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eJRIEPSEjournal de la recherche sur l’intervention en éducationphysique et sport
35 | 2015Varia
Édition électroniqueURL : http://journals.openedition.org/ejrieps/1501DOI : 10.4000/ejrieps.1501ISSN : 2105-0821
ÉditeurELLIADD
Référence électroniqueeJRIEPS, 35 | 2015 [En ligne], mis en ligne le 01 avril 2015, consulté le 04 octobre 2020. URL : http://journals.openedition.org/ejrieps/1501 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ejrieps.1501
Ce document a été généré automatiquement le 4 octobre 2020.
La revue eJRIEPS est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons Attribution 4.0International License.
SOMMAIRE
ÉditorialMarie-Paule Poggi, Nathalie Wallian, Mathilde Musard, Yannick Lemonie et Fabienne Brière-Guenoun
Les dimensions personnelles de gestion du risque d’étudiants en écoles supérieures decirque : une étude exploratoireDelphine Lafollie
Analyse des phénomènes transpositifs dans l’enseignement du badminton à partir d’unprogramme épistémologique centré sur les curricula potentielsCédric Roure
Approche technologique et forme de pratique scolaire du football en milieu difficile : lemodèle du « futsal »Guillaume Dietsch
Effet du débat d’idées sur l’apprentissage du hand-ball chez les débutantes : cas des jeunestunisiennesZeineb Zerai
L’enseignement et l’apprentissage de la tactique en sports collectifs : des précurseurs oubliésaux perspectives actuellesJean-Francis Gréhaigne
Actualités des thèses et des livres : Thèses et HDR
eJRIEPS, 35 | 2015
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ÉditorialMarie-Paule Poggi, Nathalie Wallian, Mathilde Musard, Yannick Lemonie etFabienne Brière-Guenoun
Les propositions de manuscrits sont à envoyer à :
marie-paule.poggi[at]espe-guadeloupe.fr
Avril 2015
1 Ce numéro 35 d'eJRIEPS propose cinq contributions originales prenant appui sur trois
APSA, le cirque, le badminton et les sports collectifs.
La première intitulée Les dimensions personnelles de gestion du risque d’étudiants
en écoles supérieures de cirque : une étude exploratoire propose une
compréhension approfondie des dimensions personnelles liées à la gestion du risque à
la lumière de données issues de la psychologie du sport. Cette étude, de type qualitatif,
permet de mettre en avant l’importance des dimensions personnelles intra-
individuelles et interindividuelles, perçues par les étudiants en école supérieure de
cirque, dans leur gestion du risque corporel et son apprentissage. Son auteur, Delphine
Lafollie, nous livre une analyse fine des interactions qui s'établissent entre dimensions
techniques et dimensions affectives dans la gestion du risque dans le milieu du cirque.
Elle note toutefois que maitrise technique et gestion de la peur relèvent de deux formes
d'apprentissage spécifiques.
Le second texte, proposé par Cédric Roure, s'intéresse à une Analyse des phénomènes
transpositifs dans l’enseignement du badminton à partir d’un programme
épistémologique centré sur les curricula potentiels. L'auteur compare une analyse
épistémologique des savoirs scolaires du badminton présents dans les curricula
potentiels à des données prélevées in situ lors d’un cycle de badminton. Les conclusions
laissent penser que l’activité de transposition des professeurs s’exerce davantage au
niveau du choix des objets d’apprentissage et de leurs évolutions au fil du cycle en
relation avec deux éléments prioritaires qui sont leur conception de l’activité
badminton et les caractéristiques des élèves composant la classe. Cette recherche
permet sans nul doute d’approfondir les connaissances relatives à la part du processus
de transposition didactique effectué par l’enseignant.
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Les trois communications qui complètent ce numéro centrent leur attention sur les
sports collectifs. Les deux premières, celles de Guillaume Dietsch et de Zeineb Zerai
explorent les possibilités d'un dispositif socio-constructiviste, le « débat d'idées », testé
dans des contextes particuliers. Avec Guillaume Dietsch, l'article intitulé Approche
technologique et forme de pratique scolaire du football en milieu difficile : le
modèle du « futsal », s'intéresse à une forme de pratique scolaire du football en
Education Physique et Sportive (EPS) inspirée de l’activité futsal et prend en compte le
rapport au sens construit par des élèves issus de milieu difficile. Les résultats montrent
que, pour des élèves difficiles, une co-construction des savoirs et une réflexion
collective à travers des débats d’idées, permettent de produire des actions collectives
signifiantes, des apprentissages méthodologiques et sociaux dans un sport collectif
comme le football. De son côté, Zeineb Zerai, dans l'article intitulé Effet du débat
d’idées sur l’apprentissage du hand-ball chez les débutantes : cas des jeunes
tunisiennes, s'intéresse plus spécifiquement aux effets du débat d'idées sur l'activité
des filles tunisiennes. Les principaux résultats montrent que chez ces dernières, la
compréhension, l’analyse et l’interprétation des phénomènes qui surviennent lors du
jeu sont primordiales pour la planification des actions en projet pour la rencontre à
venir. Ainsi, le débat permet aux élèves de prendre conscience de leurs conceptions et
de les mettre à l’épreuve en les soumettant à leurs pairs, qui sont susceptibles de les
critiquer et donc de contribuer à leur évolution. Enfin, ce numéro se clôt par une
remarquable revue de questions sur l'évolution des conceptions de l’enseignement /
apprentissage de la tactique en sports collectifs. Jean-Francis Grehaigne et Luc Nadeau
proposent un article intitulé L’enseignement et l’apprentissage de la tactique en
sports collectifs : des précurseurs oubliés aux perspectives actuelles. Le tour
d'horizon international qui nous est offert pointe avec brio les enjeux actuels de la
recherche sur l'enseignement et l'apprentissage en sports collectifs. Il constituera sans
nul doute une lecture de référence pour les recherches à venir dans le domaine.
2 Le prochain numéro est prévu en juillet 2015 avec des articles originaux que nous vous
invitons cordialement à nous envoyer. A venir dans les pages d'eJRIEPS, le compte
rendu des journées Alain Durey (19 mars 2015, Créteil), celui des journées Deleplace (21
mars 2014, Bordeaux) ainsi qu'une partie des actes du colloque ARIS (2 au 4 juillet 2014,
Genève). L'activité scientifique, dans notre champ, est vivace, eJRIEPS se donne pour
mission de vous en tenir informés au plus près.
AUTEURS
MARIE-PAULE POGGI
Editrice scientifique eJRIEPS
NATHALIE WALLIAN
Editrice scientifique eJRIEPS
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MATHILDE MUSARD
Editrice scientifique eJRIEPS
YANNICK LEMONIE
Editeur scientifique eJRIEPS
FABIENNE BRIÈRE-GUENOUN
Editrice scientifique eJRIEPS
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Les dimensions personnelles degestion du risque d’étudiants enécoles supérieures de cirque : uneétude exploratoireDelphine Lafollie
1. Introduction
1 La question du risque et des prises de risque dans la société et dans le sport notamment
est particulièrement étudiée. A ce titre, des déterminants biologiques (e.g., Zuckerman,
2006), psychologiques (e.g., Michel, 2001) ou sociologiques (e.g., Soulé & Corneloup,
2007) sont notamment mis en avant dans des études émanant de différents champs
disciplinaires. Cependant, la gestion du risque, en particulier en contexte sportif, a fait
l’objet de beaucoup moins de recherche. Dans le domaine du cirque professionnel, cette
question est pourtant centrale : la carrière professionnelle des circassiens est
directement dépendante de la préservation de leur intégrité corporelle et donc de la
gestion qu’ils feront de leurs prises de risque. Or, paradoxalement, dans le monde du
cirque contemporain ce risque est euphémisé (Fourmaux, 2006 ; Goudart, 2002 ; Sizorn,
2008). Cette particularité se retrouve de façon encore plus surprenante dans les écoles
supérieures de cirque en France qui forment à bac +3 les artistes de cirque de demain :
« Parler du risque et de gestion dans les écoles professionnelles de cirque ne semble donc pas si
évident, alors que cette dimension apparait clairement dans les maquettes pédagogiques et dans
les discours des professionnels des écoles. Souvent le risque est banalisé, encore une fois
euphémisé dans une vision plutôt fataliste » (Legendre, 2014, p. 5). Dans ce contexte, nous
pouvons alors nous demander quelle gestion du risque et surtout quels apprentissages
de cette gestion du risque vont être mis en œuvre dans ces écoles ? Cette étude
exploratoire qualitative va tenter d’apporter des éléments de réponse à ces questions, à
travers une recherche menée auprès d’étudiants d’écoles supérieures de cirque en
France. Nous mettrons donc en avant quelles gestions du risque émanent du discours
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de ces étudiants et quels apprentissages ou quels types d’apprentissage (formel,
informel) en découlent.
Dans les activités circassiennes professionnelles, le risque est pluriel. Dans les discours
des enseignants et des enseignés des écoles professionnelles de cirque, plusieurs types
de risque émergent (Legendre, 2014) : tout d’abord le risque corporel avec des
conséquences à court terme ou à long terme, et dans une moindre mesure, le risque
dans une activité de représentation (« perdre la face », ne pas réussir lors d’un
spectacle), le risque de l’insertion professionnelle puis des conditions économiques
d’exercice du métier, et enfin le risque dans les activités de création (« lâcher prise » et
donc oser en terme de création). Dans le cadre de cette étude, nous nous limiterons à la
gestion du risque corporel. Par ailleurs, la gestion du risque est plurielle également,
nous avons choisi de nous focaliser sur l’importance des dimensions personnelles dans
cette gestion. Par conséquent, notre recherche sera dans un premier temps
contextualisée avec quelques éléments théoriques concernant tout d’abord le risque, sa
gestion et son apprentissage en contexte sportif et en écoles de cirque. Puis nous
présenterons le cadre utilisé pour définir les dimensions personnelles. Nous
expliciterons ensuite la méthodologie de cette étude. Enfin, les résultats seront
présentés et discutés à la lumière des données scientifiques relatives aux déterminants
de la performance sportive et à l’intervention psychologique dans le sport, cette
dernière référence permettra notamment de mettre en avant quelques pistes pour la
formation.
2. Gestion du risque en contexte sportif et en écolesupérieure de cirque
2.1. Risque et prise de risque en contexte sportif
2 Le risque, tout d’abord, renvoie à l’éventualité d’un événement incertain qui peut
conduire à un dommage, à une perte. Deux éléments sont donc indissociables du
risque : l’imprévisibilité et les conséquences négatives de l’événement. Collard (2002)
évoque ainsi le hasard et les enjeux (ce qui est misé en début ou en cours de partie, que
le joueur tente de ne pas perdre) qui peuvent être compétitifs mais surtout corporels
dans les sports à risque (quand l’exécution d’une action motrice, prévue explicitement
par le code du jeu, peut affecter l’intégrité physique).
La prise de risque peut être définie comme « la participation active de l’individu dans un
comportement pouvant être dangereux » » (Michel, Purper-Ouakil & Mouren-Siméoni,
2002, p. 584). C’est une « décision impliquant un choix qui se caractérise par un certain
degré d’incertitude quant aux probabilités d’échec ou de réussite. A chaque probabilité
est associée une utilité, un bénéfice du risque » (ibid., p. 584). La prise de risque
comporte ainsi quatre caractéristiques : deux relevant du risque (l’incertitude du
résultat, et les conséquences de l’action éventuellement négatives) et deux relevant du
choix personnel de l’individu qui va prendre des risques (le choix intentionnel et
volontaire de s’engager, et l’objectif positif, la récompense recherchée dans cet
engagement). Les bénéfices escomptés dans les prises de risque sportives sont
généralement d’ordre personnel : estime de soi, réputation personnelle, virilité,
courage (Raveneau, 2006), reconnaissance sociale, identité, bien-être, mérite, plaisir
(Corneloup & Soulé, 2002), recherche de sensations, de limites ou d’autonomie,
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construction de soi, accomplissement de soi (Soulé & Corneloup, 1998). Il a été
notamment mis en avant en psychologie du sport, deux grands profils de preneurs de
risque sportif (Lafollie & Le Scanff, 2008) : les compensateurs surtout à la recherche d’une
valorisation ou d’une construction de soi et les hédonistes à la recherche de sensations
fortes, de plaisir. « Le risque devient alors l'élément d'un mode de vie placé sous le
signe du jeu, du ressenti. La pratique d'un sport à risque, au sens premier du terme,
rentre a priori dans ce cadre (…), prise de risque comme possibilité d’atteindre une
certaine harmonie » (Soulé & Corneloup, 1998, p. 8-9). En contexte sportif, la prise de
risque est donc avant tout considérée comme constructrice avant d’être
éventuellement destructrice (accident).
Ce choix volontaire de s’engager dans l’activité va être largement modulé par la
représentation du risque encouru qui diffère selon les individus. En effet, le risque est
fortement subjectif. Il correspond avant tout à une évaluation personnelle de la
situation (Delignières, 1993), même si certains critères qui relèvent du risque objectif
(variable quantitative qui caractérise le contexte de la tâche prenant en compte la
probabilité d’accident et sa gravité, Delignières, 1991) peuvent être dégagés en lien
notamment avec la logique interne des activités physiques et sportives (Collard, 1998).
Le risque sera donc pris si l’individu y voit plus de bénéfices, d’intérêts que de coûts
négatifs. Dans la théorie homéostatique du risque (Wilde, 1988, 2012), la prise de risque
dépend de la comparaison entre le risque préférentiel ou risque cible (meilleur compromis
entre les coûts et les bénéfices des actions possibles) qui est un standard spécifique à
chacun (niveau optimal de risque que l’on souhaite prendre selon le contexte) et le
risque perçu (évaluation de la dangerosité actuelle) (Delignières, 1993). L’individu tendra
alors à réduire, de façon intuitive, les écarts entre le risque préférentiel et le risque perçu
en modulant le risque pris : risque élevé si le risque perçu est inférieur au risque
préférentiel, risque faible si le risque perçu est supérieur au risque préférentiel (Wilde,
1988).
La prise de risque va donc dépendre des évaluations subjectives, et également
intuitives, du risque préférentiel et du risque perçu qui sont liées à de nombreux facteurs.
En contexte sportif, de multiples biais, imprévus et données culturelles vont, en effet,
modifier le rapport préférentiel au risque : pression des médias, logique de la
distinction, valeurs affectionnées, dynamique et ambiance de groupe, état
psychologique, situation anomique (Corneloup & Soulé, 2002). Par ailleurs, des
recherches en psychologie du sport montrent aussi, dans une perspective différentielle,
que des caractéristiques individuelles impactent le risque subjectif et l’engagement
dans une situation risquée. Ces caractéristiques sont en particulier émotionnelles (e.g.,
alexithymie : incapacité à identifier, différencier, verbaliser et communiquer ses
émotions ou sentiments) ou liées à la personnalité, comme la recherche de sensations,
l’extraversion ou l’impulsivité (e.g., Bonnet, Pedinielli, Romain & Rouan, 2003 ; Lafollie
& Le Scanff, 2007, 2008 ; Michel, 2001). Enfin, l’évaluation du risque perçu pourra
dépendre des compétences perceptives de l’individu (Wilde, 2012), de variables
cognitives comme la capacité de traitement de l’information, les connaissances ou le
niveau d’information sur la situation (Kouabenan, 2006) ou de façon plus générale de
l’expertise des individus (Delignières, 1993). Finalement, pour Kouabenan (2006)
l’évaluation subjective du risque est liée à certaines caractéristiques du risque et aux
variables individuelles, psychosociologiques ou cognitives de l’individu.
Agir sur le risque subjectif (préférentiel et perçu), qui détermine la prise de risque,
semble ainsi difficile : il serait intuitif, donc peu rationalisable, et sous tendu par un
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grand nombre de variables en interaction. Plutôt que de jouer sur l’engagement dans
une situation risquée qui parait alors difficilement influençable, la gestion du risque
pourrait être basée sur une augmentation de la sécurité passive (amélioration des
matériaux, des dispositifs de sécurité) : en cas d’accident, les conséquences corporelles
seraient amoindries. Cependant, si cette solution s’avère efficace à court terme, elle ne
l’est pas à long terme. En effet, la sécurité passive n’influence pas le niveau de risque
préférentiel, mais diminue le risque perçu (évaluation de la dangerosité de la situation).
De ce fait, dans un but de « conservation du risque » (Wilde, 1988), les individus
percevant la situation comme moins risquée, vont prendre plus de risque pour être en
phase avec leur standard de risque préférentiel. Cette théorie est connue dans le domaine
de la sécurité routière ou de l’alpinisme où l’introduction de dispositifs plus sécurisants
(respectivement ABS ou descendeurs métalliques, piolets-traction, etc.) a augmenté les
prises de risque et les accidents (Delignières, 1993). « Plus on évolue dans un
environnement sûr, plus on sera prêt à prendre des risques, et inversement » (Camiolo,
2013, p. 160).
Par conséquent, la gestion des risques ne peut pas s’appuyer uniquement sur des
mesures d’amélioration de la sécurité passive. En amont de l’action, elle ne pourra
jouer qu’à minima sur le risque préférentiel, difficilement atteignable car infraconscient,
mais elle pourra porter plus facilement sur une amélioration de l’évaluation précise de
la dangerosité de la situation (risque perçu) ou sur une mise en place de stratégies
logistiques (Corneloup & Soulé, 2002). Une fois l’action engagée, la gestion des risques va
concerner la mise en jeu de diverses compétences de l’individu pour assurer un
déroulement de l’action en toute sécurité : mise en place, par exemple, de stratégies
d’action (ibid.) et en cas de problème de stratégies sécuritaires (ibid.) ou d’ habiletés
d’évitement (Delignières, 1991, 1993). Nous allons détailler ces éléments de la gestion du
risque et son apprentissage en contexte sportif.
2.2. Gestion des risques et son apprentissage en contexte sportif
3 Si beaucoup de recherches traitent des déterminants et des conséquences de la prise de
risque dans le sport, très peu s’intéressent directement à la gestion de ces risques et
encore moins à son apprentissage.
Corneloup et Soulé (2002) font partie des rares chercheurs qui évoquent la gestion des
risques en contexte sportif (et plus précisément en environnement naturel). Ces
sociologues s’intéressent à la manière dont se prennent les décisions dans les sports de
plein air selon une approche globale. Cette dernière prend en compte les facteurs
techniques, humains et organisationnels dans l’étude des risques et non la seule
décision rationnelle de l’acteur (comme le fait l’approche cognitive dans la théorie des
jeux notamment). En effet, l’environnement physique et social serait tout aussi
menaçant que le comportement du pratiquant dans le déclenchement du processus du
danger. Dans les sports de plein air, où existe une forte incertitude, la décision loin
d’être rationnelle, va reposer sur l’expérience, des compétences assimilées, des savoirs
implicites, des probabilités subjectives, des suppositions, des habitudes ou encore
l’observation du comportement d’autrui. Le pratiquant utilise donc un « bricolage
interactionnel » (ibid.) pour apprécier le niveau de danger et prendre des décisions
satisfaisantes. La gestion des risques des sports de plein air va alors se présenter
comme une interaction entre maitrise de la logistique, de la culture d’action et de la
sécurité pour faire face aux multiples incertitudes rencontrées : le pratiquant va mettre
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en place des stratégies qui vont orienter sa décision face aux nombreux choix se
présentant à lui. Tout d’abord en amont, face aux incertitudes logistiques qui peuvent
être individuelles, organisationnelles, relationnelles ou technologiques, des stratégies
logistiques peuvent être adoptées : que dois-je emmener ? Quelle est la fiabilité de la
météo ? Quel choix du site, de la structure professionnelle ? etc. (ibid.). Ensuite dans
l’action, les incertitudes peuvent être individuelles (faute technique, mauvaise stratégie
d’action, etc.), environnementales (orage, avalanche, etc.), technologiques (rupture de
corde, etc.), relationnelles (faute d’un partenaire, conflits, etc.) ou structurelles (faute
d’un guide, matériel de location défectueux, etc.). Différentes stratégies d’action
émergent alors : ai-je le niveau pour faire cette voie ? Mon partenaire est fatigué, que
faisons-nous ? Puis-je faire confiance à ce guide ?, etc. (ibid.). Enfin en cas de problème
et face à des incertitudes individuelles (méconnaissance des techniques de réchappe, de
l’utilisation d’un arva, etc.), relationnelles, structurelles ou technologiques
(impossibilité de joindre les secours), des stratégies sécuritaires seront nécessaires : en
cas de problème, saurai-je faire face à la situation ? Ai-je bien vérifié la compétence
sécuritaire de mon partenaire ? etc (ibid.).
La réflexivité du pratiquant et les méthodes pratiques utilisées sont donc
incontournables dans la façon dont il va organiser son action et prendre des décisions
pour assurer sa sécurité et celle des autres. Le pratiquant met alors en place différentes
stratégies face aux multiples choix qui s’offrent à lui, en amont, pendant l’action et
éventuellement en aval. De ce fait, pour Corneloup et Soulé (2002) une « pédagogie du
risque » efficace doit reposer autant sur la maitrise logistique et la maitrise d’action
que sur la maitrise sécuritaire. Cependant, la réflexion de ces sociologues ne concerne
pas directement l’apprentissage de la gestion du risque. Delignières (1991, 1993), est
l’un des rares auteurs qui a proposé quelques pistes sur ce sujet. En s’appuyant
principalement sur un autre cadre (théories cognitivistes présentées précédemment), il
émet des hypothèses concernant une « didactique de la sécurité » en contexte scolaire
en insistant aussi sur le développement concomitant d’habiletés préventives (logistique),
d’habiletés sportives et d’habiletés d’évitement pour réagir en cas de problème.
Tout d’abord, cet auteur explique que de façon générale si le risque préférentiel est
difficilement affecté par des injonctions raisonnées, les psychosociologues indiquent
que pour changer l’attitude des sujets envers les situations risquées, il faut déjà
modifier les comportements (par la contrainte ou la répression éventuellement).
Ensuite, la justification de ces nouveaux comportements moins risqués modifierait
l’attitude, qui deviendrait le soubassement des comportements ultérieurs. Le risque
préférentiel et donc la prise de risque pourraient alors être diminués de cette façon,
surtout utilisée en sécurité routière. Concernant le risque perçu, l’évaluation précise de
la dangerosité de la situation est également indispensable à la gestion des risques : une
sous-évaluation des risques réels entrainera des comportements dangereux. Or il a été
montré que l’expertise permet une évaluation précise et plus objective des risques. En
termes d’apprentissage, il serait donc nécessaire de confronter les sujets à des
situations à risque réel et leur permettre l’acquisition de compétences significatives
dans leur maitrise (Delignières, 1993).
Acquérir une compétence solide dans une activité donnée est donc une des bases de la
gestion des risques. Dans le contexte particulier de l’éducation physique et sportive
(EPS), il s’agit de s’appuyer sur une activité sportive culturellement porteuse d’une
problématique de sécurité et qui nécessite la mise en jeu d’habiletés de sécurité. Ces
dernières doivent être développées, de concert avec les habiletés sportives, en situation
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signifiante risquée et non « à vide ». De ce fait, il faut favoriser l’apprentissage en
situation des habiletés d’évitement, c’est-à-dire des tactiques d’urgence (réchappes) du
sujet lui-même ou du rôle des partenaires (parade en gymnastique, assurage en
escalade) pour réagir efficacement en cas de problème. Il faut aussi permettre le
développement des compétences nécessaires pour assurer sa propre sécurité, comme
les habiletés préventives qui concernent l’aménagement et la gestion de dispositifs de
« sécurité passive » (dispositifs protecteurs visant à diminuer la gravité d’un éventuel
accident : tapis, filet, etc.) qui doivent réellement servir à la récupération d’accidents,
simulés ou non, lors d’un apprentissage signifiant.
Par ailleurs, tant que le risque n’est pas maitrisé, il est un obstacle à l’apprentissage. Il
s’agit alors de veiller à l’adaptation du risque au niveau d’habileté des élèves.
L’apprentissage des habiletés sportives, et de façon concomitante des habiletés
d’évitement, nécessite une gradation de la difficulté et une progressivité des facteurs de
risque (en modulant par exemple l’incertitude événementielle ou temporelle, la vitesse
d’exécution ou la complexité des opérations à réaliser). Chaque élève peut ainsi choisir
un niveau de risque adapté et trouver un compromis optimal entre la difficulté de la
tâche et la dangerosité du contexte. Ceci présuppose une bonne connaissance de soi
pour évaluer ses savoirs et habiletés et la recherche active des modalités de
dépassement.
Pour résumer les propositions de Delignières (1991, 1993), l’apprentissage de la gestion
du risque en EPS devrait passer par une pratique en situation signifiante, risquée mais
adaptée au niveau de l’élève, qui permettra le développement progressif des habiletés
spécifiques sportives et leurs indissociables habiletés de sécurité (d’évitement et
préventives). Le contexte est cependant différent en école supérieure de cirque :
contrairement à l’EPS, la confrontation à des situations risquées signifiantes est
incontournable, quotidienne et présente un risque objectif plus élevé, notamment dans
les spécialités mêlant l’acrobatique à l’aérien. Par ailleurs, le milieu aseptisé des écoles
de cirque est aussi bien différent de la pleine nature au cœur des réflexions de
Corneloup et Soulé (2002). Une compréhension de la gestion des risques spécifique aux
écoles supérieures de cirque semble alors nécessaire.
2.3. La gestion du risque en école supérieure de cirque : entre
apprentissage formel et informel
4 Si quelques travaux scientifiques se sont intéressés à la question du risque dans le
cirque (Fourmaux, 2006 ; Goudart, 2002 ; Sizorn, 2008), pratiquement aucun n’a abordé
la question de l’apprentissage de la gestion du risque dans les formations supérieures
d’artiste de cirque. L’étude récente de Legendre (2014), qui s’appuie surtout sur des
entretiens avec des enseignants des écoles supérieures de cirque en France, met en
avant une double transmission de la gestion du risque : une partie de façon formelle et
une autre de façon informelle.
La transmission formelle concerne surtout les techniques sportives, mais aussi la
gestion de l’intégrité physique ou celle du matériel. L’apprentissage technique se
réalise de façon organisée et formelle en s’appuyant sur la maitrise progressive des
éducatifs et par la répétition. Il est alors possible de prendre de plus en plus de risques
dans le sens où il y a une maitrise de plus en plus grande des risques pris. L’entretien
physique et l’hygiène de vie sont soulignés également comme contenus formels de
formation participant à la gestion du risque (préparation physique notamment), tout
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comme la maitrise de l’environnement matériel (accroches, parades, tapis, etc.). La
transmission informelle concerne surtout des dimensions psychologisées telles que la
maitrise de la peur ou la confiance en soi qui permettraient une gestion du risque. Les
enseignants considèrent que la transmission de la confiance en soi, par exemple, est
compliquée, et qu’elle va se construire surtout dans les relations aux autres
(enseignants et partenaires). Des dimensions plus intra-individuelles sont mises en
avant également, comme l’état psychologique de la personne et son rapport au danger
auxquels les enseignants essayent d’être attentifs et qu’ils tentent de saisir de manière
informelle. Legendre (2014) précise par rapport à ces dimensions : « les causes des
blessures (…) mettent en lumière des dimensions personnelles, psychologiques qui vont échapper
à la gestion fortement formalisée des apprentissages physiques et sportifs. On aborde ici des
dimensions non-formelles qui peinent à être traduites en compétences ou en objectifs
d’apprentissage d’un cursus formalisé d’une école supérieure » (p.9).
Le but de la présente recherche est donc d’essayer de mieux comprendre ces
dimensions personnelles, psychologiques et la complexité de leur apprentissage. Les
théories concernant les déterminants psychologiques de la performance sportive et
l’intervention psychologique dans le sport, nous ont alors paru les plus pertinentes
comme cadre de référence.
2.4. Les dimensions personnelles de la performance sportive
5 Dans le milieu du sport, beaucoup d’études portent sur les déterminants
psychologiques comme éléments de compréhension de la performance sportive.
L’intervention psychologique (préparation mentale notamment) s’appuie sur ces
données pour optimiser les performances en complément de la préparation physique et
de l’entrainement technique et tactique.
Plusieurs dimensions personnelles sont mises en avant dans ces recherches : elles
pourront être intra-individuelles (cognitives, conatives, émotionnelles) ou
interindividuelles (sociales, émotionnelles). Les dimensions cognitives (Ripoll,
2004) concernent notamment le traitement de l’information, la mémoire, le
raisonnement ou l’attention (pour une revue de littérature : Bernier, Thienot & Codron,
2009 ; Ferrel-Chapus & Tahej, 2010). Les dimensions conatives se rapportent à la
personnalité (Le Scanff & Nicchi, 2004), aux stratégies de coping (ibid.), aux croyances
sur soi (pour une revue de littérature : Famose, Guerin & Sarrazin, 2005) ou encore aux
styles explicatifs (pour une revue de littérature : Martin-Krumm & Sarrazin, 2004). Les
dimensions sociales mettent en avant la cohésion de groupe (pour une revue de
littérature : Buton, Fontayne & Heuzé, 2006), le leadership (Heuzé, 2003), les relations
interpersonnelles et compétences relationnelles (Pion & Raimbault, 2008), etc. Et enfin,
les dimensions émotionnelles concernent en particulier la gestion du stress (Le Scanff &
Famose, 1999), le « flow » ou « l’état psychologique optimal » (pour une revue de
littérature : Demontrond & Gaudreau, 2008), les états affectifs (pour une revue de
littérature : Debois, 2003), l’intelligence émotionnelle et la gestion des émotions (Pion &
Raimbault, 2008). Ces dimensions personnelles sont trop nombreuses pour être
explicitées et détaillées ici, mais nous reviendrons de façon beaucoup plus approfondie
dans la discussion sur celles qui sont en lien avec la gestion du risque des circassiens.
En conclusion de cette revue de littérature, les études sur la gestion du risque en
contexte sportif sont rares et celles sur son apprentissage encore plus. Il est mis en
avant, d’une façon générale, que la gestion du risque se fait en amont, en cours d’action
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et éventuellement en aval en cas d’accident. Il ressort aussi que la gestion du risque et
son apprentissage sont évidemment très dépendants du contexte étudié. En école
supérieure de cirque, Legendre (2014) montre qu’à côté d’une transmission formelle
des techniques sportives et de la gestion de l’intégrité physique et du matériel, la
gestion du risque passe aussi par la mise en jeu de dimensions personnelles
psychologiques difficiles à formaliser et transmettre. Le but de cette présente étude
sera alors d’étudier la gestion du risque des étudiants circassiens à travers la mise en
jeu de ces dimensions personnelles et les apprentissages qui en découlent.
3. Méthodologie
6 Cette étude exploratoire qualitative s’appuie sur des entretiens semi-directifs auprès de
30 étudiants en école supérieure de cirque (Ecole Nationale des Arts du Cirque de
Rosny-sous-Bois et Académie Fratellini à Saint-Denis). Les étudiants, d’une moyenne
d’âge de 20,7ans, sont spécialistes de différentes disciplines, plus ou moins aériennes,
plus ou moins acrobatiques. Pour préserver l’anonymat des sujets, un numéro leur est
attribué. Ce dernier est reporté dans les extraits d’entretiens.
Tableau 1. Caractéristiques et spécialités de la population étudiée
S1 Femme 20ans
Voltigeur(se)
Bascule Coréenne
S16 Homme 23ans
Mât chinoisS2 Homme 22ans S17 Homme 22ans
S3 Homme 21ans S18 Homme 18ans
S4 Homme 22ans S19 Femme 20ans
Tissu
S5 Femme 21ans
Voltigeur(se)
Main à main
S20 Homme 23ans
S6 Femme 18ans S21 Femme 21ans Cerceau aérien
S7 Homme 18ans S22 Homme 19ans Sangle
S8 Femme 18ans Voltigeuse
cadre aérien
S23 Homme 25ans Trapèze Washington
S9 Femme 21ans S24 Femme 23ans
Porteur(se) cadre aérien
S10 Homme 20ans Fil de fer S25 Homme 20ans
S11 Femme 20ans
Acrobatie
S26 Homme 19ans Porteur main à main
S12 Homme 20ans S27 Homme 23ans Jongleur + porteur main à main
S13 Homme 23ans S28 Homme 19ans
Roue Cyr
S14 Homme 20ans S29 Homme 24ans
S15 Femme 21ans Corde lisse S30 Femme 18ans Equilibre
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7 Les entretiens menés auprès des étudiants ont permis de saisir les représentations de
leur gestion du risque corporel (notamment les dimensions personnelles mises en jeu)
et de l’apprentissage de cette gestion dans leur école respective. La technique de
l’entretien est en effet particulièrement adaptée ici puisque, outre le recueil
d’informations portant sur des faits (objectifs), elle permet de recueillir des
informations qui portent sur des représentations (subjectives) « qui sont tout aussi
importantes que les faits eux-mêmes » (De Ketele & Rogiers, 2009, p. 130). Dans ce
dernier cas le recueil « vise à recueillir des opinions, des façons de percevoir les choses
ou les comportements, à préciser leur signification ou encore à leur attribuer une
cause » (ibid., p. 125). Les entretiens menés sont semi-directifs car ces derniers
paraissent les plus pertinents dans le cadre de cette recherche exploratoire. En effet,
les informations recueillies par cette méthode reflètent mieux les représentations que
dans un entretien directif car l’interviewé a davantage de liberté dans la façon de
s’exprimer (ibid.) et les questions posées, moins directives, n’ont pas pour but de
vérifier des hypothèses posées a priori. De plus, les informations recueillies le sont
aussi dans un temps beaucoup plus court que dans un entretien libre qui est surtout
utilisé pour se forger une hypothèse (ibid.) et qui n’oriente pas les questions. Au
contraire, la méthode de l’entretien semi-directif « consiste à faciliter l’expression de
l’interviewé en l’orientant vers des thèmes jugés prioritaires pour l’étude tout en lui
laissant une certaine autonomie » (Guibert & Jumel, 1997, p. 102). Trois thèmes
principaux ont ainsi été retenus, ils composent la base de notre guide d’entretien
(Deslauriers, 1991) et seront obligatoirement abordés à travers des questions ouvertes
(dont la formulation peut changer) et éventuellement des relances neutres qui
permettent de préciser le discours des interviewés. Le premier thème général concerne
les représentations du risque des étudiants dans leur pratique de circassien (e.g.,
« Raconte-moi, dans tes activités de cirque, est-ce que tu trouves que la prise de risque
est importante ? », et relance sur les risques abordés : « C’est-à-dire ? C’est quoi « ce »
risque ? »). Puis dans un second temps est abordée la façon dont ils gèrent ces risques
(e.g., « Et tu le gères comment ce risque-là ? »). Enfin le troisième thème concerne
l’apprentissage de cette gestion du risque (e.g., « Et d’où tu le tiens ça ? » et relance sur
la formation « Et est-ce qu’on vous forme à ça ici ? »).
Les entretiens, intégralement enregistrés et retranscrits mot à mot, ont fait l’objet
d’une analyse thématique de contenu de type inductif. En effet, l’étude étant
exploratoire, les différents éléments relatifs à la gestion du risque et son apprentissage
n’ont pas été définis à l’avance, mais regroupés en thèmes et sous-thèmes a posteriori à
partir des données qui ressortaient des discours des étudiants. Par ailleurs, nous ne
présenterons dans cet article qu’une partie des nombreuses données recueillies. Tout
d’abord, les représentations des différents risques ne seront pas détaillées ici, mais elles
ont permis d’amener progressivement la question de la gestion de ces risques par les
étudiants et se retrouvent par conséquent en filigrane dans ce deuxième thème
d’entretien. Ensuite, seules les dimensions personnelles de la gestion des risques
corporels –qui étaient les plus largement évoquées– et leurs apprentissages seront
explicités ici, même si les étudiants ont abordé d’autres dimensions notamment
matérielles.
Concernant l’analyse thématique de contenu, la thématisation « constitue l’opération
centrale de la méthode, à savoir la transposition d’un corpus donné en un certain
nombre de thèmes représentatifs du contenu analysé et, en rapport avec l’orientation
de recherche » (Paillé & Mucchielli, 2012, p. 232). Pour ce faire, il s’agit de voir
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comment les différents thèmes, qui émergent d’une lecture entretien par entretien, se
recoupent, se complémentent, ou se contredisent : des fusions, des subdivisions, des
regroupements et surtout des hiérarchisations thématiques pourront alors être faites
(ibid.). Deux thèmes principaux et leurs sous-thèmes respectifs ont ainsi été relevés. Il
s’agit des dimensions intra-individuelles et des dimensions interindividuelles en jeu
dans la gestion du risque corporel. Ces deux thèmes et leurs sous-thèmes seront
présentés dans la partie « résultats » avant d’être discutés à la lumière des données
scientifiques relatives à la psychologie de la performance sportive. En effet, les thèmes
qui émergent de cette analyse sont difficiles à mettre en lien avec les recherches sur le
risque, mais sont tous emblématiques des études sur les déterminants de la
performance sportive et de l’intervention psychologique dans le sport. Ce cadre
d’analyse nous a alors semblé le plus pertinent et le plus global pour discuter de
l’ensemble des dimensions personnelles mises en avant par les étudiants dans leur
gestion du risque corporel et son apprentissage. Ce cadre permet également d’avancer
quelques pistes d’intervention.
4. Résultats
8 Les résultats obtenus mettent en avant des dimensions intra-individuelles et
interindividuelles de la gestion du risque corporel, ainsi que leurs conditions
d’apprentissage.
4.1. Dimensions intra-individuelles de la gestion du risque corporel
9 Trois dimensions intra-individuelles sont mises en avant par les étudiants dans leur
gestion du risque : la gestion de la peur, la confiance en soi et en son corps, et la
concentration.
4.1.1. La gestion de la peur : un apprentissage informel, un « bricolage »
personnel
10 La donnée la plus importante qui ressort de cette étude exploratoire est le discours
quasi-unanime de tous les étudiants concernant leur(s) « peur(s) » quand on les
interroge sur le risque qu’ils perçoivent dans leur pratique. Ils évoquent surtout la peur
de se faire mal, en particulier en acrobatie [« L'acrobatie au sol, bien sûr que j'y vois un
risque (…) j'ai très peur ! Ce qui me gâche la vie, car j'ai trop peur (…). Alors j'ai peur de quoi ?
J'ai peur de quoi ? C’est con quoi, mais j'ai peur de tomber, j'ai peur de me faire mal, mais de me
faire mal violemment, de me rétamer, de me fracasser au sol » (S11, acro-danse)] ou le vertige
pour les disciplines aériennes [« Au mât, sur ma spé, je suis plutôt calme, je fais attention
parce que ça me fait peur, parce que j'ai le vertige donc... j'ai une part qui me freine parce que
j'ai peur » (S16, mât chinois)]. Des étudiants font cependant la différence entre la
« bonne » peur, qui donne envie de s’engager et qui est surtout liée à la recherche de
sensations [« Je sais que j’aurai peur mais c’est une peur que j’ai envie d’avoir quoi, comme
faire de là-haut du trapèze volant, faire des saltos tout ça ! Voilà recherche de sensations » (S1,
voltigeuse bascule coréenne)] et la mauvaise peur qui tétanise. La peur serait en effet
très handicapante pour la plupart d’entre eux, entrainant un « blocage » que les élèves
ont du mal à raisonner : ils n’arrivent pas à lancer le mouvement [« Mon cerveau, il
bloque et il m'empêche de faire le mouvement, euh par peur, par appréhension réelle, alors que
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j'ai visualisé le mouvement, j'ai envie de le faire, mais euh, mais là y'a quelque chose en moi qui
me bloque et euh qui dit "non n'y va pas !" » (S17, mât chinois)]. Cette peur pourrait
engendrer un risque accru d’accidents notamment à cause du « refus » de certaines
figures, c’est-à-dire en stoppant la figure au milieu du mouvement ce qui entrainerait
une réception aléatoire et dangereuse [« Quand on a peur on prend des positions débiles et
du coup l'autre n'arrive plus à nous rattraper ou on se bloque » (S5, voltigeuse main à main) ;
« Si tu fais une figure, tu le fais en entier quoi ! (…) Il vaut mieux faire la figure et pas bien la
faire, que ne pas la faire et de commencer à la faire parce que la tête passe en premier et là on
tombe la tête la première et c’est là que ça peut faire mal ! » (S7, voltigeur main à main)].
Pour les étudiants, la peur serait donc un des facteurs de risque les plus importants, ce
qui présuppose alors que leur gestion du risque passe en premier lieu par une gestion
de leur peur. Les étudiants précisent que cette gestion de la peur serait éminemment
personnelle [« Bon, c'est quand même très personnel, la gestion de la peur (…) c'est dans la tête,
je veux dire » (S12, acrobatie), « On ne t'apprend pas à... à gérer tes peurs, mais parce que je
pense qu'au final, on ne peut pas vraiment te l'apprendre, c'est quelque chose que tu trouves tout
seul » (S17, mat chinois)].
Par conséquent, pour la plupart des étudiants, la gestion de la peur et donc du risque lié
à cette peur, passerait principalement par des techniques informelles et personnelles,
issues notamment de l’expérience. Selon les étudiants, ces techniques ne feraient pas
l’objet d’un apprentissage formel particulier, et trouver « sa » technique poserait de
toute évidence des difficultés [« Je me bats chaque jour pour vaincre ma peur mais ce n'est
pas évident » (S11, acro-danse) , « Pff je ne l'ai pas encore vraiment appris hein ! Je
l'expérimente, parce que ça bloque encore toujours » (S17, mat chinois)].
Les étudiants gèreraient donc leur peur de façon autonome avec deux techniques en
particulier : « se lancer sans réfléchir » et/ou se rassurer sur ses capacités avant de se
lancer [« Y'a toujours la peur, mais on sait faire le mouvement et c'est là que ma technique de se
dire "je sais faire ce mouvement, je peux le peux faire", éteindre son cerveau et y aller, là elle
marche » (S12, acrobatie)]. Pour certains étudiants, « ne pas réfléchir » signifie ne pas
penser aux conséquences d’un mouvement raté [« Tu dois arrêter de penser aux
conséquences (...) hypothèse s'il y a erreur qu'est-ce qu'il va se passer ? Nuque tordue, cassée ? »
(S17, mat chinois)] ou s’en remettre à l’automaticité des mouvements maitrisés [« Il faut
vraiment arriver à se vider l'esprit, euh un minimum avant de faire notre figure. Moi, je vois ça
quand je suis... quand je suis très fatigué par exemple, ça peut m'arriver de bien réussir, parce
que je fais ça machinalement, c'est... sans réfléchir. Pas pour les mouvements trop compliqués,
parce que là je ne peux pas » (S12, acrobatie)].
Des techniques plus classiques de gestion de la peur, comme l’utilisation de la
respiration ou la visualisation, sont très peu évoquées par les étudiants.
4.1.2. La connaissance et la confiance en soi et en son corps consécutifs à un
apprentissage technique progressif
11 Un thème récurrent dans la gestion du risque des étudiants concerne le fait de se
connaitre, connaitre ses limites, se faire confiance afin de contrôler et d’avoir un risque
mesuré [« Le risque c’est de ne pas avoir confiance en soi, je pense (…) Ben oui, parce que si on
sait ce qu’on fait, enfin... y’a pas de risque » (S24, porteuse cadre aérien)].
Cependant cette connaissance ou confiance en soi n’est pas forcément conscientisée.
Elle passe souvent par un ressenti, une intuition, un « feeling », pour savoir si on est
prêt ou pas. Beaucoup d’étudiants utilisent le terme de le « sentir » ou pas [« Si je le sens
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j'y vais, si je le sens pas, j'y vais pas. Je ne me pose pas la question ! » (S4, voltigeur bascule
coréenne), « Enfin, encore ça dépend vraiment de mon état d’esprit, de comment je me sens sur
le moment, ça marche… enfin je marche beaucoup en ressenti (…) pour tout ce que je fais ouais,
pour 90 % des trucs que je fais, je marche au feeling quoi, c’est si je le sens. C’est quelque chose
d’un peu inexplicable » (S26, porteur main à main)].
La connaissance de son corps dans l’espace, la confiance dans les sensations de son
corps et dans ce que « sait faire » son corps est également largement mise en avant
dans la gestion du risque des étudiants qui évoquent la technique corporelle et les
« réchappes » [« Moi quand je me lance dans quelque chose, je sais que je vais à peu près
retomber sur mes pieds (…) On nous apprend à connaître notre corps et à connaître notre corps
dans l’espace. Du coup, si tu sais où tu es en l’air, t’as peu de chance de tomber sur la tête » (S4,
voltigeur bascule coréenne)]. En effet, une figure réalisée parfaitement n’est pas
accidentogène et en cas de problème, les étudiants ont développé un repérage dans
l’espace qui leur permet de tomber avec le moins de dommages possibles
(« réchappes ») [« On finit par devenir un peu des chats quoi, comment essayer de se retrouver
sur ses pieds quand on est mal parti, comment essayer de finir quand même la figure, ou de
sentir que ça va pas du tout le faire. Donc il faut tout faire pour essayer, dans tous les cas, de se
retrouver sur ses pieds, ou se retrouver dans une position pour pouvoir amortir le choc » (S2,
voltigeur bascule coréenne)].
Cette connaissance et cette confiance dans son corps proviennent d’un travail
quotidien et de l’expérience, notamment après des chutes [« C'est pas quelque chose de
magique ! C'est un travail de tous les jours, comme les médecins, comme les banquiers. Et alors
c'est ça, après tu connais ton corps, tu connais où tu te trouves. Alors, même si pour les
personnes tu es fou, tu sais ce que tu es en train de faire ! » (S23, trapèze Washington), « J’ai
pris des repères aussi, que je n'avais pas avant (…) maintenant j'ai pris confiance dans mon
corps, dans la manière de tomber (…) mais ça par exemple, ça s'apprend au fur et à mesure quoi,
en faisant. (…) après y'a des trucs, tu t'en rends bien compte tout seul, quand tu te prends une
boite [rires] ! » (S9, voltigeuse cadre aérien)].
Finalement les étudiants sont unanimes pour dire que ce sont les éducatifs,
l’apprentissage par étapes, avec du matériel adapté notamment (sécurité passive), et les
répétitions qui permettent cette connaissance et cette confiance en soi et en son corps [
« Puis y’a des étapes aussi dans une figure, tu ne vas pas lancer la figure, passer du rien au tout
(…) tu as plein d’éducatifs pour t’amener à la figure finale, du coup tu prends des risques
modérés. Petits risques par petits risques au lieu de faire un gros risque d’un coup » (S4,
voltigeur bascule aérienne), « [Pour gérer la peur] peut être que le travail ça passe par les
éducatifs, par exemple pour un mouvement, ça passe par des éducatifs, après ça passe par la
longe si y'a besoin de longe, après ça passe par des gros tapis d'abord, puis on réduit l'épaisseur
des tapis, jusqu'à arriver au sol (…) C'est faire, faire, refaire encore, jusqu'à comprendre des trucs
et se faire confiance en fait » (S10, fil de fer)]. L’apprentissage formel de la technique, et la
maitrise sont donc largement au service de la gestion du risque et de la peur
4.1.3. La concentration
12 Le thème de la concentration est un peu moins mis en avant par les étudiants, mais il
reste cependant important, en particulier dans les disciplines les plus dangereuses [« Je
ne ressens pas les mêmes choses quoi, je suis plus en attention quand je suis sur un trampoline
ou quand je pense à faire des choses dangereuses. Je tombe, ben, et bien c’est la mort quoi, tu
peux mourir quoi ! Là, je change plus, je ne suis pas pareil, je me mets plus en état où il faut être
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hyper concentré quoi (…) en général c’est quand t’es pas concentré que tu te blesses » (S14,
acrobatie)]. Des étudiants expliquent cette nécessité de ne penser à rien d’autre qu’à sa
prestation [« Dès qu’il y a des éléments un peu parasites dans la tête qui nous font un peu
lâcher la concentration, là, ça devient dangereux. Il faut être complètement à fond dans ce qu’on
fait et ne pas penser à autre chose à un moment, sinon ça ne marche plus quoi. Quand on fait
quelque chose, c’est que ça, et jusqu’au bout » (S2, voltigeur bascule coréenne), « Si je tombe,
je suis mort, voilà ! (…) Si je suis en train de penser à la situation de ma famille (…), que mon père
n’est pas bien ou... il faut laisser ça, dans les moments où je monte parce que ça, ça n'a rien à
voir. C'est la concentration ! C'est comme la méditation euh ça ne veut pas dire que je ne dois pas
penser. Je dois être dans ce que je suis en train de faire » (S23, trapèze Washington)].
4.2. Dimensions interpersonnelles de la gestion du risque corporel
4.2.1. La gestion de la peur et du risque : la confiance en l’enseignant
13 La confiance en l’enseignant est également un thème récurrent du discours des
étudiants. Ces derniers s’engageront d’autant plus facilement dans des mouvements
dangereux ou difficiles si les enseignants les y encouragent. Cependant, une forte
dépendance vis-à-vis de leur enseignant émerge parfois [« Mais je me sens pas capable de
faire un truc super dangereux si mon prof il me dit pas "vas-y tu peux le faire !" (…) Je sais que
mes profs, là, je leur fais confiance, donc je sais que si ils me disent que je peux le faire, c’est juste
que je peux le faire, donc je vais le faire » (S26, porteur main à main), « J'avais entièrement
confiance en lui et je ne me suis jamais fait mal en trampo (...) j'ai réussi à faire des trucs bien
quoi, que je n'arrive plus à faire maintenant, parce qu'il n'est plus là non plus (…) Ouais et cette
confiance là je l'ai... enfin, après ça ne vient pas non plus comme ça d'un coup, mais... mais ouais,
ça me permet d'oublier complètement, ce risque-là, et puis même tous les risques en général
d'ailleurs » (S25, porteur cadre aérien)]. Dans cette relation de confiance, de
dépendance, un étudiant évoque même son déplacement de responsabilité envers
l’enseignant [« J’avais l'impression de déplacer un peu ma responsabilité sur lui. Dans le sens, si
lui te fais confiance, il te dit "fais ce mouvement", tu peux le faire, il te l'a expliqué... Il te dit
"maintenant fais-le !", ben c'est comme si, "je le fais, mais si je me fais mal, de toute façon, ça ne
sera pas de ma faute " donc je ne peux pas me faire mal (…). Si je n'ai pas confiance en moi pour
le faire, parce que j'ai peur de moi-même, de ne pas réussir à faire ce mouvement, lui il a
confiance en moi donc c'est bon, c'est sa responsabilité presque » (S17, mat chinois)].
Cette confiance très importante dans les enseignants vient notamment de la
connaissance très fine qu’ils ont de leurs étudiants [« Ils [les profs] disent ça tu peux
envoyer, ça tu ne peux pas envoyer, euh… ça tu vas attendre un peu, t’es pas prêt (...) souvent ils
voient juste » (S4, voltigeur bascule coréenne), « En fait, il faut que le prof, il soit là aussi
pour te pousser jusqu'au bout de tes limites mais sans te briser, sans te casser. Il faut toujours
qu'il soit sur le fil de la... de la blessure, ou de... je ne sais pas… du craquage quoi. Mais sans te
faire craquer, sans te blesser quoi ! » (S18, mat chinois)].
4.2.2. La gestion de la peur et du risque : la confiance en son/ses partenaire(s)
14 Si les étudiants ont une confiance très importante en leur enseignant, celle-ci est
également incontournable à l’égard de leur(s) partenaire(s). En effet, parmi les activités
circassiennes des étudiants interrogés certaines se pratiquent en duo (le main à main et
le cadre aérien qui comportent un voltigeur et un porteur) ou en collectif (la bascule
coréenne où tous sont voltigeurs, mais assurent aussi le rôle de pareurs). Dans ces
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disciplines, l‘intégrité physique des voltigeurs est entre les mains du porteur. Les
étudiants qui pratiquent avec des partenaires mettent tous en avant l’importance de la
confiance qui existe déjà entre eux ou qui se crée [« Dans le main à main, en fait c'est
important, cette confiance avec l'autre (…) Mon premier partenaire, j'étais tellement en
confiance avec lui et j'ai grandi avec lui (…) je ne me suis jamais posé la question en fait… je
savais qu'il me rattraperait, que je pouvais faire n'importe quoi (…). [Avec le nouveau porteur] ça
fait beaucoup plus peur mais je pense que je m'en remets plus à moi actuellement qu'à lui et me
dire que lui il fait son job, que moi je fais mon job, et que du coup cette confiance elle se créera
petit à petit (…) Du coup c'est ça qui fait que j'aurai moins peur et que je prendrai moins de
risque » (S5, voltigeuse main à main)]. En collectif de bascule coréenne, certains
voltigeurs se connaissent depuis de nombreuses années, ce qui favorise cette confiance
en l’autre de façon générale et dans l’activité de façon spécifique, avec une fois de plus
le risque de dépendance à l’autre [« Et puis la bascule, ça ne se pratique pas tout seul, et moi,
je voulais un truc de groupe. On a un collectif, on est déjà des amis à la base… Et du coup, oui
voilà, je voulais un truc vraiment de confiance où il y ait tout le monde qui soit présent et pas un
agrès tout seul. Ce qui est un peu le problème maintenant, c’est qu’on est un peu dépendant des
autres. Mais, c’est ça que je voulais à la base aussi. C’est vraiment avoir une place dans un
collectif et de se plaire en dépendant un peu des autres et que les autres dépendent de moi, quoi.
J’aime bien cette idée » (S2, voltigeur bascule coréenne)].
4.2.3. La gestion de la peur et du risque : l’émulation du groupe
15 L’émulation de groupe permet aussi de dépasser sa peur et de se lancer dans des figures
dangereuses [« A chaque fois j’avais peur de le faire mais je le faisais quand même. Il me disait :
"allez ! " (…) On regarde les autres, on se dit il le fait (…), on s’évalue, on se dit : "j’suis capable de
faire la même chose ! Si lui il y arrive, il y a pas de… enfin, il n’a pas des capacités extraordinaires
par rapport à moi. Je peux le faire aussi ! " » (S7, voltigeur main à main), « Après y'a une
autre façon aussi d'enlever les risques... enfin d'enlever, non pas d'enlever le risque, le risque y
est toujours, mais de gérer le risque, d'enlever un peu la peur, c'est l'adrénaline et le mouvement
de groupe en fait. Quand on est plusieurs, souvent on est poussé par une énergie et ça permet (...)
d'y arriver, ouais d'y arriver euh parce qu'on... parce qu'on réfléchit moins (…) et si on pense à
trop de trucs, on ne peut pas faire le mouvement, c'est impossible » (S12, acrobatie)].
5. Discussion des dimensions personnelles de lagestion du risque et de leur apprentissage
16 Les données scientifiques issues de la psychologie du sport nous ont semblé les plus
pertinentes pour analyser les résultats obtenus : le champ des déterminants
psychologiques de la performance pour discuter de la gestion du risque et le champ de
l’intervention auprès du sportif, en particulier la préparation mentale, pour discuter de
l’apprentissage de cette gestion du risque et proposer quelques pistes de formation.
Dans une première partie, nous nous intéresserons plus précisément aux dimensions
intra-individuelles et dans une deuxième partie, aux dimensions interindividuelles.
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5.1. Les dimensions intra-individuelles de la gestiondu risque corporel
17 La gestion du risque passerait tout d’abord par la gestion de la peur pour la majorité
des étudiants, voire pour la totalité de ceux qui pratiquent les disciplines les plus
risquées (avec des éléments acrobatiques et/ou aériens). En plus de la gestion de la
peur, deux autres thèmes reviennent majoritairement dans le discours des étudiants :
la connaissance et la confiance en soi et en son corps, consécutives à un apprentissage
technique progressif, et dans une moindre mesure la nécessité de la concentration.
Pour mieux comprendre l’importance de ces trois thèmes dans la formation des
étudiants circassiens, nous allons les mettre en lien avec les théories et les techniques
conceptualisées en psychologie du sport.
En préparation mentale, la gestion de la peur par exemple, est abordée sous la forme de
la gestion du stress. Cette dernière, chez les sportifs, est souvent nécessaire pour faire
face aux enjeux de la compétition. Cependant, la gestion du stress du sportif est
spécifique. Le Scanff (1999, 2003) explique quelles sont les différentes stratégies qui
peuvent être employées pour gérer le stress dans le sport de haut niveau, mais aussi
dans les situations dites « extrêmes » (armée, missions spéciales, etc.) où la prise de
risque est également un élément important. Quatre types de stratégies permettent de
gérer le stress et seront à travailler plus ou moins conjointement selon la situation :
développer son sentiment de contrôle sur l’environnement, développer un
apprentissage technique poussé, développer les techniques individuelles de gestion du
stress et développer les relations interpersonnelles du groupe. Nous allons approfondir
tous ces thèmes qui sont également les plus abordés par les étudiants quand ils parlent
de leur gestion de la peur et du risque.
1-Développer son sentiment de contrôle sur l’environnement par une meilleure
connaissance de celui-ci, l’incertitude déclenchant du stress (Le Scanff, 1999, 2003).
Chez les circassiens, la diminution de l’incertitude de l’environnement passe
essentiellement par les vérifications matérielles et les protections (accroches pour les
disciplines aériennes, tapis, longe, etc.). Ce thème de la « sécurité passive » ne fait pas
l’objet de cette étude, mais de façon générale, les étudiants se disent bien sensibilisés
sur ce sujet avec, dans une des deux écoles, des apprentissages formels lors de cours
théoriques (« On a eu des formations plus techniques sur comment accrocher une sangle, et
tout » ) et des apprentissages informels quotidiens lors des entrainements (« [Le prof] a
dit : "alors là vous ne mettez pas de tapis parce que y’a pas de risque, c’est sûr à 100 % qu’il va
atterrir sur ses pieds ? " Mais alors là, à ce moment-là, tu vas mettre un tapis »).
2-Développer un apprentissage technique poussé pour éviter la dégradation de
performance due au stress. Un surapprentissage (entrainement intensif) en condition
réelle permet notamment aux tâches de devenir automatiques et de requérir moins
d’attention augmentant ainsi le sens du contrôle c’est-à-dire l’impression de pouvoir
contrôler la situation (Le Scanff, 1999, 2003). Les étudiants circassiens mettent
largement en avant la dimension « technique » dans leur gestion du risque et de la
peur. L’apprentissage technique progressif et les répétitions permettent l’automaticité
de certains mouvements (« [Le professeur] va te faire faire plein d'éducatifs pour que ton
corps, il enregistre les mouvements ») et la connaissance du corps dans l’espace (« Tu
tournes ton corps dans tous les sens et au bout d’un moment tu sais où il est quoi que tu fasses »).
Cette dernière est primordiale, tant pour les techniques corporelles que pour les
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« réchappes ». Ces « tactiques d’urgence » sont des habiletés d’évitement (Delignières,
1993) qui permettent de retomber sans se faire mal quand une figure est mal exécutée
(« On finit par devenir un peu des chats »).
Par ailleurs, l’apprentissage technique progressif et répétitif en favorisant la maitrise,
augmenterait aussi la connaissance et la confiance en soi et dans son corps, ce qui
permettrait une diminution de la peur et des risques de façon générale (« Plus t'es fort,
plus t’as confiance en toi et du coup moins t'as peur »). Le Scanff (1999, 2003) confirme
qu’une meilleure maitrise des habiletés augmente le sentiment d’efficacité personnelle
qui réduit alors le stress. Ce sentiment d’efficacité personnelle (attente de réussite dans
une situation très particulière) dépend en effet des performances récentes dans la
tâche (Bandura, 1977). Cependant si les sportifs se sentent efficaces, confiants dans la
tâche parce qu’ils sont performants, ils sont aussi performants parce qu’ils se sentent
confiants (e.g., Gould, Weiss & Weinberg, 1981) : confiance et efficacité sont donc
interdépendantes. Pour les étudiants qui n’ont pas confiance en eux (« Et je pense que je
n'ai pas confiance en moi et c'est très dur ça aussi, parce que je pense que ça m'aiderait »), un
travail sur la confiance pourrait les aider à se lancer dans des figures difficiles, la
réussite nourrissant en retour leur confiance. Des techniques spécifiques existent
notamment en préparation mentale.
3-Développer les techniques individuelles de gestion du stress. Le Scanff, (1999, 2003)
indique que la majorité des techniques utilisées (relaxation, méditation, etc.) vise une
diminution des processus physiologiques de l’activation déclenchés en condition de
stress (baisser l’anxiété somatique qui se manifeste par une accélération du rythme
cardiaque, des tensions musculaires, etc.). Cependant, certaines études montrent que la
réduction de l’activation n’est pas toujours souhaitable en vue d’une performance
sportive. Les étudiants circassiens évoquent aussi la « bonne peur », cette recherche de
sensations qui favorise l’engagement dans l’action. Il est donc parfois préférable de
privilégier des techniques qui diminuent l’anxiété cognitive (expectations pessimistes,
manque de concentration, etc), et non l’anxiété somatique, comme l’imagerie mentale ou
le dialogue interne qui modifie l’évaluation des situations stressantes. Certaines
techniques composites comme le SIT (stress inoculation training, Meichenbaum, 1977)
ont l’avantage de traiter en même temps l’anxiété somatique et cognitive et
d’incorporer les stresseurs dans l’entrainement. D’autres techniques reposent sur l’idée
que pour certaines performances, ce sont les secondes qui précèdent l’habileté motrice
qui sont déterminantes (Le Scanff, 1999, 2003). En effet, dans les sports à habiletés
fermées très automatisées, l’anxiété augmente l’attention portée sur le geste, et ce
passage d’un contrôle inconscient à un contrôle conscient déstabilise les acquisitions
(Masters, 1992). Dans ces disciplines spécifiques (sports de précision, plongeon,
gymnastique, etc.), il faut alors éviter cette désautomatisation. Dans ce cas, l’utilisation
de « routines de performance » pour gérer le stress et amener le sportif à un « état de
performance optimal » a démontré son efficacité. Ces routines sont un ensemble de
schémas de pensées, d’actions ou d’images que l’on reproduit systématiquement avant
d’exécuter une performance (Crews & Boutcher, 1986). Elles permettent de contrôler et
de diriger ses émotions, ses pensées et son attention juste avant une performance pour
basculer dans l’automatisme (Singer, 2002). Par ailleurs, c’est à chacun de trouver sa
propre recette en utilisant les stratégies ou habiletés mentales de base les plus adaptées
à ses caractéristiques personnelles (Gould & Udry, 1994), à sa discipline et son niveau de
pratique. Ces stratégies concernent surtout le domaine de la concentration et
consistent en l’utilisation du dialogue interne (discours lié à l’exécution technique, des
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20
encouragements) ou de l’autosuggestion (se persuader qu’on y arrivera), de l’imagerie
mentale (visualisation d’un mouvement), des contrôles respiratoires, et de la relaxation
pour diminuer l’activation ou, au contraire, de la mise en tension pour l’augmenter (Le
Scanff, 1999, 2003).
Dans les écoles supérieures de cirque, les étudiants ne disposent pas de préparateur
mental ou de psychologue du sport pour leur apprendre ces techniques individuelles de
gestion du stress. Comme dans d’autres disciplines sportives où la préparation mentale,
même à haut niveau, n’est pas utilisée pour diverses raisons, les athlètes ont donc
plutôt tendance à « bricoler » leurs propres techniques. Ripoll (2008) qui a interviewé
des sportifs de haut niveau a été surpris de leur capacité à faire face seuls aux moments
difficiles notamment, sans aucune préparation mentale. Ils font à « leur propre sauce…
et ça marche » (ibid., p. 219). En plus d’avoir une très grande confiance en eux, ils sont
passés maitre dans la gestion de leur mental sans intervention extérieure : gestion du
stress, stratégies d’autorenforcement, etc. Les étudiants circassiens « bricolent » aussi
leurs techniques de gestion de la peur et du risque (« Je ne l'ai pas encore vraiment appris
hein, je l'expérimente, parce que ça bloque encore toujours ») et semblent utiliser avant
l’exécution d’une figure dangereuse des techniques qui s’apparentent aux routines de
performance. La réalisation de figures acrobatiques complexes, précises et risquées en
cirque (bascule coréenne, disciplines aériennes, etc.) s’intègre bien dans la catégorie
des habiletés fermées où la précision est importante et pour laquelle les routines de
performance, qui privilégient concentration et automaticité du mouvement, sont
adaptées et efficaces. La technique décrite par la très grande majorité des étudiants
pour gérer leur peur semble peu académique, mais efficace : ne pas réfléchir et se
lancer. Certains étudiants expliquent l’importance de ne pas trop réfléchir pour ne pas
penser aux conséquences possibles d’un mouvement raté avant de partir (« Si je réfléchis
trop, c'est foutu… je me vois, je visualise le mouvement, je me vois me scratcher »). Des termes
forts sont employés par les étudiants pour parler de cet état de « non-réflexion » :
« mettre mon cerveau sur off », « déconnexion de la conscience », « se vider l’esprit »,
« éteindre son cerveau ». Même si cela n’est pas conscientisé chez la plupart, il
semblerait que cette stratégie permette également d’éviter la perturbation du
mouvement une fois celui-ci automatisé. La majorité des figures exécutées par les
circassiens atteignent, après apprentissage, un stade de traitement automatique qu’un
contrôle conscient dégraderait. Les comportements automatiques sont inconscients,
rapides, ne nécessitant pas de stratégies cognitives particulières (Shiffrin & Schneider,
1977), et se développent avec l’entrainement, la répétition dans des conditions
similaires. De façon générale, il serait préférable de centrer son attention sur les effets
du mouvement plutôt que sur le mouvement lui-même une fois qu’il est automatisé
(Wulf & Prinz, 2001) ou d’utiliser une focalisation attentionnelle externe (Ferrel-Chapus
& Tahej, 2010) comme la cible au golf par exemple (Crews & Landers, 1991). Une
voltigeuse en main à main dit à ce sujet : « J'essaye de mettre mon cerveau sur off. De me
remettre à ce que mon corps connait et puis lui faire confiance en fait », « Je ne fais que penser
par exemple... à l'endroit où doit passer mes jambes, plutôt qu'à l'ensemble en fait. J'adore
analyser tout, tout ce que je fais, voir plus large et tout, mais je ne m'en sors pas. Du coup, je me
cale sur un point, l'endroit où doit passer mes jambes et puis je sais que ça fonctionnera… Je ne
pense pas au mouvement en lui-même, je pense à un truc, du genre mes pieds, voilà ! Et du coup,
toute cette peur qui parasite autour parce que je pense que je dois tirer mes bras, parce que je
pense que je dois me mettre en boule, parce que je dois m'ouvrir à ce moment-là, tout ce qui me
fait peur du coup, parce que j'ai peur de ne pas le faire au bon moment, je l'efface et je me
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21
concentre sur un truc que je sais exactement ». Par ailleurs, s’ils essayent de ne pas réfléchir
aux conséquences d’une erreur, la plupart des élèves se rassurent aussi brièvement sur
leur capacité avant de se lancer dans le mouvement. Cette technique bien connue en
préparation mentale relève également des routines de performance : le « dialogue
interne » voire l’autosuggestion (Bandura, 1977) (« Je me dis "la technique tu la connais, [le
prof] il te l’a apprise, et voilà tu sais la faire" et j'y vais ! »).
Concernant des techniques un peu plus spécifiques, très peu d’élèves évoquent
l’importance de la respiration avant de faire un mouvement difficile ou de l’imagerie
mentale, alors que cette dernière technique est couramment utilisée, même de façon
informelle, par les sportifs. Elle semblerait pourtant très pertinente pour visualiser les
mouvements complexes à réaliser, ce qui favoriserait l’apprentissage, la concentration
et la gestion du stress (Perreaut-Pierre, 2000).
18 Finalement en ce qui concerne les dimensions intra-individuelles, la gestion de la peur
et du risque par les étudiants circassiens repose sur un apprentissage formel de
techniques corporelles et un apprentissage informel de techniques mentales.
L’apprentissage des techniques corporelles favorise la maitrise voire l’automatisation
de certains mouvements (gestes ou réchappes) et la confiance en soi et en son corps.
Les techniques mentales favorisent un état de concentration (dialogue interne
notamment) et le déroulement automatique du mouvement (ne pas penser au
mouvement pour ne pas le perturber). Ces « routines de performance » semblent
pertinentes au regard des données concernant la gestion du stress. Néanmoins, à
l’instar de Ripoll (2008) qui se demande si les sportifs de haut-niveau qu’il a interrogés
n’auraient pas fait encore une plus belle carrière en ayant une préparation mentale
dispensée par des professionnels plutôt qu’en se la construisant tout seul au fil des
expériences, nous pouvons nous demander si des interventions spécifiques en
préparation mentale (gestion du stress) ne seraient pas intéressantes, tant la gestion de
la peur est un sujet de préoccupation majeur de la plupart des étudiants. Il semble
notamment que l’imagerie mentale ou certaines techniques de respiration seraient
pertinentes dans ce cadre.
4-Développer la gestion des ressources d’une équipe, en particulier le développement
des relations interpersonnelles, permet un soutien social qui est une des stratégies les
plus efficaces pour gérer le stress (Le Scanff, 1999, 2003). L’importance des dimensions
interpersonnelles a aussi largement été abordée par les étudiants circassiens dans la
gestion du risque et va faire l’objet de la deuxième partie de cette discussion.
5.2. Les dimensions interindividuelles de la gestion du risque
corporel
19 Les dimensions interindividuelles de la gestion de la peur et du risque ont été
fortement mentionnées par les étudiants à travers les relations et la confiance qu’ils
ont en leur entraineur mais aussi en leurs partenaires.
5.2.1. Relations avec l’entraineur : une confiance à toute épreuve
20 La relation entraineur-entrainé est un élément indissociable de la pratique sportive en
club et semble être un déterminant incontournable de la performance sportive, pour
autant les chercheurs ne se sont intéressés que récemment à cette relation. Les
premières recherches sont celles concernant le leadership. Elles ont surtout étudié
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l’entraineur à travers l’étude de ses caractéristiques intra-personnelles : ses
comportements, ses prises de décisions et ses connaissances (Heuzé, 2003). Toutefois,
ces études ne prennent pas en compte le versant affectif, émotionnel qui offrirait
pourtant un contexte favorable à l’entrainement et à la performance (Lévêque, 1995 ;
Totchilova-Gallois, 2005). Quelques recherches d’origine anglo-saxonnes récentes se
sont intéressées de façon spécifique aux relations interpersonnelles entre l’entraineur
et le sportif. Losier et Vallerand (1995) ont montré que l’entraineur, notamment, devait
essayer de développer avec ses athlètes une relation harmonieuse, valorisante,
satisfaisante et qui amène les sportifs à lui faire confiance. Jowett et Meek (2000)
définissent les relations interpersonnelles entraineur-sportif comme une interaction
entre un ensemble d’émotions (« proximité » affective, confiance et respect mutuels),
de pensées (« co-orientation » avec un cadre commun à trouver nécessitant du
dialogue, des négociations, des prises de décisions) et de comportements
(« complémentarité » basée sur la collaboration, le travail d’équipe entre l’entraineur et
le sportif). Pour Saury (2004) cependant, il faudrait remettre en question les deux pôles
distincts de la relation entraineur-entrainé : l’un « relationnel ou affectif » et l’autre
« instructif » (faire acquérir des procédures techniques et tactiques), ainsi que la
conception selon laquelle l’entraineur prescrit et le sportif exécute. Des recherches ont,
en effet, mis en avant la véritable collaboration organisée en vue d’un travail collectif, il
faudrait alors plutôt parler de « collaboration entraineur-athlètes ». Cette dernière
s’appuie notamment sur un référentiel commun, fruit d’une expérience partagée
(Saury & Durand, 1995) prenant en compte l’évocation des sensations de sportif par
l’entraineur, une connaissance fine des sportifs et l’évocation d’anecdotes passées
vécues en commun.
Les données qui ressortent des entretiens avec les étudiants circassiens concernant leur
gestion du risque mettent en avant les deux pôles classiques de la relation entraineur-
sportif : l’un technique et l’autre affectif. Ces deux pôles sont cependant
interdépendants et largement basés sur la confiance en l’entraineur. Le pôle technique,
a déjà été mentionné : les étudiants gèrent de mieux en mieux la peur et les risques à
mesure que leur maitrise augmente, en particulier la maitrise de leur corps dans
l’espace et l’automatisation des mouvements. Or, cette maitrise passe par les
répétitions mais aussi par les éducatifs et diverses situations d’apprentissage mises en
place par les enseignants. Les étudiants font entièrement confiance aux enseignants,
qui sont des experts dans leur discipline, pour ces apprentissages techniques. Aucun
étudiant n’a mentionné quelques désaccords d’ordre technique concernant
l’enseignement reçu. La relation de confiance est surtout mise en avant, et de façon
unanime par les étudiants, au niveau des encouragements pour se lancer dans des
figures difficiles voire dangereuses (« Dans ce cas-là je lui fais confiance... s'il dit que je peux
le faire, je le fais »). Cette confiance en l’enseignant (pôle affectif) provient donc de son
expertise technique (pôle technique) qui rassure les étudiants, mais aussi de la
connaissance précise qu’il a du fonctionnement de ses étudiants. Cette dernière lui
permet de s’adapter à leurs attentes et caractéristiques (« Quand elle sent que je suis
fatigué, elle va faire un travail avec mon état aussi parce que ça sert à rien de bosser des trucs
alors que tu n'en es pas capable »). Saury et Durand (1995) ont d’ailleurs montré que les
entraineurs évoquent une connaissance très fine des sportifs pour interpréter les
comportements de ces derniers et pour justifier des modes d’intervention différenciés à
leur égard. C’est un des éléments du « référentiel commun » partagé avec l’athlète qui
constitue une des bases de la coopération entraineur-sportif.
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23
La confiance en l’entraineur est cependant un thème très peu abordé dans les études
sur les relations entraineur-sportif. Il s’avère que dans la gestion spécifique de la peur
et du risque, cette confiance est un élément pourtant primordial qui mériterait un
regard plus approfondi. Nous allons maintenant aborder la confiance dans les
partenaires qui est également largement mise en avant par les étudiants.
5.2.2. Relations avec les partenaires : la confiance et l’émulation de groupe
21 Les relations interindividuelles dans un groupe sportif sont surtout étudiées à travers le
thème de la cohésion (Buton, Fontayne & Heuzé, 2006 ; Heuzé, 2003). Si de nombreuses
conceptions théoriques de la cohésion existent, les recherches font clairement ressortir
deux dimensions (Cox, 2005). La cohésion opératoire face à l’exécution des tâches, qui est
le degré de collaboration d’une équipe dans la poursuite d’un but opératoire, et la
cohésion sociale qui est le degré d’attirance entre les équipiers et leur degré de
satisfaction à évoluer ensemble. Dans le domaine sportif, il semble qu’un consensus se
dégage autour du modèle de Carron, Widmeyer et Brawley (1985) en quatre facteurs
(intégration opératoire du groupe, attractions individuelles opératoires pour le groupe,
intégration sociale du groupe, attractions individuelles sociales pour le groupe). La
cohésion est donc décrite comme une variable multidimensionnelle mais aussi
dynamique : elle fluctue rapidement et ne s’exprime pas forcément par ces quatre
facteurs. Les recherches ont surtout mis en avant les déterminants et les conséquences
de la cohésion, et notamment son lien avec la performance sportive. Quelques résultats
montrent également que les relations interpersonnelles permettent un soutien social
qui est une des stratégies les plus efficaces pour gérer le stress (Le Scanff, 2003) ou
qu’un haut niveau de cohésion dans les groupes sportifs était associé à une diminution
de l’anxiété situationnelle.
L’importance des relations avec les partenaires et la cohésion du groupe sont mises en
avant par les étudiants circassiens dans leur gestion de la peur et du risque, en
particulier dans les spécialités nécessitant de travailler en duo (un porteur et un
voltigeur en main à main et en cadre aérien) ou en collectif (bascule coréenne). Les
collectifs, tout comme les duos, peuvent être considérés comme des groupes sportifs en
se référant à la définition de Carron et Hausenblas (1998) : « rassemblement de deux ou
plusieurs individus qui possèdent une identité commune, ont des buts et des objectifs communs,
partagent un destin commun, présentent des patrons structurés d’interaction et de
communications, possèdent des perceptions communes de la structure du groupe, sont
personnellement et instrumentalement interdépendants, manifestent une attirance
interpersonnelle réciproque et se considèrent eux-mêmes comme un groupe » (p.13-14).
Cependant, les caractéristiques de ces duos et collectifs se différencient des groupes
habituellement étudiés qui sont essentiellement des équipes de sport collectif (où les
tâches interactives nécessitent une grande coordination des actions pour produire une
performance collective) et dans une moindre mesure des équipes de sport individuel
(où les tâches sont co-actives avec une performance collective obtenue par addition des
performances individuelles). Si les tâches des circassiens sont effectivement
interactives et nécessitent une grande coordination afin de produire la performance, la
mise en jeu de l’intégrité physique du voltigeur qui se trouve entre les mains de son
porteur, ajoute une dimension de premier ordre à cette relation qu’on ne retrouve pas
dans les sports collectifs. Or, à notre connaissance, aucune recherche n’a pris en
compte cette particularité, ce qui pourrait expliquer que la confiance en l’autre est une
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24
variable qui n’est pas mise en avant dans les études sur la cohésion d’un groupe sportif.
Pourtant dans les discours des étudiants circassiens, la cohésion importante entre les
partenaires semble fortement liée à la confiance en l’autre, tant à un niveau opératoire
que social. Les voltigeurs l’illustrent très bien (« J'étais tellement en confiance avec lui et
j'ai grandi avec lui… Je savais qu'il me rattraperait, que je pouvais faire n'importe quoi…, que ce
soit dans notre discipline ou que ce soit à l'extérieur »), mais l’importance de la cohésion et
de la confiance dans les collectifs de bascule nous semble encore plus emblématique. La
bascule est la spécialité la plus dangereuse et la plus contraignante, il semble que la
force du collectif soit puisée dans une très forte cohésion et confiance interindividuelle,
une fois de plus tout autant à un niveau opératoire que social. L’exemple d’un des
collectifs composés de cinq voltigeurs qui se connaissent depuis de nombreuses années
(plus de dix ans pour certains) est révélateur : « Ca dépend vraiment des autres c’est pour
ça qu’il faut vraiment qu’il y ait une bonne entente dans le groupe. Nous on a commencé, les
cinq, parce qu’on s’entendait vraiment bien, on s’est dit, on va faire un truc. La bascule, c’est
marrant, on essaye ça. Et vu qu'on était bien soudé déjà à la base, ça a tout de suite marché à
fond, on a l’habitude de se voir tout le temps ».
Cette cohésion opératoire, basée sur une très forte confiance en l’autre à un niveau
technique, peut être liée à une cohésion sociale importante, une entente parfois très
spontanée (« On a de la chance… depuis le début on s'entend super bien. Et euh, on s'écoute
bien, je pense... Tu peux juste pas pratiquer, si t'es pas ensemble et si t'es pas à l'écoute de
l'autre »). Parfois la cohésion opératoire se construit principalement à partir du travail
technique (« Me dire que lui il fait son job, que moi je fais mon job, et que du coup cette
confiance elle se créera petit à petit … Que lui il aura pris confiance en lui, que moi j'aurai pris
confiance en moi et que du coup on pourra avoir confiance en nous deux »), mais une fois
installée cette cohésion opératoire pourra, à l‘inverse, influencer la cohésion sociale («
Y’a une relation qui se crée… et après y a une relation amicale, relation professionnelle et c’est
une vraie relation de confiance »). Un seul étudiant a évoqué un apprentissage plus formel
de la confiance en l’autre sous forme de cours ponctuels de « conscience collective »
dans une école préparatoire (e.g., se laisser tomber en arrière et rattraper par les
autres).
L’émulation du groupe à l’entrainement favorise également une certaine gestion de la
peur et de la prise de risque. La comparaison aux autres, le regard des autres, voir les
autres y arriver ou vouloir montrer aux autres que l’on peut y arriver permet à
l’étudiant d’aller au-delà de ses appréhensions (« ce qui me pousse à faire les choses, c'est
aussi l'émulation collective »). Cependant si l’émulation collective permet aux élèves de
gérer leur peur et de se lancer plus facilement, elle peut aussi être source de danger
notamment pendant les pauses et, ou quand les enseignants ne sont pas présents
(Legendre, 2014).
Finalement, les dimensions interindividuelles de gestion de la peur et du risque des
étudiants sont surtout basées sur la confiance en l’autre et ce, au niveau de deux pôles
en interaction : l’un technique et l’autre affectif. Avec l’enseignant, la confiance est très
importante que ce soit dans la progression technique proposée aux étudiants ou pour
se lancer dans des figures difficiles. L’expertise de l‘enseignant (pôle technique) est
donc à la base de la confiance des étudiants (pôle affectif). Avec les partenaires, la
cohésion et la confiance se retrouvent également à un niveau technique (chacun doit
faire « son boulot »), qui suit ou précède une cohésion sociale (plus affective) également
importante.
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Conclusion
22 Cette étude exploratoire a permis de mettre en avant l’importance des dimensions
personnelles intra-individuelles et interindividuelles, perçues par les étudiants en école
supérieure de cirque, dans leur gestion du risque corporel et son apprentissage.
Les dimensions intra-individuelles concernent la gestion de la peur, la concentration et
la confiance en soi et en son corps. Cette notion de confiance est également à la base de
la gestion de la peur et du risque à un niveau interindividuel, tant à un niveau
technique qu’affectif. A un niveau opératoire, les étudiants font confiance à leurs
enseignants, experts reconnus de leur discipline, pour tout ce qui concerne les
apprentissages techniques. Cette expertise se décline à un niveau plus affectif, quand
l’enseignant encourage l’étudiant à se lancer dans une nouvelle figure car il considère
que c’est le « bon moment », l’étudiant lui fait alors totalement confiance. Les étudiants
font également confiance, spontanément ou de façon construite, techniquement et
d’une façon plus générale, à leur(s) partenaire(s). Cette cohésion tant opératoire que
sociale, voire affective, permet le développement d’une véritable symbiose notamment
entre le voltigeur et son porteur.
Au niveau des apprentissages de la gestion du risque, il semble qu’un des enjeux
majeurs de la formation sera de faire évoluer la peur du profane vers le risque maitrisé
du professionnel. L’émotionnel sera alors rationnalisé avec la maitrise progressive des
techniques tant mentales que corporelles. En effet, la gestion de la peur et la
concentration passent par un apprentissage informel de techniques personnelles qui
s’apparentent aux routines de performance (favoriser un déroulement automatique du
mouvement en essayant de ne pas trop réfléchir, discours interne pour se rassurer). Cet
apprentissage semble pertinent, mais gagnerait en efficacité et en rapidité s’il était
rationalisé et formalisé (préparation mentale notamment). La connaissance et la
confiance en soi et dans son corps vont être développées indirectement et
essentiellement par la maitrise (voire l’automatisation) issue d’un apprentissage formel
et répétitif des techniques corporelles et des réchappes. La confiance dans l’enseignant
et dans les partenaires se développe aussi sur la base de dimensions techniques :
l’expertise de l’enseignant rassure les étudiants, tout comme la maitrise technique des
partenaires. Cependant, les dimensions techniques sont aussi en interaction avec les
dimensions affectives, elles s’influencent mutuellement : la cohésion sociale peut
précéder ou suivre la cohésion opératoire, la confiance dans l’enseignant vient
notamment de son expertise technique, l’enseignant qui connait son étudiant sait
adapter ses enseignements techniques, etc. Ceci conforte le point de vue de Saury
(2004) qui remet en question les deux pôles distincts « relationnel ou affectif » versus
« instructif » dans la relation ou collaboration entraineur-sportif, les deux semblent
bien interdépendants.
23 La gestion du risque dans le milieu du cirque est souvent réduite à la maitrise
technique. Finalement, s’il semble bien que l’apprentissage des techniques sportives
soit la pierre angulaire de la gestion du risque, notamment parce qu'il participe
largement au développement de dimensions personnelles indispensables à cette
gestion : la confiance en soi, en son corps et en l’autre. L’autre apprentissage qui semble
primordial dans la gestion du risque, et qui mériterait d’être formalisé, concerne les
techniques mentales de gestion de la peur. Par ailleurs, dans les écoles supérieure de
cirque, les étudiants perçoivent l’apprentissage de la gestion du risque comme quelque
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chose qui est bien présent mais de façon diffuse et informelle : « On n'a pas un cours pour
la gestion du risque… ça va être travaillé petit à petit… on ne se rend pas forcément compte qu'on
le travaille, mais on le travaille... on n’a pas une ampoule rouge qui fait "gestion du risque, c'est
un risque, faut faire attention ! ". C'est toujours, c'est tout le temps, c'est tout le temps là et on le
sait... on est tout le temps en train de gérer ce truc-là ».
Cette étude exploratoire a permis de mettre en avant les thèmes qui étaient les plus
abordés par les étudiants en école supérieure de cirque concernant leur gestion
personnelle du risque et son apprentissage. Ces thèmes sont évidemment amenés à être
approfondis notamment avec des méthodologies plus spécifiques. Les relations
interpersonnelles chez les circassiens nous semble, par exemple, un domaine tout à fait
intéressant à étudier. En effet, certaines spécialités de cirque mêlent une présence
importante de risque corporel et une coopération avec des partenaires qui gèrent une
partie de ce risque (main à main, cadre aérien, bascule coréenne). Cette spécificité peu
commune dans le sport, permettrait notamment d’approfondir la construction de la
confiance et de la cohésion qui oscille entre technique et affectif (entre le voltigeur et
son porteur par exemple). Par ailleurs, cette étude a mis aussi en avant la très forte
confiance des étudiants envers leur enseignant. Il serait alors intéressant d’approfondir
comment ces derniers gèrent le risque de leurs étudiants ? Sur quoi se basent-ils ?
Qu’est-ce qui justifie cette confiance aveugle des étudiants en leurs enseignants ? Dans
cette perspective, il serait notamment pertinent d’étudier en situation la gestion du
risque par l’enseignant et son impact sur l’engagement des étudiants.
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RÉSUMÉS
La gestion du risque dans le cirque a surtout été étudiée d’un point de vue sociologique qui met
largement en avant la « gestion des émotions » (Fourmaux, 2006) ou l’importance des
« dimensions personnelles, psychologiques » (Legendre, 2014). Notre étude exploratoire,
constituée de 30 entretiens semi-directifs d’étudiants en écoles supérieures de cirque, vise une
compréhension plus approfondie de ces dimensions personnelles à la lumière de données issues
de la psychologie du sport appliquée. Les résultats mettent en avant des dimensions intra-
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individuelles de gestion du risque (gestion de la peur, confiance en soi et dans son corps, et
concentration) et des dimensions interindividuelles (forte confiance accordée à l’enseignant ou
aux partenaires, émulation du groupe). L’apprentissage ou le développement de la plupart de ces
dimensions personnelles passe indirectement par la maitrise technique issue d’apprentissages
formels répétitifs et progressifs. Les techniques mentales plus spécifiques concernant la gestion
de la peur ou la concentration sont, par contre, plutôt issues d’un apprentissage personnel et
informel, qui semble pertinent, mais le serait probablement encore plus s’il était formalisé.
Risk management in the field of circus art has until now mainly been studied from a sociological
perspective which emphasises “emotion management” (Fourmaux, 2006) or the importance of
personal and psychological dimensions of risk management (Legendre, 2014). This exploratory
study, based on 30 semi-directive interviews with students from graduate circus schools, aims at
increasing our understanding of these personal dimensions of risk management in the light of
issues raised in sport psychology research. The results highlight two key dimensions of risk
management: intra-individual dimensions (fear management, self-confidence and confidence in
the body, and concentration) as well as inter-individual dimensions (trust placed in teachers or
partners, group competition). Learning or development of most of these personal dimensions of
risk management indirectly involves the technical mastery of skills through repetitive and
progressive formal learning. On the other hand, mental skills and strengths around fear
management and concentration are gained through personal and informal learning; these skills
are highly relevant and would be much more so if they were formalised as part of learning
process.
INDEX
Mots-clés : risque, cirque, psychologie du sport, techniques mentales, maîtrise technique
Keywords : risk, circus, sport psychology, mental skills, technical mastery
AUTEUR
DELPHINE LAFOLLIE
Université de Reims Champagne-Ardenne, CEREP EA 4692, Reims, France
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Analyse des phénomènestranspositifs dans l’enseignementdu badminton à partir d’unprogramme épistémologique centrésur les curricula potentielsCédric Roure
1. Introduction
1 Les recherches actuelles portées sur l’intervention, dans le cadre de la théorie de
l’action conjointe en didactique (TACD), visent à rendre compte du fonctionnement des
systèmes didactiques classiquement définis comme système ternaire d’interactions
(Brousseau, 1998). Ce courant de recherche analyse l’activité en contexte des acteurs
(enseignant et élèves) en s’appuyant particulièrement sur le concept de transposition
didactique appréhendé in situ c’est-à-dire en relation avec la dialectique « contrat/
milieu didactiques » (Amade-Escot, 2013). Considérant l’action conjointe du professeur
et des élèves comme une coproduction de connaissances à la lumière de pratiques
culturelles les légitimant, les chercheurs et l’auteur de cet article proposent d’étudier
les phénomènes transpositifs en articulant deux programmes : le programme
épistémologique et le programme didactique (Schubauer-Leoni & Leutenegger, 2005).
Le programme épistémologique a pour enjeu principal de saisir l’organisation des
objets de savoirs et ses répercussions sur les phénomènes d’enseignement/
apprentissage. Les recherches conduites dans cette direction tentent d’expliquer la
structuration des savoirs à enseigner ou enseignés, pour reprendre les termes utilisés
par Develay (1992), à partir de différentes échelles : les programmes scolaires, un
établissement ou encore un professeur d’EPS. Le programme didactique se différencie
de celui-ci dans la mesure où il cherche à saisir l’activité des sujets et des institutions et
leurs rapports évolutifs aux objets de savoirs. Cette deuxième orientation fait référence
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à un ensemble de recherches visant à étudier l’activité des acteurs, enseignant et
élèves, dans leur contexte d’intervention à la lumière d’actions conjointes. Désirant
questionner les formes de transmission de la culture corporelle et sportive dans divers
milieux (EPS, entraînement, éducation adaptée…), les chercheurs essayent de
caractériser les processus conjoints d’élaboration des savoirs in situ. En définitive, cette
approche didactique se donne pour visée d’éclairer la façon dont les individus
participent conjointement à la diffusion et à l’appropriation des savoirs culturels au
sein de diverses institutions.
Ces deux programmes sont considérés comme complémentaires lorsqu’ils interrogent
les phénomènes transpositifs à l’œuvre dans l’enseignement du badminton que nous
étudions ici. Adoptant une analyse ascendante de la transposition didactique selon le
point de vue de l’enseignant, la TACD marque un tournant vis-à-vis des analyses
descendantes formalisées antérieurement (Chevallard, 1985 ; Develay, 1992 ;
Martinand, 1986). L’enjeu de cette posture théorique est d’articuler « délibérément les
dimensions interactionnelle et épistémique des situations d’apprentissage » (Amade-Escot,
2013). En ce sens, le programme épistémologique s’intéresse à l’organisation des objets
de savoirs et ses répercussions sur les phénomènes d’enseignement/apprentissage. Il
vise à déterminer quels sont les enjeux de savoirs mis à l’étude, ce qui lui confère une
fonction épistémique et exploratoire. Afin de respecter les assises théoriques de la
TACD, nous avons choisi de mener une analyse épistémologique sur les savoirs scolaires
du badminton repérables au travers des curricula potentiels. Ces curricula sont
entendus comme des propositions d’actions planifiées pour instruire en fonction d’un
contexte donné, qui émanent des acteurs d’une discipline (Musard, Robin, Nachon &
Gréhaigne, 2008). Nous justifions ce choix par le fait qu’une analyse centrée
directement sur des propositions de savoirs scolaires émanant des acteurs de
l’enseignement est compatible avec une analyse ascendante des processus de
transposition didactique centrés sur l’enseignant. Ainsi pensé, ce programme
épistémologique, apparenté à une analyse a priori, constitue une grille de lecture
anticipatrice pour le chercheur. Cette grille lui permet d’étudier l’univers des possibles
et d’apprécier en quoi les situations d’apprentissage peuvent constituer un milieu
favorable aux savoirs visés (Amade-Escot, 2013). Quant au programme didactique, son
analyse des logiques d’actions conjointes des acteurs peut être considérée comme un
révélateur des processus d’élaboration et de diffusion des objets de savoir en contexte
d’intervention. Etant également en cohérence avec l’analyse ascendante des
phénomènes transpositifs, ce programme fonctionne comme une analyse a posteriori
révélatrice d’une dynamique, co-construite entre l’enseignant et les élèves ayant
rapport à l’avancement des objets de savoir dans le temps et aux modifications du
milieu utilisées pour apprendre.
Notre objectif est donc de prendre appui sur un travail épistémologique existant centré
sur les savoirs scolaires des sports de raquette en EPS (Roure, 2013) afin d’analyser les
phénomènes transpositifs à l’œuvre dans l’enseignement du badminton. Nous désirons
mettre en perspective un programme épistémologique, centré sur les curricula
potentiels et autorisant une analyse a priori des enjeux de savoirs mis à l’étude, avec un
programme didactique analysant l’action conjointe du professeur et des élèves. Ainsi
considéré, nous présenterons dans le cadre théorique suivant, le programme
épistémologique comme une lecture anticipatrice de l’enseignement du badminton et
le programme didactique comme le révélateur des logiques de construction conjointes
des objets de savoirs. Nous évoquerons ensuite la complémentarité de ces deux
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programmes et nous terminerons par la présentation de l’analyse épistémologique
portée sur les savoirs scolaires du badminton afin d’envisager des hypothèses de
recherche en lien avec l’enseignement de cette APSA.
2. Cadre théorique de la recherche
2.1. Le programme épistémologique comme lecture anticipatrice
2 Le programme épistémologique considéré comme une lecture anticipatrice constitue
une grille de lecture pour le chercheur lorsque ce dernier désire s’appuyer sur la
structuration des savoirs d’une discipline ou d’une APSA. Dans cette optique, l’appui
sur l’épistémologie des savoirs permet de saisir les objets de savoirs fondamentaux,
porteurs de la culture de l’APSA enseignée (Roure, 2013). Afin de saisir précisément les
enjeux de la transmission de savoirs en badminton, nous nous appuyons sur un travail
épistémologique existant à propos de cette activité (Roure, 2013). Cet auteur a élaboré
un cadre théorique permettant de réaliser une analyse épistémologique des savoirs
scolaires des sports de raquette à partir de l’étude des curricula potentiels repérés dans
des publications professionnelles sur une période de 48 ans (1963 à 2011). Cette
approche épistémologique, développée selon des angles historiques et sociologiques,
nous intéresse dans la mesure où les résultats mettent en évidence une structuration
des savoirs scolaires autour de concepts centraux à l’intérieur desquels sont déclinés
des objets d’apprentissage (OA) et des mises en œuvre (MO) en lien avec des situations
d’apprentissage (SA). Etant donné que nous sommes centrés sur l’enseignement actuel
du badminton, nous exploiterons les résultats de cette recherche épistémologique
seulement au niveau de la dernière période décrite par l’auteur, à savoir 1999 à 2011. La
logique d’organisation des objets de savoirs, révélée au travers de ce programme
épistémologique, s’organise autour de trois éléments : les OA, les MO et les concepts
intégrateurs (CI). Les OA correspondent aux savoirs-faire ou autres habiletés motrices
que l’élève doit acquérir, lesquels sont généralement envisagés dans leurs relations
avec d’autres types de ressources à développer (e.g. connaissances déclaratives,
connaissances procédurale, etc.). Il peut ainsi s’agir de développer la maîtrise du coup
droit ou du revers. Un OA apparaît le plus souvent encapsulé en une situation
d’apprentissage ou dans une suite de situations d’apprentissage dont les contours sont
spécifiés par les professeurs, en relation avec l’exposé de mises en œuvre (MO). Les MO
sont relatives aux aménagements humains et/ou spatiaux ainsi que matériels. Un
travail axé sur la maîtrise du coup droit peut ainsi être envisagé dans une logique
coopérative, avec un relanceur produisant des volants aisés à renvoyer, sur un terrain
comportant des zones cibles tracées, par exemple pour spécifier un enchaînement de
frappes à produire. La SA correspondante peut ici viser à la réalisation d’un nombre
d’échanges prédéterminé en vue de travailler la précision et la flexibilité de la frappe
en coup droit. Enfin, les CI correspondent à des référents communicationnels clés
partagés par les membres d’une communauté donnée, comme les professeurs d’EPS,
que nous pouvons associer à des « noyaux durs » de l’enseignement d’une APSA
(Develay, 1992) en tant qu’ils organisent et structurent un ensemble d’OA et de MO.
Ainsi peut-il en aller de l’idée de « prise en compte de l’adversaire », comme illustration
d’un CI en badminton, qui renvoie implicitement à la prise d’informations durant
l’échange, ainsi qu’à la mise en place d’un projet de jeu ou encore et notamment à la
gestion d’un rapport de force. Un CI, ainsi considéré, a donc une fonction
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communicationnelle. Il est en effet de nature à orienter un professeur vers une
conception des contenus et de l’enseignement relatif à une APSA, concourant par-là
même à utiliser certains OA et MO. L’utilisation de ce programme épistémologique pour
notre recherche consistera principalement à situer les objets de savoirs à enseigner en
badminton, sous la forme d’OA et de MO. Nous nous réfèrerons également aux CI
structurant l’enseignement de cette activité dans la mesure où leur portée
communicationnelle devrait nous autoriser à les retrouver dans les discours du
professeur lorsque celui-ci définit et régule ses situations d’apprentissage (Sensevy,
2007).
2.2. Le programme didactique comme révélateur des logiques
chronogénétiques et mésogénétiques
3 Le programme didactique se donne pour objectif premier d’éclairer la façon dont les
acteurs participent conjointement à la diffusion et à l’appropriation des savoirs
culturels au sein de diverses institutions (Amade-Escot & Loquet, 2010). A ce titre, il
peut être considéré comme un révélateur des processus d’élaboration et de diffusion
des objets de savoir en contexte d’intervention. Classiquement, les chercheurs en ce
domaine mettent en avant trois caractéristiques de l’action conjointe du professeur et
des élèves : 1) la progression des savoirs au fil du temps didactique (logique
chronogénétique) ; 2) les modifications du milieu utilisées pour apprendre (logique
mésogénétique) ; 3) l’évolution des responsabilités prises par le professeur et les élèves
vis-à-vis des savoirs (logique topogénétique). Dans le cadre de notre étude, le
programme didactique sera utilisé au niveau des logiques chronogénétiques et
mésogénétiques. Nous n’avons pas retenu la logique topogénétique car la lecture
anticipatrice permise par le programme épistémologique ne nous permet pas de
disposer d’informations relatives aux responsabilités prises par le professeur et les
élèves. Selon l’axe chronogénétique, l’accent est porté sur l’introduction des objets de
savoirs, supports de l’enseignement du badminton, et sur leurs logiques d’évolution au
sein des séances et au fil du cycle. L’objectif est de saisir les savoirs enseignés par le
professeur, leur découpage dans le temps ainsi que leur structuration à l’échelle d’un
projet d’enseignement. Dans l’optique d’assurer une cohérence vis-à-vis du programme
épistémologique, les savoirs enseignés par le professeur d’EPS en badminton seront
catégorisés en OA et MO Cet axe chronogénétique sera principalement mis en relation
avec le travail de définition des SA réalisé par le professeur (Sensevy, Mercier &
Schubauer-Leoni, 2000). Nous chercherons donc à identifier les OA et MO lorsque le
professeur explique les SA aux élèves, notamment au travers des objectifs, buts et
variables employées pour décrire les attentes de l’enseignant envers les élèves. Le
deuxième axe employé dans notre étude (mésogénétique) sera centré sur une analyse
des MO utilisés par le professeur au sein de ses interactions avec les élèves vis-à-vis des
objets de savoirs mis à l’étude. L’objectif sera de comprendre dans quelle mesure
l’introduction des MO permet à l’enseignant de structurer son discours et ses
interactions avec les élèves dans une optique d’apprentissage. La poursuite de ce
deuxième axe passera par une analyse des discours de l’enseignant lorsque celui-ci
régule l’activité des élèves au sein des SA (Sensevy & Co, 2000).
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2.3. Quelle complémentarité entre les deux programmes ?
4 Cette recherche s’appuie sur les descripteurs utilisés dans la TACD afin de confronter
les données issues de la lecture anticipatrice permise par l’analyse épistémologique et
les données issues de l’observation d’un cycle d’EPS basé sur l’enseignement du
badminton au lycée. Plus précisément, deux types de données supportent cette étude.
Premièrement, des données relatives aux OA, aux MO ainsi qu’aux mots clés
structurant les discours des enseignants sont établies à partir des travaux
épistémologiques menés sur l’enseignement du badminton (Roure, 2013). L’appui sur
un travail de recherche existant nous permet d’obtenir des catégories d’OA et MO
principalement utilisées dans l’enseignement du badminton au travers des SA. Nous
disposons également d’un ensemble de mots utilisés par les enseignants pour expliquer
et justifier leurs SA, ces mots faisant référence à des concepts intégrateurs qui leur
donnent une structure et une cohérence. Et deuxièmement, des données relatives aux
dynamiques évolutives du temps didactique (chronogénèse) et du milieu (mésogénèse)
sont prélevées lorsque le professeur définit et régule les situations d’apprentissage
(Sensevy, 2007). Notre objectif est ici de saisir et comprendre, dans l’activité de
définition de l’enseignant, l’organisation des SA afin de pouvoir les catégoriser sous la
forme d’OA et de MO. Pour ce faire, nous nous appuierons principalement sur le
discours du professeur lorsqu’il explique les objectifs et les buts de chaque situation
aux élèves, mais également lorsqu’il met en place des variables didactiques. Ces trois
descripteurs (objectifs, buts et variables) fournissent suffisamment d’informations au
chercheur pour établir les objets de savoir mobilisés au sein des SA. (Loizon, Margnes &
Terrisse, 2008). En ce qui concerne l’activité de régulation de l’enseignant, nous
étudierons ses interactions avec les élèves lorsque celles-ci sont centrées sur les
relations entre les activités motrices déployées par les élèves et l’aménagement du
milieu mis en place par le professeur. Notre but est de saisir l’organisation de
l’enseignant au niveau des interactions entre l’utilisation des MO, son discours et
l’activité déployée par les élèves. En définitive, la dimension conjointe de la TACD est
principalement appréhendée au travers de l’activité de l’enseignant. Ce choix, qui peut
paraître réducteur vis-à-vis de ce cadre théorique, s’explique par notre objectif de
recherche. En effet, notre volonté de mettre en perspective un programme
épistémologique et un programme didactique nous conduit à envisager les phénomènes
transpositifs prioritairement sous l’angle de l’enseignant et d’envisager l’activité des
élèves uniquement de manière indirecte. Dans cette perspective, nous n’avons retenu
que les descripteurs de la TACD qui permettaient de répondre directement à notre
objectif de recherche, à savoir la chronogénèse et la mésogénèse en relation avec les
actions du professeur, c’est-à-dire définir et réguler.
2.4. L’analyse a priori de l’enseignement du badminton
5 Comme nous l’avons évoqué précédemment, nous prenons appui sur un travail de
recherche existant ayant produit une analyse épistémologique des savoirs scolaires du
badminton en EPS. Cette lecture anticipatrice, au sens d’Amade-Escot (2013), doit nous
permettre de situer les objets de savoir enseignés dans cette activité, sous la forme
d’OA et de MO, ces derniers étant structurés par l’intermédiaire de CI représentant les
« noyaux durs » de l’enseignement de cette APSA (Develay, 1992). Nous pouvons
prendre appui sur la dernière période de l’enseignement des sports de raquette, qui
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s’étend de 1999 à 2011 selon Roure (2013), dans la mesure où l’organisation des objets
de savoirs perdure très vraisemblablement aujourd’hui. Cette période se caractérise par
un enseignement cherchant à développer une adaptation tactique chez les élèves basée
sur la rupture de l’échange et la recherche de zones à viser. Dans ce cadre organisateur,
les professeurs d’EPS valorisent les apprentissages tactiques en se centrant sur un
projet de jeu prioritaire représenté par la rupture de l’échange. La rupture est
poursuivie par le biais d’une adaptation au jeu de l’adversaire mise en œuvre au travers
de zones à viser sur le terrain, ou au travers de thèmes de jeu représentant des moyens
d’introduire des incertitudes liées au jeu. A titre d’illustration, les SA peuvent
demander aux élèves de prendre en compte le déséquilibre initial de leur adversaire
(un joueur est placé sur le côté du terrain au début de l’échange) pour mettre en œuvre
un plan de jeu visant à terminer l’échange en trois frappes maximum. Dans cet
exemple, l’OA tactique visé par l’enseignant est la rupture de l’échange au sein d’une
MO utilisant un thème de jeu en relation avec l’incertitude spatiale (placement
particulier de l’adversaire au départ du point). Une autre SA peut demander à l’élève de
placer une zone bonus dans le terrain de l’adversaire qui lui rapportera trois points si le
volant tombe à l’intérieur de la zone ou si le joueur adverse est présent dans cette zone
et fait une faute. Dans ce cas, l’enseignant utilise un OA stratégique, relatif à
l’observation des points forts et faibles de l’adversaire (pour placer judicieusement la
zone dans le terrain adverse) avec une MO représentée par une zone à viser au sol. Ces
deux illustrations de SA utilisées dans l’enseignement du badminton démontrent que le
sens culturel du badminton est axé sur « la capacité réflexive des joueurs sur les plans
tactiques et stratégiques pour faire face à des rapports de force différenciés » (Roure, 2013). Les
objets de savoir ainsi décrits, appartenant à l’enseignement du badminton, sont
structurés au sein de CI relatifs à l’adaptation à l’adversaire, à la construction d’un
projet tactique et la formation d’un joueur réfléchi (Roure, 2013). Ce sens culturel du
badminton se retrouve au sein des derniers programmes officiels de l’EPS parus en 2010
pour les classes du lycée. Les compétences attendues sont toutes libellées selon une
entrée tactique, rapportée à l’adaptation à l’adversaire et à la prise en compte des
évolutions de l’état du rapport de force.
2.5. Les hypothèses de recherche
6 Nous nous attendons à retrouver, lors de l’analyse des processus de chronogénèse et de
mésogénèse chez un enseignement d’EPS, la lecture anticipatrice donnée par l’analyse
épistémologique portant sur l’enseignement du badminton. De ce fait nous devrions
observer, dans un cycle de badminton au lycée, un enseignement prioritairement
centré sur des apprentissages tactiques et stratégiques mis en œuvre au sein
d’environnements éducatifs variés utilisant des zones et des thèmes de jeu. Selon l’axe
chronogénétique, l’observation d’un cycle de badminton majoritairement élaboré selon
des entrées tactiques et stratégiques est attendue avec des séances axées sur la
construction de projets de jeu en lien avec l’adaptation à l’adversaire. Nous devrions
également identifier certains OA techniques envisagés comme des points d’appui
nécessaires au développement tactique des joueurs. Quant à l’axe mésogénétique, nous
émettons l’hypothèse que l’enseignant utilise les aménagements matériels et humains
(traduits sous la forme de MO dans notre étude) pour structurer ses interactions avec
les élèves et faciliter l’acquisition des objets de savoirs. Nous pensons observer des liens
entre l’utilisation des thèmes de jeu et des zones à viser et les interactions professeur –
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37
élèves centrées sur le rapport de force, l’adaptation aux tactiques adverses et les
différentes prises d’informations.
L’existence d’un travail de recherche relatif aux sports de raquette en EPS (Roure, 2013)
permet opportunément de disposer de repères en termes d’objets de savoirs et de
situations d’apprentissage (sous la forme d’OA et de MO) et en termes de discours
employés dans la justification des SA (sous l’angle des concepts intégrateurs
structurant les objets de savoirs). Cette référence à un travail existant favorise notre
investigation dont la logique est présentée ci-après.
3. Méthodologie
7 La méthodologie repose sur l’observation d’un enseignant d’EPS lors d’un cycle de
badminton de huit séances en lycée et sur l’utilisation d’un travail épistémologique
publié sur l’enseignement des sports de raquette en EPS. Ces deux dimensions sont en
étroite relation avec nos hypothèses de recherche dans la mesure où nous cherchons à
confronter l’analyse permise par un programme épistémologique avec des données
observées in situ dans le cadre d’un programme didactique (Schubauer-Leoni &
Leutenegger, 2005). En cohérence avec notre cadre théorique, notre méthodologie vise
ainsi à obtenir deux types de données : celles acquises par la lecture anticipatrice du
programme épistémologique et celles obtenues par le programme didactique
révélateur des logiques chronogénétiques et mésogénétiques.
Selon l’axe épistémologique, l’appui sur un travail de recherche existant nous permet
de disposer de données relatives aux objets de savoir et à leur logique de structuration
pour l’enseignement du badminton. Sans reprendre l’ensemble des éléments
développés lors du cadre théorique (point 2.4), nous rappelons que les objets de savoir à
enseigner dans l’APSA badminton sont découpés sous la forme d’OA et de MO. Ces deux
catégories ont été établies par Roure (2013) à partir d’analyses des curricula potentiels
publiés dans une revue professionnelle (Revue EP&S). De plus, la structuration de ces
objets de savoir sur une période donnée s’appuie sur l’identification de CI qui
correspondent à des référents communicationnels clés partagés par les membres d’une
communauté donnée, comme les professeurs d’EPS, que nous pouvons associer à des
« noyaux durs » de l’enseignement d’une APSA (Develay, 1992) dans le sens où ils
organisent et structurent un ensemble d’OA et de MO. Ces CI sont de nature à orienter
un professeur vers une conception des contenus et de l’enseignement relatif au
badminton, concourant par-là même à utiliser certains OA et MO. En définitive, nous
disposons de trois types de données à partir de la lecture anticipatrice permise par la
référence à un travail publié dans le cas des sports de raquette : les OA, les MO et les CI.
Afin de pouvoir confronter ces premières données à des observations réalisées dans le
contexte d’une classe d’EPS, nous devons mettre en place un dispositif de recueil de
données pour l’observation d’un cycle de badminton réalisé par un professeur d’EPS au
lycée. Le contexte éducatif support de l’étude est caractérisé par un enseignant non
spécialiste de l’APSA possédant une expérience d’enseignement de 10 ans. Il s’agit d’une
classe de première scientifique composé de 29 élèves (16 garçons et 13 filles)
caractérisés par l’enseignant titulaire, aux niveaux 1 et 2 des compétences attendues
fixées par les programmes officiels. Ce deuxième type de données est relatif au
programme didactique au travers des logiques chronogénétiques et mésogénétiques.
Afin de saisir l’évolution des objets de savoir au fil du temps didactique (axe
chronogénétique), nous nous sommes appuyés sur des grilles d’observation structurées
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sous la forme d’OA et de MO (pour rester en cohérence avec le programme
épistémologique) afin de catégoriser l’ensemble des SA mises en place par le professeur
pendant son cycle. Nous recourrons à une analyse catégorielle, telle que définie par
Bardin (1977), selon une procédure par boites étant donné que les catégories sont déjà
établies en référence au travail épistémologique. Ainsi esquissée, notre grille
d’observation est composée de trois types d’OA possibles : techniques, tactiques et
stratégiques, et de trois catégories de MO envisageables : aucun aménagement, zones et
thèmes de jeu, chacune d’entre elles pouvant se subdiviser selon l’aménagement
humain employé : seul, avec partenaire et avec adversaire.
Le tableau I ci-dessous permet d’avoir un aperçu de cette grille d’observation avec des
exemples dans chacune des catégories.
Tableau I. Grille d’observation des SA mises en place par l’enseignant d’EPS en badminton
Objet d’apprentissage (OA) Mise en œuvre (MO)
Techniques Tactiques Stratégiques
Aucun aménagement Zones Thèmes de jeu
Seul
(S)
Avec
partenaire
(AP)
Avec
adversaire
(ADV)
S AP ADV S AP ADV
Smash,
placement
sous le
volant,
amorti,
etc.
Chercher la
rupture,
varier les
trajectoires,
etc.
Observer les
points forts
et faibles
adverses,
etc.
Aménagement minimum :
terrain, filet, raquettes et
volants
Zones sur
le terrain
(cibles ou
interdites),
pour le
placement
d’un joueur
Thèmes avec
incertitudes
spatiales,
temporelles ou
événementielles
8 Cette grille d’observation est accompagnée d’enregistrements vidéo afin de pouvoir
utiliser les discours de l’enseignant lorsqu’il définit les SA (Sensevy, 2007). L’utilisation
vidéoscopée s’est avérée indispensable pour coder correctement les SA sous la forme
d’OA et de MO. Pour ce faire, nous avons sélectionné les extraits vidéos relatifs à
l’activité de définition du professeur, en retenant trois éléments clés reconnus par la
littérature scientifique pour identifier les objets de savoir mis à l’étude : les objectifs,
les buts et les variables didactiques des SA (Loizon, Margnes & Terrisse, 2008). Pour
saisir les modifications du milieu utilisées pour apprendre (axe mésogénétique), notre
recueil de données s’appuie sur une grille d’observation des MO utilisées par le
professeur (telle que présentée précédemment) ainsi que sur des enregistrements vidéo
des leçons. L’outil vidéo est de nouveau utilisé en sélectionnant uniquement les extraits
où le professeur est dans une activité de régulation (Sensevy, 2007). Nous avons donc
retenu tous les passages pendant lesquels le professeur intervient auprès des élèves
pour les aider à interagir avec l’aménagement matériel et humain mis en place. Nous
avons codé le type d’aménagement du milieu utilisé par l’enseignant à l’aide des
catégories préétablies par l’analyse épistémologique (cf. tableau I ci-dessus). De plus,
l’ensemble des discours a été transcrit sous la forme de verbatim support à une analyse
lexicale (Bardin, 1977). Cette analyse lexicale a été conduite en recourant au logiciel
ALCESTE©1. La méthode correspondante vise à « cartographier les principaux lieux
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communs d’un discours, les mondes lexicaux, qui sont des traces purement sémiotiques inscrites
dans la matérialité même du texte » (Kalapalikis & Moscovici, 2005, p. 15). L’analyse
lexicale opérée, ayant pour but de déterminer l’organisation d’un discours, tient au
postulat que le vocabulaire usité traduit une intention de sens chez l’émetteur (Reinert,
1999). Ce vocabulaire est envisagé comme une trace et la redondance lexicale est censée
permettre de circonscrire des lieux communs discursifs autorisant une interprétation
qui débouche sur les thèmes référentiels correspondants (Kalapalikis, 2003). La
procédure ainsi dessinée à grands traits apparaît dès lors en phase avec notre objectif
de compréhension des mots-clés utilisés par l’enseignant lorsque celui-ci régule
l’activité des élèves : c’est autour d’eux qu’est censé se structurer l’emploi d’un vocable
spécifique intéressant les objets de savoirs mis à l’étude lors des leçons de badminton.
L’identification de mots-clés, structurant le discours de l’enseignant lorsqu’il régule les
interactions des élèves avec les MO devrait nous permettre d’avancer dans la
compréhension des modifications du milieu utilisées pour apprendre. En définitive,
nous disposerons de deux types de données principales : les MO utilisées au sein des SA
et les mots-clés structurant les discours du professeur lorsqu’il est en activité de
régulation auprès des élèves.
Les données ainsi explicitées sont alors à commenter et à interpréter. Il s’agit dès lors
d’opérer une mise en perspective des données fournies par le programme
épistémologique avec celles recueillies au travers du programme didactique. Les
résultats, présentés ci-après, sont ainsi centrés sur les OA, MO et CI repérés au sein de
la lecture anticipatrice dans l’enseignement du badminton. Ces données sont ensuite
confrontées aux observations recueillies in situ traduites sous la forme d’OA, MO et de
mots-clés utilisés dans les discours.
4. Résultats
4.1. Résultats du programme épistémologique
9 La présentation des résultats s’appuie sur une logique de comparaison entre les
données fournies par le programme épistémologique et celles obtenues avec le
programme didactique. Selon l’axe épistémologique, en accord avec Roure (2013),
l’enseignement du badminton est organisé autour d’une adaptation de schémas
tactiques et stratégiques des joueurs à des rapports de force différenciés symbolisés par
des adversaires singuliers. Le tableau II ci-dessous synthétise l’enseignement du
badminton au travers de trois SA emblématiques. Ces SA sont qualifiées
d’emblématiques car elles sont représentatives de la grande majorité des SA employées
en badminton. Ce sont des formes typiques d’organisation des objets de savoir que nous
retrouvons régulièrement dans l’enseignement de cette APSA.
Tableau II. Synthèse de l’enseignement du badminton d’après Roure (2013)
OA Tactique : exploiter les espaces
libres et libérés
OA Technique : le dégagé
de coup droit
OA Stratégique : observer
les points forts et faibles de
l’adversaire
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MO Thèmes : incertitude spatiale avec
un adversaire
MO Zones : sur le terrain
avec un partenaire
MO Thèmes : incertitude
événementielle avec un
adversaire
La situation oppose deux équipes de
joueurs. Chaque joueur sort du terrain
après chaque frappe et laisse sa place à
un partenaire qui rentre par une porte
disposée sur le côté du terrain. Le
déséquilibre crée par cette entrée
décalée sur le côté doit être utilisé par
les joueurs pour tenter de marquer le
point en exploitant les espaces du
terrain adverse.
Le joueur est placé avec un
partenaire qui renvoie le
volant dans une zone
centrale. Sur chaque
volant, le joueur essaye de
produire des dégagés en
atteignant des zones de
plus en plus éloignées.
Chaque joueur choisit un
coup interdit pour son
adversaire parmi une liste
(smash, amorti droit, etc.).
Les joueurs doivent conduire
leur affrontement en tenant
compte de l’interdiction.
10 En accord avec le panorama dressé ci-dessus, les principes organisateurs de
l’enseignement du badminton se structurent autour de trois CI : l’adaptation à
l’adversaire, la construction d’un projet tactique et la formation d’un joueur réfléchi. Le
premier CI correspond à une évaluation de l’état du rapport de force combiné à
l’adaptation de la réflexion de l’élève aux caractéristiques adverses. Le deuxième
s’intéresse à l’analyse du jeu de l’élève et aux moyens permettant de construire des
projets de jeu (jouer vite, placé, fort, en finesse…). Quant au troisième, il est basé sur
l’adoption d’une démarche réflexive sur le jeu où l’élève cherche à extraire des
invariants tactiques ou des représentations fonctionnelles des différents systèmes de
jeu. Le tableau III, ci-après, présente les principaux mots-clés participant à la
construction de chacun des CI ainsi qu’une phrase illustrative utilisée par les
professeurs pour justifier leur orientation en matière de SA. Les données et les phrases
illustratives sont issues des analyses lexicales conduites avec le logiciel ALCESTE©.
Tableau III. Les concepts intégrateurs structurant l’enseignement du badminton
L’adaptation à l’adversaireLa construction d’un projet
tactiqueLa formation d’un joueur réfléchi
Mots-clés : repérer, tester,
provoquer, équilibre,
favorable, imprévisible,
incertitude, réflexion,
schéma, transversal.
Mots-clés : variation, rupture,
régularité, risque, construction,
smash, trajectoire, diagonale,
cible, zone.
Mots-clés : développer,
ressource, stratégie, acquisition,
observation, profil,
représentation, interaction,
gestion, réinvestissement, projet,
modèle.
Phrase illustrative : « Il
s’agit d’identifier les schémas
de jeu de l’adversaire afin
d’induire un rapport de force
favorable et réduire les
incertitudes ».
Phrase illustrative : « L’objectif
est de construire un jeu autour de la
régularité et la variation des
trajectoires pour déséquilibrer
l’adversaire et terminer le point dans
des zones précises du terrain ».
Phrase illustrative : « Le
développement des ressources
stratégiques passe par l’observation
des adversaires qu’il est possible de
représenter sous la forme de profils de
jeu »
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4.2. Résultats du programme didactique
11 Les données prélevées grâce aux observations de terrain, au sein du programme
didactique, seront présentées selon les axes chronogénétiques et mésogénétiques en
accord avec le cadre théorique et l’objectif de la recherche. Premièrement, l’analyse des
huit séances conduites par le professeur d’EPS fait état d’un projet d’enseignement à
l’échelle d’un cycle que nous pouvons apprécier au travers du découpage chronologique
des OA employés dans les différentes SA. La figure 1, ci-dessous, représente la
répartition des OA pendant le cycle à partir des trois catégories établies par le
chercheur à partir d’un travail antérieur (cf. p. 10-11). Les résultats sont exprimés sous
la forme de pourcentages afin de voir facilement la répartition de chacune des
catégories sur chaque séance.
Figure 1. Répartition des OA sur un cycle de huit séances
S1 S2 S3 S4 S5 S6 S7 S8
OA Techniques
100 %
75 %
50 %
25 %
OA Tactiques
100 %
75 %
50 %
25 %
OA Stratégiques
100 %
75 %
50 %
25 %
12 Les résultats montrent clairement que l’enseignant opte pour une logique de cycle
basée sur les apprentissages tactiques. Cette entrée tactique prend appui, à partir du
milieu du cycle, sur la mise en place de réflexions stratégiques chez les élèves. Enfin, les
apprentissages techniques sont utilisés en tant que ressources motrices susceptibles de
faire évoluer les projets de jeu tactiques des élèves. En ce sens, la technique ne
constitue qu’un moyen au service des desseins tactiques des joueurs. Sur le plan des
séances, nous pouvons remarquer que le professeur associe systématiquement deux
types d’apprentissage pour structurer les SA. Les associations privilégiées sont de type
tactique – technique et tactique – stratégique. Enfin, nous pouvons noter que les
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séances 5 et 8 présentent la particularité d’associer les trois types d’OA dans les SA. Ces
différentes associations s’opérationnalisent de deux manières différentes : soit il s’agit
d’un enchainement de SA différentes du point de vue des apprentissages (une SA
tactique, puis une SA technique et enfin une SA tactique), soit il s’agit de situations
entremêlant plusieurs OA (une SA stratégique, puis une SA tactique et technique et
enfin une SA stratégique et tactique). Afin d’illustrer ce premier panorama général,
nous présentons dans le tableau IV ci-après, trois SA emblématiques en les situant dans
le cycle. Comme lors des résultats précédents, les SA choisies, qualifiées
d’emblématiques, représentent la majorité des SA utilisées au cours du cycle de
badminton. Ce sont des formes typiques d’organisation des objets de savoir que nous
retrouvons régulièrement dans l’enseignement conduit par le professeur.
Tableau IV. Illustration de trois SA emblématiques d’un cycle de badminton au lycée
Leçon n° 2 Leçon n° 5 Leçon n° 7
OA Tactique : variation des
trajectoires du volant
OA Stratégique : observer le
profil de jeu de l’adversaire
OA Technique : le smash
de coup droit
MO Zones : sur le terrain avec un
adversaire
MO Thèmes : incertitude
temporelle avec un adversaire
MO Zones : élève seul avec
séries de volant à renvoyer
Le terrain est divisé en plusieurs
zones (zones courtes, longues et
latérales) qui rapportent 3 points
si les joueurs placent le volant
dedans ou si leur adversaire est
placé dans la zone et fait une
faute. L’objectif est de faire varier
les trajectoires de volant aux
élèves afin de déséquilibrer leur
adversaire pour finir le point dans
une des zones bonus.
Les joueurs disputent un match en
étant placé dans deux
configurations différentes : un
joueur n’a que trois frappes
maximum pour finir le point et
l’autre n’a pas le droit de smasher.
Les joueurs inversent les rôles à la
moitié du match. L’objectif est
d’identifier le profil de jeu préféré
de l’adversaire (attaquant ou
défenseur/placeur).
Sur une série de 10
volants, les élèves doivent
répéter des smashs en
essayant d’atteindre des
zones placées sur le
terrain adverse. Les zones
sont placées sur les côtés
et l’objectif est de
privilégier le placement
des smashs plutôt que leur
puissance.
13 La première situation, qui s’inscrit dans la leçon n° 2, a pour objectif de développer un
projet de jeu articulé autour de la variation des trajectoires du volant. L’enseignant met
en place cette entrée tactique en début de cycle avant d’aborder d’autres projets de jeu
comme la rupture de l’échange. L’introduction de cet OA tactique relativement tôt dans
le cycle peut s’expliquer par le fait que ce projet de jeu peut être déployé par les élèves
à partir d’un large choix de techniques. En effet, les variations peuvent consister en une
alternance de jeu long et jeu court avec l’utilisation des dégagés et des amortis. Mais
nous pouvons également varier les trajectoires en direction en alternant le jeu à droite
et le jeu à gauche avec l’utilisation des dégagés et des drives. L’avantage du projet
tactique basé sur la variation est qu’il s’adapte à un large panel d’élèves quel que soit
leurs ressources techniques actuelles. La deuxième situation centrée sur un
apprentissage stratégique intervient au niveau de la leçon n° 5, une fois que les élèves
sont parvenus à mettre en place leurs premiers projets tactiques. Cet ajout stratégique
vise avant tout à travailler l’adaptabilité à des adversaires présentant des profils
différents. Enfin la dernière situation, orientée sur un travail technique spécifique,
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intervient en fin de cycle afin d’optimiser les ressources des élèves en lien avec leurs
projets tactiques notamment pour ceux qui se sont orientés vers la rupture de
l’échange. Ces trois SA témoins de la logique chronogénétique identifiée chez un
enseignant en badminton s’appuient sur un aménagement du milieu dont nous
pouvons examiner les évolutions à l’aune de la logique mésogénétique repérée chez ce
professeur d’EPS.
La présentation des résultats selon l’axe mésogénétique s’appuie sur deux types de
données principales (les MO et les mots-clés structurant les discours du professeur)
dont nous tenterons de rendre compte en relation avec les résultats explicités selon
l’axe chronogénétique. Dans un souci de cohérence et afin de respecter les limites
imposées par l’article, nous présentons deux MO caractéristiques des modifications du
milieu utilisées pour apprendre par ce professeur, ces dernières correspondant aux
situations expliquées précédemment aux leçons n° 2 et n° 5. Ces deux MO seront mises
en relation avec les mots-clés structurant les discours de l’enseignant (établis à partir
de l’analyse lexicale du logiciel ALCESTE©) et des exemples de phrases utilisées par le
professeur pour réguler l’activité des élèves. Le tableau V ci-contre rend compte de ces
résultats.
Tableau V. Illustration de deux MO caractéristiques de la logique mésogénétique
Leçon n° 2 Leçon n° 5
OA Tactique : variation des trajectoires du volant
MO Zones : sur le terrain avec un adversaire
OA Stratégique : observer le profil de jeu de
l’adversaire
MO Thèmes : incertitude temporelle avec un
adversaire
Mots-clés : variation, construction, trajectoire,
adversaire, position, profondeur, diagonale, cible,
zone.
Mots-clés : repérer, favorable, réflexion,
profil, schéma, rapport de force, adversaire,
déséquilibre.
Exemples de phrases pour réguler : « Regarde la
position de ton adversaire pour jouer dans une
zone libre » ; « Il faut que tu choisisses une
manière de construire ton point, par exemple avec
les diagonales » ; « Tes trajectoires se ressemblent
trop. Il faut vraiment avoir des trajectoires
différentes pour déstabiliser ton adversaire ».
Exemples de phrases pour réguler : « Quel
est le profil de ton adversaire ? Est-ce qu’il
préfère attaquer ou placer les volants ? » ;
« Quand tu es en position favorable, il faut
tenter de finir le point car tu n’as que 3
frappes en tout » ; « Est-ce que tu as réfléchi à
un schéma de jeu contre lui ? ».
14 Lors de la leçon n° 2, le professeur utilise un aménagement du milieu avec des zones
matérialisées au sol. L’utilisation de cette MO possède une double fonction : d’une part
elle permet aux élèves de progresser vers l’acquisition d’un objet de savoir relatif à la
variation des trajectoires du volant (étant donné que les zones matérialisent des
impacts de volant permettant de différencier les placements de celui-ci), et d’autre part
les zones sont utilisées par l’enseignant pour structurer son discours auprès des élèves
lorsqu’il régule leur rapport avec l’aménagement du milieu. Il utilise également les
zones afin d’introduire des notions clés dans l’apprentissage du badminton comme les
prises d’informations et de décisions. Ces constats sont valables également pour
l’illustration prise dans la leçon n° 5 dans la mesure où le professeur s’appuie sur la
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mise en place d’un thème de jeu jouant sur l’incertitude temporelle (l’élève n’a que
trois frappes maximum pour terminer le point ou alors il n’a pas le droit de smasher)
pour faciliter l’acquisition d’un OA stratégique relatif à l’observation d’un profil de jeu
chez l’adversaire. Cette MO participe aussi à la structuration de son discours de
régulation en centrant l’attention des élèves sur l’adaptation à l’adversaire.
4.3. Comparaison de la lecture anticipatrice et des données
prélevées in situ
15 La comparaison des résultats issus de la lecture anticipatrice avec les données
recueillies lors d’un cycle de badminton fait apparaître de nombreux points de
convergence et quelques différences. Tout d’abord, nous pouvons remarquer des
similitudes dans les principes organisateurs de l’enseignement du badminton dans la
mesure où les deux programmes (épistémologique et didactique) mettent clairement en
avant une entrée tactique et stratégique pour les apprentissages des élèves. Même si le
professeur d’EPS valorise les apprentissages tactiques lors de son cycle, nous pouvons
noter que le choix des OA est légèrement différent par rapport aux données de la
lecture anticipatrice. En effet, alors que les OA tactiques privilégiant la rupture de
l’échange sont prioritaires dans l’analyse épistémologique, nous nous sommes rendus
compte que les résultats prélevés in situ accordaient plus d’importance à la variation
des trajectoires, ceci pouvant s’expliquer par le fait que ce projet tactique est plus
facilement maitrisable d’un point de vue des techniques employées par les élèves. Le
choix des MO fait également apparaître quelques différences avec une utilisation
partagée des thèmes de jeu et des zones pour l’enseignant d’EPS tandis que l’analyse
épistémologique identifiait les thèmes de jeu comme prioritaires. Sur un plan proche de
la logique mésogénétique, des convergences apparaissent nettement surtout dans les
mots-clés structurant les discours de l’enseignant lorsque celui-ci régule l’activité des
élèves. En effet, une très grande majorité des mots-clés utilisés par le professeur sont
communs avec ceux identifiés lors de l’analyse épistémologique pour la construction
des concepts intégrateurs. Sur ce plan, la logique des trois concepts intégrateurs
déduits de l’analyse épistémologique (l’adaptation à l’adversaire, la construction d’un
projet tactique et la formation d’un joueur réfléchi) se retrouve dans les discours
employés par l’enseignant. Son travail de régulation, qui prend appui sur les MO,
s’articule très souvent avec des mots-clés proches de notions comme les prises
d’informations et de décision, la construction de projets de jeu ou encore la capacité
des élèves à s’adapter à des adversaires aux profils différents.
En définitive, nous disposons d’une mise en perspective des programmes
épistémologique et didactique appelant à une discussion au regard des convergences et
des différences pointées précédemment. Discussion à envisager en outre à la lumière de
la part du processus de transposition didactique effectué par l’enseignant d’EPS.
5. Discussion
16 L’analyse des phénomènes transpositifs à l’œuvre dans l’enseignement du badminton
met en évidence des cohérences entre un programme épistémologique, basé sur un
travail de recherche existant (Roure, 2013), et un programme didactique articulé
autour de l’observation d’un cycle de badminton en EPS. Nous avons retrouvé dans
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l’analyse des processus de chronogénèse et de mésogénèse chez un enseignement
d’EPS, la lecture anticipatrice donnée par l’analyse épistémologique portant sur
l’enseignement du badminton. Les résultats de nos observations, dans le cadre d’une
classe de lycée, ont mis en évidence un enseignement prioritairement centré sur des
apprentissages tactiques et stratégiques mis en œuvre au sein d’environnements
éducatifs variés utilisant des zones et des thèmes de jeu. A ce titre, notre hypothèse de
recherche est validée. Néanmoins, au-delà des nombreuses convergences apparues
entre la lecture anticipatrice et les données prélevées in situ, certaines différences ont
été constatées comme des choix d’objets d’apprentissages spécifiques au professeur
d’EPS. Ces décalages entre le programme épistémologique et le programme didactique
sont tout à fait normaux si l’on en croit les travaux de Schubauer-Leoni & Leutenegger
(2005), et sont à interpréter à la lumière de la part du processus de transposition
didactique effectué par l’enseignant.
En effet, ces décalages sont les témoignages directs des phénomènes transpositifs à
l’œuvre dans l’enseignement du badminton. Ils permettent également de renforcer la
posture de la TACD qui valorise l’analyse ascendante de la transposition didactique
centrée sur l’enseignant. Cette part du processus de transposition didactique, réalisée
par le professeur d’EPS, s’opère selon deux grands axes : 1) la conception du badminton
et le type d’élève à former au travers de la pratique et 2) les caractéristiques des élèves
au regard des différents projets (établissement, EPS et classe). Sur le plan de la
conception de l’activité, les choix déclarés par cet enseignant (en référence à son
histoire personnelle, son expérience et son expertise) mettent en évidence que le
badminton est conçu comme une activité de gestion d’un rapport de force. L’objectif est
de développer la capacité à gérer un affrontement avec un adversaire, c’est-à-dire faire
les bons choix tactiques en fonction de certaines possibilités techniques. Cette
conception du badminton est portée par la volonté de former un joueur réfléchi qui
analyse son contexte de jeu et évalue l’état du rapport de force afin de prendre les
décisions les plus judicieuses pour gagner les échanges. L’enjeu de cette conception
rejoint le sens culturel des sports de raquette tel que décrit par Roure (2013) : « Le sens
culturel des sports de raquette s’axe désormais sur la capacité réflexive des joueurs sur les plans
tactiques et stratégiques pour faire face à des rapports de force différenciés. Les raisons d’agir
des pratiquants correspondent ainsi aux analyses et réflexions menées sur les choix tactiques de
l’adversaire afin de proposer et faire évoluer des projets de jeu en lien avec ses possibilités
techniques » (p. 176). Les différences avec l’analyse anticipatrice apparaissent plus
nettement dans le choix des objets d’apprentissage eu égard aux caractéristiques des
élèves de cette classe de première. Sans rentrer dans les détails de celles-ci, nous
pouvons retenir une hétérogénéité des niveaux de pratique chez les élèves, ce qui est
relativement habituel dans le contexte de l’EPS. Dès lors, le choix de l’enseignant de
valoriser davantage le projet tactique lié à la variation des trajectoires s’explique par le
fait que cette entrée tactique permet de fédérer un grand nombre d’élèves ayant des
niveaux différents. En effet, ce projet de jeu peut s’exprimer avec une grande variété de
techniques (smash, dégagé, amorti, drive) ce qui permet une adaptation aux niveaux
des élèves via le travail de régulation opéré par ce professeur. Par ailleurs, ce travail de
régulation, analysé au travers des mots-clés structurant les discours de l’enseignant, est
en adéquation avec l’analyse épistémologique dans le sens où les notions clés abordées
par le professeur se rapprochent des concepts intégrateurs sous-tendant la
structuration des savoirs scolaires du badminton (s’adapter à l’adversaire, construire
un projet tactique et former un joueur réfléchi).
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Ainsi, la part du processus de transposition didactique effectuée par l’enseignant
s’exprime davantage sur le choix des objets d’apprentissage plutôt que sur leurs mises
en œuvre qui apparaissent similaires aux analyses anticipatrices. Nous pouvons donc
en conclure que les phénomènes transpositifs à l’œuvre dans l’enseignement du
badminton peuvent être appréhendés au travers de la mise en perspective des
programmes épistémologique et didactique. Nous devons toutefois rester mesurés
quant à notre travail d’investigation. Les résultats de cette recherche ne sont valables
qu’à l’échelle d’une classe de lycée et sont donc à confirmer par de nouveaux travaux
menés dans d’autres niveaux du système éducatif (classes de collège, enseignement
technologique…). Néanmoins, nous pouvons souligner la complémentarité des
programmes épistémologique et didactique, celle-ci ayant été démontrée dans le cadre
de l’enseignement du badminton en EPS. Cette complémentarité met en évidence la
nécessité de croiser les approches théoriques au niveau des travaux scientifiques
centrés sur l’intervention. Il serait intéressant, à cet égard, de conduire des recherches
similaires dans d’autres APSA enseignées en EPS afin d’obtenir des regards différents
sur les phénomènes d’enseignement et d’apprentissage.
6. Conclusion
17 L’analyse des phénomènes transpositifs à l’œuvre dans l’enseignement du badminton
au lycée a été conduite par une comparaison des données issues d’un travail
épistémologique existant avec des données prélevées lors d’un cycle d’EPS. La
confrontation de ces deux programmes de recherche (épistémologique et didactique),
issus de la théorie de l’action conjointe en didactique, a permis de révéler la
complémentarité de ces approches, confirmant ainsi les propos de Schubauer-Leoni &
Leutenegger (2005). En tant que telles, les analyses épistémologiques portées sur les
objets de savoir, considérées comme des lectures anticipatrices selon Amade-Escot
(2013), s’avèrent très intéressantes pour appréhender l’activité des sujets et leurs
rapports évolutifs aux objets de savoirs révélés au travers des analyses didactiques in
situ. Les résultats avancés dans cette étude participent à la compréhension de la part du
processus de transposition didactique réalisé par l’enseignant. De ce point de vue, nous
avons pu conclure que l’activité de transposition des professeurs s’exerce davantage au
niveau du choix des objets d’apprentissage et de leurs évolutions au fil du cycle en
relation avec deux éléments prioritaires qui sont leur conception de l’activité
badminton et les caractéristiques des élèves composant la classe. Toutefois, l’ensemble
de ces conclusions n’est valable qu’à l’échelle de l’enseignement du badminton dans
une classe de lycée et serait à interroger par d’autres investigations (niveau du collège,
autre profil de classe…). Enfin, l’adéquation relativement élevée entre les analyses
épistémologiques conduites sur des curricula potentiels (publications professionnelles)
et les analyses didactiques menées dans une classe de lycée questionne l’influence de ce
genre de publications sur la préparation des leçons des enseignants. A ce titre, l’analyse
des curricula potentiels pourrait constituer un axe de travail intéressant pour la
formation initiale des professeurs d’EPS. Cette piste gagnerait à être investie davantage,
d’autant plus que certains auteurs considèrent les curricula potentiels comme des «
lectures professionnelles » (Loizon, Margnes et Terrisse, 2008) ou encore une « mémoire
collective » (Lémonie et Robin (2010).
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NOTES
1. La dénomination de ce logiciel, originellement conçu par Max Reinert, correspond à
l’acronyme d’Analyse des Lexèmes Coocurrents dans les Enoncés Simplifiés d’un Texte.
RÉSUMÉS
Partant du courant de recherche basé sur la théorie de l’action conjointe en didactique, l’objectif
de cette étude est d’analyser les phénomènes transpositifs à l’œuvre dans l’enseignement en
badminton. Prenant appui sur une analyse épistémologique des savoirs scolaires du badminton
présents dans les curricula potentiels, nous confrontons cette analyse, considérée comme une
lecture anticipatrice (Amade-Escot, 2013), à des données prélevées in situ lors d’un cycle de
badminton sous l’angle des logiques chronogénétiques et mésogénétiques (Sensevy, 2007). Les
résultats montrent une adéquation relative de la lecture anticipatrice avec les observations
réelles qui peut être interprétée comme des décalages existants entre le programme
épistémologique et le programme didactique (Schubauer-Leoni & Leutenegger, 2005). Cette
recherche permet ainsi d’approfondir les connaissances relatives à la part du processus de
transposition didactique effectué par l’enseignant.
On the basis of the joint action theory in didactics (JATD), the aim of the study is to analyse the
didactic transposition that occurred in physical education (PE) in badminton. First, subject
matter knowledge in potential curricula related to badminton in PE has been analysed from an
epistemology perspective (Amade-Escot, 2013). Then, we compare that analysis with data
collected in a real badminton classroom from the point of view of the chronogenese and the
mesogenese (Sensevy, 2007). Results show good adequacy between the epistemology perspective
and the data collected in situ. This study tells us more about the didactic transposition process
done by the physical education teacher.
INDEX
Mots-clés : TACD, épistémologie, éducation physique, transposition didactique, badminton,
curricula potentiels
Keywords : JATD, epistemology, physical education, didactic transposition, badminton, potential
curricula
AUTEUR
CÉDRIC ROURE
UFR Sport et EP de Brest, Centre de Recherche sur l’Education, les Apprentissages et la Didactique
(CREAD – EA3875), France
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Approche technologique et formede pratique scolaire du football enmilieu difficile : le modèle du« futsal »Guillaume Dietsch
1 Le football répond, comme tous les autres sports collectifs enseignés, aux objectifs de
l’Education Physique et Sportive (EPS). Pourtant, les vertus éducatives de cette Activité
Physique, Sportive et Artistique (APSA) semblent parfois décriées au regard des
comportements déviants et violents présents dans le football et médiatisés dans la
société. Cary et Bergez (2010), dans une étude ethnographique de deux clubs de football
populaires amateurs en France, relèvent notamment de la part des joueurs un rapport
problématique à la règle, voire un rejet de la norme provenant d’une « défiance
généralisée envers l’ensemble des institutions supposées produire du lien social (école,
association) ».
Les représentations négatives du football dans la société rejaillissent au niveau scolaire,
où le « foot » subit le refus voire l’opprobre des enseignants d’EPS à le programmer et à
l’enseigner. Comme en témoigne le Numéro Spécial sur le « Football » de la revue
Contre-Pied, le football semble indésirable à l’école, « ce qui entraîne une « quasi
disparition du "foot" des programmations d’établissement, des évaluations et examens
nationaux » (Becker, 2014, p. 4). Paradoxalement, l’activité football représente la
première pratique institutionnelle sportive en France.
Les réticences des enseignants d’EPS à proposer l’activité football semblent renforcées
en milieu difficile « citadin » au regard du rapport à l’activité des élèves. En effet, les
élèves de « quartier » vouent un « culte de la performance individuelle » (Lepoutre,
1997). L’auteur relate ainsi le fait que « Dans les sports de rue pratiqués par les adolescents,
que ce soit le football, le basket (…), la réussite se mesure tout autant à la démonstration des
capacités physiques, aux prouesses, aux exploits et aux records de chacun qu’aux points
accumulés ou à la partie gagnée » (Lepoutre, 1997, p. 398). Ainsi, la pratique du football
s’inscrit dans une réalité sociale plus vaste puisqu’elle dépend dans une certaine
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50
mesure de la manière dont les acteurs perçoivent cette APSA. Le « football de pied
d’immeuble » décrit par Travert (1997) montre la prééminence de l’individu sur le
collectif. Ce type de joueur « perso » (Caillé, 2008) se singularise en réalisant l’exploit et
en effectuant de beaux gestes.
L’impact médiatique du football est fort chez ces jeunes : « le sportif, dont le footballeur est
le représentant le plus médiatisé en Occident, constitue l’un des principaux modèles de réussite
sociale et économique » (Zotian, 2010, p. 4). Ces projections de soi en tant que footballeur
professionnel sont liées au sentiment que l’école n’est pas (ou plus) la voie de
l’ascension sociale (Zotian, 2010). Cette représentation est notamment significative
chez certains garçons qui peuvent rencontrer d’importantes difficultés scolaires.
L’orientation en lycée professionnel, qui est le plus souvent subie et pas réellement
choisie pour nombre d’élèves issus le plus souvent de milieux défavorisés, est perçue
comme une condamnation sociale par anticipation « qui voue au mieux au destin d’ouvrier
et au pire à celui de chômeur » (Beaud, 2003).
Prenant appui sur des « pratiques sociales de référence » (Martinand, 1989),
l’enseignant d’EPS se trouve confronté d’une part, à la question de la référence
culturelle par rapport à la culture sportive et à la diversité des formes de pratique du
football prises dans la société et dans les cités (Mauny & Gibout, 2008). Or, nous
observons actuellement une « transformation de la pratique du football dans les quartiers,
notamment avec l’émergence du futsal » (Beaud & Guimard, 2014, p. 222). Le futsal est né
de la volonté de créer un nouveau sport collectif avec des règles du jeu spécifiques et
adaptées aux missions d’une association de jeunes chrétiens en Uruguay. Il emprunta
pour cela aux règles d’autres sports collectifs déjà codifiés (handball, basket-ball,
water-polo) tout en conservant le but principal du football, de marquer des buts avec
une balle au pied. L'idée originelle n'était pas simplement de jouer au football sur un
plus petit terrain (intérieur ou extérieur), mais bel et bien de créer un nouveau sport
avec ses propres règles beaucoup plus strictes, dans l' « esprit d'éduquer les jeunes adultes,
de les responsabiliser et de les rendre solidaires » (Kievits-Boucher, 2006). Au même
moment, l’utilisation des jeux réduits en football se développe en Europe (Frantz, 1975).
D’autre part, la question de la référence renvoie à une diversité des modalités de
pratique. Nous pouvons ainsi distinguer le « football de rue » et le « football en club »
(Zotian, 2010). La pratique sociale de référence n’est donc plus la même.
Quelle pratique du football l’enseignant d’EPS peut-il alors transposer dans son
contexte d’enseignement, afin de préserver ce qui semble légitime culturellement ?
L’enseignant est amené à faire des choix d’objets d’enseignement culturellement
significatifs de l’APSA pour répondre aux objectifs scolaires. Pour sélectionner ces
objets d’enseignement, il convient de ne pas se focaliser uniquement sur l’APSA en tant
que pratique sociale, mais plutôt de se centrer sur l’activité de l’élève en train de vivre
une expérience sportive originale. Dans le cadre de notre recherche, l’expérience aura
du sens pour l’élève s’il s’intéresse à l’action collective, s’il y voit un intérêt personnel
et enfin si les règles mises en place amènent un aspect positif dans leur pratique. Cette
réflexion doit « aboutir à l’élaboration d’une forme de pratique scolaire permettant de faire
vivre aux élèves une expérience sportive culturellement signifiante » (Mascret & Dhellemmes,
2011, p. 99).
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1. Cadre théorique
2 Dans cette première partie, nous explicitons notre cadre théorique ainsi que nos
questions de recherche. Nous nous inscrivons dans le cadre de l’approche
technologique à visée didactique (Bouthier & Durey, 1994).
1.1. Rapport au savoir et formes de pratique scolaire en football
3 Pour des jeunes issus de milieu difficile où l’école ne joue plus le rôle d’ascenseur social,
la question du sens devient centrale (Dubet & Duru-Bellat, 2000). Pour l’équipe ESCOL
(Education, Scolarisation) et le réseau RESEIDA (Recherches sur la Socialisation,
l’Enseignement, les Inégalités et les Différenciations dans les Apprentissages), elle
permet de mieux comprendre le lien entre le sujet et le savoir. Les auteurs définissent
la notion de rapport au savoir comme « une relation de sens, et donc de valeur, entre un
individu (ou un groupe) et les processus ou produits du savoir » (Charlot, Bautier & Rochex,
1992). Ainsi, l’élève valorise ou dévalorise les savoirs en fonction du sens qu’il leur
attribue, et donc se mobilise ou non pour les apprendre. Il est ainsi couramment admis
que les apprentissages en milieu difficile amènent de la part de l’enseignant d’EPS une
réduction des contenus enseignés ainsi qu’une centration sur les savoir-faire sociaux
(Monnier & Amade-Escot, 2009). Nous pouvons notamment relever une volonté de sur-
ajuster des tâches aux caractéristiques des élèves, des difficultés à les impliquer dans de
réels enjeux de savoir ou d’apprentissage au-delà de la simple effectuation des tâches,
ou encore une baisse des exigences concernant les contenus des programmes visés
(Kherroubi & Rochex, 2004).
Il en est de même concernant leur rapport à la règle et son acceptation. Dans le
« football de rue », les joueurs sont partie prenante de la définition des règles et il est
rare que des phénomènes de violence se produisent (Cary & Bergez, 2010). Or, dans le
« football de club », les mêmes joueurs qui acceptent de se plier à la règle lorsqu’ils ont
eux-mêmes participé à sa définition dans le football improvisé, rejettent violemment la
contrainte extérieure (Cary & Bergez, 2010). Dès lors, il existe un contraste important
entre ces deux modalités de pratique du football. Ainsi, pour Long & Pantaléon (2007),
le type de conscience morale du sport auto-organisé est « autonome et ouvert à la
négociation » alors que dans le sport institutionnel, cette conscience est « disciplinée et
soumise ».
Pour l’enseignant d’EPS, il convient de ne pas négliger les règles constitutives de
l’APSA. En effet, l’apprentissage des règles par les élèves amène l’intériorisation de cinq
types de règles : les règles du jeu donc, mais également les règles institutionnelles,
groupales, d’apprentissage et de sécurité (Méard & Bertone, 1998). L’élève doit pouvoir
se réapproprier les objets d’enseignement retenus par l’enseignant à travers une co-
construction du savoir, telle que préconisée par les nombreux travaux relevant des
approches didactiques comparatistes (Amade-Escot, 2007 ; Schubauer-Leoni, 2008 ;
Sensevy & Mercier, 2007).
L’important est que les évolutions règlementaires apportées en EPS et en football
permettent à l’élève de vivre une réelle expérience de joueur de football, de valoriser
leur pratique. Ainsi les conditions de pratique mises en œuvre par l’enseignant, visent à
favoriser l’efficacité des apprentissages des élèves dans cette APSA. Aussi, « Apprendre
les règles par le jeu permet sans doute un apprentissage plus efficace de celles-ci » (Léziart,
2012).
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En outre, à l’instar de Cary & Bergez (2010), nous pensons que l’arbitre des rencontres
de football se trouve très souvent en « situation de forte vulnérabilité ». Ses décisions sont
systématiquement contestées. Or, dans le cadre de l’EPS et des sports-collectifs
notamment, les rôles sociaux (arbitre, observateur) semblent être utilisés le plus
souvent de manière formelle afin d’ « occuper » tous les élèves, et non dans une
perspective fonctionnelle en associant les rôles sociaux aux apprentissages. Il convient
dès lors de donner les moyens aux élèves d’arbitrer en toute sérénité et de pouvoir
progresser dans leur pratique pour ainsi, former des élèves citoyens et acteurs
« cultivés, lucides, autonomes » (MEN, 2009) et critiques de l’évolution même du
football. Ce regard « critique », cette prise de distance, témoigne d’une intelligence
tactique du jeu. Les travaux en didactique des sports collectifs et plus particulièrement
en football, montrent l’intérêt d’une prise de distance sur l’action, à travers la
construction de « règles d’actions », ce qui a été finalisé par les travaux de recherche
relatifs au « débat d’idées » (Gréhaigne & Godbout, 1998). Le « débat d’idées » permet
d’articuler des temps moteurs, par une observation d’une séquence de jeu, avec des
temps non-moteurs, par une analyse d’une séquence de jeu. L’enjeu est de
conceptualiser l’action pour construire des invariants opératoires et des règles d’action
(Gréhaigne, 1992).
En sport collectif, deux notions se trouvent au cœur de l'analyse du jeu : d'une part,
celle de configuration de jeu, telle qu'elle s'actualise et prend forme dans le rapport de
force en cours, d'autre part, celle de situations potentiellement émergeantes, mais
prédictibles à qui sait « lire » le jeu, et dont les joueurs doivent tirer parti (Gréhaigne,
Caty & Marle, 2004). Ces situations « émergeantes » sont également appelées
« configurations prototypiques » par Gréhaigne (2007) et permettent une analyse
qualitative du jeu en sport collectif. Les enjeux de savoirs associés à la lecture du jeu
renvoient à la compétence propre (« Conduire et maîtriser un affrontement collectif ») et
relèvent non seulement de la dimension tactique (« Pertinence et efficacité de
l’organisation collective ») mais également de l’appropriation des actions collectives
signifiantes (« Organisation créatrice d’incertitudes par combinaisons d’actions de plusieurs
joueurs : circulations de balle, déplacements des joueurs coordonnés, décalages et variation
collective du rythme de jeu »). Selon les préconisations institutionnelles, ces objets de
savoirs s’actualisent aussi dans la compétence méthodologique (« Savoir utiliser
différentes démarches pour apprendre »). Les critères d’évaluation qui en résultent sont
ainsi liés aux configurations collectives (sur laquelle nous nous centrons dans cet
article) et aux conduites motrices individuelles (que nous n’étudions pas dans le cadre
de cet article). Ils concernent l’observation spécifique de la circulation du ballon et des
joueurs (Chateau, 2004) et l’analyse des séquences de jeu amenant à un tir orienté vers
la cible adverse, à partir des indicateurs de jeu collectif suivants : le lieu de la
récupération (basse, médiane, haute), la modalité de la récupération (en avant de
l’Espace de Jeu Effectif (EJE), au milieu de l’EJE, à la périphérie de l’EJE, en arrière de
l’EJE) et le choix de jeu adopté (poursuite du jeu par un tir, une conduite de balle, une
passe courte au sol, une passe longue).
L’analyse des configurations de jeu, à partir d’une adaptation des règles du jeu,
constitue un outil d’apprentissage et d’évaluation des progrès des élèves relatif aux
productions d’actions collectives et sociales telles qu’instituées par les programmes de
la discipline.
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1.2. Le choix d’une approche technologique
4 Nous nous inscrivons dans le cadre de l’approche technologique à visée didactique
(Bouthier & Durey, 1994) en prenant appui sur les problèmes de terrain comme objet
central d’étude (Bouthier, 2014). Notre recherche a pour but une transformation des
pratiques d’intervention, et tente d’apporter des pistes de réflexion quant à
l’évaluation des progrès des élèves sur le plan collectif en football.
Nous tenterons de justifier nos choix didactiques par rapport à la pratique sociale de
référence et les modalités d’organisation de cette forme de pratique scolaire afin que
des élèves issus de milieu « difficile » puissent s’approprier les apprentissages
organisationnels, méthodologiques et sociaux (MEN, 2009). Les acquisitions au niveau
des savoirs tactiques et méthodologiques d’une classe de Terminale BAC PRO sont
évaluées en fonction de l’adaptation de la règle des « fautes collectives » propre au
futsal en situation réelle de jeu, et la présence d’élèves co-arbitres. La règle des fautes
collectives en futsal peut entraîner un pénalty (à 9 mètres) si une équipe effectue un
certain nombre de fautes. Par exemple, pour un match de 8 minutes, si l’équipe commet
trois fautes collectives, un pénalty est accordé à l’équipe adverse. Enfin, les
« contestations » verbales des joueurs à l’égard des arbitres et des adversaires sont
comptabilisées et considérées comme une « faute collective ». Nous définissons la
« contestation », comme l’action de contester, de ne pas admettre quelque chose, de
remettre en cause la décision arbitrale.
1.3. Problématique et questions de recherche
5 Face à ces obstacles et aux réticences des enseignants d’EPS à programmer cette
activité, notre étude consiste à proposer et à expérimenter une forme de pratique
scolaire du football significative pour des élèves « garçons » d’un lycée professionnel
situé en Zone Urbaine Sensible (ZUS) : le modèle du « futsal », permettant une
articulation entre configurations de jeu et construction de la règle en EPS. Nous
entendons par « futsal », une forme de pratique scolaire du football, inspirée des règles
spécifiques du futsal, en particulier la règle des fautes collectives, mais pratiquée sur
terrain extérieur.
Partant de cette problématique, des questions de recherche émergent :
Quelle forme de pratique scolaire proposer en football afin de faire vivre aux élèves une
expérience collective signifiante conciliant leur rapport au savoir et des apprentissages
d’actions collectives, méthodologiques et sociaux ?
Considérant que la référence culturelle du futsal et ses règles spécifiques peuvent faire vivre
aux élèves une expérience collective signifiante, quels dispositifs l’enseignant d’EPS peut-il
concevoir et mettre en œuvre dans cette activité sur la durée d’un cycle ?
6 Nous souhaitons ainsi questionner les temporalités propres aux apprentissages des
élèves en relation avec celles relatives aux différents dispositifs : a) l’articulation entre
temps nécessaire à l’intégration des savoirs tactiques (collectifs) ; méthodologiques et
sociaux et de leur mise en œuvre ; b) la répartition des temps consacrés aux situations
d’apprentissage, aux situations de référence et aux débats d’idées, au sein de la leçon et
du cycle.
•
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2. Méthode
7 Pour élaborer notre dispositif méthodologique, nous respectons les trois phases
caractéristiques de l’approche technologique à visée didactique (Bouthier & Durey,
1994), à savoir : la conception du projet, sa mise en œuvre et son évaluation.
2.1. Phase de conception du projet
8 Cette première phase d’élaboration du projet s’appuie sur les différentes productions
théoriques et pratiques afin que ce projet soit cohérent et faisable.
2.1.1. Une modélisation de l’activité « futsal »
9 La phase de conception du projet repose sur le modèle d’analyse que nous avons choisi
de dénommer « Modélisation futsal » (figure 1).
Figure 1. Modélisation de la forme de pratique scolaire du « futsal »
10 Ce modèle d’analyse du « futsal », schématisé dans la figure 1, tient compte du contexte
d’enseignement, des finalités éducatives, des pratiques sociales de référence et des
travaux en didactique des sports-collectifs.
2.1.2. Contexte de l’étude et participants
11 Le protocole est mis en place dans une classe composée de 18 garçons de Terminale BAC
PRO Électrotechnique, issue d’un Lycée Professionnel industriel situé dans une zone
urbanisée et socialement défavorisée en Seine-Saint-Denis (93).
Les élèves de cette classe peuvent être considérés comme des élèves « difficiles », dans
la mesure où ils présentent d’importantes difficultés scolaires et peuvent être agités et/
ou perturbateurs.
Ils ont tous un vécu dans la pratique du football (scolaire, UNSS, club, loisir). Ils ne
peuvent donc pas être considérés comme des élèves « débutants » dans l’activité. Pour
autant, ils reflètent totalement les caractéristiques culturelles développées
précédemment dans nos propos introductifs : ils sont orientés principalement sur
l’« exploit individuel » en football (Travert, 1997). Ils privilégient systématiquement le
dribble et l’action individuelle plutôt que le jeu collectif.
Le protocole est négocié et discuté avec un enseignant de l’équipe pédagogique d’EPS
suite à un entretien semi-directif destiné à comprendre l’histoire de l’enseignant. A
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l’issue de cette discussion, nous nous sommes mis d’accord sur l’élaboration du cycle de
football, le niveau de classe, le groupe d’élèves pour l’étude de cas, le nombre de
séances et la démarche pédagogique. Le rôle de l’enseignant d’EPS renvoie à la
conception des situations d’apprentissage, de l’animation de la séance et du suivi des
apprentissages des élèves.
2.2. Phase de mise en œuvre du projet : recueil et traitement des
données
12 Cette deuxième phase de mise en œuvre du projet permet d’expérimenter l’étude, et de
tester son efficience.
2.2.1. Le protocole d’étude
13 Le protocole d’étude amène les élèves à vivre un cycle de sept leçons de football,
activité programmée en classe de Terminale dans l’établissement (cycle 3). La première
leçon du cycle (l’évaluation diagnostique) et la dernière leçon (l’évaluation certificative
en leçon 7) ne sont pas retenues dans le cadre du dispositif testé. Au regard des objets
d’enseignement retenus et étudiés par l’enseignant, le projet de cycle est : « Mettre en
œuvre une organisation offensive capable de faire évoluer le rapport de force en sa faveur par
une occupation permanente de l’espace de jeu (écartement et étagement), face à une défense qui
se replie collectivement pour défendre sa cible ou récupérer la balle » (au regard de la
compétence attendue de Niveau 4, MEN, 2009). Cet objectif d’organisation tactique est
articulé à un objectif de type méthodologique et social, relatif à l’association de rôles
sociaux (observateurs, co-arbitres) à une situation réelle de jeu.
Lors des leçons, les élèves seront regroupés en 3 équipes de 6 joueurs. Les équipes,
constituées par l’enseignant d’EPS à partir de la première leçon, sont stables durant le
cycle, homogènes entre elles et hétérogènes en leur sain. La structure de leçon « test »
reste identique au cours du cycle et respecte les étapes suivantes : un échauffement
général et spécifique au football, une situation d’apprentissage en fonction des objets
d’enseignement retenus, puis une situation de référence (Gréhaigne & Cadopi, 1990). La
situation de référence a pour fonction, soit de faire émerger des problèmes, soit de
valider l’appropriation des savoirs tactiques (collectifs) ; méthodologiques et sociaux
par l'élève. Aussi, à l’instar de Deriaz et Hayoz (2012), nous pensons que la situation de
référence doit être aménagée mais authentique, c'est-à-dire respectant les
composantes essentielles de l'activité en confrontant l'élève aux problèmes
fondamentaux posés par l'APSA pratiquée. Cette notion de situation de référence se
différencie de la situation d'apprentissage car elle se focalise plutôt sur l'existence ou
non de comportements et non pas sur l'émergence et la construction d'une ou plusieurs
règles d'actions en relation avec les pouvoirs moteurs correspondants (Deriaz & Hayoz,
2012).
La situation de référence articule différents temps :
Le premier temps concerne une situation réelle de jeu (8 minutes), dont les règles sont celles
du football avec intégration de la règle des fautes collectives issue du futsal (pénalty à la
troisième faute collective ou faute cumulée par équipe). Deux équipes s’affrontent en 6c6 sur
un terrain de 60x45m, alors que la troisième occupe les rôles sociaux suivants de co-arbitres
(deux co-arbitres), d’assistants à la table de marque (chronomètre, score et fautes
a.
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collectives) et d’observateurs (un élève observe les deux co-arbitres et un élève observe les
contestations des deux équipes).
Le deuxième temps consiste à effectuer un débat d’idées (deux minutes maximum) à l’issue
de chaque séquence de jeu. Les trois équipes se regroupent par « collectif ».
Le troisième temps réunit les trois « collectifs » autour de l’enseignant afin que chaque
collectif puisse débattre et faire part de ses idées au « collectif de la classe » (deux minutes
maximum).
Le quatrième temps permet d’envisager un bilan des interventions de chacun au sein de la
classe (une minute maximum). L’enseignant d’EPS effectue un bilan des interventions de
chacun afin de synthétiser les idées et d’orienter les apprentissages.
2.2.2. Le recueil des données audio et vidéo
14 L’entretien semi-directif effectué avec l’enseignant d’EPS, d’une durée de 45 minutes,
porte sur son parcours d’enseignant, sur ses expériences et sa conception de l’activité
football, sur l’organisation prévisionnelle du cycle et enfin, sur sa gestion des élèves et
des apprentissages. Le projet est mis en œuvre par un enseignant de l’équipe
pédagogique d’EPS autour d’un contrat de recherche positionnant clairement celui-ci
comme le seul responsable de l’ensemble du cycle. Ce contrat a été proposé par le
chercheur et négocié avec l’enseignant. Le rôle de l’enseignant est dès lors
prépondérant dans la mise en œuvre du projet et relève de l’élaboration des situations
d’apprentissage, de l’animation de la séance et du guidage des apprentissages des
élèves.
En outre, les données recueillies reposent sur l’analyse des séquences de jeu
(Gréhaigne, Billard & Laroche, 1999), à partir d’un enregistrement filmé. La vidéo,
cadrée en plan moyen en fonction du déplacement et de l’action des joueurs et des
arbitres, suit les déplacements du ballon, l’intervention des arbitres et les réactions des
joueurs des deux équipes. Ces séquences peuvent être définies comme les échanges de
balles entre les joueurs depuis l’entrée en possession du ballon et jusqu’à sa perte par
l’équipe (Gréhaigne, Caty & Marle, 2004). Ces séquences de jeu permettent d'obtenir des
informations importantes comme le nombre d'échanges de balles réussis à l'intérieur
de chaque séquence ainsi que le temps de possession durant une séquence avant une
interruption du jeu. Ce dernier est très souvent lié au niveau de l’opposition. En effet,
plus la séquence de jeu est longue, plus l’équipe démontre qu’elle est capable de gérer
différents paramètres du jeu, notamment le jeu adverse en enchaînant différentes
unités tactiques.
Toutefois, étant donné que nous ne disposons pas de la direction du jeu et de la position
des joueurs, il nous manque deux paramètres importants du jeu. Aussi, il convient
d’analyser plus spécifiquement la circulation du ballon et des joueurs (Chateau, 2004). A
partir de la notion de phase mère du jeu, définie comme « le lieu d’apparition des
déséquilibres à l’origine des attaques, le lieu où l’affrontement pour la récupération du ballon est
le plus courant » (Gréhaigne, 2007, p. 93), la méthodologie adoptée consiste avec l’aide de
la vidéo à sélectionner et à analyser les séquences de jeu amenant à un tir orienté vers
la cible adverse.
Notre analyse s'est effectuée à partir d’une observation croisée de trois critères : le lieu
de la récupération (basse, médiane, haute), la modalité de la récupération (en avant de
l’Espace de Jeu Effectif (EJE), au milieu de l’EJE, à la périphérie de l’EJE, en arrière de
l’EJE) et le choix de jeu adopté (poursuite du jeu par un tir, une conduite de balle, une
passe courte au sol, une passe longue). Cette étude des configurations de jeu amenant à
b.
c.
d.
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un tir, devrait nous conduire à identifier des « situations prototypiques », dans le sens
où elles représentent un modèle original, archétype d’un modèle qui se reproduit
(Gréhaigne, 2007, p. 93). Elle permet d’identifier les conduites motrices collectives à
travers l’identification d’indicateurs de jeu collectif.
Enfin, le recueil des données repose sur l’analyse des débats d’idées, en phases 2, 3 et 4,
enregistrés et filmés. Toutefois, nous choisissons de nous focaliser uniquement sur
l’analyse des configurations de jeu. Nous ne développerons pas l’analyse des débats
d’idées dans cet article.
2.2.3. Le traitement des données
15 Le contenu de l’entretien semi-directif effectué avec l’enseignant d’EPS est analysé
(Bardin, 1977) puis interprété. Nous regrouperons le contenu et les paroles de
l’enseignant en quatre thématiques, afin de prendre en compte les éléments qui nous
semblent pertinents pour notre étude. En référence aux fondements de l’approche
didactique (Brousseau, 1986), nous chercherons à renseigner les trois instances du
« système didactique » : les élèves, le professeur et le savoir. Au regard de notre étude,
nous rajouterons une quatrième thématique : la conception de l’activité football.
Le traitement des données issues des séquences de jeu a pour objectif de comparer
l’évolution du nombre de fautes collectives, des contestations des joueurs avec
l’observation de l’arbitrage. Concernant l’observation des arbitres, nous prenons en
compte les critères relatifs aux déplacements, à l’autorité et à la présence, aux gestes et
aux explications.
Tableau I. Analyse des séquences de jeu en phase 1 du dispositif
16 Les séquences de jeu analysées visent à identifier l’évolution de la « dynamique du jeu »
(Gréhaigne, 2007) sur le plan tactique, en attaque et en défense, en fonction de l’objectif
de leçon, l’existence de configurations momentanées du jeu se reproduisant durant ces
séquences, l’efficacité collective en attaque (nombre de buts) et corrélativement
l’efficacité collective en défense (nombre de buts encaissés).
Ainsi, l’analyse et l’identification de configurations de jeu amenant à un tir s’effectuent
à partir d’une observation croisée de trois critères (cf. tableau I) : le lieu de la
récupération (basse, médiane, haute), la modalité de la récupération (en avant de
l’Espace de Jeu Effectif (EJE), au milieu de l’EJE, à la périphérie de l’EJE, en arrière de
l’EJE) et le choix de jeu adopté après la récupération du ballon (poursuite du jeu par un
tir, une conduite de balle, une passe courte au sol, une passe longue).
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3. Résultats
17 Nous présentons la phase d’évaluation du projet en débutant par les résultats
concernant l’analyse des séquences du jeu, puis ceux issus des indicateurs
méthodologiques et sociaux.
3.1. L’analyse des séquences de jeu
18 L’analyse des séquences de jeu renvoie au premier temps de la situation de référence.
Les données chiffrées sont utilisées comme des indicateurs quantitatifs permettant, par
l’articulation avec les indicateurs qualitatifs, d’analyser les configurations de jeu et
d’approcher au plus près des pratiques des élèves. Les données quantitatives
permettent de donner un ordre d’idée des conduites des élèves que les données
qualitatives éclairent.
3.1.1. Les données chiffrées relatives aux évènements du jeu
19 La figure 2 illustre le temps moyen de possession (durée de la séquence) et le nombre
moyen d’échanges de balles réussis à l’intérieur de chaque séquence, définie comme les
échanges de balles entre les joueurs depuis l'entrée en possession du ballon et jusqu'à
sa perte par l'équipe. Le temps moyen de possession est compris entre 7 et 10 secondes,
tandis que le nombre moyen d’échanges réussis est compris entre 2 et 3. Comme révélé
par la figure 2, cette durée et ce nombre d’échanges sont relativement constants au
cours du cycle, mais présentent tout de même une légère augmentation en leçon 4 (10
secondes de temps moyen de possession de balle).
A ce titre, l’objectif de la leçon 4 était de « S’organiser collectivement en attaque en occupant
tout l’espace de jeu face à une défense placée ». L’objectif collectif était ainsi axé sur la
conservation du ballon et peut expliquer le temps moyen de possession plus
conséquent et le nombre d’échanges réussis. En outre, selon Gréhaigne, Billard et
Laroche (1999), « plus la séquence de jeu est longue plus l’équipe prouve qu’elle est à même de
gérer différents paramètres du jeu, et en particulier le jeu adverse en enchaînant diverses unités
tactiques ». Nous pouvons notamment prendre l’exemple de l’équipe C qui a un temps
moyen de possession de 12 secondes. Ce temps moyen de possession est supérieur aux
autres équipes A et B et se concrétise également par une efficacité collective en attaque,
eu égard aux deux victoires de l’équipe C lors de cette leçon (2-1 contre l’équipe A et 2-0
contre l’équipe B).
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Figure 2. Evolution du temps moyen de possession et du nombre moyen d’échanges réussis parséquence de jeu analysée au cours du cycle (moyenne pour l’ensemble des équipes)
3.1.2. L’efficacité collective en attaque et en défense
20 Comme illustré par la figure 3, les courbes et les évolutions du nombre moyen de tirs et
du nombre moyen de buts subissent la même irrégularité en fonction des leçons du
cycle.
Figure 3. Evolution du nombre moyen de tirs et du nombre moyen de buts marqués au cours ducycle (moyenne pour l’ensemble des équipes)
21 Les résultats montrent un nombre important de tirs et de buts marqués en leçon 2 (9
tirs et 3 buts marqués), 4 (6 tirs et 3 buts marqués) et 6 (5 tirs et 2 buts marqués) et
témoignent d’une certaine « efficacité collective en attaque ». Ils peuvent être corrélés
aux objectifs des leçons 2, 4 et 6, centrés sur des contenus et des apprentissages
« offensifs », sur des aspects de l’organisation collective en attaque. A contrario, les
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leçons 3 et 5 présentent des résultats et une « efficacité collective en attaque » plus
relative (4 et 5 tirs pour 1 but marqué en moyenne). Ces leçons sont centrées sur des
objectifs « défensifs », dont l’organisation collective en défense et attestent de la même
manière d’une relative « efficacité collective en défense. Toutefois, le nombre moyen de
tirs au but présente une évolution décroissante durant le cycle (9 tirs en leçon 2 et 5 tirs
en leçon 6). Cette diminution atteste d’un rééquilibrage du rapport de force et des
organisations collectives des équipes, en attaque et en défense. Il semblerait donc qu’il
soit plus facile de progresser en défense qu’en attaque. De plus, les objets
d’enseignement retenus par l’enseignant peuvent expliquer cette relation entre objectif
de leçon et efficacité collective. A titre d’exemple, le choix de l’enseignant de se centrer
sur « S’organiser en défense de zone et conserver le bloc défensif : près et loin du but » en leçon
5, amène les élèves à se centrer sur la protection de leur but et donc sur l’efficacité
collective en défense (1 but marqué en moyenne).
3.1.3. Les configurations du jeu
22 Le tableau II relève le nombre de configurations de jeu amenant à un tir à partir de
l’analyse vidéo de 70 séquences de jeu sélectionnées au cours du cycle. Comme révélé
par le tableau III, sur les 70 séquences de jeu retenues, cinq configurations apparaissent
et se sont reproduites plus fréquemment au cours du cycle.
Tableau II. Comptabilisation des configurations de jeu amenant à un tir
23 La récupération haute en avant de l'EJE suivie d’une conduite de balle par le joueur est
apparue 7 fois (soit 10 % des configurations de jeu identifiées). Cette configuration peut
être la conséquence d’un pressing des attaquants ayant la volonté de progresser
rapidement vers la cible adverse, ce qui correspond à l’objet d’enseignement retenu par
l’enseignant en leçon 2.
La récupération médiane au milieu de l’EJE suivie d’une passe courte au sol par le
joueur s’est reproduite 9 fois (soit 13 % des configurations de jeu identifiées). Cette
configuration est le plus souvent la conséquence d’un pressing des défenseurs.
L’objectif est alors de « s’organiser collectivement en défense et maintenir l’écart entre les
lignes » (objet d’enseignement de la leçon 3).
La récupération médiane à la périphérie de l’EJE suivie d’une passe courte au sol par le
joueur a été observée 6 fois (soit 9 % des configurations de jeu identifiées). Cette autre
configuration survient le plus souvent à la suite d’une perte de balle d’un défenseur.
Cette récupération à la périphérie du jeu semble liée à la volonté de l’équipe de «
contourner et déséquilibrer » la défense adverse (objet d’enseignement de la leçon 6).
La récupération médiane en arrière de l’EJE suivie d’une passe courte au sol par le
joueur s’est présentée 7 fois (soit 10 % des configurations de jeu identifiées). Cette
configuration peut s’expliquer par la difficulté pour l’attaque à progresser vers la cible
face à une défense regroupée dans l’axe (objet d’enseignement de la leçon 3).
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La récupération basse en arrière de l’EJE suivie d’une conduite de balle par le joueur a
été identifiée 6 fois (soit 9 % des configurations de jeu identifiées). Cette configuration
est la conséquence de la difficulté de l'attaque à pénétrer dans le dispositif défensif
avec une récupération basse à l'arrière de l'espace de jeu effectif puis jeu de transition
en déviation. Cette récupération basse témoigne d’une « organisation en bloc défensif près
de son propre but », objet d’enseignement retenu par l’enseignant en leçon 5. Cette
récupération basse semble renforcée par la limitation des fautes qui est une règle
empruntée au futsal, ce qui amène les élèves à adapter leur intervention défensive sans
faire de faute.
Le tableau III nous permet d’identifier cinq configurations prototypiques, dans le sens
où elles représentent un modèle qui se reproduit au cours du cycle.
Tableau III. Identification de cinq configurations prototypiques à partir de la sélection et del’analyse vidéo de 70 séquences de jeu amenant à un tir, durant le cycle
3.2. Les indicateurs méthodologiques et sociaux
24 Nous présentons les résultats concernant les indicateurs méthodologiques et sociaux,
qui s’articulent avec les données précédentes relatives à l’analyse des séquences de jeu.
3.2.1. Les données relatives aux fautes collectives et aux contestations
25 Comme révélé par la figure 4, les résultats montrent une diminution importante du
nombre de contestations des joueurs au cours du cycle (6 en moyenne en leçon 2 et 1 en
moyenne en leçon 6). Parallèlement, le nombre de fautes collectives par séquence de
jeu diminue également sensiblement durant le cycle (3 en leçon 2 et 1 en leçon 6).
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Figure 4. Evolution du nombre moyen de fautes collectives et du nombre moyen de contestationsdes joueurs au cours du cycle (moyenne pour l’ensemble des équipes)
3.2.2. L’observation des co-arbitres
26 A partir de la fiche d’observation des deux élèves co-arbitres lors des séquences de jeu,
les élèves observateurs ont évalué les arbitres à partir de critères d’observation relatifs
aux « déplacements », à « l’autorité et la présence », ainsi qu’aux « gestes et aux
explications ». Majoritairement, au début du cycle, les élèves ont observé des arbitres
« assez loin de l’action », se déplaçant pour certains mais sans anticiper l’action à venir.
Ils ont pu observer des arbitres « hésitant dans leurs prises de décision », subissant les
« contestations » des joueurs. Cette hésitation lors des premières leçons peut
s’expliquer par une méconnaissance pour certains du règlement et un « manque
d’explication et de communication » des arbitres avec les joueurs. En fin de cycle, les
élèves observateurs ont relevé des arbitres bien plus « mobiles », « sifflant plus » et
« aidant les joueurs par leurs gestes ». Cette évolution positive des élèves dans le rôle
de co-arbitre s’explique également par une diminution significative des contestations
des joueurs (cf. figure 4). Ainsi, les contestations des décisions de l’arbitre (« Les arbitres
ne sifflent pas trop les fautes ») et de sa connaissance du règlement (« J’ai vu plusieurs mains
et l’arbitre n’a pas sifflé »), ont diminué sensiblement au profit d’un nombre de fautes
collectives limitées et relatif à des fautes de jeu (contact ou tacle par exemple).
4. Discussion
27 Notre ambition était d’étudier l’impact d’une forme de pratique scolaire du football
dérivée du futsal sur l’activité d’élèves issus de milieu difficile et sur leurs
apprentissages relatifs aux productions d’actions collectives (savoirs tactiques) ainsi
que méthodologiques et sociales. La discussion des résultats vise à mettre en évidence
un certain nombre de connaissances utiles à la décision dans un acte d’enseignement
(Bouthier & Durey, 1994).
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4.1. La relation entre objectif de leçon et efficacité collective
28 Nos résultats mettent en perspective l’intérêt de centrer les objectifs de leçon sur un
aspect offensif ou un aspect défensif d’un point de vue de l’organisation collective. En
effet, l’analyse de l’efficacité collective des équipes montre que le nombre de tirs et de
buts marqués est plus important pour une leçon centrée sur un objectif « offensif » ; et
de la même manière le nombre de buts encaissés est faible lors de leçons axées sur des
objectifs « défensifs ». Nos résultats ne nous permettent pas de prouver avec certitude
que ce sont les objectifs de leçon et les objets d’enseignement travaillés qui ont
entraîné cette corrélation, mais nous pensons que cette tendance peut toutefois être
envisagée. Partant de cette interprétation, notre étude permet de mettre en avant un
« réinvestissement » des savoirs tactiques collectifs par les élèves lors de la situation de
référence. Les résultats de l’entretien ante réalisé avec l’enseignant semblent confirmer
cette tendance, puisque selon l’enseignant il convient d’axer le projet de cycle sur « la
dimension collective et l’aspect tactique ». En outre, les données issues de l’analyse des
débats d’idées nous permettent également de rendre compte de ce réinvestissement
des apprentissages résultant des échanges entre les élèves.
Néanmoins, notre approche présente certaines limites au regard de l’adaptation
nécessaire des systèmes de jeu par rapport à l’adversaire. En effet, le rééquilibrage du
rapport de forces attaque/défense et donc de l’efficacité collective en attaque et en
défense, opéré en leçon 6, témoigne d’une certaine application et non d’une adaptation
des configurations de jeu. Avec Caty, Meunier et Gréhaigne (2007), nous pensons qu’il
convient de concevoir l’organisation du jeu comme une totalité, ce qui revient à penser
l’attaque et la défense ensemble et dans le même instant. Les prescriptions
institutionnelles en matière d’évaluation de l’efficacité collective de l’activité football
au Baccalauréat Professionnel (MEN, 2009) vont également dans ce sens puisqu’elles
préconisent d’envisager à chaque leçon, de manière systémique et imbriquée,
l’organisation collective du jeu en attaque et en défense.
4.2. Les configurations prototypiques au service de l’analyse du jeu
29 Nos résultats nous ont permis d’identifier cinq configurations prototypiques à partir de
l’analyse qualitative du jeu en sport collectif concernant 70 séquences de jeu amenant à
un tir. Notre étude confirme les résultats observés par Gréhaigne (2007) reposant sur
l’étude de 98 séquences de jeu. Toutefois, des disparités ont été observées et peuvent
s’expliquer par la différence de niveau des élèves dans l’activité football. En effet, nos
élèves ne sont pas « débutants » dans l’activité, puisqu’ils ont tous un vécu dans la
pratique du football (scolaire, UNSS, club, loisir). De plus, notre étude se centre sur une
pratique inspirée de la règle du jeu du futsal : les fautes collectives.
Certaines configurations de jeu identifiées nous permettent de caractériser le niveau de
nos élèves à l’interface entre le Niveau 3 et le Niveau 4 de la Compétence attendue
(MEN, 2009). Ainsi, « La récupération médiane au milieu de l’EJE suivie d’une passe courte au
sol par le joueur » ou « La récupération médiane en arrière de l’EJE suivie d’une passe courte au
sol par le joueur », témoignent d’une configuration de jeu initiale quand l'espace de jeu
effectif s'est stabilisé dans le demi-terrain offensif. Ces configurations peuvent être la
conséquence de la difficulté de l'attaque à pénétrer dans le dispositif défensif avec une
récupération basse ou médiane, au milieu ou à l'arrière de l'espace de jeu effectif, puis
un jeu de transition en déviation sous forme de passes courtes au sol, puis tir au but. Le
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temps de possession augmente, même si en jeu nos résultats montrent que le nombre
d’échanges réussis dépasse rarement deux ou trois échanges.
L’identification de ces configurations prototypiques permet d’évaluer un niveau de
compétence attendue et qualifier les transformations des actions collectives des élèves
telles qu’elles sont identifiées à travers les configurations collectives de jeu sur la
temporalité d’un cycle. Ainsi, la configuration de jeu observée en début de cycle (leçon
2) : « La récupération médiane au milieu de l’EJE suivie d’une passe courte au sol par le joueur »,
correspond à un niveau 3 de compétence en cours d’acquisition : une « organisation
offensive simple, fondée sur l’action individuelle du porteur de balle, début d’échanges entre
deux partenaires dans l’axe du but, pour accéder à l’espace de marque ». En fin de cycle (leçon 5),
la configuration de jeu : « La récupération médiane en arrière de l’EJE suivie d’une passe courte
au sol par le joueur » répond à un niveau 4 de compétence attendue : une « organisation
offensive liée à des enchaînements d’actions privilégiant l’utilisation alternative des couloirs
latéraux et du couloir central. Echanges qui créent le déséquilibre ». L’évolution des
configurations de jeu identifiées, analysées et donc d’un niveau de compétence
attendue, atteste de transformations du niveau de jeu collectif des élèves au cours du
cycle. Aussi, ces résultats peuvent apporter une aide aux pratiques des enseignants,
notamment dans l’optique d’évaluer l’efficacité collective des élèves en football.
Après ce travail d'identification et de sélection de situations prototypiques, se pose
maintenant le problème de leur utilisation par les élèves. Aussi, nous postulons que
l’utilisation de l’outil vidéo en sport collectif est susceptible de favoriser leur
réutilisation en situation de jeu (Berchebru, Meunier & Gréhaigne, 2009). Partant de
cette idée, une étude future pourrait se centrer sur le visionnage par les élèves des
configurations de jeu choisies avec pour objectif de viser une adaptation des
organisations collectives retenues en fonction du rapport de force adverse. Cette future
étude consisterait à un prolongement du débat d’idées qui intégrerait l’utilisation
d’outils vidéo, ce qui renvoie à l’acquisition de compétences scolaires.
4.3. L’impact des règles du jeu sur les productions d’actions
collectives, sur les apprentissages méthodologiques et sociaux
30 Les résultats observés montrent que l’instauration de la règle des fautes collectives a
entraîné une diminution sensible des contestations des joueurs lors des séquences de
jeu. De plus, cette construction collective de la réponse par rapport au rôle d’arbitre, a
permis d’observer une amélioration certaine de l’occupation des rôles sociaux,
contribuant ainsi à de réels apprentissages au niveau méthodologique : au niveau de
leurs déplacements, de leur autorité et de leur présence, et de leur communication avec
les joueurs. Nous pouvons également faire l’hypothèse d’une influence directe de
l’instauration de la règle des fautes collectives sur les apprentissages moteurs des
élèves au niveau de la fluidité du jeu en attaque et au niveau de l’intervention du
défenseur. En effet, l’enseignant s’est focalisé sur cet objet d’apprentissage au cours du
cycle. De plus, selon les résultats de l’entretien ante effectué avec l’enseignant, la
relation professeur/élève doit être basée « sur un code commun sur le règlement du jeu,
pour éviter tout conflit et toute frustration de l’élève ».
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4.4. L’enseignement du football en milieu difficile : le modèle du
« futsal » en EPS
31 L’ambition de notre travail était d’actualiser une forme de pratique scolaire du football
adaptée à notre public, des élèves « difficiles ». Nous pensons à cet égard que le modèle
du « futsal », tant dans l’adaptation des règles du jeu que dans l’alternance de temps de
pratique et de temps de débat d’idées, permet de prendre en compte le rapport au sens
construit par des élèves issus de milieu difficile. En effet, la valorisation du collectif, la
limitation des fautes et des contestations, l’implication des élèves dans les rôles
sociaux, la co-construction des savoirs moteurs collectifs, méthodologiques et sociaux,
ou encore l’usage de l’outil vidéo sont autant d’arguments en faveur de cette forme de
pratique scolaire en EPS.
Enfin, il convient de rester attentif au contexte culturel et social de l’élève, puisque «
faire vivre une expérience culturellement signifiante aux élèves en EPS est une ambition
complexe, car quoi qu’il en soit la seule mise en référence culturelle effectuée par l’enseignant
n’est pas garante du sens que les élèves vont donner à leur pratique » (Mascret, 2009).
L’enseignant joue ainsi le rôle de « guide » et non de « prescripteur » de l’activité de
l’élève. Aussi, dans la perspective de la théorie de l’action conjointe en didactique
(Schubauer-Leoni & Leutenegger, 2005 ; Sensevy & Mercier, 2007), les élèves et
l’enseignant co-construisent une référence commune, elle-même articulée aux pré-
construits socio-culturels.
Dans le cadre de notre forme de pratique scolaire, l’expérience aura du sens pour
l’élève s’il s’intéresse à l’action collective, s’il y voit un intérêt personnel, si les élèves
sentent qu’ils dépendent les uns des autres et adoptent des comportements qui le
permettent, et enfin si les règles mises en place amènent une plus value dans leur
pratique. L’important est que les évolutions règlementaires apportées en EPS et en
football amènent l’élève à vivre une réelle expérience de joueur de football, et que les
conditions de pratique, mises en œuvre par l’enseignant, lui permettent de devenir plus
efficace dans cette APSA.
5. Conclusion
32 L’objectif de notre étude était de présenter ses apports et son impact du point de vue de
sa « visée transformative » (Schwartz, 1997). Elle décrit l’apport pour les élèves et pour
l’enseignant ayant participé à cette étude. Pour des élèves difficiles, une co-
construction des savoirs et une réflexion collective à travers des débats d’idées,
permettent de produire des actions collectives signifiantes, des apprentissages
méthodologiques et sociaux dans un sport collectif comme le football. A cet égard,
l’instauration de la règle des fautes collectives et l’observation des contestations des
joueurs peuvent faciliter l’implication de l’élève dans le rôle d’arbitre, mais également
les acquisitions motrices de type collectif ou individuel dans le jeu. L’action motrice
d’un élève qui maîtrise ses déplacements et son engagement dans l’action de
reconquête de balle en est un exemple. Les résultats de notre étude peuvent amener à
une réflexion sur la formalisation de savoirs « pour » et « par » l’arbitre ou
l’observateur à travers l’intégration des rôles sociaux (arbitres, observateurs) dans la
pratique. L’enjeu réel de l’élève observateur et de l’élève arbitre n’est pas tant
d’occuper les élèves de manière formelle, mais bel et bien de les impliquer dans
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l’analyse des réponses en jeu afin de faire de ce moment un temps d’apprentissage
authentique.
L’identification de configurations prototypiques nous permet d’analyser la qualité du
jeu des élèves et ainsi caractériser leurs progrès et leur niveau de compétence.
Parallèlement, la prise en compte de l’efficacité collective en attaque et en défense
permet d’envisager l’utilisation et le réinvestissement d’objectifs de leçon centrés sur
les aspects défensifs ou offensifs.
Nos résultats peuvent également influencer l’intervention de l’enseignant d’EPS lors de
l’élaboration d’une forme de pratique scolaire, en sport collectif notamment. Ainsi,
l’implication de l’élève dans les tâches d’arbitre ou d’observateur nécessite de la part de
l’enseignant la recherche de sens, notamment pour des élèves issus de milieux
difficiles, puisque « le sens n’est pas un objet que l’on enseigne, mais un rapport que le sujet
construit » (Rochex, 1996).
Toutefois, notre recherche présente certaines limites. En effet, nos résultats, centrés
sur des élèves d’une classe et d’un cycle de football donnés, ne nous permettent pas de
certifier certains éléments apportés par notre étude, notamment eu égard au
réinvestissement d’objectifs « offensifs » ou « défensifs » en fonction de la leçon
étudiée. Ces limites nous amènent à penser que l’utilisation de configurations de jeu
par les élèves doit être pensée comme une totalité et ainsi, l’enseignant doit préconiser
dans une même leçon des objectifs sur le plan offensif et défensif (Caty, Meunier &
Gréhaigne, 2007). Il convient enfin de nuancer la généralisation des résultats à
l’ensemble des élèves issus de milieux difficiles au regard du contexte de cette étude,
qui concerne une classe de Terminale BAC PRO, dont les élèves ont pour perspective
proche le baccalauréat, ce qui atteste d’une certaine réussite de leur parcours. Pour
autant, en mettant la focale sur la production d’actions collectives organisées des
élèves dans la mise en œuvre d’une forme de pratique scolaire, l’analyse de
configurations de jeu renseigne les manières dont ils peuvent atteindre un niveau de
compétence et viser de réels apprentissages. Plus largement, en intégrant les
dimensions motrices et méthodologiques des programmes d’EPS, la forme de pratique
scolaire du « futsal » peut contribuer à la mise en place d’une approche plus positive du
football en EPS tout en respectant le rapport au sens construit par des élèves difficiles.
Finalement, notre étude mériterait d’être prolongée et ainsi élargie à plusieurs classes,
sur plusieurs cycles afin de confirmer ou d’infirmer nos hypothèses de recherche et les
résultats présentés, analysés et discutés dans le cadre de cet article.
BIBLIOGRAPHIE
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RÉSUMÉS
L’objet de cet article est de présenter et d’analyser l’élaboration d’une forme de pratique scolaire
du football en Education Physique et Sportive (EPS) inspirée de l’activité futsal et prenant en
compte le rapport au sens construit par des élèves issus de milieu difficile. Notre étude concerne
une classe de Terminale Baccalauréat Professionnel d’un lycée professionnel situé en « Zone
Urbaine Sensible ». La méthodologie reprend les trois phases caractéristiques de l’approche
technologique à visée didactique (Bouthier & Durey, 1994) : l’élaboration du projet, sa mise en
œuvre et son évaluation. Elle prend appui sur des problématiques de terrain comme objet central
d’étude (Bouthier, 2014). Notre recherche se centre sur l’identification et l’analyse de
configurations de jeu, afin de qualifier les productions d’actions collectives des élèves et
permettre une construction positive de la règle en EPS. Les résultats montrent que la co-
construction des savoirs est au cœur des transformations réelles et durables de ces élèves sur le
plan de l’investissement et des apprentissages au niveau tactique et méthodologique.
The aim of our research is to present and to analyze the elaboration of a type of school practice
for soccer in PE (Physical Education). It is inspired by the activity futsal and considers the
building of meaning of pupils from a difficult background. Our study concerns a final year of a
professional high school situated in "Sensitive Urban Zone". The methodology resumes three
properties of technological approach with a didactic aim: the project elaboration, its
implementation and evaluation (Bouthier & Durey, 1994). It is based on professionnal issues as
main aim (Bouthier, 2014). Our research speaks about identification and analysis of game
configurations, to qualify pupils collective motor acquisition and enable a positive rule
construction in PE. The results show the co-construction of knowledge turns out to be
fundamental to lead real and long-lasting transformations of these pupils in their investment as
well as in their learnings which can be both fundamental and methodological.
INDEX
Mots-clés : approche technologique, rapport au savoir, rapport à la règle, forme de pratique
scolaire, football, configuration de jeu
Keywords : technological approach, relation of knowledge, relation of rule, type of school
practice, soccer, game configuration
AUTEUR
GUILLAUME DIETSCH
Professeur Agrégé d’EPS – Lycée Professionnel Aristide Briand Le Blanc-Mesnil. Doctorant au
LIRTES (EA7313), Université Paris-Est, France
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Effet du débat d’idées surl’apprentissage du hand-ball chezles débutantes : cas des jeunestunisiennesZeineb Zerai
1 Un des acquis de la recherche en didactique des sports collectifs à l’école est que si
l’apprentissage d’un jeu ne peut se concevoir sans une pratique réelle, il nécessite aussi
une prise de distance avec l’immédiateté de cette pratique (Zerai, 2009). L’enjeu du
sport collectif est de conceptualiser l’action pour construire des invariants opératoires
et/ou des règles d’action (Vergnaud, Halbwachs, & Rouchier, 1978 ; Gréhaigne, 1989,
1992). Ainsi on n’apprend pas seulement en jouant ou en répétant des gestes
techniques. Pour parvenir à des généralisations et à la construction d’un sens du jeu
dans les sports, il est nécessaire d’analyser ce qui s’est passé après la séquence de jeu.
Ce travail de recherche vise à produire des connaissances et des outils utiles pour
l’enseignement des sports collectifs à l’école. Les études technologiques sur
l’intervention dans les activités physiques sportives et artistiques s’intéressent à des
questions de terrain en les soumettant à une approche scientifique susceptible de les
éclairer. Elles se définissent comme des études portant sur les conditions de
transmission et/ou appropriation des techniques corporelles (Mauss, 1950). Elles
servent les objectifs suivants : accroître les connaissances sur l’intervention, contribuer
à la constitution de savoirs sur la formalisation et la transformation des techniques,
favoriser l’optimisation des procédures d’entraînement, de formation et
d’enseignement (Mouchet, Amans-Passaga, & Gréhaigne, 2011).
À partir de ces éléments, nous avons décidé de nous intéresser à l’apport des débat
d’idées en prenant comme support un cycle de handball avec des filles d’une classe de
deuxième (second en France) du lycée d’Ibn Charaf à Thala en Tunisie. L’analyse des
aspects décisionnels (débat d’idées et prise de décision en jeu) en tant que facteur
d’efficacité dans l’apprentissage en éducation physique et d’amélioration de la
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71
performance en situation d’opposition constitue un sujet d’actualité correspondant à
une demande sociale.
1. Le contexte
2 Pour les filles en Tunisie, le sport représente la santé, la silhouette, les loisirs
(Bedhioufi, 2010). Il ne s’agit en aucun cas de compétition, de confrontation et de
travail dans un groupe et pour le groupe. Nos observations personnelles nous portent à
croire que les filles préfèrent toujours être certaines de ce qui va se passer, connaître
les résultats avant même de commencer. Les pratiques incertaines leur font peur et
donc, elles choisissent de se retirer plutôt que de participer et découvrir le jeu. Les
jeunes filles tunisiennes s’intéressent principalement au sport lorsqu’il s’agit d’un sport
individuel tel que la gymnastique ou encore la course et les sauts. Engagées dans la
pratique d’un sport collectif qu’elles conçoivent comme masculin, leur intérêt décroit
rapidement (Zerai, 2011). Les joueuses semblent considérer que les sports collectifs
présentent une certaine violence, un contact éventuellement rude avec l’autre, une
responsabilité au sein d’un groupe difficile à assumer et la nécessité de respecter des
règles qu’elles maîtrisent très mal.
Souvent, les enseignants d’EPS soulignent la passivité des jeunes participantes dans les
jeux d’opposition, leur maladresse dans l’exécution des gestes et insistent sur leur
inertie lors du jeu et même leur fuite de la confrontation. Les lycéennes s’écartent pour
laisser passer l’attaquant et/ou encore parfois tournent le dos au jeu. Elles auraient été
peur ! Les enseignants décrivent aussi des joueuses « accompagnatrices » qui courent
parallèlement à l’attaquante mais également des élèves qui se recroquevillent dans une
attitude de protection. Elles se convainquent ainsi très vite de leur médiocrité et ceci
bien souvent sous les reproches, voire les moqueries, des garçons.
Il nous semble dès lors fondamental de réinscrire les filles dans une activité réelle de
confrontation où les rapports d’opposition sont premiers. Ainsi, les situations
proposées devront permettre d’explorer et d’utiliser avec pertinence des formes, des
techniques, des choix efficaces pour elles, sans se contenter de reproduire
systématiquement les savoir-faire des joueurs garçons. Prendre en compte comment
leurs représentations, leurs ressources dans des situations où l’affrontement et la
réussite se construiront à partir du jeu constitue une piste prometteuse. La
reconnaissance des espaces, des intervalles, la lecture du jeu et l’anticipation des choix
sont sans doute d’autres éléments à explorer. Ce travail consiste à identifier le type de
relations existant entre les éléments qui interagissent lors des prises de décision dans
l’action, en se centrant notamment sur l’organisation fonctionnelle de l’activité de la
joueuse et sa logique propre qui n’est pas forcément uniquement rationnelle.
Nous espérons ainsi obtenir des éléments sur l’apprentissage et les représentations des
joueuses. Il semble important de veiller à ce que la phase d'interprétation des données
soit construite et validée du point de vue méthodologique et théorique pour que les
conclusions soient réellement utilisables. A cette condition, ce type de travail peut
répondre aux enjeux actuels de l'éducation et apporter des outils efficaces et des
réponses pertinentes à tous les acteurs éducatifs.
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2. Apprentissage et sport collectif
3 L’apprentissage des sports collectifs par leur dimension tactique permet de prendre en
compte la dimension cognitive du jeu dès le début de la formation. Par cet
apprentissage, l’apprenant face à une situation problème se trouve capable d’exécuter
sa réflexion et de dégager quelques règles de ses actions pour finir par élaborer des
savoirs constitués.
2.1. Apprentissage et configuration du jeu
4 En sport collectif, les comportements des joueurs s'inscrivent et s'insèrent dans des
configurations du jeu illustrant un rapport d'opposition momentané (Gréhaigne, 2007 ;
Zerai, 2011).
« Au sens le plus général, une configuration est composée d'une liste ou d'un schéma donnant la
nature et les caractéristiques principales de l’ensemble des éléments d’un système (p. 169) »
(Gréhaigne, Caty, & Marle, 2004). Après quelques (trois) matchs, il semble que l’étude et
l’analyse par les élèves des configurations de jeu posant problème facilitent les
solutions en jeu et leurs apprentissages. En dévoilant certains éléments tactiques du
jeu, le débat d’idées aide la joueuse à produire une réponse plus rapide face à des
configurations connues. Cela permet, à terme, la stabilisation en mémoire d’images
opératives. (Gréhaigne, 2011 ; Ochanine, 1978). Une situation de jeu en sport collectif
est complexe. En effet, la dynamique du jeu peut être traitée et interprétée de
différentes manières selon les expériences précédentes et les connaissances antérieures
des participants. Il faut toutefois essayer de choisir l’interprétation la plus pertinente
et la plus simple selon les caractéristiques du jeu et des joueuses à ce moment précis du
jeu. Ce processus est continu pour tous les joueurs au cours du match. De plus, l’activité
constructive peut se prolonger bien au-delà de la fin de l’action. C’est précisément la
raison pour laquelle l’analyse par l’élève de sa propre activité et de celle des autres
après l’action, autrement dit l’analyse réflexive et rétrospective, est un remarquable
instrument d’apprentissage.
La pratique d’un sport collectif requiert des qualités d’observation en relation avec une
représentation de l'espace et du temps et des relations physiques [les positions des
joueuses et leurs relations de vitesse] sous-tendue par la représentation de l'espace des
relations sémantiques [les faits qui ont du sens pour les joueuses] (Chang, Wallian, &
Nachon, 2006) ; Gréhaigne, 2011). La construction de ces représentations permet à la
joueuse de comprendre la situation de jeu et de prendre des décisions appropriées afin
de déjouer les adversaires ou d’aider ses coéquipières.
2.2. Le débat d’idées
5 L’interaction entre les élèves au sein du groupe entre les sections de jeu est donc
nommée débat d’idées. C’est une « situation dans laquelle les élèves explicitent (grâce à
la verbalisation) et échangent des idées à propos des faits, en se fondant sur
l’observation ou l’expérience personnelle. Le débat peut concerner les résultats obtenus
durant l’action, le processus impliqué, et ainsi de suite » (Gréhaigne & Godbout, 1998b,
p. 114). Dans le débat d’idées, en plus de l’interdépendance, il existe une interaction
verbale qui est privilégiée entre les membres d’un même groupe. Pour accomplir une
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tâche bien déterminée, les apprenants présentent tour à tour leurs idées, analysent les
situations de jeu, formulent des hypothèses et proposent des réponses pour aboutir à
une décision finale collective sous forme d’actions en projet. Selon Adams et Hamm
(1990, p. 41), « une interaction verbale est valable lorsque la discussion du groupe
favorise l’effort d’attention dirigée et le développement des habiletés à sélectionner, à
rappeler, à analyser, à intégrer et à évaluer l’information ».
3. Méthodologie
6 Nous avons voulu connaître, à partir d’un questionnaire, les différents points de vue
des filles concernant le handball et les effets qu’ont eu l’observation et le débat d’idées
sur leurs compétences et la construction de leurs connaissances.
Le cycle de travail présenté ici comporte onze leçons : huit-séances d’apprentissage et
trois séances où le match occupe une place centrale. Un débat d’idées de trois minutes a
eu lieu après chaque situation de jeu (15 minutes) et ce dès la première séance
d’apprentissage. L’enseignant pose la première question « que s’est-il passé ? » et le
reste du débat - se déroule entre les joueuses sans aucune intervention de l’enseignant.
Plus précisément, afin de vérifier l’utilité de ces débats, un questionnaire, composé
d’une partie générale et d’une autre spécifique (Zerai, 2011), a été utilisé afin de vérifier
l’utilité de ces débats dans l’apprentissage des jeunes filles. La première partie du
questionnaire est consacrée au recueil de données qualitatives. La deuxième partie a
porté sur des données davantage quantitatives.
Dans cette étude, nous présentons les résultats de la première partie qualitative.
3.1. Echantillon
7 La population est constituée de deux groupes de filles tunisiennes. Chaque groupe est
composé de dix filles (5 joueuses et 5 observatrices). Le groupe A (10 joueuses) a été
soumis à la modalité d’apprentissage technique classique (situation d’apprentissage +
consigne) et n’a pas répondu à la partie concernant les observations du jeu. Le groupe B
(10 élèves) a été soumis à une approche fondée sur le jeu et l’utilisation systématique
du débat d’idées. Les filles ont répondu à la majorité des questions puisque les joueuses
ont observé le jeu et débattu ensemble ». Nous avons organisé deux équipes de 5
joueuses dans chaque groupe afin de constituer les équipes qui vont s’affronter.
Pendant que deux équipes s’affrontaient, les deux autres étaient chargées de tâches
d’observation pour lesquelles les filles ont été entrainées pendant une durée de deux
semaines avant le début du cycle de travail (Zerai, 2011) ».
3.2. Le questionnaire et la prévision d’analyse
8 Le questionnaire présenté aux apprenantes est formé d’une majorité de questions
ouvertes. Pour pouvoir analyser les données qualitatives extraites des réponses, nous
avons utilisé comme moyen méthodologique l’analyse de contenu. Dans la définition
classique donnée par Bardin (1977), l'analyse de contenu est « un ensemble de techniques
d'analyse des communications visant, par des procédures systématiques et objectives de
description du contenu des énoncés, à obtenir des indicateurs (quantitatifs ou non) permettant
l'inférence de connaissances relatives aux conditions de production/réception (variables
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inférées) de ces énoncés » (p. 43). Cette méthode permet de rendre les données recueillies
plus lisibles, compréhensibles et capables d’apporter des informations sur la
dynamique d’un texte. L’analyse de contenu peut aussi mettre en relief la nature des
relations existant entre les joueuses ainsi que la confirmation des hypothèses
concernant ces relations.
Pour la réalisation de notre travail, nous avons procédé par un repérage des idées
significatives et les avons rangées dans différentes catégories afin d’obtenir un modèle
pratique pour le traitement de ces données. Ainsi, les énoncés des joueuses sont codés
de manière à ce que le lecteur puisse déduire sans difficulté le contenu de chaque item.
Au cours de cette analyse, nous avons remarqué que des idées ont été formulées
plusieurs fois dans des contextes variés de discours. Nous avons ainsi regroupé tous ces
fragments de réponses dans les mêmes catégories thématiques. Celles-ci ont été
obtenues en tentant de repérer les unités sémantiques qui constituent l'univers
discursif de l’énoncé. Dans ces conditions, il s'agit de produire une reformulation du
contenu de l’énoncé sous une forme condensée et formelle. Pour réaliser cette tâche, on
procède en deux étapes : le repérage des idées significatives et leur catégorisation.
Ainsi, par la catégorisation, nous obtenons une modalité pratique pour le traitement
des données brutes. Cette méthode a pour but de dégager les éléments sémantiques
fondamentaux en les regroupant à l'intérieur des catégories. Les thèmes sont des unités
sémantiques de base, c’est-à-dire qu'ils sont indifférents aux jugements ou aux
composants affectifs. Les éléments sont classés dans des catégories thématiques
formalisables dans des affirmations simples, explicites et exclusives les unes des autres.
Dans notre démarche de recherche, nous avons pris en considération le fait que les
énoncés ne sont pas des entités isolées, des phénomènes en soi, mais qu’ils évoluent
dans un contexte distinct de celui du jeu. En d’autres termes, pour cette partie de
travail nous avons commencé par organiser le contenu des représentations en des
catégories cohérentes afin d’identifier quels sont les traits communs des idées qui
partagent ces logiques. Ensuite, nous avons fait un retour au contenu des réponses pour
chercher les éléments qui expliquent symboliquement ces différences d’orientation. Il
n’y a pratiquement pas eu de difficultés pour affecter les occurrences lors de l’analyse
de contenu, car les réponses des filles étaient claires, précises et, la plupart du temps,
sans nuances et peu équivoques.
4. Résultats
9 Nous allons, maintenant, présenter les résultats dans l’ordre des questions et
caractériser les réponses au questionnaire du groupe B.
Tableau I. Réponses des élèves du groupe B
Qu’as-tu appris sur l’activité handball ? Items retenus
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Il s’agit d’une activité collective qui demande beaucoup de planification
et d’organisation individuelle et collective.
Règlement et organisation du jeu.
J’ai appris qu’il s’agissait d’une activité qui demande un travail collectif,
une organisation, mais aussi elle nous a donné le plaisir de jouer.
C’est une activité qui se joue collectivement et non pas un jeu individuel.
Un jeu qui se joue en groupe et il n’y a pas de jeu individuel.
L’organisation de l’équipe et du jeu.
Organisation
collective
C’est une activité qui demande beaucoup d’efforts.
Qu’elle est composée de deux parties : défense et attaque. Et que toutes
les deux sont importantes.
Un nouveau jeu qui a son propre règlement et sa manière de jeu
différente des autres jeux.
Une activé différente des autres sports collectifs.
Organisation du jeu
Dis ce que tu as bien aimé dans les séances Items retenus
La confrontation avec l’adversaire tout en sachant qu’il y a quelqu’un qui
me soutient. On forme ensemble un groupe donc on est toutes
responsables de réaliser notre but commun.
J’ai bien aimé l’ambiance dans laquelle nous avons appris cette activité.
Durant les séances, nous nous sommes entraidés à bien jouer, la
collectivité et la façon de traiter le jeu (analyse et discussion). Je peux
confirmer que c’est la première fois et c’est nouveau pour moi : j’ai
jamais été un élément responsable et efficace dans un groupe. A cause de
ces séances d’entraînement je le suis.
Organisation
collective
Le règlement du jeu ainsi que son organisation.
L’organisation des situations d’apprentissage (sous forme de jeux).
La méthode avec laquelle on a appris les différentes techniques : passe
réception (sous forme de jeux).
Planification du jeu
Ce travail collectif qui nous a amenées à gagner la majorité de nos
matchs.
L’organisation du groupe et des situations d’apprentissage ainsi que
l’esprit avec lequel on joue.
La nouvelle forme d’organisation des situations d’apprentissage.
Analyse du jeu
Qu’est-ce qui est important en handball pour gagner ? Items retenus
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•
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•
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•
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•
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En plus de la condition physique et la préparation psychologique, c’est
d’appliquer les consignes et surtout de suivre une stratégie collective, de
respecter les rôles au sein du groupe et d’éviter les solutions
individuelles.
La tactique de jeu, il faut une stratégie avant de commencer.
Application des règles du jeu et suivre une stratégie commune. Mais le
plus important c’est de travailler au sein d’un groupe.
Maîtriser la technique de jeu (passe, réception…) et suivre une stratégie
bien déterminée. Respecter les règles du jeu et maîtriser les techniques
de jeu ainsi que suivre une stratégie tout en prenant en considération
qu’il s’agit d’un sport collectif où toute l’équipe doit participer afin de
réaliser le but commun.
Planification du jeu
Organisation de l’attaque et de la défense.
L'élaboration d'une stratégie de jeu avant de commencer.
Se coordonner avec les partenaires.
Jouer comme étant un seul joueur.
Travailler en groupe en respectant les rôles et les capacités.
Organisation
collective
Qu’est-ce que tu crois avoir bien fait dans ce cycle de handball ? Items retenus
J’ai bien participé en attaque et en défense. J’ai intercepté la balle, j’ai
marqué les attaquantes et j’ai marqué des buts.
J’ai aidé mes partenaires à gagner. J’ai participé en attaque et en défense.
J’ai bougé sur tout le terrain et j’ai perturbé l’adversaire.
J’ai essayé d’aider mes partenaires à réaliser notre but.
J’ai appris le rôle de la gardienne et je l’ai bien aimé.
J’ai bien participé à la défense (mieux qu’en attaque).
Marquer des buts et défendre avec mes amies.
Apprendre le règlement du jeu et l’appliquer correctement.
Ajouter un plus pour mon équipe.
Organisation
collective
J’ai bien défendu notre but.
J’ai bien participé à l’attaque et j’ai marqué des buts.
Participation aux
différentes phases
du jeu
Qu’est-ce que tu as moins bien fait ? Items retenus
Le marquage des adversaires.
Quelques fautes de règlement.
Je n’ai pas bien suivi les adversaires.
Perte de temps.
Mes tirs ne sont pas tous réussis.
Accepter quelques buts.
J’ai raté des occasions de tirs.
J’ai raté quelques occasions de tirs.
Aspects technico-
tactique
Les périodes de concertation avant ou entre les matchs t’ont-elles
aidée ? Dis pourquoi.Items retenus
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Bien sûr. Lorsqu’on est sur le terrain on ne peut pas tout contrôler donc
la discussion entre les matchs et même après nous a aidées à avoir une
idée sur tout ce qui passe lors du match.
Absolument j’ai appris l’existence d’autres points de vue qui nous a
beaucoup aidées à avancer dans le jeu.
Oui. A chaque fois quand le jeu reprend je remarque une amélioration au
niveau du jeu que ce soit sur le plan individuel ou collectif.
Oui du fait qu’à chaque fois on revoit les fautes commises et on
réorganise le jeu d’une manière différente que la précédente. Prendre
conscience des fautes commises, avoir une idée sur tout ce qui se passe
lors du jeu et qu’on ne peut pas le voir lorsqu’on joue.
Compréhension du
jeu
Oui, ces périodes sont consacrées à la discussion des différents points de
vue, chacun essaye de présenter sa propre interprétation.
Bien sûr, suite à ces périodes, j’ai remarqué une diminution des fautes,
plus de concentration sur le jeu ; déplacement, placement, adversaire…
Oui, j’ai pu savoir ce qui se passe durant tout le match.
Oui, parce qu’elle m’a facilité la compréhension du jeu.
A partir des discussions on a pu déterminer les différents points de vue.
Analyse du jeu
Que t’ont-elles appris ? Items retenus
Être compréhensive et accepter les autres opinions.
Importance de la discussion au sein du groupe pour l’amélioration de
l’apprentissage.
Organisation
collective
L’importance et le rôle de l’observation et de l’interprétation du jeu
entre les joueuses, ce qui facilite l’apprentissage de ce genre de sport.
Le travail collectif facilite l’apprentissage surtout lorsqu’il s’agit d’une
nouvelle activité.
Une meilleure compréhension du jeu, de son organisation et
l’importance de la discussion.
Compréhension du
jeu
La discussion permet une meilleure compréhension du jeu.
Ne pas commettre les mêmes fautes, de pouvoir dépasser les obstacles
rencontrés brusquement.
Pour réussir un jeu collectif il faut travailler en groupe. Il n’y a pas place
pour le travail individuel.
Collectivement on apprend mieux qu’un individu seul. Le savoir se
construit à partir des expériences individuelles et des expériences des
autres.
Seule on ne peut pas tout gérer car on ne peut pas tout observer. Le fait de
discuter nous a beaucoup aidées dans notre connaissance et nos savoirs.
Analyse du jeu
Les observations
Qu’ont–elles apporté sur le plan collectif ?Items retenus
Une meilleure compréhension et planification du jeu.
Une meilleure organisation du jeu.
Une meilleure appréciation du jeu. Confrontation des idées et
élaboration d’une solution collective.
Compréhension du
jeu
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Accentuer la motivation en plus de la rectification des fautes.
Déterminer la stratégie de l’adversaire et essayer de soustraire les points
forts et les points faibles de ce groupe.
Ensemble on organise mieux le jeu, la répartition des rôles des joueuses
dans le groupe.
Planification et
Organisation du jeu
Une complémentarité entre les filles du même groupe.
Participation de toute l’équipe au jeu, une participation efficace et
productive.
Travailler en groupe c’est s’aider l’une l’autre.
L’effet de travail en groupe sur l’apprentissage.
Organisation
collective
Qu’ont–elles apporté sur le plan individuel ? Items retenus
La responsabilité et la confiance en moi.
La responsabilité au sein du groupe est une responsabilité commune.
Le fait d’être un membre du groupe n’ignore pas le statut individuel.
L’expérience individuelle est une partie intégrante de l’expérience
collective.
L’importance de chaque membre dans l’équipe.
Il faut mieux discuter avec l’autre pour mieux apprendre et comprendre.
Seule on ne peut pas gérer une tâche réservée au groupe.
Le groupe n’est pas une juxtaposition des individus mais c’est un travail
de collaboration.
Organisation
collective
Mieux maîtriser quelques techniques comme la passe longue. Mieux
défendre le but.
Aspects technico-
tactique
10 L’analyse des réponses présentées dans le tableau I montre un accord encore plus
important à la fin qu’au début de l’apprentissage, des joueuses concernant l’importance
du travail collectif. La responsabilité de chaque membre est engagée pour maintenir la
cohésion et la cohérence du fonctionnement du groupe. Pour ces filles, la
compréhension, l’analyse et l’interprétation des phénomènes qui surviennent lors du
jeu seraient primordiales pour la planification des stratégies pour la rencontre à venir
et pour maintenir la cohésion du groupe. La majorité des filles du groupe B insiste sur
l’utilité de l’observation et du débat d’idées entre les séquences de jeu pour apporter
des corrections collectives, puis individuelles.
5. Discussion à partir des résultats des questionnaires
11 L’idée de proposer un débat d’idées entre les séquences du jeu en handball suscite
seulement un doute dans l’esprit de quelques élèves. En pratiquant cette méthode
d’apprentissage, les filles ont pu se construire des idées claires sur ce qui est nécessaire
d’apprendre pour réaliser leurs tâches dans l’équipe. En effet, il existe plusieurs
réponses ou attitudes distinctes chez la joueuse, qui peuvent constituer une réponse
adaptative satisfaisante, en face d'une même configuration du jeu (Gréhaigne, Billard &
Laroche, 1999). D’où l’intérêt d’étudier les réponses des élèves à la suite des débats
d’idées pour décrire l’évolution de la pensée tactique des joueuses. Pour cette analyse
nous proposons que les "connaissances en action" reposent sur la construction de
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connaissances partagées, le débat d’idées et la communication, la compréhension de
l’acte tactique ainsi que la prise de décision.
5.1. Construction de connaissances partagées
12 Les résultats de notre étude et notre interprétation des réponses des élèves montrent
que ces derniers s’engagent dans les tâches collectives d’apprentissage d’une manière
variée et relativement indéterminée en fonction des différentes interactions. Dans un
premier temps, les filles n’ont aucun plan de jeu pré-établi. Cependant, les joueuses
font aussi apparaître des formes spécifiques d’activités collectives qui témoignent de
phénomènes qui caractérisent une communauté de pratique en cours d’élaboration par
un engagement mutuel autour de normes et de valeurs communément admises. Nos
observations de l’évolution des discussions de groupe au cours des trois séances
montrent en effet que cette activité collective se construit de façon hypothétique entre
les élèves. La légitimité des actions est sans cesse renégociée ; l’équilibre du groupe est
toujours menacé en raison des dynamiques distinctes des apprenants (Zerai &
Gréhaigne, 2014). L’exemple de la « négociation de stratégies » permet même de
pointer une forme de construction « conflictuelle » de connaissances au niveau des
sports collectifs, questionnant la réalité d’un engagement mutuel et des connaissances
partagées entre élèves. Ainsi, les filles du groupe expérimental semblent davantage
construire que celles du groupe témoin, à un niveau collectif, des « îlots de cohérence
locale » (Durand, Saury & Sève, 2006, p. 65) se concrétisant par les actions qu’elles
défendent et les connaissances qu’elles construisent et partagent de façon plus ou
moins étendue au sein du groupe. Pour le questionnaire, en répondant à la question sur
les observations, « Qu’ont-elles apporté sur le plan collectif ? », des joueuses affirment
par exemple : « Le sport collectif est une complémentarité entre les filles d’un même groupe » ;
« La participation de toute l’équipe est une participation efficace et productive » ; « Travailler en
groupe c’est s’aider l’une l’autre ».
Les résultats font apparaître qu’une performance collective, par exemple l’application
adéquate de règles du jeu par les joueuses, peut reposer à la fois sur un partage inégal
de connaissances entre les élèves et sur des phénomènes d’ajustements. Ces derniers ne
mettent pas en jeu l’apprentissage des règles elles-mêmes, mais plutôt un
apprentissage du degré de confiance qu’il est possible d’accorder aux compétences de
ses partenaires. Cependant la construction et le partage de la connaissance montrent
que les filles ne construisent pas les mêmes idées. Quelques-unes mobilisent et / ou
construisent des connaissances relatives aux règles du jeu, alors que d’autres
construisent des connaissances relatives aux compétences de leurs partenaires dans la
maîtrise de ces règles.
Ainsi, dans des situations de coopération, les joueuses accordent souvent leur confiance
à leurs partenaires pour prendre en charge des responsabilités. Néanmoins, elles
exercent une plus ou moins grande surveillance des membres du groupe. Elles peuvent
parfois tenter d’influencer les choix de leurs partenaires lorsqu’elles mettent en doute
la pertinence de leurs interprétations et des actions dans la situation. Ces tentatives
d’influence sont plus ou moins dissimulées selon les normes collectives du domaine
d’intervention considéré, le statut des différentes joueuses et leur position dans le «
réseau de compétences » (Gréhaigne et al. 1999) et la connaissance distribuée dans
l’intelligence collective (Cicourel, 1994 ; Grosjean & Lacoste, 1999). L’apprentissage
évolue donc à travers les interactions collaboratives. Pour Durand et collaborateurs.
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(2006, p. 73), « les interactions au sein des communautés de pratiques constituent un
compagnonnage cognitif : chacun pratique et aussi aide et évalue les autres membres ». Ceci
permet, de surcroît, une plus grande participation des élèves à leurs propres
apprentissages (Ensergueix, Lafont & Cicero, 2006).
5.2. Débats d’idées et communication
13 Le débat d’idées est considéré pour l’apprenant comme un moyen de découvrir ses
véritables compétences afin qu’il s’investisse réellement dans son apprentissage et soit
l’artisan de son propre savoir (Lesnes, 1977). Une progression dans les apprentissages
aura lieu lorsque l’enseignant aura fait de la classe un lieu actif d’écoute, de doute, de
tâtonnement, de questionnement, de découverte, d’échange, de partage et de
mutualisation. Dans le cadre de cette étude, l’apprentissage est un acte social qui
nécessite la mobilisation de toutes les attentions. En ce qui concerne l’apprentissage en
sport collectif, on ne peut pas ignorer que les apprentissages croisent le langage et
l’action. Cela permet aussi à l ‘apprenant de développer ses compétences transversales,
ce qui donne naissance à un apprentissage utile, efficace et réutilisable. Il s’agit donc de
donner aux filles des occasions pour apprendre à résoudre des problèmes, à réussir, à
construire un cheminement cognitif personnalisé et à s’évaluer. La valorisation du
langage aide les élèves à développer une conscience de la logique cachée dans le jeu
afin de les aider à ce qu’ils construire des significations de l’action. Cette organisation
propose des conditions qui s’avèrent prometteuses et porteuses pour aider des élèves
en difficulté face à des situations qui leur semblent rébarbatives.
A la lumière de cette étude, l’apprentissage n’a de sens et ne s’inscrit dans une logique
d’efficacité que s’il répond aux critères suivants :
mettre l’apprenant dans des situations de communication avec ses partenaires ;
développer chez lui des compétences communicationnelles ;
lui donner constamment la parole pour parler de lui, de son milieu, de ses interaction de
valoriser ses productions et ses performances en optant pour une auto et co-évaluation ;
lui permettre de se distancier par rapport à ce qu’il fait, pour développer des stratégies
personnalisées : sens critique, curiosité, questionnement, remise en question, reformulation.
5.3. La compréhension de l’acte tactique
14 La compréhension de l’action tactique (Gréhaigne & Godbout, 1998 b ; Malho, 1969) et la
réflexion consciente à propos de la tâche sont deux éléments importants du processus
de la prise de décision. Les étapes de la compréhension de l’action tactique peuvent
ainsi être caractérisées (Bunker & Thorpe, 1982) :
La forme de jeu ou le traitement didactique de l’activité en proposant des jeux réduits ;
L’appréciation en jeu ou la compréhension des règles, des contraintes spatio-temporelles et
du but à atteindre ;
La prise de conscience des aspects tactiques et des principes d’action communs ;
La prise de décision avec une différenciation entre le « quoi faire ? » et le « comment
faire ? » ;
L’effectuation ou la production motrice en rapport avec la situation et les compétences
motrices du joueur ;
L’évaluation de la prestation en jeu, permettant une classification des joueurs selon la
pertinence des réponses et l’efficacité de l’action des compétences motrices.
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15 Ces caractéristiques soulignent la priorité accordée à la compréhension et à
l’apprentissage tactique par rapport à des joueuses qui découvraient les sports
collectifs.
5.4. La décision
16 L’intégration de la communication au cours d’apprentissages, plus précisément le débat
d’idées, produit une ingénierie complexe et remet en question l’ensemble de la
construction d’informations. Ce débat conduit à une prise de décision concernant le
problème rencontré. Cette décision représente l’ultime étape d’un processus cognitif.
Vedel (1990, p. 76) définit la prise de décision comme « savoir réagir à un signal donné ;
être capable d’anticiper ; s’organiser ; faire le bon choix. Au niveau moteur, faire preuve d’action
spontanée et efficace dans les gestes ».
En sport collectif, les séquences de jeu nécessitent une adaptation collective au rapport
d’opposition. Ceci demande, de la part des élèves de considérer deux éléments
importants lors de la prise de décision :
la compatibilité et la pertinence des contributions individuelles de chaque joueur ;
les coordinations temporelles en vue de l’efficacité des actions motrices.
17 Au cours de cette phase, les filles prennent en considération les facteurs déterminants
du jeu et décident d’appliquer les consignes et surtout de suivre une stratégie
collective, de respecter les rôles au sein du groupe et d’éviter les solutions
individuelles. En d’autres termes, les stratégies peuvent s’établir ou s’actualiser
pendant les arrêts de jeu ou lors de débats d’idées. Durant cette étape, les apprenants
envisagent le rapport de forces, les moments pertinents pour réagir, les phases de jeu
et aussi les ressources de l’équipe. Parce que les sports collectifs sont caractérisés par
une interactivité continue, porteuse d’incertitude, les filles sont constamment amenées
à prendre des décisions visant la régulation et l’adaptation aux configurations
mouvantes du jeu. En fonction des différentes phases du jeu, les élèves ont posé des
questions, relevé des indices pour construire de l’information, proposé différentes
réponses aux problèmes rencontrés et sont confrontés à la multiplicité des réponses.
C’est en quelque sorte un moment d’utilisation et / ou d’émergence des connaissances
et des compétences. Ce stade de décision permet de prendre une décision globale, de
concevoir la logique et l’orientation générale de la réponse à apporter à la situation
analysée précédemment. Il consiste en une sélection parmi les divers comportements
possibles pour ne retenir que celui qui paraît le plus adapté et fonctionnellement le
plus efficace au problème à résoudre.
6. Conclusion
18 L’utilisation du débat d’idées par les joueuses est sans doute une source importante de
leur progrès. C’est par les interactions langagières avec l’environnement social et sous
des formes variées que les filles ont été en mesure de structurer leurs pensées. Aussi, le
langage va donner du sens au jeu et créer des liens dans une construction-transmission
des savoirs en les invitant à expliciter les situations d’apprentissage ainsi que toutes les
stratégies utilisées ou utilisables. Au cours du cycle d’apprentissage, les joueuses qui
ont bénéficié d’un débat d’idées ont su pointer leurs réussites et leurs faiblesses,
échangé avec leurs pairs sur des actions en projet qui se sont révélées efficientes ou
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non. Elles ont pu également développer des compétences langagières non seulement
dans le domaine de la communication, mais aussi du point de vue de l’évocation en plus
des compétences purement didactiques et méthodologiques (cf. programme EPS
tunisien).
Notre étude confirme les résultats de la littérature concernant la double fonction
pragmatique de la communication : une fonction de communication externe utilisée
pour faciliter la compréhension des tâches à travers les échanges verbaux entre les
membres du groupe et une fonction de communication « interne à l’individu » lui
permettant d’intérioriser les caractéristiques de la tâche. Cette communication
langagière est un agir pratique, relationnel, réflexif. Il existe donc plusieurs opérations
dans le même acte de langage : évaluer, réconforter, orienter, formuler une question
nouvelle, étayer et ponctuer, s’adresser à un partenaire et à l’ensemble du groupe tout
en tentant d’y prendre sa place. Dans la même unité didactique de quelques minutes,
les joueuses doivent gérer les tâches, (ré) évaluer l’avancée du travail (par exemple,
l’utilité de la stratégie déjà planifiée) et les relations entre elles. Il s'agit donc de mettre
les compétences d'analyse et d'intervention acquises au service des apprentissages en
relation avec les tâches à réaliser afin que celles-ci interviennent dans le cadre général
du jeu (prise collective de décisions, recherche collective de solutions, interactions dans
les projets de l’équipe).
Ce modèle didactique est celui qui propose une approximation suffisante pour être
opératoire par rapport aux problèmes donnés et aux procédures de résolution des
élèves. Son appropriation suppose que le modèle puisse être discuté, qu'il puisse
fonctionner dans différents champs d'application. Il peut être rectifié ou complexifié
par interaction en y intégrant les conséquences des expériences nouvellement
réalisées. L’utilisation de sources d’informations multiples et croisées a permis
d’obtenir des données sur les facettes externes et internes de l’activité d’apprentissage
en sport collectif. En préservant une certaine rigueur dans la démarche et en ayant
pour souci de clarifier les différentes étapes de notre travail, nous pensons, au niveau
tunisien, avoir contribué au développement d’une didactique scolaire des jeux
collectifs.
Pour l’avenir et en partant de cette étude, nous envisageons d’approfondir les
perspectives suivantes : perfectionner et valider plus avant l’utilisation de données
qualitatives et quantitatives dans des démarches d’apprentissage. Nous projetons
également de nous intéresser aux modalités d’intervention pour améliorer les
compétences motrices et des connaissances tactiques des élèves débutantes. En
construisant son savoir, l’élève passe d’un système interprétatif sommaire à un autre, à
la fois plus complexe et plus simple. Si l’on considère qu’un élève en situation
didactique interagit dans un univers particulier avec l’enseignant et ses pairs, on peut
dire qu’il expérimente une véritable activité réflexive qui mobilise sa pensée critique et
ses facultés interprétatives.
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croisée du langage, de la pratique et des savoirs (pp. 177-199). Berne : Peter Lang.
ANNEXES
Nom : ………… Numéro de maillot N° ….. Couleur de ton équipe
L’an passé j’étais en classe : ………………
Après avoir vécu un cycle de hand nous aimerions que tu répondes aussi
précisément que possible aux questions suivantes :
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Qu’as-tu appris sur l’activité hand-ball ? Est-ce nouveau pour toi ?
……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………
Etais-tu motivée avant le cycle ? …………………………………………
Dis ce que tu as bien aimé et moins bien aimé dans les séances ? Est-ce nouveau pour
toi ?
……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………
Qu’est-ce qui est important en hand-ball pour gagner ?
……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………
Qu’est-ce que tu crois avoir bien fait dans ce cycle de hand-ball ?
……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………
Qu’est-ce que tu as moins bien fait ?
…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………
Les périodes de concertation avant ou entre les matchs :
T’ont-elles aidée ? Dis pourquoi ?
……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………
Que t’ont-elles apprises ?
……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………
Les observations :
Qu’ont–elles apporté sur le plan collectif ?
……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………
Qu’ont–elles apporté sur le plan individuel ?
……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………
La vidéo (entourer une réponse) : - t'a encouragée ? - t’a gênée ? - tu l’as ignorée -
(autre)
Bilan général de 1 à 5
1 2 3 4 5
Pas du tout satisfait Peu satisfait Moyennement satisfait Assez satisfait Très satisfait
Une seule croix par ligne 1 2 3 4 5
Ton impression sur ta performance dans l’équipe
Ton impression générale par rapport au temps de jeu ?
Par rapport à ce que tu attendais avant le cycle
Ton impression sur ta place au sein de l’équipe
Ton impression sur l’organisation en jeu de ton équipe
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RÉSUMÉS
En sport collectif, le débat d’idées entre élèves aide le joueur à traiter plus vite les configurations
perçues en dévoilant certains éléments du jeu. Utilisant les résultats d’un questionnaire auquel
ont répondu 20 filles de niveau lycée, nous allons démontrer que l’intégration d’un débat d’idées
au cours d’apprentissages produit une ingénierie didactique complexe et remet en question
l’ensemble de la construction d’informations. Pour l’interprétation, nous avons procédé par un
repérage des idées significatives que nous avons classées suivant des catégories pour obtenir un
modèle pratique en vue du traitement des données. Les principaux résultats montrent que chez
les filles, la compréhension, l’analyse et l’interprétation des phénomènes qui surviennent lors du
jeu sont primordiales pour la planification des actions en projet pour la rencontre à venir. En
effet, bien qu’il soit largement admis que les interactions langagières participent favorablement
aux apprentissages, à partir des données recueillies, nous faisons l’hypothèse que leur prise en
compte n’est pas immédiate en EPS. Dans ce contexte, le débat permet aux élèves de prendre
conscience de leurs conceptions et de les mettre à l’épreuve en les soumettant à leurs pairs, qui
sont susceptibles de les critiquer et donc de contribuer à leur évolution.
In team sports, the debate between students helps players process more quickly perceived
configurations of play by revealing elements of game-play. Using results of a questionnaire
completed by 20 high school girls, we will show that the integration of a debate of ideas during
learning produces a complex didactical engineering and challenges the entire information
building process. For interpreting results, we identified all significant ideas and classified them
into categories that would offer a practical model for data processing. Main results show that for
girls, understanding, analyzing and interpreting phenomena that occur during game-play are
essential for the planning of actions considered for the upcoming match. Indeed, it is widely
accepted that language interactions contribute positively to learning. We hypothesize that taking
them into account might not be immediate in physical education and sport. The debate allows
students to become aware of their conceptions and to put them to the test by subjecting them to
their peers, who are likely to criticize them and thus contribute to their development.
INDEX
Mots-clés : apprentissage, sport collectif, débat d’idées, filles
AUTEUR
ZEINEB ZERAI
ISSEP Ksar Saïd, Tunis, Tunisie et GRIAPS, Université de Franche-Comté, France
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L’enseignement et l’apprentissagede la tactique en sports collectifs :des précurseurs oubliés auxperspectives actuellesJean-Francis Gréhaigne
1 Un décalage important entre les différents courants de recherche sur l’enseignement et
l’apprentissage des sports collectifs semble souvent séparer les conceptions des
spécialistes et chercheurs du monde anglophone avec ceux des autres langues. C’est le
cas particulièrement dans un certain nombre de pays d’Europe comme la France, le
Portugal, l’Espagne ou l’Italie. C’est grâce à des discussions fréquentes avec des
collègues de par le monde et à l’occasion des congrès de l’Association Internationales
des Ecoles Supérieures d’Education Physique (AIESEP) que nous avons pris conscience
de ce décalage dans les perceptions des experts sur les fondements de la recherche dans
ce domaine. Bien qu’en utilisant souvent les mêmes mots, les chercheurs de par le
monde n’y rattachent ni les mêmes faits, ni les mêmes concepts. Ce constat nous a
amenés à reprendre quelques données historiques et contemporaines sur l'évolution de
l'apprentissage et des conceptions sur l’enseignement / apprentissage des jeux et
sports collectifs (JSC) afin de tenter de mieux comprendre les enjeux actuels de la
recherche à propos de ces thèmes. Cet exercice devrait permettre de mieux interpréter
l’évolution des courants de recherche concernant l’enseignement des JSC et mieux
aider les professeurs d’EPS à comprendre les enjeux des nouvelles méthodes
d’enseignement / apprentissage qu’ils peuvent utiliser auprès de leurs élèves. Enfin,
nous proposerons une analyse didactique de l’approche tactique en sport collectif que
nous caractérisons comme une approche socio-sémio-constructiviste visant à
renouveler les fondements de l’apprentissage des élèves
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1. A propos des débats théoriques sur les modèlesd’enseignement des sports collectifs
2 Pour nous d’abord, un modèle d’enseignement est une représentation fonctionnelle et
simplifiée d’un agencement spécifique d’activités et d’interventions. Ce modèle est basé
sur une conception particulière des caractéristiques de l’élève et de l’apprentissage
dans un but d’éducation. Il constitue un guide pour l’élaboration des contenus du cours,
pour le choix des activités ainsi que pour l’animation des interactions entre les élèves
et l’enseignant. Ainsi, les fondements de l’enseignement des JSC sont basés
habituellement sur des modèles ayant des visées bien différentes. D’une part, certains
professeurs d’EPS utilisent un modèle d’enseignement dit traditionnel qui vise à
développer les habiletés motrices de base (habiletés techniques) à travers la répétition
de gestes. Or, comme nous le verrons, ces modèles ont démontré leur efficacité pour
l’apprentissage des habiletés motrices isolées, mais ne permettent pas aux joueurs de
mieux comprendre le jeu et de choisir le moment approprié pour exécuter l’action en
question. Cet aspect est essentiel dans les JSC où la proximité des coéquipiers et
adversaires amènent les joueurs à choisir les meilleures actions possibles leur
permettant de marquer des buts et empêcher l’adversaire d’en marquer. À l’opposé,
plusieurs modèles basés sur la compréhension du jeu sont maintenant utilisés dans les
écoles et nous semblent beaucoup plus appropriés pour faire apprendre les fondements
tactiques à la base des JSC. Ces modèles fondés sur la compréhension ont été
développés par plusieurs chercheurs de nombreux pays au cours des dernières
décennies. Le texte qui suit présente quelques données chronologiques qui permettent
de développer une revue de questions élargie sur les études portant sur l’enseignement
et l’apprentissage des JCS pour montrer leurs origines (trop souvent oubliées) et
pointer les perspectives. Une revue de la littérature comme celle-ci comporte toujours
une part de subjectivité et pour ce travail, nous avons choisi de présenter les travaux
des auteurs emblématiques concernant ce thème de l'approche tactique. Ce texte
s’inspire principalement des travaux de Godbout et Gréhaigne ainsi que des références
du TGFU sub interest group en relation avec différentes présentations aux congrès de
l'Association pour la Recherche sur l’Intervention en Sport (ARIS) et de l'Association
Internationale des Ecoles supérieures d’Education Physique (AIESEP).
2. Quelques moments de la réflexion tactique en JSC
3 La première remise en cause de l’omnipotence du modèle technique et individualiste
qui a longtemps été à la base de l’enseignement des jeux et des JSC date principalement
du début des années 60 (Dyotte & Ruel, 1976). À cette époque, la suprématie de l’équipe
de hockey sur glace d’Union Soviétique était notable dans les grandes compétitions
internationales. Grâce à un jeu d’attaque collectif, basé sur la rapidité et fait de passes
avec une remarquable circulation des joueurs qui inter changeaient de positions avec
une très grande cohésion, les joueurs de l’ex URSS surpassaient leurs adversaires dans
toutes les phases du jeu, même les joueurs professionnels nord américains. La doctrine
mise en place alors affirmait que l’on ne peut pas gagner un match en ne jouant que
défensivement, à moins d’avoir de la chance. Aussi, l'équipe d’Union Soviétique
développa un jeu où les joueurs permutaient continuellement pour mieux confondre
les défenses adverses, par opposition au hockey pratiqué à l’époque au Canada, où
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chacun restait davantage figé dans sa position et ne se déplaçait que d'avant en arrière,
avec peu de liberté (Dyotte & Ruel, 1976). L’entraîneur soviétique, Anatoli Tarasov,
prônait un jeu de possession collectif. Au lieu d'envoyer le palet en zone adverse et de
partir à sa poursuite ou encore qu’un joueur tente de déjouer, seul, l’opposition, les
joueurs soviétiques cherchaient à toujours en garder le contrôle et à progresser par des
passes, toujours destinées à un joueur libre et en mouvement. Lorsqu’ils étaient en
possession du palet, cette équipe était la première à ne pas prioriser à tout prix une
direction de jeu unique vers l’avant à la faveur d’un meilleur contrôle du jeu (Dyotte &
Ruel, 1976).
Par ailleurs, les entraîneurs soviétiques à l’époque ont également introduit
l’observation systématique de certaines phases de jeu. Par exemple, à partir
d’observations chiffrées avec le pourcentage d'entrées de zone réussies, le pourcentage
de palets perdus, les contre-attaques menées par les défenseurs, etc., les entraîneurs et
joueurs étaient en mesure de mieux comprendre le jeu des adversaires afin de profiter
de leurs faiblesses. Ces observations systématiques étaient beaucoup plus détaillées que
les principales statistiques de jeu prises à l’époque par les autres entraîneurs ou
spécialistes du hockey sur glace.
3. Le travail d’avant garde de Frédérich Mahlo et dequelques autres
4 Ensuite, le travail de Frédérich Mahlo (1965 et 1966 pour sa publication en allemand)
constitue un référent pour les JSC. Il établit des relations entre des connaissances
fondamentales et une méthodologie propre aux JSC. « Le fait de résoudre par l'action des
problèmes en situation de jeu oblige le plus souvent à ordonner avec discernement la situation
problématique et la solution et cela apporte au joueur des connaissances subjectivement
nouvelles. Comme l’activité en jeu représente dans son essence même, la solution de nombreux
problèmes, apparaissant dans telle ou telle situation, la pensée tactique, en tant que processus
intellectuel de cette solution, est une composante indissociable de cette activité » (Mahlo, 1969,
p. 29). Au plan des présupposés théoriques, il nous semble justement que Mahlo a été
influencé par la théorie de l’activité au sens psychologique telle que développée par
Léontiev (1957 ; 1972 pour un ouvrage en langue française) à la suite de Vygotsky
(1933).
Figure 1. Les phases de l’action de jeu selon Mahlo (1969)
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5 L'analyse de l'action tactique dans les jeux sportifs (figure 1) est donc, en définitive,
l'analyse de l'activité en jeu elle-même. Cette attitude vis-à-vis de l'analyse de l'action
de jeu fait qu’il existe une interaction entre les fonctions psychiques et la forme réelle
ou le type d'activité pour les joueurs. Lorsqu'on analyse l'action tactique, il faut donc
partir de ses formes concrètes spécifiques et des signes qu’elle génère.
La solution motrice est en rapport avec le choix des réponses et le moment de leur
exécution. Ayant reçu et filtré les informations recueillies sur les configurations du jeu,
le joueur doit maintenant décider de l'action appropriée. L'expérience, le répertoire de
réponses disponibles, la mémoire, le savoir tactique, les sensations, le jugement et
l'activité mentale ont un impact direct sur la détermination du « quoi faire » et du
« quand le faire ». De plus, certains facteurs psychologiques tels que l’expérience, la
motivation, la place et le statut dans l'équipe ou la confiance influencent aussi cette
décision. Le mouvement ou l'action motrice qui en résulte est par conséquent le fruit
d'une décision réfléchie, complexe et volontaire.
Ainsi pour Mahlo, toute activité de jeu est un acte forcément tactique, quel que soit le
niveau où se situe le joueur. Il consiste à résoudre pratiquement, et dans le respect des
règles primaires de l’activité, un grand nombre de problèmes posés par les diverses
situations de jeu. Dans cette complexité, nous pouvons, néanmoins, distinguer
différents niveaux d’abstraction qui consistent à :
réfléchir collectivement sur les données concrètes de la situation en liaison étroite avec la
perception et le jeu ;
utiliser la pensée tactique liée au jeu, mais dépassant la situation concrète. Cela opère un
rapprochement entre la situation telle qu'elle a été reconnue et des règles, des principes, des
réponses. En bref, ce sont la culture et l’expérience au sens de Vygotsky (1933) qui sont
constituée par les traces des savoirs techniques sédimentés au fil du développement de
l’activité des joueurs pratiquant des sports collectifs ;
recourir à une pensée tactique abstraite qui n'est pas directement liée à l'acte de jeu, mais
qui opère à l'aide de représentations figurées ou de généralisations abstraites pour apporter
des réponses aux problèmes posés.
6 Ce type de travail sera poursuivi en Allemagne par Barth (1978, p. 288) qui, dans un
article concernant la stratégie dans les sports d'opposition, parle « d'intelligence de
jeu, qui doit permettre une pensée logique, flexible, originale et critique, garantissant
l'engagement optimal des habiletés tactiques et permettant des modifications
autonomes de l'action selon les circonstances ». Dans l’article de Barth (1980), les
termes stratégie et tactique sont déjà bien différenciés et modélisés.
Au Québec, Caron et Pelchat (1974, 1975) développeront la notion de « langue de jeu ».
Cet objet d’étude est indispensable en vue d’apprendre à jouer en équipe avec la
production d’actions en projet. A cet effet, les auteurs proposaient des modèles
empiriques et théoriques pour le développement de la tactique en basket-ball et hockey
sur glace. Ainsi, la mise en évidence de la « structure du jeu » est un préalable
indispensable pour construire la logique du jeu autour de laquelle les actions des
joueurs peuvent s'élaborer et s'organiser. L'alternative fondamentale dans les JSC est
constituée par la double relation entre continuité du jeu avec les partenaires et
opposition avec les adversaires.
Pour les joueurs, le développement de la pensée tactique, qui fonctionne par
imprégnation et par apprentissage, est nécessaire en vue de résoudre les problèmes
posés par les configurations momentanées du jeu. Dans le cas contraire, les joueurs
sont amenés à apprendre schématiquement voire mécaniquement et donc à jouer de
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même. La réflexion sur la nécessité de combiner les données du jeu et l'exigence de
l’auto-information devient primordiale dans les situations d’apprentissage où
l’information provient de l’extérieur (les pairs, l’enseignant ou l’entraîneur).
4. L’évolution des théorisations et des conceptions enFrance
7 En France, les années 1965-1969 marquent un tournant dans la réflexion sur
l'enseignement des formes de jeux à l’école.
4.1. Les pionniers de l’innovation pédagogique
8 Tout d'abord, le colloque de Vichy sur l'enseignement des JSC (1964-65) est organisé
autour de 3 thèmes : les principes communs à tous les Jeux Sportifs ; la formation du
joueur depuis l'initiation jusqu'à la compétition ; la place du maître dans
l’apprentissage de telle ou telle spécialité. Une liaison théorie / pratique est proposée
avec une organisation de la classe (équipes premières et réserves), structurée en club A
et B avec un calendrier (progression en vue de compétition).
La détermination des thèmes de jeu va du simple au complexe (systématique des JSC) et
du général au particulier. La méthode préconisée définit le rôle de l'entraînement avec
une pédagogie adaptée pour tous les élèves. Puis, les écrits relatifs au stage de l’AEEPS
(Amicale des Anciens Élèves de l'ENSEPS, 1966) nous paraissent constituer un autre
support pour analyser les conceptions dominantes du moment. A cette époque, trois
problèmes majeurs étaient abordés sous un angle nouveau : l'acte moteur, le rapport de
forces entre les équipes et les modifications à envisager dans le comportement des
joueurs.
L'acte moteur ne doit pas être pris isolément, mais compris dans un ensemble dans
lequel les données perceptives jouent un rôle majeur. Le match, conçu comme un
rapport de forces, doit être analysé dans une perspective dynamique afin d'identifier la
structure sur laquelle repose l'organisation de l'équipe. Le joueur devient donc
l’élément d'un ensemble structuré permettant la réalisation d'un objectif.
L'apprentissage consiste ainsi à modifier l'organisation sensori-motrice du pratiquant à
partir d'une intériorisation par celui-ci de la structure de la situation en relation avec
l’expérience qui se construit. L'entraînement perd son aspect cumulatif et surtout
s'appuie sur des processus cognitifs : perception et reconnaissance de signaux,
intériorisation de structures, etc. La progression dans l'apprentissage devient
« organique », c'est-à-dire qu'elle prend en compte l'histoire originale vécue par le
joueur intégré dans une équipe donnée. Cette équipe est elle-même confrontée à
d'autres équipes dans le cadre d'une sorte de championnat. Les contenus ne sont plus
définis a priori, mais sont élaborés à partir d'une analyse par le professeur des
différents matchs.
A la même époque, les travaux de Robert Mérand (1989) et de la Fédération Sportive et
Gymnique du Travail au sein de son Conseil Pédagogique et Scientifique s’inscrivent
dans une perspective originale et ambitieuse : construire des savoirs de la pratique
enrichis par un apport de connaissances scientifiques intégrées à la motricité
(Vandevelde, 2006). La publication de 1974 à 1978 de mémentos à propos des JSC (par
exemple Marsenach & Druenne, 1974) où les jeux à effectif réduit en situation
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d’affrontement sont systématiquement utilisés, constitue une évolution importante de
la théorisation sur les jeux. Mérand (1977) conceptualise l’idée fondamentale qui
organise l’essentiel du renouvellement de l’épistémologie scolaire des JSC en écrivant «
l’approche empirique des caractéristiques de l’activité adaptative en situation de jeu, c’est-à-dire
lorsque le joueur est confronté aux contraintes et aux possibles du règlement du jeu et du
rapport de forces » (p.11). La mise au point d’outils d’observation pertinents tel « l’espace
de jeu effectif » constitue un autre point fort de ce travail.
4.2. Les pionniers de la recherche
9 Par ailleurs, Teodorescu (1965) vise à mettre en évidence des principes pour l'étude de
la tactique commune aux jeux sportifs collectifs. L’auteur se consacre au
fonctionnement interne de l'équipe à l’aide d’analyses (techniques, tactiques....) très
précises. Les organisations offensives et défensives sont caractérisées par « des bases,
des principes, des facteurs » qui constituent un inventaire très complet de l'ensemble
des éléments à prendre en compte pour le bon fonctionnement d'une équipe. Même si
ce type d'inventaire reste parfois formel, il concourt à une meilleure compréhension de
la structure d'une équipe et des modalités de l’affrontement en soulignant la nécessaire
coordination réciproque des actions individuelles et collectives. L’autre contribution de
cette approche, par rapport aux méthodes d’enseignement traditionnelles basées sur le
découpage en morceaux élémentaires des aspects gestuels chers au technicisme, a
consisté à changer la conception d’une équipe. Le groupe de joueurs n’est plus la
somme des individus qui la composent, mais un ensemble structuré et dynamique en
vue de la réalisation d'un projet commun. Il doit exister une coordination réciproque
des actions individuelles et collectives à partir de principes généraux pour mieux
comprendre et organiser le jeu. Enfin, Teodorescu (1977) montre aussi l'importance de
la notion de plan de jeu (préparation directe de la compétition) et présente une
pédagogie instructive où l'assimilation des données repose sur la répétition.
Pour Deleplace (1966, 1979) et Villepreux (1987) au rugby, techniques et tactiques
collectives de base doivent être approfondies en même temps dans leur rapport de
réciprocité. Un sport collectif ne s'enseigne pas par chapitres successifs, qu'il suffirait
d'accumuler les uns après les autres dans le temps, pour aboutir au jeu complet. Il faut
tout au long de la formation conserver le jeu réel, source de l'intérêt en même temps
que champ d'expérience… Pour l'enseignement, la solution, préconisée par ces
pionniers, réside dans l'utilisation de jeux à effectif réduit… Enfin, la clef de voûte des
problèmes dans les JSC réside toujours dans une vue claire des liens vivants du jeu, qui
sont le produit des éléments objectifs suivants : les courses des attaquants et des
défenseurs avec leurs directions et leurs changements de direction, leurs vitesses et
leurs changements de vitesse (changement de rythme) ; la vitesse, la direction et le sens
du déplacement de la balle. Pour chercher à saisir la vie du mouvement dans sa totalité,
il faut donc appréhender ensemble le mouvement du ballon et le mouvement des
joueurs dans une réciprocité nécessaire des deux équipes antagonistes. Nous
présentons (Figure 2) les éléments permettant de caractériser ces liens inhérents à
l’opposition en rugby.
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Figure 2. Les liens d’opposition en rugby selon Deleplace (1979)
10 La gestion par les joueurs de ces liens d’opposition repose sur une prise d’information
pertinente des signaux fournis par le jeu. Cela nécessite aussi une compréhension
commune et des comportements variés et adaptables permettant la suppléance dans les
rôles provisoires en fonction du contexte situationnel. Dans cette optique, les prises
d’information constituent le fondement de la disponibilité motrice et tactique du
joueur. Cette nécessaire « conscientisation » permet au joueur d’orienter le jeu en
possédant un schéma abstrait qui rend compte, de façon opératoire au niveau mental,
de la logique d'action correspondant à la situation évolutive particulière à laquelle se
rapporte la configuration du jeu en cours. Cela se réalise de façon opératoire, c'est-à-
dire d'une façon qui permet au joueur d'agencer les éléments du jeu. Il le fait
particulièrement grâce à la possibilité d'anticipation mentale dans l'élaboration d'une
suite de décisions au fil de l'action.
A la suite du travail de Deleplace, la pédagogie des modèles de décision tactique
(Bouthier, 1986, 1988 ; David, 1984 ; Diaz, 1983 ; Reitchess, 1983 ; Stein, 1981…) « postule
que l'intervention des processus cognitifs est décisive dans l'orientation et le contrôle
moteur des actions. Elle suppose que la présentation des repères perceptifs significatifs
et des principes rationnels de choix tactiques organise de façon majorante les effets du
passage à l'acte, y compris en termes de qualité de l'exécution » (Bouthier, 1986, p. 85).
Ces résultats d’études montrent néanmoins un réel intérêt pour l’étude de ces
problèmes que représentent les processus cognitifs mis en œuvre par les joueurs
pendant le jeu. Pour illustrer les travaux effectués autour de la pédagogie des modèles
de décisions tactiques (PMDT), nous nous appuierons sur les recherches effectuées par
Bouthier (1984). L'idée centrale de ce modèle didactique repose sur l'hypothèse que la
présentation des informations essentielles et relatives à l'orientation tactique des
actions se produit en situation de deux contre deux. Elles sont ensuite mises en oeuvre
dans des unités tactiques relativement isolables du jeu. Cette méthode donne de
meilleurs résultats sur l’apprentissage et les performances des joueurs que les deux
autres méthodes pédagogiques à la base de l’étude de Bouthier (pédagogie des modèles
d'exécution qui repose sur l’apprentissage par le joueur de solutions efficaces produites
par les experts, et pédagogie des modèles auto-adaptatifs, s’appuyant sur des variations
judicieuses d’aménagement du milieu pour faire découvrir les solutions et développer
les habiletés (Lenzen, Poussin, Deriaz, Dénervaud, & Cordoba, 2010). Sans pouvoir
apporter de preuve définitive de ce constat, cette étude suggère que la PMDT comporte
une légère supériorité.
De leur côté, Méot et Plumereau (1979, p. 59) signalent que « l’enseignement d’un jeu
sportif collectif ne peut être réduit à un apprentissage (par imitation et répétition)
d’une gamme de gestes techniques, comme une « série de réponses » correspondant à
une série de « situations problèmes ». La perspective d’acquérir une attitude de
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décision permet au joueur d’opérer un choix pour agir dans une situation déterminée,
entre autres, par les paramètres suivants :
la situation topographique du ballon dans l’espace proche ;
les éléments corporels intervenant sur le ballon ;
les distances avec les autres joueurs (partenaires, adversaires).
11 Ici, l’activité perceptive et décisionnelle devient première. On constate que l’intérêt est
déjà sur des aspects de tactique individuelle. Méot (1982) ajoute que la formation doit
consacrer du temps au développement de l’aptitude à observer fidèlement et
méthodiquement, car l’absence de données fiables sur la réalité du jeu entraîne une
connaissance empirique éphémère. Ainsi, l'ouvrage de l'Amicale des Enseignants
d'Éducation Physique (1984) propose un bilan de dix ans des stages de sports collectifs à
Montpellier et en conclut que chacun est maintenant persuadé que la rénovation de
l’enseignement des JSC passe par :
une place privilégiée faite à la réflexion sur les contenus d’enseignement ;
la mise en œuvre d’une évaluation en cohérence avec l’évolution des pratiques
pédagogiques.
12 Il est souligné que la pédagogie ne doit plus viser exclusivement le développement
d'habiletés spécifiques, mais viser le développement des capacités et compétences
porteuses de potentialité de transfert. Dans le jeu, l'élaboration de réponses nouvelles
dépend de la pression temporelle à l'intérieur d'un match (vitesse d'élaboration des
réponses). Il faut donc jouer « avec » et « sur » le temps dont on dispose pour
apprendre.
4.3. Des aspects institutionnels
13 Enfin, au plan plus général et de façon concomitante aux travaux des précurseurs en
France, la rénovation des programmes en 67 mettait en perspective un changement de
paradigme dans l’enseignement des sports collectifs. En effet, les Instructions
Officielles françaises d’éducation physique (IO) qui, en 1967, introduisaient, de fait, les
activités physiques et sportives à l’école. Ces instructions débutaient par ces mots :
« l'organisation des activités physiques et sportives, en milieu scolaire et universitaire,
et l'insertion du sport, phénomène social et culturel, dans les programmes
d'enseignement, soulèvent un certain nombre de problèmes pédagogiques ».
Aussi me paraît-il indispensable de préciser la notion d'éducation physique et desituer cette discipline parmi les autres et de définir son domaine et d'introduire,entre les activités physiques et sportives qui en constituent la matière, unecohérence qui est le préalable indispensable à l'élaboration d'un programme »(Ministère de la Jeunesse et des Sports : Ministère de l'Éducation Nationale, 1967,p. 1).
14 Dans cet ensemble, la place des activités sportives est prépondérante. Dans la majorité
des cas, la compétition constitue une excellente motivation et le meilleur moyen de
contrôler les résultats obtenus. Avec le programme détaillé des activités concernant les
JSC, il est précisé que la connaissance des niveaux de jeu par le professeur, pouvant
s’appuyer sur l’observation mutuelle entre équipes, doit permettre de constater les
insuffisances et de choisir les exercices techniques ou tactiques adaptés aux possibilités
des élèves, aux progrès qu’ils sont susceptibles d’accomplir et au niveau de jeu qu’ils
peuvent atteindre. On est bien dans la même perspective de ce que l’on a appelé ensuite
dans le monde anglophone » à la suite de Siedentop (1983) « Sport Education » et qui a
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fourni un cadre curriculaire pour un enseignement adapté des activités physiques et
sportives, sans leur faire perdre leur sens, en vue d’atteindre les objectifs fixés par le
programme de l’école. Pour plus de précision sur ce thème, on peut consulter « Sport
Education : Une orientation curriculaire nord-américaine » de Amade-Escot (1997).
Par ailleurs, concernant plus spécifiquement le football, Worthington (1974) présente
une modélisation basée sur celle initialement développée par Wade (1967). La force
concrète de ce modèle réside dans l'idée simple de diminuer le nombre de joueurs sur
le jeu et de n'utiliser que six rôles ou positions de jeu, à savoir trois en attaque
(attaquant premier, deuxième et troisième attaquant) et trois en défense (le défenseur
premier, deuxième et troisième défenseur), pour fournir une compréhension pratique
des principes de jeu. Dans ce modèle, les rôles de premier attaquant, deuxième
attaquant et troisième sont liés aux principes respectifs de pénétration, de profondeur
offensive et de mobilité. D'autre part, les rôles de premier, deuxième et troisième
défenseur sont liés aux principes respectifs d’empêcher la pénétration, de construire la
profondeur défensive et de maintenir l'équilibre défensif.
Dans sa thèse, avec le dessein de rendre compte plus objectivement des stratégies
utilisées dans une rencontre de football, Wilkinson (1978) remarque que la plupart des
publications reposent souvent sur l'intuition des entraîneurs à succès. Elles sont
teintées de subjectivité et très fréquemment d'une valeur scientifique modeste. Cela le
conduit à définir une nouvelle discipline d'enseignement de la stratégie sportive en «
faisant appel à la théorie générale des systèmes, à l'utilisation de modèles cybernétiques, à la
théorie de l'information, à la théorie mathématique des jeux, à des modèles statistiques et à la
connaissance individuelle de la discipline sportive considérée » (p. 27). Cette nouvelle
discipline permet d'obtenir des données fiables sur le jeu des joueurs à partir de
modèles connus. Dans un deuxième temps, Wilkinson s'attache à définir les
composantes de la stratégie sportive. Il identifie un grand nombre d'observables
concernant le football (Gréhaigne, 1989) et montre que, même avec des moyens
modestes, une analyse peut être réalisée et fournir des informations sensiblement plus
précises que celles données dans la plupart des cas. Celles-ci ont une signification dans
deux directions : d'une part, on peut développer des stratégies à long terme à partir de
régularités individuelles pour son équipe ; et d'autre part, on peut obtenir des
informations précises grâce à l'analyse de l'adversaire. Malheureusement, faute d’un
modèle intégrateur de ces observables, ce travail n’aboutit pas à des propositions
didactiques.
5. Les années 80 et le « big bang » de l’enseignementpour la compréhension1 chez les anglophones
15 Les années 1982 / 84 apportent un certain nombre de développements au niveau de
l'évolution de la recherche et de la didactique des JSC. Tout d'abord, en France, un
nouveau texte concernant l'évaluation et la notation de l'éducation physique au
baccalauréat remplace les barèmes nationaux en athlétisme, gymnastique, natation par
une évaluation dans trois activités physiques et sportives enseignées 12 semaines dans
l'établissement. Ceci entraîne une profonde réflexion et amène un colloque sur
l'évaluation en EPS (SNEP, 1984) qui fera date. A la même époque, l'Université de
Loughborough publie un premier document sur l'approche par des jeux visant la
compréhension (Bunker et Thorpe, 1982). Avec très peu de références théoriques,
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excepté une vague référence à Wade (1967), une réflexion sur la didactique et la
pédagogie des JSC est proposée. Les différents thèmes abordés concernent les
classifications des jeux, les règles, l'approche par le jeu et la compréhension. Ils
proposent un modèle que nous présentons à la figure 3.
Figure 3. Modèle de Bunker et Thorpe (1982) pour l'enseignement des JSC
16 Bien que restant peu testée en termes d’études scientifiques au moment de sa parution,
la force de « l'approche l’enseignement du jeu pour la compréhension » de Bunker et
Thorpe (1982) est de mettre l'accent sur la tactique consciente et les procédures de
prise de décision avant la sélection des habiletés motrices et leur exécution. Souvent, ce
qui discrimine les experts des débutants est leur capacité à prendre les décisions
appropriées au regard du jeu (Thomas, French, & Humphries 1986). Ainsi, « Game
sense » (Den Duyn, 1997) est une approche qui développe un sens plus large de l'activité
physique, car cette approche se concentre sur le développement de la pensée des
joueurs par la résolution de problèmes en utilisant des JSC. L'approche « Game Sense »
est une variante du modèle de Bunker et Thorpe, et cette approche s’est développée en
Australie à la suite d’une visite effectuée par Rod Thorpe en 1996. L'objectif de
l’approche est de placer le participant dans des situations où la prise de décision et la
résolution de problèmes sont au cœur de la réussite. La stratégie centrale pour
l'enseignement ou l’entraînement en utilisant l'approche « game sense » est
l'utilisation de questions destinées aux participants pour stimuler la réflexion sur le
jeu. Les jeux sont arrêtés à intervalles réguliers et les participants sont mis au défi de
réfléchir sur leur participation afin de faire évoluer le jeu.
Le problème récurrent à ces dernières approches fondées sur la réflexion sur le jeu
reste cependant la façon de questionner les élèves : où, quand et comment ? En outre,
ces questions sont-elles ouvertes ou fermées ? Sont-elles utilisées en permettant des
débats uniquement entre élèves ou encore avec le professeur qui pose les questions et
apporte les réponses ? L’approche sera ainsi centrée sur les l’élèves, sur la matière
enseignée ou encore sur le maître, en fonction des choix effectués.
Dans leur affirmation, Kirk et MacPhail (2002) semblent méconnaître les avancées de la
théorisation sur la tactique dans l’enseignement des jeux sportifs collectifs telle
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qu’initiée par l’école soviétique, poursuivie par Malho et reprise en France dans le
domaine de la réflexion didactique en EPS.
Bunker and Thorpe (1982) first proposed Teaching Games for Understanding (TGfU)in 1982 as an alternative to traditional, technique-led approaches to games teachingand learning. Since then, TGfU has attracted widespread attention from teachers,coaches, and researchers (Rink, French, & Tjeerdsma, 1996). While there have beendevelopments of the Bunker-Thorpe approach in the work of researchers such asGriffin, Oslin, and Mitchell (1997), and Gréhaigne and Godbout (1995), there havebeen no attempts to revise the Bunker-Thorpe model itself (p. 177).
17 Parfois, on a l’impression que ce qui n’est pas connu dans le monde anglophone n’existe
pas…
6. L’évolution de part le monde
18 A partir de 1985, les Américains s'intéressent de nouveau à ce type de problème avec
une série de publications qui tentent de montrer la validité d'un enseignement par le
jeu avec les prises de décision comme élément central (voir Tableau I).
French et Thomas (1987) ont ainsi trouvé que les jeunes joueurs de basket apprenaient
à prendre des décisions justes plus rapidement dans le contexte du jeu que par
l'apprentissage d'habiletés techniques. Dans leur recherche, un léger progrès dans les
habiletés motrices était observé tout au long de la saison mais au moment du test, rien
de significatif ne fut trouvé pour l'effectuation en jeu. French et Thomas (1987)
soutiennent que ceci était dû à la quantité de pratique consacrée aux stratégies (au sens
américain du terme c’est-à-dire sans différenciation entre stratégie et tactique) plutôt
qu'au développement des habiletés motrices du basket-ball.
Lawton (1989) a de son côté travaillé avec des joueurs de badminton de 12 à 13 ans
ayant eu une approche combinant la technique et la compréhension. La durée de
l’étude de Lawton fut de six semaines. Elle révéla qu'il n'y avait pas de différences
significatives pour les connaissances des élèves en badminton dans le temps ou en
fonction des approches. Lawton a émis l'hypothèse que l'échec à trouver des progrès
significatifs sur les connaissances au post-test pouvait provenir du fait que le pré-test
surestimait le niveau initial des sujets sur l'appréciation tactique, bien que les élèves
n'aient aucune expérience préalable du badminton.
Turner et Martinek (1992) quant à eux ont préconisé une période expérimentale plus
longue que les six semaines de l’étude de Lawton ce qui, d'après eux, aurait peut-être
produit des éléments plus stricts pour différencier l'approche jouée de l'approche
technique ainsi que leurs effets sur les connaissances des élèves. Gréhaigne (1994)
montrera qu’après 6 à 7 leçons, des différences significatives apparaissent en faveur de
l’approche tactique.
Tableau I. Quelques travaux américains sur l'apprentissage par le jeu
AuteursFrench & Thomas,
1987Lawton, 1989
Turner &
Martinek, 1992Turner, 1993
Activités
supportsBasket-ball Badminton Hockey / gazon Hockey / gazon
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98
Population Élémentaire Secondaire Secondaire Élémentaire
Durée Un an 6 semaines (1h) 6 semaines Un semestre
DispositifExpt / Novice
Test
3 groupes : Jeu /
Tech. / Contrôle
4 x 4
Fiche / Parcours4 x 4
Éléments
analysés
Connaissances,
Compétences
motrices
Prise de décision
Connaissances
déclaratives et
procédurales
Testent deux
approches des
sports collectifs
Connaissances
déclaratives et
procédurales
RésultatsEffet sur les
connaissances
Pas de résultats
significatifs
Pas de résultats
significatifs
Effets sur les
connaissances
déclaratives
19 Comme pour la pédagogie des « modèles de décision tactique », Riley et Roberton (1981)
ont montré que plus les joueurs pratiquent les JSC, plus ils sont capables de s'adapter
au jeu. Ils postulent que si une trop grande place est faite au développement des
habiletés motrices, ceci construira par la suite des individus qui seront forts au plan
technique, mais incapables d'utiliser correctement les stratégies (toujours au sens
américain de l’époque) de jeu. L'intégration et l'utilisation des instructions stratégiques
et techniques au temps juste doivent avoir un impact sur la performance.
Une autre étude menée par French et Thomas (1987), et qui s'étalait cette fois sur une
saison entière, a trouvé un effet principal significatif relatif au temps nécessaire en vue
d’un apprentissage, pour l'ensemble des élèves, aussi bien experts que novices. En
parallèle, les résultats du groupe contrôle restaient constants du pré-test au post-test.
Ils en ont déduit qu'une base de connaissances déclaratives est nécessaire pour le
développement des connaissances procédurales et que les enfants qui sont tous
débutants manquent souvent d'une somme suffisante de ces deux sortes de
connaissances. A la fin de leur expérience, les élèves étaient encore novices en termes
de connaissances de base. En outre, Thomas, French, Thomas et Gallagher (1988)
soutiennent que « le développement des connaissances procédurales, nécessaires pour
prendre des décisions correctes dans le jeu, prend un temps considérable et de longues
heures de pratique » (p. 186).
Mac Pherson et French (1991) indiquent que de débuter l'apprentissage par la
technique ou par le jeu doit avoir un impact sur les connaissances et sur le jeu. Ils
indiquent aussi que les connaissances (déclaratives) des élèves et les prises de décisions
dans le jeu augmentent de façon spectaculaire quand l'approche fondée sur le jeu est
utilisée quasi exclusivement en premier.
Concernant le problème général des connaissances mises en jeu, les résultats des études
restent contradictoires et devraient faire l'objet dans l'avenir de travaux plus
approfondis. Les différences constatées entre les résultats dans la littérature peuvent
être expliquées par l'âge des sujets et les variations dans les modes d'enseignement
(Turner & Martinek, 1992). Les études de Mac Pherson et French ont porté sur des
joueurs de tennis adultes et débutants et non pas sur des élèves de sixième. Les
étudiants participant aux études de Mac Pherson et French avaient aussi à faire des
lectures obligatoires sur le jeu pendant leurs activités à l'université en supplément à
eJRIEPS, 35 | 2015
99
l'apprentissage. Cette pratique pédagogique ne faisait pas partie de notre étude à
l’époque.
Dans une étude similaire relative au badminton, Rink, French et Werner (1991)
examinèrent les effets de trois traitements différents (approche tactique,
développement des habiletés techniques et une combinaison entre les deux) sur la
capacité de jeu de joueurs débutants (étudiants de 9ième, soit environ 14-15 ans). Ils
n’ont trouvé aucune différence significative. Par contre, la relation entre les habiletés
motrices et la tactique individuelle en jeu au post-test confirme les recherches de
French et Thomas (1987). Leur étude sur le basket-ball indique que le tir et la conduite
de balle sont reliés aux composantes du jeu et à l'effectuation. La relation entre une
habileté technique comme le tir et les actions tactiques individuelles en jeu indique que
les élèves sont plus performants dans les situations de jeu à cette étape. A ce propos,
Anderson (1982) et Chi et Rees (1983) suggèrent que l'acquisition des connaissances
déclaratives constitue les fondements pour un bon développement de connaissances
procédurales et permettent aux élèves de savoir quoi faire dans les situations
spécifiques de jeu. Toutefois, Mac Pherson et French (1991) pensent que les sujets
peuvent sélectionner une certaine réponse dans un contexte de jeu donné et ainsi
montrer des procédures d'exécution correctes, sans nécessairement en connaître la
raison.
Enfin dans ce genre d’études, les résultats sont rarement statistiquement significatifs
car la mesure des apprentissages et de la performance des joueurs est assez complexe.
Le petit nombre de sujets et la dispersion des réponses expliquent aussi ce fait. On peut
identifier seulement des tendances d'évolution comme bien souvent dans ce genre de
recherche de terrain. Néanmoins, cette catégorie d'expérimentation devrait permettre
aux enseignants de se faire une idée sur la méthode d'enseignement qu'ils peuvent
choisir dans les JSC ainsi que de leurs effets sur les performances des élèves. Cela peut
les aider à répondre aux questions du type : « Vaut-il mieux enseigner l'aspect
technique ou tactique du sport collectif ; Quelle place accorder à la technique ? » etc.
Figure 4. Modélisation des différentes approches d’enseignement des jeux et sports collectifs(adapté de Gréhaigne, 1989)
20 Une tentative de synthèse pour résumer l’ensemble des approches d’enseignement des
JSC pourrait se ramener à ce schéma de principes (Figure 4) permettant une approche
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100
macroscopique de la conception dominante employée par un formateur dans
l'enseignement des JSC. Cette analyse factorielle n'a pas de valeur normative. Par
contre, elle vise simplement à caractériser ce qui est proposé aux élèves, permettant
peut-être de mieux comprendre comment se sont développées les études sur ces
thèmes.
En développant cette idée d’approche tactique, Gréhaigne (1988, 1989) constate dans sa
thèse que, dans l'apprentissage classique des sports collectifs, on cherche avant tout à
enseigner aux élèves des gestes techniques et à imposer de l'ordre sur le terrain, sous
forme de répartition formelle. Pourtant, l'opposition de l’adversaire dans un match
engendre de l'imprévu et la nécessité constante de s'adapter aux contraintes issues de
l'affrontement. Un match n'est que très rarement la simple application de
combinaisons tactiques apprises à l'entraînement. Ainsi, dans le jeu, on ne peut bien
souvent envisager que des probabilités d'évolution des configurations de l'attaque et de
la défense. De là l'importance d'activités heuristiques permettant de traiter plus vite les
problèmes posés par l'interaction spécifique des deux équipes. Il convient de
distinguer, dans l'utilisation des savoirs, quelle est l'activité du joueur en match et
quelle est celle du joueur dans les jeux réduits. En situation de jeu complet, l'élève
mobilise toutes ses ressources disponibles (perceptives, attentionnelles, décisionnelles,
émotionnelles, énergétiques, motrices…) dans des conditions de pression temporelle
qui le conduisent, dans la plupart des cas, à gérer ou à anticiper les actions des
adversaires. C’est à lui de prévoir les déplacements et actions que l'évolution probable
du jeu appelle de sa part.
En situation de jeux à effectif réduit, l'activité du joueur relève toutefois d'une autre
logique. D'une part, la contrainte temporelle peut être réduite, voire supprimée.
D'autre part, il s'agit pour lui de construire des savoirs, compétences perceptives,
décisionnelles et motrices, par une succession d'essais, en vue de transformer et
d'optimiser ses réponses motrices. L'élève peut ainsi fixer son attention sur un point
précis du jeu et explorer l'ensemble des connaissances et leurs variables que la
situation a permis d'identifier. La notion centrale d'opposition dans le jeu amène donc
à considérer les deux équipes comme des systèmes organisés en interaction. Les
caractéristiques structurelles de ces systèmes consistent en un programme modifiable
en fonction de l'expérience acquise et leur principale propriété fonctionnelle est
l'apprentissage. Les conditions de fonctionnement de ces systèmes en sport collectif
font qu'ils ont à gérer avant tout du désordre tout en préservant un certain ordre
permettant de décider dans un environnement non complètement prévisible a priori.
En poursuivant les propositions de la pédagogie des modèles de décision tactique,
Gréhaigne (1997) ainsi que Gréhaigne, Godbout et Mahut, (1999) proposent un modèle
d’apprentissage basé d’abord sur le jeu et la tactique mise en œuvre. La figure 5 propose
un schéma construit sous forme spiralaire qui souligne à la fois la continuité des
apprentissages et le caractère évolutif et non cyclique des opérations qui permettent
ces apprentissages. Les formes et les règles adoptées dans les différents jeux réduits
jalonnent et ponctuent le processus permettant l'évolution des élèves.
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101
Figure 5. Modèle de décision tactique ou en anglais Tactical Decision Learning Model (TDLM)(Gréhaigne & Godbout, 1998)
21 Ainsi, dans ce modèle, les élèves sont mis, dès l’initiation, en activité dans des jeux
réduits. Après une observation appropriée, des retours d’informations de natures
différentes peuvent compléter les évaluations intrinsèques de chaque joueur. En
fonction de ces données et en créant des périodes de discussions entre les joueurs après
les séquences de jeu (débats d’idées), chaque équipe met au point un premier projet
d'action, qui sera ensuite essayé dans le jeu. Après la séquence de jeu, de nouvelles
observations permettront d’apprécier l’efficacité des actions en projet, entraînant
d’autres propositions pour une évolution constante du plan de jeu. Après une nouvelle
séquence de jeu, les élèves peuvent percevoir l'émergence des constantes de divers
aspects de la rencontre. Cela peut conduire à l'élaboration d’une nouvelle action en
projet avec la mise en place de liens entre les règles d'action, les règles d'organisation
du jeu et les compétences motrices. Après avoir testé son nouveau projet d'action,
l'équipe peut utiliser les résultats des observations pour apprécier les aspects positifs et
négatifs de leur plan de jeu. Donc, tous les joueurs construisent progressivement des
connaissances tactiques. Une fois stabilisés, ces éléments d'apprentissage peuvent être
complexifiés ou réutilisés dans un autre sport collectif afin d’engager un processus de
généralisation. Aussi, dans ce modèle, on peut repérer trois types de situations
d'enseignement / apprentissage :
les situations d'action où les élèves sont en activité motrice ;
les situations d'observation ;
les situations de »débat d'idées« qui sont des situations dans lesquelles les élèves
s'expriment et échangent à propos du jeu.
22 Le débat d'idées est une pièce centrale d'une conception sémio-constructiviste (Wallian
& Gréhaigne, 2004) voire socio-sémio-constructiviste de l'apprentissage des sports
collectifs. Il consiste en une discussion entre les joueurs après une séquence jouée.
Cette discussion est basée sur un retour d’informations chiffrées à propos de la
performance des joueurs et est destinée à faire évoluer ou non les actions en projet de
•
•
•
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102
l'équipe en revenant sur le score, sur la stratégie prévue et en analysant la tactique
appliquée lors de la séquence.
7. D’autres recherches et controverses sur l’approchetactique
23 Plusieurs chercheurs et professeurs d’EPS ont soumis des craintes plus ou moins
fondées par rapport à l’utilisation d’une approche dite tactique sur les différents
aspects de l’enseignement de l’éducation physique chez les élèves.
7.1. D’autres recherches sur l’efficacité comparée de l’enseignement
des JSC
24 Ainsi, Chen, Martin, Sun et Ennis (2007) ont tenté de comparer les deux approches
(techniques et tactiques) en regard de leurs effets sur la condition physique (fitness)
des élèves. L’objet était de vérifier si l’approche constructiviste en EPS, qui semble
moins axée sur l’implication motrice des élèves, peut induire une quelconque
diminution de la condition physique ou une détérioration des ressources des
participants. En effet, certains spécialistes pouvaient prétendre que le temps
d’engagement moteur et le temps de pratique des participants peuvent être diminués
en raison de la durée des débats d’idées ou de l’efficacité des méthodes ou activités
d’apprentissage utilisées dans une approche constructiviste comparativement aux
approches traditionnelles. Les résultats de cette étude ont démontré initialement que le
niveau de dépense énergétique des élèves était considéré de modéré à faible, peu
importe les approches utilisées en EPS. Par ailleurs, les mesures des connaissances
acquises par les participants dans une approche constructiviste ont été
significativement supérieures aux autres approches pour des élèves de 4ième à la 6ième
année (entre 9 et 11 ans). Au final, bien que quelques différences semblent exister entre
les deux approches selon le type d’activité enseignée dans les cours, il ne semble pas y
avoir une différence significative au niveau de l’effet d’une approche ou d’une autre sur
la condition physique des élèves. Par ailleurs, les auteurs soulignent qu’au niveau
motivationnel, des différences importantes favorisant une approche constructiviste ont
été constatées. Deux explications ressortent de ces travaux : les élèves se sentent
davantage impliqués dans l’organisation des activités et ils considèrent que ce à quoi ils
jouent ressemble davantage au jeu réel.
Dans le deuxième type d’études qui compare l’efficacité de l’approche technique à celle
fondée sur le jeu, deux enjeux sont pris en compte :
il importe de savoir comment préparer la séance pour améliorer le sens de l’apprentissage
en EPS et déterminer comment se construisent les savoirs (Azzarito & Ennis, 2003 ; Azzarito,
Solmon, & Afeman, 2003 ; Brooker, Kirk, Braiuka, & Bransgrove, 2000 ; Pissanos & Allison,
1993 ; Rovegno, 1998) ;
il importe de comprendre comment l’apprenant développe et construit la tactique en cours
d’EPS (Rovegno, Nevett, & Barbiarz, 2001).
25 Les populations étudiées s’échelonnent généralement des enfants de CM1 (9-10 ans)
jusqu’à l’étudiant en formation et à l’expert enseignant d’EPS. Les études comparant
l’efficacité qui ont été répertoriées dans la présente étude utilisent pour la plupart des
protocoles quasi-expérimentaux avec des tests cognitifs liés à un sport, y compris des
1.
2.
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103
questions sur les connaissances tactiques. Ces études utilisent également des tests
standardisés qui mesurent les niveaux d’habiletés motrices. Des grilles d’observation
sont aussi utilisées pour mesurer la pertinence des prises de décision. La question au
centre de ces mesures est de savoir si les connaissances et les compétences motrices en
jeu sont modifiées par la participation à l’une ou l’autre des approches. Un
questionnaire mesurant le niveau d’appréciation des participants vient généralement
compléter les mesures effectuées pendant l’étude afin de déterminer dans quelle
mesure les apprenants ont apprécié leur expérience avec cette approche. Par ailleurs,
pour les études ayant pour objectif la description heuristique des faits, le protocole de
recherche utilisé est principalement de type qualitatif, comme l’observation
participante et l’observation clinique, l’entretien et le journal réflexif de l’enseignant,
ainsi que l’analyse des fiches de préparation des leçons.
Au final, les résultats concernant les études qui ont tenté de comparer les niveaux
d’efficacité des deux approches sont contrastés. Pour Griffin, Oslin et Mitchell (1995),
Mitchell, Griffin et Oslin (1995) et Turner et Martinek (1992), il n’y a pas de différence
significative en termes d’efficacité entre les deux approches avec des cycles courts (5 à
6 leçons). Cependant, l’étude de Turner et Martinek (1999) démontre que les élèves
ayant suivi l’approche tactique présentent une meilleure performance du jeu que dans
l’approche technique. Dans l’étude de Rink et al. (1996), les résultats démontrent que
les élèves ayant suivi une approche tactique obtiennent un meilleur score dans le test
de connaissances tactiques que ceux ayant suivi une autre approche. Par ailleurs,
Wright, Mc Neill, Fry et Wang (2005) établissent que le niveau d’exécution des
compétences motrices est meilleur chez les élèves ayant suivi un enseignement
tactique que celui des autres élèves.
La variété de ces résultats pourrait s’expliquer par des causes différentes : la durée du
cycle d’enseignement est variée d’une étude à l’autre ; l’âge de la population diffère
également entre les études ; les contenus d’enseignement des sports sont différents ;
l’efficacité de l’intervention du professeur d’EPS n’a pas été mesurée et comparée aux
résultats obtenus, etc. De plus, plusieurs mesures ont été faites de manière isolée et
n’ont pas considéré de manière systématique les différentes interactions pouvant
exister entre les variables comme le professeur d’EPS, ses compétences, sa
compréhension de l’approche, les activités d’apprentissage, les conditions dans
lesquelles ont été implantées ces approches, les expériences passées des élèves, etc. Peu
importe l’approche utilisée, la question de la préparation du milieu aboutit
nécessairement à la qualité et la pertinence de l’intervention de l’enseignant. Cet
enseignant doit avoir une connaissance pédagogique suffisante de l’approche en elle-
même, des contenus d’enseignement et des compétences d’enseignement associées à
l’approche utilisée (PCK ; pedagogical content knowledge) (Amade-Escot, 2000 ;
Rovegno, 1994 ; Siedentop, 2002) en plus de la clarté des attentes et apprentissages
visés. Sa compréhension du rapport entre les structures des contenus d’activités doit
être profonde et élargie. Il semble donc évident qu’il faut partir du point de vue de
l’élève pour améliorer le développement des connaissances de l’enseignant. De même, il
est nécessaire de préparer adéquatement le milieu afin qu‘il favorise l’apprentissage de
la coopération sociale chez l’enfant.
Pour ce qui concerne le développement et la construction des habiletés tactiques, les
résultats de Rovegno et al. (2001) montrent que l’habileté motrice de la passe et la
tactique de l’appel de balle sont hautement situées dans un contexte dynamique. Quand
les enfants jouent de cette façon, les défenseurs ont des tâches contraintes, c’est à dire
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104
qu’ils prennent davantage conscience des tentatives de l’adversaire de faire progresser
le jeu. Cela permet ainsi d’augmenter l’authenticité du jeu. Les élèves s’impliquent ainsi
dans un contexte social qui autorise un apprentissage signifiant au regard des contenus
enseignés.
7.2. L’interactionnisme discursif
26 Chang (2006) a exploré de son côté comment des élèves taïwanais de CM2 apprennent
en basket-ball avec une approche sémio-constructiviste, soit une approche « mettant
l’élève au cœur des processus d’appropriation/construction des savoirs dans et par
l’action » Makram (2012). Les trois aspects de l’étude se sont focalisés sur 1) l’analyse
des matchs, 2) les échanges verbaux dans le débat d’idées et 3) un test vidéo de
l’interprétation du jeu. Deux classes comparables ont été divisées en un groupe
expérimental suivant une approche constructiviste (17 filles ; 15 garçons), et en un
groupe témoin suivant un enseignement techno-centré (16 filles ; 16 garçons). Autant le
jeu de basket-ball que les échanges verbaux entre les participants ont été enregistrés
durant un cycle complet d’apprentissage (12h de pratique effective). La dynamique du
jeu a été, elle, analysée par une observation systématique, alors que les débats entre
élèves et les interprétations du test vidéo étaient transcrits, traduits et traités par une
analyse du discours.
Trois types de résultats sont ressortis de cette étude :
l’approche sémio-constructiviste implique la mobilisation d’un système complexe de
ressources (techniques, interprétatives, décisionnelles, sémiotiques et sociales) ;
l’évolution du rapport de forces pendant le jeu semble faire progresser l’organisation du jeu
et suscite la prise de décision tactique ;
la relation entre le langage et l’action s’améliore sous certaines conditions pendant
l’apprentissage en basket-ball.
27 En somme, si l’efficacité à court terme du modèle technique a été confirmée dans de
nombreuses recherches (French et al., 1991 ; Sweeting & Rink, 1999), les études qui ont
mesuré les effets à long terme prouvent que le modèle tactique démontre une plus
grande efficacité pour la performance en jeu que le modèle technique après 6 à 8
leçons. Différentes études, comme celles de Chang (2006), Zerai (2006), Berchebru
(2007), et Gréhaigne, Richard et Griffin (2005), permettent de constater que la période
de 6 à 8 leçons est la période nécessaire pour que les apprentissages en jeu commencent
à évoluer de façon significative. Avant cette période, des réponses nouvelles ne font
juste qu’émerger des élèves confrontés aux problèmes vécus en situation de jeu. Du
temps, de la pratique et de la réflexion sont essentiels pour que ces réponses
deviennent des réponses stabilisées et de qualité et qui seront disponibles comme
ressources pour l’élève dans les cycles à venir.
7.3. Le concept de « Team Cognition »
28 Dernier point, nous n’avons pas traité des analyses fondées sur l’approche par la
« Team cognition » (Cooke, Gorman, & Winner, 2007 ; Bourbousson & Seve, 2010), car
cette approche, importée de la psychologie (cognition appliquée), a malheureusement
tendance à oublier les adversaires… au profit d’une centration exclusive sur le groupe.
De plus, l’approche semble parfois confondre la notion d’équipe avec celle de couple.
1.
2.
3.
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105
Pourtant, dans sa thèse, Gréhaigne (1989) écrivait déjà que dans les JSC, la possession
ou non du ballon détermine des statuts différenciés : porteur de balle, partenaire du
porteur de balle, défenseur sur le porteur de balle, défenseur sur le partenaire du
porteur de balle. Aussi, il apparaît difficile de considérer la situation de 2 x 2 en jeu réel
comme une véritable situation de JSC car cela remettrait en cause la définition,
généralement admise, des JSC où un groupe affronte un autre groupe, « une modalité
originale d’exploitation de la dynamique des groupes restreints poursuivant un objectif commun
» (Mérand, 1977, p. 12). Or, Anzieu et Martin (1968, p 30) définissent « un groupe restreint
comme étant la réunion de trois à quinze personnes ». Gréhaigne (1989) proposait alors, que
le 3 x 3, c'est-à-dire un jeu qui réunit porteur de balle, réceptionneur éventuel 1,
réceptionneur éventuel 2, défenseur 1, défenseur 2, défenseur 3, soit la structure
minimale pour qu'il y ait réellement sport collectif. Ce 3 x 3 permet de passer de choix
binaires (je passe ou je conserve la balle) à des choix multiples : je garde ou je passe à J2
ou je passe à J3, conservant ainsi la complexité minimale pour que nous puissions
parler de sports collectifs. En dessous de cette structure, nous sommes dans des
situations de jeu pré-sport collectif qui ne rendent pas compte de cette complexité
minimale du jeu. Alors, le 2 x 2 représente une tâche partielle de jeu à résoudre dans
des cas bien précis et non pas « la plus petite micro-société des J.S.C. qui réalise un
affrontement équitable, structure originelle, réelle et profonde de l'ensemble des J.S.C » (Menaut
(1982), p 40).
Enfin, il est patent que la notion d’articulation du cours d’action entre joueurs
partenaires, si elle éclaire certaines dimensions de l’action située, ne permet pas de
rendre compte de la logique tactique collective au sein des relations d’opposition.
8. De l’enseignement des jeux pour la compréhensionà l’apprentissage du jeu à travers la compréhension :perspectives ouvertes par les recherches actuelles
29 Kirk et MacPhail (2002) notent que la notion de performance, située dans l’approche
TGFU, fournit une façon de comprendre la relation entre la forme de jeu d’une part, et
la conception préalable et alternative du joueur au jeu d’autre part (voir aussi
Gréhaigne & Godbout, 1998). Il est ainsi important pour les élèves de saisir le sens réel
du jeu selon l’activité pratiquée (Houdé, 1992). La signification pour l’élève se réfère à
sa capacité à formaliser de manière explicite ou implicite ses observations en fonction
des instructions et de la tâche, avant d’être en mesure de les traiter.
eJRIEPS, 35 | 2015
106
Figure 6. Processus impliqués dans Teaching Games for Understanding – TGfU (Bunker & Thorpe,1982 ; Butler, Griffin, Lombardo, & Nastasi, (2003) ; Hopper, Butler & Storey. (2009) et LearningGames through Understanding - LGtU (Gréhaigne, Caty, & Godbout, 2010)
30 En ce qui concerne le rapport entre l'enseignement et l’apprentissage des jeux à l'école,
la figure 6 illustre en parallèle les caractéristiques d’un enseignement des jeux pour la
compréhension (TGfU) organisé par l'enseignant et de l’autre celles d’un apprentissage
des jeux au travers de la compréhension (LGtU) basé sur l’activité de l’élève.
L’enseignement des jeux pourla compréhension ne peut pas garantir à lui seul une
véritable approche centrée sur l'élève. Le fait de proposer l'apprentissage des jeux à
travers la compréhension (Gréhaigne, Zerai, & Caty, 2009) nous semble bien plus
susceptible de créer un environnement d'apprentissage plus authentique, prometteur
et de garantir une approche centrée sur les apprenants. En effet, dans TGfU,
l’enseignant peut poser des questions parfaitement ou en partie fermées et donner « la
piqûre de savoir » ou la solution au moment choisi par lui et non par les élèves. Dans ce
type de situation, on peut en revenir très vite à un enseignement centré sur le maître.
Le fait d’insister sur l'apprentissage dans le système enseignement / apprentissage,
avec le strict respect du débat entre les élèves, nous semble susceptible de mieux
garantir un environnement d'apprentissage authentique et prometteur et de garantir
une approche centrée sur les élèves. Une telle approche pédagogique n'est pas destinée
à amuser les élèves mais à leur faire appréhender le jeu différemment. Le but sous-
jacent essentiel, en droite ligne avec une perspective cognitiviste et constructiviste
(Gréhaigne & Godbout, 1995), est bien de demander aux élèves de découvrir les
problèmes à résoudre puis de faire une prévision de jeu afin d’apporter des réponses
aux problèmes posés.
Dans une approche socio-sémio-constructiviste de l’enseignement, les apprenants
s'engagent activement dans le processus d'apprentissage en EPS. Pour les JSC, les élèves
sont amenés à construire leurs compétences tactiques en les adaptant individuellement
selon la situation spécifique vécue. Une telle option soutient que les connaissances
construites par l'élève sont le résultat de l'interaction entre son activité cognitive et la
réalité (Cobb, 1986 ; Gréhaigne & Godbout, 1998 ; Piaget, 1974).
Dans une approche d'enseignement considérée comme indirecte, « Apprendre le jeu au
eJRIEPS, 35 | 2015
107
travers de la compréhension » devrait être la principale philosophie à développer.
L’apprentissage des élèves dans une approche constructiviste les amène donc à tenter
de donner un sens à l'entrée de nouvelles réponses en les rapportant à leurs
connaissances antérieures et en collaborant à une discussion avec d'autres élèves pour
construire une compréhension partagée de la réponse envisagée. Comme il a été déjà
mentionné, tout processus de résolution de problèmes d'apprentissage, de même que la
construction de connaissances personnelles, nécessite une réflexion de la part des
élèves. Cette réflexion se déroule parfois pendant une période qui peut être très
variable selon les capacités intellectuelles des élèves et leur vécu sportif. La
verbalisation pendant les discussions peut, pour beaucoup d’entre eux, faciliter la
réflexion et l'observation, de même que fournir les données de base sur lesquelles
réfléchir. Ainsi, les élèves collaborent en agissant comme une communauté
d'apprentissage qui construit graduellement sa compréhension partagée du jeu à
travers un dialogue et l’expérimentation réelle en situation de jeu.
Enfin, la « transformation » implique non seulement l'apparition de nouvelles réponses
à un problème donné, mais aussi une stabilisation de ces réponses. En effet, l'apparition
d'une nouvelle réponse chez l'élève ne veut en aucun cas dire qu'elle sera utilisée
ultérieurement. Sous la pression temporelle, l’élève peut en revenir à un modèle ancien
de lecture du jeu. Des réponses nouvelles seront considérées comme stabilisées si elles
répondent à trois critères : la systématicité, la durabilité, la généralisation. Pour ce type
d’approche et particulièrement lors des périodes de discussion, l’enseignant devient
une personne ressource pour les élèves. Sa principale tâche est de faciliter d’une part
un dialogue respectueux entre les participants, et d’autre part, la réflexion des élèves
par certaines relances lorsque les discussions ne mènent à rien. Ce rôle d’enseignant -
personne ressource - diffère totalement des approches traditionnelles d’enseignement
des sports où il est davantage considéré comme un transmetteur de savoir.
Cette culture différente de « l’enseignement » peut, au départ, insécuriser les jeunes
collègues en formation. Mais rapidement ce changement dans le rôle de l’enseignant
motive au contraire les élèves en les rendant plus impliqués dans le déroulement de la
séance. Enfin, permettre aux élèves de profiter des expériences menées et de construire
des connaissances nouvelles suppose de laisser une place à du tâtonnement, à de la
découverte guidée et de faire toute sa place à une conception inductive de la
transmission des connaissances.
9. Conclusion
31 Pour Good (1996), la perspective de l'enseignement / apprentissage au travers de la
compréhension est à l’heure actuelle la plus puissante tradition intégratrice susceptible
d'influencer les pratiques des enseignants dans une classe. Si TGfU et les débats de la
recherche anglo-saxonne ont permis de populariser à l’échelle mondiale la question de
l’enseignement de la tactique en sport collectif, il reste que leur oubli ou leur
méconnaissance des travaux des aires non anglophones limite la portée pratique de
ceux-ci.
Certes, le débat d’idées donne la possibilité aux élèves de partager des expériences
collectives dans le cadre d’un rapport de forces en regard des configurations
momentanées du jeu apparues. Mais, offrir aux élèves la meilleure éducation physique
possible implique bien évidemment de nombreux autres facteurs. L'un des plus
importants est de savoir comment les enseignants enseignent et surtout comment les
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108
élèves apprennent. Les chercheurs ont besoin d’approfondir les voies d'apprentissage
et de décrire, chez les élèves, les processus cognitifs et la construction de l’expérience
collective qui se produisent pendant le jeu. En faisant cela, on pourra mieux
comprendre les mécanismes qui influencent les relations entre l'acquisition des
connaissances et les performances motrices. Un environnement d'apprentissage
efficace crée nécessairement des conditions d’enseignement efficientes. Pour atteindre
ce but, il est essentiel que les enseignants deviennent des praticiens réflexifs,
suffisamment informés des avancées de la recherche et, peut-être, plus attentifs aux
besoins des élèves qu’à la matière à enseigner.
Enfin, Didier Caty, un de nos collègues du lycée de Gray, témoignait (Caty, Zerai, &
Gréhaigne, 2009) :
au-delà des résultats chiffrés et des tests, parfois peu significatifs pour le lecteur, cedescriptif ne peut communiquer tous les évènements, toutes les joies et tous lesdébats qui ont ponctué ce cycle de travail. Comment retranscrire les raresabsences ? Comment dire au lecteur que certains élèves n’avaient pas cours depuisle matin et restaient pour participer ? Comment expliquer que certaines ont jouéalors qu’elles étaient physiquement diminuées ? La dynamique créée autour d’uncycle essentiellement basé sur le jeu n’a sans doute pas permis aux plus faibles de setransformer radicalement. Toutefois, l’originalité de ce type de travail a suscitébeaucoup de plaisir chez les élèves et donné du sens aux leçons. (p. 227)
32 Tout est dit !
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Les auteurs remercient les deux experts pour leurs remarques et conseils ainsi que Chantal Amade-Escot et
Paul Godbout pour leur relecture attentive d’une version préliminaire de ce texte.
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NOTES
1. Traduction littérale en français de Teaching Games for Understanding.
RÉSUMÉS
L'objet de cet article est de proposer quelques données historiques et contemporaines sur
l'évolution des conceptions de l’enseignement / apprentissage de la tactique en sports collectifs.
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114
Il tente de mieux décrire et comprendre les enjeux actuels de la recherche sur l’enseignement et
l’apprentissage en sports collectifs. A cet effet, un large tour d’horizon de la littérature
internationale est effectué pour bien analyser les apports des chercheurs et spécialistes à cette
construction.
The purpose of this article is to offer an historical and contemporary perspective on the
evolution of the conceptions of the teaching / learning of tactic actions in team sports. This
reflection is needed to better understand the current stakes in the research about these themes.
A wide overview of the international literature is made to analyze the contributions of each
author and specialist in this construction.
INDEX
Mots-clés : sport collectif, enseignement, apprentissage, tactique, compréhension
Keywords : team sport, teaching, learning, tactics, understanding
AUTEUR
JEAN-FRANCIS GRÉHAIGNE
Professeur retraité de l’Université de Franche-Comté, Besançon, France
Luc Nadeau
Professeur de l’Université Laval, Québec, Canada
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Actualités des thèses et des livres :Thèses et HDR
Sinda Ayachi. Les femmes dans les sports à connotation masculine : stratégies identitaires des
athlètes tunisiennes de haut niveau.
Thèse de Doctorat ès Sciences du Sport. Université de Franche-Comté. Ecole Doctorale
« Langages, Espaces, Temps, Sociétés » (ED 098)
Jury :
Chantal Amade-Escot, PR Sc. Education, Université de Toulouse (Rapporteur)
Mohamed Embarki, PR Linguistique, Université de Franche Comté
Marie-Paule Poggi, MCF HDR STAPS, Université des Antilles et de la Guyane
(Rapporteur)
Nathalie Wallian, PU STAPS, Université de Franche Comté (Directeur)
Soutenue publiquement le 19 janvier 2015 à l’Université de Franche Comté.
Résumé :
La manière dont les femmes investissent les sports de haut niveau est hautement
contextualisée en fonction de la culture nationale et des institutions qui régissent le
sport. En Tunisie, le sport de haut niveau est différentiellement investi par les femmes
parmi lesquelles certaines s’investissent et réussissent dans des sports à connotation
masculine. Cette étude porte sur le rapport identitaire des athlètes tunisiennes de haut
niveau dans leur pratique d’un sport à connotation masculine.
La méthodologie se déroule en trois phases : 1) une approche quantitative s’appuie sur
l’échelle de masculinité/féminité du test-questionnaire MMPI (T de Student et ANOVA)
et permet de positionner le profil psychologique des athlètes tunisiennes de haut
niveau impliquées dans un sport masculin (N = 56 X 3 + 100) ; 2) une étude qualitative
portant sur les récits de vie (N = 8 : 4 présentant un Tscore masculinisé et 4 présentant
un Tscore féminisé ; T = 5h ; 25000 mots) porte sur la lexicométrie et l’analyse de
contenu thématisée ; 3) un test de lecture d’image apporte de éléments d’interprétation
de la féminité telle que médiatisée et ressentie par les pratiquantes.
Les résultats montrent que malgré l’absence de différence significative entre les 4
groupes soumis au test MMPI, les athlètes étudiées mobilisent des manières singulières
et contextualisées pour s’approprier différentes identités en contexte. Ces résultats
eJRIEPS, 35 | 2015
116
questionnent la place des Tunisiennes dans le sport de haut niveau masculin ainsi que
de façon plus large les mutations de la société tunisienne.
Clement Jourand. Dynamique des interactions lors de leçons d'Education Physique et Sportive
en Course d'Orientation : une étude de l'activité d'élèves dans différents dispositifs
d'apprentissage.
Thèse de Doctorat. Université de Rouen.
Jury :
Fabienne d'Arripe-Longueville (rapporteur)
Nathalie Gal-Petitfaux (rapporteur)
Denis Hauw
Jacques Saury
Carole Sève
Régis Thouvarecq (directeur)
David Adé (co-directeur)
Soutenue publiquement le 1er avril 2015 à l’Université de Rouen.
Résumé :
Cette thèse visait à caractériser les formes d’interaction émergentes entre des élèves
engagés dans différents dispositifs d’apprentissage en course d’orientation et
ambitionnait de caractériser la dynamique de ces formes d’interaction. Cette recherche
a été conduite dans le cadre théorique et méthodologique du Cours d’Action (Theureau,
2006). 12 élèves de 6ème, volontaires, ont été répartis en 6 dyades affinitaires. Les
enseignants ont proposé aux élèves des parcours d’orientation similaires du point de
vue du niveau de difficulté et de la durée. Toutefois, les leçons étudiées étaient
contrastées par le dispositif d’apprentissage choisi par les enseignants. Deux catégories
de données ont été recueillies : (a) des données d’enregistrements audiovisuels pendant
l’activité de recherche des balises par les élèves, et (b) des données de verbalisation lors
d’autoconfrontations avec les élèves, rendant compte d’un recueil fondée sur les
données d’expérience. Le traitement des données a été réalisé en deux étapes. La
première étape qualitative a caractérisé les formes d’interaction émergentes entre les
élèves. Sur cette base, la deuxième étape, en faisant appel à des outils hétérodoxes du
Cours d’Action a représenté graphiquement la dynamique de ces formes d’interaction
pour chaque dyade. Les résultats issus de la première étape ont permis de montrer la
présence, quel que soit le dispositif d’apprentissage, de trois formes typiques
d’interaction entre les élèves (co-construction, confrontation, délégation) et de trois
modes d’utilisation dyadique de la carte (partagé, univoque, détaché). Les résultats
issus de la deuxième étape ont permis d’une part de caractériser les dynamiques des
formes d’interaction en pointant leurs singularités et similarités selon les dispositifs
d’apprentissage, et d’autre part les éléments participant à cette dynamique comme les
propriétés physiques et fonctionnelles de la carte d’orientation. Ces résultats sont
discutés en trois points : un apport épistémique sur les interactions entre élèves
lorsqu’ils s’engagent en course d’orientation ; un apport transformatif pour la
conception de dispositifs d’apprentissage en course d’orientation ; et un apport réflexif
au sujet du choix de la méthode de traitement des données.
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