chapitre 3 : erosion et activité humaine
Post on 22-Jun-2022
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Thème 3 : Enjeux planétaires contemporains
Chapitre 3 : Erosion et activité humaine
S’il est bien admis du grand public que l’Homme exploite l’environnement, pour la plupart
d’entre nous cela correspond à l’exploitation des végétaux, des animaux et de l’eau. On oublie
souvent l’exploitation des ressources géologiques non pas profondes (charbon, pétrole) mais
de surface. En effet l’Homme utilise de nombreux produits issus de l’érosion ou de la
sédimentation pour ses besoins.
L’Homme a donc un impact sur le volume des roches naturellement déplacées. Chaque année
l’Homme remue 30 milliards de tonnes de roches et l’industrie extractive en représente
plus de la moitié : 17,8 milliards de tonnes.
Si toute la planète y est soumise, on distingue des zones pour lesquels l’érosion peut parfois
être limitée ou favorisée par l’Homme, entraînant des risques importants pour les populations.
Citons en premier lieu l’érosion des sols liés à la déforestation. En effet, la perte d’arbres
qui ancrent le sol avec leurs racines causent une érosion intense par la pluie. En absence
d’arbres, on observe la formation en surface du sol d’une cuirasse ferrugineuse et
latéritique, c’est-à-dire riche en fer, qui diminue la rentabilité des parcelles.
Déforestation en Amazonie Terre agricole compactée
Le sol mis à nu est également plus sensible à la pluie et à ce qu’on appelle l’effet «splash». Un
sol sablonneux ou rocheux va résister à la chute des gouttes d’eau mais un sol argileux va voir
ses particules très fines être projetées à chaque impacte de gouttes, désolidarisant les
particules du sol et les rendant plus facilement transportables par le ruissellement.
Carte mentale sur les différentes utilisations des produits de l’érosion et de la sédimentation par l’Homme :
Effet « splash » :
Water and soil splashed by the impact of a single raindrop.jpg par US Department of Agriculture via wikimédia commons, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Water_and_soil_splashed_by_the_impact_of_a_single_raindrop.jpg?uselang=fr
Ainsi chaque année le Costa Rica perd 860 millions de tonnes de terre arable, l’Indonésie 770
millions et l’île de Madagascar, bien plus petite, en perd quand même 3 millions de tonnes par
an. Cette perte est proportionnellement tellement importante par rapport aux autres pays
que cela s’observe au niveau des rivières : vues de l’espace les rivières coulent « rouge sang »
tachant l’océan Indien qui les entoure.
Estuaire de la rivière Betsiboka (Madagascar) vue depuis la station spatiale
internationale :
Betsiboka estuary.jpg par NASA
http://eol.jsc.nasa.gov/scripts/sseop/photo.pl?mission=ISS005&roll=E&frame=9418Transféré de en.wikipedia à Commons, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Betsiboka_estuary.jpg?uselang=fr
Le taux d’augmentation de la perte de sol après déboisement d’une forêt est important :
en Côte d’Ivoire les zones pentues sauvages perdent naturellement 0,03 T/ha/an contre 90
T/ha/an pour les pentes cultivées et 138 T/ha/an pour les pentes mises à nues. En plus de la
perte d’une couche de sol cultivable, les débris transportés par les rivières causent des
dommages aux projets hydroélectriques et les installations industrielles dépendantes de
l’eau cessent leurs activités. La navigation fluviale devient difficile. L’augmentation des
sédiments surcharge les rivières étouffant les œufs des poissons.
Eaux surchargées de la rivière Betsiboka de Madagascar
Betsiboka.jpg par Gloumouth1 via wikimédia commons, CC-BY-SA-2.5, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Betsiboka.jpg?uselang=fr
Arrivée à l’océan, l’eau trouble cause le déclin des récifs coralliens ce qui finit par affecter la
pêche côtière. L’érosion des sols est extrêmement coûteuse pour les pays en voie de
développement car en plus des dégâts faits aux infrastructures, à la pêche, aux propriétés
privées et industrielles, elle diminue les productions agricoles ne permettant plus ainsi de
répondre aux besoins des populations.
L’érosion littorale est un fait avéré depuis l’existence des photographies aériennes et
satellites. Ce phénomène naturel dû aux vagues est amplifié par les activités humaines. Sur
l’île de la Réunion le trait de côte, c’est-à-dire la limite des vagues, a nettement reculé depuis
les années 60. Utilisation des images satellites permet d’évaluer ce retrait à plus de 4 m par
certains endroits. L’érosion naturelle a été accélérée du fait de la diminution des apports en
sable. Le sable de cette île tropicale de l’Océan Indien provient de l’érosion des squelettes
calcaires des coraux et des coquillages. Cependant avec la forte urbanisation et la mise en
place de nombreuses stations d’épuration, l’apport en eau douce par les rivières a nettement
augmenté ces 40 dernières années, diminuant ainsi la salinité du lagon. Or en dessous d’un
taux de 38 %o les coraux ne se développent plus.
Position du trait de côte sur la plage de l’Hermitage au niveau de la rivière de
l’Hermitage en 1960 et en 2018 :
Source : Géoportail, https://www.geoportail.gouv.fr/
Le recul du trait de côte est également lié à l’intensification de la subsidence de l’île sous le
poids des infrastructures humaines. En effet en 1960, l’île ne comptait que 350 000
habitants, elle en compte aujourd’hui 850 000. Sur cette île volcanique, à haut-relief, la
population ne peut s’installer que sur le littoral le surchargeant de constructions favorisant
ainsi l’enfoncement du sol.
Photographie satellite de l’île de la réunion montrant un littoral habité un intérieur des
terres sauvage :
Reunion 21.12S 55.51E.jpg Par NASA via wikimédia commons, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Reunion_21.12S_55.51E.jpg?uselang=fr
Rajoutez à cela l’élévation du niveau de la mer suite au réchauffement climatique et vous
avez une érosion tellement importante que non seulement le trait de côte à reculé, mais le
niveau du sable a nettement baissé comme en témoignent les nombreux arbres déchaussés
observables sur les plages.
Photographie de filaos déchaussé :
Ces arbres appelés « filaos » poussent naturellement sur les côtes sablonneuses. L’Homme les
utilise souvent pour stabiliser les dunes de sable, faire barrière au vent et ainsi reboiser les
zones littorales où peu d’espèces survivent aux conditions difficiles et régulièrement
soumises à l’érosion. Malgré cela, cette dernière a pris le dessus sur cette côte de l’île de la
Réunion.
Sur les grandes plages européennes, on remarque également une érosion littorale accélérée
depuis 60 ans au point que des logements doivent être évacués. Le cas de la résidence le
Signal de Soulac-sur-mer est bien connu : cette résidence construite en 1965 à plus de 200 m
du trait de côte a dû être évacuée en 2014 car elle menaçait de s’effondrer en raison de la
disparition de la plage à raison de 4.5 mètres par an.
Résidence Le Signal abandonnée en 2014 à Soulac-sur-mer :
Le Signal- Soulac par jacme31, via flickr, C BY-SA 2.0, https://www.flickr.com/photos/jacme31/46121169531
Maison abandonnée à Dieppe
Les plages européennes sont des plages essentiellement siliceuses : les grains de sable les
constituant proviennent de l’érosion de granites des chaînes de montagnes avoisinantes. Ces
grains de sable ont été transportés par les fleuves. En France les prélèvements de sable dans
les rivières sont interdits cependant la construction de barrages hydroélectriques sur les
bassins versants des grands fleuves contribuent à diminuer nettement l’apport en sédiments
sur les côtes provoquant ainsi un recul du trait côtier conséquent et accéléré récemment par
l’élévation du niveau de la mer suite au réchauffement climatique.
On peut donner comme autre exemple le fleuve Mékong du sud-est asiatique qui entre 2008
et 2012 a subi une extraction annuelle de 27 millions de mètres cubes par an dont 96 % de
sable. C’est 20 fois son flux annuel naturel de sable. C’est une perte énorme pour le littoral.
Dans le delta du Mékong, si on additionne les prélèvements de sable, la rétention des
sédiments due aux multiples barrages installés sur ces 800 000 m² de son bassin versant et
la subsidence du littoral surpeuplé, c’est l’équivalent de la surface d’un terrain de football,
soit 7000 m², qui est passé sous le niveau de la mer chaque jour entre 2003 et 2012.
L’érosion littorale sera donc la prochaine grande cause de migration et l’on verra
apparaître des réfugiés climatiques.
C’est donc un paradoxe qui se joue ici. D’une part les sols n’ont jamais autant été érodés à
cause de la déforestation et l’agriculture intensive, augmentant la charge sédimentaire des
fleuves, et d’autre part, les barrages et autres réservoirs bloquent la dynamique
sédimentaire et limitent l’apport en sédiments sur le littoral favorisant ainsi son érosion.
Avant l’activité humaine et les modifications majeures de l’environnement par l’Homme, le
flux total sédimentaire jusqu’aux océans était de 20 GT/an pour n’atteindre plus que 13
GT/an à la fin du XXe siècle, soit un tiers du flux naturel des sédiments qui est bloqué dans
les retenues du monde entier.
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