des ignames
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Extrait d u Bulletin de la Société botanique de France.
Séance du 24 novembre 1 8 7 1 , t. XVIII.
DES IGNAMES, par M. P a u l S A G O T .
(Cluny, juin 1871 . )
Les Ignames appartiennent à la classe des Monocotylées et à la famille des
Dioscorinées dont elles représentent le type. Ce sont des plantes à lige volubile
et annuelle, à souche vivace constituant sous terre des tubercules farineux d'un
volume souvent considérable. Ces tubercules cuits forment un aliment bon
et sain.
Elles sont répandues dans tout l'espace intertropical, et chaque continent
en possède des espèces particulières. Un très-petit nombre croît dans les pays
tempérés. Ce sont des plantes assez mal connes des botanistes. Les unes
croissent sauvages dans les forêts et plusieurs au moins d'entre elles ont une
racine qu'on peut manger ; d'autres sont cultivées de toute antiquité en Asie,
en Océanie, en Afrique ou en Amérique, et de celles-là tantôt on connaît, tantôt
on ignore la souche sauvage. Les diverses Ignames des cultures ne sont pas de
simples races ou variétés d'une même espèce, mais des espèces botaniques
très-distinctes, présentant un feuillage et un aspect général différents, des ra-
305 SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1 8 7 1 .
cines variables de forme, de volume et de goût. Cette confusion de plusieurs
espèces sous un même nom agricole rend assez embarrassante la description
de la culture de l'Igname. Il y aurait un véritable intérêt à bien connaître
toutes les espèces, à les réunir dans quelque jardin botanique des pays chauds
pour les comparer, définir les avantages des meilleures, et donner les règles
précises de la culture de chacune.
Je dois évidemment ne m'occuper ici que des espèces cultivées à la Guyane.
Noms. — La nomenclature se ressent de cette confusion d'espèces diverses
sous une désignation commune, et il faudrait plusieurs pages pour énumérer
les noms et en débrouiller la synonymie. Je n'entrerai pas dans de si longs
développements.
On appelle en général les Ignames : dans les colonies anglaises et hollan
daises d'Amérique, yams; au Brésil, caras ; dans quelques anciennes colonies
espagnoles d'Amérique, a jes ; à l'île Bourbon, cambares.
Noms indigènes : caraïbe, namain, et quelques espèces particulières cou-
chou, cayarali, inicoma. — Yam, mot d'origine américaine qu'on trouve
dans de très-anciens auteurs, Vespucci, Cabral (Alph. de Candolle, Géographie
bot.) ; mexicain, iz; langue indienne d'Haïti, age ; langue malaise, ubi ; Taïti,
ubi ; Nouvelle-Calédonie, oubi (un des noms du Dioscorea alata) ; Sandwich,
oï ; Benguela, kara.
Noms botaniques des espèces les plus cultivées : Dioscorea alata ; D. cayen-
nensis (D. altissima); D. uncinata, voisin du précédent ; D, triloba Lam. ;
D. sativa; D. pentaphylla ; D. aculeata ; D. triphylla ; D. bulbifera;
D. Batatos.
Les espèces cultivées à la Guyane sont :
L'Igname indien (Diosc. triloba) cultivée de toute antiquité par les indi
gènes d'Amérique. C'est l'espèce dont les tubercules sont les plus agréables
au goût.
L'Igname pays-nègre ou Igname de Guinée, Igname épineuse, Diosc. cayen-
nensis Kth (D. altissima Lam.). Ses tubercules sont très-volumineux, mais
moins délicats.
L'Igname franche, appelée souvent mal à propos Igname française (Diosc.
alata), moins répandue que les précédentes.
Voici leur courte description :
L'Igname indien, D. triloba Lam. (D. affinis Kth, D. truncata Miquel,
D. trifida Meyer), a la tige sans épines, relevée de crêtes membraneuses sail
lantes. Les feuilles sont larges; elles ont, les inférieures 7 ou 5 lobes, les su
périeures 3, qui ne vont pas jusqu'à la moitié de leur longueur. Le feuillage
est d'un vert jaunâtre clair. Les tubercules sont nombreux, ovoïdes ou
arrondis, couverts d'une écorce noirâtre et crevassée. Cette espèce, qui est
américaine, est cultivée au Brésil et aux Antilles, comme à la Guyane. C'est
une excellente espèce.
SOCIÉTÉ BOTANIQUE DE FRANCE. 306
L'Igname pays-nègre, Diosc. cayennensis Kth (D. altissima, D. Berte-
roana Kth), vraisemblablement apportée anciennement d'Afrique, a la tige
épineuse. Les feuilles sont entières, cordiformes, d'un vert foncé, luisantes,
assez petites. Son tubercule est généralement simple, aplati, plus ou moins
ovoïde. Il est très-volumineux, mais plus dur et moins délicat au goût que
celui de l'Igname indien. C'est, d'autre part, une espèce plus productive et
moins exigeante sur la qualité du sol.
L'Igname franche, Diosc. alata L., originaire de l'archipel malais et de
l'Océanie, a la tige sans épines, relevée de crêtes membraneuses saillantes, les
feuilles cordiformes, entières, d'un vert jaunâtre. Le tubercule est ovoïde, plus
ou moins allongé. Cette espèce est moins répandue dans la colonie que les
deux précédentes. Son tubercule n'est pas aussi délicat que celui de l'Igname
indien.
On cultive encore quelquefois dans la colonie le Diosc. pubescens Poir. ; mais
je n'ai pas eu l'occasion de l'observer. On recueille quelquefois les tubercules
de l'Igname-bois, D. bulbifera, qui vient sauvage dans les forêts. Les Indiens
du haut des rivières cultivent, à ce que m'a rapporté M. Leprieur, outre
l'Igname indien, une espèce particulière que les colons ne possèdent pas.
Description abrégée de la végétation de l'Igname. — Four comprendre
la culture de l'Igname, il est essentiel de suivre les phases de sa végétation.
Au retour des pluies, il pousse de la tête du tubercule une ou plusieurs tiges,
d'autant plus fortes et plus vigoureuses que le tubercule est plus gros. A me
sure que la tige s'élève et se développe, ce tubercule, qui fournit en partie
à sa nutrition, se ride, s'affaisse et perd une partie de son volume et de sa ri
chesse en fécule et en albumine végétale. La tige grimpe et se répand au loin,
couverte d'un beau feuillage et nourrie en partie par le tubercule, en partie
par le réseau de racines qui sortent de la souche. Cette tige végète et reste
verdoyante pendant 5, 6 ou 8 mois, plus ou moins, suivant la force de la sou
che, la bonne ou médiocre qualité du sol, le climat plus ou moins favorable.
Ensuite elle jaunit, se fane et sèche. Le tubercule lui reprend alors les ma
tières nutritives qu'il lui avait fournies et celles qu'elle avait tirées du réseau
des racines. Il grossit, devient ferme et bon à arracher. Telle est au moins la
végétation des Ignames à tubercule gros et simple. Dans les espèces à tuber
cules multiples, diversement suspendus à la souche par des pédicules radi-
cellaires, les choses se passent à peu près de la même manière ; cependant
plusieurs des tubercules se détruisent probablement tout à fait pendant la
végétation, et il s'en forme de toutes pièces plusieurs nouveaux au moment
de la maturation.
On voit par là que la multiplication de l'Igname demande des soins parti
culiers, et qu'on ne peut avoir de beaux produits qu'en plantant de belles sou
ches ; que les très-grosses racines, mentionnées par des agronomes ou des
voyageurs, ne sont pas l'expression du produit annuel de la plante, mais l'ac-
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annulation en quelque sorte de plusieurs années de végétation. On ne s'éton
nera pas d'apprendre que ces tubercules énormes sont souvent, en raison de
cela, assez durs et moins délicats à manger que de plus jeunes racines.
Culture. — Les Ignames, l'Igname indien surtout, réclament un sol meuble
et riche en terreau ; elles demandent à être bien espacées et à avoir un appui
sur lequel elles puissent grimper et se répandre librement. Pour satisfaire à
ces diverses conditions, on les plante généralement dans de nouveaux défri
chés, à grande distance les unes des autres, intercalées entre les pieds de Ma
nioc. On fouille et l'on remue la terre pour l'ameublir en les plantant, et on
les place au voisinage d'un petit arbre qui servira de tuteur, ou bien on leur
donne pour appui une haute perche enfoncée en terre. On a grand soin, sur
tout pour l'Igname indien, de choisir pour plant de fortes têtes de tuber
cules, c'est-à-dire la souchede pieds vigoureux et adultes (un faible bourgeon
11e pouvant donner de bons résultats qu'après plusieurs années de culture). La
multiplication de l'Igname ne peut donc être rapide, car chaque souche arra
chée ne donne qu'un assez petit nombre de rejets forts et principaux, et le
cultivateur doit s'attacher à conserver soigneusement et à augmenter peu à
peu sa provision de beaux plants. Celui qui établit une nouvelle habitation,
s'il se trouve au voisinage d'un village indien, fera bien de leur acheter du
plant, car ils en ont toujours de fort beau. Celui qui n'aurait pas l'occasion
d'en acheter fera bien d'établir une pépinière où il multipliera la plante de
divisions de souche et de fragments de tubercules, et où il donnera de la force
au jeune plant en le soignant bien et le laissant plusieurs années sans le récol
ler. Quelques espèces d'Ignames se prêtent à se multiplier de tubercules
coupés en morceaux ; d'autres donnent sur leurs tiges des tubercules aériens
qui peuvent se planter. Mais je crois qu'il doit falloir plusieurs années et des
soins pour amener de petits pieds grêles et faibles à l'état de bon plant,
L'Igname commence à végéter aux premières pluies, et, si le plant est bon,
la tige s'élève très-vite à une grande hauteur, avant même d'émettre des feuil
les l ien formées. Si le plant était faible, la tige au contraire sortirait grêle et
développerait immédiatement des feuilles, mais elle ne tarderait pas beaucoup
à s'arrêter et sécherait au bout de peu de mois. Pendant que la feuille pousse,
il faut veiller à ce qu'elle s'enroule bien sur le tuteur ou les tuteurs qu'on lui
a donnés, de manière à se bien répandre et à bien recevoir la lumière, et en
même temps on sarcle le pied et on le butte. L'Igname pays-nègre fleurit
souvent, mais je ne lui ai vu que des fleurs mâles. Il paraît que les pieds à
fleurs femelles sont beaucoup plus rares : j'en ai vu cependant dans les collec
tions botaniques. L'Igname indien fleurit assez rarement, et l'Igname franche
plus rarement encore. Je n'ai pas eu l'occasion de voir cette dernière en
fleur à la Guyane. La floraison n'a du reste rien d'essentiel pour la végéta
tion de la plante, et les pieds qui ont donné une forte tige, qu'elle ait ou non
fleuri, donnent de volumineux tubercules. La lige s'arrête, jaunit, puis sèche,
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5, 6 ou 8 mois après être sortie de terre. Elle sèche d'autant plus vile que
le plant est plus jeune et le sol plus médiocre. L'igname indien sèche plus
vite que l'Igname pays-nègre. L'atrophie de la tige marque la matura
tion des tubercules. 11 est toutefois prudent d'attendre encore un peu pour
laisser à ceux-ci le temps d'achever de résorber les sucs de la tige et des radi
celles, et d'organiser complétement leur tissu. C'est en été, en août ou en
septembre, qu'on arrache les Ignames.
L'Igname indien a ses tubercules réunis en faisceau autour de la souche, et
s'arrache facilement. L'Igname pays-nègre, surtout si l'on est resté plusieurs
années sans la récolter, a son tubercule enfoncé profondément en terre, et il
est quelquefois assez laborieux de l'extraire.
Rendement. — Rien n'est plus difficile à évaluer que le rendement de
l'Igname. Quand on la cultive par touffes très-espacées dans un champ de
Manioc, il est assez embarrassant de faire son compte à part. D'un autre côté,
on n'en fait point de cultures exclusives, et je ne saurais trop dire, si l'on vou
lait en faire, de combien il faudrait espacer les pieds. Suivant la nature du
sol, le soin de la culture, la force des plants et l'espèce plantée, les tubercules
sont plus ou moins gros. J'admets que le poids d'un beau tubercule moyen
doit arriver de 2 à 5 kilogr. ; que celui d'un tubercule provenant d'un pied un
peu faible doit être d'un kilogr. Les racines énormes, exceptionnelles, provenant
généralement de pieds d'Igname pays-nègre qu'on est resté plusieurs années
sans récolter, peuvent, d'après les auteurs, peser 12 , 15 et 18 kilogr. En sup
posant, dans un champ planté exclusivement d'Ignames, les pieds espacés de
2 mètres, le plus probable est qu'on récolterait environ 20 000 ou 40 000 kilogr.
de tubercule. C'est plus que je n'ai assigné au Manioc, pour un an de végé
tation ; mais je ferai remarquer que pour obtenir de tels résultats, il faudrait :
une terre meuble et riche, meilleure que celle où le Manioc se plante ordi
nairement ; une culture plus soignée et plus dispendieuse ; une provision de
beau plant, accumulée et conservée avec soin. Je ne conseillerais à personne
de telles plantations, autrement que par amusement et pour expérience sur
un petit espace. Le plus sage est de se contenter de planter des Ignames très-
espacées, intercalées dans des plantations de Manioc sur nouveaux défrichés
de grands bois. On peut alors supposer que les pieds sont éloignés de 5 à 10
mètres les uns des autres, et évaluer le produit probable de chaque touffe
à 3 ou 5 kilogr. L'Igname pays-nègre donnerait plus, au moins si on le
récoltait à deux ans.
Usage domestique. — La racine d'Igname se cuit comme les pommes-de-
terre, à l'étouffée dans la vapeur d'eau ; il faut, surtout pour l'Igname pays-
nègre et l'Igname franche, la laisser au feu plus longtemps. On peut encore
peler la racine et la cuire par quartiers avec de la viande ou des légumes, ou
bien en préparer des sortes de bouillies. Les tubercules d'Igname indien sont
excellents, tendres, farineux, et plaisent à tout le monde ; ceux des deux au-
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tres espèces sont sujets à être durs, si on les a pris sur de vieux pieds. Mis en
bouillie, ils paraîtront fades, si l'on n'a pas mis beaucoup de jus et d'accom
modement.
Les racines se récoltent à l'entrée, ou plutôt au milieu de la saison sèche,
en août ou septembre. Ils commencent à pousser en décembre, au retour des
pluies. Pour en jouir plus longtemps, si l'on en a récolté en abondance, on
sèche au soleil les tubercules, et on les conserve ensuite dans un lieu sec.
comme au-dessus du foyer. La sécheresse et la fumée les conservent.
Je crois que les racines d'Ignames sont un aliment médiocrement nutritif.
Les analyses y indiquent peu d'albumine végétale. Elles contiennent beaucoup
d'amidon et de substance mucilagineuse et, surtout dans les racines de vieux
pieds, beaucoup de cellulose.
Des diverses espèces d'Ignames. — Il me serait impossible de comparer,
au point de vue de la qualité et des avantages agricoles, les 15 ou 20 espèces
de Dioscorea qui sont cultivées dans les diverses parties de la zone intertro
picale. Je ne puis donner sur ce sujet que quelques indications générales, em
pruntées particulièrement à l'intéressant travail de M. Vieillard sur les plantes
cultivées à la Nouvelle-Calédonie.
Le Dioscorea aculeata paraît une des espèces dont les tubercules sont le plus
agréables au goût. La tige porte des épines recourbées ; les feuilles sont cordi
formes entières ; le pétiole porte à sa base deux aiguillons. Les tubercules
sont arrondis, multiples, souvent suspendus à ia souche par un fil radicel-
laire, ou plutôt par un stolon souterrain dont le tubercule représente le bour
geon terminal développé sous terre en forme de racine. Cette espèce paraît
devoir se recommander par son excellente qualité et sa facile multiplication.
11 serait à désirer qu'elle fût introduite dans les colonies d'Amérique. Son
rhizome rameux stolonifère, le grand nombre de ses tubercules, 7 ou 8 (Vieil
lard), me font penser qu'elle pourrait se propager rapidement. Elle produirait
peut-être moins que les espèces à grosse racine, mais elle produirait plus
vite et donnerait un aliment plus délicat.
Le Diosc. alata, qui est cultivé à Cayenne et aux Antilles en petite quan-
tité sous le nom d'Igname franche, est cultivé très-abondamment «î la Nou
velle-Calédonie et y reçoit de grands soins. On le plante, de tronçons de ra
cines, dans un sol bien façonné et ameubli. Les pieds sont très-rapprochés,
mais on a soin d'assurer aux tiges un développement et une aération suffi
sants, en leur donnant de très-hautes rames sur lesquelles on les dirige et on les
palisse en quelque sorte. La terre est soigneusement sarclée et buttée au pied.
Par cette culture intelligente et laborieuse, on obtient de grands produits.
M. Vieillard dit qu'on voit de gros tubercules peser 8 kilogr., et que cette
plante, dont la culture à la Guyane a si peu d'importance, est la principale
ressource alimentaire des Néo-Calédoniens. On en distingue plusieurs variétés,
les unes à tubercules simples, les autres à tubercules lobés ou digités. Il y en
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a à tiges vertes et à tubercules à chair blanche ; d'autres à tige pourpre vio
lacée et à tubercule à chair violacée. Ce même Diosc. alata est cultivé dans
les grandes îles de l'archipel malais et dans l'Inde, concurremment avec plu
sieurs autres espèces.
Le Diosc. globosa Rxb. est indiqué comme ayant de gros tubercules arron
dis. Le D. rubella Rxb. a la racine oblongue. Le D. fasciculata Rxb. a plusieurs
racines allongées réunies en faisceau. Plusieurs espèces de l'Inde, de l'archi-
pe indien et des îles Philippines sont représentées dans les herbiers par
des échantillons dont les tiges vigoureuses et les fleurs abondantes semblent
annoncer une forte végétation. Tels seraient le D. divaricata Blanco, le D. op-
positifolia, L. , etc.
Le D. pentaphylla, qui se cultive, mais qui ne paraît pas une espèce très-
productive, est très-remarquable par ses feuilles profondément divisées en
4 ou 5 lobes.
Le D. triphylla L. a les feuilles grandes, pubescentes divisées en 3 lobes
jusqu'à la base.
Le D. Batatas, originaire de Chine, présente un intérêt particulier, parce
qu'il supporte très-bien les climats tempérés. On le possède aujourd'hui dans
les jardins en France. Ses tubercules sont longs, grêles et réunis en faisceau,
ce qui en rendrait l'arrachage peu commode dans la grande culture. 11 vient
jusque dans le nord de la France, mais il ne peut pas y produire beaucoup,
car ses feuilles sont surprises encore vertes par les froids d'automne.
Des Ignames sauvages et cultivées. — Les Ignames sont peut-être le
genre botanique où les espèces sauvages et cultivées se ressemblent le plus
et semblent aptes au même usage économique et aux mêmes conditions de
végétation. Plusieurs espèces, qu'on trouve incontestablement sauvages
(D. pentaphylla, D. bulbifera, etc.), fournissent des tubercules bons à manger.
Et d'une autre part les espèces cultivées, abandonnées à elles-mêmes dans
des champs délaissés, continuent à végéter au milieu des broussailles et même
des bois qui envahissent le sol, comme je l'ai observé pour le D. cayennensis
et le D. triloba à la Guyane.
On peut cependant remarquer que les espèces sauvages présentent souvent des
tubercules empreints d'une certaine âcreté ; et dans quelques pays on les soumet
au lavage après les avoir divisés en tranches, ou les avoir même grossièrement
râpés. Elles semblent encore ne pas être très-productives, et si quelquefois on
leur trouve de gros tubercules, il faut les fouiller en terre très-profondément ;
ce qui semble indiquer une plante déjà âgée. Les espèces très-cultivées parais
sent avoir été légèrement modifiées dans leurs conditions de végétation, quoi
que certainement elles l'aient été moins que le plus grand nombre des plantes
de nos cultures. Plusieurs ne fleurissent que rarement, et, quand elles fleuris
sent, donnent bien plus souvent des fleurs mâles que des fleurs femelles. Les
tubercules sont plus gros, plus précoces, plus tendres ; contiennent plus de
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fécule et moins de cellulose. Les tiges semblent chez quelques-unes avoir un
développement plus rapide et une vie plus courte.
De la distinction des espèces et de la distribution géographique dans le
genre Dioscorea. — Il ne faut pas s'étonner que les botanistes aient beaucoup
de peine à distinguer les espèces de ce genre difficile, et surtout qu'ils se
soient laissés aller à décrire, comme des espèces distinctes, des formes et des
étals différents de la même plante. Suivant la période de végétation, la position
des rameaux cueillis au pied d'une tige radicale ou à l'extrémité terminale de
la liane, les échantillons d'une même espèce présentent dans les herbiers une
tige plus grosse ou très-fine, pourvue d'ailes membraneuses ou n'en présen
tant que des traces presque insensibles, très-épineuse ou presque inerme, des
feuilles grandes ou petites, cordiformes ou ovales à base tronquée, profon
dément lobées ou à lobes peu marqués, alternes ou opposées. De là des hésita
tions et des erreurs inévitables pour ceux qui n'ont pas vu la plante vivante.
Plusieurs espèces fleurissent rarement ; et on ne les rencontre pas dans des
herbiers locaux, parce que le collecteur a dédaigné de prendre une espèce
qu'il ne rencontrait pas en fleur. Sans pouvoir l'assurer positivement, je suis
porté à présumer que les fleurs même n'ont pas une constance parfaite. La
longueur absolue des sépales, et leur longueur relative à l'égard des étamines
et de l'ovaire, le développement de l'ovaire (ou dans les fleurs mâles des éta
mines) varient probablement dans certaines limites, et de là de nouvelles subti
lités erronées dans la définition des espèces.
PARIS. — :MPRIMERIE DE E. M A R T I N E T , RUE MIGNON, 2.
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