norgeien.miramas.free.fr/po%e9sies_ii.pdf · dont fume là-bas l’horizon ? ... je voudrais m’en...
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BESTIAIRE
Les papillons analphabètes Me sont d’un grand enseignement, Mais j’écoute aussi d’autres bêtes Qui disent le monde autrement.
Un merle seul a su m’apprendre Les suavités du matin Et j’ai vu tous les feux du tendre Briller dans un œil de mon chien.
Comment me priver des sabots Du cheval, de l’âne, hautes races, Pour ouïr les siècles qui passent En leur musique de galops ?
Non, je n’oublierai ni la mouche, Ni le chat, fripons de toujours, Qui savent si bien ruser pour Me joindre jusque sur ma couche !
Enfin si je retourne aux hommes, C’est que je suis, c’est que vous êtes, Ô folles bêtes que nous sommes, L’engeance qui fait les poètes.
NORGE
1
LE CHANT DU COQ
Chaque matin le coq demande : Heu ! eu eu eu ! Fait-on mon feu ?
Chaque matin le coq demande : Ha ! a a a ! Qui me cuira ?
Chaque matin le coq demande : Ho ! o o o ! Est-ce bientôt ?
Et l’écho fatigué lui mande : Ho ! o o o ! Tais-toi, nigaud !
LOUISA PAULIN
2
CHAT ENDORMI
N’éveillez pas le chat qui dort Car dans son sommeil il voyage Beaucoup plus loin que les nuages, Plus profond que les mines d’or.
N’éveillez pas le chat qui songe Car c’est sa fonction ici-bas D’éclairer le chemin des anges Entre l’ici et l’au-delà.
N’éveillez pas le chat qui pêche Dans les océans du dedans. Il capture au sein des eaux fraîches Les grands poissons phosphorescents.
N’éveillez pas le chat qui chasse En rêve les rats de la nuit : Ils nous dévoreraient sans lui, Le chat qui rit dans ses moustaches.
MARC ALYN
3
CHIEN ET CHAT
Chien et chat, Voilà le monde A la ronde. Chaque Etat N’offre, hélas, que chien et chat !
Que sont, hélas, trop souvent, Dans ce Paris si savant, Le poète et l’éditeur, L’auteur et le spectateur ?
Bref, à la bourse, aux journaux, A la Chambre, aux tribunaux, Que voyons-nous, s’il vous plaît, Hurler, se prendre au collet ?
Chien et chat, Voilà le monde A la ronde. Chaque Etat N’offre, hélas, que chien et chat.
MARC-ANTOINE DÉSAUGIERS
4
LES CHIENS QUI RÊVENT...
Les chiens qui rêvent dans la nuitIl y a toujours un poète qui leur répond par une petite lueur Tirée comme un bas jaune sur une maigre lampe Et l’on ne sait rien du poète Et l’on se cache de ces chiens Qui tirent sur leur chaîne comme s’ils remontaient Du fond de la journée un seau lourd de ténèbres Mais l’homme qui se tient penché sur sa jeunesse Et la main répandue comme un trieur de grains Reconnaît dans la voix confuse de ces bêtes La diane doucement poignante du destin.
RENÉ GUY CADOU
5
LE CHIMPANZÉ
Un chimpanzé se vit dans un miroir : - « Que cette bête est laide à voir ! Si j’avais - dit-il - cette bille ! ... Pour sûr, ce doit être un gorille ... »
Je connais pour ma part plus d’un civilisé Qui ressemble à ce chimpanzé.
JEAN-LUC MOREAU
6
COLOMBE
Colombe, ma Colombe amoureuse et blessée, Pourquoi gémir encore au plus sombre des bois ? De t’avoir un seul jour si longtemps caressée Je souffre de sentir ce vide sous mes doigts.
Les souffles de la mer parfument les collines, Jamais printemps mortel n’avait fleuri plus beau... Colombe, dans le vent si déjà tu t’inclines, Revole vers mon cœur comme vers un tombeau.
Revole vers mon cœur, Colombe, la première ! Mon ciel est sans oiseaux, mon cœur est déserté. Tes ailes brilleront dans la jeune lumière Et j’y verrai le signe éclatant de l’été.
ROBERT HOUDELOT
7
CONDOR
Oiseau du plus haut essorQui sais trouver le sommeilTout en planant sans effortEntre neiges et soleil
Empereur de très haut volSeul capable de dormirDans le zénith loin du solDes Andes et des Pamir
Prunelles de diamant pur Condor dont j’envie le sort Monte d’un coup d’aile encor Aux échelles de l’azur.
BERNARD LORRAINE
8
COQ
Oiseau de fer qui dit le vent Oiseau qui chante au jour levant Oiseau bel oiseau querelleur Oiseau plus fort que nos malheurs Oiseau sur l’église et l’auvent Oiseau de France comme avant Oiseau de toutes les couleurs.
LOUIS ARAGON
9
LE COQ VINDICATIF
Cavalcadant sur un clocher où les bedeaux m’ont embroché j’apprends à vivre aux girouettes. Un pied de nez pour la chouette, pour l’alouette un air penché, un grincement pour les péchés, pour les curés des pirouettes et pour les dieux, ce qu’on souhaite.
ROBERT MALLET
10
LES CORBEAUX
Pareils à d’énormes fruits noirs, Au sommet des pommiers sans feuilles, Les corbeaux s’assemblent, le soir, Et pensivement se recueillent.
Sont-ils noirs de tout l’incendie Dont fume là-bas l’horizon ? De la solitude agrandie Ont-ils concentré le poison ?
Comme battus d’une bourrasque, Les voici tombés tout à coup ; La Nuit sournoise met son masque : Il y a des corbeaux partout.
PHILÉAS LEBESGUE
11
L’ÉCOLE DES OISEAUX
L’école s’est rouverte au carrefour des vents, La classe improvisée au ras bord du printemps, Pour la leçon de vol et la leçon de chant, Pour la leçon de chasse et la leçon d’amour.
Apprendre à voler, chanter en volant, Apprendre à chasser, manger en volant ! Apprendre l’amour au bout de la branche, L’amour en plein vol, l’amour en chantant.
Comprendre les vents, l’alphabet du ciel, Connaître le temps qu’il fera dans l’air ; Cette école enseigne à vivre de haut, A vivre de peu, à vivre en péril !
Sous l’aveuglante grêle, au temps des giboulées, L’école des oiseaux forme ces apprentis Qui fourreront leurs nids à la fourche des branches, Où la mûre coquille éclatera sous l’aile.
JEAN MOGIN
12
QUASI UNA FANTASIA
Pour avoir souri aux Sirènes plus qu’aux marins il n’est permis, tu dors, étrange capitaine, sur le fond de la mer, parmi les ossements blancs des baleines,
La mer fourmille de Sirènes. Il en est à Paris aussi qui savent endormir les peines dans leurs bras frais et sans merci.
Plus d’une a guéri mon souci.
GUY-CHARLES CROS
13
FAUCON
Sur un poing posé le faucon fixe loin ses proies à la ronde d’un œil impérial tel qu’on le croirait le maître du monde.
DANIEL LANDER
14
LES FRÈRES
Aux bois, aux monts, aux champs! Viens fouiller les chenilsOù l’amour et la faim aiguisent les dents blanches ;Lis dans l’œil des vaincus, quand l’espoir des revanchesGrogne sournoisement dans les coins embrunis.
Regarde les coucous rôder autour des nids, Les mésanges en sang se chasser sous les branches, Et le large taureau qui, fier, fouettant ses hanches, Déchire les gazons sous ses sabots jaunis.
Guette, quand le grand bouc cornu des bergeries Mène ses lents troupeaux d’épouses aux prairies ; Ecoute au fond des nuits bramer les cerfs jaloux.
Vois l’âpre fourmilière entasser ses conquêtes.Tais-toi : prête l’oreille aux hurlements des loups.Tu vas comprendre l’homme en connaissant les bêtes !
EDMOND HARAUCOURT
15
LES GEAIS
Dans la cime ronde des chênes Epars à la rive du bois, On entend toutes à la fois S’élever des clameurs soudaines. Concert fait d’étranges accents ! Voix rauques, cris assourdissants, Coups de gosier faux, notes aigres, C’est un tapage d’enragés. Quels sont donc ces braillards allègres ? Jacques ! Jacques ! Ce sont les geais.
Amateurs jurés de maraude, Pillards effrontés, s’il en fut, Ils sont là toujours à l’affût De quelque bonne et sûre fraude. Leur jabot sait digérer tout ; Tout leur est bon, tout sert leur goût, Graines, glands et guignes juteuses ; Maint oiseau voit ses œufs mangés Pendant l’absence des couveuses. Jacques ! Jacques ! Ce sont les geais.
JULES FORGET
16
LES HIRONDELLES
Hirondelle qui viens de la nue orageuse,Hirondelle fidèle, où vas-tu, dis-le-moi.Quelle brise t’emporte, errante voyageuse ?Ecoute, je voudrais m’en aller avec toi,
Bien loin, bien loin d’ici, vers d’immenses rivages, Vers de grands rochers nus, des grèves, des déserts Dans l’inconnu muet, ou bien vers d’autres âges, Vers les astres errants qui roulent dans les airs.
Ah! laisse-moi pleurer, pleurer, pleurer, quand de tes ailes Tu rases l’herbe verte et qu’aux profonds concerts Des forêts et des vents tu réponds des tourelles, Avec ta rauque voix, mon doux oiseau des mers.
Hirondelle aux yeux noirs, hirondelle, je t’aime ! Je ne sais quel écho par toi m’est apporté Des rivages lointains; pour vivre, loi suprême, Il me faut, comme à toi, l’air et la liberté.
LOUISE MICHEL
17
HISTOIRE NATURELLE
Je crois au printemps, je crois Que les bêtes dans les bois M’apprendraient cent mille choses : La coccinelle fragile M’apprendrait mieux que Virgile Comment on dort dans les roses.
Le crapaud batracien M’apprendrait qu’on peut très bien Se loger dans une pierre ; J’apprendrais de chaque lièvre Comment on soigne la fièvre En courant dans la bruyère.
J’apprendrais du rossignol, Quand il chante en bleu bémol, La musique et sa puissance ; La pie au double plumage M’apprendrait le bavardage Et la carpe le silence.
Le ver luisant, chaque soir, M’apprendrait qu’il faut savoir Se déguiser en étoile ; Et la rapide araignée M’apprendrait, chaque journée, A fabriquer de la toile.
ROSEMONDE GÉRARD
18
L’IBIS
Un ibis avait un bec Comme le sabre d’un cheik.
Aussi, notre volatile,Au mépris des crocodiles,
Becquetait, becquetait-il Des serpents, le long du Nil.
Becqueta, becqueta tant Qu’il mourut en becquetant.
Dans le ventre de l’ibis,On trouva deux tournevis,
Deux tubes de dentifrice,Deux épingles de nourrice,
Deux étoiles de police Et deux balles de tennis.
Puisqu’il trouvait fabuleuxDe becqueter tout par deux,
De Port-Saïd à Tunis, On l’appela l’ibis bis.
PIERRE CORAN
19
IMPRESSION FAUSSE
Dame souris trotte,Noire dans le gris du soir,
Dame souris trotte Grise dans le noir.
On sonne la cloche,Dormez, les bons prisonniers !
On sonne la cloche : Faut que vous dormiez.
Pas de mauvais rêve,Ne pensez qu’à vos amours.
Pas de mauvais rêve : Les belles toujours !
Le grand clair de lune !On ronfle ferme à côté Le grand clair de lune
En réalité!
Un nuage passe,Il fait noir comme en un four.
Un nuage passe. Tiens, le petit jour !
Dame souris trotte,Rose dans les rayons bleus.
Dame souris trotte : Debout, paresseux !
PAUL VERLAINE20
MÉSANGES
Chardonnerets, effarvattes, mésanges Boivent dans une flaque le ciel bleu La forêt bouge et se blesse de branches Et multiplie les insectes de feu.
Tant d’oiseaux ronds recommencent de croire A l’accordée de ce village qui Commande à la saison des reverdies Le ballet bleu des abeilles de moire.
Merles, pinsons des printemps de l’enfance Mauvis qui vont aux mousses de la nuit Voici les nids couleur de nos dimanches Et le regret de les avoir détruits.
Tout ce que nous avons été relance D’un oiseau mort le chant interrompu Je tends la main vers mon pays perdu Pays promis à la paix des mésanges !
CHARLES LE QUINTREC
21
AUX MOUETTES
Je vous envie autant que je vous aime, oiseaux Qui traversez sans moi tout l’infini des eaux.
Vous qui passez battant tout l’infini des ailes, Rendez-moi, rendez-moi comme vous infidèle !
Que je sois libre ainsi que vous dans le ciel clair, Que mon domaine soit le règne de la mer !
Et partout subissant l’éternelle infortune, J’obéirai, muette, à l’ordre de la lune.
RENÉE VIVIEN
22
LES OISEAUX
Je vous envie, Oiseaux, qui de vent et d’orgueil Vos plumages gonflant parcourez votre voie, Sans doute ignorez-vous et l’espoir et le deuil, Vous pour qui tout l’azur n’est qu’une vaste proie !
VINCENT MUSELLI
23
LE PAON
Il va sûrement se marier aujourd’hui.
Ce devait être pour hier. En habit de gala, il était prêt. Iln’attendait que sa fiancée. Elle n’est pas venue. Elle nepeut tarder.Glorieux, il se promène avec une allure de prince indienet porte sur lui les riches présents d’usage. L’amouravive l’éclat de ses couleurs et son aigrette tremblecomme une lyre.La fiancée n’arrive pas.Il monte au haut du toit et regarde du côté du soleil. Iljette son cri diabolique:Léon! Léon!C’est ainsi qu’il appelle sa fiancée. Il ne voit rien veniret personne ne répond. Les volailles habituées ne lèventmême point la tête. Elles sont lasses de l’admirer. Ilredescend dans la cour, si sûr d’être beau qu’il est inca-pable de rancune. Son mariage sera pour demain.Et, ne sachant que faire du reste de la journée, il se diri-ge vers le perron. Il gravit les marches, comme desmarches de temple, d’un pas officiel.Il relève sa robe à queue toute lourde des yeux qui n’ontpu se détacher d’elle.
Il répète encore une fois la cérémonie.
JULES RENARD
24
LE PAON
En faisant la roue, cet oiseau, Dont le pennage traîne à terre, Apparaît encore plus beau, Mais se découvre le derrière.
GUILLAUME APOLLINAIRE
25
AH, LA PIE!
Son costume austère Frappe les meseaux : Elle est le notaire Rêvé des oiseaux.
Braille, déchiquetteDes noix dans son bec,Poursuit une enquêteD’arbre en arbre sec,
Vole et cache tout Ce qui luit et brille, Change les atouts Et brouille les quilles.
Méprisant peut-être Le menu fretin, Bavarde à tue-tête ! Notaire certain !
MAURICE FOMBEURE
26
ROUGE-GORGE DU MATIN
Un oiseau rouge à bonnet noir Me regarde dans l’aubépin
Ambassadeur du rouge espoir Ou messager du noir chagrin
Combien de fois me visita Cet œil emplumé du matin
Et dans quelle étrange aventure Et quel autre monde incertain ?
MARCEL BÉALU
27
LE SANSONNET
Sur le pommier qui brûle rose et blanc Sur le pommier qui médite ses pommes Sur celui d’où pleut la grêle d’automne Sur le pommier pris de quintes de vent Je ne siffle que Noël sur la terre Noël des lilas Noël des bleuets Noël des moissons Noël des vendanges Noël des tisons qui sifflent aussi Dans les bras du feu Noël du poète Avec son vol de sansonnets en tête.
PIERRE MATHIAS
28
A UN RAT
Tu vas, flairant de tes moustaches Ces vieux volumes qu’ont ornés De tant d’inexprimables taches
Les nez.
Rat, tu soupes et tu déjeunes Avec des romans refroidis, Des vers morts, et des quatrains jeunes
Jadis.
Ô rat, tu ronges et tu songes ! Tu mâches dans ton galetas Les vieux dogmes et les vieux songes
En tas.
Rat, c’est pour toi qui les dissèques, Que les sonnets et les sermons Disent dans les bibliothèques :
Dormons!
La postérité, peu sensible, Traite ainsi l’œuvre des pédants ; La nuit dessus, toi, rat paisible,
Dedans.
VICTOR HUGO
29
LA COULEUVRE
La couleuvre, quoi qu’on en pense, N’a pas le venin des vipères. Mais, ici, poussons la prudence Jusqu’à l’erreur judiciaire.
RUI RIBEIRO-COUTO
30
LE CYGNE
Beauté, bonté, force et cœur sont au cygne Qui en étangs et rivières demeure, Et doucement chante avant qu’il se meure Qui est pour l’homme enseignement insigne.
PIERRE BELON DU MANS
31
LA FAUNE
Et toi, qui manges-tu, grouillant ? - Je mange le velu qui digère le pulpeux qui ronge le rampant.
Et toi, rampant, qui manges-tu ?- Je dévore le trottinant qui bâfre l’ailé qui croque le flottant.
Et toi, flottant, qui manges-tu ? - J’engloutis le vulveux qui suce le ventru qui mâche le sautillant.
Et toi, sautillant, qui manges-tu ? - Je happe le gazouillant qui gobe le bigarré qui égorge le galopant.
Est-il bon, chers mangeurs, est-il bon le goût du sang ?- Doux, doux, tu ne sauras jamais Comme il est doux, herbivore !
NORGE
32
LA GRANDE OISELLERIE
A la Cité tous les dimanches On expose des passereaux En cage et d’aucuns sur les branches Regardent passer les bateaux.
On aime tant les animaux Ne dit-on pas : l’homme est un ange Certes bien déchu. Mais qu’entends-je : Mouron pour les petits oiseaux.
Voisin du Palais de Justice Ce marché d’esclaves chanteurs Est une image accusatrice.
Mais grâce à la métempsycose Le chat le juge et l’oiseleur Seront un jour en cage close.
VINCENT MONTEIRO
33
AU HASARD DES OISEAUX
J’ai appris très tard à aimer les oiseaux je le regrette un peu mais maintenant tout est arrangé on s’est compris ils ne s’occupent pas de moi je ne m’occupe pas d’eux je les regarde je les laisse faire tous les oiseaux font de leur mieux ils donnent l’exemple
L’exemple comme il faut exemple des oiseaux exemple les plumes les ailes le vol des oiseaux exemple le nid les voyages et les chants desoiseaux exemple la beauté des oiseaux la lumière des oiseaux.
JACQUES PRÉVERT
34
ELOGE DE L’HERMINE
L’hermine est personne modeste, ne se fait jamais remarquer. Elle met l’été son manteau couleur de terre et d’herbe sèche. L’hiver elle met sa fourrure couleur de neige et de froidure. Elle ne fait jamais de mines, l’hermine.
Les Grandes Dames, moins modestes, mettent, pour faire les coquettes, de grands manteaux d’hermines mortes.
« Mais, dit l’hermine, que m’importe ! S’il me fallait, pour que je sorte, mettre un manteau en peaux de dames je trouverais la chose infâme, femmes! »
CLAUDE ROY
35
LE PERROQUET
Un gros perroquet gris, échappé de sa cage, Vint s’établir dans un bocage ;Et là, prenant le ton de nos faux connaisseurs,Jugeant tout, blâmant tout d’un air de suffisance,Au chant du rossignol il trouvait des longueurs, Critiquait surtout sa cadence.Le linot, selon lui, ne savait pas chanter;La fauvette aurait fait quelque chose peut-être, Si de bonne heure il eût été son maître, Et qu’elle eût voulu profiter.Enfin aucun oiseau n’avait l’air de lui plaire,Et, dès qu’ils commençaient leurs joyeuses chansons,Par des coups de sifflet répondant à leurs sons, Le perroquet les faisait taire.Lassés de tant d’affronts, tous les oiseaux du boisViennent lui dire un jour: « Mais parlez donc, beau sire,Vous qui sifflez toujours, faites qu’on vous admire.Sans doute vous avez une brillante voix ;
Daignez chanter pour nous instruire. »Le perroquet dans l’embarras
Se gratte un peu la tête et finit par leur dire :« Messieurs, je siffle bien, mais je ne chante pas. »
JEAN-PIERRE CLARIS DE FLORIAN
36
LE SINGE
Le singe descend de l’homme. C’est un homme sans cravate, sans chaussures, sans varices, sans polices, sans malice, sorte d’homme à quatre pattes qui n’a pas mangé la pomme.
CLAUDE ROY
37
SUS AU COQ
Toi, coq, tu n’es que paresse Mais réveilles l’univers, Fumiers fumant haute gresse, Gros choux bigarrés d’or vert Et la ferme qui t’engraisse.
Pourrais-tu pas un tout pe-tit peu nous laisser tranquilles, Quand le brouillard monte bleu Et fume à l’entour des îles (A moins qu’un jour où il pleut).
Ceux qui crient ce ne sont pas Les mêmes qu’à la besogne : Le facteur sème ses pas, L’or rit, le forgeron cogne Entre ses quatre repas.
Pourquoi clouer sur les granges La chouette qui chante aux nuits ? C’est toi, coq, qui nous déranges, Nous assommes, qui nous nuis. Dans les aurores d’oranges, Ton cri jusqu’au fond des puits !
Mais hélas, on te tolère A cause des poussins d’or Jactance et fausse colère, Orgueil de toréador. Sois fier! Pas un gars ne dort !Mais va te faire lanlaire !
MAURICE FOMBEURE38
AMÉLIE L’AMIE DU PANDA PADDY
Amélie se lie au panda Paddy Le panda se pend au bras d’Amélie.
« Que fait ce panda pendu à ma fille ? » s’écrie le papa pantois d’Amélie.
« Il ne faut pas rouler des yeux comme des billes» lui répond Lili, la sœur d’Amélie.
Amélie aime mêler le panda Paddy à l’heureuse vie qu’elle mène en famille.
CLAUDE ROY
39
UNE BALEINE À BICYCLETTE
Une baleine à bicyclette rencontre un yak dans un kayak.
Elle fait sonner sa sonnette. C’est pour que le yak la remarque.
Elle sonne faux, ta sonnette, dit le yak à l’accent canaque.
La baleine, la pauvre bête, reçoit ces mots comme une claque.
Une baleine à bicyclette qu’un yak accuse de faire des couacs
Elle sonne juste, ma sonnette, dit la baleine du tac au tac.
Car ma sonnette a le son net d’une jolie cloche de Pâques.
Ne te fâche pas, baleinette, répond le yak qui a le trac.
(Une baleine à bicyclette peut couler un yak en kayak.)
J’aime beaucoup ta sonnette, elle a un son net et intact.
Bien trop poli pour être honnête, dit la baleine au yak sans tact.
Le yak en kayak s’en va sur le lac et la baleine à bicyclette
s’en va pédalant vers Cognac en faisant sonner sa sonnette.
Comme je n’ai plus de rimes en ac je reste en carafe dans le lac
comme une baleine un peu braque qui n’a plus de tour dans son sac.
CLAUDE ROY
40
LA BALEINE SE PLAINT
« Qui dit que je ris ? On n’a pas compris », gémit la baleine.
« On m’harponne, et crac ! on me course et traque à perdre l’haleine. »
« On dit que je ris, mais c’est grande peine que d’être baleine. »
CLAUDE ROY
41
BESTIAIRE DES POURQUOI
Pourquoi le chat est-il noir, et pourquoi le flamant rose ? C’est une bizarre histoire de parce que et d’à cause.
Pourquoi certains sont-ils sages et d’autres entreprenants ? Pourquoi ce flamant dans l’image quand le chat en est absent ?
Tant de questions, tant de problèmes ! Le chat est sorti de la page. Le flamant rose est là quand même : il voulait être dans l’image.
Tant de pourquoi, jamais les mêmes,d’histoires sans tête et sans queue, que de questions, que de problèmes, que d’à cause et de parce que.
Les enfants font mille bêtises. Le flamant les a prévenus. Que de questions, que de surprises. Et le chat n’est pas revenu.
CLAUDE ROY
42
LA BÊTE A BON DIEU
La bête à Bon Dieu n’est pas bête du tout. Elle a partout des yeux, et jusque dans le cou.
Elle voit bien, elle voit tout, avec ses yeux, avec ses ailes La coccinelle.
CLAUDE ROY
43
LA BÊTE AU PLAFOND
La grosse bête au plafond, grosse bête qui s’embête, le cerf-volant bête et lent il en fait une drôle de tête !
La grosse bête au plafond, voudrait jouer à la marelle, qu’on lui parle, qu’on soit bon, qu’on s’occupe vraiment d’elle.
La grosse bête au plafond a besoin de sympathie. Elle a peu de distractions, la pauvre marche-petit.
CLAUDE ROY
44
NE JOUEZ PASÀ CACHE-CACHE
AVEC UN ÉCUREUIL
« C’est toi qui t’y colles » a dit l’écureuil.Il aime jouer à cache-cache.
A droite du tronc il faufile un œil, à gauche ondule son panache.
« Je t’ai vu ! Tu sors ! C’est toi qui t’y colles » L’écureuil ne m’écoute pas.
Tricotant l’écorce, il saute et s’envole la tête en haut, la tête en bas.
« Ce n’est pas de jeu ! Écureuil tu triches !Je veux bien jouer à cache-cache
mais pas à l’oiseau qui nous fait des niches,qui perd, qui triche et qui me lâche ! »
L’écureuil me dit: « Tu n’es pas malin !Viens jouer au trapèze volant ! »
Il frotte ses mains en haut du sapin. J’essaie de prendre mon élan.
Bipède bêta, lourdaud bétonné, j’ai les deux pieds collés au sol
Une pomme de pin tombe sur mon nez.L’écureuil rit et se renvole.
CLAUDE ROY
45
LA CHASSE AU RHINOCÉROSDANS LES MONTAGNES
DU HAUT-TYROL
Dans les neiges de l’Heimatlos, c’est la chasse au rhinocéros
Le rhinocéros des cavernes trouve que la vie est terne.
Le rhinocéros est morne et il louche vers sa corne.
Que veut le rhinocéros ? Il veut une boule en os.
Ce n’est pas qu’il soit coquet c’est pour jouer au bilboquet.
L’ ennui le rendrait féroce, le pauvre rhinocéros.
Les chasseurs de l’Heimatlos distraient le rhinocéros.
Ils sont tout interloqués ils croyaient avoir traqué
risquant de rompre leur os un féroce rhinocéros.
Mais il dit : « C’est vous ? OK. Si on jouait au bilboquet ? »
CLAUDE ROY
46
LE CHIMPANZÉ AISÉQUI JOUE À LA MANILLE
Il n’y a rien de plus aisé pour passer le temps en famille que d’apprendre à son chimpanzé les jeux de belote et manille.
Le chimpanzé joue, mais il triche. Son partenaire est mécontent. On a beau être aisé et riche, c’est un bien coûteux passe-temps.
Car les singes sont très malins. Ils ont plus d’un tour dans leur sac. Ils ont un joli tour de main pour mettre votre bourse à sac.
CLAUDE ROY
47
LE COANDOU VRAIMENT DOUX
« J’ai retrouvé votre bottine dit le coandou vraiment doux à madame Saint-Apolline. Mais à quoi donc pensiez-vous ? »
« Je l’ai oubliée chez celui que j’aime. Mais quand il me fait les yeux doux j’oublie mes gants et mon diadème, j’oublie mon rang et j’oublie tout. »
« Du joli ! » dit le coandou. Il pardonne au nom de l’amour. C’est un sentiment des plus doux. Les coandous sont plutôt pour.
CLAUDE ROY
48
49
LA DEMOISELLE ET LA BICHE
Vous avez fait un vilain rêve, mademoiselle Noémie. Vous étiez biche dans les bois. Des chasseurs vous chassaient sans trêve, votre cœur était aux abois. Mais le matin enfin se lève et vous retrouvez vos amis. Car vous n’êtes pas biche au bois mademoiselle Noémie, et vous reprenez vos esprits.
Mais dans la forêt du sommeil erre une biche triste et douce qui se sent seule lorsque s’éveille mademoiselle Noémie. La biche a eu toute la nuit une meute folle a ses trousses mais elle avait une amie qui partageait sa longue course. La voilà seule dans les bois. Où donc s’en est allée l’amie qui lui a tenu compagnie ? La biche pleure. Elle a froid et se demande où est partie mademoiselle Noémie.
CLAUDE ROY
L’ESCARGOT MATELOT
Un escargot fumant sa pipe portait sa maison sur son dos.
C’était un garçon sympathique, un brave et joyeux escargot.
Il avait été matelot et navigué sur un cargo.
Il en avait assez de l’eau cet ancien marin escargot.
Son ami le petit Léon lui apportait du tabac blond.
Et l’escargot fumant sa pipe évoquait la mer, les tropiques,
et le tour du monde en cargo qu’il avait fait en escargot,
en escargot fumant sa pipe pour n’être pas mélancolique.
CLAUDE ROY
50
L’EXCÈS DES PETITS NOMS D’AMITIÉ
« Mon petit chat, mon gros minet, mon doux mouton, mon chatounet » disait la mère à son bébé dans l’excès des diminutifs.
Il ne faut pas trop s’étonner : enfant d’un amour excessif le petit se mit à miauler et la maman à ronronner.
CLAUDE ROY
51
UNE FOURMI DANS LES JAMBES
Une fourmi dans l’eau revient de Saint-Lô.
Une fourmi dans les champs revient de Longchamp.
Une fourmi dans le cou revient de chez nous.
Une fourmi dans les jambes revient de Bordeaux.
C’est du beau !
CLAUDE ROY
52
53
LA GRANDE OURSE ET LAPETITE OURSE
La Petite Ourse va faire ses courses et chercher son miel aux ruches du ciel.
Mais la Grande Ourse, plus ferousse, mange l’enfant qu’un maître méchant avait mis au coin.
L’enfant au coin S’en fut en course jouer aux étoiles buissonnières dans le grand ciel désert où rôdait la Grande Ourse.
« Quelle frousse ! »dit l’enfant en se réveillant
sur la terre plus terre à terre.
CLAUDE ROY
LE HIBOU ET L’HIRONDELLE
- Moi, dit le hibou à l’hirondelle, j’ai un beau jabot, des gants élégants. Je suis un monsieur tout à fait sérieux. Je suis important.
- Moi, dit l’hirondelle qui file à tire d’aile (tu ne la vois pas, elle est sur le toit) moi, dit l’hirondelle, je vole et je vais là où il me plaît. Je suis bien contente et c’est beaucoup mieux.
CLAUDE ROY
54
HIRONDELLES
Pourquoi donc les hirondelles se posent-elles, légères, sur les fils téléphoniques, avec des airs ironiques ?
Elles font ça pour se distraire et pour occuper les enfants qui sages comme des images restent le nez levé en l’air à écouter le bavardage des hirondelles sous l’auvent.
CLAUDE ROY
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LA HUCHE DE L’AUTRUCHE
Qui mange tout et rien n’épluche ? Trois ours en peluche et deux cruches, trois bûches et quatre merluches, cinq oiseaux-mouches, six fanfreluches, sept gros ballons en baudruche, huit merluches, neuf ou dix mouches ?
Elle a de l’estomac, l’autruche…Elle ne fait pas la fine bouche.
L’autruche met tout dans sa huche,avale tout, mais rien n’épluche.
CLAUDE ROY
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LE KANGOUROU QUI PRENAIT DESLEÇONS DE SOLFÈGE
Un kangourou sur une chaise prenait sa leçon de solfège. Mais il confond ré et fa dièse, il s’embrouille dans les arpèges.
« Ré sol mi fa... Mon Dieu, qu’ai-je ? Où ai-je mis ma clef de sol ? » Le kangourou est mal à l’aise. Il se retrouve sur le sol.
Le kangourou n’a plus de chaise. « La clef de sol me le paiera ! » Mais il vaudrait mieux qu’il se taise s’il veut chanter à l’Opéra.
Son maître, sir Lacan-gourou lui dit: « Pour devenir ténor, il faut travailler, kangourou, et cultiver votre voix d’or. »
Le kangourou, plutôt boudou, voudrait sauter dans le désert. Mais son maître, Lacan-gourou, l’oblige à reprendre son air.
« Ré sol mi fa fa do ré sol » Il se sent très mélancolique. Il en a vraiment ras le bol, ce kangourou, de la musique.
CLAUDE ROY
LE LOUP VEXÉ
Un loup sous la pluie, sous la pluie qui mouille, loup sans parapluie, pauvre loup gribouille.
Est-ce qu’un loup nage ? Entre chien et loup, sous l’averse en rage, un hurluberloup ?
Le loup est vexé parce qu’on prétend que par mauvais temps un loup sous la pluie sent le chien mouillé.
CLAUDE ROY
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LES MAKIS VRAIMENT TURBULENTS
« Arrêtez de vous battre et de vous disputer, ou bien je vais vous mettre au lit ! »
« C’est pas moi qui ai commencé! C’est eux, madame, qui m’ont poussé! »
Les enfants, les makis, c’est du pareil au même : ce n’est jamais personne qui a commencé.
CLAUDE ROY
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MÉTÉOROLOGIE
L’oiseau vêtu de noir et vert m’a apporté un papier vert qui prévoit le temps qu’il va faire. Le printemps a de belles manières.
L’oiseau vêtu de noir et blond m’a apporté un papier blond qui fait bourdonner les frelons. L’été sera brûlant et long.
L’oiseau vêtu de noir et jaune m’a apporté un papier jaunequi sent la forêt en automne.
L’oiseau vêtu de noir et blanc m’a apporté un flocon blanc.
L’oiseau couleur du temps que m’apportera-t-il ?
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LA MOUCHE
Une mouche qui cheminait A rencontré la cheminée. Elle se mit à éternuer. Pourquoi ? Il faut le deviner.
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N’IMPORTE QUOI
Le poulpe avait usé ses bottes en tricotant l’eau comme un dératé.
« Cordonnier, refais-moi mes bottes, je t’apprendrai le karaté. »
« Pour un habitant des mers vous êtes vraiment terre à terre » a dit au poulpe l’ours polaire. « S’user les pieds dans la mer, ce sont d’étranges manières ! »
L’ours blanc a usé ses gants en marchant sur les icebergs. « Gantier, gantier, refais mes gants, je te ferai voir le Spitzberg! »
« Que vous êtes lourd, mon ourson » lui dit le Grand Duc poseur. « Quittez un peu vos glaçons, voler, c’est le seul vrai bonheur. »
Mais l’oiseau use ses ailes en volant pendant des heures. Pour qu’on affûte ses ailes il les porte au rémouleur.
« Que vous êtes ciel à ciel ! » lui dit le soleil tourneur. « Moi j’ai vraiment la vie belle ! Être rayon, quel bonheur ! »
On a souvent besoin d’un plus léger que soi.
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NON
Ida demanda doucement au gendarme très poliment, la permission.« Tout à fait défendu » répondit le gendarme « et pas de contestation. »
C’était un ours que ce gendarme.
OUI
Ida demanda doucement au gros ours très poliment, la permission.« Mais bien entendu » a dit le bon ours « les enfants ont la permission. »
Les ours en général ne sont pas des gendarmes.
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L’OISEAU FUTÉ
A quoi bon me fracasser, dit l’oiseau sachant chanter au chasseur sachant chasser qui voulait le fricasser.
Si tu me fais trépasser, chasseur au cœur desséché tu n’entendras plus chanter l’oiseau que tu pourchassais.
Mais le chasseur très froissé dit à l’oiseau tracassé : Je n’aime pas la musique et tire un coup de fusique.
Le chasseur manque l’oiseau qui s’envole et qui se moque. Le chasseur se sent bien sot, et l’oiseau lui fait la nique.
Après tout, dit le chasseur, j’aime beaucoup la musique. Moi-z-aussi dit le siffleur se perchant sur le fusique.
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L’OISEAU VOYOU
Le chat qui marche l’air de rien voudrait se mettre sous la dent l’oiseau qui vit de l’air du temps, oiseau voyou, moineau vaurien.
Mais, plus futé, l’oiseau lanlaire n’a pas sa langue dans sa poche, et siffle clair comme eau de roche un petit air entre deux airs.
Un petit air pour changer d’air et s’en aller voir du pays, un petit air qu’il a appris à force de voler en l’air.
Faisant celui qui n’a pas l’air le chat prend l’air indifférent. L’oiseau s’estime bien content et se déguise en courant d’air.
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L’OTARIE QUI SE TIENT MAL A TABLE
On ne parle pas la bouche pleine dit Marie à son otarie.
Ventre affamé n’a pas d’oreille :Du conseil de Marie l’otarie se rit,
et tout en mâchant son holothurie l’otarie de Marie marmonne: « Oui, oui, oui. »
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L’OURS MARTIN ET LE DIABLE
« Diable ! Diable ! » avait dit Martin en se mettant à table un beau matin.
Il avait dit ça sans faire attention machinalement.
Le Diable apparut voulut le mordre faillit le manju le manju tout cru. Martin éperdu s’encourut, s’en fut.
Il prend garde depuis à ce qu’il dit.
CLAUDE ROY
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LE PAON ET LE PIGEON
- Moi, dit le paon au pigeon blanc, j’ai une traîne, comme les reines. Je suis glorieux et arrogant.
- Moi, j’ai mes ailes et grâce à elles, je vole et vais où il me plaît. Je suis heureux. C’est beaucoup mieux.
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UNE PATTE A TÂTONS
Le petit chat nommé Chaton mettait sa patte-z-à-tâtons dans le tricot de Madelon, dans la soupe de potiron, dans la barbe d’oncle Léon, dans le pot de lait de Suzon, Madelon, Suzon et Léon, et la soupe de potiron disaient au chat nommé Chaton :
« Si tu mets ta patte à tâtons dans la soupe de Madelon, dans la barbe d’oncle Léon, méfie-toi, chat nommé Chaton, on te donnera du bâton. »
Chaton n’entendait pas raison, il mit la patte-z-à-tâtons dans la braise et dans les brandons.
Voilà pourquoi le chat Chaton porte une poupée de chiffon qu’à sa patte noua Madelon.
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LE PÉCARI AHURI
J’avais écrit un poème. Un pécari ahuri qui passait par là, sans gêne, renverse mon encrier. Je me suis mis à crier « Ce n’est vraiment pas poli, pécari trop ahuri, et je vais vous étriller »
« Pourquoi te fâcher, crier, m’a répondu le pécari. Moi je te fais le pari de t’écrire une poésie. » Il a fait comme il avait dit : le poème qu’il m’a écrit c’est l’histoire d’un pécari qui renversa mon encrier et qui devint mon ami.
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LE PORC-ÉPI ET LE KÉPI
Le colonel d’un régiment rencontra un jour par hasard un porc-épi chemin faisant qui le salua avec retard.
« Je vous ferai tondre à zéro ! » crie le colonel furibond. Le porc-épi le prend au mot : « Essaie un peu, tête de lard ! »
Ayant pris un bon coup de sang le rouge monta au képi du colonel très important qui gifla notre porc-épi.
Le colonel depuis ce temps à sa main droite met un gant et s’il rencontre un porc-épi porte la main, très poliment,
à son képi.
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DES POULES DE TOUTES LES COULEURS
La poule qui avait pondu un œuf de toutes les couleurs était d’une si bonne humeur qu’elle disait d’un ton pointu : « C’est moi la poule qu’a pondu un œuf de toutes les couleurs. L’avez-vous vu ? »
La poule qui avait cassé le service à petits fleurs en était tellement vexée qu’elle gémissait, tout en pleurs : « C’est moi la poule qu’a cassé le service à petites fleurs. Quel malheur ! »
La poule qui avait chanté un très bel air en do majeur en était tellement flattée qu’elle criait dans son bonheur : « C’est moi la poule qui chanta, je vais entrer à l’Opéra. Quel honneur ! »
CLAUDE ROY
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LES QUESTIONS DE LA VACHE
Pourquoi les chiens sont-ils velus ? Pourquoi disent-ils Ouah, ouah avec l’accent anglais ?
Pourquoi remuent-ils la queue quand il n’y a pas de mouches ?
Pourquoi portent-ils un collier ? Pourquoi flairent-ils tout d’un air intéressé?
Qui le sait ?
LES QUESTIONS DU CHIEN
Pourquoi les vaches ont-elles des cornes ? Pourquoi disent-elles Meuh avec l’accent flamand ?
Pourquoi mangent-elles quand elles ont déjà déjeuné ?
Pourquoi ont-elles le pis plein de lait ? Pourquoi soufflent-elles d’un air dégoûté ?
Qui le sait ?
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LES RAIES DU ZÈBRE SANS ARRÊT
Pourquoi courait-il sur l’Ebre, ce zèbre jadis célèbre qui, en sautant dans les ténèbres s’est déboîté les vertèbres ?
Tel un tigre en équilibre qui courait au bord du Tibre tigre de très gros calibretigre-zèbre, zèbre-vibre,
ce zèbre qui courait sur l’Ebre trouvait que c’est trop funèbre, quand on est zèbre et célèbre de réciter son algèbre.
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SAUTE-MOUTON
Jeannot-la-faim-de-loup se jette sur sa soupe.Qui m’a donné ce grand glouton ? » dit sa maman.Qui veut jouer à saute-mouton ? »C’est ce qu’entend Jean-tête-ailleurs.
- Qui veut jouer à saute-mouton ? - Moi ! dit Jeannot-la-tête-au-vent.
Il prend de très loin son élan, saute au-dessus d’un potiron.
Il saute par-dessus Médor. De plus en plus haut, de plus en plus fort.
Il saute par-dessus Suzon, puis sur le toit de la maison.
Il a sauté par-dessus le clocher, il a sauté par-dessus les rochers.
Il a sauté par-dessus le nuage.Est-ce Jeannot ? Est-ce un mirage ?
Ses parents l’appellent sur tous les tons mais Jeannot s’envole à saute-mouton.
Il a disparu, sautant dans le ciel, à saute-mouton, à saute-soleil,
et la soupe va refroidir dans l’assiette de Jean-qui-vole.
CLAUDE ROY
LA SOURIS SENSIBLE ET LECHAT MALIN
Un grand mouchoir blanc autour de ses joues le gros chat Matou prend son air tout doux et dit en miaulant sur un ton dolent : « Je deviens fou tant j’ai mal aux dents. »
Ida la souris se fait du souci car elle a bon cœur et veut le bonheur des gens, des souris, des chatons pleureurs, des ratons laveurs et des ramoneurs
« Va donc au docteur », dit Ida en pleurs. Ce n’est pas français. On dit, quand on sait : « Va chez le docteur. » Ida l’empresséea un cœur de mère mais peu de grammaire.
« J’ai vu le docteur. » « Et que t’a-t-il dit ? » « Le docteur m’a dit : tu seras guéri si contre ta dent tu poses un moment délicatement la queue d’une souris. »
Ida a bon cœur :« Qu’à cela ne tienne ! Guéris ta douleur : Sers-toi de la mienne ! » Très obligeamment Ida, bonne enfant, s’approcha du chat qui se la mangea.
Il ne faut pas dire : « Je vais au docteur. » Il faut réfléchir quand on a bon cœur. Les bons sentiments ont l’inconvénient de causer souvent de graves ennuis aux gens étourdis comme-z-aux souris.
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TIMIDERIE DE L’ANE EN PEINE
Je n’aime pas qu’on me regarde. Je me sens bien embarrassé. Je rougis quand on me regarde. Je bafouille et suis compassé.
J’ai chaud, j’ai peur, j’ai froid, J’ai chaud. Je suis tout rouge et je pâlis. Ils me regardent de leur haut. Ils me regardent. Je blêmis.
J’essaie d’avoir l’air dégagé. Je suis le triste chien qu’on traîne. J’essaie de prendre l’air léger. Mais je me sens pauvre âne en peine.
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ILS ÉTAIENT TROIS CANARDS
Ils étaient trois canards trois canards bons enfants.
Le premier c’était Anatole, Le second c’était Ferdinand, Le troisième c’était Paul.
Ils nageaient sur un bel étang. Ils étaient dans l’eau tout le temps, et ils s’estimaient très contents.
Mais Anatole, un beau matin, rencontra sur l’eau en chemin une canarde à l’air mutin.
Il déclara: on se marie. Il l’épousa à la mairie. Elle lui donna huit petits.
Les canards Ferdinand et Paul s’ennuyaient sans leur Anatole.
Alors pour se distraire ils composèrent en vers à l’envers une chanson sur le même air :
« Ils étaient trois canards trois canards bons enfants » (et ainsi de suite).
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IL Y AVAIT UNE GRENOUILLE
Il y avait une grenouille qui avait peur de se mouiller.
Elle disait : « L’eau ça chatouille, et on risque de s’enrhumer. »
Voyant nager les écrevisses elle disait : « Ça, c’est du vice. »
On lui répétait: « L’eau est bonne. » mais elle ne croyait personne.
C’est ennuyeux d’être grenouille quand on déteste ce qui mouille !
CLAUDE ROY
UN ZÈBRE UN PEU BÊTE
Un zèbre pourtant pas très bête s’en fut au bureau de tabac pour acheter des allumettes. On lui dit que c’était en bas.
Il descendit si bas, si bas, ce zèbre qui manquait de tête que par hasard il rencontra un scaphandrier à la diète.
Ce scaphandrier à la pêche aux raies pêcha le zèbre sous-marin, disant : « Les zèbres ont des raies. » (Ce n’était pas des plus malin.)
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