fiche de lecture - bande dessinée "là où vont nos pères" de shaun tan
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INALCO
Elsa COUTEILLER N° étudiant : 20600227
Magistère CFI – Contrôle Continu
Semestre 1 ICL4A03B Approche juridique des immigrés, réfugiés et apatrides
FICHE DE LECTURE
Là où vont nos pères de Shaun Tan, éditions Dargaud, 2007
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Elsa COUTEILLER Magistère CFI – ICL4A03B – Fiche de lecture
Là où vont nos pères de Shaun Tan, éditions Dargaud, 2007
Shaun Tan est l'auteur et l'illustrateur de nombreux livres, tous primés dans le monde
entier. Il est né en 1974 en Australie et a grandi dans la banlieue nord de Perth. Il a
commencé adolescent à peindre et à dessiner des images pour des histoires d’horreur et de
science-fiction publiées dans des petits magazines de presse. Il dessinait à côté de ses études
pour des magazines, des journaux, des couvertures de livres, des posters de musique, des
fliers et des newsletters la plupart autour de son campus universitaire. Il a appris la plupart
des techniques d’illustration qu’il utilise encore aujourd’hui en faisant ces petits boulots
mais il est également diplômé de l’Université Ouest d’Australie en Art et en Littérature.
Dès lors, il a toujours été davantage connu pour ses livres illustrés qui lient social -
politique et sujets historiques au travers d’un certain surréalisme touchant à l’imaginaire du
rêve éveillé.
En 2001, il a reçu le prestigieux prix du Meilleur artiste aux World Fantasy Awards
pour l'ensemble de son œuvre. Il travaille également pour les studios Pixar (Toy Story, Les
Indestructibles, Wall-E) et Blue Sky (L'Age de Glace). En 2011, il a été honoré du prix Astrid
Lindgren pour sa contribution à la littérature enfantine internationale. L’ouvrage Là où vont
nos pères quant à lui a reçu en 2008 le fauve d’or d’Angoulême le prix du meilleur album.
Là où vont nos pères est rangé dans le rayon bandes-dessinées mais on pourrait le
qualifier plus justement de « livre de bande dessinée ». En effet, cet album de 128 pages -
l’auteur a mis quatre ans pour le terminer - a la caractéristique première d’être « muet » - il
n’y a aucun texte. L’ouvrage ne s’appuie que sur un dessin inventif ménageant coupure de
rythmes, accélération et respirations. Les images pleine page alternent avec des planches
très découpées aux cadrages serrés. La force du récit passe uniquement par ces images aux
teintes noir et blanc et sépia. Et cela fonctionne très bien.
Les thèmes majeurs de l’ouvrage sont celui de la fuite et de l’émigration. Shaun Tan
nous plonge dans la peau d’un émigrant contraint de quitter son pays afin d’offrir à sa
famille un avenir meilleur. L’auteur décrit les phases de découvertes et d’appropriation de ce
nouveau pays par un personnage dont on ne connaitra jamais le nom. Ce qui ne nous
empêchera pas de créer un lien d’affection avec tous les personnages au fil des pages.
Le livre est articulé autour de six chapitres.
Dans le premier, on découvre un homme qui part en emportant une simple valise et
qui dit au revoir à sa femme et à sa fille. L’habitat est modeste et on comprend rapidement
qu’il part avec l’espoir de trouver une vie meilleure dans un pays étranger. Un danger latent
prenant la forme de puissants tentacules sombres pousse l’homme ainsi à abandonner les
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siens. Le sujet de l’émigration est ainsi traité dès ce premier chapitre au travers de touches
fantastiques donnant une profondeur au récit.
Le deuxième chapitre est celui de la traversée en bateau et de l’arrivée dans ce
nouveau pays. Le personnage principal arrive donc par bateau dans une ville qui lui est
complètement inconnue. Nouvelle architecture, nouveau langage, nouvelle alimentation.
Tout lui est étranger. Il cherche un endroit pour vivre. Le paysage représentant le port
d’arrivée n’est pas sans rappeler les Etats-Unis et Ellis Island avec les gratte-ciels et les
immenses statuts à l’entrée du port. La scène de toute la procédure d’enregistrement
d’arrivée du personnage principal semble très intéressante car elle est très détaillée toujours
sous une plume fantastique et imaginative mais laissant très bien entrapercevoir la réalité.
Le troisième chapitre narre les premiers pas du personnage dans la ville. Il apprend à
l’aide d’autres personnes émigrées à prendre les transports en commun, à faire ses courses
en découvrant les produits locaux. Il se fait ainsi trois amis. L’auteur nous plonge dans
l’histoire personnelle de cette famille. Leur histoire est racontée avec beaucoup de justesse
et le lecteur est emmené dans ces nouveaux univers et ces flashbacks.
Le quatrième chapitre est consacré à la recherche d’emploi du personnage principal.
Shaun Tan nous montre ainsi les différentes tentatives de l’homme pour trouver du travail
malgré le fait qu’il ne sache pas lire la langue du pays. Il lui arrive ainsi quelques
mésaventures avant de trouver un travail en usine. Il y fait une autre rencontre qui
deviendra un nouvel ami. Là encore le lecteur est plongé dans le récit de la vie personnelle
de ce nouveau personnage.
Le cinquième chapitre est coupé par une sorte d’ellipse temporelle représentée par
les effets des quatre saisons sur la nature de ce pays. Avant, cette ellipse on voit le
personnage principal qui écrit une lettre à sa femme et à sa fille. Ellipse temporelle. Le temps
a passé, il a pris possession de son logement, des cartes et des lettres tapissent les murs.
Accélération du rythme du récit. Le personnage court après quelque chose et le lecteur
comprend que sa femme et sa fille sont venues le rejoindre. Retrouvailles familiales.
Le sixième chapitre peut être défini comme un épilogue à l’ouvrage qui se termine
sur un système établi d’étapes concernant l’émigration. La petite fille à son tour aide les
nouveaux arrivants.
Là où vont nos pères est un livre illustré qui prend progressivement la forme d’une
bande-dessinée. Le récit au fur et à mesure peut même être considéré comme une sorte de
film muet se construisant autour d’un style « photographique ». Shaun Tan estime que
l’absence de texte est une approche adéquate tant sur le plan artistique qu’intellectuel. En
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effet, il considère cette absence de mot comme un moyen de ralentir le rythme du récit et
de laisser le temps, aux lecteurs, de s’approprier chaque case. En effet, les dessins sont très
détaillés. Ainsi, les mots n’interfèrent pas avec une libre interprétation de l’ouvrage.
De plus, on pourrait considérer que l’image vierge sans texte accorde une force
incroyable au récit. Le lecteur s’identifie ainsi très rapidement aux différents personnages et
il est ainsi lui-aussi plongé dans cet univers complètement nouveau que l’auteur a su créer
sous une plume très imaginative et fantastique.
La force de cet album c’est que les thèmes de la fuite et de l’émigration sont traités
de façon intemporel, apatride et absolu. Les dessins sont magnifiques et se suffisent à eux-
mêmes.
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Comme il n’y a aucun texte dans cet ouvrage, j’ai sélectionné quelques images qui me
paraissent importantes et éclairantes.
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La femme et la fille laissées seules dans la ville après le départ du père. Les tentacules représentent un danger latent.
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Le port d’arrivée
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L’histoire personnelle de la personne qui l’aide à comprendre le fonctionnement des transports en commun.
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Une des tentatives d’insertion professionnelle du personnage principal.
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Les retrouvailles familiales.
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Mon commentaire se porte sur la scène qui se trouve juste après l’arrivée par bateau
du personnage dans le port. C’est à ce moment là que le rapprochement avec Ellis Island est
fortement possible. Les émigrés font la queue dans un immense bâtiment. La scène choisie
décrit après la visite médicale l’entretien que passe le personnage principal avec l’autorité
compétente dont on ne voit jamais le visage. Cette autorité est ainsi formalisée sur la page
suivante seulement à travers les tampons qu’elle manie, la machine à écrire, les dossiers.
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Cette page détaille les phases qui composent l’entretien. Shaun Tan ne s’intéresse
qu’au comportement du personnage principal. Le lecteur ressent d’emblée un certain
inconfort face à cet homme qui semble totalement perdu. Ce dernier est en effet plein de
petits papiers accrochés à sa veste. Ces papiers symbolisent les étapes qu’il a subies lors de
la visite médicale. On peut même aller jusqu’à faire le lien avec les marquages qui sont
effectués sur le bétail pour repérer les animaux vaccinés.
Sur la première ligne, on voit que le personnage principal est mal à l’aise et semble
effrayé. Ne parlant pas la langue du pays, on réalise que l’entretien se déroule mal et qu’il y
a incompréhension.
La deuxième ligne montre le personnage sur la défensive, fronçant les sourcils. Il
semble être passé à une deuxième phase – l’exaspération, l’énervement, peut-être de la
frustration.
La troisième ligne présente le personnage qui tente de se faire comprendre en
montrant la seule photographie qu’il a emmenée avec lui, celle de sa femme et de lui-même
avec leur fille au milieu. On comprend ainsi qu’il essaye d’expliquer son histoire personnelle,
ses motivations pour avoir tout quitté pour ce nouveau pays.
L’homme semble complètement abattu, désemparé et résigné sur la quatrième ligne.
Le lecteur a la forte impression que l’entretien en effet s’est déroulé difficilement. La page se
termine sur le personnage qui regarde d’un air vague au loin tenant son chapeau serré entre
ses doigts.
Le lecteur comprend alors la difficulté que doit être pour un émigré d’expliquer dès
son arrivée avec une langue qui ne comprend pas les raisons de sa venue. L’entretien est
dépersonnalisé, on imagine toutes les autres personnes qui subissent la même chose.
Passage obligé pour avoir les papiers nécessaires décrits dans la scène suivante.
Le mot de la fin : Cet ouvrage est magnifique et semble en apesanteur comme un
rêve éveillé traitant ainsi de façon originale des thèmes comme la fuite, l’émigration et
l’espoir d’une vie meilleure.
Annexe : Site internet de l’auteur : http://www.shauntan.net/
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