alternatives managériales et economiques

18
Revue ame ,Vol 2, No 4 (Octobre, 2020) 407-424 Page 407 ZIKY & BOUHALI / Revue AME Vol 2, No 4 (Octobre, 2020) 407-424 Libéralisation du compte capital et croissance économique au Maroc : Causalité et relation de long terme, ZIKY, M. 1 et BOUHALI, H. 2 1. Enseignant chercheur en économie et Directeur du Laboratoire de Recherche Innovation Responsabilité et Développement Durable (INREDD), Université Cadi Ayyad, FSJES, Marrakech-Maroc, [email protected]. 2. Doctorante en Economie, Laboratoire de recherche Innovation, Responsabilité et Développement Durable (INREDD), Université Cadi Ayyad, FSJES, Marrakech-Maroc, [email protected]. Date de soumission : 14/09/2020 Date d’acceptation : 27/10/2020 Résumé : Cet article examine la relation entre la libéralisation du compte capital et la croissance économique pour le cas du Maroc. L’étude est basée sur une modélisation en ARDL Bound Tests de Pesaran, Shin et Smith (2001) couplée au test de causalité de Granger au sens de Toda- Yamamoto (1995). L’analyse économétrique est menée sur la période 1970-2017. Les résultats obtenus suggèrent que la libéralisation du compte capital, représentée par un indice calculé à l'aide de l'analyse en composantes principales, favorise la croissance économique à court et à long terme. Ils confirment également l’existence d’un lien de causalité direct entre la libéralisation du compte capital et la croissance économique au Maroc. Mots-clés : Libéralisation du compte capital, Croissance économique, Modélisation ARDL, Causalité de Toda-Yamamoto. Capital Account Liberalization and Economic Growth in Morocco: Causality and Long-Term Relationship Abstract: This article examines the relationship between capital account liberalization and economic growth for the case of Morocco. The study is based on an ARDL Bound Tests modeling by Pesaran, Shin and Smith (2001) coupled with the Granger causality test in the sense of Toda-Yamamoto (1995). The econometric analysis is carried out over the period 1970-2017. The results obtained suggest that the liberalization of the capital account, represented by an index calculated using principal component analysis, promotes economic growth in the short and long term. They also confirm the existence of a direct causal link between capital account liberalization and economic growth in Morocco. Key words: Capital account liberalization, Economic growth, ARDL modeling, Toda-Yamamoto causality. Alternatives Managériales et Economiques E-ISSN : 2665-7511 https://revues.imist.ma/?journal=AME

Upload: others

Post on 25-Dec-2021

12 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: Alternatives Managériales et Economiques

Revue ame ,Vol 2, No 4 (Octobre, 2020) 407-424 Page 407

ZIKY & BOUHALI / Revue AME Vol 2, No 4 (Octobre, 2020) 407-424

Libéralisation du compte capital et croissance économique au Maroc :

Causalité et relation de long terme, ZIKY, M.1 et BOUHALI, H.2

1. Enseignant chercheur en économie et Directeur du Laboratoire de Recherche Innovation

Responsabilité et Développement Durable (INREDD), Université Cadi Ayyad, FSJES, Marrakech-Maroc,

[email protected].

2. Doctorante en Economie, Laboratoire de recherche Innovation, Responsabilité et Développement

Durable (INREDD), Université Cadi Ayyad, FSJES, Marrakech-Maroc, [email protected].

Date de soumission : 14/09/2020 Date d’acceptation : 27/10/2020

Résumé :

Cet article examine la relation entre la libéralisation du compte capital et la croissance

économique pour le cas du Maroc. L’étude est basée sur une modélisation en ARDL Bound Tests

de Pesaran, Shin et Smith (2001) couplée au test de causalité de Granger au sens de Toda-

Yamamoto (1995). L’analyse économétrique est menée sur la période 1970-2017. Les résultats

obtenus suggèrent que la libéralisation du compte capital, représentée par un indice calculé à

l'aide de l'analyse en composantes principales, favorise la croissance économique à court et à

long terme. Ils confirment également l’existence d’un lien de causalité direct entre la libéralisation

du compte capital et la croissance économique au Maroc.

Mots-clés : Libéralisation du compte capital, Croissance économique, Modélisation ARDL,

Causalité de Toda-Yamamoto.

Capital Account Liberalization and Economic Growth in Morocco: Causality

and Long-Term Relationship

Abstract:

This article examines the relationship between capital account liberalization and economic

growth for the case of Morocco. The study is based on an ARDL Bound Tests modeling by Pesaran,

Shin and Smith (2001) coupled with the Granger causality test in the sense of Toda-Yamamoto

(1995). The econometric analysis is carried out over the period 1970-2017. The results obtained

suggest that the liberalization of the capital account, represented by an index calculated using

principal component analysis, promotes economic growth in the short and long term. They also

confirm the existence of a direct causal link between capital account liberalization and economic

growth in Morocco.

Key words: Capital account liberalization, Economic growth, ARDL modeling, Toda-Yamamoto

causality.

Alternatives Managériales et Economiques E-ISSN : 2665-7511

https://revues.imist.ma/?journal=AME

Page 2: Alternatives Managériales et Economiques

Revue ame ,Vol 2, No 4 (Octobre, 2020) 407-424 Page 408

Introduction :

La libéralisation du compte capital est un choix politique important dans une économie globale

de plus en plus intégrée. Elle consiste à passer d’un système de contrôle des changes avec des

restrictions sur les mouvements de capitaux vers un système caractérisé par leur libre circulation.

En théorie, la libéralisation du compte capital devrait permettre une allocation plus efficace du

capital au niveau mondial des pays industrialisés riches en capital aux économies en

développement pauvres en capital.

Généralement, la libéralisation du compte capital est avantageuse et durable si elle s’accompagne

de politiques macro-économiques et financières adéquates. Les avantages potentiels d'une

libéralisation du compte capital sont pleinement réalisés en présence d'institutions adéquates et

de politiques macroéconomiques solides (Klein et Olivei, 1999). En outre, l’expérience vécue par

certains pays a démontré que la libéralisation accentue les risques de crise si elle ne se conjugue

pas à des mesures de surveillance et de régulation prudentielles ainsi que des politiques

macroéconomiques cohérentes.

Parallèlement à l’évolution des systèmes monétaires internationaux, la politique de change au

Maroc est passée par plusieurs phases. La réglementation des changes a connu un changement

remarquable passant du contrôle répressif à la libéralisation partielle des opérations de change à

partir des années quatre-vingt-dix et ce, pour mieux répondre aux besoins de la nouvelle politique

économique du pays s’inscrivant dans une perspective d’orientation libérale et d’ouverture sur

l’extérieur.

Les autorités monétaires marocaines ont franchi une nouvelle étape vers la réduction des

contrôles de changes avec la mise en œuvre, en septembre 1992, de mesures d’assouplissement

et de libéralisation concernant les opérations courantes et les opérations en capital des non-

résidents. D’autant plus, en janvier 1993, le Maroc a adhéré officiellement aux dispositions de

l’article VIII des Statuts du FMI relatives à la convertibilité des opérations courantes.

A partir d’août 2007, certaines opérations en capital des résidents ont été libéralisées par la mise

en place de mesures d’assouplissement portant sur les opérations d’investissements directs et de

placements à l’étranger réalisées par les personnes morales. En 2011, le plafond des

investissements marocains à l’étranger a été relevé passant de trente millions de dirhams par an

et par personne morale à cent millions de dirhams par an pour les investissements à réaliser en

Afrique et à cinquante millions de dirhams pour les investissements à effectuer dans les autres

continents.

Le dispositif réglementaire a ainsi été réexaminé en vue de permettre aux opérateurs marocains

Page 3: Alternatives Managériales et Economiques

Revue ame ,Vol 2, No 4 (Octobre, 2020) 407-424 Page 409

d’être beaucoup mieux compétitifs à l’international, ce qui affirme la volonté du pays à s’ouvrir

davantage sur l’extérieur et à arrimer l’économie marocaine au marché international des

capitaux. Dans ce sens, le Maroc pourrait envisager de poursuivre le processus de libéralisation

entamé à partir des années quatre-vingt et franchir une nouvelle phase en matière de

libéralisation des opérations en capital.

Par ailleurs, la mise en œuvre d'une réforme majeure telle que la libéralisation avancée du compte

capital nécessite généralement une évaluation de l'impact de cette mesure sur l’économie

marocaine. En effet, il est indispensable de réaliser au préalable une étude approfondie de la

pertinence économique du processus de libéralisation entrepris durant les dernières décennies

et une analyse de ses effets sur l’économie marocaine. C’est dans cette perspective que s’inscrit

la problématique du présent article qui s’énonce comme suit : Quel est l’impact de la libéralisation

du compte capital sur la croissance économique au Maroc ?

Cet article est divisé en trois parties. La première présente la revue de littérature analysant la

relation entre la libéralisation du compte capital et la croissance économique. La deuxième partie

porte sur l’analyse empirique des effets de la politique de libéralisation du compte capital au

Maroc sur la croissance économique. Un premier point est consacré à l’identification d’un indice

spécifique de la libéralisation du compte capital au Maroc sur la période 1970-2017 et le

deuxième point porte sur le développement économétrique. Et enfin, la troisième partie est

dédiée à la présentation des résultats empiriques et à la discussion de leur étendue en les

comparants aux principales contributions théoriques.

1. Survol de la revue de littérature

En théorie, la libéralisation du compte capital devrait permettre une meilleure répartition des

capitaux à travers leur acheminement des pays industrialisés riches en capital vers les économies

pauvres en capital. Cette initiative devrait présenter des avantages pour tous. Cependant, les faits

ne sont pas aussi irréfutables que la théorie.

Conformément à la théorie néoclassique, la libéralisation stimule la croissance économique à

travers plusieurs canaux. D’abord, le libre mouvement des flux de capitaux permet la

diversification du risque tout en poussant à la baisse du coût du capital, d’où un effet-prix positif

et relativement permanent. Il permet également d’accroître l’investissement, de permettre

moins de volatilité de la consommation, d’où l’accélération de la croissance et donc l’amélioration

du bien-être en offrant une meilleure allocation des ressources (Henry P.B., 2006). De même, la

libéralisation du compte capital encourage une meilleure efficacité dans l’allocation des

Page 4: Alternatives Managériales et Economiques

Revue ame ,Vol 2, No 4 (Octobre, 2020) 407-424 Page 410

ressources dans les pays qui, en plus de plusieurs effets positifs, constitue un avantage pour les

emprunteurs, les prêteurs et la croissance économique.

Stanley Fischer (1998) a avancé des arguments en faveur de la libéralisation du compte capital. Il

suggère qu’au niveau théorique, la libéralisation du compte capital conduirait à l'efficacité

économique mondiale, à l'allocation des économies mondiales à ceux qui pourraient les utiliser

de manière plus productive et augmenterait ainsi le bien-être social. Les citoyens des pays avec

des mouvements de capitaux libres pourraient diversifier leurs portefeuilles et augmenter ainsi

leurs taux de rendement en fonction du risque. Cela permettrait aux entreprises de ces pays de

mobiliser des capitaux sur les marchés internationaux à moindre coût.

En outre, le modèle orthodoxe considère la mobilité du capital comme l'ajout de nouvelles

ressources, de la technologie, de la gestion et de la concurrence aux pays à déficit de capitaux, de

manière à améliorer l'efficacité et à stimuler la croissance (Bhagwati, 1998 ; Rakshit, 2001).

Toutefois, l'école orthodoxe reconnaît qu'il existe des risques liés à la libéralisation du compte

capital, étant donné que l'élimination des restrictions sur les flux financiers à court terme a été

associée aux crises économiques et financières des années quatre-vingt-dix en Asie et en

Amérique latine.

L'analyse de l'impact de la libéralisation du compte capital sur la croissance économique ne

délivre pas de conclusions consensuelles aussi bien au niveau théorique qu'empirique. En effet,

malgré l'existence de nombreuses contributions sur ce lien, les résultats restent contradictoires

quant à savoir si cette libéralisation joue un rôle positif ou négatif sur la croissance économique

réelle. Certains travaux constatent un impact positif de la libéralisation du compte capital sur la

croissance économique [Quinn (1997) ; Klein et Olivei (1999) ; Bailliu (2000) ; Edwards (2001) ;

Chanda (2001) ; Henry (2003) ; Klein (2003) ; Mendoza et Al. (2007) ; Honig (2008) ; Aloui et Saidi

(2010) ; Benhabib et Zenasni (2012)], tandis que d’autres mettent en doute la robustesse de cet

impact [Rodrik (1998) ; Kraay (1998) …].

Rodrik (1998) ne trouve pas d'effet significatif de la libéralisation du compte capital sur la

croissance au cours de la période 1975 à 1989 pour un échantillon de 100 pays développés et en

développement. Ce résultat soutient celui d’une étude précédente réalisée par Grilli et Milesi-

Ferretti (1995) qui ne confirme pas l’effet à long terme de la libéralisation financière

internationale sur la croissance économique. Kraay (1998) ne trouve également aucune relation

significative entre la libéralisation et la croissance économique en utilisant diverses mesures de

l'ouverture du compte capital y compris l'indicateur Share et l'indicateur d'ouverture du compte

Page 5: Alternatives Managériales et Economiques

Revue ame ,Vol 2, No 4 (Octobre, 2020) 407-424 Page 411

capital de Quinn.

Par ailleurs, Quinn (1997) conclut l'existence d'une corrélation étroite entre la modification du

degré de libéralisation et la croissance du PIB par habitant. De leur part, Klein et Olivei (1999) et

Bailliu (2000) suggèrent que la libéralisation du compte capital améliore la croissance par le biais

du développement financier ou une restructuration financière en profondeur. A travers une étude

empirique portant sur 61 pays émergents et développés pendant la période de 1975-1997,

Edwards (2001) a remarqué une augmentation significative du taux de croissance du revenu par

personne suite à la libéralisation du compte capital.

Henry (2003) a constaté que la libéralisation des flux de capitaux améliore la croissance par la

réduction du coût de capital et ainsi l'augmentation de l'investissement. Chanda (2001) suggère

que l'impact de la libéralisation du compte capital peut varier avec le niveau d'hétérogénéité

ethnique et linguistique. Il constate que les contrôles de capitaux conduisent à une plus grande

inefficacité et une croissance plus faible dans les pays caractérisés par un degré élevé

d'hétérogénéité ethnique et linguistique.

Les découvertes de Klein (2003) ont ajouté que l'effet positif de l’ouverture du compte capital sur

la croissance économique à long terme est compatible avec une situation où la croissance, dans

un pays qui est caractérisé par la rareté de capitaux et doté de bonnes institutions, est stimulée

par l'accès aux marchés des capitaux mondiaux. L’étude de Mendoza, Quadrini et Rios-Rull (2007)

fournit un résultat selon lequel les pays à revenus intermédiaires profitent significativement de

l'ouverture du compte capital. Par ailleurs, dans les pays pauvres, la croissance ne peut pas être

favorisée par la libéralisation du compte capital. Honig (2008) suppose que de bonnes institutions

sont nécessaires pour que les pays bénéficient de la libéralisation.

Pareillement, l’étude de Saidi et Aloui (2010) produit des résultats qui révèlent une corrélation

directe entre la libéralisation du compte capital et la croissance économique qui peut être positive

ou négative en raison de l’échantillon sélectionné et de la période d'étude choisie. L’étude de

Zenasni et Benhabib (2012) concluent qu'il existe une relation positive entre le degré de

libéralisation du compte capital et la croissance économique en examinant la relation entre la

libéralisation du compte capital et la croissance économique dans trois pays du Maghreb

(l'Algérie, le Maroc et la Tunisie) pendant la période 1970-2009.

2. Méthodologie et modèle

Dans le cadre de cette analyse empirique, nous cherchons à évaluer l’impact qu’exerce la

Page 6: Alternatives Managériales et Economiques

Revue ame ,Vol 2, No 4 (Octobre, 2020) 407-424 Page 412

libéralisation du compte capital sur la croissance économique au Maroc tout en tenant compte

d’autres variables de contrôle. L’outil économétrique utilisé est le modèle autorégressive à retard

échelonnés (ARDL) couplé aux tests de cointégration aux bornes de Pesaran et Shin et Smith

(2001) et le test de causalité de Granger au sens de Toda-Yamamoto.

La démarche adoptée consiste à fournir des réponses aux questions suivantes :

1. Existe-t-il un lien de causalité entre la libéralisation du compte capital et la croissance

économique pour le cas du Maroc ?

2. Quels effets exercent la libéralisation du compte capital sur la croissance économique

au Maroc ?

A partir de la revue de littérature, nous avons sélectionné cinq variables de contrôle dont l’indice

de libéralisation du compte capital (MCAL). Les variables du modèle sont regroupées dans le

tableau 1. Les données sont annuelles et couvrent la période allant de 1970 à 2017. Elles sont

collectées à partir des bases de données ou rapports de la Banque Mondiale « World

Development Indicators» et de l’Office des Changes.

Tableau 1. Description des variables :

Variables Description

PIBRH La croissance économique représentée par le PIB réel par habitant

MCAL L’indice de la libéralisation du compte capital pour le Maroc.

DF

Le développement financier mesuré par un indice composite construit à partir de trois mesures ; le ratio de la masse monétaire en pourcentage du PIB, le ratio des crédits domestiques fournis par le secteur financier (en % du PIB) et le ratio des crédits domestiques accordés au secteur privé (en % du PIB) en utilisant une analyse en composantes principales (ACP)

INF Le taux d’inflation représenté par l’indice des prix à la consommation (IPC).

EDUC Le stock de capital humain mesuré par le ratio d’inscription à l’enseignement secondaire.

TRADE Le taux d’'ouverture commerciale mesurée par la somme des exportations et des importations rapportée au PIB.

2.1. Identification de l’indice de mesure de la libéralisation du compte capital « MCAL »

Plusieurs indicateurs sont retenus par la littérature afin d’apprécier le degré d’insertion des pays

au sein de la sphère financière mondiale, quoique dans la pratique, ces indicateurs présentent

des limites qui entravent leur utilisation particulièrement pour le cas du Maroc suite à la

disponibilité restreinte des données et l’incohérence avec la réalité économique et financière du

pays. A cet effet, nous avons estimé qu’il était plus judicieux de construire un indice de mesure

de la libéralisation du compte capital « MCAL » permettant d’évaluer efficacement le degré

d’insertion de l’économie marocaine au sein de la sphère mondiale. L’indice « MCAL » utilisé dans

Page 7: Alternatives Managériales et Economiques

Revue ame ,Vol 2, No 4 (Octobre, 2020) 407-424 Page 413

notre analyse correspond à celui développé dans un précédant article qui a fait l’objet de

publication (Ziky et Bouhali ; 2020).

En s’inspirant des travaux de recherche de Klein et Olivei (1999), Miniane (2004) et Mouley

(2007), nous construisons l’indice de mesure « MCAL ». Nous utilisons les informations sur le

degré de restrictions appliquées sur quinze catégories de transactions qui ont connu un

allégement ou une suppression de restrictions durant la période 1970-2017 en se conformant à

la réglementation des changes en vigueur. La construction de l’indice « MCAL » a été effectuée

sur la base d’une analyse en composante principale (ACP). Les résultats obtenus se matérialisent

par la figure 1 qui représente l’évolution de l’indice de la libéralisation du compte capital pour le

Maroc « Moroccan Capital Account Liberalization - MCAL - » au titre de la période 1970-2017 (Ziky

et Bouhali ; 2020).

Figure 1.Evolution de l’indice MCAL au titre de la période 1970-2017 :

Source : Elaboration propre à partir des calculs effectués par le logiciel SPSS22.

Cet indice reflète la démarche graduelle et progressive de la libéralisation des transactions

internationales entreprises par le Maroc à partir des années quatre vingt.

2.2. Spécification du modèle économétrique

Nous avons choisi d’estimer un modèle autorégressif à retards distribués pour examiner l’impact

de la libéralisation du compte capital sur la croissance économique au Maroc. Ce modèle,

appartenant à la catégorie des modèles dynamiques classiques, permet de capter les effets

temporels dans l’explication d’une variable. En effet, l’approche « ARDL Bound Testing »

développé par Pesaran et Shin (1998) et Pesaran, Shin et Smith (2001) offre la possibilité de tester

les relations de long terme en utilisant les tests de cointégration aux bornes sur des séries qui

sont intégrées d’ordre (0) et (1) et d’obtenir de meilleures estimations sur des échantillons de

petite taille (Narayan 2005).

0,05

0,12

0,63

0,80

0,870,94

0,97

0,000,050,100,150,200,250,300,350,400,450,500,550,600,650,700,750,800,850,900,951,00

Page 8: Alternatives Managériales et Economiques

Revue ame ,Vol 2, No 4 (Octobre, 2020) 407-424 Page 414

Sous sa forme explicite, le modèle « ARDL Bound Testing » s’écrit comme suit (il prend la forme

d’un VECM) :

𝒀𝒕 = 𝜷𝟎 + 𝜷𝟏𝒀𝒕−𝟏 + ⋯ + 𝜷𝒑𝒀𝒕−𝒑 + 𝜶𝟎𝑿𝒕 + 𝜶𝟏𝑿𝒕−𝟏 + 𝜶𝟐𝑿𝒕−𝟐 + ⋯ + 𝜶𝒒𝑿𝒕−𝒒 + 𝜺𝒕

La variable dépendante est ainsi expliquée par ses propres valeurs décalées et par la variable

explicative et ses décalages.

Avec deux variables explicatives (𝑋1 et 𝑋2) en plus de la variable dépendante (𝑌), le modèle se

présente comme suit :

∆𝒀𝒕 = 𝜷𝟎 + ∑ 𝜷𝒊∆𝒀𝒕−𝒊

𝒑

𝒊=𝟏

+ ∑ 𝜸𝒊∆𝑿𝟏𝒕−𝒊

𝒒

𝒊=𝟎

+ ∑ 𝜹𝒊∆𝑿𝟐𝒕−𝒊

𝒒

𝒊=𝟎

+ 𝝋 𝑬𝑪𝑻𝒕−𝟏 + 𝜺𝒕

Avec : ECT est le terme de correction d’erreur qui comprend les paramètres de long terme et 𝜑

représente le coefficient de correction d’erreur qui montre la vitesse d’ajustement vers l’équilibre

à long terme.

En remplaçant le terme de correction d’erreur par les termes 𝑌𝑡−1 , 𝑋1𝑡−1 et 𝑋2𝑡−1 , nous

obtenons le modèle suivant :

∆𝒀𝒕 = 𝜷𝟎 + ∑ 𝜷𝒊∆𝒀𝒕−𝒊

𝒑

𝒊=𝟏

+ ∑ 𝜸𝒊∆𝑿𝟏𝒕−𝒊

𝒒

𝒊=𝟎

+ ∑ 𝜹𝒊∆𝑿𝟐𝒕−𝒊

𝒒

𝒊=𝟎

+ 𝜽𝟎 𝒀𝒕−𝟏 + 𝜽𝟏 𝑿𝟏𝒕−𝟏 + 𝜽𝟐 𝑿𝟐𝒕−𝟏 + 𝜺𝒕

Cette équation présente le modèle à correction d’erreurs non contraint ou «ECM conditionnel»

comme mentionné par Pesaran, Shin et Smith (2001). Il permet de modéliser conjointement les

dynamiques de court terme représentées par les variables en différence première et de long

terme représentées par les variables en niveau. Cette formulation présente plusieurs avantages

dont particulièrement celle concernant la multi colinéarité des variables explicatives. L’effet de

multi-colinéarité qui est généralement fortement présent dans les données de séries

chronologiques est considérablement réduit sous la forme de correction d'erreur (Katarina

Juselius, 2006).

En adoptant l’approche ARDL, le modèle à estimer se présente de la manière suivante :

∆𝑷𝑰𝑩𝑹𝑯𝒕 = 𝜷𝟎 + ∑ 𝜷𝟏∆𝑷𝑰𝑩𝑹𝑯𝒕−𝒊 + ∑ 𝜷𝟐∆𝑴𝑪𝑨𝑳𝒕−𝒊 + 𝒑𝒊=𝟎 ∑ 𝜷𝟑∆𝑫𝑭𝒕−𝒊 +

𝒒𝒊=𝟎

𝒑𝒊=𝟎

∑ 𝜷𝟒∆𝑻𝑹𝑨𝑫𝑬𝒕−𝒊 + ∑ 𝜷𝟓∆𝑰𝑵𝑭𝒕−𝒊 + ∑ 𝜷𝟔∆𝑬𝑫𝑼𝑪𝟏𝒕−𝒊 + 𝒒𝒊=𝟎 𝜽𝟏 𝑷𝑰𝑩𝑹𝑯𝒕−𝟏 +

𝒒𝒊=𝟎

𝒒𝒊=𝟎

𝜽𝟐 𝑴𝑪𝑨𝑳𝒕−𝟏 + 𝜽𝟑 𝑫𝑭𝒕−𝟏 + 𝜽𝟒 𝑻𝑹𝑨𝑫𝑬𝒕−𝟏 + 𝜽𝟓 𝑰𝑵𝑭𝒕−𝟏 + 𝜽𝟔 𝑬𝑫𝑼𝑪𝒕−𝟏 + 𝝁𝒕

Avec : ∆ est l’opérateur de différences premières ;

𝛽1 – 𝛽6∶ La représentation « Error Correction Models (ECM) » ;

𝜃1 – 𝜃6: Les relations de long terme ;

Page 9: Alternatives Managériales et Economiques

Revue ame ,Vol 2, No 4 (Octobre, 2020) 407-424 Page 415

p est le nombre de retards de la variable expliquée IDEE ;

q est le nombre de retards des variables explicatives.

3. Résultats empiriques

Il est indispensable de déterminer le degré d’intégration des variables avant de procéder au test

de cointégration. Les tests utilisés dans notre analyse sont les plus fréquents et les plus utilisés

soit le test ADF et le test PP. Les résultats sont présentés à travers le tableau 2.

Tableau 2. Résultats des tests ADF et PP1 :

Variables Test ADF Test PP

Degré d’intégration

Valeur du test Degré

d’intégration Valeur du test

PIBRH I(1) -10.64756** I(1) -11.05780**

DF I(1) -6.64360*** I(1) -6.723870***

EDUC I(1) -2.919292* I(1) -2.730777*

INF I(0) -5.329133** I(0) -5.302329***

TRADE I(1) -7.308606*** I(1) -7.401872***

MCAL I(1) -6.061773*** I(1) -6.343888***

*** : significatif à 1% ; ** : significatif à 5% ; * : significatif à 10%

Source : Elaboration propre à partir des calculs effectués par le logiciel EViews 9

L’application du test ADF conduit à rejeter l’hypothèse de stationnarité pour cinq variables alors

qu’une seule variable est stationnaire soit l’inflation. De même, l’utilisation du test PP a mené au

rejet de l’hypothèse de stationnarité pour cinq variables seul l’inflation est stationnaire.

3.1. Test de causalité de Toda-Yamamoto

Le test de causalité de Granger au sens de Toda-Yamamoto (1995) s’applique sur des variables

intégrées à des ordres différents. L’hypothèse nulle stipule l’absence de causalité entre les

variables (probabilité χ2 > 5%).

D’après les résultats obtenus (tableau 3), il existe une causalité bidirectionnelle au sens de Toda-

Yamamoto entre le développement financier et l’éducation dans la mesure où selon les résultats,

le développement financier a un impact sur l’éducation et celle-ci influence le développement

financier. Il existe également des causalités unidirectionnelles qui sont présentées comme suit :

▪ La croissance économique est causée par la libéralisation du compte capital, l’ouverture

commerciale et l’inflation ;

1 Le nombre de retard optimal est sélectionné automatiquement, en utilisant le critère SIC pour le test ADF. Le

nombre de retard est déterminé avec l’approche de Bartlett kernel pour le test PP. Les valeurs critiques utilisées sont celles de Mackinnon [1996].

Page 10: Alternatives Managériales et Economiques

Revue ame ,Vol 2, No 4 (Octobre, 2020) 407-424 Page 416

▪ La libéralisation du compte capital est causée par le niveau d’éducation;

▪ Le développement financier est causé par la croissance et le niveau d’éducation ;

▪ L’éducation est causée par le développement financier et l’ouverture commerciale.

Tableau 3. Résultats du Test de Causalité de Toda-Yamamoto1 :

Variables Dépendantes

Variables explicatives ou causales (probabilité)

LPIBRH MCAL LDF LTRADE LINF LEDUC

LPIBRH 9.126111* 3.712702 17.12672*** 9.997869*** 4.344211 (0.0104) (0.1562) (0.0002) (0.0067) (0.1139)

MCAL 0.150843 3.621095 0.097927 0.190713 4.697383* (0.9274) (0.1636) (0.9522) (0.9090) (0.0955)

LDF 8.701342** 1.793767 0.634851 0.634119 8.501356**

(0.0129) (0.4078) (0.7280) (0.7283) (0.0143)

LTRADE 4.350903 6.016717** 1.666326 1.300443 0.942571 (0.1136) (0.0494) (0.4347) (0.5219) (0.6242)

LINF 1.218260 2.798644 3.054438 2.399660 1.332701 (0.5438) (0.2468) (0.2171) (0.3012) (0.5136)

LEDUC 3.976950 0.471489 9.545164*** 6.302141** 2.838192

(0.1369) (0.7900) (0.0085) (0.0428) (0.2419)

*** : significatif à 1% ; ** : significatif à 5% ; * : significatif à 10% ;

Valeurs = statistiques de χ2 ; k (retard optimal du VAR à niveau (SIC)) = 4 ;

dmax (ordre maximal d’intégration des variable) = 2.

En somme, les résultats font apparaitre l’existence d’un lien de causalité direct entre la

libéralisation du compte capital et la croissance économique au Maroc. Aussi, on remarque que

la croissance économique influe indirectement sur la libéralisation du compte capital par le biais

du développement financier et le stock de capital humain mesuré par le niveau d’éducation.

3.2. Tests de diagnostic et de cointégration

Les variables du modèle sont intégrées d’ordre zéro et un ce qui rend plus favorable l’utilisation

du test de cointégration de Pesaran, Shin et Smith. Les résultats du test confirment l’existence

d’une relation de cointégration entre les variables dans la mesure où la valeur de la statistique de

Fisher est supérieure à la borne supérieure pour les différents seuils de significativité.

Tableau 4. Résultats des tests de diagnostic et de cointégration : Tests Valeurs et Probabilités

F-Statistic 11.98607***

Test d’autocorrélation des erreurs de Breusch-Godfrey (LM) 1.431972

1 Elaboration propre à partir des calculs effectués par le logiciel EViews 9.

Page 11: Alternatives Managériales et Economiques

Revue ame ,Vol 2, No 4 (Octobre, 2020) 407-424 Page 417

(0.2635)

Test d’hétéroscedasticité (ARCH) 0.040340 (0.8418)

Test de normalité des résidus de Jarque-Bera (JB) 0.742809

(0.689765)

Test de spécification de Ramzey (RESET) 0.661007 (0.5162)

Source : Elaboration propre à partir des calculs effectués par le logiciel EViews 9.

Note : Les valeurs entre (.) sont les p-values. Les limites supérieures du F-

statistic, avec des seuils de signification de 10 %, 5 %, et 1 %, sont

respectivement de [3.35%], [3.79%], et [4.68%]. ∗, ∗∗, et ∗∗∗ indiquent le

rejet de l’hypothèse nulle au seuil de 10 %, 5 %, et 1 %, respectivement.

Les résultats des tests de validité affichés dans le tableau 4 affirment l’absence de corrélation

sérielle, l’absence d’hétéroscédasticité, la normalité des résidus et la bonne spécification du

modèle du fait que les probabilités associées aux quatre tests sont largement supérieures à 5%.

3.3. Dynamique de court terme et coefficients de long terme

Les résultats des estimations, regroupés dans le tableau 5, font apparaitre que le coefficient

d’ajustement est négatif et statistiquement significatif au seuil de 5% pour notre modèle,

traduisant ainsi l’existence d’une relation de long terme entre les variables.

On peut conclure aussi que la libéralisation du compte capital et l’ouverture commerciale sont

corrélées positivement à la croissance économique à court terme et à long terme. Par ailleurs, le

niveau d’éducation est corrélé négativement avec la croissance économique à court et à long

terme et le développement financier est corrélé négativement à la croissance à court terme et

positivement à long terme. Concernant l’inflation, l’effet de cette variable est non significatif à

court et long terme.

Page 12: Alternatives Managériales et Economiques

Revue ame ,Vol 2, No 4 (Octobre, 2020) 407-424 Page 418

Tableau 5. Résultats d’estimation des coefficients de CT et LT1 :

Court terme Long terme

X Y PIBRH X Y PIBRH

ECMt-1 -0.551302***

- - (0.084708)

MCAL 0.220865**

MCAL 0.471999***

(3.435179) (0..092642)

LDF -0.139630***

LDF 0.267936**

(0.048546) (0.220890)

LTRADE 0.114392***

LTRADE 0.678182***

(0.039150) (0.152071)

LEDUC -0.077339**

LEDUC -0.140284**

(0.031722) (0.066146)

LINF -0.002335

LINF -0.004236

(0.004730) (0.008748)

- - C 4.047063***

(0.190104)

Source : Elaboration propre (Estimations sur Eviews 9)

3.4. Test de stabilité

Les tests de stabilité de CUSUM et de CUSUMSQ de Brown, Durbin et Evans (1975) sont effectués

sur les estimations de correction d'erreur obtenues pour déterminer le niveau de leur fiabilité.

Les tests sont généralement représentés sous une forme graphique (figure 2).

Les résultats du test CUSUM montrent que le modèle est structurellement stable car les résidus

récursifs restent en tout temps à l’intérieur de l’intervalle de confiance au seuil de 5%. Selon les

résultats du test CUSUMSQ, nous constatons que la somme cumulative des carrés des résidus

récursifs reste toujours dans l’intervalle pour le seuil de confiance de 5 %, ce qui suggère que la

variance résiduelle est stable.

1 Toutes les variables sont transformées en logarithme sauf l’indice MCAL. Les valeurs entre parenthèses sont

les écarts-types. ***; ** et * : significatif au seuil d’erreur de 1%, 5% et 10%, respectivement. Le critère de sélection choisi est le critère Bayésien de Schwarz (SBC).

Page 13: Alternatives Managériales et Economiques

Revue ame ,Vol 2, No 4 (Octobre, 2020) 407-424 Page 419

Figure 2. Tests CUSUM et CUSUMSQ pour un seuil de confiance de ± 5% : Test CUSUM Test CUSUMQ

-15

-10

-5

0

5

10

15

98 00 02 04 06 08 10 12 14 16

CUSUM 5% Significance

-0.4

-0.2

0.0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

1.2

1.4

98 00 02 04 06 08 10 12 14 16

CUSUM of Squares 5% Significance

Source : Résultats obtenus par le logiciel Eviews 9

3.5. Interprétation des résultats

Le modèle estimé est globalement significatif et bien spécifié. Il se caractérise par la robustesse

des estimations observée au niveau de l’absence de corrélation des erreurs, l’absence

d’hétéroscédasticité et la présence de la normalité des résidus. Les résultats des tests de stabilité

montrent clairement la stabilité de la relation de long terme au cours de la période de l’estimation

entre la libéralisation du compte capital et la croissance économique au Maroc.

En outre, les résultats du modèle concluent que la libéralisation du compte capital affecte

positivement la croissance économique à court et à long terme. Ils confirment également

l’existence d’un lien de causalité direct entre la libéralisation du compte capital et la croissance

économique au Maroc. Egalement, la croissance économique influe indirectement sur la

libéralisation du compte capital par le biais du développement financier et le stock de capital

humain représenté par l’éducation.

Les résultats obtenus sont en accord avec la théorie néoclassique qui suppose que la libéralisation

du compte capital stimule la croissance économique à travers plusieurs canaux. D’abord, le libre

mouvement des flux de capitaux permet la diversification du risque tout en poussant à la baisse

du coût du capital, d’où un effet-prix positif et relativement permanent. Il permet également

d’accroître l’investissement d’où l’accélération de la croissance et donc l’amélioration du bien-

être en offrant une meilleure allocation des ressources.

De même, la théorie de croissance endogène souligne que les sources de croissance attribuées

aux flux de capitaux comprennent les effets positifs associés aux capitaux étrangers sous forme

de technologie, de compétences et d'introduction de nouveaux produits, ainsi que les externalités

positives en termes d'efficacité accrue des marchés financiers nationaux et l'amélioration de

l'affectation des ressources et l'efficacité de l'intermédiation financière des institutions

financières nationales.

Page 14: Alternatives Managériales et Economiques

Revue ame ,Vol 2, No 4 (Octobre, 2020) 407-424 Page 420

Ces résultats sont aussi compatibles avec beaucoup de travaux empiriques qui se sont penchés

sur l’analyse de l’impact de la libéralisation du compte capital sur la croissance économique. A

titre d’exemple, Quinn (1997) constate l'existence d'une corrélation étroite entre la modification

du degré de libéralisation et la croissance du PIB par habitant. Klein et Olivei (1999) et Bailliu

(2000) suggèrent que la libéralisation du compte le capital améliore la croissance par le biais du

développement financier ou une restructuration financière en profondeur.

Henry (2003) perçoit que la libéralisation des flux de capitaux améliore la croissance par la

réduction du coût de capital et ainsi l'augmentation de l'investissement. Les découvertes de Klein

(2003) ont ajouté que l'effet positif de la libéralisation du compte capital sur la croissance

économique à long terme est compatible avec une situation où la croissance, dans un pays qui

est caractérisé par la rareté de capitaux et doté de bonnes institutions, est stimulée par l'accès

aux marchés des capitaux mondiaux.

Mendoza, Quadrini et Rios-Rull (2007) exposent que les pays à revenus intermédiaires profitent

significativement de la libéralisation du compte capital tandis que dans les pays pauvres, la

croissance ne peut pas être favorisée par la libéralisation du compte capital. Honig (2008) suppose

que de bonnes institutions sont nécessaires pour que les pays bénéficient de la libéralisation.

Pareillement, l’étude de Saidi et Aloui (2010) produit des résultats qui révèlent une corrélation

directe entre la libéralisation du compte capital et la croissance économique. Zenasni et Benhabib

(2012) concluent qu'il existe une relation positive entre le degré de libéralisation du compte

capital et la croissance économique.

Conclusion, implications et recommandations :

A partir des années quatre-vingt, le Maroc a mis en œuvre un processus de libéralisation

progressive des opérations de change portant sur l’allègement et/ou la suppression des

restrictions imposées sur les opérations courantes et certaines opérations en capital. Cette

politique s’inscrit dans le cadre de l’encouragement de la compétitivité extérieure et l’attraction

des flux de capitaux étrangers considérés comme moteur de croissance économique. Dans notre

analyse, une question importante est soulevée : La libéralisation du compte capital stimule-t-elle

la croissance économique au Maroc ?

Dans ce sens, l’objectif du présent article est d’examiner l’impact de la libéralisation du compte

capital sur la croissance économique pour le cas du Maroc. À cette fin, nous avons mené une

étude empirique en utilisant un modèle autorégressif à retards distribués sur la période allant de

1970 à 2017. Egalement, nous avons essayé de déduire les liens de causalité existants entre la

Page 15: Alternatives Managériales et Economiques

Revue ame ,Vol 2, No 4 (Octobre, 2020) 407-424 Page 421

libéralisation du compte capital et la croissance économique en utilisant le test de causalité de

Granger au sens de Toda et Yamamoto.

Les résultats obtenus révèlent que la libéralisation du compte capital est positivement et

significativement corrélée à la croissance économique. De même, l’ouverture commerciale et le

développement du secteur financier favorisent une croissance économique plus longue et

soutenue. On observe également l’existence d’un lien de causalité direct entre la libéralisation du

compte capital et la croissance économique ainsi qu’un lien de causalité indirect par le biais du

développement financier et le stock de capital humain mesuré par le niveau d’éducation.

Plusieurs indicateurs peuvent constituer des canaux par lesquels la libéralisation du compte

capital peut contribuer à promouvoir la croissance économique (Lahlou, 2019). A travers le

développement financier ou une restructuration financière en profondeur, la libéralisation du

compte capital contribue à l’amélioration de la croissance (Klein et Olivei, 1999 ; Bailliu, 2000).

Les investissements directs étrangers peuvent également stimuler la croissance économique en

favorisant le transfert de la technologie et des bonnes pratiques de gestion de manière à

améliorer l'efficacité et à stimuler la croissance (Bhagwati, 1998 ; Rakshit, 2001).

Les sources de croissance attribuées à la libéralisation des mouvements de capitaux comprennent

les effets positifs associés aux capitaux étrangers sous forme de technologie, de compétences et

d'introduction de nouveaux produits ainsi que l'amélioration de l'affectation des ressources.

Henry (2003) conclut que la libéralisation des flux de capitaux améliore la croissance par la

réduction du coût de capital et ainsi l'augmentation de l'investissement. L’étude de Rachdi et Saidi

(2008) révèle une corrélation positive entre la libéralisation du compte capital et la croissance

économique à travers les investissements directs étrangers et les investissements de portefeuille.

Par ailleurs, l'existence d’une relation significative entre la libéralisation du compte capital et la

croissance économique permet de déduire la présence de politiques macroéconomiques et

financières compatibles avec la libéralisation et qui soutiennent cette relation. Effectivement, la

durabilité de cette relation est subordonnée à la vérification de certaines conditions qui, selon la

littérature, sont indispensables pour bénéficier pleinement des avantages de la libéralisation,

notamment la stabilité politique, des politiques budgétaires et monétaires saines et soutenables,

un marché financier développé, une démarche prudente et pragmatique en terme de

libéralisation, … etc.

La mise en œuvre d'une réforme importante telle que la libéralisation du compte capital nécessite

Page 16: Alternatives Managériales et Economiques

Revue ame ,Vol 2, No 4 (Octobre, 2020) 407-424 Page 422

généralement une évaluation de son impact et une identification des conditions de sa réussite.

C’est dans cette perspective que s’est inscrit notre étude qui suggère quelques recommandations.

Premièrement, le gouvernement devrait adopter des politiques macroéconomiques et

financières saines pour minimiser les risques d'ouverture du compte capital. Deuxièmement, les

politiques et réglementations du secteur financier devraient viser à promouvoir le

développement des marchés financiers et à renforcer la stabilité financière. Troisièmement, les

politiques macroéconomiques saines sont associées à l’élaboration de politiques cohérentes

incluant le taux de change, le taux d'intérêt, les politiques fiscales et monétaires et les mettre en

œuvre efficacement pour faire face aux entrées de capitaux.

En somme, la libéralisation du compte capital suppose l’existence de pré-requis indispensables

pour bénéficier pleinement de ses avantages. Dans ce sens, l’économie marocaine devrait se

doter des moyens nécessaires pour être en mesure d’en tirer profit, de s’adapter aux chocs et de

faire face à la concurrence internationale, particulièrement, si le pays envisage de franchir une

étape avancée en terme de libéralisation du compte capital. A cet égard, une évaluation préalable

des éventuelles répercussions que pourrait induire cette réforme sur l’économie marocaine serait

souhaitable. C’est dans ce sens que nous espérons prolonger notre recherche.

Bibliographie :

Aloui, C. et Saidi, H. (2010). Capital Account Liberalization and Economic Growth: GMM System

Analysis, International Journal of Economics and Finance, Vol. 2, n. 5.

Ansari, N. et Taneja, D. (2018). Macroeconomic Effects of Capital Account Liberalization in India:

An Empirical Analysis The Indian Economy. Economic Journal, Vol. 64, Issue 1–4, pp. 23–42.

Bailiu, J. N. (2000). Private Capital Flows, Financial Development, and Economic Growth in

Developing Countries, Bank Of Canada, Working Paper n. 2000-15.

Barry, J. R. et Tamirisa, N. T. (1998). Why Do Countries Use Capital Controls? IMF Working Paper

n. 98/181.

Ben Ayeche, M. et Derbali, A. (2014). The Impact of Full Convertibility of the Dinar on the Macro-

Economic Situation in Tunisia, Management Studies and Economic Systems (MSES), Vol.1, Issue

4, pp. 213-228.

Benhabib A. et Zenasni, S. (2012). Capital Account Liberalization and Economic Growth in

Developing Economies: An Empirical Investigation, Working Papers on Global Financial Markets

n. 40.

Bhagwati, J. (1998). The Capital Myth: the difference between trade in widgets and dollars,

Foreign Affairs, Vol. 77, n. 3, p. 7-12.

Bicaba, Z., Brixiová, Z. et Ncube, M. (2015). Capital Account Policies, IMF Programs and Growth in

Developing Regions. African Development Bank Group, Working Paper n° 217.

Botta, A. (2018). Financial and Capital Account Liberalization, Financial Development and

Economic Development: A Review of Some Recent Contributions. Forum for Social Economics,

Page 17: Alternatives Managériales et Economiques

Revue ame ,Vol 2, No 4 (Octobre, 2020) 407-424 Page 423

Vol. 47 (3-4), pp. 362-377.

Bouhali, H. et Ziky, M. (2020). Contribution à l’évaluation des effets de la libéralisation du compte

capital sur les investissements directs étrangers au Maroc, Repères et Perspectives Economiques,

Vol. 4 n. 2, pp. 49-70.

Butkiewicz, J. L. et Yanikkaya, H. (2008). Capital Account Openness, International Trade, and

Economic Growth: A Cross-Country Empirical Investigation», Emerging Markets Finance and

Trade. Vol. 44. n. 2. pp. 15-38.

Chanda, A. (2001). The Influence of Capital Controls on Long Run Growth: Where and How Much?

Journal of Development Economics, Vol. 77, Issue 2, pp, 441-466.

Cherif, M. et Al. (2011). Does Capital Account Liberalization Spur Economic and Financial

Performance? New Investigation for MENA Countries». FEMISE. n° 33-06.

Chinn, M. D. et Ito, H. (2002). Capital Account Liberalization, Institutions and Financial

Development: Cross Country Evidence, NBER Working Paper n. 8967.

Dickey, D. A. et Fuller, W. A. (1981). The Likelihood Ratio Statistics for Autoregressive Time Series

with a Unit Root, Econometrica. Vol. 49. n. 4.

Edwards, S. (2001). Capital mobility and economic performance: are emerging economies

different? University of California, Los Angeles and National Bureau of Economic Research, NBER

Working Paper n. 8076.

Fischer, S. (1998). Capital-account Liberalization and the Role of the IMF, Princeton Essays in

International Finance, 207.

Grilli, V. et Milesi-Ferretti, G. M. (1995). Economic Effects and Structural Determinants of Capital

Controls, IMF Working Paper n. 95/31.

Gritli, M. I. et Rey, S. (2017). Quel impact de la libéralisation du compte capital sur le

développement financier en Tunisie ? Les enseignements d’un modèle ARDL. Centre d’Analyse

Théorique et de Traitement des données économique, Working paper n° 1.

Henry, P. B. (2003). Capital account liberalization: theory, evidence, and speculation, National

Bureau of Economic Research, Working Paper n. 12698.

Henry, P.B. (2006). Capital Account Liberalization: Theory, Evidence, and Speculation, NBER

Working Paper n. 12698.

Honig, A. (2008). Addressing causality in the effect of capital account liberalization on growth.

Journal of Macroeconomics, vol. 30, issue 4, pp. 1602-1616.

Juselius K. (2006). The Cointegrated Var Model: methodology and applications, Oxford University

Press 12/2006, Consultation en ligne sur Books.google.co.ma.

Klein, M. W. (2003). Capital Account Openness and the Varieties of Growth Experience, NBER

Working Paper n. 9500.

Klein, M. W. et Olivei, G. (1999). Capital account liberalization, financial depth, and economic

growth, NBER Working Paper Series n. 7384.

Kraay, A. (1998). In Search of the Macroeconomic Effects of Capital Account Liberalization, World

Bank Working Paper (October).

Kwiatkowski, D. et Al. (1992). Testing the null hypothesis of stationarity against the alternative of

a unit root: How sure are we that economic time series have a unit root? Journal of Econometrics.

Page 18: Alternatives Managériales et Economiques

Revue ame ,Vol 2, No 4 (Octobre, 2020) 407-424 Page 424

Vol. 54(1-3). pp. 159-178.

Lahlou, K. (2019). Processus de libéralisation du compte capital: évolutions et défis pour

l’économie marocaine. ISSN (en ligne) : 2509-0658.

Mendoza, E. G., Quadrini, V. et Rios-Rull, J. V. (2007). Financial Integration, Financial Deepness

and Global Imbalances, NBER Working Paper n. 12909.

Miniane, J. (2004). A New Set of Measures on Capital Account Restrictions, IMF Staff Papers. Vol.

51. n. 2. pp. 276-308.

Mouley, S. (2012). Les enjeux de la libéralisation des comptes de capital dans les pays du sud de

la Méditerranée, Mediterranean Prospects Technical Report n. 11.

Perron, P. et Phillips, P. C. B. (1988). Testing for a Unit Root in Time Series Regression, Biometrika,

Vol. 75, n° 2, pp. 335-346.

Pesaran, H. et Shin, Y. (1998). An Autoregressive Distributed Lag Modelling Approach to

Cointegration Analysis, Econometrics and Economic Theory in the 20th Century the Ragnar Frisch

Centennial Symposium. Cambridge University Press. Ch. 11. pp. 371-413.

Pesaran, M. H. et Al. (2001). Bounds testing approaches to the analysis of level relationships,

Journal of Applied Econometrics. Vol. 16(3). pp. 289-326.

Quinn, D. (1997). The correlates of change in international financial regulation, American Political

Science Review. Vol. 91. pp. 531-51.

Rachdi, H. et Saiidi, H. (2008). The link Between Capital account Liberalization and growth: A

Dynamic Panel Approach. SSRN Electronic Journal.

Rakshit, M. K. (2001). Globalisation of capital markets: Some analytical and policy issues.

Globalisation and Economic Development, Chap. 8, Publication d’ Edward Elgar.

Rodrik, D. (1998). Who needs capital account convertibility? Princeton Essays in In ternational

Finance n. 207, p. 55-65.

Toda, H.Y. et Yamamoto, T. (1995). Statistical Inference in Vector Autoregressions with Possibly

Integrated Processes, Journal of Econometrics. Vol. 66. pp. 225-250.