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Post on 18-Oct-2020
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Article de Mathieu Cabaussel sur le gemmage en vase clos.
Contexte
La récolte de la résine du pin maritime est une tradition multiséculaire au sein des massifs forestiers présents
naturellement des Landes de Gascogne, tout particulièrement à la Teste de Buch. Avec les boisements intensifs de la
seconde moitié du XIXe siècle, le gemmage a passé le cap de l’industrialisation et connaitra son âge d’or dans les
années 1920. La forêt landaise comptait alors jusqu’à 16 5000 gemmeurs et 35 000 emplois directs et indirects. Sur le
Bassin d’Arcachon, cette activité économique et patrimoniale a longtemps constitué l’une des principales sources
d’emplois et de création de richesses.
Après récolte la résine était distillée pour obtenir de l’ordre de 20% d’essence de térébenthine (produit ayant la plus
forte valeur ajoutée) et 80% de colophane utilisés notamment pour les peintures, vernis, encres, sols plastiques,
savonnerie, colles, pharmacie, parfumerie, etc.
A partir du milieu du XXe siècle, les produits de substitutions apportés par l’industrie pétrolière, le coût de la main
d’œuvre et la concurrence des produits étrangers ont profondément affaibli la filière aquitaine, conduisant à la
disparition du gemmage selon la méthode « Hugues » en 1991 (fermeture de la dernière distillerie à Parentis).
Depuis les années 1990, alors que le massif landais représente la plus grande forêt d’Europe de pins maritimes, il n’est
plus exploité pour sa résine. Il constitue pourtant un gisement significatif d’une ressource renouvelable, capable de
produire après transformation un grand nombre de molécules à haute valeur ajoutée dans l’industrie chimique et
pharmaceutique.
A partir des années 2010, la relance du gemmage rencontre un écosystème très favorable du fait de la convergence de
plusieurs facteurs :
La nécessité d’exploiter des ressources renouvelables en substitution des dérivés pétroliers ;
Une rupture technologique dans le procédé de récolte de la résine qui préfigure un modèle économique à
nouveau pertinent pour une filière aquitaine : le vase clos qui permet une réduction significative des coûts de
main d’œuvre associé à un « bond qualitatif » de la résine récoltée ;
La Chine, leader mondial, voit sa capacité de production diminuer entrainant une hausse significative du cours
de la résine. Par ailleurs elle n’offre pas les critères de « durabilité » et de traçabilité qui sont appelés en
Europe
Les industries chimiques et pharmaceutiques ont identifié des molécules nouvelles dans la résine, dont
certaines spécifiques au pin maritime des Landes, qui ouvrent la voie à de nouvelles filières de valorisation.
Dans ce contexte, des industriels se lancent dans la production de résine, tandis qu’une filière économique est en
cours d’émergence.
Un des points clefs de la relance du gemmage repose à présent à la fois sur la structuration des débouchés permettant
de valoriser les produits dérivés de la résine, mais aussi sur l’adhésion des propriétaires forestiers à la démarche (et
donc la proposition d’un nouveau modèle économique pour ces acteurs), dans un massif landais privé à plus de 80%.
Technique de récolte
Le gemmage en vase clos est une technique dont le principe reste identique aux méthodes ancestrales : blesser le pin
pour en récolter la résine, secrétée par l'arbre afin d'assurer sa cicatrisation.
Après avoir pratiqué une pique circulaire à l'aide d'une perceuse électroportative, un activant (formulé à base d’acides
faibles naturellement présents dans le monde végétal) est appliqué sur la carre avant d'apposer un boitier hermétique
qui guide la résine dans un réservoir étanche : une poche en plastique ou un pot en verre. Ce procédé préserve la
résine des impuretés (insectes, sable, débris végétaux, eau de pluie, ...) et limite l'évaporation de l'essence de
térébenthine. Après distillation, on obtient jusqu’à 30% d’essence de térébenthine, contre à peine 20% dans le cadre
d’une récolte au pot de résine. La pique se pratique tous les 15 jours, au bout desquels le gemmeur fera une nouvelle
empreinte circulaire au droit de la précédente. Un pin produit 2 à 3 litres de résine par saison.
L'innovation réside à la fois dans la qualité de la résine obtenue (le vase clos permet d'isoler la gemme récoltée du
milieu extérieur), mais également dans une simplification des tâches du gemmeur, qui permet une diminution
substantielle du temps passé sur chaque pin pour récolter la résine (les étapes de pelage de l'écorce pour la
préparation de la carre et de barrasquage en fin de saison sont supprimées). Par ailleurs, l'affutage des outils qui
représentait dans le cadre du système Hugues une étape longue et délicate, fruit d'un apprentissage assidu de la part
des jeunes gemmeurs, est également supprimée. La résine est distillée après récolte, ce qui permet d'obtenir de la
colophane et de l'essence de térébenthine, produits de première transformation. Au delà des débouchés déjà connus
et exploités par le passé (peintures, vernis, colles, huiles, ...) l'industrie chimique et pharmaceutique s'intéresse de
près aux produits de seconde et troisième transformation qui permettent d'obtenir des molécules de qualité, dont
certaines sont spécifiques au pin maritime du massif landais.
La filière est en cours de structuration, et plusieurs projets de relance du gemmage ont vu le jour depuis 2010 dans la
forêt de Gascogne, utilisant le gemmage en vase clos. Deux sociétés se sont lancées dans l’aventure du gemmage:
Holiste basée à Biscarrosse et sur le sud du Bassin d’Arcachon et Domaines & Patrimoines au Porge. L'association
"Gemme la forêt d'Aquitaine", crée en 2014 a pour but de fédérer les acteurs de la filière pour promouvoir la relance
du gemmage en Aquitaine: de la production de la résine à la valorisation des produits obtenus après distillation et
transformation.
Photos de gemmage « Hugues » et en « vase clos »
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