissant  désespoir  qui  avait  plus  de  force  que  le  plus  fol  espoir.  Cette  nuit-­‐là,  la  lune  fut  témoin  de  leur  union.  Ktor  pour  elle  se  remit  à  parler,  Eadha,  pour  lui,  se  mit  à  sourire.  Il  réchauffa  ses  yeux  trop  froids.  Elle  éclaira  son  regard  si  sombre.  Ils  mêlèrent  leurs  sourires  sablés.  Ils  enterrèrent  leurs  chaussures  d'avant.  Le  temps  passa.  Ktor  se  révéla  un  bâtisseur  hors  pair.  Débordant  d'ingéniosité,  il  utilisait  tous  les  matériaux  qu'il  trouvait.  Les  pins,  le  sable,  l'eau,  la  terre.  Quatre  murs  sortirent  bientôt  de  terre.  La  mer,  clémente,  les  nourrissait  bien.  Le  troisième  soir,   ils  virent  des  hommes  arriver  de  l'Est.  Le  groupe  était  fatigué,  et  bon  nombre  d'entre  eux  étaient  malades.  Eadha  et  Ktor  n'avaient  pas  oublié   le  vieux  principe  d'hospitalité  des   leurs.   Ils  firent  un  grand   feu,  allèrent  chercher  de   l'eau  douce,   firent  cuire  quantité  de  poissons.  Eadha  puisa  dans  sa  mémoire  pour  retrouver  les  médecines  de  sa  grand-­‐mère  et  apporter  un  peu  de  réconfort  aux  malades.  Ktor  aménageait  des  lits  de  fortune  avec  des  branchages.  Quelques  jours  plus  tard,  la  plupart  se  sentaient  mieux.  Seul  un  petit  garçon  souffrait  encore.  Aedha  avait  beau  puiser  le  plus  loin  qu'elle  pouvait  dans  ses  racines,  elle  ne  pouvait  soulager  l'enfant  qui  s'éteignit  peu  avant  le  lever  du  soleil.  On  le   chanta   avec   rire   emmêlé   d'eau,   on   l'enveloppa   de   braises   et   de   pin.   On   se   raconta   en   chant,   en  danse,  et  en  légendes  ce  que  chacun  faisait  là,  avec  le  sentiment  qu’on  était  au  bout  du  monde.  C'est  après   cette   étrange  nuit  que   la  majorité  décida  de   rester   avec  Ktor   et  Eadha,   là  où   l'avait  décidé   le  hérisson,  là  où  l'avait  décidé  le  petit  garçon,  là  où  Eadha  était  devenue  Aedha.    Ktor  et  Aedha  avaient  eu  un  garçon  et  une  fille.  Yoho  avait  en  lui  l'ardeur  de  son  père.  Toutefois  son  esprit  n'avait  pas  sa  finesse  ni  son  originalité  ;  sa  nature  ne  connaissait  pas  de  tourment.  Ce  n'était  pas  le  cas  de  Naeth  qui  pouvait  virer  au  vinaigre  sous   la  plus  petite  brise.  Elle  pouvait   rire  et   jouer  des  heures  durant,  s'enrouler  dans  les  rouleaux  salés,  puis  être  prise  d'une  rage  venue  d'ailleurs,  hurlant,  refusant   toutes   tâches,   défigurée   par   on   ne   sait   quel   démon,   et   tombant   nette,   la   bouche   pleine  d'écume.   Son   coeur   ressemblait   à   un   arc-­‐en-­‐ciel.   Elle   ressentait   les   humeurs   de   chacun   avec   tant  d'acuité,  que  celles-­‐ci  faisaient  un  feu  d'artifice  en  elle,  qui  explosaient  aux  yeux  de  tous,  renvoyant  à  chacun  le  meilleur  comme  le  pire.  Le  temps,  contrairement  à  ce  qu'on  dit,  ne  suffit  pas  toujours  pour  arranger  les  choses.  Un  lien  très  étroit  l'unissait  à  son  frère.  Cela  permettait  à  Naeth  de  dépasser  avec  un  peu  de  douceur  ses  crises  qui  la  confiaient,  épuisée,  au  silence  des  heures.  Le  coeur  simple  de  son  frère  l'apaisait.  Le  temps  passait.    Les  enfants  grandissaient  Le  village  se  gonflait.  Un  jour,  Yoho  se  trouva  une  compagne.  Hélas,  elle  ne  supportait  pas  l'affection  trop  visible  que  Naeth  portait  à  son  frère.  Aussi  exigea  t-­‐elle  de  lui  qu'il  ne  la  côtoie  plus.  Naeth  vivait  mal  cette  séparation.  Un  jour,  une  grande  marée  plus  violente  que  d'habitude  mit  tout  le  monde  en  effervescence.  Tout  le  monde  s'agitait,  sauf  Naeth  qui  restait  immobile,  comme  dans   une   torpeur.   Au   matin,   Naeth   se   mit   à   ramasser   tous   les   coquillages   qu'elle   trouvait,  frénétiquement.  Elle  les  mettait  dans  des  gros  sacs.  Les  sacs  s'empilaient  devant  sa  maison.    Un  soir,  elle  s'arrêta.  La  lune  était  pleine  de  rouge.  Alors,  avec  une  force  inouïe,  elle  prit  un  sac  à  bout  de  bras  et  se  mit  à  frapper  le  sol  de  toutes  ses  forces.  Les  gens  du  village  ne  se  cachaient  plus  pour  parler  d'elle  et   de   sa   folie.   Ktor,   le   bâtisseur,   souffrait   le   martyr   de   voir   sa   fille   en   prise   à   cette   violence.   Son  expérience,  plus  que  les  années,  lui  avait  donné  la  force  de  laisser  les  choses  aller  jusqu'au  bout,  même  s'il  ne  les  comprenait  pas.  Le  geste  comme  toutes  choses  s'use,  et  d'usure  en  usure  devient  autre.  C'est  ainsi  que  le  sac  se  renversa.  Une  montagne  de  débris  gisait  à  ses  pieds.  Naeth  se  laissa  tomber  sur  le  

                   

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sol  et  se  mit  à  enfouir  ses  mains  dans  le  tas  de  coquilles,  laissant  retomber  en  pluie  les  débris  colorés.  Puis   elle   tria   avec   soin   les   fragments   de   coquillages:   bientôt   des   petites   pyramides   de   couleurs  s'élevaient   devant   elle.   Au   bout   de   sept   jours,   à   bout   de   force,   Naeth   chuta   sur   le   sol.   Son   père  s'approcha   doucement,   ébloui   par   ces   tas   de   matières   triées   avec   tant   de   soin.   Délicatement   il   la  souleva  et  il  la  porta  sur  son  lit,  comme  lorsqu'elle  était  une  toute  petite  fille.  Il  éprouvait  une  drôle  de  reconnaissance  envers  sa   fille,  comme  s'il  pressentait  de  grandes  choses  à  venir.  Naeth  dormit   trois  jours  et  trois  nuits.  Au  matin  du  quatrième  jour,  elle  se  réveilla.  Elle  mangea  et  commença  à  préparer  un  liant  constitué  de  sable  épais  et  de  résine  de  pin.  Elle  ajouta  délicatement  de  l'eau,  mélangeant  le  tout  avec  soin.  Puis,  elle  enduit  le  bas  du  mur  Ouest  de  sa  maison  avec  le  mélange,  et  elle  commença  à  y  incruster  des  petits  bouts  de  nacre.  Elle  choisissait  soigneusement  chaque  morceau  selon  sa  forme  sa  couleur.  Bientôt,  le  bas  de  la  façade  ressemblait  à  la  houle  de  la  dernière  marée.  Une  grande  vague  pleine  de  rage  apparaissait  prête  à  tout  engloutir.  Quand  Aedha  vint  la  prévenir  que  le  repas  était  prêt,  elle  ne  pu  réprimer  un  petit  cri  de  surprise.  Ce  qu'elle  voyait  était  tellement  réel  et  en  même  temps  tellement   différent   de   la   réalité   !   Cela   brillait   ,   et   la   multitude   des  morceaux   devenait   un   tout,   lui  conférant   tout   à   la   fois   force   et   fragilité,   renforçant   et   amplifiant   le  mouvement  de   la   vague.  Naeth  mangea  peu,  elle  voulait  continuer.  Bientôt,  on  pu  reconnaître  Yaho  et  sa  jeune  femme,  au  loin,  sur  un  cheval.  Ktor  apparu  avec  son  regard  de  braise  au  coté  d'Aedha  vêtue  de  mille  yeux  de  tous  les  bleus  du  jours  et  de  la  nuit.  Sortant  de  l'écume,  une  jeune  fille  jetait  en  pluie  des  milliers  de  fleurs  rouges  à  tous  les  gens  du  village.  Elle  fit  les  quatre  murs  :  A  l'est  une  source  d'eau  douce  et  le  potager,  au  nord,  des  étoiles  se  reflétaient  sur  une  eau  troublée  par  trois  ou  quatre  dauphins,  à  l'ouest,  son  chef  d'œuvre  par  lequel  elle  avait  commencé  et  au  sud  deux  bouleaux  encadraient  la  porte.  Selon  la  lumière,  chaque  face  changeait  et  livrait  d'autres  détails.  Lorsque  Ktor  vit  l'oeuvre  de  sa  fille,  pour  la  première  fois  on  vit  de  la  pluie  sur  ses  cils.  Le  village  ne  cessait  de  louer  la  jeune  fille  et  chacun  voulait  une  maison  pareille  en  tout  point   à   celle  qu'il   voyait.  Naeth   souriait,   elle   s'était   trouvée.  Bientôt   le   village   ressembla   à  une  constellation,  au  scintillement  du  soleil  sur  l'océan.      Le  vieil  homme  dit   tranquillement  avant  de  s’en  aller:  Au  bord  de   la  mer,   les  vagues,  éternellement,  embrassent  le  rocher  pour  mieux  s'en  détacher.                                        

                   

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 CRÉDITS    Directrice  de  publication  Magie  Faure-­‐Vidot    ÉDITEURS  Magie  Faure-­‐Vidot  Catherine  Panot    COMITÉ  DE  LECTURE  Magie  Faure-­‐Vidot  Karoly  Sandor  Pallai  Claude  Collin  Andréa  Mounac  Catherine  Panot  Miera  Savy    MISE  EN  PAGE  Catherine  Panot      La  16  ème  édition  portera  sur  le  thème:  

Fidélité/Fidelity  Poèmes,  contes  et  nouvelles  en  français,  créole  ou  anglais.  Les  auteurs  ne  sont  pas  rémunérés.      

Envoyez  vos  textes  à  Magie  Faure-­‐Vidot  (Vijay-­‐Kumar)  

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