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COLLECTION ENSEIGNEMENT SUP //// Mathématiques Daniel Guin Algèbre II ANNEAUX, MODULES ET ALGÈBRE MULTILINÉAIRE Algèbre II ANNEAUX, MODULES ET ALGÈBRE MULTILINÉAIRE L3M1M2 Algèbre II -

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Page 1: Algebre2 (1)

COLLECTION ENSEIGNEMENT SUP //// Mathématiques

www.edpsciences.org

29 eurosISBN : 978-2-7598-1001-7

Algèbre II ANNEAUX, MODULES ET ALGÈBRE MULTILINÉAIRE

Daniel Guin

Ce traité d’algèbre en deux volumes s’adresse aux étudiants de licence ou master de mathématiques (L3-M1) et à ceux qui préparent le CAPES ou l’agrégation.

Ce tome 2 traite de la notion générale de divisibilité des éléments dans les anneaux : anneaux euclidiens, principaux, factoriels. Il présente une généralisation de cette notion aux idéaux – anneaux de Dedekind – et donne des applications à la théorie des nombres : anneau des entiers d’un corps de nombres, ramification.

Dans la seconde partie, il traite de l’algèbre linéaire et multilinéaire : modules, modules sur un anneau principal, dualité, applications multilinéaires, produit tensoriel, algèbre tensorielle, produit extérieur, algèbre extérieure (application au déterminant).

Chaque notion est développée depuis les définitions de base jusqu’à des résultats très avancés, avec toutes les démonstrations. Les chapitres sont suivis de thèmes de réflexion (TR) qui permettent d’étudier en profondeur des notions qui illustrent ou complètent le cours.

Daniel Guin a été professeur à l’université Montpellier 2 où il a enseigné, en particulier, l’algèbre à tous les niveaux, de L1 au M2. Ce livre correspond aux cours qu’il a donnés pendant plusieurs années en L3 et M1. Il est spécialiste de K-théorie algébrique et d’algèbre homologique.

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COLLECTION ENSEIGNEMENT SUP //// Mathématiques

Daniel Guin

Algèbre II ANNEAUX, MODULES ET ALGÈBRE MULTILINÉAIRE

Algèbre II ANNEAUX, MODULES ET ALGÈBRE MULTILINÉAIRE

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EAlgèbre II -

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ALGÈBRETome 2

ANNEAUX, MODULESET

ALGÈBRE MULTILINÉAIRE

Daniel Guin

17, avenue du HoggarParc d’activités de Courtabœuf, BP 112

91944 Les Ulis Cedex A, France

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Illustration de couverture :

Imprimé en France

ISBN : 978-2-7598-1001-7

Tous droits d’adaptation et de reproduction par tous procédés réservés pour tous pays. Toute re-production ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiéesdans le présent ouvrage, faite sans l’autorisation de l’éditeur est illicite et constitue une contrefaçon.Seules sont autorisées, d’une part, les reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste etnon destinées à une utilisation collective, et d’autre part, les courtes citations justifiées par le caractèrescientifique ou d’information de l’œuvre dans laquelle elles sont incorporées (art. L. 122-4, L. 122-5 etL. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle). Des photocopies payantes peuvent être réalisées avecl’accord de l’éditeur. S’adresser au : Centre français d’exploitation du droit de copie, 3, rue Hautefeuille,75006 Paris. Tél. : 01 43 26 95 35.

c© 2013, EDP Sciences, 17, avenue du Hoggar, BP 112, Parc d’activités de Courtabœuf,91944 Les Ulis Cedex A

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TABLE DES MATIÈRES

Avant-Propos vii

Remerciements xi

Avertissement xiii

Partie I Anneaux et modules 1

I Généralités sur les anneaux 31 Définitions – Exemples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32 Idéaux – Morphismes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83 Idéaux maximaux, idéaux premiers . . . . . . . . . . . . . . . . . . 154 Produit d’anneaux – Théorème chinois . . . . . . . . . . . . . . . 185 Caractéristique – Corps premiers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 206 Corps des fractions d’un anneau intègre . . . . . . . . . . . . . . . 22

Thèmes de réflexion 29TR.I.A. Étude de Aut(Z/nZ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29TR.I.B. Localisation et idéaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31TR.I.C. Radical, nilradical . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32

II Anneaux euclidiens, principaux, factoriels 351 Anneaux de polynômes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 352 Division euclidienne – Anneaux euclidiens . . . . . . . . . . . . . . 413 Anneaux principaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 434 Anneaux factoriels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 485 Divisibilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52

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Thèmes de réflexion 55TR.II.A. Exemples d’anneaux euclidiens . . . . . . . . . . . . . . . 55TR.II.B. Un anneau principal non euclidien . . . . . . . . . . . . . 56TR.II.C. Anneaux nœthériens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57TR.II.D. Séries formelles – Séries et polynômes de Laurent . . . . . 58

III Irréductibilité des polynômes – Polynômes symétriques 611 Irréductibilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 612 Fonctions polynomiales – Racines – Dérivations – Multiplicité . . . 663 Résultant – Discriminant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 744 Polynômes symétriques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77

Thèmes de réflexion 83TR.III.A. Critère d’irréductibilité par extension . . . . . . . . . . . 83TR.III.B. Critère d’irréductibilité par réduction . . . . . . . . . . . 83

IV Généralités sur les modules 871 Modules – Morphismes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 872 Sous-modules . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 903 Modules quotients . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 914 Morphismes et quotients . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 925 Modules monogènes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 946 Produit et somme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 957 Modules libres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96

Thèmes de réflexion 101TR.IV.A. Propriétés universelles de somme directe et produit direct 101TR.IV.B. Algèbres – Algèbres de polynômes . . . . . . . . . . . . . 102

V Modules sur un anneau principal 1051 Modules libres – Modules de type fini . . . . . . . . . . . . . . . . 1052 Modules de torsion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1073 Structure des modules de type fini sur un anneau principal . . . . 1094 Autre démonstration du théorème de structure des modules

de type fini sur un anneau principal . . . . . . . . . . . . . . . . . 118

Thèmes de réflexion 125TR.V.A. Réduction des endomorphismes à la forme de Jordan . . . 125TR.V.B. Calcul des facteurs invariants . . . . . . . . . . . . . . . . 127

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Table des matières

VI Éléments entiers et anneaux de Dedekind 1291 Éléments entiers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1302 Norme et trace . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1343 Application aux corps cyclotomiques . . . . . . . . . . . . . . . . . 1384 Anneaux et modules nœthériens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1405 Idéaux fractionnaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1436 Anneaux de Dedekind . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1447 Norme d’un idéal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1488 Décomposition des idéaux premiers dans une extension et action

du groupe de Galois . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1509 Ramification . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153

Thèmes de réflexion 161TR.VI.A. Quelques propriétés des anneaux de Dedekind . . . . . . 161TR.VI.B. Ramification des nombres premiers dans un corps

cyclotomique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 162TR.VI.C. Décomposition des nombres premiers dans un corps

quadratique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163TR.VI.D. Théorème des deux carrés . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165

VII Dualité 1671 Modules d’applications linéaires et suites exactes . . . . . . . . . . 1672 Dualité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1713 Orthogonalité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175

Thèmes de réflexion 177TR.VII.A. Modules injectifs – Modules projectifs . . . . . . . . . . . 177TR.VII.B. Enveloppe injective . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 180TR.VII.C. Une autre dualité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 182

Partie II Algèbre multilinéaire 185

VIII Produit tensoriel – Algèbre tensorielle – Algèbre symétrique 1871 Applications bilinéaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1872 Produit tensoriel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1893 Commutation du produit tensoriel aux sommes directes . . . . . . 1934 Associativité du produit tensoriel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1965 Changement d’anneau de base . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1986 Produit tensoriel d’algèbres associatives . . . . . . . . . . . . . . . 199

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7 Produit tensoriel et dualité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2008 Algèbre tensorielle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2039 Algèbre symétrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 206

Thèmes de réflexion 209TR.VIII.A. Modules plats, fidèlement plats . . . . . . . . . . . . . . . 209TR.VIII.B. Passage du local au global . . . . . . . . . . . . . . . . . 211TR.VIII.C. Propriété universelle du produit tensoriel d’algèbres

commutatives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 211

IX Produit extérieur – Algèbre extérieure 2131 Applications multilinéaires alternées . . . . . . . . . . . . . . . . . 2132 Déterminants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2153 Produit extérieur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2174 Commutation du produit extérieur aux sommes directes . . . . . . 2215 Algèbre extérieure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 223

Thèmes de réflexion 225TR.IX.A. Annulation de puissances extérieures . . . . . . . . . . . . 225TR.IX.B. Dérivations et formes différentielles . . . . . . . . . . . . . 225

Appendice 2291 Ensembles ordonnés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2292 Cardinaux – Ensembles infinis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 232

Bibliographie 239

Index terminologique 241

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AVANT-PROPOS

Cet ouvrage fait suite à celui intitulé « Algèbre I » (écrit en collaboration avecThomas Hausberger) dont je reprends ici une partie de l’avant-propos.

La très longue histoire de l’étude des nombres, puis des équations, a permisde remarquer des analogies entre certaines propriétés vérifiées par des objets ma-thématiques de natures différentes, par exemple les nombres et les polynômes.Cela a conduit les mathématiciens, en particulier au XIXe siècle, à tenter de dé-gager une axiomatique qui rende compte des raisons profondes de ces analogies.Il est alors apparu que ces objets, de natures différentes, possédaient les mêmesstructures algébriques, par exemple groupe, espace vectoriel, anneau, etc.

Il devint évident qu’il était plus efficace d’étudier ces structures pour elles-mêmes, indépendamment de leurs réalisations concrètes, puis d’appliquer les ré-sultats obtenus dans les divers domaines que l’on considérait antérieurement.

L’algèbre abstraite était née.

C’est l’étude des équations algébriques qui est à l’origine de la création etdu développement de l’algèbre, dont le nom provient du titre d’un traité d’Al-Khowarizmi. D’abord exclusivement dévolue au calcul, à l’introduction des outils(nombres négatifs, extraction de racines, nombres complexes) et à l’élaboration desrègles d’utilisation de ces objets, l’algèbre a évolué vers ce qu’elle est maintenant,l’étude des structures.

L’étude des nombres entiers remonte à la plus Haute Antiquité, mais c’estl’étude des nombres algébriques, au XIXe siècle, qui a conduit aux notionsd’anneau et de corps.

L’étude de la divisibilité dans les nombres entiers est basée sur la propriétéfondamentale suivante : tout nombre entier s’écrit, de manière unique, commeproduit de nombres premiers. Comme pour toutes les structures algébriques im-portantes, la structure d’anneau apparaît dans de nombreuses situations danslesquelles les éléments ne sont plus des nombres entiers. C’est en particulier le

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cas des polynômes. Il est donc utile, en étudiant la notion de divisibilité dansdes anneaux généraux, de voir si l’analogue de la décomposition en produit denombres premiers existe : on l’appelle alors décomposition en produit d’élémentsirréductibles. Cela conduit à la notion d’anneau factoriel qui généralise les no-tions d’anneau euclidien ou principal (chapitre II). On étudie ensuite cettedécomposition dans le cas des anneaux de polynômes (chapitre III).

L’idée essentielle a été l’introduction de la notion d’idéal : celle-ci permet degénéraliser des énoncés portant sur les propriétés usuelles de la divisibilité desnombres entiers. En particulier, la généralisation aux idéaux de la propriété dedécomposition en produit d’irréductibles, associée à la notion d’extension de corps,a permis de faire de très grands progrès en arithmétique, notamment avec l’étudedes anneaux de Dedekind (chapitre VI).

La structure d’espace vectoriel (sur un corps), qui est l’une des plus fécondesdes mathématiques, a des applications très nombreuses, non seulement en ma-thématique, mais également en physique, chimie, biologie et sciences humaines.C’est la raison pour laquelle l’algèbre linéaire est un domaine fondamental etson étude cruciale.

Si l’on remplace le corps de base par un anneau, la définition de la structured’espace vectoriel garde tout son sens et, pour la différencier de la notion pré-cédente, on parle de structure de module (sur un anneau) (chapitre IV). Cettestructure de module possède beaucoup de propriétés des espaces vectoriels, maiselle est plus subtile et certains résultats fondamentaux des espaces vectoriels nesont plus valables : par exemple, un module ne possède pas nécessairement unebase. Néanmoins, cette structure algébrique est d’une grande richesse – en parti-culier si l’anneau de base est principal (chapitre V) et relativement à la dualité(chapitre VII) – et intervient naturellement dans de nombreux contextes mathé-matiques ou autres.

On sait que les applications linéaires sont au cœur de l’algèbre linéaire, maisde nombreux problèmes font apparaître des applications de plusieurs variables, li-néaires en chaque variable, les applications multilinéaires. Pour en simplifierl’étude, l’on se ramène à des applications linéaires en utilisant le produit ten-soriel (chapitre VIII) ou le produit extérieur (chapitre IX). Cela conduit auxnotions d’algèbre tensorielle ou algèbre extérieure, qui sont des outils trèspuissants en algèbre et géométrie.

Comme dans le cas des groupes, la structure d’anneau a donné naissance à uneapproche algébrique de la géométrie, en particulier des courbes et des surfaces : lagéométrie algébrique. Cette démarche « algébrique » a été également appliquée,de manière très efficace, en analyse – groupes topologiques, espaces vectorielsnormés, algèbres de Banach.

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Avant-Propos

Par le programme couvert, ces deux ouvrages Algèbre I – Groupes, Corpset Théorie de Galois et Algèbre II – Anneaux, Modules et Algèbre Multilinéaires’adressent aux étudiants de L3 et master et leur contenu fait partie de la culturenormale d’un candidat à l’agrégation de mathématiques.

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REMERCIEMENTS

Ce texte doit beaucoup à la relecture de Jean-Michel Oudom. Il a résolu tousles exercices et TR, ce qui a conduit, dans bien des cas, à une amélioration notablede leurs énoncés.

Qu’il trouve ici l’expression de mon amicale reconnaissance.

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AVERTISSEMENT

Depuis plusieurs années, l’enseignement de l’algèbre en L1–L2 se limite généra-lement à l’algèbre linéaire. Cet ouvrage, en deux volumes, donne une présentationdes thèmes d’un enseignement d’algèbre générale – groupes, anneaux, corps – etdonne une introduction à l’algèbre multilinéaire, sans connaissance préalable né-cessaire de ces domaines. On s’est volontairement limité à un exposé simple desconcepts fondamentaux qui trouvent leurs places dans un enseignement de L3et M1.

Chaque chapitre comporte, dans le cours du texte, des exemples et des exer-cices qui illustrent les notions développées, au fur et à mesure qu’elles apparaissent.Les exercices signalés par le symbole ¶ sont plus difficiles que les autres.

À la fin de chacun des chapitres, on trouvera des thèmes de réflexion (TR) (etdes travaux pratiques (TP) pour « Algèbre I »).

Les TR se présentent sous forme de questions, dont l’énoncé contient la ré-ponse, qui guident le lecteur dans l’étude d’un objet ou d’une notion particulière– illustration, complément ou approfondissement du cours. Ils sont de trois types :

– ceux qui sont signalés par le symbole ♥ doivent être considérés comme ducours et doivent être étudiés comme tel. Ils sont utilisés sans rappel dans leschapitres suivants ;

– ceux qui sont signalés par le symbole ♣ sont des problèmes d’applicationqui utilisent des notions développées dans le chapitre concerné ou dans ceux quiprécèdent ;

– ceux qui sont signalés par le symbole ♠ sont des approfondissements plutôtdestinés aux étudiants préparant l’agrégation.

Certains de ces TR sont repris dans plusieurs chapitres : on peut ainsi constatercomment l’enrichissement de la théorie permet d’étudier, de façon de plus en plusfine, un même objet.

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Algèbre T2

Les exercices et les TR de ce tome 2 représentent près de 300 questions, dontla résolution permettra au lecteur d’acquérir une bonne maîtrise des conceptsde base concernant les anneaux (euclidiens, principaux, factoriels, de Dedekind),l’arithmétique (éléments entiers), les modules et l’algèbre multilinéaire.

Les démonstrations intègrent de fréquentes références à des résultats conte-nus dans ce livre. Celles qui commencent par un chiffre romain, renvoient à unrésultat contenu dans le chapitre correspondant à ce chiffre. Les autres renvoientà un résultat contenu dans le chapitre en cours. Le symbole ♦ indique la fin, oul’absence, d’une démonstration.

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Première partie

Anneaux et modules

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I

GÉNÉRALITÉS SUR LES ANNEAUX

1. Définitions – Exemples

Rappelons qu’un groupe est la donnée d’un ensemble non vide G et d’une loide composition interne

G×G −→ G

(x, y) �−→ x ∗ yvérifiant les propriétés suivantes :

(i) ∀ x, y, z ∈ G, (x ∗ y) ∗ z = x ∗ (y ∗ z),(ii) ∃ e ∈ G, tel que ∀ x ∈ G,x ∗ e = e ∗ x = x,(iii) ∀ x ∈ G,∃ x ∈ G tel que x ∗ x = x ∗ x = e.

Si, de plus, la propriété suivante est vérifiée :

∀ (x, y) ∈ G×G, x ∗ y = y ∗ x,le groupe G est dit commutatif ou abélien.

Definitions 1.1.a) Un anneau est la donnée d’un ensemble non vide A et de deux lois

de composition interne, notées + et . (appelées respectivement addition etmultiplication), telles que :

(i) (A,+) est un groupe abélien (on notera 0 son élément neutre),(ii) ∀ (a, b, c) ∈ A×A×A, (a.b).c = a.(b.c),(iii) ∃ 1 ∈ A, ∀ a ∈ A a.1 = 1.a = a,(iv) ∀ (a, b, c) ∈ A×A×A, a.(b+ c) = a.b+ a.c et (b+ c).a = b.a+ c.a.

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Chapitre I. Généralités sur les anneaux

Si, de plus, la propriété suivante est vérifiée :

∀ (a, b) ∈ A×A, a.b = b.a,

l’anneau A est dit commutatif.

b) Un corps est un anneau A non réduit à {0} tel que (A \ {0}, .) soit ungroupe.

La propriété (ii) est l’associativité de la multiplication ; l’élément 1, dontl’existence est assurée par la propriété (iii), est l’élément neutre de la multiplica-tion et est appelé l’unité de l’anneau A ; la propriété (iv) est la distributivitéde la multiplication par rapport à l’addition.

Remarques 1.2.a) Dans un anneau A, on a les relations

∀ a ∈ A, 0.a = a.0 = 0 et (−1).a = −a.

En effet, on a

0.a+ a = (0 + 1).a = 1.a = a, d’où 0.a = 0,

et de même pour a.0 = 0. De plus,

(−1).a + a = (−1).a+ 1.a = (−1 + 1).a = 0.a = 0, d’où (−1).a = −a.

b) Si 1 = 0, alors A est réduit à {0}, car on a alors

∀ a ∈ A, a = 1.a = 0.a = 0.

c) De la même manière que ci-dessus, on a

∀ (a, b) ∈ A×A, −(a.b) = (−a).b = a.(−b) et (−a).(−b) = a.b.

Dans la suite, on notera la multiplication dans A par ab, en omettant le point.Bien entendu, les mots « addition » et « multiplication » sont des noms donnés auxopérations définissant la structure d’anneau et ne correspondent pas forcémentaux opérations que l’on désigne usuellement par ces termes, cf. E1.2 ci-après.

4

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1. Définitions – Exemples

Exemples 1.3.a) L’ensemble des entiers relatifs Z, muni de l’addition et de la multiplication

usuelles, est un anneau commutatif.b) Les ensembles Q des nombres rationnels, R des nombres réels et C des

nombres complexes, munis des opérations usuelles, sont des corps.c) L’ensemble Mn(k) des matrices (n, n) à coefficients dans un anneau com-

mutatif k, muni de l’addition et de la multiplication des matrices, est un anneau,non commutatif pour n � 2.

d) Soit G un groupe abélien (noté additivement), alors End(G) muni de l’ad-dition et de la composition des morphismes de groupes est un anneau (en généralnon commutatif).

e) Pour tout entier n > 0, le groupe abélien Z/nZ muni de la multiplicationdéfinie par cl(p)cl(q) = cl(pq) est un anneau commutatif, dont l’unité est cl(1),où cl(x) désigne la classe dans Z/nZ de l’élément x de Z.

f) L’ensemble R[X] des polynômes à coefficients dans R, muni de l’additionet de la multiplication des polynômes, est un anneau commutatif.

Exercice E1.1. Soient X un ensemble non vide et A un anneau. On note F(X,A) l’en-

semble des applications de X dans A. Montrer que F(X,A) muni des opérationsdéfinies par

∀ f ∈ F(X,A), ∀ g ∈ F(X,A), ∀x ∈ X, (f + g)(x) = f(x) + g(x)∀ f ∈ F(X,A), ∀ g ∈ F(X,A), ∀x ∈ X, (fg)(x) = f(x)g(x)

est un anneau (commutatif si et seulement si A est commutatif).2. Soient X un ensemble et P(X) l’ensemble des parties de X. Pour deux

éléments A et B de P(X), on pose

AΔB = (A ∩ (X \B)) ∪ (B ∩ (X \ A)),

que l’on appelle différence symétrique de A et B. Montrer que P(X) muni desopérations

∀A ∈ P(X), ∀B ∈ P(X), (A,B) �→ AΔB∀A ∈ P(X), ∀B ∈ P(X), (A,B) �→ A ∩B

est un anneau commutatif.

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Chapitre I. Généralités sur les anneaux

Definition 1.4. Un élément a d’un anneau A admet un inverse à gauche (resp.à droite) s’il existe un élément b de A tel que ba = 1 (resp. ab = 1).

Proposition 1.5. Si un élément a d’un anneau A admet un inverse à gauche b etun inverse à droite c, ces éléments b et c sont uniques et égaux.

Démonstration. Supposons qu’il existe b et b′ dans A tels que ba = 1 = b′a, alors(ba)c = (b′a)c, d’où b(ac) = b′(ac) et, puisque ac = 1, b = b′. Pour les mêmesraisons, l’élément c est unique. De plus b = c, car on a b = b(ac) = (ba)c = c. ♦

Attention. Un élément d’un anneau peut admettre un inverse à gauche et pas àdroite, ou inversement, cf. E2.3 ci-dessous.

Definition 1.6. Un élément a d’un anneau A est inversible s’il admet un in-verse à gauche et à droite. On note alors a−1 son inverse et U(A) l’ensembledes éléments inversibles de A.

Proposition 1.7. Si A est un anneau, alors U(A), muni de la multiplication induitepar celle de A, est un groupe dont l’élément neutre est l’élément unité de A. Cegroupe est abélien si l’anneau A est commutatif.

Démonstration. Soient a et b deux éléments de U(A) ; il existe a′ et b′ dans A telsque aa′ = a′a = 1 et bb′ = b′b = 1. Alors

(ab)(b′a′) = a(bb′)a′ = 1 et (b′a′)(ab) = b′(a′a)b = 1

d’où ab est inversible. La multiplication de A induit donc une loi de compositioninterne sur U(A), qui est associative puisque la multiplication de A l’est. Pardéfinition, l’unité de A est élément neutre et chaque élément de U(A) admet uninverse. ♦

Exercice E2.1. Déterminer U(R[X]).2. Déterminer U(F(X,A)), où F(X,A) est l’anneau défini en E1.1.

3. Soit E un R-espace vectoriel de dimension infinie. Montrer que dans l’an-neau EndR(E), il existe des éléments ayant un inverse à gauche (resp. à droite)mais pas à droite (resp. à gauche).

Remarque 1.8. Il est clair qu’un anneau A �= {0} est un corps si et seulement siU(A) = A \ {0}.

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1. Définitions – Exemples

Exercice E3 (¶).1. Soient K un corps commutatif et G un sous-groupe fini de K∗ = U(K).

Montrer que le groupe G est formé de racines de l’unité et qu’il est cyclique (ennotant n le ppcm des ordres des éléments de G, on montrera, en utilisant lethéorème de structure des groupes abéliens de type fini, cf. [G-H] théorème VI.4.2,qu’il existe un élément x de G d’ordre n et on montrera que G = 〈x〉).

2. En déduire que si K est un corps fini commutatif à q éléments, le groupeK∗ est cyclique d’ordre (q − 1).

Dans la question ci-dessus, l’hypothèse de commutativité est redondantepuisque tout corps fini est commutatif (théorème de Wedderburn, cf. [G-H]).

Definition 1.9. Une partie B d’un anneau (resp. corps) A est un sous-anneau(resp. sous-corps) de A si, munie des lois induites par celles de A, c’est unanneau (resp. corps).

Proposition 1.10. Une partie B d’un anneau A est un sous-anneau de A si etseulement si les trois conditions suivantes sont vérifiées :

(i) B munie de l’addition induite par celle de A est un sous-groupe abélien de(A,+),

(ii) B contient l’élément unité 1 de A,(iii) B est stable pour la multiplication de A.

Démonstration. Les arguments de cette démonstration sont laissés au lecteur à titred’exercice. On notera que la condition « B contient l’unité de A » est essentielleet n’est pas une conséquence des autres conditions. ♦

Exemple 1.11. Soit A un anneau, alors

Z(A) = {a ∈ A | ∀ b ∈ A, ab = ba}

est un sous-anneau de A, appelé le centre de A.

Exercice E4. Montrer que l’ensemble

A = {a+ ib | a ∈ Z, b ∈ Z, i2 = −1}

est un sous-anneau de C. Déterminer U(A).

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Chapitre I. Généralités sur les anneaux

Proposition – Definition 1.12. Soient A un anneau (resp. corps) et S une partiede A. Le sous-anneau (resp. sous-corps) de A engendré par S est le plus petit(pour la relation d’ordre induite par l’inclusion) sous-anneau (resp. sous-corps)de A contenant S. C’est l’intersection des sous-anneaux (resp. sous-corps) de Acontenant S. ♦

Remarque 1.13. Pour S = {0, 1}, cela conduit à la notion de sous-corps premierétudiée à la section 5.

Exercice E5.1. Déterminer le sous-anneau et le sous-corps de R engendrés par

√2. Mêmes

questions avec 3√

2.2. Soient A un anneau commutatif et S une partie de A. Montrer que le sous-

anneau de A engendré par S est formé des éléments∑finie

sni1i1

· · · snikik

, avec sij ∈ S

et nij ∈ N. (Par convention, s0 = 1.)

2. Idéaux – Morphismes

Soit E un ensemble muni d’une loi composition interne (notée multiplicati-vement) sur lequel est définie une relation d’équivalence R. On rappelle que larelation R est compatible à droite (resp. à gauche) avec la loi si, quels que soientx, y, a dans E, on a (xRy) =⇒ (xaRya) (resp. (xRy) =⇒ (axRay)) et qu’elle estcompatible avec la loi si elle est compatible à droite et à gauche.

Il est facile de vérifier que R est compatible avec la loi si et seulement si

∀ x, x′, y, y′ ∈ E, [(xRx′) et (yRy′)] =⇒ [xyRx′y′].

On en déduit que si E est un ensemble muni d’une loi de composition interne,si R est une relation d’équivalence définie sur E et si E/R est l’ensemble quotientde E par la relation d’équivalence R, alors la loi interne de E induit une loi internesur E/R, (x, y) �→ xy (où, pour z ∈ E, z désigne la classe d’équivalence de z)si et seulement si R est compatible avec la loi de E. En effet, la correspondance(x, y) �→ xy définit une loi interne sur E/R si et seulement si elle définit uneapplication E/R× E/R → E/R, autrement dit, si et seulement si

(x = x1, y = y1) ⇒ (xy = x1y1),

d’où le résultat d’après ce qui précède.Par conséquent, si la relation R est compatible avec la loi de E, la loi induite

sur E/R par celle de E est définie par x y = xy. Il est clair que si la loi de E

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2. Idéaux – Morphismes

est associative (resp. commutative, resp. admet un élément neutre e, resp. toutélément x admet un élément symétrique x∗), il en est de même pour la loi induitesur E/R, e est l’élément neutre, l’élément symétrique de x est x∗.

Cette analyse montre que si R est une relation d’équivalence définie sur unanneau A, l’addition et la multiplication de A induisent sur l’ensemble A/R uneaddition et une multiplication (x + y = x+ y, x.y = xy) qui munissent A/Rd’une structure d’anneau si et seulement si R est compatible avec l’addition et lamultiplication de A.

Soient A un anneau et I un sous-groupe du groupe abélien (A,+). On consi-dère la relation d’équivalence R définie sur A par :

∀ (x, y) ∈ A×A, (xRy) ⇔ (x− y) ∈ I.Il est clair que cette relation est compatible avec l’addition de A. Alors I est laclasse de 0 pour la relation R et le groupe abélien (A/R,+) s’identifie au groupeabélien (A/I,+). La relation R est compatible avec la multiplication de A si etseulement si

∀x ∈ I, ∀ a ∈ A, a.x ∈ I et x.a ∈ I.Cela conduit à la définition suivante :

Definition 2.1. Une partie I d’un anneau A est un idéal à gauche (resp. àdroite, resp. bilatère) si I est un sous-groupe abélien de A pour l’additionet si

∀x ∈ I, ∀ a ∈ A, a.x ∈ I (resp. x.a ∈ I, resp. a.x ∈ I et x.a ∈ I).

Remarques 2.2.a) Si l’anneau A est commutatif, il y a équivalence entre idéal à gauche, idéal

à droite et idéal bilatère. Dans ce cas, on dira que I est un idéal.b) Il est clair que A et {0} sont des idéaux bilatères de A.c) Il est évident que si I est un idéal à gauche (resp. à droite, resp. bilatère)

d’un anneau A et si 1 ∈ I, alors I = A.

De la discussion précédente découle le théorème suivant.

Theoreme 2.3. Soient A un anneau (resp. anneau commutatif) et I un idéalbilatère (resp. un idéal) de A. Alors l’addition et la multiplication induites parcelles de A sur A/I le munissent d’une structure d’anneau (resp. d’anneau com-mutatif). ♦

Les démonstrations des propositions qui suivent sont des exercices faciles lais-sés au lecteur.

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Chapitre I. Généralités sur les anneaux

Proposition – Definition 2.4. Si I et J sont deux idéaux à gauche (resp. à droite,resp. bilatères) d’un anneau A, alors

I + J = {x + y | x ∈ I, y ∈ J} est un idéal à gauche (resp. à droite, resp.bilatère) de A, appelé somme des idéaux I et J ,

IJ ={∑

finie

xlyl | xl ∈ I, yl ∈ J}

est un idéal à gauche (resp. à droite, resp.

bilatère) de A, appelé produit des idéaux I et J . ♦Proposition 2.5. Si {Il}l∈L est une famille non vide d’idéaux à gauche (resp. àdroite, resp. bilatères) d’un anneau A, alors

⋂l∈L

Il est un idéal à gauche (resp. à

droite, resp. bilatère) de A. ♦Proposition – Definition 2.6. Soient A un anneau et S une partie de A. On appelleidéal à gauche (resp. à droite, resp. bilatère) de A engendré par S le plus petitidéal à gauche (resp. à droite, resp. bilatère) de A contenant S. C’est l’intersectiondes idéaux à gauche (resp. à droite, resp. bilatères) de A contenant S. ♦Proposition 2.7. Soient A un anneau et S une partie de A. L’idéal à gauche de Aengendré par S est formé des éléments de A s’écrivant

∑finie

aisi, ai ∈ A, si ∈ S. ♦

Le lecteur décrira de la même manière l’idéal à droite (resp. bilatère) engendrépar S.

Notation. Si la partie S est réduite à un élément, S = {a}, on note (a) l’idéalbilatère engendré par a.

Definition 2.8. Un idéal (à gauche, à droite, bilatère) I d’un anneau A est ditpropre si I �= {0} et I �= A.

Proposition 2.9. Un anneau commutatif A est un corps si et seulement s’il nepossède aucun idéal propre.

Démonstration. Soient A un corps et I un idéal non nul de A. Il existe un élémenta �= 0 dans I. L’élément a, étant non nul, est inversible dans A et, puisque I estun idéal, a−1a = 1 appartient à I. On en déduit que I = A.

Supposons que A soit un anneau commutatif sans idéal propre. Pour toutélément a �= 0 de A, l’idéal (a) engendré par a est non nul, donc égal à A. Parconséquent, il existe un élément b de A tel que ab = 1. Cela montre que toutélément non nul de A est inversible, donc que A est un corps. ♦

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2. Idéaux – Morphismes

Attention. Le résultat précédent est faux si l’anneau A est non commutatif (consi-dérer un anneau de matrices). Plus précisément, un corps ne possède pas d’idéauxpropres ; l’hypothèse de commutativité de l’anneau est nécessaire pour démontrerl’implication dans l’autre sens.

Exercice E6. Montrer que les idéaux de l’anneau Z sont les (n) pour n parcourantN (on utilisera la division euclidienne dans Z).

Definition 2.10. Soient A et B deux anneaux (resp. corps). Un morphismed’anneaux (resp. de corps) de A dans B est une application f : A → Bvérifiant

∀ (x, y) ∈ A×A, f(x+ y) = f(x) + f(y)

∀ (x, y) ∈ A×A, f(x.y) = f(x).f(y)

f(1A) = 1B .

Un morphisme d’anneaux (resp. corps) f : A→ B est un isomorphisme d’an-neaux (resp. corps) s’il existe un morphisme d’anneaux (resp. corps) g : B → Atel que g ◦ f = idA et f ◦ g = idB .

Remarque 2.11. La première condition ci-dessus signifie que si f : A→ B est unmorphisme d’anneaux, c’est un morphisme pour les groupes abéliens sous-jacents,donc f(0A) = 0B .

Les démonstrations des deux propositions qui suivent sont des exercices facileslaissés au lecteur.

Proposition 2.12. Soient A un anneau et I un idéal bilatère de A. La projectioncanonique A → A/I, qui à un élément de A associe sa classe modulo I, est unmorphisme surjectif d’anneaux. ♦

Proposition 2.13. Soit f : A→ B un morphisme d’anneaux.(i) Le noyau de f , Ker(f) = {x ∈ A | f(x) = 0}, est un idéal bilatère de A et

l’image de f , Im(f), est un sous-anneau de B.(ii) Si J est un idéal à gauche (resp. à droite, resp. bilatère) de B, alors

I = f−1(J) est un idéal à gauche (resp. à droite, resp. bilatère) de A.(iii) Le morphisme f est un isomorphisme si et seulement si c’est un mor-

phisme bijectif. ♦

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Chapitre I. Généralités sur les anneaux

Exercice E7.1. Déterminer tous les morphismes d’anneaux de Z dans Z, de Q dans Z, de

R dans Q. (On remarquera que la condition f(1) = 1 est très contraignante etdiminue fortement le nombre de morphismes possibles entre deux anneaux.)

2. Soit f : A→ B un morphisme d’anneaux. Montrer que f(U(A)) ⊆ U(B).

Theoreme 2.14 (de passage au quotient).(i) Soient A et B deux anneaux, I (resp. J) un idéal bilatère de A (resp. B),

π : A→ A/I (resp. π′ : B → B/J) la projection canonique. Pour tout morphismed’anneaux f : A→ B tel que f(I) ⊆ J , il existe un unique morphisme d’anneauxf : A/I −→ B/J tel que f ◦ π = π′ ◦ f .

(ii) Soit f : A → B un morphisme d’anneaux. Alors les anneaux Im(f) etA/Ker(f) sont canoniquement isomorphes.

Convention. L’expression « le diagramme suivant

Af−−−−→ B

g

⏐⏐� ⏐⏐�g′

C −−−−→f ′ D

est commutatif » signifie que les applications f, f ′, g, g′ satisfont à la conditiong′ ◦ f = f ′ ◦ g.

Démonstration du théorème 2.14. Considérons le diagramme suivant :

Af−−−−→ B

π

⏐⏐� ⏐⏐�π′

A/I −−−−→f

B/J

Si le morphisme f existe et fait commuter le diagramme, il doit vérifierf(π(x)) = π′(f(x)) et, tout élément de A/I s’écrivant π(x) pour x ∈ A, cetteégalité impose l’unicité de f .

Montrons que l’égalité ci-dessus définit bien une application f , i.e. que f(π(x))est indépendant du représentant x choisi dans A pour décrire sa classe dans A/I.Si π(x) = π(y), on a x − y ∈ I, donc f(x − y) = f(x) − f(y) ∈ f(I) ⊆ J . D’oùπ′(f(x)) = π′(f(y)).

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2. Idéaux – Morphismes

Montrons que f est un morphisme d’anneaux. On a

f(π(x) + π(y)) = f(π(x+ y)) = π′(f(x+ y)) = π′(f(x) + f(y))

= π′(f(x)) + π′(f(y)) = f(π(x)) + f(π(y)).

f(π(x)π(y)) = f(π(xy)) = π′(f(xy)) = π′(f(x)f(y))

= π′(f(x))π′(f(y)) = f(π(x))f (π(y)).

f(1) = f(π(1)) = π′(f(1)) = π′(1) = 1.

(ii) C’est une conséquence de l’assertion (i), en remplacant B par Im(f), Ipar Ker(f) et J par {0}. Il suffit de vérifier que, dans ce cas, le morphisme f estinjectif. ♦

Theoreme 2.15. Soient f : A → B un morphisme surjectif d’anneaux etK = Ker(f).

(i) Il existe une correspondance biunivoque entre les idéaux bilatères I de Aqui contiennent K et les idéaux bilatères de B.

(ii) Si I ⊆ A (K ⊆ I) et J ⊆ B sont des idéaux bilatères qui se correspondentpar cette bijection, alors

A/I � B/J � (A/K)/(I/K).

Démonstration.(i) Notons I l’ensemble des idéaux bilatères de A qui contiennent K et notons

J l’ensemble des idéaux bilatères de B. Pour tout I ∈ I, on pose

ϕ(I) = {f(x), x ∈ I}.

C’est un idéal bilatère de B puisque f est surjectif. On en déduit donc une appli-cation ϕ : I → J .

Pour tout J ∈ J , on pose

ψ(J) = f−1(J).

C’est un idéal bilatère de A qui contient f−1(0) = K. On en déduit donc uneapplication ψ : J → I. On vérifie aisément que les applications ϕ et ψ sontinverses l’une de l’autre.

(ii) Soient I un idéal bilatère de A contenant K et J = f(I). On considère laprojection canonique π : B → B/J . Alors le morphisme composé

π ◦ f : A→ B → B/J

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Chapitre I. Généralités sur les anneaux

est surjectif. De plus, un élément a de A appartient à Ker(π ◦ f) si et seulementsi f(a) ∈ J , i.e. a ∈ f−1(J), d’où Ker(π ◦ f) = I. On en déduit que

B/J � A/Ker(π ◦ f) = A/I.

Or, puisque f est surjectif, on a B � A/K et J = f(I) � I/K. ♦Remarque 2.16. Si A est un anneau et I un idéal bilatère de A, la proposition pré-cédente, appliquée à la projection A→ A/I, montre qu’il y a une correspondancebiunivoque entre les idéaux bilatères de l’anneau A/I et les idéaux bilatères de Aqui contiennent I.

Les exercices E6 et E8 montrent qu’il y a une relation étroite entre nombreset idéaux. Nous pouvons expliciter maintenant l’interprétation de la divisibilitédes nombres en termes d’idéaux, comme cela a été annoncé dans l’avant-propos.

Definition 2.17. Soient A un anneau commutatif, a et b deux éléments de A.On dit que a divise b, ou que a est un diviseur de b, et on écrit a|b, s’il existeun élément c ∈ A tel que b = ac.

Exercice E8. Montrer que les idéaux de l’anneau Z/nZ correspondent aux nombresentiers positifs qui divisent n.

Dans cette situation, on considère les idéaux (a) et (b) de A, engendrés para et b respectivement. Tout élément de (b) s’écrivant xb, avec x ∈ A, s’écrit xac,donc appartient à (a). On en déduit donc que

[a|b] =⇒ [(a) ⊃ (b)] ⇐⇒ [b ∈ (a)].

Réciproquement, soient a et b deux éléments d’un anneau commutatif A et (a), (b)les idéaux qu’ils engendrent. Si (a) ⊃ (b), alors b ∈ (a), i.e. il existe c ∈ A tel queb = ac, i.e. a divise b.

On voit donc que la divisibilité des éléments dans un anneau se traduit parl’inclusion des idéaux qu’ils engendrent. On peut remarquer, d’après la définitiondu produit de deux idéaux, que si I et J sont des idéaux d’un anneau A, on aI ⊃ IJ , ce qui correspond bien à l’idée naturelle que I divise le produit IJ .

On est donc amené à remplacer l’étude de la divisibilité des éléments dans unanneau par l’étude des idéaux de cet anneau et des inclusions entre eux.

Nous allons introduire, ci-dessous, les notions d’idéaux premiers et d’idéauxmaximaux, qui jouent dans des anneaux très généraux, anneaux factoriels (cf. cha-pitre II) ou anneaux de Dedekind (cf. chapitre VI), le même rôle que les nombrespremiers dans Z.

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3. Idéaux maximaux, idéaux premiers

3. Idéaux maximaux, idéaux premiers

Definition 3.1. Un anneau A non nul est intègre si

∀ a ∈ A, ∀ b ∈ A, [ab = 0] ⇒ [a = 0 ou b = 0].

Si l’anneau A n’est pas intègre, des éléments non nuls a et b tels que ab = 0sont appelés des diviseurs de zéro.

Exemple 3.2. L’anneau Z est intègre. Tout corps est intègre. L’anneau M2(R)n’est pas intègre.

Exercice E9.1. Soit p un nombre premier. Déterminer tous les diviseurs de zéro de l’anneau

Z/p2Z.2. Montrer que pour tout n � 2 et pour tout corps commutatif k, l’anneau

Mn(k) n’est pas intègre.3. Montrer que si X est un ensemble tel que card(X) > 1, l’anneau F(X,A)

défini en E1.1 n’est pas intègre.4. Un élément a d’un anneau A est nilpotent s’il existe un entier n > 0 tel

que an = 0.a) Montrer que dans Mn(k), n � 2, il existe des éléments nilpotents.b) Soient a et b des éléments d’un anneau A. Montrer que si ab est nilpotent,

alors ba l’est aussi.c) Montrer que si ab = ba et si a et b sont nilpotents, alors ab et a + b sont

nilpotents.

Remarque 3.3. Il est clair qu’un sous-anneau d’un anneau intègre est intègre. Cen’est pas le cas pour le quotient par un idéal, comme on le voit facilement avecZ/4Z par exemple.

On va dégager une notion d’idéal telle que l’intégrité de l’anneau soit conservéepar passage au quotient par les idéaux de ce type.

Dans toute la suite, les anneaux considéréssont supposés commutatifs

Proposition 3.4. Soient A un anneau et p �= A un idéal de A. Les assertionssuivantes sont équivalentes.

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Chapitre I. Généralités sur les anneaux

(i) L’anneau A/p est intègre.(ii) Pour tous a et b éléments de A, on a [ab ∈ p] ⇒ [a ∈ p ou b ∈ p].

Démonstration. Supposons l’assertion (i) vérifiée et soient a et b deux éléments deA tels que ab ∈ p. Alors la classe ab de ab dans A/p est nulle. On a donc a b = 0et, puisque l’anneau A/p est intègre, on a a = 0 ou b = 0, i.e. a ∈ p ou b ∈ p.

Supposons l’assertion (ii) vérifiée et soient a et b deux éléments de A/p telsque a b = 0. Cela signifie que ab appartient à p, donc que a ou b appartient à p.Autrement dit,

(a b = 0) ⇒ (a = 0 ou b = 0)

et l’anneau A/p est intègre. ♦

Definition 3.5. Soit A un anneau, un idéal de A, distinct de A, est dit premiers’il vérifie les assertions de la proposition 3.4.

Remarque 3.6. L’idéal {0} d’un anneau A est premier si et seulement si A estintègre.

Proposition 3.7. Soient A un anneau et m un idéal propre de A. Les assertionssuivantes sont équivalentes.

(i) Si I est un idéal de A tel que m ⊆ I ⊆ A, alors I = m ou I = A.(ii) Si a est un élément de A qui n’appartient pas à m, l’idéal engendré par m∪{a}

est égal à A.

Démonstration. Supposons que l’assertion (i) soit vérifiée et soit a un élément de A,a /∈ m. L’idéal I engendré par m ∪ {a} contient strictement m, donc est égal à A.

Supposons que l’assertion (ii) soit vérifiée et soit I un idéal de A vérifiantm ⊂ I. Si I �= m, il existe a ∈ I, a /∈ m, par conséquent l’idéal engendré parm ∪ {a} est égal à A. Puisqu’il est contenu dans I, on a I = A. ♦

Definition 3.8. Un idéal propre m d’un anneau A est dit maximal s’il vérifieles conditions de la proposition 3.7.

Proposition 3.9. Soit A un anneau. Un idéal propre m de A est maximal si etseulement si l’anneau A/m est un corps.

Démonstration. Le morphisme d’anneaux A → A/m étant surjectif, d’après lethéorème 2.15 les idéaux de A/m sont en correspondance biunivoque avec les

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3. Idéaux maximaux, idéaux premiers

idéaux de A qui contiennent m. On en déduit que si l’idéal m est maximal, l’anneauA/m n’a pas d’idéal propre. C’est alors un corps, d’après la proposition 2.9.

Si l’anneau A/m est un corps, il n’a pas d’idéal propre, par conséquent, si Iest un idéal de A tel que m ⊆ I, on a I = m ou I = A. ♦

Proposition 3.10. Un idéal maximal est premier.

Démonstration. Si m est un idéal maximal d’un anneau A, alors A/m est un corps,donc un anneau intègre, et m est un idéal premier. ♦

Attention. La réciproque est fausse (considérer, par exemple, l’idéal engendré parX dans l’anneau de polynômes Z[X]).

Theoreme 3.11. Soit A un anneau. Tout idéal I de A est contenu dans unidéal maximal de A.

Démonstration. Soit (ak)k∈K l’ensemble des idéaux propres de A qui contiennent I.Si cet ensemble est vide, l’idéal I est maximal. Sinon, cet ensemble est ordonnépar inclusion et est tel que toute partie totalement ordonnée (aj)j∈J admet unplus grand élément ∪j∈J aj . D’après le lemme de Zorn (cf. Appendice), l’en-semble (ak)k∈K admet un élément maximal, qui est donc un idéal maximal de Acontenant I. ♦

Exercice E10.1. Montrer qu’un idéal (p) de Z est maximal (resp. premier) si et seulement si

p est un nombre premier (resp. nul ou premier). (On remarquera donc que dansl’anneau Z, un idéal non nul est maximal si et seulement s’il est premier. Ceciest une propriété générale des anneaux principaux qui sera étudiée au chapitresuivant.)

2. Déduire de ce qui précède que l’anneau Z/pZ est un corps si et seulementsi c’est un anneau intègre.

Cela est vrai de façon plus générale pour les anneaux finis, comme le montrela question suivante.

3. Soit A un anneau fini intègre.

a) Montrer que pour tout élément a ∈ A, a �= 0, les applications δa : x �→ xaet γa : x �→ ax sont des automorphismes du groupe (A,+).

b) En déduire qu’un anneau fini est un corps si et seulement s’il est intègre.

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Chapitre I. Généralités sur les anneaux

4. Produit d’anneaux – Théorème chinois

Soit {Ai}i∈I une famille non vide d’anneaux. On note∏i∈I

Ai l’ensemble des

éléments (ai)i∈I où, pour tout i ∈ I, ai ∈ Ai.

Proposition – Definition 4.1. L’ensemble∏i∈I

Ai, muni de l’addition composante par

composante et de la multiplication composante par composante, est un anneaudont l’élément neutre est la famille formée des éléments neutres des Ai, i ∈ I, etl’élément unité est la famille formée des éléments unités des Ai, i ∈ I. Cet anneauest appelé le produit des anneaux Ai, i ∈ I.Démonstration. Les axiomes d’anneau sont vérifiés pour

∏i∈I

Ai car ils sont vérifiés

pour chaque composante. ♦Theoreme 4.2 (propriete universelle du produit d’anneaux). Soient {Ai}i∈I unefamille non vide d’anneaux et pi, i ∈ I, les projections canoniques de

∏i∈I

Ai sur

Ai, i ∈ I. Pour tout anneau B et tout morphisme d’anneaux fi : B → Ai, i ∈ I,il existe un unique morphisme d’anneaux h : B →

∏i∈I

Ai tel que pi ◦ h = fi, i ∈ I.

Démonstration. Existence de h : pour tout x de B, posons h(x) = (fi(x))i∈I . Il estclair que h est un morphisme d’anneaux et que pi ◦ h = fi, i ∈ I.

Unicité de h : supposons qu’il existe un autre morphisme d’anneauxh′ : B →

∏i∈I

Ai tel que pi ◦ h′ = fi, i ∈ I. Alors, pour tout x de B, on a

h′(x) = (fi(x))i∈I = h(x), d’où h′ = h. ♦Theoreme 4.3 (le theoreme chinois). Soient A un anneau et a1, . . . , an des idéauxde A tels que ai + aj = A pour tout 1 � i �= j � n.

(i) Soient x1, . . . , xn des éléments de A, alors il existe un élément x de A telque x ≡ xi (mod ai), i = 1, . . . , n.

(ii) Les projections canoniques πi : A → A/ai, i = 1, . . . , n, induisent unisomorphisme d’anneaux

A/(n⋂

i=1

ai) →n∏

i=1

(A/ai).

Pour rendre la démonstration de ce théorème plus compréhensible, nous allonsd’abord étudier le cas de deux idéaux.

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4. Produit d’anneaux – Théorème chinois

Definition 4.4. Deux idéaux I et J d’un anneau A sont étrangers si I+J = A.

Proposition 4.5. A un anneau, I et J deux idéaux de A.(i) L’anneau A/(I ∩ J) est isomorphe à un sous-anneau de A/I ×A/J .(ii) Si les idéaux I et J sont étrangers, alors :

IJ = I ∩ Jet

∀ a ∈ A,∀ b ∈ A,∃x ∈ A tel que x ≡ a (mod I) et x ≡ b (mod J).

(iii) Si les idéaux I et J sont étrangers, alors les anneaux A/IJ et A/I×A/Jsont isomorphes.

Démonstration.

(i) Pour tout élément a ∈ A, notons aI et aJ les classes respectives de amodulo I et J . L’application p : A −→ A/I×A/J , définie par p(a) = (aI , aJ ), estun morphisme d’anneaux dont le noyau est I ∩ J . En considérant le morphisme πobtenu à partir de p par passage au quotient, l’anneau A/(I ∩ J) est isomorphe àIm(p), qui est un sous-anneau de A/I ×A/J (cf. théorème 2.14(ii)).

(ii) Par définition même d’un idéal, l’inclusion IJ ⊂ I ∩ J est évidente. Lesidéaux I et J étant étrangers, il existe u ∈ I et v ∈ J tels que 1 = u + v. Soitz ∈ I ∩J , on a donc z = zu+ zv et chacun de ces deux derniers éléments est dansIJ . D’où (I ∩ J) ⊂ IJ .

Avec les mêmes notations que ci-dessus, posons x = au + bv. Alorsx ≡ a (mod I) et x ≡ b (mod J).

(iii) Sous l’hypothèse que I et J sont étrangers, on a A/(I ∩ J) = A/IJ , deplus, la dernière assertion prouve que le morphisme p est surjectif, il en est doncde même pour le morphisme π. On en déduit que π est un isomorphisme de A/IJsur A/I ×A/J . ♦Démonstration du théorème chinois 4.3. On fait un raisonnement par récurrence. Laproposition 4.5 prouve le théorème pour n = 2. Supposons le théorème vrai pourn − 1. Fixons un indice i, 1 � i � n ; on peut, sans perte de généralité, supposerque i = 1. Montrons que les idéaux a1 et

∏i=ni=2 ai sont étrangers. Par hypothèse,

pour tout i, 2 � i � n, il existe ai ∈ a1 et bi ∈ ai tels que ai + bi = 1. Le produit∏i=ni=2 (ai+bi) est égal à 1 et appartient à a1+

∏i=ni=2 ai. On a donc a1 +

∏i=ni=2 ai = A.

Le théorème chinois découle alors de la proposition 4.5, avec I = a1 etJ =

∏i=ni=2 ai, et de l’hypothèse de récurrence. ♦

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Chapitre I. Généralités sur les anneaux

Exercice E11.a) Montrer que si p et q sont des entiers positifs, pZ∩qZ = pqZ si et seulement

si p et q sont premiers entre eux.En déduire que les anneaux Z/pZ × Z/qZ et Z/pqZ sont isomorphes si et

seulement si p et q sont premiers entre eux.

b) Généraliser cette dernière assertion en montrant que les anneaux

Z/p1Z× · · · × Z/pkZ et Z/p1 . . . pkZ

sont isomorphes si et seulement si les entiers pi, 1 � i � k, sont premiers entreeux deux à deux.

c) En déduire que pour tout nombre n ∈ N∗ dont la décomposition en fac-teurs premiers est n = ps1

1 · · · pskk , l’anneau Z/nZ est canoniquement isomorphe à

l’anneau Z/ps11 Z× · · · × Z/psk

k Z.

5. Caractéristique – Corps premiers

Proposition – Definition 5.1. Si A est un anneau, l’application ϕ : Z → A, définiepar ϕ(n) = n.1, est l’unique morphisme d’anneaux de Z dans A. On appelle cemorphisme le morphisme caractéristique de A.

Démonstration. Il est clair que ϕ est un morphisme d’anneaux, l’unicité étant im-pliquée par le fait que l’on doit avoir ϕ(1) = 1. ♦

On sait que le sous-anneau Im(ϕ) de A est isomorphe à Z/Ker(ϕ).

Si le morphisme ϕ est injectif (i.e. Ker(f) = {0}), alors Im(ϕ) est isomorpheà Z. Dans ce cas, puisque le morphisme ϕ est unique, on identifie Im(ϕ) à Z.

Definition 5.2. Si le morphisme ϕ est injectif, on dit que l’anneau A est decaractéristique nulle.

Si le morphisme ϕ n’est pas injectif, Ker(f) est un idéal non nul de Z, il estdonc engendré par un nombre p � 0, Ker(ϕ) = (p), et le sous-anneau Im(ϕ) de Aest isomorphe à Z/pZ.

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5. Caractéristique – Corps premiers

Definition 5.3. On dit alors que l’anneau A est de caractéristique positive p.

Autrement dit, si l’anneau A est de caractéristique positive p, p est le pluspetit entier positif tel que dans A on ait p.1 = 0.

Notation. On note car(A) la caractéristique de l’anneau A.

Exercice E12. Déterminer la caractéristique de Z, Z/nZ et (P(X),Δ,∩) (cf. exer-cice E1).

Proposition 5.4. Si A est un anneau intègre de caractéristique p positive, alors pest un nombre premier.

Démonstration. Si l’anneau A est intègre, il en est de même pour le sous-anneauIm(ϕ), par conséquent l’idéal Ker(ϕ) = (p) est premier. On en déduit, d’aprèsl’exercice E10, que le nombre p est premier. ♦

En particulier, la caractéristique d’un corps est soit nulle, soit unnombre premier.

Exercice E13. On appelle corps ordonné tout corps K muni d’une relationd’ordre total (cf. [G-H] Appendice), notée �, telle que, pour tout x, y, z dans K,on ait

[x � y] =⇒ [x+ z � y + z]

[x � y et 0 � z] =⇒ [xz � yz].

Montrer que si K est un corps ordonné, pour tout x dans K, on a x2 � 0. Endéduire que tout corps ordonné est de caractéristique nulle.

Definition 5.5. Un corps est dit premier s’il ne contient aucun sous-corps dis-tinct de lui-même.

Il est clair que tout corps contient un sous-corps premier et un seul. C’estl’intersection de tous les sous-corps.

Exercice E14. Montrer que la loi multiplicative d’un corps le munit d’une structured’espace vectoriel sur son sous-corps premier.

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Chapitre I. Généralités sur les anneaux

Theoreme 5.6.

(i) Si K est un corps de caractéristique nulle, son sous-corps premier estisomorphe au corps Q.

(ii) Si K est un corps de caractéristique p > 0, son sous-corps premier estisomorphe au corps Z/pZ.

Démonstration. Tout sous-corps de K contient l’élément unité 1, il contient doncl’image du morphisme caractéristique, Im(ϕ). Si car(K) = p > 0, Im(ϕ) � Z/pZqui est un corps puisque le nombre p est premier. Si car(K) = 0, Im(ϕ) = Z ettout sous-corps de K qui contient Im(ϕ) contient donc Q. ♦

On remarquera que cela implique qu’un corps de caractéristique nulle estinfini et, par conséquent, qu’un corps fini est de caractéristique positive.On prendra garde au fait que la réciproque est fausse (cf. exercice E16 ci-dessous).

Proposition 5.7. Soit K un corps fini à q éléments, il existe un entier n tel queq = pn, où p = car(K).

Démonstration. D’après l’exercice E13, K est un Z/pZ-espace vectoriel : notons nsa dimension. On a donc q = card(K) = card(Z/pZ)n = pn. ♦

On rappelle que l’on a vu en E3 que, dans ce cas, le groupe K∗ = U(K) estcyclique d’ordre (q − 1). On a donc les égalités

∀x ∈ K∗, xq−1 = 1; ∀x ∈ K, xq = x.

Exercice E15. Montrer que si K est un corps de caractéristique p > 0, on a

∀x ∈ K, ∀ y ∈ K, (x+ y)p = xp + yp.

(On rappelle, et on le vérifiera, que si p est un nombre premier, le nombre Ckp ,

0 < k < p, est un multiple de p.)

6. Corps des fractions d’un anneau intègre

Le but de ce paragraphe est de montrer que l’on peut, pour tout anneauintègre A, construire de manière naturelle un corps F (A) et un morphisme injectifd’anneaux A → F (A). Cela entraîne que tout anneau intègre peut être identifiéà un sous-anneau d’un corps. Le corps F (A) est construit à partir de l’anneau Acomme Q est construit à partir de Z. Ce corps s’appelle le corps des fractionsde l’anneau A.

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6. Corps des fractions d’un anneau intègre

Soit A un anneau intègre. On pose S = A \ {0} et on définit sur l’ensembleA× S une relation d’équivalence par

[(a, s) R (a′, s′)] ⇐⇒ [s′a− sa′ = 0].

Le lecteur vérifiera que l’hypothèse d’intégrité est nécessaire pour que cette relationsoit une relation d’équivalence.

On note a/s la classe d’équivalence du couple (a, s). On définit sur l’ensemblequotient (A× S)/R une addition et une multiplication par

a/s + a′/s′ = (s′a+ sa′)/ss′

(a/s)(a′/s′) = aa′/ss′

où les opérations qui apparaissent dans les seconds membres sont celles de A.

Theoreme 6.1. Les opérations ci-dessus sont bien définies et munissent l’ensemblequotient (A×S)/R d’une structure de corps, que l’on notera F (A). L’applicationa �→ a/1 est un morphisme injectif d’anneaux de A dans F (A).

Démonstration. Les opérations ci-dessus sont bien définies si et seulement sielles sont indépendantes du choix des représentants des classes. Supposons quea/s = a1/s1 et a′/s′ = a′1/s

′1. Il faut montrer que

(s′1a1 + s1a′1)/s1s

′1 = (s′a+ sa′)/ss′

et quea1a

′1/s1s

′1 = aa′/ss′.

Vérifions la première égalité. On a

s1s′1(s

′a+ sa′)− ss′(s′1a1 + s1a′1) = s′1s

′(s1a− sa1) + s1s(s′1a′ − s′a′1).

Or, puisque a/s = a1/s1 et a′/s′ = a′1/s′1, on a s1a − sa1 = 0 et s′1a′ − s′a′1 = 0.On en déduit que

s1s′1(s

′a+ sa′)− ss′(s′1a1 + s1a′1) = 0

d’où(s′1a1 + s1a

′1)/s1s

′1 = (s′a+ sa′)/ss′.

La seconde égalité se démontre de la même façon.On vérifie aisément que l’ensemble (A×S)/R muni de ces deux opérations est

un anneau, dont l’élément neutre de l’addition est 0/1 et l’élément unité est 1/1.

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Chapitre I. Généralités sur les anneaux

Notons F (A) cet anneau. Soit a/s un élément non nul de F (A). Alors, puisquea �= 0, a ∈ S et l’élément s/a appartient à F (A). On a (a/s)(s/a) = as/as = 1/1.Donc s/a = (a/s)−1 et F (A) est un corps.

Il est clair que l’application ϕ : A −→ F (A) définie par ϕ(a) = a/1 est unmorphisme d’anneaux. On a

Ker(ϕ) = {a ∈ A | a/1 = 0/1} = {a ∈ A | a = 0},

donc ϕ est injectif. ♦

Exemples 6.2.a) Si A = Z, F (A) = Q.b) Si A = R[X], F (A) est le corps des fractions rationnelles en X à coefficients

dans R. Plus généralement, si A est un anneau intègre, F (A[X]) = F (A)(X), lecorps des fractions rationnelles à coefficients dans le corps F (A).

Exercice E16. Montrer que si A = (Z/pZ)[X], où p > 0 est un nombre premier,alors F (A) = (Z/pZ)(X), le corps des fractions rationnelles à coefficients dansZ/pZ, est un corps infini de caractéristique p.

L’exercice ci-dessous montre que le corps des fractions d’un anneau intègre estsolution d’un problème universel. Ceci montre l’unicité (à isomorphisme uniqueprès) du corps construit ci-dessus et permet, en particulier, de vérifier si un corpsdonné est le corps des fractions d’un anneau intègre donné.

Exercice E17 (¶). Soit A un anneau intègre. Montrer qu’un corps K est isomorpheau corps des fractions de A si et seulement s’il existe un morphisme injectif d’an-neaux ϕ : A −→ K et si, pour tout corps L et tout morphisme injectif d’anneauxσ : A −→ L, il existe un unique morphisme (injectif) de corps ψ : K −→ L telque σ = ψ ◦ ϕ. (Comparer au théorème 6.10 ci-dessous.)

Généralisation : l’anneau S−1A

Definition 6.3. Une partie S d’un anneau commutatif A est dite multiplica-tive si 1 appartient à S et si tout produit de deux éléments de S appartientà S.

Remarque 6.4. On remarquera qu’il est équivalent de dire que tout produit d’unnombre fini d’éléments de S appartient à S.

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Généralisation : l’anneau S−1A

Exemples 6.5.a) Pour tout élément a de A, l’ensemble des an, n ∈ N, est une partie multi-

plicative de A.

b) L’ensemble des éléments de A qui ne sont pas diviseurs de zéro est unepartie multiplicative de A.

En particulier, si l’anneau A est intègre, l’ensemble A∗ des éléments non nulsde A est une partie multiplicative de A.

c) Si p est un idéal premier de A, l’ensemble A\p est une partie multiplicativede A.

Dans toute la suite, on ne considérera que des parties multiplicatives S tellesque 0 /∈ S (cf. 6.9.c ci-après).

On considère un anneau intègre A, F (A) son corps de fractions et S unepartie multiplicative de A. On pose

S−1A = {a/s ∈ F (A) | a ∈ A, s ∈ S}.

Proposition 6.6. Avec les données ci-dessus, S−1A est un sous-anneau de F (A) etle morphisme d’anneaux A −→ S−1A défini par a �→ a/1 est injectif.

Démonstration. Laissée au lecteur à titre d’exercice. ♦

Si l’on ne suppose plus l’anneau A intègre, la construction ci-dessus n’a plusde sens. Néanmoins, de façon analogue à la construction de F (A), on peut quandmême construire un anneau S−1A et un morphisme d’anneaux iSA : A → S−1Atels que iSA(s) soit inversible dans S−1A, pour tout s ∈ S. Il faudra seulementtenir compte de la présence possible de diviseurs de zéro dans A.

Précisément, on définit sur l’ensemble A× S la relation suivante :

[(a, s)R (a′, s′)] ⇔ [∃ t ∈ S | t(sa′ − s′a) = 0].

On vérifie facilement que R est une relation d’équivalence. On note S−1A l’en-semble quotient (A× S)/R et on note a/s la classe de (a, s) dans S−1A.

On définit sur S−1A une addition et une multiplication de la manière suivante :soient x = a/s et y = b/t dans S−1A, alors

x+ y = (ta+ sb)/st et xy = ab/st.

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Chapitre I. Généralités sur les anneaux

Theoreme 6.7.(i) Les opérations ci-dessus sont bien définies.(ii) L’ensemble S−1A muni de ces opérations est un anneau.(iii) L’application iSA : A −→ S−1A définie par a �→ a/1 est un morphisme

d’anneaux.(iv) Le noyau de iSA est l’idéal de A formé des éléments a pour lesquels il

existe s ∈ S tel que sa = 0.

Démonstration. (i) Il faut vérifier que si (a, s)R(a′, s′) et (b, t)R(b′, t′), alors((ta+ sb)/st)R((t′a′ + s′b′)/s′t′). C’est un calcul immédiat.

Les démonstrations des assertions (ii) et (iii) sont immédiates. L’élémentneutre pour l’addition est 0/1 et l’élément neutre pour la multiplication est 1/1.

(iv) Un élément a ∈ A appartient au noyau de iSA si et seulement sia/1 = 0 = 0/1, autrement dit, si et seulement s’il existe s ∈ S tel que sa = 0.

Definition 6.8. L’anneau S−1A défini ci-dessus est appelé l’anneau de frac-tions de A défini par S.

Remarques 6.9.a) L’assertion (iv) ci-dessus montre que le morphisme iSA est injectif si et

seulement si S ne contient aucun diviseur de zéro de A.b) Si l’anneau A est intègre et si S est la partie multiplicative formée des

éléments non nuls de A, alors S−1A = F (A).c) On aurait pu faire la même construction en acceptant que la partie mul-

tiplicative S contienne zéro. Mais il est facile de voir, sur la définition de S−1A,que 0 ∈ S implique S−1A = 0.

Le théorème ci-dessous montre que le couple (S−1A, iSA) est solution d’unproblème universel, appelé problème universel de localisation.

Un problème universel est un problème d’existence et d’unicité de factorisa-tion d’un morphisme.

Theoreme 6.10. Soient A un anneau et S une partie multiplicative de A. Pour toutanneau B et tout morphisme d’anneaux f : A −→ B tel que f(s) soit inversibledans B pour tout s ∈ S, il existe un unique morphisme d’anneaux f : S−1A −→ Btel que f = f ◦ iSA.

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Généralisation : l’anneau S−1A

Démonstration. Si le morphisme f existe, vérifiant la relation f = f ◦ iSA, on a

f(a/s) = f((a/1)(1/s)) = f(a/1)f (1/s) = f(a)f(1/s).

Mais,1 = f(1/1) = f(s/1)f(1/s) = f(s)f(1/s),

d’où f(1/s) = f(s)−1. On en déduit que f doit vérifier

f(a/s) = f(a)f(s)−1.

Montrons que cette égalité définit bien f , c’est-à-dire que l’expression de f(x) nedépend pas du représentant de x choisi. Si a/s = a′/s′, il existe t ∈ S tel quet(sa′ − s′a) = 0, d’où f(t)(f(s)f(a′) − f(s′)f(a)) = 0. Puisque f(t), f(s), f(s′)sont inversibles dans B, on en déduit que f(a)f(s)−1 = f(a′)f(s′)−1. On vérifieimmédiatement que f est un morphisme d’anneaux. D’où l’unicité et l’existencede f vérifiant f = f ◦ iSA. ♦

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THÈMES DE RÉFLEXION

Sauf mention explicite du contraire, tous les anneauxconsidérés ici sont commutatifs.

♠ TR.I.A. Étude de Aut(Z/nZ)

L’objectif de ce TR est d’étudier l’anneau Aut(Z/nZ) et, plus particulière-ment, son groupe des unités. Pour le confort du lecteur, nous commençons parrappeler quelques propriétés des groupes cycliques, dont on pourra trouver uneétude détaillée dans [G-H], TR.I.B.

1. Montrer que si G = 〈x〉 est un groupe d’ordre n, xk est un générateur de G siet seulement si pgcd(k, n) = 1 (i.e. si k et n sont premiers entre eux).

On en déduit que le nombre de générateurs d’un groupe cyclique d’ordre n estégal à ϕ(n), où ϕ est la fonction d’Euler

ϕ(n) = card{k ∈ N, 1 � k � n− 1,pgcd(k, n) = 1}.

2. Montrer que les générateurs du groupe Z/nZ forment un groupe multiplicatif,noté (Z/nZ)∗ (on utilisera l’identité de Bezout).

On remarquera que ce groupe n’est pas un sous-groupe de Z/nZ, puisque saloi n’est pas induite par celle de Z/nZ.

3. Montrer que si n = ps11 · · · psk

k , où les pi, 1 � i � k, sont des nombres pre-miers, alors ϕ(n) =

∏i=ki=1 ϕ(psi

i ) (on établira qu’un isomorphisme de groupesf : G→ G′ induit une bijection entre l’ensemble des parties génératrices de G etl’ensemble des parties génératrices de G′).

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Algèbre T2

4. Montrer que pour tout nombre premier p et tout entier positif s, on aϕ(ps) = ps−1(p− 1).

En déduire que si n = ps11 · · · psk

k est la décomposition de n en facteurs pre-miers, on a

ϕ(n) = n

i=k∏i=1

(1− 1pi

).

5. Montrer que, pour tout n ∈ N∗, le groupe Aut(Z/nZ) est isomorphe au groupe(Z/nZ)∗.

Soient n un entier et n = pr11 · · · prk

k sa décomposition en produit de fac-teurs premiers. Alors, d’après le théorème chinois, l’anneau Z/nZ est isomorpheà∏k

i=1 Z/prii Z.

6. Montrer que cet isomorphisme induit un isomorphisme de groupes

U(Z/nZ) �k∏

i=1

U(Z/prii Z).

Pour étudier le groupe U(Z/nZ), il suffit d’étudier chacun des groupesU(Z/pri

i Z), i = 1, . . . , k.On sait, d’après l’exercice E3, que si p est un nombre premier,

U(Z/pZ) � Z/(p − 1)Z. Il suffit donc de déterminer U(Z/prZ) pour p nombrepremier, r � 2.

Considérons p premier impair et r � 2.7. Montrer que U(Z/prZ) � Z/pr−1(p− 1)Z. (On sait, d’après la question 4, que|U(Z/prZ)| = ϕ(pr) = pr−1(p − 1), il suffit donc de montrer qu’il existe dansU(Z/prZ) un élément d’ordre ϕ(pr). Pour cela,

– montrer que pour tout k ∈ N, il existe q ∈ N∗ tel que (1 + p)pk

= 1 + qpk+1

(on fera une récurrence sur k),– en déduire que la classe de (1+p) est un élément de U(Z/prZ) d’ordre pr−1,– montrer que U(Z/prZ) contient un élément x d’ordre (p−1) (on considérera

le morphisme de groupes U(Z/prZ) → U(Z/pZ) induit par l’identité de Z et onutilisera l’isomorphisme U(Z/pZ) � Z/(p− 1)Z),

– on montrera que (p+ 1)x est un élément d’ordre ϕ(pr) dans U(Z/prZ).)Il reste maintenant à étudier U(Z/2rZ), avec r � 2. Il est évident que

U(Z/4Z) � Z/2Z. On suppose donc que r � 3.8. Montrer que, si r � 3, U(Z/2rZ) � Z/2Z× Z/2r−2Z. (Pour cela,

– montrer, par récurrence sur k, que pour tout k ∈ N, il existe un nombreimpair q tel que 52k

= 1 + q2k+2,– en déduire que 5 est un élément d’ordre 2r−2 de U(Z/2rZ),

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♣ TR.I.B. Localisation et idéaux

– montrer que le noyau du morphisme canonique de groupes

U(Z/2rZ) → U(Z/2Z)

est engendré par 5,– montrer que U(Z/2rZ) est isomorphe à Z/2r−2Z ⊕ Z/2Z et en déduire le

résultat.)

♣ TR.I.B. Localisation et idéaux

Nous avons vu au théorème 6.10 que la localisation d’un anneau A relative-ment à une partie multiplicative S est la solution d’un problème universel. Ceproblème universel a un sens même si S est une partie de A non nécessairementmultiplicative. Nous allons voir que l’on peut toujours supposer que la partie Sest multiplicative.

Si S est une partie de A, on note S la plus petite partie multiplicative de Aqui contient S et on l’appelle partie multiplicative de A engendrée par S.1. Montrer que c’est l’intersection de toutes les parties multiplicatives de A quicontiennent S, ou encore la partie de A obtenue par produits finis d’éléments de S.2. Soient A un anneau et S une partie de A. En notant S−1A la solution duproblème universel de localisation de A relativement à S, montrer que S−1A estisomorphe à S−1

A.3. Soient A (resp. B) un anneau, S (resp. T ) une partie multiplicative de A (resp.B), f : A −→ B un morphisme d’anneaux tel que f(S) ⊂ T . Montrer qu’il existeun unique morphisme d’anneaux f ′ : S−1A −→ T−1B tel que, pour tout élémenta de A, f ′(a

1 ) = f(a)1 . Si T = f(S), montrer que si f est injectif (resp. surjectif),

il en est de même pour f ′.4. En déduire que si A est un anneau, S et T deux parties multiplicativesde A telles que S ⊂ T , alors il existe un unique morphisme d’anneauxiT,SA : S−1A −→ T−1A tel que iTA = iT,S

A ◦ iSA.Soient A un anneau et a un idéal de A. Un élément s ∈ A est dit A/a-régulier

si,∀ a ∈ A, [ as ∈ a ] =⇒ [ a ∈ a ].

5. Soient A un anneau et S une partie multiplicative de A. Montrer que l’applica-tion, qui à un idéal a′ de S−1A fait correspondre a = (iSA)−1(a′), est une bijectioncroissante (pour l’inclusion) de l’ensemble des idéaux de S−1A sur l’ensemble desidéaux a de A tels que tout élément de S soit A/a-régulier.

31

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Algèbre T2

6. Soient A un anneau et S une partie multiplicative de A. Montrer que l’applica-tion définie par p �→ (iSA)−1(p) est une bijection de l’ensemble des idéaux premiersde S−1A sur l’ensemble des idéaux premiers p de A vérifiant p ∩ S = ∅.

Si p est un idéal premier d’un anneau A, on note Ap l’anneau S−1A, avecS = A \ p. Le morphisme canonique iSA est alors noté ip.7. Soient A un anneau, S une partie multiplicative de A et p′ un idéal pre-mier de S−1A, p = (iSA)−1(p′). Montrer qu’il existe un unique isomorphismeϕ : Ap −→ (S−1A)p′ vérifiant

∀ a ∈ A,∀ b ∈ A \ p, ϕ(ab

)=(a

1

)/

(b

1

).

8. Soient A un anneau et I l’ensemble des éléments non inversibles de A. Montrerque I est la réunion des idéaux de A distincts de A. Montrer que I est un idéal siet seulement si A possède un unique idéal maximal.

Un anneau A possédant un unique idéal maximal m est un anneau local. Lecorps A/m est le corps résiduel de A.9. Soient A un anneau et p un idéal premier de A. Montrer que Ap est un anneaulocal dont l’idéal maximal pAp est engendré par l’image canonique de p dans Ap.Montrer que le corps résiduel de Ap est canoniquement isomorphe au corps desfractions de l’anneau A/p (montrer que i−1

p (pAp) = p et utiliser les résultats desquestions 6 et 3).

♣ TR.I.C. Radical, nilradical

Dans tout ce TR, A est un anneau commutatif.Le radical de A, noté Rad(A), est l’intersection de ses idéaux maximaux.

1. Montrer qu’un idéal a de A est contenu dans Rad(A) si et seulement si 1 + a

est contenu dans U(A) (groupe des éléments inversibles de A).2. Montrer que Rad(Z) = 0.3. Montrer que tout idéal premier de A contient un idéal premier minimal (i.e.minimal dans l’ensemble, ordonné par inclusion, des idéaux premiers de A).4. Soient p un idéal premier de A et a1, . . . , an des idéaux de A. Montrer que sia1 · · · an ⊂ p, il existe i, 1 � i � n, tel que ai ⊂ p.5. Soient a un idéal de A et p1, . . . , pn des idéaux premiers de A. Montrer que sia ⊂ ∪i=n

i=1pi, il existe i, 1 � i � n, tel que a ⊂ pi.6. Soient a un idéal de A et S = 1+a. Montrer que S est une partie multiplicativede A et que S−1a est contenu dans le radical de S−1A.

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♣ TR.I.C. Radical, nilradical

On appelle nilradical de A, noté Nilrad(A), l’ensemble des éléments nilpo-tents de A (on rappelle qu’un élément x de A est nilpotent s’il existe un entierpositif n tel que xn = 0).7. Montrer que le nilradical de A est un idéal de A et que Nilrad(A) ⊂ Rad(A).8. Montrer que Nilrad(A) est l’intersection des idéaux premiers de A. Montrerque c’est aussi l’intersection des idéaux premiers minimaux de A.9. Soit S une partie multiplicative de A. Montrer que S−1Nilrad(A) est le nilra-dical de S−1A.

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IIANNEAUX

EUCLIDIENS, PRINCIPAUX, FACTORIELS

Tous les anneaux considérés dans cechapitre sont commutatifs

Les anneaux de polynômes sont d’une utilisation très fréquente en mathé-matiques et leur rôle est primordial. Le premier paragraphe de ce chapitre estconsacré à un rappel de la définition générale de ces anneaux. En étudiant lespropriétés des anneaux de polynômes en une indéterminée, à coefficients dansun corps, on est amené à introduire les notions d’anneaux euclidiens et prin-cipaux. Les anneaux principaux comprennent une famille d’éléments privilégiés,les éléments irréductibles, qui jouent dans l’anneau le même rôle que les nombrespremiers dans Z, c’est-à-dire qu’ils permettent d’écrire chaque élément de l’an-neau sous forme d’une « décomposition en produit de facteurs irréductibles ». Ceciconduit à la notion d’anneau factoriel. Enfin, on étudie la question suivante : unanneau A étant de l’un des types cités ci-dessus (euclidien, principal, factoriel),en est-il de même des anneaux de polynômes à coefficients dans A ?

1. Anneaux de polynômes

Soit n un entier strictement positif. On note i = (i1, . . . , in) les éléments deNn et, pour deux éléments i = (i1, . . . , in) et j = (j1, . . . , jn) de Nn, on posei + j = (i1 + j1, . . . , in + jn). On remarquera que l’élément 0 = (0, . . . , 0) est unélément neutre pour cette loi.

Soit A un anneau commutatif. On note Pn(A) l’ensemble des applicationsf : Nn → A telles que f(i) = 0 sauf pour un nombre fini de i ∈ Nn. On définit

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Chapitre II. Anneaux euclidiens, principaux, factoriels

sur Pn(A) deux opérations en posant, quels que soient f, g ∈ Pn(A)

f + g : Nn −→ Ai �→ f(i) + g(i)

h = fg : Nn −→ Ai �→ h(i) =

∑j+k=i f(j)g(k).

Exercice E1.1. Vérifier que ces opérations munissent Pn(A) d’une structure d’anneau com-

mutatif, dont l’élément unité est l’application définie par{i �−→ 0 si i �= 00 �−→ 1.

2. Montrer que l’application A −→ Pn(A), définie par a �−→ fa, avec fa(0) = aet fa(i) = 0 si i �= 0, est un morphisme injectif d’anneaux.

Dans la suite, on identifiera, par ce morphisme, le sous-anneau {fa}a∈A dePn(A) à l’anneau A.

1.1. Cas n = 1

Les éléments de N seront notés i (et non pas i). On note X l’applicationN → A définie par X(1) = 1 et X(i) = 0 si i �= 1. D’après la définition de lamultiplication dans P1(A), on a

X2(i) =∑

j+k=i

X(j)X(k) ={

0 si i �= 21 si i = 2

et

∀ s ∈ N, s � 1, Xs(i) ={

0 si i �= s1 si i = s.

On pose X0 = f1, i.e. X0(i) = 0 si i �= 0 et X0(0) = 1.

Pour tout élément a �= 0 ∈ A et tout entier s de N, l’application aXs définiepar

aXs(i) ={

0 si i �= sa si i = s

est appelée monôme de coefficient a et de degré s.

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1. Anneaux de polynômes

Par conséquent, en posant, pour tout i ∈ N, f(i) = ai, tout élément f deP1(A) admet une écriture unique

f =n∑

i=0

aiXi,

avec n = sup{i ∈ N | f(i) �= 0}. On dit que f est un polynôme en X.Les ai sont les coefficients de f et ai = 0 pour tout i si et seulement si

f = f0 = 0.Si f �= 0, on définit le degré de f , noté deg(f), comme étant le plus grand

entier n tel que, dans l’expression f =∑aiX

i, an soit non nul. Le coefficientan est alors appelé le coefficient dominant de f . Le coefficient a0 est appelécoefficient constant de f . Un polynôme non nul de degré n est dit unitaire sison coefficient dominant est égal à 1.

Si f = 0, par convention, on pose deg(f) = −∞.On note A[X] l’anneau P1(A). On remarquera que les opérations définies

ci-dessus dans Pn(A) correspondent, dans le cas n = 1, à l’addition et à la multi-plication usuelles des polynômes.

1.2. Cas n � 2

On considère les n-uples suivants :

i1 = (1, 0, . . . , 0), . . . , ij = (0, . . . , 0, 1, 0, . . . , 0), . . . , in = (0, . . . , 0, 1),

où le 1 est à la j-ième place dans ij , et on définit Xk ∈ Pn(A), 1 � k � n, par

Xk(i) ={

1 si i = ik0 si i �= ik.

On pose X0k égal à l’élément unité de Pn(A), quel que soit k.

Pour tout a ∈ A et tout i = (i1, . . . , in), d’après la définition de la multiplica-tion dans Pn(A), l’élément aXi1

1 · · ·Xinn de Pn(A) vérifie

aXi11 · · ·Xin

n (j) ={a si j = i

0 si j �= i

(vérification par récurrence sur |i| = i1 + · · · + in). Un tel élément est appelé unmonôme et, s’il n’est pas nul (i.e. si a �= 0), son degré est |i| = i1 + · · ·+ in.

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Chapitre II. Anneaux euclidiens, principaux, factoriels

Par conséquent, en posant f(i) = ai, chaque élément de Pn(A) s’écrit alors defaçon unique sous forme d’une somme finie de monômes distincts

f =∑

i

ai Xi11 · · ·Xin

n ,

avec i = (i1, . . . , in). Une telle expression est appelée polynôme en les n indé-terminées X1, . . . ,Xn, les ai sont les coefficients de ce polynôme et a0 est lecoefficient constant. Le degré total, noté deg(f), du polynôme f �= 0 est lesup des |i| = i1 + · · · + in tel que ai soit non nul. Par convention, si f = 0, onpose deg(f) = −∞.

On note l’anneau Pn(A) sous la forme A[X1, . . . ,Xn].

Definition 1.3. Un polynôme non nul f est dit homogène de degré s si tousses monômes aiX

i11 · · ·Xin

n non nuls ont même degré |i| = s. Si f = 0, il esthomogène de degré −∞.

Proposition 1.4. Si f et g sont deux polynômes homogènes et si fg �= 0, alors fgest homogène de degré total égal à la somme des degrés de f et g.

Démonstration. Les polynômes f et g étant homogènes de degré total respectif set t, ils s’écrivent

f =∑

i

ai Xi11 · · ·Xin

n , i1 + · · ·+ in = s

etg =

∑j

bj Xj11 · · ·Xjn

n , j1 + · · · + jn = t.

Si fg est non nul, il existe au moins un coefficient non nul

ch =∑

i+j=h

aibj

et chacune de ces expressions non nulles est coefficient du monôme

ch Xi1+j11 · · ·Xin+jn

n

qui est de degré i1 + j1 + · · ·+ in + jn = s+ t, d’où le résultat. ♦

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1. Anneaux de polynômes

Proposition 1.5. Un polynôme f de A[X1, . . . ,Xn], de degré total m, s’écrit defaçon unique comme une somme f = f0 + f1 + · · · + fm, où fs est soit nul, soithomogène de degré s et où fm �= 0.

Démonstration. Pour tout s, 0 � s � m, fs est la somme de tous les monômes dedegré s de f ; s’il n’y en a pas, on pose fs = 0. Puisque f est de degré total m,on a fm �= 0. ♦

Corollaire 1.6. Si f et g sont deux polynômes de A[X1, . . . ,Xn], on a

deg(fg) � deg(f) + deg(g).

Démonstration. Si fg = 0, on a bien −∞ � deg(f) + deg(g), quels que soientdeg(f) et deg(g). Supposons donc que fg est non nul. Notons p et q les degréstotaux respectifs de f et g : alors, d’après la proposition 1.5, on a f = f0 + · · ·+fp

et g = g0+· · ·+gq, où les fi et gj sont des polynômes homogènes de degré respectifi et j, ou bien des polynômes nuls. Le polynôme fg s’écrit

fg = f0g0 + · · · +∑

i+j=h

figj + · · · + fpgq.

Chaque expression de cette somme est soit nulle, soit un polynôme homogène dedegré inférieur ou égal à p+ q. D’où deg(fg) � deg(f) + deg(g). ♦

Remarque 1.7. Si on a 1 � m < n, on peut identifier Pm(A) à un sous-anneaude Pn(A), en identifiant Nm à l’ensemble des éléments de Nn dont les (n − m)dernières composantes sont nulles. Cela permet l’identification

A[X1, . . . ,Xn] � A[X1, . . . ,Xm][Xm+1, . . . ,Xn].

En particulier, en écrivant A[X1, . . . ,Xn] = A[X1, . . . ,Xn−1][Xn], une ré-currence évidente montre que si une propriété P est vérifiée par un anneauA et par l’anneau A[X], alors cette propriété P est aussi vérifiée par l’anneauA[X1, . . . ,Xn], pour tout n � 1.

Proposition 1.8. Si l’anneau A est intègre, il en est de même de l’anneauA[X1, . . . ,Xn], et si f et g sont deux polynômes non nuls, le degré total de fgest la somme des degrés totaux de f et g.

Démonstration. D’après la remarque 1.7, il suffit de démontrer la proposition pourl’anneau A[X], ce qui est un exercice facile. ♦

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Chapitre II. Anneaux euclidiens, principaux, factoriels

Remarque 1.9. Si K est un corps, l’anneau K[X1, . . . ,Xn] est intègre donc,d’après I.6.1, il admet un corps de fractions, noté K(X1, . . . ,Xn), appelé corpsdes fractions rationnelles sur K en n indéterminées.

Theoreme 1.10 (propriete universelle de A[X1, . . . ,Xn]). Soient A et B deux an-neaux, ϕ : A → B un morphisme d’anneaux et y1, . . . , yn des éléments de B. Ilexiste un unique morphisme d’anneaux ψ : A[X1, . . . ,Xn] → B tel que ψ|A = ϕ etψ(Xi) = yi, i = 1, . . . , n.

Démonstration. Tout élément f de A[X1, . . . ,Xn] s’écrit de manière unique commesomme d’un nombre fini de monômes distincts

f =∑

i

ai Xi11 · · ·Xin

n .

En posantψ(f) =

∑i

ϕ(ai) yi11 · · · yin

n ,

on obtient une application ψ bien définie qui vérifie ψ|A = ϕ et, pour tout i,ψ(Xi) = yi. Ces conditions rendent nécessaire la définition de l’application ψci-dessus, d’où son unicité. Vérifions que ψ est un morphisme d’anneaux.

On a ψ(1) = ϕ(1) = 1. D’autre part, soient

f =∑

i

ai Xi11 · · ·Xin

n et g =∑

j

bj Xj11 · · ·Xjn

n ,

alorsf + g =

∑i

(ai + bi) Xi11 · · ·Xin

n

où ai (resp. bi) est nul si le monôme Xi11 · · ·Xin

n n’apparaît pas dans f (resp. g),et

fg =∑

h

ch Xh11 · · ·Xhn

n , ch =∑

i+j=h

aibj.

On a doncψ(f + g) =

∑i

ϕ(ai + bi) yi11 · · · yin

n

=∑

i

ϕ(ai) yi11 · · · yin

n +∑

i

ϕ(bi) yi11 · · · yin

n = ψ(f) + ψ(g).

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2. Division euclidienne – Anneaux euclidiens

D’autre part,ψ(fg) =

∑h

ϕ(ch) yh11 · · · yhn

n ,

maisϕ(ch) =

∑i+j=h

ϕ(ai)ϕ(bj),

d’où

ψ(fg) =∑

h

(∑

i+j)=h

ϕ(ai)ϕ(bj)) yh11 · · · yhn

n

= (∑

i

ϕ(ai) yi11 · · · yin

n )(∑

j

ϕ(bj) yj11 · · · yjn

n ) = ψ(f)ψ(g). ♦

On trouvera au TR.IV.B une autre description des anneaux de polynômes etune généralisation à un nombre infini d’indéterminées.

2. Division euclidienne – Anneaux euclidiens

Theoreme 2.1. Soient A un anneau et f , g deux éléments de l’anneau A[X]. Onsuppose que le coefficient dominant de g est un élément inversible de A. Alors, ilexiste un couple unique (q, r) ∈ A[X]×A[X] tel que f = gq+r et deg(r) < deg(g).

Démonstration. Existence. On pose m = deg(f) et deg(g) = n. Si m < n, le couple(0, f) répond à la question. Si m = n, c’est évident. On suppose que m > n et lerésultat est vrai pour m − 1. On peut écrire f = bXm + · · · et g = aXn + · · · ,alors af − bX(m−n)g est de degré inférieur ou égal à m− 1 et, par hypothèse derécurrence, il existe un couple (q1, r1), avec deg(r1) < deg(g), tel que

af − bXm−ng = gq1 + r1.

D’oùf = a−1(bXm−n + q1)g + a−1r1,

ce qui est l’égalité cherchée, avec q = a−1(bXm−n + q1) et r = a−1r1.Unicité. Supposons qu’il existe un autre couple (q′, r′), avec deg(r′) < deg(g),

tel que f = gq′ + r′. Alors g(q − q′) = r′ − r ; si r′ − r �= 0, alors on auraitdeg(q − q′) + deg(g) = deg(r′ − r), ce qui est impossible. D’où r = r′, ce quientraîne q = q′. ♦

41

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Chapitre II. Anneaux euclidiens, principaux, factoriels

Definitions 2.2.a) Soit A un anneau. On appelle algorithme euclidien sur A toute ap-

plication ϕ de A \ {0} dans N telle que, pour tout x ∈ A \ {0} et tout y ∈ A,il existe q ∈ A et r ∈ A tels que y = qx+ r, avec ϕ(r) < ϕ(x) ou r = 0.

b) Un anneau A est euclidien s’il est intègre et s’il existe sur A un algo-rithme euclidien.

Exercice E2. Montrer que l’anneau D des nombres décimaux (i.e. le sous-anneaude Q engendré par 1/10) est euclidien.

Nous verrons au TR.II.A d’autres exemples d’anneaux euclidiens.

Theoreme 2.3. Si K est un corps, l’anneau K[X] est euclidien.

Démonstration. C’est une conséquence immédiate du théorème 2.1 appliqué àK[X] : il suffit de considérer ϕ(P ) = deg(P ). ♦

Remarque 2.4. Pour montrer qu’un anneau intègre est euclidien, il suffit de mon-trer qu’il est muni d’un algorithme euclidien. Par conséquent, pour montrer qu’unanneau intègre n’est pas euclidien, il faut montrer qu’il n’est muni d’aucun algo-rithme euclidien, ce qui est en général difficile. La proposition suivante donne unecondition nécessaire assez simple pour qu’un anneau intègre soit euclidien. Pourmontrer qu’un anneau intègre n’est pas euclidien, il suffit alors de montrer qu’ellen’est pas vérifiée. Nous l’utiliserons au TR.II.B pour donner un exemple d’anneaunon euclidien.

Proposition 2.5. Si A est un anneau euclidien, il existe un élément x dans A\U(A)tel que l’application U(A) ∪ {0} → A/(x), induite par la projection canoniqueA→ A/(x), soit surjective.

Démonstration. Soit A un anneau intègre muni d’un algorithme euclidien noté ϕ.Si A est un corps, il suffit de prendre x = 0. Sinon, l’ensemble des éléments de Aqui sont non nuls et non inversibles est non vide. Soit x l’un de ces éléments, telque ϕ(x) soit minimal. Tout élément de l’anneau A/(x) est la classe d’un élémentde A modulo (x). Or, tout élément a ∈ A s’écrit a = xq + r avec r = 0 ouϕ(r) < ϕ(x). Autrement dit, a ≡ rmod((x)) avec r = 0 ou ϕ(r) < ϕ(x). Si r �= 0,d’après la minimalité de ϕ(x), l’élément r est inversible, d’où le résultat. ♦

L’exercice qui suit donne une condition nécessaire et suffisante pour qu’unanneau intègre soit euclidien.

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3. Anneaux principaux

Exercice E3 (¶). Soit A un anneau intègre. On considère la suite de parties(An)n∈N de A définie par récurrence de la façon suivante :

A0 = {0}, . . . , An+1 = An ∪ {x ∈ A |A = An + (x)}.

a) Montrer que l’anneau A est euclidien si et seulement si A = ∪n∈NAn (onconsidérera l’application ϕ définie par ϕ(x) = inf{n ∈ N |x ∈ An}).

b) Montrer que si l’anneau A est euclidien, l’application ϕ définie ci-dessusest le plus petit algorithme euclidien qui existe sur A, i.e. pour tout algorithmeeuclidien ψ défini sur A et tout x ∈ A, ϕ(x) � ψ(x). Montrer qu’il vérifie lapropriété suivante : si a divise b, alors ϕ(a) � ϕ(b).

Theoreme 2.6. Si A est un anneau euclidien, tout idéal de A est engendré par unélément.

Démonstration. Soient A un anneau et I un idéal de A. Si I = 0, on a I = (0).On suppose maintenant que A est euclidien, muni d’un algorithme euclidien ϕ,et que I �= 0. Alors ϕ(I \ {0}) est une partie non vide de N et a donc un pluspetit élément α. Soit a ∈ (I \ {0}) tel que ϕ(a) = α. Tout élément x ∈ I s’écritx = aq + r avec r = 0 ou ϕ(r) < ϕ(a) = α. Mais r = x− aq appartient à I donc,par minimalité de α, on a r = 0. Par conséquent, I = (a). ♦

Cette propriété conduit à la notion d’anneau principal.

3. Anneaux principaux

Definitions 3.1.a) Soient A un anneau et I un idéal de A. On dit que I est principal s’il

est engendré par un élément (i.e. ∃ a ∈ A tel que I = (a)).

b) Un anneau A est principal s’il est intègre et si tout idéal de A estprincipal.

Remarques 3.2 (importantes).a) Si l’élément a ∈ A est inversible, alors aa−1 = 1 ∈ (a) et, d’après la

remarque I.2.2.c, (a) = A.b) Dans un anneau intègre, (a) = (a′) est équivalent à a′ = ua avec u élément

inversible de A. En effet, si (a) = (a′), il existe u ∈ A et v ∈ A tels que a′ = uaet a = va′ : on a donc a′ = uva′, d’où a′(1 − uv) = 0 et, puisque l’anneau A est

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Chapitre II. Anneaux euclidiens, principaux, factoriels

intègre, uv = 1. Si a′ = ua, alors (a′) ⊂ (a). Si u est inversible, on a a = u−1a′,d’où (a) ⊂ (a′).

Autrement dit, dans un anneau principal, tous les générateurs d’un idéal quel-conque sont « égaux entre eux, aux éléments inversibles près ».

Le théorème 2.6 s’énonce de la façon suivante.

Theoreme 3.3. Un anneau euclidien est principal. ♦

Attention. La réciproque est fausse (cf. TR.II.B).

Corollaire 3.4.(i) L’anneau Z est principal.(ii) Si K est un corps, l’anneau K[X] est principal. ♦

Exercice E4. Montrer que l’anneau Z[X] n’est pas principal (considérer l’idéal deZ[X] engendré par 2X et X2 + 1).

Remarque 3.5. L’exercice E4 ci-dessus montre que la propriété pour un anneau Ad’être principal ne se transmet pas nécessairement à l’anneau de polynômes A[X].Et d’après le théorème 3.3, il en est de même pour la propriété d’être euclidien.

Nous allons montrer que les anneaux principaux satisfont une propriété de« finitude ». Ce point de vue sera généralisé au TR.II.C. et en VI.4.

Nous allons d’abord établir un résultat général.

Theoreme 3.6. Soit E un ensemble ordonné. Les assertions suivantes sont équi-valentes.

(i) Toute famille non vide d’éléments de E admet un élément maximal.(ii) Toute suite croissante (xn)n�0 d’éléments de E est stationnaire.

Démonstration. Montrons que (i) implique (ii). Soient (xn)n∈N une suite croissanted’éléments de E et xq un élément maximal de l’ensemble {xn}n∈N. Pour n � q,on a xn � xq, d’après la croissance de la suite, d’où xn = xq d’après la maximalitéde xq.

Montrons que (ii) implique (i). Supposons qu’il existe une famille non videF de E sans élément maximal. Alors, pour x ∈ F , l’ensemble des y ∈ F telsque y > x est non vide. D’après l’axiome du choix (cf. Appendice), il existe uneapplication f : F → F telle que, pour tout x ∈ F , f(x) > x. En fixant un élémentx0 et en posant x1 = f(x0), . . . , xn+1 = f(xn), on obtient une suite strictementcroissante. Elle ne peut donc être stationnaire. ♦

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3. Anneaux principaux

Theoreme 3.7. Soit A un anneau principal.(i) Toute suite croissante d’idéaux de A est stationnaire.(ii) Toute partie non vide de l’ensemble des idéaux de A, ordonné par inclusion,

admet un élément maximal.

Démonstration. D’après le théorème 3.6, il suffit de démontrer l’assertion (i). Soit(In)n∈N une suite croissante d’idéaux de A. Alors I =

⋃n∈N In est un idéal de A,

d’où il existe a ∈ A tel que I = (a). Donc il existe m ∈ N tel que a ∈ Im. Or, pourtout p � m, on a Im ⊆ Ip ⊆ I = (a) ⊆ Im. Ce qui signifie que la suite (In)n∈N eststationnaire à partir du rang m. ♦

Definitions 3.8. Soient A un anneau intègre et a un élément de A.a) L’élément a �= 0 est dit irréductible s’il n’est pas inversible et si l’éga-

lité a = bc, (b, c) ∈ A × A, implique que b ou c est un élément inversiblede A.

b) L’élément a est dit premier si l’idéal (a) est premier.

Remarque 3.9. Un élément a d’un anneau A est irréductible (resp. premier) siet seulement si, pour tout élément inversible u de A, ua est irréductible (resp.premier, d’après la remarque 3.2) dans A. Par conséquent, on considérera leséléments irréductibles (resp. premiers) d’un anneau, « aux inversibles près ».

Proposition 3.10. Si A est un anneau intègre, tout élément premier non nul estirréductible.

Démonstration. Puisque l’idéal (a) est premier, on a (a) �= A, donc a est noninversible dans A. Si a = bc, alors b ∈ (a) ou c ∈ (a) puisque (a) est unidéal premier. Si b ∈ (a), alors b = ua, d’où a = bc = uac et a(1 − uc) = 0.Puisque l’anneau A est intègre, on a (1 − uc) = 0, ce qui signifie que c est in-versible. Si c’est c qui appartient à (a), le même raisonnement montre que b estinversible. ♦Attention. La réciproque est fausse (cf. exercice E5 ci-dessous).

Exercice E5. Soient K un corps et A le sous-anneau de K[X,Y ] formé des po-lynômes dont le degré total est pair. Montrer que l’élément XY est irréductibledans A, mais pas premier.

Proposition 3.11. Soient A un anneau intègre et a �= 0 un élément de A.(i) Si l’idéal (a) est maximal, l’élément a est irréductible.(ii) Si A est principal et si a est irréductible, l’idéal (a) est maximal.

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Chapitre II. Anneaux euclidiens, principaux, factoriels

Démonstration.(i) Si l’idéal (a) est maximal il est premier, l’élément a est donc premier, et

par conséquent irréductible.(ii) Supposons que l’élément a soit irréductible et que l’anneau A soit principal.

Supposons qu’il existe un idéal I = (b) de A tel que (a) ⊆ I. Alors a = bc et,puisque a est irréductible, b ou c est inversible. Si b est inversible, alors (b) = Aet si c est inversible, alors b = ac−1 et (b) = (a). On en déduit que l’idéal (a) estmaximal. ♦Remarque 3.12. Un idéal maximal étant premier, ce qui précède montre que dansun anneau principal les éléments premiers non nuls (resp. les idéaux premiers nonnuls) et les éléments irréductibles (resp. les idéaux maximaux) coïncident.

Exercice E6. Montrer que l’anneau A[X] est principal si et seulement si A est uncorps.

Proposition 3.13. Soit A un anneau intègre dans lequel tout élément non nul etnon inversible est produit fini d’éléments irréductibles de A. Alors les assertionssuivantes sont équivalentes.

(i) Si a est un élément non nul et non inversible de A et sia = p1 · · · pn = q1 · · · qm, où les éléments p1, . . . , pn, q1, . . . , qm sont des élémentsirréductibles de A, alors m = n et il existe une permutation σ ∈ Sn et des élémentsinversibles de A, u1, . . . , un, tels que qi = ui pσ(i), i = 1, . . . , n.

(ii) Si a est un élément irréductible de A et si a divise le produit bc,(b, c) ∈ A×A, alors a divise b ou a divise c.

Démonstration. Montrons que (i) implique (ii). Soient b et c deux éléments nonnuls de A et supposons que a divise bc. Si b (resp. c) est inversible, il est évidentque a divise c (resp. b). On suppose donc que b et c sont non inversibles. On aalors bc = ad avec d non inversible, sinon l’élément a étant irréductible, on auraitb ou c inversible. On a donc

b = p1 · · · pr, c = pr+1 · · · pr+s, d = q1 · · · qtoù les pi et qj, 1 � i � r + s, 1 � j � t, sont des éléments irréductibles de A.L’égalité bc = ad s’écrit alors

p1 · · · prpr+1 · · · pr+s = aq1 · · · qt.D’après la condition (i), il existe un i0, 1 � i0 � r + s, et un élément inversibleui0 de A tels que a = ui0pi0 . On en déduit que si 1 � i0 � r, alors a divise b et sir + 1 � i0 � r + s, alors a divise c.

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3. Anneaux principaux

Montrons que (ii) implique (i). Soit a = p1 · · · pn = q1 · · · qm, où les élémentsp1, . . . , pn, q1, . . . , qm sont des éléments irréductibles de A. Il s’agit de montrerque m = n et que, pour tout i, il existe une permutation σ ∈ Sn et un élémentinversible ui tels que qi = uipσ(i). On procède par récurrence sur n + m : sin + m = 2, alors p1 = q1. Supposons le résultat établi pour n′ + m′ < n + m ;comme q1 divise p1 · · · pn et que q1 est irréductible, d’après (ii) q1 divise pj pour uncertain j et il existe u1 tel que q1 = u1pj. On peut donc appliquer l’hypothèse derécurrence à q2 · · · qm et p1 · · · pj−1pj+1 · · · pn : on a n− 1 = m− 1 et il existe unepermutation μ ∈ Sn−1 et des éléments inversibles u2, . . . , un tels que qi = uipμ(i).On a donc n = m et on étend μ en un élément σ ∈ Sn en posant σ(1) = j etσ(i) = μ(i) pour i = 2, . . . , n. ♦

Theoreme 3.14. Soit A un anneau principal. Alors :

(i) chaque élément non nul et non inversible de A s’écrit comme produit finid’éléments irréductibles de A,

(ii) les deux assertions équivalentes de la proposition 3.13 sont vérifiées.

Démonstration.(i) Si A est un corps, l’ensemble des éléments non nuls et non inversibles est

vide et toutes les assertions ci-dessus sont vérifiées. On suppose donc que A n’estpas un corps.

Soit a un élément non nul et non inversible de A. Si a est irréductible, l’asser-tion est vérifiée. Supposons que a est non irréductible : montrons d’abord que aadmet un facteur irréductible. S’il n’en admettait pas, on pourrait écrire a = a1b1avec a1 et b1 non inversibles. De la même manière, on aurait a1 = a2b2 avec a2 etb2 non inversibles. En réitérant ce procédé, on aurait une suite d’éléments ai avecai+1|ai et, pour tout i, ai �= uiai+1 avec ui inversible. Autrement dit, on aurait unesuite strictement croissante d’idéaux {(ai)}i∈N, ce qui est en contradiction avec lefait que A est un anneau principal, d’après (3.7). Cela montre que a = p1a1 avecp1 irréductible : si a1 est inversible, c’est terminé. Sinon, on a a1 = p2a2 avec p2

irréductible. Ce processus s’arrête au bout d’un nombre fini d’étapes, sinon on au-rait à nouveau une suite strictement croissante d’idéaux {(ai)}i∈N. Il existe doncun entier n tel que a = anp1 · · · pn, avec an inversible et p1, . . . , pn irréductibles.

(ii) Supposons que q soit un élément irréductible de A et que q|bc. En no-tant b et c les classes respectives de b et c dans A/(q), on a bc = 0. D’après laproposition 3.11, on en déduit que b = 0 ou c = 0, i.e. q divise b ou q divise c.♦

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Chapitre II. Anneaux euclidiens, principaux, factoriels

4. Anneaux factoriels

Definitions 4.1. Un anneau factoriel A est un anneau intègre dans lequel :

a) tout élément non nul et non inversible de A s’écrit comme produit d’unnombre fini d’éléments irréductibles de A,

b) si a est un élément non nul et non inversible de A et sia = p1 · · · pn = q1 · · · qm, où les éléments p1, . . . , pn, q1, . . . , qm sont des élé-ments irréductibles de A, alors m = n et il existe une permutation σ ∈ Sn etdes éléments inversibles de A, u1, . . . , un, tels que qi = ui pσ(i), i = 1, . . . , n(unicité de la décomposition).

Proposition 4.2. Dans un anneau factoriel, un élément non nul est irréductible siet seulement s’il est premier.

Démonstration. Soit A un anneau factoriel : l’anneau A étant intègre, un élémentpremier est irréductible (proposition 3.10). Supposons que a ∈ A soit irréductibleet que bc ∈ (a). Alors a divise bc et, puisque l’anneau A est factoriel, a divise b ouc, donc b ∈ (a) ou c ∈ (a). Par conséquent, si l’élément a est irréductible, l’idéal(a) est premier. ♦

Le théorème suivant est un corollaire immédiat du théorème 3.14.

Theoreme 4.3. Un anneau principal est factoriel. ♦

Attention. La réciproque est fausse (cf. remarque 4.7.a ci-dessous).

Theoreme 4.4. Un anneau factoriel, qui n’est pas un corps, est principal si et seule-ment si les idéaux premiers non nuls sont maximaux.

Démonstration. D’après la remarque 3.12, l’assertion est vraie pour les anneauxprincipaux. Montrons la réciproque. Soit A un anneau factoriel vérifiant la condi-tion de l’énoncé.

Montrons que les idéaux premiers sont principaux. Soient I un idéal pre-mier non nul de A et x un élément non nul de I ; puisque A est factoriel, on ax = p1 · · · pn, où les pi sont des éléments irréductibles de A. Puisque I est unidéal premier, il existe un indice i0 tel que pi0 appartient à I. L’élément pi0 , étantirréductible dans un anneau factoriel, est premier, donc l’idéal (pi0) est premieret, par conséquent, maximal par hypothèse. Il est contenu dans I, qui est premier,donc différent de A, d’où (pi0) = I.

Cela entraîne que les idéaux premiers de A sont principaux.

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4. Anneaux factoriels

Montrons par l’absurde que l’anneau A est principal. Si l’anneau A n’est pasprincipal, l’ensemble I des idéaux de A qui ne sont pas principaux est non vide.L’ensemble I, ordonné par inclusion, est inductif donc, d’après le lemme de Zorn(cf. Appendice), il possède un élément maximal I �= {0}. D’après ce qui précède,l’idéal I n’est pas premier ; il ne peut donc pas être maximal. Il existe un idéalmaximal m qui contient I strictement. Un idéal maximal étant premier, d’aprèsce qui précède m = (p) et, d’après la proposition 3.11, l’élément p est irréductible.Soit p−1 l’inverse de p dans le corps K des fractions de A. Pour tout élément xde I, l’élément px appartient à I, donc x = p−1px appartient à p−1I. PuisqueI ⊂ (p), p divise tout élément x ∈ I, donc p−1x appartient à A et p−1I estun idéal de A. C’est un idéal propre de A (car p, étant irréductible, ne peut êtreinversible), qui contient I. De plus, il le contient strictement : en effet, si p−1I = I,une récurrence évidente montre que tout élément x de I est divisible par pn pourtout n ∈ N, ce qui n’est possible que si I = {0}, ce qui est contraire à l’hypothèse.Par conséquent, l’idéal p−1I n’appartient pas à I, il est donc principal. Il en estdonc de même de I, d’où la contradiction. ♦

Theoreme 4.5. Si A est un anneau factoriel, l’anneau A[X] est factoriel.

Démonstration. Montrons d’abord que tout élément non nul et non inversible deA[X] s’écrit sous forme d’un produit fini d’éléments irréductibles. Soit f ∈ A[X]un élément non nul et non inversible. Si f n’est pas irréductible, alors on a f = f1f2

avec fi, i = 1, 2, éléments non inversibles de A[X]. Si f1 et f2 sont irréductibles,on a le résultat. Si f1 ou f2 est non irréductible, on lui applique le même processus.À chaque étape, ce processus diminue le degré des polynômes ou décompose le co-efficient dominant en produit d’éléments irréductibles de A, donc de A[X]. En unnombre fini d’étapes, on obtient une décomposition de f en un produit fini d’élé-ments irréductibles de A[X]. Pour démontrer « l’unicité » de la décomposition, onétablit d’abord deux lemmes.

Lemme 4.5.1 (de Gauss). Soient a un élément irréductible d’un anneau factorielA, f et g deux éléments de A[X]. Si a divise le produit fg, alors a divise f ou adivise g.

Démonstration. Écrivons

f(X) = b0 + b1X + · · · + bnXn , g(X) = c0 + c1X + · · ·+ cmX

m.

Si n = m = 0, le résultat est clair d’après la définition d’un anneau factoriel. Onsuppose que n �= 0 ou m �= 0 et que a ne divise ni f ni g. De manière générale, unélément a d’un anneau intègre A divise un polynôme f ∈ A[X] si et seulement si

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Chapitre II. Anneaux euclidiens, principaux, factoriels

a divise chaque coefficient de f . Il existe donc un coefficient bi0 �= 0 qui n’est pasdivisible par a. On peut donc considérer k le plus petit entier, 0 � k � n, tel quea ne divise pas bk, i.e. a divise bi pour i < k. De la même manière, on considèrele plus petit entier h tel que a ne divise pas ch. Le coefficient du terme de degréh+ k de fg est

b0ch+k + b1ch+k−1 + · · ·+ bkch + · · ·+ bh+kc0.

L’élément a divise tous les termes de cette somme sauf le terme bkch, par consé-quent a ne divise pas le coefficient du terme de degré h + k de fg, il ne divisedonc pas fg. ♦

Lemme 4.5.2. Soient A un anneau factoriel, f, g deux éléments de A[X] et a �= fun élément de A qui divise le produit fg. Si f est irréductible, alors a divise g.

Démonstration. On applique le lemme précédent à tous les facteurs irréductiblesde a. ♦

Montrons maintenant, par l’absurde, l’unicité de la décomposition de toutélément de A[X] en un produit fini d’éléments irréductibles. Supposons qu’il existef ∈ A[X] tel que

f = p1 · · · pr = q1 · · · qs,où les pi, i = 1, . . . , r, qj, j = 1, . . . , s, sont des éléments irréductibles de A[X]distincts et f étant de degré minimum pour cette propriété. On peut supposerque

m = deg(p1) � deg(p2) � · · · � deg(pr) , n = deg(q1) � deg(q2) � · · · � deg(qs),

et que n � m > 0. On note a �= 0 le coefficient dominant de p1, b �= 0 celui de q1et on pose

g = af − bp1Xn−mq2 · · · qs.

On a alors, d’une part,

(1) g = ap1 · · · pr − bp1X(n−m)q2 · · · qs = p1(ap2 · · · pr − bX(n−m)q2 · · · qs)

et, d’autre part,

(2) g = aq1 · · · qs − bp1X(n−m)q2 · · · qs = (aq1 − bp1X

(n−m))q2 · · · qs.

L’égalité (1) montre que l’élément irréductible p1 est en facteur dans g et l’égalité(2) montre qu’il en est de même des éléments irréductibles q2, . . . , qs.

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4. Anneaux factoriels

Si le polynôme g est non nul, d’après les choix de a et b, on a l’inégalitédeg(aq1−bp1X

(n−m)) < deg(q1), d’où l’inégalité deg(g) < deg(f). Par conséquent,d’après la minimalité du degré de f , la décomposition de g en produit d’élémentsirréductibles est unique. On en déduit que p1 est en facteur dans aq1−bp1X

(n−m),donc aussi dans aq1.

Si g est nul, alors aq1 = bp1Xn−m. Dans tous les cas, on a donc aq1 = p1h,

pour un certain h ∈ A[X]. D’après le lemme 4.5.2, on a h = ah1, h1 ∈ A[X], d’oùq1 = p1h1, ce qui contredit le fait que q1 soit irréductible. ♦Corollaire 4.6. Si A est un anneau factoriel, l’anneau A[X1, . . . ,Xn] est factoriel.

♦Remarques 4.7.

a) L’anneau Z étant principal est factoriel, donc Z[X] est un anneau factoriel.On a vu à l’exercice E4 que cet anneau n’est pas principal. Cela fournit donc unexemple d’anneau factoriel non principal.

b) On peut résumer les résultats principaux de ce chapitre par

euclidien ⇒ principal ⇒ factoriel

et aucune des implications réciproques n’est vraie. De plus, parmi ces propriétés,seule celle d’être factoriel « passe » de l’anneau à l’anneau de polynômes.

c) Soit A un anneau factoriel. Il existe un ensemble P d’éléments irréductiblesde A tel que :

(i) ∀ p, q ∈ P, si p �= q, alors ∀ u ∈ U(A), q �= up,(ii) tout élément irréductible de A est multiple d’un unique élément de P

par un élément inversible de A,(iii) tout élément a de A, non nul et non inversible, s’écrit de manière unique

(à l’ordre près des facteurs) a = u pα11 · · · pαn

n , où u ∈ U(A) et pi ∈ P, i = 1, . . . , n,αi ∈ N∗, i = 1, . . . , n.

Un tel ensemble P est appelé ensemble complet d’éléments irréductibles.

Exercice E7.1. Montrer que si A est un anneau factoriel, tout élément x appartenant à

F (A), où F (A) désigne le corps de fractions de A, peut s’écrire x = a/b, avecpgcd(a, b) = 1 (cf. ci-dessous pour la définition du pgcd).

2. Soient A un anneau factoriel, S une partie multiplicative de A et S−1Al’anneau de fractions de A associé à la partie S (cf. définition I.6.8).

a) Montrer que les éléments irréductibles de S−1A sont (aux inversibles deS−1A près) les éléments irréductibles de A qui ne divisent aucun élément de S.

b) Montrer que l’anneau S−1A est factoriel.

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Chapitre II. Anneaux euclidiens, principaux, factoriels

5. Divisibilité

Definitions 5.1. Soient a et b deux éléments d’un anneau A.

a) On appelle plus grand diviseur commun de a et b, et on notepgcd(a, b), tout élément d de A vérifiant les deux propriétés suivantes :

(i) d|a et d|b(ii) ∀ x ∈ A tel que x|a et x|b, alors x|d.

b) On appelle plus petit commun multiple de a et b, et on noteppcm(a, b), tout élément m de A vérifiant les propriétés suivantes :

(i) a|m et b|m(ii) ∀ x ∈ A tel que a|x et b|x, alors m|x.

Proposition 5.2. Soient a et b deux éléments d’un anneau intègre A. Si d et d′

(resp. m et m′) sont deux pgcd (resp. ppcm) de a et b, il existe un élément uinversible de A tel que d′ = ud (resp. m′ = um).

Démonstration. Soient d et d′ deux pgcd de a et b. Puisque d est un diviseur de aet b, d divise d′ et, pour les mêmes raisons, d′ divise d. Par conséquent, il existedes éléments u et v de A tels que d′ = ud et d = vd′. On a donc d = uvd, i.e.d(1− uv) = 0 et, puisque A est intègre, u et v sont inversibles.

La démonstration pour les ppcm est analogue. ♦

Remarque 5.3. On peut aussi énoncer la proposition précédente de la façon sui-vante : si deux éléments d’un anneau intègre admettent un pgcd (resp. ppcm), ilest unique à la multiplication par un élément inversible près.

Theoreme 5.4. Soient deux éléments quelconques a et b d’un anneau factoriel A.(i) Ils ont un pgcd et un ppcm dans A.(ii) Il existe un pgcd d et un ppcm m de a et b tels que ab = dm.

Démonstration. Le résultat est évident si les éléments a ou b sont nuls ou inver-sibles. D’après la remarque 4.7.c, on a

a = u∏i∈I

pαii , b = v

∏j∈J

pβj

j

où u et v sont des éléments inversibles de A, les pi et pj sont des éléments de P, αi

et βj sont des entiers positifs. En acceptant que des αi et βj soient éventuellement

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5. Divisibilité

nuls, on peut supposer que I = J . Alors,∏k∈I

pγkk ,

∏k∈I

pδkk

avecγk = infk∈I(αk, βk), δk = supk∈I(αk, βk)

sont respectivement un pgcd et un ppcm de a et b. Si l’on pose

d = u∏k∈I

pγkk , m = v

∏k∈I

pδkk

on a dm = ab. ♦

Remarque 5.5. La définition d’un pgcd (resp. ppcm) de deux éléments d’un an-neau s’étend clairement à une famille finie d’éléments a1, . . . , an de A. Le mêmeprocédé que celui montrant l’existence d’un pgcd (resp. ppcm) de deux élémentsd’un anneau factoriel montre l’existence d’un pgcd (resp. ppcm) d’une famillefinie d’éléments.

Definition 5.6. Des éléments a1, . . . , an d’un anneau factoriel A sont ditsétrangers s’ils admettent l’unité de A pour pgcd.

Proposition 5.7.(i) Soient a1, . . . , an des éléments d’un anneau factoriel A et d un pgcd de

ces éléments. Posons ai = da′i, i = 1, . . . , n. Les éléments a′i, i = 1, . . . , n, sontétrangers.

(ii) Si a1, . . . , an sont des éléments étrangers deux à deux d’un anneau facto-riel, le produit a1 · · · an est un ppcm de a1, . . . , an.

Démonstration. Laissée au lecteur à titre d’exercice. ♦

Dans le cas d’un anneau principal, on a les propriétés plus précises suivantes.

Theoreme 5.8 (de Bezout). Soient a1, . . . , an et d des éléments d’un anneau prin-cipal. Les assertions suivantes sont équivalentes :

(i) d est un pgcd de a1, . . . , an,

(ii) d est un générateur de l’idéal de A engendré par les éléments a1, . . . , an.

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Chapitre II. Anneaux euclidiens, principaux, factoriels

Démonstration. Si d = pgcd(a1, . . . , an), l’idéal (a1, . . . , an) est contenu dans l’idéal(d). Puisque A est un anneau principal, il existe un élément b ∈ A tel que(a1, . . . , an) = (b), d’où b divise les éléments ai, i = 1, . . . , n, et par conséquent bdivise d, i.e. (d) est contenu dans (b). On en déduit que (d) = (a1, . . . , an).

Soit d un élément de A tel que (d) = (a1, . . . , an). Alors, pour tout i = 1, . . . , n,d divise ai. Soit b un élément de A divisant les éléments ai, i = 1, . . . , n. Parailleurs, (d) = (a1, . . . , an) est contenu dans (b), donc b divise d. On en déduit qued est un pgcd de a1, . . . , an. ♦

Theoreme 5.9. Soient a1, . . . , an et m des éléments d’un anneau principal A. Lesassertions suivantes sont équivalentes :

(i) m est un ppcm de a1, . . . , an,(ii) m est un générateur de l’idéal

⋂ni=1(ai).

Démonstration. Laissée au lecteur à titre d’exercice. ♦

Exercice E8. On dit qu’un anneau A est de Bezout si tout idéal de A engendrépar deux éléments est principal.

Montrer qu’un anneau factoriel de Bezout est principal. (En notant P unefamille de représentants des éléments irréductibles de A, tout élément x ∈ A\{0}s’écrit, de manière unique aux inversibles près, x =

∏p∈P p

νp(x). On considère lesapplications ϕx : P −→ N définies par ϕx(p) = νp(x). Soient I un idéal de A etun élément a �= 0 de I ; montrer que l’ensemble

{ϕx, x ∈ I, x �= 0, | ∀ p ∈ P, ϕx(p) � ϕa(p)}

possède un élément minimal ϕb pour la relation d’ordre usuelle sur un ensemblede fonctions. En conclure que I est principal, en considérant un élément c �= 0 deI et un pgcd de b et c.)

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THÈMES DE RÉFLEXION

♣TR.II.A. Exemples d’anneaux Euclidiens

Soit d un entier sans facteur carré. Le corps Q(√d) est formé des éléments

x = a+ b√d avec a, b ∈ Q. Pour x = a+ b

√d ∈ Q(

√d), on note x = a− b

√d et

on pose N(x) = xx = a2 − db2, Tr(x) = x+ x = 2a.On verra au chapitre VI que le sous-ensemble de Q(

√d) formé des éléments

x ∈ Q(√d), tels que N(x) et Tr(x) sont dans Z, est un anneau A (anneau des

« entiers ») et que :– si d ≡ 2 (mod 4) ou d ≡ 3 (mod 4), alors A = Z[

√d],

– si d ≡ 1 (mod 4), alors A = Z[1+√

d2 ].

Nous allons déterminer des valeurs de d pour lesquelles l’application ϕ, définiepar ϕ(x) = |N(x)|, est un algorithme euclidien pour l’anneau A.1. Montrer que l’application ϕ, définie ci-dessus, est un algorithme euclidien pourA si et seulement si

∀x ∈ Q(√d), ∃ q ∈ A tel que |N(x− q)| < 1.

On suppose que d ≡ 2 ou 3 (mod 4).2. Montrer que pour tout x = α + β

√d ∈ Q(

√d), il existe q = a+ b

√d ∈ Z[

√d]

tel que :– si d < 0, |N(x− q)| � |d|+1

4 ,

– si d > 0, |N(x− q)| � 14 ou |N(x− q)| � d

4 .

En déduire que l’anneau Z[√d] est euclidien pour d = −2,−1, 2, 3.

3. Montrer que, dans le cas ci-dessus, les seules valeurs de d < 0 pour lesquellesZ[√d] est euclidien, pour ϕ, sont −1 et −2.On suppose que d ≡ 1 (mod 4) et que d < 0.

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Algèbre T2

4. Montrer que pour tout x = α + β√d ∈ Q(

√d), il existe q = a + b

√d ∈ A tel

que

|N(x− q)| < |d|+ 416

.

5. En déduire que si d = −3,−7,−11, l’anneau A est euclidien, pour ϕ.Montrer que si |d| � 12, le critère de la question 1 n’est pas vérifié.On a donc démontré que les seules valeurs de d < 0 pour lesquelles l’anneau

des entiers de Q(√d) est euclidien, pour ϕ, sont −1,−2,−3,−7,−11.

On peut démontrer, mais c’est beaucoup plus difficile, que ces valeurs sont lesseules valeurs de d < 0 pour lesquelles l’anneau des entiers de Q(

√d) est euclidien.

♣ TR.II.B. Un anneau principal non euclidien

Nous allons montrer que l’anneau A = Z[1+i√

192 ] est principal, mais non eu-

clidien.L’anneau A est un sous-anneau de C et la conjugaison complexe induit sur

A une conjugaison. On pose α = 1+i√

192 et pour tout z = u + αv ∈ A, on pose

N(z) = zz = u2 + uv + 5v2.1. Montrer que pour tout couple (a, b) d’éléments non nuls de A, il existe un couple(q, r) d’éléments de A tel que :

a) a = bq + r avec r = 0 ou N(r) < N(b)oub) 2a = bq + r avec r = 0 ou N(r) < N(b).

(On considère x = a/b = ab/bb = u+ αv ∈ Q(α) et n la partie entière de v, i.e.v ∈ [n, n + 1[. On suppose que v /∈ ]n + 1/3, n + 2/3[ et on considère les entierss et t les plus proches de u et v respectivement. En posant q = s + αt, calculerN(x − q) et en conclure que l’on a a = bq + r avec r = 0 ou N(r) < N(b). Siv ∈ ]n+ 1/3, n+ 2/3[, considérer 2x = 2u+ 2αv et se ramener au cas précédent.)2. Montrer que l’anneau A est isomorphe à l’anneau Z[X]/(X2 −X + 5).3. Montrer que le polynôme X2 −X + 5 est un élément irréductible de l’anneau(Z/2Z)[X].4. En déduire que l’idéal (2) de A est maximal.5. Montrer que l’anneau A est principal. (On considère un idéal I et a ∈ I, a �= 0,tel que N(a) soit minimal. On suppose que I �= (a) et on considère x ∈ I \ (a) :montrer que x = aq + r avec r = 0 que ou N(r) < N(a) est impossible. On adonc 2x = aq+ r avec r = 0 ou N(r) < N(a) : utiliser la question 4 pour montrerque a = 2a′ avec a′ ∈ A. En déduire que I = (a′).)

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♣ TR.II.C. Anneaux nœthériens

6. Montrer que U(A) = {−1, 1} (utiliser la norme).

7. En déduire que l’anneau A n’est pas euclidien. (On suppose que A est euclidien.D’après la proposition 2.5, on aurait un morphisme surjectif ϕ : Z[α] −→ K avecK = F2 ou K = F3. En posant β = ϕ(α), montrer que cela conduit à unecontradiction.)

♣ TR.II.C. Anneaux nœthériens

Nous avons vu au théoréme 3.7 que si A est un anneau principal, alors toutesuite croissante d’idéaux de A est stationnaire. Nous allons étudier ici cette pro-priété dans un cadre plus général.

Un anneau A est nœthérien si toute suite croissante d’idéaux de A est sta-tionnaire.

D’après le théorème 3.6, un anneau A est nœthérien si et seulement si toutefamille non vide d’idéaux de A possède un élément maximal.

1. Montrer qu’un anneau A est nœthérien si et seulement si tout idéal de A estengendré par un nombre fini d’éléments (on dit que l’idéal est de type fini).

On voit bien, à partir de ce résultat, pourquoi un anneau principal est nœthé-rien et en quoi cette nouvelle notion de « finitude » est une généralisation de lanotion d’anneau principal.

2. Soit A un anneau nœthérien :a) montrer que tout anneau quotient de A est nœthérien,b) pour toute partie multiplicative S de A, montrer que l’anneau de fractions

S−1A (cf. définition I.6.8) est nœthérien.L’objectif des prochaines questions est de montrer le résultat suivant.

Theoreme (de Hilbert). Si A est un anneau nœthérien, l’anneau A[X] estnœthérien.

On suppose donc que A est un anneau nœthérien et on considère un idéal Ide A[X]. On veut prouver que I est de type fini.

3. On note In l’ensemble formé de 0 et des coefficients dominants des polynômesde degré n appartenant à I. Montrer que {In}n∈N est une suite croissante d’idéauxde A.

4. Montrer que l’on peut construire une suite croissante finie {Kn}0�n�r d’en-sembles finis, avec Kn partie génératrice de In.

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Algèbre T2

Pour tout élément aj ∈ Kn, 0 � n � r, il existe un polynôme Paj ,n(X) dedegré n, appartenant à I. En faisant varier j de 0 à card(Kn) et n de 0 à r, onobtient une famille finie de polynômes Paj ,n(X) appartenant à I.5. Montrer que cette famille finie de polynômes Paj ,n(X) engendre l’idéal I (onnotera J l’idéal de A[X] engendré par la famille finie de polynômes Paj ,n(X) et onmontrera, par récurrence sur n, que tout polynôme P (X) de degré n appartenantà I appartient à J).

D’où le résultat annoncé.On en déduit que si A est un anneau nœthérien, alors, pour tout entier positif

n, A[X1, . . . ,Xn] est un anneau nœthérien.On trouvera à la section VI.4 une étude des modules nœthériens.

♠ TR.II.D. Séries formelles – Séries et polynômesde Laurent

Nous allons étudier des généralisations de la notion de polynôme.Soient A un anneau commutatif et S l’ensemble des suites (an)n∈N formées

d’éléments de A. On munit cet ensemble S de deux opérations :

(an)n∈N + (bn)n∈N = (an + bn)n∈N

(an)n∈N × (bm)m∈N = (∑

n+m=p anbm)p∈N.

1. Montrer que ces opérations munissent l’ensemble S d’une structure d’anneaucommutatif.

On appelle cet anneau l’anneau des séries formelles en une indétermi-née, à coefficients dans A, et on le note A[[X]].

Pour les mêmes raisons que dans le cas des polynômes, on peut écrire la sérieformelle (an)n∈N sous la forme

∑n∈N anX

n et les opérations s’écrivent alors :∑n∈N anX

n +∑

n∈N bnXn =

∑n∈N(an + bn)Xn∑

n∈N anXn × ∑m∈N bmX

m =∑

p∈N(∑

m+n=p anbm)Xp.

2. Montrer que l’anneau A[X], des polynômes à coefficients dans A, est un sous-anneau de A[[X]].

On considère maintenant l’ensemble L des suites (an)n∈Z formées d’élémentsde A vérifiant la propriété suivante : pour chaque suite s = (an)n∈Z ∈ L, il existeun entier ns ∈ Z tel que an = 0 pour tout n < ns.3. Montrer que les opérations définies sur L de manière analogue à celles quiprécèdent munissent L d’une structure d’anneau commutatif.

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♠ TR.II.D. Séries formelles – Séries et polynômes de Laurent

On appelle cet anneau l’anneau des séries de Laurent en une indéter-minée, à coefficients dans A, et on le note A((X)) (cette notation sera justifiéepar le résultat de la question 11).

Pour les mêmes raisons que ci-dessus, on peut écrire la série de Laurent (an)n∈Z

sous la forme∑

n�ns,n∈Z anXn et les opérations ont une écriture analogue à celles

des séries formelles.4. Montrer que A[[X]] est un sous-anneau de A((X)).

On introduit maintenant un nombre associé à une série de Laurent (cela s’ap-plique donc évidemment aux séries formelles), qui joue un rôle analogue à celuijoué par le degré d’un polynôme. Soit s = (an)n∈Z une série de Laurent non nulle.On note v(s) le plus petit entier n ∈ Z tel que an �= 0 et on l’appelle valuationde s. Le terme anX

n correspondant est appelé le terme de plus bas degré des. On pose v(0) = +∞.5. Montrer que v(s1 + s2) � inf(v(s1), v(s2)) et que v(s1 + s2) = inf(v(s1), v(s2))si v(s1) �= v(s2).6. Montrer que si l’anneau A est intègre, on a v(s1s2) = v(s1)+v(s2) et en déduirealors que les anneaux A((X)) et A[[X]] sont intègres.7. Soit A un anneau intègre. Montrer que les éléments inversibles de l’anneauA[[X]] sont les séries formelles de valuation nulle dont le terme constant est in-versible dans A.8. Montrer que si k est un corps, l’anneau k[[X]] est principal.9. En déduire que si k est un corps, l’anneau k[[X]] est un anneau local, cf. TR.I.B.(C’est également vrai si k est un anneau intègre local.)10. Soit A un anneau intègre. Montrer que les éléments inversibles de l’anneauA((X)) sont les séries de Laurent dont le coefficient du terme de plus bas degréest inversible dans A.11. En déduire que si k est un corps, k((X)) est un corps. Montrer que c’est lecorps des fractions de l’anneau intègre k[[X]].

On voit là l’analogie avec la situation k[X] et k(X).On va montrer que, dans l’anneau des séries formelles, il existe un résultat

analogue à la division euclidienne dans l’anneau des polynômes.12. Soient A un anneau commutatif, S et T deux séries formelles de A[[X]].Montrer que si T est de valuation nulle et que son terme constant est inversibledans A, alors, pour tout entier n, il existe un polynôme Q et une série formelleR uniques tels que S = TQ+R avec deg(Q) < n et v(R) � n.

On considère maintenant l’ensemble P formé des éléments de A((X)) vérifiant :pour chaque suite s = (an)n∈Z ∈ P , il existe un entier ms ∈ Z tel que an = 0

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Algèbre T2

pour tout n > ms. Autrement dit, l’ensemble P est formé des suites s = (an)n∈Z

telles que an = 0 si n < ns et n > ms. Il est clair que les deux opérations définiessur A((X)) munissent P d’une structure de sous-anneau de A((X)). On appellecet anneau l’anneau des polynômes de Laurent en une indéterminée, àcoefficients dans A et on le note A[X,X−1]. Le plus grand entier n tel quean �= 0 est le degré du polynôme.13. Montrer que l’anneau A[X,X−1] est le localisé de l’anneau A[X] relativementà la partie multiplicative engendrée par X.

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III

IRRÉDUCTIBILITÉ DES POLYNÔMESPOLYNÔMES SYMÉTRIQUES

Nous avons vu, dans le chapitre précédent, l’importance de l’existence, dansun anneau, d’éléments irréductibles. Nous allons ici nous intéresser au cas desanneaux de polynômes, donc essayer de déterminer les polynômes irréduc-tibles. Puis nous étudierons les relations entre ordre de multiplicité des ra-cines d’un polynôme et dérivations. Nous étudierons ensuite les polynômessymétriques, polynômes qui s’écrivent en fonction des polynômes symétriquesélémentaires, dont on connaît l’importance pour l’étude des relations entre coef-ficients et racines.

1. Irréductibilité

On a vu que si A est un anneau factoriel, il en est de même de l’anneauA[X1, . . . ,Xn]. Il est donc important de savoir déterminer les éléments irréduc-tibles d’un tel anneau.

Dans tout ce paragraphe, A est un anneau factoriel et K est son corps desfractions.

Soit p un élément irréductible (ou premier) d’un ensemble complet P d’élé-ments irréductibles de A (cf. remarque II.4.7.c). Pour tout élément a de K∗, onpeut écrire a = prb, b ∈ K∗, r ∈ Z, p ne divisant ni le numérateur ni le déno-minateur de b. L’unicité de la décomposition en produit de facteurs irréductiblesdans A implique que l’entier r ainsi défini est unique. On pose r = ordp(a) et onappelle cet entier l’ordre de a en p. Si a est nul, on pose ordp(a) = −∞ pourtout p.

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Chapitre III. Irréductibilité des polynômes – Polynômes symétriques

Il est clair que

∀ a, a′ ∈ K, ordp(aa′) = ordp(a) + ordp(a′).

Soit f(X) = a0 + a1X + · · · + anXn un élément de K[X] : si f = 0 on pose

ordp(f) = −∞, si f �= 0 on pose ordp(f) = infi(ordp(ai)), le inf étant pris sur lesi tels que ai �= 0. On pose alors

c(f) =∏p∈P

pordp(f)

le produit étant pris sur tous les p tels que ordp(f) �= 0.On notera que si l’on considère un autre ensemble complet P ′ d’éléments

irréductibles de A, alors, en posant

c′(f) =∏p∈P ′

pordp(f)

les éléments c(f) et c′(f) diffèrent d’un élément inversible. Autrement dit, l’élé-ment c(f) est intrinsèquement défini, à un élément inversible de A près. Si

f(x) =i=n∑i=0

aiXi ∈ A[X],

c(f) = pgcd(ai)0�i�n, le pgcd étant pris sur les coefficients non nuls de f , à uninversible près.

Il est clair que si b est un élément de K∗, c(bf) = bc(f). On peut donc écriref(X) = c(f)f1(X), avec c(f1) = 1 et f1 ∈ A[X]. En effet, écrivons

f(X) =i=n∑i=0

ai

biXi

avec ai, bi �= 0 dans A. Notons b un ppcm des bi, 0 � i � n, alors f s’écrit

f(X) =1b

i=n∑i=0

a′iXi.

En posant a′i = da′′i , où d est un pgcd des a′i, 0 � i � n, on obtient

f(X) =d

bf1(X), avec f1(X) =

i=n∑i=0

a′′iXi.

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1. Irréductibilité

On suppose que l’on a réduit db de telle sorte que d et b sont étrangers. On a

donc c(f) = c(db f1) = d

b c(f1). Puisque les coefficients de f1 sont étrangers, il estévident que c(f1) = 1. On en déduit donc que c(f) = d

b . Autrement dit, pourtout polynôme f(X) ∈ K[X], l’écriture f(X) = c(f)f1(X) consiste à « réduireau même dénominateur » et à « mettre en facteur les facteurs communs auxcoefficients ».

On déduit de ce qui précède que, pour un polynôme f ∈ A[X], montrer quec(f) = 1 revient à montrer qu’il n’existe aucun élément irréductible p de A quidivise tous les coefficients de f .

Lemme 1.1 (de Gauss). Soient A un anneau factoriel et K son corps des fractions.Soient f et g deux éléments de K[X], alors c(fg) = c(f)c(g).

Démonstration. Puisque f(X) = c(f)f1(X) et g(X) = c(g)g1(X), il suffit de mon-trer que si c(f) = c(g) = 1, alors c(fg) = 1, avec f et g dans A[X]. Posons

f(X) = a0 + · · ·+ anXn, an �= 0, et g(X) = b0 + · · ·+ bmX

m, bm �= 0.

Soit p un élément irréductible de A et soit r (resp. s) le plus grand entier comprisentre 0 et n (resp. m) tel que p ne divise pas ar (resp. bs). Le coefficient de Xr+s

dans f(X)g(X) est égal à

arbs + ar+1bs−1 + · · ·+ ar−1bs+1 + · · ·

Or p ne divise pas arbs mais divise tous les autres termes de cette somme, il nedivise donc pas la somme. ♦

Remarque 1.2. Il est clair que si f ∈ A[X] est un polynôme de degré strictementpositif tel que c(f) �= 1 (ou c(f) et non inversible dans A), f n’est pas irréductibledans A[X] puisqu’il s’écrit f = c(f)f1, avec c(f) et f1 non inversibles. La conditionc(f) = 1 est donc nécessaire pour que le polynôme f soit irréductible dans A[X].

Theoreme 1.3. Soient A un anneau factoriel et K son corps des fractions. Unpolynôme f ∈ A[X] est irréductible dans A[X] si et seulement si f est un élémentirréductible de A, ou un polynôme de degré supérieur ou égal à 1 irréductible dansK[X] et tel que c(f) = 1.

Démonstration. Montrons que la condition est nécessaire. Soit P (X) ∈ A[X] unpolynôme irréductible dans A[X].

Si deg(P ) = 0, alors P (X) est un élément de A, irréductible par hypothèse.

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Chapitre III. Irréductibilité des polynômes – Polynômes symétriques

Si deg(P ) > 0, alors c(P ) = 1 d’après la remarque 1.2. Montrons que Pest irréductible dans K[X]. Supposons que P s’écrive P (X) = Q(X)R(X) avecQ(X) ∈ K[X] et R(X) ∈ K[X] non nuls. Écrivons Q(X) = c(Q)Q1(X) etR(X) = c(R)R1(X), avec Q1(X) ∈ A[X], R1(X) ∈ A[X] et c(Q1) = 1, c(R1) = 1.En posant c(Q) = a

b et c(R) = cd , de l’égalité bdP (X) = acQ1(X)R1(X) on tire

bd c(P ) = ac et, puisque c(P ) = 1, ac = bd. On a donc P (X) = uQ1(X)R1(X),avec u ∈ U(A). Puisque P est irréductible dans A[X], alors on aQ1 ∈ U(A[X]) = U(A) ou R1 ∈ U(A[X]) = U(A). On en déduit que deg(Q1) = 0ou deg(R1) = 0, et que Q(X) ou R(X) est une constante non nulle de K, doncinversible.

Montrons que la condition est suffisante. Si p est un élément irréductible deA, il est irréductible dans A[X] (vérification évidente). Soit P (X) ∈ A[X], irré-ductible dans K[X] et tel que c(P ) = 1. Supposons que P (X) = Q(X)R(X),avec Q(X) ∈ A[X] et R(X) ∈ A[X]. Comme A[X] ⊂ K[X], on a deg(Q) = 0ou deg(R) = 0. Supposons, pour fixer les idées, que ce soit deg(Q) = 0. AlorsQ(X) = a ∈ A et P (X) = aR(X). Puisque c(P ) = 1, on en déduit que a ∈ U(A)et P est irréductible dans A[X]. ♦

La définition de c(f) s’étend naturellement aux polynômes de A[X1, . . . ,Xn].

Theoreme 1.4. Soient A un anneau factoriel et K son corps des fractions. Unpolynôme f de A[X1, . . . ,Xn] est irréductible dans A[X1, . . . ,Xn] si et seulementsi c’est un élément irréductible de A, ou un polynôme de degré total supérieur ouégal à 1 irréductible dans K[X1, . . . ,Xn] et tel que c(f) = 1.

Démonstration. En écrivant A[X1, . . . ,Xn] = A[X1, . . . ,Xn−1][Xn], le résultat dé-coule du théorème 1.3, par récurrence. ♦

Exercice E1. Soient A un anneau factoriel et K son corps des fractions,f(X) = Xn + an−1X

n−1 + . . .+ a1X + a0 ∈ A[X], avec a0 �= 0.

a) Montrer que si x ∈ K est tel que f(x) = 0, alors x divise a0 et x ∈ A.

b) En déduire que :– le polynôme X3 − 5X2 + 1 est irréductible dans Q[X],– le polynôme X3 − 4(1− i)X2 + 5X + (1 + 2i) est irréductible dans Q(i)[X].

Ce qui précède montre que l’étude de l’irréductibilité des polynômes à coeffi-cients dans A se ramène à celle des polynômes à coefficients dans K. Ce qui suit apour but de donner quelques méthodes d’étude de l’irréductibilité des polynômesde K[X].

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1. Irréductibilité

Theoreme 1.5 (critere d’Eisenstein). Soient A un anneau factoriel et K son corpsdes fractions. Soit f(X) = a0 + · · · + anX

n un polynôme de A[X], n � 1. S’ilexiste un élément irréductible p de A tel que

an �≡ 0 (mod p), ai ≡ 0 (mod p), i < n, a0 �≡ 0 (mod p2),

alors f(X) est irréductible dans K[X].

Démonstration. En mettant en facteur le pgcd des coefficients de f , on peut sup-poser que c(f) = 1. Supposons que f(X) s’écrive comme produit de deux poly-nômes de K[X], de degré supérieur ou égal à 1. D’après la remarque 1.2, on af(X) = g(X)h(X) dans A[X]. Posons

g(X) = b0 + · · · + bpXp, h(X) = c0 + · · ·+ cqX

q,

avec bp �= 0, cq �= 0, p � 1, q � 1.Puisque b0c0 = a0 est divisible par pmais pas par p2, l’un et l’un seulement des

éléments b0 ou c0 est divisible par p. On peut supposer que b0 n’est pas divisiblepar p et que c0 est divisible par p. Puisque an = bpcq n’est pas divisible par p,cq n’est pas divisible par p. On peut donc considérer r, r � q < n, le plus petitentier tel que cr ne soit pas divisible par p. Alors, ar = b0cr + b1cr−1 + · · · n’estpas divisible par p, puisque p ne divise pas b0cr mais divise tous les autres termesde la somme, ce qui est contraire à l’hypothèse. ♦Exemples 1.6.

a) Soit a �= 1 ∈ Q∗ un élément sans facteur carré. Alors pour tout n � 1, lepolynôme Xn − a est irréductible dans Q[X].

b) Si p est un nombre premier, f(X) = 1 + X + X2 + · · · + Xp−1 est unpolynôme irréductible dans Q[X]. En effet, il suffit de montrer que f(X + 1) estirréductible dans Q[X]. On a

f(X + 1) = (X + 1)p−1 + · · ·+ (X + 1) + 1 =(X + 1)p − 1(X + 1)− 1

=1X

(Xp +p−1∑k=1

CkpX

k) = Xp−1 +p−2∑k=2

Ck+1p Xk + p

et Ckp est divisible par p. On peut donc appliquer le critère d’Eisenstein.

Exercice E2. Montrer que les polynômes P (X) suivants sont irréductibles :P (X) = X4+(−2+7

√−2)X2−9X+3 ∈ Z[√−2][X] (prendre p = (1+

√−2)),P (X) = X7 + (4− 3i)X3 + 5X2 + (1− 2i) ∈ Z[i][X] (prendre p = (1− 2i)).

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Chapitre III. Irréductibilité des polynômes – Polynômes symétriques

On verra aux TR.III.A et TR.III.B d’autres méthodes d’étude de l’irréductibi-lité des polynômes qui sont très utiles, en particulier la méthode par réductionmodulo un idéal de A, étudiée au TR.III.B.

2. Fonctions polynomiales – Racines – Dérivations –Multiplicité

Soient A et B deux anneaux (B anneau non nécessairement commutatif) telsque A soit un sous-anneau de B ; pour tous éléments a ∈ A et x ∈ B, on peutformer l’élément ax ∈ B et on peut, dans B, faire la somme de tels éléments. Parconséquent, si f(X) = a0 + a1X + · · · + anX

n est un polynôme de A[X] et si xest un élément de B, on peut considérer l’élément f(x) = a0 + a1x+ · · · + anx

n

de B. On définit alors une application f : B −→ B en posant f(x) = f(x).

Definition 2.1. Avec les notations ci-dessus, on appelle fonction polynomialesur B à coefficients dans A toute application ϕ : B −→ B vérifiant la pro-priété suivante : il existe un polynôme f ∈ A[X] tel que, pour tout x ∈ B,ϕ(x) = f(x).

Cette situation se généralise de la manière suivante.Si f(X1, . . . ,Xn) =

∑ai1...inX

i11 · · ·Xin

n est un polynôme de A[X1, . . . ,Xn]et si x = (x1, . . . , xn) est un élément de Bn, on peut considérer l’élémentf(x) =

∑ai1...inx

i11 · · · xin

n dans B. On définit alors une application f : Bn −→ Ben posant f(x) = f(x).

Definition 2.2. On appelle fonction polynomiale sur Bn à coefficientsdans A, toute application ϕ : Bn −→ B vérifiant la propriété sui-vante : il existe un polynôme f ∈ A[X1, . . . ,Xn] tel que, pour toutx = (x1, . . . , xn) ∈ Bn, ϕ(x) = f(x).

Exemples 2.3.a) Soient K un corps, E un K-espace vectoriel de dimension n et u un endo-

morphisme de E. Pour tout f ∈ K[X] (par exemple le polynôme caractéristiquede u), on peut former l’endomorphisme f(u) de E. Si A ∈Mn(K) est une matrice(par exemple la matrice de u relativement à une base fixée de E), on peut formerla matrice f(A) ∈Mn(K).

b) On considère B = A[Y1, . . . , Yq] : pour tout (u1, . . . , un) dans Bn et pourtout f ∈ A[X1, . . . ,Xn], on peut former l’élément f(u1, . . . , un) dans B. On dit

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2. Fonctions polynomiales – Racines – Dérivations – Multiplicité

que c’est le polynôme en Y1, . . . , Yq obtenu en substituant les polynômesu1, . . . , un aux indéterminées X1, . . . ,Xn dans f .

Exercice E3. Dans l’exemple ci-dessus, on considère n = q = 1, f ∈ A[X] etg ∈ A[Y ].

Montrer que, en général, f(g) �= g(f).Montrer que deg(f(g)) � deg(f)deg(g) et qu’il y a égalité si l’anneau A est

intègre.

Pour A et B deux anneaux tels que A soit un sous-anneau de B, notonsPn(A,B) l’ensemble des fonctions polynomiales de Bn dans B. Un calcul directmontre que si f et g sont deux polynômes de A[X1, . . . ,Xn], on a f + g = f + g

et f g = f g. D’autre part, il est clair que l’application 0 est l’application nulle etque 1 est l’application identité. Cela prouve le résultat suivant.

Proposition 2.4. Avec les notations ci-dessus, l’application

P : A[X1, . . . ,Xn] −→ Pn(A,B).

qui à f ∈ A[X1, . . . ,Xn] associe f , est un morphisme d’anneaux. ♦

Par construction, le morphisme P est surjectif. Il n’est en général pas injectif,comme le montre l’exercice ci-dessous.

Exercice E4. On considère A = Z/2Z et f(X) = X2 −X. Montrer que f = 0.

Definition 2.5. Soient A un anneau et f(X1, . . . ,Xn) un polynôme deA[X1, . . . ,Xn]. Un n-uple (b1, . . . , bn) ∈ Bn, où B est un sur-anneau de A,est un zéro (ou une racine si n = 1) de f si f(b1, . . . , bn) = 0.

Theoreme 2.6. Soient A un anneau intègre, f(X) un polynôme de A[X], a unélément de A. Alors a est racine de f(X) si et seulement si (X − a) divise f(X)dans A[X].

Démonstration. La division euclidienne de f(X) par (X − a) dans K[X]

f(X) = (X − a)q(X) + r(X)

montre que f(a) = 0 si et seulement si r(a) = 0. Or, deg(r) < 1 implique quer(X) est une constante, par conséquent r(a) = 0 si et seulement si r(X) = 0.De plus, l’égalité f(X) = (X − a)q(X) implique c(q) = c(f) = 1, d’oùq(X) ∈ A[X]. ♦

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Chapitre III. Irréductibilité des polynômes – Polynômes symétriques

Exercice E5. Soit P (X) un polynôme de degré 2 ou 3, à coefficients dans un an-neau intègre A.

a) Montrer que si P (X) est unitaire, il est réductible si et seulement s’il pos-sède un zéro dans A.

b) Donner un exemple de polynôme non unitaire de Z[X] qui est réductible,mais qui ne possède pas de zéro dans Z.

Exercice E6. Soit f(X) = anXn + · · ·+ a1X + a0 ∈ Z[X], an �= 0, n � 1.

a) Montrer que si x = pq ∈ Q, avec p et q étrangers, est racine de f(X), alors

p divise a0 et q divise an.b) En déduire les racines dans Q du polynôme f(X) = 6X3 − 7X2 −X + 2.

Theoreme 2.7. Soient A un anneau intègre et f(X) un polynôme non nul de A[X].Le nombre de racines distinctes de f(X) dans A[X] est au plus égal au degré def(X).

Démonstration. Soient a1, . . . , an des racines distinctes de f(X) dans A. Montrons,par récurrence sur n, que f(X) est divisible dans A[X] par (X −a1) · · · (X − an).D’après le théorème 2.6, l’assertion est vraie pour n = 1. Supposons qu’elle soitvraie pour n − 1. On a f(X) = (X − a1) · · · (x − an−1)g(X). L’anneau A étantintègre et an �= ai, i < n, f(an) = 0 implique que g(an) = 0. Le polynôme g(X)est donc divisible par (X − an), d’où le résultat. ♦Corollaire 2.8. Soient A un anneau intègre et S une partie infinie de A. Si f(X)est un polynôme de A[X] tel que f(a) = 0 pour tout a dans S, alors f(X) est lepolynôme nul. ♦Corollaire 2.9. Soient A un anneau intègre et S1, . . . , Sn des parties infinies deA. Si f(X1, . . . ,Xn) est un polynôme de A[X1, . . . ,Xn] tel que f(a1, . . . , an) = 0pour tout (a1, . . . , an) dans S1 × · · · × Sn, alors f(X) est le polynôme nul.

Démonstration. On procède par récurrence sur n. Si n = 1, c’est le résultat pré-cédent. On suppose le résultat vrai pour (n − 1) � 1. Soit f(X1, . . . ,Xn) unpolynôme de A[X1, . . . ,Xn] tel que f(a1, . . . , an) = 0 pour tout (a1, . . . , an) dansS1 × · · · × Sn. On écrit f(X1, . . . ,Xn) suivant les puissances croissantes de Xn,

f(X1, . . . ,Xn) =i=s∑i=0

gi(X1, . . . ,Xn−1)Xin,

avec gi(X1, . . . ,Xn−1) ∈ A[X1, . . . ,Xn−1]. Pour tout (a1, . . . , an−1) dansS1 × · · · × Sn−1, le polynôme f(a1, . . . , an−1,Xn) s’annule sur Sn, c’est donc le

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2. Fonctions polynomiales – Racines – Dérivations – Multiplicité

polynôme nul. Par conséquent, on a gi(a1, . . . , an−1) = 0 pour tout i et tout(a1, . . . , an−1) ∈ S1 × · · · × Sn−1 et, par hypothèse de récurrence, les polynômesgi sont nuls pour tout i. ♦Theoreme 2.10. Si A est un anneau intègre infini, le morphisme d’anneaux

P : A[X1, . . . ,Xn] −→ Pn(A,A)

est un isomorphisme.

Démonstration. C’est une conséquence immédiate de corollaire 2.9. ♦Autrement dit, si f, g ∈ A[X1, . . . ,Xn], pour que f = g, il faut et il suffit

que f = g, i.e. il faut et il suffit que pour tout a = (a1, . . . , an) ∈ An, on aitf(a) = g(a). Il est donc légitime, lorsque l’anneau des coefficients est intègre etinfini, d’identifier les polynômes et les fonctions polynomiales.

Attention. Chacune des hypothèses intègre et infini est nécessaire. Cette identifi-cation est donc à proscrire, en particulier pour les polynômes à coefficients dansun corps fini.

Definition 2.11. Soit A un anneau. Une dérivation D de A est une application

D : A −→ A

qui vérifie, pour tous x et y de A

D(x+ y) = D(x) +D(y) et D(xy) = xD(y) +D(x)y.

Soient A un anneau, f(X) ∈ A[X] un polynôme à coefficients dans A et Yune indéterminée différente de X. Le polynôme f(X + Y ) appartient à A[X,Y ]et, en considérant A[X,Y ] = A[X][Y ], on peut développer f(X + Y ) suivant lespuissances croissantes de Y ,

f(X + Y ) = f0(X) + Y f1(X) + Y 2f2(X) + · · ·+ Y pfp(X).

Definition 2.12. Avec les notations ci-dessus, on appelle polynôme dérivé def , que l’on note D(f) ou f ′, le coefficient de Y dans le développement def(X + Y ).

Avec ces notations, on a donc D(f) = f ′ = f1.

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Chapitre III. Irréductibilité des polynômes – Polynômes symétriques

En substituant 0 à Y dans le développement de f(X + Y ), on obtientf0(X) = f(X). De même, en mettant Y 2 en facteur dans le développement def(X + Y ), on peut écrire

(∗) f(X + Y ) = f(X) + Y f ′(X) + Y 2h(X,Y )

avec h(X,Y ) ∈ A[X,Y ].

Remarque 2.13. Supposons que A = R et considérons f , f ′, h les fonctions poly-nomiales associées respectivement à f , f ′ et h. On déduit de l’égalité (∗) que

∀x ∈ R, ∀ y ∈ R, y �= 0, f(x+ y) = f(x) + yf ′(x) + y2h(x, y)

d’oùf(x+ y)− f(x)

y= f ′(x) + yh(x, y)

et, en faisant tendre y vers 0, on obtient (f)′ = (f ′). Autrement dit, la fonc-tion polynomiale associée au polynôme dérivé de f est la dérivée de la fonctionpolynomiale associée au polynôme f .

Proposition 2.14. Soient f et g deux polynômes de A[X] et λ un élément de A.On a

(f + g)′ = f ′ + g′, (λf)′ = λf ′, (fg)′ = f ′g + fg′

et le polynôme dérivé d’un polynôme constant est nul.

Démonstration. L’égalité (∗) permet d’écrire

f(X + Y ) ≡ f(X) + Y f ′(X) mod(Y 2)

g(X + Y ) ≡ g(X) + Y g′(X) mod(Y 2)

d’où

f(X + Y ) + g(X + Y ) ≡ f(X) + g(X) + Y (f ′(X) + g′(X)) mod(Y 2).

Or, on a

f(X+Y )+g(X+Y ) = (f+g)(X+Y ) ≡ (f+g)(X)+Y ((f +g)′(X)) mod(Y 2)

et, par unicité des coefficients d’un polynôme, on déduit que

(f + g)′(X) = f ′(X) + g′(X).

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2. Fonctions polynomiales – Racines – Dérivations – Multiplicité

De la même manière, en multipliant les deux congruences du départ, on obtient

f(X + Y )g(X + Y ) ≡ f(X)g(X) + Y (f ′(X)g(X) + f(X)g′(X)) mod(Y 2).

Mais

f(X + Y )g(X + Y ) = (fg)(X + Y ) ≡ (fg)(X) + Y ((fg)′(X)) mod(Y 2)

d’où (fg′)(X) = f ′(X)g(X) + f(X)g′(X).L’égalité (λf)′(X) = λf ′(X) se démontre de la même façon, encore plus faci-

lement, et la dernière assertion de la proposition en découle. ♦

Corollaire 2.15. L’application D : A[X] −→ A[X], qui à un polynôme associe sonpolynôme dérivé, est une dérivation de A[X]. ♦

Proposition 2.16. Si f ∈ A[X] s’écrit f(X) = a0 + a1X + a2X2 + · · · + anX

n,alors son polynôme dérivé s’écrit f ′(X) = a1 + 2a2X + · · ·+ nanX

n−1.

Démonstration. Le polynôme dérivé de f est la somme des dérivés de chaque mo-nôme. Le coefficient a0 étant constant, son polynôme dérivé est nul. D’autre part,le polynôme dérivé de akX

k est égal à ak(Xk)′, il suffit donc de calculer le poly-nôme dérivé de Xk. D’après la formule du binôme, on a

(X + Y )k =i=k∑i=0

CikX

k−iY i ≡ C0kX

k + Y C1kX

k−1 mod(Y 2).

D’où, (Xk)′ = C1kX

k−1 = kXk−1. ♦

Remarque 2.17. Pour tout f ∈ A[X], D(f) appartient à A[X], on peut doncitérer l’application de l’opérateur D. Comme d’habitude, on notera Dk(f) = f (k)

le k-ième polynôme dérivé de f .

Proposition 2.18 (formule de Taylor). Si f est un polynôme de A[X] de degré p etsi Y est une indéterminée distincte de X, on a

f(X + Y ) = f(X) + Y f ′(X) + Y 2f2(X) + · · ·+ Y pfp(X)

avec, pour tout k, 2 � k � p, (k!)fk(X) = f (k)(X).

Démonstration. On reprend le développement de f(X + Y ) suivant les puissancescroissantes de Y ,

f(X + Y ) = f0(X) + Y f1(X) + Y 2f2(X) + · · ·+ Y pfp(X).

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Chapitre III. Irréductibilité des polynômes – Polynômes symétriques

D’après la proposition 2.16, les polynômes dérivés successifs de ce polynôme enY s’écrivent :

f ′(X + Y ) = f ′(X) + 2f2(X)Y + · · · + pfp(X)Y p−1

f”(X + Y ) = 2f2(X) + 3.2f3(X)Y + · · ·+ p(p− 1)fp(X)Y p−1

.............................................................................

f (k)(X + Y ) = (k!)fk(X) + (k + 1)k · · · 3.2fk+1(X)Y

+ · · ·+ p(p− 1) · · · (p − k + 1)fp(X)Y p−k.

En substituant 0 à Y , on obtient f (k)(X) = (k!)fk(X). ♦Remarques 2.19.

a) L’égalité de la formule de Taylor étant une égalité entre polynômes, onpeut substituer à X et Y des éléments x et h de A (ou de tout sur-anneau de A),et l’on obtient

f(x+ h) = f(x) + hf ′(x) + h2f2(x) + · · ·+ hpfp(x)

avec, pour tout k, 2 � k � p, (k!)fk(x) = f (k)(x).b) Si A est un corps de caractéristique nulle, on peut diviser par k! et on

obtient la formule usuelle

f(x+ h) = f(x) + hf ′(x) + · · ·+ hk f(k)(x)k!

+ · · · + hp f(p)(x)p!

.

Remarque 2.20. La situation précédente se généralise sans peine aux poly-nômes en plusieurs indéterminées. Précisément, on définit des dérivations surA[X1, . . . ,Xn], ∂

∂Xi, 1 � i � n, en associant au polynôme f(X1, . . . ,Xn)

de A[X1, . . . ,Xn] la dérivation précédente appliquée à f(X1, . . . ,Xn) considérécomme polynôme en Xi à coefficients dans A[X1, . . . ,Xi−1,Xi+1, . . . ,Xn].

Proposition 2.21.(i) ∂

∂Xi, 1 � i � n, sont des dérivations de l’anneau A[X1, . . . ,Xn].

(ii) Soient K un corps et f(X1, . . . ,Xn) ∈ K[X1, . . . ,Xn] tel que

∃ i, 1 � i � n,∂f

∂Xi= 0

alors :– si la caractéristique de K est nulle, le polynôme f ne contient pas Xi,– si la caractéristique de K est p > 0, Xi apparaît dans le polynôme f avec unepuissance qui est un multiple de p.

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2. Fonctions polynomiales – Racines – Dérivations – Multiplicité

Démonstration. L’assertion (i) étant évidente, démontrons l’assertion (ii).Supposons que car(K) = 0 : si f contient aiX

mi , ai �= 0,

ai ∈ A[X1, . . . ,Xi−1,Xi+1, . . . ,Xn]

alors ∂f∂Xi

(X1, . . . ,Xn) contient maiXm−1i avec mai �= 0, donc ∂f

∂Xi�= 0.

Supposons que car(K) = p > 0. Remarquons que si A est un anneau intègre decaractéristique p > 0, alors il en est de même de A[X] et donc de A[X1, . . . ,Xn].On peut donc supposer ici que f est un polynôme en une variable à coefficientsdans un anneau intègre B de caractéristique p. Si f ′(X) = 0, tous ses coefficientssont nuls dans B, i.e. sont multiples de p. Si f contient un monôme bqXq avecbq �= 0 et q non multiple de p, alors qbq est non nul (car B est intègre) et nonmultiple de p (car p est premier), donc f ′(X) �= 0. ♦

Definition 2.22. Soient A un anneau intègre, f(X) un polynôme de A[X] eta ∈ A une racine de f . L’ordre de multiplicité de a est le plus grand en-tier m tel que (X − a)m divise f(X). Si m > 1, on dit que a est une racinemultiple d’ordre de multiplicité m ; si m = 1, on dit que a est une racinesimple.

Proposition 2.23. Avec les mêmes notations que ci-dessus, a est une racine mul-tiple de f si et seulement si f(a) = 0 et f ′(a) = 0.

Démonstration. Si a est racine multiple d’ordre m de f(X),on a f(X) = (X − a)mg(X) avec g(a) �= 0, d’oùf ′(X) = (X − a)mg′(X) +m(X − a)m−1g(X). Si m > 1, alors f ′(a) = 0 ;si m = 1, alors f ′(X) = (X − a)g′(X) + g(X), donc f ′(a) = g(a) �= 0. ♦

Proposition 2.24. Si K est un corps de caractéristique nulle, pour que a ∈ K soitune racine d’ordre r d’un polynôme f ∈ K[X], il faut et il suffit que

f(a) = f ′(a) = · · · = f (r−1)(a) = 0 et f (r)(a) �= 0.

Démonstration. Si a ∈ K est une racine d’ordre r d’un polynôme f ∈ K[X], on af(X) = (X − a)rg(X), avec g(a) �= 0. On calcule la dérivée k-ième de cetteégalité :

f (k)(X) = r(r − 1) · · · (r − k + 1)(X − a)r−kg(X) + (X − a)r−k+1gk(X).

On en déduit que f (k)(a) = 0 pour 0 � k � r − 1. D’autre part, f (r)(a) = r!g(a)et, puisque g(a) �= 0, f (r)(a) �= 0.

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Chapitre III. Irréductibilité des polynômes – Polynômes symétriques

Réciproquement, supposons que

f(a) = f ′(a) = · · · = f (r−1)(a) = 0 et f (r)(a) �= 0.

Puisque K est un corps de caractéristique nulle, on peut diviser par k! et on écrit :

f(X) =k=n∑k=0

(X − a)kf (k)(a)k!

.

Par hypothèse, tous les termes pour k � r − 1 sont nuls, d’où

f(X) = (X − a)r[f (r)(a)r!

+ (X − a)f (r+1)(a)(r + 1)!

+ · · · ].

Autrement dit, on a f(X) = (X − a)rg(X) avec g(a) �= 0. Si f(X) était divisiblepar (X−a)(r+1), alors g(X) serait divisible par (X−a), ce qui est en contradictionavec g(a) �= 0. Donc r est bien le plus grand entier k tel que (X − a)k divisef(X). ♦

3. Résultant – DiscriminantNous allons donner une condition nécessaire et suffisante pour que deux poly-

nômes à coefficients dans un corps aient un facteur commun non constant. Nousen déduirons une condition nécessaire et suffisante pour qu’un polynôme de de-gré supérieur ou égal à 2 ait une racine double. Cette condition généralisera lacondition bien connue dans le cas du degré 2.

Soient K un corps et

f(X) = a0 + a1X + · · · + anXn, g(X) = b0 + b1X + · · · + bmX

m

deux polynômes à coefficients dans K. Dans toute la suite, on suppose que0 � m � n et que an �= 0, bm �= 0.

Proposition 3.1. Les polynômes f(X) et g(X) ont un facteur commun nonconstant si et seulement s’il existe deux polynômes h(X) et k(X) dans K[X]tels que f(X)h(X) = g(X)k(X), avec deg(h) < deg(g) et deg(k) < deg(f).

Démonstration. Si f(X) et g(X) ont un facteur commun non constant l(X), onpeut écrire f(X) = l(X)f1(X) et g(X) = l(X)g1(X) et il suffit de prendreh(X) = g1(X) et k(X) = f1(X).

Réciproquement, si on a f(X)h(X) = g(X)k(X), puisque K[X] est factoriel,tous les facteurs irréductibles de f(X) sont des facteurs irréductibles de g(X)k(X).Comme deg(k) < deg(f), nécessairement au moins l’un de ces facteurs irréduc-tibles divise g(X). ♦

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3. Résultant – Discriminant

Écrivons maintenant

h(X) = c0 + c1X + · · ·+ cm−1Xm−1, −k(X) = d0 + d1X + · · · + dn−1X

n−1.

L’égalité f(X)h(X) = g(X)k(X) se traduit par

(a0 + a1X + · · ·+ anXn)(c0 + c1X + · · ·+ cm−1X

m−1)

+(b0 + b1X + · · ·+ bmXm)(d0 + d1X + · · ·+ dn−1X

n−1) = 0.

Tous les coefficients du polynôme du premier membre doivent être nuls,ce qui donne un système de n + m équations en les n + m inconnuesc0, . . . , cm−1, d0, . . . , dn−1, en écrivant les coefficients des monômes de degré crois-sant :

a0c0 + b0d0 = 0a1c0 + a0c1 + b1d0 + b0d1 = 0a2c0 + a1c1 + a0c2 + b2d0 + b1d1 + b0d2 = 0

...... =

......

... =...

ancm−1 + bmdn−1 = 0.

Notons (S) ce système. Précisément, la r + 1-ième ligne de ce système est :

– si r � m,

arc0 + · · · + a0cr + 0 + · · ·+ 0 + brd0 + · · · + b0dr

avec m− r − 1 zéros,

– si m < r � n,

arca + · · ·+ ar−m+1cm−1 + 0 + · · ·+ 0 + bmdr−m + · · ·+ b0dr

avec r −m− 1 zéros,

– si n < r � m+ n− 1,

0+ · · ·+0+ancr−n + · · ·+ar−m+1cm−1 +0+ · · ·+0+ bmdr−m + · · ·+ br−n+1dn−1

avec r − n zéros au début et r −m zéros au milieu.

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Chapitre III. Irréductibilité des polynômes – Polynômes symétriques

La matrice du système (S) est donc la matrice (m+ n,m+ n) suivante :⎛⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎝

a0 0 . . . . . . 0 b0 0 . . . . . . 0

a1 a0. . .

... b1 b0. . .

...... a1

. . . . . ....

... b1. . . . . .

......

.... . . . . . 0

......

. . . . . . 0

an−1...

.... . . a0 bm−1

......

. . . b0

an an−1...

... a1 bm bm−1...

... b1

0 an. . .

...... 0 bm

. . ....

......

. . . . . . . . ....

.... . . . . . . . .

......

. . . . . . an−1...

. . . . . . bm−1

0 . . . . . . 0 an 0 . . . . . . 0 bm

⎞⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎠On écrit les termes a0, a1, . . . , an en colonnes, en commençant en haut à gaucheet en les décalant d’un cran vers le bas à chaque colonne, que l’on complète avecm − 1 zéros, ce qui forme m colonnes. Puis, on fait de même avec les termesb0, b1, . . . , bm, en recommençant en haut de la m + 1-ième colonne, on complètechaque colonne avec n− 1 zéros, ce qui forme n colonnes.

Definition 3.2. Le déterminant de cette matrice est le résultant des polynômesf(X) et g(X). On le note R(f, g). Si f(X) ou g(X) est nul, on pose R(f, g) = 0.

Proposition 3.3. Soient A est un anneau intègre, f(X) = a0 + a1X + · · · + anXn

et g(X) = b0 + b1X + · · · + bmXm des polynômes à coefficients dans A. Il existe

des polynômes h(X) et k(X) dans A[X] tels que f(X)h(X) = g(X)k(X), avecdeg(h) < deg(g) et deg(k) < deg(f), si et seulement si R(f, g) = 0.

Démonstration. L’analyse qui précède montre que les polynômes h(X) et k(X)existent si et seulement si le système (S) admet une solution non nulle. On seplace dans le corps des fractions K de A ; le système (S) admet une solution nonnulle dans K, donc dans A en multipliant par les dénominateurs, si et seulementsi les vecteurs colonnes de sa matrice sont linéairement dépendants, autrementdit si et seulement si le déterminant de sa matrice est nul, i.e. R(f, g) = 0. ♦

On déduit des propositions 3.1 et 3.3 le résultat suivant.

Theoreme 3.4. Soient K un corps, f(X) et g(X) des polynômes à coefficients dansK. Ils ont un facteur commun non constant si et seulement si R(f, g) = 0. ♦

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4. Polynômes symétriques

Remarque 3.5. Dans les raisonnements ci-dessus, on a seulement utilisé le fait quel’anneau K[X] est factoriel, par conséquent le théorème 3.4 reste valable si l’onremplace le corps K par un anneau factoriel.

Definition 3.6. Soit f(X) un polynôme de K[X] de degré supérieur ou égal à2, dont on note an le coefficient dominant. On pose

D(f) = (−1)n(n−1)

21anR(f, f ′)

où f ′ est le polynôme dérivé de f , et on l’appelle discriminant de f .

Exercice E7. Montrer que

D(aX2 + bX + c) = b2 − 4ac et que D(X3 + pX + q) = −4p3 − 27q2.

Proposition 3.7. Soit K un corps de caractéristique nulle. Un polynômef(X) ∈ K[X] de degré supérieur ou égal à 2 a une racine d’ordre de multipli-cité supérieur ou égal à 2 si et seulement si D(f) = 0. ♦

4. Polynômes symétriques

Soient A un anneau et T1, . . . , Tn,X des indéterminées. On forme le polynômeen X suivant, à coefficients dans A[T1, . . . , Tn] :

F (X) = (X − T1) · · · (X − Tn).

En développant, on obtient

F (X) = Xn − s1Xn−1 + · · · + (−1)nsn,

où les si sont les éléments de A[T1, . . . , Tn] définis pars1 = T1 + · · · + Tn

s2 = T1T2 + T1T3 + · · · + Tn−1Tn =∑

1�i<j�n TiTj

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

sk =∑

1�i1<···<ij<···<ik�n Ti1 · · ·Tik

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

sn = T1T2 · · ·Tn.

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Chapitre III. Irréductibilité des polynômes – Polynômes symétriques

Definition 4.1. Les polynômes s1, . . . , sn sont appelés polynômes symé-triques élémentaires en T1, . . . , Tn.

On remarquera que chaque polynôme si est homogène de degré i.

Soit σ une permutation de l’ensemble {1, . . . , n}. Étant donné un polynômef ∈ A[T1, . . . , Tn], on définit le polynôme σf par

σf(T1, . . . , Tn) = f(Tσ(1), . . . , Tσ(n)).

Remarque 4.2. Si σ et τ sont deux permutations de l’ensemble {1, . . . , n} et ε estla permutation identique, on a τ (σf) = (τσ)f et εf = f . De plus, pour f et gdans A[T1, . . . , Tn] et σ ∈ Sn, on a σ(f + g) = (σf) + (σg) et σ(fg) = (σf)(σg).Autrement dit, le groupe Sn opère sur A[T1, . . . , Tn].

Definition 4.3. Un polynôme f de A[T1, . . . , Tn] est dit symétrique si σf = fpour tout élément σ de Sn.

On vérifiera que les polynômes s1, . . . , sn sont symétriques au sens de cettedéfinition. Il est clair que l’ensemble des polynômes symétriques est un sous-anneau de A[T1, . . . , Tn]. On va montrer le théorème suivant.

Theoreme 4.4. Le sous-anneau de A[T1, . . . , Tn] formé des polynômes symétriquesest isomorphe à l’anneau A[s1, . . . , sn].

Démonstration. Il est clair que le sous-anneau de A[T1, . . . , Tn] formé des po-lynômes symétriques contient A et les polynômes symétriques élémentairess1, . . . , sn. Il contient donc A[s1, . . . , sn]. Nous allons montrer que, réciproque-ment, tout polynôme symétrique de A[T1, . . . , Tn] appartient à A[s1, . . . , sn]. Cesera l’objet de la proposition 4.7 ci-dessous.

Proposition 4.5. Si l’on substitue Tn = 0 dans les polynômes symétriques élémen-taires s1, . . . , sn−1, les expressions obtenues sont les polynômes symétriques élé-mentaires en T1, . . . , Tn−1.

Démonstration. On a

F (X) = (X − T1) · · · (X − Tn) = Xn − s1Xn−1 + · · · + (−1)nsn.

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4. Polynômes symétriques

En faisant Tn = 0, on obtient

(X − T1) · · · (X − Tn−1)X = Xn − s1Xn−1 + · · ·+ (−1)n−1sn−1X

= X(Xn−1 − s1Xn−2 + · · · + (−1)n−1sn−1).

D’où, (X−T1) · · · (X−Tn−1) = Xn−1−s1Xn−2+· · ·+(−1)n−1sn−1, ce qui prouveque les polynômes s1, . . . , sn−1 sont les polynômes symétriques élémentaires enT1, . . . , Tn−1. ♦

Definition 4.6. On appelle poids du monôme Tm11 Tm2

2 · · ·Tmnn , l’entier

m1+2m2+ · · ·+nmn. On définit le poids d’un polynôme f de A[T1, . . . , Tn]comme étant le plus grand des poids des monômes de f .

Proposition 4.7. Soit f ∈ A[T1, . . . , Tn] un polynôme symétrique de degré d. Alors,il existe un polynôme g ∈ A[T1, . . . , Tn] tel que f(T1, . . . , Tn) = g(s1, . . . , sn), gétant de poids d en les si.

Démonstration. On fait un raisonnement par récurrence sur n. Pour n = 1,c’est évident. On suppose le résultat vrai pour tout polynôme symétriquef ∈ A[T1, . . . , Tn−1] et l’on considère les polynômes symétriques de A[T1, . . . , Tn].On fait alors un raisonnement par récurrence sur le degré d de f . Si d = 0, c’estévident. On suppose le résultat vrai pour les polynômes de degré inférieur ou égalà (d− 1). Soit f ∈ A[T1, . . . , Tn] un polynôme symétrique de degré d. Si l’on faitTn = 0 dans f , d’après la proposition 4.5 et l’hypothèse de récurrence, il existeun polynôme g1(T1, . . . , Tn−1), de poids d en les si, tel que

f(T1, . . . , Tn−1, 0) = g1(s1, . . . , sn−1).

Le polynôme g1(s1, . . . , sn−1) est symétrique en T1, . . . , Tn, il en est donc demême du polynôme

f1(T1, . . . , Tn) = f(T1, . . . , Tn)− g1(s1, . . . , sn−1).

On a f1(T1, . . . , Tn−1, 0) = 0, donc f1 est divisible par Tn et, puisqu’il estsymétrique, il est divisible par le produit T1 · · ·Tn = sn. Il existe donc un polynômef2 tel que f1 = snf2 et f2 est nécessairement symétrique (car sn(σf2 − f2) = 0).

De plus, le polynôme g1 étant de poids d en les si, g1(s1, . . . , sn−1) est de degrétotal en T1, . . . , Tn au plus égal à d : en effet, puisque deg(si) = i, le monômesm11 · · · smn−1

n−1 , exprimé en fonction des T1, . . . , Tn, est de degré total inférieur ouégal à m1 + 2m2 + · · ·+ (n− 1)mn−1, qui est inférieur ou égal à d.

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Chapitre III. Irréductibilité des polynômes – Polynômes symétriques

Par conséquent, le degré total de f2 est inférieur ou égal à d − n < d. Parhypothèse de récurrence sur d, il existe un polynôme g2 ∈ A[T1, . . . , Tn], de poidségal à d− n en les si, tel que

f2(T1, . . . , Tn) = g2(s1, . . . , sn).

On obtient alors,

f(T1, . . . , Tn) = g1(s1, . . . , sn−1) + sng2(s1, . . . , sn)

et le second membre est un polynôme de poids d en les si. ♦

Cela achève la démonstration du théorème 4.4. ♦

On suppose maintenant que les polynômes f(X) et g(X) s’écrivent

f(X) = a∏

1�i�n

(X − xi), g(X) = b∏

1�j�m

(X − yj).

On peut, par exemple, supposer que ces polynômes sont à coefficients dans uncorps algébriquement clos K, ou bien on peut se placer dans une clôture algébriquede K (cf. [G-H]).

Nous allons donner une nouvelle description de R(f, g). Les coefficients aα def(X) correspondent au produit de a par les fonctions symétriques élémentaires desxi et les coefficients bβ de g(X) correspondent au produit de b par les fonctionssymétriques élémentaires des yj. De plus, R(f, g) est homogène de degré m enles aα et homogène de degré n en les bβ (le vérifier sur le développement dudéterminant définissant R(f, g)). Par conséquent, R(f, g) s’écrit comme le produitde ambn par une fonction symétrique des xi et yj .

Si xi = yj, les polynômes f et g ont un facteur commun, donc R(f, g) = 0.En considérant R(f, g) comme un polynôme en les xi et yj, on en déduit qu’il estdivisible par xi − yj. Puisque tous les facteurs xi − yj sont irréductibles, R(f, g)est divisible par leur produit, donc divisible par l’expression

S = ambn∏

1�i�n

∏1�j�m

(xi − yj).

Pour tout i, 1 � i � n, on a g(xi) = b∏

1�j�m(xi − yj), d’où

(∗) S = am∏

1�i�n

g(xi).

80

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4. Polynômes symétriques

Pour tout j, 1 � j � m, on a f(yj) = (−1)na∏

1�i�n(xi − yj), d’où

(∗∗) S = (−1)nmbn∏

1�j�m

f(yj).

On déduit de (∗) que S est unitaire homogène de degré n en b et de (∗∗) qu’ilest unitaire homogène de degré m en a. Par conséquent, R(f, g) et S ont mêmedegré et, puisque S divise R(f, g), ils ne peuvent différer que d’une constante. Onvérifie, par comparaison des termes, que cette constante vaut 1. On en déduit lerésultat suivant.

Proposition 4.8. Avec les notations ci-dessus, on a

R(f, g) = ambn∏

1�i�n

∏1�j�m

(xi − yj). ♦

Exercice E8. Soient f(X) �= 0, g(X) �= 0, g1(X) et g2(X) des polynômes à coef-ficients dans K. On pose deg(f) = n, deg(g) = m et b est le coefficient dominantde g. Montrer que

a) R(g, f) = (−1)mnR(f, g),b) si r(X) est le reste de la division euclidienne de f(X) par g(X),

R(f, g) = (−1)mnb(m−deg(r))R(g, r).c) R(f, g1g2) = R(f, g1)R(f, g2).

Exercice E9. Montrer que D(Xn−1 +Xn−2 + · · ·+ 1) = (−1)(n−1)(n−2)

2 n(n−2).

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THÈMES DE RÉFLEXION

♠ TR.III.A. Critère d’irréductibilité par extension

Si K est un corps, on appelle extension de K tout corps E qui contient Kcomme sous-corps.

1. Montrer que la multiplication de E munit le groupe abélien (E,+) d’unestructure naturelle de K-espace vectoriel.

On dit que E est une extension finie de K si E est une extension de K telleque le K-espace vectoriel E soit de dimension finie. On note alors [E : K] cettedimension.

Soient K un corps et P (X) ∈ K[X]. Nous admettrons qu’il existe une exten-sion E de K, telle que le polynôme P (X) admette une racine x dans E (pourtout corps K et tout polynôme P (X) ∈ K[X], ce corps existe, cf. [G-H]). On noteK(x) le plus petit sous-corps de E qui contient K et x.2. Soient K un corps, P (X) ∈ K[X] un polynôme de degré n et x uneracine de P (X). Montrer que si P (X) est irréductible dans K[X], alorsK(x) � K[X]/P (X). Montrer que [K(x) : K] = n (on montrera que1, x, . . . , xn−1 est une base du K-espace vectoriel K(x)).

3. Soient K un corps et P (X) ∈ K[X] un polynôme de degré n. Montrer queP (X) est irréductible dans K[X] si et seulement s’il n’a pas de racine dans touteextension E de K telle que [E : K] � n/2.

♣ TR.III.B. Critère d’irréductibilité par réduction

Soient A et B deux anneaux commutatifs et f : A −→ B un morphismed’anneaux. Pour tout polynôme P ∈ A[X], P (X) = anX

n + · · · + a0, on notef(P ) le polynôme f(an)Xn + · · · + f(a0) de B[X].1. Soient A et B des anneaux intègres, K et L leurs corps des fractions respectifset f : A −→ B un morphisme d’anneaux. Soit P ∈ A[X] tel que f(P ) �= 0 et

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Algèbre T2

deg(f(P )) = deg(P ). Montrer que si f(P ) est irréductible dans L[X], alors on nepeut avoir P (X) = Q(X)R(X) avec Q,R ∈ A[X] de degré supérieur ou égal à 1.

En déduire le résultat suivant.2. Soient A un anneau factoriel, K son corps des fractions, I un idéalpremier de A, B = A/I, L le corps des fractions de B. SoientP (X) = anX

n + · · · + a0 ∈ A[X] et P sa réduction modulo I. On suppose quean �= 0. Montrer que si P est irréductible dans B[X] ou L[X], alors P est irré-ductible dans K[X].3. Montrer que le polynôme X2 +Y 2 +1 est irréductible dans R[X,Y ] (considérerI = (Y )).

On remarquera que P n’est pas nécessairement irréductible dans A[X] (consi-dérer P (X) = 2X ∈ Z[X] et I = (3)). Bien évidemment, d’après le théorème 1.3,si deg(P ) � 1 et c(P ) = 1, le polynôme P est irréductible dans A[X].

On peut, en particulier, appliquer le résultat ci-dessus avec A = Z et I = (p)avec p premier.

Nous allons montrer que, pour tout nombre premier p, le polynômef(X) = Xp − X − 1 est irréductible dans Z/pZ[X], ce qui, d’après le résultatci-dessus, prouvera qu’il est irréductible dans Z[X].

On sait qu’il existe un corps K, contenant le corps Z/pZ, dans lequel le poly-nôme f(X) admet une racine a (cf. [G-H]).4. Montrer que les racines de f(X) sont les a + j, où j parcourt les entiers0, 1, . . . , (p − 1).

On suppose que f(X) = g(X)h(X), avec g(X), h(X) appartenant à Z/pZ[X]et 0 < r = deg(g) < p, 0 < s = deg(h) < p.

Alors, dans K[X], on a g(X) =∏l=r

l=1(X− (a+ jl)), avec jl ∈ {0, 1, . . . , p− 1}.5. En calculant le coefficient de Xr−1, montrer que a ∈ Z/pZ. En déduire unecontradiction.

Le résultat démontré à la question 2 est une condition suffisante, mais nonnécessaire. L’objectif des questions suivantes est de le démontrer (♠).6. Montrer que le polynôme f(X) = X4 + 1 est irréductible dans Z[X] (on appli-quera le critère d’Eisenstein à f(X + 1)).

On considère maintenant la réduction fp(X) de f(X) dans (Z/pZ)[X], pourp premier.7 Montrer que f2(X) n’est pas irréductible dans (Z/2Z)[X].

On suppose maintenant que p � 3. On a alors, dans (Z/pZ)[X],

X8 − 1 = (X4 − 1)(X4 + 1).

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♣ TR.III.B. Critère d’irréductibilité par réduction

8. Soit E une extension quelconque de Z/pZ. Montrer qu’un élément x de E \{0}est racine du polynôme X4 + 1 si et seulement si x est un élément d’ordre 8.9 Montrer que (p2 − 1) est divisible par 8. En déduire qu’il existe un élémentd’ordre 8 dans toute extension E de Z/pZ telle que card(E) = p2.10. Montrer qu’une telle extension E est telle que [E : Z/pZ] = 2. En déduire quele polynôme X4 + 1 n’est pas irréductible dans Z/pZ[X].

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IV

GÉNÉRALITÉS SUR LES MODULES

Il est inutile de rappeler la très grande importance en mathématiques, ainsique dans de nombreuses autres disciplines, de la structure d’espace vectoriel. Ilapparaît, dans de nombreux problèmes, une structure analogue, où le corps debase est remplacé par un anneau. C’est la structure de module sur un anneau.Nous avons déjà rencontré une telle structure : un groupe abélien n’est rien d’autrequ’un module sur Z.

Nous allons, dans ce chapitre, étudier cette structure et voir que, si de nom-breuses propriétés des espaces vectoriels se généralisent sans problème à ce nou-veau cadre, il n’en est pas de même pour certaines propriétés fondamentalescomme, par exemple, l’existence d’une base.

1. Modules – Morphismes

Definitions 1.1. Soit A un anneau.a) Un A-module à gauche est la donnée d’un groupe abélien M (noté

additivement) et d’une loi externe

A×M −→ M(a, x) �−→ ax

satisfaisant aux conditions suivantes : pour tous éléments a, b de A et x, yde M ,

a(x+ y) = ax+ ay(a+ b)x = ax+ bx(ab)x = a(bx)1x = x.

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Chapitre IV. Généralités sur les modules

b) Un A-module à droite est la donnée d’un groupe abélien M (notéadditivement) et d’une loi externe

M ×A −→ M(x, a) �−→ xa

satisfaisant les conditions suivantes : pour tous éléments a, b de A et x, y de M ,

(x+ y)a = xa+ yax(a+ b) = xa+ xbx(ab) = (xa)bx1 = x.

Remarque 1.2. Étant donné un anneau A, on appelle anneau opposé de A, quel’on note A0, le groupe abélien sous-jacent de A muni de la multiplication ∗ définiepar :

∀ a, b ∈ A, a ∗ b = ba,

où la multiplication apparaissant dans le second membre est celle de A.Il est clair que la donnée d’une structure de A-module à droite sur un groupe

abélien M est équivalente à celle d’une structure de A0-module à gauche.Si l’anneau A est commutatif, les anneaux A et A0 coïncident. Il en est donc

de même pour les structures de A-modules à gauche et à droite. Dans ce cas, ondit que M est un A-module.

Exemples 1.3.a) Si A est un corps commutatif, un A-module est un A-espace vectoriel.b) Si A = Z, un A-module est un groupe abélien.c) Pour tout anneau A, A est un A-module, la loi externe étant la multiplica-

tion de A.d) Tout idéal I d’un anneau A est un A-module, la loi externe étant la mul-

tiplication de A.

Definition 1.4. Soient M et N deux A-modules à gauche (resp. à droite).Une application f : M −→ N est A-linéaire, ou est un morphisme deA-modules à gauche (resp. à droite), si c’est un morphisme de groupesabéliens et si

∀a ∈ A, ∀x ∈M, f(ax) = af(x) (resp. f(xa) = f(x)a).

Si, de plus, f est bijectif, on dit que c’est un isomorphisme de A-modules.

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1. Modules – Morphismes

Notation. Si M et N sont des A-modules à gauche (resp. à droite), on noteHomA(M,N) l’ensemble des morphismes de A-modules à gauche (resp. à droite)de M dans N . Si M = N , on pose HomA(M,M) = EndA(M), dont les élémentssont appelés endomorphismes du A-module M .

Dans toute la suite de ce chapitre,les anneaux considérés sont commutatifs

(sauf mention explicite du contraire).

Proposition 1.5. Soient M et N deux A-modules. L’ensemble HomA(M,N) estcanoniquement muni d’une structure de A-module.

Démonstration. Le lecteur vérifiera que les opérations définies par

(f + g)(x) = f(x) + g(x)(af)(x) = f(ax)

avec f, g ∈ HomA(M,N), a ∈ A, munissent HomA(M,N) d’une structure deA-module. ♦

Attention. Cela n’est plus vrai si A est non commutatif, auquel cas HomA(M,N)est seulement un groupe abélien.

Proposition 1.6. Soit M un A-module.

(i) La composition des applications munit EndA(M) d’une structure d’anneau(non commutatif).

(ii) L’application a �−→ δa, où δa est définie par δa(x) = ax, est un morphismed’anneaux de A dans EndA(M).

Démonstration. La démonstration de (i) est une vérification facile laissée au lecteur.Considérons l’application

ϕ : A −→ EndA(M)a �−→ δa.

On a ϕ(a+ a′) = δa+a′ . Mais δa+a′(x) = (a+ a′)x = ax+ a′x = δa(x) + δ′a(x),d’où ϕ(a+ a′) = ϕ(a) + ϕ(a′).

On a ϕ(aa′) = δaa′ . Mais δaa′(x) = aa′x = δa(δa′(x)) = δa ◦ δa′(x), d’oùϕ(aa′) = ϕ(a)ϕ(a′). ♦

89

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Chapitre IV. Généralités sur les modules

Definitions 1.7.a) Le noyau du morphisme ϕ défini ci-dessus

Ker(ϕ) = {a ∈ A | ∀x ∈M, ax = 0}est un idéal de A appelé l’annulateur de M , noté AnnA(M).

b) Si x est un élément de M , on note AnnA(x) = {a ∈ A, ax = 0}. C’estun idéal de A appelé l’annulateur de x.

Exercice E1. Soit M un A-module, montrer que

AnnA(M) =⋂

x∈M

AnnA(x).

On notera que l’existence d’annulateurs non triviaux (cf. exemple 1.8 ci-dessous) montre qu’il y a une différence importante entre la structure de moduleet celle d’espace vectoriel.

Exemples 1.8.a) Si M est un Z-module (i.e. un groupe abélien) et si x ∈M est un élément

de torsion, AnnZ(x) est un idéal non trivial de Z.b) Si M = Z/nZ, n �= 0, AnnZ(M) est un idéal non trivial de Z.

2. Sous-modules

Les démonstrations des résultats énoncés dans ce paragraphe sont des exercicesfaciles et classiques laissés au lecteur.

Definition 2.1. Soit M un A-module. Un sous-ensemble N de M est un sous-A-module de M si, muni des lois induites par celles de M , c’est un A-module.

Proposition 2.2. Un sous-ensemble N d’un A-module M est un sous-A-module deM si c’est un sous-groupe abélien de (M,+), stable pour la loi externe. ♦

Exemple 2.3. Soient M et N des A-modules. Pour tout f ∈ HomA(M,N), lenoyau de f , Ker(f) = {x ∈M | f(x) = 0}, est un sous-A-module de M et l’imagede f , Im(f) = {f(x), x ∈M}, est un sous-A-module de N .

Il est clair que[f injective] ⇐⇒ [Ker(f) = {0}],[f surjective] ⇐⇒ [Im(f) = N ].

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3. Modules quotients

Proposition 2.4. Soient M et N deux A-modules, M ′ (resp. N ′) un sous-A-modulede M (resp. N) et f ∈ HomA(M,N). Alors

(i) f(M ′) est un sous-A-module de N ,(ii) f−1(N ′) est un sous-A-module de M . ♦

Proposition 2.5. Si (Ni)i∈I est une famille de sous-A-modules d’un A-module M ,alors

⋂i∈I Ni est un sous-A-module de M . ♦

Proposition – Definition 2.6. Soient M un A-module et S une partie de M . Lesous-A-module de M engendré par S est le plus petit sous-A-module de M (pourla relation d’ordre définie par l’inclusion) contenant S. C’est l’intersection de tousles sous-A-modules de M contenant S. ♦

Proposition 2.7. Soient M un A-module et S une partie de M . Le sous-A-modulede M engendré par S est formé des éléments de la forme

∑finie aisi, où ai ∈ A et

si ∈ S. ♦

Proposition 2.8. Soient M un A-module et (Ni)i∈I une famille de sous-A-modulesde M . Alors∑

i∈I

Ni ={∑

i∈I

xi, xi ∈ Ni, xi = 0 sauf pour un nombre fini de i ∈ I}est le sous-A-module de M engendré par

⋃i∈I Ni. ♦

3. Modules quotients

Soient M un A-module et N un sous-A-module de M . En particulier, N estun sous-groupe du groupe abélien M . On peut donc considérer le groupe abélienquotient M/N . On définit une loi externe sur M/N par

A×M/N −→ M/N(a, x) �−→ ax

(où x désigne la classe dans M/N de l’élément x de M).

Proposition 3.1.(i) La loi externe ci-dessus est bien définie.(ii) Cette loi munit le groupe abélien M/N d’une structure de A-module.(iii) La projection canonique M −→M/N , qui à un élément de M associe sa

classe dans M/N , est un morphisme (surjectif) de A-modules, de noyau N .

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Chapitre IV. Généralités sur les modules

Démonstration.(i) Si y est un autre représentant de la classe x, on a x−y ∈ N . Par conséquent,

a(x− y) ∈ N et ax = ay.Les démonstrations des assertions (ii) et (iii) sont des exercices

immédiats. ♦

Proposition 3.2. Soient M un A-module et N un sous-A-module de M . La projec-tion canonique π : M −→ M/N induit une correspondance biunivoque entre lessous-A-modules de M/N et les sous-A-modules de M qui contiennent N .

Démonstration. Si K est un sous-A-module de M/N , K = π−1(K) est un sous-A-module de M , qui contient π−1(0) = N . Si K est un sous-A-module de Mcontenant N , π(K) est un sous-A-module de M/N . Le morphisme π étant sur-jectif, les deux applications

K �→ π(K), K �→ K

sont réciproques l’une de l’autre. ♦

4. Morphismes et quotients

Theoreme 4.1. Soient M , N deux A-modules et f : M −→ N un morphisme deA-modules. Alors f induit un isomorphisme f : M/Ker(f) −→ Im(f), tel que lemorphisme composé

M −→M/Ker(f)f−→ Im(f) ↪→ N

soit égal à f .

Démonstration. Analogue au théorème I.2.14.ii. Il suffit de démontrer que f est unmorphisme de A-modules, ce qui est évident. ♦

Proposition 4.2. Soient M un A-module, P et Q deux sous-A-modules de M et

π : M −→M/P

la projection canonique.(i) Ker(π) = P .(ii) Si l’on note π1 et π2 les restrictions de π à P + Q et Q respectivement,

alors Ker(π1) = P et Ker(π2) = P ∩Q.(iii) Les A-modules (P +Q)/P et Q/(P ∩Q) sont canoniquement isomorphes.

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4. Morphismes et quotients

Démonstration. Les assertions (i) et (ii) sont évidentes. Démontrons l’assertion(iii). On sait, d’après le théorème 4.1, qu’il existe des isomorphismes

π1 : (P +Q)/P −→ Im(π1) , π2 : Q/(P ∩Q) −→ Im(π2)

tels que le morphisme composé

P +Q −→ (P +Q)/P π1−→ Im(π1)

soit égal à π1 et que le morphisme composé

Q −→ Q/(P ∩Q) π2−→ Im(π2)

soit égal à π2. Or, Im(π1) = Im(π2) = π(Q), donc

(P +Q)/P π1−→π(Q) π2−1−→ Q/(P ∩Q)

est un isomorphisme, ce qui démontre le résultat. ♦

Theoreme 4.3. Soient M un A-module, P et Q deux sous-A-modules de M telsque Q ⊂ P . Alors les A-modules (M/Q)/(P/Q) et M/P sont canoniquementisomorphes.

Démonstration. Soient

p : M −→M/P, q : M −→M/Q

les projections canoniques. Il existe un unique morphisme

θ : M/Q −→M/P

tel que θ◦q = p. En effet, pour tout x ∈M/Q, il existe m ∈M tel que q(m) = x :on pose θ(x) = p(m). Cette application est bien définie, car si m′ ∈ M est telque q(m) = q(m′), (m − m′) appartient à Ker(q) = Q ⊂ P = Ker(p), d’oùp(m) = p(m′). Il est évident que θ est linéaire et surjective. Le noyau de θest l’ensemble des éléments x ∈ M/Q tels que x = q(m) avec m ∈ P , i.e.Ker(θ) = P/Q. On a donc Im(θ) = M/P � (M/Q)/(P/Q). ♦

Theoreme 4.4 (de passage au quotient). Soient M et M ′ deux A-modules, N etN ′ des sous-A-modules de M et M ′ respectivement, π : M −→ M/N et

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Chapitre IV. Généralités sur les modules

π′ : M ′ −→ M ′/N ′ les projections canoniques. Si f : M −→ M ′ est un mor-phisme de A-modules tel que f(N) ⊂ N ′, il existe un morphisme de A-modulesf : M/N −→M ′/N ′ unique tel que le diagramme

Mf−−−−→ M ′

π

⏐⏐� ⏐⏐�π′

M/N −−−−→f

M ′/N ′

soit commutatif.

Démonstration. La démonstration de ce résultat est strictement analogue à celledu théorème I.2.14. ♦

5. Modules monogènes

Definition 5.1. Un A-module M est monogène, de générateur x, s’il est en-gendré par x, i.e. M = {ax, a ∈ A}.

Proposition 5.2. Un A-module M est monogène de générateur x si et seulements’il existe x ∈M tel que M soit isomorphe au A-module A/AnnA(x).

Démonstration. Soit M un A-module monogène de générateur x. À tout élémentax ∈ M , on associe ϕ(ax) = a ∈ A/AnnA(x), où a désigne la classe de a. Celadéfinit bien l’application ϕ car ax = bx est équivalent à (a−b) ∈ AnnA(x) et a = b.Il est évident que ϕ est un morphisme surjectif de A-modules et que ϕ(ax) = 0 estéquivalent à a ∈ AnnA(x), i.e. ax = 0. Le morphisme ϕ est donc un isomorphisme.Réciproquement, s’il existe x appartenant à M tel que A/AnnA(x) �M , alors Mest engendré par l’image réciproque par cet isomorphisme de la classe de 1. ♦Exercice E2 (¶). Un A-module M est simple s’il n’a pas de sous-A-module propre(i.e. autre que {0} et M).

1. Montrer qu’un A-module simple est monogène, isomorphe à un A-moduleA/m, avec m idéal maximal de A.

2. Montrer que si M et N sont des A-modules simples, tout morphisme deA-modules de M dans N est soit nul, soit bijectif.

3. Soient K un corps commutatif, V un K-espace vectoriel et A = EndK(V )(cf. exemple I.1.3.c). Montrer que l’application A × V −→ V , définie par(ϕ, x) �→ ϕ(x), munit V d’une structure de A-module à gauche, pour laquelleV est un A-module simple.

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6. Produit et somme

6. Produit et somme

Le but de ce paragraphe est de définir le produit et la somme directs d’unefamille de A-modules. Les propriétés sont données sans démonstration car il suffitde reprendre celles des propriétés analogues pour les groupes abéliens et de vérifierla compatibilité avec la loi externe définissant la structure de A-module.

Soit (Mi)i∈I une famille de A-modules. On considère Πi∈IMi le groupe abélienproduit des groupes abéliens sous-jacents aux Mi, i ∈ I. On définit la loi externe

A×Πi∈IMi −→ Πi∈IMi

(a, (xi)i∈I) �−→ (axi)i∈I .

Le lecteur vérifiera que, muni de cette loi, Πi∈IMi est un A-module, appelé pro-duit des A-modules Mi, i ∈ I.

Definition 6.1. Le sous-ensemble⊕

i∈I Mi de Πi∈IMi, formé des élémentsn’ayant qu’un nombre fini de composantes non nulles, est un sous-A-modulede Πi∈IMi appelé somme directe des A-modules Mi, i ∈ I.

Notation. Si pour tout i ∈ I on a Mi �M , on note

M I = Πi∈IMi et M (I) =⊕i∈I

Mi.

Donc M I = M (I) si et seulement si I est fini.

Proposition 6.2. Soient M un A-module et (Mi)i∈I une famille de sous-A-modulesde M . Alors M =

⊕i∈I Mi si et seulement si les deux conditions suivantes sont

vérifiées :(i) M =

∑i∈I Mi,

(ii) ∀ i ∈ I, Mi ∩∑

j �=iMj = {0}.Ces deux conditions sont équivalentes à la suivante :

∀x ∈M, x =∑i∈I

xi, xi ∈Mi

où tous les xi sont nuls sauf pour un nombre fini de i ∈ I et cette écriture estunique. ♦

On trouvera au TR.IV.A une autre caractérisation de la somme et du produitdes A-modules, en particulier comme solution de problèmes universels.

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Chapitre IV. Généralités sur les modules

Definition 6.3. Un sous-A-module N d’un A-module M est en facteur directdans M , s’il existe un sous-A-module N ′ de M tel que M = N ⊕N ′.

Exercice E3 (¶). Un A-module est semi-simple s’il est somme directe deA-modules simples. L’objectif de cet exercice est de montrer le résultat suivant :un A-module M est semi-simple si et seulement si tous ses sous-A-modules sonten facteur direct dans M .

a) Soient M =⊕

i∈I Mi, où, pour tout i ∈ I, Mi est un A-module simple, etN un sous-A-module de M . On pose MJ =

⊕i∈J Mi, J ⊂ I, avec J maximal tel

que MJ ∩N = {0}. Montrer que M = MJ⊕N .

b) Soit M un A-module tel que tous ses sous-A-modules soient en facteurdirect dans M .

(i) Soit N un sous-A-module de M . Montrer que tout sous-A-module de N esten facteur direct dans N .

(ii) Montrer que tout sous-A-module non nul de M contient un sous-A-modulesimple.

(iii) Montrer que si (Ni)i∈I est une famille de sous-A-modules simplesde M , maximale pour la propriété «

∑i∈I Ni est une somme directe », alors

M =⊕

i∈I Ni.

On trouvera au TR.IV.A. une étude détaillée du comportement des produitset sommes directs relativement aux morphismes.

7. Modules libres

Soient M un A-module et (xi)i∈I une famille d’éléments de M . On considèrele A-module A(I), et à tout élément (ai)i∈I de A(I) on associe l’élément

∑i∈I aixi

de M . Cela définit une application ϕ : A(I) −→ M qui est un morphisme deA-modules.

Definitions 7.1.a) Les éléments (xi)i∈I sont linéairement indépendants, ou la famille

{xi}i∈I est libre, si le morphisme ϕ est injectif.b) Les éléments (xi)i∈I forment un système générateur de M , ou la

famille {xi}i∈I est génératrice, si le morphisme ϕ est surjectif.c) La famille {xi}i∈I est une base de M si ϕ est bijective.d) Un A-module M qui admet une base est dit libre.

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7. Modules libres

Remarques 7.2.a) Le A-module M est libre de base (xi)i∈I si et seulement si tout élément

s’écrit de manière unique comme combinaison linéaire (finie) des xi, à coefficientsdans A.

b) La construction ci-dessus montre que tout A-module libre est isomorpheau A-module A(I), pour un certain ensemble I. Si l’on veut seulement exprimerque le A-module M est libre, on écrira M � A(I) et si l’on a besoin d’en préciserune base X = (xi)i∈I , on écrira M � A(X).

Theoreme 7.3 (propriete universelle). Soit L un A-module engendré par une partieX. Alors L est libre de base X si et seulement si, pour tout A-module M ettoute application f : X −→ M , il existe un unique morphisme de A-modulesf : L −→M tel que f = f ◦ jX , où jX est l’inclusion canonique de X dans L.

Démonstration. Supposons que L = A(X) et notons iX l’inclusion canonique de Xdans A(X). On pose exi = iX(xi), i.e. exi = (0, . . . , 0, xi, 0 . . .) où le terme xi està la ième place, et l’on pose f(exi) = f(xi). Ceci définit f de manière unique etl’on vérifie aisément que c’est un morphisme de A-modules tel que f = f ◦ iX .

Réciproquement, soit L un A-module engendré par X satisfaisant les condi-tions de l’énoncé. On considère le cas où M est le A-module A(X) et f = iX .D’après l’hypothèse il existe un unique morphisme de A-modules iX : L −→ AX

tel que iX ◦ jX = iX , où jX est l’inclusion de X dans L. D’après la partie directe,il existe un unique morphisme de A-modules jX qui prolonge jX . On vérifie quejX et iX sont des isomorphismes réciproques l’un de l’autre. ♦Exercice E4. Montrer que si N est un A-module libre, tout morphisme surjectifde A-modules, p : M −→ N , admet une section, i.e. il existe s ∈ HomA(N,M)tel que p ◦ s = idN .

Theoreme 7.4. Tout A-module M est isomorphe à un quotient d’un A-modulelibre.

Démonstration. Soit M un A-module, X une partie génératrice de M et jX l’inclu-sion de X dans M . D’après le théorème 7.3, il existe un morphisme de A-modules,jX : A(X) −→ M , qui est surjectif puisque jX ◦ iX = jX . On en déduit que leA-module M est isomorphe au A-module A(X)/Ker(jX). ♦

L’objet de la proposition suivante est de permettre de définir une notion ana-logue à celle de dimension dans les espaces vectoriels.

Proposition 7.5. Soit M un A-module libre. Toutes les bases de M ont mêmecardinal.

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Chapitre IV. Généralités sur les modules

Démonstration. Soit m un idéal maximal de A. L’applicationA/m × M/mM −→ M/mM , définie par ax = ax, munit M/mM d’unestructure de A/m-espace vectoriel. Si {ei}i∈I est une base du A-module M ,{ei}i∈I est une base du A/m-espace vectoriel M/mM . Le résultat annoncé résultedonc du résultat analogue dans le cadre des espaces vectoriels. ♦

Definition 7.6. Si M est un A-module libre, on appelle rang de M le cardinald’une base.

Attention.a) Tous les A-modules ne sont pas forcément libres (fournir des contre-

exemples avec A = Z).b) Un sous-module d’un A-module libre n’est pas forcément libre (cf. exemple

ci-dessous).

Exemple 7.7. Soient n un entier positif et A = Z/n2Z. Le A-module A est libreet l’idéal nZ/n2Z est un sous-A-module qui n’est pas libre, puisqu’annulé par n.

Exercice E5. Soient k un corps et A = k[X,Y ]. Montrer que l’idéal (X,Y ) est unsous-A-module qui n’est pas libre (on montrera que (X,Y ), qui est engendré pardeux éléments, ne contient aucun système libre à plus de un élément).

Definition 7.8. Un A-module est de type fini s’il admet un ensemble fini degénérateurs.

Attention. Un sous-module d’un module de type fini n’est pas forcément de typefini.

Exemple 7.9. Soient k un corps, A = kN et A = k(N). Il est clair que A est unidéal de A, donc un sous-A-module du A-module de type fini A. Ce sous-A-modulen’est pas de type fini. En effet, pour toute famille finie (x1, . . . , xp) d’éléments deA, on pose Jk le support de xk, i.e. l’ensemble des indices des termes non nulsde xk, et l’on pose J =

⋃k=pk=1 Jk. Toute combinaison linéaire des xk à coefficients

dans A a son support dans J . Or, puisque card(J) <∞, il existe des éléments deA qui n’ont pas leur support dans J , ce qui prouve le résultat.

Theoreme 7.10. Soit M un A-module. Les assertions suivantes sont équivalentes.(i) Toute famille non vide de sous-A-modules de M possède un élément maxi-

mal (pour l’inclusion).

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7. Modules libres

(ii) Toute suite croissante (pour l’inclusion) de sous-A-modules de M est sta-tionnaire.

(iii) Tout sous-A-module de M est de type fini.

Démonstration. L’équivalence des assertions (i) et (ii) est un cas particulier duthéorème VIII.3.6. Montrons que l’assertion (i) implique l’assertion (iii). SoientN un sous-A-module de M et F la famille des sous-A-modules de type fini de N .Cette famille est non vide puisque {0} ∈ F . D’après (i), F admet un élémentmaximal F . Pour tout élément x de N , le A-module F +Ax appartient à F , d’oùF +Ax = F . Par conséquent, x ∈ F et N = F , ce qui prouve que N est de typefini.

Montrons que l’assertion (iii) implique l’assertion (ii). Soit (Np) une suitecroissante de sous-A-modules de M . Alors N =

⋃Np est un sous-A-module de

M , donc de type fini. Soit (x1, . . . , xk) un système de générateurs de N . Pour toutj, 1 � j � k, il existe un indice p(j) tel que xj ∈ Np(j). On pose q = sup1�j�kp(j).Alors, tous les éléments xj appartiennent à Nq et N ⊆ Nq. On a donc, pour toutp � q, N ⊆ Nq ⊆ Np ⊆ N , i.e. la suite (Np) est stationnaire. ♦

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THÈMES DE RÉFLEXION

♥ TR.IV.A. Propriétés universelles de somme directeet produit direct

Nous allons montrer ici que la somme directe et le produit direct d’une famillede A-modules sont solutions de problèmes universels qui sont duaux l’un de l’autre.

Soient (Mi)i∈I une famille de A-modules et M un A-module.1. Montrer que le A-module M est isomorphe au A-module

⊕i∈I Mi si et seule-

ment si,– ∀ i ∈ I, ∃ αi ∈ HomA(Mi,M),– pour tout A-module N et pour toute famille fi ∈ HomA(Mi, N), i ∈ I, il

existe un unique ϕ ∈ HomA(M,N) tel que, pour tout i ∈ I, on ait ϕ ◦ αi = fi.2. Montrer que le A-module M est isomorphe au A-module Πi∈IMi si et seule-ment si,

– ∀ i ∈ I, ∃ βi ∈ HomA(M,Mi),– pour tout A-module N et pour toute famille fi ∈ HomA(N,Mi), i ∈ I, il

existe un unique ψ ∈ HomA(N,M) tel que, pour tout i ∈ I, on ait βi ◦ ψ = gi.3. En déduire que pour tout A-module N , les morphismes

θ : HomA(⊕i∈I

Mi, N) −→∏i∈I

HomA(Mi, N)

η : HomA(N,∏i∈I

Mi) −→∏i∈I

HomA(N,Mi)

définis parθ(ϕ) = (ϕ ◦ αi)i∈I ,

η(ψ) = (βi ◦ ψ)i∈I

sont des isomorphismes de A-modules.

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Algèbre T2

On prendra garde au fait que tout autre combinaison des symboles∏

,⊕

etHomA(−,−) ne donne pas d’isomorphisme ou donne un « morphisme » qui n’estpas défini.

♣ TR.IV.B. Algèbres – Algèbres de polynômes

Soient K un anneau commutatif et K[X] l’anneau de polynômes en une indé-terminée, à coefficients dans K. Il est évident que la multiplication des polynômespar les constantes de K et l’addition des polynômes munissent K[X] d’une struc-ture de K-module. De plus, la loi externe de K sur K[X] et la multiplication dansK[X] vérifient la condition

∀ k ∈ K, ∀P,Q ∈ K[X], (kP )Q = P (kQ) = k(PQ).

On a donc la situation suivante : un anneau commutatif K, un ensembleA (= K[X]), une loi externe de K sur A, deux lois internes sur A, notées « + »et « . », telles que :

– la loi externe et « + » munissent A d’une structure de K-module,– la loi « + » est distributive par rapport à la loi « . »,– la loi externe et la loi « . » vérifient la condition de compatibilité

∀ k ∈ K, ∀x, y ∈ A, (kx).y = x.(ky) = k(x.y).

Dans le cas de K[X], on a, de plus, que la loi « . » est associative, commutativeet possède un élément unité.

On formalise cette nouvelle structure de la façon qui suit.SoitK un anneau commutatif. UneK-algèbre A est la donnée d’unK-module

A et d’une application K-bilinéaire

f : A×A −→ A.

La K-algèbre A est dite associative si l’application f vérifie la condition(1) ∀x, y, z ∈ A, f(f(x, y), z) = f(x, f(y, z)).

La K-algèbre A est dite commutative si l’application f vérifie la condition(2) ∀x, y ∈ A, f(x, y) = f(y, x).

La K-algèbre A est dite unitaire s’il existe un élément 1 ∈ A vérifiant la condition(3) ∀x ∈ A, f(1, x) = f(x, 1) = x.

1. On suppose que A est une K-algèbre et l’on pose f(x, y) = xy. Montrer que labilinéarité de l’application f se traduit alors par la distributivité de la somme parrapport au produit et par la compatibilité de la loi externe et du produit. Montrer

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Algèbre d’un groupe

que si la K-algèbre A est associative et unitaire, A a une structure d’anneaucompatible avec sa structure de K-module. Tester ces affirmations avec A = K[X].

Cela montre que l’on peut toujours considérer qu’une K-algèbre associativeet unitaire est un anneau muni d’une structure de K-module, ces deux structuresétant compatibles. Réciproquement, tout anneau est une Z-algèbre associative etunitaire.

Il existe des structures d’algèbres, très importantes en mathématiques, qui nesont pas de ce type. Ce sont les algèbres de Lie. En voici un exemple.2. Soient K un anneau commutatif et A une K-algèbre associative, dont onnote multiplicativement la deuxième loi interne. On définit sur A l’applicationf : A×A −→ A par f(x, y) = xy − yx et on note f(x, y) = [x, y].

Montrer que le K-module A muni de l’application f est une K-algèbre.Montrer que pour tout x, y, z ∈ A, on a les égalités suivantes :

[x, y] = − [y, x][[x, y], z] + [[y, z], x] + [[z, x], y] = 0 (identité de Jacobi).

En déduire que la nouvelle structure de K-algèbre ainsi définie sur A n’est pas,a priori, associative.3. Soient K un anneau commutatif et A un anneau dont on notera 1 l’élémentunité.

Montrer que si A est une K-algèbre associative et unitaire, l’application ϕdéfinie sur K par ϕ(k) = k1 est un morphisme d’anneaux de K dans A, dontl’image est contenue dans le centre Z(A) de A (cf. I.1.11).

Montrer que, réciproquement, tout morphisme d’anneaux ϕ : K −→ Z(A)munit A d’une structure de K-algèbre associative et unitaire.

Par conséquent, la donnée d’une structure de K-algèbre associative et unitairesur un anneau A est équivalente à la donnée d’un morphisme d’anneaux

ϕ : K −→ Z(A).

À partir de maintenant, nous ne considérerons que des K-algèbres associativeset unitaires, que nous appellerons simplement K-algèbres.

Algèbre d’un groupe

Soient K un anneau commutatif et G un groupe. On pose

K(G) =

⎧⎨⎩∑g∈G

agg | ag ∈ K, ag = 0 sauf pour un nombre fini de g

⎫⎬⎭ .

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Algèbre T2

On définit sur K(G) deux opérations internes, somme et produit, par⎛⎝∑g∈G

agg

⎞⎠+

⎛⎝∑g∈G

bgg

⎞⎠ =∑g∈G

(ag + bg)g⎛⎝∑g∈G

agg

⎞⎠⎛⎝∑g′∈G

bg′g′

⎞⎠ =∑

g,g′∈G

agbg′gg′.

4. Montrer que K(G), muni de ces opérations et du morphisme K −→ K(G)défini par k �→ k.1G, est une K-algèbre.

On remarquera que la structure de K-algèbre définie ci-dessus ne fait pasintervenir le fait que tout élément de G admet un inverse. On peut donc étendrela définition de cette K-algèbre au cas où G est un monoïde.

Ce qui précède permet de définir la notion de polynôme en un nombre quel-conque de variables, de la façon suivante.

Soit S un ensemble. On considère l’ensemble

N(S) = {f : S −→ N | f(s) = 0 sauf pour un nombre fini de s ∈ S}.

On dira que les éléments de N(S) sont les fonctions de S dans N qui sont nullespresque partout.

On définit sur N(S) une opération interne, notée multiplicativement, par(fg)(s) = f(s) + g(s).5. Montrer que, muni de cette loi, N(S) est un monoïde, dont l’élément neutre estl’application nulle.6. Montrer que tout élément f de N(S) s’écrit, de manière unique,

∏s∈S s

μ(s),avec μ(s) = 0 sauf pour un nombre fini de s, où μ(s) ∈ N et sn est l’applicationde S dans N définie par sn(x) = 0 si x �= s et sn(s) = n.

Soit K un anneau commutatif. On appelle anneau de polynômes en S, àcoefficients dans K, l’algèbre K(N(S)), que l’on notera K[S] dans la suite.7. Montrer que si card(S) = n, les anneaux K[S] et K[X1, . . . ,Xn] sont iso-morphes.8. Montrer que tout élément de K[S] s’écrit, de manière unique,∑

μ∈N(S)

a(μ)

∏s∈S

sμ(s)

avec a(μ) ∈ K, nul pour presque tout μ.

104

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V

MODULES SUR UN ANNEAU PRINCIPAL

Nous avons vu au chapitre précédent que les modules sur un anneau ont uncomportement très différent de ceux des espaces vectoriels sur un corps (un sous-module d’un module libre, resp. de type fini, n’est pas nécessairement libre, resp.de type fini). Nous allons, dans ce chapitre, montrer que si l’anneau est principal,ces difficultés disparaissent. De plus, nous établirons le théorème de structure desmodules de type fini sur un anneau principal.

Ce résultat a de nombreuses applications. Il s’applique évidemment auxgroupes abéliens de type fini (l’anneau Z est principal !), mais il permet aussi,par exemple, d’obtenir directement un résultat de réduction des endomorphismesd’un espace vectoriel de dimension finie (la jordanisation).

Compte tenu de l’importance des ces applications, nous allons donner ici deuxdémonstrations différentes du théorème de structure des modules de type fini, quiont chacune leur intérêt, tant théorique que pratique.

1. Modules libres – Modules de type fini

Theoreme 1.1. Si A est un anneau principal, tout sous-A-module d’un A-modulelibre est un A-module libre.

Démonstration. Nous allons donner d’abord une démonstration élémentaire dansle cas du rang fini, qui permet de préciser que le rang du sous-module est inférieurou égal au rang du module. Le cas du rang infini nécessite une démonstration plusélaborée.

Dans cette démonstration, tous les modules considérés sont des A-modules.

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Chapitre V. Modules sur un anneau principal

(1.1.1) Supposons que L soit un module libre de rang fini n. Nous allons faireun raisonnement par récurrence sur n.

Si n = 0, le module L est libre de base l’ensemble vide et le résultat est évident.

Supposons le résultat vrai pour les modules libres de rang r � n − 1 et soitL un module libre de rang n. Alors L est isomorphe à An ; considérons le mor-phisme de modules p : An → A défini par p((x1, . . . , xn)) = xn. Il est clair queKer(p) = {(x1, . . . , xn−1, 0)|xi ∈ A} est un module isomorphe à An−1, donc librede rang n− 1. Tout sous-module de L est isomorphe à un sous-module N de An.On a p(N) = aA. Si a = 0, alors N est contenu dans Ker(p) et le résultat découlede l’hypothèse de récurrence. Si a �= 0, p(N) est un sous-module de A, donc libre,et le morphisme N → p(N) est surjectif et a pour noyau N ∩ An−1, qui est librepar hypothèse de récurrence. On en déduit que N � (N ∩ An−1) ⊕ p(N) (pourune justification précise de cet isomorphisme, cf. VII, exercie E.2), donc N est unmodule libre comme somme directe de modules libres. De plus, p(N) est de rangégal à 1 et (N ∩An−1) est, par hypothèse, de rang inférieur ou égal à n− 1. D’oùle résultat.

(1.1.2) Considérons maintenant un module libre L �= {0} de base X = {xi}i∈I

quelconque et N un sous-module propre de L.

Pour tout k ∈ I, on note πk : L → A le morphisme k-ième coordonnée, i.e.πk(M) = nk avec M =

∑i∈I nixi.

On peut toujours supposer que I est muni d’une structure d’ensemble bienordonné (cf. Appendice). Pour tout t ∈ I, on note Lt le sous-module de Lengendré par les éléments xi pour i � t et on pose Nt = N ∩ Lt. L’image de Nt

par πt est un sous-module de A, πt(Nt) = Aat. On note yt un élément de Nt telque πt(yt) = at. Si at = 0, on prend yt = 0.

Pour tout s ∈ I, on considèreKs le sous-module de L engendré par les élémentsyt pour t � s. Donc Kt est contenu dans Nt, pour tout t. Nous allons montrerque, pour tout s ∈ I, Ks = Ns, ce qui prouvera que le sous-module N lui-mêmeest engendré par les éléments (ys)s∈I .

Supposons que, par hypothèse de récurrence, on ait : pour tout t < s,Kt = Nt.Cette hypothèse est bien vérifiée pour le plus petit élément de I. Pour tout élémentx ∈ Ns, on a πs(x) = qas, q ∈ A, donc x−qys s’écrit comme combinaison linéaired’un nombre fini de xi, avec i < s. On a donc x − qys ∈ Nt, avec t < s. D’où,d’après l’hypothèse de récurrence, x−qys ∈ Kt. Mais Kt ⊂ Ks et, par conséquent,l’élément x appartient à Ks, d’où Ks = Ns.

Ce qui précède prouve que la famille (ys)s∈I est génératrice de N . Montronsmaintenant que la sous-famille des ys qui ne sont pas nuls est libre sur A. Suppo-sons qu’il existe une relation S =

∑finie niyi = 0, dans laquelle il existe des termes

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2. Modules de torsion

non nuls. On note k le plus grand indice i tel que niyi �= 0. Puisque πk(yi) = 0pour i < k, on a πk(nkyk) = πk(S) = 0. Mais πk(nkyk) = nkak et, puisque ak �= 0,on doit avoir nk = 0, ce qui est contraire à l’hypothèse.

On en déduit que la famille des (ys)s∈I qui sont non nuls est une base de N ,qui est donc un module libre. ♦

L’exercice qui suit est la réciproque du théorème 1.1.

Exercice E1. Soit A un anneau commutatif. Montrer que si tout sous-A-modulede tout A-module libre est libre, alors tout idéal de A est principal et l’anneau Aest intègre, i.e. l’anneau A est principal.

Corollaire 1.2. Si A est un anneau principal et si M est un A-module engendrépar n éléments, tout sous-module N de M admet une partie génératrice ayant auplus n éléments. Par conséquent, tout sous-module d’un A-module de type fini estun A-module de type fini.

Démonstration. Il existe un morphisme surjectif de module f : An →M . L’imageréciproque de N par f est un sous-module K de An, donc libre de rang p � n.L’image par f d’une base de K est une partie génératrice de N . ♦Remarque 1.3. Soient A un anneau principal et L un module libre de rang fini.Si M et N sont deux sous-A-modules tels que L = M ⊕N , alors

rang(L) = rang(M) + rang(N).

2. Modules de torsion

Definitions 2.1. Soient A un anneau et M un A-module.

a) Un élément x ∈M est de torsion si son annulateur (cf. définition IV.1.7)est non nul.

b) Le A-module M est dit de torsion si tous ses éléments sont de torsion.Il est dit sans torsion si aucun élément, différent de l’élément neutre, n’estde torsion.

Exemples 2.2.a) Un module libre est sans torsion.b) Tout module fini est de torsion.d) (Q/Z,+) est un Z-module de torsion.

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Chapitre V. Modules sur un anneau principal

Proposition – Definition 2.3. Soient A un anneau intègre et M un A-module. L’en-semble T (M), formé des éléments de torsion de M , est un sous-module de M ,appelé sous-module de torsion de M . Si T (M) �= M , le module M/T (M) est sanstorsion.

Démonstration. Si M est un module sans torsion, alors T (M) = 0 ; si M est unmodule de torsion, alors T (M) = M . Dans ces deux cas, le résultat est trivial.

Supposons que M soit un module tel que T (M) soit distinct de M et de {0}.Soient x et y deux éléments de T (M) et soient a ∈ A, a �= 0 (resp. b) tels queax = 0 et by = 0. On a ab(x − y) = 0, avec ab �= 0, donc (x − y) ∈ T (M) etT (M) est un sous-module de M . Soit x un élément du module M/T (M). S’ilexiste a ∈ A, a �= 0 tel que ax = 0, on a ax ∈ T (M), i.e. il existe b ∈ A, b �= 0tel que bax = 0, d’où x ∈ T (M) et x = 0. Donc M/T (M) est un module sanstorsion. ♦

Exercice E2. Soient M un A-module et N un sous-A-module de M . Montrer quea) T (N) = N ∩ T (M),b) T (M)/T (N) est un sous-module de T (M/N).

Proposition – Definition 2.4. Soient A un anneau principal, M un A-module et pun élément irréductible de A. L’ensemble M(p), formé des éléments x de M quisont annulés par une puissance de p (pas nécessairement la même pour chaquex), est un sous-module de M , appelé composante p-primaire de M . Un A-moduleréduit à sa composante p-primaire est appelé un p-module.

Theoreme 2.5. Soient A un anneau principal, M un A-module de torsion et Pl’ensemble des éléments irréductibles de A. Alors M est égal à

⊕p∈P M(p).

Démonstration. Soient x un élément de M et a un générateur de Ann(x). Onconsidère a = upr1

1 · · · prkk la décomposition en facteurs irréductibles de a et on

pose ai = a/prii , 1 � i � k. Les éléments ai sont étrangers entre eux dans leur

ensemble donc, d’après le théorème de Bezout, il existe des éléments b1, . . . , bktels que

∑1�i�k biai = 1. On en déduit que

x = 1x = b1(a1x) + · · ·+ bk(akx),

où, pour 1 � i � k, aix est annulé par prii . Par conséquent,

x ∈∑

1�i�k

M(pi) ⊆∑PM(p),

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3. Structure des modules de type fini sur un anneau principal

d’où M ⊆ ∑P M(p). Comme l’inclusion dans l’autre sens est évidente, on a

M =∑PM(p).

Montrons que cette somme est directe. Soit p0 un élément de P et soit

x ∈ M(p0) ∩∑

p �=p0,p∈PM(p).

Il existe {p1, . . . , pn} ⊂ (P \ {p0}) tel que x = x1 + · · · + xn, avec xi ∈ M(pi).Chaque xi, 1 � i � n, est annulé par psi

i , d’où x est annulé par ps11 · · · psn

n . Mais,puisque x ∈M(p0), il est aussi annulé par ps0

0 . Comme les éléments ps11 · · · psn

n etps00 sont étrangers, en appliquant l’identité de Bezout, on a 1.x = 0, d’où x = 0.

On a doncM =

⊕p∈P

M(p). ♦

Corollaire 2.6. Soient A un anneau principal, M un module de torsion et N unsous-module de M . Avec les notations ci-dessus, on a

N =⊕p∈P

(N ∩M(p)). ♦

Remarque 2.7. Il est clair, d’après le corollaire 1.2, que si le module M dans lethéoreme 2.5 et le corollaire 2.6 est de type fini, la somme directe est finie.

3. Structure des modules de type fini sur un anneauprincipal

Theoreme 3.1. Soient A un anneau principal, M un module libre de rang fini net N un sous-module de M . Alors

(i) Il existe une base (e1, . . . , en) de M , un entier q � n, une famille d’élémentsnon nuls de A, a1, . . . , aq tels que

a) ai divise ai+1, 1 � i � q − 1,b) (a1e1, . . . , aqeq) soit une base de N .

(ii) L’entier q et les idéaux (a1), . . . , (aq) vérifiant ces conditions sont uniques,déterminés par la donnée de M et N .

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Chapitre V. Modules sur un anneau principal

Démonstration.(i) Nous allons faire un raisonnement par récurrence sur n. Si n = 0, N est le

module réduit à zéro, de base l’ensemble vide : le résultat est trivial.

On suppose le théorème vrai pour les modules libres de rang inférieur ou égalà n− 1.

Soient (xi)1�i�n une base de M et (πi)1�i�n les fonctions coordonnées as-sociées à cette base. Rappelons qu’elles sont définies de la manière suivante :tout élément x de M s’écrivant de manière unique x =

∑1�i�n nixi, on pose

πi(x) = ni.Pour tout u ∈ HomA(M,A), u(N) est un idéal de A, donc de la forme (αu).

Puisque N est non nul, il existe au moins une fonction coordonnée qui ne s’annulepas sur N , il existe donc des (αu) non nuls. D’après le théorème II.3.7 (ii), cettefamille d’idéaux possède un élément maximal. Notons a l’un de ses générateurset notons f un élément de HomA(M,A) correspondant à a, i.e. f(N) = (a). Soitn ∈ N tel que f(n) = a. Écrivons n =

∑1�i�n nixi.

Lemme 3.1.1. Pour tout i, 1 � i � n, a divise ni.

Démonstration. Soit d le pgcd de a et ni. Il existe des éléments r et s premiersentre eux tels que

d = rni + sa = rπi(n) + sf(n) = (rπi + sf)(n).

Or, (rπi + sf) est un élément de HomA(M,A), par conséquent, il existe un α telque (rπi +sf)(N) = (α). On a donc (d) ⊆ (α). Puisque d divise a, on a (a) ⊆ (d).On a donc (a) ⊆ (α). On en déduit, par maximalité de (a), que (α) = (a). On adonc (d) = (a), d’où a divise d, donc a divise ni.

Par conséquent, pour tout i, 1 � i < n, il existe n′i ∈ A tel que ni = an′i. Onpose n′ =

∑1�i�n n

′ixi. On a n = an′, donc f(n) = f(an′) = af(n′), mais comme

f(n) = a, on a f(n′) = 1. Le morphisme f : M → A admet donc une section λdéfinie par λ(1) = n′. Le module λ(A) est isomorphe à A, donc libre de rang 1.Il s’identifie au sous-module de M engendré par n′, que nous noterons 〈n′〉, quiest donc lui aussi libre de rang 1. On a donc M = 〈n′〉 ⊕Ker(f). Par conséquent,Ker(f) est un module libre de rang n− 1 et

N = (〈n′〉 ∩N)⊕ (Ker(f) ∩N).

De plus, pour tout élément y de N , on a f(y) = ba avec b ∈ A, d’oùy = bn + (y − ban′) et (y − ban′) ∈ (Ker(f) ∩ N), puisque f(n′) = 1. Ceci,

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3. Structure des modules de type fini sur un anneau principal

et l’unicité de l’écriture de tout élément de N en fonction de la décomposition ensomme directe donnée ci-dessus, impliquent que 〈n′〉 ∩N = 〈n〉. On a donc

N = 〈n〉 ⊕ (N ∩Ker(f)).

Par hypothèse de récurrence appliquée au module Ker(f) et son sous-moduleKer(f) ∩N , il existe

– une base (e2, . . . , en) de Ker(f),– un entier q, n � q � 2,– des éléments a2, . . . , aq, avec a2 | a3 | · · · | aq,

tels que (a2e2, . . . , aqeq) soit une base de Ker(f) ∩N .Posons a1 = a et e1 = n′ (i.e. a1e1 = n). On déduit de ce qui précède que

(a1e1, a2e2, . . . , aqeq) est une base de N .Montrons que a1 divise a2. On considère le morphisme v : M → A défini par

v(e1) = v(e2) = 1 et v(ei) = 0 pour i � 3. Alors, a = a1 = v(a1e1) = v(n)qui appartient à v(N) = (β), d’où (a) ⊆ (β) et, par maximalité de (a),(β) = (a) = (a1). D’autre part, a2 = v(a2e2) ∈ v(N) = (β), donc a2 ∈ (a1),i.e. a1 divise a2.

(ii) Pour démontrer l’unicité de l’entier q et des idéaux (a1), . . . , (aq), nousallons d’abord déduire de (i) un théorème de structure des modules de type fini.La démonstration du théorème 3.1.(ii) sera faite au paragraphe 3.6 ci-dessous.

Theoreme 3.2 (de structure des modules de type fini). Soient A un anneau princi-pal et M un A-module de type fini. Il existe un entier p et une famille (a1, . . . , ar)d’éléments de A non nuls et non inversibles, avec ai divise ai+1 pour 1 � i � r−1,tels que

M � Ap ⊕A/(a1)⊕ · · · ⊕A/(ar).

L’entier p et les idéaux (a1), . . . , (ar) déterminés par ces conditions sont uniques.

Démonstration.Existence. Soit (x1, . . . , xn) une famille génératrice de M . Il existe un mor-

phisme surjectif f : An →M . Si f est un isomorphisme, alors M est libre de rangn et le théorème est démontré en prenant p = n et la famille des ai vide. Sinon, lemorphisme f a un noyau non nul et M � An/Ker(f). D’après le théorème 3.1, ilexiste une base (e1, . . . , en) de An, un entier q, 1 � q � n, des éléments non nulsde A, a1, . . . , aq, avec ai divise ai+1 pour 1 � i � (q− 1), tels que (a1e1, . . . , aqeq)soit une base de Ker(f). On pose aq+1 = · · · = an = 0. Alors

An/Ker(f) �⊕

1�i�n

((ei)/(aiei)).

111

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Chapitre V. Modules sur un anneau principal

Mais, pour tout i, on a (ei)/(aiei) � A/(ai) et, si ai = 0, A/(ai) = A. D’où, enposant p = (n− q), et en éliminant les ai éventuellement inversibles,

M � Ap ⊕A/(a1)⊕ · · · ⊕A/(ar).

Unicité. Montrons d’abord l’unicité de l’entier p. Dans l’écriture

M � Ap ⊕A/a1A⊕ · · · ⊕A/arA,

il est clair que A/(a1)⊕ · · · ⊕ A/(ar) est le sous-module de torsion T (M) de M ,par conséquent, Ap est isomorphe au module M/T (M). Autrement dit, le moduleM/T (M) est libre : son rang est bien déterminé. D’où l’unicité de p.

On en déduit donc, avant même de démontrer l’unicité des idéaux(a1), . . . , (ar), le résultat important qui suit.

Corollaire 3.3. Soient A un anneau principal, M un A-module de type fini etT (M) son sous-module de torsion. Alors, il existe un unique entier positif ounul p tel que M � Ap ⊕ T (M). Donc M est un A-module libre si et seulement siil est sans torsion. ♦

Pour démontrer l’unicité des idéaux (a1), . . . , (ar), nous allons d’abord étudierles composantes p-primaires de T (M).

Proposition 3.4. Soient A un anneau principal, p un élément irréductible de A etM un p-module de type fini. Alors, il existe des entiers positifs q, s1, . . . , sq uniquestels que M �⊕1�i�q A/(p

si).

Démonstration. Existence. On applique le théorème 3.2 à M : puisque M est unmodule de torsion, la partie libre est nulle, on a donc

M � A/(a1)⊕ · · · ⊕A/(ar).

Notons π1 la projection canonique de A sur A/(a1), vue comme morphisme deA-modules induit par cet isomorphisme. Supposons que l’un des ai, par exemplea1, ne soit pas une puissance de p. Puisque A/(a1) est un facteur direct de M ,il existe un entier positif s tel que psπ1(1) = 0. Comme p est irréductible, leséléments ps et a1 sont étrangers, il existe donc x et y dans A tels que xps+ya1 = 1.On en déduit que

π1(1) = π1(xps + ya1) = π1(xps) + π1(ya1) = π1(xps) = xpsπ1(1) = 0,

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3. Structure des modules de type fini sur un anneau principal

ce qui entraîne que π1 = 0, ce qui est une contradiction. Par conséquent, tous lesai sont des puissances de p, ai = psi .

On a donc une décomposition

M � A/(ps1)⊕ · · · ⊕A/(psr)

avec s1 < s2 < · · · , sr.Unicité. Montrons que l’on a r = q, où q est un entier bien déterminé. Puisque

p est irréductible, l’idéal (p) est maximal, donc A/(p) est un corps. Par consé-quent, M/(p)M est un A/(p)-espace vectoriel et sa dimension est un entier q biendéterminé. D’après l’existence de la première partie, on a

M � A/(ps1)⊕ · · · ⊕A/(psr)

d’où :

M/(p)M � (A/(ps1))/(p)(A/(ps1))⊕ · · · ⊕ (A/(psr ))/(p)(A/(psr )).

Mais, d’après le théorème IV.4.3, pour tout i, 1 � i � r, on a

(A/(psi))/(p)(A/(psi)) � A/(p)

d’où :

M/(p)M �i=r⊕i=1

A/(p).

On en déduit que r est la dimension du A/(p)-espace vectoriel M/(p)M , d’oùr = q.

Montrons l’unicité des si. On fait un raisonnement par récurrence sur sq. Sisq = 1, le résultat est évident. Supposons le résultat vrai pour tout p-module,dont le plus grand des si qui intervient dans sa décomposition est inférieur ouégal à k − 1. On a

(p)M �i=q⊕i=1

(p)A/(psi)

et il est facile de vérifier que le morphisme

A/(p(si−1)) −→ (p)A/(psi),

qui à la classe d’un élément a de A modulo (p(si−1)) associe la classe de pa modulo(psi), est un isomorphime, d’où :

(p)M �i=q⊕i=1

A/(p(si−1)).

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Chapitre V. Modules sur un anneau principal

On déduit de l’hypothèse de récurrence appliquée au module (p)M que les si,1 � i � q, sont uniquement déterminés. ♦

Nous avons donc montré que si A est un anneau principal et si M est unA-module de type fini, on a une écriture unique

(�) T (M) �⊕finie

A/(psi,j

i )

où les pi sont des éléments irréductibles de A.Notons p1, . . . , pt les éléments irréductibles qui interviennent dans l’écriture

ci-dessus. Pour chaque i, on écrit les puissances si,j de pi en ordre décroissant :si,1 > si,2 > · · · > si,r. On dispose ces nombres dans le tableau suivant :

p1 s1,1 s1,2 . . . s1,j . . . s1,r

p2 s2,1 s2,2 . . . s2,j . . . s2,r...

......

......

......

pi si,1 si,2 . . . si,j . . . si,r...

......

......

......

pt st,1 st,2 . . . st,j . . . st,r

On notera que l’entier r est tel qu’au moins l’une des lignes de ce tableau estformée de nombres tous non nuls. Pour les autres lignes, les entiers si,j peuventêtre nuls à partir d’un certain rang.

On pose

ak =i=t∏i=1

psi,r−k+1

i

et la condition de décroissance si,1 > si,2 > · · · > si,r, pour tout i, entraîne queai divise ai+1 pour 1 � i � r − 1. On obtient, à partir de (�) ci-dessus, l’écriture

T (M) = A/(a1)⊕ · · · ⊕A/(ar)

avec ai divise ai+1 pour 1 � i � r−1. D’autre part, l’unicité des idéaux (psi,j

i ) et lacondition ai divise ai+1 pour tout i entraînent l’unicité des idéaux (a1), . . . , (ar).Cela achève la démonstration du théorème de structure des modules de type finisur un anneau principal 3.2. ♦

On sait bien que si a et b sont deux éléments d’un anneau A, a divise b si etseulement si l’on a l’inclusion des idéaux (b) ⊂ (a). Par conséquent, en posantAi = (ai), le théorème de structure des modules de type fini sur un anneauprincipal peut s’énoncer de la manière suivante.

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3. Structure des modules de type fini sur un anneau principal

Theoreme 3.5. Soient A un anneau principal et M un A-module de type fini.Il existe un entier p et une famille A1, . . . ,Ar d’idéaux de A non nuls, avecA1 ⊃ A2 ⊃ · · · ⊃ Ar, tels que

M � Ap ⊕A/A1 ⊕ · · · ⊕A/Ar.

L’entier p et les idéaux A1, . . . ,Ar déterminés par ces conditions sont uniques. ♦

Demonstration 3.6 (du theoreme 3.1.(ii)). Soit N ′ le sous-module de M de base(ei)1�i�q. Il est clair que N ⊆ N ′. De plus, puisque a1| · · · |aq,

N ′ = {x ∈M |∃ λ ∈ A, λx ∈ N}.

Par conséquent, N ′/N est le sous-module de torsion de M/N . Cela détermine N ′,donc son rang q, de manière unique.

D’autre part, on a

N ′/N � (⊕

1�i|eqq

Aei)/(⊕

1�i�q

Aaiei) �⊕

1�i�q

(A/aiA).

On en déduit l’unicité des idéaux (ai)1�i�q. ♦

La décomposition en somme directe d’un module de type fini donnée par lethéorème de structure s’appelle la décomposition canonique.

Definitions 3.7.(i) Les idéaux (ai), 1 � i � q, du théorème 3.1 sont appelés les facteurs

invariants de N dans M .

(ii) Les idéaux (Ai), 1 � i � r, du théorème 3.5 sont appelés les facteursinvariants du module M .

(iii) Les éléments di,j = psi,j

i sont appelés les diviseurs élémentairesde M .

Remarque 3.8. Puisque les éléments pi sont irréductibles, il est clair que les élé-ments di,j, pour j fixé et 1 � j � t, sont étrangers entre eux deux à deux. On endéduit que, pour tout i, 1 � j � r, on a

A/(aj) �⊕

1�i�t

A/(di,j).

115

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Chapitre V. Modules sur un anneau principal

Cas des groupes abéliens

Un Z-module est un groupe abélien et l’anneau Z étant principal, tout ce quiprécède s’applique aux groupes abéliens de type fini.

Exercice E3.1. Soit G un groupe abélien fini. Montrer qu’il existe un élément x de G dont

l’ordre est le ppcm des ordres des éléments de G (on décompose G sous la formedonnée par le théorème 4.3, on note y la classe de 1 dans Z/arZ et l’on posex = (0, . . . , 0, y)).

2. En déduire que si G est un groupe abélien fini dont l’ordre n’est pas divisiblepar le carré d’un nombre strictement supérieur à 1, ce groupe est cyclique.

Si G est un groupe abélien fini (par exemple le sous-groupe de torsion d’ungroupe abélien de type fini), notons pt1

1 · · · ptkk la décomposition en facteurs pre-

miers de |G|. Comme on l’a vu dans la démonstration du théorème de structure,chaque facteur invariant ai de G, 1 � i � r, s’écrit

ai = pwi,11 · · · pwi,k

k avec 0 � wi,j � tj

ettj =

∑1�i�r

wi,j avec wi,j � wi+1,j car ai|ai+1.

Definition 3.9. Soit G un groupe abélien fini. En écrivant les diviseurs élémen-taires de G dans l’ordre croissant, chacun d’entre eux étant écrit un nombre defois égal au nombre de fois où il apparait dans l’écriture des facteurs invariantsde G, on obtient une suite finie de nombres entiers que l’on appelle le type deG (cf. exemple 3.11).

Remarque 3.10. Lorsque l’on a le type d’un groupe abélien fini G, le nombremaximum d’occurrences d’un même facteur premier de |G| qui apparaît dans letype donne le nombre de facteurs invariants de G.

ConclusionSoit G un groupe abélien fini. On détermine ses facteurs invariants (cf.

TR.V.B) (ai)1�i�r et l’on en déduit sa décomposition canonique

G �⊕

1�i?�r

Z/aiZ.

116

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Cas des groupes abéliens

On calcule ses diviseurs élémentaires, qui donnent son type (c1, . . . , cs), et l’on a

G �⊕

1�i�s

Z/ciZ.

De plus, en regroupant dans cette dernière somme directe les termes correspondantà un même facteur premier p de |G|, on a la décomposition en somme directe dela composante p-primaire G(p).

Ceci peut se résumer sous forme d’un tableau. Soient G un groupe abélien fini,|G| = pt1

1 · · · ptkk la décomposition de son ordre en facteurs premiers, a1, . . . , ar ses

facteurs invariants et di,j = pwi,j

j ses diviseurs élémentaires. On écrit

p1 p2 . . . pj . . . pk

a1 w1,1 w1,2 . . . w1,j . . . w1,k

a2 w2,1 w2,2 . . . w2,j . . . w2,k...

......

......

......

ai wi,1 wi,2 . . . wi,j . . . wi,k...

......

......

......

aq wq,1 wq,2 . . . wq,j . . . wq,k

Les colonnes donnent le type des composantes p-primaires de G. Par exemple,la j-ième-colonne donne le type de la composante pj-primaire G(pj), et l’on aw1,j � w2,j � · · · � wq,j.

Les lignes permettent de reconstituer les facteurs invariants. Par exemple, lai-ième-ligne permet de reconstituer le facteur invariant ai, par ai =

∏1�j�k p

wi,j

j .Pour obtenir le tableau ci-dessus,– ou bien on connaît les facteurs invariants, il suffit alors d’écrire la décompo-

sition en facteurs premiers de chacun d’eux,– ou bien on connaît le type du groupe, et le nombre de lignes du tableau

est donné par remarque 3.10. Le fait que chaque facteur invariant ai contient unepuissance (éventuellement nulle) de chaque nombre premier pi et que ai diviseai+1 donne une détermination unique des wi,j .

Exemples 3.11.a) Soit G un groupe abélien de type (2, 2, 3, 23 , 5, 32). On veut déterminer

les facteurs invariants de G et sa décomposition canonique. Le nombre premierapparaissant le plus grand nombre de fois est p1 = 2, avec trois occurrences. Il ya donc trois facteurs invariants. Ce sont

a1 = 2, a2 = 2× 3 = 6, a3 = 23 × 32 × 5 = 360.

117

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Chapitre V. Modules sur un anneau principal

D’où la décomposition canonique

G � Z/2Z⊕ Z/6Z⊕ Z/360Z.

b) Soit G � Z/20Z⊕Z/30Z. Puisque 20 ne divise pas 30, cette décompositionde G n’est pas la décomposition canonique.

Cherchons les diviseurs élémentaires de G. On a

20 = 22 × 5 et 30 = 2× 3× 5,

et G est de type (2, 3, 22, 5, 5). On en déduit la décomposition de G en sommedirecte de ses composantes p-primaires :

G � (Z/2Z ⊕ Z/4Z)⊕ Z/3Z ⊕ (Z/5Z⊕ Z/5Z).

Les facteurs invariants sont donc 2× 5 = 10 et 4× 3× 5 = 60 et la décompositioncanonique de G est

G � Z/10Z ⊕ Z/60Z.

Exercice E4. Déterminer le type, les facteurs invariants, les composantesp-primaires du groupe

G = Z/4Z⊕ Z/6Z ⊕ Z/7Z⊕ Z/8Z⊕ Z/18Z.

4. Autre démonstration du théorème de structure desmodules de type fini sur un anneau principal

4.1. Matrices sur un anneau principal

Soient A un anneau commutatif, m,n deux entiers strictement positifs,Bm = (e1, . . . , em) une base de Am, Bn = (g1, . . . , gn) une base de An etf : An −→ Am une application linéaire. Pour tout i, 1 � i � n, f(ei) s’écritde manière unique

f(ei) =m∑

j=1

ajigj .

Comme dans le cadre des applications linéaires entre espaces vectoriels, on note

U(f) =

⎛⎜⎝ a11 . . . a1n... . . .

...am1 . . . amn

⎞⎟⎠la matrice de f relativement aux bases Bm et Bn.

118

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Les matrices élémentaires

Dans ce contexte, le calcul matriciel est essentiellement le même que dans lecadre des espaces vectoriels. Il faudra toutefois prendre garde au fait que dansce dernier cadre, on utilise systématiquement le fait qu’un élément non nul estinversible. Dans le cas des anneaux, ce n’est plus vrai. Il faut donc préciser lorsquec’est nécessaire, et c’est souvent le cas, si l’élément que l’on considère est inversible.

Dans la suite, pour une matrice U à coefficients dans A, on notera (U)ij lecoefficient de la i-ième ligne et de la j-ième colonne.

Les matrices élémentaires

Soit n un entier strictement positif. On considère les matrices (n, n) suivantes :Eij(λ) définie pour tout λ ∈ A par : pour tout k = 1, . . . , n, (Eij(λ))kk = 1,

(Eij(λ))kl = 0 si (k, l) �= (i, j) et (Eij(λ))ij = λ,Tij la matrice obtenue à partir de la matrice unité In en échangeant les lignes

d’indices i et j,Di(λ) définie pour tout λ ∈ A par : pour tout k = 1, . . . n, k �= i,

(Di(λ))kk = 1, (Di(λ))ii = λ et (Di(λ))kl = 0 si k �= l.Les démonstrations des deux propositions suivantes sont des simples vérifica-

tions qui sont laissées au lecteur.

Proposition 4.1.1.(i) La matrice Tij est inversible et T−1

ij = Tij.(ii) Pour tout λ élément de A, la matrice Eij(λ) est inversible et

Eij(λ)−1 = Eij(−λ).(iii) Si λ est inversible dans A, alors la matrice Di(λ) est inversible et

Di(λ)−1 = Di(λ−1). ♦

Proposition 4.1.2. Pour toute matrice U de taille (n,m),– la matrice TijU est la matrice obtenue à partir de U en échangeant les lignes

d’indice i et j,– la matrice Eij(λ)U est la matrice obtenue à partir de U en ajoutant λ fois

la i-ième ligne à la j-ième ligne,– la matrice Di(λ)U est la matrice obtenue à partir de U en multipliant la

i-ième ligne par λ. ♦

On remarquera que si l’on multiplie la matrice U à droite par Tij , Eij(λ) ouDi(λ), on obtient les résultats analogues à ceux de la proposition ci-dessus enremplaçant « ligne » par « colonne ».

119

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Chapitre V. Modules sur un anneau principal

Exercice E5.1. Soient K un corps et SLn(K) le groupe des matrices (n, n) de déterminant

+1. Montrer que ce groupe est engendré par les matrices élémentaires.2. On suppose que n � 3. Montrer que pour k �= i, j et pour tout λ ∈ K,

Eij(λ) = Eik(λ)Ekj(1)Eik(−λ)Ekj(−1).

En déduire que pour n � 3, le groupe SLn(K) est égal à son sous-groupe descommutateurs (cf. [G-H]).

Theoreme 4.1.3. Soient A un anneau principal et U une matrice (m,n) à coeffi-cients dans A. Il existe des matrices inversibles P et Q à coefficients dans A tellesque

PUQ =

⎛⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎝

a1 0 . . . . . . . . . . . . 00 a2 0 . . . . . . . . . 0. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .0 . . . . . . 0 ar 0 . . .0 . . . . . . . . . . . . 0 0. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .0 . . . . . . . . . . . . . . . 0

⎞⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎠et ai|ai+1 pour i = 1, . . . , r − 1. De plus, les idéaux (ai) sont uniques.

Démonstration. On va faire un raisonnement par récurrence.Si m = 1, n = 2, on a U = (u v). On va montrer qu’il existe une matrice

inversible (2, 2), Q, telle que

(u v)Q = (t 0).

Si u = v = 0, c’est évident ; sinon, soit t = pgcd(u, v). Alors il existe a, b, c, d ∈ Atels que ud−vc = t et u = ta, v = tb. De la relation tad−tbc = t, on tire ad−bc = 1

et la matrice(a bc d

)est inversible d’inverse

(d −b−c a

). On pose Q =

(d −b−c a

)et

l’on a (u v)Q = (t 0).Remarquons que pour m et n quelconques, en faisant le produit des matrices

par blocs, on peut construire, de la même façon que ci-dessus, une matrice inver-sible Q à coefficients dans A telle que

(�) (UQ)11 = pgcd((U)11, (U)12), (UQ)12 = 0.

120

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Les matrices élémentaires

Soit U une matrice (m,n) à coefficients dans A. Si U = 0, le théorème estévident. Si U �= 0, en multipliant U à gauche et à droite par des matrice dutype Tij , on obtient une nouvelle matrice U ′ telle que (U ′)11 �= 0. En appliquantla construction (�) à U ′, on obtient une matrice U ′′ telle que (U ′′)11 �= 0 et(U ′′)12 = 0. En répétant ce procédé aux premiers termes de toutes les colonnes, onobtient une matrice dont la première ligne est (a11, 0, . . . , 0). On fait maintenantles mêmes opérations sur les lignes (donc en multipliant les matrices à gauchepar certaines matrices inversibles). On obtient deux matrices inversibles P0 et Q0

telles que

P0UQ0 =

⎛⎜⎜⎜⎝d1 0 . . . 00... U1

0

⎞⎟⎟⎟⎠où U1 est une matrice (m − 1, n − 1) à coefficients dans A. Par hypothèse derécurrence, il existe des matrices inversibles P1 et Q1 telles que P1U1Q1 soit de laforme annoncée dans l’énoncé du théorème. D’où, en posant

P2 =

⎛⎜⎜⎜⎝1 0 . . . 00... P1

0

⎞⎟⎟⎟⎠ , Q2 =

⎛⎜⎜⎜⎝1 0 . . . 00... Q1

0

⎞⎟⎟⎟⎠et en posant P3 = P2P0 et Q3 = Q0Q2, on a

P3UQ3 =

⎛⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎝

d1 0 . . . . . . . . . . . . 00 a2 0 . . . . . . . . . 0. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .0 . . . . . . 0 ar 0 . . .0 . . . . . . . . . . . . 0 0. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .0 . . . . . . . . . . . . . . . 0

⎞⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎠avec ai|ai+1 pour i = 2, . . . , r − 1.

Considérons la matrice(d1 00 a2

). Alors,

(1 10 1

)(d1 00 a2

)=(d1 a2

0 a2

)121

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Chapitre V. Modules sur un anneau principal

et, en appliquant le procédé (�) à d1 et a2, on obtient un élément a1 qui divise a2.D’où deux matrices inversibles P et Q telles que

PUQ =

⎛⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎝

a1 0 . . . . . . . . . . . . 00 a2 0 . . . . . . . . . 0. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .0 . . . . . . 0 ar 0 . . .0 . . . . . . . . . . . . 0 0. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .0 . . . . . . . . . . . . . . . 0

⎞⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎠avec ai|ai+1 pour i = 1, . . . , r − 1.

Montrons maintenant que les idéaux (ai) sont uniques, autrement dit que leséléments ai sont uniquement déterminés à la multiplication près par des élémentsinversibles de A. On rappelle que chaque mineur d’ordre k de D = PUQ est unecombinaison linéaire de mineurs d’ordre k de U . Puisque les matrices P et Q sontinversibles, on a U = P−1DQ−1 et chaque mineur d’ordre k de U est combinaisonlinéaire de mineurs d’ordre k de D. On en déduit que les mineurs d’ordre k de Uet de D engendrent le même idéal de A. Un générateur δk de cet idéal est doncunique à la multiplication près par des éléments inversibles. D’après la forme dela matrice D, on a δi = a1 · · · ai, d’où ai = δi/δi−1 et les éléments ai sont doncuniques à la multiplication près par des éléments inversibles. ♦

Definition 4.1.4. Les éléments ai sont appelés facteurs invariants de lamatrice M .

On trouvera au TR.V.C une méthode de calcul des facteurs invariants quireprend, dans le cas particulier de l’anneau Z, les résultats ci-dessus.

4.2. Autre démonstration du théorème de structure des modulesde type fini sur un anneau principal

Soit M un A-module de type fini. On sait que M est isomorphe à un quotientd’un module libre. Précisément, il existe un A-module libre An, une applicationlinéaire surjective p : An −→ M et M � An/Ker(p). D’après le théorème 3.1,Ker(p) est un A-module libre de rang m, avec m � n. Notons f : Am −→ An

l’application induite. D’après le théorème 4.1.3, il existe une base de Am et une

122

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Les matrices élémentaires

base de An telles que la matrice de f relativement à ces bases soit de la forme

M(f) =

⎛⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎝

a1 0 . . . . . . . . . . . . 00 a2 0 . . . . . . . . . 0. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .0 . . . . . . 0 ar 0 . . .0 . . . . . . . . . . . . 0 0. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .0 . . . . . . . . . . . . . . . 0

⎞⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎠avec ai|ai+1 pour i = 1, . . . , r − 1. Puisque les vecteurs colonnes de cette matricesont les images par f des vecteurs de bases de Ker(p), écrites dans la base de An,on obtient l’écriture de M sous la forme

M � Ap ⊕A/(a1)⊕ · · · ⊕A/(ar)

avec p = n −m si l’on omet les termes correspondants aux éléments inversibles.L’entier p et les idéaux (a1), . . . , (ar) déterminés par ces conditions sont uniques.

123

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THÈMES DE RÉFLEXION

♣ TR.V.A. Réduction des endomorphismes à la formede Jordan

On a déjà étudié en L1 ou L2 la réduction des endomorphismes d’un espace vec-toriel de dimension finie. Cette diagonalisation ou trigonalisation ou jordanisationdes matrices était alors faite en calculant les valeurs propres de l’endomorphismeet en étudiant les sous-espaces propres ou les sous-espaces invariants correspon-dants. Nous allons ici donner une démonstration directe de la jordanisation d’unendomorphisme en termes de K[T ]-modules, en utilisant la décomposition cano-nique d’un module de torsion sur un anneau principal.

Soient K un corps, E un K-espace vectoriel de dimension finie n et u unendomorphisme de E. Pour tout polynôme p(T ) ∈ K[T ] et pour tout x ∈ E, onpose

p(T ).x = p(u)(x).

1. Montrer que cette opération munit E d’une structure de K[T ]-module.

On notera Eu ce K[T ]-module.

2. Soit E′ un K[T ]-module qui est un K-espace vectoriel. Montrer que si l’onpose, pour tout x ∈ E′, u(x) = T.x, cela définit un endomorphisme du K-espacevectoriel E′. Montrer que, en tant que K[T ]-modules, on a E′ = E′

u.

Autrement dit, au vu de ce qui précède, la donnée du couple (E, u) est équi-valente à celle du K[T ]-module Eu.

3. Montrer que l’on a le dictionnaire suivant entre le langage des modules et celuides espaces vectoriels.

a) V est un sous-espace vectoriel de E stable pour u signifie que V est sous-module de Eu.

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Algèbre T2

b) I est l’idéal des polynômes p(T ) ∈ K[T ] tels que, pour tout x ∈ V ,p(u).x = 0 signifie que l’idéal I est l’annulateur du sous-module V .

Rappelons que le polynôme unitaire g tel que I soit égal à l’idéal principal (g)est appelé le polynôme minimal de la restriction de u à V .

c) Il existe x ∈ V tel que le sous-espace vectoriel V soit engendré par leséléments ui(x), i ∈ N, signifie que V est un sous-module monogène de Eu.

Montrer que, dans ce cas, le K[T ]-module V est isomorphe à K[T ]/(q(T )), oùq(T ) est un polynôme unitaire déterminé de manière unique.

d) Il existe x ∈ Eu tel que (ui(x)), 0 � i � n − 1, soit une base de l’espacevectoriel Eu et tel que l’on ait g(u)(x) = 0, deg(g) = n, signifie que Eu estmonogène et d’annulateur I = (g).

4. Soit M un K[T ]-module canoniquement isomorphe à K[T ]/((T−α)m). Montrerque les classes (mod. (T −α)m) des (T −α)k, 0 � k � m−1, forment une K-basede M (i.e. une base de M en tant que K-espace vectoriel) et que l’on a

T (T − α)k = α(T − α)k + (T − α)k+1

pour 0 � k � m− 1.

5. On suppose que M est un K-espace vectoriel et que v est un endomorphismede M tel que Mv � K[T ]/((T − α)m). Montrer qu’il existe une K-base de Mpar rapport à laquelle la matrice de v est la matrice d’ordre m, Vm,α, telle que :(Vm,α)i,i = α, (Vm,α)i+1,i = 1 et 0 ailleurs (le premier indice désigne la ligne d’unematrice...).

Dans toute la suite, E est un K-espace vectoriel de dimension finie n (sur K)et u un endomorphisme de E.

6. Montrer que, puisque E est de dimension finie sur K, le K[T ]-module Eu estun module de torsion de type fini (on pensera au fait que le K-espace vectorielK[T ] est de dimension infinie).

On rappelle que l’anneau K[T ] est principal : nous allons donc utiliser les ré-sultats concernant les modules de type fini sur un anneau principal, en particulier,la décomposition du sous-module de torsion.7. Montrer que E admet une décomposition

E = E1 ⊕ · · · ⊕ Er

où chaque Ei est un K[T ]-module monogène, Ei = K[T ]/(qi(T )), les pôlynômes qiétant non nuls vérifiant q1|q2| · · · |qr. Ces polynômes sont uniquement déterminéset qr est le polynôme minimal de u.

126

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♣ TR.V.B. Calcul des facteurs invariants

Notons q le polynôme minimal de u. Sa décomposition en facteurs irréductibless’écrit

q = ps11 · · · psl

l .

On obtient donc une décomposition

E = E(p1)⊕ · · · ⊕ E(pl)

où chaque E(pi) est annulé par psii . On peut donc appliquer 3.d.

8. Déduire de ce qui précède que si le corps K est algébriquement clos, il existe uneK-base de E telle que la matrice de u relativement à cette base est une matricediagonale par blocs, chaque bloc étant de la forme décrite à la question 5.

Cette matrice est la réduite de Jordan de l’endomorphisme u.9. À l’aide du dictionnaire de la question 3, transcrire les résultats des questions 4,5, 6 en termes de sous-espaces propres ou sous-espaces caractéristiques.

♣ TR.V.B. Calcul des facteurs invariants

Soient G un groupe abélien libre de rang n et H un sous-groupe de G. Onva donner ici un algorithme de calcul des facteurs invariants de H dans G (cf.définition 3.7).

Notons a1, . . . , aq ces facteurs invariants. Pour déterminer les ai, 1 � i � q, ilsuffit de connaître les produits a1a2 · · · ak pour tout k, 1 � k � q. D’autre part,puisque a1|a2| · · · |aq , il est clair que, quels que soient les entiers j1, . . . , jk avec1 � j1 < · · · < jk � q, l’élément a1 · · · ak divise l’élément aj1 · · · ajk

.On fixe un entier k, 1 � k � q.

1. Montrer que pour toute application k-linéaire alternée f définie sur G à valeursdans Z et quels que soient x1, . . . , xk éléments de H, le produit a1 · · · ak divisef(x1, . . . , xk).2. Montrer que l’on peut de plus choisir f et x1, . . . , xk tels que

a1 · · · ak = f(x1, . . . , xk).

3. En déduire que a1 · · · ak est un pgcd d’éléments de Z qui sont de la formef(x1, · · · , xk), xi ∈ H, 1 � i � k.

Ces résultats fournissent un algorithme de calcul des facteurs invariants, de lamanière suivante.

127

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Algèbre T2

Soient y1, . . . , yn une base quelconque de G et x1, . . . , xp un système de gé-nérateurs de H. On note A la matrice dont la j-ième colonne est formée descomposantes de xj dans la base y1, . . . , yn, 1 � j � p.4. Montrer que a1 · · · ak, 1 � k � q, est le pgcd des mineurs d’ordre k de lamatrice A.

Application aux matrices équivalentes

On rappelle que deux matrices A et B à coefficients dans un anneau R sontéquivalentes s’il existe des matrices inversibles U et V à coefficients dans R tellesque B = UAV .5. Soit A une matrice à coefficients dans Z, à n lignes et p colonnes. Montrerqu’il existe des matrices inversibles U et V , à coefficients dans Z, telles que

UAV =

⎛⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎜⎝

a1 0 . . . 0 0 . . . 00 a2 . . . 0 0 . . . 0...

......

......

......

0 0 . . . aq 0 . . . 00 0 . . . 0 0 . . . 0...

......

......

......

0 0 . . . 0 0 . . . 0

⎞⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎟⎠où les ai sont des nombres entiers positifs tels que a1|a2| · · · |aq.

Les nombres ai, 1 � i � q, sont appelés les facteurs invariants de lamatrice A.6. En déduire que deux matrices A et B à coefficients dans Z sont équivalentes siet seulement si elles ont même rang et mêmes facteurs invariants.

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VI

ÉLÉMENTS ENTIERS ET ANNEAUXDE DEDEKIND

Ce chapitre est une ouverture vers l’arithmétique. On sait que la décompo-sition de tout nombre entier (élément de l’anneau Z) en produit de nombrespremiers est un cas particulier de la même propriété, plus générale, vérifiée parles éléments des anneaux factoriels. D’autre part, les éléments de Z peuvent êtrevus comme les éléments de Q qui sont racines de polynômes unitaires de Z[X] ; cesont les éléments de Q qui sont entiers sur Z. Nous avons vu dans le TR.II.A quedans le cas des corps quadratiques Q(

√d), l’anneau des entiers (i.e. l’anneau des

éléments de Q(√d) qui sont entiers sur Z) n’est en général pas principal, ni même

factoriel. Cependant, cet anneau admet une structure très riche, celle d’anneaude Dedekind. Un tel anneau possède une propriété analogue à la décomposi-tion de tout élément en produit d’éléments irréductibles, mais où les élémentssont remplacés par les idéaux fractionnaires et les éléments irréductibles par lesidéaux premiers. De même qu’un polynôme irréductible de K[X], où K est uncorps, peut se décomposer dans une extension L de K, les idéaux premiers d’unanneau de Dedekind peuvent se décomposer dans une extension galoisienne deson corps de fractions F . Nous étudierons cette situation et nous montrerons quele groupe de Galois de l’extension opère sur cette décomposition, en précisant lespropriétés de cette opération. Pour les notions relatives aux extensions de corpset extensions galoisiennes utilisées dans ce chapitre, le lecteur pourra se reporterà [G-H].

Le lecteur intéressé trouvera une étude plus complète de ces questions dans lelivre de P. Samuel, cité dans la bibliographie, dont ce chapitre s’inspire largement.

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Chapitre VI. Éléments entiers et anneaux de Dedekind

1. Éléments entiers

Theoreme 1.1. Soient R un anneau, A un sous-anneau de R et x ∈ R. Les asser-tions suivantes sont équivalentes :

(i) x est racine d’un polynôme unitaire de A[X],(ii) l’anneau A[x] est un A-module de type fini,(iii) il existe un sous-anneau B de R contenant A et x qui est un A-module

de type fini.

Démonstration. Montrons que (i) implique (ii). Soient x racine de

f(X) = Xn + an−1Xn−1 + · · ·+ a0

et M le sous-A-module de R engendré par 1, x, . . . , xn−1. Alors,

xn = −(an−1xn−1 + · · · + a0)

appartient à M . Pour tout entier positif k, on a

xn+k = −(an−1xn+k−1 + · · ·+ a0x

k),

d’où, par récurrence, xn+k appartient à M . On en déduit que le A-module A[x]est engendré par 1, . . . , xn−1, il est donc de type fini.

L’assertion (ii) implique l’assertion (iii) de manière évidente.Montrons que (iii) implique (i). Soit (y1, . . . , yn) un système de générateurs du

A-module B. Puisque B est un sous-anneau de R contenant x et les yi, 1 � i � n,les éléments xyi, 1 � i � n, appartiennent à B. D’où, pour tout i, 1 � i � n, ilexiste aij ∈ A tel que

xyi =n∑

j=1

aijyj

que l’on peut écriren∑

j=1

(δijx− aij)yj = 0 i = 1, . . . , n.

On a donc un système de n équations linéaires homogènes en (y1, . . . , yn). Ennotant d = det(δijx − aij), les formules de Cramer montrent que dyi = 0,1 � i � n. Puisque B = Ay1 + . . .+Ayn, on en déduit dB = 0, d’où d = d.1 = 0.Mais, en développant le déterminant d, on obtient une équation de la formeP (x) = 0, avec P (X) ∈ A[X] et d◦P = n. Ce polynôme est unitaire, car leterme de degré n provient de

∏ni=1(x− aii), ce qui prouve le résultat. ♦

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1. Éléments entiers

Definition 1.2. Dans la situation ci-dessus, l’élément x est dit entier sur A.Un polynôme unitaire dont il est racine est appelé relation de dépendanceintégrale pour x sur A.

Proposition 1.3. Soient R un anneau, A un sous-anneau de R et x1, . . . , xn deséléments de R. Si pour tout i, 1 � i � n, xi est entier sur A[x1, . . . , xi−1], alorsA[x1, . . . , xn] est un A-module de type fini.

Démonstration. On fait un raisonnement par récurrence sur n. Si n = 1,c’est le théorème 1.1.(ii). On suppose le résultat vrai pour n − 1. On poseB = A[x1, . . . , xn−1]. Par hypothèse, B est un A-module de type fini, i.e.B =

∑j=pj=1Abj . Alors, d’après le cas n = 1, A[x1, . . . , xn] = B[xn] est de type fini

sur B, i.e. A[x1, . . . , xn] =∑q

k=1Bck, d’où

A[x1, . . . , xn] =q∑

k=1

(p∑

j=1

Abj)ck =∑finie

Abjck. ♦

Remarque. La proposition 1.3 s’applique, en particulier, lorsque les élémentsx1, . . . , xn sont entiers sur A.

Theoreme 1.4. Soient R un anneau et A un sous-anneau de R. L’ensemble A′ deséléments de R qui sont entiers sur A est un sous-anneau de R qui contient A.

Démonstration. Évidemment, A est contenu dans A′. Soient x, y des éléments deA′ : alors x+y, x−y, xy appartiennent à A[x, y]. D’après la proposition 1.3, A[x, y]est de type fini sur A donc, d’après le théorème 1.1, x+ y, x− y, xy sont entierssur A. ♦

Exemple. Si E est une extension finie de Q, en prenant A = Z, alors A′ estl’anneau des entiers de E.

Definitions 1.5.

a) Avec les notations ci-dessus, A′ s’appelle la fermeture intégrale de Adans R.

b) Si A est intègre et K est son corps de fractions, la fermeture intégralede A dans K s’appelle la clôture intégrale de A.

c) Si B est un anneau qui contient A et dont tout élément est entier sur A,on dit que B est entier sur A (i.e. la fermeture intégrale de A dans B est B).

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Chapitre VI. Éléments entiers et anneaux de Dedekind

Proposition 1.6. Soient A ⊆ B ⊆ C des anneaux. Si B est entier sur A et C estentier sur B, alors C est entier sur A. ♦Theoreme 1.7. Soient A ⊆ B des anneaux tels que B soit intègre et entier sur A.Alors B est un corps si et seulement si A est un corps.

Démonstration. Supposons que A soit un corps. Soit b �= 0 ∈ B. Alors A[b] est unA-espace vectoriel de dimension finie. L’application

A[b] −→ A[b], x �→ bx

est A-linéaire, injective car B est intègre, donc bijective. Par conséquent, b estinversible dans B, i.e. B est un corps.

Supposons que B soit un corps. Soit α ∈ A \ {0}. Alors α−1 ∈ B et, puisqueB est entier sur A, il existe an−1, . . . , a0 ∈ A tel que

α−n + an−1α−n+1 + · · ·+ a1α

−1 + a0 = 0.

D’où, en multipliant par αn−1, on a

α−1 = −(an−1 + · · · + a1αn−2 + a0α

n−1),

et α−1 appartient à A. ♦

Definition 1.8. Un anneau A est intégralement clos s’il est intègre et égal àsa clôture intégrale.

Exemple. Soient A un anneau intègre, K son corps de fractions et A′ la clôtureintégrale de A. Alors A′ est intégralement clos.

Theoreme 1.9. Un anneau factoriel est intégralement clos.

Démonstration. Soient A un anneau factoriel, K son corps de fractions et x unélément de K entier sur A. Écrivons x = α

β , α, β ∈ A, β �= 0, (α, β) = 1. Il existea0, . . . , an−1 dans A tels que

αn

βn+ an−1

αn−1

βn−1+ · · ·+ a0 = 0

d’oùαn + an−1βα

n−1 + · · ·+ a1αβn−1 + a0β

n = 0

doncαn + β(an−1α

n−1 + · · ·+ a0βn−1) = 0.

Donc β divise αn et, puisque (α, β) = 1, β divise α. Par conséquent, x appartientà A et A est intégralement clos. ♦

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1. Éléments entiers

Exemple. Anneau des entiers des corps quadratiques. On sait que touteextension de degré 2 de Q est de la forme Q(

√d), où d est un élément de Z, sans

facteur carré (cf. [G-H], XI. E3, ou, plus simplement, le vérifier directement). Pourx = a+ b

√d ∈ Q(

√d), on note x = a− b

√d et on pose N(x) = xx = a2 − db2 et

Tr(x) = x+x = 2a. Les résultats ci-dessus permettent de montrer que x est entier(i.e. un élément de Q(

√d) entier sur Z) si et seulement si N(x) ∈ Z et Tr(x) ∈ Z.

En effet, si x est entier, il en est de même pour Tr(x) et N(x). Comme ce sont deséléments de Q et que Z est intégralement clos, il en résulte que x entier entraîneque Tr(x) et N(x) appartiennent à Z. Réciproquement, x est racine de l’équationX2 −N(x)X + Tr(x) = 0 et, si Tr(x) et N(x) sont dans Z, alors x est entier.

Cela permet d’expliciter l’anneau A des entiers de Q(√d). En effet, déterminer

les entiers de Q(√d) revient donc à déterminer les a + b

√d où a et b sont des

éléments de Q tels que

a2 − db2 ∈ Z et 2a ∈ Z.

Ces deux conditions entraînent que 2b ∈ Z, on peut donc poser a = u/2 et b = v/2avec u ∈ Z et v ∈ Z. Il est facile de vérifier que si v est pair, alors a ∈ Z et b ∈ Zet que si v est impair, alors nécessairement d ≡ 1 (mod 4).

On en déduit que :

– si d ≡ 2 (mod 4) ou d ≡ 3 (mod 4), alors A = Z[√d],

– si d ≡ 1 (mod 4), alors A = Z[1+√

d2 ].

Proposition 1.10. Soient R un anneau intègre, A un sous-anneau de R et B lafermeture intégrale de A dans R. Pour toute partie multiplicative S de A, 0 /∈ S,la fermeture intégrale de S−1A dans S−1R est S−1B.

Démonstration. On remarquera d’abord que, d’après TR.I.B, on aS−1A ⊂ S−1B ⊂ S−1R. Soit x = b

s un élément de S−1B. Puisque b ∈ B,on a une relation de dépendance intégrale

bn + an−1bn−1 + · · · + a0 = 0, ai ∈ A, i = 0, . . . , n− 1.

En divisant cette relation par sn, on obtient(b

s

)n

+an−1

s

(b

s

)n−1

+ · · ·+ a0

sn= 0,

qui exprime que x est un élément de S−1R entier sur S−1A.

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Chapitre VI. Éléments entiers et anneaux de Dedekind

Réciproquement, soit xs , x ∈ R, s ∈ S, un élément de S−1R entier sur S−1A,

i.e. on a une relation de dépendance intégrale(x

s

)n

+an−1

sn−1

(x

s

)n−1

+ · · ·+ a0

s0= 0, s ∈ S, ai ∈ A, si ∈ S, i = 0, . . . n− 1.

En multipliant cette relation par (ss0s1 · · · sn−1)n, on voit que l’élément de R,xs0s1 · · · sn−1, est entier sur A, donc appartient à B. Ainsi,

x

s=

1ss0s1 · · · sn−1

xs0s1 · · · sn−1 ∈ S−1B. ♦

Corollaire 1.11. Soient A un anneau et S une partie multiplicative de A. Si A estun anneau intégralement clos, il en est de même pour S−1A.

Démonstration. On applique la proposition 1.10 en prenant pour R le corps desfractions de A. ♦

2. Norme et trace

Les éléments N(x) et Tr(x) définis ci-dessus dans le cas des extensions qua-dratiques, sont respectivement la norme et la trace de x. Nous allons, ci-dessous,généraliser cette notion à des endomorphismes, puis, à la fin de ce chapitre, à desidéaux.

Rappelons quelques définitions d’algèbre linéaire. Soient A un anneau commu-tatif, E un A-module libre de rang fini n, u un endomorphisme de E, (ei)i=1,...,n

une base de E et (aij) la matrice de u dans cette base. Les expressionsn∑

i=1

aii et det(aij)

sont indépendantes de la base choisie. On définit alors la trace et le déterminantde u par

Tr(u) =n∑

i=1

aii et det(u) = det(aij).

On sait que la trace et le déterminant vérifient Tr(u + u′) = Tr(u) + Tr(u′) etdet(uu′) = det(u)det(u′). De plus, on a

det(XIdE − u) = Xn − Tr(u)Xn−1 + · · ·+ (−1)ndet(u).

On généralise ces définitions de la manière suivante. Soient B un anneau etA un sous-anneau de B tels que B soit un A-module libre de rang fini n (c’est lecas d’une extension de corps E/K avec [E : K] = n). Pour tout x ∈ B, on notemx l’endomorphisme de B défini par mx(y) = xy.

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2. Norme et trace

Definition 2.1. On appelle trace, norme, polynôme caractéristique de x,relativement à l’extension B/A, les éléments respectifs

TrB/A(x) = Tr(mx), NB/A(x) = det(mx), Px,B/A(X) = det(XIdB −mx).

Ce sont des éléments de A ou de A[X].

Remarque 2.2. Si x, x′ sont des éléments de B et si a est un élément de A, on a

mx +mx′ = mx+x′, mx.mx′ = mxx′ , max = amx

et la matrice de ma est diagonale dans n’importe quelle base. On en déduit quela trace et la norme vérifient les relations suivantes :

Tr(x+ x′) = Tr(x) + Tr(x′), Tr(ax) = aTr(x), Tr(a) = na

N(xx′) = N(x)N(x′), N(ax) = anN(x), N(a) = an.

Si L/K est une extension de corps finie et séparable, la norme et la trace défi-nies ci-dessus coïncident avec celles définies en [G-H, XIII.5], que nous rappelonsici pour la commodité du lecteur.

Theoreme 2.3. Soient L/K une extension séparable, [L : K] = n, x ∈ L etr = [L : K(x)] (de sorte que n = rs avec s = [K(x) : K]). On note x1, . . . , xn lesracines du polynôme minimal sur K de x, Mx(X), chacune répétée r fois. Alors :

TrL/K(x) = x1 + · · ·+ xn

NL/K(x) = x1 · · · xn

Px,L/K(X) = (X − x1) · · · (X − xn).

Démonstration. La démonstration comporte deux étapes.– Supposons que x soit un élément primitif de L, i.e. L = K(x). On sait que

L � K[X]/Mx(X) et que (1, x, . . . , xn−1) est une K-base du K-espace vectorielL. Écrivons

Mx(X) = Xn + an−1Xn−1 + · · · + a0.

Alors la matrice de mx dans la base (1, . . . , xn−1) est :⎛⎜⎜⎜⎜⎜⎝0 0 · · · 0 −a0

1 0 · · · 0 −a1

0 1 · · · 0 −a2...

... · · · ......

0 0 · · · 1 −an−1

⎞⎟⎟⎟⎟⎟⎠135

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Chapitre VI. Éléments entiers et anneaux de Dedekind

donc TrL/K(x) = −an−1 et NL/K(x) = (−1)na0. Mais puisque x est un élémentprimitif, on a Mx(X) = (X − x1) · · · (X − xn). Donc

TrL/K(x) = x1 + · · ·+ xn et NL/K(x) = x1 · · · xn.

– Cas général. Ce que l’on vient de faire s’applique à l’extension K(x)/K.Pour prouver le théorème, il suffit de montrer que Px,L/K(X) = (Mx(X))r. Soient(y1, · · · , ys) une base de K(x) sur K et (z1, · · · , zr) une base de L sur K(x). Alors(yizj), 1 � i � s, 1 � j � r, est une base de L sur K et n = rs. Soit M = (akh)la matrice de la multiplication par x dans K(x), par rapport à la base (yi). On a

xyi =∑

h

aihyh

d’où

x(yizj) =

(∑h

aihyh

)zj =

∑h

aih(yhzj).

Si l’on ordonne lexicographiquement la base yizj , la matrice M ′ de la multipli-cation par x dans L, par rapport à cette base, se présente sous la forme d’unematrice carrée (r, r), diagonale par blocs :

M ′ =

⎛⎜⎝M . . .M

⎞⎟⎠ ,d’où Px,L/K = det(XId−M ′) = (det(XId−M))r. Mais det(XId−M) = Mx(X)d’après l’étape 1. D’où le résultat. ♦

Remarque. Les traces et normes définies pour les corps quadratiques sont biendes cas particuliers de ce cadre général. Les définitions de la norme et de la tracedonnées à la définition 2.1 s’appliquent bien entendu au cas des extensions finiesnon séparables de corps. Mais dans ce cas, l’explicitation de ces éléments estplus complexe et doit prendre en compte le facteur d’inséparabilité du degré del’extension (cf. [G-H], TR.XIII.B).

Corollaire 2.4. Soient A un anneau intègre, K son corps de fractions supposé decaractéristique nulle, L/K une extension de degré fini et x un élément de L entiersur A. Alors les coefficients de Px,L/K sont entiers sur A (donc, entre autres,TrL/K(x) et NL/K(x)).

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2. Norme et trace

Démonstration. D’après le théorème précédent, on a

Px,L/K(X) = (X − x1) · · · (X − xn).

Les coefficients de Px,L/K sont donc des sommes de produits de xi. Pour prou-ver le résultat, il suffit donc de montrer que les xi sont entiers sur A. Pourtout i, 1 � i � n, xi est conjugué de x, i.e. il existe un K-isomorphismeσi : K(x) −→ K(xi) tel que σi(x) = xi. En appliquant σi à l’équation de dé-pendance intégrale de x sur A, on obtient une équation de dépendance intégralepour xi. ♦

Corollaire 2.5. Si, de plus, A est intégralement clos, alors les coefficients de Px,L/K

appartiennent à A. ♦

Nous allons maintenant étudier quelques propriétés de la trace, liées à la notionde discriminant que nous introduirons au paragraphe 9, qui nous seront utiles dansla suite.

Proposition 2.6. Soient K un corps de caractéristique nulle ou un corps fini,L/K une extension de degré n, (x1, . . . , xn) une K-base de L et σ1, . . . , σn lesK-homomorphismes distincts de L dans une clôture algébrique K de K. Alors,pour i et j parcourant {1, . . . , n},

det(TrL/K(xixj)) = det(σi(xj))2 �= 0.

Démonstration. On remarquera d’abord que le corps K étant de caractéristiquenulle ou un corps fini, l’extension L/K est séparable ([G-H], XIII.3 et XV.4).Comme elle est de degré n, il y a exactement n K-homomorphismes distinctsde L dans K. D’autre part, (TrL/K(xixj)) et (σi(xj)), i, j ∈ {1, . . . , n} sont desmatrices (n, n) : on considère leurs déterminants. Pour i et j fixés, les conjuguésde xixj sont les σk(xixj), pour k = 1, . . . , n. On déduit du théorème 2.3 que

Tr(xixj) =∑

k

σk(xixj),

d’où

det(Tr(xixj)) = det

(∑k

σk(xixj)

)= det

(∑k

σk(xi)σk(xj)

)= det(σk(xi)) det(σk(xj)) = det(σi(xj))2.

Si det(σi(xj)) = 0, les lignes de la matrice (σi(xj)) sont linéairement liées, i.e. ilexiste u1, . . . , un ∈ K, non tous nuls, tels que

∑ni=1 uiσi(xj) = 0. Par linéarité,

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Chapitre VI. Éléments entiers et anneaux de Dedekind

on en déduit que∑n

i=1 uiσi(x) = 0 pour tout x ∈ L. Autrement dit, les σi,i = 1, . . . , n, sont linéairement dépendants sur K, ce qui est en contradiction avec[G-H], théorème X.3.1. ♦

Corollaire 2.7. Sous les hypothèses de la proposition 2.6, si, pour tout y ∈ L,TrL/K(xy) = 0, alors x = 0.

Démonstration. En écrivant y =∑

j λjxj et x =∑

i μixi, on a

TrL/K(xy) =∑i,j

μiλjTrL/K(xixj).

On déduit de la proposition 2.6 que TrL/K(xy) = 0 pour tout y ∈ L entraîneμi = 0 pour tout i, i.e. x = 0. ♦

Pour x fixé, on pose sx(y) = TrL/K(xy). On déduit du corollaire 2.7 quel’application linéaire ϕ : L −→ L∗ = HomK(L,K), définie par ϕ(x) = sx estinjective. Puisque dimK(L) = dimK(L∗) = n < +∞, l’application ϕ est unisomorphisme. On note (x∗1, . . . , x∗n) la base duale de (x1, . . . , xn) et l’on poseyj = ϕ−1(x∗j ), j = 1, . . . , n. Alors, TrL/K(xiyj) = syj (xi) = x∗j(xi) = δij .

On a démontré le résultat qui suit.

Proposition 2.8. Soient K un corps de caractéristique nulle ou un corps fini, L/Kune extension de degré n, (x1, . . . , xn) une K-base de L. Il existe une K-base(y1, . . . , yn) de L telle que TrL/K(xiyj) = δij , i, j = 1, . . . , n. ♦

3. Application aux corps cyclotomiques

Pour la définition et les premières propriétés des polynômes cyclotomiques, lelecteur pourra se reporter à [G-H], XV.3.

Soient p un nombre premier et ζ une racine primitive p-ième de l’unité. Alorsle polynôme minimal de ζ sur Q est Mζ(X) = Xp−1 + · · · + 1 et Q(ζ)/Q estune extension de degré p − 1, de base (1, . . . , ζp−2). On veut étudier l’anneaudes entiers (sur Z) de Q(ζ). D’après ce qui précède, en particulier le fait quePζ,L/K(X) = Mζ(X) et les relations de remarque 2.2, on a :

TrQ(ζ)/Q(ζ) = −1, TrQ(ζ)/Q(1) = p− 1, TrQ(ζ)/Q(ζj) = −1, j = 1, . . . , p− 1

donc

TrQ(ζ)/Q(1− ζ) = TrQ(ζ)/Q(1− ζ2) = · · · = TrQ(ζ)/Q(1− ζp−1) = p.

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3. Application aux corps cyclotomiques

De la même façon, on aNQ(ζ)/Q(1− ζ) = p

(écrire la matrice de la multiplication par 1 − ζ dans la base (1, . . . , ζp−2) etcalculer son déterminant) et

NQ(ζ)/Q(ζ − 1) = (−1)p−1p.

Mais NQ(ζ)/Q(1− ζ) est le produit des conjugués de 1− ζ, donc :

p = (1− ζ)(1− ζ2) · · · (1− ζp−1).

Soit A l’anneau des entiers de Q(ζ). Il contient évidemment ζ et ses puissances,(Mζ(ζ) = 0 est une équation de dépendance intégrale sur Z pour ζ puisqueMζ(X) ∈ Z[X]).

Lemme 3.1. Avec les notations ci-dessus, A(1− ζ) ∩ Z = pZ.

Démonstration. La relation p = (1−ζ)(1−ζ2) · · · (1−ζp−1) implique p ∈ A(1−ζ).Donc :

A(1− ζ) ∩ Z ⊃ pZ.

Puisque pZ est un idéal maximal de Z, si A(1−ζ)∩Z �= pZ, alors A(1−ζ)∩Z = Zet 1−ζ est inversible dans A. Alors, pour tout j, les (1−ζj) seront aussi inversibles(car conjugués), donc p également : cela est contradictoire avec le fait que p soitpremier. D’où

A(1− ζ) ∩ Z = pZ. ♦

Lemme 3.2. Pour tout y ∈ A, Tr(y(1− ζ)) appartient à pZ.

Démonstration. Tout conjugué de y(1−ζ) est un multiple dans A de (1−ζj), doncde 1− ζ car

1− ζj = (1− ζ)(1 + ζ + · · · + ζj−1).

Comme la trace est égale à la somme des conjugués, Tr(y(1−ζ)) ∈ A(1−ζ). Maisy(1 − ζ) ∈ A donc, d’après le corollaire 2.5, Tr(y(1 − ζ)) ∈ Z, i.e. Tr(y(1 − ζ))appartient à A(1− ζ) ∩ Z = pZ. ♦

Theoreme 3.3. Soient p un nombre premier et ζ une racine p-ième primitive del’unité. Alors l’anneau A des entiers de Q(ζ) est Z[ζ] et (1, ζ, . . . , ζp−2) est unebase du Z-module A.

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Chapitre VI. Éléments entiers et anneaux de Dedekind

Démonstration. Tout élément de Q(ζ) s’écrit x = a0+a1ζ+ · · ·+ap−2ζp−2, ai ∈ Q,

0 � i � p− 2, et

x(1− ζ) = a0(1− ζ) + a1(ζ − ζ2) + · · · + ap−2(ζp−2 − ζp−1).

Alors Tr(x(1 − ζ)) = a0Tr(1 − ζ), car Tr(ζj) = Tr(ζk), d’où Tr(x(1 − ζ)) = a0p,car Tr(1 − ζ) = p. Mais, si x ∈ A, d’après le lemme 3.2, Tr(x(1 − ζ)) ∈ pZ, i.e.a0 ∈ Z. Comme ζ−1 = ζp−1, alors ζ−1 ∈ A. D’où, en écrivant

(x− a0)ζ−1 = a1 + a2ζ + · · ·+ ap−2ζp−3 ∈ A

et en appliquant à cet élément le raisonnement qui précède, on en déduit quea1 ∈ Z et, de proche en proche, que ai ∈ Z, pour tout i. Donc x appartient à Asi et seulement si x appartient à Z[ζ]. ♦Remarques 3.4.

a) Le résultat ci-dessus se généralise aisément au cas où ζ est une racineprimitive pr-ième de l’unité, car

Mζ(X) = (Xpr−1)p−1 + (Xpr−1

)p−2 + · · ·+Xpr−1+ 1 =

Xpr − 1Xpr−1 − 1

.

b) L’égalité A(1 − ζ) ∩ Z = pZ montre que, considéré comme élément de A,l’élément p > 2 s’écrit comme un produit. Autrement dit, un nombre premierimpair p de Z n’est plus premier quand on le considère comme élément de l’anneaudes entiers de Q(ζ).

Ce phénomène extrêmement important sera étudié dans le cadre plus généraldes idéaux à la fin de ce chapitre.

On va maintenant construire un cadre général qui va permettre d’étudier cettesituation.

4. Anneaux et modules nœthériens

Il est très utile de pouvoir exprimer un élément d’un module en fonction d’unnombre fini de générateurs, autrement dit que le module soit de type fini. Nousallons compléter ici l’étude amorcée au TR.II.C.

Theoreme 4.1. Soient A un anneau et M un A-module. Les assertions suivantessont équivalentes.

(i) Toute famille non vide de sous-A-modules de M possède un élément maxi-mal.

(ii) Toute suite croissante de sous-A-modules de M est stationnaire.(iii) Tout sous-A-module de M est de type fini.

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4. Anneaux et modules nœthériens

Démonstration. L’équivalence des assertions (i) et (ii) est une conséquence immé-diate du théorème II.3.6.

Montrons que (i) implique (iii). Soient E un sous-module de M et F la familledes sous-modules de type fini de E ; elle n’est pas vide car {0} ∈ F . D’après (i),F admet un élément maximal F . S’il existe x ∈ E un élément n’appartenant pasà F , alors F +Ax est un sous-module de type fini de E qui contient strictementF . Par maximalité de F , on a E = F , donc E est de type fini.

Montrons que (iii) implique (ii). Soit (Mn)n∈N une suite croissante de sous-modules de M . Alors, E = ∪n∈NMn est un sous-module de M . D’après (iii), iladmet un système fini de générateurs (x1, . . . , xq). Pour tout i, 1 � i � q, il existeun indice n(i) tel que xi ∈ Mn(i). Soit n0 le plus grand des n(i), 1 � i � q. Ona xi ∈ Mn0 , pour tout i, 1 � i � q, d’où E = Mn0 . La suite (Mn) est doncstationnaire à partir de n0. ♦

Definitions 4.2.a) Un A-module M qui satisfait aux conditions ci-dessus est dit nœthé-

rien.

b) Un anneau A est dit nœthérien si, pour sa structure naturelle deA-module, c’est un A-module nœthérien.

Exemple. Un anneau principal est nœthérien (théorème II.3.7). Le théorème 6.2donne des exemples d’anneaux nœthériens non principaux.

Proposition 4.3. Soient A un anneau, M un A-module et N un sous-A-module deM . Alors M est nœthérien si et seulement si N et M/N le sont.

Démonstration. L’ensemble ordonné des sous-modules de N (resp. de M/N) esten correspondance biunivoque avec l’ensemble des sous-modules de M contenusdans N (resp. contenant N). Par conséquent, si le module M est nœthérien, lesmodules N et M/N sont nœthériens.

Supposons que les modules N et M/N soient nœthériens. Soit (Fn)n�0 unesuite croissante de sous-modules de M . La suite Fn ∩N est stationnaire à partird’un rang n0 ; la suite (Fn + N)/N est stationnaire à partir d’un rang n1, il enest donc de même pour la suite Fn + N . Montrons que pour n � sup(n0, n1),on a Fn = Fn+1. Il suffit de voir que Fn+1 ⊂ Fn. Soit x ∈ Fn+1. PuisqueFn+1 + N = Fn + N , il existe y ∈ Fn, z ∈ N , t ∈ N tels que x + z = y + t.On a donc x − y = t − z et ces éléments appartiennent à Fn+1 ∩ N = Fn ∩ N .D’où x− y ∈ Fn et x ∈ Fn. ♦

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Chapitre VI. Éléments entiers et anneaux de Dedekind

Corollaire 4.4. Si A est un anneau et M1, . . . ,Mp sont des A-modules, alorsM =

∏pi=1Mi est un A-module nœthérien si et seulement si les modules Mi

sont nœthériens, 1 � i � p.

Démonstration. Si le module M est nœthérien, chaque module Mi, s’écrivantcomme quotient de M , est nœthérien, d’après la proposition 4.3.

Supposons que les modules Mi, 1 � i � p, soient nœthériens. Si p = 2, alorsM1 et M2 �M/M1 étant nœthériens, M est nœthérien, d’après la proposition 4.3.Pour p � 2, un raisonnement par récurrence donne le résultat. ♦

Corollaire 4.5. Si A est un anneau nœthérien, un A-module est nœthérien si etseulement s’il est de type fini.

Démonstration. Par définition même, si M est un A-module nœthérien, il est detype fini. Supposons que M soit un A-module de type fini : alors M est isomorpheà un quotient d’un module libre de rang fini An. Puisque A est nœthérien, il enest de même de An, d’après le corollaire 4.4, et M est nœthérien, d’après laproposition 4.3. ♦

Theoreme 4.6. Soit A un anneau nœthérien intégralement clos, dont le corps defractions K est de caractéristique nulle. Soient L/K une extension, [L : K] = n,et A′ la fermeture intégrale de A dans L. Alors A′ est un A-module de type finiet un anneau nœthérien.

Si, de plus, l’anneau A est principal, alors A′ est un A-module libre de rang n.

Démonstration. Soit (x1, . . . , xn) une base de L sur K : chaque élément xi estalgébrique sur K. En réduisant les coefficients du polynôme minimal de xi sur Kau même dénominateur, on obtient une relation

anxni + an−1x

n−1i + · · ·+ a0 = 0

avec les coefficients aj , 1 � j � n, dans A. On peut supposer an non nul et enmultipliant par an−1

n , on voit que anxi est entier sur A. On pose x′i = anxi : alors(x′1, . . . , x′n) est une base de L sur K contenue dans A′. D’après la proposition 2.8,il existe une base de L sur K, (y1, . . . , yn), telle que Tr(x′iyj) = δij , 1 � i � n,1 � j � n. Soit z un élément de A′ : puisque (y1, . . . , yn) est une base de L sur K,on a z =

∑nj=1 bjyj, avec bj ∈ K, 1 � j � n. Pour tout i, on a x′i ∈ A′, donc

x′iz ∈ A′ et, d’après le corollaire 2.5, Tr(x′iz) ∈ A. Or,

Tr(x′iz) = Tr

⎛⎝ n∑j=1

bjx′iyj

⎞⎠ =n∑

j=1

bjTr(x′iyj) =n∑

j=1

bjδij = bi.

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5. Idéaux fractionnaires

On a donc bi ∈ A pour tout i et A′ est un sous-module du A-module libre∑nj=1Ayj. Puisque l’anneau A est nœthérien, ce A-module libre est nœthérien.

On déduit de la proposition 4.3 que le A-module A′ est nœthérien, donc de typefini, d’après le corollaire 4.5. Les idéaux de A′ sont des A-sous-modules de A′

particuliers : ils sont donc de type fini sur A, donc sur A′, et A′ est un anneaunœthérien.

Si A est principal, tout sous-A-module d’un module libre étant libre (théo-rème V.1.1), A′ est libre de rang inférieur ou égal à n. Mais la démonstrationci-dessus montre que A′ contient une base de L sur K, il est donc de rang n. ♦

Rappelons pour mémoire le résultat suivant, vu au TR.II.C.2.

Proposition 4.7. Soient A un anneau et S une partie multiplicative de A. Si A estun anneau nœthérien, il en est de même pour S−1A. ♦

5. Idéaux fractionnaires

Lemme 5.1. Soient A un anneau, p un idéal premier de A et A′ un sous-anneaude A. Alors p ∩A′ est un idéal premier de A′. ♦Lemme 5.2. Soit p un idéal premier d’un anneau A. Si p contient un produitd’idéaux a1, . . . , an, alors p contient l’un deux.

Démonstration. Si pour tout i, il existe un élément ai ∈ ai n’appartenant pasà p, l’idéal p étant premier, le produit a1 · · · an n’appartient pas à p, d’où unecontradiction. ♦Proposition 5.3. Soit A un anneau nœthérien (resp. intègre nœthérien). Tout idéal(resp. idéal non nul) contient un produit d’idéaux premiers (resp. idéaux premiersnon nuls).

Démonstration. Nous allons démontrer le cas « non nul », l’autre se démontrant dela même façon en ignorant l’hypothèse « non nul ». On fait une démonstration parl’absurde. Si la famille F des idéaux non nuls qui ne contiennent aucun produitd’idéaux premiers non nuls est non vide, elle admet un élément maximal b (puisqueA est nœthérien). L’idéal b n’est pas premier (sinon il contiendrait le produit dela famille réduite à b). Donc, il existe x, y ∈ A \ b tel que xy ∈ b. Les idéauxb +Ax et b +Ay contiennent strictement b, donc n’appartiennent pas à F (car b

est maximal). Ils contiennent donc des produits d’idéaux premiers non nuls

b +Ax ⊃ p1 · · · pn, b +Ay ⊃ q1 · · · qr.

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Chapitre VI. Éléments entiers et anneaux de Dedekind

Mais xy appartient à b, donc

(b +Ax)(b +Ay) ⊂ b, d’où p1 · · · pnq1 · · · qr ⊂ b.

D’où une contradiction. ♦

Definition 5.4. Soient A un anneau intègre et K son corps de fractions. On ap-pelle idéal fractionnaire de A (ou de K par rapport à A) tout sous-A-moduleI de K tel qu’il existe d ∈ A, d �= 0, satisfaisant à I ⊂ d−1A.

Cela revient à dire que les éléments de I ont un dénominateur commun d ∈ A.

Remarques 5.5.a) Tout sous-A-module de type fini de K est un idéal fractionnaire. Si

I = (x1, . . . , xn), avec xi = aidi

, 1 � i � n, alors I est contenu dans d−1A,avec d =

∏i di.

b) Si A est nœthérien, tout idéal fractionnaire est un A-module de type fini.En effet, I est un sous-module de d−1A qui est nœthérien.

c) Si I et I ′ sont des idéaux fractionnaires, alors I ∩ I ′, I + I ′, II ′ sont desidéaux fractionnaires (de dénominateurs respectifs d ou d′, dd′ et dd′).

On en déduit que les idéaux fractionnaires non nuls de A forment un monoïdecommutatif pour la multiplication, que l’on notera I(A).

6. Anneaux de Dedekind

On a vu au paragraphe 1 que l’anneau des entiers du corps quadratiqueQ(√−5) est Z(

√−5). Montrons que cet anneau n’est pas factoriel (donc, a for-tiori, ni principal, ni euclidien, cf. TR.II.A). On a

(1 +√−5)(1−√−5) = 2.3

etN(1 +

√−5) = N(1 −√−5) = 6, N(2) = 4, N(3) = 9.

Supposons que l’élément 1 +√−5 ait un diviseur non trivial x = a+ b

√−5 dansZ(√−5). Alors N(x) est un diviseur non trivial de 6 dans Z, i.e. N(x) = 2 ou

N(x) = 3. Mais les équations

a2 + 5b2 = 2, a2 + 5b2 = 3

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6. Anneaux de Dedekind

n’ont pas de solution dans Z. Par conséquent, l’élément 1+√−5 n’a pas de diviseur

non trivial dans Z(√−5). Si l’anneau Z(

√−5) était factoriel, puisque cet élément1 +

√−5 divise le produit 2.3, d’après le lemme de Gauss, il devrait diviser 2 ou3 et, en prenant les normes, 6 diviserait 4 ou 9. Donc l’anneau Z(

√−5) n’est pasfactoriel.

Cela montre que l’anneau des entiers d’un corps de nombres n’est pas néces-sairement euclidien ou principal ou factoriel. Nous allons montrer ci-dessous quecet anneau possède néanmoins une structure très intéressante.

Definition 6.1. Un anneau A est de Dedekind s’il est nœthérien, intégralementclos, et si tout idéal premier non nul est maximal.

Exemple. Un anneau principal est de Dedekind. Le théorème 6.2 ci-dessous donnedes exemples d’anneaux de Dedekind qui ne sont pas principaux. On peut toutefoisnoter que la notion d’anneau de Dedekind est un cran « plus complexe » que celled’anneau principal, dans la mesure où, dans un anneau de Dedekind tout idéalest engendré par au plus deux éléments (cf. TR.VI.A).

Theoreme 6.2. L’anneau des entiers d’un corps de nombres est de Dedekind.

Puisqu’un corps de nombres est une extension finie de Q, le théorème 6.2 estun corollaire du théorème qui suit (en prenant A = Z).

Theoreme 6.3. Soient A un anneau de Dedekind, K son corps de fractions, sup-posé de caractéristique nulle, L/K une extension de degré fini et A′ la fermetureintégrale de A dans L. Alors A′ est un A-module de type fini et un anneau deDedekind.

Démonstration. L’anneau A est intégralement clos, donc, d’après le théorème 4.6,A′ est un anneau nœthérien et un A-module de type fini. Soient p′ �= 0 un idéalpremier de A′, x un élément de p′ et une équation de dépendance intégrale pourx, de degré minimum :

xn + an−1xn−1 + · · · + a0 = 0.

Le fait que le degré soit minimum implique que a0 �= 0. Alors a0 appartient àA′x ∩ A ⊂ p′ ∩ A. Donc p′ ∩ A �= {0} est un idéal premier de A, donc maximal(puisque A est de Dedekind). D’où A/(p′ ∩ A) est un corps. Mais A/(p′ ∩ A)s’identifie à un sous-anneau de A′/p′ et, puisque A′ est entier sur A, A′/p′ estentier sur A/(p′ ∩ A). Donc, d’après le théorème 1.7, A′/p′ est un corps et p′ estmaximal. ♦

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Chapitre VI. Éléments entiers et anneaux de Dedekind

Theoreme 6.4. Soit A un anneau de Dedekind qui n’est pas un corps. Tout idéalmaximal de A est inversible dans le monoïde des idéaux fractionnaires de A.

Démonstration. Soit m un idéal maximal de A ; il est non nul. On posem′ = {x ∈ K|xm ⊂ A}. Alors m′ est un sous-A-module de K dont les élémentsadmettent comme dénominateur commun n’importe quel élément de m, i.e. m′

est un idéal fractionnaire. Montrons que mm′ = A, qui est l’élément neutre dumonoïde I(A). Par définition, mm′ est contenu dans A et il est clair que A ⊂ m′,d’où m = Am ⊂ mm′ ⊂ A. Puisque m est maximal, on a mm′ = A ou mm′ = m.

Supposons que mm′ = m. Soit x ∈ m′, alors xm ⊂ m, d’où x2m ⊂ xm ⊂ m

et xnm ⊂ m pour tout n. Autrement dit, n’importe quel élément non nul d dem sert de dénominateur commun à tous les xn, n ∈ N. Donc A[x] est un idéalfractionnaire. Puisque A est nœthérien, A[x] est un A-module de type fini, d’oùx est entier sur A. Comme A est intégralement clos, x appartient à A. D’où, simm′ = m, alors m′ = A. Montrons que c’est impossible. Soit a �= 0 un élément dem. L’idéal Aa contient un produit d’idéaux premiers non nuls p1 · · · pn. On peutsupposer n minimum. On a

m ⊃ Aa ⊃ p1 · · · pn.

Donc, d’après le lemme 5.2, m contient l’un des pi, par exemple p1. Comme parhypothèse p1 est maximal, on a m = p1. On pose b = p2 · · · pn. On a Aa ⊃ mb

et Aa �⊃ b, par minimalité de n. Donc, il existe b ∈ b tel que b /∈ Aa. Commemb ⊂ Aa, on a mb ⊂ Aa, d’où mba−1 ⊂ A. Donc ba−1 ∈ m′ par définition de m′.Comme b /∈ Aa, on a ba−1 /∈ A et m′ �= A. ♦

Theoreme 6.5. Soient A un anneau de Dedekind et P l’ensemble de ses idéauxpremiers non nuls.

(i) Tout idéal fractionnaire non nul b s’écrit d’une façon et d’une seule sousla forme

b =∏p∈P

pnp(b)

où les np(b) sont des entiers relatifs, nuls sauf un nombre fini d’entre eux.(ii) Le monoïde des idéaux fractionnaires de A est un groupe.

Démonstration.(i) Montrons d’abord l’existence de la décomposition. Soit b un idéal fraction-

naire ; il existe d �= 0 ∈ A tel que db ⊂ A. Ainsi b = (db)(Ad)−1 et l’on est ramenéà montrer le résultat pour les idéaux « entiers » i.e. les idéaux de A (i.e. d = 1).Soit F la famille des idéaux non nuls de A qui ne sont pas produits finis d’idéaux

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6. Anneaux de Dedekind

premiers. Supposons F �= ∅. Puisque A est nœthérien, F admet un élément maxi-mal q. On a q �= A puisque A est produit de la famille vide d’idéaux premiers.Alors q est contenu dans un idéal maximal p. D’après le théorème 6.4, il existe p′

tel que pp′ = A : on en déduit que qp′ ⊂ A. Comme p′ ⊃ A, on a qp′ ⊃ q. De plusqp′ �= q, car si qp′ = q et si x ∈ p′, on a xq ⊂ q et xnq ⊂ q pour tout n, d’où x estentier sur A, i.e. x ∈ A. Ceci est impossible car p′ �= A (sinon on aurait pp′ = p).Puisque q est maximal dans F , alors qp′ /∈ F et qp′ = p1 · · · pn, où les pi sontpremiers, 1 � i � n. En multipliant par p, on obtient q = pp1 · · · pn, ce qui est encontradiction avec q ∈ F .

Montrons l’unicité de la décomposition. Supposons que :∏p∈P

pnp(b) =∏p∈P

pmp(b),

alors ∏p∈P

pnp(b)−mp(b) = A.

Si les np(b) − mp(b) ne sont pas tous nuls, on sépare les exposants positifs etnégatifs et l’on obtient

pα11 · · · pαr

r = qβ11 · · · qβs

s

avec pi, qj ∈ P, αi, βj > 0, pi �= qj , pour tout i et j. Puisque p1 est un idéal,p1 ⊃ pα1

1 · · · pαrr = q

β11 · · · qβs

s et, puisqu’il est premier, p1 contient l’un des qj .Mais p1 et qj sont maximaux, donc p1 ⊃ qj implique p1 = qj . Contradiction.

(ii) La partie (i) prouve que∏

p∈P p−np(b) est l’inverse de∏

p∈P pnp(b). ♦

Remarques 6.6.a) On peut vérifier facilement que les propriétés suivantes sont satisfaites :

(i) np(ab) = np(a) + np(b).(ii) b ⊂ A est équivalent à np(b) � 0, pour tout p ∈ P.(iii) a ⊂ b est équivalent à np(a) � np(b), pour tout p ∈ P.(iv) np(a + b) = inf(np(a), np(b)).(v) np(a ∩ b) = sup(np(a), np(b)).

b) Si a est un idéal de A, on a a =∏

p∈P pnp(a) avec np(a) � 0. Si p est telque np(a) > 0, on dit que p divise a et on écrit p|a.

Si p|a, alors a = pq avec q = (p(np (a)−1))∏

p′ p′np′ (a). Mais pq ⊂ p puisque p

est un idéal, d’où a ⊂ p. Réciproquement, si p est un idéal premier de A tel quea ⊂ p, alors np(a)np(p) = 1, donc p intervient dans la décomposition de a enproduit d’idéaux premiers, i.e. p|a.

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Chapitre VI. Éléments entiers et anneaux de Dedekind

Par conséquent, p|a si et seulement si a ⊂ p. Cela est à rapprocher de larelation portant sur les éléments d’un anneau : a|b si et seulement si (a) ⊃ (b).

c) On peut montrer que si A est un anneau intègre dont le monoïde des idéauxfractionnaires est un groupe, alors A est un anneau de Dedekind (cf. TR.VI.A).Par conséquent, un anneau intègre est de Dedekind si et seulement si lemonoïde de ses idéaux fractionnaires est un groupe.

Proposition 6.7. Soient A un anneau et S une partie multiplicative de A. Si A estun anneau de Dedekind, il en est de même pour S−1A.

Démonstration. C’est une conséquence évidente de la proposition 4.7 et ducorollaire 1.11. ♦

Proposition 6.8. Soient A un anneau de Dedekind et p un idéal premier de A.Alors Ap est un anneau principal et il existe un élément premier p de Ap tel queles seuls idéaux non nuls de Ap soient les idéaux (pr), r ∈ N.

Démonstration. Tout idéal premier de A étant maximal, le seul idéal premier de Adisjoint de A\p est p. Donc, d’après TR.I.B.6, le seul idéal premier de Ap est pAp.L’anneau Ap étant de Dedekind (proposition 6.7), on en déduit, en appliquant lethéorème 6.5.i, que ses seuls idéaux non nuls sont les (pAp)n, n ∈ N. Soit p unélément de pAp\(pAp)2 : l’idéal (p) est contenu dans pAp et n’est pas contenu dans(pAp)2. D’où, en appliquant le théorème 6.5.i et la remarque 6.6.b, (p) = pAp ;l’élément p est donc premier. Si a est un idéal non nul de Ap, il est contenu dansl’unique idéal maximal pAp de Ap (TR.I.B.9), d’où, d’après le théorème 6.5.i etla remarque 6.6.b, il existe n ∈ N tel que a = (pAp)n = (p)n = (pn). ♦

7. Norme d’un idéal

Soient K un corps de nombres de degré n (i.e. une extension de degré n de Q)et A l’anneau des entiers de K, qui est donc, d’après 6.2, un anneau de Dedekind.On notera la norme N au lieu de NK/Q.

Proposition 7.1. Pour tout x ∈ A, x �= 0, on a |N(x)| = Card(A/Ax).

Démonstration. On sait, d’après le théorème 4.6, que A est un Z-modulelibre de rang n. L’idéal Ax est un sous-Z-module de A, donc libre : sonrang est aussi n car la multiplication par x est une application bijec-tive A −→ Ax. Par conséquent, d’après le théorème V.3.1, il existe unebase (e1, . . . , en) du Z-module A et des éléments c1, . . . , cn de N tels que

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7. Norme d’un idéal

(c1e1, . . . , cnen) soit une base de Ax. On en déduit que A/Ax est isomorphe à∏ni=1 Z/ciZ, d’où Card(A/Ax) = c1 · · · cn. Considérons l’application Z-linéaire

u : A −→ Ax définie par u(ei) = ciei. On a det(u) = c1 · · · cn. D’autre part,puisque la multiplication par x est bijective, (xe1, . . . , xen) est aussi une basede Ax. Il existe donc un automorphisme de Z-modules v : Ax −→ Ax tel quev(ciei) = xei. Puisque c’est un automorphisme, son déterminant est inversibledans Z, d’où, det(v) = 1. Mais v ◦ u est la multiplication par x, dont le détermi-nant est, par définition N(x). On a donc

N(x) = det(v ◦ u) = det(v)det(u) = c1 · · · cn = Card(A/Ax). ♦

Cela conduit à la définition suivante.

Definition 7.2. Soit a un idéal non nul de A : on pose N(a) = Card(A/a) et onl’appelle norme de l’idéal a.

Remarque 7.3. Pour tout idéal non nul a de A, N(a) est fini. En effet, pour toutélément a �= 0 de a, on a Aa ⊂ a et A/a s’identifie à un quotient de A/Aa, doncCard(A/a) � Card(A/Aa) = N(a) < +∞. En particulier, si a est un idéal princi-pal, a = (a), alors N(a) = |N(a)|.

Proposition 7.4. Si a et b sont des idéaux de A, on a N(ab) = N(a)N(b).

Démonstration. En considérant la « décomposition en facteurs premiers » de l’idéalb, il suffit de montrer que N(am) = N(a)N(m), avec m idéal maximal. Or am ⊂ a

implique Card(A/am) = Card(A/a)Card(a/am). Il suffit donc de prouver queCard(a/am) = Card(A/m). Comme a/am est un A-module annulé par m, c’estun A/m-espace vectoriel. Ses sous-espaces vectoriels sont de la forme q/am, où q

est un idéal tel que am ⊂ q ⊂ a. On a vu à la remarque 6.6 que q ⊂ a impliquenp(q) � np(a) pour tout p, d’où

∀ p ∈ P, np(a) + np(m) = np(am) � np(q) � np(a).

Si p �= m, np(m) = 0, d’où

∀ p �= m, np(a) = np(am) � np(q) � np(a),

donc np(q) = np(a).Si p = m, on a

nm(a) + 1 � nm(q) � nm(a).

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Chapitre VI. Éléments entiers et anneaux de Dedekind

Or nm(q) ∈ N, donc

nm(q) = nm(a) ou nm(q) = nm(a) + 1.

Si nm(q) = nm(a), alors

∀ p ∈ P, np(q) = np(a) et a = q.

Si nm(q) = nm(a)+ 1, alors, puisque pour les autres p ∈ P on a np(q) = np(a), ondéduit que q = am.

Il n’y a donc pas d’idéal q strictement compris entre am et a. Par conséquent,a/am est un A/m-espace vectoriel de dimension 1. On a donc bien

Card(a/am) = Card(A/m). ♦

8. Décomposition des idéaux premiers dans uneextension et action du groupe de Galois

Comme cela a été rappelé dans l’introduction de ce chapitre, un polynômeirréductible de K[X] peut se décomposer dans une extension L de K ; il n’estdonc pas irréductible quand on le considère dans L[X]. Il en va de même pour leséléments irréductibles d’un anneau factoriel quelconque.

Exemples 8.1.a) Dans Z[i], on a 5 = (2 + i)(2− i).b) Dans Z[

√−5], les éléments 2 et 3 sont irréductibles, mais les idéaux(2) et (3) ne sont pas premiers. En effet, (2) = (2, 1 +

√−5)2 et(3) = (3, 1+

√−5)(3, 1−√−5). Autrement dit, l’idéal (2) dans Z est premier, maisn’est pas premier dans « l’extension » Z ↪→ Z[

√−5]. On dit qu’il se décompose.

On va étudier ce problème dans la situation suivante : K est un corps denombres, L est une extension finie de K, A est l’anneau des entiers de K et B estl’anneau des entiers de L. L’anneau A est donc un sous-anneau de B. Dans toutce paragraphe, les lettres A,B,K,L désigneront les objets ci-dessus.

On a vu que si p est un idéal premier de B, alors p ∩ A est un idéal premierde A. Si p est un idéal premier de A, on note pB l’idéal de B engendré par p

pB =

{∑finie

αiβi | αi ∈ p, βi ∈ B}.

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8. Décomposition des idéaux premiers dans une extension et action du groupe de Galois

Remarquons que si p = (a), alors pB = {ab, b ∈ B}.Puisque pB est un idéal de B, qui est un anneau de Dedekind, il admet une

« décomposition en produit d’idéaux premiers » de B. C’est cette décompositionque l’on veut étudier.

Proposition 8.2. Soient p un idéal premier de A et q un idéal premier de B. Lesconditions suivantes sont équivalentes :

(i) q|pB,(ii) q ⊃ pB,(iii) q ⊃ p,(iv) q ∩A = p,(v) q ∩K = p.

Démonstration. Les assertions (i) et (ii) sont équivalentes, d’après la remarque 6.6.Les assertions (ii) et (iii) sont clairement équivalentes.

Montrons que (iii) implique (iv) : q ∩ A est premier dans A, mais q ⊃ p

entraîne q ∩ A ⊃ p et, comme p est premier, donc maximal, q ∩ A = p. Il estévident que (iv) implique (iii).

Enfin, les assertions (iv) et (v) sont équivalentes puisque q étant contenu dansB, tous les éléments de q sont entiers, donc q ∩K = q ∩A. ♦

Definition 8.3. Dans la situation ci-dessus, on dit que q est au-dessus de p,ou que p est en dessous de q.

Theoreme 8.4.(i) Tout idéal premier propre de B est au-dessus d’un unique idéal premier

non nul de A.(ii) Tout idéal premier propre de A est en-dessous d’au moins un idéal premier

de B.

Démonstration.(i) Soit q un idéal premier de B. D’après la proposition 8.2, l’unique idéal p

en-dessous de q est p = q ∩ A, qui est un idéal premier de A. Il faut vérifier quep �= {0} (utiliser, par exemple, la norme).

(ii) Les idéaux premiers de B qui sont au-dessus de p ⊂ A sont les « diviseurs »de pB. Pour montrer qu’il en existe, il suffit de montrer que pB �= B, ce quiéquivaut à montrer que 1 �∈ pB. On sait que 1 �∈ p, mais il faut s’assurer que l’onne peut avoir 1 =

∑finie αiβi, αi ∈ p, βi ∈ B.

Pour cela, on démontre le lemme suivant.

151

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Chapitre VI. Éléments entiers et anneaux de Dedekind

Lemme 8.5. Soient A un anneau de Dedekind, a un idéal de A et K le corps desfractions de A. Il existe γ ∈ K \ A tel que γa ⊂ A.

Démonstration. Soit a ∈ a, a �= 0 ; l’idéal (a) contient un produit d’idéaux pre-miers p1p2 · · · pr, avec r minimum pour cette propriété. Soit m un idéal maximalcontenant a : alors m ⊃ p1 · · · pr et m étant premier, d’après le lemme 5.2, il existei tel que m ⊃ pi. On peut, sans restreindre la généralité, supposer que i = 1.Comme A est un anneau de Dedekind, p1 est un idéal maximal, d’où m = p1. Parminimalité de r, on ne peut avoir (a) = p2 · · · pr, donc il existe b ∈ (p2 · · · pr)\(a).Posons γ = b

a ∈ K \A. Alors, puisque tout élément x appartenant à a appartientà m = p1, on a bx ∈ p1 · · · pr ⊂ (a) i.e. bx = ac, c ∈ A, donc b

ax = c ∈ A. ♦D’après ce lemme, il existe γ ∈ K \ A tel que γp ⊂ A, d’où γpB ⊂ AB = B.

Si 1 ∈ pB, alors γ ∈ B ; mais alors γ est entier, ce qui est impossible puisqueγ ∈ K \ A. ♦

On va maintenant étudier le comportement des idéaux premiers de B au-dessus de p ⊂ A, sous l’action du groupe de Galois Gal(L/K). Pour cela, nousétablissons d’abord les deux résultats ci-dessous.

Lemme 8.6. Soient C et D deux anneaux et f : C → D un morphisme d’anneaux.(i) Si q est un idéal premier de D, f−1(q) est un idéal premier de C.(ii) Si f est bijectif, pour tout idéal premier p de C, f(p) est un idéal premier

de D. ♦Proposition 8.7. Pour tout élément f de Gal(L/K), sa restriction à B est unisomorphisme d’anneaux f|B : B −→ B et f|A = idA.

Démonstration. Soit x un élément de B ; il vérifie une équation de dépendanceintégrale

xn + an−1xn−1 + · · ·+ a0 = 0,

avec ai ∈ Z, 0 � i � n− 1. Puisque K est une extension de Q et que f|K = id|K ,on a f|Z = id|Z. D’où,

f(x)n + an−1f(x)n−1 + · · ·+ f(a0) = 0

et f(x) ∈ B. Par conséquent, la restriction de f à B est à valeurs dans B etf|B : B −→ B est un morphisme d’anneaux.

Puisque f est injectif, il est clair que f|B est injectif. Tout élément x de Best un élément de L, donc l’image par f d’un élément y de L. Si x est entier,alors y est entier, donc f|B est surjectif. Puisque f|K = idK , il est clair quef|A = idA. ♦

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9. Ramification

Theoreme 8.8. Soient L/K une extension normale et p un idéal premier de A. Legroupe Gal(L/K) opère transitivement sur l’ensemble des idéaux premiers de Bqui sont au-dessus de p.

Démonstration. Montrons que le groupe Gal(L/K) opère sur l’ensemble des idéauxpremiers de B qui sont au-dessus de p. Si q est un idéal premier de B au-dessus dep, alors, d’après le lemme 8.6, pour tout σ ∈ Gal(L/K), σ(q) est un idéal premierde σ(B) = B, au-dessus de σ(p) = p.

Montrons que cette action est transitive, i.e. pour tout q et q′ au-dessus de p, ilexiste σ ∈ Gal(L/K) tel que σ(q) = q′. Supposons que pour tout σ ∈ Gal(L/K),on ait σ(q) �= q′ ; les idéaux q′ et σ(q) étant premiers, donc maximaux, sontétrangers deux à deux (m + m′ = B). Donc, d’après le théorème chinois I.4.3, lesystème de congruences {

x ≡ 0 mod q′

x ≡ 1 modσ(q)

admet une solution α ∈ B.D’après le théorème 2.3, on a

NL/K(α) =∏

σ∈Gal(L/K)

σ−1(α) = α∏

σ �=id,σ∈Gal(L/K)

σ−1(α).

Puisque α ≡ 0 mod q′, on a α ∈ q′, d’où NL/K(α) ∈ q′. D’autre part, d’après lescorollaires 2.4 et 2.5, NL/K(α) ∈ A, d’où NL/K(α) ∈ A ∩ q′ = p.

Mais, pour tout σ ∈ Gal(L/K), α �∈ σ(q) (car α ≡ 1 mod σ(q)), doncσ−1(α) �∈ q. Comme q est un idéal premier, on en déduit que NL/K(α) �∈ q.Comme NL/K(α) ∈ p ⊂ q, on a une contradiction. ♦

9. Ramification

Nous avons vu au paragraphe 8 que lorsque K est un corps de nombres, Lest une extension de K, [L : K] = n, A est l’anneau des entiers de K et B estl’anneau des entiers de L, alors si p est un idéal premier de A, l’idéal pB de Bpeut se décomposer dans l’anneau de Dedekind B

pB =i=r∏i=1

qeii , ei � 1, i = 1, . . . , r

où les qi sont des idéaux premiers de B, qui sont précisément les idéaux premiersde B au-dessus de p.

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Chapitre VI. Éléments entiers et anneaux de Dedekind

Definition 9.1. Dans la situation ci-dessus, on dit que p se ramifie dans B (oudans L) s’il existe un indice i tel que ei � 2.

Le but de ce paragraphe est de caractériser les idéaux premiers de A qui seramifient dans B. Cela nous permettra d’en tirer des informations arithmétiquessur la décomposition des nombres premiers dans les extensions quadratiques deQ ou dans les extensions cyclotomiques.

Le fait que, pour tout i, l’idéal qi soit au-dessus de p, entraîne, d’après la pro-position 8.2, que l’anneau A/p s’identifie à un sous-anneau de B/qi. Ces deuxanneaux sont des corps et, puisque B est un A-module de type fini d’aprèsle théoèrme 4.6, B/qi est un A/p-espace vectoriel de dimension finie. On posefi = dimA/p(B/qi).

Definition 9.2. On appelle fi le degré résiduel de qi sur A et ei l’indice deramification de qi sur A.

Theoreme 9.3. Avec les notations ci-dessus, on a

i=r∑i=1

eifi = dimA/p(B/pB) = n.

Démonstration. On considère la suite d’inclusions d’idéaux

pB = qe11 . . . qer

r ⊂ qe11 . . . qer−1

r ⊂ . . . ⊂ q21 ⊂ q1 ⊂ B.

Deux termes consécutifs de cette suite sont de la forme a et aqi. La démonstrationde la proposition 7.4 montre qu’il n’y a pas d’idéaux strictement compris entre a

et aqi, par conséquent a/aqi est un B/qi-espace vectoriel de dimension 1. C’estdonc un A/p-espace vectoriel de dimension fi. Or, dans la suite d’inclusions ci-dessus, il y a, pour i fixé, ei quotients. D’où

dimA/p(B/pB) =i=r∑i=1

eifi.

Il faut maintenant montrer que ces expressions sont égales à n.Supposons que l’anneau A soit principal : alors, d’après le théorème 4.6,

B est un A-module libre de rang n. En notant (x1, . . . , xn) une A-base de B,(x1, . . . , xn), où xi est la classe de xi modulo pB, est une A/p-base de B/pB.D’où

dimA/p(B/pB) = n.

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9. Ramification

Montrons qu’on peut se ramener au cas où l’anneau A est principal. Onconsidère A′ = Ap : c’est un anneau principal, (6.8), local d’idéal maximalpAp (TR.I.B.9). En posant S = A \ p, d’après (1.10), l’anneau B′ = S−1Best la fermeture intégrale de Ap dans L. On déduit alors de ce qui précède quedimA′/pA′(B′/pB′) = n. On considère la décomposition de pB′ dans l’anneau deDedekind B′ : comme pB =

∏i=ri=1 qei

i , on a pB′ =∏i=r

i=1(qiB′)ei . Comme qi∩A = p,

on a qi ∩ S = ∅, d’où qiB′ est un idéal premier de B′ (TR.I.B.6). La première

partie de la démonstration donne alors

dimA′/pA′(B′/pB′) =i=r∑i=1

eidimA′/pA′(B′/qB′).

On a A′/pA′ � A/p et B′/qiB′ � B/qi. D’où

n = dimA′/pA′(B′/pB′) =i=r∑i=1

eifi. ♦

Corollaire 9.4. Avec les notations ci-dessus, on a B/pB �∏i=ri=1B/q

eii .

Démonstration. D’après le théorème 6.5.i, qi est le seul idéal maximal qui contienneqeii : donc, pour tout i �= j, on a qei

i + qej

j = B. On applique alors le théorèmechinois I.4.3. ♦

Nous allons maintenant introduire la notion de discriminant qui permet decaractériser les idéaux premiers de A qui se ramifient dans B.

Definition 9.5. Soient B un anneau et A un sous-anneau de B tels que B soitun A-module libre de rang fini n. Pour tout (x1, . . . , xn) ∈ Bn, on appellediscriminant du système (x1, . . . , xn), l’élément, D(x1, . . . , xn) de A définipar

D(x1, . . . , xn) = det(TrB/A(xixj)), i, j = 1, . . . , n.

On verra au TR.VI.B que si K est un corps de caractéristique nulle ou uncorps fini et si x est un élément dont le polynôme minimal sur K est X2 + bX + c(resp. X3+pX+q), alors D(1, x) (resp. D(1, x, x2)) est le discriminant bien connub2 − 4c (resp. −4p3 − 27q2).

Proposition 9.6. Soit (y1, . . . , yn) ∈ Bn tel que, pour tout i, 1 � i � n, on aityi =

∑j=nj=1 aijxj . Alors

D(y1, . . . , yn) = (det(aij))2D(x1, . . . , xn).

Démonstration. Calcul facile laissé au lecteur. ♦

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Chapitre VI. Éléments entiers et anneaux de Dedekind

Definition 9.7. Soient B un anneau et A un sous-anneau de B tels que B soitun A-module libre de rang fini n. On appelle discriminant de B sur A l’idéalprincipal DB/A de A engendré par D(x1, . . . , xn), où (x1, . . . , xn) est une basede B sur A.

Remarque 9.8. La définition ci-dessus est consistante. En effet, la proposition 9.6montre que les discriminants de deux systèmes formés par deux bases quelconquesdiffèrent d’un élément inversible, donc les idéaux engendrés coïncident.

Proposition 9.9. Soient B un anneau et A un sous-anneau de B tels que B soitun A-module libre de rang fini n. Si A est un anneau intègre, ou plus générale-ment si l’idéal DB/A contient un élément qui n’est pas diviseur de zéro, pour que(x1, . . . , xn) ∈ Bn soit une base de B sur A, il faut et il suffit que DB/A soitengendré par D(x1, . . . , xn).

Démonstration. La condition étant nécessaire par définition, montrons qu’elle estsuffisante. On suppose que d = D(x1, . . . , xn) engendre DB/A. Soit (e1, . . . , en) uneA-base de B et posons d′ = D(e1, . . . , en). En écrivant, pour tout i, 1 � i � n,xi =

∑j=nj=1 aijej , on a d = (det(aij))2d′. Comme Ad = DB/A = Ad′, il existe

α ∈ A tel que d′ = αd, d’où d(1 − α(det(aij))2) = 0. L’élément d n’est pasdiviseur de zéro, car sinon tout élément de Ad = DB/A serait diviseur de zéro, cequi est contradictoire avec l’hypothèse. On en déduit que 1 − α(det(aij))2 = 0,d’où det(aij) est inversible. La matrice (aij) est donc inversible et (x1, . . . , xn) estune base de B sur A. ♦Proposition 9.10. Soient A un anneau, B1, . . . , Bq des anneaux contenant A et quisont des A-modules libres de rang fini, B =

∏i=qi=1Bi. Alors DB/A =

∏i=qi=1DBi/A.

Démonstration. Il suffit de traiter le cas q = 2, une récurrence évidente don-nera ensuite le résultat. Soient (x1, . . . , xm) et (y1, . . . , yn) des A-bases de B1

et B2 respectivement. En identifiant, dans B1 × B2, B1 à B1 × {0} et B2 à{0} ×B2, on peut écrire que (x1, . . . , xm, y1, . . . , yn) est une base de B1 × B2

sur A. Dans cette écriture, on a, pour tout i et tout j, xiyj = 0 (il faut comprendre(xi, 0)(0, yj) = (0, 0)). On a donc

D(x1, . . . , xm, y1, . . . , yn) =(TrB/A(xixj)) 0

0 (TrB/A(ykyl))

(matrice diagonale par blocs), d’où

D(x1, . . . , xm, y1, . . . , yn) = D(x1, . . . , xm)D(y1, . . . , yn). ♦

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9. Ramification

Proposition 9.11. Soient B un anneau, A un sous-anneau de B, tels que B soitun A-module libre de rang fini n, (x1, . . . , xn) une A-base de B et a un idéal deA. Pour x ∈ B, on note x la classe de x modulo a. Alors (x1, . . . , xn) est uneA/a-base de B/aB et on a D(x1, . . . , xn) = D(x1, . . . , xn).

Démonstration. Si (aij) est la matrice de la multiplication par x par rapport à labase (x1, . . . , xn), alors la matrice de la multiplication par x par rapport à la base(x1, . . . , xn) est (aij). D’où Tr(x) = Tr(x). ♦

Definition 9.12. Un anneau est dit réduit si zéro est son seul élément nilpotent.

Proposition 9.13. Si A est un anneau nœthérien réduit, l’idéal (0) est intersectiond’un nombre fini d’idéaux premiers.

Démonstration. D’après la proposition 5.3, tout idéal de A contient un produitd’idéaux premiers. On a donc

(0) ⊃ pn11 · · · pnq

q

et, comme (0) est le plus petit idéal de A,

(0) = pn11 · · · pnq

q .

On en déduit que si x ∈ p1 ∩ · · · ∩ pq, on a xn1+···+nq ∈ pn11 · · · pnq

q = (0), d’oùxn1+···+nq = 0. Par conséquent, puisque A est réduit, on a x = 0 et il en découleque p1 ∩ · · · ∩ pq = (0). ♦

Proposition 9.14. Soient K un corps de caractéristique nulle ou un corps fini et Lune K-algèbre commutative de dimension finie. Pour que L soit un anneau réduit,il faut et il suffit que DL/K �= 0.

Démonstration. Supposons que L soit non réduit et soit x ∈ L un élément non nulnilpotent. On pose x = x1 et l’on complète en une K-base (x1, . . . , xn). Alors,pour tout j, 1 � j � n, l’élément x1xj est nilpotent, donc la multiplication parx1xj est un endomorphisme nilpotent de L. Par conséquent, toutes ses valeurspropres sont nulles, donc TrL/K(x1xj) = 0, 1 < j � n. La matrice TrL/K(xixj)ayant une ligne de zéros, son déterminant D(x1, . . . , xn) est nul, d’où DL/K = (0).

Réciproquement, supposons que L soit réduit. Comme K est un corps et queL est un K-algèbre de dimension finie, L est un anneau nœthérien. D’après laproposition 9.13, l’idéal (0) est intersection finie d’idéaux premiers, (0) =

⋂i=ri=1 qi.

Pour tout i, 1 � i � r, L/qi est un anneau intègre, de dimension finie sur K, donc,

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Chapitre VI. Éléments entiers et anneaux de Dedekind

d’après le théorème 1.7, c’est un corps (car toute algèbre de dimension finie surun corps K est un anneau entier sur K). On en déduit que, pour tout i, 1 � i � r,qi est un idéal maximal, d’où, pour tout i et tout j, 1 � i, j � r, on a qi + qj = L.Le théorème chinois entraîne que L � ∏i=r

i=1 L/qi. Par conséquent, d’après laproposition 9.10, DL/K =

∏i=ri=1D(L/qi)/K . On sait, d’après la proposition 2.6, que

pour tout i, 1 � i � r, D(L/qi)/K �= 0, d’où DL/K �= 0. ♦

On revient maintenant au cas où K est un corps de nombres, L est une ex-tension de K, [L : K] = n, A est l’anneau des entiers de K et B est l’anneau desentiers de L.

Remarque 9.15. Si (x1, . . . , xn) est une K-base de L contenue dans B, on sait,d’après le corollaire 2.5, que pour tout i et j, 1 � i, j � n, TrL/K(xixj) ∈ A. Parconséquent, DB/A est un idéal entier sur A (i.e. contenu dans A). On a vu à laproposition (2.6) qu’il est non nul.

Theoreme 9.16. Sous les hypothèses ci-dessus, pour qu’un idéal premier p de A seramifie dans B, il faut et il suffit que p ⊃ DB/A. Les idéaux premiers de A qui seramifient dans B sont en nombre fini.

Démonstration. La seconde assertion découle immédiatement de la première. Eneffet, la condition p ⊃ DB/A signifie que p|DB/A, i.e. que les idéaux premiersde A qui se ramifient dans B apparaissent dans la « décomposition en facteurspremiers » de DB/A (théorème 6.5.i). Ils sont donc en nombre fini.

Démontrons la première assertion. D’après le corollaire 9.4, on aB/pB �∏i=r

i=1B/qeii .

Lemme 9.16.1. L’idéal premier p de A se ramifie dans B si et seulement si B/pBest un anneau non réduit.

Démonstration. Supposons qu’il existe i, 1 � i � r, tel que ei � 2. On peut,sans restreindre la généralité de la démonstration, supposer que e1 = 2. Soitx1 ∈ q1 \ q2

1 : alors x = (x1, 0, . . . , 0) est un élément non nul de B/pB et x2 = 0,d’où B/pB est non réduit.

Si B/pB est non réduit, alors il ne peut être isomorphe à un produit de corps,ce qui entraîne qu’il existe au moins un indice i, 1 � i � r, tel que ei � 2. ♦

D’autre part, A/p est un extension finie de Z/(p ∩ Z) � Z/pZ, où p est unnombre premier. Par conséquent A/p est un corps fini et, d’après la proposi-tion 9.14, on déduit du lemme (9.16.1) le lemme suivant.

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9. Ramification

Lemme 9.16.2. L’idéal premier p de A se ramifie dans B si et seulement si

D(B/pB)/(A/p) = (0) ♦

Posons A′ = Ap, B′ = (A \ p)−1B, p′ = pAp. Remarquons que,d’après TR.I.B.3, le morphisme canonique de B dans B′ est injectif : nous consi-dérerons dans la suite B comme sous-anneau de B′. On sait, d’après la proposi-tion 6.8, que A′ est un anneau principal, donc, d’après le théorème 4.6, que B′

est un A′-module libre de rang n. On a A′/p′ � A/p et B′/p′B′ � B/pB. Soit(b1, . . . , bn) une base de B′ sur A′. D’après la proposition 9.11, on a le lemmesuivant.

Lemme 9.16.3. L’idéal D(B/pB)/(A/p) = (0) si et seulement si D(b1, . . . , bn) ∈ p′.♦

Supposons maintenant que p se ramifie dans B. Alors D(b1, . . . , bn) ∈ p′. Si(x1, . . . , xn) est une K-base de L contenue dans B, on a, pour tout i, 1 � i � n,xi =

∑j=nj=1 a

′ijbj , avec pour tout i et tout j, a′ij ∈ A′ (car B ⊂ B′). Comme

D(x1, . . . , xn) = (det(a′ij))2D(b1, . . . , bn), on en déduit que D(x1, . . . , xn) ∈ p′.

Puisque p′ ∩A = p, on a D(x1, . . . , xn) ∈ p, d’où DB/A ⊂ p.Réciproquement, si DB/A ⊂ p, on en déduit que D(b1, . . . , bn) ∈ p′, car on

peut écrire, pour tout i, bi = yi

s , yi ∈ B, s ∈ A \ p. Ainsi,

D(b1, . . . , bn) = s−2D(y1, . . . , yn) ∈ A′DB/A ⊂ A′p = p′.

Par conséquent, d’après le lemme 9.16.3, D(B/pB)/(A/p) = (0) et, d’après lelemme 9.16.2, l’idéal p se ramifie dans B. ♦

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THÈMES DE RÉFLEXION

♠ TR.VI.A. Quelques propriétés des anneaux de Dedekind

Nous avons vu à la proposition (6.8) que le localisé d’un anneau de Dedekindpar rapport à un idéal premier est un anneau principal. Nous allons approfondirici l’étude des relations entre anneaux principaux et anneaux de Dedekind.1. Soient A un anneau de Dedekind, p1, . . . , pn des idéaux premiers de A distinctset ri, 1 � i � n, des nombres entiers strictement positifs. Montrer que la projectioncanonique

A −→i=n∏i=1

A/prii

induit un isomorphisme

A/

i=n∏i=1

prii −→

i=n∏i=1

A/prii .

2. En déduire qu’un anneau de Dedekind qui n’a qu’un nombre fini d’idéaux pre-miers est un anneau principal (montrer que chacun de ces idéaux premiers estprincipal et en déduire que tout idéal est principal).3. Soient A un anneau de Dedekind et a un idéal de A. Montrer que A/a est unanneau principal (écrire a =

∏i=ri=1 pni

i et considérer S−1A avec S = A \ ∪r1pi).

4. En déduire que dans un anneau de Dedekind, tout idéal est engendré par auplus deux éléments.

Nous allons maintenant démontrer le résultat suivant.

Theoreme. Si A est un anneau intègre dont le monoïde des idéaux fractionnairesest un groupe, alors A est un anneau de Dedekind.

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Algèbre T2

Cela et le théorème 6.5.ii prouvent qu’un anneau intègre est de Dedekindsi et seulement si le monoïde de ses idéaux fractionnaires est un groupe.

Soit A un anneau intègre dont le monoïde des idéaux fractionnaires est ungroupe. On note K le corps des fractions de A.5. Soit a un idéal de A. Montrer qu’il existe n ∈ N et, pour tout i, 1 � i � n, deséléments ai ∈ a, bi ∈ K tels que

∑i=ni=1 aibi = 1.

6. Montrer que pour tout i, 1 � i � n, l’élément aibi appartient à A.7. En déduire que A est un anneau nœthérien.8. Soient a et b des idéaux fractionnaires de A. Montrer que si a est strictementcontenu dans b, alors b−1 est strictement inclus dans a−1.9. Soient p un idéal premier de A et m un idéal maximal de A contenant p.Montrer que pm−1 est un idéal de A. En déduire qu’il existe un idéal b de A telque p = bm, puis que b = A.10. En déduire que tout idéal premier de A est maximal.11. Soit p un idéal premier de A. Montrer que si t ∈ pAp\p2Ap, alors tAp = pAp.En déduire que Ap est un anneau principal.

On en déduit que pour tout idéal premier p de A, l’anneau Ap est intégralementclos (théorème 1.9).12. Soit (Ai)i∈I une famille d’anneaux intègres de même corps des fractions K.Montrer que si, pour tout i ∈ I, l’anneau Ai est intégralement clos, alors

⋂i∈I Ai

est un anneau intégralement clos.13. En déduire que l’anneau A est intégralement clos (montrer que A est égalà l’intersection des Ap, où p parcourt l’ensemble des idéaux maximaux – i.e.premiers – de A (difficile)).

♠ TR.VI.B. Ramification des nombres premiersdans un corps cyclotomique

Nous allons d’abord démontrer le résultat suivant.

Proposition. Soient K un corps de caractéristique nulle ou un corps fini etL = K[x] une extension de degré fini n. Alors

D(1, x, . . . , xn−1) = NL/K(M ′x(x)),

où M ′x(X) désigne le polynôme dérivé du polynôme minimal de x sur K.

1. On note x1, . . . , xn les conjugués de x. Montrer que

D(1, x, . . . , xn−1) = (det(xji ))

2, 1 � i, j � n.

162

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♠ TR.VI.C. Décomposition des nombres premiers dans un corps quadratique

2. En déduire que

D(1, x, . . . , xn−1) =∏

i

⎛⎝∏j �=i

(xi − xj)

⎞⎠(utiliser le déterminant de Vandermonde).3. En notant Mx(X) le polynôme minimal de x sur K, montrer que

M ′x(xi) =

∏j �=i

(xi − xj).

4. En déduire la proposition (remarquer que M ′x(xi) est conjugué de M ′

x(x) etappliquer théorème 2.3).5. Montrer que, dans le cas de polynômes de degré 2 ou 3, on retrouve le discri-minant usuel.

Soient p un nombre entier naturel premier et ζ une racine primitive p-ièmede l’unité. On pose K = Q, L = Q(ζ). Alors A = Z, B = Z[ζ], (1, ζ, . . . , ζp−2)est une base de B sur A (ou de L sur K) et Mζ(X) = Xp−1 + · · · + 1. Nousallons déterminer DQ(ζ)/Q, i.e. calculer D(1, ζ, . . . , ζp−2). D’après la propositionci-dessus, cela revient à calculer NQ(ζ)/Q(M ′

ζ(ζ)).

6. De l’expression (X − 1)Mζ(X) = Xp − 1, déduire que (ζ − 1)M ′ζ(ζ) = pζp−1.

7. En déduire que NQ(ζ)/Q(M ′ζ(ζ)) = ± pp−2 (utiliser les relations du para-

graphe 3).

Ce résultat et le théorème 9.16 entraînent le théorème suivant.

Theoreme. Soient p un nombre entier naturel premier et ζ une racine primitivep-ième de l’unité. Le seul nombre premier qui se ramifie dans Z[ζ] est p.

♠ TR.VI.C. Décomposition des nombres premiersdans un corps quadratique

Dans toute la suite, d est un nombre entier relatif sans facteur carré, K = Qet L = Q(

√d). Alors, A = Z et

B = Z[√d] si d est congru à 2 ou 3 modulo 4,

B = Z[1+√

d2 ] si d est congru à 1 modulo 4

(cf. paragraphe 1).

163

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Algèbre T2

Supposons que d est congru à 2 ou 3 modulo 4. Alors (1,√d) est une base

de B sur Z.1. Montrer que

D(1,√d) =

2 00 2d

= 4d.

2. En déduire que les seuls nombres premiers de Z qui se ramifient dans Z[√d]

sont 2 et les diviseurs premiers de d.

Supposons maintenant que d est congru à 1 modulo 4. Alors (1, 1+√

d2 ) est

une base de B sur Z.3. Montrer que

D

(1,

1 +√d

2

)=

2 11 d+1

2

= d.

4. En déduire que les seuls nombres premiers de Z qui se ramifient dans Z[1+√

d2 ]

sont les diviseurs premiers de d.On va maintenant étudier comment, pour un nombre premier p donné, l’idéal

pB se décompose dans B.D’après le théorème 9.3, on a

i=r∑i=1

eifi = 2,

ce qui entraîne que r � 2. En conséquence, seuls trois cas peuvent se présenter :(i) r = 2, e1 = e2 = 1, f1 = f2 = 1 ; on dit que p est décomposé dans B,(ii) r = 1, e1 = 2, f1 = 1 ; autrement dit p se ramifie dans B,(iii) r = 1, e1 = 1, f1 = 2 ; on dit que p est inerte dans B.

5. Montrer que p est décomposé, resp. se ramifie, resp. est inerte, dans B signifieque B/pB est le produit de deux corps, resp. a des éléments non nuls nilpotents,resp. est un corps.

Supposons que p est impair.6. Montrer que, quelle que soit la valeur de d, on a

B/pB � Z[√d]/(p) � Fp[X]/(X2 − d),

où d est la classe de d modulo p (remarquer que Z[√d] � Z[X]/(X2 − d)).

7. Déduire de 5 et 6 que p est décomposé, resp. se ramifie, resp. est inerte, dans Bsignifie que dans Fp[X], le polynôme X2− d est produit de deux facteurs distinctsdu premier degré, resp. est un carré, resp. est irréductible.

164

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♠ TR.VI.D. Théorème des deux carrés

8. Montrer que les trois conditions de 7 se produisent si d est, dans Fp, un carrénon nul, resp. est nul, resp. n’est pas un carré.

Lorsque d est un carré non nul dans Fp, on dit que d est un résidu quadra-tique modulo p. Lorsque d n’est pas un carré dans Fp, on dit que d est nonrésidu quadratique modulo p.

On suppose maintenant que p = 2.9. Montrer que si d est congru à 2 ou 3 modulo 4, alors 2 se ramifie dans B.10. Montrer que si d est congru à 1 modulo 4, alors ou bien d ≡ 1 (mod 8) auquelcas 2 est décomposé, ou bien d ≡ 5 (mod 8) auquel cas 2 est inerte.

En résumé, on a démontré que les nombres premiers de Z qui :(i) sont décomposés dans B sont les nombres premiers impairs p tels que

d soit résidu quadratique mod p et 2 si d ≡ 1 (mod8),(ii) sont ramifiés dans B sont les diviseurs premiers impairs de d et 2 si

d ≡ 2 ou 3 (mod 4),(iii) sont inertes dans B, sont les nombres premiers impairs p tels que d

soit non résidu quadratique mod p et 2 si d ≡ 5 (mod8).

♠ TR.VI.D. Théorème des deux carrés

Nous allons appliquer les résultats du TR.VI.C ci-dessus pour donner unecondition nécessaire et suffisante pour qu’un nombre entier naturel soit sommedes carrés de deux nombres entiers. On considère, avec les notations du TR.VI.C,le cas d = −1, i.e. L = Q(i). Puisque −1 ≡ 3 (mod 4), on a B = Z[i]. Onsait que l’anneau Z[i] est euclidien (TR.II.A), donc principal. On notera que ladémonstration proposée dans TR.II.A pour montrer que l’anneau Z[i] est euclidiens’adapte facilement pour montrer directement qu’il est principal.

On sait que −1 est un carré dans Fp si p est congru à 1 modulo 4 (on peut le

voir avec la formule(−1p

)= (−1)

p − 12 , où

(−1p

)est le symbole de Legendre,

[G-H], TR.XV.A). Par conséquent, on déduit de la classification du TR.VI.C que :– les nombres premiers de la forme 4k + 1 sont décomposés,– les nombres premiers de la formes 4k + 3 sont inertes,– 2 se ramifie dans Z[i].On en déduit que si p est un nombre premier congru à 1 modulo 4, alors pZ[i]

se décompose en un produit q1q2 d’idéaux premiers distincts.

165

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Algèbre T2

1. Montrer que NZ[i]/Z(q1) = NZ[i]/Z(q2) = p.2. En déduire qu’il existe a et b dans Z tels que p = a2 + b2 (utiliser le fait queZ[i] est un anneau principal).

Le but de ce TR est de démontrer le résultat suivant :

Theoreme (des deux carres). Soient x un nombre entier naturel et x =∏

p pnp(x)

sa décomposition en produit de facteurs premiers. Pour que x soit la somme descarrés de deux nombres entiers, il faut et il suffit que, pour tout nombre premierp congru à 3 modulo 4, l’exposant np(x) soit pair.

La méthode proposée est analogue à celle utilisée pour démontrer le théorèmedes quatre carrés (cf. [G-H], TR.IX.B et TP.VIII).

On remarquera que, par multiplicativité de la norme, l’ensemble des sommesdes carrés de deux nombres entiers est stable par multiplication.3. En déduire que la condition de l’énoncé est suffisante (utiliser la question 2).

On suppose maintenant que x = a2 + b2, a, b ∈ Z et que p est un nombrepremier congru à 3 modulo 4. L’idéal pZ[i] est premier.4. Montrer que l’exposant de pZ[i] dans la décomposition de xZ[i] est pair (remar-quer que a2 + b2 = (a + ib)(a − ib) et que pZ[i] est stable par l’automorphisme(u+ iv) �→ (u− iv)).5. Conclure que la condition de l’énoncé est nécessaire.

166

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VII

DUALITÉ

L’un des chapitres importants du programme d’algèbre linéaire de L1 ou L2porte sur l’étude de la dualité linéaire. C’est un formalisme fort utile, dont lebon fonctionnement repose essentiellement sur le fait qu’un espace vectoriel dedimension finie et son bidual sont canoniquement isomorphes. Nous allons voirdans ce chapitre que la notion de dualité pour les modules sur un anneau, éga-lement très utile, est plus subtile que dans le cas des espaces vectoriels, car unmodule n’est pas nécessairement libre. Pour établir avec simplicité les résultatsfondamentaux de la dualité, nous allons d’abord introduire le langage des suitesexactes de modules. Ce langage, très simple, permet une grande économie dans larédaction des énoncés et de leurs démonstrations. Il permet de plus, très souvent,une meilleure compréhension des phénomènes. Nous étudierons ensuite le compor-tement des modules d’applications linéaires par rapport aux suites exactes. Celanous permettra de comparer les propriétés des morphismes entre deux modules etcelles de leurs transposés entre les modules duaux. Enfin, nous introduirons lanotion d’orthogonalité qui généralise celle bien connue dans le cadre des espacesvectoriels.

1. Modules d’applications linéaires et suites exactes

Definition 1.1. Soit A un anneau. Une suite

M ′ u−→Mv−→M ′′,

où M,M ′,M ′′ sont des A-modules et où u et v sont des morphismes deA-modules, est exacte (ou exacte en M) si Im(u) = Ker(v).

Une suite d’au moins trois morphismes est exacte si chaque suite de deuxmorphismes consécutifs est exacte.

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Chapitre VII. Dualité

Remarques 1.2.a) La suite 0 −→ M ′ u−→M est exacte si et seulement si le morphisme u est

injectif et la suite M v−→M ′′ −→ 0 est exacte si et seulement si le morphisme vest surjectif.

b) Si u : M ′ −→M est un morphisme de A-modules, pour tout A-module N ,– on note u : HomA(M,N) −→ HomA(M ′, N) le morphisme de A-modules

défini par u(w) = w ◦ u (on remarquera le « renversement » du sens des flèches),– on note u : HomA(N,M ′) −→ HomA(N,M) le morphisme de A-modules

défini par u(w) = u ◦ w.

Theoreme 1.3. Soient A un anneau, u : M ′ −→ M et v : M −→ M ′′ des mor-phismes de A-modules.

(i) Pour que la suite

0 −→M ′ u−→Mv−→M ′′

soit exacte, il faut et il suffit que, pour tout A-module N , la suite

0 −→ HomA(N,M ′)u−→HomA(N,M)

v−→HomA(N,M ′′)

soit exacte.(ii) Pour que la suite

M ′ u−→Mv−→M ′′ −→ 0

soit exacte, il faut et il suffit que, pour tout A-module N , la suite

0 −→ HomA(M ′′, N) v−→HomA(M,N) u−→HomA(M ′, N)

soit exacte.

Démonstration. On va donner une démonstration de l’assertion (ii), celle de l’as-sertion (i) étant de même nature et plus facile. On suppose que la suite

M ′ u−→Mv−→M ′′ −→ 0

est exacte.Montrons que le morphisme v est injectif : soit w ∈ Hom(M ′′, N) tel que

v(w) = w ◦ v = 0. Puisque v est surjectif, cela entraîne w = 0.Montrons l’exactitude en HomA(M,N) : remarquons que l’on a l’égalité

u ◦ v(w) = w ◦ v ◦u. Puisque v ◦ u = 0, on a u ◦ v = 0 et Im(v) ⊆ Ker(u). D’autre

168

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1. Modules d’applications linéaires et suites exactes

part, si w ∈ Ker(u), alors w ◦ u = 0 et Im(u) ⊆ Ker(w). Mais Im(u) = Ker(v),donc Ker(v) ⊆ Ker(w). D’après le théorème de passage au quotient et en utilisantle fait que M/Ker(v) � M ′′, il existe un morphisme w′ ∈ HomA(M ′′, N) tel quew = w′ ◦ v = v(w′). On en déduit que Ker(u) ⊆ Im(v), ce qui prouve le résultat.

Réciproquement, on suppose que pour tout A-module N , la suite

0 −→ HomA(M ′′, N) v−→HomA(M,N) u−→HomA(M ′, N)

est exacte. En particulier, on a u ◦ v(w) = w ◦ v ◦ u = 0 pour tout w appartenantà HomA(M ′′, N). En prenant N = M ′′ et pour w l’identité de M ′′, on a v ◦u = 0,d’où Im(u) ⊆ Ker(v).

On considère N = M/Im(u) et p : M −→ M/Im(u) la projection canonique.On a u(p) = p◦u = 0, d’où, puisque Ker(u) = Im(v), il existe ϕ ∈ HomA(M ′′, N)tel que p = v(ϕ) = ϕ ◦ v. On en déduit que Ker(v) ⊆ Im(u), ce qui prouve que lasuite

M ′ u−→Mv−→M ′′ −→ 0

est exacte en M .Puisque Im(u) = Ker(v), on a M/Im(u) = M/Ker(v) � Im(v). De l’injectivité

de v, on déduit l’unicité du morphisme ϕ, d’où M ′′ = Im(v) et le morphisme vest surjectif, ce qui achève la démonstration. ♦

Remarque 1.4. On déduit de ce qui précède qu’une application A-linéaireu : M −→ N est surjective si et seulement si, pour tout A-module P , l’appli-cation

u : HomA(N,P ) −→ HomA(M,P )

est injective.

Attention. Si, avec les notations du théorème 1.3, le morphisme u est injectif(resp. le morphisme v est surjectif), le morphisme u (resp. v) n’est pas néces-sairement surjectif. Autrement dit, si la suite 0 −→ M ′ u−→M

v−→M ′′ −→ 0 estexacte, il n’en est pas forcément de même des suites

0 −→ HomA(M ′′, N) v−→HomA(M,N) u−→HomA(M ′, N) −→ 0

(resp.

0 −→ HomA(N,M ′)u−→HomA(N,M)

v−→HomA(N,M ′′) −→ 0),

comme le montre l’exercice ci-dessous.

169

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Chapitre VII. Dualité

Exercice E1. On considère A = Z, N = Z et la suite exacte de A-modules

0 −→ Zu−→Z

v−→Z/nZ −→ 0

où le morphisme u est la multiplication par n �= 1 et le morphisme v la projectioncanonique. Montrer que, avec les notations précédentes, le morphisme u n’est passurjectif.

Traiter le même exercice avec la suite exacte

0 −→ Z −→ Q −→ Q/Z −→ 0

où les morphismes sont les inclusion et projection canoniques.

Nous allons développer ici la notion de section d’un morphisme, introduite àl’exercice IV.E.4.

Exercice E2. Soient A un anneau et

0 −→M ′ u−→Mv−→M ′′ −→ 0

une suite exacte de A-modules. Montrer que les assertions suivantes sont équiva-lentes.

(i) Le A-module M est isomorphe au A-module M ′ ⊕M ′′.(ii) Il existe s ∈ HomA(M ′′,M) tel que v ◦ s = idM ′′ .(iii) Il existe r ∈ HomA(M,M ′) tel que r ◦ u = idM ′ .

Definition 1.5. Une suite exacte de A-modules

0 −→M ′ u−→Mv−→M ′′ −→ 0

est scindée si l’une des propriétés équivalentes ci-dessus est vérifiée.

Exercice E3. Déduire de ce qui précède que si la suite exacte

0 −→M ′ u−→Mv−→M ′′ −→ 0

est scindée, alors pour tout A-module N , les suites

0 −→ HomA(N,M ′)u−→HomA(N,M)

v−→HomA(N,M ′′) −→ 0

0 −→ HomA(M ′′, N) v−→HomA(M,N) u−→HomA(M ′, N) −→ 0

sont exactes et scindées.

170

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2. Dualité

2. Dualité

Definitions 2.1.a) Pour tout A-module M le A-module M∗ = HomA(M,A) est appelé le

module dual de M et ses éléments sont les formes linéaires sur M .

b) Pour tout morphisme de A-modules u : M −→ N , on appelle trans-posé de u, que l’on note tu, le morphisme de A-modules N∗ −→ M∗ définipar tu(y∗) = y∗ ◦ u pour tout y∗ ∈ N∗.

Exercice E4.1. Donner des exemples de A-modules M non nuls tels que M∗ = {0}.2. Donner des exemples de morphismes de A-modules u : M −→ N ni injectifs,

ni surjectifs, tels que tu soit bijectif.

Soient M un A-module et M∗ son dual. Pour tout couple d’éléments x ∈ Met y∗ ∈ M∗, on pose 〈x, y∗〉 = y∗(x). On vérifie que les relations suivantes sontsatisfaites :

〈x+ x′, y∗〉 = 〈x, y∗〉+ 〈x′, y∗〉〈x, y∗ + z∗〉 = 〈x, y∗〉+ 〈x, z∗〉〈αx, y∗〉 = α〈x, y∗〉〈x, αy∗〉 = α〈x, y∗〉

où x, x′ ∈M , y∗, z∗ ∈M∗ et α ∈ A.Autrement dit, l’application

M ×M∗ −→ A

(x, y∗) �−→ 〈x, y∗〉

est une forme bilinéaire (cf. section VIII.1 pour un rappel sur les applicationsbilinéaires), appelée la forme bilinéaire canonique sur M ×M∗.

Remarques 2.2.a) Dans le cas particulier M = A, l’application

A −→ A∗

y �−→ y∗

171

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Chapitre VII. Dualité

où y∗ est définie par y∗(x) = xy, est un isomorphisme de A-modules et la formebilinéaire canonique 〈x, y∗〉 sur A×A∗ s’identifie, par cet isomorphisme, au pro-duit xy∗.

b) Si u : M −→ N est un morphisme de A-modules, alors tu est défini par

∀x ∈M, ∀ y∗ ∈ N∗, 〈u(x), y∗〉 = 〈x, tu(y∗)〉.

Theoreme 2.3. SiM ′ u−→M

v−→M ′′ −→ 0

est une suite exacte de A-modules, la suite

0 −→M ′′∗ tv−→M∗ tu−→M ′∗

est exacte.

Démonstration. C’est un cas particulier du théorème 1.3. ♦

Theoreme 2.4. Soient (Mi)i∈I des A-modules, M =⊕

i∈I Mi et αi : Mi −→ M ,i ∈ I, les injections canoniques. Alors l’application y∗ �−→ (tαi(y∗))i∈I est unisomorphisme de A-modules entre M∗ et

∏i∈I M

∗i .

Démonstration. C’est un cas particulier de l’isomorphisme établi au TR.IV.A. ♦

Corollaire 2.5. Si M est un A-module libre de rang fini, M∗ est un A-module librede même rang.

Démonstration. On applique le théorème 2.4 avec Mi = A, auquel casM∗

i = A. ♦

Attention. On en déduit que, dans ce cas, M∗ est isomorphe à M . Mais cet iso-morphisme n’est pas canonique (il dépend du choix d’une base de M , par l’in-termédiaire du choix d’un isomorphisme M � An).

De plus, le résultat précédent n’est pas vrai, en général, si M n’est pas libre derang fini (prendre A = Z et M = Z/nZ) (cf. exercice E5 ci-dessous).

Theoreme 2.6. Soient M un A-module libre de rang fini et (e1, . . . , en) une basede M . Alors les éléments e∗i de M∗, 1 � i � n, définis par e∗i (ej) = δij, avecδij = 1 si i = j et δij = 0 si i �= j, forment une base de M∗, appelée la base dualede la base (ei)1�i�n.

172

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2. Dualité

Démonstration. Pour tout x = x1e1 + · · ·+ xnen élément de M , on a

e∗i (x) = x1e∗i (e1) + · · ·+ xie

∗i (ei) + · · ·+ xne

∗i (en).

D’après la définition de e∗i , cette somme est égale à xi. Pour tout f ∈M∗, on a

f(x) = x1f(e1) + · · ·+ xif(ei) + · · ·+ xnf(en),

d’où, en posant f(ei) = ai ∈ A,

f(x) = a1e∗1(x) + · · · + aie

∗i (x) + · · · + ane

∗n(x).

Cette égalité étant vérifiée pour tout x ∈ M , on a donc f = a1e∗1 + · · · + ane

∗n ;

cela prouve que la famille (e∗i )1�i�n est génératrice de M∗.Considérons une combinaison linéaire à coefficients dans A,

b1e∗1 + · · ·+ bie

∗i + · · ·+ bne

∗n = 0.

En évaluant cette forme linéaire sur ei, on tire bi = 0. Cela étant vrai pour touti, 1 � i � n, on en déduit que la famille (e∗i )1�i�n est libre. ♦Remarque 2.7. En utilisant la forme bilinéaire canonique, la base duale (e∗i ) de labase (ei) est définie par 〈ei, e∗i 〉 = δij .

Si M est un A-module, on note M∗∗ le dual du A-module M∗ et on l’appellele bidual de M . Pour x ∈M , l’application

M∗ −→ A

y∗ �−→ 〈x, y∗〉est une forme linéaire sur M∗ et donc un élément de M∗∗, que l’on notera x. Onen déduit une application

cM : M −→M∗∗

x �−→ x

qui est A-linéaire et canonique.

Attention. Cette application n’est, en général, ni injective, ni surjective (cf. exer-cice E5 ci-dessous).

Exercice E5.1. Donner un exemple de groupe abélien de type fini M tel que cM ne soit pas

injective.2. Montrer que si E est un espace vectoriel de dimension infinie, cM n’est pas

surjective.

173

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Chapitre VII. Dualité

Theoreme 2.8. Si le A-module M est libre (resp. libre de rang fini), l’applicationcanonique cM : M −→M∗∗ est injective (resp. bijective).

Démonstration. Soient (ei)i∈I une base du A-module M et (e∗i )i∈I sa base duale.On a vu ci-dessus que pour tout x ∈ M , e∗i (x) = xi est la i-ième coordonnée dex dans la base (ei)i∈I . Soit x ∈M tel que x = 0. On a donc y∗(x) = 0 pour touty∗ ∈M∗, donc en particulier pour y∗ = e∗i , i ∈ I. On en déduit que xi = 0, i ∈ I,d’où x = 0 et cM est injective.

Supposons que card(I) = n est fini. Puisque 〈e∗i , ej〉 = e∗i (ej) = δij , la famille(ej)1�j�n est la base duale de la base (e∗i )1�i�n. L’application cM transforme doncune base de M en une base de M∗∗, elle est bijective. ♦

Remarques 2.9.a) L’application cM étant canonique, on déduit de ce qui précède que si M est

un A-module libre de rang fini, les A-modules M et M∗∗ sont canoniquementisomorphes.

b) Si M est un A-module libre de rang fini et si (ei)1�i�n est une base de M ,alors (cM (ei))1�i�n est la base duale de (e∗i )1�i�n.

c) Si M est un A-module libre de rang fini, toute base de M∗ est la base dualed’une base de M (il suffit de remarquer que, si (fi)1�i�n est une base de M∗, sabase duale (f∗i )1�i�n est une base de M∗∗ et d’identifier M∗∗ à M par cM ).

Proposition 2.10. Soient M et N deux A-modules libres de rang fini et u : M−→Nun morphisme de A-modules. Alors, en identifiant M à M∗∗ par cM et N à N∗∗

par cN , on a t(tu) = u.

Démonstration. Il est clair que si u∈HomA(M,N), alors t(tu)∈HomA(M∗∗, N∗∗).D’autre part, on vérifie facilement que le diagramme

Mu−−−−→ N

cM

⏐⏐� ⏐⏐�cN

M∗∗ −−−−→t(tu)

N∗∗

est commutatif, d’où l’identification de u et t(tu) par cM et cN . ♦

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3. Orthogonalité

3. Orthogonalité

Definitions 3.1. Soient M un A-module et M∗ son dual.a) Deux éléments x ∈M et y∗ ∈M∗ sont dits orthogonaux si 〈x, y∗〉 = 0.b) Une partie N de M et une partie N ′ de M∗ sont des ensembles or-

thogonaux si tout élément de N est orthogonal à tout élément de N ′.c) Soit N une partie de M . On note N⊥ l’ensemble des éléments de M∗

qui sont orthogonaux aux éléments de N , i.e. N⊥ = {y∗ ∈ M∗,Ker y∗ ⊃ N},et on l’appelle l’orthogonal de N .

Remarque 3.2. Si N est une partie d’un A-module M , alors pour tout y∗, toutz∗ ∈ N⊥ et tout λ ∈ A, on a y∗ + z∗ ∈ N⊥ et λ y∗ ∈ N⊥, autrement dit N⊥ estun sous-A-module de M∗.

Proposition 3.3.(i) Si N ⊂ P sont deux parties d’un A-module M , alors P⊥ ⊂ N⊥.(ii) Si (Ni)i∈I est une famille de parties d’un A-module M , alors(⋃

i∈I

Ni

)⊥=⋂i∈I

N⊥i ,

et ce sous-module de M∗ est aussi l’orthogonal du sous-module de M engendrépar⋃

i∈I Ni.

Démonstration. C’est une vérification facile laissée au lecteur à titre d’exercice.♦

Proposition 3.4. Soit u : M −→M ′ un morphisme de A-modules.

(i) Si N est un sous-A-module de M , alors(u(N)

)⊥ = (tu)−1(N⊥).(ii) (u(M))⊥ = Ker(tu).

Démonstration.(i) Le morphisme tu est défini par

∀x ∈M, ∀ y∗ ∈M ′∗, 〈u(x), y∗〉 = 〈x, tu(y∗)〉.

Or,(u(N))⊥ = {y∗ ∈M ′∗ | 〈u(x), y∗〉 = 0, x ∈ N},

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Chapitre VII. Dualité

d’où,(u(N))⊥ = {y∗ ∈M ′∗ | 〈x, tu(y∗)〉 = 0, x ∈ N}.

Autrement dit, y∗ appartient à (u(N))⊥ si et seulement si tu(y∗) appartient àN⊥. D’où (u(N))⊥ = (tu)−1(N⊥).

(ii) On en déduit que

(u(M))⊥ = (tu)−1(M⊥) = (tu)−1(0) = Ker(tu). ♦Proposition 3.5. Soient M un A-module, N un sous-A-module de M , i : N ↪→Ml’injection canonique et π : M −→M/N la projection canonique. Alors

(i) tπ est un isomorphisme de (M/N)∗ sur N⊥,(ii) ti induit un morphisme injectif M∗/N⊥ −→ N∗.

Démonstration. (i) La suite

0 −→ Ni−→M

π−→M/N −→ 0

est exacte. On déduit du théorème 1.3 que la suite

0 −→ (M/N)∗tπ−→M∗ ti−→N∗

est exacte. On en déduit que (M/N)∗ est isomorphe à Im(tπ) = Ker(ti). Or,Ker(ti) = N⊥.

(ii) Par passage au quotient, le morphisme ti : M∗ −→ N∗ induit un mor-phisme injectif M∗/Ker(ti) −→ N∗, i.e. M∗/N⊥ −→ N∗. ♦Remarque 3.6. D’après la définition de l’orthogonal d’une partie, on peut dé-finir l’orthogonal de l’orthogonal. Pour toute partie N d’un A module M , on aN⊥⊥ ⊂M . Dans cette situation, on peut rencontrer les mêmes problèmes qu’avecle bidual.

Exercice E6. Soient K un corps, I un ensemble infini et A = KI . Montrer que leA-module A est tel que A⊥⊥ �= A.

Exercice E7 (¶). Soient A un anneau principal, K son corps des fractions, M unA-module sans torsion et de type fini (il est donc libre de rang fini n) et N unsous-A-module de M .

a) Montrer que le A-module M∗/N⊥ est sans torsion. En déduire que N⊥ esten facteur direct dans M∗.

b) Montrer que le sous-A-module N⊥⊥ est isomorphe à M ∩ KN (M estconsidéré comme plongé dans un K-espace vectoriel de dimension n).

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THÈMES DE RÉFLEXION

♠ TR.VII.A. Modules injectifs – Modules projectifs

Les modules projectifs que nous allons introduire et étudier ci-dessous jouentun rôle fondamental dans beaucoup de domaines des mathématiques. En effet, ilsconstituent une classe de modules plus large que celle des modules libres, dont lespropriétés suffisent à résoudre de nombreux problèmes.

Nous allons d’abord introduire et étudier une notion duale, celle de moduleinjectif.

Nous avons vu, dans l’exercice E1, des exemples de A-modules M,M ′, N etde morphismes u : M ′ −→M injectifs tels que les morphismes

u : HomA(M,N) −→ HomA(M ′, N)

associés ne soient pas surjectifs. Nous allons maintenant étudier une classe deA-modules pour lesquels cela ne se produit pas.

Un A-module N est injectif si pour toute suite exacte de A-modules

M ′ u−→Mv−→M ′′,

la suite de A-modules

HomA(M ′′, N) v−→HomA(M,N) u−→HomA(M ′, N)

est exacte.1. Montrer qu’un A-module N est injectif si et seulement si, pour tout morphismeinjectif de A-modules u : M ′ −→M , le morphisme

u : HomA(M,N) −→ HomA(M ′, N)

est surjectif.

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Algèbre T2

2. En déduire qu’un A-module N est injectif si et seulement si, pour tout mor-phisme injectif de A-modules u : M ′ −→ M et tout morphisme de A-modulesf : M ′ −→ N , il existe un morphisme de A-modules g : M −→ N tel quef = g ◦ u.3. Montrer qu’un A-module N est injectif si et seulement si la propriété de laquestion précédente est satisfaite lorsque M = A, M ′ est un idéal de A et u estl’injection canonique. (Pour montrer que la condition est suffisante, on considèreun morphisme injectif de A-modules u : M ′ −→M et un morphisme de A-modulesf : M ′ −→ N . Soit F l’ensemble des couples (P, v), où P est un sous-A-modulede M contenant u(M ′) et v : P −→ N un morphisme de A-modules tel quef = v ◦ u. En munissant F d’une relation d’ordre adéquate et en appliquant lelemme de Zorn, montrer que F admet un élément maximal (Q, g), avec Q = M).

Un A-module N est divisible si

∀ a ∈ A, a �= 0, ∀x ∈ N, ∃ y ∈ N |x = ay.

4. Supposons que l’anneau A est intègre. Montrer que :

a) tout A-module injectif est divisible,

b) tout A-module sans torsion et divisible est injectif,

c) si l’anneau A est principal, tout A-module divisible est injectif.

5. Montrer que les Z-modules Q et Q/Z sont injectifs. Plus généralement, montrerque si A est un anneau principal et K est son corps des fractions, le A-moduleK/A est injectif.

6. Montrer que si (Ni)i∈I est une famille de A-modules, le A-module∏

i∈I Ni estinjectif si et seulement si chaque Ni est injectif.

7. Montrer que si l’anneau A est nœthérien (cf. TR.II.C), toute somme directede A-modules injectifs est un A-module injectif.

Nous étudierons au TR suivant des propriétés très importantes des modulesinjectifs. En particulier, nous montrerons que tout A-module se plonge dans unA-module injectif, « minimal » dans un certain sens.

Nous avons jusqu’à maintenant étudié le comportement de HomA(−, N) parrapport aux suites exactes. Nous allons désormais étudier le même problème pourHomA(N,−).

8. Soient A un anneau, u : M ′ −→ M et v : M −→ M ′′ des morphismes deA-modules. Montrer que la suite

0 −→M ′ u−→Mv−→M ′′

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♠ TR.VII.A. Modules injectifs – Modules projectifs

est exacte si et seulement si, pour tout A-module N , la suite

0 −→ HomA(N,M ′)u−→HomA(N,M)

v−→HomA(N,M ′′)

est exacte (faire un raisonnement analogue à celui du théorème 1.3).9. Donner des exemples dans lesquels le morphisme v est surjectif et le morphismev ne l’est pas (analogue de l’exercice E1).

Un A-module N est projectif si pour toute suite exacte de A-modules

M ′ u−→Mv−→M ′′

la suite de A-modules

HomA(N,M ′)u−→HomA(N,M)

v−→HomA(N,M ′′)

est exacte.10. Montrer qu’un A-module N est projectif si et seulement si pour tout mor-phisme surjectif de A-modules v : M −→M ′′, le morphisme

v : HomA(N,M) −→ HomA(N,M ′′)

est surjectif.11. En déduire qu’un A-module N est projectif si et seulement si, pour tout mor-phisme surjectif de A-modules v : M −→ M ′′ et tout morphisme de A-modulesf : N −→M ′′, il existe un morphisme de A-modules g : N −→M tel que f = v◦g.12. Montrer que si (Ni)i∈I est une famille de A-modules, le A-module

⊕i∈I Ni

est projectif si et seulement si chaque Ni est projectif.13. En déduire qu’un A-module libre est projectif.

On en déduit donc que tout A-module est isomorphe à un quotient d’unA-module projectif.14. Montrer qu’un A-module N est projectif si et seulement s’il est facteur directd’un A-module libre.15. Montrer qu’un A-module N est projectif si et seulement si toute suite exactede A-modules

0 −→M ′ −→M −→ N −→ 0

est scindée.16. Soit A un anneau intègre. Montrer que tout A-module projectif est sans tor-sion. Montrer que la réciproque est fausse (considérer A = Z et M = Q).

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Algèbre T2

♠ TR.VII.B. Enveloppe injective

Dans ce TR, A est un anneau commutatif et, sauf mention explicite, tous lesmodules considérés seront des A-modules.

Nous allons tout d’abord établir le résultat suivant.

Theoreme. Pour tout module M , il existe un module injectif I contenant M .

1. Prouver le théorème dans le cas où A = Z.2. Soit J un Z-module injectif : montrer que le A-module HomZ(A, J) est injectif.3. Soient M un module et l’application j : M −→ HomZ(A,M) définie parj(x)(a) = ax, pour tout a ∈ A et tout x ∈ M . Montrer que l’application j estA-linéaire et injective.4. En déduire le théorème. (D’après la question 1, il existe un Z-module injectifJ tel que M ⊂ J . En déduire l’existence d’un morphisme injectif

HomZ(A,M) −→ HomZ(A, J)

et conclure à l’aide des questions 2 et 3.)Nous allons maintenant montrer que le module I, dont le théorème ci-dessus

affirme l’existence, peut être choisi « minimal » en un certain sens.Soit j : M −→ N un morphisme injectif de modules. On dit que j est essentiel

si, pour tout sous-module H de N , la propriété H �= 0 implique H⋂j(M) �= 0. Si

M est identifié (via j) à un sous-module de N , on dit que N est une extensionessentielle de M .5. On suppose que A = Z. Montrer que Q est une extension essentielle de Z.6. Montrer que si N = M ⊕ P avec P �= 0, alors N ne peut être une extensionessentielle de M .7. Montrer que la propriété d’être une extension essentielle est transitive.8. Montrer que N est une extension essentielle de M si et seulement si, pour toutn ∈ N \ {0}, il existe a ∈ A tel que an ∈M \ {0} (pour montrer que la conditionest nécesssaire, on considérera le sous-module H engendré par l’élément b).On suppose que M est un sous-module d’un module P et on note E(M,P ) l’en-semble des extensions essentielles de M contenues dans P .9. Montrer que l’ensemble E(M,P ) est non vide.Soient J un ensemble totalement ordonné, dont on notera � la relation d’ordre,et {Ej}j∈J une partie de E(M,P ) telle que Ei ⊂ Ej si i � j.

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♠ TR.VII.B. Enveloppe injective

10. Montrer que E =⋃

j∈J Ej est un module contenu dans P et que E ∈ E(M,P ).Vérifier que E = Σj∈JEj .11. En déduire qu’il existe une extension essentielle maximale E de M contenuedans P (utiliser le lemme de Zorn).

On se propose de démontrer le résultat suivant.

Proposition. Si M est un sous-module d’un module injectif I et si E est uneextension essentielle maximale de M contenue dans I, alors E est un moduleinjectif.

12. Montrons d’abord que toute extension essentielle de E est isomorphe à E.Pour cela :

a) soit η : E −→ F une extension essentielle de E. Montrer qu’il existe unmorphisme injectif ϕ : F −→ I,

b) montrer que ϕ(F ) est une extension essentielle de M contenue dans I,c) en déduire que η est un isomorphisme.

13. Soit E ′(E, I) l’ensemble des sous-modules H de I tels que H⋂E = 0.

a) Montrer que E ′(E, I) est non vide.b) Montrer que E ′(E, I) possède un élément maximal H ′.

14. Soit π : I −→ I/H ′ la projection canonique. Montrer que

σ = π|E : E −→ I/H ′

est un morphisme injectif.15. Soit H un module tel que H ′ ⊂ H ⊂ I et H ′ �= H. Montrer que H

⋂E �= 0

et, par suite, (H/H ′)⋂σ(E) �= 0. En déduire que σ est essentiel.

16. Déduire de ce qui précède que E est isomorphe (via σ) à I/H ′ et que la suiteexacte

0 −→ H ′ −→ I −→ E −→ 0,

où le morphisme I −→ E est σ−1 ◦ π, est scindée.17. En déduire que le module E est injectif (un facteur direct d’un module injectifest un module injectif !).

Cela prouve la proposition énoncée.18. Montrer que si E1 et E2 sont deux extensions maximales de M respectivementcontenues dans I1 et I2, alors les modules E1 et E2 sont isomorphes et tout moduleinjectif I contenant M contient un sous-module isomorphe à E1.

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Algèbre T2

D’après le théorème et la proposition ci-dessus et la question 11, pour toutmodule M , il existe une extension maximale qui est un module injectif. D’aprèsla question 18, cette extension maximale est unique à isomorphisme près et, parconséquent, ne dépend que de M et pas du module injectif I. D’où la définition :on appelle enveloppe injective d’un module M , que l’on note E(M), l’extensionmaximale injective de M .19. Calculer les enveloppes injectives de Z, Z/pZ pour p nombre premier, et dek[T ] où k est un corps.20. Montrer qu’un module est injectif si et seulement si il n’a pas d’autre extensionessentielle que lui-même.

♠ TR.VII.C. Une autre dualité

Une théorie de dualité sur les modules a de bonnes propriétés quand on a unisomorphisme canonique entre un module et son bidual. On a vu que, dans lathéorie de dualité « linéaire » étudiée dans ce chapitre, ce n’est le cas que lorsqueles modules sont libres de rang fini. Nous allons introduire ici une autre théorie dedualité sur les modules, qui aura la propriété d’isomorphisme canonique entre unmodule et son bidual pour une classe de modules beaucoup plus large que celledes modules libres de rang fini.

Pour cela, nous allons d’abord introduire cette classe de modules : les modulesde longueur finie.

Soient A un anneau et M un A-module.Une suite de composition de M est une suite finie de sous-A-modules Mi

de M , 0 � i � n, telle que

{0} = Mn ⊂Mn−1 ⊂ · · · ⊂Mi+1 ⊂Mi ⊂ · · · ⊂M1 ⊂M0 = M.

Les modules quotients Mi/Mi+1 sont appelés les quotients de la suite de com-position et n est sa longueur (n est le nombre de quotients).

Si pour tout i, 0 � i � n − 1, on a Mi �= Mi+1, on dit que la suite decomposition est strictement décroissante.

Soient Σ et Σ′ deux suites de composition d’un A-module M :

(Σ) {0} = Mn ⊂Mn−1 ⊂ · · · ⊂M1 ⊂M0 = M

(Σ′) {0} = Kp ⊂ Kp−1 ⊂ · · · ⊂ K1 ⊂ K0 = M.

On dit que Σ′ est un raffinement de Σ si p � n et pour tout i, 0 � i � n, il existeji, 0 � ji � p, tel que Mi = Kji (autrement dit, la suite Σ est extraite de Σ′).

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♠ TR.VII.C. Une autre dualité

On écrit alors Σ ⊆ Σ′. S’il existe j, 0 � j � p, tel que pour tout i, 0 � i � n,Kj �= Mi, on dit que Σ′ est un raffinement propre de Σ. On écrit alors Σ ⊂ Σ′.

On dit que les suites de composition Σ et Σ′ sont équivalentes si n = p et s’ilexiste une permutation σ ∈ Sn telle que, pour tout i, 0 � i � n − 1, les modulesMi/Mi+1 et Kσ(i)/Kσ(i)+1 soient isomorphes. On écrit alors Σ ∼ Σ′.1. Soient Σ1 et Σ2 deux suites de composition d’un A-module M . Montrer qu’ilexiste deux suites de composition Σ′

1 et Σ′2 telles que

Σ1 ⊆ Σ′1, Σ2 ⊆ Σ′

2, Σ′1 ∼ Σ′

2

(indication : si on a Σ1 : {0} = Mn ⊂ Mn−1 ⊂ · · · ⊂ M1 ⊂ M0 = M etΣ2 : {0} = Kp ⊂ Kp−1 ⊂ · · · ⊂ K1 ⊂ K0 = M , on peut obtenir Σ′

1 en intercalantentre Mi et Mi−1, 1 � i � n, les sous-modules Mi,j = Mi+(Mi−1∩Kj), 1 � j � p,et Σ′

2 de manière analogue).

Une suite de composition strictement décroissante Σ d’un A-module M estune suite de Jordan-Hölder s’il n’existe aucune suite de composition strictementdécroissante de M qui soit un raffinement propre de Σ.2. Montrer qu’une suite de composition est une suite de Jordan-Hölder si et seule-ment si tous les quotients de la suite sont des A-modules simples (rappelons qu’unA-module est simple s’il n’admet aucun sous-A-module propre).

3. Montrer que si Σ et Σ′ sont deux suites de composition équivalentes, si Σ estune suite de Jordan-Hölder, il en est de même de Σ′.

4. Montrer que si un groupe abélien admet une suite de Jordan-Hölder, il est fini.

5. Soit M un A-module admettant une suite de Jordan-Hölder. Montrer que :

(i) toute suite de composition strictement décroissante de M admet un raffi-nement qui est une suite de Jordan-Hölder,

(ii) deux suites de Jordan-Hölder quelconques de M sont équivalentes.Cette dernière propriété rend consistante la définition suivante. Un A-module

M est de longueur finie s’il possède une suite de Jordan-Hölder. La longueurd’une telle suite est appelée longueur de M et notée long(M).

6. Soient M un A module et N un sous-A-module de M . Montrer que M est delongueur finie si et seulement si N et M/N sont de longueur finie et que, dans cecas,

long(M) = long(N) + long(M/N).

7. Soient M un A-module de longueur finie et N un sous-A-module de M . Montrerque N = M si et seulement si long(N) = long(M).

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Algèbre T2

On considère maintenant un anneau principal A, qui n’est pas un corps, et Kson corps de fractions.

Pour tout A-module M , on pose

D(M) = HomA(M,K/A).

On rappelle que la structure de A-module de D(M) est donnée par

∀a ∈ A, ∀u ∈ D(M), ∀x ∈M, (au)(x) = u(ax).

Comme dans le cas de la dualité linéaire, il existe une application A-bilinéairecanonique M ×D(M) −→ K/A définie par (x, x′) �→ 〈x, x′〉 = x′(x).8. En déduire l’existence d’une application A-linéaire canonique

cM : M −→ D(D(M))

telle que 〈x′, cM (x)〉 = 〈x, x′〉, avec x ∈M et x′ ∈ D(M).9. Montrer que si M est un A-module de longueur finie, les A-modules M etD(M) sont isomorphes (non canoniquement) et que cM est un isomorphisme (onmontrera d’abord qu’il suffit de se ramener au cas où le A-module M est de laforme A/aA, avec a �= 0, et on démontrera le résultat dans ce cas).10. Montrer que si

0 −→M ′ −→M −→M ′′ −→ 0

est une suite exacte de A-modules de longueur finie, la suite

0 −→ D(M ′′) −→ D(M) −→ D(M ′) −→ 0

associée est exacte.On peut définir, de façon analogue au cas de la dualité linéaire, une notion

d’orthogonalité.11. Montrer que les résultats de la proposition (3.5) sont encore valables dans cecadre.

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Deuxième partie

Algèbre multilinéaire

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VIIIPRODUIT TENSORIEL

ALGÈBRE TENSORIELLEALGÈBRE SYMÉTRIQUE

Dans tout ce chapitre, A désignera un anneau commutatif.

1. Applications bilinéaires

Definition 1.1. Soient M , N et P des A-modules. Une applicationf : M × N −→ P est A-bilinéaire si pour tous x, x1, x2 dans M , pour tousy, y1, y2 dans N et tout a dans A, on a

f(x1 + x2, y) = f(x1, y) + f(x2, y)

f(x, y1 + y2) = f(x, y1) + f(x, y2)

f(ax, y) = af(x, y) = f(x, ay).

Notation. L’ensemble des applications A-bilinéaires de M × N dans P est notéHomA(M,N ;P ). Dans toute la suite, pour x fixé dans M , on notera fx l’applica-tion N −→ P définie par

∀ y ∈ N, fx(y) = f(x, y)

et pour tout y fixé dans N , on notera fy l’application M −→ P définie par

∀x ∈M, fy(x) = f(x, y).

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Chapitre VIII. Produit tensoriel – Algèbre tensorielle – Algèbre symétrique

Avec ces notations, l’application f est A-bilinéaire si et seulement si, pour toutx ∈M et tout y ∈ N , les applications fx et fy sont A-linéaires.

On définit sur l’ensemble HomA(M,N ;P ) une addition et une multiplicationpar les scalaires de la manière suivante : pour tous f, f1, f2 dans HomA(M,N ;P ),pour tout a dans A et pour tout (x, y) dans M ×N , on pose

(f1 + f2)(x, y) = f1(x, y) + f2(x, y)

(af)(x, y) = af(x, y).

Proposition 1.2. Muni de ces deux opérations, HomA(M,N ;P ) est un A-module.♦

Proposition 1.3. Soient M , N et P des A-modules, l’application

ΦM,N,P : HomA(M,N ;P ) −→ HomA(M,HomA(N,P ))

définie par

∀ f ∈ HomA(M,N ;P ), ∀x ∈M, ΦM,N,P (f)(x) = fx

est un isomorphisme de A-modules.

Démonstration. La linéarité de l’application ΦM,N,P est évidente. Pour toutx ∈M , pour tout y ∈ N et pour tout θ ∈ HomA(M,HomA(N,P )), on posef(x, y) = θ(x)(y). On vérifie facilement que f est une application bilinéaire deM ×N dans P , que l’application

ΨM,N,P : HomA(M,HomA(N,P )) −→ HomA(M,N ;P )

définie par∀ θ ∈ HomA(M,HomA(N,P )), ΨM,N,P (θ) = f

est A-linéaire et que

ΨM,N,P ◦ΦM,N,P = IdHomA(M,N ;P ), ΦM,N,P ◦ΨM,N,P = IdHomA(M,HomA(N,P )).

Cela prouve que ΦM,N,P et ΨM,N,P sont des isomorphismes réciproques l’un del’autre. ♦

Exercice E1. Soient M ′ un A-module et u ∈ HomA(M,M ′). On considère l’appli-cation

HomA(u,N ;P ) : HomA(M ′, N ;P ) −→ HomA(M,N ;P )

188

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2. Produit tensoriel

définie par HomA(u,N ;P )(f ′) = f , avec f définie par f(x, y) = f ′(u(x), y). Onrappelle que l’on a une application A-linéaire

u : HomA(M ′,HomA(N,P )) −→ HomA(M,HomA(N,P ))

définie par u(ϕ′) = ϕ′ ◦ u (cf. remarque VII.1.2).Montrer que l’application HomA(u,N ;P ) est A-linéaire et que le diagramme

suivant est commutatif :

HomA(M ′, N ;P )ΦM′,N,P−−−−−→ HomA(M ′,HomA(N,P ))

HomA(u,N ;P )

⏐⏐� ⏐⏐�u

HomA(M,N ;P ) −−−−−→ΦM,N,P

HomA(M,HomA(N,P ))

Montrer que l’on obtient des carrés commutatifs analogues si l’on considère desapplications linéaires v ∈ HomA(N,N ′) et w ∈ HomA(P,P ′).

Ces commutativités expriment que le morphisme ΦM,N,P est fonctoriel.

2. Produit tensoriel

Soient M,N,P des A-modules et le module libre L = A(M×N). On note(e(x,y)), avec (x, y) ∈ M × N , une base de L et i l’application de M × N dansL qui à (x, y) ∈M ×N associe e(x,y). D’après la propriété universelle de modulelibre (théorème IV.7.3), une application f : M ×N −→ P induit une applicationA-linéaire f : L −→ P telle que f = f ◦ i. L’application f est A-bilinéaire si etseulement si l’application f s’annule sur le sous-module Q de L engendré par leséléments

e(x1+x2,y) − e(x1,y) − e(x2,y)

e(x,y1+y2) − e(x,y1) − e(x,y2)

e(ax,y) − ae(x,y)

e(x,ay) − ae(x,y)

où x, x1, x2 parcourent M , y, y1, y2 parcourent N et a parcourt A. Autrementdit, l’application f est A-bilinéaire si et seulement si il existe une applicationA-linéaire f : L/Q −→ P telle que f = f ◦ q, où q : L −→ L/Q est la projectioncanonique. On pose αM,N = q ◦ i.

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Chapitre VIII. Produit tensoriel – Algèbre tensorielle – Algèbre symétrique

Definition 2.1. Le A-module L/Q est noté M ⊗A N et est appelé le produittensoriel des A-modules M et N .

Ce qui précède montre le résultat suivant.

Theoreme 2.2. Soient M , N et P des A-modules. Pour toute applicationA-bilinéaire f : M × N −→ P , il existe une application A-linéairef : M ⊗A N −→ P unique telle que f = f ◦ αM,N . ♦

Autrement dit :

Theoreme 2.3 (propriete universelle du produit tensoriel). Pour tous A-modulesM et N , le couple (M ⊗A N,αM,N ) est la solution du problème universel sui-vant :

il existe un A-module Γ(M,N) et une application A-bilinéairej : M × N −→ Γ(M,N) tels que, pour tout A-module P et toute applica-tion A-bilinéaire f : M × N −→ P , il existe une unique application A-linéairef : Γ(M,N) −→ P telle que f = f ◦ j. ♦Notation. Pour tout x ∈M et tout y ∈ N , on pose αM,N(x, y) = x⊗ y.

Donc x⊗ y est la classe dans M ⊗N = L/Q de l’élément e(x,y). Puisque toutélément de L s’écrit de manière unique

∑finie a(x,y)e(x,y), tout élément de M ⊗N

s’écrit de manière non unique∑

finie a(x,y)x⊗ y, avec a(x,y) ∈ A.Ce qui précède se résume en la proposition suivante.

Proposition 2.4. Le A-module M⊗AN est engendré par les éléments x⊗y, x ∈M ,y ∈ N , soumis aux relations suivantes :

(x1 + x2)⊗ y = x1 ⊗ y + x2 ⊗ y

x⊗ (y1 + y2) = x⊗ y1 + x⊗ y2

(ax)⊗ y = x⊗ (ay) = a(x⊗ y)

pour tous x, x1, x2 ∈M , y, y1, y2 ∈ N et a ∈ A. ♦On en déduit immédiatement les propriétés suivantes.

Proposition 2.5.(i) Si x = 0 ou y = 0, alors x⊗ y = 0.(ii) Les A-modules M ⊗A N et N ⊗A M sont isomorphes.(iii) Les A-modules A⊗A M , M ⊗A A et M sont isomorphes.

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2. Produit tensoriel

Démonstration. L’assertion (i) est une conséquence immédiate de l’une quelconquedes relations de la proposition 2.4. L’application A-linéaire x⊗ y �→ y ⊗ x est unisomorphisme, ce qui entraîne (ii). Les applications A-linéaires a ⊗ x �→ ax etx �→ 1⊗ x sont réciproques l’une de l’autre, d’où (iii). ♦Exemple 2.6. Soient A = Z, M = Z/mZ et N = Z/nZ, avec pgcd(m,n) = 1.Alors, pour tout x ∈M et tout y ∈ N , on a

m(x⊗ y) = mx⊗ y = 0

n(x⊗ y) = x⊗ ny = 0

donc l’ordre de l’élément x ⊗ y dans le groupe abélien Z/mZ ⊗Z Z/nZ divise met n. Par conséquent, tout élément de ce groupe est d’ordre 1, i.e. est nul. DoncZ/mZ⊗Z Z/nZ = 0.

Proposition 2.7. Pour tous A-modules M , N et P , on a les isomorphismes deA-modules suivants :

HomA(M,N ;P ) � HomA(M ⊗A N,P ) � HomA(M,HomA(N,P )).

Démonstration. C’est une conséquence immédiate de la proposition 1.3 et du théo-rème 2.2. ♦Proposition – Definition 2.8. Soient u : M −→ M ′ et v : N −→ N ′ deux applica-tions A-linéaires. Il existe une unique application A-linéaire

u⊗ v : M ⊗A N −→M ′ ⊗A N′

appelée produit tensoriel des applications u et v, définie par

(u⊗ v)(x⊗ y) = u(x)⊗ v(y),

telle que αM ′,N ′ ◦ (u, v) = (u⊗ v) ◦ αM,N .

Démonstration. L’application composée

αM ′,N ′ ◦ (u, v) : M ×N −→M ′ ×N ′ −→M ′ ⊗A N′

est A-bilinéaire. Elle se factorise donc de manière unique par M ⊗A N , i.e. ilexiste une unique application A-linéaire u⊗ v : M ⊗A N −→M ′ ⊗A N

′ telle quele diagramme

M ×N(u,v)−−−−→ M ′ ×N ′

αM,N

⏐⏐� ⏐⏐�αM′,N′

M ⊗A N −−−−→u⊗v

M ′ ⊗A N′

soit commutatif. ♦

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Chapitre VIII. Produit tensoriel – Algèbre tensorielle – Algèbre symétrique

Exercice E2. Montrer que, avec des notations évidentes,

(u⊗ v) ◦ (u′ ⊗ v′) = (u ◦ u′)⊗ (v ◦ v′).

Theoreme 2.9. La suite de A-modules

N ′ u−→Nv−→N ′′ −→ 0

est exacte si et seulement si, pour tout A-module M , la suite de A-modules

M ⊗A N′ IdM⊗u−→ M ⊗A N

IdM⊗v−→ M ⊗A N′′ −→ 0

est exacte.

Démonstration. SoientN ′ u−→N

v−→N ′′ −→ 0

une suite exacte et P un A-module. En appliquant deux fois le théorème VII.1.3,la suite

0 −→ HomA(N ′′, P ) −→ HomA(N,P ) −→ HomA(N ′, P )

est exacte, donc aussi la suite

0 −→ HomA(M,HomA(N ′′, P )) −→ HomA(M,HomA(N,P ))

−→ HomA(M,HomA(N ′, P )).

D’après la proposition 2.7, il en est de même de la suite

0 −→ HomA(M ⊗A N′′, P ) −→ HomA(M ⊗A N,P ) −→ HomA(M ⊗A N

′, P ).

Cela étant vrai pour tout A-module P , d’après le théorème VII.1.3, la suite

M ⊗A N′ IdM⊗u−→ M ⊗A N

IdM⊗v−→ M ⊗A N′′ −→ 0

est exacte.Le même raisonnement appliqué dans l’autre sens montre que, si cette dernière

suite est exacte pour tout A-module M , c’est en particulier le cas pour M = Aet la suite

N ′ u−→Nv−→N ′′ −→ 0

est exacte. ♦

Remarque 2.10. Ce qui précède montre que si v est un morphisme surjectif, pourtout A-module M , le morphisme IdM ⊗ v est aussi surjectif.

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3. Commutation du produit tensoriel aux sommes directes

Attention. Cette propriété est fausse pour l’injectivité, comme le montre l’exempleci-dessous (cf. aussi TR.VIII.A).

Exemple 2.11. Soient A = Z, M = Z/2Z et la suite exacte

0 −→ Zu−→Z

v−→Z/2Z −→ 0

où u est la multiplication par 2 et v est la projection canonique. D’après laproposition-définition 2.8, tout élément de Im(IdZ/2Z⊗u) est de la forme

∑x⊗y,

avec y ∈ Im(u), doncx⊗ y = x⊗ 2z = 2x⊗ z = 0

et Im(IdZ/2Z⊗u) = 0. Or, on vérifie facilement que les groupes abéliens Z/2Z⊗Z2Zet Z/2Z ⊗Z Z sont isomorphes par le morphisme x ⊗ 2 �→ x ⊗ 1. D’après laproposition 2.5, Z⊗Z Z/2Z � Z/2Z �= 0, donc Z/2Z⊗Z 2Z �= 0. On en déduit queIdZ/2Z ⊗ u n’est pas injective.

Corollaire 2.12. Soit a un idéal de A. Pour tout A-module M , le A-moduleA/aA ⊗A M est isomorphe au A-module M/aM .

Démonstration. La suite0 −→ a −→ A −→ A/a

est exacte. Par conséquent, pour tout A-module M , la suite

a⊗A M −→ A⊗A M −→ A/a⊗A M −→ 0

est exacte. Mais A⊗AM est isomorphe à M et le morphisme a⊗AM −→ A⊗AMs’identifie à a ⊗A M −→ M défini par a ⊗ m �→ am. D’autre part, de l’égalitéa⊗m = 1⊗ am, on déduit que l’image de a⊗A M dans M est isomorphe à aM .D’où la suite exacte

0 −→ aM −→M −→ A/a⊗M −→ 0

et A/a⊗M est isomorphe à M/aM . ♦

3. Commutation du produit tensoriel aux sommes directes

Theoreme 3.1. Soient I un ensemble d’indices, (Mi)i∈I une famille de A-moduleset N un A-module. On a un isomorphisme naturel de A-modules(⊕

i∈I

Mi

)⊗A N �

⊕i∈I

(Mi ⊗A N).

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Chapitre VIII. Produit tensoriel – Algèbre tensorielle – Algèbre symétrique

Démonstration. Tout élément de (⊕

i∈I Mi) × N s’écrit de manière unique(Σi∈Sxi, y), où S est un sous-ensemble fini de I. On considère l’application(⊕

i∈I

Mi

)×N −→

⊕i∈I

(Mi ⊗A N)

définie par (Σi∈Sxi, y) �→ Σi∈S(xi ⊗ y). On vérifie facilement que c’est une appli-cation A-bilinéaire, d’où une application A-linéaire(⊕

i∈I

Mi

)⊗A N −→

⊕i∈I

(Mi ⊗A N).

On définit de manière analogue une application A-linéaire

⊕i∈I

(Mi ⊗A N) −→(⊕

i∈I

Mi

)⊗N

qui est inverse de la précédente. ♦

Corollaire 3.2. Soient M un A-module et N un A-module libre de base {yi}i∈I .Tout élément de M ⊗AN s’écrit, de manière unique, Σi∈Ixi⊗yi, xi ∈M nul saufpour un nombre fini de i ∈ I.

Démonstration. La base {yi}i∈I permet de définir un isomorphisme de A-modules

N −→⊕i∈I

Ayi.

D’après le théorème précédent, on a un isomorphisme

M ⊗A N �⊕i∈I

(M ⊗A Ayi)

d’où le résultat. ♦

Corollaire 3.3. Si M et N sont des A-modules libres de bases respectives {xi}i∈I

et {yj}j∈J , le A-module M ⊗A N est libre de base {xi ⊗ yj}i∈I,j∈J .

Démonstration. Il est clair que {xi ⊗ yj}i∈I,j∈J est une famille généra-trice du A-module M ⊗A N . Si Σi,jai,j(xi ⊗ yj) = 0 (somme finie), alorsΣj(Σiai,jxi)⊗ yj = 0. D’après l’unicité de l’écriture démontrée au corollaire 3.2,cela implique Σiai,jxi = 0 pour tout j de J , d’où ai,j = 0 pour tout (i, j) ∈ I×J .La famille {xi ⊗ yj}i∈I,j∈J est donc libre. ♦

194

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3. Commutation du produit tensoriel aux sommes directes

Corollaire 3.4. Si M et N sont des A-modules libres de rangs respectifs m et n,alors le A-module M ⊗A N est libre de rang mn. ♦Exercice E3. Soient A un anneau commutatif, M et N deux A-modules.

1. On suppose que N est libre de base (ni)i∈I . Montrer que tout élément∑i∈I mi ⊗ ni de M ⊗A N (écriture unique) est nul si et seulement si tous les

mi, i ∈ I, sont nuls.2. On suppose N quelconque. Montrer que

∑i∈I mi⊗ni = 0 si et seulement si

il existe une famille (m′j)j∈J d’éléments de M et une famille finie (aij) d’éléments

de A telles que :∑j∈J

aijm′j = mi pour tout i et

∑i∈I

aijni = 0 pour tout j

(on pourra utiliser une présentation de N par un module libre).

Proposition 3.5. Soient M et N des A-modules libres de rang fini. Il existe unisomorphisme de A-modules

EndA(M)⊗A EndA(N) −→ EndA(M ⊗A N)

défini par f ⊗ g �→ f⊗g, où f⊗g est l’application A-linéaire produit tensoriel desapplications f et g.

Démonstration. Soient {vi}i∈I une base de M et {wj}j∈J une base de N (I et Jensembles finis), alors {vi⊗wj}(i,j)∈I×J est une base du A-module M ⊗AN . Pourtout (i, j) et (i′, j′) de I × J , il existe un unique fi,i′ ∈ EndA(M) et un uniquegj,j′ ∈ EndA(N) tels que

f(vi) = vi′ et f(vk) = 0 si k �= i

g(wj) = wj′ et g(wl) = 0 si l �= j.

Il est facile de vérifier que les familles {fi,i′}(i,i′)∈I×I et {gj,j′}(j,j′)∈J×J sont desbases respectives des A-modules EndA(M) et EndA(N). On a

(fi,i′⊗gj,j′)(vk ⊗ wl) = vi′ ⊗wj′ si (k, l) = (i, j)

(fi,i′⊗gj,j′)(vk ⊗ wl) = 0 sinon

donc {fi,i′⊗gj,j′}(i,i′)∈I×I,(j,j′)∈J×J est une base du A-module EndA(M ⊗A N).Puisque {fi,i′ ⊗ gj,j′}(i,i′)∈I×I,(j,j′)∈J×J est une base du A-moduleEndA(M)⊗A EndA(N), on a le résultat. ♦Remarque 3.6. D’après cet isomorphisme, on peut identifier f ⊗ g et f ⊗ g.

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Chapitre VIII. Produit tensoriel – Algèbre tensorielle – Algèbre symétrique

4. Associativité du produit tensoriel

Theoreme 4.1. Soient M , N et P des A-modules. Il existe un unique isomorphismede A-modules

M ⊗A (N ⊗A P ) −→ (M ⊗A N)⊗A P

défini par

∀ (x, y, z) ∈M ×N × P, x⊗ (y ⊗ z) �→ (x⊗ y)⊗ z.

Démonstration. L’unicité est évidente, puisque les éléments (x ⊗ y) ⊗ z (resp.x⊗ (y ⊗ z)) engendrent le A-module (M ⊗A N)⊗A P (resp. M ⊗A (N ⊗A P )).

Montrons l’existence. On vérifie aisément que, pour tout x dans M , l’applica-tion

fx : N × P −→ (M ⊗A N)⊗A P

définie par (y, z) �→ (x ⊗ y) ⊗ z est A-bilinéaire. On en déduit l’applicationA-linéaire

fx : N ⊗A P −→ (M ⊗A N)⊗A P

qui à y ⊗ z associe (x⊗ y)⊗ z. L’application

f : M × (N ⊗A P ) −→ (M ⊗A N)⊗A P

définie par (x, t) �→ fx(t) est A-bilinéaire, d’où l’application A-linéaire

f : M ⊗A (N ⊗A P ) −→ (M ⊗A N)⊗A P

définie par x⊗ (y ⊗ z) �→ (x⊗ y)⊗ z.En faisant le même raisonnement dans l’autre sens, on obtient une application

A-linéaireg : (M ⊗A N)⊗A P −→M ⊗A (N ⊗A P )

définie par (x⊗ y)⊗ z �→ x⊗ (y ⊗ z) et l’on vérifie que f et g sont inverses l’unede l’autre. ♦

Notation. Pour trois A-modules M,N et P , on note M ⊗A N ⊗A P l’un desmodules M ⊗A (N ⊗A P ) ou (M ⊗A N) ⊗A P . Plus généralement, on définit dela même manière M1 ⊗A · · · ⊗A Mn, pour tout entier n � 3.

Nous allons donner ici une version plus conceptuelle du produit tensoriel den � 3 modules, sous forme de solution d’un problème universel analogue authéorème 2.2.

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Applications multilinéaires

Applications multilinéaires

Definition 4.2. Soient M1, . . . ,Mn, P des A-modules. Une application n-multilinéaire définie sur M1, . . . ,Mn est une application M1×· · ·×Mn −→ Pqui est A-linéaire en chaque variable. Si M1 = · · · = Mn = M , on dit que fest une application n-multilinéaire définie sur M . Lorsque P = A, on parle deforme n-multilinéaire.

On note L = AM1×···×Mn le A-module libre engendré par M1× · · ·×Mn, donton notera {e(x1,...,xn)}, (x1, . . . , xn) parcourant M1× · · · ×Mn, une base. On noteQ le sous-A-module de L engendré par les éléments

e(x1,...,xi+x′i,...,xn) − e(x1,...,xi,...,xn) − e(x1,...,x′

i,...,xn)

e(x1,...,axi,...,xn) − ae(x1,...,xi,...,xn)

pour xi, x′i ∈ Mi, xj ∈ Mj , 1 � j �= i � n, i parcourant l’ensemble {1, . . . , n},

a ∈ A.On note αM1,...,Mn la composition

M1 × · · · ×Mn ↪→ L −→ L/Q

où les deux applications sont, respectivement, l’inclusion et la projection cano-niques. Il est clair, par construction, que ϕ est multilinéaire.

Definition 4.3. Le A-module L/Q est appelé produit tensoriel des A-modulesM1, . . . ,Mn et est noté M1 ⊗A · · · ⊗A Mn.

Pour des raisons analogues à celles mentionnées au début du paragraphe 2, ona le résultat suivant.

Theoreme 4.4. Soient M1, . . . ,Mn et P des A-modules. Pour toute applicationn-multilinéaire f : M1×· · ·×Mn −→ P , il existe une unique application A-linéairef : M1 ⊗A · · · ⊗Mn −→ P telle que f = f ◦ αM1,...,Mn. ♦

Le lecteur vérifiera que le A-module M1 ⊗A · · · ⊗Mn est canoniquement iso-morphe aux modules obtenus en utilisant l’associativité du produit tensoriel dedeux modules.

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Chapitre VIII. Produit tensoriel – Algèbre tensorielle – Algèbre symétrique

5. Changement d’anneau de base

Soient A et B deux anneaux commutatifs et ϕ : A −→ B un morphismed’anneaux.

5.1. Pour tout B-module M , on définit un A-module ϕ (M) de la manièresuivante : c’est le groupe abélien sous-jacent à M muni de l’opération externe deA définie par a.x = ϕ(a)x, pour a ∈ A et x ∈ M , où ϕ(a)x est défini par lastructure de B-module de M .

Pour tout morphisme de B-modules f : M −→ N , l’application

ϕ (f) : ϕ (M) −→ ϕ (N)

définie par x �→ f(x) est A-linéaire : en effet,

ϕ (f)(a.x) = f(ϕ(a)x) = ϕ(a)f(x) = a.f(x) = a.ϕ (f)(x).

On appelle ϕ ainsi définie la restriction des scalaires.

5.2. On considère le A-module ϕ (B) obtenu par restriction des scalaires.Pour tout A-module M , on munit le groupe abélien ϕ (B)⊗AM d’une structurede B-module par (avec les notations évidentes)

b.∑

i

bi ⊗mi =∑

i

bbi ⊗mi.

Le lecteur vérifiera que cette opération munit bien ϕ (B) ⊗A M d’une structurede B-module. On note ϕ (M) ce B-module.

Si f : M −→ N est un morphisme de A-modules, on pose ϕ (f) = Idϕ�(B)⊗f ;c’est un morphisme de B-modules (le vérifier).

On appelle ϕ ainsi définie l’extension des scalaires.

Theoreme 5.3. Pour tout A-module M et tout B-module N , les morphismes degroupes abéliens

Φ : HomB(ϕ (M), N) −→ HomA(M,ϕ (N))

Ψ : HomA(M,ϕ (N)) −→ HomB(ϕ (M), N),

définis respectivement par u �→ (x �→ u(1⊗x)) et f �→ f, où f est l’unique élémentde HomB(ϕ (M), N) vérifiant f(1⊗ x) = f(x), sont inverses l’un de l’autre.

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6. Produit tensoriel d’algèbres associatives

Démonstration. Soit u ∈ HomB(ϕ (M), N) : on définit une applicationΦ(u) : M −→ ϕ (N) définie par Φ(u)(x) = u(1 ⊗ x) est A-linéaire. En effet, elleest clairement additive et

Φ(u)(ax) = u(1⊗ax) = u(a.(1⊗x)) = u(ϕ(a)(1⊗x)) = ϕ(a)u(1⊗x) = a.Φ(u)(x).

Dans l’autre sens, soit f ∈ HomA(M,ϕ (N)), l’application ϕ (B)×M −→ Ndéfinie par (b, x) �→ bf(x) est A-bilinéaire. On en déduit une unique applicationA-linéaire

f : ϕ (B)⊗M = ϕ (M) −→ N

telle que f(1⊗ x) = f(x). Cette application est B-linéaire, car

f(b(b′ ⊗ x)) = f(bb′ ⊗ x) = bb′f(x) = b(b′f(x)) = bf(b′ ⊗ x).

On vérifie que les applications Φ et Ψ sont réciproques l’une de l’autre. ♦

6. Produit tensoriel d’algèbres associatives

Theoreme 6.1. Soient K un anneau commutatif et A et B deux K-algèbres as-sociatives. Il existe sur le K-module A ⊗K B une unique structure de K-algèbreassociative telle que

∀x, x′ ∈ A ∀ y, y′ ∈ B, (x⊗ y)(x′ ⊗ y′) = xx′ ⊗ yy′.

Démonstration. Les applications

A×A −→ A, B ×B −→ B,

(x, x′) �→ xx′, (y, y′) �→ yy′

sont K-bilinéaires, d’où des applications K-linéaires

u : A⊗K A −→ A, v : B ⊗K B −→ B

vérifiant u(x ⊗ x′) = xx′ et v(y ⊗ y′) = yy′. On en déduit donc une applicationK-linéaire

u⊗ v : (A⊗K A)⊗K (B ⊗K B) −→ A⊗K B

vérifiant (u⊗v)((x⊗x′)⊗(y⊗y′)) = xx′⊗yy′. D’autre part, on a un isomorphismede K-modules

(A⊗K B)⊗K (A⊗K B) −→ (A⊗K A)⊗K (B ⊗K B)

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Chapitre VIII. Produit tensoriel – Algèbre tensorielle – Algèbre symétrique

défini par (x⊗y)⊗ (x′⊗y′) �→ (x⊗x′)⊗ (y⊗y′). En composant cet isomorphismeavec u⊗ v, on obtient une application K-linéaire

(A⊗K B)⊗K (A⊗K B) −→ A⊗K B

vérifiant (x⊗y)⊗ (x′⊗y′) �→ xx′⊗yy′. Elle provient de l’application K-bilinéaire

(A⊗K B)× (A⊗K B) −→ A⊗K B

définie par (x ⊗ y) × (x′ ⊗ y′) �→ xx′ ⊗ yy′ qui munit A ⊗K B d’un produit. Onvérifie aisément, par linéarité, que ce produit munit le K-module A ⊗K B d’unestructure de K-algèbre. ♦

Si les K-algèbres associatives A et B sont unitaires, il en est de même deA⊗K B, l’unité étant 1A ⊗ 1B .

Exemple. Si A est un anneau commutatif, A[X]⊗AA[Y ] est isomorphe à A[X,Y ].

7. Produit tensoriel et dualité

Soient M et N deux A-modules et M = HomA(M,A) le dual de M . Onconsidère l’application

ψ : M ×N −→ HomA(M,N)

définie par (f, y) �→ (ψ(f, y) : x �→ f(x)y). Montrons que cette application estA-bilinéaire. Pour tout f, g ∈M , y, y′ ∈ N , λ ∈ A et pour tout x ∈M , on a

ψ(f+g, y)(x)=(f+g)(x)y=(f(x)+g(x))y=f(x)y+g(x)y=ψ(f, y)(x)+ψ(g, y)(x)

ψ(f, y + y′)(x) = f(x)(y + y′) = f(x)y + f(x)y′ = ψ(f, y)(x) + ψ(f, y′)(x)

ψ(λf, y)(x) = λf(x)y = λψ(f, y)(x)

ψ(f, λy)(x) = f(x)λy = λf(x)y = λψ(f, y)(x).

On en déduit donc une application A-linéaire

ϕ : M ⊗A N −→ HomA(M,N)

définie par (f ⊗ y) �→ (x �→ f(x)y).

Proposition 7.1. Si l’un des A-modules M ou N est libre de rang fini, alors l’ap-plication ϕ est un isomorphisme.

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7. Produit tensoriel et dualité

Démonstration. Supposons que M soit libre de type fini et notons {e1, . . . , en} unebase. On sait que le A-module M est libre et possède une base {ε1, . . . , εn} définiepar εi(ej) = δi,j, 1 � i, j � n. D’après le corollaire 3.2, on sait que tout élémentde M ⊗A N s’écrit de manière unique

∑ni=1 εi ⊗ yi. On a

ϕ

(n∑

i=1

εi ⊗ yi

)=

n∑i=1

ϕ(εi ⊗ yi)

et chaque ϕ(εi ⊗ yi), qui appartient à HomA(M,N), est entièrement déterminépar ses valeurs sur la base {e1, . . . , en}. On a

ϕ(εi ⊗ yi)(ej) = εi(ej)yi.

Ce dernier élément est égal à yj si i = j et 0 sinon. Par conséquent,(n∑

i=1

ϕ(εi ⊗ yi)

)(ej) = yj .

Montrons que ϕ est surjective. Soit u ∈ HomA(M,N) déterminé par les u(ej),1 � j � n. En posant u(ej) = uj , 1 � j � n, on a alors u = ϕ(

∑ni=1 εi ⊗ ui).

Montrons que ϕ est injective. On a ϕ(∑n

i=1 εi ⊗ yi) = 0 si et seulement si,pour tout j, 1 � j � n, ϕ(

∑ni=1 εi ⊗ yi)(ej) = 0, c’est-à-dire, si et seulement si,

pour tout j, 1 � j � n, yj = 0, donc si et seulement si∑n

i=1 εi ⊗ yi = 0.

Supposons que N soit libre de type fini et notons {e1, . . . , en} une base. Toutélément de M ⊗A N s’écrit de manière unique

∑ni=1 μi ⊗ ei.

Montrons que ϕ est injective. ϕ(∑n

i=1 μi⊗ei) = 0 si et seulement si, pour toutx ∈M ,

∑ni=1 μi(x)ei = 0, i.e. μi(x) = 0, 1 � i � n. Cela étant valable pour tout

x ∈M , on a μi = 0, 1 � i � n, d’où∑n

i=1 μi ⊗ ei = 0.Montrons que ϕ est surjective. Soit v ∈ HomA(M,N). On cherche

∑ni=1 μi⊗ei

tel que

∀x ∈M, v(x) = ϕ

(n∑

i=1

μi ⊗ ei

)(x) =

n∑i=1

μi(x)ei.

Cela signifie que le morphisme de A-modules ϕ(∑n

i=1 μi⊗ei) doit être tel que, pourtout x ∈ M , ϕ(

∑ni=1 μi ⊗ ei)(x) ait pour composantes dans la base {e1, . . . , en}

les valeurs μ1(x), . . . , μn(x). On considère donc les μi définies par : pour tout xdans M , μi(x) est la i-ième composante de v(x) dans la base {e1, . . . , en}. On abien alors, pour tout x de M , v(x) = ϕ(

∑ni=1 μi⊗ei)(x), i.e. v = ϕ(

∑ni=1 μi⊗ei).

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Chapitre VIII. Produit tensoriel – Algèbre tensorielle – Algèbre symétrique

Remarques 7.2.a) On sait que si M est un A-module libre de rang fini, les A-modules M et

M sont isomorphes non canoniquement, alors qu’ici ϕ est canonique (i.e. définiindépendamment du choix d’une base).

b) Les hypothèses sont nécessaires. En effet, considérons le cas A = Z,M = N = Z/2Z. On a M = 0, d’où M ⊗AN = 0, alors que HomZ(Z/2Z,Z/2Z)est non nul car il contient l’identité.

c) Si M est un A-module libre de rang fini, on a l’isomorphisme

M ⊗A M −→ EndA(M).

Nous allons donner, grâce à l’isomorphisme ϕ explicité ci-dessus, une expres-sion intrinsèque de la trace d’un endomorphisme.

Soit M un A-module libre de rang fini. L’application

M ×M −→ A

(f, x) �→ f(x)

est A-bilinéaire et induit une application A-linéaire

γ : M ⊗A M −→ A

vérifiant γ(f ⊗ x) = f(x). Puisque

ϕ : M ⊗A M −→ EndA(M)

est un isomorphisme de A-modules, pour tout endomorphisme u de M , on peutconsidérer l’élément γ(ϕ−1(u)) qui appartient à A.

Proposition 7.3. Avec les notations ci-dessus, pour tout A-module libre de rangfini M et tout endomorphisme u de M , la trace de u est égale à γ(ϕ−1(u)).

Démonstration. Soient {e1, . . . , en} une base de M et {ε1, . . . , εn} la base duale.D’après la démonstration de (7.1), on sait que u = ϕ(

∑ni=1 εi ⊗ u(ei)), d’où

γ ◦ ϕ−1(u) = γ(∑n

i=1 εi ⊗ u(ei)). D’après la définition de γ, on a doncγ ◦ ϕ−1(u) =

∑ni=1 εi(u(ei)). En posant u(ei) =

∑nj=1 λijej , on a

εi(u(ei)) =∑n

j=1 λijεi(ej) = λii. D’où γ ◦ ϕ−1(u) =∑n

i=1 λii qui est bien latrace de la matrice de u relativement à la base {e1, . . . , en}. ♦

Ce résultat donne une démonstration conceptuelle du fait que la trace d’unendomorphisme ne dépend pas de la base relativement à laquelle on le représentepar une matrice (cf. VI.2).

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8. Algèbre tensorielle

8. Algèbre tensorielle

Definition 8.1. Soit M un A-module. On appelle algèbre tensorielle de Mla donnée d’une A-algèbre associative unitaire T (M) et d’une applicationA-linéaire iM de M dans le A-module sous-jacent à T (M) satisfaisant la pro-priété suivante :

pour toute A-algèbre associative unitaire R et pour toute applicationA-linéaire f de M dans le A-module sous-jacent à R, il existe un unique mor-phisme de A-algèbres f de T (M) dans R tel que f = f ◦ iM .

S’il existe, le couple (T (M), iM ) est solution d’un problème universel, doncest unique à un unique isomorphisme près.

8.2. Existence du couple (T (M), iM )

On pose T 0(M) = A, T 1(M) = M et, pour tout n � 2, on définit T n(M)par T n(M) = M ⊗A · · · ⊗A M (n facteurs M), qu’on note M⊗n, puis on poseT (M) =

⊕n�0 T

n(M).

On munit T (M) d’une structure de A-algèbre de la façon suivante : pour toutp et q dans N, on définit une application A-bilinéaire

ϕp,q : T p(M)× T q(M) −→ T p+q(M)

par : pour tous a et b dans A, pour tout x dans T p(M), pour tout y dans T q(M),

ϕ0,0(a, b) = ab, ϕ0,q(a, y) = ay, ϕp,0(x, a) = ax,

et pour tout xi, 1 � i � p, yj, 1 � j � q, dans M ,

ϕp,q(x1 ⊗ · · · ⊗ xi ⊗ · · · ⊗ xp, y1 ⊗ · · · ⊗ yj ⊗ · · · ⊗ yq) =

x1 ⊗ · · · ⊗ xi ⊗ · · · ⊗ xp ⊗ y1 ⊗ · · · ⊗ yj ⊗ · · · ⊗ yq.

On noteϕ : T (M)× T (M) −→ T (M)

l’unique application A-bilinéaire dont la restriction à T p(M) × T q(M) est ϕp,q,pour tout p et q dans N. Cette application munit le A-module T (M) d’un produit.

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Chapitre VIII. Produit tensoriel – Algèbre tensorielle – Algèbre symétrique

L’associativité de ce produit, i.e. pour tout p, q, r ∈ N,

ϕp+q,r(ϕp,q(. . .), idr) = ϕp,q+r(idp, ϕq,r(. . .)),

provient de l’associativité du produit tensoriel.L’élément unité est l’élément unité de A et l’application iM : M −→ T (M)

est l’inclusion M = T 1(M) ↪→ T (M).

Remarques 8.3.a) Si x1, . . . , xn sont des éléments de M , le produit iM (x1) · · · iM (xn) dans

T (M) est x1 ⊗ · · · ⊗ xn.b) L’algèbre T (M) est non commutative.

Theoreme 8.4. Le coupe (T (M), iM ) ainsi construit est l’algèbre tensorielle de M .

Démonstration. Pour toute A-algèbre associative unitaire R et pour toute applica-tion A-linéaire f deM dans leA-module sous-jacent àR, il faut prouver l’existenceet l’unicité d’un morphisme de A-algèbres f de T (M) dans R tel que f = f ◦ iM .

Unicité. si f existe, on doit avoir

∀a ∈ A = T 0(M), f(a) = f(a.1) = af(1) = a.1 ∈ R

et

∀p � 1, ∀xi ∈M, f(x1 ⊗ · · · ⊗ xp) = f(iM (x1) · · · iM (xp)) = f(x1) · · · f(xp).

Tout élément de T (M) s’écrivant comme somme finie d’éléments de A ou d’élé-ments de la forme x1 ⊗ · · · ⊗ xp, p � 1, l’expression ci-dessus détermine entière-ment f .

Existence. Pour tout entier p et tout élément xi de M , 1 � i � p, on posefp(x1 ⊗ · · · ⊗ xp) = f(x1) · · · f(xp) et f0 : T 0(M) = A −→ R le morphisme struc-tural de la A-algèbre R. Les fp, p � 0, définissent f : T (M) = ⊕p�0T

p(M) −→ Ret l’on a f = f ◦iM . Il reste à montrer que f est un morphisme de A-algèbres. Pourmontrer que f(αβ) = f(α)f(β), avec α et β dans T (M), il suffit, par linéarité, dele faire pour α = x1 ⊗ · · · ⊗ xp et β = y1 ⊗ · · · ⊗ yq :

f(x1 ⊗ · · · ⊗ xp)f(y1 ⊗ · · · ⊗ yq) = f(x1) · · · f(xp)f(y1) · · · f(yp)

= f(x1 ⊗ · · · ⊗ xp ⊗ y1 ⊗ · · · ⊗ yq) = f((x1 ⊗ · · · ⊗ xp)(y1 ⊗ · · · ⊗ yq)). ♦

Souvent, par abus de langage, on dit que l’algèbre tensorielle de M est T (M),le morphisme iM étant sous-entendu.

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8. Algèbre tensorielle

Exercice E4.1. Soient A un anneau commutatif et X1, . . . ,Xn des variables. On note

A{X1, . . . ,Xn} l’ensemble des expressions de la forme∑

finie ai1,...,inXi11 · · ·Xin

n ,avec ai1,...,in ∈ A, dans lesquelles les éléments de A commutent avec les Xi,1 � i � n, mais les variables Xi, 1 � i � n, ne commutent pas entre elles.

Montrer que la somme, définie de manière évidente, et le produit, défini parconcaténation, i.e.

ai1,...,inXi11 · · ·Xin

n bj1,...,jnXj11 · · ·Xjn

n = ai1,...,inbj1,...,jnXi11 · · ·Xin

n Xj11 · · ·Xjn

n

étendu linéairement, munissent A{X1, . . . ,Xn} d’une structure de A-algèbre.On appelle cette A-algèbre l’algèbre des polynômes non commutatifs à co-

efficient dans A.

2. Étendre cette construction pour un ensemble quelconque de variables(Xi)i∈I . On note A{Xi}i∈I la A-algèbre ainsi obtenue.

3. Soit M un A-module libre de base (xi)i∈I . Montrer que la A-algèbre T (M)est isomorphe à la A-algèbre A{Xi}i∈I (montrer que A{Xi}i∈I est solution duproblème universel d’algèbre tensorielle de M).

Proposition 8.5. Soient M et N des A-modules. Alors toute application A-linéaireu : M −→ N se prolonge en un unique morphisme d’algèbres u : T (M) −→ T (N).

Démonstration. Si un tel prolongement u existe, on doit avoir

u(1) = 1, ∀ a ∈ A, u(a) = u(a.1) = au(1) = a

∀x1, . . . , xp ∈M, u(x1 ⊗ · · · ⊗ xp) = u(x1)⊗ · · · ⊗ u(xp).

Par définition du produit tensoriel d’applications linéaires, ce dernier élément estu⊗p(x1 ⊗ · · · ⊗ xp). Tout élément z de T (E) est une somme finie d’éléments dutype x1⊗ · · ·⊗xp, d’où u(z) =

∑p u

⊗p(zp), avec zp = x1⊗ · · ·⊗xp, d’où l’unicitéde u.

Réciproquement, l’application u ainsi définie est un morphisme de A-algèbresqui prolonge u. ♦Remarque 8.6. Le lecteur vérifiera facilement que ces prolongements sont compa-tibles à la composition, i.e. v ◦ u = v ◦ u.Exercice E5. Soient A un anneau commutatif, M un A-module, (T (M), iM ) sonalgèbre tensorielle et N un sous-A-module de M . Montrer que l’algèbre T (M/N)est isomorphe au quotient de l’algèbre T (M) par l’idéal bilatère engendré pariM (N).

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Chapitre VIII. Produit tensoriel – Algèbre tensorielle – Algèbre symétrique

9. Algèbre symétrique

On reprend le problème universel de la définition 8.1 en supposant, de plus,que les algèbres considérées sont commutatives.

Definition 9.1. Soit M un A-module. On appelle algèbre symétrique de Mla donnée d’une A-algèbre associative commutative unitaire S(M) et d’une ap-plication A-linéaire jM de M dans le A-module sous-jacent à S(M) satisfaisantla propriété suivante :

pour toute A-algèbre associative commutative unitaire R et pour toute ap-plication A-linéaire f de M dans le A-module sous-jacent à R, il existe ununique morphisme de A-algèbres f de S(M) dans R tel que f = f ◦ jM .

S’il existe, le couple (S(M), jM ) est solution d’un problème universel, doncest unique à un unique isomorphisme près.

Le morphisme f : T (M) −→ R vérifie, pour tout x et tout y dans M ,f(x⊗y) = f(x)f(y) et f(y⊗x) = f(y)f(x). Puisque l’algèbre R est commutative,on a f(x)f(y) = f(y)f(x), donc x⊗y−y⊗x appartient à Ker(f). Par conséquent,Ker(f) contient l’idéal bilatère a engendré par les éléments x⊗ y − y ⊗ x, pour xet y parcourant M .

On pose S(M) = T (M)/a et l’on note jM la composée de iM et de la projectioncanonique π : T (M) −→ S(M).

Remarque 9.2. En notant ap = a ∩ T p(M), on a = ⊕pap et, en posantSp(M) = T p(M)/ap, on a S(M) = ⊕pS

p(M). Puisque a0 = a1 = 0, on aS0(M) = A et S1(M) = M .

Theoreme 9.3. Le couple (S(M), jM ) ainsi construit est l’algèbre symétriquede M .

Démonstration. On sait que pour toute A-algèbre associative, commutative, uni-taire R et pour toute application A-linéaire f deM dans le A-module sous-jacent àR, il existe un unique morphisme de A-algèbres f : T (M) −→ R tel que f = f◦iM .Puisque l’idéal bilatère a est contenu dans Ker(f), par passage au quotient, onobtient un morphisme de A-algèbres f : S(M) −→ R tel que f = f ◦ π. On a

f ◦ jM = f ◦ (π ◦ iM ) = (f ◦ π) ◦ iM = f ◦ iM = f.

Montrons l’unicité de f . Puisque f ◦ jM = f , la restriction de f àS1(M) = A est nécessairement le morphisme structural de R. Un élément

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9. Algèbre symétrique

de Sp(M) est une somme finie d’éléments de la forme jM (x1) · · · jM (xp) etf(jM (x1) · · · jM (xp)) = f(x1) · · · f(xp). Par linéarité, cela entraîne l’unicité def sur Sp(M), pour tout entier p, donc l’unicité de f sur S(M). ♦

Souvent, par abus de langage, on dit que l’algèbre symétrique de M est S(M),le morphisme jM étant sous-entendu.

Exercice E6. Soit M un A-module libre de base (xi)i∈I . Montrer que la A-algèbreS(M) est isomorphe à la A-algèbre de polynômes A[Xi]i∈I .

Exercice E7. Avec les notations de l’exercice E5, que peut-on dire de l’algèbreS(M/N) ?

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THÈMES DE RÉFLEXION

♠ TR.VIII.A. Modules plats, fidèlement plats

Dans tout ce qui suit, A est un anneau commutatif. Un A-module M est ditplat si, pour toute suite exacte de A-modules

N ′ u−→Nv−→N ′′

la suite de A-modules

M ⊗A N′ IdM⊗u−→ M ⊗A N

IdM⊗v−→ M ⊗A N′′

est exacte, où IdM désigne le morphisme identité de M .Un A-module M est dit fidèlement plat si toute suite de A-modules

N ′ u−→Nv−→N ′′

est exacte si et seulement si la suite de A-modules

M ⊗A N′ IdM⊗u−→ M ⊗A N

IdM⊗v−→ M ⊗A N′′

est exacte, où IdM désigne le morphisme identité de M .1. Montrer que le A-module M est plat si et seulement si, pour tout morphismeinjectif de A-modules u : N ↪→ P , le morphisme IdM ⊗ u est injectif.

On peut supposer que N est un sous-module de P , ce que nous ferons systé-matiquement dans la suite.2. Montrer que si M est un A-module plat, pour tout élément a ∈ A qui n’est pasdiviseur de zéro, les relations x ∈M et ax = 0 entraînent x = 0.3. Soit (Mi)i∈I une famille de A-modules. Montrer que le module M =

⊕i∈I Mi

est plat si et seulement si chaque A-module Mi, i ∈ I, est plat.

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Algèbre T2

4. En déduire qu’un A-module libre (resp. projectif) est plat.5. Montrer que pour que le A-module M soit plat, il suffit que la propriété de laquestion 1 soit vérifiée pour tous les sous-modules N de type fini de P . (Soit Nun sous-module quelconque de P et z =

∑imi ⊗ni un élément de M ⊗AN dont

l’image dans M ⊗A P est nulle. Considérer le sous-module de type fini N ′ de Nengendré par les ni.)6. Soient M un A-module et (Pi)i∈I une famille de A-modules. Montrer que,si pour tout i ∈ I et tout sous-module Ni de Pi, le morphisme canoniqueM ⊗A Ni −→M ⊗A Pi est injectif, alors pour tout sous-module N de

⊕I∈I Pi le

morphisme canonique M ⊗A N −→M ⊗A P est injectif. (On suppose I = {1, 2},P = P1

⊕P2. Soit N un sous-module de P . Considérer N1 = N

⋂P1 et

N2 = π2(N) où π2 : P −→ P2 est la projection canonique. En déduire le casoù I = {1, . . . , n} par récurrence. On suppose I quelconque. Soit N un sous-module de type fini de P =

⊕I∈I Pi. Alors il existe un sous-ensemble fini J de I

tel que N soit contenu dans PJ =⊕

i∈J Pi. Conclure.)7. Montrer que si pour tout sous-module N de P le morphisme canoniqueM ⊗A N −→ M ⊗A P est injectif, alors pour tout quotient Q de P et tout sous-module R de Q, le morphisme canonique M ⊗A R −→M ⊗A Q est injectif.8. Déduire des questions qui précèdent le critère de platitude suivant : un A-moduleM est plat si et seulement si pour tout idéal a de A, le morphisme canonique deA-modules aM �M ⊗A a −→M ⊗A A �M est injectif.9. Montrer que si A est un anneau principal, un A-module est plat si et seulements’il est sans torsion. En déduire que Q est un Z-module plat. Est-il fidèlementplat ?10. Montrer que si M et N sont deux A-modules plats, le A-module M ⊗A N estplat.11. Soit M un A-module. Montrer que les assertions suivantes sont équivalentes :

(i) le A-module M est fidèlement plat,(ii) le A-module M est plat et pour tout A-module N , M ⊗A N = 0 implique

N = 0,(iii) le A-module M est plat et pour tout morphisme g de A-modules,

IdM ⊗A g = 0 implique g = 0,(iv) le A-module M est plat et pour tout idéal maximal m de A, mM �= m.(Suggestion : montrer que (i) ⇒ (ii)⇒ (iii) ⇒ (i) et que (ii) ⇔ (iv)).

12. Soient f : A −→ B un morphisme d’anneaux commutatifs et M un A-module.Montrer que si M est un A-module plat (resp. fidèlement plat), alors f (M) estun B-module plat (resp. fidèlement plat).

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♠ TR.VIII.B. Passage du local au global

♠ TR.VIII.B. Passage du local au global

Dans tout ce qui suit, A est un anneau commutatif.1. Soient S une partie multiplicative de A et S−1A le localisé de A relativementà S (cf. section I.6). Montrer que l’anneau S−1A est un A-module plat.2. Avec les mêmes notations, montrer, plus généralement, que si M est unA-module plat (resp. fidèlement plat), alors S−1M = M ⊗A S−1A est unS−1A-module plat (resp. fidèlement plat).

On rappelle (cf. section I.6) que, pour tout idéal premier p de A, Ap estl’anneau localisé de A relativement à la partie multiplicative S = A \ p. On notealors, pour tout A-module M , Mp le Ap-module M ⊗A Ap.3. Soient A et B deux anneaux commutatifs, ϕ : A −→ B un morphisme d’an-neaux et N un B-module. Montrer que les propriétés suivantes sont équivalentes :

(i) ϕ (N) est un A-module plat,(ii) pour tout idéal maximal n de B, Nn est un A-module plat (par restriction

des scalaires),(iii) pour tout idéal maximal n de B, Nn est un Am-module plat (par restriction

des scalaires), où m = ϕ−1(n).4. En déduire que pour qu’un A-module M soit plat (resp. fidèlement plat), il fautet il suffit que, pour tout idéal maximal m de A, le Am module Mm soit plat (resp.fidèlement plat).

On note Ω l’ensemble des idéaux maximaux de A.5. Montrer que le A-module

⊕m∈ΩAm est fidèlement plat.

Soient M et N deux A-modules et u : M −→ N un morphisme de A-modules.Pour tout idéal premier p de A, on note up : Mp −→ Np le morphisme u⊗ Idp.6. Avec les notations ci-dessus, montrer que pour que u soit injectif (resp. surjectif,bijectif, nul), il faut et il suffit que, pour tout m ∈ Ω, um soit injectif (resp. surjectif,bijectif, nul).

♠ TR.VIII.C. Propriété universelle du produit tensorield’algèbres commutatives

Soient K un anneau commutatif, (A, f) et (B, g) deux K-algèbres associatives,commutatives et unitaires.

D’après le théorème 6.1, A⊗K B est une K-algèbre associative et unitaire.

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Algèbre T2

1. Vérifier que c’est aussi une K-algèbre commutative.2. Vérifier que le morphisme structural de cette K-algèbre est k : K −→ A⊗K Bdonné par k(λ) = f(λ)⊗ 1 = 1⊗ g(λ).

En identifiant A à A⊗KK et B à K⊗KB, on pose u = IdA⊗g et v = f⊗IdB .3. Vérifier que u et v sont des morphismes d’anneaux et que l’on a u◦f = k = v◦g.

On considère (C, h) une K-algèbre associative, commutative et unitaire. Soientu′ : (A, f) −→ (C, h) et v′ : (B, g) −→ (C, h) deux morphismes de K-algèbres (onrappelle que cela signifie que u′ et v′ sont des morphismes d’anneaux, u′ : A −→ C,v′ : B −→ C, qui vérifient u′ ◦ f = h = v′ ◦ g).4. Montrer que l’application A × B −→ C définie par (x, y) �→ u′(x)v′(y) sefactorise par une application K-linéaire ϕ : A⊗KB −→ C, ϕ(x⊗y) = u′(x)v′(y).5. Montrer que ϕ est l’unique morphisme de K-algèbres ϕ : (A⊗KB, k) −→ (C, h)tel que u′ = ϕ ◦u et v′ = ϕ ◦ v. On remarquera que l’hypothèse de commutativitédes algèbres est nécessaire pour montrer que ϕ((x⊗y)(x′⊗y′)) = ϕ(x⊗y)ϕ(x′⊗y′)et que c’est la seule utilisation de cette hypothèse.

On a donc montré que le produit tensoriel d’algèbres associatives, commuta-tives et unitaires est solution d’un problème universel. En termes un peu plussavants, on dit que le produit tensoriel est le coproduit dans la catégoriedes agèbres associatives, commutatives et unitaires. Comme on l’a remar-qué à la question précédente, ce résultat est faux si l’on ne suppose pas que lesalgèbres sont commutatives.

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IX

PRODUIT EXTÉRIEURALGÈBRE EXTÉRIEURE

Dans ce chapitre, A désignera un anneau commutatif.

Dans les deux premiers paragraphes de ce chapitre, nous allons rappelerquelques notions et propriétés bien connues d’algèbre linéaire dans le cadre desespaces vectoriels : applications et formes multilinéaires, déterminants. Nous ver-rons que certaines de ces propriétés sont valables sans changement dans le cadredes modules sur un anneau commutatif et, pour le confort du lecteur, nous expli-citerons celles qui nous seront les plus utiles dans la suite.

1. Applications multilinéaires alternées

Definition 1.1. Soient M et P deux A-modules. Une application (resp. forme)n-multilinéaire définie sur M , f : Mn = M × · · · × M −→ P (resp.f : Mn = M × · · · × M −→ A) est alternée si f(x1, . . . , xn) = 0 quandil existe deux arguments consécutifs égaux.

Autrement dit, s’il existe i, 1 � i � n − 1, tel que xi = xi+1, alorsf(x1, . . . , xn) = 0.

Proposition 1.2. Soient M et P deux A-modules et f une applicationn-multilinéaire alternée. On a :

(i) f(x1, . . . , xi, xi+1, . . . , xn) = −f(x1, . . . , xi+1, xi, . . . , xn),(ii) ∀ i, j, 1 � i < j � n,

f(x1, . . . , xi, . . . , xj , . . . , xn) = (−1)j−i+1f(x1, . . . , xi, xj , . . . , xn)

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Chapitre IX. Produit extérieur – Algèbre extérieure

où xi est à la i-ième place et où xj à la j-ième place dans le premier membre età la (i+ 1)-ième place dans le second membre,

(iii) s’il existe i, j, 1 � i < j � n, avec xi = xj, alors

f(x1, . . . , xi, . . . , xj , . . . , xn) = 0,

(iv) ∀ a ∈ A, ∀ i, j, 1 � i � n, 1 � j � n, i �= j,

f(x1, . . . , xi, . . . , xj , . . . , xn) = f(x1, . . . , xi + axj , . . . , xj , . . . , xn).

Démonstration.(i) Posons f(xi, xi+1) = f(x1, . . . , xi, xi+1, . . . , xn) ; f est une application bili-

néaire alternée. On a

∀x, y ∈M, 0 = f(x+ y, x+ y) = f(x, y) + f(y, x),

d’où, en remplaçant x par xi et y par xi+1, on a

f(x1, . . . , xi, xi+1, . . . , xn) = −f(x1, . . . , xi+1, xi, . . . , xn).

(ii) Se déduit par applications successives de (i).(iii) C’est une conséquence de (ii) et de la définition 1.1.(iv)

f(x1, . . . , xi + axj , . . . , xj , . . . , xn)

= f(x1, . . . , xi, . . . , xj , . . . , xn) + af(x1, . . . , xj , . . . , xj , . . . , xn)

= f(x1, . . . , xi, . . . , xj , . . . , xn). ♦Proposition 1.3. Soient x1, . . . , xn des éléments de M et considérons les éléments

y1 = a11x1 + · · ·+ a1nxn

.......................................

.......................................

yn = an1x1 + · · · + annxn

avec aij ∈ A pour tout 1 � i, j � n. Si f est une application n-multilinéairealternée définie sur M , on a

f(y1, . . . , yn) =∑σ∈Sn

sgn(σ)a1σ(1) · · · anσ(n)f(x1, . . . , xn)

où Sn est le groupe des permutations d’un ensemble à n éléments et où sgn(σ)désigne la signature de la permutation σ.

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2. Déterminants

Démonstration. En développant l’expression f(y1, . . . , yn) par multilinéarité de f ,on obtient

f(y1, . . . , yn) =∑σ

a1σ(1) · · · anσ(n)f(xσ(1), . . . , xσ(n))

où σ parcourt toutes les applications de l’ensemble {1, . . . , n} dans lui-même. Si σ n’est pas bijective, dans l’expression f(xσ(1), . . . , xσ(n)) deux ar-guments sont égaux et le terme est nul. On peut donc se restreindre au casoù σ appartient à Sn. Par applications successives de la proposition 1.2.i,chaque terme f(xσ(i1), . . . , xσ(in)), avec {i1, . . . , in} = {1, . . . , n}, est égal àsgn(σ)f(x1, . . . , xn). ♦

On déduit de ce qui précède que si (e1, . . . , en) est une base d’un A-modulelibre M , toute application n-multilinéaire alternée f définie sur M est entièrementdéterminée par la donnée de f(e1, . . . , en). En particulier, il existe une et une seuleforme n-multilinéaire alternée f : M −→ A telle que f(e1, . . . , en) = 1. Dans cecas, on notera D cette forme n-multilinéaire alternée. Par conséquent, si ai,j,1 � i � n, 1 � j � n, sont les composantes des éléments y1, . . . , yn relativement àla base (e1, . . . , en), on a

D(y1, . . . , yn) =∑σ∈Sn

sgn(σ)a1σ(1) · · · anσ(n).

2. Déterminants

Pour la commodité du lecteur nous rappelons ici quelques notions bien connuessur le déterminant dont nous ferons usage dans la suite.

On note Mn(A) le A-module des matrices (n, n) à coefficients dans A. Unematrice B de Mn(A) sera notée B = (bij), bij ∈ A, 1 � i � n, 1 � j � n,où i est l’indice de la ligne et j est celui de la colonne. On notera dans la suiteB1, . . . , Bn ses colonnes. On rappelle que toute matrice (n, n) peut être vue commereprésentation d’un endomorphisme u d’un A-module libre de rang n relative-ment à une base {e1, . . . , en} de ce module. Dans ce cas, pour tout 1 � i � n,Bi = b1ie1 + · · ·+ bnien (comme il est usuel, on identifie le vecteur de base ei avecla colonne dont toutes les composantes sont nulles, sauf la i-ième qui vaut 1).

Definition 2.1. Un déterminant (n, n) est une application det : Mn(A) −→ Aqui, pour chaque matrice B de Mn(A), est une forme n-multilinéaire alternéedes colonnes B1, . . . , Bn de B et telle que det(Id) = 1.

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Chapitre IX. Produit extérieur – Algèbre extérieure

En particulier, si M est un A-module libre de rang n et si {e1, . . . , en} est unebase de M , on a det(e1, . . . , en) = det(Id) = 1.

Par conséquent, d’après le paragraphe précédent, le déterminant est l’uniqueforme n-multilinéaire alternée D définie sur Mn(A) telle que D(e1, . . . , en) = 1.Donc, avec les notations ci-dessus,

D(B) = D(B1, . . . , Bn) =∑σ∈Sn

sgn(σ)b1σ(1) · · · bnσ(n).

Dans toute le suite, on notera det(B) le déterminant D(B) = D(B1, . . . , Bn).Donnons, par récurrence, un algorithme de calcul du déterminant.

– Si n = 1, on pose det(b) = b, b ∈ A.– Soit n � 2 : supposons que le déterminant soit défini pour toute matrice deMp(A) avec p � n− 1, et soit B = (bij)1�i�n,1�j�n une matrice de Mn(A). Pourtout couple (i, j), 1 � i � n, 1 � j � n, on note Bij la matrice de Mn−1(A)définie à partir de B en supprimant la i-ième ligne et le j-ième colonne. On pose

det(B) = (−1)i+1bi1det(Bi1) + · · ·+ (−1)i+nbindet(Bin).

Par définition, det(B) est un élément de A.Montrons que det est une forme multilinéaire. Fixons un indice k et un terme

bijdet(Bij). Si j �= k, bij ne dépend pas de k et det(Bij) est linéaire en la k-ièmecolonne de B ; si j = k, det(Bik) ne dépend pas de la k-ième colonne de B et lecoefficient bik dépend linéairement de la k-ième colonne de B. Chaque terme dusecond membre de l’égalité ci-dessus est linéaire en la k-ième colonne de B, doncdet(B) aussi. Cela étant vrai pour tout k, 1 � k � n, det(B) est multilinéaire.

Montrons que cette forme multilinéaire est alternée. Supposons qu’il existe unindice k, 1 � k � n − 1, tel que Bk = Bk+1. Pour tout indice j différent de k etde k + 1, la matrice Bij a deux colonnes égales, donc det(Bij) = 0. On a donc

det(B) = (−1)i+kbikdet(Bik) + (−1)i+k+1bik+1det(Bik+1).

Les matrices Bik et Bik+1 sont égales, ainsi que les coefficients bik et bik+1, doncdet(B) = 0.

Remarque. L’expression du déterminant donnée par l’algorithme ci-dessus est ledéveloppement suivant la i-ème ligne. L’unicité du déterminant montre que l’onpeut le calculer en développant par rapport à n’importe quelle ligne.

Exercice E1.1. Soient B ∈Mn(A) et tB sa transposée. Montrer que det(tB) = det(B).

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3. Produit extérieur

2. Soient B ∈ Mn(A), M un A-module, f une application n-multilinéairealternée sur M et (x1, . . . , xn) des éléments de M . On pose

B

⎛⎜⎝x1...xn

⎞⎟⎠ =

⎛⎜⎝y1...yn

⎞⎟⎠ .

Montrer quef(y1, . . . , yn) = det(B)f(x1, . . . , xn).

En particulier, si u est un endomorphisme de M , il existe un scalaire, noté det(u),tel que

f(u(x1), . . . , u(xn)) = det(u)f(x1, . . . , xn).

3. Montrer que si B et C (resp. u et v) sont deux éléments de Mn(A) (resp.endomorphismes d’un A-module libre de rang n), alors det(BC) = det(B)det(C)(resp. det(u ◦ v) = det(u)det(v)).

En déduire que le scalaire det(u) est indépendant de la base dans laquelle onreprésente l’endomorphisme u.

4. Montrer que si M est un A-module libre de base {e1, . . . , en}, si P est unA-module et y un élément de P , il existe une unique application n-multilinéairefy sur M telle que fy(e1, . . . , en) = y.

5. En déduire que si M est un A-module libre de rang n, l’ensemble des formesn-multilinéaires alternées sur M est un A-module libre de rang 1 (on trouvera uneautre démonstration de ce résultat au corollaire 3.3 ci-dessous).

Remarque. D’après la question 1 de l’exercice ci-dessus, on peut aussi calculer ledéterminant d’une matrice en développant par rapport à n’importe quelle colonne.

3. Produit extérieur

Soit M un A-module. On considère le sous-A-module Jp de T p(M) engen-dré par les éléments x1 ⊗ · · · ⊗ xp tels que xi = xj pour i �= j et l’on poseΛp(M) = T p(M)/Jp.

Notation. L’image d’un élément x1⊗ · · · ⊗ xp dans Λp(M) est notée x1 ∧ · · · ∧ xp.

Le module Λp(M) s’appelle la puissance extérieure p-ième de M et l’élé-ment x1 ∧ · · · ∧ xp s’appelle le produit extérieur des éléments x1, . . . , xn.

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Chapitre IX. Produit extérieur – Algèbre extérieure

Tout élément de T p(M) s’écrivant∑

finie ai1...ipxi1 ⊗ · · · ⊗ xip , avec ai1...ip ∈ Aet xij ∈M pour tout ij , tout élément de Λp(M) s’écrit

∑finie ai1...ipxi1 ∧ · · · ∧xip ,

avec ai1...ip ∈ A et xij ∈M pour tout ij.Notons βM,p l’application composée de αM,...,M (p facteurs M) (cf. sec-

tion VIII.4), avec la projection canonique π : T p(M) −→ Λp(M)

βM,p : Mp −→ T p(M) −→ Λp(M)

qui à (x1, . . . , xp) associe x1∧· · ·∧xp. Il est clair qu’elle est p-multilinéaire alternée.Par conséquent, les éléments x1 ∧ · · · ∧ xp satisfont aux relations et propriétésdémontrées au paragraphe 1.

Theoreme 3.1. Soient M un A-module et p � 2 un entier. Pour tout A-moduleP et toute application p-multilinéaire alternée f : M −→ P , il existe une uniqueapplication linéaire f : Λp(M) −→ P telle que f = f ◦ βM,p.

Démonstration. D’après le théorème VIII.4.4, pour tout A-module P et toute ap-plication p-multilinéaire M −→ P , il existe une unique application A-linéairef : T p(M) −→ P telle que f = f ◦ αM,...,M . L’application f étant alternée,l’application f s’annule sur Jp et l’on obtient, par passage au quotient, une ap-plication A-linéaire f : Λp(M) −→ P telle que f = f ◦ π. On en déduit quef = f ◦ π ◦ αM,...,M = f ◦ βM,p. L’unicité de f provient, par construction, del’unicité de f . ♦

Autrement dit, le A-module des applications n-multilinéaires alter-nées définies sur M et à valeurs dans P est isomorphe au A-moduleHomA(Λn(M), N).

Theoreme 3.2. Soit M un A-module libre de rang n, dont on notera {e1, . . . , en}une base. Si r > n, Λr(M) = 0. Si r � n, Λr(M) est un A-module libre de rangCr

n dont une base est formée des éléments ei1 ∧ · · · ∧ eir , avec i1 < · · · < ir,(i1, . . . , ir) parcourant les parties à r éléments de l’ensemble (1, . . . , n).

Démonstration. Un élément quelconque x de Λr(M) est une somme finie

x =∑

(i1,...,ir)

ai1,...,irei1 ∧ · · · ∧ eir .

– Si r > n, pour tout r-uple (i1, . . . , ir), il existe j �= k tels que eij = eik etei1 ∧ · · · ∧ eir = 0, d’où x = 0.

– Si r = n, d’après la relation d’antisymétrie, tout générateur de Λn(M)s’écrit, à un signe près, e1 ∧ . . . ∧ en. Par conséquent, tout élément de Λn(M) est

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3. Produit extérieur

un multiple de e1 ∧ · · · ∧ en. D’autre part, d’après (2.3), on a det(e1, . . . , en) = 1,donc Λn(M) est isomorphe à A, i.e. est un A-module libre de rang 1, de basee1 ∧ · · · ∧ en.

Si 1 � r < n, pour les mêmes raisons que ci-dessus, les éléments ei1 ∧ · · · ∧ eir ,avec i1 < · · · < ir, engendrent Λr(M). Notons i = (i1, . . . , ir) et supposons que∑

finie

aiei1 ∧ · · · ∧ eir = 0.

Considérons un r-uple quelconque j = (j1, . . . , jr) et notons jr+1, . . . , jn les entierscompris entre 1 et n qui ne figurent pas dans j. Dans la somme

0 =∑finie

aiei1 ∧ · · · ∧ eir ∧ ejr+1 ∧ · · · ∧ ejn ,

les termes correspondants à tous les r-uples (i1, . . . , ir) différents de j sont nulscar l’un des ik, 1 � j � r, est égal à l’un des js, r + 1 � s � n. Le seul élémentqui reste dans cette somme est ajej1 ∧ · · · ∧ ejr ∧ ejr+1 ∧ · · · ∧ ejn , qui est donc nul.Or, à un signe près, cet élément est égal à aje1∧· · ·∧en. D’après le cas précédent,on a donc aj = 0. Comme cela est vrai pour tout j, on a ai = 0 pour tout i etla famille des éléments ei1 ∧ · · · ∧ eir (i1 < · · · < ir) parcourant les parties à réléments de l’ensemble {1, . . . , n} est libre. C’est donc une base de Λr(M).

Pour n = 0, on pose Λ0(M) = A. ♦Corollaire 3.3. Soient k un corps, V un k-espace vectoriel de dimension n etx1, . . . , xp des éléments de V . Les assertions suivantes sont équivalentes :

(i) les éléments x1, . . . , xp sont linéairement indépendants,(ii) l’élément x1 ∧ · · · ∧ xp est non nul.

Démonstration. Montrons que (i) implique (ii). Si les éléments x1, . . . , xp sont li-néairement indépendants, d’après le théorème de la base incomplète, on peutcompléter {x1, . . . , xp} en une base {x1, . . . , xp, xp+1, . . . , xn} de V . D’après lethéorème ci-dessus, l’élément x1 ∧ · · · ∧ xp ∧ xp+1 ∧ · · · ∧ xn est non nul, il en estdonc de même de l’élément x1 ∧ · · · ∧ xp.

Montrons que (ii) implique (i). Supposons que∑p

1 aixi = 0, alors∑p1 aixi ∧ x2 ∧ · · · ∧ xn = 0. Mais,

∑p1 aixi ∧ x2 ∧ · · · ∧ xn = a1(x1 ∧ · · · ∧ xn) ;

d’après (ii), cet élément est nul si et seulement si a1 = 0. On peut faire ce raison-nement pour tout ai, ce qui prouve (i). ♦Remarque. On peut démontrer directement, i.e. sans utiliser la notion de déter-minant, que si M est un A-module libre de rang n, alors le A-module Λn(M) estisomorphe à A. Cela permet de définir le déterminant à partir du produit extérieur(cf. l’exercice E2 ci-dessous).

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Chapitre IX. Produit extérieur – Algèbre extérieure

Exercice E2. Soient M un A-module libre de rang n et {e1, . . . , en} une base deM . On rappelle que, d’après le corollaire VIII.3.3, T n(M) est libre, dont une baseest formée des éléments ei1 ⊗ · · · ⊗ ein , avec (i1, . . . , in) ∈ {1, . . . n}n.

1. On note K le sous-A-module de T n(M) engendré par l’élément e1⊗· · ·⊗en.Montrer que T n(M) = Jn ⊕K.

2. En déduire que Λn(M) est un module libre de rang 1, i.e. isomorphe à A.

Par conséquent, pour toute famille de n éléments x1, . . . , xn de M , il existeun unique élément a ∈ A tel que x1 ∧ · · · ∧ xn = a(e1 ∧ · · · ∧ en).

3. Montrer que a satisfait la définition 2.1 du déterminant, où B1, . . . , Bn sontles colonnes formées par les composantes respectives de x1, . . . , xn relativement àla base {e1, . . . , en}.

4. En déduire que

a =∑σ∈Sn

sgn(σ)x1σ(1) · · · xnσ(n)

où, pour tout i, 1 � i � n, xij, 1 � j � n sont les composantes de xi.

On peut donc définir le déterminant de x1, . . . , xn relativement à la base{e1, . . . , en} par det{e1,...,en}(x1, . . . , xn) = a. Cette définition s’étend à det(B)pour tout élément B de Mn(A).

Soient M , N des A-modules et u : M −→ N une application A-linéaire.L’application Mp −→ Λp(N), qui à (x1, . . . , xp) associe u(x1) ∧ · · · ∧ u(xp), estp-multilinéaire alternée. Il existe donc une unique application A-linéaire

Λp(M) −→ Λp(N),

que l’on note Λp(u), qui vérifie

Λp(u)(x1 ∧ · · · ∧ xp) = u(x1) ∧ · · · ∧ u(xp).

Exercice E3.1. Soient M , N des A-modules et u : M −→ N une application A-linéaire.

Montrer que Λp(u) est obtenue à partir de u⊗p : M⊗p −→ N⊗p par passage auquotient.

2. Montrer que Λp(v ◦ u) = Λp(v) ◦ Λp(u).

Soient M un A-module libre de rang n et u un endomorphisme de M . L’ap-plication Λn(u) est une application A-linéaire de A dans A, c’est donc unehomothétie.

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4. Commutation du produit extérieur aux sommes directes

Definition 3.4. Avec les notation ci-dessus, le rapport de l’homothétie Λn(u)est appelé le déterminant de u, que l’on note det(u).

4. Commutation du produit extérieur aux sommesdirectes

Theoreme 4.1. Soient M et N deux A-modules. Pour tout entier n, il existe unisomorphisme naturel de A-modules

Λn(M ⊕N) �⊕

p+q=n

(Λp(M)⊗A Λq(N)).

Démonstration. Posons E = M ⊕ N , i : M ↪→ E et j : N ↪→ E les inclusionscanoniques. Puisque i admet une section s : E −→ M (cf. VII. exercice E2),d’après l’exercice E3.2, Λk(s) est une section de Λk(i), pour tout entier k. Parconséquent, Λk(M) s’identifie à un facteur direct de Λk(E) (cf. exercice VII.E2).Il en est de même pour Λk(j) et Λk(N).

Traitons le cas n = 2. On notera x, x′, x′′ des éléments de M et y, y′, y′′ deséléments de N . L’application M ×N −→ Λ2(E) définie par

(x, y) �→ (x+ 0) ∧ (0 + y) = x ∧ y

est A-bilinéaire. Il existe donc une application A-linéaire ϕ : M ⊗ N −→ Λ2(E)vérifiant ϕ(x ⊗ y) = x ∧ y. D’après la propriété universelle de somme directe(TR.IV.A), il existe une application A-linéaire

ψ : Λ2(M)⊕ Λ2(N)⊕ (M ⊗A N) −→ Λ2(E)

vérifiant

ψ((x ∧ x′) + (y ∧ y′) + (x′′ ⊗ y′′)) = x ∧ x′ + y ∧ y′ + x′′ ∧ y′′.

Dans l’autre sens, considérons l’application

E × E −→ Λ2(M)⊕ Λ2(N)⊕ (M ⊗A N)

définie par (x+ y, x′ + y′) �→ (x∧ x′) + (y ∧ y′) + (x⊗ y′ − x′ ⊗ y). On vérifie quec’est une application A-bilinéaire alternée, d’où une application A-linéaire

θ : Λ2(E) −→ Λ2(M)⊕ Λ2(N)⊕ (M ⊗N)

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Chapitre IX. Produit extérieur – Algèbre extérieure

vérifiant θ((x+ y) ∧ (x′ + y′)) = (x ∧ x′) + (y ∧ y′) + (x⊗ y′ − x′ ⊗ y). On vérifieque ψ ◦ θ = IdΛ2(E) et que θ ◦ ψ = IdΛ2(M)⊕Λ2(N)⊕(M⊗AN). D’où le résultat pourn = 2 (on rappelle que Λ0(M) = Λ0(N) = A et que A⊗A M �M , A⊗A N � Ncanoniquement).

Traitons le cas n > 2 quelconque. Pour tout couple d’entiers positifs ou nuls(p, q) tels que p+ q = n, on note Sp,q l’ensemble des éléments σ de Sn formé despermutations σ de l’ensemble (i1, . . . , ip, j1, . . . , jq) telles que

σ(i1) < · · · < σ(ip) et σ(j1) < · · · < σ(jq).

On considère l’application

αp,q : En −→ Λp(M)⊗A Λq(N)

définie par

αp,q(x1+y1, . . . , xn+yn) =∑

σ∈Sp,q

sgn(σ)(xσ(i1)∧· · ·∧xσ(ip))⊗(yσ(j1)∧· · ·∧yσ(jq)).

On vérifie que αp,q est une application n-multilinéaire alternée. On en déduit uneapplication A-linéaire

αp,q : Λn(E) −→ Λp(M)⊗A Λq(N)

vérifiant

αp,q((x1+y1)∧· · ·∧(xn+yn)) =∑

σ∈Sp,q

sgn(σ)(xσ(i1)∧· · ·∧xσ(ip))⊗(yσ(j1)∧· · ·∧yσ(jq)).

Les applications αpq, pour (p, q) couple d’entiers positifs ou nuls tels que p+q = n,induisent, par propriété universelle du produit, une application A-linéaire

α : Λn(E) −→∏

p+q=n

(Λp(M)⊗A Λq(N)).

Or, le produit portant sur un nombre fini de composantes, on sait que∏p+q=n

(Λp(M)⊗A Λq(N)) =⊕

p+q=n

(Λp(M)⊗A Λq(N)).

Dans l’autre sens, on considère l’application

βp,q : Λp(M)× Λq(N) −→ Λn(E)

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5. Algèbre extérieure

définie par

βp,q(x1 ∧ · · · ∧xp, y1∧ · · · ∧ yq) = (x1 +0)∧ · · · ∧ (xp +0)∧ (0+ y1)∧ · · · ∧ (0+ yq).

C’est une application A-bilinéaire, d’où une application A-linéaire

βp,q : Λp(M)⊗A Λq(N) −→ Λn(E).

Les applications βp,q, pour (p, q) couple d’entiers positifs ou nuls tels que p+q = n,induisent, par propriété universelle de la somme directe, une application A-linéaire

β :⊕

p+q=n

(Λp(M)⊗A Λq(N)) −→ Λn(E).

On vérifie que α et β sont des applications réciproques l’une de l’autre. ♦

5. Algèbre extérieure

On considère l’idéal bilatère J de T (M) engendré par les éléments x⊗x, pourx parcourant M .

On pose Λ(M) = T (M)/J.On a

Λ(M) =⊕

p

T p(M)/(T p(M) ∩ J).

Or, il est clair que T p(M) ∩ J est sous-A-module Jp de T p(M) engendré par leséléments x1 ⊗ · · · ⊗ xp tels que xi = xj pour i �= j. Par conséquent,

T p(M)/(T p(M) ∩ J) = Λp(M).

On a doncΛ(M) =

⊕p

Λp(M).

On note kM : M = Λ1(M) ↪→ Λ(M) l’inclusion de M dans Λ(M).

Theoreme 5.1. Pour toute A-algèbre associative unitaire R, pour toute applicationA-linéaire f de M dans le A-module sous-jacent à R vérifiant f2(x) = 0 pourtout x dans M , il existe un unique morphisme d’algèbres associatives unitairesf : Λ(M) −→ R tel que f ◦ kM = f .

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Chapitre IX. Produit extérieur – Algèbre extérieure

Démonstration. D’après la propriété universelle de l’algèbre tensorielle, il existef : T (M) −→ R tel que f ◦ iM = f . L’hypothèse f2(x) = 0 pour tout x de Mimplique que le noyau de f contient les éléments x⊗x pour x parcourant M . Parpassage au quotient, on obtient un morphisme d’algèbres f : Λ(M) −→ R quivérifie f ◦ kM = f .

L’unicité de f est évidente. ♦

Definition 5.2. Pour tout A-module M , Λ(M) est l’algèbre extérieure de M.

Exercice E4. Soient M et N deux A-modules et u : M −→ N une applicationA-linéaire.

1. Montrer que u se prolonge en un unique morphisme de A-algèbresΛ(u) : Λ(M) −→ Λ(N).

2. Montrer que Λ(v ◦ u) = Λ(v) ◦ Λ(u).

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THÈMES DE RÉFLEXION

♠ TR.IX.A. Annulation de puissances extérieures

Soient A un anneau commutatif et M un A-module.1. Soient n et p deux nombres entiers non nuls. Montrer l’existence d’un mor-phisme surjectif de A-modules de Λn(M)⊗A Λp(M) sur Λn+p(M).2. En déduire que si Λn(M) = 0, alors Λn+p(M) = 0 pour p � 1.3. Soient I et J deux idéaux étrangers de A (i.e. I + J = A) et supposons ques1, . . . , sn soit un système de générateurs de I. Montrer que pour tout p ∈ N, ona A = (sp

1, . . . , spn) + J (faire un raisonnement par récurrence).

On suppose maintenant qu’il existe un nombre entier p tel que le A-moduleΛp(M) soit monogène, dont on notera e un générateur.4. En écrivant e =

∑n1 vi, où les vi sont des éléments purs de Λp(M) (i.e. chaque

vi est le produit extérieur de p éléments de M), montrer qu’il existe des élémentss1, . . . , sn de A tels que, pour tout i, 1 � i � n, vi = sie.5. En déduire que A est somme de l’idéal engendré par les si, 1 � i � n, et deAnnA(e).6. Montrer que tout élément pur de Λp+1(M) est annulé par AnnA(e) et les s2i ,1 � i � n.7. En déduire que Λp+q(M) = 0 pour tout nombre entier non nul q.

Le lecteur est invité à mettre ce résultat en relation avec le théorème 3.2.

♠ TR.IX.B. Dérivations et formes différentielles

Soient k un anneau, A une k-algèbre commutative et unitaire (cf. TR.IV.B) etM un A-module. Une dérivation de A à valeurs dans M est une application

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Algèbre T2

k-linéaire D : A −→M qui satisfait la relation

D(ab) = aD(b) +D(a)b ∀ a, b ∈ A.

On note Der(A,M) l’ensemble des dérivations de A à valeurs dans M .1. Montrer que Der(A,M) est un A-module.2. Pour tout élément u de A, on pose adu(a) = ua−au. Montrer que adu est unedérivation de A à valeurs dans A.On dit que adu est une dérivation intérieure.3. On considère k = R, U un ouvert de Rn et A = C∞(U) la k-algèbre desfonctions C∞ de U dans R. Montrer que pour tout i, 1 � i � n, l’opérateurdifférentiel ∂/∂xi est une dérivation de C∞(U) dans elle-même.

Une dérivation d : A −→ M est dite universelle si, pour toute dérivationδ : A −→ N , il existe une unique application A-linéaire ϕ : M −→ N telle queδ = ϕ ◦ d.

Nous allons construire cette dérivation universelle. L’algèbre A⊗AA est munied’une structure de A-module à gauche et de A-module à droite par la multiplica-tion sur chaque facteur.4. Montrer que le noyau I de la multiplication μ : A ⊗A A −→ A hérite d’unestructure de A-module à gauche et à droite et qu’il est engendré par les éléments1⊗ x− x⊗ 1, x ∈ A.5. Montrer que les structures de A-module à gauche et à droite induites surI/I2 sont compatibles (on montrera que pour tout x ∈ A et pour tout a ∈ A,a(1⊗ x− x⊗ 1)− (1⊗ x− x⊗ 1)a est un élément de I2).6. Montrer que l’application d : A −→ I/I2 définie par d(x) = classe(1⊗x−x⊗1)est la dérivation universelle.

On note Ω1A|k le A-module engendré par les symboles d(a), pour a parcourant

A, soumis aux relationsd(λa+ μb) = λd(a) + μd(b), λ, μ ∈ k, a, b ∈ Ad(ab) = ad(b) + bd(a), a, b ∈ A.

7. Montrer que les A-modules I/I2 et Ω1A|k sont canoniquement isomorphes (consi-

dérer (1⊗ x− x⊗ 1) �→ dx).8. Montrer que l’application f �→ f ◦ d est un isomorphisme de A-modules

HomA(Ω1A|k,M) −→ Der(A,M).

9. Soient V un k-module de dimension finie n et A = S(V ) son algèbre symétrique.Montrer que l’application a ⊗ v �→ ad(v) est un isomorphisme de S(V )-modules

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♠ TR.IX.B. Dérivations et formes différentielles

S(V )⊗ V −→ Ω1S(V )|k (on montrera que l’application S(V ) −→ S(V )⊗ V définie

par v1 ⊗ · · · ⊗ vn �→∑

i(v1 ⊗ · · · ⊗ vi ⊗ · · · ⊗ vn ⊗ vi), où vi signifie que l’on ometvi, est une dérivation universelle : conclure).

Pour tout n � 1, on pose ΩnA|k = Λn

AΩ1A|k et, par convention, on pose Ω0

A|k = A.On appelle ces modules modules des formes différentielles.10. Avec les données de la question 9, montrer que l’on a un isomorphisme cano-nique

ΩnS(V )|k � S(V )⊗ ΛnV.

11. Montrer que si S est une partie multiplicative de A, alors

S−1A⊗A ΩnA|k � Ωn

S−1A|k.

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APPENDICE

L’objet de cet appendice est un exposé des résultats généraux de la théoriedes ensembles utilisés dans certaines démonstrations de cet ouvrage. Un exposécomplet de ces questions nécessiterait à lui seul un ouvrage. On ne trouvera doncici que les rappels nécessaires à une bonne compréhension des démonstrationscontenues dans ce livre. Pour plus de détails, le lecteur pourra consulter [BBK].Certains points sont développés en appendice de [ALB].

1. Ensembles ordonnés

Definition 1.1. Une relation d’ordre sur un ensemble E est une relation bi-naire R satisfaisant les conditions suivantes :

(i) ∀x ∈ E, xRx (réflexivité),(ii) ∀x ∈ E, ∀ y ∈ E, [xRy] et [yRx] =⇒ [x = y] (antisymétrie),(iii) ∀x ∈ E, ∀ y ∈ E, ∀z ∈ E, [xRy] et [yRz] =⇒ [xRz] (transitivité).Un ensemble ordonné est la donnée d’un couple (E,R), où E est un

ensemble et R une relation d’ordre définie sur E.

Exemples 1.2.a) La relation � sur l’ensemble N est une relation d’ordre.

b) Pour tout ensemble E, la relation d’inclusion est une relation d’ordre surl’ensemble P(E), ensemble des parties de E.

c) La relation R définie sur N∗ par xRy si x est un diviseur de y est unerelation d’ordre.

d) Soient E un ensemble et (F,R) un ensemble ordonné. On définit surG = F(E,F ), ensemble des applications de E dans F , une relation d’ordre,

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Algèbre T2

notée R′, par

∀ f ∈ G, ∀ g ∈ G, fR′g si et seulement si ∀x ∈ E, f(x)Rg(x).

e) Soit E un ensemble muni d’une relation d’ordre, que l’on notera �.Pour tous éléments x = (x1, . . . , xn) et y = (y1, . . . , yn) de En, on posex � y si et seulement si x = y ou s’il existe k ∈ {0, 1, . . . , n − 1} tel quex1 = y1, . . . , xk = yk, xk+1 � yk+1. Cela définit une relation d’ordre sur En,appelé ordre lexicographique.

Pour plus de commodité, sauf mention explicite, nous noterons une relationd’ordre définie sur un ensemble E par � et nous écrirons « soit E un ensembleordonné ».

Definition 1.3. Soit E un ensemble ordonné. Un élément a de E est un élémentminimal (resp. maximal) de E si la relation x � a (resp. a � x), x ∈ E,entraîne x = a.

Exemples 1.4.a) Soient E un ensemble et F le sous-ensemble de P(E) formé des parties non

vides de E. Les éléments minimaux de F sont les parties à un élément.b) Dans l’ensemble des entiers naturels strictement plus grands que 1, ordonné

par la relation « m divise n », les éléments minimaux sont les nombres premiers.c) L’ensemble R muni de l’ordre usuel n’a pas d’élément minimal ou maximal.

Definition 1.5. Soit E un ensemble ordonné. Un élément a de E est le pluspetit (resp. plus grand) élément de E si, pour tout x ∈ E, on a a � x (resp.x � a).

Exemples 1.6.a) Dans l’exemple 1.2.a, 0 est le plus petit élément de N et il n’y a pas de plus

grand élément.b) Dans l’exemple 1.2.b, ∅ et E sont, respectivement, le plus petit élément et

le plus grand élément de P(E).c) Dans l’exemple 1.4.c, il n’y a ni plus petit ni plus grand élément.

Definition 1.7. Soient E un ensemble ordonné et X une partie de E. On appelleminorant (resp. majorant) de X dans E tout élément m (resp. M) de E telque, pour tout x ∈ X, on ait m � x (resp. x � M).

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1. Ensembles ordonnés

Definition 1.8. Une partie X d’un ensemble ordonné E est totalement or-donnée si, pour tout élément x et y de X, on a x � y ou y � x. Si c’est lecas pour X = E, on dit que la relation d’ordre sur E est totale, ou que E esttotalement ordonné.

Exemples 1.9.a) La relation d’ordre usuelle sur les ensembles N, Z, Q et R est totale.b) La partie vide et toute partie réduite à un élément sont totalement ordon-

nées.c) Si l’ensemble E admet au moins deux éléments, la relation d’ordre sur

l’ensemble P(E), induite par inclusion, n’est pas totale.

Definition 1.10. Un ensemble ordonné E est inductif si toute partie non videtotalement ordonnée de E possède un majorant.

Ces ensembles possèdent l’importante propriété suivante, qui est utilisée trèssouvent dans cet ouvrage.

Theoreme 1.11 (lemme de Zorn). Tout ensemble ordonné inductif possède un élé-ment maximal.

Remarques 1.12.a) Ce théorème est équivalent à l’axiome du choix, dont des énoncés équi-

valents sont (entre autres) :tout produit cartésien non vide d’ensembles non vides est un ensemble non

vide,ou

pour tout ensemble E, il existe une application

f : P(E) \ {∅} −→ E

telle que∀A ∈ P(E) \ {∅}, f(A) ∈ A.

b) Le lemme de Zorn est également équivalent au théorème de Zermelo énoncéci-dessous.

Definition 1.13. Un ensemble E est bien ordonné s’il est ordonné et si, pourl’ordre considéré, toute partie non vide de E admet un plus petit élément.

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Algèbre T2

Theoreme 1.14 (de Zermelo). Tout ensemble peut être bien ordonné. ♦

Remarque 1.15. Si une relation d’ordre définie sur un ensemble E le munit d’unestructure d’ensemble bien ordonné, cette relation d’ordre est totale (car toutepartie à deux éléments {x, y} a un plus petit élément). On en déduit donc quetout ensemble peut être muni d’une relation d’ordre totale. Mais attention, touterelation d’ordre définie sur un ensemble n’est pas nécessairement totale (commeon l’a vu avec l’inclusion sur l’ensemble des parties d’un ensemble), de mêmeque toute relation d’ordre n’est pas nécessairement une relation de bon ordre.L’existence d’une relation d’ordre totale qui ne soit pas une relation de bon ordreest équivalente à l’axiome de l’infini énoncé ci-dessous.

2. Cardinaux – Ensembles infinis

Definition 2.1. Deux ensembles X et Y ont même cardinal, ou sont équipo-tents, s’il existe une application bijective de X sur Y .

On écrit alors Card(X) = Card(Y ).

Attention. On vient de définir l’égalité de deux cardinaux, mais on n’a pas dé-fini la notion de cardinal. Il s’agit « intuitivement » du nombre d’éléments del’ensemble. Il est clair que l’égalité des cardinaux définit une relation d’équiva-lence sur la « classe » des ensembles. On peut alors considérer le cardinal d’unensemble comme un représentant de sa classe d’équivalence.

On remarquera que dans la phrase ci-dessus, on parle de la « classe » des en-sembles, car parler de « l’ensemble » des ensembles conduirait à une contradiction(cet ensemble devant alors se contenir lui-même comme élément).

On remarquera que si les ensembles {1, . . . , n} et {1, . . . , p} sont équipotents,alors n = p. Cela rend consistante la définition suivante.

Definition 2.2. Un ensemble E est dit fini s’il existe un entier n tel que E soitéquipotent à l’ensemble {1, . . . , n}. On écrit alors Card(E) = n. On dit qu’unensemble est infini s’il n’est pas fini.

En particulier, un cardinal est infini s’il n’est pas entier.

Axiome de l’infini. Il existe un ensemble infini.

On définit maintenant une relation d’ordre sur les cardinaux, de la façon suivante.

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2. Cardinaux – Ensembles infinis

Definition 2.3. Si E et F sont deux ensembles, on écrit Card(E) � Card(F )si E est équipotent à une partie de F , ou encore s’il existe une applicationinjective de E dans F .

Cela définit une relation d’ordre total sur les cardinaux. La réflexivité et latransitivité sont évidentes. En revanche, l’antisymétrie, loin d’être évidente, estdonnée par le théorème suivant.

Theoreme 2.4 (de Cantor-Bernstein). Soient E et F deux ensembles. SiCard(E) � Card(F ) et Card(F ) � Card(E), alors Card(E) = Card(F ).(Pour une démonstration, cf. [ALB].) ♦

Attention. On peut avoir E ⊂ F,E �= F et Card(E) = Card(F ). Par exemple,l’ensemble des nombres pairs est un sous-ensemble strict de N qui a même cardinalque N, puisque ces deux ensembles se correspondent par l’application bijectiven �→ 2n.

Exercice E1. Montrer que si E et F sont deux ensembles non vides, il existe uneapplication injective de E dans F si et seulement si il existe une application sur-jective de F dans E (noter que la réciproque utilise l’axiome du choix).

Proposition 2.5. L’ensemble N des entiers naturels est infini.

Démonstration. Pour tout entier n, l’ensemble {0, 1, . . . , n} est une partie de N àn+ 1 éléments. Donc Card(N) � (n+ 1) > n est différent de n. Le cardinal de Nn’étant pas entier, N est un ensemble infini. ♦

On note ℵ0, (qui se prononce aleph 0), le cardinal de N.

Definition 2.6. Un ensemble est dénombrable s’il est équipotent à N.

Si E est un ensemble dénombrable, une bijection f de N sur E permet d’écrireles éléments de E sous forme de suite an = f(n).

Proposition 2.7. Tout ensemble infini E contient un sous-ensemble équipotent à N.

Démonstration. Il suffit de montrer que si E est un ensemble infini, il existe uneapplication injective de N dans E. Puisque E est un ensemble infini, pour toutn ∈ N, il existe une partie de E de cardinal n (construction par récurrence). Soitn un entier : on fixe des éléments de E, deux à deux distincts, an,0, . . . , an,n. On

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Algèbre T2

ordonne lexicographiquement N2 et on pose : b0 = a0,0 et b1 = ar,s, où (r, s) estle plus petit élément de N2 tel que ar,s �= b0. Par récurrence, de la même façon,on construit ap,q /∈ {b0, b1, . . . , bn}. L’application définie par f(n) = bn est uneapplication injective de N dans E. ♦

Ce qui précède montre que tout ensemble infini est au moins dénombrable, ouque ℵ0 est le plus petit cardinal infini.

Nous allons maintenant définir des opérations sur les cardinaux.

Definitions 2.8. Soient a et b deux cardinaux et soient X et Y des ensemblestels que a = Card(X) et b = Card(Y ).

a) On pose ab = Card(X × Y ) et on l’appelle produit des cardinaux a

et b.b) On choisit X et Y comme ci-dessus, vérifiant de plus X ∩ Y = ∅. On

pose alors a+b = Card(X ∪Y ), que l’on appelle somme des cardinaux a et b.c) On pose ab = Card(XY ), où XY est l’ensemble des applications de Y

dans X. Cette opération s’appelle l’exponentiation des cardinaux.

Remarques 2.9.a) Lorsque les ensembles X et Y sont disjoints, X ∩Y = ∅, on note la réunion

de X et Y de la façon suivante : X⊔Y , que l’on appelle réunion disjointe de

X et Y .b) Les définitions ci-dessus n’ont de sens que si elles ne dépendent pas du

choix des ensembles X et Y . Le lecteur vérifiera qu’il en est bien ainsi.

Exercice E2. Montrer que si a, b et c sont des cardinaux, on a les identités sui-vantes :

a + b = b + a, a + (b + c) = (a + b) + c, 0 + a = a,

ab = ba, a(bc) = (ab)c, 0a = 0, 1a = a,

a(b + c) = ab + ac

ab+c = abac, (ab)c = acbc, (ab)c = abc, a0 = 1, a1 = a,

avec 0 = Card(∅) et 1 = Card({∅}).

Attention. Les égalités a + c = b + c ou ac = bc n’impliquent pas a = b, comme lemontrent les résultats ci-dessous.

Proposition 2.10. L’ensemble N× N est équipotent à N.

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2. Cardinaux – Ensembles infinis

Démonstration. Pour tout n ∈ N, on pose un = 1 + 2 + · · · + n. On considèrel’application f : N × N −→ N définie par f(x, y) = y + ux+y. Montrons que fest bijective. L’application n �→ un est strictement croissante. On en déduit quepour tout élément a de N, il existe un unique entier p tel que up � a < up+1.Posons y = a − up. On a 0 � y < up+1 − up = p + 1. En posant x = p − y, on af(x, y) = a, ce qui prouve que f est surjective. Soient x et y des entiers, a = f(x, y)et p l’unique entier tel que up � a < up+1. On a ux+y � a � a+ x+ 1 = ux+y+1,d’où p = x+ y. Alors y = a− up, x = p− y et f est injective. ♦

On peut faire une autre démonstration, en utilisant l’ordre lexicographiquesur N2 et la bijection « diagonale » (cf. [ALB]).

Theoreme 2.11. Pour tout cardinal infini a, on a a2 = a.

Démonstration. Soit E un ensemble de cardinal a. D’après la proposition 2.7, ilexiste une partie F de E équipotente à N et, d’après la proposition 2.10, il existeune application bijective f de F sur F × F . On considère l’ensemble des couples(X, g), où X est une partie de E contenant F et g est une application bijectivede X sur X ×X prolongeant f . Cet ensemble est non vide, car il contient (F, f),et est ordonné par la relation

[(X, g) � (X ′, g′)] ⇐⇒ [X ⊂ X ′ et g′ est un prolongement de g].

C’est un ensemble inductif ; il existe donc, d’après le lemme de Zorn 1.11, unélément maximal (Y, h). Posons Card(Y ) = b.

Supposons que b soit strictement inférieur à a.Puisque b = b2 est infini, on a b � 2b � 3b � b2 = b. En effet, il

existe une application injective Y⊔Y ↪→ Y × Y , d’où 2b � b2 et, de même,

2b � 3b � b3 = b2 = b. On a donc b = 2b et b = 3b. L’hypothèse b < a entraîneque Card(E \Y ) > b, car sinon on aurait Card(E) � 2b = b, ce qui est impossible(utiliser le fait que E = Y

⊔(E \ Y ), d’où Card(E) = Card(Y ) + Card(E \ Y )).

Il existe donc une partie Z ⊂ (E \ Y ) équipotente à Y . Posons T = Y ∪ Z. On a

T × T = (Y × Y ) ∪ (Y × Z) ∪ (Z × Y ) ∪ (Z × Z).

Les ensembles apparaissant dans le second membre sont deux à deux disjoints et,puisque Y et Z sont équipotents, on a

Card(Y × Z) = Card(Z × Z) = b2 = b,

d’oùCard((Y × Z) ∪ (Z × Y ) ∪ (Z × Z)) = 3b = b.

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Algèbre T2

Il existe donc une application bijective k de Z sur (Y × Z) ∪ (Z × Y ) ∪ (Z × Z).L’application égale à h sur Y et à k sur Z est une bijection de T sur T × Tqui prolonge h, ce qui est contraire au caractère maximal du couple (Y, h). Parconséquent, b = a, ce qui prouve le théorème. ♦

Corollaire 2.12.(i) Si a est un cardinal infini, pour tout entier n � 1, on a an = a.(ii) Le produit d’une famille finie de cardinaux non nuls, dont le plus grand a

est infini, est égal à a.(iii) Soient a un cardinal infini, I un ensemble de cardinal inférieur ou égal à

a, (ai)i∈I une famille de cardinaux inférieurs ou égaux à a. Alors∑

i∈I ai � a.Si de plus, ai = a pour un indice i, alors

∑i∈I ai = a.

(iv) Soient a et b deux cardinaux non nuls dont l’un au moins est infini. Alors

ab = a + b = sup(a, b).

Theoreme 2.13.(i) Tout produit cartésien fini d’ensembles dénombrables est un ensemble dé-

nombrable.(ii) Soient I un ensemble dénombrable et, pour tout i ∈ I, Ei un ensemble

dénombrable. Alors⋃

i∈I Ei est un ensemble dénombrable.

Démonstration. Ce sont des conséquences immédiates du corollaire 2.12. ♦

Remarque 2.14. On déduit immédiatement de la proposition 2.7 et du corol-laire 2.12.iv que si E est un ensemble infini, Card(E) = Card(E)Card(N).

Proposition 2.15. Si f est une application surjective d’un ensemble E sur un en-semble infini F telle que, pour tout élément x de F , l’ensemble {f−1(x)} estdénombrable, alors les ensembles E et F sont équipotents.

Démonstration. Les ensembles {f−1(x)}, pour x ∈ F , forment une parti-tion de l’ensemble E par des sous-ensembles dénombrables. On en déduitdonc que Card(E) � Card(F )Card(N). D’après la remarque 2.14, on aCard(F )Card(N) = Card(F ). L’application f étant surjective,Card(F ) � Card(E), d’où le résultat. ♦

Proposition 2.16. Si E est un ensemble infini, l’ensemble F(E) des parties finiesde E est équipotent à E.

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2. Cardinaux – Ensembles infinis

Démonstration. L’application x �→ {x} est une application injective de E dansF(E), on a donc Card(E) � Card(F(E)). Pour tout entier n, notons Fn(E)l’ensemble des parties de E à n éléments. On a Card(Fn(E)) � Card(En) etCard(En) = Card(E), d’après le théorème 2.13.i. Par conséquent,

Card(F(E)) =∑n∈N

Card(Fn(E)) � Card(E)Card(N) = Card(E).

On en déduit que Card(F(E)) = Card(E). ♦

Attention. Ce résultat est faux pour l’ensemble P(E) des parties quelconques de E(cf. exercice ci-dessous).

Exercice E3. Soit E un ensemble.1. Montrer que

Card(E) < Card(P(E)).

(S’il existe une application bijective f : E −→ P(E), en considérantA = {x ∈ E |x /∈ f(x)} et a ∈ A tel que f(a) = A, déduire une contradiction.)

2. Montrer que Card(P(E)) = 2Card(E). (Considérer A = {0, 1}, f une ap-plication de X dans A : alors f �→ f−1({0}) est une application bijective del’ensemble AE sur P(E).)

Remarque 2.17. On peut démontrer que Card(P(N)) = Card(R) (cf. [ALB]). Lecardinal de R, qui est donc strictement supérieur au cardinal de N, s’appelle lapuissance du continu. Le problème suivant :

toute partie infinie de R est-elle équipotente à N ou à R ?

est appelé hypothèse du continu. Il a été démontré que cette question est in-décidable, c’est-à-dire que les axiomes de la théorie des ensembles ne permettentpas de démontrer que cette assertion est vraie ou qu’elle est fausse. Autrementdit, cela signifie que l’on peut ajouter aux axiomes de la théorie des ensemblesl’hypothèse du continu, ou sa négation, sans aboutir à des contradictions.

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BIBLIOGRAPHIE

Tous les résultats présentés dans ce livre (sauf dans l’Appendice) sont entièrement dé-montrés. Les quelques références à la théorie des groupes ou des corps qui sont utiliséesse trouvent dans :

[G-H] Guin, D., Hausberger, T. Algèbre I. Groupes, Corps et Théorie de Galois. (2008).EDP Sciences.

On trouvera également les références suivantes dans l’Appendice :

[ALB] Albert, C. Topologie. (1997). Belin et Espaces Éditions 34.

[BBK] Bourbaki, N. Algèbre, Théorie des ensembles, Chapitre 3. Ensembles ordonnés,Cardinaux, Nombres entiers. (1963). Hermann.

Cependant, de nombreux ouvrages ont été la source d’inspiration pour la présentationdes diverses notions exposées dans ce livre, ou pour les exercices et TR. J’en donne ci-dessous une liste, non exhaustive, qui constitue une base documentaire à laquelle le lecteurdésireux d’approfondir ses connaissances pourra se reporter.

Artin, M. Algebra. (1991). Prentice Hall, New Jersey.

Bourbaki, N. Algèbre, Chapitre 1 : Structures algébriques. (1964). Hermann.

Bourbaki, N. Algèbre, Chapitre 2 : Algèbre linéaire. (1968). Hermann.

Bourbaki, N. Algèbre, Chapitre 3 : Algèbre multilinéaire. (1958). Hermann.

Bourbaki, N. Algèbre, Chapitre 7 : Modules sur les anneaux principaux. (1964). Hermann.

Bourbaki, N. Algèbre commutative, Chapitre 1 : Modules plats ; Chapitre 2 : Localisation.(1961). Hermann.

Lang, S. Algèbre. (2004). Dunod.

Malliavin, M.P. Algèbre commutative. Applications en géométrie et théorie des nombres.(1985). Masson.

Perrin, D. Cours d’algèbre. (1995). Ellipses.

Samuel, P. Théorie algébrique des nombres. (1997). Hermann.

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INDEX TERMINOLOGIQUE

Les renvois ci-dessous sont signalés par :– le chapitre, puis le numéro dans ce chapitre – exemple, VIII.4.1 renvoie au 4.1 duchapitre VIII,– l’appendice, suivi du numéro – exemple, A.1.10 renvoie au numéro 1.10 de l’appendice,– pour les TR, le chapitre et la lettre repérant ce TR – exemple, TR.II.A renvoie auTR.A du chapitre II.

A

algèbre TR.IV.Aalgèbre de Lie TR.IV.Aalgèbre extérieure IX.5.2algèbre symétrique VIII.9.1algèbre tensorielle VIII.8.1algorithme euclidien II.2.2alternée (application, forme) IX.1.1anneau I.1.1anneau de Dedekind VI.6.1anneau des fractions I.6.8anneau euclidien II.2.2anneau factoriel II.4.1anneau local TR.I.Banneau nœthérien TR.II.C, VI.4.2anneau opposé IV.1.2anneau principal II.3.1anneau réduit VI.9.12annulateur (d’un élément, d’un module)

IV.1.7application bilinéaire VIII.1.1associativité I.1.1

B

base IV.7.1

Bezout (théorème) II.5.8bien ordonné (ensemble) A.1.13bilinéaire (application) VIII.1.1

C

Cantor-Bernstein (théorème) A.2.4caractéristique (d’un anneau, d’un corps)

I.5caractéristique (polynôme) VI.2.1cardinal A.2.1cardinaux (produit, somme,

exponentiation) A.2.8centre (d’un anneau) I.1.11chinois (théorème) I.4.3clos (intégralement) VI.1.8clôture intégrale VI.1.5commutatif (anneau) I.1.1composante p-primaire V.2.4composition (suite de) TR.VII.Ccontinu (hypothèse du) A.2.17corps I.1.1corps des fractions I.6corps ordonné I. exercice E12corps premier I.5.5corps résiduel TR.I.B

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Algèbre T2

critère d’Eisenstein III.1.5

D

Dedekind (anneau) VI.6.1degré (d’un monôme, d’un polynôme) II.1degré résiduel VI.9.2degré total II.1dénombrable (ensemble) A.2.6dépendance intégrale (relation) VI.1.2dérivation III.2.11, TR.IX.Bdéterminant IX.2.1différence symétrique I. exercice E1.2discriminant III.3.6, VI.9.5, VI.9.7distributivité I.1.1diviseur I.2.17diviseur élémentaire V.3.7divisible (module) TR.VII.A

E

Eisenstein (critère) III.1.5élément de torsion V.2.1élément entier VI.1.2élément maximal, minimal A.1.3élémentaire (diviseur) V.3.7élémentaire (matrice) V.4.1élémentaire (polynôme symétrique)

III.4.1éléments orthogonaux VII.3.1endomorphisme (de modules) IV.1.4ensemble bien ordonné A.1.13ensemble dénombrable A.2.6ensemble inductif A.1.10ensemble ordonné A.1.1ensemble totalement ordonné A.1.8ensembles orthogonaux VII.3.1entier (anneau) VI.1.5entier (élément) VI.1.2enveloppe injective TR.VII.Béquivalentes (matrices) TR.V.Bessentiel (morphisme) TR.VII.Bessentielle (extension) TR.VII.Bétrangers (éléments) II.5.6étrangers (idéaux) I.4.4euclidien (algorithme) II.2.2

euclidien (anneau) II.2.2Euler (fonction) TR.I.Aexacte (suite) VII.1.1exponentiation de cardinaux A.2.8extension des scalaires VIII.5.2extension essentielle TR.VII.Bextérieur (produit) IX.3extérieure (puissance, algèbre) IX.3,

IX.5.2

F

facteur direct IV.6.3facteur invariant V.3.7, V.4.1.4, TR.V.Bfactoriel (anneau) II.4.1fermeture intégrale VI.1.5fidèlement plat (module) TR.VIII.Afonction d’Euler TR.I.Afonction polynomiale III.2.1forme linéaire VII.2.1formelle (série) TR.II.Dformes différentielles (module des)

TR.IX.Bformule de Taylors III.2.18fractionnaire (idéal) VI.5.4fractions (anneaux des) I.6.8fractions (corps des) I.6

G

Gauss (lemme) III.1.1générateur (système) IV.7.1génératrice (famille) IV.7.1

H

homogène (polynôme) II.1.3hypothèse du continu A.2.17

I

idéal (à gauche, à droite, bilatère) I.2.1idéal fractionnaire VI.5.4idéal maximal I.3.8idéal premier I.3.5idéal principal II.3.1

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Index terminologique

idéal propre I.2.8idéaux étrangers I.4.4indécidable A.2.17inductif (ensemble) A.1.10injectif (module) TR.VII.Ainjective (enveloppe) TR.VII.Bintégrale (clôture, fermeture) VI.1.5intégrale (dépendance) VI.1.2intégralement clos VI.1.8intègre (anneau) I.3.1invariant (facteur) V.3.7, V.4.1.4,

TR.V.Binverse (à gauche, à droite) I.1.4inversible (élément) I.1.6irréductible (élément) II.3.8isomorphisme (d’anneaux) I.2.10isomorphisme (de modules) IV.1.4

J

Jordan (réduite) TR.V.AJordan-Hölder (suite de) TR.VII.C

L

Laurent (polynôme, série) TR.II.Dlibre (famille) IV.7.1libre (module) IV.7.1Lie (algèbre) TR.IV.Alinéaire (forme) VII.2.1linéairement indépendants (éléments)

IV.7.1local (anneau) TR.I.Blocalisation I.6

M

majorant A.1.7matrice élémentaire V.4.1matrices équivalentes TR.V.Bmaximal (élément) A.1.3maximal (idéal) I.3.8minimal (élément) A.1.3minorant A.1.7module (à gauche, à droite) IV.1.1module de torsion V.2.1

module de type fini IV.7.8module divisible TR.VII.Amodule dual VII.2.1module fidèlement plat TR.VIII.Amodule injectif TR.VII.Amodule monogène IV.5.1module nœthérien VI.4.2module (p-) V.2.4module plat TR.VIII.Amodule projectif TR.VII.Amodule semi-simple IV. exercice E3module simple IV. exercice E2monôme II.1morphisme (d’anneaux) I.2.10morphisme (de modules) IV.1.4morphisme caractéristique I.5.1morphisme essentiel TR.VII.Bmorphisme transposé VII.2.1multiplicative (partie) I.6.3multiplicité (ordre de) III.2.22

N

nilpotent (élément) I. exercice E9.4nilradical TR.I.Cnœthérien (anneau, module) TR.II.C,

VI.4.2norme (d’un élément) VI.2.1norme (d’un idéal) VI.7.2

O

opposé (anneau) IV.1.2ordonné (corps) I. exercice E12ordonné (ensemble) A.1.1ordonné (ensemble bien) A.1.13ordre (relation) A.A.1ordre de multiplicité III.2.22orthogonaux (éléments, ensembles)

VII.3.1

P

partie multiplicative I.6.3pgcd II.5.1plat (module) TR.VIII.A

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Algèbre T2

p-module V.2.4poids (d’un monôme, d’un polynôme)

III.4.6polynôme caractéristique VI.2.1polynôme de Laurent TR.II.Dpolynôme dérivé III.2.12polynôme non commutatif VIII. exercice

E4polynôme symétrique III.4.3polynôme symétrique élémentaire III.4.1polynômes (anneau de) II.1polynomiale (fonction) III.2.1ppcm II.5.1p-primaire (composante) V.2.4premier (corps) I.5.5premier (élément) II.3.8premier (idéal) I.3.5principal (idéal, anneau) II.3.1produit d’anneaux I.4.1produit de cardinaux A.2.8produit d’idéaux I.2.6produit tensoriel d’applications VIII.2.8produit tensoriel de modules VIII.2.1,

VIII.4.3projectif (module) TR.VII.Apropre (idéal) I.2.8

R

radical (d’un anneau) TR.I.Cramification d’un idéal VI.9.1ramification (indice) VI.9.2rang (d’un module) IV.7.6réduit (anneau) VI.9.12réduite de Jordan TR.V.Arelation d’ordre A.1.1résiduel (corps) TR.I.Brestriction des scalaires VIII.5.1résultant III.3.2

S

scalaires (extension, restriction) VIII.5.1,VIII.5.2

scindée (suite exacte) VII.1.5semi-simple (module) IV. exercice E3

série (formelle, de Laurent) TR.II.Dsimple (module) IV. exercice E2somme de cardinaux A.2.8somme d’idéaux I.2.6somme directe IV.6.1sous-anneau I.1.9sous-anneau engendré I.1.12sous-corps I.1.9sous-module IV.2.1sous-module de torsion V.2.3sous-module engendré IV.2.6suite de composition TR.VII.Csuite de Jordan-Hölder TR.VII.Csuite exacte VII.1.1suite exacte scindée VII.1.5symétrique (algèbre) VIII.9.1symétrique (polynôme) III.4.3symétrique élémentaire (polynôme)

III.4.1

T

Taylor (formule) III.2.18tensoriel (produit d’applications)

VIII.2.8tensoriel (produit de modules) VIII.2.1tensorielle (algèbre) VIII.8.1théorème chinois I.4.3théorème de Bezout II.5.8théorème de Cantor-Bernstein A.2.4torsion (élément, module) V.2.1torsion (sous-module) V.2.3totalement ordonné (ensemble) A.1.8trace VI.2.1transposé (morphisme) VII.2.1type (d’un groupe) V.3.9type fini (module) IV.7.8

U

unité (élément) I.1.1

Z

zéro (d’un polynôme) III.2.5Zorn (lemme) A.1.11

244