ailleurs/ayer/elsewhere poète invité : tenzin … · gaëtan sorte - nous avons besoin d'une...
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Poèmes, contes et nouvelles en français, créole et anglais
Thème : AILLEURS/AYER/ELSEWHERE
Poète invité : Tenzin TSUNDUE Lumière sur : Safiya BAKSH HOSEIN Thème sur : Yannick SAVY
édition n° 15
Juin 2016
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SIPAY
REVUE LITT ÉRAIRE SEYCHELLOISE
N° 15 JUIN 2016
Thème : AILLEURS/ELSEWHERE /AYER
Avec le soutien de la CNF Commission Nationale de la Francophonie des Seychelles
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SOMMAIRE
ÉDITORIAL Catherine Panot p.3-5 POÈTE INVITÉ Tenzin Tsundue p.6-9 LUMIÈRE SUR Safiya Baksh Hosein p.10-12 THÈME SUR Yannick Savy p.13-14 POÈMES Karoly Fellinger - Beer Coaster p.15 - Spread Table - Passage Aboubacar Ben Said Salim - Voyage mystique p.16 Gilles Pommeret - L’Ailleurs p.17 Magie Faure-Vidot - Ailleurs p.18 Vincent Larue - Santye mon desten p.19-20 Stéphanie Joubert - Exil p.21 Vénida Marcel - Ou lespri i ayer p.22 Sylvie Jeantet - Ailleurs p.23 Catherine Panot - Fonkèr pou Péi Tibet p.24-25 Patrick Joquel - Ailleurs p.26 Francisco Jacques - Des Erreurs p.27-29 Sophie Brassart - Derrière la pluie p.30 - Contre l’onde Paolo Pezzaglia - Elsewhere p.31-32 Eliphen Jean - Espoir de Roseau p.33 Harris Kasongo - Pénitence p. 34 Mario Urbanet - Podemos !!! p.35 Joël Conte -Les Enfants des belles lumières p.36-37 Gaëtan Sorte - Nous avons besoin d'une poésie p.38 à ciel ouvert. Richard Taillefer - Plus loin je vais p. 39 CONTE Muriel Carupt - La place du hérisson p.40-42 Éditorial
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La fascination (ou la crainte) de l 'Ailleurs a toujours traversé l’esprit des hommes, et inspiré un grand nombre d’artistes, donnant lieu à des œuvres universelles. Les grandes épopées mythologiques et cosmogoniques que sont l’Odyssée en Europe, le Mahābhārata en Inde, et les Mvett en Afrique, sont rythmées par des départs, des exils et des retours. « Ailleurs », par définition, n’est pas ici. Et pourtant… entre l’ailleurs d’hier : « d’où je viens » et celui de demain : « où je vais », se dessine un Ici qui serait un Ailleurs. A La Réunion, Brigitte Croizier intitule son dernier livre : « Ailleurs est ici » . L’Ailleurs des îles peut-il être tout à fait le même que celui des continents ? « Les hommes venus de si loin, c’était l’ici, c’est l’ailleurs » dit Gilles Pommeret. Une expression populaire nous livre qu’« avoir la tête ailleurs », c’est divaguer en rêvasseries, ne pas être réellement présent. « E ou pran kont ki ou lespri ti ayer » - Vénida Marcel. « L’appel du grand dehors » selon Nicolas Bouvier, est le point de focalisation des désirs d’inconnu. Il est temps de partir lorsque l’on est gagné par un irrépressible besoin de se dépayser ou une insatisfaction chronique. « Je ne suis jamais bien nulle part, et je crois toujours que je serais mieux ailleurs que là où je suis » avoue Charles Baudelaire. Le rêve d’ailleurs est nourri d’illusions en images paradisiaques, mais aussi par l’envie contagieuse de vivre par soi-même une évasion du quotidien, entrevue dans des récits de voyageurs . « Les plus belles choses du monde ne sont que des mirages » - Karoly Fellinger. Pour Gilles Pommeret, « la poésie des départs, l’émotion des arrivées sont encloses dans la pierre de glissants embarcadères, plateformes vers les ailleurs. » Différents sont les voyageurs pour un aller-retour ou un aller sans retour, à la recherche d’une terre d’accueil idéale, où se reconstruire loin du connu. Le voyage prend alors une fonction cathartique de renaissance ailleurs, comme lavé du passé. Pour le dire en termes de marins, auxquelles les îles doivent tout, l’ailleurs c’est larguer les amarres, prendre le large, voguer au gré des vents et des flots, jeter l’ancre, s’arrimer, et brûler ses vaisseaux . « Au bord de la mer, les vagues, éternellement, embrassent le rocher pour mieux s’en détacher » Muriel Carrupt Que reste-t-il, au vingt-et-unième siècle, de la chance glorieuse des explorateurs, ces aventuriers des Terra incognita qui devaient dessiner, par eux-mêmes, de nouvelles cartes ? Quel élan guide les audacieux aventuriers de tous les continents, lancés à la conquête de Nouveaux Mondes sur des radeaux de fortune depuis les temps immémoriaux des grandes migrations humaines qui ont peuplé les îles, en passant par les caravelles des grandes découvertes, les expéditions ethnographiques et coloniales, jusqu’aux missions spatiales ? Rêvent-ils toujours, comme à Bitrista : « les enfants des belles lumières (…qui) espèrent que le monde va s’embellir et ouvrir leur bel avenir » Joël Conte. Ou bien portent-ils des intérêts autrements plus cupides ? Les terres inconnues et exotiques se sont amenuisées comme peaux de chagrin au fur et à mesure des explorations et de la mondialisation, réduisant le monde à un village. Les réseaux du cyberespace avec leurs règles de connexion, dessinent de nouveaux territoires, et peuvent nous projeter à l’autre bout de la terre, en contact instantané avec des lointains, devenus soudain proches, et presque familiers. « Partir n’est que le destin, jamais un choix » déclare Yannick Savy. Pourtant, nombre de
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départs sont marqués de tourments et d’atermoiements, comme l’évoque Vincent Larue : « Dan mon santye mon kontinyen glise, Plir tar mon vwar en laklerte dan lwen, Petet laba i mon desten. » La face tragique de l’ailleurs, lorsqu’il ne résulte pas d’un choix, lorsqu’il est subi, s’appelle alors exil, exode, émigration, déportation, et il devient le sanctuaire du manque douloureux qu’est la perte des racines. « Ces déracinements profonds ne vont pas sans d’immombrables meurtissures, et il y a toujours quelque fibre du passé qui souffre dans les cœurs les mieux renouvelés. » Jean Jaurès . Combien dénombrons-nous, aujourd’hui, de peuples aux mémoires déracinées, chassés de leurs terres par des catastrophes naturelles (éruptions, séismes, tsunamis) par des cataclysmes climatiques ou industriels, ou des catastrophes humaines (guerres, famines, bannissements, conflits ethniques, colonisations) ? Les troubles du vingtième siècle, ont blessé des continents entiers : « Sur mon nuage, (…) je vois la terre en rage » écrit Magie Faure-Vidot. Pour ces peuples martyrs, comme les Chagossiens, proches de nous, toute la vie bascule dans des « ailleurs », où ils sont désormais comptabilisés et redéfinis comme victimes, migrants, réfugiés, déracinés, immigrés, fugitifs, déportés, apatrides, demandeurs d’asile… « Dans un ciel qui reste à colorier viennent se réfugier les fuyards du monde moderne » - Mario Urbanet. Tous les lieux de passages deviennent douloureusement sensibles et passent sous contrôles : frontières et barrières, routes et containers, murs et murailles, océans et mers, fleuves et montagnes, ports et isthmes, aéroports et camps de rétention . Catherine Panot : « mi voi zot péï lé kaparé ...Bonpé i sov zot péï san niabou fé antann azot...kansa li va artrouv son bann frèr dessi la tér ousa li lé né ? » Tenzin Tsundue, Tibétain né en exil, dépeint le manque de la terre natale, confisquée, interdite. « Ma mère m’a dit, tu es un réfugié ». Il évoque, dans « Maison d’exil », la douleur quotidienne de cet espoir qui se languit quand le retour au pays tarde, espoir qui ne s’éteint jamais « nous allons rentrer chez nous ». Ces nomades, en errance malgré eux, survivent avec un seul et unique but qui transcende toute leur vie : le retour au pays. « L’exil comme présence au cœur-même du pays et la force d’être au monde » Emile Ollivier. L’espoir du retour devient un signe de reconnaissance, militant et déterminé, pour contenir les pertes matérielles et humaines, les pertes identitaires et culturelles, les pertes patrimoniale et mémorielles. « Lui esseulé s’en va de jour et de nuit sur le Sahara de la vie »-Francisco Jacques. Dans la terre d’accueil, se pose constante, au contact de l’Autre, la question de l’identité : « comment puis-je dire à mes enfants d’où nous sommes venus ? » -« mon Losar, je l’ai perdu quelque part » -Tenzin Tsundue. L’Ailleurs devenu le nouvel Ici, est parfois l’endroit propice à un sursaut vital et héroïque, pour une prise de conscience identitaire. De l’extérieur, l’action se pense, s’organise et se projette. On pense à « Cahier d’un retour au pays natal » d’Aimé Césaire, cet acte fondateur de la négritude littéraire qui délivra son message au monde. Comme cet autre message évoqué par Eliphen Jean : « l’espoir bronche au sol sous la plante éraflée des pieds nus, à petits pas de vagues tu arriveras…et ton déferlement sur les brisants de tes mers, outragera le tonnerre assourdissant de la faim.» Depuis des milliers d’années, l’humanité a peuplé les Ailleurs de tabous, de divinités infernales, et de croyances terrifiantes, alimentant toutes nos peurs de l’inconnu, sans
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pour autant décourager les audacieux. « A frontière du poème, tes pleurs-fleuves n’ont pas pu traverser » - Harris Kasongo. Ces Mondes fantasmés - milieux extrêmes des abîmes ou sommets les plus hauts - avant d’être étudiés et banalisés, étaient peuplés de créatures mythiques, d’interdits et de légendes effrayantes. Les mondes-souterrains, polaires et sous-marins, étaient assimilés aux enfers : séjour des morts. Les mondes célestes, intergalactiques, et extra–terrestres assimilés à l’au-delà : séjour des âmes. Soit on rejoint ces ailleurs ésotériques, la 4ème dimension, en trips intérieurs des paradis artificiels, soit on les invoque avec un respect teinté de crainte . C’est le cas des mondes surnaturels ou paranormaux, mystérieux et mystiques. « la Poésie comme nulle part ailleurs » selon Gaétan Sortet. Edouard Glissant définit « L’Ecrire, comme un lieu où les poétiques du Tout-Monde se rencontrent et s’émeuvent » En effet, par leur pouvoir d’imagination créatrice, l’Ecriture et la Poésie, sont des vecteurs infinis pour explorer par les mots, les ailleurs de l’esprit, au cours d’ un « voyage au bout de la Poésie » - Gaetan Sortet. Aboubacar Ben Saïd Salim intitule l’un de ses poèmes : « Voyage mystique » -« Par delà les nuages…. Ailleurs mon esprit s’envole à la recherche du beau, du bien …rien ne lui fait obstacle…» Il n’est de frontières et de bornages qu’entre les terres, pas entre les hommes. Méléagre de Gadara, dans l’Antiquité, affirme que « l’unique patrie, étranger, c’est le monde que nous habitons », c’est à dire un seul monde en partage précise Safiya Baksh Hosein « to share the same Earth Sky and Space ! » Il suffit de quelques mots pour réinventer des ailleurs poétiques. Richard Taillefer invoque un guide : « Qu’une voie lactée m’ouvre le chemin ». et Mario Urbanet se tourne aussi vers les cieux : « La Grande ourse tire son lourd chariot, sans jamais atteindre l’inaccessible étoile. » Le voyage vers l’Ailleurs se confond souvent avec la notion de voyage vers l’Autre. Mais plus qu’une rencontre avec l’autre, il représente une formidable rencontre avec soi-même, voie de transformation de soi. En découle l’éloge du Voyage intérieur, ou voyage immobile. « Le seul véritable voyage n’est pas d’aller vers d’autres paysages, mais d’avoir d’autres yeux » pense Marcel Proust. La quête d’ailleurs se doit d’être questionnée depuis le point d’ancrage où l’on se trouve : « I see my film of the Elsewhere: at the center of the ancient Lombardy blue skies » - « from Elsewhere I tell myself : the escape is here in the patient search of a balance, perhaps » - Paolo Pezzaglia. L’Oracle de Delphes prophétisait "Qui que vous soyez, oh vous qui souhaitez sonder les arcanes de la Nature, si vous ne pouvez pas trouver en vous-même ce que vous cherchez , si vous ignorez les merveilles de votre maison, comment voulez-vous trouver d'autres merveilles ? En vous est caché le trésor des dieux. Homme, connais-toi toi-même et tu connaîtras l'Univers et les Dieux. " Entre racine et errance, entre le Lieu et le Monde, se place le sujet qui écrit. Sylvie Jeantet confie : « nulle part ailleurs, nous ne trouverons la douce consolation, nulle part ailleurs que dans nos cœurs. » Aboubacar Ben Saïd Salim le constate aussi : « Ailleurs est en nous, nous transportons en voyage nos joies et nos peines ». Harris Kasongo conclut : « Ailleurs t’aura permis d’être toi et de luire dans la voûte céleste. Luire dans les regards effrénés des autres car ailleurs, ils sont aussi comme toi, avec leur identité. »
Catherine Panot
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POÈTE INVITÉ
Tenzin Tsundue TIBET/INDIA Tenzin was born to a Tibetan refugee family in 1970s in the Spiti Valley, Himachal state of North India. He is not a citizen of India nor has he any rights in Tibet, the country his parents escaped due to Chinese persecution. He is a stateless person. He started writing when he was doing his studies in Bombay University. He is an activist in the Tibetan freedom movement, and his socio-‐political activism has taken him to 14 different jails in Tibet and India, and also 20 different countries talking Tibet. He makes a small living out of his writings; publishing and selling books by himself. At the moment he is working on a new book, a collection of enduring stories of Tibetan exiles. He lives in a rented room in Dharamshala, Himachal, North India. Areas of Interest As a refugee living between the dream of tomorrow and the reality of today, he finds the life of an exile extremely facinating, and often wonders about what he calls the “Exile-‐nation”. He believes that exile makes one most imaginative, creative and resourceful in adaptation. He has been exploring the ideas of identity, culture, belongingness, and the mass and the individual behaviour. And as the world is seeing an increasing trends of displacement and immigration, diasporic and exile literatures will be an international trend. He writes about these subjects as he lives the life of a refugee himself, and physically and intellectually explores the idea of exile. He is a student of language; as a writer he is in the constant search for a more holistic perspective and more insicive language. Published books 1. Crossing the Border (poetry), 1999, Bombay, India 2. Kora: stories and poems, 2002, Dharamshala, India 3. Semshook: essays on Tibetan freedom struggle, 2007, Dharamshala, India 4. Tsengol: stories and poems of resistance, 2012, Dharamshala, India Other publications Some of his writings have been anthologised in other publications. Some of his writings are being taught as text in: The University of Madras, Loyola College, Chennai, Emory University, Atlanta, USA, University of Delhi Lectures and workshops He has designed workshops in creative writing; short and medium courses for schools and colleges.He speaks in colleges, universities and civil society groups on varied topics like Exile Writing, Writing and Resistance, Adaptation and Appropriation in Exile Culture, Languages of Protest, Arts Trends in Occupied Tibet, Buddhism and Activism, Culture, Identity and Politics. As a writer and poet he has done extensive speaking tours in India and twenty other countries including the US, the UK, Australia, France and Germany. He has lectured in a lot of universities: Honours and Recognition -‐ Picador-‐Outlook Prize for Non-‐fiction, 2001 -‐ He was invited as a guest speaker at: Poetry Afrika, Durban, 2005, Katha Asia Lit Fest 2005, 2nd South Asian Literary Conference, Sahitya Akademi, 2006, Jaipur Literature Festival, 2010, TATA Lit Fest, Mumbai, 2012, Samanvay Indian Languages Festival, 2013 and 2015.
MAGIE FAURE-‐VIDOT
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Réfugié Lorsque je suis né ma mère m’a dit tu es un réfugié Notre tente au bord de la route fumait sous la neige. Sur ton front entre tes sourcils est gravé un grand R m’a dit mon instituteur. Je grattai, je frottai, sur mon front je découvris une marque de souffrance rouge. Je parle trois langues. Cella qui chante est ma langue maternelle. Le R gravé sur mon front Entre mon anglais et mon hindi Dans la langue tibétaine signifie : RANGZEN *Liberté se dit Rangzen Maison d’exil Notre toit de tuiles fuyait Et les murs menaçaient de s’écrouler Mais nous allions bientôt rentrer chez nous, Nous fîmes pousser des papayers Devant notre maison Des piments dans notre jardin Et des changmas *pour nos palissade, Puis des citrouilles se mirent à rouler sur le toit de l’étable De jeunes veaux trottèrent hors de la crèche, De l’herbe sur le toit, Des haricots germèrent et Grimpèrent le long des vignes De la monnaie du pape se mit à ramper par la fenêtre Notre maison semble avoir pris racine. Les palissades se sont transformées en jungle, Et maintenant comment puis-‐je dire à mes enfants D’où nous sommes venus ? *Changma : arbuste que l’on plante en guise de palissade
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Somewhere I lost my Losar * Somewhere along the path, I lost it, don't know where or when. It wasn't a one-‐fine-‐day incident. As I grew up it just got left behind, very slowly, and I didn't go back for it. It was there when as a kid I used to wait for the annual momo dinner, when we lined up for gifts that came wrapped in newspapers in our refugee school, it was there when we all gained a year together, before birthdays were cakes and candles. Somewhere along the path, I lost it, don’t know where or when. When new clothes started to feel stiff and firecrackers frightening, when our jailed heroes ate in pig sties there, or were dead, heads smashed against the wall as we danced to Bollywood numbers here, when the boarding school and uniforms took care of our daily needs, when family meant just good friends, sometime when Losar started to mean a new year, few sacred routines, somehow, I lost my Losar. Somewhere along the path, I lost it, don’t know where or when. Colleged in seaside city, when it was still Bombay, sister’s family on pilgrimage, uncle in Varanasi, mother grazing cows in South India, still need to report to Dharamsala police, couldn’t get train tickets, too risky to try waiting list, and it’s three days, including return journey it’s one week. Even if I go, other siblings may not find the time. Adjusting timings, it’s been 20 years without a Losar.
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Somewhere along the path, I lost it, don’t know where or when. Losar is when we the juveniles and bastards call home, across the Himalayas and cry into the wire. Losar is some plastic flowers and a momo party. And then in 2008 when our people rode horses, shouting ‘Freedom’ against rattling machine guns, when they died like flies in the Olympics’ spectacle, we shaved our heads bald and threatened to die by fasting, but failed. Somewhere along the path, I lost it, don’t know where or when. Somewhere, I lost my Losar. Tenzin Tsundue *Losar is the Tibetan New Year festival which fall in the month of February or March of the Christian calender.
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LUMIÈRE SUR Safiya Baksh Hosein TRINIDAD AND TOBAGO Safiya Baksh Hosein is a graduate of the'' University of the West Indies''-‐Trinidad\Tobago. She specialized in the languages French and Spanish -‐B.A General Honours, and taught these languages, including English for many years in the Secondary School System in Port-‐of-‐Spain, the country's capital. She writes poetry in French, English, Spanish and Hindustani. She published her first two books in 2012-‐English-‐''Dreams of Love'' and Spanish-‐''Poemas del Corazón''-‐XLibris,U.S.A. She was honoured by her country's Library Association-‐NALIS-‐as a first time author in 2012. She is presently a member of one of her country's poetry groups-‐CIRCLE OF POETS [facebook], and also a member of other groups within 'facebook'. She is also a member of an international site-‐ALLPOETRY-‐where she has submitted over one thousand poems. On this site she writes under her pen name-‐''Saadia''.
MAGIE FAURE-‐VIDOT My Ideal World I want to see a world free from strife, where both rich and poor would share a decent life, where one is not prejudiced against because of colour, creed or race, for we were all put here by God's grace to share the same Earth, Sky and Space! I want us to hold hands in empathy even across thousands of miles as brothers in humanity, that we would see Nature as a boon to us all, and treat with love and respect, all God's creatures both great and small! I want to see a world where violence would be eradicated and religious fanaticism not fabricated, as an excuse to kill and terrorise, and be the cause of innocent people's demise; I want a world where children would be no longer misused, their innocent childhood grossly abused! I want a world where material gain is not our main priority, But a world where we would all give thanks to The Almighty, Who created us to share the same Earth, Sky and Sea, to live with His Blessings in Peace, Harmony and Unity! Prompt ''what kind of world do you want?'' © Safiya Baksh Hosein 2015
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Le Grand Bal Masqué Cette vie, c'est une danse macabre où tous les joueurs dansent de tout leur coeur sur le tapis de joie, et portant tous les joyaux de ce monde, ils vantent leurs acquisitions matérielles; semblables aux robots, ils participent dans la mélodie de la vie comme s'ils jouissaient du Paradis ici-‐même; ils ne s'occupent pas du tout de leurs pauvres frères malheureux qui passent sur le chemin bourbeux tous les jours! leurs visages manifestent les traits du Bonheur, mais profondément au-‐dedans de leurs âmes, ils sont tout tristes, parce que plus ils amassent, plus ils sont mécontents; La soif n'est jamais rassasiée! Comme leurs compagnons, ils n'ont pas acquis cet esprit de satisfaction, la vertu qui est absolument nécessaire pour les rendre vraiment heureux; et ainsi ils se masquent jusqu'à ce que la Mort leur serre la main. La fin du Grand Bal Masqué ! Prompt-‐Carnaval-‐le monde est un grand bal masqué où chacun est masqué-‐ Vauvenargues © Safiya Baksh Hosein 2014
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The Dirge of Love Who will sing this lovelorn song with me, this dirge of love ? This distant love I tried to grasp but like an evanescent bubble, evaded me and rose into nothingness among the spirits of the winds! O foolish heart, how many times will you yearn for that kind of love you can never have ? How many times do you insist on being hurt, carried away by your ardent passion? In your naivete, do you not see that you're always just a passing fancy, something to be toyed with and abandoned? Embroiled in your flights of fancy, do you enjoy having your wings continually singed by the flames of desire? Perhaps you envy the fate of the hapless moth that must needs return to the hearth of the candle, entranced by its flame, to flutter and die in its embrace, forever fulfilling with renewed vigour, its irreversible, inexplicable destiny ! prompt-‐''distant love''-‐© Safiya Baksh Hosein 2015
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THÈME SUR Yannick Savy SEYCHELLES Né à Victoria, la capitale des Seychelles le 19 août 1995, Yannick Savy est un poète, rappeur et slameur. Il est issu d’une famille de deux enfants dont il est l’aîné. Son père Michel Savy, est aussi poète. C’est grâce à ce dernier que Yannick possède une certaine attirance particulière pour la poésie. En 2011 avec Ras Pyek il effectue une sortie musicale, la chanson en question se nomme Poetik. Cette chanson, comme l’indique son titre, tourne autour de la poésie. C’est une des preuves de l’attachement de Yannick pour cette discipline. Yannick Savy est aussi connu sous le nom de Damasy car en 2012 il sort un album musical, Pa pe kapab kalibre. Il a aussi fait d’autre collaboration, notamment avec Patrick Victor. Actuellement en France, il effectue des études d’économie à l’Université de Rouen. Yannick est à la faculté depuis 2013 et compte terminer en 2017.
MAGIE FAURE-‐VIDOT Des envies d’ail leurs Si on reculait les aiguilles du temps, penses-‐tu être ailleurs Avoir envie de posséder le temps, c’est des envies d’ailleurs Et d’ailleurs… Je ne laisse rien sur le té-‐cô (côté) Te me nnais-‐co (connais) Et si on tient à la vie, c’est que la mort est dans notre rétro Flotte mais jamais ne sombre L’importance c’est la chute pas l’atterrissage Je lutte pour un meilleur paysage Les plus belles choses du monde Ne sont que des mirages Brouillant comme une arme, c’est pas de chance Pour entendre le bruit de mon âme, Brise l’infini de ma page blanche Pendant que mon encre se vide J’essaye de combler le vide Du temps qui passe
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Voyage Lustre est le livre, le voyage est astral M’en aller sans vivre est entre vipère et Ripaille J’ai eu le don de partir si loin Mais je reste le même, tant que Sipay Me rappelle d’où je viens Commerce triangulaire si le business est carré Moche comme un ton vulgaire de sentiment égaré Prêt pour la guerre, prie pour la paix Dans un monde effaré Pour l’instant j’en dis quoi ? Il faut en être tant que les gens y croient Partir n’est que le destin, jamais un choix
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Karoly Fellinger SLOVAKIA Károly Fellinger was born in 1963, in Bratislava. He lives in Jelka since his childhood. He used to work as an agronomist, now he runs his own smallholding. He has published 18 books in Hungarian so far. Most of them are collections of poems for adults and children, a village monograph and tales. As a mythographer, he collected the tales and legends of Mátyusföld (region of the Mátyus, Matúšova zem). His volumes of poetry have been published in English, German, Romanian, Serbian, French, Russian, Slovak and Turkish. He has been awarded the Golden Opus Prize of the SZMÍT (Hungarian Writers‘ Association of Slovakia) twice and the Imre Forbáth Prize for the best collection of poetry written in Hungarian in 2014. In 2013, he was the winner of the Bóbita poetry contest of the Hungarian Writers‘ Association. He was a deputy of the municipal council for twenty years and the deputy mayor for for years. Beer coaster The perfect poem is like the finest coffee that you manage to order only once, you spill it on the tablecloth before you could even taste it and it leaves an irremovable stain. Spread table Father, son and holy spirit. Just like past, present and future. Everything remains, only the matter is untransformed. Passage Destiny operates on batteries, it is recharged by fleeting time. (translated by Károly Sándor Pallai ) The work of the translator was supported by an individual scholarship (NTP-‐EFÖ-‐P-‐15-‐0180) of the National Talent Program.
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Aboubacar Ben SAID SALIM Comores Aboubacar Ben SAID SALIM est né aux Comores où il a fait ses études jusqu'au BAC . Il a obtenu son BAC en 1970, avec une mention spéciale du jury en français. Il a écrit son premier roman intitulé « Et la graine... » aux éditions Komedit, qui parle de la grève de 1968 aux Comores , qui fut un prélude à l'indépendance des Comores. Son deuxième roman « Le bal des mercenaires », parle du drame de la domination des mercenaires aux Comores, en est à sa troisième réédition et figure au programme de la classe de seconde des lycées. Son troisième ouvrage est un recueil de nouvelles : « La révolte des voyelles » . Son quatrième ouvrage est un recueil de poèmes intitulé « Mutsa mon amour » aux éditions Cœlacanthe . Il est marié et père de 9 enfants. Voyage mystique Par delà les nuages, par delà l’Azur immaculé Ailleurs mon esprit s’envole à la Recherche. La recherche du beau, la recherche du bien Rien ne lui fait obstacle, ni l’éther, ni l’éternité Mon corps de lumière illumine l’espace Et pâlit les soleils et tous les astres, du vaste espace L’Univers illimité m’ouvre les mondes interstellaires Que j’embrasse d’un clin d’œil, et me fait goûter La Joie du Créateur, contemplant sa création, Si parfaite, et si belle dans sa resplendissante Harmonie de sons et lumières ivres de Dieu Ailleurs, est en nous, nous transportons en voyage Nos joies et nos peines que nous transcendons par L’espoir, d’être un jour en fusion avec LUI !
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Gilles Pommeret FRANCE Gilles n’est plus à présenter. Il appartient à l’avant-‐garde des fidèles animateurs de cette revue. L’ailleurs La poésie des départs, L’émotion des arrivées Sont encloses dans la pierre Des glissants embarcadères, Plateformes vers les ailleurs La nef s’écarte du quai Délivrée par le noroît. Déjà les visages aimés S’éloignent et se confondent. Les voiles tendues, ils sont ailleurs. L’horizon les absorbe, Le soleil complice s’endort. Le quai où claque la houle Soudain devient solitaire. Qui donc les attend ailleurs ? Les regards de l’équipage Tournés vers l’Orient, sourient. Il fait un avec la mer. Nouvelle Iliade, si heureux. Leur avenir est ailleurs. Déjà deux mois sont passés Le temps semble immobile Mais la mer, belle endormie, Tricote leur renommée : Elle sera chantée ailleurs. Là-‐bas, cerisiers en fleurs, Abeilles soudain chantonnent Jardiniers heureux attendent Les hommes venus de si loin : C’était l’ici, c’est l’ailleurs. Oh ! Regardez là-‐bas : Ils sortent de l’horizon ! Ce soir, ils seront ici. Ils sont partis des Seychelles, Des îles lointaines, ailleurs.
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Magie Faure-Vidot SEYCHELLES Magie n’est plus à présenter. Elle appartient à l’avant-‐garde des fidèles animateurs de cette revue. Ailleurs Sur l’aile d’une poussière, Je m’installe tout en haut, sur mon nuage, D’où je vois la terre en rage En voulant démarquer un autre territoire. Un gentil Requin Se repose dans son coin Ne cherche guère A rentrer dans une guerre Voilà tout d’un coup Arrive un fou, En fait un humain, Qui se comporte en vaurien . Il tire une flèche En attendant une viande très fraîche . Et du haut de mon nuage, Je me dis “mais quel saccage” ! Mon Requin Se faufile vite vers son océan Pour rejoindre Neptune qui prépare une grosse pluie Qui va éteindre les tirs de son ennemi .
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Vincent Larue SEYCHELLES Vincent est né à Victoria le 20 août 1981, il est le premier garçon et le troisième dans une famille des six enfants. Il a fait ses études à Port Glaude, Bélonie, le service national de la jeunesse et a fait son diplôme en statistiques en Inde. Il a commencé à écrire à 17ans. Il écrit des poèmes, des chansons et des histoires pour les enfants. Il écrit dans les trois langues nationales, en créole, français et anglais. Il a publié deux livres d’ histoires courtes, et il va publier une anthologie de poèmes cette année. Santye mon desten Anvair dan linyorans mon lanfans O milye en lafore Mon debite lo en semen santye San ekipe san prepare Nenport kwa i posib lo sa traze Letan ou vilnerabilite i ekspoze Mefyan tou sa ki vivan E met konfyans dan lasans Li osi pa’n en tro bon dalon Akoz bokou in osi konfye avek li Soufrans pou grandi ek respe Swa bate olye pinisyon Pa ni ekzazere Mon asire En kivet larm in osi devide Sa ki roten ti dan son lanmen Pa ti donn kredi lo ledo sa pti banben Ni konsyan douler sa imen Avek en santiman boulverse Mon glis trankilman dan sa monn adolesan En lot laspe trik e vyolan Touzour etidye dan mon prop liniversite Pou mon premye degre konstren lavi Sapit enn i fayle e met dan bife Movetan i sekwe mon pti kannot papye Atoure parmi serpan ek lera Sa de plir fay vermin I pou swa pike swa morde
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Alor mon oblize get de kote Dan sa batay pou pas legzanmen Lapriyer i en nesesite Frekant legliz i en lot senaryo Limenm i kapab detourn ou plan d’aksyon Se la kot neven ek labouzi i bezwen marse Serten i servi grigri pou dizef eklo plir vit E menm elimin lobstak dan zot semen Dan mon santye mon kontinyen glise Plir tar mon vwar en laklerte dan lwen Petet laba i mon desten Desizyon pou sanzman i efreyan Plirzyer in sot li pou pa pran sa risk Serten in mal deside e zot in fouti Bokou in fer li e reisi Me mwan mon ankor la dan sa pti semen Par fwa apik par fwa desant Mon profit lo plato pou repoze Koumsa mon rekipere pou sa ki pe vini demen Mon pa zanmen konnen Kwa ki pe esper mwan Dan santye mon desten
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Stéphanie Joubert SEYCHELLES Stéphanie Joubert est une poète Seychelloise. Elle écrit sur des thèmes divers, mais elle a une faiblesse pour les enfants et les domaines sociaux. Elle a représenté les Seychelles dans des rencontres poétiques à Maurice et à La Réunion. Exil je suis revenue pas pour me rapprocher de toi mais pour m’éloigner de ton silence c’est peut -‐être au hasard que je dois cette révélation je suis revenue pas pour me rapprocher de ton regard mais pour m’éloigner de ta présence cette déclaration ça fait longtemps que j’y pensais mais simplement je ne savais pas comment l’écrire tu sais, je suis revenue pas pour me rapprocher de ton coeur mais pour m’éloigner de ton intimité ça fait longtemps que ça dure et dans ma tête il ne reste que des souvenirs
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Vénida Marcel SEYCHELLES Vénida n’est plus à présenter. Elle appartient à l’avant-‐garde des fidèles animateurs de cette revue. Ou Lespri I Ayer Ou lespri i ayer Ou pa mazinen I katrer E travay in terminen Pou ou al pran bis lo stenn Asize dan en gran mazinasyon Ou lizye fikse lo ou zournal nasyon San ki ou pe lir E ou pa pe war okenn lekritir Ou pe mazin bann lensidan Ki’n arive dernyenman Ki ankor en mister San ki ou remarke ou lespri i ayer Ou koleg i kriy ou Andizan si ou pa pe al kot ou Ou sote e pran en gran respirasyon en regard dan son direksyon Avek en sourir ou dir li Mon pe vini Ou pran ou kaba avek en ler E ou pran kont ki ou lespri ti ayer
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Sylvie Jeantet LA REUNION /FRANCE Sylvie est Professeur de français au Collège l’Oasis à La Réunion. Ailleurs Nous rêvons tous d’un ailleurs. D’un ailleurs bien meilleur, Où les fruits sont plus sucrés Et la vie moins acidulée. Mais, on revient vite sur terre, Lorsqu’on rêve les yeux ouverts. J’ai tant rêvé de cet ailleurs Qui efface mes peurs, Où la vie se croque à belles dents, Où l’on profite de chaque instant. Mais, on revient vite sur terre, Lorsqu’on rêve les yeux ouverts. Nulle part nous ne trouverons La douce consolation. Nulle part ailleurs, Que dans nos coeurs.
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Catherine Panot LA RÉUNION/FRANCE Installée à La Réunion depuis 2005, passionnée de marche et de nature intacte, elle arpente les sentiers de randonnée dans les trois cirques, et surtout Mafate, inaccessible en voiture. Elle sait qu’elle n’en aura jamais fini de découvrir ces mille kilomètres de sentiers « du battant des lames au sommet des montagnes ». Fonkèr pou péi Tibet Moin nana léspoir pou péi Tibet Rangzen, Freedom, la Liberté ! Rouvèr noute zié Rényoné, dann la France, péi lo droi d’lom, agarde inpé domoun péi Tibet, koman banna i viv dann milié do fé. Bann larm, èk lo san, zot pèp i koul, na tro lontan zot lé dann malèr, kom dann lanfèr déssi la tèr mi voi zot péi lé kaparé. Dann fon zot zié, zot i espèr zot Dalai Lama, zot i zèt zot kor dann flame do fé la Libérté. Bonpé i sov zot péi san niabou fé antann azot, pou fini kom zesklav maron partou déssi la tèr. Bann Tibétin i koné byin kisa zot i lé pou vréman, zot lé Tibétin zot lépa Shinoi pou viv kom zétranzé dann zot péi. Dodan zot tèr na bonpé zarlor solman zot tèr lé esploité, lé makoté, oté Tibet, zot péi lé divizé, oté Tibet … kolonizé. Mi antan zot doulèr kongnyé, i kongn dann batan d’ lam la mèr ziska dann l’oséan indyin. Té galé sakré, mon léko sakré. É zot l’Oséan la Sazès, Dalai Lama, ousa li lé ? Kansa li va artrouv son bann frèr déssi la tèr oussa li lé né ? Zot zoli figuir i rakonte lamour,
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lamour po toute domoun déssi la tèr, zot la alim in takon la bouzi pou ninportékèl bondié nou pri. Lo pèp Tibétin i doi viv lib, i doi viv lib kom ou, kom moin, i doi viv lib kom lèr ék dolo klèr bann zoli bassin koulèr lo sièl. I doi viv lib kom payanké, toute bann zoizo i zoué dann van la Libèrté, dann dirèksion solèy Kailash, lao, lao la montane sakré. I doi viv lib parèy dolo bann glasié i tonm koman troizièm pol la planèt, ziskakan li va koul an rivièr pou done la vi in bonpé péi ? Mi voi out lespoir lapo fané kom la nèz sanm la glass dann solèy anlèr la montagn l’Himalaya, Tibet mon frèr lé dann malizé. La briz i souf, bon lèr i sa désann pou frole bann kap la montane glassé, lé sitèlman for, kom la Vérité napoin riyin i guingn anbar ali! Alor dalon, kosa nou fé ? Nout maloya la fine libéré, nout patrimoine lé po toute domounité, alon shante in gayar maloya pou péi Tibet ! Nout toute nou doboute, nou lèv pou péi Tibet alon marsh ansanm é shante ansanm pou péi Tibet, nout toute ansanm va di koulèr son soufranss, dann son rézistanss napoin la violanss. Tank na anvoy nout kozman pou péi Tibet, son pèp va guingn viv ankor pli lontan. Tank na anvoy nout kozman pou péi Tibet, nout domounité va guingn son kontan. Moin nana léspoir pou péi Tibet Rangzen, Freedom, la Liberté
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Patrick Joquel FRANCE Patrick n’est plus à présenter. Il appartient à l’avant-‐garde des fidèles animateurs de cette revue. Ailleurs 04h43 am affiche l’horloge digitale de ma vieille auto rouge Greenwich mean time car ma voiture roule en temps universel je me gare à Courmes j’éteins les phares coupe le contact je sors un brame résonne ils sont là calcul juste je file sur le sentier de Bramafan au fil des pas la lumière apparaît nul besoin de lampe je marche dans le silence accompagné des brames ils sont une dizaine au moins à se répondre je les écoute heureux je suis venu exprès pour les entendre je ne les verrai pas mais un peu plus loin deux biches et un faon du printemps broutent la clairière instant de grâce ni vu ni entendu l’instant dérobé un oiseau que je n’identifie pas module alors un chant différent aussitôt les biches sont aux aguets l’oiseau m’a trahi elles ne me distinguent pas encore mais elles savent l’intrus elles broutent encore sur leur qui-‐vive l’une des deux croise mon regard un frémissement elles s’enfuient
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Francisco Jacques HAITI Jacques Francisco est un poète haïtien vivant à Cap-‐Haïtien. Passionné de littérature, il fait, affirme-‐t-‐il, de la poésie pour se libérer. Pour lui, la poésie est l’art de savoir prononcer un Verbe. Verbe qui doit réjouir l’âme, susciter des émotions et réinventer l’homme. Francisco croit que tout peut être « poésie ». Son premier recueil « UN VERBE » paraîtra sous peu comme un rai d’aurore jeté à l’ombre des colombes et des papillons pour célébrer l’amour et l’élévation des âmes. Poésie de l’ascension ! Poésie de l’interdit. Des erreurs Amours blessés de turpitudes où se mêlent les regrets fatalistes la plaie et la souffrance depuis la jeunesse des âges vieillis. Méprisables instants de frustration et de pleurs devant le spectre grimaçant des folies et la frivolité de l'érotisme des sens. Nul conseil sur le sentier d'égarement n'a su freiner le gâchis des âges frivoles la jouissance des bourdonnements du sexe ni l'horreur des passions irraisonnées aux nœuds d'échecs attristants et des remords en larmes une blessure d'ingénuité comme un sein cicatrisé où se forme un cancer durant des remous d'agonie. Beauté et élégance raturées de l'encre des misères et des sueurs du gagne-‐pain. Lui esseulé s'en va de jour et de nuit sur le Sahara de la vie pour un soulagement de son fardeau le poids de la survie lourd qu'un quintal de sel une existence défaite un désespoir d'audace au seuil de l'effort.
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Une histoire qui peine telle une épopée tragique les mots ensanglantés incapables de bégayer un vide de merveilleux trois points suspensifs de miracle un esquisse de sourire timide un poignard empoisonné entre le cœur et les poumons vivotant. Désistement à sa foi désespérante si croyance sombre et passive les miracles ponctuent de point final la phrase apaisante à la mi-‐page du mal rongeur de ses muets soupirs aux spasmes de l'émoi. La mort s'attarde d'une souffrance qui tarde retarde apitoie devant son jeune visage ridé. Lui esseulé s'en va de jour et de nuit sur le Sahara de la vie. Malheureux profondément malheureux tristement malheureux l'âme troublée d'inepties perverses des idioties juvéniles nostalgique et tragique le poème dont le lyrisme se coupe en rejet et bouts de vers qui poignardent sous l'ordre du dégoût de la vie rimée de dépit le sang coule à torrent dans le cœur hémorragie de l'âme empalée d'épines mortelles le souffle en bouffées d'air où le cœur et les poumons se luttent une dernière seconde vie l'imminence du trépas sous râles l'enfer ouvre les portes devant son ombre en pâleur de clarté l'effort de vivre engorgé par la lame des inquiétudes. Coup d'ignorance à feu d'incurie l'incompréhension dans l'amour pour les passionnés sans raison et les érotiques de la beauté l'immaturité juvénile dévore le devenir de l'amour l'érotisme aveugle sous le charme des nudités sensuelles.
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Conséquence de l'inconséquence les souvenirs amers les désirs aliénants le voile de la démence obscurément opaque et le cerveau sans raison. Impitoyablement se déchirent et se brisent les dernières neurones du cerveau en délire. Déplorable couche à l'horizontale de la mort le corps assombri au silence du cœur. L'apocalypse d'une histoire noire sans mémoire à l'observation de l'œil faucon une jeunesse finie avant la vieillesse à folie de grandir à folle vitesse de l'amour aux assouvissements des désirs un odyssée qui tue. Lui a quitté le Sahara de la vie mais son parfum parfume la poussière du désert de jour et de nuit. L'escalier de sa vie chavirée à très glissante pente de faïence roulant il a pleuré solitaire malheureux tous les océans de ses yeux à gouttes de larmes et de sang. Une calamité en poursuite de l'enfer une malédiction de Caïn de jour et de nuit.
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Sophie Brassart France Sophie n’est plus à présenter. Elle appartient à l’avant-‐garde des fidèles animateurs de cette revue. Derrière la pluie Pour Clara P.-‐D. Grave et sûr le scandale tendant la main à la lumière Tu danses infini pour quelques sillons l'air s'écartait j'ai confondu la biche chassant nos cœurs loin de tout bois j'ai confondu nos larmes avec le soir invitant quelques démons Tu danses derrière la pluie Contre l ’onde Sans doute sur les canaux les enfants lancent un signal joie qui carillonne et dévore un passé Leurs joues fraîches contre l'onde Tu ne prononces rien / rien ne te soustrait
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Paolo Pezzaglia ITALIE Paolo n’est plus à présenter. Il appartient à l’avant-‐garde des fidèles animateurs de cette revue. Elsewhere Beyond the dirty warm air of this diseased November I see my film of the Elsewhere: At the center of the ancient Lombardy blue skies I see again the far away Americas, the North, my naive alternative, more dreamt than lived, and the discredited, treacherous South: what fate without the war we brought to them from Europe? For the stolen (and horribly melted) gold, highly fly Aztec idols and alien condors of Hispanic blood thirsty. The big warm belly of Africa, the tribes’ smoke in the jungle the last baobabs in the bush thinning in shabby suburbs: on the red clay track zigzagging the white Land Cruyser driven by politicians-‐soldiers (homeric murderers or simple humans?) Then sat at the democratic business table with us, authoritative white guys, with us, educated washed sellers of useless high priced goods, us, forced to trade and deprived of our own old souls, tired of long debated expectations in the local Hilton dangerous lounge. Another November in Asia, the winds from Mongolia freeze the Beijing Forbidden Town and
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the immense squares-‐airport of Mao. Anywhere, that time, the gray bundled Chinese people moving. A garbage yellow river under the bridges of the sticky old capital Nanjing: the daily trap factories for without chains new slaves. Better get lost among the Anglo-‐Chinese thieves of Kowloon? Blue vision of moons and scattered minarets: yes, I loved the high voice of the muezzins, now at war with our western creation, with fear I regret my Maghreb friends and the scent of jasmine. Back from Elsewhere I tell myself: the escape is here in the patient search of a balance, perhaps the short and light breath of the brighten slumber of God. Guiding us was the inspiration of the New Age: as naked Jains, respectful of the smallest insect, we, discrete guests of the ancient land ashram. us, conscious of infinite divine forms of Hindu cribs: so we came to understand the breath of Brahma, the rule of the world. so we came to understand the breath of Brahma who rule the world What to say in simplicity to friends? We are in peace. We are in peace, but ready to fatal unnecessary war, with the jade dagger of Arjuna ready ... (now no chariot at the door). Christ knows, we observe. We love. We do not betray. We remain here, love faithful, ready also to die.
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Eliphen Jean HAITI Eliphen Jean a fait des études à l’université d’état d’Haïti (UEDT). Il est blogueur et coordonnateur Général à CECIH – Organisation. Espoir de roseau Sur ta chair nue je lis espoir l’espoir s’écrit en lettres prosternées sur le front de ta jeunesse l’espoir bronche au sol sous la plante éraflée des pieds nus pieds d’enfants de rue, enfants qui ruent sur les gens qui passent pieds de paysans esclaves de champs infertiles ou robustes au rendez-‐vous de la conquête tu seras là, un jour, je l’espère, sous ton auréole d’ébène vêtue de ta gloire écornée malgré tout comme par les souillures d’une vie errante et déchirée… tu marcheras à petits pas de vagues jusqu’au ressac tumultueux de tes fesses à petits pas de vagues tu arriveras et ton déferlement sur les brisants de tes mers outragera le tonnerre assourdissant de la faim
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Harris Kasongo REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO Harris n’est plus à présenter. Il appartient à l’avant-‐garde des fidèles animateurs de cette revue. Pénitence A Frontière du poème Tes pleurs fleuves n’ont pas pu traverser Un supplice doux et amer a exilé le silence en toi Et tes entrailles ont fondu dans le deuil, Vêtu de noir comme de la cire Tu auras beau chanter Tu auras beau aimer Respirer tendrement la senteur d’Ailleurs Toucher des visages , qui ne sont pas à chaque Poignée de mains les mêmes Parfois étranges et tout à fait nouveaux L’Enfant du pays, l’enfant du soleil et de la bruine Ailleurs t’a aussi appris dans le givre et le métro Ailleurs t’aura permis d’être toi, Et luire dans la voûte céleste Luire dans les regards effrénés Des autres car ailleurs, ils sont aussi Comme toi, avec leur identité.
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Mario Urbanet FRANCE Mario n’est plus à présenter. Il appartient à l’avant-‐garde des fidèles animateurs de cette revue. Podemos !!! en guise de vœux pour 2016 dans un ciel qui reste à colorier viennent se réfugier les fuyards du monde moderne sur une planète miniature un mouton dessine un aviateur Bellérophon fait se cabrer des Pégases pour la parade du Cirque du Soleil la voie lactée se lamente de ne pas suffire à nourrir tous ceux qui ont faim la lune tente de réunir Pierrots et Colombines la Grande Ourse tire son lourd chariot sans jamais atteindre l’inaccessible étoile debout sur l’Olympe des mortels en souffrance adressent l’espoir ultime de leurs inconciliables croyances disparates dérisoires paravents d’illusions alors que se délite la lie du monde dans l’indécense des avaricieux des esprits sonnent le réveil podemos !!! si nous le voulons …
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Joël Conte France Joël n’est plus à présenter. Il appartient à l’avant-‐garde des fidèles animateurs de cette revue. Les enfants des belles lumières Les enfants des belles lumières Sont à Bistrita, et espèrent Que le monde va s’embellir Et ouvrir leur bel avenir. Refusant la folie des guerres, Ils avancent dans la prière D’un univers où le soleil Construit toujours des merveilles. Les enfants des belles lumières Sont à Bistrita, et espèrent Que le monde va s’embellir Et ouvrir leur bel avenir. Emportés par les voix divines D’un dieu fort et unanime, Ils progressent main dans la main, Et sourient à tout lendemain. Les enfants des belles lumières Sont à Bistrita, et espèrent Que le monde va s’embellir Et ouvrir leur bel avenir. Des arts, et devant la culture, Ils découvrent que le futur Peut rimer avec le bonheur, Et la création d’un sculpteur. Les enfants des belles lumières Sont à Bistrita, et espèrent Que le monde va s’embellir Et ouvrir leur bel avenir.
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Eblouis par le Festival De Roumanie en Ardéal, Les enfants poursuivent leurs rêves D’une sereine vie, sans trêve. Les enfants des belles lumières Sont à Bistrita, et espèrent Que le monde va s’embellir Et ouvrir leur bel avenir. Par Liviu Rebreanu, Théâtre, littérature, nouent Un lien où l’âme de l’enfant Sublime, de l’amour, le chant. Les enfants des belles lumières Sont à Bistrita, et espèrent Que le monde va s’embellir Et ouvrir leur bel avenir. Joël CONTE, le 30 novembre 2015 Ecrit à Bistrita, lors du Festival International de Théâtre et de Littérature « Liviu Rebreanu », devant les lumières de la Place de la Préfecture.
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Gaëtan Sortet FRANCE Gaëtan n’est plus à présenter. Il appartient à l’avant-‐garde des fidèles animateurs de cette revue. Nous avons besoin d'une poésie à ciel ouvert. 2. La vraie vie n'est pas ailleurs. La vraie vie est à Issy-‐-‐les Moulineaux. 3. Les frontières sont à l’écart dans la cinquième. 4. Voyage au bout de la Poésie. 5. Bonjour, je m’appelle Alexandre Hun. Je suis agent des services poétiques publics. Puis-‐je voir vos papiers d’immatriculation au service fédéral de poésie déambulatoire, svp? 6. Il pousse plus de choses dans un poème que n'en sème le poète. 7. « À charge de revanche » dit la lune, en prenant la place du soleil. 8. Alea jacta est. Va à Jacta... Dans la partie est de la ville. Sous la forme du vouvoiement. 9. Quand le poète passe, les chiens aboient. 10. Tant qu'il y a du lavis, il y a de l'espoir. Parole de peintre optimiste. 11. La Poésie ne nous quitte jamais, parce que la Poésie, c'est nous-‐-‐mêmes. 12. Vocabulaire en allemand se dit WORTSCHATZ. Littéralement… Trésor de mots. C'est beau, non? 13. Votre beauté ment et chante. 14 . Mes Prescriptions. La Poésie comme nulle part ailleurs.
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Richard Taillefer FRANCE Richard n’est plus à présenter. Il appartient à l’avant-‐garde des fidèles animateurs de cette revue. Plus loin je vais Plus loin je vais, cultiver mon jardin en jachère. Qu’une voie lactée m’ouvre le chemin. Ce rêve de la nuit où brille une petite lumière. Vastes champs de solitude au carrefour de mes pages. Je cherche l’essentiel, peu importe le mystère. L’ombre d’un poème universel oublié entre les maux. Immenses trous noirs qui m’absorbent dans un dernier murmure avant l’obscurité. Depuis le rebord de ma fenêtre, j’imagine une île lointaine, au parfum de mangue, d’anémone et de lilas. Pourtant sous les buissons et les ronces, riche est ma maison au pied de la montagne qui gronde. Et toi Silhouette printanière Dans ta petite robe rouge toute simple Assise à la terrasse du Kafé des pas perdus Tes yeux dans les nuages
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CONTE Muriel Carrupt FRANCE Muriel Carrupt, comédienne, metteur en scène, art-‐thérapeute et poète, fondatrice du Caillou rouge, explore depuis vingt-‐cinq ans les espaces poétiques au théâtre, tant aux niveaux gestuels et corporels que textuels. Elle s’enrichit par ses rencontres singulières, notamment avec des comédiens handicapés mentaux (groupe Signes à Lyon). La dimension du profane et du sacré est une ligne invisible qui relie tout son travail. Elle écrit de nombreux contes dont certains sont devenus des spectacles (Petits cailloux – L’amour sans fin, subventionné par la DRAC livre Haute Normandie en 1999 – Ouniame et la rivière qui chante) Lectrice pendant des années pour la revue Verso (2006 – 2013), Muriel accompagne par ailleurs en lecture des poètes qui la touchent (Valérie Canat de Chisy, Lorraine Pobel , Michel Seraille, Rolland Dauxois…) Ses nombreux poèmes ont été publiés dans plusieurs revues depuis plus de dix ans (Verso -‐ Point barre -‐ Comme en poésie -‐ Capital des mots – Poèmes épars -‐ Nouveaux délits –Traction Brabant – Le Moulin de la poésie – Décharge – Cabaret – Florilège -‐ Remue.net – Phoenix – Traversées – Ecrit(s) du Nord -‐ A la dérive -‐ Suite de six fusains et peintures édités dans la revue en ligne -‐ Cavale -‐ arts et littératures en mouvement – Sipay Mémoire Annexe paru Col. Encre blanche édition. Encres vives en juillet 2015 -‐ 2016 : Les fragiles Ed. La Porte. -‐ Revue Textes à paraître en 2016 dans les revues: L’Intranquille -‐– Cabaret – Verso – Paysages en revue – ainsi que Fragilité à paraître aux éditions La Porte en 2016 -‐ La place du he ́risson Au bord de la mer, les vagues se fracassaient contre les rochers. Inlassablement, elles se jetaient sur eux avec la violence insouciante de l'enfant qui se croit invincible. Le rocher restait paisiblement au même endroit. Un vieil homme s’approcha et se mit à parler : Il y a bien longtemps, à cette place, vivait un village. Des nomades ou des romanos on ne sait pas bien faire la différence. On dit que c'est le hérisson de la mi-‐nuit qui les avait emmenés là. Un des leurs aurait manqué aux règles du groupe. Qu'a-‐t-‐il fait exactement? On ne le sait pas, ces gens-‐là savent rudement bien garder les secrets. La vieille avait eu la vision devant le feu: il partira avec celle qui voudra bien le suivre. Ils suivront le hérisson, et lorsque celui-‐ci ne se relèvera plus, alors, ils le brûleront dans un feu bien plus brillant que l'étoile du berger, et ils chanteront. Ce sera l'heure de bâtir une maison. D'autres les rejoindront, et un village se construira. Le temps sera venu de ne plus partir sur les routes. De cette immobilité, il devra se contenter, et si cela doit être, alors il redeviendra celui qu'il est. Le village sera là pour qu'il se souvienne qu'il n'est pas si facile de prendre la route sans se perdre. Le village sera là pour qu'il ne s'éloigne plus de lui-‐même. Ainsi parla la vieille. Ainsi se déroula l'histoire. Cet homme s'appelait Ktor. Il était jeune et son regard de braise était sans détours. Ses colères n'avaient d'égal que sa sagesse. Jamais on avait vu en un seul homme tant de douceur et de dureté. Ses colères étaient aussi brèves qu'effroyables et imprévisibles. Un mot, un geste pouvait devenir une étincelle meurtrière. Le vent tombait tout aussi brutalement qu'il s'était levé. Il partait alors et s'enfonçait dans un profond sommeil. Quand il revenait, sa nature fine et subtile avait repris le dessus. Mais sa famille n'arrivait pas à comprendre cette âme tumultueuse. Elle le craignait de plus en plus. Lorsque la vieille avait parlé, il n'avait pas discuté. Son coeur était à l'image de son regard: droit, il ne contestait pas la justice. À la tombée de la nuit, il s'en alla. Eadha, une très jeune femme le suivit. C'était la petite fille de la vieille. Une jeune femme secrète aux yeux trop clairs pour être explorés. Elle le regarda sans ciller, et pour la première fois de sa vie, les yeux de Ktor se baissèrent, non pas de
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servitude ni de gratitude, simplement parce qu'il était ému. Eadha savait qu'elle choisissait un chemin où elle ne pourrait plus faire marche arrière. Mais elle ne pouvait qu'écouter son coeur qui ne craignait pas cet homme singulier en tout. Elle avait toujours su qu'elle suivrait Ktor. Sa grand-‐mère lui avait transmis son savoir, elle avait appris à écouter les cours d'eau, elle avait appris à traverser les coups de tonnerre et à fermer les yeux devant la foudre. Elle ne savait pas faire grand chose. Elle apprendrait. Ils ont suivi le hérisson, sans rien se dire. Les nuits se succédaient. Leur marche était devenue rapide et silencieuse, leurs yeux transperçaient la nuit, et leurs peaux ne craignaient plus les piqûres nocturnes. Ils avaient traversé les montagnes aux roches glissantes, les terres lourdes et retournées, les chemins de poussière. Se nourrissant de baies, d'insectes, de rien. Des semaines, des mois s'étaient écoulés. Un matin, le hérisson s'était couché dans un trou creusé derrière une dune. Le soir, il ne s'était pas relevé. Devant eux, il y avait la mer et le sel qui chahutaient leurs yeux. Ils auraient mieux aimé un endroit plus haut, au-‐dessus des regards. Ils firent ce qui devait être fait. Un grand feu, des chants tout en larmes et en rires, un puissant désespoir qui avait plus de force que le plus fol espoir. Cette nuit-‐là, la lune fut témoin de leur union. Ktor pour elle se remit à parler, Eadha, pour lui, se mit à sourire. Il réchauffa ses yeux trop froids. Elle éclaira son regard si sombre. Ils mêlèrent leurs sourires sablés. Ils enterrèrent leurs chaussures d'avant. Le temps passa. Ktor se révéla un bâtisseur hors pair. Débordant d'ingéniosité, il utilisait tous les matériaux qu'il trouvait. Les pins, le sable, l'eau, la terre. Quatre murs sortirent bientôt de terre. La mer, clémente, les nourrissait bien. Le troisième soir, ils virent des hommes arriver de l'Est. Le groupe était fatigué, et bon nombre d'entre eux étaient malades. Eadha et Ktor n'avaient pas oublié le vieux principe d'hospitalité des leurs. Ils firent un grand feu, allèrent chercher de l'eau douce, firent cuire quantité de poissons. Eadha puisa dans sa mémoire pour retrouver les médecines de sa grand-‐mère et apporter un peu de réconfort aux malades. Ktor aménageait des lits de fortune avec des branchages. Quelques jours plus tard, la plupart se sentaient mieux. Seul un petit garçon souffrait encore. Aedha avait beau puiser le plus loin qu'elle pouvait dans ses racines, elle ne pouvait soulager l'enfant qui s'éteignit peu avant le lever du soleil. On le chanta avec rire emmêlé d'eau, on l'enveloppa de braises et de pin. On se raconta en chant, en danse, et en légendes ce que chacun faisait là, avec le sentiment qu’on était au bout du monde. C'est après cette étrange nuit que la majorité décida de rester avec Ktor et Eadha, là où l'avait décidé le hérisson, là où l'avait décidé le petit garçon, là où Eadha était devenue Aedha. Ktor et Aedha avaient eu un garçon et une fille. Yoho avait en lui l'ardeur de son père. Toutefois son esprit n'avait pas sa finesse ni son originalité ; sa nature ne connaissait pas de tourment. Ce n'était pas le cas de Naeth qui pouvait virer au vinaigre sous la plus petite brise. Elle pouvait rire et jouer des heures durant, s'enrouler dans les rouleaux salés, puis être prise d'une rage venue d'ailleurs, hurlant, refusant toutes tâches, défigurée par on ne sait quel démon, et tombant nette, la bouche pleine d'écume. Son coeur ressemblait à un arc-‐en-‐ciel. Elle ressentait les humeurs de chacun avec tant d'acuité, que celles-‐ci faisaient un feu d'artifice en elle, qui explosaient aux yeux de tous, renvoyant à chacun le meilleur comme le pire. Le temps, contrairement à ce qu'on dit, ne suffit pas toujours pour arranger les choses. Un lien très étroit l'unissait à son frère. Cela permettait à Naeth de dépasser avec un peu de douceur ses crises qui la confiaient, épuisée, au silence des heures. Le coeur simple de son frère l'apaisait. Le temps passait. Les enfants grandissaient Le village se gonflait. Un jour, Yoho se trouva une compagne. Hélas, elle ne supportait pas l'affection trop visible que Naeth portait à son frère. Aussi exigea t-‐elle de lui qu'il ne la côtoie plus. Naeth vivait mal cette séparation. Un jour, une grande marée plus violente que d'habitude mit tout le monde en effervescence. Tout le monde s'agitait, sauf Naeth qui restait immobile, comme dans une torpeur. Au matin, Naeth se mit à ramasser tous les coquillages qu'elle trouvait, frénétiquement. Elle les mettait dans des gros sacs. Les sacs s'empilaient devant sa maison. Un soir, elle s'arrêta. La lune était pleine de rouge. Alors, avec une force inouïe, elle prit un sac à bout de bras et se mit à frapper le sol de toutes ses forces. Les gens du village ne se cachaient plus pour parler d'elle et de sa folie. Ktor, le bâtisseur, souffrait le martyr de voir sa fille en prise à cette violence. Son expérience, plus que les années, lui avait donné la force de laisser les choses aller jusqu'au bout, même s'il ne les comprenait pas. Le geste comme toutes choses s'use, et d'usure en usure devient autre. C'est ainsi que le sac se renversa. Une montagne de débris gisait à ses pieds. Naeth se laissa tomber sur le
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sol et se mit à enfouir ses mains dans le tas de coquilles, laissant retomber en pluie les débris colorés. Puis elle tria avec soin les fragments de coquillages: bientôt des petites pyramides de couleurs s'élevaient devant elle. Au bout de sept jours, à bout de force, Naeth chuta sur le sol. Son père s'approcha doucement, ébloui par ces tas de matières triées avec tant de soin. Délicatement il la souleva et il la porta sur son lit, comme lorsqu'elle était une toute petite fille. Il éprouvait une drôle de reconnaissance envers sa fille, comme s'il pressentait de grandes choses à venir. Naeth dormit trois jours et trois nuits. Au matin du quatrième jour, elle se réveilla. Elle mangea et commença à préparer un liant constitué de sable épais et de résine de pin. Elle ajouta délicatement de l'eau, mélangeant le tout avec soin. Puis, elle enduit le bas du mur Ouest de sa maison avec le mélange, et elle commença à y incruster des petits bouts de nacre. Elle choisissait soigneusement chaque morceau selon sa forme sa couleur. Bientôt, le bas de la façade ressemblait à la houle de la dernière marée. Une grande vague pleine de rage apparaissait prête à tout engloutir. Quand Aedha vint la prévenir que le repas était prêt, elle ne pu réprimer un petit cri de surprise. Ce qu'elle voyait était tellement réel et en même temps tellement différent de la réalité ! Cela brillait , et la multitude des morceaux devenait un tout, lui conférant tout à la fois force et fragilité, renforçant et amplifiant le mouvement de la vague. Naeth mangea peu, elle voulait continuer. Bientôt, on pu reconnaître Yaho et sa jeune femme, au loin, sur un cheval. Ktor apparu avec son regard de braise au coté d'Aedha vêtue de mille yeux de tous les bleus du jours et de la nuit. Sortant de l'écume, une jeune fille jetait en pluie des milliers de fleurs rouges à tous les gens du village. Elle fit les quatre murs : A l'est une source d'eau douce et le potager, au nord, des étoiles se reflétaient sur une eau troublée par trois ou quatre dauphins, à l'ouest, son chef d'œuvre par lequel elle avait commencé et au sud deux bouleaux encadraient la porte. Selon la lumière, chaque face changeait et livrait d'autres détails. Lorsque Ktor vit l'oeuvre de sa fille, pour la première fois on vit de la pluie sur ses cils. Le village ne cessait de louer la jeune fille et chacun voulait une maison pareille en tout point à celle qu'il voyait. Naeth souriait, elle s'était trouvée. Bientôt le village ressembla à une constellation, au scintillement du soleil sur l'océan. Le vieil homme dit tranquillement avant de s’en aller: Au bord de la mer, les vagues, éternellement, embrassent le rocher pour mieux s'en détacher.
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CRÉDITS Directrice de publication Magie Faure-‐Vidot ÉDITEURS Magie Faure-‐Vidot Catherine Panot COMITÉ DE LECTURE Magie Faure-‐Vidot Karoly Sandor Pallai Claude Collin Andréa Mounac Catherine Panot Miera Savy MISE EN PAGE Catherine Panot La 16 ème édition portera sur le thème:
Fidélité/Fidelity Poèmes, contes et nouvelles en français, créole ou anglais. Les auteurs ne sont pas rémunérés.
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