cahire des territoires 7
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Villes et universitésle rayonnement universitaire dans la ville
#7
CahierdesterritoiresPUBLICATION DU PREDAT MIDI-PYRÉNÉES
/ Janvier 2011 / Séminaire du 04 juin 2010
>> AAtteelliieerr 11L’UNIVERSITÉ, UN OUTILD’AMÉNAGEMENT DU TER-RITOIRE MÉTROPOLITAIN0055 // Territorialisation des activités universitaires
Christelle MANIFET
1100 // Lisibilité, synergie entre activités de formation,
de recherche et industrielles
Marie-France BARTHET
1144 // Un centre universitaire dans une ville moyenne
François TAULELLE
et Benoît LACROUX
1188 // Réactions de la salle...
>> AAtteelliieerr 22LES ÉTUDIANTS, LA VILLE, ”LEUR VILLE” ?2211 // Eléments de comparaison
internationale des sociabilités
et des modes de vie étudiants
Séverine CARRAUSSE
2255 // Être étudiant à ToulouseChamseddine NAïB
2288 // Etudier à Albi...Emilie NICOULES
3300 // Le lien “ville-université” dans le Grand Toulouse
Daniel POULOU
3344 // Réactions de la salle...
>> AAtteelliieerr 33ORGANISATION ET VIE D’UNSITE UNIVERSITAIRE : VERSUN MODÈLE DE CAMPUS ÀLA FRANÇAISE ?3377 // Les nouveaux enjeux descampus universitaires français
Jean-Noël LARRÉ
4411 // La forme urbaine
du campus de Rangueil
Christophe SONNENDRUCKER
4455 // Le projet urbain du campus du Mirail
Nicolas GOLOVTCHENKO
5500 // Réactions de la salle...
Sommaire / #7 - Janvier 2011 / Séminaire du 04.06.10
Introduction
L’université de Toulouse le Mirail est heureuse d’accueillir
ce séminaire du PREDAT Midi-Pyrénées, lequel manifeste
d'une part, la capacité de l'université à s'inscrire dans une
relation de service à l'égard de la société civile, et d'autre
part, l'intérêt de cette même société civile, ou en tout les cas
de certaines de ces entités pour cette université.
En revoyant le thème de ce séminaire, je me suis aperçu
que la région Midi-Pyrénées allait être le théâtre en ce mois
de juin de pas moins de trois journées de travail consacrées
à cette question des relations « territoires et universités ».
C’est dire, si le thème intéresse aujourd’hui de nombreuses
personnes, ici et ailleurs. Mais à quoi tient cet intérêt ? Nous
pouvons formuler un certain nombre d'hypothèses.
La première repose sur la « fin d'une époque » et plus
exactement sur la fin d'une certaine conception de
l'université en tant que « territoire hors du territoire ».
A distance, ce caractère d’extra-territorialité est en train de
s'effriter face à l'intérêt que porte le local - les territoires
locaux - à une institution qui est longtemps apparue
comme une entité « pilotée, gouvernée ailleurs ». Ainsi lors-
qu'on était à Toulouse, il était fréquent de penser que
« tout se décidait à Paris » ! Désormais, accompagnant le
mouvement de décentralisation, les universités trouvent un
nouvel intérêt aux yeux des territoires locaux et de plus en
plus souvent ces derniers souhaitent intégrer les pôles uni-
versitaires dans le champ de leurs politiques publiques ; ou
tout au moins s’inscrivent dans leurs préoccupations.
De leur côté, les universités répondent parfois à cette
demande politique et sociale, confirmant un rapproche-
ment de vues bipartites.
L’autre élément qui marque l'intérêt croissant des autori-
tés publiques territoriales pour l'université, réside dans
l'avènement de la fameuse société de la connaissance.
A l’aune de cette révolution, il est clair qu’il serait malvenu
de faire comme si les universités n'existaient pas et ne
jouaient aucun rôle en la matière. Nous assistons donc à
une ré-articulation du local et du global, provoquant un
nouveau regard des territoires à l’égard de l'université ;
celle-ci devient clairement un élément urbain significatif,
participant d’un effet de levier pour la transformation des
territoires. La problématique de l'université de Toulouse le
Mirail est particulièrement saillante en l’état puisqu’il semble
que les destins à la fois, de l'université, de la ville de
Toulouse et de son agglomération sont intimement liés.
Ainsi la revitalisation de cette université n'aura de sens que
si le territoire au sein duquel elle a pris place, il y a une qua-
rantaine d'années, se trouvera en capacité de connaître lui-
même un processus de revitalisation.
La fin d'une époque...Nicolas GOLOVTCHENKO / Vice-président délégué au patrimoine immobilier, Université Toulouse-Le-Mirail
L’université en France cherche à faire
évoluer son image parfois dévalorisée
et sa visibilité dans un système d’études supérieures national et international. Dans le
même temps, les tensions et les luttes qui peuvent encore découler du fait de posséder et
de renforcer cet attribut majeur de vitalité urbaine démontrent tous les jours l’actualité du
rapport entre une ville et son université.
Si l’université en France ne peut pas se reconstruire sur les modèles du Campus à l’anglo
saxonne, les réflexions en cours tendent à montrer que tous, collectivités comme milieu
universitaire, ont pris conscience de l’impérieuse nécessité à réfléchir de nouveau et de
façon concrète les modes de faire et de vivre , dans une perspective d’attractivité allant au
delà des territoires nationaux et européens. Comment alors s’inscrit le rayonnement uni-
versitaire dans la ville de demain ? Comment la ville prend en compte l’organisation des
savoirs, la vie étudiante, les flux et les usages qui sont liés ?
Problématique de la journée
Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 03
L’UNIVERSITÉ, UN OUTILD’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIREMÉTROPOLITAIN
Atelier 1 .
A l’heure où les campus
doivent rivaliser au
niveau mondial, la politique de l’Etat ne semble plus au redéploiement de sites sur les
villes moyennes mais au renforcement des grands pôles universitaires. Comment ces
évolutions influent-elles aujourd’hui sur l’espace régional, où de nombreux pôles secon-
daires se sont installés dans les deux dernières décennies pour aujourd’hui se recentrer
sur l’agglomération toulousaine ? Le lien entre enseignement, recherche et pôles
d’activités est de plus en plus mis en évidence comme moteur d’un dynamisme territo-
rial . Les pôles de compétitivité -AgriMip Innovation / Aerospace Valley/ Cancer BioSanté
- dans la métropole toulousaine en est l’illustration. En quoi ces logiques de réseaux
d’acteurs recomposent l’organisation des savoirs et leurs lieux d’implantation ?
Problématique de l’atelier
La question « ville et université » et/ou « uni-
versité et territoire » est embarrassante pour
le chercheur2. Ces expressions devenues
communes dans le champ de l’action
publique territoriale ne sont pas des objets
scientifiques directement accessibles. Elles
peuvent recouvrir des réalités variées et
poser des problèmes de définition. Leur per-
tinence peut faire polémique. L’université est
dite a-territoriale, ce qui est à la fois faux et
vrai. Ces entités « université » et « territoire »
n’ont de cohérence et d’existence que par les
relations en partie spatialisées d’acteurs mar-
qués par leur homogénéité ou, au contraire,
leur hétérogénéité. Les universitaires qui tra-
vaillent à l’université vivent dans la ville où
celle-ci est localisée ou non et vivent et tra-
versent les territoires. Les étudiants viennent
de la région, d’une région limitrophe ou
d’ailleurs en France ou de l’étranger. Les
campus ne peuvent être alimentés qu’en
appui du système urbain, régional, national
et international, que ce soit en matière de
transports, de logements, d’eau, de réseaux
de télécommunications ou encore de servi-
ces. Les interdépendances avec l’environ-
nement sont évidentes. A-territoriale toute-
fois, car l’université n’a pas vocation pre-
mière à construire des territoires et des
frontières. Ces questions de « ville et uni-
versité » et/ou d’« université et territoire »
doivent alors être comprises dans leur
dimension politique. Elles se conçoivent
ainsi et en premier lieu à partir des ambi-
tions politiques qu’elles recouvrent :
• de développement et d’attractivité des villes,
des régions ;
• d’aménagement des territoires ;
• d’innovation technologique et de création
d’emploi ;
• de dynamisme urbain, culturel et social…
Les universités, en tant qu’entités collectives,
ont des relations évidentes et spontanées
avec les villes et les territoires mais le thème
« université et territoire » fait davantage
appel à des relations volontaires, construites
et stratégiques. On espère que les universi-
tés, les universitaires et les étudiants animent
la vie urbaine et locale au-delà des consom-
mations de première nécessité et/ou qu’ils
participent au renouvellement urbain. On
projette que se construisent des synergies
formation-emploi et recherche-innovation
technologique en appui des formations et
des laboratoires. On attend que les activités
universitaires et, en leur sein, les activités
scientifiques assurent la visibilité et
l’attractivité des territoires, qu’elles projettent
des images positives à l’extérieur.
Dès lors, les liens « Ville-université » et/ou
« université et territoire » ne sont jamais éta-
blis une fois pour toutes mais constituent des
processus politiques toujours probléma-
tiques, dédiés d’un côté à la localisation de
ressources universitaires, et de l’autre à la
construction de transversalités, d’échanges
et d’hybridation à partir d’elles-mêmes mais
aussi avec d’autres composantes des villes et
des régions. La multiplication et l’emboî-
tement des échelles de décision et d’action
publique, la multiplication, l’autonomisation
et la responsabilisation des établissements
publics autant que la généralisation de
l’accès aux études universitaires, la diversifi-
cation des attentes d’études, la complexifica-
tion et l’imprévisibilité des pratiques socia-
les... mettent les acteurs engagés dans les
politiques territoriales de l’enseignement
supérieur et de la recherche à l’épreuve
d’une science de l’action territoriale. Dans
ces conditions, comment mettre en place
une politique d’enseignement supérieur et
de recherche à visée territoriale? Sous quelle
gouvernance et quelle organisation? Sur
quelles missions ? Avec qui et à quelles
conditions ? Comment travailler dans des
contextes d’hétérogénéité de pratiques, de
logiques et d’intérêts ?
1.1.Territorialisationdes activités universitairesChristelle MANIFET / Maître de conférence, Université Toulouse-Le-Mirail, CERTOP
Christelle MANIFET estmembre du laboratoireCertop (Centre d’étude etde recherche sur le Travail,les Organisations et le Pouvoir), une UMR associée à l’UniversitéToulouse-Le-Mirail et auCNRS. Elle étudie les dyna-miques de la gouvernanceterritoriale contemporaineà partir de travaux initiauxsur le développement uni-versitaire des villes moyen-nes françaises et d’autres,dans les années 2000, surles politiquesd'aménagement du terri-toire universitaire, notam-ment la mise en oeuvredes PRES (pôle de recher-che et d’enseigne-mentsupérieur)1. Elle s’intéresseégalement aux évolutionsmanagériales des poli-tiques d’enseigne-mentsupérieur et de rechercheet du service public univer-sitaire.
Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 05
Il est impossible de répondre de manière satisfaisante et défi-
nitive à ces questions pourtant cruciales pour les acteurs
impliqués dans la gouvernance des villes et des territoires. Il
est cependant possible de chercher à mieux comprendre ces
processus de territorialisation universitaire si l’on tient comp-
te des dynamiques qui les animent, ce qui est l’objet de cette
intervention. En premier lieu, la territorialisation universitaire
n’est pas sans lien avec la territorialisation de l’action
publique et plus largement avec une variation des échelles
de gouvernance3. Deuxièmement, la territorialisation rend
compte de dynamiques sociales spatialisées qui ne sont
qu’en partie des effets de l’offre politique et qui construisent
de la différenciation et des sentiers de dépendance en même
temps que des possibles. Enfin, la territorialisation prend tou-
jours des formes opératoires à la fois comparables entre elles
et singulières, comme l’illustre la politique de constitution
des PRES.
TERRITORIALISATION ET VARIATION DES ÉCHELLES DE GOUVERNANCE
Le replacement du lien « université / territoire » dans l’histoire
des politiques publiques d’enseignement supérieur et de
recherche permet de mieux saisir les enjeux qu’il recouvre.
Dans les années 1980 déjà, la question du soutien à la recher-
che universitaire questionnait l’émergence de systèmes pro-
ductifs locaux. Les préoccupations territoriales rattachées à
l’enseignement supérieur et à la recherche sont une constan-
te. Mais, ce sont les politiques des années 1990 qui ont fait du
territoire, pas seulement un objectif mais, un mode de pro-
duction et d’organisation de l’action publique. On peut dire
qu’elles ont créé une rupture dans les modes de production
de l’action publique universitaire. La croissance des effectifs
étudiants dans les années 1980 ainsi que l’insuffisance et la
dégradation des équipements et services universitaires vont
conduire le gouvernement Rocard et son ministre de
l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur, Lionel
Jospin, à faire de l’enseignement supérieur une priorité natio-
nale. Face à l’ampleur des besoins, le ministre va entamer des
démarches de rapprochement avec les régions dès 1989 dans
le cadre du schéma post-baccalauréat et finalement les solli-
citer officiellement dans le cadre du lancement du program-
me Université 2000 (U2000). Fortes de cette invitation et au
regard de l’intérêt qu’elles portent à ce secteur, les collectivités
territoriales, les régions mais aussi les départements et les
villes vont s’impliquer de manière inattendue dans ce pro-
gramme. Le Plan U2000 marque ainsi une vraie rupture dans
les modes de planification et de programmation universitaire.
D’une part, il repose sur de nouvelles règles du jeu territorial
que l’on peut résumer par le vocable de « méthodes contrac-
tuelles »4. D’autre part, après ce programme, plus rien ne sera
comme avant. Les règles du jeu instaurées avec lui seront
reconduites et perfectionnées dans le cadre de l’élaboration
des schémas régionaux en 1995 et du Plan Université du troi-
sième millénaire (U3M) en 1999. L’État reste porteur de grands
projets d'aménagement mais prend un rôle d’animateur et de
régulateur de l'action collective. Le rôle des universités et des
collectivités locales s’affirme. Les établissements deviennent
les porte-parole pertinents des milieux universitaires régio-
naux en même temps qu’ils sont mis en situation de face-à-
face avec les collectivités pour la programmation de leurs pro-
jets. Les relations entre élus et universitaires s’accentuent et se
transforment: de liens inter-individuels plutôt informels, on
passe à des relations plus institutionnelles entre collectivités
territoriales et universités. Ces relations sont aujourd’hui quasi
banales et les présidents d’universités comme les porteurs de
projet universitaires ne conçoivent pas leurs politiques ni leurs
projets sans tenir compte, en amont, de leurs partenaires ter-
ritoriaux.
Il va de soi que cette territorialisation des cadres de produc-
tion du service public universitaire contribue largement à la
territorialisation de ce service, à des raisonnements universi-
taires comme politiques plus polycentrés qui embrassent des
objectifs plus transversaux tant au plan de l’enseignement que
de la recherche. Anthony GIDDENS dit que « le lieu est un
espace de rencontre multi-sectorielle permettant de résoud-
re des problèmes de cloisonnement et d'interdépendance »5.
Cette citation traduit bien les enjeux de la gouvernance terri-
toriale et les préoccupations qui animent les acteurs publics
territoriaux, élus et agents administratifs. Depuis 2000 il est
vrai, la variation des échelles de gouvernance trace un portrait
de l’action publique universitaire territoriale un peu différent
(Loi du 18 avril 2006 d'orientation et de programmation pour
la recherche et l'innovation, Loi du 10 août 2007 sur la liberté
et la responsabilité des universités, l’Opération Campus de
2008, le grand emprunt lancé en 2010 équivalant pour la
recherche à environ 11 milliards d’euros). Un nouveau cycle
politique - qu’il conviendra de rationaliser et d’expliquer - est
en marche. A travers ces décisions de grande ampleur pour le
secteur, l’État aménageur, mis en sommeil depuis l’entrée
dans le XXIe siècle, s’est de nouveau manifesté. Il a pu sembler
que ces « nouvelles » politiques d’enseignement supérieur et
de recherche ne reposaient plus sur les territoires. Si la place
donnée par l’État aux collectivités y est réduite –c’est vrai que
l’État a, semble t-il, renoncé à co-agir- la création des PRES et
des RTRA (Réseaux thématiques de recherche avancée)
comme le renforcement de l’autonomie des universités parti-
cipent à poursuivre autrement le processus de territorialisa-
tion engagé dans la décennie 1990.
Cette histoire rapidement tracée montre l’importance des
cycles politiques dans le rapport que les universités et leurs
membres entretiennent avec leur territoire. C’est bien sûr
l’Etat qui participe à imposer son rythme à ces histoires régio-
nales et locales même s’il ne faut pas sous-estimer la force
structurante des sentiers pris dans les périodes précédentes.
Ainsi, les changements de référentiel des politiques nationales
n’ont pas interrompu les relations qui se sont sédimentées
durant les années 1990 entre les dirigeants des universités et
06 Cahier des territoires # 7 / Villes et universités
ceux des collectivités. Ces cycles politiques sont aussi alimen-
tés par une série de facteurs. Les politiques contractuelles des
années 1990 ont pu montrer leurs limites en même temps
que les priorités et les conceptions de la régulation politique
changeaient. Ce sont aussi les problèmes inscrits sur les agen-
das politiques qui évoluent. En caricaturant quelque peu la
réalité, si les décennies 1980 et 1990 étaient marquées par la
généralisation de l’accès aux études universitaires et la néces-
sité de trouver des solutions d’accueil dans les campus et dans
les villes, les années 2000 sont plus marquées par
l'internationalisation des enjeux universitaires. En conséquen-
ce, les frontières nationales qui étaient relativement pertinen-
tes pour comprendre les dynamiques de territorialisation des
années 1990, ne le sont plus tant aujourd’hui pour compren-
dre la nouvelle phase de territorialisation des années 2000.
TERRITORIALISATION ET DYNAMIQUES COLLECTIVES
Nous avons insisté précédemment sur la dimension poli-
tique de la territorialisation universitaire. Bien sûr, celle-ci
dépend plus largement des activités individuelles et collecti-
ves des étudiants et de leurs familles, des professionnels de
l’université et de leur entourage. L’offre politique participe à
façonner ces activités en même temps qu’elle doit « faire
avec ». C’est le cœur de la problématique de l’aménagement
du territoire qui doit tenir compte du fait que les « lieux », les
« territoires » ou encore les « milieux » que l’on cherche à
construire sont aussi des milieux déjà là : « un espace où
il s’est passé des choses et où il se passera encore des cho-
ses »6 ; « le milieu, c’est un certain nombre d’effets qui sont
des effets de masse portant sur tous ceux qui y résident.
C’est un élément à l’intérieur duquel se fait un bouclage cir-
culaire des effets et des causes, puisque ce qui est effet d’un
côté va devenir cause de l’autre. »7.
La perspective historique permet de comprendre ces dyna-
mique de l’« avant » et de l’« après » sans sombrer pour autant
dans une vision déterministe ou fataliste. L’offre politique pro-
cède d’effets plus ou moins forts de « cliquet » sans pour
autant que les implications des décisions passées ou présen-
tes ne puissent être totalement maîtrisées. Les dynamiques de
territorialisation s’inscrivent dans le temps - il y a un avant, il
y a un après, des sentiers de dépendance en même temps
que des cycles politiques- et dans l’espace - il y a des effets de
concentration et de densification, de différenciation et
d’inégalités, de différenciation et de spécialisation.
Les cartes et leur évolution historique sont de ce point de vue
très instructives qui donnent à voir, à la fois, des effets des
politiques passées et des rencontres entre ces politiques et les
pratiques sociales liées. La juxtaposition des cartes des sites
universitaires en France à différentes périodes et depuis l’après
seconde guerre mondiale8 montre que celles-ci résultent
d’interactions complexes entre des décisions politiques et des
options de localisation des professionnels des universités
comme des étudiants. Ces cartes sont le fruit croisé de déci-
sions politiques (nationales & locales), sectorielles (jeu des dis-
ciplines…) et sociales (familles, étudiants).
Si à la carte de localisation des sites, régulièrement mise à jour
par les services de la Direction de la prospective du Ministère9,
est superposée la carte du poids démographique de ces
mêmes sites, il apparaît clairement que les choix et les flux de
populations et d’étudiants peuvent valider et/ou sanctionner
les choix politiques. Logiques d’offre politique et logiques
sociales sont distinctes bien qu’interdépendantes.
D’autres cartes permettent d’appréhender ces effets de diffé-
renciation à l’échelle nationale, qui bien sûr prennent une
autre dimension à l’échelle de l’Europe ou à l’échelle des
régions. Tout dépend du curseur que l’on prend, des priori-
tés politiques que l’on se donne, de la réalité et de l’intensité
des problèmes à traiter. Si l’on poursuit l’observation des car-
tes et que l’on compare, par exemple, la présence étudiante
en région avec la présence des chercheurs (publique et pri-
vée)10, on remarque que les dynamiques de territorialisation
du supérieur ne sont pas semblables à celles de la recherche.
A regarder ces cartes, il apparaît que la différenciation cons-
titue un élément important des processus de territorialisa-
tion. Dans le cadre de logiques d’aménagement des territoi-
res, ces différenciations territoriales de l’enseignement supé-
rieur et de la recherche sont souvent perçues comme des
inégalités, inégalités d’accès aux études supérieures, inégali-
tés de conditions d’étude, inégalités face au développement
> Carte de localisation des sites universitaires.Source : atlas régional du MEN, 2008_09
Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 07
d’économies régionales et locales de la connaissance… La
création des sites universitaires en villes moyennes dans les
années 1990 a ainsi ouvert des possibilités aux universités et
aux territoires en même temps qu’elle a pu construire de
nouvelles centralités et périphéries. Pour autant, la qualifica-
tion de situations d’inégalité n’est pas aussi simple qu’il y
parait et implique de tenir compte de plusieurs critères qui
peuvent complexifier, finalement, l’évaluation. Par ailleurs, la
territorialisation alimente également un phénomène de
spécialisation des sites universitaires et des territoires qui
peut paraître de bon augure. Les politiques de territorialisa-
tion universitaire ont contribué à la diversification des situa-
tions et à la production d’identités universitaires qui ne sont
pas sans s’appuyer sur les ressources des territoires en la
matière. Ainsi, entend-on parler de l’université de Lyon ou
de l’université de Bretagne. Le passage en revue de clichés
photographiques de différents sites universitaires permet de
percevoir cette « colorisation locale » des universités11.
TERRITORIALISATION ET INSTITUTIONNALISATION DES PREMIERS PÔLES DE RECHERCHE ET D’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR (PRES)
La politique de mise en œuvre des PRES peut être considérée
comme une forme opératoire de territorialisation universitai-
re. Il s’agira ici de présenter quelques unes des caractéristiques
du «processus d’institutionnalisation»12 des neuf13 premiers
pôles constitués14.
Au niveau national, les PRES constituent en priorité des dispo-
sitifs dédiés à la mutualisation des moyens et au rassemble-
ment sectoriel avant d’être d’éventuels outils d’hybridation
inter-sectorielles, par exemple dans le cadre de partenariat
recherche-industrie. Ce fût une politique qui eut dans les faits
un certain mal à s’installer. Les orientations ministérielles
n’étaient pas très précises au départ, ni stabilisées et
l’interprétation de la loi15 et du rôle des PRES pouvait varier. Le
rôle d’aménagement du territoire des Pres a ainsi pu être
explicite dans les premiers textes puis s’estomper. Dans la loi,
les PRES sont un moyen pour les établissements de « regrou-
per tout ou partie de leurs activités et de leurs moyens,
notamment en matière de recherche, afin de conduire
ensemble des projets communs ». Les missions y sont évo-
quées avec une insistance sur la recherche, les écoles docto-
rales et l’international : « la mise en place et la gestion des
équipements partagés entre les membres participants au
pôle, la coordination des activités des écoles doctorales, la
valorisation des activités internationales du pôle et la promo-
tion internationale du pôle ». Dans les projets observés en
2007-08, les priorités sont la visibilité internationale, la coopé-
ration Universités-écoles, la mutualisation, la rationalisation et
la gestion partagée (écoles doctorales…), la rationalisation du
paysage universitaire (fusion ?) et la politique territoriale
(Aménagement du territoire, économie de la connaissance,
intégration urbaine).
De la sorte, si au départ il a pu être question de préoccupa-
tions axées sur le développement économique territorial, les
projets se sont par la suite resserrés sur des logiques plus stric-
tement sectorielles et se sont centrées sur des enjeux de poli-
tiques de site (de recherche et d’enseignement supérieur). A
Toulouse, par exemple, il s’agissait du regroupement des uni-
versités et des écoles d’ingénieurs. Cette restriction à des prio-
rités sectorielles s’explique par les véritables moteurs de ces
regroupements universitaires, à chercher du côté de la
concurrence accrue entre les établissements à l'échelle mon-
diale. En lien à cette pression internationale, on a pu entend-
re que, cette fois -si l’on tient compte du passif des pôles euro-
péens dans les années 1990-, les universités ont été plus
promptes à s’engager dans des politiques de site.
Poser la question des dynamiques de territorialisation de la
politique des PRES revient ensuite à interroger la place des
régions et des agglomérations dans leur mise en place. Si les
collectivités ont indubitablement été des entrepreneurs impor-
tants des politiques conduites dans les années 1990, elles ont
eu un rôle plus indirect dans l’installation des PRES. Ce qui ne
signifie pas qu’elles n’y voient aucun intérêt. Elles ont pu faire
connaître leurs préférences en matière de périmètre territorial
des PRES. Mais globalement, les motivations universitaires fai-
saient corps avec les enjeux des régions et des villes en termes
de visibilité internationale des territoires notamment. C’est
sans doute une des raisons de leur attitude bienveillante mais
à distance. On peut imaginer aussi que Les initiatives passées
menées sur ces enjeux du regroupement et leurs effets miti-
gés ont servi de leçon de prudence aux élus locaux.
> Carte des effectifs des sites universitaires sur le territoire national.Source : atlas régional du MEN, 2008_09
08 Cahier des territoires # 7 / Villes et universités
En revanche, les présidents d’université ont joué un rôle
majeur dans la mise en place des PRES en appui d’un dis-
cours performatif destiné à améliorer les places de chacun
au niveau international. Ce sont eux les réels entrepreneurs
des PRES, notamment grâce à la mobilisation de la CPU. Les
organismes de recherche ont eux, été relativement écartés
de ces premières étapes de regroupement. Ils ont pu avoir
eux-mêmes des positions variées de coopération avec les
universités.
Un troisième et dernier indicateur de territorialisation est le
rôle de coordination que peuvent jouer les PRES, d’abord au
plan intra-sectoriel, ensuite au plan inter-sectoriel. Or, sur ce
dernier aspect, les pôles, en grande partie fondés sur des
préoccupations de visibilité internationale, ont finalement
peu traité les problématiques d’aménagement du territoire
régional et national. Leur création n’a pas non plus été
l’occasion des réflexions sur l’articulation entre politique
économique et politique d’enseignement supérieur de
recherche, comme peuvent l’être les pôles de compétitivité
ou les RTRA. Les plus grandes avancées en matière de coor-
dination ont été du côté des rapprochements entre univer-
sités mais aussi entre universités et écoles.
Pour conclure sur les dynamiques de territorialisation, nous
ne retiendrons que quelques éléments. Premièrement, territo-
rialiser peut se concevoir comme une problématique de pilo-
tage de l’hétérogénéité sociale. La territorialisation des univer-
sités donne lieu à des construits composites fait de couches
de rationalités distinctes et combinées. L’état, les collectivités,
les universités, les acteurs de la vie sociale étudiante, les étu-
diants et les partenaires économiques n’impriment pas de la
même façon les territoires et participent pourtant à construi-
re les territoires universitaires tangibles que l’on connaît
aujourd’hui. Il est clair que cette hétérogénéité sociale crée
des problèmes de coordination ; en même temps, il n'y a pas
d'enjeu de coordination s'il n'y a pas d'hétérogénéité sociale,
les deux vont de pair. Toute la difficulté de la gouvernance ter-
ritoriale est dans sa capacité à favoriser les rencontres sans
annihiler les frontières identitaires, sources de plus-value des
échanges.
Il faut également retenir toute l’importance du temps sédi-
menté dans ces processus sédimentés de territorialisation :
il y a « un avant » et « un après », des sentiers de dépendan-
ce (et d’indépendance). Ainsi, pour la politique des PRES, on
aurait sans doute pu prévoir grossièrement la façon dont
allaient se constituer les PRES et quels allaient être leurs
périmètres. C’est vrai que dans les grandes régions, ce sont
des PRES métropolitains ou des PRES régionaux. Dans les
petites régions, ce sont plutôt des PRES régionaux ou inter
régionaux. Il y a toutefois également l’importance des cycles
politiques qui ne changent pas fondamentalement les équi-
libres et les hiérarchies mais qui restent des facteurs de
mouvement et d’animation de ces processus de territoriali-
sation universitaire.
NOTES1 Les pôles de recherche et d’enseignement supérieur, créés en 2006 par le Pacte de recherche, permettent aux universités, grandes écoles et organismesde recherche, de mettre en cohérence leurs projets, de mutualiser leurs activitéset leurs moyens. En mai 2010, on compte 17 PRES. 2 La réflexion s’axera d’ailleurs plutôt sur le lien « université et territoire » qui n’embrasse pas complètement la problématique « université et ville ». 3 Ce qui en anglais se traduit par le « political rescaling », voir B. Jouve, « Le political rescaling pour théoriser l’État et la compétition territoriale enEurope » in Faure A. et alii.., Action publique et changements d’échelles : lesnouvelles focales du politique, Paris : L’harmattan, 2007, p. 45-55. Voir aussi surce thème : Faure A. et Négrier E. Les politiques publiques à l’épreuve de l’action locale, Paris : L’Harmattan, 2007.4 Gaudin J.-P., Gouverner par contrat, Paris : Presses de Sciences po, 1999.5 Giddens A., La constitution de la société, Paris : Presses universitaires de France,1987.6 Foucault M. Sécurité, territoire, population, Paris : Gallimard, 2004, p. 23.7 Ibid.8 Filatre D. L’université face à ses territoires, (HDR), Université de Toulouse-LeMirail, 1998: 425 p. 9 L’état de l’enseignement supérieur et de la recherche et en France, n°3, 2009.Disponible sur : [http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/pid20312/atlas-regional-les-effectifs-d-etudiants.html].10 Ibid. Disponible sur: [http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid50603/l-etat-de-l-enseignement-superieur-et-de-la-recherche-n-3-decembre-2009.html]. 11 Voir notamment les clichés réalisés par Pierre Dubois et rassemblés sur sonblog. Disponibles sur [http://histoireuniversites.blog.lemonde.fr].12 Précision importante si l’on tient compte des échanges qui ont eu lieu lors dece séminaire. En effet, l’enquête dont il s’agit de rendre compte ici a été menéesur les premiers temps de la mise en œuvre des Pres. Les conclusions apportéesqualifient cette étape d’institutionnalisation de ces nouveaux partenariats univer-sitaires mais devraient être révisées s’il s’agissait de qualifier les étapes suivantes,caractérisées plutôt par des enjeux de production d’activités mutualisées. 13 Parmi les neuf PRES constitués, la plupart réunissent des établissements univer-sitaires et des grandes écoles (Paris Est, Universud Paris, Université de Lyon,Université européenne de Bretagne, Université de Bordeaux, Nancy Université,Université de Toulouse). Seuls deux pôles réunissent uniquement des universités(Aix Marseille Université) ou uniquement des grandes écoles (Paris Tech).14 Aust J., Crespy C., Manifet C., Musselin C., Soldano C. (2008), Rapprocher, intég-rer, différencier. Éléments sur la mise en place des PRES, Rapport de recherche,Diact (Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire)- CSO-SciencesPo Paris - CERTOP-Toulouse 2 - Paris XIII, mars, 124 p.15 Loi du 18 avril 2006 d'orientation et de programmation pour la recherche etl'innovation.
> Carte des effectifs des chercheurs publics et privés, 2006.Source : atlas régional du MEN, 2008_09
Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 09
«Travaillant sur les phénomènes d’inter-
action « homme-machine », j’avais l’habi-
tude de participer à des réseaux nationaux
et internationaux » témoigne Marie-France
BARTHET en introduction. Ainsi en dehors
des relations avec ses homologues greno-
blois, parisiens ou bostoniens, l’intervenan-
te ne collaborait jamais avec « des gens du
territoire ». Pour elle un « territoire », était
tout simplement un lieu où l’on implantait
une université ou un laboratoire, et à l’instar
d’une grande partie des membres universi-
taires, elle vivait sa vie « hors sol - comme
la culture des tomates » ajoute-t-elle !
Pourtant par la suite, sa vision du territoire
va évoluer. Un poste dédié à l’évaluation
nationale des pôles de compétitivité lui a
d’abord été confié à la DATAR, puis, alors
qu’elle « se trouvait très bien où elle était »,
la direction du PRES de Toulouse – sa
région d’origine - lui a été proposé. C’est à
ce titre qu’elle intervient aujourd’hui… avec
son regard de praticienne.
ÉTENDRE L’UNIVERSITÉ…
Les années 80 ont constitué une période
charnière pour les politiques publiques inhé-
rentes à la question universitaire. Comme
bien d’autres, l’université toulousaine a alors
suivi une phase d’extension territoriale com-
mune aux unités d’enseignement supérieur,
liée à l’augmentation conséquente du nomb-
re d’étudiants.
A l’évidence, il devenait alors urgent de dés-
engorger les sites universitaires afin de mieux
gérer un afflux d’étudiants qui ne pouvait être
absorbé en l’état ; c’est d’ailleurs à ce moment
là que furent créées les antennes universitai-
res. « Précisons que le critère de sélection
était alors l’enseignement supérieur et non la
recherche ». C’est un élément qui a toute son
importance lorsqu’on sait que l’un des pro-
blèmes qui colle encore aux sites dits
« secondaires », réside justement dans le fait
que le lobbying des élus est parvenu à intég-
rer la recherche dans cette phase d’extension.
Percevant dans cette opportunité une chan-
ce de développement unique pour leur terri-
toire, les édiles n’ont pas hésité à « monter à
Paris pour avoir leur IUT, leur BTS ou encore
leur école d'ingénieur ». Pourtant lorsqu’elle
était DRRT (en 1998), Marie-France BARTHET
a bien vu que l’une des caractéristiques des
sites secondaires n’était autre que la faiblesse
du développement de la recherche. En fait la
conséquence somme toute normale d’une
offre d'enseignement plutôt axé sur le pre-
mier cycle.
« En opérant de la sorte, on finit par conce-
voir des ensembles universitaires très hétéro-
gènes, proposant un peu de droit, un peu de
langues, un peu d'informatique… bref un peu
de tout » ajoute celle qui est aujourd’hui la
directrice du PRES de Toulouse. Or avec « un
peu de tout », il devient difficile de construire
des synergies de recherche. Chacun sait dés-
ormais que répartir l'enseignement supérieur
est une opération assez facile mais qu’en
revanche répartir la recherche s’avère bien
plus compliqué. Pourquoi ? « Parce qu’il exis-
te un « seuil de bon fonctionnement » pour
un laboratoire universitaire ». C’est notam-
ment le cas dans le domaine des sciences
exactes où les laboratoires affichent des
besoins en équipements importants et sur-
tout coûteux ; dès lors seuls les « gros labora-
toires » (comptant un certain nombre de
chercheurs) peuvent se payer ce matériel.
Au final il faut bien comprendre qu’il existe un
vrai souci relationnel entre enseignement
supérieur et recherche. Et pourtant malgré
ces difficultés, depuis 2004, ce lien dual a été
élargi à un troisième « domaine-partenaire ».
1.2. Lisibilité, synergie entre activités de formation,de recherche et industriellesMarie-France BARTHET / Directrice du PRES Université de Toulouse
C’est un point de vue praticien que propose Marie-France BARTHET à l’assistance. Initialementprofesseur d’universitédans le domaine del’informatique, son par-cours n’aurait jamais dû laconfronter à la questiondu lien entre « universitéet territoires ». Pourtant aufil de sa carrière, son par-cours professionnel l’aconduit à réfléchir surcette question : « la pre-mière fois c’est lorsque j’ai été nommée DRRT(Délégué Régional à laRecherche et la Techno-logie). J’ai alors découvertle mot « territoire ». C'est-à-dire que jusqu’ici,en tant que chercheur eninformatique, ce motn’avait strictement aucunsens. Ce qui avait du sens,c’était les « réseaux »».
10 Cahier des territoires # 7 / Villes et universités
DU DIPTYQUE AU TRIPTYQUE…
C’est l’arrivée des pôles de compétitivité (en 2004) qui a transfor-
mé le diptyque « enseignement supérieur / recherche » en trip-
tyque « enseignement supérieur / recherche / entreprise ».
Toutefois, il faut préciser que lorsqu’on parle « d’enseignement
supérieur et de recherche », il s’agit plutôt, dans le cadre des
pôles de compétitivité, de formation. Cette élargissement fût en
tous les cas primordial : à partir de cette date les territoires ont
été pensés au regard de cette triple synergie.
« La nouvelle philosophie politique, basée sur l'innovation et motivée par la compétitivité économique, a effectivement créé une nouvelle géographie : autrement dit l'innovation a eu besoin d'une territorialisation. »
Deux raisons principales expliquent que l’on ait souhaité
cette synergie des trois composantes. La première c'est
l'innovation - elle-même liée à la forte tension provoquée
par la compétition internationale. Pour faire court, à partir
du moment où il était acté que les territoires entraient en
compétition permanente, la seule façon pour les pays euro-
péens de rester « dans la course », par rapport aux pays émer-
gents, passait par une innovation constante. Dans ces conditions
il était impossible à ces pays de se contenter de posséder un
« bon enseignement supérieur », « une bonne recherche » et
des entreprises « qui fonctionnent bien ». Il était nécessaire de
mettre tous ces domaines en synergie… pour innover toujours
plus et ainsi conserver un train d'avance sur les autres pays.
La deuxième raison (conséquence de la première) n’est autre
que la proximité. La nouvelle philosophie politique, basée
sur l'innovation et motivée par la compétitivité économique,
a effectivement créé une nouvelle géographie : autrement
dit l'innovation a eu besoin d'une territorialisation. Les tra-
vaux de la nouvelle économie géographique le montrent
très clairement. Selon ses instigateurs, diffuser des informa-
tions, par l’intermédiaire des réseaux modernes, n'est plus un
frein ; en revanche produire de nouvelles connaissances, de
nouvelles technologies, nécessite une proximité géogra-
phique des « inov-acteurs ». D’ailleurs si les pôles de com-
pétitivité sont territoriaux — ce ne sont pas des réseaux mais
des pôles — c'est bien parce qu'il est maintenant évident que
chaque fois que l'on souhaite produire des innovations de
rupture, la proximité géographique des acteurs, issus des
divers domaines de notre triptyque (formation, recherche et
entreprise), s’avère indispensable. Et encore, lorsqu’on
évoque la proximité, il est fait allusion à une proximité de
premier degré, à l’échelle de villes comme Albi, Toulouse ou
Tarbes pour Midi-Pyrénées. Le processus d'innovation ne
peut décidemment pas être éparpillée : « le fait d’avoir une
entreprise située à Rodez, un laboratoire à Toulouse et une
unité d'enseignement à Tarbes, ne permettra pas de créer la
synergie suffisante pour innover » explique l’intervenante.
Ce besoin de proximité géographique est essentiel pour la créa-
tion des pôles, sachant qu’une fois ces derniers installés, les
réseaux suivront naturellement. « S'il y a des pôles forts, il y a des
réseaux forts, et de la même façon nous savons que les réseaux
renforcent les pôles et vice-versa ». Reste que le préalable
demeure bien la construction de pôles solides.
Le phénomène de territorialisation est très nouveau puisque
pendant très longtemps, la politique industrielle française
s'est basée sur des filières dont les composantes étaient
totalement déterritorialisées - au même titre que la recher-
che dans l'enseignement supérieur. Dorénavant, c'est très
différent. L’un des objets figurant dans le récent « grand
emprunt » de l’Etat, est un bon exemple de ce changement
de concept : l’Institut de Recherche Technologique – lequel
fait la jonction entre le Ministère de l'industrie et le Ministère
de la recherche - s’appuie sur un cahier de charge dans
lequel il est stipulé que le périmètre d'implantation de l'IRT
doit avoir un rayon de 2 km. N’est-ce pas là un formidable
exemple de la démarche de territorialisation engagée. Pour
Marie-France BARTHET, « c'est même légèrement excessif !?
L’'échelle d'une agglomération marcherait certainement
aussi bien » ! En tous les cas ce besoin de proximité renfor-
ce l’idée que l’innovation suppose que les acteurs se
connaissent davantage, travaillent dans une relation de
confiance, échangent des idées ; la création se cristallisant
dans ce choc de connaissances différentes, de points de
vues différents.
LE FAVORITISME DES GRANDS…
Abordons à présent, les retombées territoriales de ces
concepts. A l'heure actuelle, on constate des retombées ter-
ritoriales assez diverses. En préambule, il faut bien dire que
mélanger la compétition, l’innovation et la synergie avec la
formation, la recherche et l’entreprise… conforte les grands
centres. Dès lors, si dans les années 80, 90 la politique de
l'Etat (par le biais de la DATAR) visait à aménagemer le terri-
toire égalitairement – on répartissait alors au maximum les
diverses entités afin que l'ensemble des territoires continue
de vivre -, aujourd’hui nous sommes entrés dans une phase
qui conforte largement les grands centres ; et ce dans le but
de rester compétitif au niveau international.
C’est tout l’esprit des pôles de compétitivité à vocation mon-
diale - qui s’opposent en quelque sorte à une deuxième
catégorie à ambition plus restreinte. Ces derniers sont large-
ment favorisés. « Dans l’évaluation nationale des pôles de
compétitivités, nous avons pu constater que 70% des crédits
étaient concentrés sur les 6 pôles de compétitivité à ambition
mondiale » précise Marie-France BARTHET. L’explication de
ce favoritisme est simple : ce sont les pôles où se trouvent
les grandes entreprises et les grands laboratoires ; par rico-
chet ce sont ceux qui présentent le plus de projets et, méca-
Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 11
niquement, ceux qui ont le plus de chance de rapporter des
succès et la notoriété internationale. Dans ces conditions
nous ne pouvons plus vraiment parler d’aménagement du
territoire égalitaire.
« Les PRES relèvent de la volonté de l'Etatde créer de grands pôles visibles (unequinzaine en France) mais aussi de lavolonté des acteurs locaux tels que lesprésidents d'université. »
Autre élément d’importance concernant les grands centres :
les PRES. Ici aussi, cet outil est une réponse à un classement
international (classement de Shanghaï) prenant en compte
la visibilité internationale, la compétition internationale. Il
s’agit ni plus ni moins de faire en sorte que nos grands cen-
tres soient les plus visibles possibles. Si initialement, cet
objectif concernait uniquement enseignement supérieur et
recherche, ce n’est plus tout à fait le cas aujourd’hui.
Les PRES relèvent de la volonté de l'Etat de créer de grands
pôles visibles (une quinzaine en France) mais aussi de la
volonté des acteurs locaux tels que les présidents
d'université. En effet, il est difficile de dire que l'Etat ait vrai-
ment été prescriptif sur cette question là : il a laissé les
acteurs de terrain décider des périmètres des PRES, entraî-
nant de fait une très grande variabilité. Il existe des PRES qui
ne sont que métropolitains – par exemple l’un des derniers
PRES créés, le PRES de Montpellier, n'inclut pas Perpignan. Il
y a également des PRES régionaux comme c’est le cas pour
celui de Toulouse, qui comme son nom ne l'indique pas, est
un PRES régional, réclamé par l’ensemble des présidents
d’universités.
L’une des autres caractéristiques des PRES se matérialise
dans le rapprochement entre universités et écoles
d’ingénieurs. C’est entre autre chose la conséquence d’une
trop grande méfiance de l’Etat vis-à-vis des universités. En
créant des écoles d’ingénieurs pour chacun de ses
Ministères, l’Etat pensait pouvoir mieux contrôler que les
universités, ses différents établissements d’enseignement et
de recherche. Mauvaise piste puisqu’aujourd’hui, on se
retrouve avec pléthore d’écoles d’ingénieurs et d’universités
qui, de plus, s’ignorent ou tout du moins éprouvent des dif-
ficultés à travailler ensemble. Or ces cultures différentes
auraient tout intérêt à mieux communiquer pour
s’apprendre mutuellement. Le projet des PRES contient jus-
tement l’idée d’un renforcement entre universités et écoles
d’ingénieurs. Le PRES de Toulouse, université de Toulouse,
est un bon exemple en la matière : il regroupe toutes les uni-
versités, toutes les écoles d’ingénieurs ; sans compter que le
bureau du PRES est constitué de trois membres issus des
universités et de trois autres issus d’écoles d’ingénieur (6
membres en tout). C’est d’ailleurs un cas unique dans
l’hexagone.
Si les collectivités territoriales n’ont pas immédiatement
adhéré à la logique des PRES, les choses sont en train de
changer. Elles ont réalisé qu’il s’agissait d’un outil formida-
blement efficace et plus encore simplificateur. Pour donner
un exemple de ce pouvoir simplificateur, Marie-France BAR-
THET évoque le cas de la région Midi-Pyrénées qui compte
seize établissements relevant de six ministères de tutelles
différents. « Grâce au PRES, les collectivités n’ont plus à
s’adresser aux six Ministères de tutelle pour piloter une poli-
tique à seize établissements » explique la directrice du PRES.
« Elles s’adressent directement au PRES qui joue le rôle
d’intermédiaire ».
L’efficacité de cet outil est tant et si bien reconnu que l ’appui
des collectivités aux PRES est à présent, acté dans l’ensemble
des régions. Les PRES de Lyon et de Grenoble par exemple
sont financés à 50% par les collectivités locales qui ont parfai-
tement perçu tout l’intérêt d’avoir un organe fédérateur, capa-
ble d’absorber la complexité de l’enseignement supérieur et
de la recherche.
En Midi-Pyrénées, une convention cadre a été signée en 2009
entre le Conseil Régional et le PRES : elle permet de mutuali-
ser un certain nombre d’actions pour l’ensemble des établis-
sements d’enseignement et de recherche mais aussi des
actions concernant certaines universités uniquement. Une
deuxième convention cadre de même type, devrait prochai-
nement voir le jour avec la Communauté urbaine du Grand
Toulouse ; et, dans la logique des choses, il n’est pas exclu qu’il
y ait un jour des conventions équivalentes signées à Albi ou à
Tarbes. De manière plus pragmatique, ces conventions cadres
permettent d’ausculter et de s’intéresser à toutes les facettes
de l’université : la formation, la recherche, mais également la
vie étudiante. Cette dernière est une dimension primordiale
puisqu’elle croise les thèmes prépondérants que sont le loge-
ment, la culture, le transport ou encore l’impact économique..
Autre élément qui conforte la politique des grands centres :
« l’Opération Campus ». Cette démarche aurait pu concerner
tous les sites (grandes villes et les villes moyennes) où pré-
existaient enseignement supérieur et recherche. Dans les faits
ce ne fût rien de tout cela. A contrario, il y a eu une volonté de
concentrer ce nouvel effort sur dix centres en France. Dans le
cas midi-pyrénéen (appelé « opération Toulouse Campus »),
le périmètre s’est limité à Toulouse, écartant dès le début Albi,
Tarbes, Rodez ou encore Castres. Intégrer ces campus satelli-
tes aurait sans aucun doute annihilé les chances du dossier
midi-pyrénéen. Pourtant ce n’est pas faute d’avoir mené une
réflexion préparatoire à l’échelle du territoire, incluant la ques-
tion du déplacement des étudiants, du logement, des liens
avec le monde économique, des transversalités entre recher-
che et formation. Un exercice qui n’avait jamais été engagé
auparavant et qui rend d’autant plus dommageable ce phéno-
mène de concentration : les villes dites secondaires auraient
pu bénéficier de la synergie entre enseignement supérieur,
recherche, monde économique et vie étudiante.
12 Cahier des territoires # 7 / Villes et universités
Le « Grand emprunt » - dont nous avons déjà parlé - cons-
titue un autre facteur de concentration. Les laboratoires
d’excellence, localisés dans les grands centres, seront une
nouvelle fois les destinataires privilégiés de la distribution -
limitée - des crédits dégagés. Seuls sept à dix centres seront
concernés. Preuve supplémentaire – s’il en fallait une - de la
volonté de l’Etat de conduire la politique des grands centres ;
politique par ailleurs, très cohérente et parfaitement suivie,
avec un calendrier d’initiatives triennal (2004, 2007, 2010).
LES AVANTAGES DES PETITS…
Cette concentration continue pourtant d’interroger. Même
la DATAR se pose (ou tout du moins se posait lorsque Marie-
France BARTHET en faisait partie) la question des autres
sites. « C’est bien beau de conforter les grands sites, mais on
connaît très bien le pouvoir structurant de l’enseignement
supérieur et de la recherche sur les territoires » argue
l’interlocutrice. Reste que d’un point de vue démographique,
la politique de concentration ne semble pas totalement
incongrue. Nous sommes aujourd’hui en phase de stabilisa-
tion, voire de régression, du nombre d’étudiants. Dans ces
conditions comment maintenir et plus encore développer
dans les sites secondaires l’enseignement supérieur, la
recherche et la formation ?
La DATAR a justement lancé, il y a un an et demi, un appel à
projet réservé aux villes moyennes afin de les aider à mieux
se structurer sur différents secteurs. Au final, un grand nom-
bre de dossiers a penché sur le volet de l’enseignement
supérieur et la recherche. Le 24 juin 2010 aura lieu à Tarbes,
une journée de restitution de la DATAR visant à faire le point
sur toutes les expériences en passe d’être conduites sur les
villes moyennes. L’idée de base consiste à reproduire le tra-
vail réalisé sur les grands centres à l’occasion de
« l’Opération Campus »… mais cette fois-ci sur les villes
secondaires. Même objectif : montrer que la formation doit
être connectée à la recherche, qui doit être elle-même
connectée à son environnement économique… C’est le
moyen le plus sûr d’ancrer ce triptyque dans les villes de ce
niveau. Il s’agit également de clarifier le concept de spécia-
lisation (ou qualification). Il faut abandonner l’idée selon
laquelle un site doit être absolument qualifié, spécialisé dans
tous les domaines Au contraire il serait bien mieux d’essayer
de voir quels sont les domaines à développer, sur lesquels il
existe une véritable spécificité, une spécialité qui améliorera
l’attractivité d’un établissement, d’un territoire. C’est peut-
être cela la différenciation.
> Carte des premiers dossiers de l’Opération Campus retenus à l’échelle nationale. Seuls les “grands centres universitaires” sont présents.Source : Ministère de l’enseignement supérieur
et de la recherche / mai. 2008
Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 13
EMERGENCE ETDÉVELOPPEMENT DU CENTRE UNIVERSITAIRE
Le dossier de création d’une unité
d’enseignement supérieur à Albi apparaît au
milieu des années 80. Il n’est pas un cas
isolé puisqu’il se positionne dans un
contexte privilégiant la création d’un réseau
constitué à partir d’antennes délocalisées
d’universités de premier plan dans des villes
moyennes. Cette diversification de l’offre
universitaire est le résultat à la fois d’une
poussée des effectifs étudiants mais aussi et
surtout, d’un investissement croissant de la
part des décideurs locaux dans
l’enseignement supérieur. Ces derniers y
voient clairement une occasion d’aménager
le territoire, affichant une grande confiance
dans la capacité d’une université à fixer une
nouvelle population mais aussi à dévelop-
per une dynamique urbaine ou encore à
initier un transfert de technologie.
Durant cette période, la région Midi-
Pyrénées présente un contexte singulier :
elle est la seule région de France à ne
compter qu’une seule ville universitaire
hors IUT. Les chiffres parlent d’eux-mêmes :
en 1988, 94 % des étudiants sont concentrés
sur Toulouse. Forte de ce constat, la ville
d’Albi va se saisir de ce dossier et tenter de
mobiliser divers partenaires pour obtenir
l’implantation de la première antenne uni-
versitaire régionale. Deux facteurs vont
alors jouer en sa faveur : d’abord le classe-
ment du bassin sidérurgique Albi-Carmaux
en pôle de reconversion va constituer un
élément de poids pour capter des ressour-
ces sur le dossier universitaire ; ensuite le
départ du 7ème régiment parachutiste et la
mise à disposition de la caserne à la ville
d’Albi.
La première délocalisation intervient en
1992. Il s’agissait d’un DEUG de droit ouvert
en partenariat avec l’université de
Toulouse1. A partir de cette date, bénéfi-
ciant du soutien des collectivités locales, les
universités vont progressivement implanter
toute une série de DEUG, des DESS et un
IUP. En quelques années, on passe de 250 à
1500 étudiants et à partir de 1997 le projet
prend une autre tournure lorsqu’une forte
mobilisation politique milite pour la créa-
tion d’un « être juridique » à part entière,
défendant ainsi l’idée de créer non pas une
simple antenne mais une université de plein
exercice. Le syndicat mixte pour la cinquiè-
me université, regroupant différentes col-
lectivités midi-pyrénéennes, a fait pression
pour obtenir la création d’un établissement
positionné sur trois départements et repo-
sant sur un axe fort, Albi-Rodez, tout en
intégrant Castres et Figeac. Cet épisode de
lobbying s’est appuyé sur un discours
autour des technologies d’information et de
communication, sensées gommer les
contraintes de territoire.
Il s’agissait d’un projet ambitieux non sans
ambiguïté. Celui-ci arrivait en fin de course
par rapport à la seconde phase de massifi-
cation de l’université. Se posait également
la question de la pertinence du territoire du
nord-est midi-pyrénéen. En réalité les zones
d’implantation de l’université regroupent
des bassins d’emploi qui ont très peu de
liens les uns avec les autres, révélant une
difficulté dans l’articulation d’un projet
d’établissement et d’un projet de territoire
même s’il s’agit davantage d’une difficulté
concernant l’articulation de la carte des for-
mations. En effet, l’implantation des anten-
nes répond davantage à une logique
d’opportunisme plutôt qu’à une carte de
formation raisonnée. Ainsi plusieurs ques-
tions se posent : l’articulation avec les IUT
déjà implantés ou encore l’implantation
1.3. Un centre universitairedans une ville moyenneFrançois TAULELLE / Professeur des Universités en géographie-aménagement, CUFR Jean-François CHAMPOLLION-Albi, et Benoît LACROUX / Responsable de communication, CUFR Jean-François CHAMPOLLION-Albi
Benoît LACROUX etFrançois TAULELLE nousprésentent une étude decas construite autour de « témoignages d’un vécu »,visant à expliquer « lesatouts et les limites d’uncentre universitaire de taillemoyenne » comme celuid’Albi. En creux ils répon-dent à une question : est-ilavantageux ou désavanta-geux d’étudier dans un siteuniversitaire secondaire ?
14 Cahier des territoires # 7 / Villes et universités
d’activités de recherche pérennes sur ces territoires se révè-
le difficile avec des transferts de postes, notamment, qui
avaient été avancés par les universités toulousaines et se
sont révélés assez complexes à gérer.
Au final l’ambition première du projet sera abandonnée mais
aboutira cependant à la création d’un être juridique prenant la
forme d’un établissement public administratif. C’est le statut
actuel l’établissement dénommé « centre universitaire de for-
mation et de recherche Midi-Pyrénées Jean François-
Champollion ». Ce n’est ni une antenne, ni une université de
plein exercice. L’établissement contracte avec l’Etat et reste
dépendant des universités toulousaines pour ce qui est de la
délivrance des diplômes. Par conséquent, il fait preuve d’une
faible autonomie, notamment dans l’habilitation de nouvel-
les formations. C’est également un statut qui induit une
gouvernance assez complexe dans laquelle interviennent de
très nombreux acteurs qui font partie prenante du projet.
Ainsi on peut remarquer que le Conseil d’administration ne
compte pas moins de huit collectivités, trois universités,
deux grandes écoles et quatre IUT.
« [...] l’établissement cherche à faire valoirsa petite taille, sa proximité ou encore sa capacité à mettre en place des actionsciblées pour favoriser la réussite en licence, comme des atouts distinctifs. A coup sûr il s’agit là d’une réelle sourcede valeur ajoutée pour les étudiants. »
Avec 2600 étudiants, le centre universitaire reste aujourd’hui
un établissement assez modeste par son budget - treize
millions d’euros - et par ses ressources humaines. La carte des
formations est directement héritée des trois antennes. Elle est
essentiellement centrée sur le niveau « licence », avec 16
mentions regroupées dans 5 domaines d’études différents. On
retrouve par ailleurs 10 licences professionnelles qui sont arti-
culées, dans la plupart des cas, avec des lycées et un secteur
d’activité ; la dernière en date étant une licence professionnel-
le créée autour de la filière « ovine » dans l’Aveyron. Enfin la
carte est complétée par quelques Masters - qui portent enco-
re l’empreinte des anciens DESS puisqu’ils ne proposent pas le
M1 - et une école d’ingénieur à Castres. Sur le « niveau L »
majoritaire (en référence à la réforme Licence-Master-
Doctorat), l’établissement cherche à faire valoir sa petite taille,
sa proximité ou encore sa capacité à mettre en place des
actions ciblées pour favoriser la réussite en licence, comme
des atouts distinctifs. A coup sûr il s’agit là d’une réelle source
de valeur ajoutée pour les étudiants.
LE CONTEXTE UNIVERSITAIRE NATIONAL AUJOURD’HUI DÉFAVORABLE AUX « PETITS CENTRES UNIVERSITAIRES ».
Comme il l’a été dit ce matin, nous nous trouvons aujourd’hui
dans un contexte défavorable en matière d’enseignement supé-
rieur pour les établissements des villes moyennes. Ceci est lié à
une focalisation de la politique nationale sur les grands pôles
d’excellence. Ce contexte peu favorable est par ailleurs à croiser
avec la singularité et de l’illisibilité du statut de l’établissement.
Qu’est-ce que le CUFR ? Qu’est-ce qu’un EPA ? C’est, à vrai dire,
extrêmement compliqué.
Cependant, il est facile de retourner l’argument et affirmer
que si un grand pôle est conçu avec intelligence, comme la
mise en réseau d’établissements à l’échelle d’une région, en
évitant des doublons éventuels et en choisissant des domai-
nes précis, la présence du CUFR dans le PRES peut apparaît-
re comme une chance. Dans ce cas, il s’agit là, ni plus, ni
moins, que d’un élément important d’une offre régionale de
formation.
En effet, un pôle étriqué et ramassé sur quelques sites de la
métropole constituerait une vision restrictive de l’offre uni-
versitaire régionale, ce qui n’est certainement pas l’ambition
du PRES. Comment peut-on opposer la distance à l’effet de
pôle ? Dans le premier débat de ce séminaire, il a été ques-
tion d’un pôle toulousain dont le rayon des investissements
ne dépasserait pas 2 km ! Dans cette vision, se trouver à 70
> Le Centre universitaire Jean-François Champollion compte aujourd’hui près de 2800 étudiants, tous sites confondus.Source : photo La Dépêche - J.M.L
Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 15
km de Toulouse exclut l’intégration de Champollion dans le
pôle alors que 70km constitue parfois la distance-temps de
la desserte du réseau que forment les grandes universités
parisiennes. Comme on le voit, la distance kilométrique est
une notion peu pertinente : n’entend-on nous pas dire que
la Turquie ne fait pas partie de l’Europe… à cause d’un
détroit qui empêche la jonction d’une grande partie de ce
pays à l’Europe, détroit dont la largeur à Istanbul n’est que de
quelques centaines de mètres ?! Il serait donc très domma-
ge de ne pas considérer le pôle à l’échelle de la région, inté-
gré dans un réseau de villes.
ATOUTS ET CONTRAINTES
Nous pouvons également nous interroger, dans le contexte de
la politique universitaire de l’Etat, sur les atouts et les limites de
l’établissement. Le principal atout et à la fois la principale limite
du pôle universitaire J-F Champollion réside dans sa taille.
La campagne actuelle du centre universitaire pour le recrute-
ment des futurs étudiants est d’ailleurs « small is beautifull » !
C'est dire que l’on joue pleinement de cet argument de taille
pour attirer les étudiants. Mais pour quelles raisons ? Au cours de
l’été 2010, un rapport commandité par le Ministère de
l’enseignement supérieur, révélé par Le Nouvel Observateur, a
classé le CUFR Champollion premier établissement de France
pour la réussite en Licence. Même s’il convient de prendre ses
distances par rapport à tout classement, il faut croire que
« l’écosystème albigeois » favoriserait la réussite.
Nous pourrions débattre longuement des causes qui ont fait de
ce centre universitaire le premier s’agissant de la réussite en
licence… Quelles qu’elles soient, ce classement tient compte
d’une particularité incontestée du CUFR : l’établissement a reçu
des points de bonification pour son taux d’élèves boursiers très
supérieur à la moyenne. Les statistiques montrent clairement
que le taux d’accès des élèves d’origine sociale plus modeste,
bénéficiaires de bourses est beaucoup plus élevé que partout
ailleurs (environ 48 % des étudiants). Ce chiffre est en rapport
avec la mission de service public que se fixe ce centre universi-
taire c'est-à-dire la facilitation d’accès aux études supérieures des
lycéens qui ne se dirigeraient pas forcément vers les études
supérieures.
Le critère de la taille fait également référence à la proximité et à
la possibilité d’un vrai fonctionnement collectif, peut-être moins
anonyme que dans une grande structure. Cette qualité va de
pair avec la grande sociabilité que l’on prête aux villes moyennes.
L’engagement fort des étudiants dans les structures associatives
est peut-être un signe de cette sociabilité : environ 10% des étu-
diants sont membres de l’AFEV. C’est encore une fois un record
en France.
La taille c’est aussi une qualité de vie compte tenu des moyens
matériels dont dispose le site. La question du logement est par
exemple plus facile à résoudre dans les villes moyennes. Enfin,
cette taille n’est pas limitative dans l’existence d’une vie culturel-
le de qualité même si elle ne peut pas, bien entendu, égaler le
bouillonnement culturel métropolitain.
Si certains éléments figurent à l’actif du site, d’autres le desser-
vent forcément. Le premier d’entre eux s’échafaude sur l’idée que
les lycéens ne rêvent souvent que d’une chose une fois leur BAC
en poche : étudier dans la métropole régionale ! Il existe en effet,
une vraie fascination pour la grande ville. Dès lors le slogan
« small is beautiful » peut se retourner contre le centre universi-
taire. Pourtant, une fois qu’ils ont choisi le site universitaire de
Champollion et qu’ils vivent à Albi, les étudiants valorisent très
souvent ce critère de petite taille.
Une autre conséquence négative à la taille de l’établissement se
manifeste par une sur-implication des enseignants-chercheurs
dans le collectif. En effet, compte tenu de la petite taille de
l’établissement, les enseignants-chercheurs sont très sollicités
pour offrir de leur temps aux différentes instances. En contrepar-
tie, les enseignants bénéficient tout de même d’une grande
réactivité de l’administration sur toute une série de dossiers.
Le thème de la recherche, est évidement lui aussi fortement cor-
rélé à la taille. Si le site albigeois connaît une montée en puissan-
ce de sa force de recherche - avec notamment l’édification d’un
bâtiment dédié à celle-ci – il faut bien reconnaître que les équi-
pes, physiquement installées sur place, sont rares. Celles ayant
franchi le pas sont essentiellement issues des sciences dures. Le
positionnement des sciences humaines s’explique par
l’appartenance presque systématique des enseignants-cher-
cheurs de ce domaine à des laboratoires toulousains. Singularité
géographique peu étonnante puisqu’en sciences humaines, la
recherche est classiquement un jeu de réseau, ne nécessitant
pas toujours un regroupement identifié dans un même lieu. En
revanche, l’ancrage territorial des enseignants-chercheurs en
sciences humaines n’est pas nul : il se réalise plutôt par une par-
ticipation dans des projets portés par des commanditaires
locaux.
Dans le même temps, le site est conçu comme un lieu
d’expérimentation de grandes questions vues depuis l’échelle
locale. Le Tarn est par exemple un excellent terrain d’application
pour la question des services publics en milieu rural. La question
des villes moyennes, avec l’expérimentation qui a été menée par
la DATAR ou bien encore le développement durable dans les
transports, sont d’autres thématiques qui trouvent une opportu-
nité à être conduites prioritairement en ville moyenne. Les labo-
ratoires de recherche les conçoivent comme tels, sans pour
autant que les chercheurs s’enferment dans des projets trop
locaux.
Un commentaire sur les liens entre CUFR et la ville s’impose.
Si aucune étude fouillée n’existe sur ce thème d’importance,
on peut noter l’attachement très fort des collectivités locales
à l’établissement. Ce lien s’explique d’abord par le finance-
ment qu’octroient ces dernières au centre universitaire.
Même si c’est l’Etat qui finance en très grande proportion
(90% des financements de Champollion proviennent de cré-
16 Cahier des territoires # 7 / Villes et universités
dits Etat), les collectivités locales ne sont pas en reste et
financent un certain nombre de bâtiments. Toutefois leur
implication en termes de marketing territorial, en jouant sur
la carte universitaire est plus conséquent.
Il est par ailleurs intéressant dans les relations entre la ville
et l’université, de voir que les habitants sont sensibilisés à
cette question. Une enquête, réalisée au moment des élec-
tions municipales à Albi, le prouve : à la question « Quelles
sont selon vous les mesures qui doivent être adoptées en
priorité par la prochaine équipe municipale ? » - posée à un
échantillon de 891 habitants - 77% souhaitaient qu’elle
contribue au développement de l’université Jean-François
Champollion. Signe vivace d’un attachement fort de la
population au centre universitaire. On retrouve le même
plébiscite dans les résultats du travail récent de la DATAR -
évoqué par Marie-France BARTHET. Dans son dossier de
demande, la ville d’Albi faisait de l’enseignement supérieur
l’une de ses priorités d’avenir. Loin d’être un hasard, cette
réponse traduit bien l’intérêt des décideurs locaux pour
cette thématique.
EN CONCLUSION...
Nous pouvons dire que la question de l’avenir du centre
Champollion, et plus globalement des universités en ville
moyenne est incertaine. Ni métropoles, ni petites villes, elles
sont dans une position d’entre-deux qui lie le devenir de
l’université au dynamisme de la ville. Si la ville moyenne
périclite, la présence universitaire peut être remise en cause.
Mais avant de penser le pire des scénarios, il faut rappeler les
trois types d’intérêts qui peuvent conforter le développe-
ment de ces universités dites « secondaires ».
• Le premier type d’intérêt, est celui des villes moyennes,
elles-mêmes. Il existe aujourd’hui un véritable lobby de ces
villes moyennes, qui s’affiche notamment dans le manifeste
de la Fédération des maires des villes moyennes.
Celui-ci comprend tout un passage qui présente l’enseignement
supérieur et la recherche comme un élément constitutif de la
vitalité en ville moyenne.
• Vient ensuite, le positionnement très clair de la Région Midi-
Pyrénées. La volonté de jouer la carte de l’offre de formation -
c'est-à-dire d’avoir une offre de formation en réseau sur tout le
territoire en évitant les doublons et en valorisant des Masters
spécialisés sur un certains nombre de sites – est un objectif affi-
ché par l’institution régionale.
• En revanche, le positionnement de l’Etat est beaucoup moins
évident. Si le gouvernement semble donner des indices positifs
sur ce sujet, faisant croire à une certaine détermination - notam-
ment par l’intermédiaire d’expérimentation d’universités de
l’enseignement supérieur en ville moyenne – nous sommes en
droit de nous demander si ces signes de bonne volonté ne sont
pas des supplétifs à une tendance de fond qui va à l’encontre de
la présence des universités en ville moyenne. Le flou qui entou-
re la mission de ce service public peut d’ailleurs interroger sur les
objectifs que l’Etat assigne à ces établissements. Créer, recruter
mais pour quoi faire ?
Pour finir, il faut évoquer une question fondamentale, dont nous
n’avons pas encore parlé, et qui est pourtant déterminante : c’est
la question de la culture. Le triptyque « enseignement, recherche
et culture » est tout simplement un point essentiel pour valori-
ser la présence de ces établissements en ville moyenne.
> Comme en atteste cette “illustration communicante”, la petite taille de l’université constitue un avantage... Source : CUFR
Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 17
La polarisation n’est pas si nouvelle que cela... “Premier point, je trouve qu’effecti-
vement, cette idée de polarisation est
intéressante, mais elle concerne surtout
les sciences dures avec leurs gros
besoins en matériel. C’est vrai qu’en
sciences humaines, on se sent un peu
différents parce qu’on n’a pas besoin
d’avoir de grosses machines pour tra-
vailler.
Deuxième point, lorsqu’on observe
l’aménagement du territoire, on s’aper-
çoit que nous avons déjà connu ce phé-
nomène de « polarisation ». En effet, il
existait déjà dans les années 60 lors-
qu’on réalisait de grandes opérations
industrielles qui devaient « irriguer »
l’espace alentours. On a eu aussi les
technopôles : cette idée des années 80
où il fallait diffuser selon une synergie
« chercheurs-enseignants ». Ce sont
donc des choses qui sont connues dans
l’aménagement. Et il est vrai que
l’aménagement réagit aussi selon « la
mode ». Par la suite nous sommes pas-
sés aux systèmes productifs locaux dans
lesquels finalement, ce qui était petit
était bien parce qu’on se trouvait en
phase avec les territoires. Donc il y a des
modes qui reviennent. Dès lors il est un
peu troublant de nous présenter la pola-
risation comme une nouveauté ; en fait
c’est quelque chose qui réapparait
comme une sorte de serpent de mer.
Troisième point, les conséquences et
les limites que vous avez évoquées,
nous les mesurons grâce à un mouve-
ment de fond. En effet l’université n’est
pas la seule à avoir engagé ce mouve-
ment de concentration : c’est égale-
ment le cas des tribunaux, des caser-
nes,… C’est une concentration de toute
une série d’équipements, de services
publics au sein des villes. Dès lors, il est
nécessaire de mettre en perspective la
concentration de l’enseignement supé-
rieur avec d’autres réformes de service
public.
Enfin, quatrième point, il est vrai que l’on
parle beaucoup de compétition, de
compétitivité, de classement de
Shanghaï, néanmoins je pense qu’il ne
faut pas oublier « les humanités » ; c'est-
à-dire finalement, l’université dans sa
vocation généraliste : celui qui consiste
à donner une base, un dénominateur
social et culturel commun, former des
citoyens.”
L’université bon conseil des territoires...“Je rebondis sur ce qui vient d’être dit.Personnellement, je ne fait pas parti du
monde universitaire : je travaille dans
un CAUE - un organisme de conseil aux
collectivités. Or j’ai l’impression que
l’université, en tous les cas à Toulouse,
est tout de même très précieuse pour
un territoire, justement en matière de
conseils, d’études, d’informations... C’est
d’autant plus intéressant qu’il s’agit de
conseils territorialisés ; je veux dire qu’il
n’y a que l’UTM qui peut faire une étude
sur place, avec des étudiants qui sont là
pour une année. Ceci ne va pas tout à
fait avec la logique que vous avez
annoncé ; si on concentre pour écono-
miser, on perdra cette matière grise sur
de nombreux territoires.”
Produire des systèmes productifs de connaissanceascendants.“Ce serait une bonne chose que
d’interroger également la question de la
métropole et de ses relations avec les
villes moyennes. Ce que j’entends à
l’instant dans cet atelier, c’est qu’il exis-
te une politique de fond de polarisation
qui est un petit peu descendante de
l’Etat, avec ces lieux de régulation et son
économie de moyen... Mais il persiste
des lieux de résistance, ressemblant
plutôt au système productif industriel
de l’Italie, qui sont plutôt des systèmes
ascendants. Or j’estime qu’il y a quelque
chose à trouver entre ces deux mouve-
ments car il me semble que dans un
contexte de compétition internationale,
nous avons besoin d’avoir une écono-
mie de la connaissance extrêmement
dynamisée ; or les systèmes descen-
dants ne sont pas les plus efficients qu’il
soit.
Ce qui ce passe sur les territoires des
villes moyennes est drôlement intéres-
sant : il y a de la proximité, de la proxi-
mité d’acteurs,... les étudiants s’y appro-
prient un territoire. Je pense qu’il y a
peut-être là des systèmes d’un autre
niveau à explorer. Je ne sais pas lequel,
je ne sais pas si le PRES est à l’interface
des deux ? Il me semblait que les pôles
de compétitivité avaient essayé de tra-
vailler là-dessus, tout en étant quand
même un système très descendant,
s’accrochant sur l’industrie aéronau-
tique, sur des gros pôles industriels et
pas sur n’importe quoi. Sommes-nous
au carrefour des ces choses là ?
Les diverses interventions proposées lors de cet atelier 1 ont donné lieu à plusieurs réactions dans la salle. Nous avons réalisé une synthèse de ces dernières, organisée par séquences thèmatiques.
réactions dans la salle“
18 Cahier des territoires # 7 / Villes et universités
Y a t-il encore de la place pour les villes
moyennes, notamment sur la question
universitaire ? Et c’est un vrai enjeu pour
la métropole parce que celle-ci devrait
exister aussi en s’appuyant sur ces villes
moyennes. Elle ne peut pas exister toute
seule dans l’agglomération toulousaine.“
Le PRES, système régulateur ?“Je vous ai dit toute à l’heure que le PRESavait signé une convention cadre avec le
Conseil Régional. Dans cette convention
cadre, il y a un « axe » qui concerne
l’aménagement du territoire et il est
notamment question «d’actions » qui
pourraient être engagées sur d’autres
villes universitaires hors Toulouse.
Malheureusement cette idée n’a pas été
décliné dans la convention d’appli-
cation de 2010 ! Espérons que cela sera
chose faite en 2011 et que nous confor-
terons ainsi les sites secondaires qui font
partie du PRES. Nous avons toutefois des
circonstance atténuantes à ce délaisse-
ment :nous avons été absorbés à 100%
par cette « Opération Campus » ; mais
on doit pouvoir mener les deux de front.
En tous les cas je reste persuadée que le
salut des sites universitaires secondaires
passera par le triptyque « formation-
recherche-entreprise » voir le triptyque
« enseignement-recherche-culture ».
Je pense que c’est effectivement une
idée intéressante capable d’aider ces
territoires à créer une synergie ? On l’a
fait au niveau de la métropole, ça veut
dire qu’on peut le faire aux niveaux des
villes moyennes. C’est ici que le PRES
doit jouer un rôle et qu’il souhaite le
jouer : la volonté de ne pas rester cent-
rer uniquement sur la métropole existe
bel et bien.
Pour faire le lien avec les pôles de com-
pétitivité, nous avons en Midi-Pyrénées,
un pôle de compétitive mondial de
dimension très métropolitaine mais le
pôle « agri-innovation » est beaucoup
mieux répartie. D’ailleurs il faut savoir
que les systèmes productifs locaux ont
désormais une suite : la DATAR a inven-
té « les Clusters » qui ne sont rien
d’autres que des systèmes productifs
locaux revisités, présentant un triptyque
« formation-recherche-entreprise » très
fort. En conséquence, je crois qu’il fau-
drait s’appuyer sur cette dynamique là
pour initier une synergie au niveau des
sites hors métropole. On connaît donc
deux phénomènes qui se jouent en
même temps et c’est le moment d’agir,
sinon nous allons arriver à une fossilisa-
tion au niveau de la métropole ; ce qui,
à mon avis est contradictoire avec ce
que l’on peut attendre d’une politique
régionale.”
La recherche... de l’excellence !“Lorsque vous dites « tout est axé sur lacompétition internationale », je m’interr-
oge un peu : faut-il absolument tout axer
sur la compétition entre quelques-uns,
pour quelques-uns ? Au contraire, ne
faudrait-il pas également développer un
concept de la « recherche d’excellence »
- concept appropriable par tous, où
chacun peut trouver sa place - plutôt
qu’une recherche compétitive, pour
laquelle les « petits » viennent, quoi
qu’on en dise, « nourrir les gros » ? Cette
recherche de la compétition élitiste sys-
tématique me semble parfois quelque
peu dangereuse.”
Très chers sites universitaires secondaires !“Le concept de compétitivité est un
constat. Ce n’est pas pour autant
quelque chose que j’approuve. Je ne
l’approuve pas, parce que — et vous
l’avez bien démontré sur le site d’Albi,
mais on pourrait faire la même chose sur
le site de Tarbes — il y a une qualité de
vie et un très bon taux de réussite sur les
sites universitaires de petite taille. Donc, il
faut bien se rendre compte qu’effecti-
vement, il existe une qualité dans ces
sites dits « secondaires », qu’on ne peut
pas retrouver dans les grandes masses.
Ils sont donc complémentaires et il serait
absurde de les laisser tomber.
Nous avons la chance d’avoir des villes
secondaires qui se sont développées et
il faut continuer à les développer parce
que c’est une question d’avenir. C’est
pour cela qu’il est absolument nécessai-
re d’augmenter les synergies entre la
métropole et ces sites secondaires.
A Tarbes par exemple, on a pu dévelop-
per un laboratoire de recherche avec
ALSTOM qui s’est appuyé sur des grands
laboratoires toulousains ; mais, la
recherche a bel et bien été « décentrali-
sée » sur Tarbes. Et du coup, c’est un
des endroits extrêmement productifs au
niveau des brevets. Si on avait fait la
même chose sur Toulouse on ne l’aurait
même pas vu ! Donc, moi je pense au
contraire qu’il y a des choses à faire
pour développer les sites secondaires.
C’est là que le PRES peut jouer un rôle.”
DES TERMES À RETENIR. 1. Polarisation − Au fig. Attraction vers ou autour d'un ou plusieurs pôle(s),sujet(s), thème(s); concentration des efforts, des pensées autour d'un ou plusieurs point(s). 2. Système productif local − (SPL)est un groupement d’entreprises, en majorité des PME/PMI qui mutualisent des moyens et développent des complémentarités sur unterritoire de proximité, pour améliorer leur efficacité économique. 3. Ville moyenne - [extrait de “La notion de "ville moyenne" enFrance, en Espagne et au Royaume-Uni” par Frédéric SANTAMARIA] - "Selon les auteurs, la catégorie "villes moyennes" commence àpartir de 20, 30, ou 50 000 habitants. Elle s'achève à 100 000 ou 200 000 habitants" dans l'agglomération (MICHEL, 1977, p. 642
Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 19
LES ÉTUDIANTS, LA VILLE, “LEUR VILLE” ?
Atelier 2 .
S’ils constituent un
public majeur non seule-
ment de la vie universitaire, mais aussi de la vie urbaine, les étudiants entretiennent
cependant des rapports complexes et dynamiques à la ville de leurs études.
En quoi le processus de leur devenir adulte, le temps des études, influence-t-il leur
inscription territoriale, tant d’un point de vue spatial que symbolique ? Comment ceci
peut, pour la collectivité, entrer en résonance, ou pas, avec son projet urbain ?
Problématique de l’atelier
Séverine CARRAUSSE propose ainsi de
faire un rapide tour d’horizon des sites
universitaires étudiés (l’université de
Toulouse II - Le Mirail en France,
l’université de Coimbra au Portugal, et
l’université nationale de Séoul en
Corée du Sud) avant de recentrer ses
propos sur les sociabilités et les modes
de vie des étudiants. L’objectif final vise
à éclairer les principales caractéris-
tiques distinctives de la jeunesse étu-
diante toulousaine et en particulier de
comprendre comment les étudiants
toulousains se distinguent de leurs
homologues européens et asiatiques,
par une construction identitaire
brouillée, ainsi qu’un statut d’étudiant
peu marqué.
TROIS MODÈLES INSTITUTIONNELS
L’université de Toulouse II – Le Mirail
est une université de masse implantée
dans une ZUP des années 60. En effet, si
l’université toulousaine a une histoire
très ancienne, l’université de Toulouse le
Mirail a, elle, une histoire bien plus
récente puisque c’est au début des
années 70 que les lettres et les sciences
humaines s’installent dans le quartier
périphérique du Mirail afin de répondre à
la forte augmentation du nombre
d’étudiants.
L’université de Coimbra est une uni-
versité traditionnelle (et sélective)
créée en 1290 à Coimbra (ville de rési-
dence des rois), elle est transférée à
plusieurs reprises de Lisbonne à
Coimbra (éloigner les étudiants) pour
s’établir définitivement au cœur de la
ville de Coimbra en 1537. C’est donc
une des plus anciennes universités
d’Europe qui a longtemps été la seule
université du Portugal (jusqu’en 1911).
Comme en France, le système portu-
gais de l’enseignement supérieur est
binaire ; sélectives, les universités
sont préférées aux institutions poly-
techniques (politécnicos). À l’instar
d’Oxford et Cambridge, de fortes tra-
ditions académiques perdurent à
Coimbra ; divers rituels académiques
accompagnent l’étudiant tout au long
de son cursus universitaire.
L’université nationale de Séoul est
une université élitiste installée à flanc
de montagne, éloignée du centre
ville. Toutefois les différents quartiers
qui composent la mégapole sont
autant de centres villes satisfaisant les
besoins étudiants. L’université natio-
nale de Séoul tire ses origines de
l’université impériale japonaise fon-
dée durant la colonisation ; nationale-
ment réinvestie dès la fin de la secon-
de guerre mondiale, l’institution uni-
versitaire déménage alors du centre
ville vers son emplacement actuel en
1975. Cette implantation périphérique
est guidée, comme à Coimbra et à
Toulouse, par la volonté d’éloigner les
étudiants. Il s’agit donc de repousser
les risques de contestation étudiante
loin du centre ville, et dans le même
temps de palier à une demande très
forte en termes d’enseignement
supérieur.
Il est important, dans ce dernier
contexte socio-culturel très spéci-
fique, de souligner la ferveur toute
particulière que l’ensemble de la
population voue à l’éducation. En
Corée du Sud, l’examen d’entrée à
Les recherches de SéverineCARRAUSSE explorent lessociabilités étudiantes, surun mode de passage àl’âge adulte de la popula-tion étudiante, et exami-nent notamment...• les dimensions d’insertion,d’intégration à la vie univer-sitaire et à l’institution uni-versitaire ;•mais aussi les dimensionssocio-culturelles qui parti-cipent de l’accès àl’autonomie (probléma-tique du logement et dessociabilités familiales etamicales par exemple) ;• et comment cela s’articuleà des dimensions plus iden-titaires de rapport aux étu-des, aux pairs, à l’avenir et àl’âge adulte, mais aussi à laville.
L’étude présentée en cejour, réalisée à partir d’untravail d’observation parti-cipante sur des temps rela-tivement longs, a étémenée dans trois paysreprésentatifs des principa-les diversités en matière demodèle institutionnel.
2.1.Éléments de comparaison internationale des sociabilitéset modes de vie étudiantsSéverine CARRAUSSE / Doctorante, laboratoire CADIS-EHESS (Paris) - LISST-CIEU (Toulouse II)
Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 21
l’université constitue l’objectif de toute une vie : « intégrer
une université prestigieuse, c’est construire une vie meilleu-
re » explique l’intervenante. Plus qu’ailleurs, entrer dans la
meilleure université autorise l’espoir d’un diplôme de valeur,
d’une bonne situation professionnelle et d’un salaire adé-
quat, d’un mariage réussi ; finalement, cette réussite sociale
par des études supérieures parvenues garantit à l’ensemble
d’une famille une existence confortable. C’est dans cette
perspective que les parents financent l’éducation scolaire de
leur enfant, investissant d’importantes sommes dans les
cours privés que proposent de nombreux instituts (hagwon)
sur le temps libre des élèves. « C’est une véritable frénésie de
l’éducation qui motive et pousse à la concurrence
l’ensemble des jeunes Sud-Coréens » appuie Séverine CAR-
RAUSSE. Au-delà de cet investissement pécuniaire direct et
conséquent, nombre de parents n’hésitent pas à fonder leurs
mobilités résidentielles sur la proximité d’une bonne école
ou d’un bon institut privé…
En Corée du sud le « prix social » de l’éducation est fréquem-
ment pris en charge par les mères. Elles renoncent ainsi à
leur propre carrière professionnelle, et gèrent intégralement
les activités éducatives et ludiques de leurs enfants. Elles
s’inscrivent et les insèrent dans différents réseaux sociaux
qui constituent des espaces-ressources : ceux-ci offrent
diverses informations liées à la scolarité des enfants, encou-
ragent la compétition entre les enfants et finalement instau-
rent un contrôle social. Les mères initient également un rap-
port spécifique à la ville, car en guidant la scolarité et les
sociabilités des enfants, ces derniers développent une
connaissance « spécialisée », très scolaire de la ville, ainsi
qu’une connaissance pragmatique des espaces pratiqués
par les diverses communautés, et des manières dont les
réseaux peuvent être abordés et entretenus (les trois princi-
paux réseaux sociaux étant institués selon le lien du sang par
la famille, le lien du sol par la ville d’origine, et le lien de
l’école par les rencontres qui seront déployées dans le cadre
scolaire, en particulier à l’université).
DES RAPPORTS ENTRE VILLE ET ÉTUDIANTS DIFFÉRENCIÉS
La configuration de chaque site universitaire est différente,
ainsi que l’organisation institutionnelle des systèmes univer-
sitaires étudiés. Et, logiquement, il en est de même dans les
rapports qui lient le mode de vie étudiant à la ville : le loge-
ment, les loisirs, le transport, l’activité salariée… Séverine
CARRAUSSE a choisi de s’arrêter plus longuement sur deux
thèmes en particulier : la question de l’ancrage institutionnel
et celle du logement dans le rapport ville / étudiants.
La problématique de l’ancrage institutionnel est cruciale
puisque l’accès à l’université induit des changements, voire
même des ruptures plus ou moins conséquentes, qui
brouillent nombre de repères familiers jusqu’alors établis : «
même si l’étudiant ne fait que changer de lieu scolaire – si
par exemple il réside sur Toulouse et s’inscrit à l’université
du Mirail –, il existe d’autres obstacles » explique Séverine
CARRAUSSE. Ces ruptures concernent la scolarité, le mode de
vie, ou encore le système relationnel et affectif « d’avant
l’université ». Elles constituent toutes des étapes difficiles qui
nécessitent une adaptation.
Or les universités répondent différemment aux difficultés
rencontrées par les étudiants. Ainsi, pour tenter de palier à
ces ruptures, l’accueil institutionnel est très fort dans les uni-
versités sélectives. L’intégration, l’acculturation des étudiants
à un corps, voire à une élite, est particulièrement soutenue.
> Situation des universités étudiées dans leur ville respective.Source : enquête Séverine CARRAUSSE, Les sociabilités étudiantes, 2004-2005
22 Cahier des territoires # 7 / Villes et universités
À Coimbra, l’accueil des étudiants se fait conjointement par
l’institution et par une coutume académique que l’on appelle
‘Praxe’. Il s’agit d’un ensemble de pratiques et de rituels extra-
universitaires qui vont accompagner l’étudiant tout au long
de son cursus, et l’impliquer ainsi dans ses études comme
dans la vie et dans la ville universitaires. La spécificité du site
universitaire (intra-muros) et de ses coutumes étudiantes
participe à l’intégration de l’étudiant à l’institution et à la
ville, et lui confère un attachement très fort à ces deux enti-
tés socio-spatiales.
À l’université nationale de Séoul, les étudiants sont égale-
ment incités à cultiver leurs relations au sein de cette insti-
tution élitiste, et bénéficient de deux supports : d’une part,
les « membership training » (ou ‘MT’) - équivalents aux
« week-ends d’intégration », et d’autre part, les « dongaris »
- des cercles sociaux étudiants, très nombreux sur le cam-
pus. Ces manifestations permettent d’étendre les réseaux
des étudiants en même temps qu’elles ancrent ces derniers
dans l’université et dans la ville, puisqu’il est question à
chaque fois de sortir ou de découvrir de nouvelles zones, de
sortir ensemble et d’aller boire des verres, etc.
La sociabilité des étudiants de l’université de Toulouse II –
Le Mirail est davantage informelle et en appelle aux initiati-
ves individuelles ; leurs activités, plutôt tournées vers la ville
et dispersées, mobilisent davantage la structure urbaine.
« À Toulouse où la quête d’un logementconstitue aussi pour de nombreux étudiants une réelle difficulté, la chambre en cité universitaire (« la piaule ») resteun modèle d’habitat estudiantin encoretrès convoité. »
Concernant la question du llooggeemmeenntt,, une enquête par
questionnaire menée auprès des étudiants (450 individus
par site universitaire) a révélé trois types d’habitat communs
aux trois sites étudiés, mais investis selon des modalités
socio-culturelles spécifiques.
À Séoul il existe une interdépendance familiale très forte.
Presque un étudiant enquêté sur deux vit chez ses parents ;
et hormis les étudiants qui habitent à proximité de
l’université dans de toutes petites chambres étudiantes, les
jeunes Sud-Coréens quittent généralement le cocon familial
lorsqu’est venu le temps de se marier. La « vie chez les
parents » est marquée par les codes sociétaux ; ainsi, en
Corée du Sud, la forte démarcation existant entre « vie pri-
vée / vie publique », « intérieur / extérieur » limite par exem-
ple les invitations dans la maison familiale. Et puisqu’il n’est
pas plus évident de recevoir dans un logement étudiant
exigu, les sociabilités et la vie étudiante s’expérimentent sur-
tout à l’extérieur, dans les divers espaces que compte la
mégapole pour satisfaire les besoins des étudiants ayant trait
aux études ou aux loisirs.
Une forme de logement communautaire en quelques points
comparables à la colocation à la française caractérise
l’habitat conimbricense : les « repúblicas », des maisons
autogérées par une dizaine d’étudiants, avec le soutien de
l’université de Coimbra. Ces repúblicas furent instituées à
l’époque de la fondation de l’université, alors que les loge-
ments étudiants s’avéraient insuffisants ; aujourd’hui, elles
demeurent financièrement intéressantes mais restent peu
sollicitées. Avec l’essor des petites chambres individuelles, la
convivialité et l’« être ensemble » de ce mode d’habiter tra-
ditionnel apparaissent comme des valeurs surtout partagées
dans les rues de la ville.
À Toulouse où la quête d’un logement constitue aussi pour
de nombreux étudiants une réelle difficulté, la chambre en
cité universitaire (« la piaule ») reste un modèle d’habitat
estudiantin encore très convoité ; il s’est adapté aux pra-
tiques de ce public, parallèlement à l’évolution sociale (cité
ou résidence universitaire mixte, chambre pour couple,
appartement dédié à la colocation, etc.), et alors que la solu-
tion du « provisoire » tend parfois à se prolonger.
LES ÉTUDIANTS DE L’UNIVERSITÉ DETOULOUSE II - LE MIRAIL ET LA VILLE :MANIFESTER UNE IDENTITÉ ÉTUDIANTE“DISSÉMINÉE”, ÊTRE JEUNE AVANT TOUT,DEVENIR ADULTE
La relation de l’étudiant à la ville des études est avant tout
fonctionnelle ; en outre, elle se joue surtout dans les socia-
bilités qu’il déploie, pendant le temps de ses études – une
période charnière dans son devenir adulte. L’appropriation
de la ville est ainsi liée à la perception que les étudiants ont
de leurs pratiques (et) de la ville.
Séverine CARRAUSSE oriente sa réflexion sur la relation des
étudiants de l’université de Toulouse II – Le Mirail au territoire.
Ces étudiants se présentent avant tout comme des jeunes : ils
sont étudiants parce qu’ils suivent des études à l’université,
mais la diversité de leurs activités et de leurs conduites festi-
ves, dispersées dans la ville, les caractérise davantage en tant
que jeunes. Et finalement, les étudiants de l’université de
Toulouse II – Le Mirail se sentent étudiants lorsqu’ils partici-
pent à des mobilisations étudiantes et s’approprient des
espaces de l’environnement institutionnel, en temps de grève
notamment. Ainsi, en dehors de ces « temps forts » au sein
des locaux universitaires, la ville de Toulouse constitue le ter-
rain privilégié de la vie étudiante.
Le sentiment d’adhésion identitaire à la ville passe alors par
diverses formes, au-delà de leurs profils, en fonction du
niveau d’intégration de l’étudiant dans la ville des études ;
celui-ci s’inscrit selon trois modalités, intrinsèquement liées :
> une inscription dans le temps ;
> une inscription affective ;
> une inscription par les pratiques et dans les symboles.
Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 23
L’inscription dans le temps, ou plutôt dans la durée, renvoie
à l’image qu’ont les étudiants de « vivre la ville » autant que
de « vivre en ville », d’y habiter, de s’y établir – y compris
l’été. En filigrane émerge l’idée de s’inscrire historiquement
dans la ville des études, d’y avoir un passé – souvent en
cours de construction, d’ailleurs, par l’expérience qu’ils font
de la ville des études.
Au-delà d’une simple acculturation ou expérience urbaine,
c’est la dimension affective de ce « vivre (dans) la ville » qui
semble entériner l’identité des étudiants par rapport à la ville
des études – en l’occurrence Toulouse, en fonction d’une
intégration plus ou moins désirée. Les notions de naissance,
de racines, de famille sont alors très fortes, et marquent le
lien à un territoire. L’étudiant peut être plus ou moins atta-
ché à son lieu d’origine, à sa famille, à son cercle amical, quel
qu’il soit ; auquel cas s’en détacher (quitter la ville d’origine
pour la ville des études), ou au contraire la renforcer (culti-
ver la continuité en changeant seulement d’établissement
scolaire, par exemple) marquent inévitablement l’intégration
à la ville de Toulouse. Il peut également manifester une
« émotion du territoire » par l’absence d’intégration, soit que
l’étudiant ne désire pas vivre « dans la grande ville », préfé-
rant le cadre de vie qu’il connaissait jusqu’alors ; soit au
contraire en ne manifestant aucun attachement territorial,
se proclamant plutôt « citoyen du monde ».
Enfin, pour beaucoup d’étudiants, la pratique même de la
ville participe de leur intégration à la ville des études ; cons-
ciemment, par leur expérience de la ville, par les sorties, par
un investissement territorialement (et socialement) marqué,
par la connaissance qu’ils ont ou développent de la ville ou
par l’intérêt qu’ils lui manifestent, l’intégration est en jeu. Elle
est alors souvent vécue par des actions ou des détails sym-
boliques forts (y avoir « son » banquier, « son » médecin, «
son » coiffeur, etc. ; se stabiliser quant au logement,
s’inscrire sur les listes électorales, apposer sur son véhicule
une plaque d’immatriculation au numéro du départe-
ment…). Progressivement, ces pratiques évoluent et font
refléter dans la ville leur devenir adulte. Stratégie et adhésion
identitaires se dessinent ainsi entre l’attractivité pragmatique
d’un territoire et la « sentimentalisation » de ce dernier, qu’il
soit d’ailleurs l’objet d’une implication de l’étudiant ou non...
Mais émotions et évènements importants de la vie, a fortio-
ri alors que les étudiants progressent vers leur autonomie
d’adulte, apparaissent inextricablement dépendant de leur
rapport au territoire.
24 Cahier des territoires # 7 / Villes et universités
> Fréquentation des rues de la ville par les étudiants dans le cadre des sorties –
Étudiants de l’université de Toulouse II – Le MirailSource : enquête Séverine CARRAUSSE, Les sociabilités étudiantes, 2004-2005
Toulouse, c’est bien connu, est une
ville étudiante. Avec à peu près un
habitant sur huit qui est étudiant, la
ville rose est actuellement la quatriè-
me ville universitaire de France. De
fait, elle propose un réseau
d’universités et un pôle de recherche
d’enseignement supérieur qui affiche
un rayonnement national et même
international. Sa grande attractivité
n’est plus démentie : « les étudiants
provenant des régions alentours,
mais aussi de nombreuses universités
étrangères sont relativement nomb-
reux » fait remarquer l’ancien élu étu-
diant du CROUS et du CNOUS pour la
Fédération Promotion et défense des
étudiants. Toulouse est aussi une ville
connue pour son ambiance festive et
sa douceur de vivre. Caractéristique
qui participe également au « pouvoir
recruteur » de la capitale haut-garon-
naise chez les étudiants et plus globa-
lement chez l’ensemble des nou-
veaux venus. Autre vecteur vertueux,
Toulouse est une ville sportive : la
grande majorité des sports sont
représentés par les associations de la
ville et d’un point de vue universitaire,
les équipes locales affichent des pal-
marès tout à fait honorables ; avec
notamment une université champ-
ionne d’Europe de rugby ou encore
une équipe de foot championne de
France universitaire.
UN ÉTUDIANT À TOULOUSE...
C’est par la description de la vie étu-
diante dans son cadre universitaire –
lieu où l’étudiant passe le plus clair de
son temps, que ce soit pour sa forma-
tion mais aussi pour sa vie périscolai-
re – que démarre l’intervention de
Chamsseddine NAÏB. « Lorsqu’on
parle de vie étudiante, on fait tout
d’abord allusion à l’implication des
étudiants dans les universités »
explique ce dernier. C’est plus préci-
sément leur présence dans «les
Conseils» - Conseils d’administration,
Conseil des études et de la vie univer-
sitaire, ou encore Conseil scientifique
pour les doctorants - qui donnent le
« la » de leur premier investissement.
Celui-ci passe évidemment par des
élections qui se tiennent tous les
deux ans, et qui malheureusement
comptabilisent un taux de vote assez
faible - en moyenne autour de 10%. «
Ceci constitue un vrai problème »
renchérie l’intervenant. Cependant,
ce désengagement électoral ne signi-
fie pas pour autant que les étudiants
ne se sentent pas du tout intéressés
par la vie universitaire ; certains
d’entre eux se sentent même réelle-
ment concernés par les orientations
de leurs universités respectives. «
Nous avons pu le constater dans le
cadre du « Plan campus », même si
malheureusement ils ont été très peu
consultés » confie l’interlocuteur.
Ainsi peut-on dire, qu’en général, les
étudiants savent s’investir lorsqu’il est
question de « leur université » et que
leur volonté de faire évoluer ne relève
pas du fantasme institutionnel.
Pourtant cette envie de faire bouger
les choses ne se manifeste pas forcé-
ment dans le domaine de la formation,
mais de manière beaucoup plus large,
dans le dessein de contribuer à la
construction d’une université de quali-
té. Reste qu’à l’heure actuelle, l’étudiant
ne fait pas preuve d’un sentiment
d’appartenance à son université ; ce
qui n’empêche de se sent impliqué
dans sa formation. « Prenez n’importe
quel étudiant – nous dit
Chamsseddine NAIB - et demandez-
lui ce qu’il fait… Il vous répondra « his-
toire de l’art, biologie cellulaire,… »,
mais en revanche ne vous donnera
jamais le nom de son université ».
Chamsseddine NAÏB,ancien élu étudiant, propose ici de dépeindrela vie étudiante toulou-saine, et l’impact qu’ontles étudiants sur la ville,leurs universités, les ser-vices qui peuvent leurêtre fournis,… bref surleurs propres vies.
2.2.Être étudiant à Toulouse...Chamseddine NAÏB / Ancien étudiant élu au CROUS et au CNOUS, membre de la Fédération PDE
Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 25
C’est justement cette référence à l’identité de l’établissement
que de nombreuses universités tentent d’instituer par le biais
des BAIP (Bureau d’Aide à l’Insertion Professionnelle). Cette
instance vise à mettre en place - tel que cela existe dans les
universités de Coimbra ou de Séoul - un lien plus étroit entre
les étudiants et l’institution universitaire.
La vie étudiante ne repose pas exclusivement sur la seule
question de la formation. La vie associative a également une
grande importance dans la vitalité de l’université et de la vie
étudiante. « Plus le nombre d’associations est élevé, plus les
étudiants s’investissent dans celles-ci, et plus ils cherchent à
faire bouger leur campus et surtout à le faire vivre » témoi-
gne l’intervenant. C’est ce qui va faire qu’un lieu de forma-
tion va être l’élément déclencheur du lien d’appartenance à
une université. Plusieurs exemples illustrent cette règle : si
on prend l’exemple du Mirail, on a axé plutôt sur des foyers
qui sont plutôt des associations filiéristes, donc un foyer
d’histoire, un foyer de langue. Et prenons un exemple qui est
complètement contraire, l’université Toulouse 3 qui a 54
associations, qui va de l’association de vélo à l’association de
théâtre, avec quelques associations filiéristes à l’intérieur
mais qui ne sont pas la majorité de ces associations.
UNE UNIVERSITÉ, UNE VILLE
Vivre à l’université est une chose, vivre sa vie étudiante est
une autre chose et insinue avant toute chose la fréquentation
d’autres lieux, hors le campus universitaire. Le rapport entre la
ville et les étudiants se réalise presqu’exclusivement autour
des services que la ville propose à l’étudiant. Il est indéniable
que malheureusement, l’étudiant a actuellement très peu
d’impact sur sa ville et surtout qu’il ne s’y attache pas plus ça.
C’est d’abord une question d’identité : l’étudiant se sent tou-
lousain et participe à la vie citoyenne toulousaine lorsqu’il est
issu du berceau toulousain. Pour les « étudiants étrangers »,
en revanche peu nombreux sont ceux qui s’impliqueront et
feront par exemple les démarches pour aller voter — souvent
par désinformation notamment sur les démarches à suivre
pour changer de domiciliation et voter dans sa nouvelle ville.
C’est aussi parce que cette deuxième catégorie d’étudiants
sait que leur « vie à Toulouse » sera sans doute éphémère.
« L’étudiant ne sait évidemment pas de quoi son avenir sera
fait ». C’est ici un problème plus social, qui fait référence au
projet professionnel et plus globalement à l’insertion de jeu-
nes diplômés ne sachant pas où aller. Cette démarche là n’est
pas entreprise. Malgré ses freins à l’appartenance à sa ville uni-
versitaire, il n’en demeure pas moins que les rapports entre la
ville et les étudiants existent… presque contraints et forcés.
Le transport… L’un des principaux rapports qui noue la ville et
les étudiants n’est autre que le transport. A Toulouse, les
transports en commun sont beaucoup plus utilisés par les
étudiants pour se déplacer. Il faut dire qu’un grand nombre
d’entre eux n’habitent pas forcément à proximité immédiate
des universités et dès lors sont de grands consommateurs de
transports en commun … vélib’ toulousain compris. Ce n’est
pas parce que les étudiants empruntent fréquemment les
transports en commun, qu’une politique tarifaire particulière a
été mise en place. « Il est dommage que les étudiants bénéfi-
cient des « tarifs jeunes » et non pas de « tarifs étudiants » »
regrette l’intervenant. En effet, une fois ses 25 ans révolus
(limites du tarif jeune), un étudiant en thèse ou en retard se
verra appliquer un tarif normal. Cette forme d’injustice a déjà
été dénoncée et plaidé par les étudiants auprès de leurs élus.
Malheureusement, jusqu’à l’année dernière, ceux-ci n’avaient
pas beaucoup de poids. Il faut espérer que la création récen-
te, par la nouvelle majorité municipale de Toulouse, du
Conseil de la Vie Etudiante changera certaines choses.
Le logement… Le rapport ville-étudiant se matérialise égale-
ment au niveau du logement ; qu’il soit universitaire ou privé.
Le CROUS Midi-Pyrénées (Centre Régional des Oeuvres
Universitaires et Scolaires) compte près 8700 chambres ;
6600 chambres sont situées à Toulouse. Le reste des étu-
diants (donc l’immense majorité) se trouve dans l’obligation
de trouver leur bonheur (ou tout du moins un toit) dans le
secteur privé. Ces étudiants là, pour se loger, prennent en
compte la distance entre l’université et leur logement mais
aussi – et c’est d’ailleurs le point principal - la présence de
« commodités » autour de leur « lieu de couche » ; qu’il
s’agisse de commodités du quotidien (épicerie, laverie,
magasin de reprographie…) ou de commodités culturelles en
principe moins vitales.
« Les logements des CROUS constituent la seule forme de logement sur laquelle les étudiants peuvent avoir un impact sur la qualité et l’emplacement. »
Les logements des CROUS constituent la seule forme de
logement sur laquelle les étudiants peuvent avoir un impact
sur la qualité et l’emplacement. Ce pouvoir d’intervention
s’explique très administrativement par la présence de sept
représentants étudiants au Conseil d’administration du
CROUS, dont l’un a été élu Vice-président. Au sein du
CROUS, les étudiants peuvent réellement influer sur tous les
paramètres de la construction de logements ; qu’il s’agisse
du choix du lieu, de la mise en place de commodités ou
encore de la taille des chambres. Ces deux dernières doléan-
ces sont les « traductions politiques » des désirs formulés
par l’ensemble des étudiants interrogés. Ils sont une majori-
té à souhaiter des lieux de vie dans ces logements, afin que
ceux-ci ne soient pas qu’une simple chambre pour dormir.
Un logement digne de ce nom doit permettre des échanges
entre les étudiants au sein d’ensembles, qui peuvent tout de
même regrouper 5 à 600 étudiants dans les tripodes de
Rangueil. On sent véritablement que les étudiants se trou-
vent en demande de rencontres et de liens sociaux.
26 Cahier des territoires # 7 / Villes et universités
L’offre du CROUS a par ailleurs cette capacité à fournir plu-
sieurs types de logement qui s’adapte aux besoins et surtout
aux moyens financiers des étudiants. A Toulouse par exem-
ple, le parc de logements va du 9 m² jusqu’au soixante mèt-
res carrés en collocation. Les contraintes budgétaires étant
bien réelles, le premier type est le plus plébiscité par les
étudiants. C’est la raison pour laquelle, ces 9 m² ont connu
une vague de rénovation qui ont tendance à agrandir la sur-
face de vie (on passe de 12 à 13 m²) avec des aménagement
appropriés - des systèmes de lits rétractables notamment.
La culture… L’étudiant toulousain est enfin énormément
demandeur d’évènements, de manifestations culturelles, et il
est vrai que Toulouse est une ville particulièrement bouillon-
nante en la matière. L’offre proposée aux étudiants par
l’intermédiaire des CROUS ou de la mairie est importante
mais globalement les tarifs ne sont pas encore assez
attrayants pour les étudiants. Dans ce domaine là aussi, on
ne prend pas suffisamment en compte la spécificité étu-
diante ; « un jeune et un étudiant sont deux personnes qui
ont une problématique totalement différente » insiste
Chamsseddine NAÏB. A Toulouse comme dans de nombreu-
ses villes de cette taille, le développement culturel s’agite
autour d’un monde associatif très présent, mais qui est mal-
encontreusement quasi-uniquement aidé par les seules uni-
versités - via le FSDIE (Fonds Social de Développement
Initiative Etudiante). Les aides des collectivités locales à des-
tination des associations étudiantes sont le plus souvent
faméliques, si ce n’est lorsqu’il s’agit d’une aide logistique, au
demeurant très utile.
Une caractéristique de la vie étudiante toulousaine s’invite
sur le thème de la vie culturelle. C’est une question qui a
d’ailleurs fait beaucoup parler d’elle, il y a
quelques années : Toulouse a alors été jugée
comme une ville très, trop festive, connue
pour l’ouverture très tardive de ses bars et ses
ambiances nocturnes délurées et bruyantes.
La population étudiante « a très mal vécu » la
réduction des heures d’ouverture et la mise
en place de contrôles un peu plus sévères.
Cet épisode peut être considérer comme
anecdotique mais démontre le faible impact
des étudiants face aux politiques des collecti-
vités locales, dès lors qu’ils ne se réunissent
pas en association ils bénéficient de très peu
d’écoute.
La citoyenneté… La citoyenneté étudiante
est l’un des sujets qui préoccupe le CROUS.
« C’est une citoyenneté globale, basée sur la
ville certes, mais aussi sur les universités où
les étudiants vivent la plupart de leur temps » intervient le
représentant du CROUS. De manière générale, c’est malheu-
reusement une citoyenneté sous-développée, qui connaît
des taux de vote étudiant catastrophiques. « On navigue
autour des 10% pour les Conseils d’université, et on atteint
même des participations qui frôlent les 2, 3% dans certains
Conseils d’UFR » raconte Chamsseddine NAÏB. Pour ce der-
nier la communication est trop souvent mal pensée.
Lorsqu’elle n’est pas absente, elle n’informe pas suffisam-
ment bien les étudiants sur les éléments que peuvent leur
fournir les différents Conseils et toutes les autres institutions
- notamment les collectivités locales : sans parler du calen-
drier électoral qui est tout simplement inconnu, « le fait que
les étudiants ne voient pas quelle est leur relation vis-à-vis
des collectivités ou des conseils, ils se sentent de moins en
moins impliqué ». En définitive, les étudiants peuvent être
demandeurs pour faire bouger leur université, leur ville, mais
l’opacité du système est tel qu’ils ont du mal à s’investir.
EN CONCLUSION...
L’implication étudiante est plutôt faible et pis encore, n’a que
très peu de poids lorsqu’elle est effective. Les masses étu-
diantes n’ont pour ainsi dire aucun moyen efficace pour faire
infléchir les collectivités ou les universités. Encore une fois,
le manque de communication de la part des collectivités
locales vis-à-vis du monde étudiant est flagrant ; le fait que
les institutions locales raisonnent en « jeunes » et non en
« étudiants », alors que ce sont deux populations distinctes,
revient très souvent dans les « revendications étudiantes ». Le
seul moyen de faire passer leur message reste finalement le
milieu associatif et universitaire, avec l’existence de
« conseils » où les associations étudiantes sont assez bien
représentées. Une implication qui au final leur est ouverte…
une fois qu’ils seront diplômés, tant bien même ils restaient
dans la région.
> Chambre étudiante dans la résidence universitaire de Toulouse I - Capitole.Source : photo DDM, Thierry Bordas
Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 27
La population Albigeoise, et plus particuliè-
rement celle du centre universitaire de for-
mation et de recherche Jean-François
CHAMPOLLION, n’est pas tout à fait la
même que celle que l’on peut retrouver
dans les grandes universités toulousaine.
Comme l’ont soulignés Benoît LACROUX et
François TAULELLE précédemment, le cent-
re albigeois compte un taux d’élèves bour-
siers supérieur à la moyenne nationale :
43.5 % selon les données administratives du
CUFR. L’autre aspect caractéristique du cen-
tre universitaire concerne l’approche territo-
riale de son recrutement étudiant : « le CUFR
recrute essentiellement dans le départe-
ment du Tarn ou dans ses départements
limitrophes » explicite l’oratrice.
« L’autre aspect caractéristiquedu centre universitaire concer-ne l’approche territoriale deson recrutement étudiant : « leCUFR recrute essentiellementdans le département du Tarnou dans ses départements limi-trophes. »
Le centre universitaire est situé dans une ville
moyenne qui recouvre des avantages cer-
tains par rapport à une grande métropole
régionale telle que Toulouse, qui ne cor-
respond pas forcément aux attentes
d’étudiants satisfaits d’étudier à proximité de
leur domicile. En partant de ce constat, qui
permet d’identifier un public particulier pour
cette ville, Emilie NICOULES a tenté de savoir
« si ces jeunes gens adoptaient les attitudes
identifiés dans la littérature sociologique
comme étant des comportements et modes
de vie étudiants ». Pour cela, la chercheuse
s’est appuyée sur des données statistiques
issues de l’observatoire de la vie étudiante
d’Albi, complétées par une série d’entretiens
passée auprès d’étudiants albigeois.
Trois niveaux de résultats sont présentés
dans son exposé : ils permettent d’éclairer
l’inscription territoriale des étudiants à Albi.
Tout d’abord en observant leur rapport au
logement. 39,6% des étudiants albigeois
déclarent vivre chez leurs parents durant
l’année universitaire. Parmi les décohabi-
tants — c’est-à-dire ceux qui ne vivent pas
chez leurs parents durant l’année universi-
taire et qui habitent un logement indépen-
dant — 67,9% vivent seul, 17.7% vivent en
collocation et 14% vivent en couple. Le
retour chez les parents reste très fréquent
chez les étudiants albigeois. En effet, plus
de la moitié des étudiants y retournent une
à plusieurs fois par semaine. Ainsi, les déco-
habitants adoptent un processus
d’indépendance mais restent très liés au
foyer familial et à la ville d’origine.
Ce lien avec la ville d’origine peut être varié.
Il est lié à soit la famille, à l’emploi, au sport
ou aux liens de sociabilité souvent hérités du
lycée. Cette « double vie » - l’une dans la
ville des études et l’autre dans la ville
d’origine - reste très prononcée surtout
chez les jeunes étudiants de niveau licence,
qui représentent la population majoritaire à
Albi. Dans ces conditions, bien qu’elle soit
souvent synonyme d’étude et de sortie,
l’inscription dans la ville reste alors très
aléatoire d’un étudiant à l’autre.
Le rapport aux déplacements constitue un
deuxième niveau d’analyse. Contrairement
aux grandes villes, bien plus étendues
qu’Albi, le campus et le centre ville sont
relativement proches, puisque les deux lieux
sont séparés d’à peine un peu plus d’un kilo-
mètre. « Lieu d’étude et lieu de résidence des
décohabitants sont par conséquent la plupart
du temps très proches » ajoute Emilie
NICOULES. On comptabilise d’ailleurs autour
de la faculté, de nombreux logements étu-
diants facilitant les déplacements à pied ou à
vélo. Les transports en commun, quant à eux,
sont très peu sollicités par les étudiants.
Pour l’autre catégorie – ceux qui cohabitent
chez leurs parents - la distance est un peu
plus importante puisqu’ils vivent souvent
Emilie NICOULES est étudiante en sociologie(Master 1). Ses travaux universitaires portent sur les étudiants dans lesvilles moyennes etnotamment sur l’exempledu CUFR d’Albi.
2.3.Étudier à Albi...Emilie NICOULES / Etudiante en Master Recherche de sociologie - Université Toulouse-Le-Mirail
28 Cahier des territoires # 7 / Villes et universités
dans les alentours d’Albi. Néanmoins cette distance reste en
général inférieure à cinquante kilomètres. Compte tenu des
réseaux de transport en commun qui sont peu étendus dans
les zones rurales, les cohabitants se déplacent majoritaire-
ment en voiture comme le confirme d’ailleurs les enquêtes
menées par l’observatoire national de la vie étudiante.
« Selon cet outil statistique, plus la taille de la ville est petite,
plus les étudiants utilisent un véhicule personnel pour se
déplacer » cite l’intervenante.
Le rapport des étudiants aux loisirs et aux sorties constituent
un autre thème d’importance. Pour Emilie NICOULES, loin
des pensifs dilettantes, « ces deux éléments de la vie urbai-
ne vont systématiquement de pair avec les modes de vie
des étudiants ». Bien entendu, les « distractions oisives »
sont beaucoup moins riches que dans une ville comme
Toulouse, et pourtant l’offre est jugée suffisante par les étu-
diants : « comparé à la taille de la ville et à ses 4000 étu-
diants, c’est pas mal du tout » témoigne l’interlocutrice.
« Très vite on se rend compte que les cartes dessinées par les étudiants quihabitent Albi depuis un certain temps, au sein probablement d’un logementindépendant, proposent des cartes trèsfournies sur lesquelles ils font apparaîtreun réseau de sorties assez dense. »
Dans cette approche là, on note des inscriptions territoriales
très différentes selon le mode de résidence des étudiants.
Cette conclusion s’appuie sur une étude axée sur
l’élaboration de cartes mentales réalisées par les étudiants
de L3 sociologie du CUFR Champollion.
« Nous avons plus précisément demandé à ces étudiants de
représenter une carte d’Albi avec leurs lieux festifs, les
endroits où ils sortent » explique l’étudiante. Très vite on se
rend compte que les cartes dessinées par les étudiants qui
habitent Albi depuis un certain temps, au sein probablement
d’un logement indépendant, proposent des cartes très four-
nies sur lesquelles ils font apparaître un réseau de sorties
assez dense. Celles représentées par ceux qui n’habitent pas
Albi mais ses environs, est beaucoup plus légère. On peut
supposer que les étudiants qui n’habitent pas à Albi sont
plus souvent chez leurs parents. D’autres différences appa-
raissent : on voit bien notamment que la représentation des
cohabitants est un peu moins centrée sur les sorties et sur-
tout que celle-ci est très marquée par la présence de l’axe
routier principal. En définitive ces cartes des représentations
- en fonction de la géographie du logement - montrent clai-
rement que les étudiants qui ont une vie sur Albi perçoivent
la ville comme leur « lieu d’étude » mais aussi leur « lieu de
sortie et de festivité ». A contrario, les étudiants qui n’habitent
pas Albi, utilisent la ville et la fac comme leur « lieu d’étude »
mais pas comme leur « lieu de vie et de sociabilité ».
> Carte mentale déssinée par une étudiante qui n’habite pas Albi.Source : Emilie NICOULES
Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 29
Que Toulouse ne soit pas la seule ville où se
soit installée une affirmation politique forte
autour d’un lien si complexe [le lien ville-uni-
versité] ne surprend pas Daniel POULOU.
Tant et si bien qu’en entendant l’exposé
consacré à des exemples étrangers, il dit
avoir « parfois eu l’impression de reconnaît-
re la pluralité sociologique et culturelle qui
anime le territoire de l’agglomération tou-
lousaine ». Le fonctionnement élitiste de
l’université de Séoul, où les gens se retrou-
vent autour d’une vie culturo-associative foi-
sonnante, lui a par exemple rappelé « cer-
tains territoires toulousains gérés par de
grandes écoles ». C’est encore le lien privilé-
gié de l’université de Coimbra avec son
centre qui lui a fait un peu penser « à celui
qui noue nos étudiants et notre propre cen-
tre ville ». Certes, ce ne sont que des lumiè-
res qui s’allument et surtout pas des analo-
gies directes. Il n’en reste pas moins que
pour l’intervenant, toutes ces questions ne
peuvent faire l’économie d’études sérieuses :
« Ne parle-t-on pas de l’université, lieu de la
recherche par excellence ? Nous avons tout
intérêt à creuser la connaissance sur la
diversité de l’attente et de l’état sociolo-
gique du monde étudiant, du monde de la
recherche et plus largement du monde
universitaire ».
Toutefois, ses interrogations ne l’empêche
pas, lui et surtout la ville de Toulouse,
d’intégrer cette dimension dans la réflexion
urbaine de la ville. C’est pourquoi, il livre un
témoignage sur l’état d’avancement de
l’engagement de la Communauté Urbaine
du Grand Toulouse sur cette dimension.
UNIVERSITÉ ET COLLECTIVITÉ,L’INDISPENSABLE ÉCHANGE
Selon lui, « le lien entre ville et université,
est aujourd’hui suffisamment affirmée poli-
tiquement pour qu’elle fasse l’objet d’un
débat ». D’ailleurs « la machine administra-
tive et technique n’a jamais été autant
avancée pour développer des projets cohé-
rents en la matière ». La maturité des liens
entre les collectivités et le PRES en est la
meilleure preuve. « Personnellement, je tra-
vaille d’ailleurs davantage avec le PRES
qu’avec la plupart de mes autres collègues »
rapporte Daniel POULOU. En tout état de
cause, une chose est claire, une telle évolu-
tion technique n’aurait pu exister sans
l’émergence d’un acteur comme le PRES.
« Ce matin Marie-France BARTHET racontait
qu’au début de sa carrière, elle se considérait
comme un « chercheur hors sol ». Or j’ai
l’impression que l’on trouve nombre
d’étudiants « hors sol » ! » lance l’intervenant.
Il est vrai que finalement ces derniers sont
peu souvent proches de leur université…
Quoi que… on y trouve quelques nuances :
la situation française est loin d’être uniforme.
Par conséquent, encore une fois, il y a néces-
sité à poursuivre l’actualisation et le partage
des connaissances parce qu’il est certain que
les laboratoires possèdent une connaissance
extrêmement plus poussée que celle des ser-
vices de collectivités… qui pourtant structu-
rent de nombreux projets. Mais faut-il enco-
re que cet échange se développe.
LA FABRIQUE TOULOUSAINE...POUR RÉFLÉCHIR COLLECTIVE-MENT À LA RELATION VILLE-UNIVERSITÉ
A Toulouse, la collectivité tente de stimuler
cette interconnexion. « Vous avez certaine-
ment entendu parler du processus
d’élaboration collectif et de partage de
l’information sur le mode de création d’un
projet urbain communal dans un premier
temps, puis à vocation communautaire
dans un second temps » demande Daniel
POULOU à la salle. Il fait référence à « la
2.4. Le lien “ville-université” dans le Grand ToulouseDaniel POULOU / Directeur de projet à la Communauté Urbaine du Grand Toulouse
C’est d’abord dansl’optique d’échanger avec« les autres » que DanielPOULOU a souhaité participer à cette journée. Il faut dire que les inter-rogations sur le sujet ne manquent pas : « la question de l’appro-priation de la ville par les étudiants, commecelle des étudiants par laville, c'est-à-dire cetéchange entre collectivi-tés et étudiants, ne datepas d’hier » confiel’intervenant.
30 Cahier des territoires # 7 / Villes et universités
Fabrique Toulousaine » : une démarche qui a pour vocation
de traduire le projet politique dans les documents de plani-
fication classiques (PLU, PADD, SCOT, PLH...) en tenant
compte des réflexions portées par les documents existants
et plus largement par toutes les autres politiques publiques
qui ne sont pas des exercices directs de planification ; tels
que le projet culturel, le plan Campus, la politique de la
Ville... « Toutes ces questions alimentent les débats (d’abord
entre professionnel - de Février 2009 à Novembre 2009 -
puis avec la population ensuite), qui nourrissent eux mêmes
la démarche conduisant progressivement à un projet urbain
pensé à l’échelle des 25 communes » ajoute l’interlocuteur.
Durant les nombreux débats tenus entre professionnels, la
question de la « ville campus » a souvent été discutée. Ce fût
même le thème d’un atelier animé par des universitaires et
des urbanistes extérieurs à la collectivité. La question princi-
pale était très précise : « comment faire entrer la ville dans
l’université et l’université dans la ville ? ». Initialement intitu-
lé « la ville campus », cet atelier souleva en sus toute une
série de questions sous-jacentes : « est-ce que toute la ville
pouvait être considérée comme la « ville campus » ? » ;
« est-ce que la « ville campus » est vraiment la ville où vivent
les étudiants ? » - sous entendu le centre-ville. D’autres
questions de fond, pré-opérationnelles, se sont également
posées : par exemple « serait-il pertinent de renforcer le
phénomène de concentration centrifuge ? » ; ou encore
« est-ce que les autres dimensions urbaines sont suffisam-
ment considérées (transports, logement, loisirs…) ? ».
A ce sujet c’est d’ailleurs avec beaucoup d’intérêt que Daniel
POULOU a observé les cartes matérialisant la perception
étudiante de la ville d’Albi. « Il serait intéressant qu’on puis-
se réaliser le même exercice perceptif à l’échelle de
Toulouse, voire à l’échelle des 25 communes de
l’agglomération ». Pour le représentant de la Communauté
urbaine, « cela permettrait de connaître les différents types
d’appropriation du territoire, et ce en fonction des différen-
ces sociologiques de la population étudiante toulousaine ».
En tous les cas, voilà les types de questionnement qui ont
été débattus lors de cet atelier et auxquels les organisateurs
n’ont pu toujours répondre. Il n’en reste pas moins que ce
dispositif a permis d’avancer et que comme le répète Daniel
POULOU, « les chercheurs sont invités à venir présenter
leurs travaux dans le lieu public que constitue la « Fabrique
urbaine », afin de partager et échanger leurs analyses ».
Le débat avec la population fût également très riche. Selon
l’intervenant « le niveau de débat avec les toulousains a
même été généralement d’un excellent niveau, parfois supé-
rieur aux échanges avec les professionnels ». Il y a eu une
prise de parole habitante extrêmement avertie. Toutefois, une
question demeure : « ceux qui se sont exprimés représentent-
ils toute la population » ? Certainement pas. Quoi qu’il en soit,
ils ont participé à élever le niveau de débat, y compris sur la
question du lien ville / étudiants. Une participation souvent
mâtinée d’un esprit constructif quant à la dynamique étu-
diante pour Toulouse. Ce fût aussi, inévitablement, des réac-
tions plus contraires, exprimant un « ras-le-bol » à l’encontre,
notamment, de « certaines places bien trop bruyantes ».
> La Fabrique Toulousaine : un lieu de débat et d’exposition. Source : photos © La Fabrique Toulousaine
Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 31
Toute cette phase de questionnement, en prise avec la réali-
té, était indispensable. « Chacun sait bien qu’aujourd’hui, on
ne peut plus faire du projet urbain et de l’aménagement
sans débattre, partager mais aussi accepter de « trancher »
certains choix d’aménagement au regard des avis émis par
la population ».
DES PROJETS UNIVERSITAIRES DANS LE GRAND PROJET D’AMÉNAGEMENT TOULOUSAIN
A l’heure actuelle, les choix qui ont été pris, affirment deux
grandes lignes de force, garantes de l’identification du déve-
loppement toulousain.
La première d’entre elles porte sur la connaissance et
l’économie d’avenir. Centres de développement qui font
écho à l’image de « Toulouse ville créative », au sens très
large, et qui fait notamment le lien entre l’université, les étu-
diants, l’économie mais aussi la culture et la créativité.
< Carte illustrant la concordance du développement urbain et du projet universitaire.
Source : dossier Toulouse Campus déposé
pour approbation définitive / fév. 2010
32 Cahier des territoires # 7 / Villes et universités
La deuxième ligne de force, peut être plus habituelle, porte
sur l’eau et de manière plus large sur les espaces qu’elle
occupe ou qu’elle jouxte, constituant un patrimoine bâti ou
non bâti, créant des usages, des pratiques développées sur
les rives ou dans des endroits davantage marqués par la pré-
sence végétale.
Par la suite, l’évolution de la réflexion visait à chercher une
structuration de tout ce qui fait projet. Pour Daniel POULOU,
« il y a toujours sur un territoire, énormément de choses qui
bougent, qui sont proposées, qui s’aménagent parfois toutes
seules, quasiment sans l’intervention de la collectivité,
quelques fois même a contrario de ce qu’elle souhaite ».
L’idée consistait à proposer une clef d’entrée collective, une
vision commune, ou tout du moins une boîte à outils per-
mettant de mieux organiser les choses.
Quatre premiers projets doivent façonner la ville-campus :
« Axe Garonne » qui est un projet d’aménagement courant
sur 31 kilomètres, à l’échelle communautaire ; le projet
Matabiau avec son rôle de futur centre « Mirail Garonne »
avec une université qui, située au cœur du quartier, doit
absolument servir de liens avec le territoire GPV, mais aussi
avec tous les autres territoires adjacents ; enfin le projet
« Plaine Campus », créé autour des sciences dures sur le
sud-est toulousain, s’appuiera sur l’université Paul Sabatier
et le complexe scientifique de Rangueil existant. Ce dernier
projet est un territoire naturel d’extension sur lequel le Grand
Toulouse travaille en collaboration avec le PRES. Plusieurs
opérations d’urbanisme publiques portées par la Commu-
nauté Urbaine y sont prévues ; dont certaines opérations
d’urbanisme, certains bâtiments - notamment l’espace
Clément Ader - seront portés par le PRES. Preuve que les
deux entités avancent main dans la main.
Bien sûr, ces quatre projets ne seront pas les seuls à se nour-
rir des deux lignes de force évoquées plus haut. D’autres pro-
jets, extrêmement importants pour les quartiers qu’ils vont
restructurer (la Cartoucherie, la rue Alsace-Lorraine, la ligne
Garonne, Niel, et bien d’autres), seront guidés par ces princi-
pes. On peut notamment parler du quartier des sciences qui
doit justement assurer un lien entre les sciences, au sens large
du terme, et la population ; en espérant développer un senti-
ment d’appropriation dans les deux sens. Il est notamment
prévu un lieu d’information capable de faciliter l’appropriation
administrative, voire citoyenne, des étudiants vis-à-vis de la
collectivité et de son territoire. Il y a là l’ambition de répondre
à toutes les questions étudiantes, et à favoriser leur insertion
au sein du territoire du Grand Toulouse. Voilà un projet
d’ambitieux qui n’est pas encore opérationnel mais qui est
lancé sur la base d’un constat probant et symptomatique de
la volonté politique qui anime les différents acteurs de la
question ville / universités à Toulouse : un besoin d’échanges
et de connexions entre les lieux mais aussi entre les différen-
tes catégories de population.
Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 33
Les sites universitairessecondaires sont-ils différents ? “L’avantage des sites universitaires
secondaires réside dans le fait qu’ils off-
rent une inter-connaissance, au départ
beaucoup plus importante que celle
développée dans les grandes universités.
Cette inter-connaissance, et les sociabili-
tés qui en découlent, sont facilitées par la
taille de l’université mais également par
la taille des promotions qui restent relati-
vement petites - de l’ordre d’une trentai-
ne d’étudiants en Licence 3. Cela res-
semble un petit peu au Lycée !“
> “Le fait que ces universités présen-tent une petite taille entre dans le critè-
re de choix des étudiants ; surtout par
rapport aux grandes universités qui
paraissent trop impersonnelles et « où
l’on perd tous ses repères ». En effet
beaucoup d’étudiants proviennent de
petites villes ou de villages dans lesquels
l’inter-connaissance est un élément de
sociabilité essentiel. Dans ces condi-
tions, la ville moyenne apparaît comme
une transition avant de se diriger vers la
métropole lorsqu’on visera l’intégration
d’un Master.“
> “ C’est surtout le critère de la proximi-
té — souvent décidé par les parents —
qui joue. Critère qui fait indirectement
référence à la qualité de vie. Mais bien
évidemment le critère premier reste le
coût de la vie étudiante, et notamment
le coût du logement qui constitue la
dépense principale pour les décohabi-
tants. Je ne sais pas ce qui en était pour
d’autres générations, mais pour moi,
l’université représentait l’autonomie —
c'est-à-dire quitter le lieu de résidence
des parents pour aller se fondre dans
une sociologie différente ; mieux enco-
re la liberté ! La vie d’étudiante, c’est
également la construction de sa per-
sonnalité.“
Etudiants et toulousains ?> “Il y a une spécificité propre àl’université de Toulouse Le Mirail. Disons
qu’une des choses qui m’a particulière-
ment marqué lorsqu’on compare cette
université toulousaine aux autres cam-
pus, c’est le fait que l’étudiant de cette
université a une vie plutôt « atomisée » ;
une « vie atomisée » qui, identitairement
parlant, ne lui assure pas son statut
d’étudiant. En effet les étudiants suivent,
certes, des cours à l’université mais c’est
essentiellement dans les temps de mobi-
lisation étudiante qu’ils se sentent vérita-
blement étudiants ; autrement dit, c’est
lorsqu’ils bloquent la présidence de
l’université qu’ils se ressentent étudiants
parce que c’est le seul moment où fina-
lement ils se rencontrent. Ils sont alors «
entre étudiants » et initient une action
qui se fait dans le « cadre estudiantin » ,
dans les locaux mêmes de l’université. La
« prise des locaux » fait alors émerger
quelque chose de nouveau au niveau
identitaire.“
> “ J’ai l’impression que soit « on est
étudiant », soit on est « quelqu’un qui
étudie » ! Pourtant dans notre rapport à
la ville il n’y a pas que cela ; il peut y
avoir le rapport citoyen. Est-ce que je
suis intégré - lorsque je suis étudiant ou
lorsque je suis quelqu’un qui étudie - en
tant que citoyen à la ville dans laquelle
j’habite ?
Est-ce que je dis que « c’est ma ville » ?
Est-ce que j’en suis citoyen ? Est-ce que
j’y vote ?“
> “Dans le cas de Toulouse, on se sentétudiant à partir du moment où l’on
développe un certain nombre
d’activités concrètes et pragmatiques.
Par exemple « mon coiffeur est à
Toulouse », « mon médecin est à
Toulouse », « mon spécialiste est à
Toulouse », « ma plaque est immatricu-
lée 31 » ! Ainsi avec ce genre de démar-
ches d’ordre social ou administratif,
l’étudiant se sent d’avantage toulousain
qu’étudiant.
[…] En venant s’installer à Toulouse, on
embrasse une forme de précarité qui
doit être normalement ponctuelle ;
mais c’est du « ponctuel » qui s’éternise
un petit peu ! C'est-à-dire que lorsqu’un
étudiant loue un logement à Toulouse,
il se dit qu’il va peut-être changer de
lieu d’étude et occupe finalement une
certaine ambivalence ; il reste dès lors
très attaché à sa ville d’origine. Au bout
d’un moment quand bien même les
allers-retours sont moins fréquents
entre ville d’étude et ville d’origine,
l’étudiant affiche encore des difficultés à
se projeter dans l’action citoyenne de sa
ville universitaire : « ça fait longtemps
que je fais mes études à Toulouse, mais
après il me faudra de toute façon trou-
ver un travail qui me poussera sans
doute à partir ; à ce moment là, j’aurais
tout le temps de faire un certain nomb-
re de démarches administratives ». C’est
notamment vrai pour l’inscription aux
listes électorales.“
Les diverses interventions proposées lors de cet atelier 2 ont donné lieu à plusieurs réactions dans la salle. Nous avons réalisé une synthèse de ces dernières, organisée par séquences thèmatiques.
réactions dans la salle“
34 Cahier des territoires # 7 / Villes et universités
>“Spontanément, je pense qu’il y aurait
trois modalités d’appropriation des étu-
diants à la « ville universitaire ». D’abord
par le temps ou plutôt la durée. Il existe
également une appropriation liée à
l’affect ; c'est-à-dire que certains vien-
dront étudier à Toulouse mais conti-
nueront à préférer leurs vertes vallées
de l’Ariège. A l’inverse, d’autres aime-
ront rapidement le dynamisme de cette
ville. Enfin on ne peut écarter la proxi-
mité du lieu d’étude avec sa famille, ses
amis,.... Mais plus globalement, il est dif-
ficile de figer quelque chose à un
moment donné parce que l’étudiant
évolue au fil de son cursus, parce que
ses sociabilités évoluent… ses « sociabi-
lités amicales » ou encore ses « sociabi-
lités amoureuses » vont progressive-
ment s’établir et finalement largement
participer à l’appropriation de la ville.“
Les étudiants, des jeunes à part ?> “Je souhaiterais revenir sur la ques-tion du refus de la mise en place de poli-
tiques destinées aux étudiants stricto
sensu, et sur l’idée de considérer cette
catégorie comme faisant partie inté-
grante de la jeunesse. C’est une préoc-
cupation assez constante notamment
dans les villes qui étaient dirigées par des
équipes socialistes : il s’agissait de ne pas
différencier les étudiants parmi les
populations jeunes, pour justement ne
pas favoriser de vision inégalitaire du
monde des jeunes. Plus largement, je ne
pense pas qu’il y ait autant de distinction
entre jeunes et étudiants ; surtout qu’une
grande majorité des jeunes sont des
étudiants !
Reste qu’il demeure une autre popula-
tion de jeune défavorisée, qui n’est pas
étudiante et qui peut dès lors expliquer la
volonté de parler de catégorie « jeune »
et non pas « étudiante ». Ce qui ne veut
pas dire forcément qu’il n’existe pas de
politiques initiées à destination des étu-
diants. Je crois d’ailleurs que c’est
davantage une question sémantique
qu’une question d’action.“
> “La définition du vocable « jeune »,c’est moins de vingt cinq ans. Nous
avons par conséquent une large palette
de « jeunes » dont « les constituants »
connaissent chacun des problématiques
particulières. C’est notamment le cas des
étudiants qui, bien qu’affichant des pro-
blématiques proches de celles connues
par « les jeunes en général », font état
d’une condition très spécifique : « pro-
blématique de formation », mais égale-
ment difficultés pour subvenir à leurs
besoins.“
> “Quand j’ai dit que « l’étudiant tou-lousain s’identifiait davantage à un
jeune qu’à un étudiant », c’est parce que
concrètement, l’université du Mirail
offre des filières où il y a peu de cours.
Donc, le reste du temps, ils vivent en
général à l’extérieur de l’université ou à
la bibliothèque universitaire. Mais c’est
vrai qu’on se trouve davantage dans
une dissolution de l’identité étudiante.
Je sais que le sentiment d’apparte-
nance à la faculté est différent à
l’université Paul Sabatier ; parce que les
étudiants ont davantage d’heures de
cours. Dès lors, ils investissent un peu
plus dans leur cursus et leurs pratiques
étudiantes sont différentes de celles du
Mirail. […] Il existe vraiment une carac-
téristique propre aux étudiants de
l’université du Mirail. C’est le fait des
campus un petit peu excentrés de la
ville elle-même. Et c’est vrai que dans
certaines filières où il y a beaucoup
d’heures de cours, les étudiants sont
d’abord, intégrés à l’université et dans
un second temps à la ville.“
Les étudiants, acteurs de l’aménagement urbain ? > “ Il y a eu débat autour de la FabriqueToulousaine, sur le processus, sur
l’affirmation du projet urbain avec le
Conseil de la vie étudiante, comme il y a
eu débat avec d’autres instances qui
représentent d’autres thématiques ou
groupements d’intérêts. Maintenant, le
Conseil continue de vivre, et je suppose
qu’il continue à débattre sur le sujet. […]
Il y a plusieurs organes dans le Conseil
de la vie étudiante et ces organes ont
un pouvoir d’interpellation vis-à-vis du
maire. Néanmoins c’est une instance
qui est quand même naissante et donc
je pense qu’il va falloir attendre encore
quelques années avant qu’il ne soit vrai-
ment efficace.“
DES TERMES À RETENIR. 1. Conseil de la vie étudiante − (CVE) Initiée en 2009, la ville [de Toulouse]ne comptait auparavant aucune structure de ce type offrant l’occasion aux étudiants de participer à la vie démocratique locale. L’objectifde ce conseil est de se faire l’écho des paroles étudiantes et de mettre en place une étroite synergie entre élus et étudiants, un réel débatet pour que naissent des propositions de qualité). 2. Fabrique toulousaine − Une démarche participative, animée par les élus,qui croise les visions politiques, techniques et citoyennes et qui en fera la synthèse. Après les professionnels de l’aménagement et del’urbanisme, elle interpelle les toulousains à travers de multiples lieux et espaces de concertation (ateliers, site @, exposition…).
Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 35
ORGANISATION ET VIE D’UN SITE UNIVERSITAIRE : VERS UN MODÈLE DE CAMPUS À LA FRANÇAISE ?
Atelier 3 .
L’université est à la fois
un lieu spécialisé, avec
une organisation spécifique, mais peut aussi être vu comme un microcosme de la ville,
intégrant différentes fonctions et espaces urbains.
Entre densité des activités scientifiques et injonction d’ouverture sur la ville, com-
ment se recomposent les sites universitaires ? Entre sécurité et gestion des installations
sur certains sites, espaces d’accueil de fonctions métropolitaines sur d’autres, intégra-
tion possible ou non de plate-forme économique, les sites universitaires s’interrogent
sur leur modèle en même temps qu’ils améliorent leurs bâtiments et réaménagent leurs
espaces d’implantation.
Problématique de l’atelier
A QUOI SERT LE PROJET UNIVERSITAIRE ?
Pour Jean-Noël LARRÉ, le point de départ
de la réflexion de la question universitaire
part de très loin : « comment a-t-on ressen-
ti à un moment donné, la place et le rôle de
l’université au sein du système
d’enseignement et au sein de la société
française ? ». Une petite phrase d’accroche,
empruntée à Alain RENAUD, lance ensuite
le débat : « l’université française est un
bateau ivre ». L’interprétation du directeur
de l’immobilier et de l’aménagement au
PRES de Toulouse est tout aussi lapidaire :
cela lui rappelle « que le moindre écueil
peut la faire chavirer ». Dès lors une profon-
de réforme est nécessaire face à la paralysie
qui frappe cette institution.
Ce qu’il est intéressant de voir c’est qu’en
définitive cette phrase prononcée en 2004,
a largement inspiré en 2009 - c'est-à-dire
hier – Valérie PECRESSE. La Ministre de
l’Education reposait la question sous une
autre forme : « des universités, oui bien sûr.
Mais pourquoi ? Pour qui ? Pour quel projet
de développement économique, social et
culturel ? ». Jean-Noël LARRÉ croit en la
nécessité de ce questionnement de fond,
« pour qu’il se passe quelque chose ». Et
pour ce, il est indispensable d’interroger le
terrain. « Il faut savoir d’où ça vient » dit-il
simplement. Mais ce n’est pas tout, pour
que les choses changent réellement, il faut
surtout une volonté politique, accompa-
gnée de moyens financiers adéquats ;
« sinon on est dans le discours le plus total »
prévient-il. Plus concrètement, la Ministre
propose dans son discours de 2009, une
réponse politique ; une réponse qui va avoir
une influence sur la question du « modèle
de campus ».
Les objectifs de cette politique y sont très
clairement affirmés : « il était urgent de ras-
sembler notre paysage de recherche - c'est-
à-dire 83 universités et 225 écoles - pour lui
donner enfin une visibilité mondiale ».
« C’est dans cet esprit que le Président de la
République a souhaité que notre pays se
dote de campus universitaire digne de ce
nom » poursuit-elle.
Dans les faits, la traduction opérationnelle
de ce discours, annonçant la volonté de
fédérer les universités, porte le nom
d’« Opération campus ».
Pour « fédérer les campus », ont été sélec-
tionnés au niveau national, 12 campus
d’excellence ; 10 se partageront les 5 milliards
d’euros provenant d’une partie de la vente
des actifs de l’Etat en Ile-de-France - les 2 der-
niers étant des campus sélectionnés sur
d’autres sources de financement. Quid des
laisser pour compte ?
« Se sont tenues à Paris, quelques jours
avant ce séminaire du PREDAT, deux jour-
nées organisées par l’AEF » lance le repré-
sentant du PRES. Etait notamment présent
le maire de Bordeaux ; lequel expliquait très
clairement devant l’assemblée, dont de
nombreux conseillers du Ministère, qu’il
considérait l’idée des campus d’excellence
comme une bonne idée. Pour autant il pré-
cisait que ceux qui ne seraient pas retenus
dans cette notion « d’excellence » - notam-
ment dans le cadre du Grand emprunt – ne
devaient pas dramatiser cet échec. Au
contraire, ce ne serait pas grave, les per-
dants auraient travaillé et pourraient tirer
partie de leur investissement. « Il n’en
demeure pas moins qu’il s’agit bien d’un
système sélectif » commente Jean-Noël
LARRÉ.
3.1. Les nouveaux enjeux des campus universitairesfrançaisJean-Noël LARRÉ / Directeur de l’immobilier et de l’aménagement, PRES Université de Toulouse
« Va-t-on vers un modèlede campus à la française ? » ;« s’agit-il d’un problèmeurbanistique ou d’un simpleproblème architectural ? » ;« y-a-t-il, à un momentdonné, des déterminantsqui influencent la réalisa-tion de certaines chosessur le terrain ? ». Voilàquelques unes des ques-tions que se pose d’embléeJean-Noël LARRÉ.
Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 37
L’autre sujet d’importance se résume à un vocable
d’actualité : « la visibilité internationale ». La question est
capitale : « nos universités sont-elles visibles au niveau
mondial ? L’université de Toulouse est-elle lisible au plan
mondial ? Est-elle au moins lisible au niveau national ? ». Ces
questions sont importantes parce que l’étudiant est basique.
Quand il se réinscrit d’une année sur l’autre, il regarde les
conditions de la réussite. Or figurent dans ces conditions de
réussite, un certain nombre de paramètres constants.
L’engagement financier est le premier d’entre eux, et sur ce
point « on peut être certain que « l’Opération Campus » va
respecter ses engagements » explique l’intervenant. Il s’agit
de 5 milliards d’euros, auxquels s’ajoutent 4,6 milliards
d’euros correspondant à l’engagement financier du MESR
(Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche)
sur la partie immobilière jusqu’en 2013. Malgré tout l’Etat
semble découvrir que l’investissement immobilier ne suffit
pas : « maintenant il faut se préoccuper de la vie étudiante,
il faut se préoccuper de l’aménagement, il faut s’occuper
d’équipement, et c’est assez intéressant à voir parce qu’on
a presque l’impression de découvrir le fait qu’un système
universitaire est un système complexe, qui s’apparente à des
morceaux de ville au sein d’une ville comme Toulouse »
explique-t-il circonspect. Ainsi par delà l’émergence de
signes architecturaux forts, la création de l’éco-campus –
« thème un peu tarte à la crème » ! - on commence à voir
poindre des inflexions sur le modèle urbain futur.
UN PROJET GLOBAL...
C’est que depuis très peu de temps le Ministère a mis en
place des « ateliers campus » animés par un comité
d’orientation stratégique, réunissant des architectes et des
urbanistes de renom. C’est dans le cadre de ces ateliers que
Bruno FORTIER – urbaniste - et Olivier GALLAND - sociolo-
gue - sont venus à Toulouse. « Leur avis sur notre projet a
été plutôt favorable » confie Jean-Noël LARRÉ.
Le projet toulousain s’inscrit dans une génération de projets
universitaires « de plus en plus complets face à un système
de plus en plus complexe ». L’opération campus toulousaine
s’appuie sur une gouvernance partenariale et une approche
transversale des différents thèmes qui tournent autour de
l’urbanisme, de l’architecture et des ambitions scientifiques
et pédagogiques. Cette gouvernance partenariale s’organise
autour du Comité de pilotage partenarial présidé par le
Préfet, où siègent les représentants des 5 collectivités terri-
toriales, le Ministère, le président du PRES, le bureau du
PRES, les établissements de recherche de type CNRS, INRA
et autres, et le CROUS.
Tous les documents d’orientation – le schéma directeur
immobilier Grand Sud-Est, le schéma directeur immobilier
et aménagement du Mirail, et le schéma directeur du loge-
ment étudiant l’agglomération toulousaine – ont été élabo-
rés, en commun, avec toutes les parties prenantes.
« Cela parait évident et pourtant j’ai déjà vu beaucoup de
projets où tout le système de décision et de communication
était complètement hétérogène ; et à un moment donné ça
produit des choses négatives » complète le directeur de
l’immobilier et de l’aménagement du PRES. Autre point
important dans l’organisation toulousaine : une convention
partenariale de site qui sera signée le 8 juin 2010 par les dif-
férents acteurs. Par ailleurs l’ensemble de l’engagement
financier, y compris celui qui figure dans le volet « pôle
d’activité » du CPER, est validé par les élus.
Bruno FORTIER n’a pas visité que les sites universitaires tou-
lousains ; il a réalisé un « instantané national » après avoir
fait le tour de tous les campus français. Pour résumer le tout,
il a produit un rapport qui met en lumière trois choses
importantes.
« [...] dans les 20 ans qui viennent, nousaurons besoin de 520 millions d’eurospour les travaux d’entretien qui ne sontpour l’instant absolument pas financés. »
Le premier point fait la thèse que, d’une manière générale, le
domaine universitaire constitue un domaine immobilier
assez important ; « cela concerne 1 million de m² sur
Toulouse ». Or ces « morceaux de ville » sont assez peu
intégrés au reste de la ville. La question des transports col-
lectifs est une première explication de cette « mauvaise gref-
fe » : « si des choses ont été faites en la matière, on n’avait
jamais pensé faire passer un transport collectif au milieu
d’un campus » constate l’intervenant. C’est justement le
projet en cours sur « Rangueil ». Au final Bruno FORTIER
parle de « projets immobiliers étroits, réalisé sans réflexion
globale ». C’est aussi l’avis de Jean-Noël LARRÉ. Dès lors le
travail à accomplir, notamment dans le cadre des PPP, est
conséquent. Cela commence en premier lieu par un effort
financier sur la gestion du patrimoine universitaire, jusqu’i-
ci cinquième roue du carrosse. Et Toulouse n’échappe pas à
la règle : « dans les 20 ans qui viennent, nous aurons besoin
de 520 millions d’euros pour les travaux d’entretien qui ne
sont pour l’instant absolument pas financés ». Le PPP pour-
rait être la solution. « Entre un bâtiment en loi MOP, qui
faute de décision de financement ne sera pas entretenu et
un bâtiment réalisé en PPP entretenu de façon quasi quoti-
dienne, il n’y a pas photo » livre l’intervenant. Il faut donc
investir dans l’entretien des bâtiments.
D’ailleurs la forme partenariale imposée par « l’Opération
Campus », construite sur le mode de la dévolution immobi-
lière, va nous obliger à réfléchir sur la durabilité des bâti-
ments. Evolution qui risque de ne pas être toujours facile
pour des présidents d’université à qui « on a annoncé qu’ils
allaient devenir autonomes, à l’intérieur d’un système fédé-
ral de type PRES, et que dans le cadre de la dévolution
immobilière, ils devaient rénover leur université ».
38 Cahier des territoires # 7 / Villes et universités
Plus globalement c’est la philosophie d’aménagement des
campus qui est en train de changer. Alors qu’il y a encore
quelques temps les présidents d’université refusaient en bloc
que leur « sanctuaire universitaire » – malgré des pro-
blèmes d’insécurité – entre dans la domanialité publique,
aujourd’hui ils sont prêts à en discuter. De la même manière,
certains d’entre eux commencent à appréhender
l’aménagement de leur territoire à l’échelle de
l’agglomération. « C’est quand même assez intéressant parce
que ça veut dire que ces idées-là, petit à petit, ont fait leur
chemin, et qu’en interne on arrive effectivement à expliquer
qu’il faut changer les choses et s’ouvrir un peu à la vie » ajou-
te Jean-Noël LARRÉ. Et s’ouvrir à la vie c’est d’abord dynami-
ser une vie étudiante quelque peu atone sur les campus.
Pour le comprendre, le représentant du PRES nous invite à
arpenter le Campus de Rangueil à partir de 17 heures. « Il ne
s’y passe strictement plus rien ». Dès lors ce constat pose une
question : « peut-on réintroduire une ville – une vie urbaine
- sur un secteur de cette échelle » ? Il s’agit bien de dévelop-
per une vie étudiante sur des campus d’une certaine taille ;
chose qui n’est pas évidente sur des surfaces qui font près de
150 ha – c’est le cas de Rangueil qui pose des problèmes bien
différents de ceux que posent les 20 ha de l’INSA. Le problè-
me des logements étudiants fait partie des principaux.
A Toulouse, malgré l’élaboration d’un « schéma directeur du
logement étudiant » il y a quelques mois, les idées reçues sur
le sujet sont encore nombreuses. Pourtant cet outil
d’orientation a permis d’éviter la construction de résidences
étudiantes mal implantées et surtout ne correspondant pas
aux attentes des étudiants. Un questionnaire envoyé à 1500
étudiants, des entretiens semi directifs - ont bien montré
qu'aujourd'hui ils préfèrent de grands appartements en colo-
cation, plutôt que de minuscule logements, du type chamb-
re universitaire de 9 m² - laquelle testé pendant 3 mois par un
sociologue a livré ses limites ! Comme c’est souvent le cas, le
modèle scandinave est peut être le bon exemple à suivre
pour les universités françaises : « une résidence étudiante qui
ne coûte pas plus cher que ce que nous faisons à l'heure
actuelle mais qui répond aux besoins de ses bénéfi-
ciaires ».
Tout ce travail d’adaptation a été mené avec les différents
acteurs du projet « Opération Campus ». Participation on ne
peut plus normale pour Jean-Noël LARRÉ : « Lorsque la
région finance le logement étudiant, désormais elle souhaite
savoir si l'argent public est dépensé au bon endroit, sur le
bon produit ». Une transparence partenariale nécessaire et
surtout efficace puisqu’elle permet d’établir une stratégie glo-
bale à l’échelle de tout le territoire, avec tous les acteurs ; les
universités mais aussi les écoles d’ingénieurs. Ces dernières
ont d’ailleurs pris conscience – grâce aux schémas directeurs
– qu’elles avaient des problématiques à résoudre :« c’est par
exemple une école qui s’est aperçue qu’il manquait 50 % de
locaux de recherche alors qu’une université comptait 150 %
de bâtiments à vocation administrative ». Cette remise à plat
était fondamentale avant d’investir. Elle a donné lieu à des
analyses très pointues : « nous avons même essayé de
comprendre pour quelles raisons certains locaux étaient
occupés à 50% de l'année ! ». Des remises en questions qui
n’ont pas toujours été faciles. Chose bien compréhensible
dans un système où nombre de choses se font « de façon un
peu souterraine ».
> Plan de “l’inscription territoriale à l’échelle de l’agglomération du projet universitaire”.Source : Schéma Directeur Immobilier et d’Aménagement
Grand Sud-Est et Quartier des Sciences - janv.2010
Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 39
Mettre le doigt sur les problèmes ne les résolvent pas pour
autant. Aujourd’hui les besoins en gestion dépassent très
largement le coût des équipements.
Aujourd'hui tout les acteurs ont pris conscience de l’enjeu
urbain que représenté l’aménagement de ces morceaux de
ville. « si la profession, globalement le savait, il fallait le faire
admettre aux maîtres d'ouvrage » renchérit l’intervenant.
Pour la première fois, Frédéric BONNET – architecte-urbanis-
te du cabinet OBRAS - a pu dire au président de l'université
Paul SABATIER, « vous devez penser à l'échelle de
l'agglomération, il faut faire entrer la ville dans le campus ».
Si au départ la réaction ne fût pas des plus cordiales, aujour-
d’hui chacun sait que si cette étape n’est pas franchie, il sera
impossible d’influencer le modèle global. Pour autant penser
l’aménagement d’un site universitaire à l’échelle d’une
agglomération ne signifie pas que les universités n’ont plus
leur mot à dire. Au contraire, autonomes, elles sont maîtres
de leur destin financier et ont tout intérêt à exploiter toutes
les potentialités de leur trésor foncier. Ainsi le président de
l’université Paul Sabatier doit pouvoir exploiter ses 150 ha
ajoute Jean-Noël LARRÉ. Dans le cas de l’université scienti-
fique, cette ouverture, matérialisée sous la forme d’une
autorisation d'occupation temporaire octroyée à une per-
sonne privée, pourrait par exemple permettre la construc-
tion d’un bâtiment permettant à l'institution de récupérer de
l'argent mais aussi d’offrir des fonctions urbaines qu'elle ne
possède pas jusqu’alors.
Un point important va porter sur l'évaluation des projets.
« Nous avons élaboré un schéma directeur de l’immobilier
et de l’aménagement ; nous avons discuté avec les architec-
tes et les urbanistes pendant plusieurs mois… mais ces pro-
jets répondent-ils aux besoins, aujourd’hui et surtout dans
quelques années ? » demande Jean-Noël LARRÉ. Ce n'est
pas de la paranoïa. C’est simplement faire en sorte de ne pas
construire et entretenir un patrimoine à côté de la plaque.
Cet objectif passe notamment par le renforcement des mis-
sions d'assistance à maîtrise ouvrage. Pour l’intervenant, « il
est nécessaire d’avoir un back-office au niveau des profes-
sionnels qui permette d'accompagner les projets sur de très
longues durées ». De la même façon qu'il existe une gouver-
nance partenariale, cette prise de recul favoriserait une
réflexion partenariale à long terme, incluant à la fois les déci-
deurs au niveau des aménageurs publics, mais aussi au
niveau de la collectivité publique. « A un moment donné -
conclut l’intervenant - il faut savoir prendre ses responsabi-
lités : il faut agir aujourd’hui même si dans 30 ans, assuré-
ment nous n’aurons pas fait tout à fait ce qu'il fallait faire.
Peu importe, il y a toujours une part de risque... à maîtriser
le plus possible ».
> Exemple de logement étudiant danois présenté dans le Schéma Directeur du Logement Etudiant de l’Agglomération Toulousaine.Source : SDLEAT - Sémaphores
et Latitude étudiante Conseil - déc. 2009
40 Cahier des territoires # 7 / Villes et universités
LA CROISSANCE UNIVERSITAIRE
Un graphique extrait d'un mémoire de maîtri-
se de géographie urbaine, rédigé par un étu-
diant de l’université de Toulouse le Mirail en
1971, permet de montrer l’évolution de la
situation du site de Rangueil, et plus large-
ment des universités toulousaines, « 50 ans
en arrière ». La courbe rouge représentant
l'évolution de la population universitaire est
sans appel : si en 1950, environ 8000 étu-
diants étudiaient à Toulouse, en 1970 leur
nombre frôle les 45 000. En 20 ans, la part des
effectifs universitaires par rapport au reste de
la population urbaine est passée de 2,8% à
10%. Si depuis la population universitaire n’a
guère augmenté (le rapport population uni-
versitaire / population totale est aujourd’hui
de 13 %), le contexte a en revanche sacré-
ment évolué. Cette progression étudiante
exponentielle d’après guerre coïncidait avec
une croissance urbaine importante, la crois-
sance démographique dites baby-boom, une
politique de construction volontariste, des
disponibilités foncières importantes qu’il fal-
lait aménager ou encore une politique scien-
tifique et industrielle forte… Autant de fac-
teurs qui ont conduit les décideurs de
l’époque à déménager la faculté des sciences
– jusqu’alors située sur les allées Jules GUES-
DE, en centre ville - sur Rangueil. « Quarante
ans plus tard, on parle du “quartier des
Sciences”, et on retourne aux allées Jules
Guesde ! » relève le chef de projet du PRES.
Il faut dire que dans les années 60, les
besoins fonciers ont fortement marqué
l'extraterritorialité du campus. « On l'a cons-
truit à l'extérieur ». En tout, ce sont plus de
cent vingt hectares qui ont été aménagés
pour accueillir le campus scientifique.
C’est René EGGER qui fût l'architecte en
chef de ce projet, secondé par C. MONTA-
GNE, E.F. CHABANNE et Y BOUDARD.
« Finalement, on parle toujours de CANDI-
LIS pour le Mirail, pourtant le projet de
EGGER a laissé une trace marquante et ce,
même si elle ne fût pas aussi célèbre que
celle laissée par son confrère » lâche
Christophe SONNENDRUCKER. Le projet
suit en tous les cas les mêmes principes
urbanistiques, propres au mouvement
fonctionnaliste. Il est construit selon la
logique du grand ensemble orthogonal.
C’est quelque chose de très géométrique,
de très académique avec une approche de
type zonage organisée autour de quatre
groupes de bâtiments constitués en fonc-
tion des quatre grandes matières scienti-
fiques (sciences naturelles, physique,
mathématiques et chimie). Le plan est
complété par deux cités universitaires, elles
aussi au style très académique et respectant
« l’imperméabilité des sexes » : la cité uni-
versitaire des garçons fait face à la cité uni-
versitaire des filles.
Le campus, très marqué par les bâtiments
assez monolithiques – « sans qu’ils soient
dépourvus d’une certaine valeur architectu-
rale » précise l’intervenant – n’en est pas
moins agréable. Les espaces de détente et
de loisirs avaient été pensés dès l'origine et
plus globalement les espaces verts étaient
très nombreux : « seuls 10% de l'espace du
plan masse initial n’étaient pas occupés par
des espaces verts ». Toutes les tranches ont
été achevées en 1967. L’école de chimie,
voisine fût réceptionnée la même année ;
suivie en 1968 par l’INSA avec le bâtiment
d’enseignement géotechnique, l’IUT de
Rangueil en 1969. En 1970, le CNRS, le LAAS,
l’Ecole nationale de l’administration civile
(l’ENAC) sont construits en parallèle, et
viennent élargir la zone du campus de
l’autre côté du canal. Cette unité de
l’Université de Toulouse devient alors
l’Université Paul Sabatier.
3.2. La forme urbaine du campus RangueilChristophe SONNENDRUCKER / Chef de projet, PRES Université de Toulouse
C’est finalement en solitai-re, sans Frédéric BONNET(architecte-urbaniste encharge de la coordinationgénérale du projet), que Christophe SONNENDRUCKER a présenté les principesd’aménagement du cam-pus de Rangueil. Ce dernier est plus particu-lièrement revenu sur cequ’il appelle le « coeur dusujet », c'est-à-dire l'originedu campus et la manièredont sa forme urbaine amuté, s'adaptant au fur et àmesure des décennies, augré des stratégies. « Celledes lendemains de guerreoù il fallait construire lescampus universitaires fran-çais dans le contexte d’unepolitique de reconstructionà tout va ; celle des années90, avec ses plans direc-teurs intitulés « université2000 » ; et maintenant,l’«Opération Campus »enfin, dont nous avonsdéjà largement parlé ».
Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 41
LE TEMPS DE LA MATURITÉ URBAINE
« Pendant vingt ans, cet espace a très bien vécu » explique
Christophe SONNENDRUCKER. Ce n’est qu’à partir des
années 1990 que l’État émet le souhait de transformer cet
espace universitaire « en quelque chose de plus structuré,
de plus humain aussi ». Cette volonté de réaménagement
s’apparente également à une reprise en main réglementaire :
le campus universitaire est alors réintégré au POS de
Toulouse. C’est à ce moment là que l’idée de réaliser un
schéma directeur du quartier – alors appelé « le quartier
universitaire de Rangueil » - née. Confiée à Frédéric
BONNET, cette mission a pour objectif, sur les 12 prochaines
années et sur plus de 300 hectares, de préserver la structu-
re du campus tout en encadrant son évolution. Les grands
thèmes génériques qui ont animé le travail des années 90
sur le campus sont divers. D’abord, « tisser le quartier univer-
sitaire avec de nouveaux liens » énumère l’intervenant urba-
niste. « Il s’agissait de créer un véritable réseau de nouveaux
liens : véhicules, piétons, transports en commun ». Dans les
faits, les dispositions du schéma doteront le quartier d’une
véritable infrastructure de liaison entre ses différentes parties
et le reste de l’agglomération. « On était déjà à la recherche
d’un lien avec le reste de la ville » fait remarquer Christophe
SONNENDRUCKER.
« Rendre l’espace public fondateur » constituait le deuxième
axe de travail. A l’avenir, le nouveau paysage de Rangueil -
avec ses allées, ses mas, ses squares et ses cours - sera le
support de l’identité territoriale. « Nous étions à ce moment-
là, à la recherche d’une identité s’appuyant sur la revalorisa-
tion et la requalification des espaces dans lesquels
s’inscrivent les bâtiments » commente l’intervenant.
La question de la circulation et du stationnement étaient
également pointées du doigt. Il s’agissait « de mieux gérer
les accès, de réorganiser le stationnement en vaste cours, de
créer des ensembles paysagers incorporant le stationne-
ment, les pistes cyclables, les cheminements piétons,
d’installer de nouveaux éclairages, de recomposer la logique
de la circulation et la manière de se garer à Rangueil ».
Enfin, l’amélioration générale du cadre de vie était envisagée :
« il est prévu de réaménager les vastes étendues, jusqu’alors
mal déterminées, comme de véritables lieux d’intégration de
la vie étudiante au quotidien. Des mails et les squares
devaient prendre place dans les secteurs stratégiques afin
de conforter les activités limitrophes déjà existantes ». Par
ailleurs, « l’orthogonalité d’origine devait être renforcée afin
de faciliter le repérage pour les piétons et les cyclistes ».
Au final cette phase de réorganisation a fait appel à une véri-
table logique de projet urbain axée sur la revalorisation
d’une entité urbaine existante ; c'est-à-dire conforter son
maillage, créer des points capables de devenir des lieux de
rencontre, améliorer le plan de circulation ou encore recher-
cher une certaine densité. « Reste que l’on était tout de
même dans une logique visant à répondre à des besoins
immédiats, tout en essayant de les organiser et de les
transposer dans les règlements d’urbanisme » tempère
l’intervenant.
> Plan d’évolution du campus de Rangueil (au-dessus) et photo des premiers bâtiments de l’université Paul Sabatier (à droite).Sources : Power Point de présentation de C. SONNENDRUCKER
42 Cahier des territoires # 7 / Villes et universités
L’OPÉRATION TOULOUSE CAMPUS
L’Opération Toulouse Campus validée en 2009 a d’autres
ambitions. « Derrière ce « nouveau plan », il y a une straté-
gie qui ne consiste pas uniquement à améliorer l’état des
bâtiments » explique le représentant du PRES toulousain. On
parle de « campus d’excellence », « d’améliorer de lisibilité
internationale » et « de répondre aux défis de l’innovation ».
Par « innovation », on entend la construction ou la rénova-
tion de laboratoires, de bâtiments d’enseignement et de
recherche en informatique, en mathématiques, en phy-
siques, en matériaux… « Tout ceci dans une certaine proxi-
mité » ajoute Christophe SONNENDRUCKER en faisant allu-
sion à l’intervention matinale de Marie-France BARTHET.
Durant celle-ci, la directrice du PRES de l’Université de
Toulouse avait alors mentionné le cas de l’Institut de la
recherche et de la technologie (IRT) dont le rayon géogra-
phique ne dépasserait pas les 2 km et ce afin que « le monde
économique et le monde scientifique puissent travailler
ensemble d’une manière cohérente et réactive ».
Désormais c’est bien cette logique de proximité mais aussi
d’adaptation qui prévaut… tout en utilisant la forme urbaine
initiale qui était celle de René EGGER en 1960. Christophe
SONNENDRUCKER parle « d’une intégration globale : inté-
gration à la ville mais aussi intégration au monde écono-
mique - tant dans un sens que dans l’autre ». En effet l’effort
n’est pas à produire dans un seul sens, les étudiants doivent
également mettre la même implication à s’approprier le
monde économique et à s’y adapter du mieux possible.
« Le Rangueil d’aujourd’hui » est cet agglomérat de bâti-
ments issus de différentes époques, dédiés à différents
domaines scientifiques : le groupe « Sciences naturelles », le
groupe « Physique », « Mathématiques », « Chimie »,
« Médecine » mais aussi des écoles à part entière telles que
l’INSA, l’Enseignement Supaero, la Faculté pharmaceutique
et la Faculté de chirurgie dentaire. Toute cette diversification
universitaire et géographique qui peu à peu a considérable-
ment élargi l’échelle de territoire : « on n’est plus sur
l’Université Paul Sabatier, on n’est presque plus sur Rangueil,
on est réellement sur un territoire que l’on appelle Grand
Sud-Est, plaine commune ou vallée de sciences ». Le poids
de ce complexe scientifique est d’ailleurs considérable :
« c’est un site aussi important qu’une ville moyenne comme
Cahors, Périgueux, ou Tarbes ; c'est-à-dire entre de 20 000
et 40 000 habitants. C’est un campus qui est équivalent à
toute la surface du centre ville de Toulouse ».
« Le poids de ce complexe scientifique[Grand sud-est] est d’ailleurs considérable :“c’est un site aussi important qu’une villemoyenne comme Cahors, Périgueux, ouTarbes ; c'est-à-dire entre de 20 000 et 40 000 habitants. C’est un campus qui est équivalent à toute la surface du centreville de Toulouse”.»
C’est aussi un site qui s’inscrit dans une métropole d’un
million d’habitants connectée à d’autres pôles urbains. La
notion de connexion a d’ailleurs été largement mise en
avant par le travail de Frédéric BONNET. En effet, dans le
cadre du projet campus, le schéma directeur immobilier
d’aménagement a bien mis en évidence ces notions de
réseaux et de sites interconnectés. Ce sont d’abord des
connexions classiques avec une maille constituée de pistes
cyclables, de cheminements piétons et autres voiries auto-
mobiles. Ce sont aussi de nouveaux modes d’interconnexion
qui peuvent être imaginés, comme par exemple « utiliser le
canal avec un « navibus » permettant d’accéder au centre ville
ou profiter d’un téléporté pour mettre en relation le
Cancéropôle avec le CHU de Rangueil ». C’est enfin mieux
utiliser le métro depuis que la ligne B dessert le campus en
2007. Un seul regret : que celui-ci contourne le campus sans
le pénétrer. « Il existe bien la station de la faculté des phar-
macies et celle de Paul Sabatier, mais toutes deux contour-
nent le campus ». Toutefois une petite révolution est en
route : la LMSE (Liaison multi-modale sud-est), ligne de
transport commun en site propre va être inaugurée en 2011-
2012. « Son deuxième tronçon entrera dans le campus » se
réjouit l’interlocuteur « et cette fois-ci, la ville ose entrer dans
cette « forteresse » qu’est Rangueil ! ».
Opération Toulouse Campus, c’est un réseau de sites inter-
connectés mais aussi une « ville parc » qui se déploie autour
du canal de Midi qui redevient un élément structurant. Le
> Plan illustrant l’inscription territoriale du projet Rangueil à l’échelle du Grand Toulouse.Source : Schéma Directeur Immobilier et d’Aménagement
Grand Sud-Est et Quartier des Sciences - janv.2010
Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 43
choix de cette « figure d’appui » – terme utilisé par Frédéric
BONNET – conforte la stratégie d’ouverture du complexe
scientifique. « A un moment donné – explique le chef de
projet – il a fallu choisir : le scénario de l’île, c’est-à-dire lais-
ser l’université dans sa forteresse, en densifiant ses franges
pour que les commerces, les services mais aussi le monde
des entreprises économiques puissent s’en approcher ; ou
bien le scénario de la densification interne, c’est à dire tra-
vailler sur l’orthogonalité de la trame initiale, en la structu-
rant autour du canal qui devient le nouveau centre de gra-
vité ? ». Cette alternative retenue, il a été question de trou-
ver d’autres manières de franchir un canal jusqu’à la traver-
sé par un seul pont ; franchir le canal et relier d’une maniè-
re intelligente l’UPS, l’INSA et plus largement encore
l’Aerospace Campus.
Cette voie d’eau pourrait alors créer un axe est-ouest dont
l’extrémité serait le bâtiment de l’administration, dans l’axe
du château de Bellevue. Support de la représentation insti-
tutionnelle, cet axe-là pourrait être aménagé pour accueillir
les institutions principales du campus. Un deuxième axe,
nord-sud, serait quant à lui le support des liens entre
l’université et les entreprises. Traversant le campus depuis
métro de la Faculté des pharmacies jusqu’au terminus de
Ramonville, il passera par le cœur de l’Université. « Si l’on
superpose l’ensemble de ces figures d’appui – explique
l’interlocuteur - nous avons bien un nouveau socle qui
s’appuie sur la forme urbaine initiale ». Bien entendu celui-
ci prend toutefois une autre valeur en devenant le support
de nouveaux principes d’aménagement, tels que les chemi-
nements piétons et cyclables associés à certaines continui-
tés paysagères. « On renforce des perspectives. On structu-
re ces liens pour créer des îlots ». Notion d’îlot qui était déjà
évoquée en 1990 dans le schéma directeur : preuve que l’on
revient toujours à des fondamentaux. Le temps passe et
l’îlot-rue, avec ses alignements, reste un support pour la
constructibilité et la densification, mais aussi pour la circula-
tion et le paysage. Il permet d’éviter une juxtaposition de
bâtiments sans cohérence, à l’image de ceux que l’on a lais-
sé construire ces derniers temps : « des bâtiments non ali-
gnés, qui cohabitent sans vraies règles ».
Ainsi derrière l’Opération Campus, nous voyons bien qu’il
existe une volonté de s’appuyer sur une forme urbaine
initiale - pour qu’elle s’adapte à une dynamique conjonctu-
relle marquée par l’innovation - et l’ambition de densifier
intelligemment en respectant le principe d’alignement, la
trame, les perspectives, mais aussi et surtout des espaces
verts qui constituent l’atout numéro un de ce campus…
anciennement campus de Rangueil.
> Principes d’aménagement du concept de “ville parc”.Source : schéma Directeur Immobilier et d’Aménagement
Grand Sud-Est et Quartier des Sciences - janv.2010
44 Cahier des territoires # 7 / Villes et universités
Très rapidement l’universitaire pose une
question : « pourquoi avoir reconstruit une
université au Mirail, sachant qu’on aurait pu
profiter du « blast » de 2001 pour déména-
ger ? ». Cette solution fût en effet proposée
par la municipalité précédente mais c’est
finalement la municipalité actuelle, avec le
soutien de la Ministre de l’enseignement
supérieure actuelle et du Président de
l’université, qui a décidé de rester sur place
et d’essayer plutôt de revitaliser le site exis-
tant. Une fois « cette ligne politique forte »
décidée, c’est en septembre 2009 que le
Conseil d’administration de l’université du
Mirail vote un schéma directeur qui selon
Nicolas GOLOVTCHENKO, affiche « des
principes par principe » sans les décliner
véritablement, et surtout en esquivant la
question des liens entre l’université et la
ville. « A croire qu’il s’agissait d’une logique
incantatoire » ajoute l’intervenant.
UN NOUVEAU SCHÉMA URBAIN
En y regardant de plus près, il s’agit « d’un
schéma organisationnel habituel », construit à
partir des composantes pédagogiques autour
desquelles se greffent les éléments de la vie
étudiante - avec notamment des services, des
espaces d’activité, de circulation, des loge-
ments… Or comme le précise très vite
l’universitaire, ce schéma directeur est aujour-
d’hui obsolète ; « il n’est plus d’actualité ». Il y
a sept ou huit mois, il a même été dépassé. Il
faut dire que tel qu’il était pensé, il ne permet-
tait pas à l’université de se dégager d’un cer-
tain carcan géographique matérialisé par la
rocade, le rond-point giratoire de La Cépière
et un quartier pavillonnaire. « Le campus est
emprisonné au milieu, avec très peu
d’échappatoire » résume l’intervenant. La
révision du schéma, doit justement permettre
de spatialiser des principes d’interdépendance
et d’interaction « ville-université ».
L’étude de réaménagement – sur laquelle
sera fondé le nouveau schéma directeur - a
été confiée aux bureaux d’études URBANE et
ARPP. La première innovation proposée
prend corps dans la réaffirmation des entrées
de l’université. Le nouveau schéma
d’aménagement propose en premier lieu de
spécialiser une entrée. Il s’agit plus expressé-
ment de l’entrée existante dans le prolonge-
ment de la station de métro ; « accès princi-
palement piéton » ajoute Nicolas GOLOVT-
CHENKO, rappelant la volonté d’aménager
un éco-campus axé autour d’une forte
dimension « déplacements doux ». « Ceci
impliquait de signaler que cette entrée était
réservée aux piétons et interdite aux véhicu-
les » poursuit-il. Toutefois il n’était pas ques-
tion d’éluder la question de l’accessibilité
automobile ; question on ne peut plus capi-
tale pour une université au recrutement
régional : « il suffit d’observer le taux
d’occupation des parkings de l’université
pour s’apercevoir que le nombre d’étudiants
rejoignant leurs cours en voiture est encore
important ».
Dès lors, l’ensemble des acteurs – et plus par-
ticulièrement la mairie de Toulouse – a plai-
dé pour une meilleure prise en compte de
l’automobile et notamment la création
d’aires de stationnement aux quatre points
cardinaux, de telle sorte à faciliter l’accès par
la rocade. « En créant un parking et surtout
une connexion vers le rond point de La
Cépière, on élimine l’appréhension d’un
espace fermé. Avec une seule entrée –
essentiellement raccordée au métro - nom-
breux étaient ceux qui avaient l’impression
de se trouver dans un cul-de-sac, loin de
tout ».
S’il s’agit de faciliter l’accessibilité à
l’université, le réaménagement vise, dans le
même temps, à accentuer la visibilité du
campus : « en effet à l’heure actuelle lors-
qu’on circule sur la rocade en voiture, qu’on
3.3. Le projet urbain du campus du MirailNicolas GOLOVTCHENKO / Sociologue, Vice-président délégué au patrimoine immobilier, Université Toulouse-Le-Mirail
Nicolas GOLOVTCHENKOa exposé le projet ducampus de la deuxièmegrande université toulou-saine - après Rangueil.C’est à travers deuxdimensions qu’il l’a fait :la dimension urbanis-tique dans un premiertemps et la dimensionsociale dans un secondtemps... avec en questionde fond : comment ouvrirle campus sur la ville ?
Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 45
accompagne des amis pour leur montrer l’université, on a
très souvent tendance à dépasser l’université sans s’en ren-
dre compte ». Et pourtant, même si elle n’a pas la taille de
Rangueil, ses 22 hectares occupent un large espace.
Selon Nicolas GOLOVTCHENKO « cette discrétion involon-
taire tient essentiellement à la qualité de l’architecture,
basse et noyée dans le paysage ». Aujourd’hui il est question
de renforcer cette visibilité depuis la rocade ; « concevoir
une sorte de vitrine sur la rocade ». Pour ce, les urbanistes
ont conseillé aux responsables de l’université de créer un
vrai quartier avec ses fonctionnalités au nord du campus ;
autrement dit, donner une dimension urbaine à ce parvis
nord. Il y a une volonté « d’arrêter de laisser croire qu’il s’agit
d’une zone, d’un espace délaissé ». Aussi existe-t-il un inves-
tissement dans le vocabulaire, dans le choix, dans la topony-
mie et la qualité de traitement de l’architecture mais égale-
ment de l’aménagement des espaces publics. « Ce qui par-
ticipe grandement de l’urbanité » indique l’universitaire.
Ce dessein implique, primo, une réflexion forte sur « les
espaces entre les bâtiments » et secundo un engagement
financier significatif. Jusqu’à présent, les Contrats de Plan
État-Région ne permettaient pas d’engager de financements
sur les espaces publics. « Nous avons eu un exemple récent
avec la Fabrique culturelle dont le financement s’arrêtait en
pied d’immeuble ; résultat, pendant un an, entre ce pied
d’immeuble et le reste de l’espace universitaire, on avait un
sol recouvert des gravillons » témoigne le sociologue. Au
final il a fallu que l’université prenne sur ses fonds propres
pour aplanir le terrain et le rendre simplement accessible
aux personnes à mobilité réduite.
Plus largement, « l’université du Mirail a l’ambition de faire
ville » rappelle Nicolas GOLOVTCHENKO. Si les responsables
de Rangueil ont longtemps entretenu une image de « cam-
pus forteresse », replié sur lui-même - redoutant l’entrée du
métro dans ses tréfonds - au Mirail l’idée de « laisser entrer
la ville » fût plus facilement acceptée. Cette invitation récla-
me néanmoins des transformations, car « ici aussi on a
l’impression que les bâtiments ont été posés au gré des
opportunités financières, des contrats de plans Etat-Régions
et des grands plans universités 2000 ». Selon le représentant
de l’université de Toulouse 2, le bâtiment qui accueille cette
journée d’échanges en est l’exemple : « posé au milieu d’un
parking, il offre un magnifique panorama sur des voitures »
ironise-t-il. Or d’aucuns ne contredira que cette organisation
ne peut correspondre à l’image que l’on peut avoir aujourd’hui
d’une ville de qualité. Il est donc nécessaire de faire mieux. «
Mais comment faire ville ? » interroge l’universitaire.
VIVE L’UNIVERSITÉ OUVERTE !
Ce projet de dimension sociale passe donc en premier lieu par
la restructuration de la forme urbaine et plus précisément de la
forme architecturale des bâtiments. Jusqu’à présent s’est instal-
lée, au gré des opportunités, ce que l’on appelle une façade
urbaine sud, mais « désormais, les bâtiments qui la composent
ont vocation à être ouverts davantage sur la ville » prévient
l’intervenant. Ils présentent des formes architecturales particu-
lières et notamment des hauteurs de bâtiments qui contri-
buent à les distinguer et même « à construire une identité par
rapport à ce que l’on trouve derrière ». Leur somme constitue
aujourd’hui une espèce de front situé en vis-à-vis d’un quartier
pavillonnaire, séparé par une vraie clôture. L’ambition
d’urbanité se trouve d’ailleurs ici : diluer les frontières.
46 Cahier des territoires # 7 / Villes et universités
> L’université de Toulouse le Mirail, située en ZUP, a commencé sa mue urbaine et architecturale Source : non renseignée
Les allées de l’université constituent une rue privée - « comme
dans une copropriété en quelque sorte » - et cette configura-
tion n’est pas très intéressante d’un point de vue urbain. Par
conséquent, à terme, le projet ambitionne de rétrocéder cet
espace privé au domaine public ; de telle manière que la fron-
tière recule en limite de bâtiments. Apparemment, cette sug-
gestion apparaît comme une pièce importante de l’ambition
visant à créer une nouvelle urbanité sur le site. Or, si l’on sou-
haite organiser des relations spatialisées entre cette façade et
le quartier de La Reynerie, « cela implique que la réhabilitation
de l’université s’accompagne d’une revitalisation du quartier
tout entier ». En effet pour Nicolas GOLOVTCHENKO, cela
n’aurait pas grand sens, qu’une fois sorti de la station de métro,
les usagers arrivent comme c’est le cas aujourd’hui, dans un
espace illisible, où l’on se repère difficilement et dans lequel on
ne se sent pas forcément très à l’aise. « Il est nécessaire que le
niveau architectural et urbain du quartier soit équivalent à
celui qu’atteindra l’université. ». Car une chose est sûre : le
campus sera confortable et agréable à vivre.
L’école d’architecture devrait déménager de son emplacement
actuel jusque dans le campus, à côté de laquelle viendra
s’installer « l’université ouverte ». On va y trouver les nouvelles
formes de service d’enseignement à distance et « l’université à
tous les âges de la vie » - un bâtiment dont les fonctions sont
appelées à accueillir des publics différents. « Toutefois - fait
remarquer l’universitaire - si l’université ouverte sera une uni-
versité qui s’adressera à distance à des étudiants du Monde
entier (à Nouméa, en Guyane, en Russie, en Afrique du Sud…),
on peut imaginer qu’elle se tournera également vers le quar-
tier et qu’elle pensera à offrir des services dans l’immédiate
proximité sans utiliser les outils numériques ! »
Ce pourrait par exemple être le cas du nouveau restaurant
universitaire qui remplacera celui qui existe aujourd’hui. « En
l’ouvrant le week-end aux jeunes du quartier, ces derniers
pourraient le fréquenter plutôt que d’aller au Quick ! ». C’est
en tous les cas une piste plausible dans la mesure où le
CROUS est capable de réformer son offre. D’autant plus que
le restaurant universitaire est situé en façade sud, donc a
priori, dans le domaine public.
Cette idée d’ouvrir les équipements universitaires – et plus
globalement l’université - à l’ensemble de la population
s’applique également aux équipements sportifs localisés au
centre du campus, « de telle sorte qu’on ira à l’université
pour faire du sport ». L’université pourrait même accueillir
des clubs sportifs : c’est notamment l’exemple de l’Académie
de boxe Christophe TIOZZO à Bellefontaine. Cette structure
privée compte 400 jeunes boxeurs qui « ne sont pas fran-
chement intéressés par l’idée de pratiquer les lettres ancien-
nes mais qui en revanche seraient heureux d’accéder aux
équipements qui ne se trouvent que dans cette université »
explique Nicolas GOLOVTCHENKO. Aussi est-il prévu de
localiser l’équipement sportif capable d’accueillir cette acti-
vité de pugilat sur le campus. « Pour peu qu’on y mette les
moyens, on peut imaginer qu’avec ce type d’expérience les
jeunes trouveront un autre intérêt à fréquenter cette univer-
sité, transformant ainsi le regard qu’ils ont sur elle ». On peut
même escompter des effets leviers à partir de la mise en
place de ces dispositifs. « Evidemment cela implique de
changer également les mentalités universitaires et notam-
ment de changer l’image que nous, universitaires, pouvons
avoir du campus : un espace privilégié, hors la ville, hors du
temps ».
Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 47
> A l’avenir, les équipements sportifs de l’université pourraient être utilisés par des jeunes habitants du quartier.Source : Université de Toulouse /J.P.G.
Les velléités d’ouverture prévoient également la création de
lieux de convivialité et de débat comme les cafés Géo ou les
cafés Science, tels qu’ils existent en centre-ville et plus
récemment à Balma, Auzeville et Tournefeuille, etc. « L’idée
serait de faire revenir la population toulousaine dans le
campus, l’accueillir dans de bonnes conditions notamment
avec un bistrot et un café Géo qui soit localisé sur le cam-
pus ». Chose possible avec le métro qui met l’université à dix
minutes de la place Esquirol. « C’est vraiment tout proche –
se réjouit l’intervenant - encore faut-il que lorsqu’on arrive,
on découvre un espace qui ressemble à quelque chose ! ».
Déjà édifié, le bâtiment de la Fabrique culturelle affiche
d’ores et déjà l’ambition d’être ouvert sur la ville et particu-
lièrement sur le quartier ; « la programmation intéresse
directement les habitants du quartier ». Elle se fait aussi – et
surtout - en direction des étudiants avec l’idée de les capter
et de les maintenir sur le campus en leur offrant quelque
chose d’intéressant à faire entre midi et deux heures tout en
grignotant leur sandwich.
Si l’université fait des efforts pour ouvrir son campus aux
non étudiants, et accueillir en son sein des activités qui,
aujourd’hui, se déroulent dans le quartier, est-elle capable
de projeter des équipements en dehors du campus, dans le
quartier même et ainsi participer à la vie du quartier ?
L’UNIVERSITÉ EN VILLE ?
Selon Nicolas GOMOVTCHENKO, il existe dans cette univer-
sité, un contexte historique et médiatique qui tourne autour
d’un discours - sur les relations entre l’université et la ville –
qu’il caractérise de « convenu ». Cette université aurait ainsi
la réputation d’un lieu tourné vers son quartier. De fait,
entend-t-on régulièrement certains acteurs universitaires
faire état de cette tradition, « de cette mission au sens mes-
sianique, qu’aurait l’université envers les habitants des quar-
tiers sensibles particulièrement ». Il se trouve que lorsqu’on
regarde objectivement les choses, on peut constater que
depuis plus de vingt ans beaucoup de choses ont été dites,
mais peu ont été réalisées.
Sans parler d’équipements, très peu de dispositifs manifes-
tent la présence de l’université hors de ces murs. « On va
trouver quelques expérimentations socioculturelles portées
par certains universitaires ici et là, mais globalement peu de
projets universitaires se concrétisent sur le quartier, alimen-
tant une certaine déception des habitants à son égard ». Et
les habitants ne sont pas les seuls à attendre davantage de
l’institution universitaire : la ville croit à la capacité de
l’université à exercer un effet de levier sur le quartier du
Mirail. « On voit bien que les deux espaces sont interdépen-
dants et que si l’un se relève, il risque d’entraîner l’autre ». De
la même manière, si un seul des deux était réhabilité, cela
aurait un impact négatif sur l’espace choyé.
Penser cette capacité à se projeter hors les murs passe éga-
lement par une transformation de l’offre universitaire ; « et
transformer l’offre universitaire signifie pour les universitai-
res, se penser autrement » lance l’intervenant, avant
d’ajouter « c’est notamment penser son rôle social, sa
responsabilité citoyenne à l’égard de la société civile.
Ce n’est pas simplement se faire plaisir, c’est rendre un ser-
vice, apporter quelque chose de mesurable ». La première
idée qui surgi fût une crèche qui accueillerait les enfants de
professeurs mais aussi d’étudiants et d’habitants du quartier.
48 Cahier des territoires # 7 / Villes et universités
> La fabrique culturelle affiche l’ambition d’être ouverte sur le quartier, sur la ville. Source : Université de Toulouse
Malheureusement une grande partie des personnels n’y était
pas vraiment favorable. « Il faut avouer, confesse
l’universitaire, que les enseignants chercheurs appartien-
nent à des catégories sociales qui, a priori, ne sont pas tou-
jours enclins à la mixité sociale ». Et ce qui est vrai pour la
crèche l’est bien évidemment pour l’école, le collège et le
lycée ; « les classes moyennes supérieures intellectuelles
ont des stratégies pour leurs enfants qui sont éminemment
sélectives. Rares sont les collègues qui se disent spontané-
ment “je vais tenter l’expérience de la mixité scolaire et sco-
lariser mon enfant à Bagatelle” ».
« Enfin de manière plus large mieux intégrer l’université dans la vie du quar-tier passe d’abord par la réinstallation des étudiants sur le quartier, or le Schémadirecteur du logement étudiant - produitpar le PRES toulousain au mois de janvier2010 - fait certes état d’une offre quanti-tative suffisante mais qualitativement gravement déficitaire. »
Il n’en reste pas moins que les projets d’ouverture existent.
Celui de la maison de l’image en est un. « Ce pourrait être
un lieu de production, un lieu de diffusion, un lieu d’accueil
autour des métiers de l’image » explique l’orateur. Et les
conditions de départ semblent réuni pour favoriser le succès :
l’université possède une école supérieure d’audiovisuel
délocalisée rue du Taur en centre ville et qui a véritablement
des compétences à transmettre ; mais « encore faut-il que
les collègues fonctionnent autrement. L’idée de se localiser
dans un quartier dont on parle, ce n’est pas la même chose
que d’aller travailler en centre-ville ! ». Un autre projet vise à
créer une espèce de « parcours des châteaux » - le château
du Mirail, le château du Barry situé à La Reynerie… - qui
deviendraient des lieux de mémoire ou des résidences
d’artistes. L’université est très attentive à la question du trai-
tement de la mémoire. Il y a là la possibilité d’enrôler les per-
sonnels dans ce projet qui semble mobilisateur, mais assez
déstabilisant du point de vue des identités professionnelles.
Autre idée initialement portée par l’université et qui com-
mence à être repris par le portage technique et financier du
Grand Toulouse, c’est l’Institut de la Ville. Il s’agit d’imaginer
une intégration des différentes instances travaillant autour du
thème de la Ville dans un institut fédérateur - dont il reste à
déterminer la forme juridique. Hélas, au regret de Nicolas
GOLOVTCHENKO, l’Institut de la Ville localisé au Mirail ne fait
pas l’unanimité : « on s’entend dire : ça va stigmatiser
l’Institut et renvoyer l’idée qu’il est spécialisé sur les quartiers
sensibles ». D’autres ambitions plus socio-culturelles se font
jour autour d’un réseau associatif étudiant particulièrement
riche. L’une des idées vise – avec le concours de la DIVE
(Division de la vie étudiante) - à développer du théâtre hors
les murs, une résidence d’artistes, et plus généralement
d’exporter un certain nombre de savoir-faire que possède
l’université dans le domaine des arts plastiques et des arts de
la mise en scène notamment.
Par ailleurs deux autres équipements ont vocation à s’ouvrir
sur la ville. C’est d’abord la Maison de l’archéologie : un bel
exemple d’hybridation public-privé puisque l’université doit
accueillir une unité de formation de recherche en archéolo-
gie privée. C’est un bâtiment qui a vocation à devenir un
espace scénographique, un espace de diffusion, « un espa-
ce ouvert aux toulousains et aux toulousaines, pas simple-
ment aux habitants du quartier ».
Le deuxième projet est porté par la psychologie. Inspirée par
le modèle nordique et nord américain, il est envisagé d’ouvrir
une clinique de consultation psychologique qui sera à la fois
une école d’application pour les étudiants titulaires de Master
en psychologie et un lieu de consultation pour les patholo-
gies relevant du champ de l’enfance en souffrance. « Encore
une fois, ce n’est pas qu’un bâtiment. D’ailleurs je ne sais pas
quelle forme aura celui-ci et cela m’intéresse peu. Ce qui
m’intéresse, c’est que les fonctions soient pensées et locali-
sées sur le campus et connues à l’extérieur du campus ».
Enfin de manière plus large mieux intégrer l’université dans
la vie du quartier passe d’abord par la réinstallation des étu-
diants sur le quartier, or le Schéma directeur du logement
étudiant - produit par le PRES toulousain au mois de janvier
2010 - fait certes état d’une offre quantitative suffisante mais
qualitativement gravement déficitaire. Par ailleurs celui-ci ne
crée aucun lien entre la population étudiante et la vie du
quartier. Il se trouve que depuis quelques temps, l’université
travaille avec l’AFEV sur un projet qui consiste à réfléchir à un
mode de logement solidaire. D’origine belge, ce dispositif
mobilise un accompagnement autour des étudiants - « qui
seraient volontaires et prévenus de l’endroit où ils vont
atterrir » - et qui, en contrepartie leur demande un investis-
sement dans la vie du quartier. Une façon de faire du Mirail
un quartier avec davantage de mixité.
Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 49
50 Cahier des territoires # 7 / Villes et universités
Les sites universitaires : des morceaux de ville...> “Quand on parle d’université, on sou-haite que ce soit un « morceau de ville »,
mais nous avons tout de même cons-
cience qu'on ne va pas faire une ville qui
fonctionne 365 jours par an, 24h/24h.
Ce qu'on veut plus simplement, c'est
faire prendre conscience à « la collecti-
vité universitaire » qu'elle gère un mor-
ceau de ville et qu'elle ne peut pas
continuer à aménager son domaine
sans observer ce qui se passe autour. De
la même façon, nous voulons faire
comprendre aux élus, qu'on ne peut
avoir une ville qui se développe parallè-
lement à l'université sans qu'il n’y ait à
un moment donné d’interconnexion.”
> “Quand on emploi le terme « mor-
ceau de ville », c'est pour que les
acteurs appréhendent mieux l'échelle
des enjeux qui s’y jouent. Il y a d’ailleurs
une comparaison que je reprends tou-
jours parce qu'elle est percutante pour
les gens : « Rangueil c'est la taille d’une
ville comme Périgueux ».”
... interconnectés...> “Aujourd'hui, une étape a été franchie,c'est que quand on parle de « sites », il
faut bien comprendre que ces sites for-
ment un système d’interconnexion.
Pourtant les différents sites qui compo-
sent le grand sud-est comptent une
multitude de gens qui s'ignorent
presque d'un côté à l'autre de la rue. J’ai
vu, il y a encore 8 jours, deux DGS qui se
sont rencontrés et ont fait le constat
qu’ils travaillaient depuis 5 ans l'un face
à l'autre sans jamais avoir franchi la rue
qui séparait leur établissement, sans
jamais avoir parlé de problèmes com-
muns entre deux écoles agissant dans
un même domaine de compétences
proche. Aussi, la première chose qu’il
était important de faire par l'inter-
médiaire du Schéma directeur d'amé-
nagement, consistait déjà à expliquer
aux acteurs de l’enseignement supé-
rieur exerçant dans une même zone de
Toulouse, qu'il existe tout un tas d’inter-
connexions entre eux. C'était le premier
travail à faire. Par la suite, une fois cette
première étape franchie, nous pourrons
oeuvrer à d’autres échelles du territoire ?
Je crois qu’il faut d’abord commencer
par asseoir le b.a.-ba.”
... intergouvernés...> “Christelle MANIFET disait ce matin
pour caractériser les relations entre uni-
versité et PRES : « ce sont les universités
qui impulsent les dynamiques du PRES
et le PRES n’est pas autonome ». Dans le
domaine de la reconstruction, nous
avons fait le choix avec le PRES, ici à
l’université de Mirail, de travailler en
coopération ; alors même que les lignes
budgétaires sont différentes. La coopé-
ration, c’est quoi ? C’est d’abord consi-
dérer qu’a priori, nos intérêts sont com-
patibles et non pas divergents.
Deuxièmement que nous avons intérêt
à dialoguer le plus possible ; enfin que
nous gagnerons à mutualiser nos affai-
res et nos efforts.
Cela se traduit par des moments de
réflexion commune. Ainsi j’invite régu-
lièrement Christophe SONNENDRUC-
KER - chef de projet PRES - à assister au
Conseil d’administration, et à participer
à l’élaboration du projet. Dés lors, il le
connaît et peut le juger au nom du
PRES. De la même, le PRES compte dans
son équipe un chef de projet spécialiste
du développement durable. Ce dernier
est régulièrement consulté et associé à
cette question pour laquelle l’université
n’a pas les mêmes compétences. Nous
avons les mêmes relations privilégiées
avec Jean-Noël LARRE - directeur
immobilier du PRES – avec lequel je dia-
logue quasiment tous les jours, sans
compter les relations que nous avons
avec les autorités publiques que ce soit
au niveau local ou au niveau ministériel.
Notre réflexion porte sur les principes
de coopération, sur des questions tech-
niques, des questions architecturales,
des questions d’aménagement, des
questions de développement durable
mais aussi sur les questions stratégiques
et organisationnelles.”
... vivants...> “Il faut se donner la possibilitéd’accueillir des entreprises sur les cam-
pus parce que c’est dans la logique des
choses. Et qui dit « accueillir les entre-
prises », dit aussi « apporter de la vie ».
Ce qui signifie faire vivre cet espace au-
delà de 18 heures, 19 heures, 20 heures.
On peut se contenter de ne parler que
de « la vie étudiante », il faut également
envisager « la vie des entreprises », de «
la vie économique » tout court. Nous
sommes donc à la recherche d’une cer-
taine mixité qui va répondre à la fois aux
besoins pédagogiques et scientifiques
du monde universitaire, et aux besoins
économiques mais aussi de sociaux et
sociétaux des entreprises qui pourraient
s’installer. Il n’y a qu’en France où l’on
s’interroge sur la place des entreprises
sur les campus ; que ce soit aux Etats-
Les diverses interventions proposées lors de cet atelier 3 ont donné lieu à plusieurs réactions dans la salle. Nous avons réalisé une synthèse de ces dernières, organisée par séquences thèmatiques.
réactions dans la salle“
Cahier des territoires # 7 / Villes et universités 51
Unis, au Canada, en Norvège ou ailleurs,
vous avez des campus qui sont totale-
ment mixtes et qui sont de véritables
quartiers.”
... mutualisés ... > “Le PRES travaille également à la
localisation d’équipements mutualisa-
bles entre les universités. Pour autant ils
ne se trouveront ni à Rangueil, ni dans
le quartier Est, ni ici au Mirail, mais en
centre ville. C’est-à-dire que la mutuali-
sation ne se fera ni sur l’un ni sur l’autre
mais sur un lieu tiers.”
> “La mutualisation porte beaucoup
sur les services aux étudiants pour leurs
démarches administratives, financières,
ou encore celles consistant à trouver un
logement. Ce qui va être mutualisé sur
les allées Jules Guesde, outre le fait qu’il
soit le futur siège du PRES, ce sont les
services pour que les étudiants puissent
avoir toute une palette de services sur
place et leur éviter ainsi qu’ils aillent
courir au CROUS. Même la préfecture va
délocaliser un service au siège du PRES
– sur les allées Jules Guesde - pour
pouvoir traiter les passeports, les visas,
les cartes de séjour pour les étudiants
étrangers.”
... mais peu ouverts ?> “Vous dites que le campus est « un
morceau de ville ». C’est vrai, mais seu-
lement 50% du temps. Parce qu’un
campus, c'est fermé. Je ne sais pas à
Toulouse à quelle heure ferment les
campus universitaires, mais à Bordeaux
III, les bâtiments sont fermés avec des
cadenas dès 19h ; à la limite il y a une
petite exception pour les labos qui sont
ouverts jusqu'à 20h30, et encore il faut
avoir le badge après 17h30 ! Le campus
n'est pas non plus ouvert le samedi et le
dimanche et durant les vacances scolai-
res c’est presque fermé tout le temps.
En gros, une université c'est ouvert 50%
du temps de l'année. C’est donc un
morceau de ville à mi-temps – et sou-
vent de sacrés morceaux vu leur super-
ficie (260 hectares à Bordeaux soit
l’équivalent du centre-ville) ! Dans ces
conditions, ne pourrait-on pas réviser
cette temporalité urbaine et faire en
sorte que ces espaces profitent plus
longuement et plus largement à
l’ensemble des habitants ?”
> “Je reprends le terme d’« Université
ouverte » parce que vous comprenez
bien qu’il est très sympathique lors-
qu’on est élu d’une collectivité territo-
riale de venir inaugurer un bâtiment qui
se nomme « Université ouverte ». C’est
extrêmement valorisant ; idem pour les
personnels qui y travaillent. Toutefois
maintenant que l’on a trouvé ce slogan,
il s’agit de le faire vivre et de ne pas
décevoir les attentes de ceux qui croient
encore aux mots car si elle est ouverte,
il est nécessaire qu’elle soit réellement
ouverte ; de la même façon il faut que la
fabrique culturelle soit réellement une
fabrique culturelle.”
> “Je vous ai remis en mémoire le
Schéma directeur de septembre 2009
qui ne pense pas l’accessibilité ; mais il
faut dire qu’il y avait une difficulté
psychologique à penser l’accessibilité
de cette université [celle de Toulouse le
Mirail]. En effet, l’an dernier, les universi-
taires ont été gravement traumatisés
par l’occupation de cette faculté et par
l’impossibilité justement de se sentir
chez soi. Donc, quand on leur parle
aujourd’hui d’ouverture, leurs premiers
réflexes consistent à dire : « ne parlez
pas de ça. Nous voudrions simplement
travailler tranquillement. » On voit bien
que la question de l’ouverture de
l’université n’est pas aisée. C’est délicat
à négocier et cela nécessite de solides
arguments.”
> “Moi, je viens ici [sur le campus du
Mirail] le week-end, de temps en temps.
Il faut venir le samedi parce que tous les
étudiants s’en vont, les profs aussi et
donc ne sont visibles que ceux qui sont
relativement invisibles pendant la
semaine. On s’aperçoit alors que ce
campus là, le samedi, est un campus qui
est effectivement traversé par des
populations qui habitent le quartier. Ils
prennent le métro et plutôt que
d’emprunter un réseau routier peu
agréable pour les piétons, ils traversent
le campus. On a un parc, vous l’avez vu
tout à l’heure, c’est hyper agréable.”
> “Lorsque vous dites que l’universitédu Mirail était une université qui tour-
nait le dos à la ville - ce qui est vrai -, il
ne faut pas oublier qu’elle regardait
aussi la ville nouvelle que constituait le
Grand Mirail. Il faut se replacer dans le
contexte : à l’époque, le projet avait
conçu dans cette perspective de ville
nouvelle.”
Découvrez l’intégralité de la collection “Cahier des territoires” n° 1 “La rénovation urbaine en Midi-Pyrénées”n° 2 “Dialogue entre chercheurs et praticiens de l’urbain”n° 3 “Les mobilités”n° 4 “Les risques naturels et industriels dans la ville”n° 5 “La crise du logement est-elle durable ?”
n° 6 “Le commerce et la ville”
www.apump.org
Cahierdesterritoires # 7VILLES ET UNIVERSITÉS : le rayonnement universitaire dans la villeLes synthèses ont été réalisées à partir d’enregistrements audio //
Directrice de publication : Anne PÉRÉ (APUMP) // Secrétariat de rédaction : Pascale ROSSARD (APUMP) //
Rédaction, conception éditoriale et graphique : Dominique PASTRE - échocité (echocite@free.fr) //
Imprimé à Toulouse par Imprimerie LECHA en janvier 2011 //
ISSN 1967-0494
Revue financée par le Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable et de l’Aménagement du Territoire (MEEDDAT)
Revue publiée par le Pôle régional d’Echanges sur le Développement et l’Aménagement des Territoires en Midi-Pyrénées (PREDAT)
L’animation du PREDAT Midi-Pyrénées est assurée parl’association des professionnels de l’urbanisme de Midi-Pyrénées (APUMP)(5, rue Saint-Pantaléon - 31000 Toulouse / 05 62 27 24 12 / contact@apump.org / www.apump.org)
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