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Faculté de Géographie de l'université de Fribourg Géographie humaine
Travail de recherche personnel / Juin 2015
LA BASSE-VILLE ET SON EVOLUTION : perceptions et représentations du quartier
Etude de cas sur le quartier de la Neuveville/Fribourg
Travail réalisé sous la direction de M. Olivier GraefeProfesseur en Géographie Humaine
Simon CharrièrePl. du Petit-Saint-Jean 35 / 1700 Fribourg
simon.charriere@unifr.ch
Remerciements
Je tiens tout d'abord à remercier plusieurs personnes. Ce travail n'aurait pas pu se réaliser
sans leurs aides. Premièrement un grand merci à toutes les personnes qui m'ont conseillé,
orienté, soutenu ou encore aidé dans ma démarche durant tous ces derniers mois. En
particulier M. Graefe, professeur en géographie humaine, qui m'a accompagné tout au
long de la réalisation de mon étude. Je remercie dans l'ensemble tous les habitants du
quartier de la Neuvevile qui m'ont conseillé et aidé très sympathiquement quand je me
promenais dans le quartier. Je remercie tout particulièrement M. Roland Julmy, ancien
président de l'association de quartier, qui m'a invité à assister à l'assemblée générale de
l'association pour la défense des intérêts du quartier de la Neuveville et également M.
Jean-Charles Bossens, chef de service de la direction de la police locale et de la mobilité,
qui m'a permis de consulter les classeurs de l'Etat concernant les travaux dans le quartier
de la Neuveville.
Je remercie bien évidemment tous les intervenants HM, MB, RJ, RH, SP, JC et EZ qui
m'ont permis de récolter toutes mes informations nécessaires au bon déroulement de mon
travail lors des interviews. Finalement, je termine par remercier toute ma famille, mon amie
Jessica qui m'ont plus que soutenu tout au long de la réalisation de mon travail.
2
Résumé
Le quartier de la Neuveville, un des quartiers historiques de la ville de Fribourg, doit faire
face à l'évolution de ses structures, de sa culture ou encore de son économie. La
population se diversifie et le type d'habitants ne ressemble plus à la classe ouvrière
d'autrefois. Les anciens de la Neuveville sont encore bien présents mais commencent à
faire face au renouvellement et à un phénomène de gentrification depuis plusieurs
années. La Basse-Ville est en train de devenir une situation transitoire car les logements
sont rénovés et les loyers augmentent. Les récents travaux liés au pont de la Poya ont
suscité énormément de réactions et sont un sujet encore brûlant et actuel au sein du
quartier. Malgré tous ces changements, la Neuveville est perçue comme un endroit
convivial et historique. Les habitants s'y sentent bien et compare l'esprit de la Neuveville à
celui d'un village. Le but de mon étude est de comprendre et de tenter d'expliquer, à l'aide
d'interviews qualitatives, les rapports sociaux et spatiaux à travers la perception
individuelle des habitants et habitantes du quartier. L'analyse qualitative par la théorisation
aura pour but de comprendre d'abord la perception des habitants mais aussi d'essayer de
mettre en valeur et d'expliquer certaines représentations du quartier qui pourraient
ensuite, si possible, contribuer à l'anticipation des contraintes liées aux phénomènes
précédemment cités dans un contexte aussi spécifique et local qu'est la Neuveville.
Mots-clés :
PERCEPTION, IDENTITE, GENTRIFICATION, PROXIMITE, VILLAGE.
3
Table des illustrations, schémas et tableaux
Illustration 1 : Quartier de la Neuveville (entouré en rouge) séparé en deux par la Sarine (source : www.map.geo.admin.ch)...................6
Illustration 2 : Funiculaire reliant St-Pierre au quartier de la Neuveville en 1900 (www.notrehistoire.ch) ......................................................7
Illustration 3 : Bains de la Motta, 1930-1939 (www.notrehistoire.ch) ............................................................................................................. 8
Illustrations 4 et 5 : Photos récentes du funiculaire et de la piscine de la Motta (www.laurentdietrich.ch) .................................................... 8
Illustration 6 : Handlungszentrierte Perspektive (source : B. Werlen, 2000, pp. 311).................................................................................. 14
Schéma 1 : Catégories issues du processus de la codification des interviews (source : Simon Charrière)................................................24
Illustration 7 : Résultats des perceptions et représentations du quartier par les habitants (source : Simon Charrière)..............................26
Illustration 8 : Carte mentale JC : 2 commerces et le bord de la Sarine...................................................................................................... 27
Illustration 9 : Carte mentale RJ : La Sarine, le pont de Saint-Jean qui relient les Planches avec la Neuveville ........................................29
Illustration 10 : Carte mentale HM : Place du Pertuis avec la rue de la Neuveville, Funiculaire, la Motta et la Sarine ............................... 30
Illustration 11 : Carte mentale MB : Le Pertuis, la rue de la Neuveville et le Court-Chemin avec le funiculaire et la Sarine .......................31
Illustration 12 : Carte mentale SP : Rue de la Neuveville, la place du Pertuis et les Petites Rames. ......................................................... 32
Illustration 13 : Carte mentale RH : Les 3 centres, les ponts, la Sarine et le funiculaire ............................................................................. 32
Tableau 1 : Résumé des points abordés dans les discussions - Convergences et divergences des perceptions des habitants ...............52
Tableau 2 : Tableau récapitulatif des cartes mentales (source : Simon Charrière)...................................................................................... 54
4
Sommaire
1. Introduction...................................................................................................................................6
1.1 Le quartier de la Neuveville, son évolution et sa situation actuelle.........................................61.1.1 Le quartier ..................................................................................................................... 61.1.2 Situation actuelle............................................................................................................ 8
1.2 Choix du sujet et objectivité................................................................................................... 9
2. Bases théoriques et concepts de base....................................................................................... 10
2.1 L'espace urbain et l'image de la ville ................................................................................... 102.1.1 La perception de la ville ............................................................................................... 10
2.2 Le quartier ........................................................................................................................... 112.2.1 Le quartier comme espace vécu................................................................................... 112.2.2 Le concept de territoire et d'identité.............................................................................. 12
2.3 La société, les actions et l'espace........................................................................................ 13
3. Problématique et question de recherche.................................................................................... 16
4. Méthodologie.............................................................................................................................. 17
4.1 Récolte de données............................................................................................................. 174.1.1 Discussions informelles avec les habitants du quartier comme point de départ...........174.1.2 Interviews semi-directives............................................................................................ 184.1.3 Cartes mentales........................................................................................................... 194.1.4 Choix de l'échantillonnage............................................................................................ 19
4.2 Méthode d'analyse............................................................................................................... 214.2.1 Analyse qualitative des données - « Grounded Theory ».............................................214.2.1 Les cartes mentales comme représentation de la valeur des perceptions....................22
5. La Basse-Ville et son évolution : résultats sur le quartier de la Neuveville..................................23
5.1 Présentation de résultats..................................................................................................... 235.1.1 Un contexte social spécifique, des commerces de proximité et un paysage caractéristique au service d'un esprit village......................................................................... 265.1.2 Changements dans la population et le phénomène de gentrification : l'évolution du quartier ................................................................................................................................. 355.1.3 Le pont de la Poya et la Neuveville.............................................................................. 39
6. Remarques et critiques sur la recherche.................................................................................... 41
7. Conclusion..................................................................................................................................43
8. L'avenir de la Neuveville : et si on continuait comme ça ?.......................................................... 46
9. Bibliographie............................................................................................................................... 49
9.1 Livres, articles et revues scientifiques en ligne ................................................................... 499.2 Sources internet................................................................................................................... 51
10. Annexes .................................................................................................................................. 52
10.1 Tableau récapitulatif des convergences et divergences..................................................... 5210.2 Interviews semi-directives.................................................................................................. 5310.3 Tableau récapitulatif de l'analyse des cartes mentales.......................................................54
5
1. Introduction
1.1 Le quartier de la Neuveville, son évolution et sa situation actuelle
1.1.1 Le quartier
Je vais commencer par une brève présentation du quartier de la Neuveville à Fribourg,
afin de le localiser géographiquement sur une carte de la ville de Fribourg. Il fait partie des
14 quartiers de la ville et se situe en Vieille-Ville de Fribourg, plus particulièrement dans la
Basse-Ville. Il s'étend de la Route Neuve en passant par la Neuveville, la Planche-
Supérieure et se termine à la Planche-Inférieure. Les Planches et la Neuveville sont
séparées par le pont de Saint-Jean qui est le seul passage possible pour circuler entre les
2 côtés de la Sarine.
Illustration 1 : Quartier de la Neuveville (entouré en rouge) séparé en deux par la Sarine (source : www.map.geo.admin.ch)
Il fait partie des quartiers dits « historiques » de la ville, sa création datant du 13ème siècle
peu après la fondation de la ville de Fribourg par le Duc Berthold IV. Le premier quartier fut
celui du Bourg et c'est grâce à la croissance démographique et la prospérité dû à un
artisanat grandissant que la ville s'agrandit avec les nouveaux quartiers de l'Auge et de la
6
Neuveville. Selon les récits de Pierre de Zürich1, c'est au cours du 14ème et 15ème
siècles que le quartier du Bourg devînt le centre commercial de la ville. Ici vivaient les
familles les plus riches. Depuis le 15ème siècle, la ville a connu une longue période de
temps caractérisée par plusieurs périodes de crises et de prospérité. Artistiquement, la
ville connu entre le 16ème et le 17ème siècle un essor particulièrement brillant. C'est au
18ème siècle que les premières inégalités sociales apparaissent. Une domination
patricienne prend le pouvoir au détriment de l'assemblée des citoyens. C'est à ce moment
là que les privilégiés habitaient au Bourg et à la Grand-Rue, tandis que les plus
défavorisés se sont installés en Basse-Ville, notamment à la Neuveville. Ce dernier était
principalement composé d'ouvriers travaillant dans des industries au fil de l'eau (draperies
et tanneries) profitant de l'apport de la Sarine qui bordent tous les quartiers de la Basse-
Ville. La construction du funiculaire (1899, encouragé par la fondateur de la brasserie
Cardinal à Fribourg, Paul-Alcide Blancpain) avait pour but de faciliter l'accès à la zone
citadine commerciale et industrielle avec le quartier de la Neuveville, où habitait les
ouvriers2.
Illustration 2 : Funiculaire reliant St-Pierre au quartier de la Neuveville en 1900 ( www.notrehistoire.ch)
Un autre événement marquant pour le quartier fut la construction des Bains de la Motta en
1923. La bourgeoisie fribourgeoise construisit une piscine enfermée par de hauts murs,
constamment surveillée, dans le but d'apprendre l'hygiène au « petit » peuple et d'éviter
que les baigneurs de la Sarine dérangent les Soeurs de la Maigrauge3.
1 De Zurich P., 1924, « Les Origines de fribourg et le Quartier du Bourg au Xvème et XVIème Siècles », Lausanne, Payot, pp. 2362 www.seilbahninventar.ch , Inventaire suisse des installations à câbles3 www.tourismesuisse.com
7
Illustration 3 : Bains de la Motta, 1930-1939 (www.notrehistoire.ch)
1.1.2 Situation actuelle
Aujourd'hui le quartier de la Neuveville a changé et s'est modernisé. Malgré l'apparition de
quelques constructions récentes, la plupart des bâtiments sont inscrits au patrimoine
historique de la ville et donc beaucoup d'habitations ont été rénovées mais l'apparence
extérieure des bâtiments a conservé, dans la plupart des cas, toutes les caractéristiques
de l'époque. La piscine et le funiculaire, faisant partie des événements marquants et
historique, ont subit beaucoup de travaux de rénovations, surtout en ce qui concerne la
qualité de l'eau à la Motta.
Illustrations 4 et 5 : Photos récentes du funiculaire et de la piscine de la Motta ( www.laurentdietrich.ch)
A noté que depuis l'hiver 2014-15, la piscine est en pleine mutation avec l'ajout d'un bassin
d'eau pluviale dans la partie arrière du terrain sous l'espace de jeux (voir illustration 5).
Les récentes modifications visibles sont en grande partie les aménagements routiers. Au
cours des dernières années la ville de Fribourg a entrepris de nombreux aménagements
afin de régler les problèmes de circulation en centre ville. Ces aménagements ont
8
fortement contribué à la modification de la circulation dans de nombreux quartiers voisins
du centre dont le quartier de la Neuveville.
Le quartier a donc été contraint à de nombreuses adaptations tout au long de son
existence, mais encore plus particulièrement depuis le 27 novembre 2007 (date de
l'approbation du projet) quand l'Etat de Fribourg a décidé de la mise en place d'un plan
directeur partiel des transports pour la ville et ses quartiers, en soutien du projet du pont
de la Poya. Ce projet consiste en des « mesures d'accompagnements » (fermeture du
pont de Zaehringen, aménagements routiers, nouvelles signalisations, limitation de la
vitesse de circulation) dans les zones concernées par la déviation du trafic. En effet,
l'étude de la circulation a démontré que la construction du pont ne permettrait pas, à elle-
seule, d'éviter que le trafic attiré par le pont de la Poya n'utilise le réseau routier
secondaire (situé dans les quartiers d'habitations). Ces mesures d'accompagnements ont
un double sens. Elles doivent d'une part, garantir que le Bourg soit soulagé de son trafic
de transit et, d'autre part, empêcher ou contrôler un report de trafic dans les quartiers
situés dans la périphérie du pont (Quartier d'Alt, Rue de Morat et Neuveville). Ces
mesures doivent mettre en place des conditions cadre permettant à la commune de
Fribourg d'améliorer la qualité de vie de ses habitants, de protéger et de mettre en valeur
son centre historique4.
1.2 Choix du sujet et objectivité
Mon travail se concentre sur la Neuveville, un quartier qui a énormément évolué en
Basse-Ville. Ce sont ces derniers évènements qui m'ont aidé à trouver le thème de mon
étude. Depuis que je me suis installé en Basse-Ville (2013), les histoires et les « on-dits »
sur les conséquences de la construction du pont circulent dans les quartiers de la Basse-
Ville et c'est cet événement qui m'a fait choisir une étude qualitative sur le quartier.
L'inauguration du pont de la Poya a été l'élément déclencheur, comment une construction
située à plusieurs centaines de mètres du quartier pouvait apparemment (selon les « on-
dits ») avoir un impact quelconque. L'idée de pouvoir laisser s'exprimer la population et
donner leurs avis sur leur quartier m'a motivé dans ma démarche. Evidemment je me dois
de rester le plus neutre étant donné mon lieu d'habitation. Je m'attends à devoir revoir,
ajuster ou encore changer mes interprétations et jugements tout au long de mon travail.
4 www.fr.ch/poya
9
2. Bases théoriques et concepts de base
Ce chapitre de mon travail sera consacré à la présentation des concepts théoriques sur
lesquels je vais m'appuyer et me référer tout au long de mon étude afin de légitimer ma
recherche. Afin de la situer, j'ai commencé par expliquer le concept de l'espace urbain et je
terminerai avec la présentation des concepts concernant le quartier.
2.1 L'espace urbain et l'image de la ville
Le concept d'espace urbain a connu ses premières grandes mutations lors de la
Révolution industrielle du XIXème siècle. La nature même de la ville a profondément
changé et est devenue radicalement différente de celle de la ville pré-industrielle. Dès
cette époque, le concept de l'urbain a pris de l'ampleur et est devenu un objet de réflexion
et d'analyse (H.Capel, 1975). La Neuveville fait partie de la ville de Fribourg et, comme
expliqué dans l'introduction, est un des espace urbains les plus anciens de la ville.
2.1.1 La perception de la ville
Un des premiers précurseurs de la perception de la ville est K. Lynch5 et son ouvrage
intitulé «L'image de la Cité» (1960), dit que la structure du paysage urbain est décomposé
en 5 éléments : le cheminement, les limites, les noeuds, les repères et les quartiers. Il dit
également que la composition de ces éléments permettent à l'individu de structurer le
milieu urbain, de lui donner une identité et un sens. Le problème est que l'image de Lynch
est essentiellement visuelle et elle ne considère pas la perception comme un processus
actif et créatif. K. Lynch n'a pas plus approfondi ces recherches mais a eu le mérite de
faire naître de nombreuses études sur la lisibilité de la ville.
H. Klein (1967) donne déjà des résultats plus nuancés, intégrant l'homme au processus
perceptif : non-seulement la structure urbaine intervient mais aussi le sujet lui-même. Il
démontre que des différences d'interprétations apparaissent en rapport avec le sexe, le
statut socio-économique, le lieu de résidence et la durée de résidence dans la ville. Ce
type d'analyse a inspiré S. Rimbert (1973) sur l'étude de la ville de Strasbourg et elle a pu
en déduire que : « L'image d'une ville européenne se construit certainement plus sur des
significations associées à des formes (symboles, spectacle des vitrines et des passants,
fonctions commerciales, administratives et culturelles) que sur des formes seules ». Elle
termine par dire que l'espace urbain est un ensemble d'éléments qui lui sont propres et qui
5 Urbaniste, architecte et auteur américain (1918-1984)
10
sont le résultat de la maîtrise et de l'utilisation par les habitants des données naturelles du
site et de leur culture. De plus, aujourd'hui, une organisation urbaine ne peut plus être
pensée comme un espace continu, cumulant des aires homogènes et structurées selon un
modèle centre-périphérie (Lévy et Lussault, 2003).
2.2 Le quartier
2.2.1 Le quartier comme espace vécu
C'est donc le quartier, un des 5 éléments du concept du paysage urbain de Lynch qui sera
le principal concept de mon étude. C'est avec l'essor et le développement intensif des
villes américaines dans les années 1880 à 1914 que les sociologues furent rapidement
conduits à se pencher sur les problématiques de leurs cités et se confrontèrent
rapidement au concept de quartier. Ce sont certains membres de la célèbre « Ecole de
Chicago6 » (Park, Burgess et Wirth) qui ont cherché à percevoir la relation entre des
communautés ethniques et des espaces urbains délimités nommés « quartiers ». En
1950/1960, des études furent entreprises à nouveau sur les quartiers dans un contexte de
déstructuration de l'aménagement spatial et de spéculation foncière. Le quartier devînt
alors un retour à une certaine forme d'intimité et à une recherche de racines réelles,
hypothétiques ou symboliques. Les scientifiques issus de différents domaines
commencent à s'accorder, chacun dans leur jargon, que le quartier peut être considéré
comme « un support matériel et un code culturel » que l'on peut traduire comme l'espace
vécu à l'intérieur d'un fragment urbain7. La première difficulté consistait à se demander ce
que représentait « le territoire » d'un quartier. Plusieurs définitions sont alors mises en
place afin de définir le quartier.
La recherche actuelle s'est libérée des premiers modèles descriptifs et explicatifs
réducteurs et ce qui frappe dans l'acceptation de ce concept, c'est le caractère vague des
définitions comme par exemple : « fraction du territoire d'une ville, dotée d'une
physionomie propre et caractérisée par des traits distinctifs lui conférant une certaine unité
et individualité »8. L'image du quartier en tant qu'entité singulière repose sur l'erreur de
faire de la forme extérieure, la chose en elle-même. Par exemple, l'existence d'un quartier
est souvent associé au constat d'une coexistence spatiale d'individus de catégories
6 Lazar J., 1993, « L'Ecole de Chicago », Revue française de sociologie, volume 63, pp. 143-1447 Renay J., 1975, « Espace et théorie sociologique », Recherches Sociologiques, n*3, pp. 2898 Lévy et Lussault, 2003, « Dictionnaire de la Géographie et de l'espace des sociétés », Belin, Paris, pp.759
11
proches. Avec cette conception, on crée l'illusion de localiser le lien social en vertu d'un
principe de contiguïté : la proximité spatiale induirait la relation interindividuelle. Or,
l'analyse des pratiques dans les villes contemporaines des pays développés montre que
ce n'est pas tant la proximité géographique de résidence qui construit le groupe mais une
proximité de goûts, de pratiques communes. Le regroupement en un même lieu de
personnes socialement proches ne débouche donc pas forcément sur une forte sociabilité
ni ne produit automatiquement une identité locale durable, qui permettrait aux gens de
s'installer autrement que temporairement. « En raison de l'évolution des modes de vies,
chaque individu crée son propre espace qui articule lieux, territoires et réseaux et vit une
spatialité caractérisée par de multiples noeuds. L'individu se déplace entre plusieurs pôles
distincts d'identification, plusieurs espaces de socialisation et de sociabilité. Il ne faut donc
plus penser à l'automatique sociabilité du local mais tendre vers une compréhension des
processus de spatialisation des pratiques (Lévy et Lussault, 2003, pp. 760)». Malgré cela,
bon nombre d'individus recherchent ainsi un ancrage, une identification locale par la
référence au quartier souvent résidentiel, sans pour autant que ce soit exclusif. Ce type de
quartier est fréquemment référé au « village », type idéal de l'espace de vie de proximité
(Lévy et Lussault, 2003). Dans le contexte de mon étude, La Neuveville est ce type de
quartier où les habitants se créent une identification locale forte et comparent aussi leur
quartier à un village. La notion de proximité (sociale et spatiale) est celle qui est la plus
représentative des perceptions et représentations des habitants. Cette notion sera
approfondie et analysée dans la présentation des résultats (voir point 5.1.1).
2.2.2 Le concept de territoire et d'identité
Dans le cadre de l'aménagement des villes, il s'agit de repérer et de délimiter des
dimensions spatiales et des secteurs dans lesquels l'individu trouve des conditions
favorables. L'analyse des aires territoriales urbaines (quartiers) permet de dégager des
secteurs homogènes ou hétérogènes et leurs liens, afin d'en modifier ou d'en préserver le
caractère (A. Bailly , 1980). Le territoire est à la fois des structures physiques (murs,
maisons,...), des espaces ouverts (voies de communications), des individus (voisins-
passants-étrangers), des symboles (liberté-diversité) ainsi qu'une notion de déplacements.
Beaucoup de personnes choisissent plus ou moins les mêmes critères d'identification des
secteurs urbains : « Il s'agit d'une forme d'image collective liée à l'histoire, la culture et aux
liens symboliques que les individus tissent avec certains quartiers (A. Bailly, 1980,
pp.88) ». Dans le contexte de mon étude, en parallèle aux idées de Lynch (1960), le
12
concept du quartier se différencie de celui de la ville, où les distances jouent un rôle
beaucoup plus important dans les comportements sociaux et relations spatiales. Dans un
quartier, les distances sont beaucoup plus réduites et de ce fait, les perceptions et
représentations des habitants ne sont pas influencées par tous les mêmes concepts. La
distance n'est pas le seul trait de distinction mais jouera un rôle important dans le sens où
il sera question de cette notion de proximité (sociale et spatiale) omniprésente dans le
contexte de mon étude.
En ce qui concerne le concept d'identité (sociale et spatiale), je vais m'appuyer sur le
concept d'identité spatiale de Lévy et Lussault9 qui explique que cette notion – à la fois
identification à un espace et identité d'un espace – se retrouve relancée quand on la
confronte à des choix individuels (par exemple l'habitat) ou collectifs (par exemple dans la
valorisation de certains éléments d'un patrimoine ou d'une histoire). « L'identité d'un
espace n'existe pas sui generis (de son propre genre) mais est construite, collectivement,
par les acteurs d'une société donnée, qui peuvent avoir ensuite tendance à la naturaliser
dans leur usage, à en faire une essence immuable, quitte à déformer, par exemple, ce
que la science peut dire de l'origine et du développement d'un espace (Lévy et Lussault,
2003, pp. 480) ». Dans le contexte de mon étude, l'identité du lieu (autant le patrimoine
que l'histoire) est un critère important dans les perceptions des habitants et c'est entre
autre grâce à celle-ci que les gens vont créer cette identification locale forte citée dans le
paragraphe précédent.
2.3 La société, les actions et l'espace
Je reviens finalement sur l'analyse des pratiques évoquée par Lévy et Lussault dans le
point 2.2.1. Pour approfondir ce point j'aimerais m'appuyer sur B. Werlen (professeur
suisse en géographie sociale) et de la « géographie sociale de l'action ». Selon lui, il
intègre dans son analyse les dimensions sociales et subjectives des moyens et des
conséquences de l'action de chaque individu. Il s'agit ici donc de la sphère de « l'agir »
déjà citée précédemment. R. Brunet (1988) explique que B. Werlen10 décrit dans son livre
que l'espace est social, que les hommes sont des acteurs qui ont des projets, et oeuvrent
dans un monde réel auquel ils se cognent quotidiennement. Il dit même que « c'est
seulement en faisant de l'activité humaine l'objet de la recherche, qu'un accès à la
9 Voir note de bas de page n*810 B. Werlen, 1987, « Gesellschaft, Handlung und Raum, Grundlagen handlungstheorischer Sozialgéographie », F. Steiner, Erdkundliches Wissen n*89, Stuttgart.
13
recherche sociale en géographie est possible (B. Werlen, 1997, pp. 399) ». B. Werlen
explique donc que l'action elle-même doit être au centre des recherches. B. Werlen
représente dans son livre11 la géographie sociale centrée sur l'action sous la forme d'un
schéma, gardé sous sa forme originale :
Illustration 6 : Handlungszentrierte Perspektive (source : B. Werlen, 2000, pp. 311)
Lorsque l'on essaie de comprendre comment les individus agissent et quelle est
l'importance des aspects spatiaux, il ne faut pas négliger les composantes subjectives et
socio-culturelles. Je dirai dans ce sens que les perceptions des habitants que j'ai pu
rencontré sont liés à leurs actions, qui elles-mêmes sont liées et construites à partir d'un
bagage subjectif de chacun et que de ce fait, leurs perceptions sont influencées par leur
vie de tous les jours. Effectivement, la construction de leurs perceptions et représentations
est basée d'une part sur leurs actes mais surtout sur la valeur qu'ils associent à ces
actions. Leurs habitudes, leurs appartenances à des groupes sociaux et l'influence de
11 B. Werlen, 2000, « Sozialgeographie : eine Einführung », Haupt, Bern.
14
Sozial/kulturell(Institutionen, Recht,...)
Subjektiv(Wissen)
Physisch/materiell(Körper, mat. Mitwelt,...)
HANDLUNG
Ziel / Zweck(thematisch differenziert)
Herstellung/Nutzung/BedeutungRäumlicher Bedingungen
GlobalRegionalLokal
Abwesenheit
Kopräsens
ZwangErmöglichung
ceux-ci déterminent leurs actions. Dans le cadre du quartier de la Neuveville, les actions
des habitants ont leurs côtés subjectifs mais d'autre part, le cadre et l'ambiance du
quartier sont des critères communs dans leur perception du quartier. B. Werlen explique
que « la perspective objective et subjective de la recherche sociale se trouvent dans un
rapport de complémentarité (B. Werlen, 1997, pp.397) ». Si l'on considère les structures
significatives comme objectivement données, on peut se demander, dans la perspective
subjective, « à quelles conditions ses structures significatives se constituent de manière
inter-subjectivement valable (B. Werlen, 1997, pp.397». Il sera intéressant d'analyser ses
structures significatives dans le cas de mon étude pour déterminer quels sont celles qui
regroupent la population.
15
3. Problématique et question de recherche
Ma problématique s'articule autour de la perception et des représentations du quartier par
ses habitants. Ils « subissent » ces changements et voient évoluer leur quartier au fil du
temps, mais qu'en pensent-ils aujourd'hui? En 2015, comment la population perçoit-elle
son quartier ? Ont-ils une bonne image de leur quartier ? Quelles structures significatives
valorisent-ils au sein de leur quartier ? Comment se traduit ce système de valorisation ? Je
vais me concentrer sur les évènements et changements récents du quartier. Il va s'agir de
comprendre l'univers des significations dans un contexte social actuel en évolution. Je
préciserai plus tard le choix personnel de l'orientation de ma recherche (voir point 4.1.3
Choix de l'échantillonnage). J'ai choisit de formuler 3 questions de recherche qui me
serviront de fil rouge à mon travail :
1/ De quelle manière les habitants du quartier perçoivent-ils et se représentent-ils le
quartier dans leurs vies de tous les jours ? L'appréhension de l'évolution du quartier se
limite-t-elle à l'activité perceptive du sujet ? Correspond-t-elle juste à une description des
éléments de l'espace empirique visible ou bien correspond-elle à une re-construction de
l'environnement social extérieur ?
2/ Les relations entre les habitants et leur environnement socio-spatial sont-elles
principalement d'ordre fonctionnel et économique ? Ou existe-t-il d'autres types de
rapports ? Et si oui, de quelle(s) nature(s) sont-ils ?
3/ En quoi la construction du pont de la Poya a-t-il modifié leur perception du quartier ?
Ayant déterminé ma position épistémologique et les concepts sur lesquels je vais
m'inspirer et la problématique de mon étude, je vais encore clarifier la direction de mon
travail, en choisissant un contenu et une unité dans ma recherche. J'ai opté pour une
approche d'inspiration phénoménologique qui s'est développée en géographie des
représentations. Dans ce cas, il ne s'agit pas de parler des causalités, ni de mesurer
l'influence de telle(s) ou telle(s) variables mais bien de comprendre l'univers des
significations (émotionnelles, affectives et sociales). Cette approche permet de tenter de
découvrir ce que les gens valorisent au sein de leur environnement socio-spatial,
comment ils l'interprètent afin de mettre en lumière et d'interpréter une traduction sociale
de leur propre environnement socio-spatial (D. Froidevaux,1988).
16
4. Méthodologie
4.1 Récolte de données
J'ai choisi pour mon travail de suivre une démarche qualitative afin de pouvoir au mieux
expliquer les représentations et les pratiques des individus. J'ai comme but d'analyser la
sphère de la pensée et de l'agir des habitants de la Basse-Ville12. Il s'agit de s'intéresser à
tous les moyens qui donnent accès à ces 2 sphères comme par exemple les situations
sociales contextualisées, les formes de langage (récits écrits ou oraux) ou encore les
images par l'étude des sources iconographiques (cartes mentales, photos). Pour mon
étude, j'ai choisi 2 directions afin de collecter mes informations.
4.1.1 Discussions informelles avec les habitants du quartier comme point de départ
En ce qui concerne l'observation participative, j'ai décidé premièrement de me rendre dans
les endroits publics du quartier afin de rencontrer et de discuter avec les habitants. En
effet, après réflexion, je me suis tourné vers une prise de contact directe afin de me situer
dans le contexte dans lequel je me trouve en faisant toujours un maximum abstraction de
mes préjugés actuels qui pourraient m'influencer dans ma récolte d'informations. Les
conversations informelles avec les commerçants et les restaurateurs du quartier m'ont
beaucoup aidé dans mes recherches, elles m'ont permis de cibler des endroits les plus
propices pour rencontrer les habitants. En effet, ces personnes connaissent très bien la
population étant donné que la majorité de leurs clients habituels sont des habitants du
quartier. J'ai aussi eu la chance d'être invité à participer à l'assemblée générale de
l'association de défense des intérêts du quartier de la Neuveville par M. Roland Julmy,
ancien président. A la recherche d'informations et aussi de personnes à interroger, je me
suis donc rendu à l'Assemblée le jeudi 19 mars au restaurant de l'Epée à la Planche-
Supérieure. Cette réunion s'est déroulé sur 1h30, dont 1h seulement sur les problèmes
liés aux travaux dans le quartier. Je ne voulais pas que les personnes que j'interroge
soient trop influencées par les discussions de la soirée donc j'ai décidé de ne pas essayer
de proposer de rendez-vous pour un interview. Vu le nombre de chuchotements, de
grognements et du petit nombre de personnes (une trentaine) lors de l'assemblée, j'ai
conclu que finalement l'ensemble des habitants, mêmes ceux présents, ne sont pas
forcément d'accord avec les décisions prises lors de l'assemblée. Ce constat m'a donc
12 Molina et Al. : « Géographie et représentations : de la nécessité des méthodes qualitatives », Association pour la recherche qualitative, 2007
17
conforter dans ma décision et j'ai préféré trouver des habitants « lambdas » qui ont plus
de distance avec les décisions politiques et structurelles du quartier. Malgré tout, je suis
très content d'avoir pu assister à cette assemblée car j'ai premièrement rencontré de
nombreuses personnes qui pourraient m'aider, me conseiller ou encore me guider dans la
suite de mon travail. Deuxièmement, j'ai pu situer le contexte et surtout me rendre compte
de la complexité des problèmes existants dans le quartier.
J'ai également pu consulter les 2 classeurs de la direction de la police locale et de la
mobilité au sujet du quartier de la Neuveville. Le chef de service (rencontré à l'AG) m'a
aussi gentiment invité à aller les consulter librement et à utiliser les informations comme
bon me semblait. Ces deux classeurs contenaient une multitude d'informations sur les
travaux, les routes, les aménagements mais aussi les plaintes, les articles de journaux au
sujet du quartier. Ces informations supplémentaires pourront me servir quand je tenterais
d'interpréter les résultats de mon étude.
4.1.2 Interviews semi-directives
La première partie consiste à réaliser des interviews semi-directives auprès d'un
échantillonnage qualitatif de 7 habitants. Ce type d'entretien va me permettre d'orienter en
partie le récit des personnes interrogées autour des sous-thèmes de ma recherche sans
pour autant essayer de les influencer sur le sujet (Froidevaux, 1988). De ce fait, ils
garderont une grande liberté d'expression. Au cours de mes interviews, j'ai essayé de
rester le moins directif possible et je me suis rendu compte que ce n'est pas un exercice
facile. Certaines personnes ont beaucoup de choses à dire tandis que d'autres non. La
difficulté a été d'essayer de poursuivre l'interview sans trop diriger volontairement les
questions. Je me suis vite rendu compte qu'après déjà 4 interviews, les informations
commençaient à se ressembler et à se répéter. J'ai quand même réalisé les 7 interviews
auxquelles je m'étais engagé (prise de rendez-vous déjà faite) mais la dernière interview a
été légèrement plus directive afin de vérifier les catégories déjà mises en valeur, selon
moi, après mes 6 premières interviews. Je ne récoltais plus d'informations
supplémentaires pertinentes donc j'ai décidé d'arrêter mes interviews. Ce principe est
décrit sous la forme de la « saturation théorique »13. La taille adéquate d'un échantillon est
celle qui permet d’atteindre celle-ci. Cette saturation théorique est atteinte lorsqu’on ne
trouve plus d’information supplémentaire capable d’enrichir la théorie. Il revient donc au
chercheur d’estimer s’il est parvenu au stade saturation. Généralement la collecte des
13 Thiétart R.A., 2003, « Méthodes de recherche en management », 2ème édition, Dunot
18
données s’arrête lorsque les dernières unités d’observations analysées n’ont pas apporté
d’éléments nouveaux. « Ce principe repose sur le fait que chaque unité d’information
supplémentaire apporte un peu moins d’information nouvelle que la précédente jusqu’à ne
plus rien apporter. Ce principe est observé empiriquement (R.A. Thiétart, 2003, pp.216) ».
4.1.3 Cartes mentales
La seconde partie se présente sous la forme de cartes mentales. Les sujets doivent
réaliser une carte de leur quartier. Il s'agit ici de déceler la représentation du quartier en
observant quels sont par exemple les éléments modifiés, valorisés ou encore mis à l'écart
par leurs représentations. Cette étape m'apporte des informations complémentaires au fur
et à mesure de mon aller-retour constant entre mes données empiriques et ma théorie
(Froidevaux D., 1988). A noter qu'au commencement, j'avais choisi de rajouter une
méthode de récolte de données, il s'agissait de leur montrer une photo des travaux dans
le quartier lié au pont. J'ai supprimé cette étape directement après le premier interview car
celle-ci ne m'apportait pas d'éléments nouveaux et intéressants.
4.1.4 Choix de l'échantillonnage
Ma démarche a tout d'abord consisté à trouver des habitants du quartiers disposés à
répondre à mes questions. Avant toute démarche, j'ai choisi de mettre des critères
concernant le choix des personnes à interroger. Il s'agissait de trouver des personnes d'au
moins 30 ans et ayant déjà vécu 5 à 20 ans dans le quartier. Ce dernier critère est le plus
important à mes yeux dans mon étude. Je ne voulais pas trouver des gens qui vivaient
dans le quartier depuis plus d'une vingtaine d'années car je désire cibler ma recherche sur
les changements plus ou moins récents du quartier et non tomber dans un récit historique
sur la Neuveville. Je n'ai pas fixé de limite d'âge maximum car j'estime que le critère
précédent me semble déjà éliminatoire et valorisant pour l'objectif de ma recherche.
J'ai également choisi de placarder une affiche et de distribuer des « flyers » dans les
endroits moins accessibles et visibles (peu ou pas de commerces, uniquement des
habitations) et dans les boîtes aux lettres accessibles afin de pouvoir au mieux interpeller
l'ensemble de la population du quartier. J'ai choisi de ne mettre qu'une affiche afin de
n'interpeller que les gens vraiment intéressés et concernés par ma démarche. J'ai vite
constaté que la méthode directe a été la technique la plus bénéfique afin de trouver des
participants. J'ai eu l'impression que les personnes abordées peuvent mieux cerner le but
de ma démarche et la prise de contact est plus facile.
19
Comme cité dans le chapitre précédent, j'ai donc finalement décidé de m'arrêter à 7
participants auxquels j'ai proposé une interview allant de 25 à 50 minutes et de dessiner
une carte mentale du quartier. Voici les 7 participants dont j'ai choisi de garder leur identité
cachée en ne mentionnant que l'abréviation de leurs prénoms et de leurs noms (2
personnes me l'ont directement demandé) :
• HM, 32 ans, célibataire, Team manager dans un cinéma, installé à la rue de la
Neuveville depuis 7 ans, se déplace à pied et en bus.
• MB, 34 ans, célibataire, doctorante en histoire de l'Art, habite à la rue de la
Neuveville depuis 6 ans, se déplace à pied, en bus et en voiture.
• RJ, 56 ans, divorcé et 2 enfants, travaille à Berne (pas de précision), habite la
Planche-Supérieure depuis 19 ans, se déplace à pied et en bus.
• RH, 35 ans, en couple et 1 enfant, travaille sur les marchés, habite dans le quartier
depuis 10 ans aux Petites Rames, se déplace en voiture,bus et à pied.
• EZ, 33 ans, célibataire, coiffeuse, habite à la Planche-Supérieure depuis 3 ans mais
y travaillais depuis 3,5 ans avant de s'y installer, se déplace en voiture et à pied.
• SP, 30 ans, en couple et 1 enfant, commerçante, habite aux Petites Rames depuis
5 ans, se déplace à pied, bus et en voiture.
• JC, 42 ans, mariée et 2 enfants, travaille à Lausanne dans le sport et le social,
habite depuis 20 ans au Court-Chemin, se déplace à pied, en bus et partage une
voiture.
20
4.2 Méthode d'analyse
4.2.1 Analyse qualitative des données - « Grounded Theory »
J'ai choisi pour mon analyse de données de procéder par une analyse qualitative par
théorisation. Il s'agit de la « Grounded Theory », fondée et expliquée par B. Glaser et A.
Strauss dans leur ouvrage intitulé « The Discovery of Grounded Theory » en 1967. La
théorie ancrée est une méthode qualitative « visant à générer inductivement une
théorisation au sujet d'un phénomène culturel, social ou psychologique en procédant à
une conceptualisation et une mise en relation progressives et valides de données
empiriques qualitatives » (Paillé, 1996). Avec cette méthode, il va falloir faire un aller-
retour constant et progressif entre les données recueillies sur le terrain (interviews, cartes
mentales) et le processus de théorisation. La catégorisation est le principal outil de mon
analyse. Selon Paillé, il ne s'agit pas de produire une théorie au sens propre mais plutôt
d'arriver à une compréhension nouvelle du ou des phénomènes. Les catégories vont être
constamment soumises à l'avancement de la récolte des données et peuvent évoluer
autant que nécessaire. Mon analyse va se dérouler en 6 étapes (Paillé, 1994) :
1. La codification
Reformuler la réalité vécue ou exprimée par l'acteur et surtout dégager l'essentiel dans le
discours recueilli. Retenir des mots ou des expressions très proches du témoignage livré.
2. La catégorisation
Chaque catégorie doit être définie et ses propriétés doivent être décrites. Il s'agit d'un mot
ou d'une expression désignant un phénomène culturel, social ou psychologique
(Paillé,1996).
3. La mise en relation
Déterminer si le phénomène est en relation avec un autre et si il y a des ressemblances,
dépendances, fonctionnements ou encore hiérarchies.
4. L'intégration
Pouvoir dépasser les phénomènes observés pour voir émerger un phénomène général.
5. La modélisation
Cette étape consiste à « reproduire le plus fidèlement possible l'organisation des relations
structurelles et fonctionnelles caractérisant le phénomène principal cerné »(Paillé, 1996).
Elle est également une schématisation des processus mis à jour au cours des opérations
précédentes.
21
6. La théorisation
La dernière étape doit pouvoir permettre de comprendre la complexité du phénomène. Le
but est de renforcer les concepts émergents à l'aide d'un échantillon théorique en
sélectionnant un certain nombre d'éléments représentatifs d'un phénomène pour
consolider la théorisation.
Cette méthode va me permettre de découvrir au fur et à mesure les informations et surtout
va m'aider à faire preuve d'un certain niveau d'abstraction au sujet des idées préconçues
dont j'aurai pu entendre parler sur le sujet. Je ne prends en compte que les informations
directement récoltées sur le terrain, donc je limite fortement le risque de me faire
influencer par d'autres concepts théoriques. A noter que je n'ai pas utilisé cette méthode
pour la collecte des informations et mon étude mais uniquement pour l'analyse de mes
données (traitement des informations).
4.2.1 Les cartes mentales comme représentation de la valeur des perceptions
Afin de conclure chaque interview de manière sympathique et ludique, j'ai demandé aux 7
participants de me dessiner la façon dont ils se représentent le quartier de la Neuveville
(voir point 4.1.3). La formulation de la question était volontaire car je ne voulais pas
forcément recevoir un plan précis et détaillé du quartier mais plutôt essayer de les laisser
représenter leurs systèmes de valeurs et leurs identifications au quartier. Il se peut que se
soit des éléments physiques comme des objets (funiculaire, fontaines, arbres,...) ou
encore des bâtiments (commerces, habitations, ponts,...) mais aussi une représentation
visuelle de phénomènes sociaux (identité territoriale, rapport de voisinage,...). Les
participants avaient une grand liberté et avaient notamment le droit de recourir à l'écriture
s'ils le désiraient. Les résultats sont présentés en annexe sous la forme d'un tableau
récapitulatif de tous les éléments dessinés lors de cet exercice. Avec ces informations et
l'apport nécessaire de l'analyse du discours de chaque intervenant, je décide de limiter ma
récolte d'information avec l'apport de ces 2 méthodes, en prenant compte que je considère
les discussions informelles avec les gens/commerçants du quartier comme un apport
supplémentaire et explicatif et non comme un apport constructif dans ma démarche de
théorisation. Les cartes mentales sont intégrées directement dans la présentation des
résultats et je propose en annexe (voir point 10.3) un tableau récapitulatif des résultats
des cartes.
22
5. La Basse-Ville et son évolution : résultats sur le quartier de la Neuveville
Dans cette partie de mon travail, il s'agit tout d'abord de répondre à la question :
QUELLES sont les perceptions et les représentations des habitants de la Neuveville
résultant de mon travail de codification et de catégorisation. Dans un deuxième temps, je
vais m'attarder sur la question du COMMENT ces habitants en sont arrivés à une telle
représentation de leur quartier et dans la dernière partie je tenterais de répondre au
POURQUOI de toutes ces perceptions et représentations. Je tiens à préciser, en
reprenant les mots du M. Graefe (cours d' « Introduction aux Géosciences » SP 2015),
qu'il s'agit ici seulement « d'une interprétation d'une interprétation de significations »
résultant d'informations individuelles, personnelles et qualitatives. La codification et la
catégorisation ont été réalisées en ne prenant compte que des informations récoltées par
les diverses méthodes utilisées (discussions informelles, interviews semi-directives et
cartes mentales). Je tiens également à préciser que tout au long de mon analyse, je me
permet de situer et comparer à certains moments mes résultats à ceux de Mme Myriam
Hug14 qui a réalisé un travail très proche du mien sur un quartier voisin de la Neuveville.
5.1 Présentation de résultats
En reprenant les questions de recherche, à savoir de quelle manière les habitants
perçoivent-ils et se représentent-ils l'image de leur quartier et de ses changements, j'ai
tout d'abord effectué le travail de codification et de catégorisation que ma méthode
qualitative nécessite. J'ai essayé de dégager 4 catégories qui me semblaient très
représentatives des perceptions des habitants. En premier lieu, « l'identification au
quartier » est l'élément le plus important de ma catégorisation, vient ensuite « la
perception du quartier et des changements » ainsi qu'une anticipation concernant le
développement futur du quartier. La perception du quartier et l'évaluation des
changements sont essentiels pour définir la manière dans laquelle la problématique va
être abordée. Dans le schéma 1, vous pouvez observer la représentation des mes
catégories issues de la codification de mes interviews :
14 Hug M., 2014, «Die Historische Stadt im Umbruch : von der Wahrnehmung und Beurteilung der Veränderungen », Université de Fribourg.
23
Schéma 1 : Catégories issues du processus de la codification des interviews (source : Simon Charrière)
La catégorie qui influence le plus les autres est « l'identification/l'attachement des
habitants au quartier ». Dans chaque interview, l'attachement que les gens ont envers le
quartier est ressorti de manière très représentative. C'est d'ailleurs avec cette ligne
directrice que je vais débuter mon analyse. Les habitants font partie de ce quartier car des
aspects leur plaisent ou les attirent. Les gens que j'ai interviewés ne sont pas là par
obligation ou élimination. Ils recherchaient quelques choses de précis qui correspond à
l'image qu'ils ont du quartier de la Neuveville (très fortement associée à l'image de la
Basse-Ville en générale). Même si la plupart d'entre eux ne sont pas installés depuis
longtemps à la Neuveville, cela n'enlève en rien leur attachement aux valeurs et à l'identité
de la Basse-Ville. Je dirais même qu'habiter à la Neuveville est tellement particulier que
l'on s'y rend spécialement pour ressentir ce cadre spécifique. Certaines personnes ont
attendu ou attendent encore pour s'y installer comme par exemple JC qui explique le
temps que cela lui a pris pour trouver un appartement : « (...)...moi pour cet appartement
(3,5p.), j'ai attendu 2 ans. » ou encore EZ à la recherche d'un plus grand appartement en
BV qui dit que : « (...)...ça va pas être facile, mais voilà le bouche-à-oreille et je connais
mon propriétaire actuel... ». L'identification sociale que j'ai pu déceler chez les habitants
de mon panel, m'a permis de comprendre que ce rapport était certainement celui que les
habitants privilégient le plus. Ce rapport contient et valorise encore plus le rapport
fonctionnel et économique des habitants avec le quartier. Je vais analyser comment les
habitants se créent cet attachement au quartier et quelles sont les structures significatives
24
Identification/Attachement au quartier
Perception du quartier Perception des changements
Avenir du quartier
Problématique des perceptions et des changements du quartier
qui le représente. Je peux maintenant introduire le premier point de mon analyse qui
traitera de l'esprit village exprimé dans les interviews par les habitants et comparé, selon
Lévy et Lussault, au « type-idéal de l'espace de vie de proximité (2003, pp.760) ». La
proximité spatiale et sociale seront 2 notions importantes dans la création de cet esprit
village.
Je note également que le processus de catégorisation que j'ai effectué donne des
résultats très proches de ceux obtenus par Myriam Hug (2014) dans son étude. En effet, il
s'agit d'une étude très similaire dans le thème et également très récente. J'ai une
catégorie de plus car son étude se concentre sur les perceptions des changements du
quartier (Bourg), tandis que je me concentre sur les perceptions actuelles du quartier de la
Neuveville.
25
5.1.1 Un contexte social spécifique, des commerces de proximité et un paysage caractéristique au service d'un esprit village
Après toutes mes interviews et de nombreuses discussions, j'ai commencé à comprendre
que c'est tout d'abord l'image du quartier qui a changé dans la perception des habitants.
Comme cité dans la référence historique, le quartier était à l'époque un endroit composé
presque essentiellement d'ouvriers. Depuis, l'image de la Neuveville a évolué ; les
perceptions et représentations des habitants ne sont plus basées sur les mêmes critères
sociaux qu'à l'époque (habitudes, besoins, loisirs,...). Je vais analyser et interpréter les
perceptions des habitants d'aujourd'hui et expliquer comment ils en sont arrivés à se
représenter le quartier de cette manière. J'ai résumé l'ensemble des perceptions en les
représentant sous la forme d'un graphique afin de présenter les résultats obtenus de
manière simplifiée :
Illustration 7 : Résultats des perceptions et représentations du quartier par les habitants (source : Simon Charrière)
En annexe, j'ai réalisé un tableau regroupant les points clés de mes interviews permettant
de pouvoir visualiser les points de vue convergents et divergents des habitants (voir
annexe 10.1).
L'ambiance dans le quartier est un point essentiel qui est ressorti au fur et à mesure de ma
recherche. Elle représente un aspect social très important dans la construction de l'image
que les gens ont du quartier. L'ouverture d'esprit, la convivialité et la gentillesse des
habitants a été abordée par tous les intervenants. Cette caractéristique est un trait associé
très étroitement à l'image du quartier de la Neuveville (comme dans toute la Basse-Ville).
Les participants ont en majorité cité un terme qui m'a semblé très représentatif de
l'ambiance du quartier. Ils comparent tous l'ambiance de la Neuveville à une ambiance dite
26
Social
HabitantsCadre de vieQualité de vieVoisinageActivitésIdentité
CommercesRestaurantsNature
Matériel
HabitationsRoutes
CirculationTravaux
de « village ». RJ explique cette ambiance avec ses propres mots : « (...)...Moi ça me
convenait bien la Basse-Ville, c'est un peu une ambiance village, tranquille... » ou encore
EZ et MB qui reprennent les mêmes mots : « (...)...mais voilà justement ce que j'aime
là...c'est un peu l'esprit village... » et « (...)...C'est l'ambiance village et ça c'est quelque
chose qui m'a marqué. ». Les habitants n'hésitent pas à utiliser des adjectifs qualitatifs
pour décrire cet esprit, ça les marquent et ils aiment cette ambiance. Cet esprit village est
très bien représenté sur la carte mentale de JC :
Illustration 8 : Carte mentale JC : 2 commerces et le bord de la Sarine
On peut observer un coin au bord de la Sarine où l'on retrouve ces sentiment de
convivialité et de tranquilité très bien représentés par JC et d'autres intervenants. RJ
explique ce qu'il entend par cette ambiance village : « (...)...quand je rentre du travail, il y a
toujours quelqu'un sur le banc ou sur les terrasses (bistrots/restaurants) pour échanger
quelques mots. C'est rare que je passe dans le quartier sans croiser quelqu'un que je ne
connais pas ». Les nombreux coins sur les berges de la Sarine sont bien représentés par
ce dessin et sont propices à des rencontres. Cette carte mentale est très représentative et
je vais l'utiliser afin d'illustrer les points suivants de mon analyse, notamment la notion de
proximité.
27
J'ai remarqué également que pour valoriser leur environnement et qualité de vie en terme
de relations sociales, les habitants n'hésitaient pas à comparer leur vie actuelle à leur
ancienne vie. Une méthode qui m'a semblé très rassurante pour eux et qui leur donnait
surtout une certaine « plus-value » à la qualité de leur vie actuelle. En parlant de son
ancien domicile en campagne, RJ arrive à encore valoriser cet esprit village de la
Neuveville : « (...)...J'ai l'impression quand je suis là-bas (Sorens) qu'il y a moins
d'ambiance dans un village comme ça que dans un quartier comme dans la Neuville ».
Une contradiction sur laquelle je reviendrai plus tard. HM qui habite dans le quartier depuis
moins longtemps que RJ n'hésite pas à également comparer son ancienne situation :
« (...)...Si je me fie à moi par exemple, je n'ai jamais eu d'aussi bonnes relations de
voisinage comme j'en ai maintenant... ». Cette ambiance et ce cadre de vie sociale est
donc un attrait et un critère valorisant du point de vue des habitants. Je vais maintenant
expliquer comment les habitants se sont créer cet esprit village. Je peux maintenant
introduire le point suivant de mon analyse qui consiste à expliquer et présenter la notion
de proximité perçue par les habitants.
Toutes les perceptions sont influencées par cette notion de « proximité ». Elle contient par
définition un contexte spatial qui se manifeste souvent par la présence de distance
métrique entre des objets ou personnes. Mais la proximité est également une conception
sociologique, comme le décrit A. Bourdin dans son livre15. Il s'interroge sur cette notion en
la prenant comme un concept sociologique ou comme catégorie d'une expérience,
d'organisation de l'action ou encore comme catégorie de la représentation mais bien
évidemment aussi comme une échelle spatiale.
Cette notion me semble omniprésente dans les perceptions que les habitants ont du
quartier. La proximité de la ville est l'avantage principal que les habitants m'ont tous
transmis. Je choisis d'illustrer cela par une phrase de HM : « (...)...tu t'y sens bien, tu te
sens complètement dépaysé alors que t'es finalement proche de la ville...(...)...bon tu
retrouves pas tout mais il suffit de marcher 5 minutes et tu es en ville ». La proximité de
tous les avantages qu'offre le centre ville (commerces, transports,...) est partie intégrante
de l'image du quartier. Sans cette proximité à la ville, les gens ne percevraient pas le
quartier de la même manière, ils n'auraient pas ce sentiment d'accessibilité que cette
proximité propose. Cet avantage est encore souligné par les intervenants qui utilisent le
train tout au long de la semaine (ils travaillent dans d'autres cantons) comme RJ qui
travaille à Berne : « (...)...le matin je prends le bus à La Planche Supérieure, 7 min et je
15 A. Bourdin, 2005, « La proximité : construction politique et expérience sociale », L'Harmattant.
28
suis dans le train à la gare... ». La proximité de la gare est aussi un énorme avantage pour
le quartier en ce qui concerne la mobilité des habitants.
Toujours en évoquant cette notion de proximité, j'aimerais maintenant présenter son côté
environnemental. Il s'agit de la perception de l'environnement naturel et du cadre qu'offre
le quartier de la Neuveville. Ce thème est abordé dès les premiers entretiens et pour
chacun il représente une plus-value très importante dans la perception du quartier. Les
nombreux espaces verts, les promenades et l'accès direct aux berges de la Sarine,
plaisent énormément aux habitants et rajoutent un certain charme et une certaine qualité
de vie. La carte mentale de RJ démontre à quel point la Sarine, le seul élément présent
sur chaque carte mentale, est un élément représentatif et significatif de la Neuveville à tel
point que pour lui, il n'a représenté que la rivière et ses deux berges :
Illustration 9 : Carte mentale RJ : La Sarine, le pont de Saint-Jean qui relient les Planches avec la Neuveville
RH confirme cela en disant : « (...)...oui énormément, c'est important...(...)...pour les
promenades, c'est aussi pour ça qu'on est là...maintenant on a privilégié l'environnement
pour notre enfant » ou encore SP qui raconte que : « (...)...le cadre est super beau, à
Fribourg c'est le plus bel endroit. La rivière....la nature...c'est très important ». EZ nous
donne également un avis semblable : « (...)...on a de la chance d'être ici, on a pas besoin
de prendre la voiture, on a un beau cadre de vie... ». Un tel cadre naturel avec la présence
de la Sarine, des forêts, des multiples tracés de promenades ou encore de la faune et la
flore, est un atout qui s'accorde avec la notion de proximité de la ville. Les habitants ont
l'impression de vivre à la campagne alors qu'ils habitent à 5 minutes du centre-ville. Une
29
notion de nouveau abordée par tous les habitants. MB l'explique à sa façon : « (...)...je
trouve que c'est un avantage de ce quartier, c'est qu'on est en ville mais en même temps
à la campagne. » ou encore RJ qui explique que : « (...)...L'avantage c'est qu'on est
proche de la nature et on est très proche du centre aussi...(...)...du côté de la Maigrauge
(coin derrière la piscine de la Motta), je fais 10 minutes à pied et j'entends plus rien. Ca
c'est les gros avantages du quartiers. On est pas éloigné mais on est pas au centre non
plus. ». La proximité de cet environnement rajoute encore une plus-value importante et
non négligeable au quartier. Les habitants la qualifie même « d'avantage » pour le
quartier, voir même de « gros » avantage. Cette qualification démontre à quel point les
habitants sont contents et satisfaits de leur espace de vie.
Pour continuer sur cette notion de proximité, je vais parler de la notion de proximité sociale
que la Neuveville offre à ces habitants. Les contacts sociaux, les relations entre habitants
ou encore de voisinage sont accentués dans un contexte tel que celui de la Neuveville. Il y
a une forte densité d'habitants et la distance pour parcourir l'ensemble du quartier est très
courte. Pour illustrer cette notion de proximité et de densité, j'ai choisi la carte mentale de
HM. Il représente cette densité et cette proximité sociale par une carte du quartier et sa
perception du centre. Il s'agit d'un espace petit et détaillé par rapport à la taille du quartier
mais selon son vécu, le centre du village est au Pertuis et la rue de la Neuveville :
Illustration 10 : Carte mentale HM : Place du Pertuis avec la rue de la Neuveville, Funiculaire, la Motta et la Sarine
30
Cette notion de centralité est intéressante car quatre intervenants ont dessiné leurs
représentations du centre du village, par rapport à leur espace vécu. Je remarque que
cette notion est très significative et des éléments sont récurrents comme le Funiculaire
(proximité au centre-ville), la place du Pertuis, la rue de la Neuveville et la Sarine. Chaque
individu a dessiné sa perception de la centralité en rapport à leur espace vécu et souvent
en lien avec leur lieu d'habitations et leurs pratiques. MB représente le centre du quartier
également par cet espace du Pertuis et la rue de la Neuveville mais rajoute le Court-
Chemin (qu'elle adore) et les places de parcs (se déplace principalement en voiture) :
Illustration 11 : Carte mentale MB : Le Pertuis, la rue de la Neuveville et le Court-Chemin avec le funiculaire et la Sarine
Habitant à la rue de la Neuveville, elle représente le centre par les espaces qu'elle
pratique. Le centre où elle passe en voiture, prend le funiculaire ou le bus. Son jardin avec
les places où elle se parque tous les jours le long de la Sarine. Le centre est un endroit de
sociabilité où la proximité joue un rôle important. HM décrit le centre comme un endroit où
il discute avec les gens ou le chauffeur du funiculaire : « (...)...je m'arrête toujours discuter
ou fumer une cigarette avec le chauffeur du funi ou les gens au kiosque...je les connais
bien à force de passer par là ». C'est un endroit propice au dialogue étant donné que la
place du Pertuis est le lieu de passage le plus rapide pour rejoindre le centre ville. SP a
aussi choisit de représenter le centre du quartier et le résultat est proche de celui des
cartes précédentes. Elle représente les endroits qu'elle fréquente en déformant même un
peu la réalité :
31
Illustration 12 : Carte mentale SP : Rue de la Neuveville, la place du Pertuis et les Petites Rames.
Une représentation très proche des 2 premières en rajoutant des détails en rapport à son
espace vécu. Le centre qu'elle fréquente très souvent pour prendre le bus ou le funiculaire
ou encore le bord de la Sarine où elle se promène souvent avec son enfant. Un atout du
centre perçu par les habitants est sa proximité avec le centre ville qui « oblige » les gens à
passer ou s'arrêter à la Place du Pertuis. RH a lui décomposé la Neuveville en trois
centres :
Illustration 13 : Carte mentale RH : Les 3 centres, les ponts, la Sarine et le funiculaire
32
Une représentation différente des autres mais aussi très significative avec les 3 centres.
On retrouve le centre, présenté précédemment, représenté ici par le « Funiculaire ». Une
deuxième zone autour de son lieu d'habitation et une troisième (quartier de l'Auge) où il
travaille. On retrouve l'importance des ponts (Saint-jean et du Milieu) qui relient ses
centres ainsi que la Sarine omniprésente dans la représentation du quartier de chacun.
Tous ces différentes représentations démontrent que le centre du Pertuis est un endroit
important pour le quartier et c'est ici que les gens sont amenés à côtoyer et ressentir cet
esprit village. Le centre pourrait être assimilé à une place de village où les habitants se
rencontrent et partagent. Je trouve intéressante cette notion de centralité car la place du
Pertuis est un croisement de routes, entouré d'une seule terrasse et de quelques bancs et
le rue de la Neuveville est bordé de trottoirs, avec quelques terrasses sur ceux-ci. Il ne
s'agit pas d'une place piétonne où les gens peuvent se rassembler. Malgré cela, il est vrai
qu'en y passant tous les jours, beaucoup de personnes sont présentes sur cette place et
dans la rue pour boire un verre ou discuter. Je pense que la densité d'habitations autour
de cette place et de la rue, sa fréquentation et son accès direct à la ville ont crée, au fil du
temps, cet espace comme le « centre » par ses habitants.
Cette proximité spatiale et sociale est aussi à l'origine de cette ambiance et de ce cadre de
vie que les habitants m'ont décrit dans leurs perceptions. Les gens sont confrontés aux
voisins et aux passants. Ce phénomène de proximité sociale a tendance à forcer le
contact, la discussion avec les gens que l'on croise : en vertu d'un principe de contiguïté,
la proximité spatiale induirait la relation interindividuelle selon Lévy et Lussault . Malgré ce
principe, ils rappellent aussi que le regroupement en un même lieu de personnes
socialement proches n'aboutit pas obligatoirement sur une forte sociabilité, ni ne produit
une identification locale durable (Lévy et Lussault, 2003). Cela démontre qu'il faut plus
qu'un regroupement d'individus pour créer une identité locale et la Neuveville en est un
exemple concret. En plus de son bagage culturel et historique qui a contribué à créer son
identité et de sa proximité spatiale précédemment évoquée, les habitants du quartier
parlent d'une proximité sociale particulière qui leur plaît et qu'ils attribuent spécifiquement
à leur quartier.
Le premier critère est certainement le changement du système de valeurs des gens en
général et dans la représentation sociale de leurs besoins et leurs envies. Comme je l'ai
expliqué en début de travail, le quartier était auparavant un quartier qui rassemblait une
population pauvre, démunie et la plupart n'avait pas choisi d'habiter en Basse-Ville. La
qualité de vie n'était pas la même comme le confirme JC qui raconte la vie de ses parents
33
qui habitaient déjà le quartier de la Neuveville : « (...)...Moi j'ai toute ma famille qui vient
d'ici (Basse-Ville), et en effet, c'était la grande misère avant ». Des mots assez durs qui
démontrent bien à quel point la situation était différente et difficile par rapport à
maintenant. Les choses ont bien changé mais cet «esprit village », encore perçu par les
habitants et même ceux seulement récemment installés, est certainement issu de cette
époque. C'est cet esprit que les anciens tentent de maintenir et auxquels se réfèrent les
habitants quand ils parlent de village. C'est aussi cet esprit, symbolisé par cette proximité
sociale que les gens valorisent et recherchent en habitant ou en s'installant à la
Neuveville. Cette ambiance et cette proximité sociale est un avantage pour les habitants et
se place haut dans leur système de valeurs.
Du point de vue socio-économique, le discours des habitants est très unanime. Les
commerces, restaurants et autres font partie de l'image que les habitants ont de leur
quartier. Les avis convergent vers une empreinte forte sur l'économie mais surtout vers la
vie sociale dans le quartier. En effet, les avis restent mitigés concernant les prix dans ces
magasins de proximité. L'image des cafés et restaurants reste très positive de leur point
de vue. MB s'exprime sur ce sujet en disant : « (...)...après je dis pas que je fais mes
grosses courses là-bas à cause du choix mais je ne trouve pas que c'est excessivement
plus cher et je n'ai pas envie qu'ils ferment donc... » ou EZ s'exprime également mais avec
un avis déjà plus tranchant sur les prix : « (...)...C'est bien de les faire marcher mais après
je trouve assez cher, des bons produits mais peu de choix. On sait que ça coûte cher mais
on y va quand même, je vais être honnête car ça rend bien service ». Sur le point de vue
social, ces commerces et cafés participent en grande partie à la particularité du cadre de
vie en Basse-Ville et les gens ressentent la même ambiance et convivialité que dans le
quartier. Non seulement les gens s'y rendent pour faire leurs courses, mais aussi pour
rencontrer ou discuter avec les habitants. HM raconte à sa façon l'ambiance qu'il ressent :
« (...)...suivant comment au bistrot du coin, on échange quelques mots avec les gens. Si
on va au kiosque ou au petit magasin on échange 2-3 mots avec les personnes qui sont
là-bas, donc oui il y a un dialogue qui se fait entre les jeunes et les moins jeunes ». Les
habitants émettent certes quelques remarques concernant ces commerces de proximité
mais dans l'ensemble, leurs avis restent unanimes sur le fait que leurs présences est
indispensables au quartier. Ils font partie du paysage et contribuent aussi à garder cet
esprit « village » cité précédemment. Des commerces sont également représentés dans la
carte mentale de JC (voir illustration 8) avec leurs nominations.
34
5.1.2 Changements dans la population et le phénomène de gentrification : l'évolution du quartier
Le deuxième point de mon analyse porte sur l'évolution de la population et du phénomène
de gentrification que la Neuveville (et la Basse-Ville en général) voit croître au fil des
années. Le phénomène de gentrification consiste en un remplacement dans un quartier
plutôt central, d'une population démunie par une population plus aisée en produisant un
renchérissement des valeurs immobilières16. Nous allons comprendre que le quartier
évolue et qu'il fait face à ce phénomène. C'est un processus lent et qui ne consiste pas à
juste rénover ou moderniser le quartier, mais bien à remplacer la population d'un certain
milieu social par celle d'un autre milieu.
Le changement et le renouvellement de la population ont été abordés à chaque entretien
et semble être présent depuis plusieurs années. En effet, HM déclare que : « (...)...Il y a
plusieurs années, c'était plutôt des personnes âgées, installées depuis longtemps, plutôt
une population âgée ». Sur le même sujet, RH ajoute que : « (...)...il y a beaucoup
d'appartements ici en bas (BV) qui étaient extrêmement bon marché...qui attiraient les
étudiants, les gens qui avaient moins de sous ou encore des familles défavorisées et ça
ça a changé ». JC qui habite le quartier depuis 20 ans dit aussi que : «(...)...Les vrais
Bolzes (habitants de la Basse-Ville), j'ai l'impression qu'ils diminuent...(...) et autrement il y
a plus de jeunes dans le quartier ». Pour tenter d'expliquer ces changements sociaux au
sein de la population, plusieurs critères entrent en ligne de compte selon moi. En ce qui
concerne la population, il est certain qu'elle se renouvelle, à défaut de croître (pas de
possibilité de construire d'autres logements), car les anciens vieillissent de plus en plus et
certains doivent partir pour diverses raisons. RJ, qui publie des statistiques du nombre
d'habitants chaque année (dans le journal local le Babillard), appuie mes propos en
disant : « (...)...c'est amusant car tout d'un coup il y a une tranche d'âge...ils sont 10 et la
tranche d'âge d'avant, ils sont 10 de moins, tout un bloc a passé un cap....c'est assez
stable ». Ces changements dans la population ont bien évidement changé le
comportement des gens dans leur vie de tous les jours, c'est d'ailleurs SP qui a constaté
cela : « Je pense que les anciens se rassemblaient plus que nous...(...)...et il y a un peu
moins ça chez les jeunes (les « nouveaux » habitants) ». RJ, l'habitant le plus âgé de mon
échantillon, dit aussi que : « (...)...ce qui me choque, c'est que ça devient de plus en plus
individualiste, ce n'est plus une ambiance où tout le monde se connaît, participe à des
choses » et finit par argumenter en disant : « (...)...il y a déjà une multiplication des loisirs 16 Bourdin A., 2008, « Gentrification : un concept à déconstruire », Espace et Société n*132-133, pp. 39-56
35
et puis maintenant, les gamins au lieu de jouer dehors, ils jouent sur leur console ».
L'esprit village dont ils me parlent pourrait venir d'une comparaison et d'une assimilation à
l'ambiance du passé, d'un esprit village peut-être encore plus présent qu'aujourd'hui, que
valorisaient et perpétuaient les natifs et les anciens habitants de la Basse-Ville.
L'ambiance s'est adaptée et a évolué sans pour autant négliger les valeurs et les
représentations des « vrais Bolzes ». Les anciens sont la représentation physique de cet
esprit village. Les nouveaux « anciens » parmi mes participants, eux s'identifient encore à
l'identité locale de la Basse-Ville et l'intègre dans leur vie de tous les jours en essayant de
transmettre et partager celle-ci aux nouveaux habitants. JC nous relate ces propos en
m'expliquant le rapport qu'elle a avec les nouveaux arrivants : « (...)...Les vrais Bolzes, j'ai
l'impression qu'ils diminuent. Moi je connais encore des enfants de vrais Bolzes qui ont
encore le même comportement et la même attitude, des gens très simples qui sont
tellement vrais et j'aime ce genre de personnes...(...)...Autrement il y a plus de jeunes qui
viennent et on les met vite à la sauce je dirais (rires) ». JC a beaucoup d'estime pour ces
personnes issues de la Basse-Ville, elle est venue à la Neuveville pour les côtoyer et pour
leur ressembler. Son expression les « mettre à la sauce » signifie pour elle de les inviter
(sans leur laisser vraiment le choix mais dans la bonne humeur) à partager un verre de
bienvenue sur les terrasses des escaliers du Court-Chemin avec les voisins déjà présents
afin de nouer un premier contact sympathique et chaleureux. Les nouveaux sont intégrés
par les plus anciens et l'esprit village se perpétue de cette façon. Malgré ces efforts des
« nouveaux anciens », j'ai l'impression que l'esprit ne se perpétue pas aussi bien que
certains le voudraient. En effet, avec les nouveaux arrivants et le renouvellement continuel
de la population, les habitudes et les traditions n'ont plus le temps d'être transmises. Les
nouveaux en sont conscients et apprécie cette ambiance village mais ne continuent plus à
transmettre les traditions et les histoires du passé. L'individualisme naissant évoqué par
RJ peut en être une cause mais peut aussi s'expliquer par le fait que le quartier de la
Neuveville est devenu une situation transitoire plutôt qu'une situation définitive aux yeux
des habitants. MB partage ce sentiment et cet aspect pourrait expliquer pourquoi les us et
coutumes se transmettent encore mais ne se perpétuent plus : « (...)...après je suis pas
sûre que les familles composées d'enfants restent ici, je pense que c'est une situation
transitoire et qu'il y a beaucoup de déménagements et emménagements...rien que dans
l'immeuble, je pense que la moitié des voisins ont changé depuis qu'on a emménagé. »
Malheureusement, le vieillissement de la population issue de la Neuveville et son
renouvellement constant sont aussi une raison du déclin des traditions de l'esprit du
36
quartier. Les anciens disparaissent ou doivent partir pour diverses raisons (décès,
maladie, professionnelles,...). Quelques anciens résistent et contribuent encore à
maintenir cet esprit village comme le souligne JC, une des plus anciennes des mes
intervenantes : « (...)...ceux qui sont nés là ne partent pas, tant qu'ils le peuvent ils
restent ».
Pour résumer ce passage, je dirai que les habitants d'aujourd'hui ne recherchent plus les
mêmes critères qu'il y a quelques années. L'image du quartier est passée d'un quartier
pauvre de classe ouvrière à un quartier recherché par beaucoup, maintenant valorisé par
son ancien patrimoine et son environnement mais surtout par le renouvellement de la
population, qui est une population active, moderne et plutôt jeune. Je pense qu'avant les
gens n'avait pas la même perception de leur milieu de vie que maintenant. Aujourd'hui,
comme je l'ai déjà dit précédemment, les gens ont envie de venir en Basse-Ville et
recherche quelque chose de particulier en venant s'installer ici. Le quartier possède
désormais une image bien plus moderne et des atouts comme la proximité. Désormais
certaines personnes « rêvent » de venir habiter ici. MB a clairement affiché son attirance
envers le quartier: « (...)...Moi j'avais personnellement envie de venir habiter en Basse-
Ville, c'est un peu magique, comme un voyage dans le temps » ou encore RJ qui connaît
beaucoup de monde ici affirme que : « (...)...Il y a beaucoup de gens qui rêvent de venir
habiter ici en bas...euhhh....moi c'est vrai que je trouve qu'on a pas forcément envie de
partir ». Cette demande qui devient de plus en plus grande peut expliquer en partie
l'augmentation des prix des loyers qui suit la loi de l'offre et la demande. Ce changement
de paradigme est probablement un élément capital à l'évolution du quartier mais reste
difficile à situer temporellement. De nos jours le statut des habitants du quartier a changé
et la Neuveville est composée d'une population en majorité active dans le secteur
secondaire et tertiaire. Les revenus sont plus élevés et de ce fait, la qualité et le niveau de
vie ne sont plus les mêmes qu'avant. Le renouvellement de la population est lié très
étroitement au changement du milieu social de la Neuveville et désormais, le quartier attire
des personnes issues de différents milieux sociaux. La Neuveville est aujourd'hui
composée d'une partie de la bourgeoisie fribourgeoise apparue il y a quelques années
comme me le rappelle hors enregistrement RJ en me racontant que la bourgeoisie s'était
installée d'abord à la place du Pertuis et que l'adaptation, selon lui, c'était fait très
simplement. Je n'ai pas pu récolter plus d'informations sur ce sujet donc je ne peux me
risquer à situer temporellement ce changement. Mais selon mes sources historiques du
début, ce ne serait pas avant 1930, car la création des bains de la Motta était encore
37
destinée à enseigner l'hygiène au « petit peuple »17. Cet attrait pour le quartier et son
environnement naturel et social fait augmenter la demande et rend donc les offres de
moins en moins intéressantes pour les familles ou personnes à revenus moyens (les prix
augmentent). En concluant sur les mots de RH qui décrit le phénomène avec ses propres
mots : « (...)...maintenant ça a été rénové et ils ont crée de ces euhhh...de ces
appartements de « bobos » (riches) quoi...avec ces jolis jardins et de la pierre
apparente ». Sur cette citation, je termine mon analyse en résumant ce processus de
gentrification qui est une des causes de tous ces changements au sein de la population.
De la classe populaire à la bourgeoisie en passant par la classe moyenne, la Neuveville a
vécu énormément de changements sociaux depuis sa création. SP confirme cette
tendance (en s'exprimant au sujet des changements dans le quartier) : « les loyers qui
augmentent...c'est fou...avant c'était pas comme ça...tu pouvais trouver quelque chose de
pas très moderne, un peu vieux mais pour rien du tout...maintenant même ces
appartements sont chers ». RH nomme même ce phénomène de gentrification par le
terme « boboisation » venant du surnom « bobos » qu'il donne aux riches. Il dit que les
appartements sont rénovés et qu'il y a de moins en moins de maisons transmises de
génération en génération en comparaison avec le quartier de l'Auge. RJ dit même que
pour lui, un appartement de plus de 2 pièces et demi est quasiment introuvable en Basse-
Ville : « (...)...si tu cherches un petit studio ou un 2 pièces sous les combles ça il n'y a pas
de soucis. Par contre si tu veux plus grand, avec un balcon ou une petite vue...quelque
chose quoi...il n'y a rien...soit c'est déjà occupé soit c'est beaucoup trop cher ». La
présence de plus en plus d'investisseurs, comme l'a expliquée MB, confirme cette
tendance de demande de logements croissante et justifie l'augmentation des loyers suite
aux rénovations : « (...)...En fait je pense qu'il y a beaucoup d'investisseurs ici donc ça fait
qu'il y a beaucoup de locations...donc de rénovations...mais des gens qui investissent
pour passer la fin de leurs jours ici, il y en a peu en fait ». La valorisation du quartier aux
yeux des habitants et des individus en général change et des individus issus de milieux
sociaux plus aisés s'intéressent à la Neuveville. Ce phénomène va-t-il faire venir des
personnes de milieux sociaux différents qui pour l'instant peuvent encore s'identifier à
cette identité locale de la Basse-Ville, mais pour combien de temps encore ? Cela
dépendra-t-il des anciens, des dernières familles présentes et de leur volonté à garder cet
esprit ? Ou cet esprit village sera-t-il « consommé » par les populations plus aisées ? Le
point 8 sera consacré à l'avenir de la Neuveville.
17 www.tourismesuisse.com
38
5.1.3 Le pont de la Poya et la Neuveville
La circulation et les routes, un sujet brûlant à l'association de quartier ; les avis sont
divergents notamment sur la nouvelle rue de la Neuveville. Bien entendu, les travaux ont
été une période pénible pour les habitants car ils ont duré bien plus longtemps que prévu.
MB souligne plus particulièrement ce point : « (...)...on a quand même eu des travaux
pendant un an » ou EZ qui déclare que : « (...)...ça devait durer jusqu'à je sais pas
quand...et finalement ça a duré une année ». En plus des inconvénients liés à tous ces
travaux, les avis sont plutôt mitigés sur le résultat final et les personnes de mon
échantillon restent critiques sur certains points, notamment sur l'esthétique, l'utilité ou
encore la fonctionnalité de la « nouvelle » rue de la Neuveville, sujet abordé à chaque
interview. En effet, les avis divergent, allant de la bonne idée à l'énervement en passant
également par de l'indifférence. SP dit : « (...)...Au premier abord quand je l'ai vu, je me
suis dit...c'est génial...il y a des grands trottoirs...(...)...mais une fois que tu la pratique c'est
pas du tout ça en fait ». JC pense juste qu'il y a d'autres problèmes plus important dans la
vie et ne s'est jamais vraiment attardé sur le sujet tandis que HM et RH trouvent certains
côtés positifs à ces travaux : (...)...moi j'ai pas vraiment observé de changements négatifs
certes il y a eu beaucoup de travaux...(...)...mais ça n'a pas non plus changé mes
conditions de vie ou de déplacement » et RH qui souligne que : « (...)...la vitesse réduite,
j'aime bien ». Pour clore ce point, je dirai que tous les participants ont abordé la même
thématique (travaux liés aux ponts de la Poya) mais que tous les avis sont divergents en
ce qui concerne leurs perceptions. A noter également que chaque intervenant a évoqué
aussi à un moment où un autre (pas forcément en parlant de la circulation) le sujet des
transports publics. Le Funiculaire, représenté sur 4 des 7 cartes mentales, est ressorti
comme un élément précieux et très significatif pour le quartier mais aussi la fréquence et
la proximité d'un autre transport public comme le bus. Un point également abordé sur le
sujet est les places de parking. Une problématique abordée seulement par les
automobilistes de mon échantillon. Les places semblent manquer dans le quartier et plus
particulièrement l'été lorsque la piscine de la Motta est ouverte.
Je conclus en disant que le sujet des travaux et du pont ont été l'élément déclencheur
pour mon étude, mais après mon choix de méthode d'analyse, mon travail ne s'est pas
dirigé dans la direction à laquelle je m'attendais. Je m'attendais à ce qu'on me parle
beaucoup du pont et des travaux liés à sa construction mais je me suis rendu compte que
globalement la construction du pont n'a pas modifié les perceptions que les gens avaient
39
du quartier. Effectivement le sujet des travaux n'était plus une préoccupation pour les
habitants, maintenant les travaux finis. Ces résultats sont intéressants car ils ne reflètent
pas du tout les avis et thèmes débattus lors de l'association de quartier de 2015. En effet,
les habitants « lambdas » du quartier ont certes été perturbés par la période des travaux,
mais ne sont désormais plus dérangés par ceux-ci et donc la relation avec le pont de la
Poya n'entrait plus vraiment dans le cadre de mon interview. Je me suis rendu compte de
l'influence de mes préjugés un peu tard mais surtout grâce à ma méthode d'analyse qui
consistait à ne partir de rien et à construire un processus de théorisation au fur et à
mesure de la récolte de mes données. Quant à la réalisation des travaux (esthétisme), les
avis restent encore fortement mitigés, mais en ce qui concerne l'utilité et l'utilisation de la
route, les habitants en sont en grandes parties satisfaits. Pour conclure, je reprendrais les
mots de M. J.-Ch. Bossens lors de l'assemblée qui disait que de nos jours, il est
impossible de satisfaire tout le monde (au sujet des travaux).
40
6. Remarques et critiques sur la recherche
Premièrement, je reviens sur les difficultés que j'ai eu à réaliser mes interviews semi-
directives, un exercice que je n'avais jamais fait auparavant. La recherche de participants
n'a pas été aussi difficile que je pensais et j'aimerais encore poser les limites de ma
recherche. Il s'agit ici d'un échantillon qualitatif de 7 personnes n'habitant que depuis
quelques années à la Neuveville. Cet échantillon ne représente en rien la perception de
l'ensemble du quartier. Les perceptions et représentations ne sont pas les mêmes que
pour des personnes installées depuis 30 à 60 ans dans le quartier. Je rappelle qu'il s'agit
seulement « d 'une interprétation d'interprétations de significations actuelles » et qu'en
aucun cas je ne prétend que mon analyse soit la seule et l'unique conception actuelle du
quartier. Il s'agit ici d'une tentative d'explication. Ce travail a un but constructif et explicatif
mais en aucun cas démonstratif et affirmatif.
Le rapport récent des participants avec le quartier a bien évidemment fortement limité les
connotations en rapport à des événements à caractère historique, qui pourraient peut-être
beaucoup plus influencer une autre partie de la population. A noter que j'ai essayé de
restreindre mon échantillon à une certaine homogénéité (environ la trentaine), mais que 2
participants sont plus âgés (42 et 56 ans). Malgré cet écart d'âge, les tendances et
résultats observés ont été très similaires par le fait que tout le monde s'y est installé plus
ou moins récemment et reste un élément à prendre en compte dans l'interprétation de
mon travail.
Pour conclure, je dirais qu'il s'agit d'une représentation actuelle et surtout très spécifique
au quartier de la Neuveville. Il serait intéressant de comparer mes résultats à une étude
sur un autre quartier urbain historique d'une autre ville afin de comparer et d'analyser les
perceptions et représentations décelées sur d'autres quartiers. Le travail de M. Hug sur le
quartier du Bourg m'a beaucoup aidé dans la construction de mon travail, mais avec la
différence de langage, il m'a été difficile de pouvoir vraiment comprendre et comparer les
résultats et interprétations. Les catégorisations ressorties de la codification sont plus ou
moins semblables dans les 2 études. En effet, il s'agit ici de quartiers très proches. Je
pense, malgré leur proximité, ne sont pas confrontés aux mêmes problèmes. La
Neuveville est en Basse-Ville alors que le Bourg (en Vieille-Ville) est plus proche du
centre-ville. Malgré la proximité, il existe une grande différence entre ces deux quartiers.
Historiquement, la domination patricienne s'est imposée au quartier du Bourg, provoquant
des inégalités comme expliqué dans l'historique. Sa position géographique est aussi
41
représentative des inégalités entre bourgeoisie et quartiers populaires. Les riches en haut
et les pauvres en bas, un positionnement très symbolique. D'ailleurs encore aujourd'hui, le
Bourg a été protégé au détriment de la Neuveville. Une preuve d'inégalité actuelle ?
42
7. Conclusion
La proximité spatiale et sociale sont donc des notions sur lesquelles je me base pour
tenter d'expliquer les perceptions du quartier. Comment les habitants perçoivent-ils le
quartier de la Neuveville ? Quelles valeurs donnent-il à leurs perceptions et
représentations ? Voici les questions auxquels j'ai tenté de répondre tout au long de mon
travail. Les concepts de l'espace, de la ville et du quartier sont présents dans mon analyse
mais je tiens à surligner le concept de la « géographie de l'action » de B. Werlen qui m'a
semblé évident au fur et à mesure de mon travail. L'individualisme et les pratiques des
habitants sont au coeur de la perception et déterminent celle-ci.
Je dirai que l'aspect qui ressort le plus de l'analyse de texte et des cartes mentales est la
perception sociale que les habitants ont du quartier. Cet « esprit village » est encore très
présent dans la relation que les habitants ont avec leur quartier. Les habitants
d'aujourd'hui ont une image très valorisante et positive de leur quartier en général et cet
esprit en fait partie, mais pendant combien de temps encore ? Ils sont là car ils le désirent
et confirment tous qu'ils recherchaient quelque chose de particulier en venant s'installer à
la Neuveville. Les habitants s'identifient et sont attachés à la Neuveville. Ils aiment le
cadre de vie du quartier et trouvent qu'ils sont avantagés par rapport à d'autres endroits ou
d'autres quartiers. La comparaison avec d'autres lieux est un moyen pour les habitants de
mettre en valeur leur environnement et les conforter dans leurs choix, comme l'a fait HM
avec d'autres quartiers ou RJ avec certains villages. Ils trouvent que les relations sociales
sont plus fréquentes et contribuent à cet esprit. En effet, je trouve qu'il y a beaucoup de
similitudes avec un village et je pense que l'avantage principal reste la proximité avec le
tout (la nature, les commerces, la ville et les transports) malgré une identité locale très
présente. On retrouve le calme et la tranquillité comme dirait HM, hors interview, qui me dit
avoir l'impression d'être en vacances quand il sort de chez lui. La notion de centralité
représentée sur les cartes mentales est aussi très significative et je pourrais la comparer
au centre d'un village de campagne, avec une église, l'école, le boulanger et une place
publique. Un lieu de rencontre représentant le « coeur » du quartier composé des accès
routiers les plus utilisés (routes, arrêt de bus, funiculaire), des structures économiques les
plus utiles (poste, kiosque, restaurants,...) et surtout un espace social où les gens se
côtoient, partagent et découvrent le charme de la Neuveville. J'ai repris une citation que
j'ai trouvé très moderne et significative pour ce concept de centralité : « Le centre, c'est là
où les choses se passent (Lévy et Lussault, 2003, pp. 142)».
43
La situation actuelle de la Neuveville est perçue de manière positive par ses habitants
cependant ces résultats ne peuvent en aucun cas traduire un attrait pour le quartier des
gens en général. En effet, ce cadre de vie si spécifique qui attirent de plus en plus de
personnes ne plaît pas à tout le monde. Je citerais une phrase d'un habitant avec qui j'ai
conversé juste après l'assemblée générale du quartier de la Neuvevile qui disait :
« (...)...de toute façon la Basse c'est comme ça, soit tu adores, soit tu détestes ». Je
partage cet avis et je pense que ce phénomène peut s'expliquer par cet aspect social
typique de la Basse-Ville. Ce « tout ou rien » permet à nouveau de dire que l'identité de la
Neuville semble encore bien présente dans les esprits des habitants et des gens en
général. De nos jours, le quartier attire de plus en plus de catégories sociales d'individus
et cet attrait participe au phénomène de gentrification du quartier. Je reviendrai sur l'avenir
de la Neuveville dans le point suivant.
En ce qui concerne l'image du quartier, j'aimerais préciser que l'image de la Neuveville est
étroitement liée à celle de la Basse-Ville en général. En effet en parlant du quartier, avec
les habitants, beaucoup d'intervenants utilisaient le terme « Basse-Ville » et non
« Neuveville ». Je pense qu'il serait intéressant premièrement de comparer les résultats
que j'ai obtenu avec ceux de l'Auge pour voir s'ils sont similaires et surtout de faire une
étude interne sur le quartier de la Neuveville et ses identités territoriales. En effet, en
discutant avec RJ et en observant sa carte mentale, j'ai pu voir un détail intéressant. En
effet, le contexte récent de mon étude ne le permettant pas, il serait aussi intéressant de
faire une recherche sur les différentes identités internes qui ont pu exister dans le quartier
de la Neuveville. Il semblerait, selon RJ, qu'auparavant il régnait une ambiance
conflictuelle entre la Neuveville et les Planches (inférieures et supérieures). Un autre sujet
pourrait être très intéressant sur le quartier, le concept de territorialité actuelle. J'ai pu
remarquer que la dimension spatiale du quartier n'était pas la même pour chacun.
Certains ne savent pas que la Planche-Supérieure et Planche-Inférieure font partie du
quartier de la Neuveville. Je pense qu'il serait intéressant de savoir, en terme de
délimitation spatiale, ce que représente la Neuveville pour ses habitants de nos jours.
Encore peut-être un phénomène qui pourrait montrer que l'identité locale et historique de
la Neuveville tend à évoluer.
Pour conclure, ce travail m'a vraiment permis d'élargir mes connaissances en géographie
humaine, discipline que j'ai très peu exploité au cours de mes études en branche
complémentaire Géographie. L'aspect social et qualitatif des interviews m'a beaucoup
apporté, tant sur le plan personnel que sur le plan de mon travail. Je pense que cette
44
méthode laisse une très grande liberté d'expression pour les participants et permet très
vite de rendre l'atmosphère plus détendue. La difficulté majeure a été pour moi l'analyse
du texte proprement dite. J'ai souvent craint de négliger le sens des discours ou d'être
partial. Comme je l'ai dit, cet aller-retour entre les récoltes d'informations et le processus
de théorisation m'ont permis de me rendre compte de quelques erreurs comme par
exemple le rapport avec le pont de la Poya, qui me semblait au départ le point central de
mon analyse.
45
8. L'avenir de la Neuveville : et si on continuait comme ça ?
Je termine mon étude en accordant le dernier point de mon analyse à un sujet directement
lié aux perceptions du quartier. L'avenir du quartier de la Neuveville est perçu de manière
assez simple par les habitants.
En ce qui concerne la population. Comme je l'ai expliqué, les habitants actuels sont
satisfaits et heureux de leurs situations, comme JC qui ne veut rien changer : « (...)...moi
j'imagine que ça continue comme ça...je pense nous (les habitants de la Neuveville), on
va se battre pour que ça continue comme ça...ouais augmenter la population ce n'est pas
vraiment possible mais plutôt vers un effet de renouvellement de la population,
heureusement car ce renouvellement permet aussi de perpétuer cet « esprit Basse-Ville ».
S'il y avait de nombreuses arrivées, le quartier changerait » ou encore HM qui s'exprime
dans le même sens sur le sujet : « (...)...Je pense que le quartier va continuer dans la
même direction que maintenant ». Cette identité propre à la Basse-Ville va permettre de
perpétuer cet esprit convivial, historique et familial. Il y aura toujours les anciens, les
« vrais » d'un côté qui défendent « l'esprit village » et les nouveaux qui s'intègrent (ou pas)
à cette identité de l'autre côté. Je pense qu'à court et moyen terme, comme le confirme
RH, les choses ne vont pas changer car cette image du quartier est totalement ancrée
dans l'image de la Ville de Fribourg : « (...)...je trouve juste que le cadre est immuable, les
belles falaises, les belles bâtisses...tout ça c'est sous protection donc ça va rester ». Une
situation contradictoire étant donné que les habitants eux-mêmes se rendent compte du
processus de gentrification du quartier et donc des changements mais malgré cela ils ne
veulent que rien ne change. Malheureusement, je crains que si l'évolution du quartier
continue comme ça, l'esprit va changer, évoluer ou peut-être même disparaître. Je pense
que cela démontre encore une fois l'attachement très fort que les habitants ont avec leur
quartier. Conscients des changements et de l'évolution du quartier, ils aimeraient malgré
tout que cet esprit village perdure et s'inscrive dans la durée.
Les seuls changements qui ont été abordés lors de mes interviews sont des changements
liés directement à leurs pratiques individuelles et subjectives. HM et EZ aimeraient plus de
« bancomats » ou encore le retour de la poste (partiellement supprimée il y a peu de
temps). D'autres, comme RH ou SP, aimeraient de nouveaux sentiers pédestres afin de
profiter encore plus de l'environnement du quartier. Les places de parking ont été un des
sujets abordés par les automobilistes de mon échantillon, la présence de la piscine de la
Motta engendre énormément de « va-et-vient » en été. Les places deviennent rares et les
46
habitants sont lésés, SP le confirme en disant : « (...)...c'est tout bête...l'été il n'y a plus de
places (de parking) ». A contrario, ce point n'a pas été relevé durant l'Assemblée de
quartier mais j'ai appris récemment qu'un parking supplémentaire allait être construit à la
Planche-Inférieure.
L'environnement a également été abordé dans la partie « avenir du quartier ». Cet
attirance et la valorisation du cadre naturel ne peut donc que continuer dans le futur. Cette
proximité avec la nature ne peut que donner une plus-value constante pour un quartier
urbain comme la Neuveville, comme HM nous le confie : « (...)...pour moi c'est important
de maintenir la nature et le paysage de la Basse-Ville, ce qui n'est pas toujours le cas
maintenant...(...)...donc ce serait important de préserver les berges de la Sarine ».
L'association de quartier a encore renouvellé cette année les nettoyages des berges de la
Sarine, journée ouverte à tous les habitants et qui fonctionne de mieux en mieux depuis 2
ans.
Je termine mon travail en partageant mon interprétation personnelle sur les résultats du
quartier. J'habite dans ce quartier depuis quelques années et moi aussi je ressens cet
esprit village. Les gens communiquent énormément entre eux et j'ai l'impression que tout
le monde se connaît. Avant la Basse-Ville, j'ai vécu 26 ans dans un village (Corminboeuf)
mais contrairement à l'avis de RJ, je ne trouve pas que l'ambiance est comparable. En
effet dans mon village, je trouve que les gens ne se côtoient pas beaucoup. Je ne voyais
pas de gens se promener dans le quartier ou encore moins des gens discuter. Je ne peux
pas en faire un constat général mais je pense que quand les habitants parlent d'un esprit
village, ils font allusion aux villages de campagne où l'esprit et l'identité du village est très
marquée et où les familles sont là depuis plusieurs générations. RH nous explique qu'il
ressent ce sentiment encore plus du côté de l'Auge : « (...)...il n'y a plus de maisons qui
sont transmises de génération en génération, pas comme à l'Auge où il y a encore
beaucoup ça ». Cela montre que le phénomène de gentrification est un processus lent et
plus développé à la Neuveville (ou en tous cas évolue plus rapidement) que dans l'Auge.
J'interprète cette différence par « l'exposition » et « l'accessibilité » de la Neuveville à la
Ville. L'Auge est plus éloigné du centre-ville. Je ressens aussi cet esprit village et il est vrai
que je n'ai jamais eu, comme HM le dit, d'aussi bonnes relations de voisinages. J'apprécie
énormément la proximité (spatiale et sociale) et pour moi cela est un avantage très
important à mes yeux. La place du Pertuis et la rue de la Neuveville sont le centre du
quartier car c'est ici que sont concentrés les critères nécessaires à l'ambiance village
évoqué par les habitants. Le Boulanger par exemple (parmi d'autres) est réputé pour sa
47
convivialité et est considéré comme un point de rencontre par les habitants. L'entretien de
RJ c'est d'ailleurs déroulé dans ce café/restaurant et j'avoue que l'ambiance était très
sympathique. RH ajoute même que : « s'il y a quelque chose qui se passe, c'est ici (au
Boulanger, pour discuter ou même pour travailler)...mais surtout pour partager des bons
moments avec les gens qu'on connaît ». Je partage l'avis de JC quand elle parle de la
simplicité et de la gentillesse des gens de la Basse-Ville.
Voulant déménager dans un appartement plus grand (3-4 pièces), je constate également
que la disponibilité et l'offre de logements pour ce genre de biens en Basse-Ville est très
faible et que les seuls bien trouvés sont très intéressants mais excessivement chers. Je ne
peux que confirmer les dires de RJ sur l'offre de logement en Basse-Ville. Je ne trouve
pas d'appartements.
Je terminerai en disant que je partage aussi l'esprit conservateur des habitants qui veulent
que rien ne change, malgré qu'ils soient conscients de l'évolution du quartier. Je trouve
que la Basse-Ville est un endroit magnifique et que si le processus de gentrification tend à
continuer comme je l'interprète, le quartier risque de perdre cet esprit « village ». La
Neuveville deviendra un quartier « sans âme » qui, je ne l'espère pas, n'aura plus
d'identité locale comme aujourd'hui. La lente disparition du « Bolze » (dialecte locale) est
pour moi une représentation significative en ce qui concerne la perte d'identité du quartier.
Les intervenants ne m'ont en pas parlé, certainement étant donné le contexte récent de
mon étude. Effectivement, je n'ai jamais entendu parlé ce dialecte depuis que je suis
installé ici. J'interpréterai cela comme un indice de plus qui démontre qu'un processus de
gentrification est bel et bien en cours.
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9. Bibliographie
9.1 Livres, articles et revues scientifiques en ligne
Bailly A., Béguin H., 2011-2012, «Introduction à la géographie humaine», Collection U, Armand Colin, Paris.
Bailly A. et al., 1991, «Les concepts de la géographie humaine» 2ème édition, Masson, Paris.
Bailly A., 1980, «La perception de l'espace urbain : les concepts, les méthodes d'étude leur utilisation dans la recherche géographie» Tome 1, Service de production des thèses Université de Lille.
Bourdin A., 2008, « Gentrification : un concept à déconstruire », Espace et Société n*132-133, pp. 39-56.
Bourdin A., 2005, « La proximité : construction politique et expérience sociale », L'Harmattan, p.1-20.https://books.google.ch/books id=mVfUhipICQUC&pg=PA6&dq=le+concept+de+proximité+et+les+quartiers&hl=fr&sa=X&ei=J 3UuVdegONbsaMTJgfAK&ved=0CDsQ6AEwBQ#v=onepage&q=le%20concept%20de%20proximité%20et%20les%20quartiers&f=false
Cabantous A., 1994,« Le quartier, espace vécu à l'époque moderne », Histoire, économie et société, n*13-3, pp. 427-439.http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hes_0752-5702_1994_num_13_3_1704
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Charvet J.-P., Sivignon M., 2011, «Géograhie humaine : questions et enjeux du monde contemporain», Collection U 2ème édition, Armand Colin, Paris.
De Zurich P., 1924, « Les Origines de fribourg et le Quartier du Bourg au XVème et XVIème Siècles », Lausanne, Payot.
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49
Hug M., 2014, «Die Historische Stadt im Umbruch : von der Wahrnehmung und Beurteilung der Veränderungen», Travail de Bachelor, Institut de géographie de l'Université de Fribourg.
Lévy J., 1999, «Le tournant géographique: penser l'espace pour lire le monde», éd. Belin, Paris.
Lindsay M.J., 1997, «Techniques in Human Geography», éd. Routledge, Londres.
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Paillé P., 1994, «L’analyse par théorisation ancrée», Cahiers de recherche sociologique, n*23.
Riquet P., 1988, « Société, action et espace - Werlen Benno, 1987, « Gesellschaft, Handlung und Raum, Grundlagen handlungstheorischer Sozialgeographie » » , L'Espace géographique, volume 87, n*3 17-2, pp. 157-158.http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/spgeo_0046-2497_1988_num_17_2_2766
Thiétart R. A., 2003, « Méthodes de recherche en management », 2ème édition, Dunot.
Werlen B., 2000, « Sozialgeographie : eine Einführung », Haupt, Bern.
Werlen B., 1997, « Gesellschaft, handlung und Raum : Grundlagen handlungstheoretischer Sozialgeographie », 3 Auflage, Franz Steiner Verlag, Stuttgart.
50
9.2 Sources internet
Association pour la défense des intérêts du quartier de la Neuveville :www.neuveville-fr.ch
Confédération suisse :www.map.geo.admin.ch
Dictionnaire historique suisse :www.hls-dhs-dss.ch
Inventaire suisse des installations à câbles :www.seilbahninventar.ch
Site officielle de l'Etat de fribourg :www.fr.ch/poya
Tourisme suisse :www.tourismesuisse.com
Ville de Fribourg / Histoire de la Ville :www.ville-fribourg.ch
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10. Annexes
10.1 Tableau récapitulatif des convergences et divergences
Tableau 1 : Résumé des points abordés dans les discussions - Convergences et divergences des perceptions des habitants
(source : Simon Charrière)
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10.2 Interviews semi-directives
Perceptions et représentations du quartier :
Première partie :
Introduction :
1. Remerciements pour la participation
2. Thème et objectif de l'interview présenté clairement
3. Anonymat des participants
Questions générales :
Quels changements observez-vous/avez-vous pu observer dans votre quartier ? Qu'est-ce que cela représente pour vous ? Quel est
votre opinion sur le sujet ?
Réponses attendues :
1. Circulation et routes
2. Population
3. Ambiance du quartier
4. Attachement au quartier
5. Economie du quartier
6. Futur du quartier
7. Environnement naturel
Exemples de questions supplémentaires éventuelles :
1. Quels sont vos liens avec le quartier ?
2. Quels sont vos liens avec les habitants du quartier ? Avez-vous un bon rapport de voisinage ?
3. Avez-vous un lieu préféré dans le quartier ?
4. Profitez-vous du cadre de vie du quartier ? Qu'est ce que cela représente pour vous ?
5. Aimeriez-vous des changements pour le futur ?
6. Comment vous-déplacez-vous ?
7. Quelle est l'influence sur votre vie de tous les jours ?
8. Quel changement est le plus important pour vous aujourd'hui ? Qu'est que cela représente pour vous ?
9. Avez-vous observés des changements dans le trafic ? dans la circulation ou dans vos déplacements ?
Deuxième partie :
Demander aux participants de dessiner une carte mentale de leur quartier, de dessiner une représentation personnelle de leur quartier.
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10.3 Tableau récapitulatif de l'analyse des cartes mentales
N* Eléments physiques Représentations Echelle Circulation / Routes / Rues
1 La Sarine
Neuveville et PS
Séparation physique et symbolique entre PS et la Neuveville
Gand Pont Saint-Jean
2 La Sarine
Le Funiculaire
Immeubles
Différentes zones de la BV Grand Pont Saint-Jean
Pont de Milieu
3 Place du Pertuis
La Sarine
Le Funiculaire
Terrain de foot Motta
Arbre
Centre du quartier Grand/Moyen Rue de la Neuveville
Grand-Fontaine
Route-Neuve
Funiculaire
4 Place du Pertuis
Court-Chemin
La Sarine
Le Funiculaire
Centre du quartier Grand/Moyen Rue de la Neuveville
Grand-Fontaine
Route-Neuve
Chemin de la Motta
Petites-Rames
Ruelle des Ligouriens
Places de parking
5 La Sarine
Les berges
Boulangerie
Boucherie
Les habitants
Esprit village, Cadre de vie Petit Pont de Saint-Jean
6 Cathédrale
Prison
Ancienne caserne
Piscine de la Motta
La Sarine
Eléments représentatifs du quartier
- Pont de Saint-Jean
7 Place du Pertuis
La Sarine
Place verte
Piscine de la Motta
Le Funiculaire
Centre du quartier Petit Rue de la Neuveville
Grand-Fontaine
Route-Neuve
Funiculaire
Pont de Saint-Jean
*en rouge le seul élément présent dans chaque carte mentale et en vert les éléments approfondis et complétés lors des interviews
*PS = Planche-Supérieure / PI = Planche-Inférieure / NV = Neuveville / BV = Basse ville
Tableau 2 : Tableau récapitulatif des cartes mentales (source : Simon Charrière)
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