la conciliation entre la lutte pénale contre le terrorisme ... · dudh déclaration universelle...
Post on 31-Jan-2020
7 Views
Preview:
TRANSCRIPT
La conciliation entre la lutte pénale contre le terrorisme et le respect des droits fondamentaux
Mémoire Maîtrise en droit
Romane Nouzières
Université Laval Québec, Canada
Maître en droit (LL.M.)
et
Université de Toulouse I Capitole Toulouse, France
Master (M.)
© Romane Nouzières, 2017
ii
Résumé.
Phénomène ancien, le terrorisme est au cœur des préoccupations contemporaines. Depuis les attentats du 11 septembre 2001, l’ensemble des Etats démocratiques multiplient les efforts pour l’enrayer. Il parait aujourd’hui indispensable de s’interroger sur les réponses juridiques face à de tels actes. Parmi elles, les Etats ont fait le choix de recourir au droit pénal pour appréhender le phénomène. Au nom de la lutte contre le terrorisme, les législateurs ont été contraints de renforcer leurs arsenaux avec la création d’incrimination spécifiques et la mise en œuvre de procédures pénales particulières. Toutefois, les dispositifs antiterroristes limitent considérablement les droits fondamentaux et libertés individuelles. Se pose alors la question de la conciliation de la lutte contre le terrorisme et le respect des droits fondamentaux.
La France et le Canada sont construits sur des valeurs démocratiques communes mais ne répondent pas exactement de la même manière au phénomène terroriste. En ce sens, l’analyse comparée des législations est particulièrement intéressante.
iii
Table des matières _______________________________________________________________
Résumé ............................................................................................................... ii
Table des matières ............................................................................................. iii
Liste des abréviations ......................................................................................... vi
Remerciements ................................................................................................ viii
Introduction......................................................................................................... 1
A) La définition du terrorisme : un préalable complexe mais indispensable . 3
B) L’enjeu de la définition : la mise en œuvre d’une procédure pénale dérogatoire au droit commun et potentiellement attentatoire aux droits fondamentaux ......................................................................................... 4
1. Le choix de régimes procéduraux dérogatoires aux droits communs 5
2. Des régimes procéduraux potentiellement attentatoires aux droits fondamentaux ................................................................................... 5
I. Le champ de la conciliation : la définition du terrorisme ........................ 12
A) Définitions nationales du terrorisme : étude comparée franco-canadienne .............................................................................................................. 13
1. Définition française .......................................................................... 13
a. La conception extensive du terrorisme ....................................... 14
a.1. Elément matériel : l’accomplissement d’un comportement spécialement visé ....................................................................... 14
a.2. Elément moral : l’accomplissement de l’acte dans un certain contexte et selon un certain but ................................................. 15
b. Une limite à l'élargissement de la notion .................................... 17
2. Définition canadienne ....................................................................... 23
a. Définition de l'activité terroriste ................................................... 24
b. Définition du groupe terroriste .................................................... 28
c. Les infractions de terrorisme ....................................................... 29
3. Comparaison des définitions ............................................................ 30
B) Définitions internationales du terrorisme ............................................... 33
1. Des tentatives d’une définition universelle du terrorisme ................ 33
a. « L’introuvable définition » .......................................................... 34
b. Les obstacles à la définition universelle du terrorisme ............... 36
2. A une lutte sectorielle et géographiquement fractionnée ................. 39
a. Une lutte sectorielle .................................................................... 39
iv
b. Une lutte géographiquement fractionnée .................................... 41
II. La teneur de la conciliation : un aménagement des mesures d’enquête au détriment des droits fondamentaux ............................................................ 47
A) Les mesures coercitives : principalement attentatoires à la liberté individuelle ............................................................................................ 48
1. L’arrestation ................................................................................... 48
a. L'arrestation en droit canadien ................................................... 48
a.1. L’arrestation de droit commun ............................................. 49
a.2. L’arrestation en matière de terrorisme ................................. 51
b. L'arrestation en droit français ..................................................... 53
b.1. L’arrestation dans le cadre d'une enquête ........................... 53
b.2. L’arrestation dans le cadre d'un contrôle d'identité .............. 54
2. La garde à vue ................................................................................ 58
a. La garde à vue en droit français ................................................. 58
a.1. Les modalités d’exécution de la garde à vue : la durée de la mesure ....................................................................................... 59
a.2. Les droits de la personne placée en garde à vue ................ 63
b. Le placement sous garde en droit canadien ............................... 69
B) Les mesures d’investigations : principalement attentatoires à la vie privée .............................................................................................................. 72
1. Les perquisitions et saisies ............................................................. 72
a. Les perquisitions et saisies en droit français ............................... 72
a.1. L’autorisation d’opérer de nuit : les perquisitions nocturnes . 75
a.2. Les perquisitions sans l’assentiment de l’intéressé ............. 77
b. Les perquisitions et saisies en droit canadien ............................. 81
b.1. Conditions : l’exigence d’un mandat .................................... 82
b.2. L’exécution de la perquisition ............................................... 84
b.3. Le but des perquisitions : la saisie ........................................ 86
2. Les écoutes téléphoniques ............................................................. 86
a. Les écoutes téléphoniques en droit canadien ............................. 86
a.1. Conditions des écoutes téléphoniques : l’exigence d’un mandat ........................................................................................ 87
a.2. Exécution des écoutes téléphoniques .................................. 91
b. Les écoutes téléphoniques en droit français .............................. 94
b.1. Les écoutes judiciaires ......................................................... 95
b.2. Les écoutes administratives ................................................. 98
3. L’audience d’investigation : une spécificité canadienne ................ 101
a. La demande de collecte de renseignement ............................... 101
v
b. L’audience d’investigation ......................................................... 102
Conclusion...................................................................................................... 107
Bibliographie ................................................................................................... 111
vi
Liste des abréviations _______________________________________________________________
A.C.F. Jugements de la Cour fédérale du Canada
AIJC Annuaire international de justice constitutionnelle
AJ Pénal L’Actualité Juridique : pénal
A.N.-B Jugements du Nouveau-Brunswick
Art. Article
Ass. Nat. Assemblée Nationale
B.C.J Jugements de la Colombie-Britannique et du Yukon
BOMJ Bulletin officiel du ministère de la Justice
Bull. crim. Bulletin des arrêts de la chambre criminelle
C. pén Code pénal
C. proc. pén. Code de procédure pénale
CA Cour d’appel
CBR Cour du Banc de la Reine
Crim. Cour de cassation, chambre criminelle
Charte Charte canadienne des droits et libertés
CNCTR Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement
ConvEDH Convention européenne des droits de l'homme
CourEDH Cour européenne des droits de l’homme
CPI Cour pénale internationale
DC Contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires, lois organiques, des traités, des règlements des Assemblées
Déc. Décision du Conseil constitutionnel
DUDH Déclaration universelle des droits de l'Homme
JCP Juris-Classeur périodique
JDA Journal du Droit Administratif
JO Journal officiel
J.Q. Jugements du Québec
L.C. Lois du Canada
L.R.C Lois révisées du Canada
M.J. Jugements du Manitoba
N.J. Jugements de Terre-Neuve-et-
vii
Labrador
O.J. Jugements de l’Ontario
O.R. Recueils des arrêts de l’Ontario
PIDCP Pacte international relatif aux droits civils et politiques
QPC Question prioritaire de constitutionnalité
R.C.S. Recueils des arrêts de la Cour suprême du Canada
RGDIP Revue générale de droit international public
RISEO Revue risques, études et observations
RRJ Revue de la Recherche Juridique
RSC Revue de science criminelle et de droit pénal comparé
RUDH Revue universelle des droits de l'homme
S.C.L.R. The Supreme Court Law Review
viii
Je tiens particulièrement à remercier Messieurs les professeurs Antoine Botton et Alexandre Stylios pour le soutien qu’ils m’ont apporté tout au long de mon travail. Je remercie également ma famille et mes proches pour leur soutien.
1
Introduction _______________________________________________________________
« La férocité de l’acte terroriste porte atteinte à tous les principes moraux et
juridiques de notre humanité. En cela, il ne mérite pas la paix. »1
Le terrorisme est un phénomène ancien, dont certains historiens2 font
remonter l’existence au premier siècle après JC. L’établissement de l’ensemble
des manifestations terroristes à travers l’histoire ne présenterait que très peu
d’intérêt : les situations diffèrent mais ont toutes pour point commun d’être
illégitimes.
Le terrorisme est au cœur des préoccupations contemporaines. Depuis
les attentats du 11 septembre 2001, l’ensemble des Etats démocratiques ont
renforcé leur sécurité intérieure tout en multipliant les efforts pour enrayer ce
phénomène devenu international et touchant aux valeurs universelles.
Ainsi, il parait aujourd’hui indispensable de s’interroger sur les réactions
étatiques face à de tels actes : quelle(s) réponse(s) juridique(s) apporter au
terrorisme sans compromettre le caractère libre et démocratique des sociétés
occidentales?
***
Instrument entre les mains des Etats afin de lutter contre la criminalité, le
droit pénal doit s’adapter aux évolutions de la société et donc aux changements
de la criminalité. Pendant longtemps, les Etats se sont contentés d’appréhender
les différents actes de terrorisme par le droit commun, sans égard au mobile.
Mais face à la multiplication des actions terroristes et leur diversité,
l’insuffisance du droit pénal traditionnel a été constatée3. Ainsi, ce n’est que
1 Marie Hélène Gozzi, Le terrorisme : essai d’une étude juridique, Mise au point, Edition Ellipses, Paris, 2003, p. 5. 2 D’après les historiens, au Ier siècle, les Zélotes auraient résisté à la domination de l’Empire romain en ayant recours à des mesures de terreur. Voir en ce sens : Gérard Chaliand, L’arme du terrorisme, Édition Louis Audibert, Paris, 2002, p.21 et Gérard Chaliand et Arnaud Blin, Histoire du terrorisme de l'Antiquité à Al-Qaïda, Bayard, Paris, 2006, p. 65. 3 En France, le choix de soumettre les infractions terroristes au régime de droit commun montra ses limites notamment lors du procès de plusieurs membres du groupe « Action Directe » dont Régis Schleicher, par la Cour d’assises de Paris en 1986. Au cours de ce procès, plusieurs
2
récemment, dans la dernière partie du 20ème siècle, que les États ont fait le
choix de recourir au droit pénal pour appréhender le terrorisme en tant que tel.
En France, la naissance de la législation antiterroriste remonte à la loi du 9
septembre 19864 et fait suite à une succession d’attentats perpétrés sur le
territoire. Cette loi ne définit pas le terrorisme – il s’agit en effet d’une loi de
procédure qui a pour but de soumettre des infractions de droit commun,
limitativement énumérées et commises dans un certain contexte, à un régime
procédural dérogatoire. Plus tard, la loi du 22 juillet 1992 a officiellement donné
naissance aux infractions de terrorisme en les transférant dans le Code pénal5.
Elle illustre « [la prise] en compte [de] la réalité contemporaine que constitue le
terrorisme (…) [en] consacr[ant] l’autonomie des infractions terroristes »6.
Depuis, les lois en la matière se succèdent à un rythme effréné, dans un souci
d’adaptation à l’évolution de la menace terroriste. Véritable « boulimie
législative », ces cinq dernières années, ce n’est pas moins de six lois qui ont
été adoptées pour renforcer l’arsenal pénal français7. Parallèlement, depuis les
attentats de novembre 2015, la France vit sous l’égide de l’état d’urgence.
Régime d’exception, l’état d’urgence ne cesse pourtant d’être prolongé,
permettant la mise en place de mesures administratives pour lutter contre le
terrorisme, particulièrement restrictives des droits et libertés. Récemment, le
gouvernement français, emmené par Édouard Philippe, a proposé un projet de
membres du jury ont fait l’objet de menaces et de pressions. Cinq jurés ayant été dispensés de siéger, le procès fut renvoyé. Cet événement est à l’origine de la première loi antiterroriste française, du 9 septembre 1986 qui a, notamment, crée une cour d’assises spéciale composée uniquement de magistrats professionnels. Au Canada, une série d’actes criminels pouvant être qualifiés de terrorisme (notamment les actes commis par le Front de libération du Québec et l’attentat du Vol Air India) fut perpétrés dans les années 70. Pourtant, le Canada ne fit le choix de recourir au droit pénal pour appréhender le terrorisme qu’à la suite des événements du 11 septembre 2001. 4 Loi n°86-1020 du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme. 5 Loi n°92-686 du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions du code pénal relatives à la répression des crimes et délits contre la nation, l'Etat et la paix publique. Le procédé de construction a ainsi été inversé puisque la première étape n’a pas été de définir des incriminations puis de les soumettre à un régime procédural mais de définir un régime dérogatoire, puis de lui attribuer un contenu 6 M. Sapin, Exposé des motifs, JO déb. Ass. Nat. 1ère séance 7 octobre 1991 n°70 p.4209 7 Loi n°2012-1432 du 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme – Loi n°2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme – Loi n°2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement – Loi n°2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, les atteintes à la sécurité publique et les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs – Loi n°2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement – Loi n°2016-987du 21 juillet 2016 prorogeant l’état d’urgence et renforçant la lutte antiterroriste.
3
loi antiterroriste "renforçant la lutte contre le terrorisme et la sécurité intérieure"
qui vise à normaliser la plupart de ces mesures8.
A l’inverse, la législation antiterroriste canadienne est beaucoup plus récente et
quantitativement plus faible. Principalement9, deux lois antiterroristes ont régi la
matière. La première loi a été adoptée le 15 octobre 200110, après les attentats
du 11 septembre 2001 ayant touché les États-Unis. La seconde a été adoptée
le 23 février 201511 à la suite d’actes commis sur le territoire canadien. A l’instar
de la France, le gouvernement canadien a déposé le 20 juin 2017 un projet de
loi antiterroriste afin de s’adapter aux évolutions de la menace terroriste12.
La lutte contre le terrorisme se traduit aujourd’hui par la création
d’incriminations spécifiques (A) et la mise en œuvre de procédures pénales
particulières (B).
A) La définition du terrorisme : un préalable complexe mais
indispensable
Définir le terrorisme constitue un préalable indispensable puisque c’est la
qualification d’un acte en infraction terroriste qui entrainera la mise en œuvre
d’une procédure pénale dérogatoire.
Cependant cette tâche est loin d’être évidente comme le fait très
justement remarquer Albert Camus : « Qualifier un acte de ’terroriste’ est une
entreprise délicate tant s’y croisent une question de définition d’une part, un
enjeu moral et politique, de l’autre »13.
Incriminer le terrorisme s’est révélé complexe au cours de l’histoire, en droit
interne comme en droit international : le phénomène est difficile à appréhender
car il est mouvant, évolutif et protéiforme. En effet, au fil des années, les
8 Le projet de la loi a été présenté au Conseil des ministres du 22 juin 2017 par Gérard Collomb, ministre de l’intérieur. La procédure accélérée a été engagée par le Gouvernement le 28 juin 2017. Le projet de la loi a été adopté en première lecture, avec modifications, par le Sénat le 18 juillet 2017. Il devrait être présenté à l’Assemblée Nationale en octobre 2017. (Voir : Projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, Sénat, n°115, 18 juillet 2017) 9 Depuis 2001, plusieurs lois ont également été adoptées modifiant des dispositions éparses en matière de terrorisme 10 Loi C-36 du 18 décembre 2001 (L.C. 2001, ch. 41) 11 Loi C-51 du 18 juin 2015 (L.C. 2015, ch. 20) 12 Projet de loi C-59 présenté à la Chambre des Communes du Canada, 20 juin 2017. 13 Albert Camus avec la participation de J. Lévi-Valensi, A. Garapon et D. Salas, Réflexions sur le terrorisme, Edition NP, Paris, 2003, p.188.
4
auteurs d’actes terroristes changent, les personnes visées diffèrent et les
moyens d’action évoluent.
Pourtant « un effort de définition s’impose dès lors qu’il constitue un
phénomène saisi par le droit dont découlent d’importantes conséquences,
notamment une répression accrue et une procédure dérogatoire »14.
Définir le terrorisme constitue aujourd’hui un véritable défi pour la société
internationale et les législateurs nationaux. Au plan international, malgré les
efforts de la Société des Nations puis de l’Organisation des Nations-Unis, il
n’existe pas de définition tangible et universelle du terrorisme. En effet, les
Etats semblent avoir des difficultés à s’accorder sur une définition unique. Face
à cette problématique, la société internationale et les Etats qui la composent
cherchent alors, à endiguer le terrorisme par la mise en place d’une lutte
sectorielle et géographiquement fractionnée. Au plan national, la plupart des
ordres juridiques possède une définition légale du phénomène. C’est le cas de
la France et du Canada. Cependant, au rythme des attentats, les différentes
politiques criminelles en la matière ont conduit les législateurs nationaux à
élargir peu à peu la définition du terrorisme. Or une conception trop large du
terrorisme peut s’avérer dangereuse, d’autant plus que la qualification d’un acte
en infraction de terrorisme entraine la mise en œuvre de règles dérogatoires au
droit commun, particulièrement attentatoires aux droits fondamentaux.
B) L’enjeu de la définition : la mise en œuvre d’une procédure pénale
dérogatoire au droit commun et potentiellement attentatoire aux droits
fondamentaux
L’enjeu de la définition du terrorisme est procédural. Face à l’insuffisance
du droit pénal traditionnel et au caractère exceptionnel de cette criminalité, la
lutte contre le terrorisme justifie la mise en œuvre d’une procédure pénale
dérogatoire au droit commun, potentiellement attentatoire aux droits
fondamentaux et aux libertés individuelles.
14 Fabien Marchadier. ‘Terrorisme’ in Joël Andriantsimbazovina, Hélène Gaudin, Jean-Pierre Marguenaud, Stéphane Rials, Frédéric Sudre (dir.), Dictionnaire des droits de l’homme, Quadrige / PUF, Paris, 2008, pp. 727-729
5
1. Le choix de régimes procéduraux dérogatoires aux droits
communs
Face au terrorisme, les législateurs nationaux doivent agir pour mettre en
place une législation efficace afin de prévenir les actes et le cas échéant,
sanctionner leurs auteurs15. Cela passe par un régime procédural spécifique,
dérogatoire au droit pénal traditionnel. Leur action a été reconnue par certains
juges constitutionnels qui ont souligné la nécessité de telles législations16.
La législation antiterroriste a ainsi pour vocation assumée d’instaurer des règles
dérogatoires au droit commun. D’une part, elle aménage les règles
traditionnelles applicables lors de l’enquête en instaurant des techniques
spéciales d’investigation. D’autre part, elle modifie les principes classiques de la
phase de jugement en introduisant des dérogations aux règles traditionnelles
de compétence et en instaurant un régime de sanction plus sévère.
Ce choix est évidemment justifié : les affaires de terrorisme sont
éminemment complexes et nécessitent une prise en charge spécifique afin
d’assurer au mieux la défense de l’ordre public et de la sécurité collective. En
effet, l’instauration de telles règles est justifiée par la nécessité de disposer de
moyens juridiques adaptés au phénomène terroriste, organisé et désormais
international.
2. Des régimes procéduraux potentiellement attentatoires aux droits
fondamentaux
La mise en place de législations adaptées au phénomène correspond à
l’instauration de régimes dérogatoires qui portent particulièrement atteinte aux
15 La société internationale impose indirectement aux Etats de lutter contre le terrorisme. Pour les textes généraux : Art. 3 Déclaration universelle des droits de l'Homme (DUDH), Art. 9.1 Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), Art 5.1 Convention de sauvegarde des droits de l'homme et libertés fondamentales (ConvEDH). Pour les textes spéciaux : Résolution 1373 (2001), Conseil de sécurité des Nations-Unies, 28 septembre 2001, 4385ème séance, S/RES/1373 (2001) par. 2.e) et Décision-cadre 2002/475/JAI du Conseil du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme art. premier. Ils doivent prendre des mesures raisonnables et adéquates pour assurer la sécurité des personnes. Voir en ce sens : CourEDH, Cour (plénière) 6 septembre 1978, Klass et autres c. République Fédérale d’Allemagne, req n°5029/71 par. 49 16 Déduit en France de la décision n°85-187 du 25 janvier 1985 Loi relative à l'état d'urgence en Nouvelle-Calédonie où le Conseil Constitutionnel admet la compétence du législateur à adopter des régimes d’exception aménageant les droits fondamentaux dans certaines circonstances.
6
droits fondamentaux. Ainsi, le choix fait par les Etats tend à un véritable « droit
pénal de l’ennemi » (pour reprendre la doctrine allemande de Günther
Jakobs17). Pour lutter efficacement et réussir à endiguer ce phénomène, il y a
une limitation considérable des droits fondamentaux et des libertés
individuelles. Or une telle limitation est peu concevable dans des sociétés
démocratiques, étant davantage l’apanage des Etats totalitaires.
Les droits fondamentaux sont généralement désignés comme un ensemble des
droits subjectifs primordiaux de l’individu qui doivent être garantis par l’Etat. Cet
ensemble constitue un instrument d’autolimitation de l’activité étatique, un
rempart contre les ingérences. Ils constituent ainsi une condition indispensable
d’un Etat de droit. Néanmoins, la majorité de ces droits ne sont pas absolus et
peuvent se voir limiter au nom de l’intérêt général. C’est ainsi dans le domaine
si particulier du terrorisme que certains de ces droits sont limités voire
supprimés, au nom de la sécurité collective.
Le système antiterroriste américain est le plus alarmant (pratique de la
torture, instauration de juridictions d’exception, détentions dans le centre de
Guantanamo…). Même s’ils ne vont pas aussi loin, les régimes procéduraux
mis en place au Canada et en France pour lutter contre le terrorisme, instaurent
également des procédés particulièrement liberticides.
Un individu soupçonné d’avoir commis un acte de terrorisme ne voit-il pas ses
droits et libertés atteints de manière disproportionnée par les différentes
mesures dérogatoires mises en œuvre au cours du procès pénal ? En effet,
bénéficie-t-il réellement d’une défense effective alors même que le législateur
français permet le report de l’intervention de l’avocat ? A-t-il effectivement un
droit au silence, principe processuel fondamental, malgré les audiences
d’investigations qui peuvent être mises en œuvre dans le système canadien ?
Est-il véritablement présumé innocent ?
Autant de questions auxquelles il est indispensable de répondre dans un Etat
de droit.
17 Günther Jakobs, « Aux limites de l'orientation par le droit : le droit pénal de l'ennemi », RSC, 2009 p.7
7
Protection des droits fondamentaux et lutte contre le terrorisme sont donc a
priori perçues comme des objectifs contradictoires. Mais le sont-ils réellement ?
Est-ce que la lutte pénale contre le terrorisme est conciliable avec le respect
des droits fondamentaux et des libertés individuelles ?
Afin de répondre à cette délicate problématique, trois questions de
recherche doivent particulièrement être abordées.
- Quelle est la définition du terrorisme ? La question de la définition du
terrorisme se pose avec une importance particulière parce qu’à cette définition
est assignée une tâche primordiale : délimiter le champ d’application d’un
régime dérogatoire. Bien qu’essentielle, la définition du phénomène se révèle
délicate tant au plan national qu’international. Au plan international, les Etats
paraissent éprouver des difficultés à s’accorder sur une définition universelle.
Au plan national, la plupart des Etats démocratiques possède une définition
légale. Cependant, afin de prévenir les actes et sanctionner leurs auteurs, les
législateurs nationaux semblent avoir tendance à concevoir la notion de
manière extensive, posant ainsi la question du respect des principes d’un Etat
de droit.
- Est-ce que les procédures françaises et canadiennes applicables aux
personnes soupçonnées d’avoir commis des actes terroristes sont attentatoires
aux droits fondamentaux ? La deuxième hypothèse consiste à répondre par
l’affirmative à cette question. Il ressort du droit canadien et du droit français une
même résolution de combattre avec fermeté le terrorisme. Afin de prévenir les
actes de terrorisme et de traiter efficacement les affaires, ces droits ont pris
quelques distances par rapport au droit commun. A ce titre, les Etats ont fait le
choix de procédures pénales dérogatoires qui portent vraisemblablement
atteintes aux droits fondamentaux (liberté individuelle, vie privée, droits de la
défense, droit au silence pour ne citer qu’eux)
- Est-ce que cette atteinte est nécessaire et proportionnée ? Cette
dernière question appellera également une réponse affirmative, toutefois plus
nuancée. Les législateurs des deux pays oscillent entre la volonté de respecter
les droits fondamentaux des citoyens et la volonté de combattre efficacement le
phénomène au moyen d’instruments juridiques dérogatoires. Cependant, les
Etats, en proie à la terreur, s’efforcent de maintenir l’équilibre fragile entre
8
sécurité et liberté. En effet, afin de concilier ces deux impératifs, les législateurs
nationaux conditionnent et encadrent la mise en œuvre des règles dérogatoires,
rendant, ainsi apparemment acceptable les atteintes aux droits fondamentaux18.
Les juges constitutionnels vont jouer un rôle essentiel en contrôlant le maintien
de cet équilibre à travers le contrôle de la constitutionnalité des législations
adoptées et la légalité des actions menées sur leurs fondements19.
Ainsi, il existe un lien incontestable entre le terrorisme et les droits
fondamentaux. D’une part, le terrorisme, par son acte, porte atteinte aux droits
de l’Homme dans son ensemble. Il aurait ainsi un effet direct « étant en lui-
même une violation pure et simple des droits de l’homme [et] en tout premier
lieu du droit à la vie et à l’intégrité physique »20. Comme l’écrit la rapporteuse
spéciale des Nations Unies « en fait, il n’est probablement pas un seul droit de
l’homme qui ne souffre des effets du terrorisme »21. D’autre part, le terrorisme
incite les Etats à instaurer des régimes procéduraux dérogatoires risquant eux-
mêmes de porter atteinte aux droits fondamentaux. Le terrorisme aurait
également un effet indirect sur les droits de l’Homme car « de par sa violence
destructrice qui engendre l’angoisse et l’anxiété parmi la population (…), le
terrorisme incite les Etats à prendre des mesures répressives (…) qui trop
18 A titre d’exemple et de manière non exhaustive : D’abord, l’exigence du critère de nécessité encadre la mise en œuvre de certaines techniques d’investigations comme la garde à vue dérogatoire dans le système français. Egalement la mise en œuvre des mesures d’enquêtes est soumise à autorisation par un juge, garant des libertés individuelles en vertu des Constitutions respectives 19 Précision sur les contrôles de constitutionnalité. En France, le contrôle de constitutionnalité des lois est opéré par le Conseil Constitutionnel depuis 1958. Le contrôle ne porte pas sur toutes les lois et la possibilité de le déclencher est étroitement limitée. Il peut être fait a priori sur saisine politique ou a posteriori par le biais d’une question prioritaire de constitutionnalité. Pour un exemple dans la jurisprudence française : Déc. n°2011-223 QPC du 17 février 2012 [Ordre des avocats du barreau de Bastia] où le juge constitutionnel a considéré la disposition limitant le libre choix de l’avocat contraire aux droits de la défense. Au Canada, le contrôle de constitutionnalité est différent puisqu’il peut être opéré par tout tribunal de droit commun. Ainsi, devant une juridiction, tout plaideur peut demander de vérifier la conformité d'une norme ou d’un comportement étatique avec les droits fondamentaux protégés par la Charte canadienne des droits et libertés. Pour un exemple de jurisprudence canadienne en matière de terrorisme : Demande fondée sur l’art. 83.28 du Code Criminel (Re), [2004] 2 R.C.S. 248 où la Cour suprême a considéré que l’audience d’investigation, procédure qui contraint un individu à témoigner, ne porte pas atteinte aux principes de justice fondamentale (notamment la protection contre l’auto-incrimination et le droit de garder le silence). 20 Rapport d’analyse de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme, L’antiterrorisme à l’épreuve des droits de l’Homme : les clefs de la compatibilité, n°429, Octobre 2005, p. 12 21 Rapports intérimaire de Madame Kalliopi K. Koufa, rapporteuse spéciale, Nations Unies, Commission des droits de l’Homme, Questions diverses : terrorisme et droit de l’Homme, 27 juin 2001, p.30
9
souvent s’affranchissent dans une large ou moindre mesure, des droits de
l’Homme »22
La conciliation entre la lutte pénale contre le terrorisme et le respect des
droits fondamentaux doit se faire à deux niveaux : d’une part, s’agissant de la
définition du terrorisme et d’autre part, s’agissant de la procédure pénale
applicable aux auteurs de tels actes. La démonstration sera alors organisée en
deux parties.
Dans un premier temps, la question de la définition du terrorisme sera
abordée (I). L’examen des définitions juridique du terrorisme, nationales (A) et
internationales (B), est essentiel. Afin de mettre en œuvre les procédures
pénales spécifiques au terrorisme, il est indispensable que l’acte commis soit
qualifié de terrorisme en vertu d’une définition respectant les principes d’un Etat
de droit. Cependant, face à un phénomène mouvant et polymorphe, les Etats
éprouvent des difficultés à délimiter les contours du terrorisme. D’une part, afin
de faire face à la menace terroriste, les législateurs nationaux ont tendance à
concevoir la notion de manière large jusqu’à embrasser tout comportement qui
présente un lien, plus ou moins direct, avec le phénomène. D’autre part, la
société internationale s’accorde difficilement sur une définition universelle du
terrorisme et tente donc d’enrayer le phénomène par la mise en place de
moyens de lutte particuliers.
Dans un second temps, il sera possible d’analyser les points saillants de
la procédure pénale applicable en matière de terrorisme (II). Face à cette
criminalité, les Etats ont mis en place des procédures pénales dérogatoires au
droit commun et ce quelle que soit l’étape du procès : lors de la poursuite du
terroriste (prise au sens large, comprenant l’enquête et l’instruction selon le
système français) et lors du jugement du terroriste. Cependant, seule la phase
de l’enquête sera ici développée23. Lors de cette étape, un ensemble de
mesures d’investigations sont accomplies par l’autorité judiciaire ou sous son
22 Rapport d’analyse de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme. loc. cit. 23 La phase de jugement ne sera pas abordée dans cette étude. Durant cette étape, un aménagement des règles est prévu mais il est toutefois plus limité en raison du statut de l’accusé. En effet, au stade du jugement, le rapport de force est différent de celui durant l’enquête puisque l’auteur présumé de l’acte terrorisme est placé sous le contrôle des autorités. Partant, les dérogations aux droits et libertés fondamentaux sont donc moins présentes car plus difficiles à justifier.
10
contrôle, par les services de police, afin de réunir les éléments d’informations
nécessaires à la manifestation de la vérité. En matière de terrorisme, dans un
but d’efficacité, les législateurs nationaux ont aménagé les règles de droit
commun afin de permettre aux autorités policières et judiciaires chargées des
enquêtes de bénéficier de moyens plus importants. C’est durant cette phase
préparatoire que l’ajustement entre le souci d’efficacité et le respect des droits
fondamentaux est le plus délicat. En effet, magistrats et policiers se voient
reconnaitre d’une part, des pouvoirs coercitifs notamment attentatoires à la
liberté individuelle (A) et d’autre part, des pouvoirs d’investigations plus
particulièrement attentatoires au droit à la vie privée (B). Tout au long de cette
partie, les procédures pénales française et canadienne seront étudiées,
comparées et confrontées aux droits fondamentaux qui sont susceptibles d’être
bafoués. Pour chaque dérogation, les législateurs nationaux tentent de
minimiser les atteintes en ayant recours à différents procédés et les juges
constitutionnels, remparts contre la dérive sécuritaire, contrôlent le fragile
équilibre entre sécurité et liberté.
***
Plus que jamais, la légitimité des incriminations terroristes mais surtout
de la procédure pénale applicable en la matière est remise en cause. Bien que
la nécessité de règles spéciales pour lutter contre le terrorisme soit
unanimement admise, des voix s’élèvent pour dénoncer la dérive sécuritaire et
le caractère liberticide des législations en la matière.
Est-ce que les législations françaises et canadiennes de lutte contre le
terrorisme réalisent un juste équilibre entre les impératifs de sécurité de la
société et le respect des droits fondamentaux ?
L’étude comparative du système canadien et du système français est
intéressante principalement pour deux raisons.
D’une part, ces pays renvoient à des systèmes procéduraux a priori
antagonistes. En effet, la France et le Canada sont marqués par des traditions
juridiques différentes : respectivement, la tradition romano-germanique et la
common law. Ces traditions ont eu des conséquences sur le système
procédural de chacun des pays. Le système canadien est accusatoire alors que
11
le système français est principalement inquisitoire, du moins dans la phase
préparatoire.
D’autre part, ces pays ont une histoire totalement différente vis-à-vis du
terrorisme. En effet, la France a été plusieurs fois touchées par le phénomène
et ce depuis de nombreuses années. C’est à l’épreuve de ces événements
dramatiques que la procédure française en la matière s’est peu à peu élaborée,
parfois dans l’urgence. A l’inverse le Canada a été quantativement moins
touché et donc la législation s’est constituée plutôt de manière préventive par
rapport au phénomène.
L’étude comparée des lois antiterroristes françaises et canadienne
souligne la difficile conciliation entre deux impératifs : la protection des libertés
individuelles fondamentales d’une part, et la défense de l’ordre public et de la
sécurité collective, d’autre part.
12
I. LE CHAMP DE LA CONCILIATION : LA DEFINITION DU TERRORISME
_______________________________________________________________
Certains auteurs ont pu soutenir qu’il n’était pas essentiel de donner une
définition du terrorisme pour le réprimer24 . Cependant, une telle affirmation est
dangereuse notamment dans des Etats démocratiques tels que la France et le
Canada. En vertu des principes d’un Etat de droit et notamment du principe de
légalité, il est indispensable de définir le terrorisme.
A partir de quel moment est-il possible de considérer qu’un acte relève du
terrorisme ?
De grands philosophes tels que Raymond Aron25, des professionnels
engagés dans la lutte aux législateurs nationaux, de la Société des Nations à
l’Organisation des Nations Unies, beaucoup cherchent à le définir. Mais cette
tâche est loin d’être évidente. Le terrorisme est juridiquement difficile à
appréhender car c’est un phénomène mouvant et polymorphe. En plus, « au
lieu de renvoyer à l’acte criminel, le terrorisme évoque, de façon plus
subjective, le but recherché, terroriser »26. La conceptualisation du terrorisme
est un exercice complexe mais néanmoins nécessaire car il en a va de
l’application d’une procédure pénale particulièrement rigoureuse.
Si le terrorisme est défini par les législateurs nationaux (A), il n’existe
cependant pas de définition universelle du phénomène (B).
24 Voir en ce sens : Bilan des recherches de l’Académie de droit international de la Haye sur les aspects juridiques du terrorisme international, Martinus Nijhoff Publishers, 1988, p. 20 25 Raymond Aron, Paix et guerre entre les nations, Calman-Levy, 1962 26 Mireille Delmas-Marty (dir.) et Henry Laurens (dir.), Terrorismes – Histoire et droit, CNRS Editions, 2010
13
A) Définitions nationales du terrorisme : étude comparée franco-canadienne
_____________________________________________________________
Issu du mot « terreur » (du latin « terror »), le mot terrorisme est apparu
dans la langue française depuis 1794 pour qualifier le régime révolutionnaire de
Maximilien Robespierre27. Mais son sens a progressivement été étendu.
Au rythme des attentats, les différentes politiques criminelles en la
matière ont conduit les législateurs nationaux à élargir peu à peu la définition du
terrorisme. En effet, face à une volonté de prévenir les actes et sanctionner
leurs auteurs, le législateur a tendance à concevoir la notion de manière
extensive. Ainsi, une définition, bien souvent très large, est retenue afin
d’englober tout comportement susceptible de présenter un lien, plus ou moins
direct, avec le phénomène. La France (1) et le Canada (2) ne font pas figure
d’exception.
1. Définition française
Dans un premier temps, le législateur français a tenté de sanctionner le
terrorisme par le biais d’une incrimination unique, qui serait à la fois une
définition juridique du phénomène et une base légale pour les poursuites. C’est
ainsi, qu’à la suite d’une série d’attentats, Jacques Chirac, alors premier
ministre, avait annoncé dans son discours de politique générale le 9 avril 1986
« la création dans le code pénal d’un crime de terrorisme »28.
Mais toutes les tentatives de définition se sont heurtées aux difficultés
traditionnelles en la matière : le caractère mouvant et polymorphe du
terrorisme. « Définir, c’est limiter »29 : le législateur français n’a donc pas adopté
de définition générale du terrorisme et a fait le choix d’une méthode dite
inductive30.
27 Dès son origine, le terme est ainsi lié à un contexte politique. Pourtant la France n’a pas cessé d’objectiviser le terrorisme en occultant la nature politique de la criminalité terroriste. Alain Rey. ‘Terreur’, Dictionnaire historique de la langue française, Le Robert, 1998 28 Déclaration de politique générale de M. Jacques Chirac, Premier ministre, sur le programme du gouvernement, à l’Assemblée nationale le 9 avril 1986 via discours.vie-publique.fr 29 Oscar Wilde « Le portrait de Dorian Gray » Chapitre XVII 30 Cette méthode tend à incriminer certains comportements sans pour autant proposer une définition unique du terrorisme. Voir en ce sens : Ludovic Hennebel et Damien Vandermeersch (dir.), Juger le terrorisme dans l'État de droit, Bruxelles, Bruylant, 2009. p 31
14
Dans un souci de prévenir les manifestations et d’élargir la répression
pénale, le législateur français a une conception particulièrement extensive du
phénomène (a). En effet, « il ne s’agit pas tant de définir le terrorisme pour ce
qu’il est, mais de dessiner les contours d’une répression dérogatoire »31.
Toutefois, le Conseil Constitutionnel cantonne l’élargissement de la notion à
travers plusieurs principes constitutionnels (b).
a. La conception extensive de terrorisme
Le Code pénal comporte un chapitre intitulé « Des actes de terrorisme »
sans cesse enrichi de nouvelles dispositions afin de renforcer les moyens de
lutte contre le terrorisme. Pourtant, il ne prévoit pas une infraction générale de
terrorisme. En effet, il reprend d’une part, une liste d’infractions existantes et
d’autre part, crée des nouvelles infractions qui relèvent du
terrorisme lorsqu’elles sont assorties d’une même circonstance : elles sont
« intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective
ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la
terreur »32
En d’autres termes, selon le droit français, l’acte de terrorisme suppose
un élément matériel – objectif (un comportement spécialement visée) et un
élément moral – mixte (commis dans un certain contexte et selon un certain
but).
a.1. Elément matériel : l’accomplissement d’un comportement
spécialement visé
S’agissant de l’élément matériel, le législateur a entrepris de définir le
terrorisme par référence à une pluralité de comportements. Ces incriminations
se caractérisent par des actes matériels divers et présentent des degrés de
gravité différents.
Au sein de ces différentes incriminations, il est possible d’opérer une distinction
entre les « actes terroristes » et les « activités terroristes »
31 Julie Alix, « La qualification terroriste après l’arrêt du 10 janvier 2017 (affaire dite ‘’de Tarnac’’) » AJ pénal 2017.79 32 Art 421-1 C. pén
15
- Les actes terroristes sont par nature violents et attentatoires à l’ordre
public, en ce sens qu’ils permettent la réalisation de l’attentat. Rentrent dans
cette catégorie33 : le terrorisme dit ‘classique’ et le terrorisme écologique.
- Les « activités terroristes » sont des délits obstacles34 visant à
sanctionner le soutien, financier ou humain, au terrorisme. Le but est de
prévenir les actions terroristes en intervenant le plus en amont possible sur l’iter
criminis. Pour reprendre les termes de Christine Lazerges et Hervé Henrion-
Stoffel, « le législateur contourne ostensiblement l’interdiction de punir en
amont d’un commencement d’exécution en érigeant en infraction ce qui en
réalité constitue une simple étape intellectuelle ou matérielle préalable au
commencement de l’infraction et devrait donc échapper à toute répression »35.
Rentrent dans cette catégorie36 : le terrorisme par association de malfaiteurs ; le
financement du terrorisme ; la non-justification de ressources ; le recrutement
terroriste ; la provocation et l’apologie du terrorisme ; le fait d’extraire,
reproduire et transmettre des données faisant l’apologie ou provoquant au
terrorisme ; le fait de consulter un site provoquant au terrorisme ou en faisant
l’apologie et la préparation isolée d’un acte terroriste.
a.2. Elément moral : l’accomplissement de l’acte dans un certain
contexte et selon un certain but.
S’agissant de l’élément moral, la qualification terroriste de ces
comportements est subordonnée à leur commission dans un certain contexte et
selon un certain but. Il s’agit là du dénominateur commun à toutes les
33 Art. 421-1 C. pén. (terrorisme classique) et Art 421-2 C. pén. (terrorisme écologique) 34 Le délit obstacle ne vise pas à sanctionner le résultat dommageable mais l’accomplissement d’actes préparatoires. Voir en ce sens : Marie-Elisabeth Cartier « Le terrorisme dans le nouveau code pénal français » RSC 1995. 225 et Jean Pradel « Les infractions de terrorisme, un nouvel exemple de l’éclatement du droit pénal » D. 1987 Chron 39-42 35 Christine Lazerges et Hervé Henrion-Stoffel « Le déclin du droit pénal : l'émergence d'une politique criminelle de l'ennemi » RSC 2016. 649. Reprise de la pensée de Raphaële Parizot, L’anticipation de la répression, in Olivier Cahn et Karine Parrot (dir.) Actes de la journée d’études radicales : le principe de nécessité en droit pénal, Cergy-Pontoise 12 mars 2012, p.126 36 Art. 421-2-1 C. pén. (terrorisme par association de malfaiteurs), Art. 421-2-2 C. pén. (financement du terrorisme), Art. 421-2-3 C. pén (non-justification de ressources), Art. 421-2-4 C. pén. (recrutement terroriste), Art. 421-2-5 C. pén. (provocation et apologie du terrorisme), Art. 421-2-5-1 C. pén. (le fait d’extraire, reproduire, transmettre des données faisant l’apologie ou provoquant au terrorisme), Art. 421-2-5-2 C. pén. (le fait de consulter un site faisant l’apologie ou provoquant au terrorisme) et Art. 421-2-6 C. pén. (la préparation isolée d’un acte terroriste)
16
infractions terroristes. L’accomplissement de l’acte matériel doit être
« intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective
ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la
terreur »37.
Dans une décision du 3 septembre 1986, le Conseil Constitutionnel a considéré
que cette formule était « énoncée en des termes d'une précision suffisante pour
qu'il n'y ait pas méconnaissance [du principe de légalité des délits et des
peines] »38. Toutefois, une partie de la doctrine regrette le « flou des termes
utilisés et [le] vague critère retenu »39, que le Conseil Constitutionnel ait
« considéré la formule comme insuffisamment imprécise pour constituer une
méconnaissance du principe de légalité »40.
Le législateur a soumis l’élément moral à deux conditions.
- La première condition est la relation avec une entreprise individuelle ou
collective (élément objectif)41. « La notion d'entreprise est exclusive de toute
idée d'improvisation ; elle suppose des préparatifs et un minimum
d'organisation »42 Ainsi la relation avec une entreprise, individuelle ou
collective, implique une certaine organisation matérielle.
- La seconde condition est la recherche d’un but c’est-à-dire le trouble à
l’ordre public par l’intimidation ou la terreur (élément subjectif). Ainsi l’acte
suppose une intention particulière pour être qualifié de terroriste43. Cette
intention ne doit pas être recherchée en la personne de l’agent mais par rapport
à l’entreprise avec laquelle il est en relation : c’est l’entreprise qui doit
poursuivre ce but.
Dans sa décision du 3 septembre 1986, le Conseil Constitutionnel s’est
prononcé sur la notion de terrorisme en droit français44. Le juge constitutionnel
37 Art 421-1 C. pén 38 Déc. n°86-213 DC du 3 septembre 1986 (consid.6) 39 Bernard Bouloc, « Le terrorisme », in Problèmes actuels de science criminelle, Presses universitaires d'Aix-Marseille 1989, p. 70 40 Reynald Ottenhof, « Le droit pénal français à l'épreuve du terrorisme » RSC 1987, p. 613 41 Crim, 7 mai 1987 n° 87-80.822 Bull. crim. 1987 n°186 p 497 et Crim 17 octobre 1995 n°93-14.836 Bull. crim. 1995 n°368 p.256 42 Circulaire CRIM 86-21F1, 10 octobre 1986, BOMJ, n°24 43 Marie-Elisabeth Cartier « Le terrorisme dans le nouveau code pénal français » RSC 1995. 225 44 Déc. n°86-213 DC du 3 septembre 1986 (consid. 5 et 6)
17
français a validé implicitement la définition en précisant la nécessité de réunir
les deux éléments, matériel et moral, pour caractériser l’infraction de
terrorisme45. Il a admis la constitutionnalité de la définition en affirmant que
l’ensemble de ses éléments satisfaisaient au principe de légalité des délits et
des peines.
Si une partie de la doctrine considère qu’« en définitive, l’étude de la
qualification pénale des actes de terrorisme met en évidence une inquiétante
imprécision, calculée par le législateur et consacrée par le Conseil
Constitutionnel »46, il est tout de même possible de nuancer ces propos.
b. Une limite à l’élargissement de la notion
La lutte contre le terrorisme se traduit d’abord par la création
d’incriminations spécifiques. Au fil des événements dramatiques, le législateur a
considérablement élargi la catégorie des infractions terroristes pour embrasser
tout comportement présentant un lien avec le phénomène.
Conscient de cette réalité, le juge constitutionnel a paru, parfois,
imposer des limites à l’extension de la notion, au nom de principes
constitutionnels47.
En effet, plusieurs principes constitutionnels viennent spécifiquement cantonner
et encadrer le processus d’incrimination. Tout d’abord, le principe de légalité
criminelle48, contenu dans l’adage latin Nullum crimnel sine lege, nulla poena
sine lege, impose au législateur une définition préalable, claire et suffisamment
précise des infractions ainsi que des peines qui leur sont applicables.
45 Cette définition en deux parties présente l’avantage de pouvoir être modifié facilement au gré des événements comme le souligne Constance Grewe et Renée Koering Joulin « Le procédé est commode puisqu’il suffit, le plus souvent au gré d’une actualité tragique, de compléter cette liste par de nouvelles prévisions » (Constance Grewe et Renée Koring-Joulin, « De la légalité de l'infraction terroriste à la proportionnalité des mesures antiterroristes », in Mélanges G. Cohen-Jonathan. Liberté, justice, tolérance, Bruxelles, Bruylant, 2004 p. 900-906.) 46 Jean-Pierre Marguénaud « La qualification pénale des actes de terrorisme » RSC 1990.1 p.1-28 47 D’après l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 « La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». 48 Arts 111-2 et 111-3 C. pén. Voir en ce sens : Bertrand De Lamy « Le principe de la légalité criminelle dans la jurisprudence du Conseil Constitutionnel » Cahiers du Conseil constitutionnel n°26 (Dossier : La Constitution et le droit pénal) Août 2009.
18
Egalement, le principe de nécessité de l’incrimination signifie que le
comportement incriminé doit être suffisamment significatif pour justifier la
répression. Enfin, le principe de proportionnalité oblige le législateur à une
pondération dans le choix de la sanction. Refusant de se substituer à
l’appréciation du législateur, le juge constitutionnel exerce un contrôle limité et
censurera seulement les dispositions législatives manifestement
disproportionnées par rapport aux droits fondamentaux49.
Aux termes de plusieurs décisions, le Conseil Constitutionnel s’est
prononcé sur l’utilisation des incriminations terroristes à des fins préventives.
Trois d’entre elles paraissent particulièrement intéressantes.
- Dans une décision du 16 juillet 199650, le Conseil Constitutionnel, a pour
la première fois, censuré une incrimination de terrorisme.
La loi du 16 juillet 199651 prévoyait d’ajouter à la liste des actes de terrorisme52 :
l’aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d’un étranger53
lorsqu’elle est intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou
collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation
ou la terreur.
En se fondant sur l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen, le Conseil Constitutionnel « inaugure un contrôle de l’erreur manifeste
d’appréciation en matière de nécessité des délits et des peines »54. Il considère
que « ce comportement n'est pas en relation immédiate avec la commission de
l'acte terroriste ; qu'au demeurant lorsque cette relation apparaît, ce
comportement peut entrer dans le champ de la répression de la complicité des
actes de terrorisme, du recel de criminel et de la participation à une association
de malfaiteurs prévue par ailleurs ». Or il prend acte que « la qualification d’acte
de terrorisme a pour conséquence non seulement une aggravation des peines
49 Décision n° 80-127 DC du 20 janvier 1981 Sécurité et liberté. 50 Déc. n°96-377 DC du 16 juillet 1996. 51 Loi n° 96-647 du 22 juillet 1996 tendant à renforcer la répression du terrorisme et des atteintes aux personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public et comportant des dispositions relatives à la police judiciaire 52 Art 421-1 C. pén. 53 Définie à l’article 21 de l’ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France. 54 Julie Alix « La prévention pénale du terrorisme devant le Conseil Constitutionnel - Conseil Constitutionnel 7 avril 2017 » AJ pénal 2017.237
19
mais aussi l'application de règles procédurales dérogatoires au droit
commun »55. Au regard des dispositions existantes et des conséquences
pénales qui y sont attachées, l’incrimination d’aide à l’entrée, à la circulation ou
au séjour irréguliers d’un étranger n’est pas nécessaire. Ainsi, le Conseil
Constitutionnel affirme qu’en estimant que ce comportement était susceptible
d’entrer dans le champ des actes de terrorisme, le législateur avait entaché son
appréciation d’une disproportion manifeste. La disposition a donc été déclarée
contraire aux exigences constitutionnelles.
A travers cette décision, il est possible de remarquer que la nécessité
d’une incrimination s’apprécie selon deux considérations : au regard des
dispositions déjà existantes et au regard de la substance de l’incrimination (les
comportements incriminés doivent être suffisamment significatifs pour justifier
de telles conséquences procédurales et répressives)56. Cette appréciation
semble être toujours la ligne de conduite du Conseil Constitutionnel.
- Plus récemment, le Conseil Constitutionnel a été saisi du délit de
consultation d’un site provoquant à la commission d’actes de terrorisme ou en
faisant l’apologie57. Dans une décision du 10 février 201758, il a estimé que
cette disposition portait une atteinte à la liberté de communication qui n’était
pas nécessaire, adaptée et proportionnée.
Le Conseil Constitutionnel considère que ce délit a « pour objet de prévenir
l’endoctrinement d’individus susceptibles de commettre ensuite des [actes de
terrorisme] ». Il rappelle toutefois que les autorités disposent déjà de
nombreuses prérogatives afin de prévenir le terrorisme. D’une part, « la
législation comprend un ensemble d'infractions pénales (…) et de dispositions
procédurales pénales spécifiques ayant pour objet de prévenir la commission
d'actes de terrorisme ». D’autre part, « le législateur a également conféré à
l'autorité administrative de nombreux pouvoirs afin de prévenir la commission
d'actes de terrorisme ». Ce constat lui permet de conclure que cette
incrimination n’est pas nécessaire.
55 Ibid. consid. 8 56 Bertrand De Lamy, « La lutte contre le terrorisme à l’épreuve du contrôle de constitutionnalité : utiles précisions sur la nécessité d’une incrimination » RSC 2017.385 57 Art 421-2-5-2 C. pén. dans sa version en vigueur avant le 12 février 2017 58 Déc. n°2016-611 QPC du 10 février 2017 M. David P.
20
Egalement, le Conseil Constitutionnel considère que l’atteinte à la liberté de
communication n’est pas adaptée et proportionnée car cette disposition réprime
le simple fait de consulter à plusieurs reprises un site, quelle que soit l’intention
de son auteur (excepté les motifs de non-application énumérés59) En effet,
l’incrimination n’impose pas que « l’auteur de la consultation (…) ait la volonté
de commettre des actes terroristes » et n’exige pas « la preuve que cette
consultation s’accompagne d’une manifestation de l’adhésion à l’idéologie
exprimée sur [les sites] »
Le juge a donc considéré qu’en qualifiant ce comportement de terrorisme, le
législateur avait porté une atteinte à la liberté de communication qui n’était pas
nécessaire, adaptée et proportionnée. La disposition est donc contraire aux
exigences constitutionnelles (ici l’article 11 de la Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen)
Malgré la censure, le législateur a rétabli ce délit par une loi du 28 février
201760. Il a repris les termes de la disposition pourtant abrogée mais en y
apportant quelques modifications afin de se conformer aux exigences
constitutionnelles.
D’une part, est ajouté un élément supplémentaire « cette consultation [doit]
s'accompagne[r] d'une manifestation de l'adhésion à l'idéologie exprimée sur ce
service». D’autre part, les exceptions à la mise en œuvre de la disposition sont
plus clairement définies : elles ne mentionnent plus la « bonne foi » et sont
complétées par : « le fait que cette consultation s'accompagne d'un signalement
des contenus de ce service aux autorités publiques compétentes »
Bien que le législateur ait tenté de répondre aux préconisations du Conseil
constitutionnel, une partie de la doctrine considère que le rétablissement de ce
délit est critiquable car son contenu demeure inconstitutionnel61. En effet, les
modifications apportées permettent peut-être de rendre l’atteinte à la liberté de
59 En effet, l’article 421-2-5-2 du Code pénal, dans la version présentée au Conseil Constitutionnel, prévoyait que « le présent article n'est pas applicable lorsque la consultation est effectuée de bonne foi, résulte de l'exercice normal d'une profession ayant pour objet d'informer le public, intervient dans le cadre de recherches scientifiques ou est réalisée afin de servir de preuve en justice » 60 Art. 24 de la Loi n° 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique 61 Voir en ce sens : Mathieu Carpentier, « Un ‘’lit de justice’’ contestable : la réintroduction du délit de consultation de sites terroristes » Blog de Jus Politicum, Revue internationale de droit constitutionnel, 13 mars 2017.
21
communication adaptée et proportionnée, mais celle-ci ne semble toujours pas
nécessaire.
- Enfin, le Conseil Constitutionnel a été saisi du délit d’entreprise
individuelle terroriste. Dans une décision du 7 avril 2017, il a admis la légitimité
de l’incrimination mais en a réduit le champ d’application62.
Ce délit vise la préparation individuelle de certains actes de terrorisme. En effet,
le législateur a souhaité appréhender les ‘’loups solitaires’’ qui s’apprêtent à
commettre une infraction de terrorisme mais échappent à la qualification
d’association terroriste de malfaiteurs63. Est ainsi incriminé : le fait de préparer
la commission d’une infraction portant atteinte à la personne humaine en ayant
une volonté terroriste (être intentionnellement en relation avec une entreprise
individuelle ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation
ou la terreur). Cette préparation doit être caractérisée par la réunion de deux
éléments matériels. La personne doit détenir, rechercher, se procurer ou
fabriquer des ou substances de nature à créer un danger pour autrui. Elle doit
également avoir commis l’un des faits suivants : avoir recueilli des
renseignements sur des lieux - personnes pour mener une opération ou s’être
entrainé - formé aux maniements des armes ou avoir consulté habituellement
des sites internet provoquant au terrorisme - en faisant l’apologie ou avoir
séjourné à l’étranger sur un théâtre d’opération terroriste.
Saisi de la constitutionnalité de ce délit, le Conseil Constitutionnel a
réduit son champ d’application en censurant un terme et en émettant une
réserve d’interprétation sur le fondement du principe de nécessité.
Dans un premier temps, le juge a considéré que cette incrimination ne portait
pas atteinte au principe de légalité des délits et des peines. En effet, il
considère que l’ensemble des éléments constitutifs de l’infraction sont
clairement définis : les infractions dont la commission doit être préparée pour
que le délit soit constitué, la notion d’entreprise individuelle ayant pour but de
troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur et les faits
matériels susceptibles de caractériser un acte préparatoire. De même, le juge a
62 Déc. n°2017-625 QPC du 7 avril 2017 M. Amadou S. 63 Il est nécessaire de préciser que cette qualification est peu retenue. En effet, les investigations mettent souvent en lumière l’existence d’un groupe ; le terroriste agit rarement seul.
22
considéré que la disposition n’était pas contraire au principe de proportionnalité
des peines, le législateur n’ayant pas « institué une peine manifestement
disproportionnée ».
Dans un second temps, le Conseil constitutionnel a examiné le grief tiré de la
méconnaissance du principe de nécessité. Il a d’abord approuvé le choix fait
par le législateur de « limiter le champ du délit aux actes préparatoires à la
commission d’infraction portant atteinte à la personne humaine et s’inscrivant
dans une volonté terroriste » et de ne pas réprimer la seule intention puisque le
délit « ne peut être constitué que si plusieurs faits matériels ont été constatés ».
Cependant, il considère qu’ « en retenant au titre des faits matériels pouvant
constituer un acte préparatoire le fait de ‘’rechercher ... des objets ou des
substances de nature à créer un danger pour autrui’’, sans circonscrire les
actes pouvant constituer une telle recherche (...), le législateur a permis que
soient réprimés des actes ne matérialisant pas, en eux-mêmes, la volonté de
préparer une infraction ». Ainsi, le Conseil Constitutionnel admet l’incrimination
d’actes préparatoires mais ces actes doivent refléter explicitement la volonté de
préparer une infraction. Partant, les termes « de rechercher » sont
manifestement contraires au principe de nécessité des délits et des peines et
donc aux exigences constitutionnelles (ici l’article 8 de la Déclaration des droits
de l’homme et du citoyen). Enfin, le juge a émis une réserve d’interprétation
s’agissant de la preuve de l’intention de l’auteur des faits de préparer une
infraction terroriste. Il affirme que la preuve de cette intention « ne saurait, sans
méconnaitre le principe de nécessité des délits et des peines, résulter des seuls
faits matériels retenus comme actes préparatoires (…) ces faits matériels [ne]
doivent [que] corroborer cette intention.» Ainsi, le Conseil Constitutionnel prend
le soin de rappeler aux juges que la preuve de l’intention doit se faire par une
démonstration distincte de celle des éléments matériels64.
Ces décisions traduisent la nécessaire conciliation entre la lutte contre le
terrorisme et le respect de principes constitutionnels. Le Conseil Constitutionnel
valide par principe la politique d’incrimination mise en œuvre par le législateur
64 Cependant, comme l’affirme le professeur Yves Mayaud, il est possible de considérer que cette précision est inutile car « inhérente à toutes les infractions terroristes ». Voir en ce sens : Yves Mayaud, « Le terrorisme par entreprise individuelle sous contrôle constitutionnel », D. 2017.1134.
23
mais pose toutefois quelques limites lorsque la disposition est manifestement
disproportionnée. Ainsi le contrôle de constitutionnalité se trouve modifié en
considération de l’objet même de la législation, le juge admettant plus
facilement des restrictions aux droits fondamentaux en matière de lutte contre
le terrorisme65
Toutefois, pour reprendre la pensée du professeur Yves Mayaud, « les
qualifications terroristes sont en droit pénal en constante évolution, même si on
peut penser que le champ de leur couverture est aujourd’hui arrivé à quasi-
maturité »66.
2. Définition canadienne
Historiquement, la notion de terrorisme existait dans le droit canadien
depuis de nombreuses années aux termes de la Loi sur l’immigration interdisant
l’entrée des immigrants soupçonnés d’un tel acte67. Toutefois, face à la difficulté
de l’exercice et la rareté des actions, le terrorisme n’était pas défini, ni par le
législateur ni par les juges68.
L’élaboration d’une définition et l’appréhension du terrorisme en tant que
tel sont dues aux attentats du 11 septembre 2001 ayant touché les Etats-Unis.
Au lendemain de ce tragique événement, le Canada se devait d’adopter une
position forte et conforme à ses obligations internationales en matière de lutte
contre le terrorisme (notamment la Résolution 1373 du Conseil de sécurité)69.
Très rapidement, le Canada a donc adopté une loi anti-terroriste70 dans laquelle
il définit le terrorisme.
65 Sonia Ben Younes « La lutte contre le terrorisme devant la justice constitutionnelle » in Lutter contre le terrorisme aujourd’hui, RISEO 2015-2 66 Yves Mayaud, « La politique d’incrimination du terrorisme à la lumière de la législation récente » AJ pénal 2013.442. 67Loi sur l’immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2 ; art. 19(1) [Abrogée, 2001] – Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 ; art 34(1). D’après cette disposition, ne sont pas admissibles au Canada les personnes à l’encontre desquelles il existe des motifs raisonnables de croire qu’elles ont commis ou vont commettre des actes de terrorisme – qu’elles sont membres d’une organisation terroriste. 68 Voir en ce sens les propos de M. le Juge Denault dans l’arrêt Ahani. Ahani (Re), [1998] A.C.F. no 507, par. 21. 69 Résolution adoptée par le Conseil de sécurité sur la menace à la paix et à la sécurité internationales résultant d'actes terroristes le 28 septembre 2001. 70 Loi C-36 du 18 décembre 2001 (L.C. 2001, ch.41)
24
Aux termes de l’article 2 du Code criminel, l’infraction de terrorisme comprend :
a) Infraction visée à l’un des articles 83.02 à 83.04 et 83.18 à
83.23;
b) acte criminel — visé par la présente loi ou par une autre loi
fédérale — commis au profit ou sous la direction d’un groupe
terroriste, ou en association avec lui;
c) acte criminel visé par la présente loi ou par une autre loi
fédérale et dont l’élément matériel — acte ou omission —
constitue également une activité terroriste
d) complot ou tentative en vue de commettre l’infraction visée à
l’un des alinéas a) à c) ou, relativement à une telle infraction,
complicité après le fait ou encouragement à la perpétration
Le législateur a défini les notions d’activité terroriste et de groupe
terroriste. .
a. Définition de l’activité terroriste
La définition de l’activité terroriste comporte deux parties71 qui peuvent être
invoquées distinctement :
- Tout d’abord, le premier volet, appelé ‘partie fonctionnelle’, énumère une
série d’infractions qui sont destinées à mettre en œuvre les dix conventions
internationales72 contre le terrorisme auxquelles le Canada est partie. Chacune
constitue une activité terroriste.
71 Art. 83.01 (1) C.cr 72 Il s’agit de : Convention pour la répression de la capture illicite d’aéronefs signée à La Haye le 16 décembre 1970, Convention pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile signée à Montréal le 23 septembre 1971, Convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d’une protection internationale, y compris les agents diplomatiques adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 14 décembre 1973, Convention internationale contre la prise d’otages adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 17 décembre 1979, Convention sur la protection physique des matières nucléaires faite à Vienne et New York le 3 mars 1980 et Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire faite à New-York le 13 avril 2005, Protocole pour la répression des actes illicites de violence dans les aéroports servant à l’aviation civile internationale signé à Montréal le 24 février 1988, Convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime conclue à Rome le 10 mars 1988, Protocole pour la répression d’actes illicites contre la sécurité des plates-formes fixes situées sur le plateau continental conclu à Rome le 10 mars 1988, Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l’explosif adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 15 décembre 1997 et Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1999
25
- Ensuite, le second volet, appelé ‘partie stipulative’, comporte une
définition générale de l’activité terroriste. Selon le droit canadien, l’activité
terroriste suppose l’établissement de deux éléments :
(1) En premier lieu, l’activité terroriste suppose un actus reus. L’acte (action ou
omission) doit être accompli (au Canada ou à l’étranger) selon une
motivation particulière (au nom d’un but, d’un objectif ou d’une cause de
nature politique, religieuse ou idéologique) et un objectif bien précis (en vue
d’intimider la population quant à sa sécurité ou contraindre une personne,
un gouvernement ou une organisation à accomplir un acte ou à s’en
abstenir). La Couronne doit donc apporter un double élément de preuve
pour qu’un acte soit qualifié d’activité terroriste.
Ainsi le législateur canadien, sans doute inspiré de la législation anglaise73,
fait expressément référence au mobile. Cette référence a suscité
d’importantes critiques74. Kent Roach a notamment affirmé « The political,
religious or other motives of the perpetrators should not (…) constitute part
of the crime of terrorism »75. D’une part, la criminalisation du motif alourdit le
fardeau de la preuve. En effet, contrairement au droit commun76, les
services de police doivent vérifier – et la Couronne doit prouver hors de tout
doute raisonnable77, que l’acte a été commis au nom d’une cause de nature
73 Royaume Uni, Terrorism Act (2000) Art 1. : le terrorisme est défini comme l’accomplissement de certains actes conçus pour influencer un gouvernement ou une organisation internationale ; ou pour intimider la population ou une partie de la population dans le but de faire progresser une cause politique, religieuse raciale ou idéologique [Traduction] « In this Act “terrorism” means the use or threat of action where (a) the action falls within subsection (b) the use or threat is designed to influence the government or an international governmental organisation ; or to intimidate the public or a section of the public, and (c)the use or threat is made for the purpose of advancing a political, religious, racial or ideological cause » 74 Pour un avis contraire : Ben Saul estime que l’inclusion des motifs politiques, religieux ou idéologiques est nécessaire pour permettre la distinction entre le terrorisme et des phénomènes voisins. Voir : Saul Ben, Defining Terrorism in International Law, Oxford Monographs in International Law, 2005. 75 Roach Kent « The Case for Defining Terrorism With Restraint and Without Reference to Political or Religious Motive » in Andrew Lynch, Edwina MacDonald, George Williams, Law and liberty in the war on terror, The Syndey, Federation Press, 2007. p.39 76 Le mobile est la raison pour laquelle l’individu a décidé de commettre l’infraction. En droit commun, par principe, le mobile est indifférent et la poursuite ne doit pas en faire la preuve. (R. c. McRae, [2013] 3 R.C.S. 931 et Gisèle Côté-Harper, Pierre Rainville et Jean Turgeon. Traité de droit pénal canadien, 4ème ed, Yvon Blais, 1998) « It does not matter to society, in its efforts to secure social peace and order, what an accused’s motive was, but only what the accused intended to do » (R. c. Hamilton, [2005] 2 R.C.S. 432
par. 43) [Traduction] « Dans son effort pour maintenir la paix sociale, la société ne se préoccupe pas du mobile de l'accusé, mais seulement de ce qu'il avait l'intention de faire » 77 Notion de « preuve hors de tout doute raisonnable » : La preuve hors de tout doute raisonnable se situe entre la certitude absolue et le hautement probable. (Gisèle Côté-Harper,
26
politique, religieuse ou idéologique. Certes, ceci limite la portée de la
définition du terrorisme78 mais cela peut s’avérer contreproductif. En effet,
cette mention peut entraîner des conséquences néfastes face à la difficulté
pour la Couronne de prouver ce motif : l’alourdissement du fardeau de la
preuve peut entrainer davantage d’acquittements en la matière79. D’autre
part, la criminalisation du motif entrainerait une atteinte importante à la
liberté de croyance et de religion. En effet, selon certains auteurs, cela
encourage les enquêtes portant sur les croyances des individus et les
profilages racial ou religieux80. Cette critique a d’ailleurs conduit la Cour
supérieure de l’Ontario, dans l’affaire R. c. Khawaja, à considérer que cette
mention était contraire à l’article 2 de la Charte canadienne des droits et
libertés relatif notamment à la liberté de conscience et de religion81. (Cette
décision a toutefois été invalidée par la suite, par la Cour d’appel de
l’Ontario et la Cour suprême du Canada)82. Pour répondre à ces critiques, le
gouvernement a pris un amendement en considérant que « l’expression
d’une pensée, d’une croyance ou d’une opinion de nature politique,
religieuse ou idéologique [ne constitue une] activité terroriste (…) que si elle
constitue un acte — action ou omission — répondant aux critères de [la
Pierre Rainville et Jean Turgeon. Traité de droit pénal canadien, 4ème éd, Yvon Blais, 1998 p.195) Ainsi, le mobile terroriste doit être l’unique conclusion logique qui s’impose à la lumière des faits en preuve. 78 Vince Westwick, Association canadienne des chefs de police, Rapport « Justice fondamentale dans des temps exceptionnels : rapport principal du comité sénatorial spécial sur la loi antiterroriste » Février 2007 --- Kent Roach « Did September 11 change everything? Struggling to Preserve Canadian Values in the face of Terrorism, McGill Law Journal 2002, vol. 47. 79 Roach Kent « The Case for Defining Terrorism With Restraint and Without Reference to Political or Religious Motive » in Andrew Lynch, Edwina MacDonald, George Williams, Law and liberty in the war on terror, The Syndey, Federation Press, 2007. pp.39-48 80 Observations finales du 25 mai 2007 du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, Nations-Unies, par. 14 --- Alex Neve, Amnistie internationale, Rapport « Justice fondamentale dans des temps exceptionnels : rapport principal du comité sénatorial spécial sur la loi antiterroriste » Février 2007 --- Nations Unies, Comité des droits de l’homme, 85ème session, Examen des rapports présentés par les Etats parties en vue de l’article 40 du PIDCP, Observations finales du Comité des droits de l’homme : Canada, CCPR/C/CAN/CO/5, 20 avril 2006, par. 12. --- Kent Roach, September 11’ : Consequences for Canada. Montréal, McGill-Queen’s University Press. 2003 81 R. v. Khawaja, [2006] O.J. No. 4245. D’après la Cour supérieure de l’Ontario, cette "disposition relative au mobile (…) fait porter l'enquête policière et l'examen du poursuivant sur les croyances, les opinions et les idées exprimées par des personnes ou des groupes" [Traduction]. (par. 58). Il a donc conclu que cette atteinte ne pouvait être justifiée au regard de l'article premier et a retranché la référence au mobile du paragraphe 83.01(1) du Code Criminel. 82 Pour le jugement de la Cour d’appel de l’Ontario : R. v. Khawaja, [2010] O.J. No. 5471 et pour celui de la Cour suprême : R. c/ Khawaja [2012] 3 RCS 555
27
loi] »83. Selon Kent Roach, cet amendement rend probablement la
criminalisation du motif à l’abri d’une déclaration d’inconstitutionnalité84.
(2) Ensuite, l’activité terroriste suppose une certaine mens rea. Pour être
qualifié de terrorisme, le comportement doit intentionnellement causer une
des nombreuses formes précisées de préjudice grave (à savoir causer des
blessures graves à une personne ou sa mort par l’usage de la violence ;
mettre en danger la vie d’une personne ; compromettre gravement la santé
ou la sécurité de tout ou partie de la population ; causer des dommages
matériels considérables à des biens publics ou privés ; perturber gravement
ou paralyser des services, installations ou systèmes essentiels publics ou
privés).
Le champ des incriminations est particulièrement large et la définition a
donc soulevé d’importantes critiques85. Selon une partie de la doctrine, la
définition du terrorisme serait si large qu’elle aurait une portée excessive86. Elle
pourrait s’appliquer à des actes d’opposition légitimes tels que des grèves ou
des manifestations publiques, sans lien avec du terrorisme.
Afin de répondre à cette problématique, le gouvernement a donc fait le choix
d’exclure de la définition certains actes87. Ont tout d’abord été exclus, les actes
commis « dans le cadre de revendications, de protestations ou de
manifestations d’un désaccord ou d’un arrêt de travail qui n’ont pas pour but de
provoquer [des atteintes graves aux personnes] »88. Egalement, les actes
83 Art 83.01 (1.1) C. cr 84 Kent Roach, September 11’ : Consequences for Canada. Montréal, McGill-Queen’s University Press. 2003 p.26 85 Kent Roach, September 11’ : Consequences for Canada. Montréal, McGill-Queen’s University Press. 2003. p.34 --- José Woehrling « Les mesures adoptées par le Canada à la suite des attentats du 11 septembre 2001 », Revue française de droit constitutionnel, 2002, pp. 449-450 86 Notion de portée excessive. Le texte d’incrimination doit s’abstenir de toute portée excessive en ce sens que les moyens ne doivent pas être trop généraux par rapport à l’objectif poursuivi. L’interdiction des textes ayant une portée excessive est un principe constitutionnel découlant de l’article 7 de la Charte. Un texte aura une portée excessive lorsque l’interdit est en lien avec la volonté du législateur mais dans certaines applications, l’atteinte à la liberté est trop importante et ne cadre pas avec l’objectif. (Gisèle Côté-Harper, Pierre Rainville et Jean Turgeon. Traité de droit pénal canadien, 4ème ed, Yvon Blais, 1998 -- Canada (Procureur général) c. Bedford, [2013] 3 R.C.S. 1101 -- R. c. Heywood, [1994] 3 R.C.S. 761) 87 Manning, Mewett & Sankoff, Criminal Law, LexisNexis Canada, Toronto, 5th ed. 2015 pp. 702-718 88 Art 83.01 (1) b) ii) E) C. cr
28
commis au cours de conflits armés licites et conformes au droit international ne
peuvent être qualifiés d’activité terroriste89.
La définition de l’activité terroriste a été examinée par la Cour suprême
du Canada dans l’affaire R. c. Khawaja90. Les juges ont considéré que la
disposition était constitutionnelle au regard de la Charte Canadienne des droits
et libertés. En effet, la Cour a rejeté les arguments considérant que la définition
était imprécise et excessive.
b. Définition du groupe terroriste
Le législateur canadien, influencé par le système américain, a également
défini la notion de groupes terroristes. Le groupe terroriste91 est ainsi
défini comme une « entité dont l’un des objets ou l’une des activités est de se
livrer à des activités terroristes ou de les faciliter » ou renvoi à une liste d’entités
établie par le gouvernement canadien92.
La loi antiterroriste permet ainsi au gouvernement de dresser une liste
d’entités terroristes. Cette liste est établie par un règlement du gouverneur en
conseil. Il peut y inscrire toute entité dont il est convaincu, sur la
recommandation du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile,
qu’il existe des motifs raisonnables de croire : que, sciemment, elle s’est livrée
ou a tenté de se livrer à une activité terroriste, y a participé ou l’a facilitée, ou
que sciemment, elle agit au nom d’une entité visée, sous sa direction ou en
collaboration avec elle. Tout groupement inscrit dispose d’un recours contre
cette inscription, il peut demander la radiation de la liste selon une procédure
spécifique93.
Le fait de figurer sur cette liste ne constitue pas en soi une infraction
mais cela entraine des conséquences importantes, notamment parce que toute
89 Art 83.01 (1) b) C.cr 90 R. c. Khawaja [2012] 3 RCS 555 91 Art. 83.01 (1) C. cr. 92 Art 83.05(1) C. cr. La liste des entités terroristes est disponible dans La Gazette du Canada ou sur le site https://www.securitepublique.gc.ca/cnt/ntnl-scrt/cntr-trrrsm/lstd-ntts/crrnt-lstd-ntts-fr.aspx. Actuellement, cinquante-trois entités sont visées par la liste. 93 Le projet de loi C-59 propose d’apporter des modifications de nature procédurale au régime d’inscription d’entités terroristes, notamment en prévoyant des examens ministériels et en donnant au Ministre de la Sécurité publique de la Protection civile le pouvoir de modifier les noms des entités inscrites. (Voir en ce sens : Projet de loi C-59, présenté à la Chambre des Communes du Canada, 20 juin 2017)
29
personne étant associée à un groupe terroriste peut être poursuivie sur le
fondement des infractions autonomes prévues par le Code criminel.
L’établissement de cette liste comporte certains avantages notamment pour la
mise en œuvre de la Loi sur l’immigration et la protection des étrangers94.
Toutefois, une partie de la doctrine considère que la définition a une portée
excessive et rétroactive – et que la procédure n’est pas transparente et
équitable95.
c. Les infractions de terrorisme
A elles seules ces définitions ne créent pas d’infractions et ne constituent
donc pas une base légale aux poursuites. Le législateur canadien a incriminé le
terrorisme de façon binaire :
- D’une part, la notion d’activités terroriste est considérée comme une
circonstance aggravante de tout acte criminel de droit commun96. Ainsi
l’incrimination du terrorisme est particulièrement large en droit canadien,
puisque tout comportement infractionnel, quel qu’il soit, est susceptible d’être
qualifié de terrorisme dès lors qu’il présente les caractéristiques de l’activité
terroriste.
- D’autre part, il a incriminé quatorze comportements autonomes qui
peuvent être considérés comme des actes terroristes périphériques puisqu’ils
visent des actes de soutien, matériel ou humain, préparatoire ou postérieur, au
terrorisme. Parmi ces actes périphériques, il est possible de distinguer les actes
de « financement de terrorisme97 » et le « fait de participer, faciliter, donner des
instructions et héberger98 ». L’incrimination de ces comportements a soulevé
94 Plusieurs dispositions de cette loi contenaient la référence au « groupe terroriste » sans jamais définir le terme. Ainsi, la qualification d’une entité en groupe terroriste variait et dépendait de l’appréciation de chaque juge. 95 En effet, les entités inscrites sur la liste peuvent uniquement contester leur inscription a posteriori et la procédure n’est pas contradictoire. Voir : Association canadienne des chefs de police, Rapport « Justice fondamentale dans des temps exceptionnels : rapport principal du comité sénatorial spécial sur la loi antiterroriste » Février 2007 96 Art 83.27 C. cr 97 Le financement du terrorisme est incriminé aux articles 83.02 à 83.04 du Code criminel. Rentrent dans cette catégorie : Fournir ou réunir des biens en vue d’un acte terroriste ; Fournir, rendre disponibles, etc. des biens ou services à des fins terroristes ; Utiliser ou avoir en sa possession des biens à des fins terroristes. 98 Le fait de participer, faciliter, donner des instructions et héberger est incriminé aux articles 83.18 à 83.23 du Code criminel. Rentrent dans cette catégorie : Participation à une activité d’un groupe terroriste ; Quitter le Canada afin de participer à une activité d’un groupe terroriste ;
30
d’importantes critiques. Le professeur Kent Roach a affirmé, à plusieurs
reprises, son inquiétude face à l’absence de « lien étroit » entre ces
incriminations et l’activité terroriste. D’une part, les infractions de financement
du terrorisme s’appliquent à toute activité sans tenir compte de l’importance de
la contribution matérielle et sans exiger que l’accusé ait souhaité favoriser
l’activité99. D’autre part, les autres infractions sont considérées par l’Association
canadienne des Professeures et Professeurs d’Université comme des
infractions « incomplètes ajoutées à d’autres infractions incomplètes ». En effet,
sont ici incriminés des actes qui préparent ou qui suivent une infraction de
terrorisme. Or la tentative, le complot, la menace et la complicité après le fait
sont déjà sanctionnés en matière de terrorisme. « En vertu du droit criminel
existant, les Cours ont généralement réussi à éviter des monstruosités telles la
tentative de tentative, la tentative de complot et l'encouragement à
l'encouragement à la perpétration d'une infraction, mais elles auront peut-être
des difficultés à le faire en vertu de [la Loi antiterroriste] »100
3. Comparaison des définitions
Les définitions française et canadienne montrent des similitudes dans
l’appréhension juridique du terrorisme mais présentent toutefois des différences
importantes.
Ajouté au travail effectué par les chercheurs Alex Schmidt et Albert
Jongman101, les définitions française et canadienne montrent clairement qu’il
Facilitation d’une activité terroriste ; Quitter le Canada afin de faciliter une activité terroriste ; Infraction au profit d’un groupe terroriste ; Quitter le Canada afin de perpétrer une infraction au profit d’un groupe terroriste ; Quitter le Canada afin de perpétrer une infraction constituant une activité terroriste ; Charger une personne de se livrer à une activité pour un groupe terroriste ; Charger une personne de se livrer à une activité terroriste ; Préconiser ou fomenter la perpétration d’infractions de terrorisme (*le projet C-59 propose de remplacer cette infraction par celle de ‘’conseiller la commission d’infractions de terrorisme’’) ; Cacher une personne qui s’est livrée à une activité terroriste. 99 Association Canadienne des Professeures et Professeurs d’Université, « Mémoire présenté au sous-comité de la sécurité publique et nationale concernant l’examen de la loi antiterroriste », 28 février 2005 100 Kent Roach, Ronald Daniels et Patrick Macklem, The Security of Freedom : Essays on Canada’s Anti-Terrorism Bill, University of Toronto Press, 2001 p.160. [Traduction] reprise de : Association canadienne des Professeures et Professeurs d’Université, Mémoire présenté au sous-comité de la sécurité publique et nationale concernant l’examen de la loi antiterroriste, 28 février 2005 101 Aux termes de leur recherche, ils ont recueilli près de 109 définitions différentes du terrorisme auprès de juristes, universitaires, politiques et sociologues. Ils ont comparé les
31
existe certains points concordants. En effet, trois éléments semblent
unanimement caractériser le terrorisme : une violence préméditée d’une
certaine gravité (une méthode), une idéologie (un mobile, qui n’est cependant
pas inscrit dans la définition française) et une volonté d’intimider une population
pour contraindre un gouvernement ou une organisation à faire ou s’abstenir (un
but).
Egalement, ces définitions traduisent la volonté des législateurs
nationaux d’aller au-delà de la répression des seuls actes de perpétration du
terrorisme et sanctionner également les actes de soutien au terrorisme.
Finalement, c’est l’ensemble de l’activité terroriste qui se trouve appréhendé par
le droit pénal. Pour reprendre les termes du professeur Christine Lazerges
« C’est l’irruption d’un droit pénal du risque réprimant des comportements dont
les conséquences dommageables ne sont pas certaines, mais simplement
possibles, voire probables »102.
Cependant, les définitions française et canadienne présentent une
divergence importante : la référence à la dimension idéologique. Considéré par
les criminologues comme la singularité du phénomène terroriste103, l’idéologie,
politique ou religieuse, est pourtant absente de la définition française. La
France justifie principalement l’absence de cette mention par la volonté d’éviter
qu’un procès en matière de terrorisme devienne une tribune, un lieu de débat
politique ou religieux.
Ce choix a une conséquence quant à l’appréhension des infractions politiques.
Si le Canada admet aisément qu’un acte politique peut relever du terrorisme, la
France s’y est toujours opposée. En effet, elle a toujours refusé de considérer
définitions et ont calculé le nombre de fois où un élément revenait. « L’utilisation de la violence » est inscrite dans 83,5% des définitions, « les raisons politiques » dans 65%, la « terreur » dans 51% et les « victimes civiles » dans 17,5%. Voir en ce sens : Alex P. Schmid et Albert J. Jongman, Political terrorism: a new guide to actors, authors, concepts, data bases, theories and literature, New Brunswick, Transaction Books, 1988, p.5-6. Un travail de recherche plus récent a révélé l’existence de 212 définitions du terrorisme dans le monde dont 90 sont utilisées officiellement. Voir : Jeffrey D. Simon, The Terrorist Trap, Indiana University Press, 1994, p.29 102 Christine Lazerges et Hervé Henrion-Stoffel « Le déclin du droit pénal : l'émergence d'une politique criminelle de l'ennemi » RSC 2016. 649. Reprise de la pensée de Raphaële Parizot, L’anticipation de la répression, in Olivier Cahn et Karine Parrot (dir.) Actes de la journée d’études radicales : le principe de nécessité en droit pénal, Cergy-Pontoise 12 mars 2012, p.127 103 Martin Gus parle des motifs et des objectifs « inéluctablement politiques » de tout acte terroriste. Voir : Martin Gus « Understanding Terrorism : challenges, perspectives and issues » London : Sage, 2006, p.46
32
les infractions politiques comme du terrorisme et les a, au contraire, soumises
à un régime plus favorable au droit commun (notamment pour faire échapper
les auteurs de ces infractions à la peine de mort qui était alors applicable à
l’époque104 et à l’extradition105). La France dénie totalement la nature politique
de la criminalité terroriste106. Mais il est nécessaire de s’interroger sur l’état du
droit positif : face à un acte politique aujourd’hui en France, les autorités
compétentes le qualifieraient-elles réellement d’infraction politique107 avec un
régime avantageux ? Ceci est peu probable, elles préfèreraient sans doute la
qualification d’acte de terrorisme permettant la mise en œuvre d’un régime
procédural plus efficace (tant sur le plan national qu’international). La France
s’alignera-t-elle prochainement sur la conception canadienne ?
Il semble impossible de déterminer quelle définition est la plus large. En
effet, la définition canadienne est plus étendue à certains égards puisque toute
infraction de droit commun peut potentiellement être qualifiée de terrorisme.
Elle est toutefois plus restreinte à d’autres égards notamment avec la
criminalisation des motifs qui oblige le Procureur de la Couronne à prouver un
élément supplémentaire, au risque de voir prononcer l’acquittement de l’accusé.
***
Comme le souligne Julie Alix dans sa thèse sur le sujet108, la
problématique de l’incrimination du terrorisme est essentielle « parce qu’elle
définit les frontières du licite et de l’illicite, la délimitation de l’incrimination est
104 Confrontée à l’anarchisme, la France avait dépolitisé ce type de comportements par la loi du 28 juillet 1894. Par la suite, la Cour de cassation a supprimé le caractère politique d’un acte, toutes les fois où il s’agit de faits graves. Voir Crim. 20 aout 1932 Bull. crim. 1932 n°207 et Renée Koering Joulin « Infraction politique et violence » JCP, 1982, I, 31102 105 Art. 5 Loi du 10 mars 1927 relative à l'extradition des étrangers [Abrogée 2004] – Art. 696-4 C. proc. pén. et Art 3 de la Convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957. Selon Françoise Tulkens, le législateur ne mentionne pas le caractère politique de l’acte terroriste dans le but de « favoriser et de faciliter les mesures d’extradition et d’entraide judiciaire internationale » Voir : Françoise Tulkens « Analyse critique de la Convention européenne pour la répression du terrorisme », in Déviance et société, Genève, vol.3, n°3, 1979, p.235. 106 François Loloum et Patrick Nguyen Huu, « Le Conseil constitutionnel et les réformes du droit pénal en 1986 », RSC, n° 3, 1987, p. 565 107 Conformément au droit pénal français, l’infraction politique est prise dans son sens objectif (Crim. 20 aout 1932. Bull. crim. 1932 n°207) c’est-à-dire comme tout « agissement portant atteinte aux droits politiques des citoyens et à l’Etat dans son organisation et son fonctionnement » 108 Julie Alix, Terrorisme et droit pénal : études critiques des incriminations terroristes, Nouvelles bibliothèques de Thèse Dalloz 2010 p.10
33
encore davantage porteuse de risques pour les libertés que le régime des
infractions ».
B) Définitions internationales du terrorisme
_____________________________________________________________
« Le terrorisme est (…) un acte contraire au droit des gens, troublant,
(…) l’ordre public international »109
A l’origine, le recours au droit international comme instrument de lutte
contre le terrorisme n’était pas envisagé par les différents Etats110. Mais, pour
reprendre les termes de Mireille Delmas-Marty « il est (..) clair qu’une réponse
purement nationale, aussi sécuritaire soit-elle, ne peut à elle seule supprimer
toute menace »111. Ainsi, face à la multiplication des actes terroristes dans le
monde, la société internationale a décidé de réagir afin d’unifier la lutte et donc
la rendre plus efficace.
Il n’existe pas de définition tangible et universelle du terrorisme (1). Les
textes internationaux qui font référence au phénomène s’abstiennent pour la
plupart de le définir. La raison principale à cela réside dans la difficulté pour les
Etats de s’accorder sur une définition commune du terrorisme. Face à cette
problématique, la société internationale et les Etats qui la composent cherchent
alors à endiguer le terrorisme par la mise en place d’une lutte sectorielle et
géographiquement fractionnée. (2)
1. Des tentatives d’une définition universelle du terrorisme
109 Marie Hélène Gozzi, Le terrorisme : essai d’une étude juridique, Mise au point, Edition Ellipses. 2003. p 70 110 Luigi Condorelli, « Les attentats du 11 septembre et leurs suites : où va le droit international ? » RGDIP, 2001 111 Mireille Delmas-Marty, « Le caractère global du terrorisme appelle une justice globale », in Le Monde, 1er avril 2016.
34
En raison de ses caractéristiques, le terrorisme est un phénomène
difficile à appréhender juridiquement. Partant, la notion échappe au droit
international qui ne parvient pas à trouver une définition universelle112.
a. « L’introuvable définition »113
Parmi les premières tentatives internationales, la Convention pour la
prévention et la répression du terrorisme adoptée par la Société des Nations à
Genève le 16 novembre 1937114 proposa une définition générale du terrorisme
et énuméra une série d’actes réputés terroristes. Le terrorisme y est alors défini
comme des « faits criminels dirigés contre un État et dont le but ou la nature est
de provoquer la terreur chez des personnalités déterminées, des groupes de
personnes ou dans le public ». Bien qu’elle ne soit jamais entrée en vigueur
faute d’un nombre suffisant de ratifications, cette convention a mis en lumière la
volonté des Etats de s’unir face au terrorisme mais les difficultés à s’entendre
sur une définition universelle du phénomène.
Plus récemment, la définition du terrorisme a intéressé les négociations
du Statut de Rome de la Cour pénale internationale115. En effet, certaines
propositions visaient à inclure le terrorisme dans les infractions relevant de la
compétence rationae materiae de la Cour. Cependant, elles ont été rejetées,
faute d’accord sur la définition116.
112 Jean Marc Sorel, « Existe-t-il une définition universelle du terrorisme ? » in Karine Bannelier, Théodore Christakis, Olivier Corten, Barbara Delcourt, Le droit international face au terrorisme, CEDIN, Editions Pedone, Paris, 2002 113 Mario Bettati « Le terrorisme : les voies de la coopération internationale », Odile Jacob, Paris, 2013, p.88 114 Au vingtième siècle, plusieurs attentats sont commis en Europe : dès 1914 avec l’assassinat de l’Archiduc François-Ferdinand et en 1934 avec les assassinats du Roi de Yougoslavie Alexandre Ier et du Ministre des Affaires étrangères français Louis Barthou. C’est dans ce contexte que le Conseil de la Société des Nations décida de créer un comité ayant pour mission d’élaborer une convention internationale relative à la répression du terrorisme. Les travaux du comité aboutirent le 16 novembre 1937 avec l’élaboration de deux textes : la « Convention pour la prévention et la répression du terrorisme » et la « Convention pour la création d’une cour pénale internationale ». Voir en ce sens. Jean-Christophe Martin, Les règles internationales relatives à la lutte contre le terrorisme, Bruxelles, Bruylant, 2006, p.13-14 115 Statut de Rome de la Cour pénale internationale du 17 juillet 1998, A/CONF. 183/ 9 116 Pourtant, une partie de la doctrine, encore aujourd’hui, propose d’ériger le terrorisme au rang de crime contre l’humanité. Deux arguments principaux sont avancés. D’une part, le terrorisme est une infraction internationale qui porte atteinte à la société dans son ensemble car ce sont ses valeurs qui sont bafouées. La Cour pénale internationale, émanation de cette société internationale, est donc la plus légitime à juger les auteurs de tels actes. D’autre part, le crime contre l’humanité est défini comme un acte commis « en exécution d’un plan concerté à l’encontre d’un groupe de populations civiles dans le cadre d’une attaque généralisée ou
35
Enfin, la définition du terrorisme a retenu l’attention de l’Organisation des
Nations-Unies. L’Assemblée générale des Nations Unies a créé en 1996 un
comité spécial chargé d’élaborer une Convention générale sur le terrorisme117,
dont les travaux sont toujours en cours.
Le projet de Convention générale sur le terrorisme international propose une
définition internationale du phénomène 118:
Commet une infraction au sens de la présente Convention
quiconque cause par quelque moyen que ce soit,
illicitement et intentionnellement :
a) La mort d’autrui ou des dommages corporels
graves à autrui;
b) De sérieux dommages à un bien public ou privé,
notamment un lieu public, une installation
gouvernementale ou publique, un système de transport
public, une infrastructure, ou à l’environnement; ou
c) Des dommages aux biens, lieux, installations ou
systèmes mentionnés à l’alinéa b) du paragraphe 1 du
présent article, qui entraînent ou risquent d’entraîner des
pertes économiques considérables;
lorsque le comportement incriminé, par sa nature ou son
contexte, a pour but d’intimider une population ou de
contraindre un gouvernement ou une organisation
internationale à faire ou à ne pas faire quelque chose.
2. Commet également une infraction quiconque menace
sérieusement et de manière crédible de commettre une
infraction visée au paragraphe 1 du présent article.
3. Commet également une infraction quiconque tente de
commettre une infraction visée au paragraphe 1 du présent
article.
4. Commet également une infraction, quiconque :
systématique » (art. 212-1 C. pén). Or la politique qui conduit à cette attaque peut être le fait d’un Etat ou d’un groupe (CPI, Ch. préliminaire II, 31 mars 2010, Situation en République du Kenya, ICC-01/09) Ce qui ouvre l’infraction au terrorisme. Cependant, il est quand même possible de noter une différence importante entre le crime contre l’humanité et le terrorisme : la valeur protégée. En effet, le crime contre l’humanité protège la population civile en tant que telle alors que le terrorisme vise à protéger un Etat ou une organisation, la population civile n’étant qu’un moyen pour déstabiliser ou contraindre cet Etat ou organisation. 117 Résolution A/RES/51/210 du 17 décembre 1996 118 Art 2 du texte du projet de convention générale sur le terrorisme international A/C.6/65/L.10. Mesures visant à éliminer le terrorisme international - Rapport du groupe de travail présidé par M. Rohan Perera et présenté le 3 novembre 2010 dans le cadre de l’Assemblée générale des Nations Unies
36
a) Se rend complice d’une infraction visée aux
paragraphes 1, 2 ou 3 du présent article; ou
b) Organise la commission d’une infraction visée
aux paragraphes 1, 2 ou 3 du présent article ou donne
l’ordre à d’autres personnes de la commettre; ou
c) Contribue à la commission d’une ou plusieurs des
infractions visées aux paragraphes 1, 2 ou 3 du présent
article par un groupe de personnes agissant de concert. La
contribution doit être délibérée et faite :
i) Soit pour faciliter l’activité criminelle ou le
dessein criminel du groupe, lorsque l’activité ou le
dessein implique la commission d’une infraction visée
au paragraphe 1 du présent article;
ii) Soit en pleine connaissance de l’intention du
groupe de commettre une infraction visée au
paragraphe 1 du présent article
Est donc considéré comme terroriste, un certain comportement qui « par sa
nature ou son contexte, a pour but d’intimider une population ou de contraindre
un gouvernement ou une organisation internationale à faire ou à ne pas faire
quelque chose. » Cette définition n’est pas véritablement une nouveauté
puisqu’elle ne fait que reprendre un ensemble de critères déjà invoqués. Son
importance réside plutôt dans sa future acceptation par l’ensemble des Etats.
Cependant, l’adoption de cette convention rencontre de nombreuses difficultés
et aucun accord ne semble pour le moment se dégager. En effet, la définition
du terrorisme énoncée ne semble pas faire l’unanimité au sein de la société
internationale.
b. Les obstacles à la définition universelle du terrorisme
A ce jour, il n’existe aucune définition du terrorisme qui soit unanimement
admise par l’ensemble des Etats. En effet, il parait complexe de trouver un
accord sur une définition éminemment subjective, dépendant de son auteur, de
ses valeurs et sa situation. De nombreux facteurs y contribuent ; mais il est
possible d’identifier deux obstacles principaux à l’établissement d’une définition
universelle.
37
- Tout d’abord, l’exclusion des mouvements de libération nationale au sein
de la définition du terrorisme est controversée. « Ce qui apparaît à certains
comme un terroriste est un combattant de la liberté pour d'autres ».
Le droit à l’autodétermination est le droit pour un peuple de déterminer
librement, sans ingérence étrangère, son statut international et son mode
d’organisation politique. Il constitue un droit international fondamental
découlant du principe selon lequel les peuples ont le droit de disposer d’eux-
mêmes119. En vertu de ce droit, des minorités ethniques ou religieuses peuvent
revendiquer leur indépendance, interne ou externe, par rapport à un Etat. A ce
titre, elles peuvent accomplir certains actes, y compris violents et à l’encontre
de civils, de libération nationale.
Face au terrorisme, cela suscite plusieurs interrogations. D’une part, qu’est-ce
qui distinguent les mouvements de libération nationale du terrorisme ? Aucun
critère ne semble avoir été posé120. Pourtant, alors que les « combattants de la
liberté » sont considérés comme légitimes – les terroristes sont des criminels. A
titre d’exemple, les actes accomplis par le Front de libération nationale durant la
guerre d’Algérie relèvent-ils du droit des peuples à l’autodétermination ou sont-
ils constitutifs d’actes de terrorisme ? D’autre part, la définition internationale du
terrorisme doit-elle exclure de son champ d’application, les actes accomplis
dans l’exercice du droit à l’autodétermination des peuples ? Cette question
divise121. D’ailleurs, l’opportunité d’exclure de la définition ces actes est à
119 Le droit à l’autodétermination et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes sont reconnus par la Charte des Nations Unies (arts 1 §2 et 55) et dans les deux Pactes internationaux de 1966 relatifs aux droits de l’homme (arts 1er). Ils sont également consacrés par nombreuses déclarations et résolutions onusiennes. Voir : Christian Charbonneau, « Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes: un droit collectif à la démocratie… et rien d’autre », Revue québécoise de droit international n°9 - 1995, 20 juin 1996 pp. 111-130. 120 En l’absence de définition internationale, la notion même de peuple est débattue. Certains considèrent que l’ensemble des citoyens d’un Etat constitue un peuple unique. A l’inverse, d’autres estiment que des communautés (linguistiques, religieuses….) peuvent constituer un peuple à part entière et exercer leur droit à l’autodétermination. 121 Principalement, les pays du Sud écartent les mouvements de libération nationale du champ d’application de l’infraction de terrorisme. Voir en ce sens : les conventions régionales antiterroristes de la Ligue des Etats arabe (art. 2 de la Convention de la Ligue des Etats arabe sur le terrorisme du 22 avril 1998), de l’organisation de la Conférence islamique (art. 2 §a de la Convention de l’Organisation de la Conférence islamique pour combattre le terrorisme international du 1er juillet 1999), de l’organisation de l’Unité africaine (Article 3 §1 de la Convention de l’Organisation de l’unité africaine sur la prévention et la lutte contre le terrorisme du 14 juillet 1999) ainsi que le Mouvement des non-alignés. A l’inverse, les pays du Nord considèrent majoritairement que ces actes peuvent relever du terrorisme.
38
l’origine du blocage actuel du projet de Convention générale sur le terrorisme
international122
- De même, l’exclusion du terrorisme d’Etat au sein de la définition du
terrorisme pose des difficultés. Au sens strict, le terrorisme d’Etat est le fait pour
le Prince régnant de conserver son titre. Il va alors utiliser, de façon excessive,
son monopôle de violence légitime pour assurer sa survie ; « permettant au
pouvoir en place de briser, à force de mesures extrêmes et d'effroi collectif,
ceux qui lui résistent »123. Dans un sens plus large, le terrorisme d’Etat est
lorsqu’un Etat reconnu juridiquement sur la scène internationale est impliqué
dans des actes de terrorisme124.
La définition internationale du terrorisme doit-elle exclure de son champ
d’application, ces actes accomplis par un Etat ? Le terrorisme d’Etat est en
général exclu des conventions internationales125. Ainsi la Convention pour la
répression des attentats terroristes à l’explosif de 1997 et la Convention
internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire de 2005
excluent expressément les agissements des forces armées d’un Etat de leur
champ d’application126. En vertu de ces dispositions, des comportements, en
principe constitutifs d’actes de terrorisme, accomplis par les forces armées d’un
Etat, dans le cadre d’un conflit armé ou pas, ne peuvent être qualifiés comme
tel. Officiellement, les Etats127 refusant de reconnaitre ce type de terrorisme
mettent en avant deux arguments. Tout d’abord, ils considèrent que les actes
accomplis peuvent être réprimés sous d’autres qualifications telles que le crime
contre l’humanité. Ensuite et plus politiquement, ils estiment que reconnaitre ce
type de terrorisme permettrait de délégitimer des Etats sur la scène
122 Voir en ce sens : Pierre d’Argent, « Examen du projet de Convention générale sur le terrorisme international » in: Karine Bannelier, Théodore Christakis, Olivier Corten et Barbara Delcourt (dir.), Le droit international face au terrorisme : après le 11 septembre 2001, Pedone, Paris, 2002, pp. 121-140 123 Pierre Dabezies, Jean Servier, Gérard Chaliand et Sylvia Preuss-Laussinotte « Terrorisme », Encyclopædia Universalis 124 Rapport final de Madame Kalliopi K. Koufa, rapporteuse spéciale, Nations Unies, Droits de l’Homme et terrorisme, 2004 (E/CN.4/Sub.2/2004/40) 125 Pour les Etats, il s’agit surtout d’une obligation de prendre des mesures internes pour lutter contre le terrorisme et d’une interdiction d’encourager ou soutenir des actes de terrorisme. 126 Voir : art. 19 §2 de la Convention pour la répression des attentats terroristes à l’explosif de 1997 et art. 4 §2 de la Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire de 2005. 127 En général, les pays occidentaux défendent l’idée selon laquelle le terrorisme est un acte commis par un individu ou un groupe d’individus.
39
internationale. La décision d’exclure de la définition générale le terrorisme
d’Etat n’est toutefois pas unanimement admise et fait l’objet de nombreux
débats128.
« Terrorism therefore remains a crime in search of a definition »129.
Pourtant, l’admission d’une définition unique du terrorisme présenterait bien
davantage sur la scène internationale130.
2. A une lutte sectorielle et géographiquement fractionnée
En raison des difficultés à s’entendre sur une définition universelle du
terrorisme, les Etats cherchent à enrayer ce phénomène par la mise en place
de moyens particuliers. Cela se traduit par deux moyens principaux.
a. Une lutte sectorielle
Les Etats cherchent à endiguer le phénomène par une lutte sectorielle au
moyen de conventions internationales relatives à des domaines particuliers.
Actuellement, treize instruments juridiques internationaux ont été adoptés.
Ces conventions, pour la plupart, ne proposent pas de définition
internationale du terrorisme. Elles incitent les Etats à incriminer certains
comportements, qui sont perpétrés dans certains secteurs ou lieux, utilisant
certains moyens ou visant certaines cibles. Ces domaines, considérés par les
Etats comme vitaux, ont pu faire l’objet d’un consensus.
- S’agissant des secteurs d’activités et lieux dans lesquels sont
susceptibles d’être commis un acte de terrorisme, peuvent rentrer dans cette
128 Voir en ce sens : Marcelo G. Kohen, « Les controverses sur la question du "terrorisme d'Etat" » » in Karine Bannelier, Théodore Christakis, Olivier Corten, Barbara Delcourt, Le droit international face au terrorisme, CEDIN, Editions Pedone, Paris, 2002 pp. 83-93. 129 Tim Stephens « International criminal law and the response to international terrorism », UNSW Law Journal, Vol. 27, No. 2, pp. 454-481, 2004 p.458. 130 Face à la diversité des actes que le terme terrorisme peut recouvrir, il parait aujourd’hui indispensable de s’accorder sur une définition universelle. Ceci permettrait d’éviter les conflits de compétence (tant vertical qu’horizontal) ainsi que de garantir la répression de l’acte, une utilisation non politique de la situation, et l’indemnisation des victimes. Voir en ce sens : Thèse d’Abir Ghanem-Larson « Essai sur la notion d’acte terroriste en droit international pénal » dirigée par Xavier Philippe. Droit international public. Faculté d’Aix Marseille III, 2011.
40
catégorie : les conventions relatives au terrorisme aérien131 et au terrorisme
maritime132.
- S’agissant des moyens utilisés pour commettre l’acte de terrorisme,
peuvent rentrer dans cette catégorie : les conventions relatives à la prise
d’otages133, au domaine des explosifs134, au domaine nucléaire135 et au
financement du terrorisme136.
- S’agissant des cibles visées par l’acte de terrorisme, peuvent rentrer
dans cette catégorie : la convention relative aux personnes jouissant d’une
protection internationale137.
Il s’agit là d’un véritable « éparpillement conventionnel »138
Selon le professeur Jean-Marc Sorel, « Punir sans réellement définir »
semble alors être « l’attitude concrète de la communauté internationale »139.
Cependant, il est possible de nuancer ces propos. En effet, alors que les
conventions sectorielles élaborées dans le cadre de l’ONU privilégient
généralement une méthode inductive, la Convention internationale pour la
répression du financement du terrorisme de 1999 semble faire figure
131 Convention relative aux infractions et à certains autres actes survenant à bord des aéronefs du 14 septembre 1963 (et son protocole du 14 avril 2014), Convention pour la répression de la capture illicite d’aéronefs du 16 décembre 1970, Convention pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile du 23 septembre 1971 (et son protocole du 24 février 1988 pour la répression des actes illicites de violence dans les aéroports servant à l’aviation civile), Convention sur la répression des actes illicites dirigés contre l’aviation civile internationale du 10 septembre 2010 (et son protocole de la même date). 132 Convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime du 10 mars 1988 (et son protocole du 14 octobre 2005) et son Protocole pour la répression d’actes illicites contre la sécurité des plateformes fixes situées sur le plateau continental du 10 mars 1989 (et son protocole du 14 octobre 2005). 133 Convention internationale contre les prises d’otages du 17 décembre 1979 134 Convention sur le marquage des explosifs plastiques et en feuilles aux fins de détection du 1er mars 1991 et Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l’explosif du 15 décembre 1997 135 Convention sur la protection physique des matières nucléaires du 3 mars 1980 (et son amendement du 8 juillet 2005) et Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire du 13 avril 2005 136 Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme du 9 décembre 1999 137 Convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d’une protection internationale du 14 décembre 1973 138 Mario Bettati, Le terrorisme : les voies de la coopération internationale, Odile Jacob, Paris, 2013, p.112 139 Jean Marc Sorel, « Existe-t-il une définition universelle du terrorisme ? » in Karine Bannelier, Théodore Christakis, Olivier Corten, Barbara Delcourt, Le droit international face au terrorisme, CEDIN, Editions Pedone, Paris, 2002 p. 44
41
d’exception et a prétention à l’universel140. Cette Convention propose une
ébauche de définition générale du terrorisme en complétant les définitions des
actes de terrorisme des conventions sectorielles. Est visé :
Tout (…) acte destiné à tuer ou blesser grièvement un civil,
ou toute autre personne qui ne participe pas directement
aux hostilités dans une situation de conflit armé, lorsque,
par sa nature ou son contexte, cet acte vise à intimider une
population ou à contraindre un gouvernement ou une
organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir
d’accomplir un acte quelconque. 141
Cette définition a d’ailleurs été reprise, pour partie, par la Cour suprême du
Canada dans le jugement Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté de
l’Immigration)142 . Cependant, elle n’est pas exempte de tout reproche. Il est,
en effet, possible de regretter la référence aux situations de conflits armés qui
limite considérablement sa portée143.
b. Une lutte géographiquement fractionnée
Les Etats tentent, également, de combattre le terrorisme par une lutte
géographiquement fractionnée selon les régions.
C’est ainsi que l’Organisation des Etats américains144, l’Organisation de
l’unité africaine145, la Ligue des Etats arabe146, l’Organisation de la Conférence
140 Tim Stephens « International Criminal Law and the Response to International Terrorism » New South Wales Law Journal, 2004, p.4 141 Art 2 de la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme signée à New-York le 9 décembre 1999. 142 Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3 par. 98 Pierre-Olivier Marcoux dénonce le fait que la Cour surpême n‘ait utilisé qu’une partie de la définition donnée par la Convention. Voir en ce sens : Pierre-Olivier Marcoux « La lutte au terrorisme international au Canada Panopticon ou Banopticon ? » Lex Electronica, vol. 11 n°1, Printemps 2006) 143 Mémoire de Jean-Paul Sikeli, La lutte contre le terrorisme en droit international, Université d’Abidjan-Cocody, DEA droit public 2006. 144 Convention pour la prévention ou la répression des actes de terrorisme qui prennent la forme de délits contre les personnes ainsi que de l'extorsion connexe à ces délits lorsque de tels actes ont des répercussions internationales du 2 février 1971 145 Art. 2 de la Convention de l’OUA sur la Prévention et la Lutte contre le Terrorisme adoptée le 14 juillet 1999. 146 Art. 1 de la Convention arabe pour la lutte contre le terrorisme signée le 22 avril 1998
42
islamique147, le Conseil de l’Europe ou encore l’Union européenne ont décidé
de lutter contre le terrorisme par une coopération étroite entre leurs membres.
Les Etats qui composent chacune de ces organisations ont adopté des
conventions relatives au terrorisme dont certaines fournissent une définition du
terrorisme. Il semble ainsi plus aisé d’adopter une telle définition au niveau
régional.
Seule la coopération européenne sera ici abordée148.
- Cette coopération s’est d’abord organisée dans le cadre du Conseil de
l’Europe. En effet, le Conseil de l’Europe a élaboré plusieurs conventions
spécifiques destinées à lutter contre le terrorisme. Parmi ces textes, la
Convention européenne pour la répression du terrorisme du 27 janvier 1977149
affirme la volonté des Etats de rendre efficace la répression des auteurs d’actes
de terrorisme. Pour cela, le texte énumère les actes réputés terroristes et
organise la procédure d’extradition des auteurs150. La recommandation 1426
(1999) du Conseil de l’Europe définit le terrorisme comme « tout délit commis
par des individus ou des groupes recourant à la violence ou menaçant de
l’utiliser contre un pays, ses institutions, sa population en général ou des
individus concrets, qui, motivé par des aspirations séparatistes, par des
conceptions idéologiques extrémistes ou par le fanatisme ou inspiré par des
mobiles irrationnels et subjectifs, vise à soumettre les pouvoirs publics, certains
individus ou groupes de la société ou d’une façon générale l’opinion publique à
un climat de terreur »151 Plusieurs textes ont ensuite suivi, dans un souci de
prévenir les actes de terrorisme et de sanctionner efficacement leurs auteurs en
renforçant les moyens de coopération, notamment la Convention du Conseil de
l’Europe pour la prévention du terroriste du 16 mai 2005152.
147 Art. 1 de la Convention de l’Organisation de la Conférence islamique pour combattre le terrorisme international du 1er juillet 1999 148 Anne-Sophie Traversac « Les politiques européennes de lutte contre le terrorisme », Lutter contre le terrorisme aujourd’hui, RISEO 2015-2 149 Convention européenne pour la répression du terrorisme du 27 janvier 1977 STE n°090 150 Afin de ne pas faire obstacle à la coopération internationale, l’article 1 de la Convention européenne pour la répression du terrorisme affirme expressément que les infractions de terrorisme ne sont pas considérées comme des infractions politiques 151 Recommandation 1426 (1999) Démocraties européennes face au terrorisme du Conseil de l’Europe par. 5 152 Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terroriste du 16 mai 2005 STCE n°196
43
- A l’instar du Conseil de l’Europe, l’Union européenne a décidé de réagir
au terrorisme, certainement de façon plus rigoureuse depuis les attentats du
World Trade Center153. Qualifié de « véritable défi pour le monde et pour
l’Europe », le terrorisme est « plus que jamais objectif prioritaire pour l’Union
européenne »154. Dans un premier temps, le Conseil européen a adopté une
position commune155 dans lequel il définit notamment l’acte de terrorisme et la
notion de groupe terroriste. Puis, le Conseil européen a adopté une décision-
cadre relative à la lutte contre le terrorisme156, afin d’harmoniser les législations
nationales (seuls six pays étaient dotés d’une législation spécifique : la France,
l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Espagne, l’Italie et le Portugal). Très
récemment, le Parlement et le Conseil européen ont adopté une directive157 qui
reprend pour l’essentiel les dispositions des textes précédents mais en affinant
sa position au regard des derniers événements tragiques perpétrés en Europe.
L’acte de terrorisme est défini, très largement, comme :
1. Les actes intentionnels suivants (…) qui, par leur nature ou
leur contexte, peuvent porter gravement atteinte à un pays ou
à une organisation internationale lorsqu’ils sont commis dans
l’un des buts énumérés au paragraphe 2 :
a) les atteintes à la vie d'une personne pouvant entraîner la
mort;
b) les atteintes à l'intégrité physique d'une personne;
c) l'enlèvement ou la prise d'otage;
d) le fait de causer des destructions massives à une
installation gouvernementale ou publique, à un système
de transport, à une infrastructure, y compris un système
153 En réalité, la lutte contre le terrorisme relève de la compétence de l’Union européenne depuis le traité de Maastricht. L’ancien article K.1, désormais 29, du Traité de l’Union européenne, élève ainsi au rang de « question d’intérêt commun », « la coopération policière et judiciaire [en vue de] la prévention de la criminalité, organisée ou autre, et [de] la lutte ce phénomène, notamment le terrorisme ». 154 Conclusions et plan d’action du Conseil européen extraordinaire du 21 septembre 2001 155 Position commune du Conseil européen du 27 décembre 2001 relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme (2001/931/PESC) 156 Décision-cadre 2002/475/JAI du Conseil du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme. Par la suite, la liste des actes réputés terroristes a été modifiée par la décision-cadre 2008/919/JAI du 28 novembre 2008 pour y inclure la provocation publique à commettre une infraction terroriste, le recrutement et l’entrainement au terrorisme 157 Directive (UE) 2017/541 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2017 relative à la lutte contre le terrorisme et remplaçant la décision-cadre 2002/475/JAI du Conseil et modifiant la décision 2005/671/JAI du Conseil. Cette directive contient notamment l’obligation pour les Etats d’incriminer les voyages à des fins terroristes, l’organisation et la facilitation de ces voyages et le financement du terrorisme. Elle renforce également les droits des victimes du terrorisme.
44
informatique, à une plateforme fixe située sur le plateau
continental, à un lieu public ou une propriété privée,
susceptible de mettre en danger des vies humaines ou de
produire des pertes économiques considérables;
e) la capture d'aéronefs et de navires ou d'autres moyens de
transport collectifs ou de marchandises;
f) la fabrication, la possession, l'acquisition, le transport, la
fourniture ou l'utilisation d'explosifs ou d’armes y
compris d’armes chimiques, biologiques, radiologiques
ou nucléaires, ainsi que la recherche et le développement
pour ce qui est des armes chimiques, biologiques,
radiologiques ou nucléaires;
g) la libération de substances dangereuses, ou la
provocation d'incendies, d'inondations ou d'explosions,
ayant pour effet de mettre en danger des vies humaines;
h) la perturbation ou l'interruption de l'approvisionnement
en eau, en électricité ou toute autre ressource naturelle
fondamentale ayant pour effet de mettre en danger des
vies humaines;
i) l’atteinte illégale à l’intégrité d’un système, telle qu’elle
est visée par l’article 4 de la directive 2013/40/UE (…) et
l’atteinte illégale à l’intégrité des données, telle qu’elle
est visée à l’article 5 de ladite directive (…)
j) la menace de réaliser l'un des comportements énumérés
aux points a) à i).
2. Les buts visés au paragraphe 1 sont les suivants:
a) gravement intimider une population;
b) contraindre indûment des pouvoirs publics ou une
organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir
d'accomplir un acte quelconque;
c) gravement déstabiliser ou détruire les structures
politiques, constitutionnelles, économiques ou
sociales fondamentales d'un pays ou d’une
organisation internationale;
***
« Les points de vue sont tellement différents et les contextes tellement
divers qu’il s’est révélé à ce jour impossible pour la communauté internationale
d’en donner une définition acceptée de tous »158. Pour autant, cela n’empêche
pas les Etats, dans le cadre de la société internationale, de combattre le
158 Rapport d’activité de Madame Kalliopi K. Koufa, rapporteuse spéciale, Nations Unies, Sous-commission de la promotion et de la protection des droits de l’Homme, aout 2001
45
phénomène159. Une double coopération est mise en place. D’une part, une
coopération normative avec l’interdiction d’encourager des actes de
terrorisme160 et corrélativement l’obligation pour les Etats de prendre des
mesures internes pour lutter contre le phénomène161. D’autre part, une
coopération opérationnelle lors de l’enquête avec un échange de
renseignements et lors du jugement du terroriste avec notamment le mandat
d’arrêt international.
***
Malgré le consensus sur l’importance de criminaliser le terrorisme, les
Etats ont des conceptions différentes du phénomène, si bien qu’aujourd’hui
définir le terrorisme constitue un véritable défi pour la société internationale et
les législateurs nationaux162. En ce sens, Constance Grewe et Renée Koering-
Joulin font remarquer : « rarement comportement aura suscité autant de
consensus pour le réprimer et même sévèrement » mais que « dans le même
temps et non sans paradoxe, aucun n’aura rencontré si peu d’accord pour le
définir »163
Le terrorisme étant un phénomène variable et mouvant dans l’espace et
dans le temps, les textes sont régulièrement dépassés par la commission
d’attentats. Au fil des années, les auteurs d’actes changent, les personnes
visées diffèrent et les moyens d’action évoluent.
Au plan international, les Etats ont des conceptions si différentes du
phénomène qu’aucune définition générale du terrorisme n’a recueilli
l’assentiment de tous. La notion de terrorisme semble particulièrement délicate
159 Voir en ce sens : Alain Bauer et Christophe Soullez, Terrorismes, Dalloz, Paris, 2015. 160 Résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies du 9 décembre 1985 A/RES/40/61. Le paragraphe 6 « demande à tous les Etats de se conformer à l’obligation qui leur incombe, en vertu du droit international, de s’abstenir d’organiser ou d’encourager des actes de terrorisme dans d’autres Etats, d’y aider ou d’y participer, ou de tolérer sur leur territoire des activités organisées en vue de l’exécution de tels actes » 161 Résolution du Conseil de Sécurité du 28 septembre 2001 S/RES/1373 (2001) et les diverses conventions sectorielles relatives à la lutte contre le terrorisme. 162 La doctrine exprime largement la difficulté à définir le terrorisme. Ainsi, définir le terrorisme est une « entreprise périlleuse » selon Reynald Ottenhof (Reynald Ottenhof, « Le droit pénal français à l'épreuve du terrorisme » RSC 1987 p.613) 163 Grewe Constance et Renée Koering-Joulin. « De la légalité de l’infraction terroriste à la proportionnalité des mesures antiterroristes » in Mélanges G. Cohen-Jonathan, Liberté, justice, tolérance, Bruxelles, Bruylant, 2004 p. 900-906
46
à circonscrire pour la société internationale. Face à cette problématique, les
Etats tentent alors, d’endiguer le terrorisme par la mise en place d’une lutte
sectorielle et géographiquement fractionnée.
Au plan national, comme la plupart des Etats, la France et le Canada possèdent
des définitions légales du terrorisme. Cependant, au fil des attentats, un
mouvement d’extension des définitions est observable jusqu’à englober tout
comportement qui présente un lien, plus ou moins diffus, avec le phénomène.
Une telle conception est dangereuse, notamment parce qu’il en va de
l’application d’un régime dérogatoire au droit commun susceptible de porter
atteinte aux droits fondamentaux.
47
II. LA TENEUR DE LA CONCILIATION : UN AMENAGEMENT DES MESURES D’ENQUETE AU DETRIMENT DES DROITS FONDAMENTAUX
_______________________________________________________________
Face à la menace, les Etats doivent adopter une législation efficace afin
de prévenir les actes de terrorisme et le cas échéant, sanctionner leurs auteurs.
La réaction de la communauté internationale sera laissée de côté au profit de
l’étude comparée des réactions françaises et canadiennes.
Quelles sont les règles applicables à un individu soupçonné d’avoir commis,
tenté de commettre ou de vouloir commettre un acte de terrorisme ?
Les législateurs nationaux ont fait le choix de la procédure pénale
dérogatoire au droit commun, et ce quelle que soit l’étape du procès : lors de
phase d’enquête et lors de la phase de jugement. Seule la phase de l’enquête
sera abordée ici.
Durant cette étape procédurale, un ensemble de mesures sont accomplies par
les services de police, sous le contrôle de l’autorité judiciaire, afin de réunir des
éléments utiles à la manifestation de la vérité. En matière de terrorisme, les
législateurs nationaux ont souhaité doter les autorités policières et judiciaires de
moyens plus adaptés et plus efficaces. Pour cela, ils ont aménagé les règles
classiques afférentes aux mesures d’enquête.
Cependant, ces aménagements entrainent vraisemblablement une limitation
des droits fondamentaux et des libertés individuelles, ce qui est peu concevable
dans des Etats démocratiques tels que la France et le Canada. Magistrats et
policiers se voient reconnaitre d’une part, des pouvoirs coercitifs principalement
attentatoires à la liberté individuelle (comme l’arrestation et la garde à vue) (A)
et d’autre part, des pouvoirs d’investigations principalement attentatoires à la
vie privée (comme les perquisitions, les écoutes téléphoniques ou l’audience
d’investigation) (B)
48
Afin de concilier les impératifs de lutte contre le terrorisme et la
protection des droits fondamentaux, les législateurs conditionnent et encadrent
particulièrement la mise en œuvre des mesures spéciales d’enquête. L’objectif
est de minimiser et rendre apparemment acceptables, les atteintes aux droits
des citoyens. Les juges constitutionnels vérifient le maintien du fragile équilibre
entre sécurité et liberté en contrôlant la constitutionnalité des législations
adoptées et la légalité des actions menées sur leurs fondements.
A) Les mesures coercitives : principalement attentatoires à la liberté
individuelle
_____________________________________________________________
Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, magistrats et policiers
peuvent avoir recours à des mesures coercitives qui ont été adaptées à ce type
de criminalité. Ces mesures portent principalement atteinte à la liberté
individuelle. L’arrestation (1) et la garde à vue (2) sont les principales.
1. L’arrestation
a. L’arrestation en droit canadien
L’arrestation est une mesure privative de libertés qui existe depuis de
nombreuses années au Canada164. L’arrestation se définit comme le « fait
d’appréhender une personne (avec ou sans mandat) en recourant, si
nécessaire, à la force physique en vue de la mettre sous le contrôle des
autorités judiciaires »165 .
Au Canada, l’arrestation d’un individu peut être effectuée par un
citoyen166 ou par un agent de la paix167. La loi antiterroriste ne modifie pas le
régime de l’arrestation effectuée par un simple citoyen, seule l’arrestation par
164 Le droit d’effectuer une arrestation était traditionnellement prévu par la common law et a été inséré en 1892 dans le Code criminel à l’article 552. 165 Hubert Reid, Dictionnaire de droit québécois et canadien, 2ème tirage, Montréal, Wilson & Lafleur, 1994, p. 40 166 Art 464 C.cr 167 Art 495 C. cr
49
un agent de la paix sera donc abordée. L’appréhension de la personne par
l’agent de la paix peut se faire avec ou sans mandat168.
L’arrestation étant une entrave à la liberté individuelle, elle est soumise à
plusieurs conditions à défaut desquelles elle sera déclarée arbitraire en vertu de
l’article 9 de la Charte canadienne des droits et libertés. En matière de lutte
contre le terrorisme, le législateur a atténué les exigences traditionnelles.
a.1. L’arrestation de droit commun
Selon le droit commun, l’agent de la paix peut effectuer une arrestation
avec ou sans mandat, en fonction de la situation.
- Tout d’abord, l’arrestation d’une personne peut s’effectuer avec un
mandat. Dans ce cas, l’agent de la paix doit déposer une dénonciation auprès
d’un juge de paix et devra démontrer l’existence de motifs raisonnables de
croire que la personne à arrêter a perpétré une infraction169. Le juge de paix qui
reçoit dénonciation, effectuera une pré-enquête170 et décernera, le cas échéant,
un mandat d’arrestation.
- Ensuite, l’agent de la paix peut procéder à l’arrestation d’un individu,
sans mandat171, s’il possède des motifs raisonnable de croire que cette
personne a commis un acte criminel, qu’elle est en train de commettre un acte
ou une infraction criminelle, qu’il y a un mandat d’arrestation émis à son
encontre.
Ainsi, le législateur exige que l’agent de la paix procédant à l’arrestation se
fonde sur des « motifs raisonnables de croire ». Partant, il est nécessaire
d’établir d’une part, que l’agent de la paix avait subjectivement des motifs
raisonnables de procéder à l’arrestation et d’autre part, qu’une personne
raisonnable placée dans la même situation, aurait estimé également qu’il
existait des motifs raisonnables172. L’exigence de posséder des motifs
168 Le mandat est défini comme un « ordre donné par un juge ou un officier de justice dûment autorisé enjoignant à un agent de la paix d’arrêter une personne accusée d’une infraction et de l’amener devant le tribunal pour qu’elle répondre de l’accusation portée contre elle. » - Hubert Reid, Dictionnaire de droit québécois et canadien, 2ème tirage, Montréal, Wilson & Lafleur, 1994, p.362 169 Arts 504 et 505 C. cr 170 Arts 507 et 508 C.cr 171 Art 495 C. cr 172 R. c. Storrey, [1990] 1 RCS 241 par. 15 et 16
50
raisonnables pour arrêter une personne est une garantie qui vise à protéger la
liberté individuelle des citoyens contre les mesures arbitraires.
La personne arrêtée bénéficie, à ce titre, de plusieurs droits énoncés à
l’article 10 de la Charte canadienne des droits et libertés. Ainsi, elle a le droit :
d’être informée dans les plus brefs délais des motifs de son arrestation (a) ;
d’avoir recours sans délai à l’assistance d’un avocat et d’être informée de ce
droit173 (b) ; et de faire contrôler, par habeas corpus, la légalité de sa détention
et d’obtenir le cas échéant sa libération (c).
Au cours de l’arrestation, l’agent de la paix pourra procéder à la fouille de
l’individu, sous certaines conditions. En principe, une fouille doit être autorisée
judiciairement, préalablement à son exécution, pour être valide174. A défaut,
d’un mandat, la recherche policière sera considérée comme abusive au sens de
l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés. Cependant, la common
law permet à un policier de fouiller une personne en état d’arrestation, sans
mandat et sans motifs raisonnables indépendants. La fouille doit être
véritablement accessoire à l’arrestation en ce sens que son but doit être lié à
celui de cette dernière175. L’objectif de l’agent de la paix procédant à la fouille
accessoire doit être : d’assurer sa sécurité ou celle de public, de découvrir des
éléments de preuve ou d’en empêcher la destruction176. Cette fouille est, en
principe, une fouille sommaire177. Elle peut toutefois être plus étendue sous
certaines conditions. Ainsi, la fouille à nu au poste de police pourra être
admise178. De même, l’agent de la paix pourra perquisitionner le téléphone de
la personne arrêtée dans certains cas179.
173 En principe, la personne arrêtée a immédiatement droit à l’assistance d’un avocat. Cependant, l’exercice de ce droit peut être retardé dans le temps en cas de menace pour la sécurité. Voir en ce sens : R. c. Suberu [2009] 2 R.C.S. 460 par. 42 et R. c. Strachan [1988] 2. R.C.S. 980 par. 34 174 Hunter c. Southman Inc., [1984] 2 R.C.S. 145 175 R. c. Caslake, [1998] 1 R.C.S. 51, par. 17 176 Ibid. par. 19 177 Pierre Béliveau et Martin Vauclair, Traité général de preuve et de procédure pénales, 22ème éd. par Martin Vauclair, Cowansville, Editions Yvon Blais, 2015, par. 946 178 R. c. Golden, [2001] 3 R.C.S. 679. Le fait que les policiers aient des motifs raisonnables de procéder à une arrestation ne leur confère pas automatiquement le pouvoir d’effectuer une fouille à nu. Il faut qu’il y ait des motifs supplémentaires permettant d’établir qu’elle est nécessaire dans les circonstances particulières de l’arrestation. 179 La common law permet de perquisitionner un téléphone lors d’une fouille incidente à une arrestation sous certaines conditions : l’arrestation doit être légale, la fouille doit être justifiée par un objectif valable, la nature et l’étendue de la fouille doivent être adaptés à son objectif, et
51
a.2. L’arrestation en matière de terrorisme
En matière de terrorisme, le législateur canadien a souhaité faciliter les
investigations et a donc assoupli les exigences traditionnelles. Comme en droit
commun, l’agent de la paix peut effectuer une arrestation avec ou sans mandat,
en fonction de la situation. Toutefois, la différence repose sur les motifs sur
lesquels l’agent de la paix se fonde pour l’effectuer.
- Tout d’abord, l’arrestation d’une personne soupçonnée d’une infraction
terroriste peut s’effectuer avec un mandat180. Dans ce cas, l’agent de la paix
doit déposer une dénonciation auprès d’un juge d’une Cour provinciale et
obtenir son accord. Il doit avoir eu l’autorisation préalable du Procureur général
et doit posséder à la fois « des motifs raisonnables de croire à la possibilité
qu’une activité terroriste soit entreprise » et « des motifs raisonnables de
soupçonner que l’imposition, à une personne, d’un engagement assorti de
conditions ou son arrestation aura vraisemblablement pour effet181 d’empêcher
que l’activité terroriste ne soit entreprise »
- Ensuite, l’arrestation d’une personne soupçonnée d’une infraction
terroriste peut s’effectuer sans obtenir mandat182. Dans ce cas, l’agent de la
paix doit avoir des « des motifs raisonnables de soupçonner que la mise sous
garde de la personne aura vraisemblablement pour effet de183 l’empêcher de se
livrer à une activité terroriste ». Afin de concilier l’efficacité des investigations et
le respect des droits fondamentaux, cette mesure doit s’inscrire dans un cadre
bien précis :
soit l’urgence de la situation184 rend difficilement réalisable le dépôt d’une
dénonciation alors que les motifs pour l’effectuer sont réunis. A l’issue de
les policiers doivent prendre des notes de ce qu’ils ont fait et trouvé. Voir en ce sens : R. c. Fearon., [2014] 3 R.C.S. 621 180 Arts 83.3 (1) (2) et (3) C. cr 181 Le projet de loi C-59 propose de modifier les termes « aura vraisemblablement pour effet » par une exigence plus contraignante « est nécessaire pour ». (Projet de loi C-59, présenté à la Chambre des Communes du Canada, 20 juin 2017.) 182 Art 83.3 (4) C. cr 183 Cf. note n°181 184 Le caractère urgent d’une situation n’a pas été défini en matière de terrorisme. Cependant, la jurisprudence a précisé la notion, notamment en matière de fouilles, perquisitions et saisies sans mandat. En effet dans le jugement R. c. Grant, la Cour suprême a affirmé « qu'il y a situation d'urgence s'il existe un risque imminent que les éléments de preuve soient perdus, enlevés, détruits ou qu'ils disparaissent si la fouille, la perquisition ou la saisie est retardée » (R. c. Grant, [1993] 3 R.C.S. 223 par 32). De même, la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt R. c. Kelsy a relevé deux situations en général urgentes. La première vise à prévenir la perte ou la
52
l’arrestation, l’agent de la paix aura toute de même l’obligation de déposer
une dénonciation à défaut de quoi l’individu arrêté sera relâchée185.
soit une dénonciation a été déposée et une sommation décernée186.
Ainsi, en matière de terrorisme, le législateur permet l’arrestation d’une
personne dès lors que l’agent de la paix a des motifs raisonnables de
soupçonner qu’elle a commis ou va commettre une infraction terroriste c’est-à-
dire pour des motifs moindres que ceux de droit commun187.
Il est possible de s’interroger sur la constitutionnalité de cette disposition.
Malgré l’absence de jurisprudence, certains éléments peuvent être présentés.
L’article 9 de la Charte canadienne protège les citoyens contre l’arrestation
arbitraire. Afin de respecter cette exigence, il faut prendre en compte deux
éléments : la légalité de la loi permettant l’arrestation et les motifs sur lesquels
se fonde la personne (agent de la paix ou citoyen) pour effectuer l’arrestation.
D’après la législation et la jurisprudence canadienne188, pour être valide,
l’arrestation doit être fondée sur des « motifs raisonnables » de croire qu’un
individu a commis ou va commettre une infraction. Cependant, en matière de
terrorisme, l’arrestation (avec ou sans mandat) se fonde seulement sur des
« soupçons raisonnables » c’est-à-dire sur un standard probatoire beaucoup
destruction d’une preuve. La deuxième situation vise les cas où la sécurité du public ou des forces policières est en jeu (R. c. Kelsy, [2011] O.J. No. 4159 par.24) Ainsi, transposé au terrorisme, il est possible de considérer qu’il y a urgence en cas de risque de commission d’une infraction terroriste et en cas de risque que la personne soupçonnée ou des éléments de preuve disparaissent. 185 Art 83.3 (5) C. cr 186 Il s’agit du cas où une dénonciation a déjà été déposée auprès d’un juge d’une Cour provinciale aux fins d’obtenir un mandat d’arrestation mais celui-ci a décerné une sommation à comparaitre. Dans cette situation, l’agent de la paix peut passer outre la décision du juge et arrêter l’individu sans mandat dès lors qu’il possède des soupçons suffisants. 187 Il convient de distinguer les ‘’motifs raisonnables de soupçonner’’ également appelés ‘’soupçons raisonnables’’ des ‘’motifs raisonnables de croire’’. La jurisprudence s’attarde à délimiter les contours de ces notions quelques peu floues. Voir en ce sens : R. c. MacKenzie, [2013] 3 R.C.S. 250, – R. c. Chehil, [2013] 2 R.C.S. 220, – R. c. Kang-Brown, [2008] 1 R.C.S. 456. Les deux notions doivent d’abord se distinguer des simples soupçons puisqu’une « croyance subjective sincère ne suffit pas » à les justifier (R. c. Kang-Brown par. 75 et R. c. MacKenzie par. 41). Ils doivent reposer sur des « faits objectivement discernables, qui peuvent ensuite être soumis à l’examen judiciaire » (R. c. Chehil par. 26 et R. c. MacKenzie par. 41). Cependant, la norme des motifs raisonnables et probables est plus exigeante que celle des soupçons raisonnables. En effet, les soupçons raisonnables « constituent une norme moins rigoureuse, puisqu’ils évoquent la possibilité – plutôt que la probabilité – raisonnable d’un crime » (R. c. Chehil par. 27 – R. c. Mackenzie par. 38 et R. c. Kang-Brown, par. 164) Ainsi par soupçons raisonnables, il faut entendre les motifs raisonnables « de croire qu’une personne pourrait être impliquée dans une infraction donnée, et non qu’elle l’est » (R. c. Mackenzie par. 74). 188 Pour la législation : art 495 C. cr – et pour la jurisprudence : R. c. Duguay [1989] 1 RCS 93.
53
moins élevé189. Or, la Cour suprême semble considérer qu’utiliser le standard
moindre du soupçon raisonnable pour fonder une arrestation est contraire à une
société démocratique190. Ainsi, l’arrestation en matière de terrorisme semble
par nature arbitraire et donc, la disposition parait contraire à l’article 9 de la
Charte canadienne191
L’article 10 de la Charte canadienne des droits et libertés garantit certains droits
à la personne arrêtée. Les lois antiterroristes n’ont prévu aucune limitation de
ces droits192 et semblent donc parfaitement constitutionnelles de ce point de
vue-là.
b. L’arrestation en droit français
La mesure d’arrestation existe également en droit français. Elle peut être
effectuée par un simple citoyen, dans certains cas193, ou par un officier de
police judiciaire, avec ou sans mandat.
b.1. L’arrestation dans le cadre d’une enquête.
Dans le cadre d’une enquête, un officier de police judiciaire, sous le
contrôle du procureur de la République, peut, dans certaines circonstances,
procéder à une arrestation. En matière de terrorisme, aucun aménagement n’a
été prévu par le législateur. Mais il semble intéressant de préciser certains
points à des fins de comparaison avec la législation canadienne.
- Dans le cadre d’une enquête de flagrance, l’officier de police judiciaire,
comme tout citoyen, peut appréhender l’auteur présumé d’une infraction194. Il
peut également faire comparaitre devant lui toute personne susceptible de
189 Cf. note n°187 190 R. c. Storrey, [1990] 1 RCS 241 où la Cour suprême affirme qu’ « en l’absence de cette importante mesure protectrice, même la société la plus démocratique ne pourrait que trop facilement devenir la proie des abus et des excès d’un Etat policier » (par. 14) Cette exigence constitue en effet « l’un des fondements de la protection des personnes arrêtées » (François Crépeau et Estibalitz Jimenez « L’impact de la lutte contre le terrorisme sur les libertés fondamentales au Canada » in Emmanuelle Bribosia et Anne Weyembergh (dir.) Lutte contre le terrorisme et droits fondamentaux, coll. Droit et Justice, Bruylant, Bruxelles, 2002, p.276) 191 Cependant, bien que la disposition semble contraire à l’article 9 de la Charte canadienne des droits et libertés, elle n’est pas inconstitutionnelle pour autant. En effet, l’atteinte à l’article 9 de la Charte peut être justifiée dans le cadre d’une société libre et démocratique en vertu de l’article 1er. Ceci sera laissé à l’appréciation souveraine des juges 192 Sous réserve des limitations de droit commun énoncées. Cf. note n° 175 193 Art 73 C proc pén, en cas d’infraction flagrante au sens de l’article 53 du même Code 194 loc. cit. et Arts 61 et 62 C proc pén.
54
fournir des renseignements, y compris par l’usage de la force avec l’autorisation
du procureur de la République. S’il n’existe aucune raison plausible de
soupçonner que la personne arrêtée a commis ou tenté de commettre une
infraction alors elle n’est qu’un simple témoin et ne peut être retenue que le
temps nécessaire à son audition. Au contraire, s’il existe des raisons plausibles
de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction alors elle
est mise en garde à vue.
- Dans le cadre d’une enquête préliminaire195, l’officier de police judiciaire
peut garder à vue toute personne à l’encontre de laquelle il existe une ou
plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de
commettre une infraction.
Ainsi, l’arrestation dans le cadre d’une enquête se fonde sur des « raisons
plausibles de soupçonner », standard équivalent aux motifs prévus, non pas par
le droit commun canadien, mais par la loi antiterroriste. La mise en œuvre de la
procédure d’arrestation semble donc plus simple en droit français.
b.2. L’arrestation dans le cadre d’un contrôle d’identité
Les officiers de police judiciaire peuvent, dans certaines circonstances,
contrôler l’identité d’une personne. S’il est impossible de la déterminer, ils
peuvent alors réaliser une vérification d’identité, mesure plus coercitive.
Le contrôle d’identité est une mesure par laquelle les officiers de police
judiciaire ou, sous leur autorité, les agents de police judiciaire, demandent à
des personnes se trouvant sur le territoire national la preuve documentaire de
leur identité196. La personne ainsi contrôlée doit se soumettre à ce contrôle et
pourra prouver son identité par tout moyen.
Les contrôles exercés peuvent être de deux ordres :
- Le contrôle judiciaire est effectué en cas d’infraction197. Dans ce cas,
l’officier de police judiciaire peut demander la justification d’identité de toute
personne à l’égard de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de
soupçonner : soit qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction ; soit
195 Art77 C proc pén 196 Art 78-1 C proc pén 197 Art 78-2 C proc pén
55
qu’elle se prépare à commettre un crime ou un délit ; soit qu’elle est susceptible
de fournir des renseignements utiles à l’enquête en cas de crime ou de délit ;
soit qu’elle a violé son contrôle judiciaire ou son assignation à résidence ; ou
soit qu’elle fait l’objet de recherches ordonnées par une autorité judiciaire.
Le contrôle peut également être autorisé sur réquisitions du procureur de la
République. Dans ce cas, l’officier de police judiciaire peut contrôler l’identité de
toute personne, quel que soit son comportement, dans un lieu et une période
de temps déterminés, par les réquisitions écrites du procureur de la
République, aux fins de recherche et de poursuite d’infractions précises. Ce
contrôle est soumis à plusieurs exigences : seul le procureur de la République
peut en décider, par des réquisitions écrites, où il précise les modalités
d’exécution (lieux et périodes de temps) ainsi que les infractions recherchées.
Pour certaines infractions graves, dont le terrorisme, un contrôle similaire peut
être effectué à des conditions plus souples198. En effet, dans ce cas,
contrairement au droit commun, le procureur de la République n’a pas besoin
de démontrer, pour prendre ses réquisitions, l’existence d’indices de
commission d’infraction, de risque de commission, ou d’un risque d’atteinte à
l’ordre public199. A titre de garantie, il est prévu que seul un officier de police
judiciaire peut procéder à un contrôle d’identité en application de cette
disposition200. Le Conseil Constitutionnel a déclaré ces dispositions conformes
aux exigences constitutionnelles201.
Dans le cadre de l’état d’urgence actuellement en vigueur en France, les
préfets ont également le pouvoir de délivrer des ‘’réquisitions’’ de contrôles
d’identité’’202. La décision du préfet doit être motivée et désigner avec précision
les lieux concernés ainsi que la durée de l’autorisation qui ne peut excéder
vingt-quatre heures. Cette décision est transmise sans délai au procureur de la
République.
- Le contrôle administratif ne fait pas suite à la commission d’une
infraction, il a une visée préventive et est donc potentiellement plus attentatoire
à la liberté individuelle. Ce contrôle peut s’adresser à toute personne, y compris
198 Art 78-2-2 C proc pén 199 Civ. 2ème, 19 février 2004, n° 03-50025, Bull. crim. 2004 II N° 70 p. 58 200 Civ. 1ère, 16 mars 2016 n°14-25.068 201 Décision n° 2016-606/607 QPC du 24 janvier 2017 - M. Ahmed M. et autre (consid. 15 à 31) 202 Art 8-1 de la loi n°55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, dans sa version issue de la loi n°2016-987 du 21 juillet 2016.
56
celle à l’encontre de laquelle il n’existe aucun soupçon quant à la commission
d’une infraction. Mais ces contrôles semblent nécessaires203 et peuvent être
mis en œuvre afin de prévenir un acte de terrorisme. Il existe plusieurs types de
contrôles administratifs. Le contrôle peut être effectué au nom de l’ordre
public204, et dans le cadre de Schengen205.
Si l’individu refuse ou se trouve dans l’impossibilité de justifier de son
identité, une procédure plus contraignante peut être mise en œuvre : la
vérification d’identité206. Dans ce cas, l’officier de police judiciaire peut retenir
l’intéressé sur place ou le conduire dans un local de police afin de vérifier son
identité, et ce pendant le temps strictement nécessaire à l’établissement de son
identité (au maximum quatre heures). L’intéressé peut prouver son identité par
tout moyen. Cependant, s’il continue de refuser à établir son identité, l’officier
pourra procéder à une véritable enquête pouvant aller jusqu’à la prise
d’empreintes et de photographies, avec autorisation du procureur de la
République.
Jusqu’à récemment, un contrôle d’identité ne permettait pas de fouiller
une personne (sauf palpation de sécurité), son sac ou son véhicule. Désormais,
depuis la loi du 3 juin 2016207, dans le cadre d’un contrôle d’identité, les officiers
de police judiciaire peuvent procéder à la fouille des bagages d’une personne
ou de son véhicule, sur autorisation du procureur de la République.
203 Lors des débats parlementaires relatifs à la loi du 24 aout 1993 n°93-1013 autorisant les contrôles administratifs, il a été rappelé l’importance pour les autorités de pouvoir procéder à de tels contrôles. Le rapporteur du projet de loi au Sénat rappelle que c’est « à la suite d'un banal contrôle de routine [que] de dangereux individus comme Maxime Frérot, l'artificier du groupe terroriste Action Directe » ont été arrêtés. Rapport Bonnet, Sénat, n°381 annexe au procès-verbal de la séance du 23 juin 1993, p. 3 204 Art 78-2 al 3 C proc pén. Dans ce cas, l’identité de toute personne, quel que soit son comportement, peut être contrôlée pour prévenir une atteinte à l’ordre public, notamment à la sécurité des personnes ou des biens. Ceci est très attentatoire à la liberté individuelle en ce sens que la loi n’exige pas de réquisitions du procureur de la République et s’adresse à toute personne au nom de l’ordre public 205 Art 78-2 al 4 C proc pén. La convention de Schengen du 19 juin 1990 a instauré une liberté de circulation des personnes dans plusieurs pays en Europe. Cependant, cette liberté présente le risque de faciliter, également, la circulation de criminels. Pour éviter cela, le législateur français a prévu un contrôle d’identité dans certaines zones délimitées telles que les frontières terrestres, les zones accessibles au public des ports, aéroports et gares… 206 Art 78-3 C proc pén 207 Loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale. Art 78-2-2 C proc pén. Jusqu’à cette loi, ces fouilles dépendaient du régime des perquisitions qui est beaucoup plus restrictif.
57
***
En matière de terrorisme, le législateur français a introduit une nouvelle
mesure afin de renforcer les pouvoirs des policiers lors des contrôles d’identité :
la retenue pour examen de la situation administrative208. Lorsqu’un contrôle ou
une vérification d’identité révèle qu’il existe des « raisons sérieuses de penser
que le comportement de l’individu peut être lié des activités à caractère
terroriste », il peut être retenu pendant le temps exigé par l’établissement de
son identité (maximum quatre heures). Le Procureur est informé dès le début
de la mesure et peut y mettre fin à tout moment. Au cours de cette période de
temps, l’officier de police judiciaire pourra consulter certains fichiers et
interroger les services à l’origine du signalement, ainsi que des organismes de
coopération internationale en matière de police judiciaire ou des services de
police étrangers. Il s’agit là de vérifier la situation d’une personne, et non plus
seulement son identité.
Cette mesure attentatoire à la liberté individuelle est cependant, entourée
d’un certain nombre de garanties et de droits pour la personne retenue. Tout
d’abord, le procureur de la République compétent est informé de cette retenue
dès son début. Il contrôlera cette rétention en ce sens qu’il peut y mettre fin à
tout moment. Ensuite, la personne retenue est informée de plusieurs éléments
notamment de ses droits dans une langue qu’elle comprend (le fondement légal
de son placement en retenue, la durée maximale de la mesure, le fait que la
retenue dont elle fait l’objet ne peut donner lieu à audition et qu’elle a le droit de
garder le silence, et le fait qu’elle bénéficie du droit de faire prévenir toute
personne de son choix ainsi que son employeur). Egalement, l’officier de police
judiciaire mentionne dans un procès-verbal un certains nombres d’informations
(les motifs qui justifient la vérification de la situation administrative, les
conditions dans lesquelles la personne a été présentée devant lui, informée de
ses droits et mise en mesure de les exercer. Il précise également les éléments
horaires de la procédure : jour et heure du début et de la fin de la vérification et
sa durée) qui est ensuite transmis au procureur de la République. Enfin et
surtout, la personne concernée ne pourra faire l’objet d’aucune audition.
208 Art 78-3-1 C proc pén. issu de la loi n°2016-731 du 3 juin 2016. Voir en ce sens le Rapport Mercier, Lutte contre le crime organisé et le terrorisme, Sénat, n°491, 23 mars 2016, p.169
58
Lors de son adoption, cette disposition a fait l’objet de vives critiques. En
effet, certains considèrent que cette mesure est une garde à vue déguisée,
privant la personne concernée de sa liberté individuelle sans les garanties
nécessaires209. A l’heure actuelle, la rétention pour examen de la situation
administrative n’a pas été soumise au contrôle du Conseil Constitutionnel.
Cependant, malgré les critiques, il est possible de penser que le juge
constitutionnel considérera que cette mesure ne porte pas une atteinte
excessive à la liberté individuelle compte tenu de sa durée et des garanties
minimales qui y sont attachées.
2. La garde à vue
a. La garde à vue en droit français
La garde à vue se définit comme une mesure de contrainte décidée par
un officier de police judiciaire, sous le contrôle de l’autorité judiciaire, qui
impose à une personne de demeurer dans les locaux de police pour les
nécessités de l’enquête ou de l’instruction, durant les délais fixés par la loi, afin
de l’interroger sur les faits ou de réaliser des actes d’investigations nécessitant
sa présence.
Cette mesure privative de liberté peut être imposée à toute personne en
l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de
soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni
d'emprisonnement. Elle doit être l’unique moyen de parvenir à l’un des six
objectifs fixés par la loi210
La garde à vue étant une mesure particulièrement attentatoire à la liberté
individuelle, elle est très encadrée juridiquement. Cependant en matière de
terrorisme, le régime de la garde à vue diffère du droit commun, tant par sa
209 L’avocat et député, Patrick Devedjian a ainsi affirmé « Vous inventez la rétention sans garantie pour ne pas avoir les contraintes de la garde à vue ». De même, Jean-Yves Le Bouillonnec a souligné « On ne peut pas priver de liberté sans des règles extrêmement strictes, ça s'appelle la garde à vue » Voir également : Avis du Défenseur des droits n°16-08 du 16 mars 2016 pp. 8-11 et Avis de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme sur le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale du 17 mars 2016 pp. 7 à 10 210 Art 62-2 C proc pén.
59
durée (a.1) que par les droits qui sont reconnus à la personne concernée
(a.2)211
a.1. Les modalités d’exécution de la garde à vue : la durée de la
mesure
En matière de terrorisme, la principale dérogation du régime de la garde
à vue concerne sa durée. Fixée à 48 heures avec prolongation en droit
commun et à 96 heures avec prolongation en matière de criminalité organisée,
la garde à vue peut aller jusqu’à 144 heures, soit six jours, en matière de
terrorisme.
- En droit commun212, la mesure de garde à vue est décidée par l’officier
de police judiciaire, d’office ou sur instruction du procureur de la République. Sa
durée ne peut excéder vingt-quatre heures. Toutefois, la garde à vue peut être
prolongée pour un nouveau délai de vingt-quatre heures maximum, sur
autorisation écrite et motivée, du procureur de la République ou du juge
d’instruction en cas d’enquête sur commission rogatoire. Cette prolongation
n’est possible que si trois conditions sont cumulativement réunies. D’abord, la
personne gardée à vue doit être soupçonnée d’avoir commis ou tenté de
commettre un crime ou un délit d’une peine supérieure ou égale à un an
d’emprisonnement. Ensuite, la prolongation doit être l’unique moyen de parvenir
à l’un des objectifs de la garde à vue énumérés par la loi213. Enfin, la personne
gardée à vue doit être présentée au magistrat en charge du contrôle (si besoin
au moyen de la télécommunication audiovisuelle)
- En matière de criminalité organisée, la loi du 9 mars 2004214 a instauré
une garde à vue dérogatoire au droit commun215. Ainsi si les nécessités de
211 Ces dispositions dérogatoires ne s’appliquent pas à certaines infractions pourtant qualifiées de terrorisme. En effet, l’article 706-24-1 du Code de procédure pénale prévoit expressément que le régime spécifique de garde à vue ne s’applique pas pour les infractions de provocation et apologie du terrorisme (art 421-2-5 C pén.), pour le fait d’extraire, reproduire et transmettre des données faisant l’apologie ou provoquant au terrorisme (art 421-2-5-1 C pén.) et pour le fait de consulter un site faisant l’apologie ou provoquant au terrorisme (art 421-2-5-2 C pén.). Le législateur a soumis ces infractions au droit commun, sans doute en application des principes constitutionnels de proportionnalité et de nécessité 212 Art 63 C proc pén. 213 Art 62-2 C proc pén. 214 Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
60
l’enquête ou de l’instruction l’exigent, la garde à vue peut faire l’objet soit de
deux prolongations supplémentaires de vingt-quatre heures chacune, soit d’une
prolongation supplémentaire de quarante-huit heures. La durée de la garde à
vue peut donc aller jusqu’à quatre-vingt-seize heures, soit quatre jours. Ces
prolongations sont accordées, par décision écrite et motivée, par le juge des
libertés et de la détention, à la requête du procureur de la République, ou par le
juge d’instruction en cas d’information. Le Conseil Constitutionnel216 a admis la
validité constitutionnelle d’un tel régime et a jugé que ces dispositions ne
portaient pas une atteinte excessive à la liberté individuelle.
- En matière de terrorisme217, s’il ressort des premiers éléments de
l’enquête218 qu’il existe un « risque sérieux de l’imminence d’une action
terroriste en France ou à l’étranger » ou que les « nécessités de la coopération
internationale le requièrent impérativement », la garde à vue peut aller jusqu’à
cent quarante-quatre heures, soit six jours au total. En effet, le juge des libertés
et de la détention ou le juge d’instruction, peut dans ces cas, ajouter aux
prolongations spécifiques à la criminalité organisée, deux prolongations
supplémentaires, d’une durée de vingt-quatre heures chacune.
Bien que pour une partie de la doctrine elle soit « indigne d’une
démocratie »219, la garde à vue d’une durée de six jours en matière de
terrorisme trouve une justification. Le terrorisme est une criminalité clandestine,
organisée et désormais internationale, de sorte que les enquêteurs doivent
disposer de moyens plus coercitifs à l’encontre des personnes soupçonnées
d’avoir commis ou de vouloir commettre un acte terroriste.
Afin de concilier les impératifs de lutte contre le terrorisme et la liberté
individuelle des citoyens, le législateur français conditionne et encadre la mise
en œuvre de la prolongation de la durée de garde à vue. Tout d’abord, la
prolongation de la garde vue doit être nécessaire c’est-à-dire qu’il doit exister
215 Art 706-88 C proc pén. Cependant, cette loi ne crée aucune nouveauté en ce sens qu’une telle garde à vue dérogatoire existait déjà en matière de terrorisme et de trafic de stupéfiants. En ce sens : Décision n°86-213 DC du 3 septembre 1986 (consid. 17) 216 Décision n°2004-492 DC du 2 mars 2004 (consid. 23 à 27) 217 Art 706-88-1 C proc pén. 218 La notion d’enquête doit être prise au sens large puisque cette prolongation peut être mise en œuvre au cours de tous les types d’enquêtes c’est-à-dire lors de l’enquête de flagrance, préliminaire ou sur commission rogatoire. 219 Gildas Roussel, Procédure pénale, Vuibert Droit, 7ème ed., 2017, p. 698
61
un « risque sérieux de l’imminence d’une action terroriste en France ou à
l’étranger » ou que les « nécessités de la coopération internationale le
requièrent impérativement ». Ensuite et surtout, la prolongation est soumise à
autorisation. En effet, la prolongation ne peut être accordée que par le juge des
libertés et de la détention, sur demande du procureur de la République, ou par
le juge d’instruction. Ainsi la décision ne peut être prise que par un magistrat du
siège en raison du degré d’atteinte à la liberté individuelle de la personne
gardée à vue220
La légitimité de la prolongation de la garde à vue en matière terroriste a
très tôt été reconnue par le Conseil Constitutionnel221. Le régime de la
prolongation exceptionnelle de la garde à vue, en matière de terrorisme, a
également été validé par le Conseil Constitutionnel. Après avoir rappelé qu’il
avait déjà déclaré les six premiers alinéas de l’article 706-88 conformes à la
Constitution222, le Conseil Constitutionnel considère que les alinéas 7 à 10 de
l’article « ne portent atteinte à aucun droit ou liberté que la Constitution
garantit » dès lors que la prolongation exceptionnelle de la garde à vue « ne
peut être autorisée que pour permettre d’empêcher la réalisation d’un action
220 Le Conseil Constitutionnel considère qu’au-delà de la quarante huitième heure de garde à vue, « l’intervention d’un magistrat du siège » est « nécessaire conformément aux dispositions de l’article 66 de la Constitution » Voir en ce sens : Décision n°80-127 DC du 20 janvier 1981 (consid. 25). En vertu de sa jurisprudence traditionnelle, la Cour européenne des droits de l’Homme considère que seuls les magistrats du siège sont membres de l’autorité judiciaire (gardienne de la liberté individuelle en vertu de l’article 66 de la Constitution française). Voir en ce sens : CEDH, Gde ch., 29 mars 2010, Medvedyev et autres c. France, req. n° 3394/03 (par.124) et CEDH, 5e Sect., 23 novembre 2010, Moulin c. France, Req. n° 37104/06 (par. 56 à 59) 221 Décision n° 86-213 DC du 3 septembre 1986 (consid. 15 à 17). Le Conseil Constitutionnel avait été saisi par soixante sénateurs qui considéraient que la disposition, permettant la prolongation de la garde à vue à quatre-vingt-seize heures à l’époque, violait la liberté individuelle. Ils ne contestaient pas le principe même de la prolongation de la garde à vue mais seulement les garanties qui y étaient attachées (l’absence d’examen médical et l’absence de présentation physique du gardé à vue à un magistrat du siège). Le Conseil Constitutionnel va d’une part, considérer que les garanties prévues par le législateur sont suffisantes et va d’autre part, plus loin, en affirmant la nécessité d’une telle prolongation en la matière. Pour plus de précisions : François Loloum et Patrick Nguyen Huu. Le Conseil Constitutionnel et les réformes du droit pénal en 1986. RSC. 1987, p.567 222 En effet, le Conseil Constitutionnel avait jugé dans la Décision n°2004-492 DC du 2 mars 2004 que les dispositions permettant la prolongation de la garde à vue à quatre-vingt-seize heures, à l’époque, pour plusieurs infractions de criminalité organisée, dont le terrorisme (qui était déjà soumis à cette dérogation), ne portaient pas une atteinte excessive à la liberté individuelle. Il a considéré ces dispositions conformes à la Constitution car elles « concerne[nt] des enquêtes portant sur des infractions déterminées appelant, en raison de leur gravité et de leur complexité, des investigations particulières » (consid. 25) et qu’elles sont entourées par des garanties suffisantes. Ici, il rappelle qu’en l’absence de changement des circonstances depuis cette décision, il n’y a pas lieu de procéder à un nouvel examen de ces dispositions
62
terroriste en France ou à l’étranger dont l’imminence a été établie (…) [et ainsi]
(…) être mise en œuvre qu’à titre exceptionnel pour protéger la sécurité des
personnes et des biens contre une menace terroriste imminente et précisément
identifiée ». Il précise également qu’elle est « décidée par le juge des libertés à
qui il appartient de vérifier que les circonstances précises fixées par ces
dispositions sont réunies [et] que, dans ces conditions et compte tenu des
garanties fixées par le législateur, ces dispositions respectent le principe,
découlant de l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de
1789, selon lequel la liberté individuelle ne saurait être entravée par une rigueur
qui ne soit nécessaire, et de l’article 66 de la Constitution qui confie à l’autorité
judiciaire la protection de la liberté individuelle »223. Ainsi le Conseil
Constitutionnel considère que l’équilibre entre les impératifs de lutte contre le
terrorisme et les droits fondamentaux (ici la liberté individuelle) est maintenu par
le législateur qui encadre suffisamment la mise en œuvre de cette prolongation
(d’une part, par son caractère exceptionnel et d’autre part, par le contrôle
effectué par un juge du siège).
La prolongation exceptionnelle de la garde à vue en matière terrorisme
semble également conforme aux exigences conventionnelles. Tout d’abord,
l’article 5 paragraphe 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme
énonce que « toute personne arrêtée ou détenue (…) doit être aussitôt traduite
devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions
judiciaires ». Conformément à cette exigence de délai raisonnable, l’individu
placé en garde à vue est présenté à un magistrat à l’issue de vingt-quatre
heures. Ensuite, dans l’arrêt Schiesser224, la Cour a précisé que pour être
compétent, le magistrat doit offrir des « garanties appropriées aux fonctions
‘’judiciaires’’ que la loi lui attribue (…) la première d’entre elles résidant dans
l’indépendance à l’égard de l’exécutif et des parties ». Conformément à cette
exigence, la prolongation de la garde à vue en matière de terrorisme est
décidée par le juge des libertés et de la détention ou le juge d’instruction, tous
deux magistrats du siège.
223 Décision n°2010-31 QPC du 22 septembre 2010 M. Brulent A. et autres (consid 5) 224 CEDH, Ch. 4 décembre 1979,Schiesser c. Suisse, Req. n° 7710/76 (par. 30 et 31)
63
Mais comme Pierre Mazeaud225, il est possible de s’interroger sur la
« question des limites au-delà desquelles la durée de la garde à vue ne pourrait
plus être constitutionnelle admise ». Selon lui « on approche désormais des
limites ultimes ».
a.2. Les droits de la personne placée en garde à vue
En droit commun, l’individu placé en garde à vue bénéficie de plusieurs
droits: il a le droit à une information immédiate (notamment sur le placement en
garde à vue, sa durée et la possibilité de prolongation ; les motifs justifiant son
placement ainsi que la qualification – date et lieu présumé de l’infraction) dans
une langue comprise par lui ; le droit au silence (droit de faire des
déclarations ; de répondre aux questions ou de se taire) ; des garanties
sanitaires (droit d’être examiné par un médecin) ; le droit à l’information des
proches (droit de faire prévenir un proche désigné ou son employeur) ; le droit
d’être assisté par un avocat ou un interprète ; le droit de consulter certains
documents et le droit de présenter des observations pour qu’il soit mis fin à la
garde à vue226.
Toutefois, en raison de la gravité et du caractère exceptionnel des infractions
de terrorisme, ces droits ont fait l’objet d’aménagements.
D’une part, des garanties supplémentaires ont été accordées à l’individu
placé en garde à vue. Ainsi, la personne gardée à vue doit obligatoirement être
présentée au magistrat compétent qui statue sur la prolongation, préalablement
à cette décision227. Une fois la prolongation autorisée, l’individu doit être
examiné par un médecin qui devra se prononcer sur la compatibilité de la
prolongation de la mesure avec l’état de santé de l’intéressé228. Enfin, s’il n’a
pas été fait droit à sa demande de faire prévenir un proche, la personne gardée
225 Pierre Mazeaud. La lutte contre le terrorisme dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Intervention lors de sa visite à la Cour suprême du Canada du 24 au 26 avril 2006, Document du Conseil Constitutionnel, [en ligne], p. 10 226 Art 63-1 C proc pén. 227 Art 706-88 al 3 C proc pén. 228 Art 706-88-1 al 3 C proc pén.
64
à vue peut réitérer cette demande à compter de la quatre-vingt-seizième
heure229.
D’autre part, certains des droits accordés à l’individu placé en garde à
vue se sont vu limiter dans le cadre du terrorisme.
La loi du 5 mars 2007230 avait instauré une garantie supplémentaire pour la
personne gardée à vue en prévoyant l’enregistrement audiovisuel obligatoire
des auditions, effectuées dans un local de police ou de gendarmerie, des
individus mis en cause pour crime. Cependant, le législateur avait exclu
expressément de cette obligation d’enregistrement, les auditions d’une
personne mise en cause pour un crime terroriste, sauf décision contraire du
procureur de la République ou du juge d’instruction. Le Conseil Constitutionnel
a déclaré cette disposition inconstitutionnelle car méconnaissant le principe
d’égalité231 .
Le droit accordé au gardé à vue le plus limité en matière de terrorisme est sans
aucun doute, le droit à l’assistance d’un avocat. Le droit à l’assistance de
l’avocat est certainement le droit le plus important reconnu au gardé à vue232.
Droit essentiel de l’individu placé en garde à vue, il a cependant été très limité
en matière de terrorisme.
- La présence de l’avocat en garde à vue. Traditionnellement, la loi du 24
aout 1993233 privait les individus suspectés d’acte de terrorisme de l’assistance
d’un avocat pendant la garde à vue. Cependant, le Conseil Constitutionnel a,
heureusement, censuré cette disposition, la jugeant, contraire au principe
d’égalité : « Considérant en revanche que dénier à une personne tout droit à
s’entretenir avec un avocat pendant une garde à vue à raison de certaines
infractions, alors que ce droit est reconnu à d’autres personnes dans le cadre
229 Art 706-88-1 al 4 C proc pén. En droit commun, la personne a le droit de faire prévenir de son placement en garde à vue, par téléphone l’une des personnes énumérées par la loi (art 63-2 C proc pén.) Cependant, l’officier de police judiciaire, peut, en raison des nécessités de l’enquête, solliciter l’autorisation de différer un tel avis (article 63-2 al 2 C proc pén.). En matière de lutte contre le terrorisme, cet avis peut être différé jusqu’à la quatre-vingt-seizième heure. 230 Loi n°2007-291 du 5 mars 2007 – anciennement art 64-1 al 7 C proc pén. 231 Décision n°2012-228/229 QPC du 6 avril 2012 M. Kiril Z (consid. 9) 232 En droit commun, le droit à la présence d’un avocat dès le début de la garde à vue a été reconnu par la loi n°93-2 du 4 janvier 1993. Cependant, quelques mois plus tard, la loi n°93-1013 du 24 aout 1993, a modifié ce droit en n’autorisant l’entretien qu’après 20 heures de garde à vue. Il faudra attendre la loi n°2000-516 du 15 juin 2000 pour permettre à l’individu placé en garde à vue de bénéficier de l’assistance de l’avocat dès le début de la mesure. 233 Loi n°93-1013 du 24 aout 1993 modifiant la loi n°93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale
65
d’enquêtes sur des infractions différentes punies de peines aussi graves et dont
les éléments de fait peuvent se révéler aussi complexes, méconnait, s’agissant
d’un droit de la défense, l’égalité des justiciables ; que dès lors (…) [la
disposition] est contraire à la Constitution »234 . Si le législateur ne peut
supprimer le droit à l’avocat au nom du principe d’égalité, il peut néanmoins
organiser son assistance.
- Le choix de l’avocat. Dans une volonté de limiter toujours plus les droits
de la défense du gardé à vue en matière de terrorisme, la loi du 14 avril 2001235
avait altéré la liberté de choix de l’avocat. Inspiré de la législation espagnole236,
l’article 706-88-2 du Code de procédure pénale prévoyait que le juge des
libertés et de la détention, saisi par le procureur de la République, ou le juge
d’instruction, pouvait décider que l’avocat assistant le suspect serait désigné
par le bâtonnier sur une liste d’avocats habilités, établie par le bureau du
Conseil national des barreaux sur proposition des conseils de l’ordre de chaque
barreau. Un décret avait déterminé les modalités d’application de ces
dispositions237. Ces dispositions altéraient donc particulièrement le principe de
libre choix de l’avocat, compris dans les droits de la défense. Le Conseil
Constitutionnel a considéré que cette disposition était contraire à la
Constitution. Il rappelle dans un premier temps que : « Si la liberté, pour la
personne soupçonnée, de choisir son avocat peut, à titre exceptionnel, être
différée pendant la durée de sa garde à vue afin de ne pas compromettre la
recherche des auteurs de crimes et délits en matière de terrorisme ou de
garantir la sécurité des personnes, il incombe au législateur de définir les
conditions et les modalités selon lesquelles une telle atteinte aux conditions
d’exercice des droits de la défense peut être mise en œuvre ». Néanmoins,
234 Décision n°93-326 DC du 11 aout 1993 (consid. 15) 235 Loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue 236 Voir en ce sens : Sénat, Document de travail, Série Législation comparée, LC n°204, décembre 2009, p.33. En matière de terrorisme le juge espagnol peut décider de la mise au secret. Sous ce régime, les personnes effectuant la garde à vue ne bénéficient pas de tous les droits fondamentaux prévus par le Code de procédure pénale espagnole notamment le libre choix de l’avocat 237 Décret n° 2011-1520 14 novembre 2011 relatif à la désignation des avocats pour intervenir au cours de la garde à vue en matière de terrorisme. Afin d’établir cette liste, ce décret prévoyait que le Conseil de l’ordre de chaque barreau devait proposer au bureau du Conseil national des barreaux, des avocats, titulaires et suppléants, selon un nombre déterminé et inscrits au tableau depuis plus de cinq ans. Le Conseil national des barreaux arrêtait alors la liste des avocats habilités à intervenir pour une durée de trois ans. Le bâtonnier du ressort où se déroulait la garde à vue désignait l’avocat sur la liste établie.
66
« les dispositions contestées (…) n’obligent pas à motiver la décision ni ne
définissent les circonstances particulières de l’enquête ou de l’instruction et les
raisons permettant d’imposer une telle restriction aux droits de la défense ».
Ainsi, « en adoptant les dispositions contestées sans encadrer le pouvoir donné
au juge de priver la personne gardée à vue du libre choix de son avocat, le
législateur a méconnu l’étendue de sa compétence dans des conditions qui
portent atteinte aux droits de la défense ; que par suite, l’article 706-88-2 du
Code de procédure pénale doit être déclaré contraire à la Constitution »238.
Toutefois, le juge constitutionnel ne semble pas censurer le principe même de
la liste d’avocats habilités à intervenir en garde à vue. Il considère que le
législateur doit suffisamment encadrer la mise en œuvre de cette liste239. Le
Conseil Constitutionnel met ici en avant l’importance de prévoir des garanties
minimales dans toute mesure restrictive de droits, afin de concilier les différents
impératifs en présence.
- Le report de l’assistance de l’avocat. Prenant acte de l’impossibilité de
supprimer l’intervention de l’avocat, le législateur a choisi de reporter
l’assistance de l’avocat dans le temps.
Depuis une loi du 1er février 1994240, l’intervention de l’avocat peut être retardée
à la soixante-douzième heure de garde à vue en matière de terrorisme241. En
effet lorsqu’un individu est gardé à vue pour une infraction de terrorisme,
l’intervention de l’avocat peut être différée « en considération des raisons
impérieuses tenant aux circonstances particulières de l’enquête ou de
l’instruction, soit pour permettre le recueil ou la conservation des preuves, soit
pour prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l’intégrité physique
d’une personne » jusqu’à une durée maximale de soixante-douze heures. Le
report de l’intervention de l’avocat jusqu’à la vingt-quatrième heure est décidé
par le procureur de la République, d’office ou à la demande de l’officier de
238 Décision n° 2011-223 QPC du 17 février 2012 Ordre des avocats du barreau de Bastia (consid. 7). Par conséquent, le décret du 14 novembre 2011 a été abrogé par le décret n°2012-476 du 13 avril 2012 239 Voir en ce sens : Jean-Baptiste Perrier, « Restriction au libre choix de l’avocat lors de la garde à vue en matière de terrorisme : une inconstitutionnalité et une possibilité – Conseil Constitutionnel 17 février 2012 » AJ pénal 2012.342 240 Loi n°94-89 du 1er février 1994 instituant une peine incompressible et relative au nouveau code pénal et à certaines dispositions de procédures pénales 241 Art 706-88 al 6 C proc pén.
67
police judiciaire. Au-delà, le report est décidé par le juge des libertés et de la
détention, sur requête du procureur de la République ou par le juge d’instruction
en cas d’information. Dans tous les cas, la décision du magistrat doit être écrite,
motivée242 et préciser la durée pour laquelle l’intervention de l’avocat est
différée.
L’individu soupçonné d’une infraction terroriste, pourtant présumé
innocent, bénéficie-t-il d’une défense effective alors même qu’il n’a pas la
possibilité d’être assisté par un avocat ? Il est possible d’en douter. Néanmoins,
le Conseil Constitutionnel a considéré, dans une jurisprudence constante, que
cette disposition était conforme aux exigences constitutionnelles243. Après avoir
affirmé que « constitue un droit de la défense le droit de la personne gardée à
vue à s’entretenir avec un avocat », le Conseil Constitutionnel a, cependant,
émis des réserves : « le nouveau délai, justifié par la gravité et la complexité
des infractions concernées, s’il modifie les modalités d’exercice des droits de la
défense, n’en met pas en cause le principe ». Il énonce que « le législateur
avait nécessairement entendu que [Le procureur de la République avisé de la
qualification des faits justifiant le report de la première intervention de l’avocat]
(…) contrôle aussitôt cette qualification ; que l’appréciation initialement portée
par l’officier de police judiciaire (…) est ainsi soumise au contrôle de l’autorité
judiciaire et ne saurait déterminer le déroulement ultérieur de la procédure ».
Pour cette raison, le Conseil Constitutionnel considère que la disposition
prévoyant le report de l’intervention de l’avocat ne porte pas une atteinte
injustifiée aux droits de la défense244. Le Conseil Constitutionnel a confirmé
cette position plus récemment « Le respect des droits de la défense (…)
n’interdit pas qu’en raison de la particulière gravité ou de la complexité de
certains infractions commises par des personnes agissant en groupe ou en
réseau, l’assistance de l’avocat à la personne gardée à vue puisse être
reportée par une décision du procureur de la République, du juge d’instruction
ou du juge des libertés et de la détention, lorsqu’un tel report apparait
242 Le Conseil Constitutionnel a considéré qu’un report automatique de l’intervention de l’avocat, sans justification, méconnaissait les exigences constitutionnelles : Décision n°2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 M. Daniel W. et autres (consid. 28). 243 Décision n°93-334 DC 20 janvier 1994 (consid.19) pour la première décision en la matière sur le fondement du principe d’égalité. 244 Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 (consid. 28 à 34)
68
nécessaire pour permettre le recueil ou la conservation des preuves ou prévenir
une atteinte aux personnes»245.
La possibilité de reporter l’assistance de l’avocat dans le temps ne
semble pas non plus contraire aux exigences conventionnelles (article 6§3 c)
de la Convention européenne des droits de l’Homme). Dans l’arrêt Salduz c.
Turquie246, la Cour européenne des droits de l’homme a considéré qu’ « une
législation nationale peut attacher à l’attitude d’un prévenu à la phase initiale
des interrogatoires de police des conséquences déterminantes pour les
perspectives de la défense lors de toute procédure pénale ultérieure. En pareil
cas, l’article 6 exige normalement que le prévenu puisse bénéficier de
l’assistance d’un avocat dès les premiers stades des interrogatoires de police.
Ce droit, que la Convention n’énonce pas expressément, peut toutefois être
soumis à des restrictions pour des raisons valables. Il s’agit donc, dans chaque
cas, de savoir si la restriction litigieuse est justifiée et, dans l’affirmative, si,
considérée à la lumière de la procédure dans son ensemble, elle a ou non privé
l’accusé d’un procès équitable » La Cour européenne des droits de l’homme a
précisé sa position plus récemment dans l’arrêt Ibrahim et autres c. Royaume-
Uni : « Le principe, énoncé dans l’arrêt Salduz, servant à déterminer la
compatibilité d’une restriction à l’accès à un avocat avec le droit à un procès
équitable se compose de deux critères. La Cour doit premièrement rechercher
si la restriction en question était justifiée par des raisons impérieuses. Elle doit
deuxièmement apprécier le préjudice que cette restriction a pu causer aux
droits de la défense »247.
Cette disposition illustre parfaitement le contrôle effectué par les juges
(constitutionnels et conventionnels) en matière de terrorisme. Conscient des
impératifs de lutte contre le terrorisme, les juges ne censurent pas les mesures
restrictives de libertés en elles-mêmes. Cependant, ils s’attachent à vérifier que
le législateur national subordonne la mise en œuvre de ces mesures à des
garanties minimales afin de concilier les intérêts en présence.
245 Décision n° 2014-428 QPC du 21 novembre 2014 M. Nadav B (consid. 9) 246 CEDH, Gde ch., 27 novembre 2008. Salduz c. Turquie. n° 36391/02 (par. 52). Jurisprudence constante : CEDH, Gde ch., 8 février 1996, John Murray c. Royaume-Uni, n°18731/91 (par. 63) – CEDH, 3e Sect. 16 octobre 2001, Brennan c. Royaume-Uni n°39846/98 (par. 45) 247 CEDH, Gde ch. 13 septembre 2016. Ibrahim et autres c. Royaume-Uni. Requêtes n° 50541/08, 50571/08, 50573/08 et 40351/09 (par. 257)
69
Une fois qu’il est autorisé à intervenir en garde à vue, l’avocat dispose
des mêmes droits que ceux prévus dans le régime de droit commun248 : avoir
un entretien confidentiel avec son client d’une durée maximale de trente
minutes, consulter le procès-verbal (constatant la notification du placement en
garde à vue et des droits, le certificat médical et les procès-verbaux d’audition),
assister son client lors des auditions et confrontations ainsi que poser des
questions et présenter des observations à l’issue de chacune d’elle.
Il existe en droit canadien, une mesure comparable à la garde à vue
française : la mise sous garde
b. Le placement sous garde en droit canadien
La mise sous garde est une mesure qui permet, à la suite d’une
arrestation, de garder une personne en détention au poste de police, dans le
but de la présenter devant un juge de paix.
Selon le droit commun, en cas d’arrestation effectuée par un agent de la
paix, la personne arrêtée doit, par principe, être remise en liberté, sans
condition dès qu’elle ne présente plus de risque. A défaut, elle peut être
détenue au poste de police dans le but de la conduire devant un juge de
paix249.
- Dans certaines situations, le placement sous garde d’un individu est
obligatoire. C’est le cas lorsque l’arrestation est effectuée avec mandat250 et
lorsque la personne est arrêtée pour une infraction énumérée à l’article 469 du
Code criminel251.
Dans les autres situations, la décision de placement sous garde doit être
justifiée. D’une part, l’agent de la paix doit posséder le même niveau de
suspicion qui est requis pour procéder à une arrestation sans mandat (soit
l’existence de motifs raisonnables de croire que la personne a commis un acte
248 L’article 706-88 al 8 C proc pén. précise ainsi que l’avocat dispose des droits prévus aux articles 63-4, 63-4-1, 63-4-2 al 1 et 63-4-3 C proc pén. 249 Pour l’arrestation sans mandat : art 497 (1) C. cr. et pour l’arrestation avec mandat : art 499 C. cr. 250 Arts 499 et 507 (6) C. cr. Dans ce cas, la mise sous garde est obligatoire puisque la personne arrêtée doit inévitablement comparaitre devant un juge de paix. 251 Arts 503 (2) et 522 (1) C. cr. Dans ce cas, la mise sous garde est obligatoire car seul un juge d’une cour supérieure est compétent pour remettre l’individu en liberté.
70
criminel, qu’elle était en train de commettre une infraction criminelle ou qu’un
mandat d’arrestation était émis à son encontre252). D’autre part, l’agent de la
paix doit prendre sa décision en considération de l’intérêt public253 et du risque
que la personne ne se présente pas si elle est remise en liberté.
- Le législateur précise que la personne mise sous garde doit être amenée
à comparaitre devant un juge de paix dans les plus brefs délais. En principe, la
personne doit comparaitre dans un délai de vingt-quatre heures après
l’arrestation et ce, sans qu’il n’y ait de retard injustifié. Cependant, ce délai peut
être augmenté si aucun juge de paix n’est disponible. Dans ce cas, la personne
doit être présentée « le plus tôt possible » 254. Toutefois, le juge de paix peut
ajourner la procédure et renvoyer le prévenu en détention, sur demande de
l’une des parties255. En effet, si le juge de paix estime que le prévenu ne peut
être remis en liberté, celui-ci peut être détenu jusqu’à quarante-huit heures de
plus que les vingt-quatre heures déjà imposées pour un total de soixante-douze
heures soit trois jours maximum (sauf si le prévenu consent à davantage).
- L’individu détenu bénéficie des droits garantis par l’article 10 de la Charte
canadienne des droits et libertés : le droit d’être informé dans les plus brefs
délais des motifs de sa détention ; le droit d’avoir recours sans délai à
l’assistance d’un avocat256 et d‘être informé de ce droit ; et le droit de faire
contrôler, par habeas corpus, la légalité de sa détention.
***
En matière de terrorisme, le législateur a prévu quelques spécificités.
Tout d’abord, la comparution de l’individu relève de la compétence exclusive
d’un juge d’une Cour provinciale. Ensuite, le juge de la cour provinciale peut
ajourner la procédure en l’absence d’une demande de l’une des parties et a
donc le pouvoir discrétionnaire d’étendre la mise sous garde à trois jours. En
effet, lorsque le prévenu est présenté devant lui, il peut le relâcher à certaines
conditions, ordonner sa détention provisoire dans certains cas mais il peut aussi
252 Art 495 C.cr 253 Pour évaluer l’intérêt du public, l’agent de la paix pourra prendre en compte toutes les considérations pertinentes, notamment la nécessité d’identifier la personne, de recueillir ou conserver une preuve, d’empêcher la répétition, la poursuite ou la commission d’une infraction, d’assurer la sécurité des victimes ou des témoins… (Art 497 (1.1) C.cr) 254 Art 503 (1) C.cr. Voir en ce sens : R. v. Koszulap, [1974] O.J. No. 726 255 Art 516 (1) C.cr. Voir en ce sens : R. v. Ashini, [2014] N.J. No. 407 (par. 120 et 127) 256 Sous réserve des limitations de droit commun énoncées. Cf. note n° 175
71
imposer un ajournement, sans demande des parties, contrairement au droit
commun257. Tout au long de cette procédure, même en matière de terrorisme,
la personne mise sous garde bénéficie des droits garantis par l’article 10 de la
Charte.
Ainsi cette détention est beaucoup moins attentatoire à la liberté
individuelle et aux droits de la défense que la garde à vue instaurée en droit
français en matière de terrorisme. En effet, les règles encadrant la mise sous
garde sont plus exigeantes s’agissant d’une part, des modalités d’exécution258
et d’autre part, des droits reconnus à l’individu.
Cependant, il est tout de même possible de s’interroger sur la
constitutionnalité de cette disposition en vertu du droit canadien. Là encore,
malgré l’absence de jurisprudence, certains éléments peuvent être présentés.
L’article 9 de la Charte canadienne des droits et libertés protège les citoyens
contre la détention arbitraire. Partant, la détention peut être déclare arbitraire si
le temps pendant lequel la personne a été retenue avant la comparution
dépasse les limites fixées par la loi. La jurisprudence canadienne semble
considérer qu’une détention de plus de vingt-quatre heures viole l’article 503 du
Code Criminel et constitue une détention arbitraire au sens de l’article 9 de la
Charte canadienne des droits et libertés. Ainsi dans le jugement R. c. Simpson,
la Cour d’appel de Terre-Neuve énonce d’abord « Section 503 may be one of
the most important procedural provisions of the Criminal Code. The liberty of
the subject is dominant. A person not convicted of an offence should never be
held in custody except in accordance with constitutionally valid provisions of the
Criminal Code or other legislation » pour finalement considérer « Here there
was a major violation of a statutory provision protecting the fundamental right of
the respondent to be free unless properly detained by law. It is an
understatement to describe such detention as unlawful. It must be viewed as
arbitrary. There was a failure of a policeman to carry out his duty under the law
which, whether deliberate or simply neglectful, resulted in the respondent being
257 Art 83.3 (7) b) ii C.cr 258 Tout d’abord, l’agent de la paix doit avoir des motifs raisonnables de croire en la commission d’une infraction, et non simplement des soupçons comme en droit français, pour décider de la mise en garde de l’individu. Ensuite, en cas d’ajournement, la mise sous garde ne peut aller au-delà de trois jours, soit beaucoup moins que les six jours prévus par la législation antiterroriste française.
72
detained. By act of neglect, the administrative or judicial system, or both, failed
the respondent. A neglect to follow s. 503(1) or to provide the mechanism by
which s. 503(1) may be followed is just as arbitrary as a positive decision not to
follow s. 503(1) »259.
La détention en matière de terrorisme excède largement la limite permise
puisqu’elle peut s’étendre jusqu’à soixante-douze heures si le juge décide
d’ajourner la comparution. Néanmoins, le principe d’un tel ajournement existe
également en droit commun et a été déclaré conforme aux exigences
constitutionnelles260. Cette prolongation de la mise sous garde ne semble donc
pas rendre la détention arbitraire au sens de l’article 9 de la Charte canadienne
des droits et libertés. Toutefois, la question de la constitutionnalité de la mesure
pourrait se poser au regard du pouvoir discrétionnaire du juge (et donc de
l’absence de demande de l’une des parties) d’ordonner cette prolongation en
matière de terrorisme.
B) Les mesures d’investigations : principalement attentatoires à la vie privée
_____________________________________________________________
Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, magistrats et policiers
peuvent également avoir recours à des mesures d’investigations qui ont été
adaptées à ce type de criminalité. Ces mesures portent principalement atteinte
à la vie privée. Les perquisitions et saisies (1), les écoutes téléphoniques (2) et
l’audience d’investigation (3) sont les principales.
1. Les perquisitions et saisies
a. Les perquisitions et saisies en droit français
La perquisition est l’acte par lequel un officier de police judiciaire ou un
magistrat pénètre dans un lieu déterminé (domicile, cabinet, entreprise…) afin
d’y rechercher et d’y saisir des éléments de preuve261.
259 R. v. Simpson (Nfld. C.A.), [1994] N.J. No. 69 (par. 36 et par.47). Confirmé par la Cour suprême dans R. v. Simpson [1995] 1 R.C.S. 449. Pour des décisions plus récentes : R. c. Lamoureux, [2002] J.Q. no 1059 (par. 73) et Collard c. R., [2004] J.Q. no 10376 (par. 30) 260 R. v. Ashini, [2014] N.J. No. 407 et R. v. Obed, [2011] N.J. No. 304 261 Hervé Vlamynck., Le policier et le principe de l’inviolabilité du domicile, AJ pénal 2011. 352
73
Cette mesure peut être effectuée par un officier de police, spontanément sous
le contrôle du procureur de la République ou sur autorisation du juge
d’instruction en cas d’information. Les personnes pouvant faire l’objet d’une
perquisition sont les personnes qui paraissent avoir participé à une infraction ou
qui paraissent détenir des pièces, informations ou objets relatifs à celle-ci262. La
perquisition peut se dérouler dans tout lieu, et notamment dans un domicile263.
Elle vise la recherche d’objets et informations en lien avec l’infraction.
La perquisition constitue une ingérence dans la vie privée. Elle est donc
particulièrement encadrée.
- Tout d’abord, la perquisition est, en général, subordonnée au
consentement de l’intéressé. En effet, dans l’enquête préliminaire, la
perquisition nécessite l'accord écrit de la personne chez qui elle a lieu264.
Traditionnellement, à défaut d’un tel consentement, la perquisition était nulle265.
Cependant, la loi du 9 mars 2004266 a permis aux officiers de police judiciaire
de passer outre un refus si plusieurs conditions sont réunies (l’opération doit
être nécessaire ; l’enquête doit porter sur un crime ou un délit puni d’une peine
supérieure ou égale à cinq ans d’emprisonnement ; la décision doit être prise
par le juge des libertés et de la détention, sur requête du procureur de la
République ; cette décision doit être écrite, motivée et précisée certains
éléments ; le déroulement de l’opération est contrôlée par ce même
magistrat)267. En enquête de flagrance et au cours de l’information, le
consentement de la personne n’est pas nécessaire pour la réalisation de la
perquisition.
- Ensuite, la perquisition nécessite la présence de témoins. Afin d’éviter
éventuels abus et contestations, certaines garanties ont été prises. Dans
l’enquête de flagrance et l’information, la personne au domicile de laquelle la
262 Art 56 al. 1 C proc pén. 263 Le domicile est défini comme un « lieu clos où une personne a le droit de se dire ‘’chez elle’’ quel que soit le titre juridique de son occupation et l’affectation donnée aux locaux » Voir notamment : Crim. 31 janvier 1914 Bull. crim. n°74 et Crim. 26 février 1963 n°62-90653 Bull. crim. n°92. 264 Art 76 C proc pén. 265 Crim. 30 mai 1980 Bull. crim. n°265. 266 Loi n°2004-204 du 9 mars 2004 267 Art 76 al. 4 C proc pén.
74
perquisition est effectuée doit être présente à peine de nullité268. Si cette
présence est impossible, l’officier de police judiciaire devra obligatoirement
l’inviter à désigner un tiers pour le représenter ou à défaut, il choisira deux
témoins. Pour l’enquête préliminaire, malgré que les textes ne précisent pas cet
élément, la doctrine269 considère que les règles applicables en matière de
flagrance et d’information s’appliquent également lors de l’enquête préliminaire.
- Enfin, la protection du domicile270 implique que la perquisition ne peut
être réalisée qu’à des heures légales précises : elle ne peut être commencée
avant six heures et après vingt et une heures (mais elle peut s’étendre au-
delà)271
La perquisition a pour objet la recherche d’éléments, informations ou
objets, utiles à la manifestation de la vérité. A ce titre, l’officier de police
judiciaire ou le magistrat compétent peut saisir tout objet qu’il estime
nécessaire. La saisie est le fait pour la police judiciaire d’appréhender un objet
et le mettre sous mains de justice. Il doit alors dresser immédiatement
l’inventaire des objets saisis, les placer sous scellés et les transporter au
tribunal où ils sont inscrits sur un registre272.
***
En matière de terrorisme, le domaine des perquisitions et saisies connait
des dérogations au droit commun273. Toutefois, afin de concilier les impératifs
de lutte contre le terrorisme et la vie privée des citoyens, le législateur français
conditionne et encadre la mise en œuvre de ces perquisitions.
268 Art 57 al. 1 C proc pén (pour l’enquête de flagrance) et Art 95 C proc pén. (pour l’information). 269 Serge Guinchard et Jacques Buisson, Procédure pénale, 10ème ed, Paris, LexisNexis, 2014 p.668 270 L’inviolabilité du domicile est un principe de valeur constitutionnelle d’après la décision n° 86-164 DC du 29 décembre 1983 consid. 28. 271 Art 59 C proc pén. 272 Art 56 al.4 C proc pén. 273 Là encore, ces dispositions dérogatoires ne s’appliquent pas à certaines infractions pourtant qualifiées de terrorisme. En effet, l’article 706-24-1 du Code de procédure pénale prévoit expressément que le régime spécifique des perquisitions ne s’applique pas pour les infractions de provocation et apologie du terrorisme (art 421-2-5 C pén.), pour le fait d’extraire, reproduire et transmettre des données faisant l’apologie ou provoquant au terrorisme (art 421-2-5-1 C pén.) et pour le fait de consulter un site faisant l’apologie ou provoquant au terrorisme (art 421-2-5-2 C pén.). De même qu’en matière de garde à vue, le législateur a soumis ces infractions au droit commun, sans doute en application des principes constitutionnels de proportionnalité et de nécessité.
75
a.1. L’autorisation d’opérer de nuit : les perquisitions nocturnes
Historiquement, les perquisitions nocturnes sont admises pour les
infractions de terrorisme depuis longtemps. A l’origine, la loi du 22 juillet 1996274
avait autorisé les perquisitions de nuit pour tous les types d’enquêtes relatives
aux infractions de terrorisme. Dans une décision du 16 juillet 1996, le Conseil
Constitutionnel considérait « qu’eu égard aux exigences de l’ordre public, le
législateur peut prévoir la possibilité d’opérer des visites, perquisitions et saisies
de nuit dans le cas où un crime ou un délit susceptible d’être qualifié d’acte de
terrorisme est en train de se commettre ou vient de se commettre, à condition
que l’autorisation de procéder auxdites opérations émane de l’autorité judiciaire,
gardienne de la liberté individuelle, et que le déroulement des mesures
autorisées soit assorti de garanties procédurales appropriées »275. Cependant,
le Conseil Constitutionnel avait limité l’application de cette mesure en censurant
une partie de la disposition. D’une part, la possibilité d’opérer de nuit n’était
possible qu’en matière de flagrance (et donc exclue durant l’enquête
préliminaire et l’instruction). D’autre part, seul le Président du TGI ou son
délégué, était compétents pour autoriser la perquisition de nuit (le procureur de
la République et le juge d’instruction n’étaient pas compétent pour ordonner
une telle mesure)
Aujourd’hui, les perquisitions de nuit (soit de vingt et une heures à six
heures du matin) sont admises, pour tout type d’enquête en matière de
terrorisme, sous certaines conditions.
- Dans le cadre d’une enquête de flagrance ou d’une enquête préliminaire
relative à une infraction de terrorisme, le juge des libertés et de la détention
peut, à la requête du procureur de la République et si les nécessités de
l’enquête l’exigent, autoriser les perquisitions et saisies nocturnes. Cependant,
274 Loi n° 96-647 du 22 juillet 1996. La possibilité de perquisitionner de nuit était déjà possible dans le cadre de la lutte contre le trafic de stupéfiants et le proxénétisme. Cependant, l’absence d’une telle mesure en matière de terrorisme était considérée comme une « lacune qui avait (…) de fâcheuses conséquences dans la lutte contre le terrorisme, dans la mesure où les enquêteurs devaient interrompre leurs investigations entre vingt et une heures et six heures en dépit des nécessités de l’enquête et au risque de voir disparaitre certaines éléments essentiels de preuve, voire parfois des individus » (JO déb. Ass. Nat. 2ème séance 20 décembre 1995 p.5412) La loi du 22 juillet 1996 étendait ainsi la mesure aux enquêtes relatives aux infractions de terrorisme 275 Décision n°96-377 DC du 16 juillet 1996 (consid. 17 et 18)
76
il existe une différence entre ces deux types d’enquête. En matière de
flagrance, ces actes peuvent être exécutés en tout lieu y compris les locaux
d’habitation276. A l’inverse, en matière préliminaire, ces actes ne peuvent, en
principe, être accomplis dans des maisons d’habitation277. Le législateur a
toutefois prévu une exception, en cas d’urgence et afin de prévenir un risque
d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique, ces opérations peuvent être
effectuées de nuit dans des locaux d’habitation278.
Pour autoriser une perquisition nocturne, le juge des libertés et de la détention
doit, à peine de nullité, prendre une ordonnance écrite, contenant un certain
nombre de mentions impératives (la qualification de l’infraction dont la preuve
est recherchée et l’adresse des lieux concernés par la pénétration nocturne) et
une motivation reprenant les éléments de fait ou de droit qui fondent la
nécessité de l’opération. Cette ordonnance est insusceptible d’appel279.
L’exécution des opérations est placée sous le contrôle du juge des libertés et
de la détention, auteur de l’autorisation280.
- Dans le cadre d’une information relative à une infraction de terrorisme, le
juge d’instruction peut, si les nécessités de l’instruction l’exigent, autoriser les
officiers de police judiciaire à procéder à des perquisitions et saisies
nocturnes281. En principe, ces opérations ne peuvent concerner les locaux
d’habitation. Cependant, en cas d’urgence, le magistrat peut autoriser de telles
mesures dans des maisons d’habitation dans quatre situations : lorsqu’il s'agit
d'un crime ou d'un délit flagrant ; lorsqu’il existe un risque immédiat de
disparition des preuves ou des indices matériels ; lorsqu’il existe une ou
plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'une personne se trouvant dans
le local où la perquisition doit avoir lieu, est en train de commettre une infraction
de terrorisme ; et enfin, lorsque leur réalisation est nécessaire afin de prévenir
un risque d'atteinte à la vie ou à l'intégrité physique en matière de terrorisme.
Pour autoriser une perquisition nocturne, le juge d’instruction doit, à peine de
nullité, prendre une ordonnance qui répond aux mêmes exigences que celles 276 Art 706-89 C proc pén. 277 Art 706-90 C proc pén. 278 Art 706-90 al. 2 C proc pén. issu de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale 279 Art 706-92 C proc pén. 280 Ibid. 281 Art 706-91 C proc pén.
77
décrites précédemment dans le cadre d’une enquête de flagrance ou
préliminaire.
Dans tous les cas, le législateur précise que les perquisitions et saisies
nocturnes ne peuvent avoir d’autre finalité que la recherche et la constatation
d’une infraction entrant dans le champ de la criminalité organisée, dont le
terrorisme fait partie. Ainsi, tout détournement de procédure est interdit à peine
de nullité282
a.2. Les perquisitions sans l’assentiment de l’intéressé
En matière de terrorisme, le régime des perquisitions et saisies connait
une seconde dérogation au droit commun : il est possible de perquisitionner au
domicile d’une personne sans son assentiment.
Aux termes de l’article 706-94 du Code de procédure pénale, un
magistrat peut autoriser un officier de police judiciaire à effectuer une
perquisition sans la présence de la personne chez qui elle a lieu, lorsqu’elle est
en garde à vue ou détenue en un autre lieu et que son transport sur place parait
devoir être évité en raison de risques graves (soit de troubles à l’ordre public ou
d’évasion, soit de disparition des preuves pendant le temps nécessaire au
transport). La perquisition est alors effectuée en présence de deux témoins
requis par l’officier de police judiciaire selon le droit commun283 ou en présence
d’un représentant désigné par l’intéressé.
Le magistrat compétent pour ordonner une telle mesure diffère selon le cadre
de l’enquête284. Dans le cadre d’une enquête de flagrance, l’autorisation est
donnée par le procureur de la République ; alors que dans le cadre d’une
enquête préliminaire, seul le juge des libertés et de la détention est compétent.
Au cours d’une enquête effectuée sur commission rogatoire, l’autorisation de
perquisitionner sans l’assentiment de l’intéressée est donnée par le juge
d’instruction.
282 Art 706-93 C proc pén. 283 Art 57 al.2 C proc pén. 284 Cette dérogation au régime des perquisitions et saisies est en réalité seulement prévue dans le cadre de l’enquête préliminaire puisque dans le cadre d’une enquête de flagrance ou d’une information, le consentement de la personne n’est pas requis pour la réalisation de la perquisition
78
Comme le précise la circulaire CRIM 04-13 G1 du 2 septembre 2004, « Le
recours à ces dispositions devra rester exceptionnel, le droit d’un individu à
assister à une perquisition effectuée à son domicile et dans lequel peuvent être
trouvés des éléments qui seront versés à sa charge devant nécessairement
prévaloir ». Bien que la loi n’impose pas que l’autorisation donnée par le
magistrat soit motivée, elle doit être écrite et comporter certaines mentions.
L’ensemble de ces dérogations au régime traditionnel des perquisitions
et saisies se justifie par la nécessité d’agir rapidement, sans obstacle
procédural susceptible de limiter l’efficacité des investigations.
Le Conseil Constitutionnel a été saisi du contrôle de constitutionnalité de
ces dispositions. Dans une décision du 2 mars 2004285, il a considéré que le
régime des perquisitions en matière de terrorisme ne portait pas une atteinte
excessive à l’inviolabilité du domicile. Il affirme ainsi qu’ « eu égard aux
exigences de l'ordre public et de la poursuite des auteurs d'infractions, le
législateur peut prévoir la possibilité d'opérer des perquisitions, visites
domiciliaires et saisies [sans l’assentiment de l’intéressé et] de nuit (…) à
condition que l'autorisation de procéder à ces opérations émane de l'autorité
judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, et que le déroulement des
mesures autorisées soit assorti de garanties procédurales appropriées ». Ainsi
le Conseil Constitutionnel considère que l’équilibre entre les impératifs de lutte
contre le terrorisme et les droits fondamentaux (ici l’inviolabilité du domicile) est
maintenu par le législateur qui encadre suffisamment la mise en œuvre des
perquisitions286
***
Les perquisitions sont donc particulièrement encadrées même en
matière de terrorisme. Cependant, l’Etat d’urgence étant instauré en France,
des perquisitions administratives, beaucoup plus larges, sont désormais
permises.
285 Décision n°2004-492 DC du 2 mars 2004 (consid. 41 à 56) 286 D’abord, l’autorisation et le contrôle des perquisitions sont effectués par un magistrat du siège (le juge des libertés et de la détention ou le juge d’instruction). Ensuite, les perquisitions doivent être nécessaires pour rechercher les auteurs d’infractions présentant un certain degré de gravité et de complexité. Enfin, la décision d’avoir recours à ces mesures doit être écrite et comporter certaines mentions obligatoires.
79
Réponse politique à la menace terroriste, le soir des attentats du 13
novembre 2015, l’état d’urgence a été décrété en application de l’article 1er de
la loi du 3 avril 1955287. Il ne cesse d’être prolongé depuis, permettant la mise
en œuvre de mesures particulièrement restrictives de droits et libertés.
En vertu de l’article 11 de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence,
le ministre de l’intérieur ou les préfets ont le pouvoir d’ordonner des
perquisitions administratives, de jour comme de nuit, sauf dans certains lieux,
« lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser que le lieu est fréquenté par
une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et
l’ordre publics ».
- La décision ordonnant une perquisition administrative doit être écrite,
motivée et comporter un certain nombre de mentions288. Le procureur de la
République compétent est informé sans délai de cette décision. Le juge
administratif contrôle les éléments justifiant la mesure. Il vérifie également que
la mesure ordonnée est adaptée, nécessaire et proportionnée à sa finalité, au
regard des éléments dont dispose l’administration au moment où elle prend sa
décision.
- La perquisition est conduite en présence d’un officier de police judiciaire.
Elle ne peut se dérouler qu’en présence de l’intéressé ou, à défaut, de son
représentant ou de deux témoins. Durant l’exécution de la perquisition, les
autorités peuvent accéder aux données stockées dans un système
informatique, et éventuellement les saisir289. Egalement, lorsqu’il existe des
raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace pour
la sécurité et l’ordre publics, les personnes présentes sur le lieu de la
perquisition peuvent être retenues par l’officier de police judiciaire pendant le
287 Loi n°55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence. 288 CE, avis, 6 juillet 2016, n°398234, 399135. Le Conseil d’Etat indique que la décision ordonnant la perquisition administrative est une décision administrative individuelle défavorable qui constitue une mesure de police. Elle doit dont être motivée selon l’article L.211-2 du Code des relations entre le public et l’Administration. La décision doit comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait faisant apparaitre les raisons impérieuses qui ont conduit l’autorité administrative à agir. Elle doit également mentionner le lieu et le moment de la perquisition. 289 Décision n° 2016-536 QPC du 19 février 2016, Ligue des droits de l'homme [Perquisitions et saisies administratives dans le cadre de l'état d'urgence]. Le Conseil Constitutionnel avait jugé contraire au respect de la vie privée les saisies de données informatiques réalisées pendant les perquisitions de l’état d’urgence (consid. 14). Cependant, la loi n°2016-987 du 21 juillet 2016 prorogeant l’état d’urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste a passé outre la décision d’inconstitutionnalité et a réintroduit la possibilité de procéder à des saisies de données informatiques en vue de leur exploitation ultérieure (art. 5 de la loi).
80
temps strictement nécessaire au déroulement de la perquisition (maximum
quatre heures). Le procureur de la République est informé dès le début de la
retenue et peut y mettre fin à tout moment. Les personnes faisant l’objet de
cette retenue sont informées de leur droit de faire prévenir toute personne de
leur choix (sauf décision contraire du procureur de la République). A l’issue de
la perquisition, un compte rendu est établi et communiqué sans délai au
procureur de la République.
- L’intéressé peut former un recours, devant le tribunal administratif, contre
la décision ordonnant cette perquisition afin d’engager la responsabilité de
l’Etat290. Cependant, cette voie de recours ne peut être mise en œuvre que
postérieurement à l’exécution de la mesure.
Les perquisitions administratives mises en œuvre dans le cadre de l’état
d’urgence font, à juste titre, l’objet de vives critiques. Mesures particulièrement
attentatoires au droit à la vie privée, les perquisitions ne sont plus soumises au
contrôle de l’autorité judiciaire, pourtant garant de la liberté individuelle en vertu
de l’article 66 de la Constitution. Malgré les nombreuses critiques formulées par
la doctrine et les professionnels, le Conseil Constitutionnel a validé les
perquisitions administratives effectuées dans le cadre de l’état d’urgence291 :
« Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions opèrent,
s'agissant d'un régime de pouvoirs exceptionnels dont les effets doivent être
limités dans le temps et l'espace et qui contribue à prévenir le péril imminent ou
les conséquences de la calamité publique auxquels le pays est exposé, une
conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre [les droits
fondamentaux et les libertés individuelles des citoyens] (…) et l'objectif de
valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public »
Récemment, le gouvernement français a proposé un projet de loi
antiterroriste "renforçant la lutte contre le terrorisme et la sécurité intérieure" qui
vise à normaliser la plupart des mesures de l’état d’urgence. Ainsi, une mesure
290 En effet, une décision ordonnant une perquisition déclarée par la suite illégale constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat. Même si la perquisition est légale, toute faute commise dans l’exécution de la perquisition est de nature à engager la responsabilité de l’Etat. S’il conclut à l’existence d’une faute, le juge administratif devra accorder une réparation des préjudices qui en résultent. 291 Décision n° 2016-536 QPC du 19 février 2016, Ligue des droits de l'homme [Perquisitions et saisies administratives dans le cadre de l'état d'urgence]
81
similaire aux perquisitions administratives devrait être intégrée au droit commun
sous le nom de « visites et saisies ». Toutefois, elle présenterait quelques
différences avec les perquisitions administratives. Tout d’abord, le champ des
personnes visées serait, semble-il, plus restreint puisque la perquisition pourra
être prononcée à l’encontre de toute personne à l’égard de laquelle « il existe
des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace
d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics » et – soit entre « en
relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations
incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme » ; – soit « soutient ou
adhère à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme en France
ou à l’étranger ou faisant l’apologie de tels actes ». De plus, la mesure ne
pourra être ordonnée par le préfet, qu’après autorisation motivée du juge des
libertés et de la détention. Les perquisitions seront effectuées sous l’autorité et
le contrôle de ce juge. Ce régime, certes plus respectueux des droits
fondamentaux que les perquisitions administratives mises en œuvre dans le
cadre de l’état d’urgence, est loin d’être pour autant exempt de tout reproche292.
b. Les perquisitions et saisies en droit canadien
Les perquisitions et saisies sont des mesures d’enquête qui existent
également au Canada depuis de nombreuses années. Comme en France, la
perquisition est définie comme « l’intrusion dans un lieu dans le but d'y trouver
un ou des objets précis »293. Il est important de noter que tout type d’enquête
gouvernementale ne constitue pas forcément une perquisition. Pour être
292 L’intervention du juge des libertés et de la détention dans le processus d’autorisation de la perquisition est considérée par le Syndicat de la Magistrature comme un « contrôle fantôme d’une autorité judiciaire alibi de l’exécutif » (Voir en ce sens : Décryptage du projet de loi renforçant la lutte contre le terrorisme et la sécurité intérieure, Syndicat de la Magistrature, 9 juin 2017). Ainsi, cette disposition confie à l’autorité administrative le pouvoir de décider d’actes qui devraient relever de la compétence exclusive du juge judiciaire puisque portant atteinte au principe d’inviolabilité du domicile. Il est nécessaire de rappeler la décision n°83-164 DC du 29 décembre 1983 où le Conseil Constitutionnel avait censuré les dispositions de la loi de finances pour 1984 qui permettaient des perquisitions administratives avec l’autorisation du juge judiciaire. 293 Hubert Reid, Dictionnaire de droit québécois et canadien, 2ème tirage, Montréal, Wilson & Lafleur, 1994
82
qualifiée comme telle, la recherche policière doit empiéter sur le « droit
raisonnable des particuliers à la vie privée »294.
Les perquisitions et saisies portant atteinte à la vie privée, elles sont
soumises à plusieurs conditions à défaut desquelles elles seront déclarées
abusives en vertu de l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés.
En matière de terrorisme, aucun aménagement n’a été prévu par le législateur.
Mais il semble intéressant de préciser certains points à des fins de comparaison
avec la législation française.
L’article 487(1) du Code criminel permet aux policiers, à certaines
conditions, de pénétrer chez une personne pour y rechercher des éléments
susceptibles d’établir la commission d’une infraction criminelle.
b.1. Conditions : l’exigence d’un mandat
La perquisition d’un lieu ne peut s’effectuer que dans le respect des
règles strictes sous peine d’être considérée comme abusive au sens de l’article
8 de la Charte canadienne des droits et libertés.
Par principe, toute recherche policière doit être autorisée préalablement
à son exécution par un juge qui se fonde sur l’existence de motifs raisonnables
et probables de croire qu’une infraction a été commise ou est commise et que
la recherche permettra de découvrir des éléments de preuve.295
Ainsi lorsque l’Etat veut procéder à une perquisition et qu’il existe une
expectative de vie privée, il doit obtenir de la part d’un juge de paix un mandat
de perquisition. Le mandat vise à apprécier, avant les faits, « les droits opposés
de l’Etat et du particulier, de sorte qu’on ne puisse porter atteinte au droit du
294 Hunther c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145. La Cour suprême a défini l’attente raisonnable de vie privée de la façon suivante : « La garantie de protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives ne vise qu'une attente raisonnable. Cette limitation du droit garanti par l'art. 8, qu'elle soit exprimée sous la forme négative, c'est-à-dire comme une protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies "abusives", ou sous la forme positive comme le droit de s'attendre "raisonnablement" à la protection de la vie privée, indique qu'il faut apprécier si, dans une situation donnée, le droit du public de ne pas être importuné par le gouvernement doit céder le pas au droit du gouvernement de s'immiscer dans la vie privée des particuliers afin de réaliser ses fins et, notamment, d'assurer l'application de la loi ». (par.25) 295 R. c. Morelli, [2010] 1 R.C.S. 253
83
particulier à la vie privée du particulier que (…) si la supériorité des intérêts de
l’Etat peut être démontrée »296.
- S’agissant de la saisine du juge de paix, un agent de la paix ou un
fonctionnaire spécifiquement désigné peut déposer une dénonciation auprès
d’un juge de paix aux fins de délivrance d’un mandat de perquisition. Dans sa
dénonciation, le policier doit indiquer les motifs raisonnables qui permettent de
croire que la délivrance du mandat est justifiée297 (c’est-à-dire qu’une infraction
a été commise et que des éléments de preuve se trouvent à l’endroit visé par la
recherche298). Il doit également décrire avec précision l’infraction pour laquelle
le mandat est demandé, l’endroit où doit s’effectuer la perquisition et les choses
à saisir qui s’y trouvent (sauf s’il n’est pas raisonnablement possible de le faire
– auquel cas le mandat pourra conférer à l’agent de la paix une certaine marge
de discrétion). Enfin, le dénonciateur doit alléguer que la perquisition permettra
de trouver : soit une chose à l’égard de laquelle une infraction à la loi fédérale a
été commise ; soit une chose qui est de nature à fournir une preuve touchant la
commission d’une infraction ou de nature à révéler l’endroit où se trouve
l’auteur présumé du crime ; soit une chose qui porte à croire qu’elle servira à
une infraction pour laquelle une personne peut être arrêté sans mandat ; soit,
enfin, un bien infractionnel299.
- Le juge de paix, saisi de la dénonciation, décide s’il y a lieu d’autoriser la
perquisition. Le mandat devra indiquer un certains nombres d’informations dont
l’infraction alléguée, l’endroit visé et la description des objets recherchés.
***
La perquisition effectuée sans mandat est présumée abusive en vertu de
l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés à moins que la
poursuite soit en mesure d’établir le contraire selon la prépondérance des
probabilités300. La perquisition sans mandat doit rester rare301, elle est donc
particulièrement encadrée. La possibilité d’opérer sans mandat doit d’abord être
296 Hunther c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145 par. 32 297 R. c. Pires ; R. c. Lising [2005] 3 R.C.S. 343 par 66 et R. c. Morelli, [2010] 1 R.C.S. 253 298 R. c. Morelli, [2010] 1 R.C.S. 253 par. 43 299 Art 487(1) C. cr 300 Hunther c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145 par. 30 301 R. c. Grant, [1993] 3 R.C.S. 223
84
autorisée par la loi ou la common law302 et respecter les exigences qui y sont
indiquées.
Bien qu’il s’agisse du droit commun, plusieurs situations sont susceptibles de
s’appliquer dans le cadre du terrorisme.
- L’article 487.11 du Code criminel permet ainsi à l’agent de la paix de
perquisitionner sans mandat un lieu lorsque l’urgence de la situation303 rend
difficilement réalisable l’obtention du mandat, sous réserve que les conditions
de délivrance de celui-ci soient réunies. Egalement, l’article 117.02 (1) du Code
criminel permet à l’agent de la paix de perquisitionner sans mandat un lieu (sauf
une maison d’habitation) en cas d’infraction avec usage d’une arme lorsque
l’urgence de la situation rend difficilement réalisable l’obtention d’un mandat
mais que les conditions de délivrance sont réunies.
- La common law permet de perquisitionner un téléphone sans mandat
lors d’une fouille incidente à une arrestation. Ainsi lorsqu’une personne
soupçonnée d’avoir commis une infraction de terrorisme est arrêtée, l’agent de
la paix peut perquisitionner son téléphone sans mandat sous certaines
conditions304.
b.2. L’exécution de la perquisition
La recherche policière doit être effectuée de manière non abusive.
- Le mandat de perquisition permet aux policiers de rechercher dans le
lieu visé, tout élément permettant de « jeter la lumière sur les circonstances
d’un évènement »305. Généralement, les forces policières peuvent procéder à
un examen raisonnable de tous les biens qui se trouvent à l’intérieur306. Il existe
toutefois des exceptions. En effet, certains biens font intervenir une importante
expectative de vie privée et font donc l’objet d’une protection supplémentaire.
C’est le cas notamment des ordinateurs et des téléphones307. Les policiers
doivent toujours obtenir une autorisation judiciaire distincte avant de procéder à
302 R. c. Stillman, [1997] 1 R.C.S. 607, par.25. 303 Pour la notion d’urgence de la situation en matière de terrorisme Cf. note n°184. 304 Pour les conditions relatives à la perquisition d’un téléphone sans mandat lors d’une fouille incidente à une arrestation : Cf. note n°179 et R. c. Fearon., [2014] 3 R.C.S. 621 305 CanadianOxy Chemicals Ltd. c. Canada (Procureur général), [1999] 1 R.C.S. 743, par. 15 306 R. c. Vu, [2013] 3 R.C.S. 657, par.23 307 R. c. Vu, [2013] 3 R.C.S. 657, par.24
85
la fouille d’un ordinateur ou d’un téléphone (sauf dans certains cas où la fouille
d’un téléphone sans mandat est admise). Ainsi, si les autorités policières savent
à l’avance qu’elles ont l’intention de fouiller un ordinateur ou un téléphone se
trouvant dans le lieu de la recherche, elles doivent convaincre le juge de paix
de l’existence de motifs raisonnables de croire que le bien contient des
éléments de preuve. Si au cours d’une perquisition, elles découvrent un
ordinateur ou un téléphone susceptible de contenir des éléments de preuves,
elles pourront le saisir mais devront requérir une autorisation spécifique avant
de le fouiller.
- Concernant le moment de l’exécution, en principe, un mandat de
perquisition doit être exécuté de jour (c’est-à-dire entre six heures et vingt et
une heures308). Toutefois, si le dénonciateur expose des motifs raisonnables de
procéder autrement, le juge de paix peut autoriser une perquisition nocturne309.
La Cour d’appel de l’Ontario310 a précisé qu’il fallait des circonstances
exceptionnelles pour rendre une telle ordonnance.
- Enfin, s’agissant du lieu de l’exécution, la perquisition sera
particulièrement contrôlée lorsqu’elle a lieu dans la résidence d’une personne,
en raison de l’importante expectative de vie privée. Ainsi, lorsque le lieu visé
par la recherche est une résidence, plusieurs conditions doivent être réunies
pour que la perquisition soit considérée comme raisonnable. Les policiers
procédant à la perquisition doivent frapper à la porte et s’annoncer311 sauf en
cas d’urgence, lorsqu’ils ont des motifs raisonnables de craindre pour leur
sécurité ou celle d’autrui, ou de craindre que des éléments de preuve ne soient
détruits312. Ils peuvent utiliser la force seulement s’ils craignent pour leur
sécurité ou celle d’autrui313. Enfin, ils doivent avoir le mandat en leur
possession avant de pénétrer dans le lieu et le montrer si demandé314.
308 Art 2 C. cr 309 Art 488 C. cr 310 R. v. Sutherland, [2000] CA O.J. No. 4704 par. 25. Confirmé par R. v. MacDonald, [2012] CA O.J. No. 1673 et R. v. L.V.R., [2014] CA B.C.J. No. 2295 311 Eccles c. Bourque [1975] 2 R.C.S. 739 par. 7 et R. c. Cornell, [2010] 2 R.C.S. 142 par. 18. Les policiers doivent « donner (i) avis de leur présence en frappant ou en sonnant, (ii) avis de leur autorité, en s'identifiant comme agents chargés d'exécuter la loi et (iii) avis du but de leur visite, en déclarant un motif légitime d'entrer » 312 R. c. Cornell, [2010] 2 R.C.S. 142, par.20 et R. c. Grimson [1991] 3 R.C.S. 692. 313 Art 25 C. cr et R. c. Genest, [1989] 1 R.C.S. 59. 314 Art 29 C. cr et R. c. Manseau, [2010] CA J.Q. no 13933
86
Ainsi la législation canadienne de droit commun est assez proche du
régime des perquisitions et saisies prévu en France en matière de terrorisme.
En effet, sous le contrôle d’un juge, les policiers peuvent procéder à des
perquisitions nocturnes et des perquisitions sans l’assentiment de la personne
concernée.
b.3. Le but des perquisitions : la saisie
Lors de la perquisition, l’agent de la paix peut saisir tout objet qu’il estime
nécessaire. En principe, il devra remettre le bien à son possesseur dans les
plus brefs délais dès qu’il est convaincu que sa détention n’est pas nécessaire
pour une procédure judiciaire. Dans le cas contraire, il devra faire un rapport au
juge de paix315. Ce dernier appréciera s’il est nécessaire de détenir l’objet saisi
aux fins d’une enquête ou d’une procédure judiciaire316.
Il existe quelques dispositions spécifiques s’agissant des saisies et
confiscations de biens en matière de terrorisme. Sur demande du procureur
général, un juge de la Cour fédérale convaincu qu’il existe des motifs
raisonnables de croire que des biens appartenant ou à la disposition de
terroristes se trouvent dans un lieu peut délivrer un mandat autorisant un agent
de la paix à perquisitionner et à les saisir. 317 Il peut également rendre une
ordonnance de confiscation de ces biens318.
2. Les écoutes téléphoniques
a. Les écoutes téléphoniques en droit canadien
L’interception de communications privées, communément appelée
‘’écoute téléphonique’’ se définit comme un « espionnage électronique effectué
par l'interception frauduleuse d'ondes électromagnétiques provenant
d'équipements informatiques en exploitation »319.
315 Art 489.1 (1) C.cr 316 Art 490 (1) C. cr En principe, l’Etat ne pourra détenir les biens saisis pour une période de plus de trois mois. Cependant si la détention du bien est toujours nécessaire au-delà de cette période, l’Etat pourra requérir une ordonnance de prolongation en vertu de l’art 490 (2) C.cr 317 Art 83.13 C.cr 318 Art 83.14 C.cr 319 Office québécois de la langue française, Le grand dictionnaire terminologique.
87
Ainsi, l’écoute téléphonique implique deux aspects : une interception (la notion
d’interception est large puisqu’elle vise le « fait d’écouter, d’enregistrer ou de
prendre volontairement connaissance d’une communication ou de sa
substance, son sens ou son objet »320) et une communication privée (c’est-à-
dire une « communication orale ou télécommunication (…) qui est faite dans
des circonstances telles que son auteur peut raisonnablement s’attendre à ce
qu’elle ne soit pas interceptée par un tiers »321)
Par principe, les écoutes téléphoniques sont prohibées322. Toutefois et
ce depuis de nombreuses années, le législateur canadien a admis des
exceptions et permet aux policiers d’utiliser ce moyen, à certaines conditions.
En raison de l’importante expectative de vie privée, les écoutes téléphoniques
ne peuvent se faire que dans le respect de règles strictes, à défaut desquelles
elles seront déclarées contraires aux exigences de la Charte canadienne des
droits et libertés. Cependant, dans un but d’efficacité, les lois antiterroristes
canadiennes sont venues assouplir les exigences traditionnelles en la matière
s’agissant des critères d’obtention du mandat et de sa durée.
Les articles 185 et 186 du Code criminel permettent à un agent de la paix
de procéder, sous certaines conditions, à des écoutes téléphoniques. « En
vertu de ces articles, lus en conjonction avec la définition du terme ‘’infraction’’,
à l’article 183, cette procédure ne peut être utilisée qu’à l’égard de certains
crimes prévus au Code »323 dont notamment le terrorisme324.
a.1. Conditions des écoutes téléphoniques : l’exigence d’un
mandat
Les écoutes téléphoniques constituent des fouilles et saisies au sens de
l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés.325 A ce titre, les
320 Art 183 C. cr et R. c. Société TELUS Communications, [2013] 2 R.C.S. 3 321 Ibid 322 Arts 184(1) et 184.5(1) C. cr. Le fait pour quiconque d’intercepter volontairement une communication privée constitue un acte criminel, passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans. 323 Pierre Béliveau et Martin Vauclair, Traité général de preuve et de procédure pénale, 23ème éd., Montréal, Éditions Thémis, 2016, par. 556 324 Art 183 C. cr « infraction » a) (xii.1) à (xii.91) 325 R. c. Duarte, [1990] 1 R.C.S. 30, par. 50
88
interceptions de communications privées doivent donc être autorisées
préalablement à leur exécution.
- La demande d’autorisation pour procéder à l’écoute téléphonique doit
respecter plusieurs exigences326. Cette demande est présentée ex parte et par
écrit à un juge d’une cour supérieure. Elle doit être signée par le procureur
général de la province, ou par le ministre de la Sécurité publique et de la
Protection civile, ou par un mandataire spécialement désigné.
Au soutien de cette demande, est joint un affidavit rédigé par un agent de la
paix ou un fonctionnaire public. Cet affidavit doit préciser plusieurs éléments.
Tout d’abord, il doit mentionner les faits justifiant l’autorisation ainsi que les
détails relatifs à l’infraction (c’est-à-dire viser une infraction précise et préciser
en quoi l’écoute permettra de recueillir des preuves327). Ensuite, il doit indiquer
un ensemble de données techniques : le genre de communications privées qui
sera interceptée, des informations sur les personnes visées (nom, adresse,
professionnel), une description générale du lieu où les interceptions seront
effectuées et une description générale de la façon dont il souhaite procéder.
Egalement, si des demandes d’interception ont déjà été faites pour la même
infraction, l’affidavit doit indiquer leur nombre, leur date et le nom du juge
auxquelles elles ont été présentées. Enfin, il doit mentionner la période de
temps pour laquelle l’autorisation est demandée.
En droit commun, en plus de ces mentions, l’affidavit doit indiquer : si d’autres
méthodes d’enquêtes ont été essayées, pourquoi elles paraissent avoir peu de
chance de succès le cas échéant ou, étant donné de l’urgence de l’affaire, qu’il
ne serait pas pratique de mener l’enquête relative à l’infraction en n’utilisant que
ces méthodes328. Dans l’arrêt R. c. Araujo329, la Cour suprême a précisé qu’il ne
s’agissait pas de montrer que l’écoute téléphonique était une mesure de dernier
recours. Il faut justifier de la nécessité de procéder à l’écoute téléphonique en
démontrant qu’il n’existe aucun autre moyen d’enquête raisonnable dans les
circonstances de l’enquête330. A défaut d’avoir envisagé un minimum les autres
326 Art 185 C. cr 327 R. v. Shayesteh, [1996] CA O.J. No. 3934 328 Art 185(1) h) C. cr 329 R. c. Araujo, [2000] 2 R.C.S. 992 par 29 330 R. v. Schreinert, [2002] CA O.J. No. 2015 par. 34
89
techniques d’enquête, le juge n’autorisera pas la mise en œuvre des écoutes
téléphoniques331.
Cependant, cette exigence de nécessité a été supprimée en matière de
terrorisme332. Ainsi, dans le cadre d’écoutes téléphoniques relatives à une
infraction de terrorisme, l’agent de la paix n’a pas à démontrer que d’autres
méthodes d’enquêtes ont été tentées.
- Le juge de la Cour supérieure fera droit à la demande s’il est
convaincu333 :
d’une part que l’octroi de cette autorisation « servirait au mieux
l’administration de la justice » Dans l’arrêt R. c. Araujo, la Cour suprême a
considéré que cette exigence signifiait « que, conformément à l’art. 8 de la
Charte canadienne des droits et libertés, il doit y avoir des motifs
raisonnables et probables de croire qu’une infraction a été commise »334.
d’autre part que d’autres méthodes d’enquêtes ont été essayées, ont peu
de chance de succès ou que l’urgence de la situation est telle qu’il ne serait
pas pratique de mener l’enquête relative à l’infraction en n’utilisant que les
autres méthodes d’enquêtes. Cependant, là encore cette exigence a été
supprimée en matière de terrorisme335.
Ainsi, dans le cadre d’écoutes téléphoniques relatives à une infraction de
terrorisme, la délivrance du mandat est plus aisée : le juge de la Cour
supérieure pourra accorder l’autorisation dès lors qu’il est convaincu que ces
écoutes serviraient au mieux l’administration de la justice.
L’autorisation d’effectuer l’écoute téléphonique doit mentionner plusieurs
éléments336. Elle doit indiquer l’infraction pour laquelle l’écoute est permise, le
type de communication qui pourra être interceptée, l’identité des personnes
visées, une description générale du lieu et de la façon dont les communications
331 R. c. Collins, [1987] 1 R.C.S 265 par. 38, R. c. Strachan, [1988] 2 R.C.S. 980, par 47, R. c. Feeney, [1997] 2 R.C.S. 13, par. 76 et R. c. Buhay, [2003] 1 R.C.S. 631, par. 63. 332 Art 185 (1.1) c) C. cr affirme « L’alinéa (1) h) ne s’applique pas dans les cas où l’autorisation demandée vise : c) une infraction de terrorisme ». 333 Art 186 (1) C.cr 334 R. c. Araujo, [2000] 2 R.C.S. 992 par.20. La Cour suprême vient ici rappeler une interprétation constante. Voir en ce sens : Hunter c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145; R. c. Garofoli, [1990] 2 R.C.S. 1421 par.35; et R. c. Duarte, [1990] 1 R.C.S. 30 par. 24 335 Art 186 (1.1) C. cr : Ce critère « ne s’applique pas dans les cas où le juge est convaincu que l’autorisation demandée vise : c) une infraction de terrorisme ». 336 Art 186 (4) C.cr
90
seront interceptées, les modalités opportunes dans l’intérêt public et la période
de temps pendant laquelle les écoutes sont autorisées.
Bien que la mise en œuvre des écoutes téléphoniques soit soumise à
l’exigence d’un mandat, l’article 184.4 du Code criminel permet l’interception
d’une communication privée par un policier, sans autorisation préalable. Ce
dernier doit avoir des motifs raisonnables de croire que l’urgence de la situation
est telle qu’une autorisation ne peut être obtenue en faisant preuve de toute
diligence raisonnable ; que l’interception immédiate est nécessaire pour
empêcher la perpétration d’un infraction qui causerait des dommages sérieux à
une personne ou un bien ; que l’une des parties à la communication est la
victime ou l’auteur potentiel de l’acte. Cette disposition qui constitue le droit
commun, peut bien évidemment s’appliquer dans le cadre de la lutte contre le
terrorisme337.
***
Comme en France, il existe au Canada, un système administratif
d’interception des communications privées338. Cette pratique est effectuée sous
certaines conditions par le CST (Centre de la sécurité des télécommunications),
après autorisation du Ministre de la Défense nationale (et non d’un juge
judiciaire).
En effet, le Ministre peut autoriser par écrit, l’interception de communication
privée dès lors qu’il est convaincu que l’interception vise des entités étrangères
situées à l’extérieur du Canada, que les renseignements ne peuvent
raisonnablement être obtenus d’une autre manière, que la valeur des
renseignements espérés justifie la mesure et qu’il existe des mesures
satisfaisantes pour protéger la vie privée des Canadiens. Ces interceptions ne
337 La possibilité d’effectuer une écoute téléphonique sans mandat est une mesure qui doit être exceptionnelle. En effet, dans l’arrêt R. c. Tse, la Cour suprême a affirmé qu’il s’agissait de « la seule disposition [relative à l’interception de communications privées] n’exigeant ni le consentement d’une partie, ni une autorisation préalable ». Le législateur l’a toutefois assortie de conditions importantes qui « créent intrinsèquement des limites temporelles strictes » et qui garantissent « que les communications ne seront interceptées sans autorisation qu'en [véritable] situation d'urgence pour prévenir des dommages sérieux » Elle a donc conclu que la disposition était conforme à l’article 7 et à l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés. (R. c. Tse, [2012] 1 R.C.S. 531 par. 27, 28 et 58) 338 Arts 273.65 (1) et (2) de la Loi sur la défense nationale (L.R.C. (1985), ch. N-5)
91
peuvent être effectuées que dans le seul but d’obtenir des renseignements
étrangers.
a.2. Exécution des écoutes téléphoniques
- La durée de l’écoute téléphonique ne peut, en principe, excéder soixante
jours339.
Toutefois, un juge d’une cour supérieure peut renouveler l’autorisation lorsqu’il
reçoit une demande écrite accompagnée d’un affidavit indiquant un certain
nombre d’éléments (la raison et la période pour lesquelles le renouvellement
est demandé, les détails relatifs aux interceptions qui ont été faites ou tentées,
le nombre de cas où une demande de renouvellement a été présentée et tout
autre renseignement que le juge peut exiger).340 Le juge pourra accorder le
renouvellement d’une autorisation pour une période maximale de soixante jours
s’il est convaincu que l’une des circonstances fondant l’écoute téléphonique
existe encore341.
En matière de terrorisme, la durée des écoutes téléphoniques a été
considérablement augmentée. En effet, lorsque l’enquête porte sur une
infraction de terrorisme, la durée des écoutes téléphoniques peut être
augmentée à un an342. Et ce, pour la première autorisation et pour son
renouvellement.
- L’autorisation est assortie du pouvoir pour les policiers d’installer le
dispositif d’interception, de l’entretenir et de l’enlever secrètement343. Les
communications sont retranscrites par écrit. Tous les documents sont
confidentiels et placés dans un paquet scellé conservé par le tribunal344.
- Les écoutes téléphoniques sont faites par principe à l’insu des
participants. Toutefois, le droit canadien prévoit l’information de la personne
339 Art 186 (4) e) C. cr 340 Arts 186 (6) et (7) C. cr 341 Art 186 (1) C.cr 342 Art 186.1 c) C. cr affirme que « l’autorisation et le renouvellement peuvent être valides pour des périodes de plus de soixante jours précisées par l’autorisation et d’au plus un an chacune, dans les cas où l’autorisation vise : c) une infraction de terrorisme » 343 Art 186 (5.1) C.cr 344 Art 187 (1) C. cr
92
visée par l’écoute, après un certain temps. En effet, la personne visée par
l’écoute téléphonique est informée de cette mesure postérieurement, par un
avis qui est donné par le procureur général de la province ou le ministre de la
Sécurité publique et de la Protection civile345. En principe, cet avis est délivré
« dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la période pour laquelle
l’autorisation a été donnée ou renouvelée »346.
Cependant, le procureur général ou le ministre peut demander au juge
de prolonger ce délai.347 Cette demande est accompagnée d’un affidavit
indiquant les faits justifiant la prolongation et le nombre de fois où une demande
de renouvellement a été faite348. Le juge de la cour supérieure décidera de
prolonger ce délai pour une période maximale de trois ans, s’il est convaincu
que l’enquête en cours ou toute autre enquête découlant d’un renseignement
obtenu « continue et que les intérêts de la justice justifient qu’il l’accepte ».349
En matière de terrorisme, les motifs pour accorder une telle prolongation ont été
modifiés. En effet, le juge décidera toujours de prolonger le délai initial pour une
période maximale de trois ans. Cependant, par dérogation au droit commun, le
juge accordera la prolongation dès lors qu’il est convaincu que l’autorisation
vise une infraction de terrorisme et que les intérêts de la justice justifient qu’il
accepte.350
Ainsi, en matière de terrorisme, le législateur permet aux policiers de
procéder à des interceptions de communications privées selon des conditions
plus souples que le droit commun et pour un délai plus long.
Il est possible de s’interroger sur la constitutionnalité de cette disposition.
Malgré l’absence de jurisprudence, certains éléments peuvent être présentés.
L’écoute téléphonique est une mesure attentatoire au droit à la vie privée qui
fait l’objet d’une double protection. D’une part, elle est protégée, à travers le
droit à la liberté, par l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés351.
345 Art 196(1) C.cr 346 Ibid. 347 Art 196 (2) C.cr 348 Art 196 (4) C. cr 349 Art 196 (3) C.cr 350 Art 196 (5) c) C.cr 351 Godbout c. Longueuil (Ville), [1997] 3 R.C.S. 844, par. 65
93
D’autre part, d’après la Cour suprême352, cette technique d’enquête constitue
une fouille, perquisition et saisie, et fait donc également l’objet d’une seconde
protection par l’article 8 de la Charte.
En matière de terrorisme, le législateur a fait le choix de faciliter le recours aux
écoutes téléphoniques, notamment en assouplissant les critères d’obtention du
mandat. En effet, en principe, il est nécessaire de démontrer la nécessité
d’avoir recours aux écoutes téléphoniques dans le cadre d’une enquête. Ainsi,
la demande d’autorisation doit indiquer que d’autres méthodes d’enquêtes ont
été évaluées et le juge doit le prendre en considération. Cette exigence a été
supprimée par la loi antiterroriste de 2001353. Or, la Cour suprême semble
considérer que le critère de nécessité est essentiel à l’obtention d’un mandat354.
Ainsi, l’écoute téléphonique, autorisée en vertu d’un mandat qui n’aurait pas
pris en considération cette exigence, semble abusive et partant contraire à
l’article 8 de la Charte Canadienne des droits et libertés.
Le législateur a également augmenté le délai de la mesure. Ce procédé ne
semble pas contraire en soi aux exigences constitutionnelles. Cependant, il
soulève des interrogations de la part des professionnels et de la doctrine. Ainsi,
dans l’arrêt R. c. Doiron355, l’avocat de la défense a affirmé « que cette période
d'un an permet que beaucoup d'autres personnes, inconnues au départ,
tombent sous le coup de la "clause résiduelle". Les écoutes autorisées
pourraient donc se métamorphoser, sans surveillance judiciaire, en une
multitude d'autres »
Enfin, le législateur a modifié les règles classiques relatives à l’avis de la
personne concernée par les écoutes téléphoniques. En matière de terrorisme, il
est prévu que le juge peut prolonger le délai d’avis pour une période maximale
de trois ans et selon des motifs moindres. La durée de la prolongation ne
semble pas en soi contraire aux exigences constitutionnelles puisqu’une même
durée est possible en droit commun. Cependant, les motifs d’octroi de la
prolongation sont moins exigeants et sont donc susceptibles d’être contraire à
la Charte canadienne.
352 R. c. Duarte, [1990] 1 R.C.S. 30, par. 50 353 Loi C-36 du 18 décembre 2001 (L.C. 2001, ch. 41) 354 R. c. Araujo, [2000] 2 R.C.S. 992 par. 37 et 38 355 R. c. Doiron, [2004] CBR A.N.-B. no. 208 par. 62
94
Comme il a été mentionné précédemment, il n’existe aucune décision en
matière d’écoutes téléphoniques relatives à une infraction de terrorisme. Mais, il
est possible de se référer aux décisions en matière de criminalité organisée
puisque dans ce domaine, le régime des écoutes téléphoniques est comparable
à celui du terrorisme. En effet, toutes les dérogations énumérées dans cette
partie s’appliquent également à « une infraction commise au profit ou sous la
direction d’une organisation criminelle, ou en association avec elle »356.
Dans le cadre de la criminalité organisée, plusieurs jugements ont admis la
validité constitutionnelle de ces dérogations. S’agissant du critère de nécessité,
la Cour du Banc de la Reine du Manitoba a considéré qu’il pouvait être
supprimé sans pour autant être contraire à la Charte canadienne des droits et
libertés357. S’agissant de la durée de la mesure, la Cour du Banc de la Reine du
Nouveau-Brunswick, la Cour a également considéré que la disposition était
conforme aux exigences constitutionnelles358.
Finalement, malgré les critiques exposées, il est fort possible que les
dispositions en matière de terrorismes soient déclarées conformes à la Charte.
b. Les écoutes téléphoniques en droit français
Les écoutes téléphoniques, appelées ‘’interceptions de correspondance
émises par la voie des communications électroniques’’ existent également en
droit français et y sont définies comme des « opérations par lesquelles, sous
l’autorité et le contrôle d’un magistrat, sont captées, enregistrées et transcrites
les correspondances émises par la voie des télécommunications, lorsque les
nécessités d’une enquête ou d’une information l’exigent »359.
En principe, les écoutes téléphoniques et plus largement, toutes les
interceptions et captations de correspondances, sont prohibées360. Toutefois
des exceptions sont prévues par le législateur, permettant ainsi à un officier de
356 Art 185 (1.1) b) C.cr ; Art 186 (1.1) b) C.cr ; Art 186.1 b) C.cr et Art 196 (5) C. cr. Issu de la loi C-95 L.C. 1997, ch. 23 dite « loi anti-gang » 357 R. c. Pangman, [2000] CBR M.J. No. 300, par. 44 et R. c. Doiron, [2004] CBR A.N.-B. no 208 par. 44, 45 et 61 358 R. c. Doiron, [2004] CBR A.N.-B. no 208 par. 64 359 Thierry Debard et Serge Guinchard (dir.), Lexique des termes juridiques, Dalloz, 23ème ed., 2016. 360 Art 226-15 C. pén.
95
police judiciaire de procéder, sous certaines conditions, à des écoutes
téléphoniques.
b.1. Les écoutes judiciaires
Développées en l’absence de texte, les écoutes téléphoniques judiciaires
étaient, à l’origine, encadrées par la jurisprudence de la Cour de Cassation361.
Mais c’est à la suite d’une condamnation de la Cour européenne des droits de
l’homme362 que les écoutes judiciaires sont codifiées363. A ce titre, un certain
nombre de garanties sont prévues afin de concilier efficacité des investigations
et protection des libertés individuelles (ici le droit à la vie privée).
- Traditionnellement, les écoutes judiciaires ne peuvent être ordonnées
que par le juge d’instruction dans le cadre d’une information relative à un crime
ou un délit dont la peine encourue est égale ou supérieure à deux ans
d’emprisonnement364. Ces opérations sont effectuées sous son autorité et son
contrôle. La décision d’interception est rendue par écrit, comporte un certain
nombre de mentions365 (identification de la ligne, infraction motivant l’écoute,
durée de la mesure) et est insusceptible de recours366.
La durée de la mesure est de quatre mois maximum367. Toutefois, elle peut être
renouvelée pour des périodes de quatre mois, dans la limite d’un an en droit
361 Dans l’arrêt Imbert, la Chambre criminelle de la Cour de Cassation a admis la validité de telles écoutes (Cass. Crim., 12 juin 1952, S. 1954, I, 69 Imbert). Puis, dans l’arrêt Tournet, la Chambre criminelle a apporté des précisions en conditionnant la validité de ces écoutes à plusieurs éléments et en les fondant sur des textes très larges dont l’article 81 al. 1 et l’article 151 C. proc. pén. (Crim. 9 octobre 1980 n° 80-93140 Tournet) 362 CEDH, Ch., 24 avril 1990, Kruslin et Huvig, req. n° 11801/85. 363 Par la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques 364 Art 100 C. proc pén. S’agissant du monopole du juge d’instruction : Cass. Crim. 13 juin 1989 n° 89-81388 et 89-81709 Bull. crim. 1989 N° 254 p. 634 365 Art 100-1 C. proc. pén. 366 Art 100 C. proc. pén. Ceci est contesté par une partie de la doctrine. Ainsi Gilbert Roussel énonce « S’agissant d’une décision portant atteinte aux libertés individuelles et prise par un juge de premier degré, elle devrait, en bonne logique, pouvoir être contestée ». (Gildas Roussel, Procédure Pénale, Vuibert droit, 7ème éd. 2016, p. 305) En effet, selon la Cour de Cassation, l’intervention du juge judiciaire au moment de la prise de décision constitue une garantie suffisante. Pourtant, la Cour européenne des droits de l’homme considère que cela revient à priver l’intéressé de tout recours, ce qui est contraire aux articles 8 et 13 de la Convention (CEDH, Cour (Chambre), 24 août 1998, Lambert c. France n° 23618/94 par. 43 et CEDH, Cour (Quatrième Section), 29 mars 2005, Matheron c. France, req n° 57752/00 par 44). 367 Art 100-2 C. proc pén.
96
commun ou de deux ans en matière de criminalité organisée (dont le
terrorisme)368.
Le juge d’instruction ou l’officier de police judiciaire commis peut requérir tout
agent qualifié en vue de procéder à l’installation du dispositif d’interception369.
L’exécution de la mesure est confiée à un officier de police judiciaire et un
agent de l’entreprise de télécommunication concernée. Le magistrat et l’officier
dressent un procès-verbal de chacune des opérations d’interception et
d’enregistrement en y indiquant la date et l’heure. Ils retranscrivent seulement
les conservations « utiles à la manifestation de la vérité »370. Les transcriptions
sont versées au dossier et les enregistrements sont ensuite placés sous scellés
fermés371. Une fois que la prescription de l’action publique a expiré, ces
enregistrements sont détruits à la diligence du procureur de la République ou
du procureur général372.
- Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, le législateur a prévu des
règles dérogatoires de droit commun en admettant le recours à ces mesures
lors de l’enquête de flagrance et lors de l’enquête préliminaire. En effet, si les
nécessités de ces enquêtes relatives à une infraction de terrorisme l’exigent, le
juge des libertés et de la détention peut, à la requête du procureur de la
République, autoriser l’interception, l’enregistrement et la transcription de
correspondances privées373. Ces opérations sont effectuées sous le contrôle du
juge des libertés et de la détention. La décision d’interception doit présenter les
mêmes caractéristiques que celles énoncées pour l’instruction mais elle n’a pas
à être motivée374.
La durée de la mesure est d’un mois maximum mais peut être renouvelé une
fois dans les mêmes conditions de forme et de durée375.
Les attributions confiées lors de l’instruction au juge de l’instruction ou à
l’officier de police commis par lui, sont ici exercées par le procureur de la
368 Ibid. 369 Art 100-3 C. proc. pén. 370 Art 100- 5 C. proc pén. 371 Art 100-4 C. proc. pén. 372 Art 100-6 C. proc. pén 373 Art 706-95 al 1 C. proc. pén. 374 Cass. Crim. 27 septembre 2011 n°11-81458 375 Ibid
97
République ou l’officier de police judiciaire requis par lui376. Le juge des libertés
et de la détention ayant autorisé l’interception est informé, sans délai, par le
procureur de la République des actes accomplis377.
***
Ainsi, dans un souci d’efficacité, le législateur a considérablement élargi le
régime des écoutes téléphoniques en matière de terrorisme puisqu’elles
peuvent désormais être accomplies lors de l’enquête de flagrance et de
l’enquête préliminaire contrairement au droit commun.
Toutefois, afin de concilier les impératifs de lutte contre le terrorisme et le
droit à la vie privée, le législateur conditionne et encadre la mise en œuvre de
ces mesures. D’une part, la durée de ces écoutes est relativement courte, bien
inférieure aux durées lors de l’instruction. D’autre part, ces mesures ne peuvent
être effectuées qu’avec l’accord du juge des libertés et de la détention,
magistrat du siège et garant de la liberté individuelle. Le Conseil Constitutionnel
a estimé que le régime des écoutes téléphoniques en matière de terrorisme
était entouré de garanties suffisantes et donc, conforme aux exigences
constitutionnelles378. De même, très tôt, la Cour européenne des droits de
l’homme a admis que la lutte contre le terrorisme justifiait le recours à des
méthodes spécifiques telles que les écoutes téléphoniques dans la mesure où
« les sociétés démocratiques se trouvent menacées de nos jours (…) par le
terrorisme, de sorte que l’Etat doit être capable, pour combattre efficacement
ces menaces, de surveiller en secret les éléments subversifs opérant sur son
territoire »379.
Il existe également un régime spécifique en matière d’interceptions de
correspondances électroniques. A l’origine, la Chambre criminelle de la Cour de
cassation avait considéré que ces correspondances électroniques ne pouvaient
376 Art 706-95 al 2 C. proc. pén 377 Bien que le juge d’instruction doive être informé sans délai des actes accomplis, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a admis qu’un retard de trois jours était acceptable (Cass. Crim. 23 mai 2006 Bull. crim. n°139 ; D. 2006. 2836) 378 Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 [Loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité] où le Conseil Constitutionnel estime que « les dispositions (…) ne portent une atteinte excessive ni au secret de la vie privée ni à aucun autre principe constitutionnel » (consid. 61) 379 CEDH, Cour (plénière) 6 septembre 1978, Klass et autres c. République Fédérale d’Allemagne, req n°5029/71 par. 48
98
faire l’objet d’une interception mais seulement d’une perquisition dont le régime
obéit à des règles plus strictes380.
En matière de terrorisme, le législateur permet désormais d’intercepter les
correspondances électroniques381. Ainsi, si les nécessités de l’enquête
l’exigent, le juge des libertés et de la détention ou le juge d’instruction en cas
d’information, peut autoriser par ordonnance motivée l’accès et la saisie, à
distance et à l’insu de la personne visée, des correspondances stockées par la
voie des communications électroniques accessibles au moyen d’un identifiant
informatique.
b.2. Les écoutes administratives
Comme pour les écoutes judiciaires, les écoutes administratives ont été
réglementées, à la suite de la condamnation par la Cour européenne des droits
de l’homme382, par une loi du 10 juillet 1991383.
Les écoutes dites administratives appelées également ‘’interceptions de
sécurité’’ sont prescrites par le Premier ministre pour la sauvegarde d’un
impératif d’intérêt national. En effet, les services spécialisés de renseignement
peuvent recourir à des interceptions de sécurité pour « le recueil des
renseignements relatifs à la défense et à la promotion des intérêts
fondamentaux de la Nation » dont notamment la prévention du terrorisme384.
Elles sont réglementées par le Code de la sécurité intérieure.
- Les écoutes administratives sont autorisées par le Premier ministre sur
demande écrite et motivée des Ministres en charge de la défense, de l’intérieur,
de la justice, de l’économie, du budget ou des douanes385 (ou de l’une des
personnes que chacun d’eux a désignées). Cette demande doit préciser un
certain nombre d’élément (nombre d’éléments techniques à mettre en œuvre,
service pour lequel elle est présentée, finalités poursuivies, motifs des mesures,
380 Cass. Crim 8 juillet 2015 n°14-88.457 381 Art 706-95-1 C proc. pén. (pour l’enquête de flagrance et préliminaire) et Art 706-95-2 C proc. pén (pour l’instruction) 382 Cf. Note n°360 383 Cf. Note n°361. 384 Art L811-3 C séc. int. Déclaré conforme dans Décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015 (consid. 12) 385 Art L821-2 C séc. int Déclaré conforme dans Décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015 (consid. 22)
99
durée de l’autorisation, les personnes et lieux concernés)386. L’autorisation est
délivrée par le Premier Ministre, après avis de la Commission nationale de
contrôle des techniques de renseignement (CNCTR)387. L’autorisation doit être
accordée par une décision écrite, motivée et comportant les mêmes mentions
que la demande. Si l’autorisation est délivrée après un avis défavorable de la
CNCTR, elle doit indiquer en plus les motifs pour lesquels cet avis n’a pas été
suivi. Elle est valable pour quatre mois maximum renouvelable dans les mêmes
conditions de forme et de durée388.
- Ces écoutes ne peuvent être mises en œuvre que par des agents
individuellement désignés et habilités389. Elles sont mises en œuvre sous
l’autorité du Premier Ministre, dans les conditions qu’il a définies390. Un relevé
de chaque écoute est établi391. Parmi les correspondances interceptées, seuls
les renseignements en relation avec l’intérêt public sont transcrits. Ces
transcriptions seront détruites dès que leur conservation n’est plus
nécessaire392.
- La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignements
(CNCTR)393 est une autorité administrative indépendante qui a pour mission de
contrôler la légalité de ces écoutes administratives394. Elle est composée de
neuf membres395. La demande d’écoutes téléphoniques est communiquée à
cette Commission (sauf en cas d’urgence d’absolue396) qui rend un avis dans
un délai de soixante-douze heures maximum397. Toute personne qui pense faire
386 Ibid 387 Ibid 388 Art L824-1 C séc. int 389 Art L821-1 C séc. int 390 Art L822-1 C séc. int 391 Arts L822-1 et L822-2 C séc. int : Il mentionne dates, heures ainsi que la nature des renseignements collectés. Ce relevé est tenu à la disposition de la commission. Il est détruit à l’issue d’une durée de trente jours à compter de son recueil. Déclaré conforme dans Décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015 (consid. 39) 392 Art L822-3 C séc. int 393 Elle remplace la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (Loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement) 394 Art L833-1 C séc. int 395 Art L831-1 C séc. int Déclaré conforme dans Décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015 (consid. 44) 396 Art L821-5 C séc. int. Dans le cadre de la prévention du terrorisme et en cas d’urgence absolue, le Premier Ministre peut délivrer de manière exceptionnelle une autorisation sans avis préalable de la CNCTR. Il en informe celle-ci par sans délai et par tout moyen. Déclaré conforme dans Décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015 (consid. 26) 397 Art L821-3 C séc. int. Lorsque la demande est examinée par le Président de la Commission ou l’un de ses membres, l’avis est rendu dans un délai de vingt-quatre heures. Cependant, si la
100
l’objet d’une écoute téléphonique administrative peut la saisir. Elle vérifiera
alors si une écoute est en cours et demandera son interruption si elle n’est pas
conforme aux prescriptions légales. Elle informera le demandeur que les
vérifications nécessaires ont été effectuées, sans confirmer ni infirmer la mise
en œuvre de l’écoute398.
- Le Conseil d’Etat se voit confier un contrôle juridictionnel. Il est
compétent pour connaitre des requêtes concernant la mise en œuvre des
interceptions de sécurité. Il peut être saisi par toute personne souhaitant vérifier
qu’aucune interception de sécurité n’est irrégulièrement mise en œuvre à son
égard et justifiant de la mise en œuvre préalable de la procédure devant la
CNCTR. Il peut être également saisi par cette dernière soit lorsque le Premier
ministre ne donne pas suite aux avis de la commission soit lorsque les suites
qui y sont données sont estimées insuffisantes399. Il statue dans le délai d'un
mois à compter de sa saisine.
Les écoutes administratives sont certainement nécessaires afin de lutter
contre le terrorisme400. Toutefois, est ce que les garanties sont réellement
suffisantes au regard des droits fondamentaux des citoyens ? Il est possible
d’en douter401.
Pourtant, le Conseil Constitutionnel a validé les interceptions de
sécurité.402
demande est examinée par la formation restreinte ou la formation plénière de la Commission alors l’avis est rendu dans un délai de soixante-douze heures. 398 Art L833-4 C séc. int 399 Arts L841-1 et L833-8 C séc. int Déclaré conforme dans Décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015 (consid. 49) 400 Durant l’année 2015/2016, la CNCTR a rendu 8538 avis sur des demandes d’interceptions de sécurité. 43% des demandes ont été motivées par la prévention du terrorisme. Dans un contexte fortement marqué par la menace terroriste, la CNCTR constate une importante augmentation des demandes par rapport aux années précédentes. Voir en ce sens : 1er Rapport d’activité 2015/2016 Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement p.68, 69 et 70. 401 D’une part, il est possible de déplorer l’absence du juge judiciaire pourtant garant de la liberté individuelle en vertu de l’article 66 de la Constitution. D’autre part, la Commission ne dispose que d’une simple possibilité de recommandation et non d’un réel pouvoir de contrainte à l’encontre du Premier Ministre qui autorise les écoutes. 402 Décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015
101
3. L’audience d’investigation : une spécificité canadienne
L’audience d’investigation est une mesure créée spécialement par la loi
antiterroriste de 2001403 pour lutter contre le phénomène. Elle ne peut donc être
utilisée que dans ce cadre. Selon la Cour suprême du Canada, « Bien que le
processus d’investigation judiciaire s’apparente [à d’autres mesures existantes],
la disposition représente, dans son ensemble, une nouveauté dans le paysage
juridique canadien »404.
Cette mesure consiste à contraindre un individu à se soumettre à un
interrogatoire, dans le cadre d’une enquête relative à une infraction de
terrorisme. Elle a pour but de faciliter la recherche de renseignements en la
matière.
a. La demande de collecte de renseignements
L’investigation dans le cadre d’une comparution, appelée également
‘’audience d’investigation’’, ne peut s’effectuer qu’avec l’autorisation d’un juge
(de la cour provinciale ou de la cour supérieure). Ainsi, dans le cadre d’une
infraction de terrorisme, l’agent de la paix peut présenter une requête au juge
afin qu’il rende une ordonnance autorisant la recherche de renseignements405.
Cette demande ne peut être présentée qu’avec le consentement préalable du
Procureur général406.
Le juge saisi de la demande peut rendre une telle ordonnance s’il est
convaincu de l’existence de l’une des deux situations décrites par l’article 83.28
(4) du Code Criminel :
- La première situation est celle dans laquelle une infraction a été
commise. Le juge pourra rendre une ordonnance autorisant la recherche de
renseignements à deux conditions. D’une part, il doit exister des motifs
raisonnables de croire qu’une infraction de terrorisme a été commise. D’autre
part, il doit exister des motifs raisonnables de croire que des renseignements
403 Art 83.28 C cr. Issu de la loi antiterroriste C-36 du 18 décembre 2001 (L.C. 2001, ch.41) 404 Demande fondée sur l’art. 83.28 du Code criminel (Re), [2004] 2 R.C.S. 248, (par. 33) 405 Art 83.28 (2) C cr. 406 Art 83.28 (3) C cr.
102
relatifs à l’infraction reprochée ou concernant le lieu où se trouve l’individu
soupçonné d’un tel acte, sont susceptibles d’être obtenus.
- La seconde situation est celle dans laquelle aucune infraction n’a été
commise mais elle est redoutée. Le juge pourra rendre une ordonnance
autorisant la recherche de renseignements à trois conditions. Tout d’abord, il
doit exister des motifs raisonnables de croire qu’une infraction de terrorisme va
être commise. Ensuite, il doit exister des motifs raisonnables de croire qu’une
personne possède des renseignements directs et pertinents relatif à l’infraction
ou de nature à révéler le lieu où se trouve l’individu soupçonné d’un tel acte.
Enfin, des efforts raisonnables doivent avoir été déployés pour obtenir ces
renseignements.
A l’issue de l’examen, le juge peut rendre une ordonnance autorisant la
recherche de renseignements. A ce titre, il peut exiger d’interroger la personne
désignée mais aussi ordonner un certains nombres d’éléments407. Le juge peut
ainsi enjoindre cette personne de se présenter au lieu fixé pour l’interrogatoire
et d’y demeurer jusqu’à ce qu’elle soit libérée. Il peut également lui ordonner
d’apporter tout bien qu’il possède. Enfin, il peut désigner un autre juge pour
présider l’interrogatoire et fixer les modalités qu’il estime indiquées.
Cette ordonnance peut être exécutée en tout lieu au Canada408 et être modifiée
par le juge rendant l’ordonnance ou tout autre juge de la même cour, à tout
moment409. Selon la Cour suprême, « Grâce à l’inclusion de ce pouvoir général
de modifier l’ordonnance, le juge (…) dispose, dans chaque cas, de la latitude
nécessaire pour tenir compte du contexte particulier dans lequel s’applique la
disposition et pour assurer le respect des droits et des valeurs reconnus par la
Constitution et la Common-Law. »410
b. L’audience d’investigation
La personne visée par l’ordonnance est tenue de venir témoigner. A défaut,
elle pourra faire l’objet d’un mandat d’arrestation.
407 Art 83.28 (5) C cr. 408 Art 83.28 (6) C cr. 409 Art 83.28 (7) C cr. 410 Demande fondée sur l’art. 83.28 du Code criminel (Re), [2004] 2 R.C.S. 248, (par. 48)
103
En effet, le juge qui a rendu l’ordonnance ou tout autre juge du même tribunal
peut délivrer un mandat autorisant l’arrestation de la personne visée par
l’ordonnance dans trois cas : s’il est convaincu qu’elle se soustrait à la
signification de l’ordonnance, qu’elle est sur le point de s’esquiver ou qu’elle ne
s’est pas présentée en conformité avec l’ordonnance. Ainsi l’individu pourra
faire l’objet d’une arrestation s’il ne se présente pas ou s’il ne respecte les
modalités de présentation prescrites par l’ordonnance. L’agent de la paix qui
exécutera ce mandat conduira l’individu devant le juge qui a délivré le mandat
ou un autre juge du même tribunal. Afin de faciliter l’exécution de l’ordonnance,
ce dernier pourra ordonner la mise sous garde ou le libérer sur engagement411
La personne désignée est donc tenue de comparaitre. Durant
l’interrogatoire, elle doit répondre aux questions qui lui sont posées et remettre
les choses exigées par l’ordonnance, le cas échéant412. Si le juge présidant
l’interrogatoire est convaincu que la chose remise est susceptible d’être utile à
l’enquête relative à une infraction de terrorisme, il peut ordonner sa mise sous
garde413. Ainsi, cette procédure déroge aux pouvoirs traditionnels des juges
dans un système accusatoire. En effet, ici, le juge va véritablement participer à
l’enquête en ayant un rôle actif dans la recherche de la vérité414.
L’individu peut refuser d’obtempérer seulement dans la mesure où « le
fait de répondre aux questions ou de remettre une chose irait à l’encontre du
droit applicable en matière de privilèges ou de communication de
renseignements protégés ». Outre cette hypothèse, la personne amenée à
témoigner ne peut pas refuser de répondre aux questions posées ou refuser de
remettre un bien demandé et ce même s’il y a une possibilité que cela
l’incrimine, l’expose à des procédures ou pénalités. Ceci est donc
particulièrement attentatoire au droit au silence et à la protection contre l’auto-
411 Arts 83.29 (1) (2) et (3) C cr. 412 Art 83.28 (8) C cr. 413 Art 83.28 (12) C cr. 414 L’audience d’investigation est ainsi une mesure relevant davantage d’une procédure inquisitoire. Voir en ce sens : Association Canadienne des Professeures et Professeurs d’Université. Mémoire présenté au sous-comité de la sécurité publique et nationale concernant l’examen de la loi antiterroriste. 28 février 2005 p. 33
104
incrimination415; droits qui ont été reconnus comme des principes de justice
fondamentale par la Cour suprême416
Afin de concilier les impératifs de lutte contre le terrorisme avec ces
principes fondamentaux, le législateur canadien a tout de même prévu des
garanties pour l’individu interrogé. Tout d’abord, des immunités relatives aux
déclarations qui pourraient incriminer l’individu ont été prévues. Ainsi, la
réponse donnée ou la chose remise ne pourra pas être utilisée contre lui dans
le cadre de poursuites criminelles. De même, pour les preuves découlant de
l’investigation417. Ensuite, bien qu’il ne bénéficie pas de l’ensemble des droits
accordés par l’article 10 de la Charte Canadienne des droits et libertés,
l’individu a le droit d’être assisté par un avocat durant cet interrogatoire418.
Dans un but de lutter efficacement contre le terrorisme, le législateur
canadien a introduit cette nouvelle mesure permettant d’obliger une personne à
témoigner et ce même si elle risque de s’auto-incriminer. Face à l’atteinte au
droit au silence et à la protection contre l’auto-incrimination, il est possible de
s’interroger sur la constitutionnalité d’une telle mesure.
415 Voir en ce sens : Roach Kent, « The danger of a Charter-Proof and Crime-Based Response to Terrorism », in. Ronald J. Daniels (dir.), Patrick Macklem (dir.), Kent Roach (dir.), The security of freedom: essays on Canada’s anti-terrorism bill, Toronto, University of Toronto Press, 2001, (p. 136) et Roach Kent, September 11’ : Consequences for Canada, Montréal, McGill-Queen’s University Press. 2003 (p. 50) où il dénonce notamment l’érosion du droit au silence Egalement : Pierre Robert, « Détruire la démocratie au motif de la défendre - L'arsenal de la loi antiterroriste: nécessité ou prétexte? », Lettre ouverte préparée au nom de la Fédération québécoise des professeurs et professeurs d’Université, 2001. 416 Pour le droit au silence : Thomson Newspapers Ltd c. Canada (Directeur des enquêtes et recherches, commission sur les pratiques restrictives du commerce), [1990] 1 R.C.S. 425 (par. 173) et pour le droit de ne pas s’incriminer : R. c. R.J.S., [1995] 1 R.C.S. 451 (par. 95) 417 Art 83.28 (10) C cr. 418 Art 83.28 (11) C cr. Malgré qu’elle soit obligée de témoigner, la personne est considérée comme une personne libre donc elle ne peut bénéficier des droits garantis par l’article 10 de la Charte canadienne réservés à la personne arrêtée ou détenue. Ainsi cette protection accordée à la personne qui fait l’objet d’une procédure d’investigation n’est pas constitutionnellement obligatoire. Cependant une partie de la doctrine s’interroge sur la pertinence d’un tel droit « The lawyer, however, may often only inform the client that he or she is legally obliged to talk and remain in attendance until excused by the presiding judge or that he or she may even face prosecution under s. 127 of the Criminal Code or contempt of court for refusing to obey a court order for the gatering of evidence » Voir en ce sens : Roach Kent, « The danger of a Charter-Proof and Crime-Based Response to Terrorism », in Ronald J. Daniels (dir.), Patrick Macklem (dir.), Kent Roach (dir.), The security of freedom: essays on Canada.’s anti-terrorism bill, Toronto, University of Toronto Press, 2001. (p.136). Le droit à l’assistance de l’avocat a été instauré principalement pour permettre à l’individu de bénéficier de conseils et pour le protéger contre les risques d’auto-incrimination (R. c. Brydges, [1990] 1 R.C.S. 190.). Mais ici, la personne amenée à témoigner ne peut pas refuser de répondre aux questions. L’assistance de l’avocat est donc extrêmement limitée.
105
L’investigation dans le cadre d’une comparution est la seule mesure
antiterroriste à avoir fait l’objet d’un contrôle de constitutionnalité. La Cour
suprême, dans un arrêt Demande fondée sur l’article 83.28 du Code criminel
(Re), rendu dans le cadre de l’affaire Air India, a considéré que cette disposition
était conforme aux exigences constitutionnelles. Tout d’abord, la Cour suprême
a considéré que cette disposition ne portait pas atteinte au droit de garder le
silence et à la protection contre l’auto-incrimination car le législateur prévoyait
en contrepartie de l’obligation de témoigner, des immunités419. Ces immunités
empêchent que le témoignage ou le document incriminant qu’un individu a été
contraint de donner soit utilisé contre lui. Elles permettent ainsi de sauvegarder
la constitutionnalité de la disposition. Ensuite, la majorité des juges ont conclu
que la disposition n’allait pas à l’encontre des principes d’indépendance et
d’impartialité judiciaires420. Le juge Lebel et le juge Fish sont dissidents sur ce
point et considèrent que « les juges sont de fait amenés à présider des
enquêtes policières, qui relèvent de l’exercice du pouvoir exécutif, [cela] ne peut
qu’entraîner chez la personne raisonnable une perception que les juges sont
devenus alliés du pouvoir exécutif »421
A noter le projet de loi antiterroriste C-59 déposé par le gouvernement
canadien le 20 juin 2017422 propose d’abroger purement et simplement les
articles 83.28 à 83.29 du Code criminel relatifs aux audiences d’investigations.
419 Demande fondée sur l’art. 83.28 du Code criminel (Re), [2004] 2 R.C.S. 248, (par. 69 à 73) 420 Le principe d’indépendance judiciaire a été reconnu comme un principe de justice fondamentale par la Cour suprême. L’indépendance judiciaire comprend « l'indépendance individuelle d'un juge, qui se manifeste dans certains de ses attributs, telle l'inamovibilité, et l’indépendance institutionnelle de la cour ou du tribunal qu'il préside, qui ressort de ses rapports institutionnels ou administratifs avec les organes exécutif et législatif du gouvernement » Voir en ce sens : R. c. Valente, [1985] 2 R.C.S. 673, (par. 20). Dans ce jugement, la Cour suprême du Canada a jugé que le principe d’indépendance judiciaire dans son ensemble était respecté 421 Demande fondée sur l’art. 83.28 du Code criminel (Re), [2004] 2 R.C.S. 248, (par. 180). Les juges dissidents considèrent que le principe d’indépendance institutionnelle n’est pas totalement respecté. 422 Projet de loi C-59, présenté à la Chambre des Communes du Canada, 20 juin 2017.
106
***
Les législateurs nationaux ont également aménagé les règles classiques
applicables lors de la phase de jugement du terroriste. Comme le soulignent,
Ludovic Hennebel et Damien Vandermeersch : « Juger le terrorisme tout en
respectant les principes et garanties de l’Etat de droit est, plus que jamais,
devenu un défi pour le monde juridique et les sociétés démocratiques »423
Durant cette étape primordiale, un aménagement des règles est prévu mais il
est toutefois plus limité en raison du statut de l’accusé. En effet, au stade du
jugement, le rapport de force est différent de celui durant l’enquête puisque
l’auteur présumé de l’acte terrorisme est placé sous le contrôle des autorités,
les dérogations aux droits et libertés fondamentaux sont donc plus difficile à
justifier.
L’impératif de lutte contre le terrorisme a un impact évident sur les règles
applicables au procès pénal. D’une part, certains Etats tendent de déroger aux
règles classiques de compétence, aussi bien nationale avec l’instauration de
juridictions spécialisées qu’internationale avec l’instauration d’exceptions au
principe traditionnel de territorialité. D’autre part, tous s’accordent qu’à une
criminalité exceptionnelle répond une sévérité exceptionnelle, notamment sur le
plan des sanctions. Ainsi la France comme le Canada ont instauré un
mécanisme de majoration systématique de la peine par rapport au droit
commun. Alors que la France admet depuis peu la perpétuité réelle, le Canada
semble lui souscrire, dans certains cas, au cumul de peines, sur la base du
modèle américain. Toutefois, afin de prévenir les actes de terrorisme, un
système de repentis est instauré par les deux modèles.
423 Ludovic Hennebel et Damien Vandermeersch (dir.), Juger le terrorisme dans l'État de droit, Bruxelles, Bruylant, 2009, quatrième de couverture.
107
Conclusion
_______________________________________________________________
« Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite
ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux »424 Benjamin Franklin
Le terrorisme fait partie des sujets soulevant d’importantes
interrogations et ce à juste titre. La France et le Canada sont construits sur des
valeurs démocratiques communes mais ne répondent pas exactement de
la même manière au phénomène terroriste. En ce sens, l’analyse comparée
des législations est particulièrement intéressante.
Au nom de la lutte contre le terrorisme, les législateurs nationaux ont été
contraints de renforcer leurs arsenaux. Les dispositifs antiterroristes français et
canadien sont des régimes dérogatoires au droit commun. Deux étapes sont
particulièrement propices à leurs actions. D’une part, le droit substantiel est
modifié avec un élargissement de la notion de terrorisme. D’autre part, le droit
procédural est bouleversé avec l’aménagement des règles classiques
applicables lors de l’enquête et lors du jugement. Comparativement, le dispositif
canadien pour combattre le terrorisme est moins sévère que le français mais
cela s’explique toutefois par le contexte profondément différent.
Les législations française et canadienne constituent toutes deux une
atteinte exceptionnelle aux droits fondamentaux. En effet, ces Etats ont recours
à des techniques limitant voire supprimant les droits fondamentaux pour mieux
lutter contre la menace terroriste et ainsi garantir la sécurité des citoyens.
Afin de concilier l’équilibre fragile entre sécurité et liberté, les juges
constitutionnels, gardiens de cette conciliation, vont jouer un rôle essentiel en
contrôlant la constitutionnalité des législations adoptées en la matière. Ils vont
424 La citation originelle serait « Ceux qui peuvent renoncer à la liberté essentielle pour obtenir un peu de sécurité temporaire, ne méritent ni la liberté ni la sécurité » - Lettre écrite par Benjamin Franklin au nom de l’Assemblée de Pennsylvanie à l’attention du gouverneur colonial, 1755. Retranscrit dans An Historical Review of the Constitution and Government of Pennsylvania (1759) et dans Mémoirs of the life and writings of Benjamin Franklin (1818).
108
ainsi veiller à ce que les normes adoptées dans le cadre de la lutte contre le
terrorisme respectent les exigences d’un Etat de droit. L’analyse de ces
contrôles révèle l’existence d’un contrôle adapté au phénomène. En raison des
spécificités du terrorisme, les juges semblent admettre une « présomption de
conformité de la loi [antiterroriste] à la Constitution qui (…) n’est renversée
qu’au cas où la mesure prise dépasse manifestement ce qui serait nécessaire à
la poursuite des objectifs d’intérêt général qu’il recherche »425. « On a presque
l’impression que le but est jugé tellement important que seuls certaines
restrictions très excessives et l’absence de garanties seront censurées »426.
Ainsi, ils admettent une restriction plus importante aux droits fondamentaux
qu’ordinairement, tout en s’assurant de l’existence de garanties minimales. Le
contrôle de constitutionnalité est ainsi modelé mais néanmoins préservé par les
juges qui maintiennent la réaction législative dans les limites de l’Etat de droit.
Perspective d’évolution : des chemins différents.
La France dispose déjà de l’arsenal législatif le plus important en Europe.
Mais face à la menace terroriste devenue permanente, elle ne cesse de
renforcer sa législation pénale. Si bien qu’aujourd’hui, au regard des décisions
du Conseil constitutionnel et des législations adoptées, il semble que les limites
du droit pénal en matière de terrorisme soient atteintes. Partant, la réponse au
phénomène se diversifie. En effet, il se développe une réponse de plus en plus
administrative, comme en atteste le nouveau projet de loi antiterroriste427,
préparant la sortie de l’état d’urgence. Ce projet de loi soulève, à juste titre, de
vives inquiétudes tant de la part des professionnels que de la doctrine. En effet,
la loi créerait un système parallèle avec la mise en place de mesures
attentatoires aux droits fondamentaux sans intervention du juge judiciaire,
425 Thierry S. Renoux, Michel de Villiers et Xavier Magnon, Code constitutionnel commenté, LexisNexis, 2016 426 Constance Grewe et Renée Koering-Joulin. « De la légalité de l’infraction terroriste à la proportionnalité des mesures antiterroristes » in Mélanges G. Cohen-Jonathan, Liberté, justice, tolérance, Bruxelles, Bruylant, 2004 p.915 427 Le projet de la loi a été présenté au Conseil des ministres du 22 juin 2017 par Gérard Collomb, ministre de l’intérieur. La procédure accélérée a été engagée par le Gouvernement le 28 juin 2017. Le projet de la loi a été adopté en première lecture, avec modifications, par le Sénat le 18 juillet 2017. Il devrait être présenté à l’Assemblée Nationale en octobre 2017. (Voir en ce sens : Projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, Sénat, n°115, 18 juillet 2017)
109
pourtant garant de la liberté individuelle en vertu de la Constitution428. Pour
reprendre la pensée de Jean-Louis Gillet, Philippe Chaudon et Wanda Mastor
« il (…) semble que c’est au juge [judiciaire] qu’il appartient de vérifier le degré
des atteintes portées aux droits fondamentaux dans le contexte de la lutte
contre le terrorisme. Peu importe finalement l’arsenal législatif qui ne sera, de
toute façon, jamais satisfaisant. Celui-ci peut difficilement prétendre à la
perfection. Il appartient à l’autorité judiciaire gardienne de la liberté individuelle,
de veiller à ce que les limitations, rendues nécessaires pour la poursuite d’un
objectif louable, n’aboutissent à vider totalement un droit de sa substance »429.
Comme le souligne très justement Julie Alix « Face à tous ces dispositifs
extrapénaux, le droit pénal, même dérogatoire est la réponse la plus admissible
apportée au terrorisme dans une démocratie »430
Alors que la France renforce plus encore son dispositif de lutte contre le
terrorisme, le gouvernement canadien fait le choix d’un assouplissement de sa
législation antiterroriste avec le dépôt du projet de loi antiterroriste C-59431. Ce
choix est justifié par plusieurs éléments. D’une part, la majorité de la doctrine
considérait jusqu’à présent que la loi antiterroriste n’était pas nécessaire au
Canada432. « L’adoption de mesures d’exception qui heurtent nécessairement
les libertés démocratiques exige politiquement et juridiquement d’être justifiée
par la démonstration d’un état de nécessité. L’ampleur des moyens doit aussi
être proportionnée à la réalité et à la durée de la menace appréhendée. Dans le
cas [de la loi antiterroriste] ces exigences élémentaires de l’Etat de droit ne sont
428 Art 66 Const. 429 Jean-Louis Gillet, Philippe Chaudon et Wanda Mastor. « Terrorisme et liberté ». Constitutions 2012. 403. 430 Julie Alix, Terrorisme et droit pénal : études critiques des incriminations terroristes. Nouvelles bibliothèques de Thèse Dalloz 2010 p.6 431 Projet de loi C-59, présenté à la Chambre des Communes du Canada, 20 juin 2017. 432 Kent Roach soutenait ainsi que les mécanismes pénaux existant avant l’entrée en vigueur des lois antiterroristes étaient suffisants pour lutter contre le phénomène : « The New-Terrorism Offences and the Criminal Law » in Ron Daniels et al, eds, The Security of Freedom : Essays on Canada’s Anti-terrorism Bill, University of Toronto Press, 2001 --- Association canadienne des Professeures et Professeurs d’Université, Mémoire présenté au sous-comité de la sécurité publique et nationale concernant l’examen de la loi antiterroriste, 28 février 2005 --- Association du Barreau canadien, Mémoire à propos du projet de loi C-36 Loi antiterroriste, octobre 2001 p. 8. Dans un sens contraire : David Paciocco « Constitutional Casualties of September 11 : Limiting the Legacy of the Anti-Terrorism act » 2002 Volume 16 S.C.L.R (2d), art. 7 qui considère que certains changements étaient nécessaires face à la menace terroriste.
110
tout simplement pas satisfaites »433. D’autre part, cette volonté semble être
confirmée par la rareté des actions terroristes commises sur le territoire
canadien434. Ainsi, ce sont des voies littéralement opposées que le Canada et
la France s’apprêtent à emprunter.
L’étude comparée des législations française et canadienne en matière de
terrorisme illustre la capacité du phénomène à déplacer l’équilibre traditionnel
de la conciliation entre la sécurité et la liberté, tant au plan législatif que
juridictionnel.
433 Pierre Robert « Détruire la démocratie au motif de la défendre - L'arsenal de la loi antiterroriste: nécessité ou prétexte? », Lettre ouverte préparée au nom de la Fédération québécoise des professeurs et professeurs d’Université, 2001. 434 Rapport public de 2016 sur la menace terroriste pour le Canada : Depuis 2002, 20 personnes ont été reconnues coupables d’infractions de terrorisme et 21 personnes accusées sont en attente d’un procès ou visées par un mandat d’arrestation
111
Bibliographie _______________________________________________________________
I. TRAITES et OUVRAGES
Aaron Raymond, Paix et guerre entre les nations, Calman-Levy, 1962
Ambroise-Castérot Coralie et Philippe Bonfils, Procédure pénale, PUF, coll. Thémis, 2011.
Bauer Alain et Christophe Soullez, Terrorismes, Dalloz, Paris, 2015.
Bauer Alain et Jean-Louis Brugière. Les 100 mots du terrorisme, coll. Que sais-je ?, PUF, 2010
Bettati Mario, Le terrorisme : les voies de la coopération internationale, Odile Jacob, Paris, 2013
Béliveau, Pierre et Martin Vauclair. Traité général de preuve et de procédure pénales, 22e éd, Yvon Blais, 2015
Ben Saul, Defining Terrorism in International Law, Oxford Monographs in International Law, 2005
Bigo Didier, Laurent Bonelli et Thomas Deltombe, Au nom du 11 septembre … Les démocratiques à l’épreuve de l’antiterrorisme, Paris, La découverte, 2008.
Blais Alexandre, Tout savoir sur le terrorisme, Montréal, Les intouchables, 2004
Camus Albert, Jacqueline Lévi-Valensi, Antoine Garapon et Denis Salas. Réflexions sur le terrorisme. Edition NP, 2003
Chaliand Gérard. L’arme du terrorisme. Édition Louis Audibert, Paris, 2002
Chaliand Gérard et Arnaud Blin : Histoire du terrorisme. De l’Antiquité à Al Quaida, Éditions Bayard, Paris, 2006
Conte Philippe et Patrick Maistre du Chambon. Procédure pénale, 2e éd, Paris, A Colin, 1998.
Côté-Harper Gisèle, Pierre Rainville et Jean Turgeon. Traité de droit pénal canadien, 4ème ed, Yvon Blais, 1998
Debard Thierry et Serge Guinchard (dir.). Lexique des termes juridiques, Dalloz 23ème ed. Dalloz. 2016
Delmas-Marty Mireille (dir.) et Henry Laurens (dir.), Terrorismes – Histoire et droit, CNRS Editions, 2010
Desportes Frédéric et Laurence Lazerges-Cousquer, Traité de Procédure pénale, Economica, 3ème ed. 2013
112
Desrosiers Julie et Fanny Lafontaine. Preuve et procédure pénales. JurisClasseur Québec LexisNexis, 2014
Ferragu Gilles, Histoire du terrorisme, Paris, Perrin, 2014
Fourment François, Procédure pénale, Paradigme, 13ème ed. 2012
Gayraud Jean François et David Sénat. Le terrorisme. PUF, coll. Que sais-je ?, 2006
Girard Charlotte (dir.), La lutte contre le terrorisme : l’hypothèse de la circulation des normes, CREDHO, Bruylant. 2012
Gozzi Marie Hélène, Le terrorisme : essai d’une étude juridique, Mise au point, Edition Ellipses, Paris, 2003.
Grenier Emilie, Le Canada face au terrorisme international : Analyse d’une loi antiterroriste, l’Harmattan, coll. Justice Internationale, 2011
Guinchard Serge et Jacques Buisson, Procédure pénale, 10ème ed., Paris, LexisNexis, 2014
Guimezanes Nicole et Christophe Tuaillon, Droit pénal de la sécurité et de la défense, l’Harmattan, 2006
Gus Martin. Understanding Terrorism : challenges, perspectives and issues. London : Sage. 4th Edition. 2006
Hennebel Ludovic et Damien Vandermeersch (dir.), Juger le terrorisme dans l'État de droit, Bruxelles, Bruylant, 2009
Hoffman Bruce, Inside Terrorism, Columbia University Press, 1998
Leman-Langlois Stéphane et Jean-Paul Brodeur (dir.). Terrorisme et antiterrorisme au Canada, Presses de l'Université de Montréal, 2009
Leroy Jacques, Droit pénal général, LGDJ, 6ème ed. 2016
Leroy Jacques, Procédure pénale, LGDJ, 3ème éd. 2013
Manning, Mewett & Sankoff, Criminal Law, LexisNexis Canada, Toronto, 5th ed. 2015
Marchadier Fabien. ‘Terrorisme’ in Joël Andriantsimbazovina, Hélène Gaudin, Jean-Pierre Marguenaud, Stéphane Rials, Frédéric Sudre (dir.), Dictionnaire des droits de l’homme, Quadrige / PUF, Paris, 2008, pp. 727-729
Martin Jean-Christophe, Les règles internationales relatives à la lutte contre le terrorisme, Bruxelles, Bruylant, 2006
Mayaud Yves. Le terrorisme. Connaissance du droit. Droit privé. Dalloz. 1997
Merle Roger et André Vitu. Traité de droit criminel, t.2, Procédure pénale, Cujas, 5ème éd., 2001
113
Molinari Patrick A., David Daubney, Weid Deisman, Daniel Jutras, Errol P. Mendes, Terrorisme, droit et démocratie : Comment le Canada a-t-il changé après le 11 septembre?, Montréal, Thémis, 2002
Pradel, Jean. Droit pénal comparé, 3ème éd, Paris, Dalloz, 2008
Pradel Jean. Procédure pénale, 18ème éd, Paris, Cujas, 2015.
Pradel, Jean et André Varinard. Les grands arrêts de la procédure pénale, 9ème éd, Paris, Dalloz, 2016
Reid Hubert, Dictionnaire de droit québécois et canadien, 2ème tirage, Montréal, Wilson & Lafleur, 1994
Renoux Thierry S., Michel de Villiers et Xavier Magnon, Code constitutionnel commenté, LexisNexis, 2016
Rey Alain. Dictionnaire historique de la langue française, Le Robert, 1998.
Kent Roach, Ronald Daniels et Patrick Macklem, The Security of Freedom : Essays on Canada’s Anti-Terrorism Bill, University of Toronto Press, 2001
Roach Kent. September 11’ : Consequences for Canada. Montréal, McGill-Queen’s University Press. 2003
Roach Kent. Did September 11 change everything? Struggling to Preserve Canadian Values in the face of Terrorism, McGill Law Journal 2002, vol. 47
Roach Kent, The 9/11 Effect : Comparative Counter-Terrorism, New York: Cambridge University Press, 2011
Roach Kent, Victor Ramraj, Michael Hor et George Williams, Global Anti-Terrorism Law and Policy, Cambridge University Press, ed. 2nd, 2012
Roach Kent et Craig Forcese, False Security : The Radicalization of Canadian Anti-Terrorism, Toronto: Irwin Law, 2015
Roach Kent, Comparative Counter-Terrorism Law, Cambridge University Press, 2015
Roudier Karine. Le contrôle de constitutionnalité de la législation antiterroriste : étude comparée des expériences espagnole, française et italienne. Bibliothèque constitutionnelle et de science politique Tome 140. LGDJ. Lextenso édition. 2012.
Roussel Gildas. Procédure pénale. Vuibert Droit, 7ème ed. 2016
Saul Ben, Defining Terrorism in International Law, Oxford Monographs in International Law, 2005.
Schmid Alex P. et Albert J. Jongman, Political terrorism: a new guide to actors, authors, concepts, data bases, theories and literature, New Brunswick, Transaction Books, 1988
Simon Jeffrey D, The Terrorist Trap, Indiana University Press, 1994
114
Sommier Isabelle, Le terrorisme, Paris, coll. Dominos, Flammarion, 2000.
Stuart Don, Canadian Criminal Law, Carswell, 7th ed. 2014
Vlamynck Hervé, Droit de la police, Vuibert Droit, 5ème ed, 2014.
II. DOCTRINE
Adoua Sydney « L’impact de la loi antiterroriste canadienne sur les libertés fondamentales » Revue trimestrielle des droits de l’homme, Nemesis/Bruylant, Bruxelles, 2007.
Alix Julie « Réprimer la participation au terrorisme », RSC 2014.849
Alix Julie « La qualification terrorisme après l’arrêt du 10 janvier 2017 (affaire dite « de Tarnac ») » AJ pénal 2017.79
Alix Julie « La prévention pénale du terrorisme devant le Conseil Constitutionnel – Conseil constitutionnel 7 avril 2017 » AJ pénal 2017.237
Amann Diane-Marie « Le dispositif américain de lutte contre le terrorisme » RSC 2002.745
Bauer, Alain. « Les mutations du terrorisme ». La lutte contre le terrorisme – Revues Pouvoirs n°158 - Septembre 2016
Basilien-Gainche Marie-Laure « Etat d’urgence et lutte contre le terrorisme. La mécanique de l’entropie ». In Journal du Droit Administratif (JDA), 2016, Dossier 01 « Etat d’urgence » (dir. Andriantsimbazovina, Francos, Schmitz & Touzeil-Divina) ; Art. 53.
Beaussonie Guillaume et Antoine Botton, « L’Etat d’urgence réformé dans l’urgence », Lexbase Hebdo Edition privée, 2015
Ben Younes Sonia « La lutte contre le terrorisme devant la justice constitutionnelle » in Lutter contre le terrorisme aujourd’hui, RISEO 2015-2
Bouloc Bernard, « Le terrorisme », in Problèmes actuels de science criminelle, Presses universitaires d'Aix-Marseille 1989
Boumediene Malik « L’émergence d’un droit du terrorisme : les libertés publiques sous tension ? » in Tables rondes « La place des libertés face à la lutte contre le terrorisme » organisées par le CREDOF (Centre de Recherches et d'Etudes sur les Droits Fondamentaux) en partenariat avec la Ligue des droits de l’Homme – Section universitaire Nanterre, 18 juin 2015
Brown John « Les périlleuses tentatives pour définir le terrorisme », Le monde diplomatique, février 2002, pp. 4-5
115
Burkhalter Adrien « Définir le terrorisme : Défis et Pratiques » GenevaPapers, Research Series n°20, novembre 2016
Calothy Catherine « Face au terrorisme, progrès et limites d’une coopération internationale tous azimuts ». La lutte contre le terrorisme – Revues Pouvoirs n°158 - Septembre 2016
Campos, Élisabeth, «Définitions du terrorisme : analyse et discussion», ERTA Groupe de recherche sur le terrorisme et l'antiterrorisme. 2006
Carpentier Mathieu « Un ‘’lit de justice’’ contestable : la réintroduction du délit de consultation de sites terroristes » Blog de Jus Politicum, Revue internationale de droit constitutionnel, 13 mars 2017.
Cartier Marie-Elisabeth « Le terrorisme dans le nouveau code pénal français » RSC, 1995. 225
Catelan Nicolas « Renforcement de la lutte contre le terrorisme », RSC 2013. 417
Catelan Nicolas « Lutte contre le terrorisme », RSC 2015.425
Cerda-Guzman Carolina « La Constitution : une arme efficace dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ? » Revue française de droit constitutionnel 2008/1 (n° 73) p. 228.
Charbonneau Christian « Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes: un droit collectif à la démocratie… et rien d’autre », Revue québécoise de droit international n°9 - 1995, 20 juin 1996.
Condorelli Luigi « Les attentats du 11 septembre et leurs suites : où va le droit international ? » RGDIP, 2001.
Créapeau François et Estibalitz Jimenez, « L’impact de la lutte contre le terrorisme sur les libertés fondamentales au Canada », in Emmanuelle Brosia et Anne Weyembergh (dirs.), Lutte contre le terrorisme et droits fondamentaux, coll. Droit et Justice, Bruylant, Bruxelles, 2002, pp. 249- 287
Cumin David « Tentative de définition du terrorisme à partir du jus in bello », RSC 2004.11
D’Argent Pierre « Examen du projet de Convention générale sur le terrorisme international » in: Karine Bannelier, Théodore Christakis, Olivier Corten et Barbara Delcourt (dir.), Le droit international face au terrorisme : après le 11 septembre 2001, Pedone, Paris, 2002, pp. 121-140
Dabezies Pierre, Jean Servier, Gérard Chaliand et Sylvia Preuss-Laussinotte « Terrorisme », Encyclopædia Universalis
De Boissieu Christian, Gérard Le Gall et Charles Zorgbibe. « Lutte contre le terrorisme : entre normes et paradoxes ». Revue Politique et parlementaire. 2010
De Combles de Nayves Pierre « Sauf en matière terroriste » AJ pénal 2014.528
116
De Lamy Bertrand « Le principe de la légalité criminelle dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel » Cahiers du Conseil constitutionnel n°26 (Dossier : La Constitution et le droit pénal) aout 2009.
De Lamy Bertrand « La lutte contre le terrorisme à l'épreuve du contrôle de constitutionnalité : utiles précisions sur la nécessité d'une incrimination » - RSC 2017.385
De Schutter Olivier « La Convention européenne des droits de l’homme à l’épreuve de la lutte contre le terrorisme » RUDH 2011, vol. 13, p. 187
Delmas-Marty Mireille « Le paradigme de la guerre contre le crime : légitimer l’inhumain ? » RSC 2007.461
Delmas-Marty Mireille « Violence et massacres : entre droit pénal de l'ennemi et droit pénal de l'inhumain » RSC 2009.59
Delmas-Marty Mireille « Comment sortir de l’impasse ?», RSC 2010.107
Delmas-Marty Mireille et Christine Lazerges « Libertés et sûreté dans un monde dangereux», RSC 2010.503
Delmas-Marty « Le caractère global du terrorisme appelle une justice globale » in Le Monde, 1er avril 2016.
Delmas-Marty Mireille «De l’état d’urgence au despotisme doux », Tribune in Libération, 16 juillet 2017.
Derrida Jacques « Qu’est-ce que le terrorisme » Le Monde diplomatique, février 2004, p.16
Doucet Ghislaine « Terrorisme : définition, juridiction pénale internationale et victimes » Revue internationale de droit pénal, vol 76, 2005
Gandini Jean-Jacques, « Vers un état d’exception permanent », Le monde diplomatique, janvier 2016, pp.12-13.
Garrigos Mariel, « La tendance sécuritaire de la lutte contre le terrorisme » Archives de politique criminelle 2006/1 (n°28), pp. 187-213.
Gautier Louis. « Les voies et les moyens de la lutte antiterroriste ». La lutte contre le terrorisme – Revues Pouvoirs n°158 - Septembre 2016
Gillet Jean-Louis, Philippe Chaudon et Wanda Mastor. « Terrorisme et liberté ». Constitutions 2012. 403.
Glaser Stefan « Le terrorisme international et ses divers aspects » Revue internationale de droit comparé, vol. 25, n°4, 1973 pp. 825-850
Gogorza Amane et Bertrand De Lamy « L’abrogation par le Conseil constitutionnel du délit de consultation habituelle de sites terroristes » Note sous arrêt. La Semaine Juridique édition générale n°13, 27 mars 2017.
Gozzi Marie-Hélène, « Sécurité et lutte contre le terrorisme : l'arsenal juridique encore renforcé », Recueil Dalloz, 2013, p.194.
117
Gozzi Marie-Hélène « L’état d’urgence, une ‘’nouvelle norme’’ ? » Recueil Dalloz, 2016 p.2112
Gozzi Marie-Hélène « Lutte contre le terrorisme : une législation entre émotion et réaction », La Semaine Juridique, Edition Générale (JCP G) p.961
Grewe Constance et Renée Koering-Joulin, « De la légalité de l'infraction terroriste à la proportionnalité des mesures antiterroristes », in Mélanges G. Cohen-Jonathan. Liberté, justice, tolérance, Bruxelles, Bruylant, 2004.
Guerrier Claudine, « Révision du code de procédure pénale 2016 : le nouveau régime des interceptions électroniques », Juriscom.net : droit des technologies de l'information, 2016
Jakobs Günther. « Aux limites de l'orientation par le droit : le droit pénal de l'ennemi », RSC 2009 p.7
Journès Claude. « Les dispositifs français de lutte contre le terrorisme », RSC 2010.743
Joxe Alain, « Un concept fourre-tout : le terrorisme », Le monde diplomatique, avril 1996, pp. 6-7
Juillet Alain « La lutte contre les ressources du terrorisme » – Revues Pouvoirs n°158 - Septembre 2016
Koering-Joulin Renée « Infraction politique et violence » JCP, 1982, I, 31102
Kohen Marcelo G. « Les controverses sur la question du "terrorisme d'Etat" » » in Karine Bannelier, Théodore Christakis, Olivier Corten, Barbara Delcourt, Le droit international face au terrorisme, CEDIN, Editions Pedone, Paris, 2002 pp. 83-93.
Lahorgue Marie-Béatrice « L’état de droit à l’épreuve de la lutte anti-terroriste » in Lutter contre le terrorisme aujourd’hui, RISEO 2015-2
Lazerges Christine et Hervé Henrion-Stoffel « Le déclin du droit pénal : l’émergence d’une politique criminelle de l’ennemi », RSC 2016.649
Leman-Langlois Stéphane et Jean-Paul Brodeur « Terrorism Old and New : Counterterrorism in Canada » in Police Practice and Research, Vol. 6, No. 2, Mai 2005, pp. 121–140.
Leman-Langlois Stéphane « Le terrorisme et la lutte contre le terrorisme » in Maurice Cusson, Benoît Dupont et Frédéric Lemieux, Traité de sécurité intérieure Editions Hurtubise, 2008 (pp. 199-222)
Lemonde Lucie « L’impact des mesures anti-terroristes sur les droits et libertés » Département des sciences juridiques Université du Québec à Montréal, 2002
Léna Maud « Sécurité publique et terrorisme » AJ pénal 2017.152
Léna Maud « De la répression du terrorisme à l’antiterrorisme » AJ pénal 2017.249
118
Lobe Lobas Madelaine « Conventionalité des mesures de lutte contre le terrorisme » in Lutter contre le terrorisme aujourd’hui, RISEO 2015-2
Loloum François et Patrick Nguyen Huu « Le Conseil Constitutionnel et les réformes du droit pénal en 1986 » RSC, n°3, 1987, p.567
Marcoux Pierre-Olivier « La lutte au terrorisme international au Canada Panopticon ou Banopticon ? » Lex Electronica, vol. 11 n°1, Printemps 2006.
Marguénaud Jean-Pierre « La qualification pénale des actes de terrorisme » RSC 1990.1 p.1-28
Marguénaud Jean-Pierre « Lutte contre le terrorisme international et respect des droits de l'homme relatifs », RSC 2009.672
Marguénaud Jean-Pierre « La régression des garanties procédurales conventionnelles face aux exigences de la lutte contre le terrorisme », RSC 2017.130
Marret Jean Luc. « Action – réaction : le terrorisme et l’Etat ». La lutte contre le terrorisme – Revues Pouvoirs n°158 - Septembre 2016
Martin-Bidou Pascale « Droit international et terrorisme » in Lutter contre le terrorisme aujourd’hui, RISEO 2015-2
Massé Michel « La criminalité terroriste », RSC 2012.89
Mastor Wanda et François Saint-Bonnet. « De l’inadaptation de l’Etat d’urgence face à la menace djihadiste ». La lutte contre le terrorisme – Revues Pouvoirs n°158 - Septembre 2016
Mayaud Yves « La politique d’incrimination du terrorisme à la lumière de la législation récente » AJ pénal 2013.442
Mayaud Yves « Le terrorisme par entreprise individuelle sous contrôle constitutionnel » Recueil Dalloz, 2017, p.134
Mazeaud Pierre. « La lutte contre le terrorisme dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel ». Visite à la Cour suprême du Canada 24 au 26 avril 2006, Document du Conseil constitutionnel, en ligne.
Missoffe Prune « Interroger la pertinence du critère d’irrégularité dans la définition de la figure de terroriste », La Revue des Droits de l’Homme, 2016.
Molins François « La coopération judiciaire en matière de terrorisme » AJ pénal 2017.108
Nicoud Florence « Le terrorisme au filtre de la jurisprudence administrative » in Lutter contre le terrorisme aujourd’hui, RISEO 2015-2
Ottenhof Reynald « Le droit pénal français à l'épreuve du terrorisme » RSC, 1987 p.613
Paciocco David « Constitutional Casualties of September 11 : Limiting the Legacy of the Anti-Terrorism act » 2002 16 S.C.L.R (2d)
119
Papa Michèle « Droit pénal de l’ennemi et de l’inhumain : un débat international » RSC 2009.3
Parizot Raphaële, « L’anticipation de la répression » in Olivier Cahn et Karine Parrot (dir.) Actes de la journée d’études radicales : le principe de nécessité en droit pénal, Cergy-Pontoise 12 mars 2012
Parizot Raphaële « Loi du 3 juin 2016 : aspect obscurs de droit pénal général », RSC 2016.376
Pauvert Bertrand « L’encadrement juridique de la lutte contre le terrorisme » in Lutter contre le terrorisme aujourd’hui, RISEO 2015-2
Pradel Jean « Les infractions de terrorisme, un nouvel exemple de l’éclatement du droit pénal » Recueil Dalloz 1987, Chron 39-42
Perrier Jean-Baptiste « Restriction au libre choix de l’avocat lors de la garde à vue en matière de terrorisme : une inconstitutionnalité et une possibilité – Conseil Constitutionnel 17 février 2012 » AJ pénal 2012.342
Renoux Thierry « Juger le terrorisme ? » Cahiers du Conseil constitutionnel n° 14 (Dossier : La justice dans la constitution) - mai 2003
Renoux Thierry « France : Rapport Table ronde : lutte contre le terrorisme et protection des droits fondamentaux » AIJC 2002
Reverso Laurent « Le terroriste est-il une personne ? Droit romain, droit naturel, droit positif, droit pénal de l’ennemi » in Lutter contre le terrorisme aujourd’hui, RISEO 2015-2
Ricard Jean-François et Marie-Antoinette Houyvet « Lutte contre le terrorisme : spécificités de la loi française » AJ pénal 2004.191
Roach Kent. « The danger of a Charter-Proof and Crime-Based Response to Terrorism » in Ronald J. Daniels (dir.), Patrick Macklem (dir.), Kent ROACH (dir.), The security of freedom: essays on Canada’s anti-terrorism bill, University of Toronto Press, 2001.
Roach Kent, « Canada’s New Anti-Terrorism Legislation » Singapore Journal of Legal Studies, 2002, pp. 122-148
Roach Kent, « Did September 11 Really Change Everything : Preserving Canadian Values in the Face of Terrorism » McGill Law Journal, 2002, pp. 893-947
Roach Kent « The Courts and Terrorism » Criminal Law Quarterly 2004, pp. 129-131.
Roach Kent « Ten Ways to Improve Anto-Terrorism Law » Criminal Law Quarterly 2005 pp. 102-125.
Roach Kent « The Criminal Law and Terrorism » in V. Ramraj, M. Hor and K. Roach, eds., Global Anti-Terrorism Law and Policy, Cambridge University Press, 2005, pp. 129-151
120
Roach Kent « Canada’s Response to Terrorism » in V. Ramraj, M. Hor and K. Roach, eds., Global Anti-Terrorism Law and Policy, Cambridge University Press, 2005 pp. 511-533
Roach Kent « Sources and Trends in Post-9/11 Anti-Terrorism Laws » in L. Lazurus and B. Goold, eds., Human Rights and Security, Oxford: Hart Publishing, 2007, pp. 227-256
Roach Kent « The Case for Defining Terrorism With Restraint and Without Reference to Political or Religious Motive » in Andrew Lynch, Edwina MacDonald, George Williams, Law and liberty in the war on terror, The Syndey, Federation Press, 2007. pp.39-48
Roach Kent, « Terrorism Offences and the Charter : A Comment on R. v. Khawaja », Canadian Criminal Law Review, 2007, pp. 271-300.
Roach Kent « Defining Terrorism : The Need for a Restrained Definition » in C. Forcese and N. LaViolette, eds., The Human Rights of Anti-Terrorism, Toronto: Irwin Law, 2008, pp. 97-127
Roach Kent, « Canadian Experiences in Preventing and Combating Terrorism » in W. Okumu and A. Botha, eds., Understanding Terrorism in Africa: Building Bridges and Overcoming the Gaps, Pretoria: Institute for Security Studies, 2008, pp. 117-134.
Roach Kent « The Ottawa Terrorism Conviction : R. v. Khawaja » Criminal Law Quarterly 2009, pp. 253-257
Roach Kent « The UN’s Failed Response to Terrorism » Criminal Law Quarterly 2011 pp. 1-3
Roach Kent, « Entrapment and Equality in Terrorism Prosecutions : A Comparative Examination of North American and European Approaches » Mississippi Law Journal, 2011, pp. 1455-1490.
Roach Kent « Counter-Terrorism In and Outside Canada and In and Outside the Anti-Terrorism Act » Revue d’études constitutionnelles, Volume 16, Issue 2, 2012, pp. 243-264
Roach Kent « Terrorism » in Markus Dubber and Tatjana Hornle, eds., Oxford Handbook of Criminal Law, Oxford University Press, 2014, pp. 812-836
Roach Kent « The Anti-Terrorism Act, 2015 » Criminal Law Quarterly. 2015 pp. 233-235
Roach Kent « Uneasy Neighbors : Comparative American And Canadian Counter-Terrorism », William Mitchell Law Review, Vol. 38:5, 2012, pp. 1701-1803.
Robert Pierre, « Détruire la démocratie au motif de la défendre - L'arsenal de la loi antiterroriste: nécessité ou prétexte? », Lettre ouverte préparée au nom de la Fédération québécoise des professeurs et professeurs d’Université, 2001.
121
Roy Olivier « Peut-on comprendre les motivations des djihadistes ? » – Revues Pouvoirs n°158 - Septembre 2016
Sassòli Marco, avec la collaboration de Lindy Rouillard « La définition du terrorisme et le droit international humanitaire » Revue québécoise de droit international, 2007.
Seuvic Jean-François « Terrorisme : art. 421-1 à 422-5, c. pén », RSC 1997.413
Seuvic Jean-François « Terrorisme, extensions d'incriminations, art. 421-2, 421-2-1 et 421-5, c. pén », RSC 2004. 393
Sizaire Vincent « Quand parler de ‘terrorisme’ ? » Le Monde diplomatique, aout 2016, pp. 8-9
Sorel Jean Marc « Existe-t-il une définition universelle du terrorisme ? » in Karine Bannelier, Théodore Christakis, Olivier Corten, Barbara Delcourt, Le droit international face au terrorisme, CEDIN, Editions Pedone, Paris, 2002
Soulié Gérard « La lutte internationale contre le terrorisme : Riposte armée et démocratie » Le monde diplomatique, février 1986, p.21
Stephens Tim, « International criminal law and the response to international terrorism » UNSW Law Journal, vol.27, n°2, 2004 pp. 454-481.
Tulkens Françoise « Analyse critique de la Convention européenne pour la répression du terrorisme », in Déviance et société, Genève, vol.3, n°3, 1979
Traversac Anne-Sophie, « Les politiques européennes de lutte contre le terrorisme » in Lutter contre le terrorisme aujourd’hui, RISEO 2015-2
Vandervorst Alain « Les droits fondamentaux à l’épreuve du terrorisme » RRJ n°3 1998
Vlamynck Hervé « Le policier et le principe de l’inviolabilité du domicile » AJ pénal 2011. 352
Woehrling José, « Les mesures adoptées par le Canada à la suite des attentats du 11 septembre 2001 », Revue française de droit constitutionnel, 2002, pp. 449-450
III. THESES et MEMOIRES
Alix Julie. Terrorisme et droit pénal : études critiques des incriminations terroristes. Nouvelles bibliothèques de Thèse Dalloz 2010
Fadil Mohammed, Les droits fondamentaux à l’épreuve des lois antiterroristes : Etude du droit marocain à la lumière du droit français, Université de Toulouse 1 Capitole, 2013.
122
Garrigos Mariel, Les aspects procéduraux de la lutte contre le terrorisme - Etude de droit interne et internationale, Université Panthéon-La Sorbonne Paris 1 – Doctorat Droit, 2004
Ghanem-Larson Abir, Essai sur la notion d’acte terroriste en droit international pénal. Faculté d’Aix-Marseille III – Droit international public 2011.
Gozzi Marie-Hélène, Le terrorisme : essai d’une étude juridique, Université de Toulouse 1 Capitole – Doctorat Droit, 1997
Katouya Kevin Constant, Réflexions sur les instruments de droit pénal international et européen de lutte contre le terrorisme, Université de Nancy 2 – Doctorat Droit, 2010
Laroche François, Les mesures de détention avant jugement au Canada et en France, Université Toulouse 1 Capitole et Université Laval à Québec - Master Droit pénal, 2016
Michaud Guillaume. Les nouvelles mesures de la loi antiterroriste canadienne relative au pré-procès : une atteinte justifiée en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés ?, Université Laval Québec – Maitrise en droit 2006
Renard Murielle, Les infractions de terrorisme contemporain au regard du droit pénal, Université de Paris I – Doctorat Droit, 1996
Roudier Karine. Le contrôle de constitutionnalité de la législation antiterroriste : étude comparée des expériences espagnole, française et italienne, Université du Sud Toulon-Var – Doctorat droit, 2011.
Sikeli Jean-Paul, La lutte contre le terrorisme en droit international, Université d'Abidjan-Cocody - DEA Droit public 2006
Soufi Johann, Vers une définition universelle du terrorisme ?, Faculté Jean Monnet Université Paris XI – Master 2 Droit public international et européen 2005
IV. LEGISLATIONS A. Nationales
1. France
Code pénal
Code de la sécurité intérieure
Code de procédure pénale
Code des relations entre le public et l’Administration
Constitution
Circulaire CRIM 86-21F1, 10 octobre 1986, BOMJ, n°24
123
Décret n° 2011-1520 14 novembre 2011 relatif à la désignation des avocats pour intervenir au cours de la garde à vue en matière de terrorisme
Décret n° 2012-476 du 13 avril 2012 abrogeant le décret du 14 novembre 2011 relatif à la désignation des avocats pour intervenir au cours de la garde à vue en matière de terrorisme
Loi du 28 juillet 1894 dite Scélérate tendant à réprimer les menées anarchistes
Loi du 10 mars 1927 relative à l'extradition des étrangers [Abrogée 2004]
Loi n°55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence
Loi n°86-1020 du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme
Loi n° 91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques
Loi n°92-686 du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions du code pénal relatives à la répression des crimes et délits contre la nation, l'Etat et la paix publique.
Loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992 relative à l'entrée en vigueur du nouveau code pénal et à la modification de certaines dispositions de droit pénal et de procédure pénale rendue nécessaire par cette entrée en vigueur
Loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale
Loi n° 93-1013 du 24 août 1993 modifiant la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale
Loi n°94-89 du 1er février 1994 instituant une peine incompressible et relative au nouveau code pénal et à certaines dispositions de procédures pénales
Loi n° 96-647 du 22 juillet 1996 tendant à renforcer la répression du terrorisme et des atteintes aux personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public et comportant des dispositions relatives à la police judiciaire
Loi n° 96-1235 du 30 décembre 1996 relative à la détention provisoire et aux perquisitions de nuit en matière de terrorisme
Loi n° 97-1273 du 29 décembre 1997 tendant à faciliter le jugement des actes de terrorisme
Loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes
Loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne
Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
124
Loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers
Loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale
Loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue
Loi n°2012-1432 du 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme
Loi n°2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme
Loi n°2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement
Loi n°2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, les atteintes à la sécurité publique et les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs
Loi n°2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement
Loi n°2016-987du 21 juillet 2016 prorogeant l’état d’urgence et renforçant la lutte antiterroriste.
Loi n° 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique
Ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France
Projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, Sénat, n°115, 18 juillet 2017
2. Canada
Charte canadienne des droits et libertés
Code criminel
Loi C-36 du 18 décembre 2001 (L.C. 2001, ch. 41)
Loi C-51 du 18 juin 2015 (L.C. 2015, ch. 20)
Loi C-95 L.C. 1997, ch. 23 dite « loi anti-gang »
Loi protégeant Canada contre les terroristes (L.C. 2015, ch. 9)
Loi sur l’immigration, L.R.C. 1985, ch. 1-2 [Aborgée, 2001]
Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27
Loi sur la lutte contre le terrorisme (L.C. 2013, ch. 9)
125
Loi sur la prévention des voyages de terroristes (L.C. 2015, ch. 36, art. 42)
Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité (L.R.C. (1985), ch. C-23)
Loi visant à décourager les actes de terrorisme contre le Canada et les Canadiens (L.C. 2012, ch. 1, art. 2),
Projet de loi C-59, présenté à la Chambre des Communes du Canada, 20 juin 2017.
3. Angleterre
Royaume Uni, Terrorism Act (2000)
B. Internationales et Régionales 1. Internationales
Charte des Nations-Unies
Déclaration universelle des droits de l'Homme
Pacte international relatif aux droits civils et politiques
Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels
Statut de Rome de la Cour pénale internationale
Convention pour la prévention et la répression du terrorisme adoptée par la Société des Nations à Genève le 16 novembre 1937
Convention relative aux infractions et à certains autres actes survenant à bord des aéronefs du 14 septembre 1963 (et son protocole du 14 avril 2014)
Convention pour la répression de la capture illicite d’aéronefs du 16 décembre 1970
Convention pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile du 23 septembre 1971 (et son protocole du 24 février 1988 pour la répression des actes illicites de violence dans les aéroports servant à l’aviation civile)
Convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d’une protection internationale du 14 décembre 1973
Convention internationale contre les prises d’otages du 17 décembre 1979
Convention sur la protection physique des matières nucléaires du 3 mars 1980 (et son amendement du 8 juillet 2005)
Convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime du 10 mars 1988 (et son protocole du 14 octobre 2005)
126
Convention sur le marquage des explosifs plastiques et en feuilles aux fins de détection du 1er mars 1991
Convention pour la répression des attentats terroristes à l’explosif du 15 décembre 1997
Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme 9 décembre 1999 (résolution A/RES/54/109)
Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire du 13 avril 2005
Convention sur la répression des actes illicites dirigés contre l’aviation civile internationale du 10 septembre 2010 (et son protocole de la même date)
Projet de Convention générale sur le terrorisme international des Nations Unies issu du rapport du groupe de travail présidé par M. Rohan Perera « Mesures visant à éliminer le terrorisme international », 2002
Résolution, Assemblée générale des Nations Unies, 9 décembre 1985, A/RES/40/61
Résolution, Assemblée générale des Nations-Unies, 17 décembre 1996, 51ème session, A/RES/51/210
Résolution, Assemblée générale des Nations-Unies, 17 février 1995, 49ème session, A/RES/49/60
Résolution 1373 (2001), Conseil de sécurité des Nations-Unies, 28 septembre 2001, 4385ème séance, S/RES/1373 (2001)
Résolution 1566 (2004), Conseil de sécurité des Nations-Unies, 8 octobre 2004, 5053ème séance, S/RES/1566 (2004)
Résolution 2178 (2014), Conseil de sécurité des Nations-Unies, 24 septembre 2014, 7272ème séance, S/RES/2178 (2014)
Résolution 2368 (2017), Conseil de sécurité des Nations-Unies, 20 juillet 2017, 8007ème séance, S/RES/2368 (2017)
2. Régionales a. Europe
(Union Européenne)
Décision-cadre 2002/475/JAI du Conseil du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme
127
Décision-cadre 2008/919/JAI du Conseil du 28 novembre 2008 modifiant la décision-cadre 2002/475/JAI relative à la lutte contre le terrorisme
Directive (UE) 2017/541 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2017 relative à la lutte contre le terrorisme et remplaçant la décision-cadre 2002/475/JAI du Conseil et modifiant la décision 2005/671/JAI du Conseil.
Position commune du Conseil européen du 27 décembre 2001 relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme (2001/931/PESC)
Traité de l’Union européenne
(Conseil de l’Europe)
Convention de sauvegarde des droits de l’homme et libertés fondamentales
Convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957 STE n°24
Convention européenne pour la répression du terrorisme du 27 janvier 1977 STE n°090
Convention européenne pour la prévention du terroriste du 16 mai 2005 STCE n°196
Recommandation 1426 (1999) Démocraties européennes face au terrorisme
b. Autres
Convention de la Ligue des Etats arabe sur le terrorisme du 22 avril 1998
Convention de l’Organisation de la Conférence islamique pour combattre le terrorisme international du 1er juillet 1999
Convention de l’Organisation de l’unité africaine sur la prévention et la lutte contre le terrorisme du 14 juillet 1999
Convention de l’Organisation des Etats américains pour la prévention ou la répression des actes de terrorisme qui prennent la forme de délits contre les personnes ainsi que de l'extorsion connexe à ces délits lorsque de tels actes ont des répercussions internationales du 2 février 1971
V. DOCUMENTS GOUVERNEMENTAUX et NON GOUVERNEMENTAUX A. Nationaux
1. France
Centre de Recherches et d'Etudes sur les Droits Fondamentaux (CREDOF) en partenariat avec la Ligue des droits de l’Homme, Tables rondes « La place des
128
libertés face à la lutte contre le terrorisme », Section universitaire Nanterre, 18 juin 2015
Commission nationale consultative des droits de l’Homme sur le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, avis du 17 mars 2016
Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, Premier rapport d’activité 2015/2016
Conseil d’Etat, avis du 6 juillet 2016, n°398234, 399135.
Déclaration de politique générale de M. Jacques Chirac, Premier ministre, sur le programme du gouvernement, à l’Assemblée nationale le 9 avril 1986 via discours.vie-publique.fr
Défenseur des droits, avis n°16-08 du 16 mars 2016
JO déb. Ass. Nat. 1ère séance 7 octobre 1991 n°70
JO déb. Ass. Nat. 2ème séance 20 décembre 1995
Ligue des droits de l’homme, avis sur le projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, juillet 2017.
Sénat, Document de travail, Série Législation comparée, LC n°204, décembre 2009
Sénat, Rapport Bonnet, n°381 annexe au procès-verbal de la séance du 23 juin 1993
Sénat, Rapport Mercier, Lutte contre le crime organisé et le terrorisme, n°491, 23 mars 2016
Syndicat de la Magistrature, Rapport « Décryptage du projet de loi renforçant la lutte contre le terrorisme et la sécurité intérieure », 9 juin 2017.
2. Canada
Association canadienne des chefs de police, Rapport « Justice fondamentale dans des temps exceptionnels : rapport principal du comité sénatorial spécial sur la loi antiterroriste », février 2007
Association canadienne des Professeures et Professeurs d’Université, Mémoire présenté au sous-comité de la sécurité publique et nationale concernant l’examen de la loi antiterroriste, 28 février 2005
Association du Barreau canadien, Mémoire à propos du projet de loi C-36 Loi antiterroriste, octobre 2001.
129
Cour suprême du Canada, Lutter contre le terrorisme tout en préservant nos libertés civiles, Allocution prononcée par la très honorable Beverley McLachlin, C.P. Juge en chef du Canada 22 septembre 2009.
Gouvernement du Canada, Rapport « Renforcer la résilience face au terrorisme : stratégie antiterroriste du Canada », 2013
Ligue des droits et libertés, Rapport « Le projet de loi C-36 : une atteinte injustifiée et démesurée aux libertés civiles : un bref aperçu de la portée des principales dispositions du projet de loi antiterroriste », novembre 2001.
Ligue des droits et libertés, Rapport « La Loi antiterroriste de 2001 : une loi trompeuse, inutile et … dangereuse », 9 mai 2005.
Ministère de la Justice, Division de la recherche et de la statistique « La loi antiterroriste et ses effets : point de vue d’universitaires canadiens », 2004
Sécurité publique Canada, « Rapport public de 2016 sur la Menace terroriste pour le Canada », 2016
Sénat, Comité sénatorial spécial sur l’antiterrorisme, Rapport intérimaire « Liberté, sécurité et la menace complexe du terrorisme : des défis pour l’avenir », mars 2011
B. Internationaux et Européens
Académie de droit international de la Haye « Les aspects juridiques du terrorisme international », Bilan des recherches, Martinus Nijhoff Publishers, 1988.
Amnistie Internationale, Rapport « Justice fondamentale dans des temps exceptionnels : rapport principal du comité sénatorial spécial sur la loi antiterroriste » Février 2007
Amnistie Internationale, « Insécurité et droits humains : Préoccupations et recommandations à l’égard du projet de loi C-51 : la loi antiterroriste 2015 », 9 mars 2015.
Conseil européen extraordinaire, Conclusions et plan d’action, 21 septembre 2001
Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme, Rapport « L’antiterrorisme à l’épreuve des droits de l’Homme : les clefs de la compatibilité », n°429, Octobre 2005
Nations-Unies, Assemblée générale, 59ème session, Note du Secrétaire général, 2 décembre 2004, A/59/565
Nations Unies, Comité des droits de l’homme, 85ème session, Examen des rapports présentés par les Etats parties en vue de l’article 40 du PIDCP, Observations finales du Comité des droits de l’homme : Canada, CCPR/C/CAN/CO/5, 20 avril 2006
130
Nations Unies, Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, « Observations finales », 25 mai 2007
Nations Unies, Commission des droits de l’Homme, Rapport intérimaire « Questions diverses : terrorisme et droit de l’Homme », 27 juin 2001
Nations Unies, Haut-Commissariat des droits de l’Homme « Les droits de l’Homme et la lutte contre le terrorisme » Feuillet Informatif n°32, Genève, 2008
Nations Unies, Rapport final « Droits de l’Homme et terrorisme » (E/CN.4/Sub.2/2004/40) 2004
Nations Unies, Sous-commission de la promotion et de la protection des droits de l’homme, Rapport d’activité, aout 2001
Office des Nations Unies contre la drogue et le crime « Manuel sur le rôle de la justice pénale dans la lutte contre le terrorisme » Série de manuels sur la réforme de la justice pénale. New-York 2009.
VI. JURISPRUDENCE
A. Nationale 1. France
Crim. 31 janvier 1914 Bull. crim. n°74
Crim. 20 aout 1932 Bull. crim. 1932 n°207
Crim. 12 juin 1952, Bull. crim. n°153 Imbert
Crim. 26 février 1963 n° 62-90653 Bull. crim. n°92
Crim 30 mai 1980 Bull. crim. n°265
Crim. 9 octobre 1980 n° 80-93.140 Tournet Bull. crim. n°255
Déc. 20 janvier 1981 n° 80-127 DC Sécurité et liberté
Déc. 29 décembre 1983 n°86-164
Déc. 25 janvier 1985 n° 85-187 DC Etat d'urgence en Nouvelle-Calédonie
Déc. 3 septembre 1986 n°86-213
Crim. 7 mai 1987 n° 87-80.822 Bull. crim. n°186 p 497
Crim. 3 juin 1987 n°87-82.998 Bull crim. 1987 N° 236 p. 646
Crim. 24 septembre 1987 n°87-84.128 Bull. crim. 1987 N° 313 p. 841
Crim. 13 juin 1989 n°89-81388 et 89-81709 Bull. crim. 1989 N° 254 p. 634
Déc. 11 aout 1993 n°93-326
131
Déc. 20 janvier 1994 n°93-334 DC
Crim 17 octobre 1995 n°93-14.836 Bull. crim. 1995 n°368 p.256
Déc. 16 juillet 1996 n°96-377
Civ. 2ème, 19 février 2004, n° 03-50.025 Bulletin 2004 II N° 70 p. 58
Déc. 2 mars 2004 n°2004-492
Cass. Crim. 23 mai 2006 Bull. crim. n°139 ; Recueil Dalloz, 2006, p.2836
Crim 7 juillet 2006 Bull. crim. n°157
Déc. 30 juillet 2010 n°2010-14/22 QPC M. Daniel W. et autres
Déc. 22 septembre 2010 n°2010-31 QPC M. Brulent A et autres.
Crim. 31 mai 2011 n°10-88.809 Bull. crim. 2011, n°115
Crim. 27 septembre 2011 n°11-81.458 Bull. crim. 2011, n°186
Déc. 17 février 2012 n°2011-223 QPC Ordre des avocats du barreau de Bastia
Déc. 6 avril 2012 n°2012-228/229 QPC M. Kiril Z
Crim. 11 juillet 2012 n°11-85.220 Bull. crim. 2012, n°166
Crim. 22 octobre 2013 n°13-81.945 Bull. crim. 2013, n°196
Crim 8 avril 2014 n°14-80.254
Déc. 21 novembre 2014 n° 2014-428 QPC M. Nadav. B.
Crim 8 juillet 2015 n°14-88.457 Bull. crim. 2015, n°176
Déc. 23 juillet 2015 n°2015-713
Crim. 2 décembre 2015 n°14-81.866 Bull. crim. 2015, n°276
Déc. 19 février 2016 n° 2016-536 QPC, Ligue des droits de l'homme [Perquisitions et saisies administratives dans le cadre de l'état d'urgence]
Civ 1ère, 16 mars 2016 n°14-25.068
Crim. 12 juillet 2016 n°16-82.692
Crim. 7 octobre 2016 n°16-84.597
Crim. 10 janvier 2017 n° 16-84.596
Déc. 24 janvier 2017 n° 2016-606/607 QPC M. Ahmed M. et autre
Déc. n°2016-611 QPC du 10 février 2017 M. David P.
Déc. n°2017-625 QPC du 7 avril 2017 M. Amadou S.
132
Crim. 25 avril 2017 n°16-83.331
Crim. 11 juillet 2017 n°16-86.965
2. Canada
R. v. Koszulap, [1974] O.J. No. 726
Eccles c. Bourque [1975] 2 R.C.S. 739
Hunter c. Southman Inc., [1984] 2 R.C.S. 145
R. c. Valente, [1985] 2 R.C.S. 673
R. c. Collins, [1987] 1 R.C.S 265
R. c. Strachan, [1988] 2 R.C.S. 980
R. c. Duguay, [1989] 1 RCS 93
R. c. Genest, [1989] 1 R.C.S. 59
Thomson Newspapers Ltd c. Canada (Directeur des enquêtes et recherches, commission sur les pratiques restrictives du commerce), [1990] 1 R.C.S. 425
R. c/ Storrey, [1990] 1 RCS 241
R. c. Brydges, [1990] 1 R.C.S. 190
R. c. Duarte, [1990] 1 R.C.S. 30
R. c. Garofoli, [1990] 2 R.C.S. 1421
R. c. Grimson, [1991] 3 R.C.S. 692
R. c. Grant, [1993] 3 R.C.S. 223
R. v. Simpson, (Nfld. C.A.), [1994] N.J. No. 69
R. c. Heywood, [1994] 3 R.C.S. 761
R. v. Simpson, [1995] 1 R.C.S. 449
R. c. R.J.S., [1995] 1 R.C.S. 451
R. v. Shayesteh, [1996] CA O.J. No. 3934
R. c. Stillman, [1997] 1 R.C.S. 607
R. c. Feeney, [1997] 2 R.C.S. 13
Godbout c. Longueuil (Ville), [1997] 3 R.C.S. 844
Ahani (Re), [1998] A.C.F. no 507
133
R. c. Caslake, [1998] 1 R.C.S. 51
CanadianOxy Chemicals Ltd. c. Canada (Procureur général), [1999] 1 R.C.S. 743
R. c. Araujo, [2000] 2 RCS 992
R. v. Sutherland, [2000] CA O.J. No. 4704
R. c. Pangman, [2000] CBR M.J. No. 300
R. c. Golden, [2001] 3 R.C.S. 679
Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3
R. c. Lamoureux, [2002] J.Q. no 1059
R. v. Schreinert, [2002] CA O.J. No. 2015
R. c. Buhay, [2003] 1 R.C.S. 631
R. c. Doiron, [2004] CBR A.N.-B. no. 208
Collard c. R., [2004] J.Q. no 10376
Demande fondée sur l’art. 83.28 du Code criminel (Re), [2004] 2 R.C.S. 248
R. c. Hamilton, [2005] 2 R.C.S. 432
R. c. Pires ; R. c. Lising [2005] 3 R.C.S. 343
R. v. Khawaja, [2006] O.J. No. 4245
R. c. Kang-Brown, [2008] 1 R.C.S. 456
R. c. Suberu [2009] 2 R.C.S. 460
R. c. Cornell, [2010] 2 R.C.S. 142
R. v. Khawaja, [2010] O.J. No. 5471
R. c. Manseau, [2010] CA J.Q. no 13933
R. c. Morelli, [2010] 1 R.C.S. 253
R. c. Kelsy, [2011] O.J. No. 4159
R. v. Obed, [2011] N.J. No. 304
R. c. Khawaja [2012] 3 RCS 555
R. v. MacDonald, [2012] CA O.J. No. 1673
R. c. Tse, [2012] 1 R.C.S. 531
R. c. McRae, [2013] 3 R.C.S. 931
134
Canada (Procureur général) c. Bedford, [2013] 3 R.C.S. 1101
R. c. MacKenzie, [2013] 3 R.C.S. 250
R. c. Société TELUS Communications, [2013] 2 R.C.S. 3
R. c. Chehil, [2013] 2 R.C.S. 220
R. c. Vu, [2013] 3 R.C.S. 657, par.23
R. v. Ashini, [2014] N.J. No. 407
R. c. Fearon., [2014] 3 R.C.S. 621
R. v. L.V.R., [2014] CA B.C.J. No. 2295
B. Internationale et Européenne 1. Cour pénale internationale
CPI, Ch. préliminaire II, 31 mars 2010, Situation en République du Kenya, ICC-01/09
2. Cour européenne des droits de l’homme
CEDH, Cour (plénière) 6 septembre 1978, Klass et autres c. République Fédérale d’Allemagne, req n°5029/71
CEDH, Ch. 4 décembre 1979, Schiesser c. Suisse, Req. n° 7710/76
CEDH, Ch., 24 avril 1990, Kruslin et Huvig, req. n° 11801/85
CEDH, Gde ch. 8 février 1996, John Murray c. Royaume-Uni, req. n°18731/91
CEDH, Ch. 24 août 1998, Lambert c. France n° 23618/94
CEDH, 3e Sect. 16 octobre 2001, Brennan c. Royaume-Uni, req. n°39846/98
CEDH, 4e Sect. 29 mars 2005, Matheron c. France, req n° 57752/00
CEDH, Gde ch. 27 novembre 2008, Salduz c. Turquie, req. n° 36391/02
CEDH, Gde ch. 29 mars 2010, Medvedyev et autres c. France, req. n° 3394/03
CEDH, 5e Sect. 23 novembre 2010, Moulin c. France, req. n° 37104/06
CEDH, Gde ch. 13 septembre 2016, Ibrahim et autres c. Royaume-Uni, req. n° 50541/08, 50571/08, 50573/08 et 40351/
top related