akm-autopoiese

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Angèle KremerMarietti Réflexions sur l’autopoièse Du grec auto, soi-même, et poièsis, production, création, l’autopoièse est la propriété d'un système de se produire lui-même, en permanence et en interaction avec son environnement, et ainsi de maintenir sa structure malgré le changement de composants. Le terme et le concept d’autopoièse ont été inventés par Humberto Maturana 1 et Francisco Varela (1948-2001) 2 , dans l'article « Autopoietic Systems », qui parut dans la revue Biosystems, participation qu’ils présentèrent dans un séminaire de recherche de l'Université de Santiago en1972 3 . Le concept d’autopoièse vise à définir l'être vivant, et il a déjà rencontré un succès théorique dans les domaines de l'intelligence artificielle, des neurosciences, et de la sociologie. Elève de Maturana, Varela fit des études brillantes à Santiago du Chili puis à Harvard, et, rentré dans sa patrie, le Chili, il a travaillé cette fois, non plus comme étudiant mais en collaboration avec Maturana. A la recherche du réel fonctionnement de l’esprit, le neurobiologiste Francesco Varela a tenté de déceler le comportement de l’unité élémentaire de perception. Durant l’été 93, des collaborateurs 4 du magazine Actuel l’ont rencontré dans un laboratoire de la Pitié- Salpêtrière à Paris ; ils ont assisté à une séance avec un sujet 5 dont les moindres réactions du cerveau étaient enregistrées sur un vaste écran 3D. Cherchant à déceler précisément l’inscription corporelle de l’activité mentale, Varela voulait connaître le lien existant entre l’esprit étudié par la science et l’esprit de l’expérience vécue : autrement dit, il voulait connaître « l’esprit incorporé », selon 1 De Humberto Maturana, voir « La biologie du changement », in Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux n° 9 et 11. Voir également: « The Neurophysiology of Cognition », in P. Garvin, (éd.), Cognition: A Multiple View, New York, 1969, Spartan Books; “Biology of Language: The Epistemology of Reality”, in G.A. Miller et E. Lenneberg (éd.), Psychology and Biology of Language and Thought, New York, 1977, Academic Press, p. 27-64 2 Œuvres de Francisco Varela traduites en français : Autonomie et connaissance. Essai sur le vivant (1979), traduction en 1989 aux Editions du Seuil ; de même, L’inscription corporelle de l’esprit (1991), traduction en 1993 dans la même collection. 3 F. Varela, H. Maturana, et R. Uribe (1974), “Autopoiesis: The Organization of Living Systems, Its Characterization and a Model”, Biosystems, vol. 5, p. 187. Cf. H. Maturana et F. Varela (1980), Autopoiesis and Cognition: The Realization of the Living (Appendice: “The Nervous System”), Boston, D. Reidel. 4 Frédéric Joignot et Ariel Kyrou. 5 Muni d’un appareil à imagerie cérébrale : un magnéto-encéphalographe, couplé à un système de résonance magnétique nucléaire.

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  • Angle Kremer-Marietti

    Rflexions sur lautopoise

    Du grec auto, soi-mme, et poisis, production, cration, lautopoise est la proprit d'un systme de se produire lui-mme, en permanence et en interaction avec son environnement, et ainsi de maintenir sa structure malgr le changement de composants. Le terme et le concept dautopoise ont t invents par Humberto Maturana1 et Francisco Varela (1948-2001)2, dans l'article Autopoietic Systems , qui parut dans la revue Biosystems, participation quils prsentrent dans un sminaire de recherche de l'Universit de Santiago en19723. Le concept dautopoise vise dfinir l'tre vivant, et il a dj rencontr un succs thorique dans les domaines de l'intelligence artificielle, des neurosciences, et de la sociologie. Elve de Maturana, Varela fit des tudes brillantes Santiago du Chili puis Harvard, et, rentr dans sa patrie, le Chili, il a travaill cette fois, non plus comme tudiant mais en collaboration avec Maturana. A la recherche du rel fonctionnement de lesprit, le neurobiologiste Francesco Varela a tent de dceler le comportement de lunit lmentaire de perception. Durant lt 93, des collaborateurs4 du magazine Actuel lont rencontr dans un laboratoire de la Piti-Salptrire Paris ; ils ont assist une sance avec un sujet5 dont les moindres ractions du cerveau taient enregistres sur un vaste cran 3D. Cherchant dceler prcisment linscription corporelle de lactivit mentale, Varela voulait connatre le lien existant entre lesprit tudi par la science et lesprit de lexprience vcue : autrement dit, il voulait connatre lesprit incorpor , selon

    1 De Humberto Maturana, voir La biologie du changement , in Cahiers critiques de thrapie familiale et de pratiques de rseaux n 9 et 11. Voir galement: The Neurophysiology of Cognition , in P. Garvin, (d.), Cognition: A Multiple View, New York, 1969, Spartan Books; Biology of Language: The Epistemology of Reality, in G.A. Miller et E. Lenneberg (d.), Psychology and Biology of Language and Thought, New York, 1977, Academic Press, p. 27-64 2 uvres de Francisco Varela traduites en franais : Autonomie et connaissance. Essai sur le vivant (1979), traduction en 1989 aux Editions du Seuil ; de mme, Linscription corporelle de lesprit (1991), traduction en 1993 dans la mme collection. 3 F. Varela, H. Maturana, et R. Uribe (1974), Autopoiesis: The Organization of Living Systems, Its Characterization and a Model, Biosystems, vol. 5, p. 187. Cf. H. Maturana et F. Varela (1980), Autopoiesis and Cognition: The Realization of the Living (Appendice: The Nervous System), Boston, D. Reidel. 4 Frdric Joignot et Ariel Kyrou. 5 Muni dun appareil imagerie crbrale : un magnto-encphalographe, coupl un systme de rsonance magntique nuclaire.

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    le titre dune publication6 laquelle il a particip. En rompant avec linterprtation de lesprit sur le modle dun ordinateur avec input, lenvironnement, et output, les reprsentations, Varela cherchait dsormais tablir la neurobiologie de la constitution dune exprience intrieure, partir de lobservation exprimentale directe de la vie cellulaire.

    1. Neurobiologie dune exprience intrieure A travers la cohrence interne qui dfinit la vie de la cellule, on constate quelle apprhende le rel en crant ses propres formes par une sorte dauto-distinction de larrire-plan. Cest prcisment ce que Varela dnomme lautopoise ; celle-ci sinscrit en biologie thorique avec des travaux en immunologie. Complte par des concepts tels que le " couplage structurel " et la " clture oprationnelle ", la thorie de lautopoise aide la comprhension de lvolution dun organisme avec son milieu sans ncessiter le recours aux relations sujet/objet, intrieur/extrieur, ni mme la slection naturelle. Cette thorie se dveloppera sous le nom dnaction7, cest--dire l'tude de la manire dont le sujet percevant parvient guider ses actions dans sa situation locale 8. Cette thorie rejoint la position de Maurice Merleau-Ponty sur la corporit de la conscience et le cogito corporel9. On parle actuellement du paradigme de lnaction qui assimile lart dagir lart dapprendre et inversement. Ds les premires pages de son livre Autonomie et connaissance, Varela attire lattention sur le concept dautonomie, quil formule partir de deux autres concepts naturels vidents, celui de lactivit des organismes naturels, et celui de la connaissance ou plus prcisment celui des capacits cognitives informationnelles de ces mmes organismes. Deux concepts ou deux thmes indissolublement lis comme le sont lintrieur et lextrieur dune surface entoure de la mme ligne ferme10. Des mcanismes sous-jacents dotent les systmes naturels dautonomie. Et il est remarquable quun type dinteractions circulaires existe partout dans le monde naturel et que ces interactions rglent un soi . On peut se demander quel est le soi ainsi rgl. La rponse cette question Varela la traite en dcrivant les processus rcursifs et autorfrentiels, qui constituent les mcanismes fondamentaux de lautonomie naturelle. Dune manire gnrale, qui dit interaction implique ncessairement activit cognitive . Et, relativement lidentit dun systme, la spcifier, cest bien, pour ce systme, avoir des activits informationnelles. Et, ce propos, Varela renvoie ltude Biologie et connaissance (1969) de Piaget dont la synthse des recherches sur la gense de lintelligence sensori-motrice chez le bb dcouvrait une continuit entre la ralit biologique et la ralit cognitive, la dernire ayant ses racines dans la premire. Et Varela revient, au cours de cet ouvrage, sur la perspective piagtienne pour expliciter en quoi le cadre danalyse que sest donn Piaget peut tre reformul pour y voir lmergence dinvariants dobjets conus comme des

    6 Francisco J. Varela, Evan Thompson, Eleanor Rosch, The Embodied Mind, MIT Press, 13 nov.1992. 7Maturana H. &F. Varela,Antopoiesis and Cognition: The Realization of living, 1980. Weick, K. E.: The social Psychology of Organizing, 1979. 8 Cf. Linscription corporelle de lesprit, Paris, Seuil, 1999, p. 235. 9 Cf. Maurice Merleau-Ponty, Psychologie de la perception, Tel Galliimard, 1945. 10 Cf. F. Varela, Principles of Biological Autonomy, New York, 1979, North Holland, chap. VII.

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    marques de comportements cognitifs11. Pour Varela, la perspective piagtienne est reformulable en termes de systme autonome et de plasticit structurelle. Les trois concepts fondamentaux du raisonnement de Piaget, voqus par Varela, sont en fait trois aspects de la notion dintelligence ; ce sont la structure, lassimilation et laccommodation. Do lide piagtienne que ladaptation est un quilibre entre lassimilation et laccommodation que subit la structure 12. La cohrence sous-jacente prsuppose nest autre pour Varela que lorganisation, aspect invariant des changements structurels. Dailleurs, pour Piaget, explicitement lorganisation est insparable de ladaptation, deux processus complmentaires dans un mme mcanisme : cest ce que Piaget dveloppe dans ses travaux de 1937 et de 1973 sur les enfants13. Dans Biologie et connaissance, Piaget montre que les structures cognitives et lassimilation sont fonctionnellement isomorphes aux phnomnes biologiques. En procdant une dmarche inverse, Varela est parti des organisations vivantes les plus simples pour aller vers les systmes cognitifs les plus complexes. Cest pourquoi lautonomie est traite par Varela par ltude du concept dinformation, compte tenu, non pas de son contenu, mais de sa constitution : ce qui nous conduit prendre conscience des prsuppositions philosophiques qui conditionnent notre mise en relation avec les tres sensibles. Or, quelle dfinition Varela donne-t-il des tres sensibles ? Il est intressant de le dcouvrir : Les tres sensibles dsignent ici ceux auxquels il nous faut reconnatre une certaine dimension informationnelle, un esprit en quelque sorte, si rudimentaire et opaque quil soit. Je ne parle pas seulement des tres vivants, mais de tous les agrgats, comme les niches cologiques, les systmes de gestion, les conversations, les socits animales, qui se prsentent partout o merge le sentiment dun tre distinct, se dtachant dun certain fond, et dot des capacits cognitives avec lui. 14 Contre leffet du dveloppement de linformatique, qui a pu occulter dautres modes de description et de comprhension, Varela apporte une vision fonde naturellement et elle englobe de multiples situations. Au-del du schma simplificateur dune information comme tant la reprsentation dune correspondance entre les lments symboliques dune structure avec les lments symboliques dune autre structure, il est possible de concevoir ltude des systmes naturels et sociaux partir de certaines rgularits, dites symboliques , de leur systme dautonomie. Varela le prcise : quil sagisse dune cellule, du cerveau ou dune conversation, dsormais toute information est ce qui renvoie au maintien de lidentit du systme dans lenvironnement duquel nexiste aucune diffrence entre des entits informationnelles et des entits non informationnelles. Le paradigme de lordinateur doit donc tre considr, non pas comme inutile, mais comme limit, car le concept de complmentarit ou dinteraction ny est gure possible, alors que la pense de la complmentarit permet lobservateur dlever son niveau dans la comprhension des systmes naturels. Par consquent, ce que cet observateur apprend reconnatre, cest la forme particulire de processus que constitue lautonomie dun systme naturel.

    11 Autonomie et connaissance, p. 167. 12 Ibid. 13 The Construction of Reality in the Child (1937) et The Origins of Intelligence in Children (1963). 14 Autonomie et connaissance, p. 9.

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    Quand elle se referme, la chane des oprations du processus voqu produit ce que Varela appelle une clture oprationnelle dont les rsultats sont au mme niveau que les agents de la production, supprimant les distinctions habituelles de producteur et de produit ou dentre et de sortie. Varela fait donc apparatre une histoire naturelle de la circularit quil gnralise et applique lexprience humaine tout entire. Les changements structuraux continuels, qui constituent le systme nerveux, ont lieu dans les ramifications finales et dans les synapses. A la suite de changements molculaires, les interactions synaptiques peuvent subir des changements radicaux du point de vue de leur efficacit. Tout comportement est la contrepartie externe de la danse des relations interne lorganisme. Pour Varela, il existe donc ce quil appelle un couplage structurel de lorganisme son milieu dinteractions : tant donn que le concept de couplage structurel se substitue aux notions dentre et de sortie relatives aux systmes htronomes. Ds lors, ltre humain est enferm dans un systme cognitif dont il ne peut schapper. Et si on ne peut dire o commencent la perception ni la description, cest parce qu travers la circularit participation et interprtation, sujet et objet sont insparablement mls 15, tant donn lorganisation et la structure des tres vivants.

    2. Organisation et structure des tres vivants Les units vivantes sont donc des units autonomes capables daffirmer leur identit. Comme lexprime Varela : Lensemble des relations qui dfinissent une machine comme une unit constitue son organisation. Lensemble des relations effectives entre les composants prsents sur une machine concrte dans un espace donn constitue sa structure. 16 Malgr la rfrence la machine, la position de Varela se situe autant au-del du mcanicisme que du vitalisme, Varela dfinit les systmes vivants comme des machines autopoitiques physiques, qui rpondent au modle dun systme organis comme un rseau de processus de composants qui (a) rgnrent continuellement par leurs transformations et leurs interactions le rseau qui les a produits, et qui (b) constituent le systme en tant quunit concrte dans lespace o il existe, en spcifiant le domaine topologique o il se ralise comme rseau 17. Etant un systme autonome, le systme vivant nest pas dit par Varela inform de lextrieur, mme si lextrieur le soumet des contraintes, mais celles-ci ne fonctionnent pas comme des commandes. Ainsi, le systme vivant sautorgule sur la base de ses propres caractristiques : quelles soient neuro-physiologiques, psychologiques, et/ou sociologiques. Le couplage dunits autopoitiques, qui se ralise en fonction de lorganisation des systmes autopoitiques, engendre un systme autopoitique dans la mesure o sa ralisation dpend de lautopoise des units qui lintgrent 18. Au milieu de la diversit des tres vivants, lunit est la seule condition ncessaire lexistence dun domaine donn, quel quil soit 19. Les units peuvent tre des individus, des familles, des conomies, des cosystmes, des nations, des clubs. Dans tous les cas, un systme est oprationnellement clos 15 Op. cit. p. 29. 16 Op.cit. p. 41. 17 Op. cit. p. 45. 18 Op. cit. p. 82. 19 Op. cit. p. 61.

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    quand son organisation se caractrise, tout dabord, par une dpendance rcursive des uns et des autres pour la gnration et la ralisation des processus, et aussi surtout par le fait de la constitution dun systme reconnaissable comme une unit dans le domaine o existent les processus20. Mais la clture oprationnelle ne doit pas se confondre avec la stabilit dun systme dynamique. Cest ce que Varela dmontre partir de lanalyse de lorgane cognitif au niveau molculaire, propos du rseau immunitaire. Quant au systme nerveux, Varela affirme galement sa clture oprationnelle ; ce qui fait que les capacits cognitives dun organisme sont lies sa dynamique sensori-motrice. Le systme nerveux, qui fonctionne comme un systme autonome, est coupl lorganisme autant par son domaine dinteraction que par son domaine de transformations. Les tats possibles du systme nerveux sont fonction de lhistoire des interactions, aussi y a-t-il couplage structurel de deux phnomnologies, celle du systme nerveux et de lorganisme et celle de lenvironnement. Donc les deux systmes des tats possibles du systme nerveux et des tats possibles de lenvironnement sont dits commensurables. La consquence de ces changes possibles est bien quil faut distinguer deux domaines souvent confondus, le domaine de lobservateur et le domaine dopration du systme nerveux. Il rsulte de ce qui prcde quil faut rtudier la question de la perception sensori-motrice. Les donnes sensorielles nous induisent en erreur, elles nous portent croire que des informations nous sont fournies par le monde extrieur et que celles-ci sont traites dans le cerveau. Pour Varela, il ny a pas que des entres dans la perception sensorielle, car laction y participe. Ainsi que lcrit Varela, percevoir quivaut construire des invariants par un couplage sensori-moteur 21 : ainsi, du bruit de lenvironnement, le cerveau fait un objet. Ce qui veut dire que perception et action interviennent simultanment et, ds le principe, il y a interdpendance et correspondance de la perception et de laction. Lexemple du comportement locomoteur peut montrer, quand il relve de cette analyse, quil se produit par une boucle sensori-motrice ; ainsi la locomotion merge de la coordination de processus la composant, sans quil ny ait opposition entre le rle de loscillateur central et celui de laffrence sensorielle22. Quant la logique du vivant, Varela fait remarquer que la pratique actuelle des sciences use des deux types dexplication, lexplication oprationnelle et lexplication symbolique. Les deux types dexplication appartiennent au discours des communauts scientifiques. Et leur double perspective augmente la puissance explicative. La question se pose de savoir quand utiliser lexplication symbolique et surtout quelle doit tre lexplication symbolique acceptable daprs Varela. Il y faut, certes, lintriorit de la clture oprationnelle du systme, car elle dtermine certaines rgularits relativement certaines interactions ou perturbations internes. De plus, seuls peuvent bnficier dune description symbolique les processus prsentant un intrt ontogntique ou phylogntique ; et les rgularits conserves sont alors celles dont les symboles sont composables la faon dun langage 23. Conclusion : De lauto-organisation lautorfrence

    20 Op. cit. p. 86. 21 Op. cit. p. 154. 22 Op. cit. p. 156. 23 Op. cit. p. 185.

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    Lauto-organisation prsuppose la distinction entre une unit et son fond. Quant lautonomie, elle est lie une attitude dfinissant un systme par sa cohrence interne. Lauto-organisation concerne le comportement quelle dcrit. Le couplage peut ntre pas toujours par clture mais par input24. Dans le cas du couplage par input, le systme nerveux est dfini par des inputs refltant certaines donnes de lenvironnement, cest--dire des caractristiques25 ou des qualits de cet environnement, qui sont le contenu informatif de lenvironnement produisant une reprsentation oprationnelle de cet environnement. A loppos, le couplage par clture dfinit le systme nerveux par ses modes de cohrence interne provenant de son interconnectivit26. Cest le premier point de vue qui domine gnralement, tandis que le second point de vue, propos par Varela, prsente lavantage dune alternative plus simple ou plus naturelle, puisque le systme y acquiert sa cohrence interne par des interconnexions de rgions rgions. Varela dmontre cette cohrence partir de lexemple de lexprience visuelle, qui dtermine ce que je vois en tant que ma vision est le mcanisme propre une cohrence module par des surfaces de couplage 27. Autorfrence (action agissant sur elle-mme) et circularit, lies la clture , ouvrent sur des comportements qui clairent lhistoire du couplage structurel dun systme. Cest la thorie de Bateson (1959)28 sur le double bind que Varela rattache le phnomne dautorfrence, en ce sens quil peut exister un ensemble de n comportements comme un arbre infini doprations, dont le comportement propre correspondant est vcu comme un nouvel tat indsirable 29. Do, la possibilit daborder un systme de comportements dcrits par Laing (1969) : Jacques souffre de penser que Jacqueline pense quil la fait souffrir en souffrant (lui) de penser quelle pense quil la fait souffrir en la culpabilisant de le faire souffrir en pensant (elle) quil la fait souffrir en souffrant (lui) de penser quelle pense quil la fait souffrir du fait que Jacques souffre de penser 30

    24 Op. cit. p. 193. 25 Op. cit. p. 201. 26 Op. cit. p. 199. 27 Op. cit. p. 200. 28 Bateson G. (1959), Minimal Requirements for a Theory of Schizophrenia , in Bateson (1972), Steps to an Ecology of Mind, New York, Ballantine. 29 Autonomie et connaissance, p. 231. 30 Op.cit. p.232.