alambic social n7

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  • 8/18/2019 Alambic Social N7

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    L’appréciationde la faute grave

    En matière de licenciement disciplinaire, la faute grave invo-quée par l’employeur à l’appui d’une mesure de licenciementse distingue tout à la fois:

    de la faute « légère » qui ne saurait constituer une causeréelle et s érieuse de licenciement, au sens de l ’article L 122-14-4 du Code du travail ;de la faute suffisamment « sérieuse » pour justifier le licen-ciement du salari é ;de la faute « lourde », faute d ’une exceptionnelle gravit é quidoit faire appara î tre l ’intention du salari é qui l ’a commise denuire à l’employeur ou à l’entreprise.

    ➤ LIRE PAGE 2

    L’ Alambic socias o m m a i r e

    N U M É R O 7

    2 E S E M E S T R E2 0 0 2

    relations individuelles

    L’appréciation de la faute grave . . . . . . . . . . . . P . 1

    De la forme au fond, les sanctions des

    irrégularit és de proc édure de licenciement . . . . . . P . 4

    Le transfert des contrats de travail lors de la

    reprise d ’une activit é privée par un service public :

    une protection relative des salari és . . . . . . . . . . . . P . 6

    Cour d’appel de Riom • 2 juillet 2002

    Heures suppl émentaires et

    perte de chance / contrepoint. . . . . . . . . . . . . . . . P . 9

    Les exceptions au travail effectif. . . . . . . . . . . . P . 10

    Cour d ’ appel de Riom • 12 mars & 25 juin 2002

    relations collectives

    L’accord 35 heures Michelin :

    modulation et forfaits-jours des cadres . . . . . . . . P . 12

    Cour d ’ appel de Riom • 7 juillet 2002

    Procédure

    Chronique de proc édure . . . . . . . . . . . . . . . . . P . 14

    Bulletin d ’abonnement en page 11

    REVUE DE JURISPRUDENCE SOCIALE DE LA COUR DE RIOM,ÉDITÉE PAR L’ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU DE CLERMONT-FERRAND,

    EN PARTENARIAT AVEC LA FACULTÉ DE DROIT, LA COUR D’APPEL, LA CONFÉRENCE RÉGIONALE DES BARREAUX D’AUVERGNE ET LE CENTRE RÉGIONAL DE FORMATION DES AVOCATS

    Le n°6 de L’Alambic social rendait compte de la jurispru-dence de Riom concernant les dommages et int érêts pourperte de chance de prouver les heures supplémentaires. La chambre sociale de la Cour de cassation, revenant sur sa juris-prudence ant érieure, a rendu un arrêt de principe sur ce sujet,ce qui nous amèneà faire le point sur l’état du droit en la matière.Par ailleurs, Michel Morand nous livre son analyse d’un impor-tant arrêt de Riom sur le recours formé contre l’accord35 heures Michelin, sous l’angle de la modulation et du forfait-jour des cadres.Cette analyse pose le problème de l’indivisibilit é des accordscollectifs mais aussi, implicitement, du rôle du juge en présenced’un accord adopt é par voie réf érendaire. Nous poursuivronsle débat sur ce sujet dans le n° 8. Vous trouverez aussi, commeà l’accoutumée, un large pano-rama de jurisprudence.Enfin, la chronique de procédure réalisée par Bernard Trunodémontre une fois de plus la technicit é du droit social et la néces-sit é de s’entourer d’avocats spécialisés en la matière, quel quesoit le côt é de la barre où l’on se situe.Merci au bâ tonnier Olivier François,à la t ête de l’Ordre depuisle 1er janvier, qui nous a donné les moyens de poursuivre notrepublication, ainsi qu’à Madame le bâ tonnier Gloria Szpiega, pré-sidente régionale du Centre de formation professionnelle desavocats, partenaire essentiel de L’ Alambic social.

    Jean-Louis Borie Ancien b â tonnier

    Directeur de publication

    É D I T O R I A L

  • 8/18/2019 Alambic Social N7

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    ObservationsL’intérêt d’une telle distinction r éside dansles conséquences, pour les parties au contratde travail résilié par l’employeur, du com-portement fautif dont le salari é a fait preuve.En effet, s ’il appara î t qu ’un salarié a étélicencié sans cause r éelle et sérieuse, il adroit, en plus des indemnit és légales ouconventionnelles de rupture, à des dom-mages et int érêts (articles L 122-14-4 et L122-14-5 du Code du travail ) ; si le salarié aété licencié pour un motif r éel et sérieux, ila droit aux indemnit és de rupture et éven-tuellement à une indemnit é compensatricede cong és payés ; s’il est licencié en raison

    d’une faute grave qu

    ’il a commise, il perd lebénéfice des indemnit és de rupture (articles

    L 122-8 et L 122-9 du Code du travail ) maisil conserve le droit à l’indemnité compensa-trice de cong és payés. Si enfin une fautelourde est retenue à son encontre, le salari éperd l’intégralité des indemnit és ci-dessusénumérées.Aucune définition de la faute grave n ’a étédonn ée par les dispositions légales, mais ilrésulte d ’une jurisprudence bien établie dela Cour de cassation – qui, en la mati ère,contrôle la qualification retenue par les juges

    du fond – que constitue une faute gravecelle qui rend impossible le maintien desrelations de travail, m ême pendant la dur éelimitée du pr éavis.La Cour de cassation s ’est attach ée à don-ner de la faute grave une d éfinition pluscomplète, d éfinition qu’elle rappelle parfoisau fil de ses arr êts: « La faute grave visée par les articles L 122-6 et L 122-8 du Code dutravail r é sulte d ’ un fait ou d ’ un ensemble defaits imputables au salari é , ce qui constitueune violation des obligations r é sultant ducontrat de travail ou des relations de travail d ’ une importance telle qu ’ elle rend impos-

    sible le maintien du salari é dans l ’ entreprise pendant la dur ée du pr éavis » (Cass. soc.,13 juin 1991, C.S.B. 92, suppl ément aun° 42, p. 39). Cette d éfinition s’appliqueégalement à la rupture anticip ée pour fautegrave d ’un contrat de travail à durée déter-minée (Cass. soc., 21 juillet 1993, C.S.B. 93,n° 53, B 154).En outre, en cas de faute grave, l ’employeurpeut prononcer une mise à pied conserva-toire pour la dur ée nécessaire au d éroule-

    ment de la procédure. Toutefois, dans unarrêt rendu le 1 er décembre 1993 (B. c/L.), la

    Cour de cassation avait pr écisé que le« maintien du salari é dans l ’ entreprise pen-dant le temps n écessaire à l ’ accomplisse-ment de la proc édure de licenciement ne

    prive pas l ’ employeur d ’ invoquer l ’ existenced ’ une faute grave ». Mais, dans un arr êt du28 juin 1995 (Madame B. c/R.), la Cour decassation a consid éré que dans la mesure o ùla salariée avait été autorisée à reprendre sonemploi après l’entretien pr éalable, apr èsavoir été mise à pied à titre conservatoire,l’employeur se trouvait priv é du droit d ’in-voquer la faute grave.

    IL RÉSULTE DE CETTE DÉFINITION GÉNÉRALEetdes arrêts rendus par la cour d ’appel deRiom – à l’occasion des tr ès nombreux casd’espèce qui lui sont soumis et qui fontappara î tre une extr ême variété de situations– que la faute grave invoqu ée par l’em-ployeur pour justifier un licenciement disci-plinaire ou la rupture anticip ée d’un contratde travail à durée déterminée est constitu éedès lors qu’il appara î t :

    que l’employeur a consid éré comme fau-tif tel ou tel agissement ou tel comporte-ment du salari é qu ’il a licencié ;que les agissements du salari é l’ontconduit à ne pas respecter les obligationsdécoulant pour lui de son contrat de tra-vail ou encore que son comportement aperturb é les relations de travail existantdans l’entreprise;

    que la gravit é des faits allégués à l’en-contre du salari é est d ’une importancetelle que son maintien dans l ’entreprise estdevenu impossible.

    LA COUR DE RIOM a eu àrendre un certain nombred’arrêts faisant applicationde ces principes. C ’est ainsiqu’elle a retenu la qualifi-cation de faute grave dansles espèces suivantes.S’agissant d ’un salarié enétat d ’ébriété sur son lieude travail, les magistrats dela cour d ’appel de Riomont consid éré que soncomportement justifiait un licenciementpour faute grave au motif que: « Les faitsreproché s à ce salari é ne constituent pas unfait isol é , mais traduisent un comportement r é pét é voire habituel ; qu’ une telle attitude

    pouvait d ’ autant moins être tol ér ée par l ’ em- ployeur que Monsieur G. était investi defonctions d ’ autorit é aupr è s des salari é s de la

    soci ét é . » Pour retenir la faute grave, c ’est-à-dire lenon-maintien du salari é pour exécuter le pr é-avis, la Cour de Riom a retenu que « la sur-venance d ’ un tel incident ayant eu pour t émoins de nombreux salari é s rendait de

    toute évidence impossible le maintien deMonsieur G. dans l ’ entreprise durant le

    pr éavis » (C.A. Riom, 26 février 2001, S.A.P.-H. c/M.G.).Dans une autre esp èce, apr ès avoir vérifiéque l’ensemble des faits évoqués dans lalettre de licenciement étaient établis, la fautegrave était retenue en raison de l ’attitude« agressive et opposante tant à l ’é gard de

    sa hi érarchie, de ses coll è gues, que du per- sonnel de l ’ entreprise… » Pour justifier l’im-possibilité de maintenir le salari é pendant ladurée du pr éavis, les magistrats ont retenule comportement du salari é qui avait com-mis des fautes r éitérées (C.A. Riom, 292002,S.A. E. c/M. G.).La cour d’appel de Riom, dans une esp ècerendue le 23 octobre 2001 (Association.c/Madame L.), a également consid éré lelicenciement op éré à l’encontre de la salari éecomme reposant sur une faute grave suiteau refus d ’obéissance caract érisé par sonattitude à l’égard de ses coll ègues de travailau motif que « les diff érents griefs reproch é sà Madame L. sont d ’ une gravit é telle,notamment par leur r éit ération, qu ’ ils ren-daient impossible son maintien dans l ’ en-treprise pendant le pr éavis et caract érisent une faute grave ». Là encore, la r épétitiondes faits fautifs a été déterminante pour jus-tifier de l’impossibilité de maintenir le sala-rié pendant le pr éavis et permettait ainsi decaractériser la faute grave.Dans une esp èce rendue le 4 juin 2002(S.A.R.L. L. c/Monsieur T.), la Cour a consi-déré le licenciement notifié à l’encontre

    d’une salariée comme reposant sur unefaute grave en raison de la gravit é des faitsqui étaient établis et la volont é de fraudequ’ils traduisaient en l ’espèce: Monsieur T.

    manipulait incorrectementson contr ôlographe, d ébri-dait volontairement la limi-tation de vitesse au moyende la clé de contact,provoquant des pannesimportantes et on éreuses.En outre, la S.A.R.L. versaitau débat l’attestation d ’unprofessionnel qui, par desconstatations objectives,éclairait la Cour quant à lavolonté de fraude de

    Monsieur T. Ce dernier avait, en effet, enlev éle carreau du chronotachygraphe de fa çonà ce que l ’aiguille puisse être bloqu ée afind’annuler le limiteur de vitesse. Reprenant laformule classique, la Cour devait consid érerque « de par leur gravit é et la volont é defraude qu ’ ils traduisent, les faits reproch é srendaient son maintien dans l ’ entrepriseimpossible pendant la dur ée de son pr éaviset caract érisaient une faute grave ».A contrario, dans une esp èce similairerendue le 30 avril 2002 (S.A.R.L. F.c/Monsieur J.), la Cour a consid éré que lesfautes commises ne constituaient pas une

    relationsindividuelles

    jurisprudence sociale de la cour de riom • n o 7 • 2 e semestre 2002

    « Une telle attitude pouvait d ’autant moins

    ê tre tol é ré e parl’employeur queMonsieur G. é tait

    investi de fonctionsd ’autorit é aupr è s des

    salari é s de la soci é t é . »

    (suite de la première page)

    L’appr éciationde la faute grave

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    cause réelle et sérieuse ni à plus forte rai-son une faute grave; en l ’espèce, s’agissantde l’infraction à l’utilisation du chronota-chygraphe, la Cour a retenu « qu’ aucunél ément du dossier ne permettait de tenir

    pour acquis que le dysfonctionnement dece dispositif était imputable à une manipu-lation incorrecte du salari é , a fortiori frau-duleuse, plut ô t qu ’à une simple d éfaillancetechnique » ; que « le reproche du d ébri-dage volontaire du limiteur de vitesse duv éhicule n’ est corrobor é par aucun é l é-ment objectif ».Enfin, dans un arr êt rendu le 14 mai 2002(Société A. c/Madame B.), la Cour a consi-déré que l’employeur ne pouvait conserverla salariée à son service pendant la dur éenécessaire à l’exécution du pr éavis et quel’anciennet é de Madame B. (30 ans) consti-tuait une circonstance aggravante de safaute: en l ’esp èce, il était reproch é àMadame B. d ’avoir accept é un nombreexcessif de bons de r éduction en paiementde diverses marchandises alors qu ’ils nedevaient être accept és que pour des achatsprécis de produits ou de marques pour les-quels ils étaient pr évus.

    INVERSEMENT, LES MAGISTRATSde la Cour deRiom n’ont retenu ni l ’existence d ’une fautegrave, ni la cause r éelle et sérieuse du licen-ciement dans les situations suivantes.Dans un arr êt du 25 septembre 2001(Société A. c/Monsieur A.), il appara î t que lerefus d ’une mission entrant dans le cadredes activités d ’un salarié ne pouvait consti-

    tuer ni une faute grave ni une cause r éelleet s érieuse dans la mesure o ù le délai infé-rieur à une semaine laiss é à l’intéressé pourpréparer son voyage apparaissait particuli è-rement insuffisant au regard de l ’inexpé-rience totale du salari é quant à ce type dedéplacement. En outre, la soci été ne faisaitétat d ’aucune consid ération pouvant expli-quer l’affectation en urgence de Monsieur A.en Malaisie. Enfin, la cour d’appel de Rioma considéré que l’ordre de mission s ’avéraitimprécis puisque, en particulier, la dur ée dela mission n’était pas m ême définie de façoncertaine, et que les formalit és sanitaires oumédicales rendues éventuellement n éces-saires n’étaient pas non plus évoquées parl’employeur. Ainsi, la Cour en conclut, enl’absence de r éponse de la soci été aux légi-times interrogations du salari é, que la miseen œuvre immédiate d ’une mesure de licen-ciement t émoignait d ’une attitude pour lemoins inappropriée à l’égard d ’un salariéemployé depuis plus de 20 ans par l ’entre-prise et n ’ayant jamais fait l ’objet de pour-suites ou de sanctions disciplinaires. Cettedécision se justifie car l’attitude de l ’em-ployeur para î t révéler l’intention de nuire, etne pas avoir pour fondement l ’intérêt légi-time de l ’entreprise.La même solution est adopt ée dans uneautre affaire (Soci été S. c/C., 23 octobre

    2001) au motif qu ’il ne pouvait être repro-ché au salarié de ne pas avoir respect édepuis plusieurs mois ses obligationscontractuelles: en l ’espèce,ilétait reproch é à l’intéresséde ne plus poss éder dechiens pour assurer sa fonc-tion de conducteur dechiens et que, malgr é diffé-rents courriers, il n ’avait pasrégularisé sa situation. Pourconsidérer ce licenciementsans cause r éelle etsérieuse, les magistrats ontretenu que la Conventioncollective des entreprises deprévention et de S écuriténe comportait pas une obli-gation pour les salari ésconducteurs de chiens de poss éder unchien; qu ’en outre aucune des dispositionscontractuelles ne faisait cependant expres-sément obligation au salari é d’être propri é-taire d ’un chien pour assurer sa t âche.Enfin, la faute grave et la cause r éelle etsérieuse de licenciement ont été écartéesdans une esp èce rendue le 30 octobre 2001,où le salarié avait été licencié suite auxplaintes de salari és ayant eu à subir de sapart, de fa çon répétitive, des propos gros-siers (S.A. O. c/Monsieur L.)

    DE CES ARRÊTS, il ressort que la preuve de lafaute grave incombe à l’employeur (Cass.

    soc., 4 novembre 1993). La Cour de cassa-tion contr ôle l’appréciation de la faute grave

    par le juge. En revanche, elle consid ère quel’analyse de la cause r éelle et sérieuse d’unlicenciement relève du pouvoir souverain du

    juge du fond.Ces règles ont été précisées dans un arr êt derejet rendu le 17 d écembre 1992 par la Courde cassation, qui a pr écisé : « … en premier lieu, que s’ en tenant à bon droit au contenude la lettre de licenciement, la cour d ’ appel a pu d écider qu’ en raison de son caract èreunique le comportement incrimin é de la

    salari ée ne rendait pas impossible son main-tien dans l ’ entreprise pendant la dur ée du

    pr éavis ; en second lieu, qu’ appr éciant l ’ en- semble des él éments de fait soumis aud ébat, la cour d ’ appel a retenu que la fautecommise n’était pas s érieuse; qu’ en l ’état deces énonciations, elle a d écid é , dans l ’ exer-cice du pouvoir qu’ elle tient de l ’ articleL 122-14-3 du Code du travail , par une d éci-

    sion motiv ée, que le licenciement ne proc é-dait pas d ’ une cause r éelle et sérieuse »(Cass. soc., 17 d écembre 1992, C.S.B. 1993,n° 47, A.9).Ainsi, pour rejeter la qualification de fautegrave donn ée par l ’employeur à ses griefs,la cour d ’appel de Riom a retenu que lestémoignages des salari és versés aux débatsne pouvaient être consid érés comme pro-bants dans la mesure o ù les salariés étaientrevenus sur leurs d éclarations, le seul t émoi-

    gnage qui pouvait être retenu n ’étant pas,à lui seul, suffisant pour motiver un licen-ciement pour faute grave, le t émoignage ne

    comportant aucune pr éci-sion de date (C. A. Riom,30 octobre 2001, S.A.O. c/L).Les magistrats ont égale-ment rejet é la faute gravedans un arr êt en date du2 octobre 2001 (Soci été T.c/G.) au motif que, s ’agis-sant d ’un licenciement pourraison disciplinaire, il appar-tenait à l’employeur d ’ap-porter la preuve de sesgriefs et qu ’en l’espèce lesfautes incriminées n’étaientpas prouvées.

    La faute grave a également été rejetée dansun arrêt en date du 30 octobre 2001 (S.A.T. c/G.), en considérant que le d ésaccordentre Monsieur G. et son employeur étant« le seul él ément qui reste certain du motif du licenciement et qu ’ un tel fait ne justifie

    pas un licenciement », qu ’en outre, « les gros d éfauts, mauvais caract ère, capacit é professionnelle tr è s limit ée, reproch é s par l ’ employeur à Monsieur G. et soutenus par des attestations de salari é s, dont Monsieur T., n’ ont pas emp êché l ’ entreprise de leconserver à son service pendant 37 ans sansaucun reproche écrit ni aucune sanction, cequi relativise la port ée de ces griefs et ne per-met pas de leur reconna î tre un caract ère r éel et sérieux malgr é leur soulignement dans la

    lettre de licenciement ».Pour rejeter la qualification de faute gravedonn ée par l ’employeur, la Cour a retenu,dans une esp èce rendue le 19 mars 2002(La P. c/Madame M.), que Madame M. avaitété dispensée d’exécuter son pr éavis, confir-mant ainsi la jurisprudence d é jà ancienne dela Cour de cassation ( Cass. Soc., 14 janvier1992), qui consid érait:- que ne saurait se pr évaloir de l’existence

    d’une faute grave l ’employeur qui « assor-tit » d’un préavis la rupture du contrat detravail;

    - que la lettre de licenciement ne contenaitaucune pr écision de date ne permettantpas ainsi à la Cour de v érifier si les faitsreprochés à Madame M. se situaient dansle délai de 2 mois prescrit par l ’article L122-44 du Code du travail ; que de plus, lesgriefs étaient formul és en termes g énérauxet ne faisaient r éférence à aucun élémentprécis susceptible d’être vérifié.

    Dès lors, la Cour ne pouvait que conclure aulicenciement sans cause r éelle et sérieuse etce en application de la jurisprudence de laCour de cassation s ’agissant de l ’exigenced’un motif pr écis, obligation mise à la chargede l’employeur dans un arr êt du 29novembre 1989.

    Val érie Defache

    3

    relationsindividuelles

    jurisprudence sociale de la cour de riom • n o 7 • 2 e semestre 2002

    « (… ) s ’agissant d ’unlicenciement pour

    raison disciplinaire,il appartenaità l’employeur

    d ’apporter la preuvede ses griefs et qu ’en

    l’espè ce les fautesincrimin é es n ’é taient

    pas prouv é es. »

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    De la forme au fond, les sanctions desirrégularit és de proc édure de licenciement

    COUR D’APPEL DE RIOM • 12 & 26 MARS 2002

    1. Le cadre juridiqueLes garanties proc édurales et les sanctionsapplicables à un licenciement abusif ou irr é-gulier dans la forme ne sont pas les m êmesselon que l ’entreprise comprend plus oumoins de dix salariés ou que le salari é a plusou moins de deux ans d ’anciennet é. Demême, la proc édure de licenciement estdifférente si l’entreprise est dot ée ou nond’institution repr ésentative (délégué du per-sonnel, comit é d’entreprise).Lorsque l’entreprise comporte plus de dixsalariés et que le salari é dont le licenciementest envisagé a plus de deux ans d ’anciennet éet que la cause du licenciement n ’est pasréelle et sérieuse, l’indemnit é allouée ausalarié ne peut être inférieure au salaire dessix derniers mois. L’entreprise doit en outrerembourser à l’Assedic les indemnités payéesau salarié dans la limite de six mois.Si ces conditions ne sont pas r éunies, l’in-demnisation du licenciement sans cause n ’apas de minimum l égal mais dépend du pr é-

    judice subi par le salarié – pour lesquelsil doit apporter au juge les éléments de

    chiffrage.Si l’entreprise est dot ée d ’institution repr é-sentative, le salarié ne peut se faire assisterque par un salari é membre de l ’entreprise.En revanche, s ’il n’y a pas de d élégué du per-sonnel ou de comit é d’entreprise, le salari épeut se faire assister par un conseiller choisisur une liste dress ée par le pr éfet sur pro-position des organisations syndicales. Dansce cas, la convocation à l’entretien pr éalabledoit être re çue au moins cinq jours avantcelui-ci et la convocation doit mentionner

    cette facult é d’assistance ainsi que l ’adressedu lieu où est disponible cette liste.

    2. Les sanctionsSi le licenciement est d épourvu de causeréelle et sérieuse et que le salari é à plus dedeux ans d ’anciennet é dans une entreprisede plus de dix salariés, les dommages et int é-rêts alloués ne peuvent être inférieurs ausalaire des six derniers mois.Si la procédure est irr égulière et que lelicenciement repose sur une cause r éelle etsérieuse, le salarié a droit à une indemnit éévaluée en fonction du pr é judice subi et quine peut être sup érieure à un mois de salaire.La Cour de cassation a cependant jug é

    (Cass. soc ., 13 novembre 1996, Droit social 1996, p. 1096) que « lorsque la proc édureétait irr é guli ère en ce qui concerne l ’ infor-mation de la possibilit é d ’ assistance par unconseiller et que le licenciement é tait d é pourvu de cause r éelle et sérieuse, l ’ in-demnit é de l ’ article L 122-14-4 s’ appliquait et qu ’ ainsi les dommages et int ér êts alloué sne pouvaient être inf érieurs aux salaires des

    six derniers mois ». Avant cet arr êt,d’ailleurs, la chambre sociale de Riomn’adhérait pas à cette th èse.Enfin, dans un arr êt maladroit en sa r édac-tion mais juste en son principe, la chambresociale de la Cour de cassation a rappel é quel’indemnit é minimale correspondait ausalaire des six derniers mois et non, commecela était parfois soutenu dans un raccourcide langage injustifi é au regard du texte, qu ’ils’agissait de six mois de salaire. En effet, sile salarié ainsi régulièrement licencié avaitmoins de six mois d’anciennet é, le plancherd’indemnisation correspondait au montantdes salaires brut per çus avant le licenciement(Cassation sociale du 18 d écembre 2000).

    À CONFONDREPLANCHER ET PLAFOND…

    Au travers de cet arr êt, la Cour de cassationrappelle que l ’article L 122-14-4 du Code dutravail renvoie « aux salaires des six derniersmois » et en d éduit que « l ’ indemnit é ne

    peut, d è s lors, être sup érieure aux salairescorrespondants à la dur ée effective du tra-vail ».Si l’intention de la chambre sociale est clairepar son renvoi express aux dispositions de

    l’article L 122-14-4, la r édaction en estcependant ambigu ë puisqu’à l’évidence ilmanque un mot dans cet arr êt : le mot mini-mal. En effet, c’est l ’indemnit é minimalequi ne peut être sup érieure aux salaires cor-respondants à la durée effective du travail,mais il résulte d ’une jurisprudence constanteet non d émentie qu ’il ne s’agit que d ’unminimum, le juge restant souverain dansl’appr éciation du pr é judice effectivementsubi par le salarié et pouvant lui accorderune indemnit é supérieure aux salaires des sixderniers mois.De nombreux commentateurs mal inspir ésont pris à la lettre cet arr êt pour transformerun plancher en plafond allant ainsi à l’en-contre de toute la jurisprudence et de lalettre m ême du texte. À confondre plancher

    et plafond, on risque rapidement de perdrele sens de la verticalité…Au travers de nombreux arr êts, la Cour deRiom nous permet de garder l ’équilibre.En effet, à plusieurs reprises, la Cour reprendla thèse ci-dessus développée et consid èreque l’indemnité ne peut être inférieure auxsalaires perçus pendant les six derniers moismais conserve sa libert é d’appréciation del’étendue du pr é judice – allant ainsi éven-tuellement au-del à de cette somme.Cette sanction cumulative de l ’irrégularité deprocédure et de l ’absence de cause s ’ap-plique à toutes les formalit és substantielles,et notamment à l’indication de l’adresse dulieu où le salarié peut se procurer la liste.Ainsi il a été retenu que l ’indication « enmairie de votre domicile » est insuffisantedès lors que l’adresse de l ’édifice municipaln’est pas pr écisée. Il en est de m ême del’adresse de l ’Inspection du travail.

    ILLUSTRATIONS

    Plusieurs arrêts récents de la Cour rappellentces principes.

    12 mars 2002Une salariée a été licenciée sans respect dela procédure de licenciement et sans énon-ciation des motifs. L’absence de cause r éelleet s érieuse est donc évidente puisqu ’aucungrief n’est articulé dans la lettre de licencie-ment. La Cour rappelle en cons équence quel’indemnit é minimale correspond aux salairesperçus pendant la dur ée effective du travailau cours des six derniers mois. Elle rappellesurtout que cette indemnit é constitue n éan-moins un minimum susceptible de majora-

    tion en fonction du pr é judice.Dans un autre arr êt rendu le m ême jour, laCour rappelle que le d éfaut d ’indication del’adresse des services o ù la liste est tenue àla disposition des salariés affecte la r égula-rité de la proc édure et compromet n éces-sairement la d éfense des droits du salari é.Elle fixe donc une indemnité en fonction dupré judice subi et ordonne le rembourse-ment des indemnit és de ch ômage dans lalimite de six mois.Dans une troisième esp èce, la Cour retientl’existence d ’une cause r éelle et sérieuse etalloue au salarié une indemnit é pour non-respect de la proc édure correspondant à unmois de salaire, en raison du d éfaut d ’indi-cation dans la convocation à l’entretienpréalable de l ’adresse de l ’Inspection du

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    travail ou de la mairie concern ée. La Courrappelle d ’ailleurs utilement que, dans cecadre, l’indemnité pour non-respect de laprocédure ne peut être cumul ée avec l’in-demnité pour licenciement sans cause, cequi n’est pas le cas lorsque l ’on se situe uni-quement dans le cadre des dispositions del’article L 122-14-5.Dans une quatri ème esp èce, il s’agissait dela requalification d ’un contrat à durée déter-minée en contrat à durée indéterminée et laCour a, en cons équence, constat é qu’au-cune proc édure de licenciement n ’avait étéengag ée et qu ’ainsi, à défaut d ’énonciationde motif et de mention de la possibilit é dese faire assister par un conseiller du salari é,le conseil de prud ’hommes ne pouvait pasne pas allouer à la salariée une indemnit é aumoins égale au salaire d ’activité.

    Commentaires

    Les décisions ici évoquées comportent unecohérence parfaitement justifi ée.D’abord, la chambre sociale de Riom met ànéant les tentatives de ceux qui voudraienttransformer un plancher en plafond …Ensuite, la Cour sanctionne de mani ère trèsstricte les irrégularités de proc édure. Onpourrait objecter que l ’absence d ’une men-tion dans une convocation à entretien pr éa-lable, surtout lorsqu ’il s’agit de la mention del’adresse du lieu o ù la liste des conseillerspeut être obtenue, ne constitue qu ’une irré-

    gularité mineure qui n ’est pas de nature àgénérer un pr é judice important. Cependantlorsque cette irr égularité de forme se doubled’une absence de cause, il est logique quedes sanctions plus importantes soient pro-noncées. En effet, les r ègles de forme nesont pas des survivances d ’un formalismepasséiste mais surtout des garanties du res-pect des droits du salari é. Le législateur asouhaité que ces droits soient – au moins ence qui concerne l ’assistance à l’entretienpréalable – plus importants, justement pour

    permettre un v éritable débat et une v éritabledéfense dans les petites entreprises ou dansles entreprises o ù il n’existe aucun salari éprotégé susceptible d ’assister le licenciépotentiel et ainsi, peut- être, d ’éviter la rup-ture.La procédure n ’est pas un exercice de styledestiné à compliquer les choses et à parse-mer d ’embûches injustifiées le licenciement;elle est là pour garantir les droits de celui qui,dans la relation de travail, se situe par d éfi-nition en position d ’infériorité. Il est donclogique que le non-respect de celle-cientra î ne, lorsque le licenciement n ’a pas decause, des sanctions importantes. La coh é-rence de la jurisprudence de Riom va dansce sens.

    Jean-Louis Borie

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    relationsindividuelles

    jurisprudence sociale de la cour de riom • n o 7 • 2 e semestre 2002

    Texte de r éf érence Article L 122-14 du Code du travail

    L’ employeur, ou son repr é sentant, qui envisage de licencier un salari é doit, avant toute d é cision, convoquer l ’ int é ress é par lettre recommand é e ou par lettre remiseen main propre contre d é charge en lui indiquant l ’ objet de la convocation. Enl ’ absence d ’ institutions repr é sentatives du personnel dans l ’ entreprise, le salari é ala facult é de se faire assister par un conseiller de son choix et l ’ entretien pr éalablene peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables apr è s la pr é sentation au salari éde la lettre recommand é e de convocation ou sa remise en main propre. Au cours

    de l ’ entretien, l

    ’ employeur est tenu d

    ’ indiquer le ou les motifs de la d

    écisionenvisag ée et de recueillir les explications du salari é .

    Lors de cette audition, le salari é peut se faire assister par une personne de sonchoix appartenant au personnel de l ’ entreprise. Lorsqu ’ il n’ y a pas d ’ institutionsrepr é sentatives du personnel dans l ’ entreprise, le salari é peut se faire assister par un conseiller de son choix, inscrit sur une liste dress ée par le repr é sentant de l ’É tat dans le d é partement apr è s consultation des organisations repr é sentatives vis é esà l ’ article L 136-1 dans des conditions fix é es par d é cret. Cette liste comportenotamment le nom, l ’ adresse, la profession ainsi que l ’ appartenance syndicaleé ventuelle des conseillers. Elle ne peut comporter de conseillers prud ’ hommes enactivit é . Mention doit ê tre faite de cette facult é dans la lettre de convocation

    pr évue au premier alin é a du pr é sent article, qui, en outre, pr é cise l ’ adresse des services o ù la liste des conseillers est tenue à la disposition des salari é s.Les dispositions des alin é as qui pr éc è dent ne sont pas applicables en cas delicenciement pour motif é conomique de dix salari é s et plus dans une m ê me

    p é riode de trente jours lorsqu ’ il existe un comit é d ’ entreprise ou des d é l é gu é s du personnel dans l ’ entreprise.

    Voir aussi les articles L 122-14-4 et L 122-14-5 du Code du travail

    P R I N C I P A U X A T T E N D U S

    ➤ 12 mars 2002: S.A.R.L. G.I. c/G.V. Attendu que la lettre de convocationà l’entretien préalable adressée à Monsieur M. V. n’indique pas(…) l’adresse des services où la liste est tenueà la disposition des salariés ; Attendu qu’une telle omission affecte la régularit é de la procédure, d’autant plus qu’à l’inverse dece que soutien l’employeur elle compromet nécessairement la défense des droits du salarié, ainsipriv é de la facult é de se faire utilement assister; Attendu cependant que la violation des dispositions de l’article L 122-14 alinéa 2 du Code du tra-vail , entra î ne selon l’article L 122-14-5 duCode du travail l’application des dispositions de l’ar-ticle L 122-14-4 duCode du travail, quel que soit l’effectif de l’entreprise et l’anciennet é du salarié;

    ➤ 12 mars 2002: C.G.E.A. A.G.S. c/Madame F. V.B. Attendu que Madame V.B. aét é licenciée par son employeur sans qu’ait ét é respect ée la procédurede licenciement et sansénonciation de motif; Attendu qu’en application des dispositions combinées des articles L 122-14-4 et L 122-14-5 duCodedu travail , le premier de ces textesà donc vocationà s’appliquer quand bien même la salariée n’au-rait pas deux ans d’anciennet é; Attendu que toutefois dans la mesure où la salariée était en fonction depuis moins de six mois, l’in-demnit é pré vue par ce texte ne peutêtre constituée par les salaires des six derniers mois, mais seu-lement par ceux perçus pendant la durée effective du travail;Qu’aux termes mêmes de l’article L 122-14-4 alinéa 1 du Code du travail , cette indemnit é consti-tue néanmoins un minimum et doit toujours pouvoirêtre majorée en fonction du préjudice effecti- vement subi par le salarié.

    26 mars 2002: M.B. c/Monsieur L.B. Attendu que la lettre de convocationà l’entretien préalable adressée à Monsieur B. indique que la liste des conseillers ext érieurs pourraitêtre consult ée « dans les locaux de l’inspection du travail et à la mairie de Plaimpied »;Qu’elle ne précise pas cependant, comme l’exige expressément l’article L 122-14 alinéa 2 du Codedu travail , l’adresse de ces services; Attendu qu’à défaut, la procédure s’av ère irrégulière ;Que cette irrégularit é doit donc donner lieuà application des sanctions pré vues par l’article L 122-14-4 duCode du travail conformément aux termes de l’article L 122-14-5 duCode du travail , quandbien même le salarié aurait moins de deux ans d’anciennet é et l’entreprise moins de onze salariés ;Que Monsieur B. ne peut cependant prétendreà une indemnisation spécifiqueà raison du non res-pect de la procédure que, pour autant, que le licenciement soit pourvu d’une cause réelle et sérieuse.(En l’espèce, la Cour considère que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et alloueau salarié une indemnit é d’un mois de salaire pour non respect de la procédure.)

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    La poursuite d’une activit

    é priv

    ée par unecollectivité locale, en l’espèce une com-

    mune, fait na î tre un conflit entre deuxnotions a priori antagonistes :- d’une part, les dispositions d ’ordre public

    du second alin éa de l ’article L 122-12 duCode du travail , qui impliquent, dans uncas de ce type, le maintien des contrats detravail antérieurs et, partant, l ’applicationd’un régime de droit priv é ;

    - d’autre part, la soumission éventuelle à unstatut de droit public du personnel d ’unecommune, cause de cessation de telscontrats de travail.

    Il en résulte une incertitude sur l ’identité del’employeur et, partant, sur l ’auteur de larupture de la relation de travail. Cependant,cette difficulté est compliqu ée, en g énéral,par un probl ème de comp étence juridic-tionnelle: savoir qui, du juge judiciaire ou du

    juge administratif, doit conna î tre du litige.

    EN L’ESPÈCE, LA COMMUNE DEBRIOUDE étaitpropriétaire de deux salles de cin éma dontelle concédait l’exploitation à des personnesprivées. Le dernier exploitant ayant cess é sonactivité le 30 juin 1998, l ’association Cinéma

    Le Paris, ayant son siège social en mairie deBrioude, s’est vu confier à son tour par lacommune l ’exploitation du fonds avecreprise de deux contrats travail. Elle a éga-lement embauch é deux nouvelles salariées.Par délibérations des 12 juillet et 16 novem-bre 1999, le conseil municipal de Brioude adécidé de céder le fonds de commerce auprofit d’une E.U.R.L. Cinéma le Paris encours de formation et a r ésilié la conventiondu 7 juillet 1998 entre la Commune et l ’as-sociation, avec effet au 1 er juillet 2000.Le 6 juin 2002, le pr ésident de l ’associationa adress é aux salariés un courrier leur indi-quant que la convention pr écitée ayant étédénoncée, cette personne morale cessaitson activité d’exploitation du fonds le 30 juin2000, et que le nouvel exploitant devenaitleur employeur.Par sommations du 5 juillet 2000, les salari éset l’association ont demand é à la communede leur pr éciser la situation des contrats detravail depuis le 1 er juillet 2000.Le 16 septembre 2000, étant apparu que lesignataire de la promesse d ’achat refuseraitde signer l’acte de vente, la collectivit é terri-toriale a d écidé la création, en application des

    articles L 2221-4 et suivants du Code géné-ral des collectivit é s territoriales, d’une régie àcaractère industriel et commercial à compterdu 25 septembre 2000, afin de poursuivrel’exploitation du cin éma dans les meilleuresconditions – précisant que le personnel qui

    intervenait dans son fonctionnement seraitbien évidemment reconduit dans ses mis-sions. Par courrier du 13 octobre 2000, lemaire, constatant l ’absence des quatre sala-riés sans motif légitime ni autorisation, les amis en demeure de reprendre leur poste.Les 16 et 19 octobre 2000, ces salari és ontsaisi le conseil de prud ’hommes du Puy-en-Velay aux fins de voir condamner l ’associa-tion au paiement d ’indemnités de rupture,dommages-int érêts pour licenciement sanscause réelle et sérieuse ainsi que sur le fon-dement de l ’article 700 du NCPC , tandis quel’association a demand é l’application de l ’ar-ticle L 122-12 du Code du travail et la miseen cause de la commune de Brioude.Par quatre jugements du 20 septembre2001, le conseil de prud ’hommes du Puy-en-Velay s’est d éclaré incompétent au profit dela juridiction administrative et a renvoy é lesdemandeurs à mieux se pourvoir. Cette juri-diction a en effet consid éré que le pr ésentlitige s’inscrivait dans le cadre de la poursuitede l’activité cinéma par une r égie à caractèreindustriel et commercial d épendant de lacommune de Brioude. Ce faisant, le conseilde prud ’hommes a implicitement mais

    nécessairement estim é que l’article L 122-12, alinéa 2 du Code du travail devait rece-voir une pleine application. Par l ’effet de cetexte, les salariés conservaient leurs fonc-tions. Cependant, appartenant d ésormaisau service géré en régie par la commune deBrioude, ils se trouvaient par l à même pla-cés sous un r égime de droit public.La cour d’appel de Riom a d écidé aucontraire que c ’est à tort que les premiers

    juges ont d énié la compétence de la juridic-tion de l ’ordre judiciaire pour conna î tre duprésent litige. La Cour admet certes que l ’ar-ticle L 122-12 est applicable en l ’espècemais, à la différence du conseil de pru-d’hommes, elle consid ère que le maintiendes contrats de travail ne conf ère pas ipsofacto à l’intéressé un statut de droit public.

    L’INTÉRÊT DE L’ARRÊT DE LA COUR D’APPELdeRiom ne réside pas tant dans sa solution;celle-ci ne faisait en effet aucun doute :puisque l’activité privée se poursuivait enrégie qualifiée d’industrielle et commerciale,il s’agissait d’une op ération de transfertd’entreprises entrant dans les prescriptionsde l’article précité. Il réside dans la motiva-

    tion qui tient compte des derni ères solutions jurisprudentielles en cas de reprise d ’uneactivité privée par un service public. De nou-velles difficultés sont, toutefois, susceptiblesd’appara î tre quant à l’intégration des sala-riés au sein de la fonction publique.

    I. Solutions jurisprudentiellesen cas de reprised’une activit é priv éepar un service public

    Sous l’égide de la Cour de justice desCommunaut és europ éennes (C.J.C.E.), la

    jurisprudence interne a progressivementétendu les hypoth èses de transfert d ’entre-prise en cas de reprise d ’une activité privéepar un service public.

    A. Jurisprudence communautaireÀ l’origine, la directive europ éennen° 77/187 ne contenait pas de dispositionspécifique sur les transferts d ’activités entresecteur privé et secteur public puisqu ’elleprévoyait simplement qu ’elle serait appli-cable aux transferts d ’entreprises, d ’établis-sements ou de parties d ’établissements, unautre chef d ’entreprise, r ésultant d ’une ces-sion conventionnelle ou d ’une fusion.Interprétant cette premi ère version de ladirective, la C.J.C.E. a décidé – dans une

    affaire “Henke” de 1996 – que ne constituepas un transfert, au sens de la directive, laréorganisation de structures de l ’administra-tion publique ou le transfert d ’attributionsadministratives entre des administrationspubliques. La directive ne s ’appliquait doncpas aux transferts d ’attributions administra-tives d’une commune à un groupementintercommunal, le transfert, en l ’espèce,n’ayant port é que sur des activit és relevantde l’exercice de la puissance publique.La jurisprudence communautaire a, d ès lors,précisé les activités qui ne relèvent pas del’exercice de la puissance publique. Ainsi, sepronon çant, d ’une part, au sujet d ’un chan-gement de concessionnaire de service d ’aideà domicile de personnes d éfavorisées décidépar une commune et, d ’autre part, au sujetde la résiliation d’un contrat de surveillancede dépôt conclu entre une entreprise priv éeet l’armée (suivie d’une attribution de mar-ché à un tiers par la voie d ’un nouvel appeld’offres), la C.J.C.E. a jugé que la circons-tance dans laquelle le service ou le march éen cause a été concédé ou attribu é par unorganisme de droit public ne saurait exclurel’application de la directive 77/187 dans la

    mesure o ù ni l’activité d ’aide à domicile depersonnes d éfavorisées ni l’activité de gar-diennage ne rel èvent de l ’exercice de lapuissance publique.Comblant la lacune de 1977, la directiven° 98/50 reprend la jurisprudence de la

    relationsindividuelles

    jurisprudence sociale de la cour de riom • n o 7 • 2 e semestre 2002

    Le transfert des contrats de travaillors de la reprise d ’une activit é priv ée par un

    service public : une protection relative des salari és

    COUR D’APPEL DE RIOM • 2 JUILLET2002

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    C.J.C.E. : la présente directive est applicableaux entreprises publiques et priv ées exerçantune activité économique, qu ’elles poursui-vent ou non un but lucratif. Mais, pr écise letexte: « Une r éorganisation administratived ’ autorit é s administratives publiques ou letransfert de fonctions administratives entreautorit é s administratives publiques ne consti-tue pas un transfert au sens de la pr é sentedirective. » En d’autres termes, seule comptela nature de l ’activité : celle-ci doit être éco-nomique. La C.J.C.E. considère comme éco-nomique, pour l ’application de cettedirective, toute activit é, même s ’il n’y a paspoursuite d ’un but lucratif, d ès lors qu’ellene relève pas de l ’exercice de la puissancepublique. Peu importe donc que le transferts’opère d’une personne priv ée à une per-sonne publique.

    IL FAUDRA TOUTEFOIS ATTENDRE L’ARRÊT“MAYEUR” pour que la r ègle de transfertautomatique des contrats de travail d ’unemployeur à un autre, en cas de transfertd’entreprise, soit jug ée applicable à la reprisepar une commune d ’une activité précédem-ment exerc ée par une personne morale dedroit privé.Il était demand é à la C.J.C.E. de dire si, etdans quelles conditions, la directive de 1977s’applique à la reprise par une commune,personne morale de droit public agissantdans le cadre sp écifique du droit adminis-tratif, des activités de publicité et d ’infor-mation sur les services qu ’elle offre aupublic, exercées jusqu’alors – dans l’intéresséde cette commune – par une associationsans but lucratif, personne morale de droit

    privé. Pour la C.J.C.E., le transfert d ’une acti-vité économique d ’une personne morale dedroit privé à une personne morale de droitpublic entre en principe dans le champ d ’ap-plication de la directive 77/187 ’. Et laC.J.C.E. d’ajouter qu ’un tel transfert ne peutêtre exclu du champ de la directive en rai-son du seul fait que le cessionnaire de l ’ac-tivité est un organisme de droit public, lanotion d ’entreprise au sens de la directiveétant ind épendante du statut juridique decette entit é et de son mode de financement.La réponse de la C.J.C.E. est ainsi affirmative,pour autant que l ’entité conserve son iden-tité, précise-t-elle. Il appartient donc au jugenational de v érifier au cas par cas si l ’entitétransf érée a gard é son identit é. Sur ce point,la C.J.C.E. estime qu’il ne saurait être excluque, dans certaines circonstances des élé-ments comme l ’organisation, le fonctionne-ment, le financement, la gestion et les r èglesde droit applicables caract érisent une entit ééconomique de mani ère telle qu ’une modi-fication de ces éléments, en raison du trans-fert de cette entit é, entra î nerait unchangement de son identit é.L’interprétation donn ée par la C.J.C.E. des

    directives précitées a progressivementconduit le juge interne à étendre le champd’application de l ’article L 122-12 du Codedu travail à l’ensemble des hypoth èses dereprise d’une activité privée par un servicepublic.

    B. Jurisprudence interneL’alignement de la jurisprudence interne surcelle du juge communautaire est principale-ment l ’œuvre de la Cour de cassation maisaussi du tribunal des conflits

    EN EFFET, LE TRIBUNAL DES CONFLITSa jugéque l’article L 122-12 du Code du travail était applicable en cas de reprise par unecommune en r égie directe de l ’exploitationd’abattoirs municipaux ant érieurementafferm és à une soci été. La commune esttenue de respecter les contrats en cours alorsmême qu ’un des contrats litigieux est celuidu directeur nomm é par la société fermièreet que, s ’il résulte de la loi du 8 juillet 1985relative à la modernisation de la viande queles abattoirs d épartementaux et municipauxconstituent des services publics à caract èreindustriel et commercial, le directeur d ’un telservice doit nécessairement être titulaired’un contrat de droit public.Pour le reste, la jurisprudence de la chambresociale de la Cour de cassation permet dedistinguer trois hypoth èses de reprise d ’uneactivité privée par un service public :

    Tout d ’abord, une jurisprudence bien éta-blie de la Cour de cassation consid ère quela reprise d ’une activité par une administra-tion entra î ne l’application de l ’article L 122-12 du Code du travail si l’activité se poursuitsous la forme d ’un service public industrielet commercial.

    Ensuite, il faut envisager la reprise d ’uneactivité privée par une personne priv éegérant un service public. Le probl ème a étérésolu par la Cour de cassation, qui areconnu applicable l ’article L 122-12 du

    Code du travail à une SAFER, personne dedroit privé certes, mais investie d ’une missionde service public. La question pouvait seposer d ès lors que la chambre sociale de laCour de cassation estimait que la reprised’une activité privée par un service publicadministratif excluait l’application de cetarticle.Cependant, la chambre sociale ne s ’est pasplacée sur ce terrain, soulev é par le moyen,qui soutenait que le service public d évolu auxSAFERétait administratif et donc exclusif del’application de l ’article L 122-12. Elle s’estcontent ée d’affirmer que, d ès lors que celuiqui poursuit – en l’espèce temporairement –l’activité est une personne de droit priv é, l’ar-ticle L 122-12 s’applique, peu important lecaractère administratif ou industriel et com-mercial du service public dont elle est inves-tie.

    Enfin, l’activité privée peut être reprise parun service public administratif. Op érant unrenversement de jurisprudence, la chambresociale de la Cour de cassation g énéralise– dans son arr êt rendu le 25 juin 2002auquel se r éfère expressément la cour d ’ap-pel de Riom dans sa propre d écision rendue

    seulement sept jours apr ès – l’application del’article L 122-12 du Code du travail à l’en-semble des op érations de transfert d ’entre-prise impliquant une personne publique et,plus précisément, aux transferts d ’une per-sonne privée à une personne publique.

    POUR LA COUR DE CASSATION, il existait jus-qu’alors une antinomie entre le transfert ducontrat de travail et le r égime de droit publicapplicable au personnel d ’un service publicadministratif. La chambre sociale excluait,par principe, l’application de l ’article L 122-12 du Code du travail à certaines op érationsparce qu ’elles concernaient le secteur public.La jurisprudence semble toutefois avoir uti-lisé deux critères. Tant ôt elle mettait l ’ac-cent sur la nature de l ’activité, tant ôt sur les

    personnes juridiques concerné

    es par letransfert.Ainsi, il a été jugé que la continuit é d’uneactivité économique est rompue lorsquecette derni ère vient à être exploitée sous laforme d ’un service public administratif parune collectivité locale ou un établissementpublic à caract ère administratif. Mais àd’autres occasions, la chambre sociale de laCour de cassation se contentait d ’affirmerque la soumission du travailleur à un statutde droit public, et non au Code du travail ,excluait l’application de l ’article L 122-12 duCode du travail .À tout consid érer, la motivation de l ’arrêt du25 juin 2002, qui d écide que la seule cir-constance selon laquelle le cessionnaire doitêtre un établissement public à caract èreadministratif lié à son personnel par des rap-ports de droit public ne peut suffire à carac-tériser une modification dans l ’identité del’entité économique transf érée, marque seu-lement l ’abandon du premier crit ère. Ainsipeut-on interpr éter l’arrêt d’espèce de lachambre sociale de la Cour d ’appel de Riomqui ajoute que les fonctions exerc ées par lessalariés n’étant pas celles de directeur du ser-

    vice public, d’autre part, c ’est à tort que lespremiers juges ont d énié la compétence dela juridiction de l’ordre judiciaire pourconna î tre du pr ésent litige comme unemarque de pr écaution élémentaire. Il ne faitpourtant gu ère de doute que la Cour de cas-sation entend appliquer l ’article L 122-12 duCode du travail en cas de reprise d ’une acti-vité en service public administratif sans dis-tinction des fonctions exerc ées par lessalariés intéressés par le transfert. En effet,les mentions P+B+R+I qui s’attachent à l’ar-rêt du 25 juin 2002 marquent tout l ’intérêtque porte la Cour supr ême à sa nouvellesolution. Ensuite, l’arrêt du tribunal desconflits du 15 mars 1999, pr écité, avait dé jàexclu que la soumission à un statut de droitpublic du directeur d ’un service public indus-triel et commercial soit un obstacle à l’ap-plication de l’article L 122-12 du Code dutravail .Cette nouvelle approche du transfert descontrats de travail lors de la reprise d ’uneactivité privée par un service public va a prioridans le sens de la protection des salari ésvoulue par le législateur depuis l ’entrée envigueur de la loi du 19 juillet 1928, dont les

    dispositions ont été intégrées dans le Codedu travail . Mais il n’en est r éellement ainsique si les salariés trouvent à s’intégrer dansla fonction publique.

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    relationsindividuelles

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    Suite au verso ➤

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    II. Difficultés quant àl’int égration des salari ésau sein de la fonctionpublique

    L’arrêt de la chambre sociale de la Cour decassation du 25 juin 2002 consacre le trans-fert de principe des contrats de travail lors dela reprise d ’une activité privée par un servicepublic – quelle que soit la nature de ce ser-vice. Toutefois, la distinction entre servicepublic administratif (S.P.A.) et service publicindustriel et commercial (S.P.I.C.) conserveson utilité car elle permet de pr éciser lanature de la relation de travail entre le per-sonnel et le service public.

    A. Utilité de la distinctionentre le S.P.A. et le S.P.I.C.

    Puisqu’il appartient au juge judiciaire de pr é-ciser la nature du service public qui poursuitl’activité privée, les solutions jurispruden-tielles antérieures conservent tout leur int é-rêt. À cet égard, la Cour de cassation a puconsidérer que la reprise de l ’exploitation parune commune des services de distributiond’eau et d ’assainissement était administra-tive dès lors que le service public de l ’eau etde l’assainissement, dont il n ’était pascontest é qu’il comprenait du personnel com-munal, était g éré par la commune en r égiedirecte sans être dot é de l’autonomie finan-cière, et que la somme mise à la charge desusagers était inférieure au co ût réel du ser-

    vice, que (la Cour d ’appel) a pu d écider quece service avait un caract ère administratif. Leprincipe généralement admis est que le jugeconfère une pr ésomption de caract ère admi-nistratif à un service public et qu ’il recourt àla méthode du faisceau d ’indices. Ce n’estque lorsque trois crit ères sont r éunis que laprésomption doit être remise en cause. Unservice ne sera reconnu comme industriel etcommercial que si, par son objet, l ’origine deses ressources et les modalit és de son fonc-tionnement, il s ’apparente à une entreprise

    privée. Il suffit que l’un de ces crit ères ne soitpas rempli pour qu ’il soit tenu pour admi-nistratif. Or, en l ’espèce, la cour d ’appel deRiom retient l’existence d ’un S.P.I.C. en sefondant sur la seule d élibération du conseilmunicipal de Brioude du 16 septembre2000, au terme duquel la collectivit é terri-toriale a d écidé, en application des disposi-tions des articles L 2221-1 du Code général des collectivit é s territoriales, d’une régie àcaractère industriel et commercial.Certes, les services publics industriels et com-merciaux des communes peuvent être orga-nisés suivant trois modalit és principales: larégie, la concession ou l ’affermage. Maispour être commerciale, la r égie municipaledoit être dot ée soit de la seule autonomiefinancière, soit non seulement de l ’autono-mie financière mais aussi de la personnalit émorale. À défaut d ’éléments caract érisantl’autonomie financi ère, et en d épit de l’ob-

    jet du service, le fait que ce dernier soitassuré directement en r égie par une per-sonne publique, et surtout par une collecti-vité territoriale, pouvait inciter ou aider àapprécier ses modalités de fonctionnementcomme n ’allant pas dans le sens de la qua-lification de service industriel et commercial.Il faut toutefois consid érer que ce point estdéfinitivement tranch é puisque, si l’arrêt dela cour d ’appel avait pour objet de fixer lacompétence judiciaire, la nature commer-ciale du service a été reprise dans le dispo-sitif et est rev êtue de l ’autorit é qui s’attacheà la décision.En tout état de cause, les salari és transférésvont intégrer des services publics qui appli-quent à leurs agents tant ôt un statut de droit

    privé, tant ôt un statut de droit public.B. Statut du personnel

    au sein du service publicLe statut du personnel diff ère selon qu ’on setrouve en pr ésence d ’un S.P.I.C. ou d ’unS.P.A. S’agissant d ’un S.P.I.C., les relationsentre le personnel et le service sont soumisesà un régime de droit priv é. Dès lors, lescontrats de travail transf érés se poursuiventdans les conditions de droit priv é, à moinsque le service proc ède à la rupture des

    contrats de travail en respectant le droit dulicenciement et en invoquant, par exemple,un motif d ’ordre économique. Il en est ainsitant que les salari és transférés n’occupentpas les fonctions de directeur du service oude comptable public. Pour ces derniers, maiségalement pour l ’ensemble du personneld’un S.P.A., c’est un r égime de droit publicqui demeure applicable. Et ce sont évidem-ment les r ègles du droit public qui risquentde poser le plus de difficult és. En effet, lessalariés transférés sont d étenteurs decontrats de travail. Or ils passent sous lecontrôle d’un service public administratif quiignore le droit du travail. Il est difficilementconcevable qu ’au sein d ’un même servicecoexistent deux cat égories de personnel sou-mis à des droits et à des juges diff érents. Lestatut de la fonction publique constitue, d èslors, une cause de rupture du contrat de tra-vail. Mais il conviendra de distinguer selonque l’administration propose un contrat dedroit public accept é par l’agent ou, aucontraire, propose un contrat refus é parl’agent ou encore ne propose rien.Dans la première hypoth èse, la ruptureamiable semble pouvoir intervenir sansobservation d ’une proc édure particulière.L’intégration de l ’agent dans la fonctionpublique ne sera pas sans soulever de diffi-cultés quant à la prise en charge de l ’an-cienneté et à la liquidation ultérieure de sesdroits à la retraite.Dans la seconde hypoth èse, l’administrationet son agent se trouvant plac és dans unerelation de droit priv é, la procédure de licen-ciement devra être observ ée. Mais s’agissantde son motif, celui-ci ne pourra r ésulter du

    refus de l ’agent par d éfinition non fautif oud’une cause économique. Seule l ’applicationdes règles de la fonction publique constituela cause de rupture du contrat de travail. Ils’agit donc d ’un motif sui generis. La situa-tion n ’est pas inconnue dans le droit du tra-vail puisque l’article 30 de la loi 2000-37 du19 janvier 2000 pr évoit cette solutionlorsque le salarié refuse la seule r éduction dutemps de travail non assortie d ’une diminu-tion de sa r émun ération. La rupture ducontrat de travail est alors soumise à la pro-cédure de licenciement individuel pour motifnon économique. Il en r ésulte que ne serontpas applicables les dispositions concernant leplan de sauvegarde de l ’emploi, l’ordre deslicenciements, la priorité de r éembau-chage …S’il remplit les conditions requises, le salariélicencié percevra l’indemnité de pr éavis oucompensatrice de pr éavis et l’indemnité delicenciement. Mais précisément, le l égisla-teur est intervenu pour consacrer cette solu-tion parce qu ’on ne peut pas, dans le silencedes textes, multiplier les cas de motifs sui

    generis. Si toutefois la jurisprudence s ’orien-tait dans cette voie, le salari é transféré ver-

    rait sa situation fragilisée puisque, dans lerégime ant érieur, le cédant devait soit main-tenir le salarié dans ses effectifs soit engagerla procédure de licenciement pour motiféconomique.

    Thierry Laval

    relationsindividuelles

    jurisprudence sociale de la cour de riom • n o 7 • 2 e semestre 2002

    (suite de la page 7)

    P R I N C I P A U X A T T E N D U S➤ … que la Cour de justice des Communaut és européennes vient de décider (arrêt C-175/99“Mayeur” du 26 septembre 2000) que la règle de transfert automatique des contrats de travail d’unemployeurà un autre, en cas de transfert d’entreprise,était applicableà la reprise par une com-mune d’une activit é précédemment exercée par une personne morale de droit priv é…➤ Attendu qu’il résulte de l’article L 122-12 duCode du travail , interprét é au regard de la direc-tive n 77/187 C.E.E. du 14 f é vrier 1977, que les contrats de travail en cours sont maintenus entrele nouvel employeur et le personnel de l’entreprise, en cas de transfert d’une entit é économiqueconservant son identit é et dont l’activit é est poursuivie ou reprise; que la seule circonstance que lecessionnaire soit unétablissement publicà caract ère administratif lié à son personnel par des rap-ports de droit public ne peut suffireà caract ériser une modification dans l’identit é de l’entit é éco-nomique transf érée (Cass. soc. , 25 juin 2002, n° 01-43.467)…➤ … qu’il ressort de l’ensemble deséléments d’appréciationénoncés plus haut qu’à la suite de la résiliation de la convention d’exploitation liant l’associationà la commune de Brioude, l’entit é éco-nomique constituée par le cinéma Le Paris, appartenantà la ville, aét é transf érée à cette dernièrequi en a poursuivi l’activit é, d’abord sans cadre juridique particulier puis dans celui d’une régie com-merciale et industrielle; qu’il s’en déduit que les contrats de travail des salariés se sont poursuivisde plein droit avec le propriétaire du fonds et rentrent dans le champ du droit priv é.

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    jurisprudence sociale de la cour de riom • n o 7 • 2 e semestre 2002

    En effet, si nous avions critiqu é le recours àla notion de perte de chance et l ’octroi dedommages et int érêts par le fait qu ’il étaitimpossible de savoir comment le juge calcu-lerait le montant de ces dommages et int é-rêts, il est évident que cette nouvelleorientation jurisprudentielle peut conduire le

    juge à former sa conviction au vu des seulséléments fournis par le salari é – étant pr é-cisé d ’ailleurs qu’il a été jugé que le salariéne pouvait être d ébout é de ses demandessous prétexte que les éléments de preuvequ’il fournissait étaient insuffisants ( Cass.Soc., 10 mai 2001, Duhamel Ayad, DroitSocial 2001, p. 768, note Rade).En indiquant que le juge forme sa conviction(formule issue des dispositions de L 212-1-1), l’interprétation du texte faite par lachambre sociale de la Cour de cassationimposera au juge de statuer en indiquantsoit que les heures ont été accomplies, soitqu’elles ne l’ont pas été, mais nullement,pour reprendre l ’expression du professeur

    N ous avions, dans le num éro précédentde L’ Alambic , indiqué et contest é lerecours à la notion de perte de chance dansl’hypoth èse où, l’employeur ne fournissantpas de documents permettant d ’établir laréalité du temps de travail de son salari é, le

    juge accordait alors au salari é des dom-mages et int érêts équivalents aux heuressupplémentaires qu ’il réclamait – dommageset intérêts fond és sur la perte d ’une chancede pouvoir prouver celles-ci.Dans un arr êt du 15 octobre 2002 (Soci étéM. c/Monsieur P. A., Droit social , décem-bre 2002, p. 1144, R.J.S.12-2002, n ° 406,p. 1034), la chambre sociale de la Cour decassation écarte d ésormais la possibilité pourle juge d ’accorder une telle indemnisationsur le fondement de la perte d ’une chance.Les considérants de l ’arrêt montrent en l ’es-pèce qu ’un salarié avait sollicité le paiementd’heures suppl émentaires. Or l ’employeur,n’ayant pas été en mesure de fournir au jugeles éléments demand és sur le fondement del’article L 212-1-1 du Code du travail , s’étaitvu condamner par application de la th éoriede la perte de chance.En effet, la cour d ’appel de Riom (SociétéM. c/Monsieur P. A., 7 décembre 1999)avait considéré qu ’en ne fournissant pas les

    éléments permettant d ’établir la réalité desheures accomplies par le salari é, l’employeurlui avait fait perdre une chance d ’en obtenirle paiement et ne lui avait accord é que par-tiellement satisfaction.Outre que cet arr êt rejoignait les critiques quenous avons formul ées – à savoir commentdéterminer le montant des dommages etintérêts –, celui-ci est cassé par l’arrêt de lachambre sociale de la Cour de cassation, cas-sation ferme intervenant sur le fondement del’article L 212-1-1 du Code du travail , avec un

    visa de principe indiquant que les dispositionsde l’article L 212-1-1 du Code du travail (encas de litige relatif à l’existence ou au nombred’heures de travail effectu ées, l’employeurdoit fournir au juge les éléments de nature à

    justifier les horaires effectivement r éaliséspar le salarié ; au vu de ces éléments et deceux fournis par le salari é à l’appui de sademande, le juge forme sa conviction apr èsavoir donné, en cas de besoin, toutes lesmesures d ’instruction qu ’il estime utiles)excluent la possibilité de réparer une perte dechance de prouver le nombre d ’heures sup-plémentaires effectu ées.Ce faisant, la chambre sociale de la Cour decassation ne s ’engage-t-elle pas dans unevoie dont les cons équences pour l ’employeurseraient extr êmement rigoureuses?

    Rade, qu ’elles ne l’ont pas « peut- être » été.Si l’on doit lire l’arrêt de la chambre socialede la Cour de cassation comme une inviteadressée au juge d ’ordonner toute mesureutile pour former sa conviction et de tirertoutes les cons équences de la carence del’une des deux parties, celui-ci peut êtreapprouvé.S’il peut par contre en être d éduit que le

    juge peut d ésormais se satisfaire des seulséléments avanc és par le salarié, même en casde carence de l ’employeur, il ne peut qu ’êtretotalement contest é dans la mesure o ù il nesaurait être établi, nous semble-t-il, que lanon-participation par l ’employeur à son obli-gation d ’établir la réalité de l’horaire detravail de son salarié équivaut à un acquies-cement aux demandes de celui-ci.En outre s ’ouvrira alors un d ébat sans fin:qu’est-ce que la non-participation de l ’em-ployeur à la charge de la preuve? Bien malincelui qui peut aujourd ’hui en d éfinir lesrègles.Une nouvelle fois, la chambre sociale de lacour d ’appel de Riom est à l’origine d’uneavancée jurisprudentielle. On ne peut ques’en féliciter pour la renomm ée de notreCour.

    Bernard Truno

    Heures suppl émentaireset perte de chance

    Contrepoint

    L’arrêt du 15 octobre 2002 pose un prin-cipe: il n’est pas envisageable de trans-former en indemnisation un r èglement ayantun caract ère de salaire. La jurisprudenceantérieurement d éveloppée par la Cour deRiom avait en effet cette cons équence : unecréance salariale devenait une cr éanceindemnitaire, ce qui n ’était d ’ailleurs passans poser des probl èmes incidents enmatière d’assujettissement aux cotisationssociales ou en mati ère de fiscalisation.La Cour suprême semble consid érer que,compte tenu des r ègles de preuve enmatière d’heures suppl émentaires, le juge aobligation de former sa conviction au vu deséléments fournis par les deux parties et qu ’ildoit donc statuer sur la demande de rappelsde salaire pr ésent ée sans en modifier lanature.Il est acquis que la charge de la preuve desheures suppl émentaires ne repose pas uni-quement sur le salari é, bien que demandeurà l’instance. Les éléments probants qu ’il a lacharge de produire peuvent être de toutenature pourvu qu ’ils soient à même de per-mettre au juge de “former sa conviction ”.L’arrêt M. c/A. représente cependant uneévolution de la jurisprudence de la chambresociale. En effet, la Cour de cassation avaitdé jà implicitement validé la position de la

    Cour de Riom. C’est ainsi qu ’au travers d ’unarrêt du 23 janvier 2001, qui est certes unarrêt de rejet non publi é (A. et S. D. L. G.c/M.), la Cour suprême avait rejet é un pour-voi qui faisait grief à l’arrêt d ’avoircondamn é l’employeur à payer au salari é desdommages et int érêts pour perte de chanceau motif que la cour d ’appel n ’avait fourniaucune pr écision sur le calcul effectué parelle pour fixer le montant des dommages etintérêts. La Cour indiquait: « En accordant au salari é des dommages et int ér êts dont elle a souverainement évalué le montant, lacour d ’ appel n ’ a pas exc éd é les limites de sa

    saisine. »Au demeurant, la recours à la notion deperte de chance n ’est pas forc ément lameilleure solution pour le cr éancier débiteurcar une évaluation forfaitaire entra î ne sou-vent une minoration de la cr éance. MonsieurRadet rappelle d ’ailleurs (Droit social ,décembre 2002, p. 1144) que la th éorie dela perte de chance connaissait un importantrecul en mati ère de responsabilit é médicalelorsque la premi ère chambre civile de laCour de cassation était pr ésidée parMonsieur Sargos. Il n’est pas étonnant quecette évolution soit également sensible enmatière sociale sous la m ême présidence…

    Jean-Louis Borie

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    La réduction massive de la dur ée légalehebdomadaire du travail issue de la loidu 19 janvier 2000 ne pouvait que relancerle débat sur le concept du travail effectif.L’évolution des moyens de communicationet d ’information devait n écessairement êtreà l’origine d’une r éflexion jurisprudentielledestinée à cerner la qualification juridiquedes temps non r éellement consacr és à l’exé-cution de la prestation de travail par le sala-rié, mais pendant lesquels celui-ci se trouveà disposition de l’employeur.Le vieil article L 212-4 duCode du travail, quidéfinissait le concept applicable à l’organi-sation de l ’activité de l’usine d’avant-guerre,souffrait d ’un besoin de “réécriture” pouradapter cette d éfinition à la “civilisationInternet”. C’est d ésormais chose faite avecla loi du 13 juin 1998 qui d éfinit le travaileffectif comme correspondant au tempspendant lequel le salari é est à la dispositionde l’employeur sans pouvoir vaquer libre-ment à des occupations personnelles (pre-mier alinéa de l ’article L 212-4 du Code dutravail ).La seconde loi du 19 janvier 2000 a com-plété cette d éfinition en excluant du conceptde travail effectif le temps consacr é à la res-

    tauration, ou aux pauses, à la condition quependant ces p ériodes d’inaction, le salarié nereste pas à la disposition de l’employeur.Cette nouvelle d éfinition n’a fait que consa-crer une évolution jurisprudentielle qui aélargi le concept de travail effectif à dessituations pendant lesquelles le salari é dansl’entreprise, sans exercer son activit é,demeure n éanmoins à disposition de l’em-ployeur et susceptible d ’intervenir à toutmoment.Pour autant, en m ême temps que le concept

    de travail effectif se “modernisait”, le légis-lateur pr écisait deux exceptions notables, viala redéfinition du régime d ’équivalenced’une part, et via la cr éation d ’un nouvelarticle L 212-4-bis traitant des temps d ’as-treinte, d ’autre part.

    I. Sur le r égimed’équivalenceL’idée généralement admise était que cerégime né des d écrets professionnels d ’ap-plication de la loi du 21 juin 1936 allait pra-tiquement dispara î tre et tomber endésuétude, hormis quelques secteurs danslesquels il demeure encore tr ès présent(hôtellerie-restauration par exemple). Il est

    vrai que les périodes d’inaction dans letemps de pr ésence qui pouvaient justifier unrégime d’équivalence dans certains secteursd’activité tendaient n écessairement à dispa-ra î tre du fait des évolutions technologiques.Néanmoins, à propos de l ’application d ’unedisposition conventionnelle, le r égimed’équivalence allait occuper le devant de lascène et le spectateur allait alors assister àune véritable saga dans laquelle la Courde cassation et le l égislateur devaient s ’af-fronter.Qu’en est-il exactement? Une conventioncollective, pour certainescatégories de salariés quiont à effectuer des veillesde nuit, a pr évu en contre-partie de ce temps de veilleune rémunération partielle(9 heures étant pay ées3 heures). Cette r émunéra-tion partielle du temps deprésence de nuit pouvait aumoins dans l ’esprit s’assi-miler à un véritable régimed’équivalence.

    LA COUR DE CASSATION, qui

    avait dé jà admis que lerégime d’équivalence pouvait avoir égale-ment un fondement conventionnel (et nonpas seulement un fondement r églemen-taire), admettait ainsi que la clause litigieusede la convention collective pouvait valable-ment produire effet ( Cass. soc., 9 mars1999, Bull. V, n° 104). Mais ayant de nou-veau à appr écier la même clause conven-tionnelle, la Cour de cassation se ravisait etposait le principe, dans son arr êt du 29 juin1999, qu ’un r égime d’équivalence conven-

    tionnel pouvait uniquement avoir pour ori-gine soit un accord collectif étendu, soit unaccord d ’entreprise (cf. conclusions de l ’avo-cat Stanislas Kehrig – “Horaires d’équiva-lence et ordre public ” - D. soc., sept.-oct.1999, p.767).En l’espèce, la convention collective était uneconvention agr éée (en application de l ’article16 de la loi du 30 juin 1975) mais cetteconvention n ’avait pas fait l’objet d ’un arrêtéd’extension. Même si la motivation retenuepour justifier deux solutions oppos ées à troismois d’intervalle pouvait laisser perplexe, enlaissant le soin à l’accord d ’entreprise dedéfinir ce qui pouvait constituer ou non untravail effectif, ces h ésitations jurispruden-tielles allaient en tout cas relancer l ’actualitédu régime d’équivalence. Le législateur se

    décidait alors à intervenir en red éfinissant lesmodalités de mise en place de l ’équivalenceet en essayant de “contrarier” cette évolu-tion jurisprudentielle.

    L’ARTICLEL 212-4 DU C ODE DU TRAVAIL étaiten effet compl été par la loi du 19 janvier2000 qui, relativement aux équivalences,prévoit qu’une telle d érogation au conceptde travail effectif ne peut r ésulter que soitd’un d écret en Conseil d ’État, soit d ’undécret simple apr ès conclusion d’uneconvention ou d ’un accord de branche. C ’en

    était donc fini de cette juris-prudence qui admettaitqu’un régime d’équivalencepouvait résulter d ’unaccord collectif étendu oud’entreprise. Un texteréglementaire est d ésor-mais nécessaire dans tousles cas.Dans le secteur d ’activitéconcerné par cette évolu-tion jurisprudentielle, celas’est traduit par la publica-tion du d écret du 31décembre 2001, qui a

    purement et simplementrepris les clauses conventionnelles litigieuses.

    MAIS L’HISTOIRE AURAIT PU S’ARRÊTER LÀ,sauf que le l égislateur (article 29 de la loi du19 janvier 2000) s ’est intéressé de tr ès prèsà cette jurisprudence et a tent é de “valider”les clauses de cette convention collective,cela probablement pour éviter un coût tropimportant – pour le budget de l ’État ou descollectivités territoriales – de cette jurispru-dence impertinente.

    En effet, ces d écisions ont été rendues dansdes entreprises (associations) dont le finan-cement est assur é par des fonds publics, cequi n’a donc pas laiss é le législateur indiffé-rent puisque son intervention avait pourfinalité d’éviter que, dans l ’ensemble desétablissements de ce secteur d ’activité, lessalariés engagent des actions en rappel desalaires dont le montant avait été évalué, auplan national, à 7 milliards de francs. Maisle feuilleton n’était pas fini, puisque non-obstant l ’intention législative, les actionscontentieuses continuaient de prosp érer etles juges du fond avaient donc à appr écierla portée de cette intention l égislative dansles contentieux n és avant la promulgation dela loi du 19 janvier 2000. Ce qui devait arri-ver se produisit, puisque la Cour de cassa-

    relationsindividuelles

    jurisprudence sociale de la cour de riom • n o 7 • 2 e semestre 2002

    « La notion de proc è sé quitable s ’oppose,

    sauf pour d ’impé rieux motifs d ’int é rê t

    g é né ral, à l’ing é rencedu pouvoir l é gislatifdans l ’administration

    de la justice afind ’influer sur le

    d é nouement judiciaired ’un litige. »

    Les exceptions au travail effectifCOUR D’APPEL DE RIOM • 12 MARS & 25 JUIN 2002

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    tion était à nouveau saisie non plus du prin-cipe, mais des cons équences de l ’interven-tion législative.Nécessairement peu impressionn ée, voiren’ayant gu ère appr écié cette intervention quiprenait à contre-pied la jurisprudence, la Courde cassation trouvait le moyen d ’écarter l’ar-ticle 29 de la loi du 19 janvier 2000 sur le fon-dement de l ’article 6.1 de la Conventioneuropéenne de sauvegarde des droits del’Homme et des libert és fondamentales. « Lanotion de proc è s équitable s’ oppose, sauf

    pour d ’ impérieux motifs d ’ int ér êt g énéral, àl ’ ingérence du pouvoir l é gislatif dans l ’ admi-nistration de la justice afin d ’ influer sur led énouement judiciaire d ’ un litige » (Cass.

    soc., 24 avril 2001, Bull. V, n° 130).Par conséquent, c ’est ce principe qu ’avait àappliquer la Cour de Riom dans une affaireportant sur cette m ême clause convention-nelle. La Cour, dans son arr êt, se conformaitdonc strictement aux principes pos és par laHaute Juridiction en écartant l ’application del’article 29 de la loi du 19 janvier 2000 (courd’appel de Riom, 25 juin 2002).Mais il n’est pas certain que le feuilleton soitvéritablement termin é puisqu’il semble quela chambre sociale de la Cour de cassation,à nouveau saisie, ait renvoy é la solution àl’assemblée plénière de la Cour de cassation.

    II. Sur le r égimed’astreinte

    Dans ce domaine également, le l égislateur arepris dans le nouvel article L 212-4-bis duCode du travail les principes posés ant érieu-rement par la jurisprudence, aussi biens’agissant de la d éfinition de l’astreinte quede sa nature juridique, ou encore des contre-parties à cette suj étion.Du point de vue de l ’indemnisation du tempsd’astreinte, la loi distingue le temps d ’inter-vention qui, étant du temps de travail effec-

    11

    relationsindividuelles

    jurisprudence sociale de la cour de riom • n o 7 • 2 e semestre 2002

    tif, doit être rémunéré comme tel, et letemps à disposition, qui n ’est pas consid érécomme temps de travail effectif (qui n ’estpas non plus un temps de repos, cf. Cass.

    soc., 4 mai 1999, Bull. V, n ° 187 et Cass. soc., 10 juillet 2002, n ° 00-18-452 – P + B+ R + I s’agissant de la compatibilit é de l’as-treinte avec le repos hebdomadaire) et quidoit néanmoins comporter une contrepartiequel que soit le niveau de responsabilit é dusalarié (contrepartie financi ère ou en tempsde repos).Mais qu’en est-il s’il existe un régime d’as-treinte alors qu ’aucune contrepartie n ’a étéfixée ni par accord collectif, ni à défaut parconsultation du comit é d ’entreprise ou desdélégués du personnel, cela conform émentà l’article L 212-4-bis du Code du travail ?C’est à cette question qu ’avait à répondre lacour d ’appel de Riom pour une affaire danslaquelle la contestation portait à la fois surl’existence même des astreintes et sur leurcontrepartie. À partir des éléments de fait ensa possession, la Cour consid érait qu’il appa-raissait que le salarié avait bien été soumis àun régime d’astreinte dont il fallait ensuitedéfinir la contrepartie, à défaut d ’évaluationétablie conform ément au texte pr écité.La cour d’appel, reprenant une motivationqui lui est assez traditionnelle et apr ès avoirconstat é que l ’employeur ne fournissaitaucun élément permettant d ’évaluer laquantit é et la valeur de la prestation fourniepar le salarié, considérait que ce dernier« subit un pr é judice r é sultant d ’ une perte de

    chances sérieuses de pouvoir rapporter la preuve de l ’ accomplissement d ’ un travail normalement r émunér é au cours de cescourtes p ériodes d ’ emploi » et d écide d’oc-troyer au salari é des dommages et int érêtsen r éparation du pr é judice subi (cour d ’ap-pel de Riom, 12 mars 2002).La solution de l’arrêt n’appara î t pas criti-quable: d ès lors que des astreintes ont bienété accomplies, celles-ci doivent comporter

    une contrepartie. À défaut d ’une évaluationétablie conform ément aux dispositionslégales, il appartient donc au juge de sub-stituer son appr éciation à celle des parties àla négociation, ou à celle de l’employeurquand cette contrepartie est fix ée unilatéra-lement par celui-ci apr ès simple consultationdes repr ésentants du personnel. On doit parailleurs pouvoir considérer que le juge dis-pose également du pouvoir d ’appréciationde la proportionnalit é de cette contrepartiepar rapport au volume de l ’astreinte.Néanmoins, il semble que la motivation uti-lisée (perte d ’une chance) et sa cons é-quence, l ’octroi de dommages et int érêts,soient critiquables. Tant ôt le juge consid èreque la contrepartie a une nature salariale etil lui appartient d ’évaluer souverainementune r émunération en contrepartie des suj é-tions que repr ésente l ’astreinte, tant ôt ilestime que le salari é a été privé d ’un reposet alors, seulement dans cette hypoth èse, lanon-prise du repos peut être sanctionn ée pardes dommages et int érêts. Mais il para î tnécessaire d’indiquer ce que le juge sanc-tionne (absence de contrepartie financi èreou alors de compensation sous forme derepos).Le choix entre l’un ou l ’autre mode d ’in-demnisation devrait être éclairé par lademande du salari é, laquelle prendra le plussouvent la forme d ’un compl ément desalaire, ce qui pose alors le probl ème de laprescription des demandes formul ées par lesalarié (quinquennale en mati ère de salaire,

    trentenaire s ’il s’agit de dommages et int é-rêts).Quand la demande a un caract ère salarial,celle-ci ne peut se traduire par l ’octroi dedommages et int érêts, c’est ce que sembleindiquer la Cour de cassation dans un arr êtdu 15 octobre 2002 ( Cass. soc., 15 octobre2002, arr êt n° 2881-FS – P + B).

    Michel Morand

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    La situation est devenue classique. Unaccord d ’entreprise, en application de laloi du 19 janvier 2000, est sign é entre l ’em-ployeur et une ou plusieurs organisationssyndicales de salariés. Cet accord, qui met enœuvre les dispositions issues de la secondeloi Aubry, est contest é par une organisationsyndicale de salariés, non signataire du texteau motif, selon elle, qu ’il comporte un cer-tain nombre d ’irrégularités.La réglementation relative à la durée et l ’or-ganisation du temps de travail est devenued’une telle complexit é et comporte de tellesincertitudes juridiques qu ’inévitablement,elle constitue le ferment d ’actions conten-tieuses, que ce soit au niveau des branchesprofessionnelles ou dans le cadre d ’accordscollectifs d’entreprise.Telle est bien la situation qui a amen é uneorganisation syndicale à contester la validit éde l’accord intitulé “Accord M.F.P.M. du19 décembre 2000 ”, portant sur l ’aména-gement du temps de travail, la r éduction dutemps de travail, l ’emploi et les salaires.Dans le cadre de cette chronique, nous l imi-terons notre commentaire à deux disposi-tions de cet accord, qui faisaient l ’objetd’une critique devant la cour d ’appel; l’uneconcerne le r égime de modulation, l ’autre le

    forfait-jour des cadres instaur é par leditaccord.

    I. Sur le r égimede modulationRappelons au pr éalable que ce r égime demodulation, qui permet une r épartition dutemps de travail sur l ’année, est n é avec l’or-donnance du 16 janvier 1982. Et aussi queson système a été largement sophistiqu é parla loi du 19 juin 1987, et compl été par un dis-positif voisin d’annualisation du temps de tra-vail, créé avec la loi du 20 d écembre 1993.La loi “Aubry II” a souhait é simplifier lesmécanismes ant érieurs et a donc cr éé unrégime unique de modulation, d écrit dans lenouvel article L 212-8 du Code du travail . Dece dispositif, il appara î t que l ’organisation dutemps de travail dans ce cadre ne peut r ésul-ter que d ’un accord collectif étendu ou d ’unaccord d ’entreprise, lequel doit comporterun certain nombre de clauses obligatoiresdont il est d ’ailleurs extrêmement difficile desavoir aujourd’hui si toutes sont d ’égaleimportance et si, lorsque l ’une d ’entre elles

    fait défaut, c ’est l’accord de modulationtout entier qui est affect é.En l’espèce, la critique portait sur trois dis-positions de l’accord de modulation :

    les donn ées économiques et sociales jus-tifiant le recours à la modulation ;

    relationsCOLLECTIVES

    jurisprudence sociale de la cour de riom • n o 7 • 2 e semestre 2002

    le programme indicatif de modulation ;les modalités de recours au travail tempo-

    raire.S’agissant au moins des deux premi èresclauses critiquées, il semble que celles-ciconcernent bien l ’essence m ême du dispo-sitif de modulation et que l ’absence ou lanullité de l’une d ’entre elles devrait avoirpour cons équence la nullit é de tout le dis-positif de modulation.

    POUR LA PREMIÈRE CLAUSE LITIGIEUSE, la cri-tique portait sur l ’insuffisance de justificationquant aux donn ées économiques et socialessusceptibles de permettre le recours à lamodulation. La Cour, interpr étant la finalit éde l’intention législative, indique qu’« il s’ agit d ’ une obligation de motivation et non de

    justification de l ’ option » pour les parties àl’accord. La quête du juge doit se l