la contribution du droit a l’encadrement des …
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LA CONTRIBUTION DU DROIT A L’ENCADREMENT DES PRATIQUES FINANCIERES INFORMELLES
Présenté par : RAKOTOVAO ANDRIANARIVELO Rija
Parcours : Droit privé
Option : Droit des affaires
Année Universitaire : 2015-2016
UNIVERSITÉ D’ANTANANARIVO
*********
FACULTÉ DE DROIT, D’ÉCONOMIE, DE GESTION ET DE SOCIOLOGIE
******
DÉPARTEMENT DROIT
****
Mémoire en vue de l’obtention du diplôme de Master II en Droit
Soutenu le: Mardi 09 Mai 2017
1
REMERCIEMENTS
Avant toutes choses je tiens à remercier notre Dieu tout puissant qui m’a guidé tout au
long de mes recherches, car sans sa bénédiction je n’aurai pu réaliser ce travail. Je tiens
ensuite à remercier toutes les personnes qui m’ont aidé de près ou de loin, tout à long du
périple aboutissant à l’achèvement de ce mémoire. Je remercie en particulier mes parents qui
m’ont plus que soutenu tout au long de ce travail et qui de jour ou de nuit ont également subit
les pressions engendrées par mes travaux. Je tiens également à remercier tout le corps
enseignant et le corps administratif du département Droit de l’Université d’Antananarivo, qui
m’ont assisté tout au long de mon cursus universitaire. Plus particulièrement, Monsieur le
Professeur RAMAROLANTO RATIARAY responsable du Parcours Master II au sein du
département Droit de la faculté DEGS, qui m’a tant aidé avec ses précieux conseils. Je tiens
enfin à remercier toutes les personnes et les branches de l’administration qui ont accepté de
me recevoir lors de la phase d’enquête. Notamment, Madame la Présidente du Tribunal de
commerce d’Antananarivo, la Commission de Supervision Bancaire et Financière (CSBF) et
le Sampandraharaha Malagasy Iadiana amin’ny Famotsiam-Bola (SAMIFIN).
2
LISTE DES ABREVIATIONS
ACEP: Alliance de Crédit et d’Épargne pour la Production
AFD : Agence Français du Développement
AIM : Association des Institutions de Micro Finance non Mutualiste
APIFM : Association Professionnelle des Institutions Financières Mutualistes
BCEAO : Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest
BTM : Banky ny Tantsa Mpamokatra
CECAM :Caisses d’Épargne et de Crédit Agricole Mutuel
CIP : Conseillers en Investissement Participatif
CSBF : Commission de Supervision Bancaire et Financière
EME : Établissement de Monnaie Électronique
IFM : Institutions Financières Mutualistes
IFNM : Institutions Financières Non Mutualistes
IFP : Intermédiaires en Financement Participatif
IMF : Institutions de Micro Finance
IOB : Intermédiaire en Opération de Banque
NTIC : Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication
ORIAS : Organisme pour le Registre unique des Intermédiaires en Assurance, Banque et
Finance
OTM : Opérateurs de Téléphonie Mobile
PME : Portes Monnaies Électroniques
SA : Société Anonyme
SIM : Subscriber Identity Module
UEMOA : Union Économique et Monétaire Ouest Africaine
3
SOMMAIRE
REMERCIEMENTS ...........................................................................................................................1
LISTE DES ABREVIATIONS ...........................................................................................................2
SOMMAIRE ......................................................................................................................................3
INTRODUCTION ..............................................................................................................................4
TITRE I : LES PRATIQUES FINANCIERES POPULAIRES ............................................................8
CHAPITRE I : LES PRATIQUES FINANCIERES NON REGLEMENTEES.....................................9
Section I : Les facteurs de prolifération de telles pratiques ...........................................................9
Section II : Les pratiques financières informelles proprement dites ............................................ 23
CHAPITRE II : DE L’INFORMEL VERS LA REGLEMENTATION : LA MICROFINANCE ........ 37
Section I : l’existence d’un Droit de la microfinance indépendant du Droit bancaire classique.... 37
Section II : le cadre juridique régissant la relation institution de microfinance-clients ................ 50
TITRE II : LES PRATIQUES FINANCIERES BASEES SUR LES NOUVELLES TECHNOLOGIES ......................................................................................................................................................... 61
CHAPITRE I : L’INTRUSION FINANCIERE DES NOUVELLES TECHNOLOGIES .................... 62
Section I : Les changements perçus dans le paysage financier du fait de l’intrusion des nouvelles technologies .............................................................................................................................. 62
Section II : l’appréhension par le droit de cette nouvelle forme de pratique financière ................ 74
CHAPITRE II : LE PARTICULARISME DES TRANSACTIONS FINANCIERES SUR TELEPHONE MOBILE ................................................................................................................... 85
Section I : le cadre juridique et réglementaire applicable à l’activité .......................................... 85
Section II : les principaux enjeux liés à l’activité de mobile money ............................................ 97
CONCLUSION .............................................................................................................................. 111
ANNEXES ..................................................................................................................................... 113
BIBLIOGRAPHIE .......................................................................................................................... 119
TABLE DES MATIERES .............................................................................................................. 127
4
INTRODUCTION
Les pratiques financières informelles désignent en général toutes formes
d’intermédiation financière ne faisant pas l’objet d’un encadrement juridique. En Droit le
terme « informel » n’est pas clairement défini. Le lexique des termes juridiques rapproche ce
terme à la définition de l’acte juridique, qu’il définit comme suit : « un acte juridique présente
un caractère formel, lorsqu’un document en atteste l’existence. Dans le cas contraire, l’acte
est dit informel »1. Ce qui semble être une définition assez restreinte et incomplète. Car dans
sa définition générale, étymologiquement le mot « informel » désigne tout ce qui n’obéit pas à
des règles déterminées ; qui n’a pas un caractère officiel2. Donc si l’on s’en tient à ces
définitions, l’informalité désigne toutes pratiques qui n’obéissent à aucune réglementation et
qui de ce fait sont méconnues des lois et des règlements en vigueur. Ce qui fait donc que, les
pratiques financières informelles sont des pratiques qui ne font pas l’objet d’un encadrement
légal. Il est à préciser cependant, que la méconnaissance par de la loi de l’informel ne veut pas
dire que les pratiques qui en découlent sont prohibées. Ce qui diffère des pratiques illicites,
qui constituent vraiment une transgression aux règles juridiques en vigueur et qui constituent
de ce fait des pratiques répréhensibles.
L’apparition des pratiques financières informelles est le résultat d’une carence du
système financier formel à atteindre une grande majorité de la population. En effet, une large
majorité de la population mondiale ne bénéficie pas des services financiers et de banque qui
leur sont nécessaires. L’étude de la banque mondiale en la matière démontre à cet effet un
faible taux de bancarisation, et qu’on estime actuellement à deux milliards le nombre
d’adultes dans le monde qui ne sont pas bancarisés3. Ce faible taux de bancarisation résulte
d’une part, d’un manque de moyens. Car les services financiers formels, en raison de leurs
coûts assez élevés, ne permettent pas à des usagers peu fortunés d’accéder à ces services.
D’autre part, cette situation résulte de la difficulté des établissements financiers à atteindre
certaines régions enclavées. Dans la pratique, les établissements financiers sont pour la
plupart regroupés dans les zones urbaines. Ce qui cause un enclavement de la population
rurale en termes financiers. Car démographiquement une grande majorité de la population
(surtout dans les pays en développement), habite en milieu rural. Comme dans le cas de 1Lexique des termes juridiques, 17è Éd, Dalloz, 2010, p.343 2Définition du Larousse illustré, édition 2009 3Informations recueillies auprès du site de la banque mondiale :http://www.banquemondiale.org/fr/topic/financialinclusion/overview
5
Madagascar où 73 % de la population vit en milieu rural4. Une dernière raison à ce faible taux
de bancarisation, est la difficulté éprouvée par certains individus à utiliser les services
financiers classiques, qui sont le plus souvent emprunts de procédés assez compliqués. Ce qui
rend les services de banque presque inaccessibles à la fraction pauvre de la population. La
seule solution pour ces exclus du système financier classique est de recourir à des modes de
financements alternatifs. D’où le recours aux pratiques financières informelles.
Les pratiques financières informelles peuvent être considérées de moyens d’inclusion
financière, dans le sens où elles permettent aux exclus du système financier classique de
combler le vide qu’elles éprouvent en termes de service financier. Selon toujours la banque
mondiale, l’inclusion financière définit la possibilité pour les individus et les entreprises
d’accéder à moindre coût à toute une gamme de produits et de services financiers utiles et
adaptés à leurs besoins. Tel est le cas notamment des services de paiement, d’épargne et de
crédit et parfois d’assurance, fournis à partir de moyens de financements alternatifs basés sur
des pratiques financières méconnues du Droit positif.
Ces pratiques financières sont d’une part, celles qui résultent d’une initiative commune
des exclus du système financier formel de mettre en place leurs propres systèmes de
financement, correspondant à leurs besoins et en fonction de leurs moyens. C’est ainsi que les
formes d’entraides mutuelles, portant sur la mise en place de moyens informelles d’épargne et
de crédit ont pu voir le jour. Ces pratiques financières sont initiées par les populations elles-
mêmes et qui prennent la forme de pratiques tontinières. C’est-à-dire des associations
rotatives d’épargne et de crédit qui permettent à des gens qui se connaissent de se financer
mutuellement à partir de leurs modestes revenues. Ce sont des pratiques fréquemment
utilisées dans les pays en développement, surtout en Afrique. Ces formes d’arrangement
financier populaire actuel, résultent de pratiques traditionnelles d’entraides. En effet, elles
s’enracinent dans une très longue histoire de réciprocité et d’entraide mutuelle à l’occasion
des événements sociaux (tels les mariages, et toutes autres formes de cérémonie), durant
lesquels la solidarité entre parents ou voisins se manifeste à travers une prise en charge
collective des besoins matériels et financiers que leur célébration requiert5. C’est cette faculté
de mobilisation collective qui a conduit à l’émergence de pratiques financières d’initiative
4Données recueillies auprès de l’INSTAT Madagascar, résultant d’une enquête consommateur de la Finscop Madagascar, novembre 2016 5Aboulaye Kane, Tontine, caisse de solidarité et banquiers ambulants ; univers des pratiques financières informelles en Afrique, L’Harmattan, Paris, 2010, p.13
6
populaire. Néanmoins, ces pratiques financières restent encore pour la plupart méconnues de
la loi, ce qui ne permet pas de leur donner une qualification juridique exacte.
Les pratiques financières informelles résultent d’autre part, de l’utilisation des
technologies de l’information et les technologies numériques comme moyen de financement.
En effet, la large diffusion des technologies financières ou « Fin Tech » a facilité aux
populations à faible revenu, l’accès aux services financiers que les établissements financiers
traditionnels n’ont pu leur fournir. On peut définir la Fin Tech comme étant l'avatar dans le
domaine de la banque et de la finance de la fameuse révolution numérique, permettant à de
petites entités agiles de venir concurrencer sur leurs terrains (et/ou compléter l'offre) les
acteurs financiers préétablis, comme les banques ou les établissements de crédit6. La
téléphonie mobile en particulier, constitue un exemple de ces pratiques financières
innovantes. Car avec l’utilisation de la téléphonie mobile comme instrument financier, les
gens ont pu bénéficier à moindre coût des services de paiement et de transfert de fonds qui
leur ont été nécessaires. Ce qui a donc fait que les moyens de financement portés par les
nouvelles technologies ont aujourd’hui du succès auprès du public. Cependant l’existence
d’un vide légal et réglementaire, conduit à un doute sur la fiabilité de ces nouvelles formes de
pratiques financières.
En effet, la plupart de ces pratiques financières qu’elles soient d’origine populaire ou
résultant d’innovations technologiques, ne font l’objet d’aucun dispositif de contrôle. La
difficulté résulte surtout du fait, qu’aucune législation ne réglemente ces activités. Ce qui
suppose donc l’existence d’un vide juridique. Certes, avec l’adoption de la loi n°2016-056 sur
la monnaie électronique et les établissements de monnaies électroniques, l’Etat Malagasy
s’est doté d’un cadre légal pour les transactions financières par téléphonie mobile.
Néanmoins, cela n’englobe qu’une faible portion des pratiques informelles recensées
actuellement dans le domaine financier. D’où l’intérêt de ce travail qui porte sur : « la
contribution du Droit à l’encadrement des pratiques financières informelles ». Mais la
question primordiale qui se pose ici, est celle de savoir que : « comment le Droit se
positionne t-il face à l’émergence de telles pratiques informelles ? ». Mener une analyse
juridique sur la question des pratiques financières informelles, impliquera avant tout de voir la
situation des pratiques résultant des arrangements financiers populaires, et de la faculté des
pauvres à mettre en place leur propre système financier. Ensuite, il serait nécessaire de voir la
6Régis Bouyala, La révolution Fin Tech, Revue Banque (RB), Paris, 2016, p.15
7
situation des pratiques financières résultant des nouvelles technologies de l’information et des
télécommunications. Ce qui nous permettra dans une première partie, d’axer notre analyse sur
les pratiques financières populaires (TITRE I), avant de nous focaliser sur les pratiques
financières basées sur les nouvelles technologies dans une deuxième partie (TITRE II).
8
TITRE I : LES PRATIQUES FINANCIERES POPULAIRES
Les pays en développement, malgré les efforts de modernisation et d’instauration d’un
cadre financier conforme et inspiré du système bancaire et financier de type occidental,
accusent toujours d’un retard jusqu’à présent. Ce type de système financier qu’on essaye
depuis toujours d’adapter à la situation socio-économique de la population dans les pays en
développement n’arrive pas totalement à y trouver place jusqu’à présent.
En effet, les services financiers proposés ne conviennent qu’à une faible portion de la
population, disposant d’un revenu assez élevé ou d’un revenu moyen et qui bénéficie d’un
cadre de vie normal ou en dessus. Ce qui conduit à dire que le système financier et bancaire
actuel ne correspondent pas aux attentes et aux besoins des pauvres, qui constituent plus de la
moitié de la population mondiale. De ce fait, la seule solution pour ces laissés-pour-compte
est de recourir à leurs créativités et mettre en place un système financier et bancaire qui leur
correspondrait, aussi adapté à leurs revenus.
C’est dans ce contexte, que nous allons voir et essayer de faire une analyse juridique
de ces systèmes financiers et bancaires mises en place par et pour les pauvres. Dans cette
première partie l’analyse sera axée sur deux grandes idées. Qui portera d’une part sur les
pratiques financières informelles ou non réglementées (Chapitre I) et d’autre part sur la
microfinance qui est, certes, déjà réglementée mais dont le contour juridique reste encore
assez flou (Chapitre II).
9
CHAPITRE I : LES PRATIQUES FINANCIERES NON REGLEMENTEES
Une analyse juridique de ces pratiques financières non réglementées, implique avant
tout de retracer leurs origines et de rechercher les facteurs à l’origine de son succès. C’est
pourquoi la première section de ce chapitre, portera sur les facteurs de prolifération de telles
pratiques (Section I). Cela nous conduira ensuite à entrer dans le vif du sujet et analyser les
variétés et les différentes formes de pratiques financières informelles. Ce qui conduit à
orienter la seconde section vers les pratiques financières informelles proprement dites
(Section II).
Section I : Les facteurs de prolifération de telles pratiques
L’existence de pratiques financières informelles parallèle à la pratique légale qui est
encadrée par le Droit peut résulter de divers facteurs. Le comportement de la population
locale en elle-même peut en être une première raison. En effet, l’existence d’un vide d’ordre
financier si l’on peut le dire peut en être la cause. C'est-à-dire qu’il existe des besoins
financiers fondamentaux de la population qui ne sont pas comblés (§1). Le comportement des
acteurs financiers en serait une seconde. En effet, la majorité de la population des pays en
développement ne bénéficie pas des services de banque classique. Ce qui conduit à constater
une exclusion bancaire d’une large moitié de la population mondiale (§2).
§1- Les besoins financiers fondamentaux de la population
Ces besoins financiers s’analysent d’une part par l’existence de moyens d’épargne qui
correspondraient à leur situation financière et sociale (A). Ces besoins s’analysent d’autre
part, par l’existence de moyens de crédit qui leur seraient accessible (B).
10
A -Les besoins en termes d’épargne
1 - Essai d’une définition juridique de la notion d’épargne
Dans sa définition générale, l’épargne peut se définir comme étant la mise en réserve
d’une somme d’argent, fraction du revenu individuel7. Elle peut encore se définir comme
étant la somme même que l'on a économisé8. D’un point de vu économique, l’épargne
correspond à la partie du revenu disponible qui n’est pas consacrée à une consommation
immédiate9. C’est-à-dire qu’elle résulte de la décision d’un agent individuel de ne pas
consommer l’intégralité de son revenu10. Sur le plan académique, peu de travaux en Droit ont
été consacrés à la question, ce qui ne permet pas de donner une définition juridique claire et
exacte de la notion. Certes, la notion d’épargne est d’origine économique, mais cela
n’empêche pas les perspectives d’établir une théorie juridique sur la question.
En effet, le Droit et l’économie sont deux disciplines indépendantes, mais du fait de
l’existence d’un lien de connexité entre ceci, l’existence de l’une est conditionnée par
l’existence de l’autre. De facto, comme l’a dit le professeur Philippe BONFILS dans un
ouvrage, un juriste ne peut nier le fait que le droit s'inscrit dans un contexte économique, et
que les orientations juridiques ont nécessairement des conséquences économiques. Et que
réciproquement l'économiste ne peut se passer du droit, non seulement parce qu'il constitue
1'environnement dans lequel il réfléchit et intervient, mais aussi parce que les décisions
économiques requièrent généralement un habillage juridique11. Ce qui implique donc que,
même si la notion d’épargne est d’origine économique, elle ne saurait être sans une
transposition en Droit et sans l’existence d’une théorie juridique portant sur la question.
7 Dictionnaire Larousse illustré, 1990 8 Dictionnaire Le Littré, 2009 9 Tiré d’un document consultable sur le site :http://www.pdfmail.com (Copyright RTE Multimédia) 10 Alain Beitone, Emmanuel Buisson, Christine Dollo, Economie, 4è Ed, Sirey, Paris, 2009, p101 11 Serge Schweitzer et Loïc Floury, Droit et Economie : un essai d'histoire analytique, Préface de Philippe Bonfils, Presses Universitaires d’Aix-Marseille, Aix-en-Provence Cedex 1, 2015, p7
11
2 - Les fonctions socio-économiques de l’épargne dans les pays en développement
Le temps où les gens cachaient de la monnaie dans un bas de laine ou sous leur
oreiller, pour économiser quelques sommes pour parer aux aléas de la vie courante, est
révolue depuis longtemps. Le coût de la vie et l’envergure des projets envisagés par chaque
individu et par chaque ménage, implique l’existence de moyens d’épargne sûres, fiables et qui
plus est, constituent des moyens d’investissement rapide. L’existence de ces moyens
d’épargne adaptés aux exigences de la population, se fait sentir depuis longtemps dans les
pays en développement. L’épargne y est fonction des besoins hiérarchisés de la population et
son utilisation finale résulte de cela12.
En premier lieu, ces besoins peuvent être d’ordre social et individuel. C'est-à-dire que
l’épargne est ici motivée principalement par un besoin de sécurité éprouvé par l’épargnant.
Ces besoins de sécurité peuvent revêtir diverses formes, en allant du paiement des frais de
scolarité des enfants, au paiement de la dot qui est une somme importante engagée lors d’un
mariage (pratique fréquente en Afrique subsaharienne) ou le paiement des frais médicaux en
cas de maladie ou encore les frais funéraire engagés en cas de décès. Il s’agit tout simplement
ici d’individus se sentant menacés par les aléas de la vie, souhaitant se prémunir contre ces
hasards défavorables13 et qui épargnent de ce fait. Cette situation, n’est pas méconnue du
Droit et fait même l’objet d’une discipline juridique propre qui est le droit des assurances. En
effet, le droit des assurances est une technique de protection contre les aléas de la vie (vols,
maladies, décès…), il répond à un besoin viscéral de sécurité et constitue ainsi un outil de
prévoyance14. Cependant, les mécanismes du droit des assurances ne trouvent pas matière à
effectivité dans les milieux défavorisés et les plus modestes. D’abord du fait que les modestes
moyens des plus pauvres ne sont pas adaptés à cette forme de prévoyance. Comment le simple
porteur d’eau dans les zones les plus reculés de la ville, qui gagne sa vie de façon journalière
ou encore le paysan moyen en milieu rural qui gagne sa vie au rythme des saisons de récolte,
puissent-ils prétendre engager leur modeste épargne au paiement d’une prime d’assurance
régulière. Ils chercheront nécessairement des moyens de prévoyance alternative adaptée à
leurs moyens. Ensuite, l’ineffectivité de cette forme de protection et de prévoyance peut
12 République Française, Ministère des relations extérieurs, coopérative et développement, Etudes et document, « Méthode de mobilisation de l’épargne rurale dans les pays africains », décembre 1983 13 Henri Cazal et Pierre Vajda, Les pièges de l’épargne, Seuil, 1970 14 Agnès Pimbert, L’essentiel du Droit des assurances, 2è Ed, Gualino-Lextenso,Paris, 2014-2015
12
s’expliquer par le fait de l’inexistence de mesures de sécurité sociale mise en place par l’État
dans les pays en développement, visant ainsi à encourager les ménages à y investir leur
épargne. En effet, un risque est un évènement futur ou incertain engendrant un préjudice
lorsqu’il se manifeste, qui devient social lorsqu’il est partagé par une collectivité15 et qui va
conduire l’État à organiser les moyens de prévention pour l’éviter, d’où la sécurité sociale.
En second et dernier lieu, ces besoins motivant l’épargne peuvent être d’ordre
économique. C'est-à-dire que les sommes accumulées et constituant la partie du revenu
économisé serviront à la consommation. Les sommes épargnées serviront donc à l’achat de
biens de consommation ou de biens durables16 (nécessairement des biens meubles). Il peut
s’agir d’objets non productifs : véhicule utilitaire, machine à coudre, réfrigérateur,
télévision… et servant à un usage domestique. Ça peut s’agir cependant d’objets productifs,
situation qui se rencontre le plus souvent en milieu rural, où les sommes épargnées serviront à
l’achat par exemple d’engins agricoles ou encore d’insecticides.
B - Les besoins en termes de crédit
1 - Définition juridique de la notion de crédit
Réaliser des projets de grande envergure ou acheter un bien d’une valeur assez
importante par ses propres moyens ou par son revenu normal, paraît presque impossible dans
la plupart des ménages rencontrés au sein des pays en développement. En effet, lorsqu'un
ménage éprouve des difficultés financières passagères mais souhaite acquérir un bien et qu'il
n'a pas ou ne désire pas utiliser une épargne préalable, il pourra recourir au crédit17. De cela
on peut donc dire que le recours au crédit peut résulter soit de l’absence de moyen dans
l’immédiat en vue de la réalisation d’un projet ou d’un achat, soit la personne en question
dispose des moyens nécessaires pour cela mais ne souhaite pas y investir ses fonds propres et
donc a recours au crédit.
15 Dominique Grandguillot, L’essentiel du Droit de la Sécurité sociale, 15è Ed, Gualino-Lextenso, Paris, 2016 16 République Française, Ministère des relations extérieurs, coopérative et développement, Etudes et document, « Méthode de mobilisation de l’épargne rurale dans les pays africains », décembre 1983 17 Philippe Monier et Sandrine Mahier-Lefrançois, Technique Bancaire, Dunod, 2015/2016, p220
13
Dans sa définition simple, le crédit peut se définir comme étant la somme mise à la
disposition de quelqu'un dans une banque, chez un commerçant18. D’un point de vu juridique,
le crédit peut se définir comme tout acte par lequel une personne met ou promet de mettre des
fonds à la disposition d’une autre personne ou prend, dans l’intérêt de celle-ci, un engagement
par signature tel qu’un aval, un cautionnement ou une garantie19. De ces définitions, on peut
donc dire que le crédit est une avance de fonds consentis par une personne à une autre, mais
pas seulement. En effet, le crédit peut également s’analyser en une forme d’engagement prise
par une personne au profit d’une autre, comme le reprend l’article 5 de la loi Malagasy
relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit20.
Si l’on analyse donc le crédit avant tout comme une avance de fonds, cela nous
permettra de le rapprocher du contrat de prêt d’argent. En excluant les autres formes d’avance
de fonds pratiquées dans le secteur bancaire classique, comme le découvert en compte, les
opérations d’escompte ou encore l’affacturage. L’argent étant classé dans les choses
consomptibles, c'est-à-dire celles qui se consomment par le premier usage. Ce qui permet de
classifier cette forme de prêt dans la catégorie des prêts de consommation. L’article 1892 du
Code civil Français définit le prêt de consommation comme un contrat par lequel l'une des
parties livre à l'autre une certaine quantité de choses qui se consomment par l'usage, à la
charge par cette dernière de lui en rendre autant de même espèce et qualité21. Le prêt d’argent
est donc avant tout un acte consensuel, qui se forme par le simple consentement des parties et
qui ne nécessite pas de formalités particulières. C’est ensuite un contrat conclu à titre onéreux,
c'est-à-dire qu’il procure un avantage à chacune des parties. Il en est ainsi dans le prêt
d’argent où le prêteur met les fonds à la disposition de l’emprunteur pour qu’il puisse s’en
servir et où ce dernier s’engage à rendre la somme consentie avec ses intérêts. Cependant
l’existence d’intérêts ne semble pas être un critère déterminant pour qualifier l’acte de prêt
d’onéreux. Il suffit en effet que le prêteur n’agisse pas de manière désintéressée22 pour que le
caractère onéreux de l’acte soit retenu.
18 Dictionnaire Le Littré, 2009 19 Lexique des termes juridiques, 20è Ed, Dalloz, 2013 20 Loi n° 95-030 du 22 février 1996 relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit (J.O.n°2350 du 04/03/96 Edition spéciale, p.292), article 5 : « Constitue une opération de crédit, pour l’application de la présente loi, tout acte par lequel une personne physique ou morale agissant à titre onéreux, met ou promet de mettre des fonds à la disposition d’une autre personne ou prend, dans l’intérêt de celle-ci, un engagement par signature tel qu’un aval, un cautionnement, ou une garantie ». 21 Article 1892 du Code civil français, Edition Dalloz, 2015 22 Christian Gavalda et Jean Stoufflet, Droit Bancaire, 2è Ed, Litec, Paris, 1994, p18
14
Si l’on retient toujours la définition juridique du crédit, il peut aussi consister en un
engagement par signature prise au profit d’une autre personne comme on a pu le voir un peu
plus haut. Ce type de crédit se perçoit donc dans le cadre de certaines formes de relations
triangulaires, c'est-à-dire mettant en cause trois parties. C’est la situation dans laquelle un tiers
s’engage vis-à-vis d’un créancier à exécuter une obligation si son débiteur n’y satisfait pas. Ici
le tiers s’engage au profit du débiteur en raison de la relation qu’ils entretiennent ou du lien
étroit qui les unit. C’est le cas notamment du cautionnement fait par une banque au profit de
son client ou d’un conjoint qui s’engage au profit de l’autre. Donc de cette autre définition, le
crédit peut s’analyser en un acte qui ne nécessite aucun décaissement de fonds. Mais en cas de
défaillance du bénéficiaire, la responsabilité de la personne se portant garant sera engagée vis-
à-vis du créancier de celui-ci.
2 - Les attentes de la population pauvre en terme de crédit
La forme du crédit diffère selon les besoins du bénéficiaire et peut de ce fait prendre
diverses formes. Le crédit aussi diffère selon la qualité de l’emprunteur, il en est ainsi de la
différence entre la forme du crédit octroyé aux particuliers et celle octroyée aux entreprises.
Mais le plus souvent le crédit est classifié en fonction de sa durée, c’est ainsi que le crédit
peut être à court terme, à moyen terme ou encore à long terme. Cette dernière classification
est celle qui est souvent retenue dans la plupart des ouvrages de Droit bancaire et applicable
dans les établissements de crédit traditionnel.
Le crédit à court terme ou crédit de consommation est celui qui est octroyé pour un délai
n’excédant pas 2 ans23. Comme on a déjà pu le voir le crédit de consommation est celui qui
sert à l’achat de bien de consommation, qui permet à celui qui en bénéficie de satisfaire à
certains besoins personnels. Cette forme de crédit est le plus souvent destinée aux particuliers
pour l’acquisition de biens d’équipement, et est aussi destinée à satisfaire certaines prestations
de services. C’est le cas notamment à Madagascar, où à chaque rentrée scolaire les banques de
la place proposent un crédit scolaire à court terme visant à faire face à cette période qui est la
plus difficile de l’année, surtout pour les familles nombreuses et ayant des enfants en bas âge
scolarisés24. Pour les entreprises, le crédit à court terme s’analyse en un financement visant à
23 http://www.finance-banque.com/credit-court-terme-credit-moyen. html 24 Cas de la BOA Madagascar qui propose un pack scolariat à la même période de l’année, un crédit qui vise à financer la rentrée scolaire et qui est remboursable dans un délai de 1 an à partir de la mise à disposition des fonds.
15
faire face aux besoins de trésoreries, c'est-à-dire visant des besoins d’exploitation liés à
l’activité normale de l’entreprise. Quant au crédit à moyen et à long terme, ils ont tous deux à
peu près la même finalité économique qui est d’assurer le financement d’investissement25. La
différence se situe au niveau de la forme de l’investissement et de la durée du crédit. Au
niveau de la forme, le crédit à moyen terme vise des investissements à durée moyenne, tandis
que le crédit à long terme vise des investissements appelés à durer dans le temps. En ce qui
concerne la durée, le crédit à moyen terme est d’une durée de 2 à 7 ans au contraire du crédit à
long terme qui est d’une durée supérieur à 7 ans26. Ces deux dernières formes de crédit sont
peu fréquentes dans les pays en développement et sont rarement pratiquées par les
établissements de crédit qui y sont en place.
En effet, les produits financiers proposés par les banques sont à majorité à base de prêts à
court terme. Les emprunteurs sont donc avant tout face à un inconvénient lié à une limitation
de fonds que les banques peuvent leur octroyer, ce qui ne correspond pas vraiment à leurs
besoins réels. L’inconvénient se situe ensuite au niveau de la durée du crédit dont l’échéance
de remboursement est très courte, ce qui ne permet pas à l’emprunteur de s’organiser en vue
du terme convenu. Dans le milieu rural, une telle offre de crédit est incompatible avec la
plupart des cycles de production végétale ou animale, dans lesquels les cultures nécessitent 4
à 6 mois au minimum entre le début des dépenses de production et les récoltes ; il en est de
même pour l’élevage de bovin qui s’inscrit sur un cycle de 2 à 4 ans27.
25Marie-Laure BERMOND, Droit du crédit, 3è Ed, Economica, Paris, 1993, p76 26 Pascal ANCEL, Droit du crédit, D.E.C.S Epreuve n°7, LITEC, Paris, 1986, p147 27Les CECAM de Madagascar : une Institution Mutuelle de Crédit Agricole, Février 2000, p8 disponible sur : www.inter-reseaux.org/ancien/themes/financement/RTF/CECAM
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§2- L’exclusion bancaire d’une large moitié de la population mondiale
Ce phénomène de l’exclusion bancaire résulte d’une part de la politique commerciale
pratiquée par les établissements de crédit traditionnel (A). D’autre part, cette situation peut
s’analyser en une restriction à certains droits financiers, qui devraient normalement être
reconnus à tous (B).
A -La politique commerciale des établissements de crédit
1 - L’inadaptation des pratiques bancaires d’inspirations occidentales aux pays en développement
Cette situation s’explique avant tout, par le fait que les offres proposées par la plupart
des banques localisées dans les pays en développement ne correspondent pas aux réalités
économiques et sociales. En effet, une grande partie de la population dans ces pays est à
majorité paysanne. Il en est ainsi de Madagascar où 80 % de la population habitent en zone
rurale et vivent en majorité de l’agriculture ou de l’élevage. On remarque une défection des
banques et une absence de services financiers dans le milieu rural, car la plupart des
établissements de crédit sont concentrés en milieu urbain. Ce qui conduit donc à constater que
seul une faible portion de la population bénéficie de services bancaires, c’est-à-dire les
personnes demeurant dans les villes. Actuellement on estime qu’à Madagascar seulement 3 %
de la population dispose d’un compte bancaire et qu’il existerait environ 7 guichets de banque
pour un million d’habitants28. Ce qui est très peu, ce qui montre que les services bancaires
actuelles sont presque inaccessibles à une grande partie de la population malagasy.
D’autre part, une remarque est à faire sur la nationalité des banques présentes dans les
pays en développement. En effet, très peu d’entre ces banques sont d’initiative locale ou
nationale, la majorité est d’origine étrangère. La plupart sont des filiales de banques
européenne ou font parties de grand groupe bancaire arabe, comme ce qui est le cas
actuellement en Afrique. Si l’on prend seulement l’exemple de Madagascar, la plupart des
banques de la place sont des filiales de grandes banques françaises. Ce qui explique donc le
fait, que les pratiques commerciales de ces banques sont inadaptées à la situation économique
28Informations recueillies sur le site de la banque centrale de Madagascar : http://www.banque-centrale.mg/index.php?id=m3_2_1
17
et sociale de la population locale. La différence se perçoit non seulement sur la politique
commerciale pratiquée, mais également sur la possibilité du consommateur à recourir à de tels
services financiers. Les revenus minimums ou moyens ne permettent pas d’accéder à des
services de banque de qualité. L’exemple de l’octroi de crédit bancaire est le plus proche. La
majorité des établissements exige du client la domiciliation bancaire avant d’octroyer le
crédit, c'est-à-dire que son salaire devra transiter mensuellement dans un compte au sein de la
banque. Ce qui exclut donc une grande majorité de la population, dont la plupart sont des
artisans ou agriculteurs ne disposant pas de revenus à intervalle régulier.
2 - La politique visant à exclure les clients à risque
La première vocation des banques étant de faire des bénéfices, il est assez normal qu’elles
établissent une politique allant en ce sens. Cela consiste à faire une distinction entre les
clients, c'est-à-dire séparer les clients disposant de ressources financières suffisantes
contribuant à la bonne marche des activités de la banque et les petits clients inactifs qui
deviendraient une charge pour celle-ci. Ce qui conduit donc à établir dans ce milieu financier
de vraies méthodes de sélection de la clientèle. Ces méthodes de sélection peuvent prendre
diverses formes et peuvent ainsi être fondées sur divers critères29.
Ces critères peuvent être avant tout fondés sur la situation financière du potentiel client.
Ici les établissements financiers auront tendance à accepter les clients disposant de garanties
financières suffisantes et justifiant d’actifs, permettant ainsi à la banque de limiter les risques.
La situation professionnelle du client peut également être retenue comme critère de sélection.
En effet, les banques se pencheront plus vers un client disposant d’un emploi à plein temps
que vers un autre disposant de revenus occasionnels ou exerçant une activité libérale
moyenne. Les préférences de la banque iront donc plus vers un individu, justifiant d’une
profession stable. Excluant ainsi les chômeurs et les personnes changeant fréquemment de
travail. La réputation peut également être un critère choisi par les établissements de crédit
pour choisir les bons clients. En effet, les relations entre les banques et leurs clients peuvent
s’inscrire dans la durée. On parle de « relations de long terme » ou encore de « relations de
clientèle ». Les relations de long terme permettent aux bons clients de se forger une bonne
réputation, ce qui peut faciliter leurs accès aux divers services bancaires mais aussi réduire les 29 Eber Nicolas. Sélection de clientèle et exclusion bancaire . In: Revue d'économie financière, n°58, 2000. L'exclusion bancaire. pp. 79-96.
18
coûts de ces services30. Cependant, ce critère ne pourrait bénéficier qu’aux seuls clients déjà
établis dans la banque depuis longtemps pour qu’un tel lien de confiance puisse exister, ce qui
exclut donc les nouveaux clients. Enfin, ces critères de sélection peuvent être fondés sur la
situation sociale. Il s’agit ici d’un critère fondé sur la discrimination qui est, certes, fortement
réprimée par la loi mais qui reste encore de mise dans le secteur. Il en est ainsi par exemple,
dans certains pays où les banques n’octroient pas de prêts aux femmes, du fait qu’elles ne
justifient pas de garanties réelles. En effet, dans les sociétés traditionnelles africaines, le mari
est le chef de famille et qu’ainsi il a tout droit sur les biens de la famille et ce au détriment de
la femme31. Cette pratique aujourd’hui commence à perdre pied sur le continent, néanmoins
elle reste encore présente dans certains pays africains.
Les critères de sélection de la clientèle, se justifient dans le milieu par les impératifs de
sécurité que doit prendre la banque vis-à-vis des clients qui peuvent être source de risque pour
celle-ci. Ces difficultés que redoutent tant les banques se manifestent surtout dans le cadre des
opérations de crédit, et c’est ainsi que depuis quelques années on parle souvent de « risque de
crédit ». Le risque de crédit n’a pas de définition exacte, mais on peut dire néanmoins que
c’est un risque lié aux opérations de crédit effectuées par les banques et marqué surtout par
une défaillance du débiteur, c'est-à-dire son insolvabilité. Ce qui affecte la rentabilité qu'une
banque espère de ses opérations de crédit et l'expose potentiellement à de graves difficultés si
la contrepartie s'avérait incapable de rembourser le prêt32. Ces pratiques commerciales des
banques visant à établir des critères de distinction vis-à-vis de la clientèle sont donc
commandés par cet inconvénient. Cependant, cela ne justifie pas les restrictions faites sur
certains droits financiers qui devraient être reconnu à tous, pour ne pas dire fondamentaux.
30 Eber Nicolas. Sélection de clientèle et exclusion bancaire. In: Revue d'économie financière, n°58, 2000. L'exclusion bancaire. P 85 31 À Madagascar depuis l’adoption de la loi n° 2007-022 du 20 août 2007 relative au mariage et aux régimes matrimoniaux (J.O. n° 3 163 du 28/01/08, p. 131), le mari et la femme sont sur un même pied d’égalité et concourent ensemble à l’administration des biens de la famille 32Cécile Kharoubi et Philippe Thomas, Analyse du risque de crédit, Banques& Marchés, 2è édition, Revue Banque, Paris, 2016, p15
19
B -Les restrictions à certains droits financiers fondamentaux
1 - La reconnaissance d’un droit au compte à chaque individu
Avoir un compte bancaire est devenu une nécessité commandée non seulement par les
conventions sociales actuelles, mais est aussi un impératif imposé par les nécessités de la vie
courante. Ce besoin lié à la détention d’un compte bancaire est surtout la conséquence
l’automatisation de nombreuses procédures de règlement33 et d’un souci de facilitation des
relations d’affaires. Il en est ainsi dans le cadre de relations professionnelles ou de relations de
travail, où dans la plupart des cas, l’employeur optera pour un versement sur le compte
bancaire du salarié pour payer son salaire effectif. C’est une pratique très courante dans le
secteur privé, mais qui commence aussi à prendre pied dans le secteur public. Car l’Etat
commence à l’appliquer dans le cadre des relations financières avec ses agents. Comme à
Madagascar, où le trésor public a recours au virement bancaire pour payer le salaire de
certains fonctionnaires. Dans le cadre des relations d’affaire le compte bancaire joue un rôle
important, car étant donné qu’en termes de commerce la rapidité est de mise les transferts par
compte en serait la solution la plus rapide.
Étant donné que le compte bancaire est devenu un outil incontournable dans le cadre
des relations économiques et sociales, chacun devrait donc avoir la possibilité d’en disposer
d’un. Ce qui permet de reconnaître un droit au compte à chaque individu sans qu’il ait une
distinction ou une discrimination. C’est ainsi que, toutes personnes physiques ou morales
dotées de la personnalité juridique, quelle que soit leur nationalité peuvent être titulaire d’un
compte34. Donc dans le cas des personnes physiques, une simple capacité de jouissance
suffirait pour disposer d’un compte bancaire, à l’exclusion de certains individus condamnés
en raison de délits financiers. Il en est ainsi des personnes frappées d’incapacité d’exercice,
comme les handicapés ou les aliénés non protégés qui peuvent ainsi disposer d’un compte et
effectuer toutes les opérations qui en découlent. Dans le cas du mineur, c’est tout autre, car
pour pouvoir en disposer, l’ouverture du compte devra être à l’initiative des personnes ayant
autorité légale sur lui ou encore son tuteur légal. Ce qui permet donc de rapprocher la majorité
bancaire à la majorité civile, qui est de 21 ans à Madagascar. Pour le mineur émancipé par
33 Jean-Marc Béguin et Arnaud Bernard,L’essentiel des techniques bancaires,Eyrolles, Paris, 2008, p23 34 Christian Gavalda et Jean Stoufflet, Droit Bancaire, 2è Ed, Litec, Paris, 1994, p101
20
contre, il ne saurait y avoir d’obstacle à ce qu’il puisse disposer d’un compte en banque car il
est doté d’une capacité juridique pleine pour effectuer les opérations qui en résultent.
La reconnaissance du droit au compte ne permet pas cependant d’exiger des banques
d’ouvrir un compte à tous les individus qui se présentent devant eux. Il est en effet reconnu
aux banquiers le droit de refuser l’ouverture d’un compte au sein de leurs établissements. Le
droit au refus d’ouverture de compte reste un principe de liberté du commerce35. Ce droit
résulte de la liberté de contracter ou de ne pas contracter36 et ce qui permet à la banque de ne
pas justifier ses motivations. Néanmoins, même si une banque use de cette liberté
contractuelle en décidant de ne pas ouvrir un compte à une personne, la loi par le mécanisme
de l’octroi pourra permettre à cette dernière d’ouvrir un compte bancaire. En droit Malagasy,
toute personne qui s’est vu refuser l’ouverture d’un compte de dépôt par plusieurs banques et
qui, de ce fait, ne dispose d’aucun compte bancaire, peut demander à la Commission de
Supervision Bancaire et Financière (CSBF) de lui désigner une banque auprès de laquelle elle
pourra ouvrir un tel compte37. Ils sont allés plus loin en Droit Français, car au lieu de laisser à
la personne qui s’est vu refuser le compte de justifier cela, la banque qui vient de refuser
l'ouverture du compte peut également proposer de se charger des formalités auprès de la
Banque de France, en vue de l’octroi d’un compte bancaire à l’exclus38. Cependant, la banque
ainsi désignée peut limiter les services liés à l’ouverture de ce compte aux seules opérations
de caisse.
2 - La question de la reconnaissance d’un droit au crédit
La reconnaissance d’un droit au crédit reste un sujet de discussion permanent,
cependant c’est un droit qui reste presque inconnu de la plupart des manuels de Droit bancaire
jusqu’à présent. En effet, aucune législation bancaire ne reconnaît ce droit au contraire du
droit au compte qui est largement consacré par la plupart des législations. Comme on a pu le
voir un peu plus haut, les politiques commerciales drastiques pratiquées par les banques
surtout en termes d’octroi de crédit, sont justifiées par le risque accru que fait encourir cette
opération. Cependant, la lutte contre l’exclusion bancaire et la promotion de diverses
35 Jean-Marc Béguin et Arnaud Bernard,L’essentiel des techniques bancaires,Eyrolles, Paris, 2008, p23 36 Cette liberté est prévue et encadrée en Droit Malagasy par la loi n°66-003 du 02 juillet 1966, relative à la théorie générale des obligations (LTGO) 37 Article 77, de la loi n°95-030 du 22 février 1996 relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit (J.O.n°2350 du 04/03/96 Édition spéciale, p.292) 38 Article L312-1 du code monétaire et financier français
21
solutions en vue d’une meilleure inclusion financière, remet cette question du droit au crédit
sur la table des réflexions.
Du fait de cette méconnaissance du droit au crédit par la plupart des législations et la
doctrine, aucune définition juridique exacte ne peut en être donnée. Néanmoins, on peut
rapprocher cette notion de droit au crédit à celle du droit à la liquidité. Le problème de la
liquidité s’analyse en une situation délicate où la personne qui subit cette situation certes,
dispose d’actifs réels (des meubles ou des immeubles) suffisant pour en faire face. Mais, la
difficulté se situe dans le fait que la personne ne peut vendre dans l’immédiat ces actifs en vue
de les transformer en valeur monétaire. Ce qui conduit donc à dire que l’individu en question
se trouve confronté à des problèmes de liquidités. Il en est ainsi par exemple, de l’agriculteur
qui est face à des difficultés financières urgentes et qui dispose en parallèle de terrains
cultivés mais qui ne disposera de liquidités, qu’une fois seulement arrivé la vente des récoltes.
Autrement dit, il veut pouvoir disposer de sa richesse sans attendre le moment où la
production sera réalisée, c’est-à-dire rendue liquide, sur le marché39. La solution donc serait
dans l’immédiat de recourir aux services d’une banque pour disposer de ces liquidités. Ce qui
fait donc la fonction historique des banques, qui est de financer et de fournir de la liquidité à
l’économie40. Ce qui permet de soulever un autre point dans la détermination de l’existence
d’un droit au crédit, la question liée à la responsabilité des banques vis-à-vis de la société.
En effet comme dans toutes entreprises, il est possible d’envisager une responsabilité
sociale des banques. La responsabilité sociale des entreprises (RSE) s’analyse comme étant
les attentes de la société se traduisant par des pressions sociales sur les entreprises et que
celles-ci ne peuvent pas ignorer41. C’est donc tout devoir social incombant aux entreprises
entant qu’entité jouant un rôle primordial dans la bonne marche de la société en général. Les
banques étant avant tout des entreprises et des entités économiques utiles à la société, il est
normal qu’on puisse parler de responsabilité sociale des banques. Si l’on revient sur le fait
que la principale fonction des banques est de financer l’économie, cela donc suscite des
attentes sociales au niveau de la qualité et surtout de l’accessibilité aux services financiers
qu’elles proposent. De ce fait, les banques doivent offrir à leurs clients les services
39 Dietsch Michel. Peut-il exister un droit au crédit ?. In : Revue d'économie financière, n°58, 2000. L'exclusion bancaire. pp.135-150. 40 Catherine Karyotis, L’essentiel de la Banque, 2è Ed, Gualino-Lextenso, Paris, 2015, p22 41Gilles Bressy et Christian Konkuyt, Management et économie des entreprises, 9è Ed, Dalloz-Sirey, Paris, 2008, p80
22
personnalisés et les produits novateurs dont ils ont besoin pour réaliser leurs objectifs
financiers, et ce, que les besoins soient simples ou complexes, et peu importe les
circonstances économiques42. Donc si l’on se place dans cette optique de la responsabilité
sociale, en termes de crédit les banques doivent fournir des offres de crédit adaptées à la
situation sociale de la population et permettre également une meilleure accessibilité à ces
offres. Cela conforterait donc l’hypothèse d’un droit au crédit qui devrait être reconnu à
chaque individu.
Une autre solution serait de voir la question sur le terrain de la responsabilité juridique
du banquier. Si l’on se réfère toujours au fait que, que les banques jouent un rôle important
dans le financement de l’économie, l’absence de ces services pourrait porter préjudices à ceux
qui en ont réellement besoin. C’est ainsi que certains auteurs comme Pascal ANCEL, parlait
d’une sorte de « service public du crédit » qui incomberait aux banquiers. En effet, ces
derniers sont des professionnels du crédit, et, comme tout professionnels, ils sont tenus de
certains devoirs dans l’exercice de leurs activités. L’inobservation de ces devoirs, si elle cause
un préjudice à autrui, est de nature à engager la responsabilité du banquier. Il en est ainsi du
cas de rupture de l’ouverture de crédit, où le banquier s’était engagé expressément ou
tacitement à apporter son concours financier au client, mais s’est rétracté ensuite43.
Néanmoins, du fait de la méconnaissance de leurs droits par la majorité des victimes, cette
solution ne saurait trouver écho. Donc la seule solution, pour ces exclus du système bancaire,
c’est de mettre en place des moyens de financement adaptés à leurs situations. D’où
l’existence actuelle de diverses pratiques financières informelles et non réglementées.
42Diane GIRARD et Allison MARCHILDON, Banques, éthique et RSE : vers une perte de légitimité ?. MANAGEMENT & SCIENCES SOCIALES, Revue scientifique semestrielle, n° 2,Banques:éthique et responsabilité sociale,L’Harmattan, Paris, 2006, p19 43 Pascal ANCEL, Droit du crédit, D.E.C.F Épreuve n°7, LITEC, Paris, 1994, p46, 47
23
Section II : Les pratiques financières informelles proprement dites
Les pratiques financières informelles et non réglementées, sont diverses et peuvent
prendre différentes formes. Chaque pays en développement, dispose de leur propre lot de
pratiques financières non réglementées, mais dans ces pratiques on retrouve une certaine
similarité. Ce qui implique de faire une analyse juridique commune à tous les cas. Ces
pratiques financières étant, certes, informelles ; pour certains elles constituent une solution
dans l’inclusion financière des grands oubliés du système financier formel. Néanmoins,
inclusion financière ne veut pas dire sécurité. En effet, ces formes de pratiques financières ont
leur inconvénient. Ce qui nous conduira dans cette section à faire d’une part un éventail de ces
pratiques financières informelles basées sur les coutumes (§1) et d’autre part, voir les risques
liés à ces pratiques (§2).
§1-L’éventail des pratiques financières informelles coutumières
Ces pratiques informelles peuvent s’analyser d’une part sous la forme de pratiques
individuelles (A) qui mettent, en relation au moins deux individus, mais de par le mécanisme
un seul d’entre eux jouera un rôle important, c’est le tiers de confiance, à qui sera remis les
fonds des particuliers. D’autre part, ces pratiques informelles peuvent prendre la forme de
pratiques collectives (B), dans lesquelles le mécanisme financier dépend de la participation de
plusieurs personnes.
A -Les pratiques individuelles : le recours à un tiers de confiance
1 - Les tontiniers et banquiers ambulants
Comme on a pu le voir dans nos précédents développements, le système financier et
banquier actuel est inaccessible à une grande majorité de la population dans les PED. Donc la
seule solution pour ces laissés-pour-compte du système bancaire classique est de recourir à
des services adaptés à leurs moyens, ce qui les conduits donc à basculer dans une autre face
de la finance, celle de l’informelle. Comme on a pu le voir, l’épargne est l’un des besoins
fondamentaux de cette fraction de la population, mais en raison de la modestie des sommes en
jeu, ces individus risquent d’être confronté à un refus des banques de les recevoir. C’est
24
pourquoi de nouvelles formes de mobilisation de l’épargne adaptées à la situation des plus
démunies financièrement ont vu le jour. C’est ainsi que certains particuliers interviennent en
s’improvisant banquier, en jouant le rôle de tiers de confiance et recevant les fonds des autres
en vue de les sécuriser ou en vue seulement de les épargner.
Il en est ainsi d’une part des gardes monnaies44, qui font office de banquier dans un
quartier ou dans un village et qui y reçoivent les épargnes de la population locale. C’est une
pratique assez fréquente dans certains pays d’Afrique. Elle consiste à mettre en sécurité une
somme d’argent auprès d’une personne de confiance du village ou du quartier. Cette personne
peut être l’épicier du coin qui a bien réussi dans ses activités, le chef du village, un chef
religieux ou encore tout autre personne d’une certaine honorabilité. C’est donc une pratique
financière basée sur le lien de confiance liant un groupe de personne à un individu, où les
liens sociaux sont très étroits. Le système consiste en effet, à verser une somme d’argent
d’une façon irrégulière à une personne d’une certaine intégrité dans la localité en question.
Celui-ci s’engagera ensuite à restituer les dits fonds, et ce sans aucun intérêt à reverser aux
propriétaires. Jusqu’au jour de la remise, le garde monnaie aura les fonds à sa disposition et
jugera de l’opportunité de leur utilisation. En effet, le garde monnaie peut investir ces fonds,
les prêter à un tiers ou encore les déposer en banque mais à charge pour lui de les restituer à la
demande des propriétaires.
Il s’agit ensuite des tontiniers, appelés le plus souvent en Afrique de banquier
ambulant, comme ce qui se rencontre surtout au niveau des grands marchés de Dakar au
Sénégal45. Au contraire des gardes monnaies qui reçoivent les fonds des particuliers à titre de
dépôts, le tontinier procède vraiment à des collectes de fonds, d’où le nom de banquier
ambulant. En effet, celui-ci se déplace pour voir chacun des épargnants pour y collecter les
sommes consenties par ceux-ci. Ce sont donc de vrai banques ambulantes qui disposent d’une
centaine de clients, et font preuve d’un certain dynamisme par rapport aux gardes monnaies.
Cette pratique trouve surtout application au niveau des marchés et implique surtout des petits
commerçants, ce qui explique son caractère commercial. En ce qui concerne les versements
effectués par les épargnants, ceux-ci sont cette fois régulières et à échéance fixe. Le tontinier
passe d’une façon régulière pour collecter l’épargne. Les sommes d’argent collectées une fois 44Michel Lelart, De la finance informelle à la microfinance., AUF et Editions des Archives Contemporaines, 2006, p 5 ; document disponible sur le moteur de recherche : hal.archives-ouvertes.fr 45 Aboulaye Kane, Tontine, caisse de solidarité et banquiers ambulants ; univers des pratiques financières informelles en Afrique, L’Harmattan, Paris, 2010, p 212
25
accumulées, seront reversées aux propriétaires et une fraction de ces sommes sera gardé par le
collecteur à titre de rémunération, correspondant le plus souvent à un versement. La
particularité de cette pratique est qu’elle est très bien élaborée et est très bien organisée.
En effet, le banquier ambulant remet à ses clients une carte établie à leur nom, assortie
de leur adresse et comportant quelquefois leurs photos. Cette carte en question retrace les
transactions financières se produisant. Elle est disposé en plusieurs cases correspondant à un
nombre de jours bien définies et que le collecteur coche à chaque versement. Les cases en
question représentent le nombre de versements à effectuer par chacun des épargnants dans un
délai donné. Une carte peut par exemple contenir trente et une cases, correspondant au
nombre de jours dans un mois et aux trente et un versements que doit effectuer un épargnant
dans ce délai. C’est une fois seulement que l’intégralité des versements effectués et que toutes
les cases cochées, que le collecteur reversera les sommes accumulées au propriétaire. Cette
pratique démontre l’ingéniosité des personnes à faible revenu et leur faculté à mettre en place
un système de collecte de l’épargne et des fonds en provenance des particuliers, alternatif à
celui des banques classique. Mais cela, conduit cependant à soulever un problème d’ordre
juridique, qui est celui du délit d’exercice illégal de la profession de banquier par ces
tontiniers ou banquiers ambulant.
2 - L’hypothèse de l’exercice illégale de la profession de banquier par les tontiniers
L’activité bancaire du fait de son importance fait l’objet d’un contrôle draconien de la
part des États et d’un encadrement strict par leurs législations bancaires. C’est ainsi que la
législation malagasy interdit à toute personne physique ou morale, autre qu’un établissement
de crédit, d’effectuer des opérations de banque à titre habituel46 et il en est de même dans le
code monétaire et financier français en son article L511-5, alinéa 1. Cela s’explique
notamment par le fait que les activités de banque constituent un levier important de
l’économie nationale, que la question de la stabilité de ce secteur est devenu un impératif
d’ordre public. Et que donc confier l’exercice d’une activité de banque à une personne
physique non professionnelle constituerait un inconvénient non seulement pour les
particuliers mais pour toute la société en générale. C’est en ce sens que la cours de cassation
46 Article 10 alinéa 1, de la loi n°95-030 du 22 février 1996 relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit (J.O.n°2350 du 04/03/96 Édition spéciale, p.292)
26
française parle d’un « ordre public bancaire47 », impliquant la reconnaissance d’ un statut
particulier aux banques et aux établissement de crédit. C’est ainsi que l’exercice d’une activité
de banque est soumis à une condition préalable, qui est l’octroi d’un agrément48 par l’Etat ou
plus précisément par l’autorité en charge du contrôle des activités bancaires et financières49.
Ce qui explique le monopole de l’activité bancaire par les banques et les établissements de
crédit. Donc il ne saurait être reconnu aux particuliers, comme les gardes monnaies, les
tontiniers ou banquiers ambulants, le statut de banquier.
Cet impératif d’ordre public, justifiant cette situation de monopole, peut notamment
s’expliquer par un souci de protection de l’intérêt des particuliers, déposants de fonds mais
également dans un souci préservation de l’ordre public en général. C’est ainsi que l’article 10
alinéa 2 de la loi bancaire malgache et l’article L511-5, alinéa 2 du code monétaire et
financier français, interdisent à toute personne ou à toutes entreprises autre qu’un
établissement de crédit de recevoir des fonds du public. Cette notion de fonds reçue du public
n’est pas définie par le Droit malagasy, par contre en Droit français elle se définit comme
étant : « les fonds qu'une personne recueille d'un tiers, notamment sous la forme de dépôts,
avec le droit d'en disposer pour son propre compte mais à charge pour elle de les restituer ».
De cette définition, on peut donc dire que ces fonds du public, correspondent à des dépôt faite
par des particuliers auprès des banques, c'est-à-dire une opération consistant en une récolte de
l’épargne publique. Le terme « dépôt » n’est pas défini par les législations bancaires,
néanmoins la doctrine en a donné une définition : « il s’agit de toute remise de fonds à charge
de restitution assortie de la liberté pour le récepteur d’en disposer50 ». Si l’on se réfère à cette
définition de la doctrine, on peut donc dire que la personne dépositaire des fonds peut en
disposer à sa guise mais à charge seulement pour celle-ci de les rendre au moment où le
déposant les réclames. Ce qui explique que l’exercice d’une activité bancaire ne saurait se
suffire à la seule opération de dépôt, elle implique une utilisation des fonds par le dépositaire.
Si l’on rapproche cette définition de l’opération de banque aux pratiques financières
informelles précédemment vues, la réception de fonds du public correspond aux collectes de
fonds des particuliers faites par les tontiniers. En ce qui concerne l’utilisation de ces fonds du 47 Cour de cassation française, rapport d’étude sur « l’ordre public », composition de la commission du rapport et des études de la cour de cassation, 2013, p286 et suivant 48 Com.,9 avril 2002, pourvoi n° 99-19.517 49 L’exercice de l’activité bancaire à Madagascar est soumis à un agrément préalable de la Commission de Supervision Bancaire et Financière (article 16 de la loi bancaire). En France cet agrément est délivré par la Banque centrale européenne, sur proposition de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (article L511-10, alinéa 1 du code monétaire et financier) 50 Christian Gavalda et Jean Stoufflet, Droit Bancaire, 2è Ed, Litec, Paris, 1994, p16
27
public les tontiniers et les banquiers ambulants ne se limitent plus aux dépôts, à ces opérations
s’ajoutent aussi des opérations de crédit qui font d’eux de véritables banquiers51. Ces
opérations de crédit peuvent s’analyser en des prêts d’argent faits par les tontiniers à des
particuliers via les fonds consentis par les épargnants. Cependant l’exercice d’une activité
bancaire suppose non seulement que l’activité soit faite entant que professionnel et à titre
habituelle. Ce critère de l’habitude peut s’identifier dans la fréquence des opérations faites par
les tontiniers, qui est une profession à plein temps de par la collecte presque journalière des
épargnes. Mais l’appréciation du caractère habituel d’une opération de banque relèvera du
juge52. Donc si l’on se réfère à la fréquence de la collecte d’épargne effectuée par le tontinier,
la dénomination de banquier ambulant trouve ici tout son sens. Néanmoins l’inexistence
d’agrément de la part des autorités financières pose le problème de la légalité de ces pratiques.
Étant donné que les tontiniers ne sont pas des intermédiaires financiers agrées par les
autorités compétentes, ces pratiques seront donc assimilées à des pratiques financières
illicites. En effet, la collecte de l’épargne est une opération considérée comme dangereuse qui
devrait être réservée aux seuls professionnels, dotés du statut juridique de banque ou
d’établissement de crédit et étroitement surveillé par la puissance publique53. Dès lors la
question de l’exercice illégale de la profession de banquier se pose ici. À cet effet, l’article
L371-3 du code monétaire et financier prévoient des sanctions pénales54 à l’encontre de tout
particulier ou entreprises s’aventurant à un exercice illégal de la profession de banquier.
Quant à la législation bancaire malagasy, certes, elle réprime cette pratique, mais ne prévoit
aucune sanction pénale ni même une sanction civile. Donc la collecte de l’épargne public par
des particuliers est considérée comme illicite et est sanctionnée pénalement de ce fait. Il en est
ainsi dans un arrêt de la cours de cassation française, où les prévenus ont collecté auprès de
nombreux immigrés installés en France, des fonds, qui devaient être, soient convertis en
"machines outil " livrées en Algérie, soient changés en dinars remis à des résidents de ce pays.
L'importance des sommes saisies et l'aménagement d'une cache dans la roue de secours d'un
véhicule témoignent du caractère habituel des opérations55.
51Michel Lelart, De la finance informelle à la microfinance., AUF et Editions des Archives Contemporaines, 2006, p 8 52 Cass. crim, 22 septembre 2004, pourvoi n°03-83.452 53 Christian Gavalda et Jean Stoufflet, Droit de la banque, THEMIS DROIT-PUF, Paris, 1974, p78 54 Article L371-3, alinéa 1 : « Le fait, pour toute personne, de méconnaître l'une des interdictions prescrites par les articles L.511-5 et L. 511-8 est puni de trois ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende ». 55 Cass. crim., 11 mars 2015, pourvoi n 13-88.250
28
La réception, auprès d'un public identifié, de fonds que les prévenus, après en avoir eu la libre
disposition, devaient rembourser, caractérise l'existence d'opérations de banque (dépôts à
restituer) au sens de l'article L.311-1 du Code monétaire et financier56. Néanmoins, une
nuance doit être faite, car ces sanctions pénales ne concernent que les dépôts à vue ou à moins
de 2 ans. Cela s’explique notamment par le fait que les opérations d’une durée supérieure à 2
ans sont assimilées à des placements, ne justifiant plus le monopole des banques57. Quant aux
opérations de crédit intervenues dans le cadre de ces transactions illicites, la cour de cassation
française a estimé que : « l’infraction d’exercice illégale de la profession de banquier […] ne
portant atteinte qu’à l’intérêt général et à celui de la profession de banquier que la loi a voulu
protéger, n’est pas de nature à entraîner la nullité du contrat de prêt58 ». Donc même si la
pratique est considérée comme illégale, les crédits octroyés par les tontiniers sont considérés
comme valables, car correspondant à un simple contrat de prêt.
B - Les pratiques collectives à caractère associative
1 - La tontine entant que principale pratique collective
Dans sa définition économique, les tontines sont des groupements d'épargnes sur la
base d'une solidarité qui visent paradoxalement à promouvoir l'intérêt individuel des
participants, en permettant à chacun d'eux de percevoir une somme d'argent importante, en
contrepartie d'une cotisation régulière dans le temps, mais souvent modeste quant à son
montant59. D’une manière générale, la tontine peut donc se définir comme étant un
groupement associatif composé de personnes liées par des liens divers (familiaux, d’amitiés,
de profession, de clan…) et qui décident de mettre en commun leurs épargnes en vue de la
constitution d’un fonds unique qui sera mis par tour, à la disposition de chacun des membres.
Historiquement, si on se réfère à la terminologie employée, la notion de tontine est née
vers 1950, au cours duquel le banquier napolitain Lorenzo Tonti a proposé au cardinal
Mazarin d’emprunter de l’argent sans le rembourser, en versant seulement chaque année la
totalité de l’intérêt correspondant aux seuls souscripteurs survivants, jusqu’à ce que le dernier
56Hervé Causse, Panorama de droit bancaire et financier, revues Lexbase, La lettre juridique, n 632, du 11 novembre 2015, p2 57 Christian Gavalda et Jean Stoufflet, Droit de la banque, THEMIS DROIT-PUF, Paris, 1974, p80 58 Civ 1ere, 13 octobre 1982, pourvoi n°81-13.090 59 Eddy BLOY, Les tontines : une analyse financière. In : Épargne et liens sociaux, Études comparées d'informalités financières, sous la direction de Jean-Michel Servet, AUPEL-UREF, Paris, 1995, p105
29
décède60. C'est-à-dire que la part de ceux qui mouraient profitait aux survivants qui se
partageaient le capital constitué. Cette pratique est l’ancêtre même de la clause
d’accroissement ou clause de tontine, qui est une pratique assez fréquente en Droit
successoral français. Sous la forme d’une convention intervenant entre plusieurs personnes
mettant des biens ou des capitaux en commun avec cette particularité que les sommes versées,
leurs produits ou les biens meubles ou immeubles qui auront été achetés à l'aide du capital
ainsi constitué appartiendront au dernier survivant. C'est notamment le moyen trouvé par la
pratique pour permettre au survivant d'un couple vivant maritalement d'acquérir la part de son
conjoint et de conserver leur logement commun61. Ce qui ne correspond pas à la définition de
la tontine pratiquée dans les pays en développement. La transposition du terme « tontine » à la
pratique financière collective propre aux pays en développement résulte de travaux de juristes
français du XIXe siècle qui ont appelé ainsi un contrat pratiqué en Indochine par la
communauté chinoise, prenant la forme d’une association rotative d’épargne ;par laquelle
plusieurs personnes décident d’épargner ensemble et de se prêter cet argent les unes les
autres62. En effet, la pratique dite de tontine existait déjà depuis longtemps dans les pays en
développement. En Afrique par exemple, pendant la période précoloniale, elle prenait la
forme d’une tontine non monétaire et qui visait surtout des prestations en nature. C’est ainsi
que certains auteurs parlent de l’existence avant la colonisation d’une tontine de « travail »63,
qui vise une rentabilisation des récoltes, par l’existence de travaux faits en commun par le
groupe à tour de rôle sur les terrains appartenant à un membre du village ou de la
communauté. Ce qui rappelle la pratique ancienne du « valin-tànana » à Madagascar, visant
des travaux agricoles communs et désintéressés au profit du village tout entier. La tontine
financière actuelle, a été introduite à partir de la colonisation par l’arrivé de la monnaie.
Si on se réfère à présent au mécanisme, la tontine est la pratique par laquelle un certain
nombre de personnes se réunissent régulièrement pour cotiser. Cette cotisation peut se faire à
échéance régulière, par exemple à chaque fin de mois et où chaque membre devra verser sa
part de cotisation, c'est-à-dire une même somme et de même montant pour tous les membres.
La somme collectée sera levée à tour de rôle au profit de l’un des membres, et à la fin de 60Michel Lelart, De la finance informelle à la microfinance., AUF et Editions des Archives Contemporaines, 2006, p 9 61 Définition de la tontine proposé sur le site : https://www.dictionnaire-juridique.com/definition/tontine.php 62 Thierry PAIRAULT, Approches tontinières (première partie) : De la France à la Chine par la Cochinchine et autres lieux, Etudes chinoises, vol. IX, n°1, Printemps 1990, pp. 7-34. 63Henri DESROCHE,Des tontines Nord aux tontines Sud Allers et retours. In :La tontine pratique informelle d'épargne et de crédit dans les pays en voie de développement, Michel Lelart, Éditions John Libbey Eurotexte-AUPEL, Paris, 1990, p2
30
l’année chaque membre aura versé douze fois la somme fixée à titre de cotisation et aura reçu
une fois la somme collectée. Le système ne paraît pas équitable du fait que le premier
bénéficiaire de la somme collectée est le plus avantagé, il a remboursé pendant les onze mois
qui suivent. Les autres le sont de moins en moins, le dernier pas du tout puisqu’il devra
attendre le douzième mois pour récupérer tout ce qu’il a versé64. C’est ce qui donne à cette
pratique l’aspect d’un groupement rotatif d’épargne. La forme des tontines, peut varier avant
tout en fonction du nombre de participants, qui peuvent aller d une dizaine jusqu’à une
centaine. Quant à la somme cotisée, elle peut aller du millier jusqu’au million même dans
certains cas, ce en fonction de la possibilité financière des membres. En ce qui concerne le
mode organisationnel, la levée du capital cotisée peut obéir à un ordre préétabli, ou relever
d'un système adjudicataire. Dans ce dernier cas le capital accumulé à partir des cotisations
fera l’objet d’une enchère au profit des membres et sera attribué au profit du plus offrant.
Cette pratique de l’adjudication est assez fréquente dans certains pays Africains comme en
côte d’ivoire par exemple. A Madagascar, la pratique de l’attribution du capital par tour est le
plus fréquent. Enfin, certaines tontines sont dotées d'activités annexes comme des services de
prêts ou de prestations sociales fonctionnant selon un mécanisme mutualiste65. Tout cela
démontre, que la tontine même informelle, constitue une pratique financière bien élaborée et
bien organisée. Cependant, le fait qu’elle soit encore méconnue du Droit nous conduit à
déterminer la nature juridique de cette pratique.
2 - La nature juridique de la tontine
La tontine étant un groupement rotatif d’épargne, par lequel les membres mettent à
disposition du groupe leurs fonds propres, en vue de la constitution d’un capital. Si l’on s’en
tient à cette définition simple de la tontine, on peut dire que c’est une convention par laquelle
chacun des cotisants accepte de mettre à disposition du groupe leurs deniers propres. Ce qui
fait penser à un contrat de prêt, plus précisément à un contrat de prêt d’argent car les
prestations en question se font ici en monnaie ayant court légal. Le contrat de prêt d’argent
peut se définir, comme étant un contrat par lequel le prêteur remet une somme d’argent, que
l’on appelle aussi le capital, à l’emprunteur qui doit la restituer au terme convenu, l’échéance,
64Michel Lelart, De la finance informelle à la microfinance., AUF et Editions des Archives Contemporaines, 2006, p 9 65 Eddy BLOY, Les tontines : une analyse financière. In : Épargne et liens sociaux, Études comparées d'informalités financières, sous la direction de Jean-Michel Servet, AUPEL-UREF, Paris, 1995, pp108-109
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qui peut se diviser, accompagnée ou non d’intérêts rémunérant ce prêt66. Par référence à cette
définition, on peut dire que la tontine correspond à un contrat de prêt non seulement du fait
que les membres (prêteurs) mettent à la disposition du groupe (emprunteur) une somme
d’argent (la cotisation), qui sera restituée à ceux-ci dans le cadre de l’attribution par tour du
capital constitué par les cotisations successives. Cependant, du fait du caractère assez
particulier de la tontine, mettant en cause plusieurs individus devenant emprunteur et prêteurs
à tour de rôle, la qualification juridique de contrat de prêt ne saurait être retenue. La tontine ne
peut également être rapprochée d’une société car œuvre dans un but désintéressé ni même
d’association car ne disposant pas de personnalité morale, qui est un critère essentiel pour ces
deux qualifications. Cela peut aussi être conforté par le fait que ce genre de groupement n’a
pas de représentant et n'a pas pour but d'entretenir de relations avec les tiers, car restreint aux
seuls membres.
La solution doctrinale a été de qualifier la tontine de contrat « sui generis »67, c'est-à-
dire un contrat qui ne peut être classifié dans une catégorie juridique déjà connue. Du point
de vu de la doctrine les positions divergent. Si l’on se réfère à la jurisprudence vietnamienne
pendant la colonisation, présentant presque les seuls cas de travaux portant sur la tontine ; les
qualifications de la pratique divergent. En effet, une partie de la jurisprudence a qualifié la
tontine de coopérative de crédit (Cour d’Appel d’Hanoï, 1933), tandis que l’autre partie
retient le qualificatif d’opération de crédit mutuel assortie d’une promesse de remboursement
(Tribunal civil d’Hanoï, 1946). Du fait de cette ambiguïté des positions jurisprudentielles sur
la question, la doctrine a estimé qu’il serait nécessaire d’instituer un régime juridique unique à
la tontine, ce qui a conduit au qualificatif de contrat de mandat. En effet, la doctrine considère
que la tontine est constituée d’un faisceau de contrats passés par un mandant, futur participant
à une tontine et un mandataire commun, l’initiateur68. Car dans la plupart des cas, à l’origine
de ces pratiques tontinières, il y a toujours un initiateur en qui les adhérents placent leur
confiance et qui se charge également de présider les réunions ou les cérémonies en vue
desquelles, la cotisation se fera. La tontine de ce fait s’analyse en un contrat de mandat où
chaque participant donne ainsi mandat à l’initiateur de remettre aux adjudicataires successifs
66 Daniel Manguy, Contrats spéciaux, 6è Ed, Dalloz, Paris, 2008, p339 67Frédéric ROCHETEAU et Chen Chong-Wu, Analyse juridique des groupements rotatifs d’épargne et de crédit en Asie : la « houei », Revue internationale de Droit comparé, n°1, 2001, p 96 68 Thierry PAIRAULT, Approches tontinières (première partie) : De la France à la Chine par la Cochinchine et autres lieux, Etudes chinoises, vol. IX, n°1, Printemps 1990, p14
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les fonds qu’il verse, ainsi que de rassembler, puis de livrer, les fonds lui échéant par
adjudication69.
Étant considérée de contrat, la tontine pour être valable doit obéir à certaines conditions
de validités. Sur la forme, la tontine doit faire l’objet d’une cérémonie d’officialisation ( en
Asie) ou d’une réunion de l’association (en Afrique), au cours de laquelle les cotisations
seront collectées et où le pot commun sera attribué à l’un des membres. La plupart des
tontines présentent ensuite un règlement interne qui fixe par exemple le lieu où se tiendra la
réunion, la discipline, le mode d’attribution du pot commun ou encore les modalités de
paiement des cotisations. Enfin, toujours en ce qui concerne la forme, les tontines disposent le
plus souvent d’un organe d’administration composé : d’un président (l’initiateur), un vice-
président, un trésorier et un secrétaire70. En ce qui concerne les conditions de fond, elles
correspondent aux conditions normales de validité d’un contrat. Le consentement des
membres en vue de la participation à cette pratique doit être exempt de vice. En ce qui
concerne l’objet du contrat, il diffère selon la situation des membres, correspond à un prêt
pour les cotisants et à un emprunt pour celui qui bénéficie du capital commun. La cause du
contrat ici est l’obtention d’un prêt à des conditions favorables à la situation de l’emprunteur,
ce qui précise le caractère désintéressé de la tontine au contraire des prêts faites à titre
onéreux par les établissements de crédit.
69 Thierry PAIRAULT, Approches tontinières (première partie) : De la France à la Chine par la Cochinchine et autres lieux, Etudes chinoises, vol. IX, n°1, Printemps 1990, p14 70Antoine Fontaine, Financements Alternatifs : La Tontine, campus international Asie, 2014
33
§2- Les risques liés à ces pratiques
On a pu voir de nos précédents développements que les pratiques financières en
question découlaient des arrangements peu contraignants conclus entre plusieurs individus qui
se connaissent au préalable. Cela démontre que l’existence de ces pratiques financières
informelles, dépend avant tout de la confiance qui unit ses acteurs (A). Néanmoins,
l’existence d’une relation de confiance à la base de ces arrangements financiers, ne garantie
pas les participants de l’insécurité juridique qui peut découler de ces pratiques (B).
A - L’importance de la confiance au niveau des pratiques financières informelles
1 - La condition préalable de l’existence de liens sociaux
La plupart des pratiques financières comme on a pu le voir précédemment, résultent des
accords conclus entre plusieurs personnes, tel le cas de la tontine. Ces individus à l’origine de
ces pratiques financières sont censés se connaître avant leur partenariat financier et de ce fait
ils doivent avoir tissé des liens sociaux préalables. Ces liens sociaux peuvent se concevoir de
différentes façons et peuvent prendre diverses formes. Le premier critère d’existence de ce
lien, peut s’analyser par le fait que la plupart pour ne pas dire l’ensemble des participants
proviennent d’une même localité géographique. C’est le cas notamment des personnes d’un
même village, d’un même clan ou encore d’une même famille qui s’organise pour la mise en
place d’une tontine collective. Donc ici le critère de la provenance ou de l’origine est
déterminant pour l’existence d’une organisation financière propre à quelques individus. Le
second critère est celui du milieu social, car l’existence d’une situation sociale commune aux
membres est un critère déterminant, pour la mise en place de ces modes de financement
informelles. C’est en ce sens que se créent des tontines de quartiers entre des ménagères, qui
vivent au dépend de leurs maris et ne disposant pas de ressources propres. La seule solution
donc pour ces femmes désirant faire des épargnes est de s’unir en vue d’établir un capital
commun qui bénéficiera à tour de rôle à celles-ci. Cette situation est monnaie courante dans
certains pays d’Afrique, même actuellement71. Le dernier critère marquant l’existence de liens
71Michel DROMAIN, Un adage à l'épreuve des faits : la place des femmes dans les tontines au Sénégal, In : Épargne et liens sociaux, Études comparées d'informalités financières, sous la direction de Jean-Michel Servet, AUPEL-UREF, Paris, 1995, pp121-139
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sociaux, entre les membres, peut s’analyser par une difficulté commune à recourir aux
services financiers formels. Ce sont notamment les difficultés rencontrées dans la recherche
de crédit et de moyens formels de mobilisation de l’épargne. Donc la seule solution pour ces
exclus du système financier et bancaire, c’est de créer entre eux des moyens de financements
adaptés à leurs moyens. Si l’on s’en tient à ces critères déterminant pour la mise en place de
ces moyens de financement informels, c’est la solidarité entre leurs acteurs qui fait donc ces
pratiques informelles. En ce sens où ce sont les liens d’affections de familiarités ou encore
l’existence du « fihavanana » comme on le dit à Madagascar, qui incite les gens à adhérer à
ces genres de pratiques informelles. Ce qui fait donc que la réussite de ces pratiques dépend
de la seule bonne foi des participants, sans qu’aucun autre mécanisme de garantie n’intervient.
2 - L’importance particulière des liens de confiance dans les pratiques informelles
Comme on a pu le voir un peu plus haut, dans les pratiques financières informelles en
question, l’existence au préalable de liens d’affectivités ou de familiarités entre les
participants est nécessaire. Car il est clair qu’avant de participer à ces pratiques, les gens
s’assurent avant tout qu’ils sont dans un cadre assez familier et qu’en plus ils sont entourés de
proches. C'est-à-dire un cadre qui encouragerait le futur participant à intégrer le groupe et à
donner sa confiance aux autres membres. Ce qui conduit donc à dire que la confiance joue un
rôle important dans ces pratiques informelles. Donc la base même de ces pratiques est le lien
de confiance qui existe entre les acteurs et qui les unis en vue d’un projet commun. Cette
confiance peut s’analyser par la place qu’occupe chaque individu dans le milieu social où il se
trouve. C’est ainsi que le fait d’avoir une bonne réputation dans le milieu social où l’on se
trouve permet d’avoir la confiance de son entourage. La condition d’honorabilité est un
élément essentiel de confiance et nécessaire pour que de telles pratiques puissent voir le jour.
En effet, dès l’instant où un individu dispose d’une bonne réputation, il peut être sûr de
pouvoir convaincre son entourage à accepter de coopérer avec lui dans une quelconque action
collective qui profitera à tous. C’est en ce sens que certains auteurs parlent de capital social
potentiellement mobilisable72. C'est-à-dire que certaines personnes dans le milieu où elles
disposent d’une très bonne réputation vis-à-vis de leur entourage. Ce qui leur permet de
mobiliser facilement leur entourage et ce qui leur permet d’inciter les personnes qui les
72 Abdoulaye Kane, Tontines, caisses de solidarités et banquiers ambulant- Univers des pratiques financières informelles en Afrique, L’Harmattan, Paris, 2010, p177
35
entourent d’adhérer à des pratiques financières informelles. C’est ainsi que dans les pratiques
individuelles, c’est souvent l’honorabilité du tontinier ou du banquier ambulant qui incite les
gens à leur confier leurs épargnes. Il en est de même dans les pratiques collectives, c’est la
bonne réputation de l’initiateur qui incite les futurs membres à adhérer à une tontine. Tout
cela prouve donc que c’est avant tout la confiance qui est la base de ces pratiques financières
informelles et qui incite les gens à y adhérer.
B - L’insécurité liée à ces pratiques
1 -La bonne foi des participants entant que seul gage de succès de ces pratiques
Le fait pour certains individus de mettre en jeu leurs avoirs ou leurs fonds propres dans
ces pratiques, relève d’une confiance aveugle en celles-ci, comme nous l’avons déjà pu le
voir. Cependant, on ne peut dire de même des personnes qui reçoivent de l’autre côté ces
fonds consentis et qui peuvent en profiter au détriment des propriétaires. Ce qui peut donc
déstabiliser le groupe, mettant ainsi fin au lien de confiance qui unit chaque membre et qui est
à la base de ces pratiques financières. Donc, le succès et la bonne marche de ces pratiques
financières dépendent avant tout du comportement de chaque participant. C'est-à-dire que ces
pratiques dépendent de la volonté de chaque membre de se conformer à la discipline
collective établie tacitement ou expressément au sein du groupe. Ce qui implique donc la
bonne foi de chacun de ceux-ci. Juridiquement, la bonne foi est en premier lieu la loyauté
dans la conclusion et l’exécution des actes juridiques. Mais la bonne foi peut être également la
croyance erronée et non fautive en l’existence ou l’inexistence d’un fait, d’un droit ou d’une
règle juridique. La bonne foi est toujours présumée73. Si l’on s’en tient à la première
définition de la bonne foi comme étant un devoir de loyauté dans l’exécution des actes
juridiques, chaque individu est donc tenu d’un devoir de loyauté vis-à-vis de son partenaire.
Donc l’existence de la pratique financière dépend avant tout de la bonne foi de leurs acteurs.
Cela se conçoit avant tout dans les pratiques comme la tontine, où chaque membre est tenu de
s’acquitter des cotisations au moment et à la somme convenue d’un commun accord par tous
les membres. Mais étant donné que ces pratiques sont informelles et qu’elles ne sont pas de ce
73 Lexique des termes juridiques, 17è Ed, Dalloz, 2010
36
fait encadrées par la loi, cette condition de bonne foi n’est pas toujours respectée. Ce qui peut
préjudicier les personnes qui agissent de bonne foi dans le cadre de ces pratiques.
2 - L’existence d’un risque accru d’abus de confiance
Étant donné que les pratiques financières énoncées précédemment au cours de nos
développements ne sont pas encadrées par la loi, les particuliers qui y participent sont
confrontés à des situations qui peuvent mettre en jeu leur sécurité juridique. En effet, il y a un
risque accru que les fonds consentis par ceux-ci dans le cadre de ces opérations financières
informelles soient perdus. Le fait, pour certains de faire trop confiance à ces mécanismes
financiers non réglementés risque de les préjudicier, en ce sens où leur naïveté ou leur
crédulité permettrait à certains de s’enrichir indument sur leur dos. C’est le cas notamment
dans les pratiques financières individuelles, où le fait pour certaines personnes de faire
confiance à des tontiniers ou des banquiers ambulants afin de confier leurs épargnes risquerait
de les préjudicier. Cela dans le sens où ceux-ci peuvent détourner facilement les fonds
consentis et les utiliser indument au détriment de leurs propriétaires. Il en est de même dans
les pratiques informelles collectives, où le fait pour un membre d’une tontine de ne plus payer
ses cotisations après avoir bénéficier du pot commun ou du capital commun. En effet, les
cotisations versées à période fixe visent à rembourser le capital qui a été communément établi
par les efforts financiers communs à chaque membre. Pour remédier à cela certaines
organisations tontinières peuvent avoir recours à des sanctions pour éviter les défaillances de
certains membres. Cela peut consister en un paiement d’une amende par les membres
défaillants74. Néanmoins,ces sanctions ne paraissent pas efficaces du fait de l’informalité de la
pratique ce qui permettrait à la personne défaillante de se soustraire à ses obligations. La seule
solution pour les personnes préjudiciées par ce fait serait d’invoquer l’abus de confiance, et
d’intenter une action au niveau pénal. Les conditions préalables d’un abus de confiance
semblent dans ce cas être réunis. Il y a eu notamment remise volontaire d’une chose75, qui est
une somme d’argent dans le cadre de ces pratiques. Ensuite la chose doit être remise à titre
précaire et non pour devenir propriétaire, c’est le cas où le tontinier doit rendre au propriétaire
les fonds consentis quand il les demande ou encore le fait pour le membre d’une tontine de
payer ses cotisations pour rembourser les sommes consenties par chaque membre pour
constituer le capital cumulé qu’il a pu bénéficier.
74 Abdoulaye Kane, Tontines, caisses de solidarités et banquiers ambulant- Univers des pratiques financières informelles en Afrique, L’Harmattan, Paris, 2010, p152 75 Honoré RAKOTOMANANA, Traité de Droit pénal spécial, jurid’ika, Antananarivo, juin 2011, pp296-304
37
CHAPITRE II : DE L’INFORMEL VERS LA REGLEMENTATION : LA MICROFINANCE
Nous avons pu voir dans le précédent chapitre que les exclus du système financier et
bancaire classique pouvaient se mobiliser en vue de constituer un système qui leur est propre
et convenant à leur situation économique et sociale. Les analyses qu’on a pu faire dans le
cadre de ce travail, que cela soit au niveau des pratiques dites individuelles ou collectives,
démontrent que ces pratiques financières informelles sont très bien élaborées la plupart du
temps. Ce qui expliquerait leur succès auprès de la classe moyenne et inférieur de la
population, jusqu’à aujourd’hui. Néanmoins, ces pratiques présentent certains inconvénients
du fait qu’elles prospèrent dans le secteur informel. Ce qui compromet la sécurité de leurs
usagers et les expose à des risques financiers divers. C’est pour pallier à ces failles de la
finance informelle que la microfinance intervient cette fois dans un cadre plus formel. En
effet, les institutions de microfinance ou IMF ont été conçues pour répondre aux besoins
financiers des laissés-pour-compte du système bancaire classique, et surtout dans un objectif
de réduction de la pauvreté. Ce qui expliquerait d’une part l’hypothèse de l’existence d’un
Droit de la microfinance indépendant du Droit bancaire classique (section I). Mais d’autre
part, quelques inconvénients peuvent encore être perçus au niveau de la relation juridique
entre ces institutions de microfinance et leurs clients (section II).
Section I : l’existence d’un Droit de la microfinance indépendant du Droit bancaire classique
Le particularisme de l’activité de microfinance peut s’analyser d’une part au niveau de
son mode organisationnel (§1), la distinguant des établissements de crédits et les banques
traditionnelles. D’autre part, ce particularisme se perçoit également au niveau du régime de
contrôle applicable aux IMF (§2).
38
§1- Le particularisme de la microfinance au niveau organisationnel
Ce paragraphe implique de voir en premier lieu l’activité de microfinance sous un
angle plus général (A) avant de voir en second lieu, un cadre plus spécifique axé sur la
situation particulière de Madagascar en la matière (B).
A- Une vision générale de l’activité de microfinance
1-Les principales missions des institutions de microfinance
Les opérations de microfinance ont avant tout une vocation sociale à la différence des
opérations de banque classique, qui ont un objectif plus commercial. En effet, la microfinance
a été conçue entant qu’outil de lutte contre la pauvreté, cela en ce sens où elle vise surtout la
masse populaire. C'est-à-dire, cette branche de la population qui n’a pas accès aux services
bancaires et financiers classiques. Historiquement, plusieurs formes de mouvements de
bancarisation populaire ont déjà pu voir le jour auparavant. Notamment vers 1462, où le
premier mont-de-piété a été crée en Italie, qui avait pour objectif de combattre l’usure, au
moyen de prêts sur gages consentis sans intérêt76. Ce phénomène s’est ensuite propagé un peu
partout dans le monde par la création des premières sociétés de coopérative d’épargne et de
crédit,en Allemagne vers 1860, en France en 1865, puis au Québec en 1900. Ces institutions
visaient surtout les populations ouvrières pauvres et exclues du système bancaire classique.
Les premières institutions de microfinance ont pu voir le jour dans les années 1970 avec
notamment la création de la Grameen Bank au Bangladesh. Après une terrible famine, un
professeur d’université, Mohamed Yunus, a eu l’idée d’accorder de petits crédits à quelques
groupes de femmes pauvres pour les aider à développer une activité qui leur procure un
modeste revenu. Accordés pour un an, au taux de 20%, certaines commencent à rembourser
dès la deuxième semaine77, démontrant l’efficacité de la pratique.
Les IMF se sont données comme principale mission de réduire la pauvreté en essayant
d’atteindre financièrement les plus pauvres et ceux qui ne bénéficient pas de crédits
nécessaires à leur développement. C’est dans cette optique que les IMF se sont faites plus
connaître par l’octroi de micro-crédits. Ce sont des prêts octroyés à des conditions peu 76Laurent LHÉRIAU,Précis de réglementation de la microfinance, AFD, 2009, p35 77Michel Lelart, De la finance informelle à la microfinance., AUF et Editions des Archives Contemporaines, 2006, p 24
39
contraignantes et à moindre coût par rapport aux prêts accordés par les établissements de
crédit. L’échéance de ces prêts ne dépassait pas généralement la période de 12 mois78. Ces
prêts donc visent plus la couche populaire et la population rurale, c'est-à-dire les gens qui
présentent une marge de solvabilité moindre. En effet, du point de vue du risque de crédit, un
microcrédit est un prêt de montant peu élevé concédé sans présentation de documentation et
sans registre formel faisant état des recettes et de la capacité de paiement du client, et en
l’absence de garanties réelles79. Donc pour déterminer la capacité de paiement des
emprunteurs, les IMF n’ont recours qu’à des informations approximatives sur la situation
patrimoniale du client. Ce qui constitue une opération à risque, car le crédit en question est
octroyé sans aucune prise en compte de la capacité de remboursement du bénéficiaire. Cela
implique donc une réglementation stricte de l’activité de microfinance.
2 - Le cadre réglementaire applicable aux activités de microfinance
Le cadre réglementaire régissant l’activité de microfinance diffère selon les pays, et
selon l’approche législative de ceux-ci sur la question. Cela, en fonction de l’opinion des Etats
sur l’activité, qui l’assimilent à une activité de banque classique ou par contre la considère
comme une activité de banque alternative. Ce qui démontre une hétérogénéité de la position
des Etats et sur le comportement à prendre pour réglementer l’activité.
Cette hétérogénéité réglementaire, se perçoit avant au niveau du cadre législatif
régissant l’activité. Si l’on se réfère donc à la législation propre à chaque pays, la
réglementation de l’activité de microfinance peut prendre trois formes80. La première forme,
consiste en une articulation entre l’activité de microfinance et les activités de banque. C'est-à-
dire adapter à l’activité, les normes légales et réglementaires applicables aux établissements
de banque classique. Ce qui permettra à ces derniers d’étendre leurs activités au secteur de la
microfinance sans subir aucune contrainte réglementaire visant à distinguer ces deux formes
d’activités financières. C’est le cas notamment de la BancoSol (Banco Solidario SA) en
Bolivie ou encore de la Grameen Bank au Bangladesh. La seconde forme de réglementation
78 Usaid Madagascar et Chemonics International, Analyse du cadre juridique et réglementaire pour la microfinance, Washington DC, Avril 2003, p37 79 Usaid Madagascar et Chemonics International, Analyse du cadre juridique et réglementaire pour la microfinance, Washington DC, Avril 2003, pp37-38 80Laurent LHÉRIAU,Précis de réglementation de la microfinance, AFD, 2009, pp56-59
40
consiste en une distinction claire entre les activités de banque classique et les activités de
microfinance. Cela est matérialisé par la création d’une réglementation propre aux IMF. C’est
le cas notamment de Madagascar, avec l’adoption en 2005 d’une loi réglementant les activités
de microfinance81 en parallèle à la loi bancaire82. Ce qui permet donc de donner aux IMF le
statut d’institutions financières et d’établissements de crédit alternatifs, distinct des
établissements de banque classique. Enfin, une troisième approche réglementaire consisterait
à reconnaître aux IMF le contrôle de l’activité. C'est-à-dire le fait de substituer le contrôle
Étatique à une forme d’autorégulation par les professionnels de l’activité. Cela se fait
notamment pour les micro-IMF exerçant des activités de moindre envergure, et ne nécessitant
pas d’autorisation préalable du fait de leur trop petite taille.
L’hétérogénéité de l’approche réglementaire se perçoit ensuite au niveau du statut
juridique applicable aux IMF. Car étant donné que les IMF sont des entités jouant un rôle
économique en exerçant une activité commerciale, pour pouvoir jouir d’une existence
juridique celles-ci doivent se doter de la personnalité morale. C’est ainsi qu’elles doivent
s’enregistrer auprès des autorités compétentes et choisir une forme sociale, pour pouvoir
exercer une activité de microfinance. La forme sociale d’une IMF diffère selon le secteur
d’activité choisie, et selon l’envergure de l’opération pratiquée. Les institutions de
microfinance peuvent se structurersous quatre principaux types de statut possible : le projet,
l’association, la société privée, la mutuelle ou coopérative83. L’IMF sous forme de projet, ne
dispose pas encore de statut juridique à proprement dit, car c’est une phase préalable à
l’adoption d’un statut. Néanmoins l’IMF peut exercer sous cette forme pendant un certain
délai, qui peut même aller jusqu’à quelques années. Comme le cas de l’ACEP84 Cameroun qui
exerçait sous la forme de projet rattaché à l’Etat de 1999 à 2005. Quant à l’association, c’est
l’un des premiers statuts que les IMF peuvent choisir. C’est le statut choisi par les IMF
exerçant, certes, une activité commerciale mais dans un objectif social et qui sont financées
par des dons. Les IMF qui adoptent le statut de société à privé par contre, sont celles qui sont
formées par des actionnaires qui investissent des fonds, dont la somme constitue le capital
social de la société, dans le but de fournir des biens ou des services et de dégager des
bénéfices. Celles-ci prennent le plus souvent la forme sociale de société anonyme (SA). La
81 Loi n°2005-016 relatives à l'activité et au contrôle des institutions de microfinance 82 Loi n° 95-030 du 22 février 1996 relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit 83 Sébastien Boyé, Jérémy Hajdenberg et Christine Poursat,Le guide de la microfinance-Microcrédit et épargne pour le développement, Eyrolles, Éditions d’organisations, Paris, 2006, p165 84ACEP : Alliance de Crédit et d'Epargne pour la Production
41
dernière forme de statut est celle de mutuelle ou coopérative, qui est faite pour les IMF sans
but lucratif et qui vise une entraide mutuelle entre ses membres. Ceux-ci détiennent une
fraction de son capital social. Le particularisme de ces IMF est qu’elles ont pour principal
objectif de collecter l’épargne de ses membres et de leur consentir des crédits.
B - Le cas spécifique de Madagascar
1 - La situation de la microfinance à Madagascar
Le fait pour le système bancaire actuel de ne pas avoir pu atteindre le milieu rural et
les régions enclavés a permis le développement des activités de microfinance à Madagascar.
Ce qui a permis aux IMF de s’attribuer un rôle important dans le processus d’inclusion
financière. En effet, le cadre financier malagasy peut être perçu de deux manières. Il est
composé d’une part par les établissements financiers exerçant en milieu urbain, représentés
par les banques et les établissements de crédit traditionnels ; d’autre part par les
établissements financiers exerçant en milieu rural, principalement représentés par les IMF.
Historiquement, avant 1990 la microfinance était encore une pratique méconnue et ne
faisait pas encore partie du paysage financier malagasy de l’époque. C’était la BTM85 à
l’époque qui intervenait dans le secteur de la microfinance, mais dont les activités étaient
limitées à l'octroi de crédit au paysannat et n'atteignaient qu'une frange limitée de la
population rurale86. C’est seulement dans les années 1990 que les premières IMF sont
apparues à Madagascar et que l’activité de microfinance a commencé à y prendre pied. Cette
émergence des IMF a pu se faire par l’entremise de trois principaux acteurs. Notamment, par
l’Etat, par l’adoption d’une politique en faveur de la promotion d’un secteur financier au
service du développement agricole, par les bailleurs de fonds comme la banque mondiale ou
encore l’AFD par leurs programmes axés sur les octrois de crédit et enfin par les Agences
d'Implantation et de Développement ou opérateurs techniques, qui ont assuré l'encadrement
technique des IMF.
85 BTM : Banky ny Tantsa Mpamokatra, institution financière n’existant plus actuellement 86 Usaid Madagascar et Chemonics International, Analyse du cadre juridique et réglementaire pour la microfinance, Washington DC, Avril 2003, p18
42
Actuellement, l’activité de microfinance constitue une partie à part entière des
activités financières exercées à Madagascar et le pays compte actuellement plusieurs sortes
d’IMF. D’un point de vu général et sans référer à la loi, on peut les classifier en trois
groupes87. Il y a d’une part, les institutions à base de membres et/ou autogérées,
majoritairement mutualistes, qui pratiquent la collecte de l’épargne et l’octroi de crédit à leurs
membres. D’autre part, il y a les institutions à base de clients qui sont des organisations ayant
comme activité principale la distribution de crédit et qui ne lient pas l’emprunt à la
constitution d’une épargne préalable. Enfin, il y a les projets à volet crédit et les ONG ou
associations qui ne font pas du crédit leur activité principale, le crédit étant souvent considéré
comme une composante parmi d’autres des projets mis en œuvre.
2 - La situation au niveau de la réglementation de l’activité
La réglementation de l’activité de microfinance a été effective à partir de 2005 à
Madagascar, par l’adoption de la loi n°2005-016 relative à l'activité et au contrôle des
institutions de microfinance. Par cette loi on a pu déterminer le contour juridique de l’activité
et déterminer le cadre légal applicable à ses acteurs. Cela notamment en déterminant le cadre
des activités auxquelles peuvent s’adonner les IMF et classifiant ces dernières en fonction du
statut juridique et la forme sociale qu’ils ont choisi.
En effet, une distinction juridique est faite entre deux grandes formes d’IMF exerçant
à Madagascar, et c’est en fonction de cela que la loi de 2005 les classifie. Cette distinction
s’opère selon qu’il s’agit d’Institutions Financières Mutualistes (IFM) ou d’Institutions
Financières Non Mutualistes (IFNM). Sans rappeler la définition d’institution mutualiste
qu’on a déjà pu voir au cours de nos développements, ces IFM se fondent sur l’entraide
mutuelle entre les membres88, et donc leur champ d’action se limite à celle-ci au contraire des
IFNM. À ces deux formes d’IMF, s’ajoutent deux sortes d’organismes professionnels. Les
IFM sont regroupées au sein de l'Association Professionnelle des Institutions Financières
Mutualistes (APIFM). Tandis que les IFNM, sont regroupées au sein l'Association des
Institutions de Micro Finance Non Mutualises (AIM). Ces associations ont comme principale
87 Flore Gubert et François Roubaud ,Analyser l’impact d’un projet de microfinance : l’exemple d’ADéFI à Madagascar, AFD, 2005, pp39-40 88 Sébastien Boyé, Jérémy Hajdenberg et Christine Poursat,Le guide de la microfinance-Microcrédit et épargne pour le développement, Eyrolles, Éditions d’organisations, Paris, 2006, p171
43
vocation la représentation de la profession auprès des autorités compétentes, du secteur privé
et des partenaires au développement et l’appui aux membres par des apports en information et
en techniques89.
De cette distinction au niveau de la forme sociale, la loi sur la microfinance classifie
les IFM en trois catégories. Cette classification est faite en fonction des opérations qui leur
sont autorisées, la structure de fonctionnement et de contrôle, l’importance des risques liés
aux activités de microfinance, les règles de gestion et/ou les normes de prudence exigées90.
Les IMF 1 peuvent être à caractère mutualiste ou non mutualiste, elles peuvent octroyer des
microcrédits à court et moyen terme dans la limite du plafond fixé par instruction de l’autorité
de supervision des établissements de crédit. Elles ne peuvent pas recevoir des dépôts du
public (article 14). Tandis que les IMF 2 et IMF 3 qui sont également à caractère mutualiste
ou non mutualiste (Articles 15 et 16), peuvent recevoir des dépôts du public, mais ce en
fonction de leur statut juridique. En effet, si celles-ci sont des IMF non mutualistes elles
peuvent recevoir des fonds du public. Il en est ainsi par exemple des IMF constituées sous la
forme d’une société anonyme (SA). Donc, les principales distinctions entre IMF 1, IMF 2 et
IMF 3 se font en fonction de leur taille et selon leurs facultés à collecter ou non les dépôts du
public. Et c’est selon cette catégorisation aussi que les normes prudentielles applicables aux
IMF sont fixées.
89 Flore Gubert et François Roubaud ,Analyser l’impact d’un projet de microfinance : l’exemple d’ADéFI à Madagascar, AFD, 2005, pp26-31 90 Article 13 de la loi n°2005-016 relatives à l'activité et au contrôle des institutions de microfinance
44
§2- Le particularisme de la microfinance au niveau du régime de contrôle
Ce second paragraphe implique de voir dans un premier temps, le régime de contrôle
applicable aux IMF en vue d’éviter les risques de faillites (A). Dans un second temps, il serait
nécessaire de voir le régime des taux d’intérêts applicables par les IMF en termes de crédit
(B).
A -Les risques de faillite
1 - Les contrôles préalables à l’exercice d’une activité de microfinance : l’agrément
Pour pouvoir exercer leurs activités, les IMF doivent obtenir au préalable une
autorisation des autorités compétentes. Cette autorisation implique avant tout l’existence
d’une autorité de supervision du secteur d’activité. Il en est ainsi à Madagascar, où les IMF
sont soumises à une autorisation préalable de la Commission de Supervision Bancaire et
Financière (CSBF), rattachées à la banque centrale.
La forme de l’autorisation diffère selon la catégorie de l’IMF, qui va en bénéficier et
va déterminer les services financiers autorisés correspondant à leur niveau. Pour les IMF de la
catégorie 1, l’autorisation prend la forme d’une « licence ». Tandis que l’autorisation délivrée
aux IMF de la catégorie 2 et 3 prend la forme d’un agrément. L’agrément peut être donné à
titre individuel ou à titre collectif. L’autorisation collective d’exercer est accordée à un réseau
d’institutions de microfinance mutualistes disposant de structures de regroupement, telles que
les unions ou/et les fédérations d’unions et d’institutions affiliées dotées de la personnalité
juridique91. L’obtention de l’agrément est soumise à des conditions préalables, qui sont entre
autres :
le dépôt d’un dossier de demande d’agrément en deux exemplaires auprès du
Secrétariat Général de la CSBF, accompagné de certains documents92 ;
la présence effective de deux dirigeants sociaux à Madagascar pour assurer
l’orientation des activités ;
mise en place des systèmes de contrôle interne et externe
91 Article 26, alinéa 1 de la loi n°2005-016 92 Notamment les pièces requises dans :
L’instruction n°002/2007-CSBF, pour les IMF 1 L’instruction n°003/2007-CSBF, pour les IMF 2 et 3
45
l’instauration d’un dispositif anti-blanchiment et contre le financement du terrorisme
L’octroi de l’agrément est surtout conditionné par la réunion d’un capital minimum requis
selon le niveau de classification93. En effet, ce capital peut varier avant tout en fonction de la
catégorie de l’IMF et ensuite en fonction du fait que l’agrément est demandé à titre individuel
ou à titre collectif. Ce capital minimum n’est pas requis pour les IMF 1, du fait notamment
que celles-ci ne reçoivent pas de fonds du public. Néanmoins, les IMF non mutualistes
doivent respecter les conditions relatives aux capital social requis en Droit des sociétés pour
les SA ou SARL.
2 - Les procédures de contrôle visant à restreindre les risques de faillite
L’activité de microfinance est une activité à risque, du fait notamment que la plupart
des IMF collectent l’épargne publique et reçoivent surtout l’épargne populaire et que la
défaillance de celles-ci peuvent intenter à l’ordre public. En effet, lorsqu’une institution qui
accepte des dépôts devient insolvable ou manque de liquidités suffisantes, elle n’est pas en
mesure de rembourser ses déposants et, si elle est de grande taille, sa faillite peut
suffisamment diminuer la confiance du public pour que la panique bancaire s’empare du
système financier ou que celle-ci subisse d’autres dégâts massifs94. Ce qui implique pour les
autorités publiques de prendre des mesures en vue de la préservation des intérêts en jeu dans
le cadre des activités de microfinance, surtout les intérêts de leurs clients. En effet, il est
assez fréquent que des institutions de microfinance soient en difficulté, mettant ainsi en
danger les intérêts de leurs clients. Pour le cas de Madagascar, on a pu recenser cinq95 cas
d’IMF en difficulté durant ces dernières années, résultant le plus souvent d’une faute
inhérente à leur gestion. D’où la nécessité de la mise en place de normes ou de
réglementations prudentielles.
Les normes prudentielles, sont des minima imposés par l’Etat aux IMF et que celles-ci
doivent respecter sous peine de sanctions. Ces normes prudentielles concernent surtout la
situation financière des IMF. Elles portent surtout sur la solvabilité et la limitation des risques 93 Fixé par le décret n°2007- 013 portant fixation du capital minimum des établissements de crédit et de la valeur nominale des titres de participation 94Principes Directeurs en matière de réglementation et de supervision de la microfinance, Directives concertées, CGAP, Octobre 2012 95 Source : CSBF
46
encourus par les IMF. Pour Madagascar, on a imposé comme normes prudentielles aux IMF
de niveaux 2 et 3, le respect d’un ratio de solvabilité et un ratio de division des risques96. Le
ratio de solvabilité peut se définir comme étant le rapport entre les fonds propres disponibles
et les risques que l’institution encourt du fait de ses opérations. Ce ratio de solvabilité est fixé
à un minimum de 15 % pour les IMF 2 et un minimum de 12 % pour les IMF 3. Le ratio de
division des risques est par contre le rapport entre le montant des risques qu’une institution
encourt du fait de ses opérations avec un même bénéficiaire et le montant de ses fonds propres
disponibles.
Le respect de ces normes prudentielles, implique pour l’autorité de supervision de faire
une suivie de la santé financière de l’IMF. Ces contrôles peuvent se faire sur pièce ou sur
place et peuvent prendre la forme d’un contrôle interne ou de contrôle externe. Le système de
contrôle interne est un système d’autocontrôle mis en place au sein de l’IMF, par l’existence
d’un système d’audit interne et par la nomination de commissaires aux comptes. Pour les IMF
mutualistes, elles doivent être en outre dotées d’un organe de contrôle. Après accord exprès
de la CSBF, l’organe de contrôle peut assurer les fonctions de commissaires aux comptes97.
Pour le contrôle externe, il est exercée par l’autorité de supervision. En effet, les institutions
de microfinance doivent communiquer à la CSBF les informations nécessaires sur leur
situation financière, comme leur comptabilité ou leurs états financiers98. Ce sont donc les
contrôles inhérents à la gestion interne de l’IMF. En effet, chaque IMF doit faire une
déclaration périodique de leur situation financière. Pour les IMF 1 c’est une déclaration
annuelle, pour les IMF 2 la déclaration est semestrielle et pour les IMF 3 elle est trimestrielle.
De ces informations communiquées, la CSBF peut donner des recommandations sur la gestion
interne ou financière de l’institution. Si après cela, il n’y a aucun changement perçu, l’autorité
de supervision peut prendre des sanctions à l’encontre de l’IMF, en allant des pénalités
jusqu’au retrait même de l’agrément.
96 Instruction n°002/08-CSBF relative aux normes prudentielles des institutions de microfinance de niveaux 2 et 3 97 Article 7 de l’Instruction N° 007/2007-CSBF du 7 décembre 2007 fixant les structures de fonctionnement et de contrôle des institutions de microfinance 98 Prévus par l’instruction n°001/08-CSBF, relative à la transparence financière des institutions de microfinance
47
B - Les taux d’intérêts
1 - L’existence de pratiques usuraires
Les intérêts peuvent être définis comme étant la somme d’argent représentant le prix de
l’usage d’un capital99. La perception d’intérêts est une pratique normale et courante dans le
cadre des contrats de prêt d’argent conclu surtout entre un particulier et un établissement
financier, car il est assez normal que le prêteur reçoit une contrepartie financière durant la
période où le capital prêté est immobilisé en faveur de l’emprunteur. Néanmoins, ces intérêts
doivent être limités et appliqués de manière raisonnable pour éviter l’endettement des
particuliers sans raison et un enrichissement sans cause des établissements de crédit.
Cela implique que la fixation du taux d’intérêt applicable surtout en termes de crédit est
laissée aux soins de l’Etat. C’est ainsi par exemple, que l’Etat malagasy a prévu l’ordonnance
n° 62-016100, qui fixe le taux d’intérêt légal ( 5% en matière civile et 6% en matière
commerciale ) et fixe le taux maximum d’intérêt conventionnel applicable et qui ne peut
dépasser les 12% l’an en matière civile. C’est en ce sens également que la banque centrale de
Madagascar fixe un taux annuel s’appliquant aux établissements financiers dans le cadre de
leurs opérations de crédit. Ce taux devrait donc être applicable à n’importe quel établissement
financier agréé, même aux IMF. Le taux maximum autorisé est appelé communément le «
taux d’usure »101. L’usure peut être définie comme étant l’intérêt excessif rattaché à une
somme faisant l’objet d’un prêt ou d’un contrat similaire102. Donc les crédits octroyés à un
taux supérieur au taux directeur de la banque centrale, sont considérés d’usuraire, justifiant
l’application de sanctions à l’encontre de l’établissement financier qui en est à l’origine. Ce
qui peut constituer un délit, passible de sanctions pénales103. C’est le cas actuellement de la
plupart des IMF qui octroient des prêts à des taux très excessifs, pouvant provoquer
l’endettement des personnes qui en bénéficie.
99 Lexique des termes juridiques, 17è Éd, Dalloz, Paris, 2010, p398 100Ordonnance n° 62-016 du 10 août 1962portant fixation du taux de l'intérêt légal et du taux maximum de l'intérêt conventionnel,réglementation des prêts et répression de l'usure 101 Sébastien Boyé, Jérémy Hajdenberg et Christine Poursat,Le guide de la microfinance-Microcrédit et épargne pour le développement, Eyrolles, Éditions d’organisations, Paris, 2006, p171 102 Lexique des termes juridiques, 17è Éd, Dalloz, Paris, 2010, p731 103 Le code de la consommation Français, sanctionne en son article L 313-5 l’usure d’un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 300 000 euros
48
2 - Les justifications de l’application de taux d’intérêt excessif par les IMF
L’application de taux d’intérêt excessif aux crédits octroyés aux particuliers, est assez
contradictoire avec leur principale vocation, qui est la réduction de la pauvreté. En effet, la
majorité des clients des IMF proviennent de la couche populaire et surtout du milieu rural.
C'est-à-dire des personnes qui ne disposent de revenus fixes et réguliers, ce qui suppose que
celles-ci ne disposent pas d’une capacité financière leur permettant de rembourser leurs prêts
consentis à un taux très élevé. Limitant ainsi l’accès des plus pauvres à des services
financiers, car au lieu d’être une source de financement, ces crédits au contraire pourraient
conduire à leurs endettements.
Ce comportement des IMF, peut s’expliquer d’abord par le fait que l’octroi d’un crédit
à courts termes implique plus de dépenses par rapport aux crédits octroyés à longs termes par
les établissements de crédit classique. Cela notamment du fait que le coût d’administration
des micro-prêts est plus élevé que pour les prêts normaux, car les petits emprunteurs ne
disposent pas de la documentation ni des états financiers nécessaires pour la détermination de
leur capacité de paiement. Les IMF sont donc obligées de faire déplacer leurs employés
attachés au crédit afin que ceux-ci réunissent les informations nécessaires en utilisant leurs
propres technologies de crédit ; ce qui constitue de ce fait des coûts supplémentaires que ne
connaissent pas les banques traditionnelles.104. Ce qui pourrait dissuader l’institution
d’investir dans certaines localités enclavées si le crédit est consenti au taux normal pratiqué
par les banques. Donc la fixation d’un taux d’intérêt élevé dans le cadre des opérations de
crédit est ici avant tout commandée par un souci de rentabilité. La pratique de taux presque ou
pratiquement usuraire, peut se justifier d’autre part par un souci de survie de l’IMF.
Notamment du fait que ces intérêts peuvent être constitutifs de fonds propres pour l’institution
de microfinance, qui lui permettrait ainsi de faire face aux coûts d’exploitations normales de
l’activité et à faire face aux éventuels risques. En effet,les IMF se doivent d’utiliser des taux
d’intérêts leur permettant de couvrir leurs coûts administratifs, le coût du capital (y compris le
coût de l’inflation), les pertes sur créances et une augmentation de leurs fonds propres. Les
IMF qui ne respectent pas cette règle ne peuvent fonctionner que pendant un certain temps, ne
servent qu’une clientèle restreinte et privilégient la plupart du temps les objectifs fixés par un
104 Usaid Madagascar et Chemonics International, Analyse du cadre juridique et réglementaire pour la microfinance, Washington DC, Avril 2003, p42
49
bailleur de fonds ou par un gouvernement, plutôt que les besoins de leurs clients. Seules les
IMF viables sont en mesure de fournir un accès permanent aux services financiers aux
centaines de millions de personnes qui en ont besoin105.
105Explication raisonnée des taux d’intérêt utilisés pour le micro-crédit, Note sur la Microfinance, CGAP, 2004
50
Section II : le cadre juridique régissant la relation institution de microfinance-clients
Les opérations effectuées par les institutions de microfinance peuvent être diverses,
comme la réception de l’épargne du public ou encore le transfert d’argent. Néanmoins l’octroi
de micro-crédit est la principale activité qui fait le particularisme des IMF et qui les
différencie des autres établissements financiers. Comme dans le cadre des contrats de crédit
conclu au sein d’un établissement de crédit classique, les contrats de micro-crédits mêmes de
faible montants impliquent pour les IMF de prendre des garanties de solvabilité vis-à-vis de
l’emprunteur. Ce qui nous conduira à voir dans un premier lieu l’état des garanties prises dans
le cadre des opérations de micro-crédit (§1). Cependant, la prise de garanties dans le cadre de
ces opérations de micro-crédit ne met pas les IMF à l’abri de l’insolvabilité de ses clients.
C’est pourquoi dans un second lieu, nous réserverons une partie pour les voies d’exécutions
(§2).
§1- L’état des garanties prises dans le cadre des opérations de micro-crédit
Établir l’état des garanties prises par les IMF implique d’une part de voir les formes de
sûretés fréquemment prises dans le cadre des opérations de micro-crédit (A) et d’autre part de
voir les limites à ces sûretés prises par les établissements de microfinance (B).
A - Les formes de sûretés fréquemment utilisées en termes de micro-crédit
1 - Les sûretés applicables aux crédits individuels
Le particularisme des établissements de microfinance comme on a déjà pu le voir
antérieurement, se perçoit dans le fait que leurs clients sont la plupart du temps des personnes
à faible revenus et ne présentant pas de garanties financières réelles. Ce qui implique donc
que même si le crédit octroyé est d’un faible montant, les IMF pour garantir leurs créances
doivent recourir à des sûretés conventionnelles ou à celles, prévues par le Droit commun.
D’un point de vue général, les sûretés peuvent être définies comme tout mécanisme
juridique permettant à un créancier de recouvrer sa créance. Ce qui permet d’affirmer qu’à
chaque créance il peut être assorti des sûretés constituant ses accessoires. Ce qui englobe le
51
contrat de prêt d’argent, dans le sens où le crédit est nécessairement assorti d’une sûreté si ce
n’est seulement de l’importance de cette forme de convention. Ce qui fait des sûretés un
auxiliaire important du crédit. Étymologiquement le mot crédit vient du latin « CREDERE »
qui veut dire croire ou avoir confiance. Ce qui fait donc que le crédit repose surtout sur la
confiance et Cette confiance ne peut être aveugle : seules des garanties sérieuses peuvent la
susciter106. D’où l’intérêt des sûretés.
Les sûretés prises par les IMF dans le cadre de leurs opérations de microcrédit peuvent
prendre diverses formes. Les sûretés personnelles sont assez fréquentes dans le cadre des
crédits octroyés par les établissements de crédit, tandis que dans les opérations de
microcrédits, elles sont peu utilisées. Néanmoins les IMF peut recourir au cautionnement dans
le cadre de certaines opérations bien précises107. Les sûretés réelles sont les formes de
garanties le plus utilisées en termes des établissements de microfinance. Ces sûretés réelles
peuvent prendre la forme de garanties immobilières ou de garanties mobilières. En ce qui
concerne les garanties immobilières d’abord, les IMF peuvent recourir à une hypothèque mais
s’abstiennent le plus souvent d’utiliser ce mécanisme. Du fait notamment des difficultés et les
dépenses supplémentaires occasionnées par l’inscription de leurs droits et surtout en raison du
faible montant du crédit octroyé. Sauf pour les cas des IMF de catégorie 3 à Madagascar qui
peuvent octroyer des crédits d’une durée allant de 36 à 72 mois. Donc en raison du faible
montant des crédits octroyés, le plus souvent les sûretés mobilières sont les formes de
garanties les plus utilisées en termes de microfinance, plus précisément le gage. L’article 2333
du Code civil Français définit le gage comme étant : « une convention par laquelle le
constituant accorde à un créancier le droit de se faire payer par préférence à ses autres
créanciers sur un bien mobilier ou un ensemble de biens mobiliers corporels, présents ou
futurs ». Ce qui implique donc qu’en cas de défaillance de son client une IMF peut se faire
désintéresser sur les biens meubles consentis en garantie du prêt octroyé. Le gage peut être
fait avec dépossession, permettant au créancier gagiste de détenir la chose objet de la garantie.
Dans le cadre des microcrédits, le gage peut porter sur divers biens mobiliers comme les
bijoux ou des objets sans valeurs réelles marchandes comme les appareils électroménagers. Il
peut même porter sur des actes d’achat de terrains et bâtiments lorsqu’ils ne sont pas
106Philippe Simler et Philippe Delebecque, Droit civil : Les sûretés La publicité foncière, 6 è Éd, Dalloz, Paris, 2012, p 6 cf . L. Aynès, Les garanties du financement, Rapport de synthèse au 82 è Congrès des Notaires, Defrénois 1986. 909, n° 2 107 Que nous verrons d’une façon plus exhaustive dans la partie sur le cautionnement solidaire
52
enregistrés au cadastre108. À côté du gage avec dépossession, les IMF peuvent recourir au
gage sans dépossession. Il en est ainsi notamment des véhicules ou engins agricoles qu’ils
soient neufs ou usés comme le prévoit l’article 116 du code des sûretés malagasy109. Mais le
gage sans dépossession le plus fréquemment utilisé par les IMF est le nantissement de stocks
comme le prévoit également l’article 127 de la loi malagasy n°2003-041 sur les sûretés.
Notamment du fait que la majorité de leurs clients sont des agriculteurs, donc la garantie
portera sur les produits d’une exploitation agricole ou encore les récoltes futures.
À côté de ces sûretés les IMF peuvent également prendre d’autres formes de garantie.
C’est le cas notamment des garanties financières, comme la souscription d’une assurance-vie
au bénéfice de l’IMF pour se prémunir contre l’éventuel décès de l’emprunteur. Mais la forme
de garantie financière la plus répondue actuellement est la souscription à un fonds de garantie,
qui permet à l’IMF d’inclure dans les contrats de prêt, une clause prévoyant, suivant des
modalités diverses, qu’une somme égale à un certain pourcentage de la somme empruntée ou
une somme forfaitaire, sera versée par l’emprunteur à un fonds de garantie géré par un
organisme indépendant110. Cette somme permettra de désintéresser l’IMF en cas de
défaillance de son débiteur
2 - Le cas spécifique des crédits solidaires
La principale mission des institutions de microfinance étant l’inclusion financière des
pauvres à la recherche de financement, l’inconvénient est que, étant donné la situation
économique et sociale de ses clients, les IMF ne peuvent espérer de celles-ci une garantie
matérielle de la créance. Donc pour compenser l’absence de garanties la solution pour la
majorité des IMF est de recourir à des garanties personnelles, comme le cautionnement. Le
particularisme du cautionnement en termes d’opérations de microfinance, est que la garantie
est fondée sur un système de solidarité entre les emprunteurs. C’est ainsi que le concept de
« crédit solidaire » est devenu une pratique propre aux institutions de microfinance.
108Laurent LHÉRIAU,Précis de réglementation de la microfinance, AFD, 2009, p 253 109Loin° 2003-041 du 3 septembre 2004, sur les sûretés 110Moussa Samb, macrodroit et microfinance dans l’espace ohada, Receuil d’études sur l’OHADA et les normes juridiques Africaines, Vol.VI, Centre de Droit Economique, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2013, pp.193-232
53
Le principe du crédit solidaire est simple : pour compenser l’absence de garantie
matérielle, les emprunteurs se constituent en groupe de cinq personnes et se portent « caution
solidaire », si un des membres du groupe ne rembourse pas son crédit, les autres devront
rembourser à sa place111. Ce système a été utilisé pour la première fois dans les années 1970
au Bangladesh, initié par la Grameen Bank. Ce système de dette solidaire est fondé sur un
système, par lequel les bénéficières d’un crédit doivent se constituer en groupe, la plupart du
temps en un groupe de cinq personnes. Ce système est avant tout à l’avantage des
emprunteurs, car celles-ci n’ont plus à supporter seul le poids de la dette, qui sera ainsi réparti
à l’ensemble du groupe. L’avantage résulte aussi du fait que la formation du groupe découle
d’un système d’auto-sélection des membres du groupe. Créant ainsi un groupe solidaire et
dynamique, car l’ensemble des membres se connaissent personnellement. En parallèle ce
système du crédit solidaire est surtout à l’avantage des IMF, car ils disposent d’une pluralité
de débiteurs garantissant la dette. En effet, les prêts sont certes attribués à titre individuel,
néanmoins en cas d’insolvabilité de l’un des membres, c’est le groupe tout entier qui devra en
répondre. C’est donc un système de crédit fondé sur une obligation solidaire, visant le parfait
paiement de l’ensemble de la somme consentie au groupe. La loi malagasy, sur la théorie
générale des obligations, prévoit notamment en son article 37 que : « L’obligation solidaire
rend chaque codébiteur tenu de la totalité de la dette envers le créancier, sans préjudice de son
recours contre ses coobligés »112. Ce qui fait que tous les membres du groupe sont considérés
comme étant des débiteurs de premier rang. Ce qui garantit amplement le recouvrement de la
créance, car le cautionnement solidaire n’implique aucunement l’existence d’un bénéfice de
discussion113 ou de division. C'est-à-dire que le créancier pourra recourir pour l’intégralité de
la dette, contre n’importe lequel des débiteurs sans que ceux-ci ne puissent prétendre à
l’existence d’un débiteur principal ou de codébiteurs, vers les biens desquels celui-ci pourrait
renvoyer le créancier en vue du recouvrement de sa dette. Le bénéfice de discussion et de
division n’existe que dans le cadre du cautionnement, une sûreté qui peut aussi être utilisée
dans le cadre des opérations de microcrédits.
111 Sébastien Boyé, Jérémy Hajdenberg et Christine Poursat,Le guide de la microfinance-Microcrédit et épargne pour le développement, Eyrolles, Éditions d’organisations, Paris, 2006, p54 112 Loi n°66-003 du 2 juillet 1966, sur la théorie générale des obligations 113 Article 22 de la loi n°2003-041 du 3 septembre 2004, sur les sûretés
54
B - Les limites aux sûretés prises par les établissements de microcrédit
1 - Les limites tenant au profil des bénéficiaires du crédit
Les bénéficiaires des opérations de microcrédit viennent majoritairement du milieu
rural, ou du milieu urbain mais de milieu défavorisé. L’inconvénient pour les IMF résulterait
du fait que la plupart de leurs clients cibles, sont la plupart du temps des individus qui ne
savent ni lire ni écrire. Une grande majorité des populations dans les pays en développement
sont analphabètes, ce sont pourtant les zones d’actions des IMF. Ce qui serait un réel
problème dans le cadre des sûretés qu’ils voudraient prendre et qui nécessite une collaboration
avec le propriétaire de la chose objet de la garantie, pour que celles-ci soient effectives. En
effet, la plupart des législations en vigueur font de l’existence préalable d’un écrit une
formalité nécessaire à la validité d’une sûreté. Il en est ainsi dans le cas du cautionnement où
un écrit est nécessaire à la validité de l’opération. Comme le prévoit notamment l’article 10,
alinéa 1 de la loi malagasy sur les sûretés : « Le cautionnement doit être constaté dans un acte
comportant la signature des deux parties et la mention écrite de la main de la caution de la
somme maximale garantie en chiffres et en toutes lettres ». Néanmoins, le législateur a trouvé
la parade en exigeant que l’acte de caution soit passé sous la forme authentique ou
authentifiée si la caution ne sait ni lire ni écrire (article 10, Al 4). Cependant certaines
législations exigent une procédure de plus, que la caution soit assisté de deux témoins
certificateurs114. Cette formalité peut être difficile à remplir en milieu rural, notamment dans
le cas du Sahel où la quasi-totalité des villageois sont analphabètes. Ce qui fait donc que dans
la plupart des cas, seuls le gérant et le caissier de l’IMF seraient capables de servir de témoins
certificateurs115.
2 - Les limites d’ordre administrative
Les institutions de microfinance peuvent également rencontrer certains inconvénients
dans le cadre des garanties qu’elles prennent en vue du recouvrement de leurs créances,
notamment en ce qui concerne la situation du bien objet de la garantie. En effet, le recours à
une sûreté nécessite des procédures administratives et des procédures d’enregistrement assez
114Article 4 l’acte uniforme de l’Ohada, relatif au droit des sûretés 115Laurent LHÉRIAU,Précis de réglementation de la microfinance, AFD, 2009, p 253
55
compliqués et assez onéreuses. Il en est ainsi des procédures préalables d’enregistrement que
l’IMF doit effectuer pour que la sûreté soit valable. Il en est ainsi dans le cas du gage en Droit
malagasy qui implique qu'il y ait un acte public ou sous seing privé dûment enregistré,
contenant la déclaration de la somme due, ainsi que l'espèce et la nature des choses remises en
gage, ou un état annexé de leur qualité, poids et mesures116. C’est le cas aussi du
nantissement des stocks qui est une pratique très courante dans le milieu rural, et qui nécessite
une procédure d’enregistrement préalable. En effet, certaines législations estiment que le
nantissement ne produit effet que s’il est inscrit au registre du commerce et du crédit
mobilier117. Le problème de la procédure de l’enregistrement se pose surtout pour les
garanties basées sur l’hypothèque, qui nécessite pour l’établissement de microfinance
d’inscrire son privilège dans le livre foncier118 pour que la sûreté soit valable et pour éviter
également de se faire surclasser par d’autres créanciers du même débiteur. Ce qui constitue
des dépenses supplémentaires pour les IMF, au vu du faible montant de l’opération de micro-
crédit nécessitant de telles procédures ardues et qui peuvent être assez onéreuses. Qui plus est
cela implique également que l’immeuble soit immatriculée (article 184 de la loi n°2003-041).
Un autre problème que nous verrons dans le paragraphe qui suit, portant sur les voies
d’exécutions.
116 Article 68 de la loi n°2003-041du 3 septembre 2004, sur les sûretés 117Articles 94 et 95 de l’acte uniforme de l’Ohada, relatif au droit des sûretés 118 Article 188, Al1 de la loi n°2003-041du 3 septembre 2004, sur les sûretés
56
§2- Les voies d’exécutions
A - Les difficultés rencontrées par l’IMF lors d’une procédure de saisie
La procédure de saisie implique que le débiteur soit insolvable et que de ce fait le
créancier s’acquitte de sa dette sur le patrimoine de celui-ci. D’où l’intérêt de cette partie sur
les voies d’exécution. Ce qui impliquera d’une part de voir les difficultés rencontrées par les
IMF lors d’une procédure de saisie (A) et d’autre part les solutions alternatives à la procédure
normale de saisie (B).
1 - Les difficultés liées à la propriété du bien objet de la sûreté
Les difficultés éprouvées par les IMF lors du recouvrement de leurs créances en cas
d’insolvabilité de leurs débiteurs, se pose surtout sur la propriété du bien objet de la garantie
assurant la créance. En effet, il est assez fréquent que les IMF prennent en garantie de leur
créance une parcelle de terrain. La plupart de ces parcelles étant en milieu rural, la propriété
est soumise aux règles coutumières et donc non immatriculée. C’est le cas surtout dans le
cadre des procédures d’hypothèques, où le statut de la terre constitue encore un inconvénient à
la réalisation de telles opérations de garantie sur les immeubles concernés. En effet,le régime
de la propriété foncières varie selon les législations Étatiques et les différents système
juridique en place. Comme dans le cas de Madagascar, où le régime foncier est assez ambigu
car allie la propriété coutumière avec celui de l’immatriculation foncière119. Ce qui a conduit
en 2006 à l’adoption de la loi qui fixe le régime juridique de la propriété foncière non titrée, et
qui reconnaît à ce titre la propriété coutumière matérialisée par l’existence du certificat
foncier120. Ce certificat est considéré comme étant l’équivalent du titre foncier
d’immatriculation consacrant la propriété foncière privée, ce qui est encore sujet à discussion
jusqu’à présent. Ce qui est encore un frein pour la prise de garanties telles que l’hypothèque,
pour les IMF dans le cadre de leurs opérations de micro-crédits. Ce qui fait qu’en cas
d’insolvabilité de l’emprunteur, aucune opération judiciaire de saisie ne peut se faire, car la
garantie sur laquelle se fonde la procédure n’est pas valable d’un point de vu légal. En effet, la
loi sur les sûretés exige que seuls les immeubles immatriculés peuvent faire l'objet d'une
119 Arielle F. TSIAZONANGOLY, Les nouveaux aspects du droit foncier malgache, In : Regards sur le Droit Malgache, Jurid’ika, Antananarivo, 2010, pp. 443-467 120Article 13 et 14 la loi n° 2006-031 du 24 novembre 2006, fixant le régime juridique de la propriété foncière non titrée
57
hypothèque121. Ce qui suppose donc l’existence d’un titre foncier d’immatriculation
matérialisant la propriété de l’immeuble objet de la sûreté, remettant ainsi en cause la validité
du certificat foncier. Faisant ainsi de l’immatriculation du bien un préalable nécessaire à la
réalisation d’une procédure de saisie. Cette contradiction entre les lois malagasy sur la sûreté
et celle de 2006 sur le régime juridique de la propriété foncière non titrée, peut constituer un
réel obstacle à la réalisation de la sûreté prise par l’IMF en vue de garantir sa créance. Il en
est ainsi par exemple de l’acte uniforme de l’Ohada relatif au droit des voies d’exécution, qui
impose l’immatriculation à la conservation foncière, comme un préalable nécessaire à la
procédure de saisie122.
2 - Les difficultés liées à la lenteur et le coût de la procédure engagée
En principe une procédure de saisie ne peut se faire que par voie judiciaire. Ce qui
suppose pour l’IMF des difficultés et des charges supplémentaires inutiles. Car étant donné le
faible montant de la créance litigieuse, engager une procédure judiciaire de saisie constituerait
d’une part une perte de temps et d’autre part des frais supplémentaires en plus de la somme
déjà perdue en raison de l’insolvabilité du débiteur. En effet, avant d’en arriver à la saisie à
proprement dite du bien et sa vente aux enchères publique il y a plusieurs procédure judiciaire
préalables. S’il ne faut parler seulement que de la requête en vue de la saisie exécution qui
peut être précédé d’une procédure de saisie conservatoire. Une procédure de saisie implique
avant tout l’obtention d’un titre exécutoire, qui ne peut être délivré que par voie judiciaire.
L’obtention de ce titre implique préalablement un commandement de payer, qui signifie au
débiteur la grosse de l’ordonnance qui autorise la saisie et qui invite celui-ci à payer entre les
mains du créancier le montant de la créance sous peine de saisie immédiat. Ce n’est qu’après
l’accomplissement de toutes ces procédures, que l’IMF pourra espérer avoir satisfaction. Ce
qui témoigne de la lenteur de la procédure, qui peut s’étaler sur plusieurs mois ou même sur
121 Article 184, Al1 de la loi n°2003-041 du 3 septembre 2004, sur les sûretés 122L’article 253 dudit acte précise notamment que : « Si les immeubles devant faire l’objet de la poursuite ne sont pas immatriculés et si la législation nationale prévoit une telle immatriculation, le créancier est tenu de requérir l’immatriculation à la conservation foncière après y avoir été autorisé par décision du président de la juridiction compétente de la situation des biens, rendue sur requête et non susceptible de recours. À peine de nullité, le commandement visé à l’article 254 ci-après ne peut être signifié qu’après le dépôt de la réquisition d’immatriculation et la vente ne peut avoir lieu qu’après la délivrance du titre foncier ».
58
quelques années. Ce qui donnera au débiteur le loisir de distraire le bien de son patrimoine
entre temps123. En parallèle aux problèmes liés à la lenteur de la procédure, les IMF doivent
également supporter les frais liés à la procédure engagée. S’il ne faut seulement citer que les
frais d’huissier lors des significations, les frais d’avocats en charge de la suivie des dossiers et
des divers frais de justice à proprement dit. Ce qui peut engager des sommes supérieurs en
montant du crédit octroyé. Ce qui implique pour les IMF de trouver des moyens alternatifs
pour recouvrer leurs créances. D’où l’intérêt de la sous-partie traitant des solutions
alternatives à la procédure normale de saisie qui suit.
B - Les solutions alternatives à la procédure judiciaire de saisie
1 - Les modes de saisies propres aux institutions de microfinance
Comme on a pu le voir précédemment, le fait pour les IMF de recourir à la procédure
judiciaire normale de saisie présente divers inconvénients. S’il ne faut parler seulement que de
la lenteur de la procédure ou encore les frais supplémentaires engagés. Donc pour pallier à
tout cela, les IMF peut avoir recours à des moyens extra-juridictionnels pour recouvrer leurs
créances. Des méthodes très peu orthodoxe la plupart du temps et qui ne relèvent pas du cadre
légal.
Il en est ainsi avant tout de la procédure de la saisie amiable fréquemment utilisé par les
IMF exerçant en Afrique. Le terme de saisie amiable peut ici prêter à confusion, car la saisie
en question est faite contre le gré du propriétaire du bien qui en est l’objet. Les termes
adéquats à la situation seraient plutôt les termes de saisie directe ou encore de saisie forcée.
En effet, cette pratique consiste pour les IMF à envoyer leurs agents chez le débiteur
insolvable. Ceux-ci vont ensuite procéder à la saisie, de gré ou de force, des biens qui sont
nécessaires au débiteur et qui ont une certaine valeur à ses yeux. Les dits bien seront ensuite
stockés dans les locaux de l’IMF et la saisie, le plus souvent est suivie d’un arrangement
amiable (d’où le terme saisie amiable) ou de la vente du bien si le débiteur ne s’exécute pas.
Le débiteur ne préfère par ester en justice dans ces cas-là, soit en raison de la méconnaissance
de ses droits soit pour cause de moyens124. Ce qui fera l’objet d’une analyse en détail dans la
seconde partie.
123Laurent LHÉRIAU,Précis de réglementation de la microfinance, AFD, 2009, p 263 124Moussa Samb, macrodroit et microfinance dans l’espace ohada, Receuil d’études sur l’OHADA et les normes juridiques Africaines, Vol.VI, Centre de Droit Economique, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2013, pp.193-232
59
Une autre méthode de recouvrement de leurs créances par les IMF, serait de recourir à
des moyens de pression morale pour inciter le débiteur à s’exécuter et de payer ainsi sa dette.
C’est ainsi que certains auteurs parlent de la « technique du pingouin »125. Méthode qui
consiste à porter atteinte à l’image du débiteur vis-à-vis de son entourage. Qui peut consister
en un dénigrement du micro-entrepreneur, en dévoilant sa qualité de mauvais payeur ce qui va
nuire à ces relations d’affaire. Une autre pratique consiste à afficher les noms et les photos des
débiteurs insolvables sur la porte des établissements de microfinance126, ou dans certains lieux
publics127.
Une dernière méthode de recouvrement de créance, consisterait pour les IMF de
recourir au Droit coutumier. Cela notamment du fait que le Droit coutumier joue encore un
rôle important dans la plupart des pays en développement, surtout dans le cas de l’Afrique.
Cette méthode va consister à traduire le débiteur insolvable devant le chef du village ou
devant le conseil des anciens. Ce sont ces derniers qui vont ensuite trancher, et décider si la
saisie du bien mis en garantie peut se faire ou non.
2 - La question de la légalité de telles pratiques
Les pratiques précédemment énumérées, reflètent des lacunes qui existent encore dans
le cadre la réglementation de l’activité de microfinance. Il a été démontré que les institutions
de microfinance profitent de la faiblesse et abusent de l’ignorance de leurs clients. En effet, la
majorité de ceux-ci proviennent de milieux ruraux, où la plupart des gens ne connaissent
l’étendue de leurs droits et l’effet des engagements qu’ils peuvent prendre. Ce qui peut
conduire les IMF à appliquer de telles méthodes illégales de recouvrement de créance.
Dans le cas du recouvrement amiable, on ne peut parler de procédure amiable car les
saisies se font contre le gré du débiteur. Dans la plupart des cas, les débiteurs ne protestent
pas, ce qui ne veut pas dire cependant qu’ils acquiescent à la méthode ou y consent. La
méconnaissance par ceux-ci de leurs droits et l’ignorance des procédures légales de saisies par 125Laurent LHÉRIAU,Précis de réglementation de la microfinance, AFD, 2009, pp. 263-264 126 Laurent LHÉRIAU, Op.cit. p264 127Moussa Samb, macrodroit et microfinance dans l’espace ohada, Receuil d’études sur l’OHADA et les normes juridiques Africaines, Vol.VI, Centre de Droit Economique, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2013, pp.193-232
60
ces profanes, peuvent donner aux IMF la faculté de s’adonner à de telles pratiques
répréhensibles. Car comme on a pu le voir dans nos précédents développements, la procédure
de saisie ne peut se faire qu’en vertu d’une autorisation judicaire. Pour certains auteurs, ils
parlent même de cas de « vol », en ce sens où le bien objet de la garantie a été soustrait sans le
consentement du propriétaire128. En effet, le Code pénal malagasy dans son article 379
considère que : « quiconque a soustrait frauduleusement une chose qui ne lui appartient pas
est coupable de vol ». Ce qui fait donc que la pratique de telles saisies par les IMF hors du
cadre légal et contre le gré de leurs débiteurs est constitutif de vol.
Enfin en ce qui concerne l’emploi de méthodes d’intimidation ou de pression morale,
contre leurs débiteurs insolvables en vue de les pousser à payer. L’affichage des noms et des
photos de ceux-ci dans les lieux où se situe l’établissement de microfinance ou dans un lieu
public, constitue une atteinte grave au droit à l’image. En effet c’est constitutif d’une atteinte
à l’image, en ce sens où l’honneur de la personne est mise mal par l’existence de ces
publications. En effet, de telles méthodes peuvent être très dissuasives dans les petites
localités où à peu près tout le monde se connaît. Et où l’honneur tient encore une grande
importance. Le cas de suicide recensé notamment à cause de cette pratique témoigne du risque
de cette pratique129. C’est pourquoi la déclaration universelle des droits de l’homme en son
article 12 déclare que : « Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa
famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes à son honneur et à sa réputation.
Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles
atteintes »130. Donc cette pratique constitue une pratique diffamatoire, qui est réprimé
pénalement et qui peut donner droit à des dommages-intérêts.
128Laurent LHÉRIAU,Précis de réglementation de la microfinance, AFD, 2009, p263 129Laurent LHÉRIAU, Op.cit. p264 130 Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948
61
TITRE II : LES PRATIQUES FINANCIERES BASEES SUR LES NOUVELLES TECHNOLOGIES
Les termes innovations et nouvelles technologies, sont deux termes qui se conjuguent
toujours ensemble, car quand on parle d’innovation, ça implique toujours l’intervention des
nouvelles technologies. En effet, les nouvelles technologies sont actuellement incontournables
dans n’importe quelle branche d’activité. Le XXI è siècle est l’ère de l’électronique et des
transactions dématérialisées et les nouvelles technologies en sont un vecteur. Plusieurs
disciplines académiques commencent à s’intéresser à la question. Le Droit n’en est pas en
reste, car commence à s’intéresser d’assez près à cette situation et essaye de ce fait de
l’encadrer.
Les nouvelles technologies ont pu toucher plusieurs secteurs d’activités, et le secteur
financier n’en est pas moindre. Les insuffisances et les failles du système financier actuel ont
fait que les nouvelles technologies ont pu combler le vide laissé par les établissements
financier classique, en incluant les personnes touchées par l’exclusion financière. En effet, les
nouvelles technologies constituent un moyen d’inclusion financière, dans le sens où elles
constituent des modes de financement alternatifs pour les personnes et les entreprises. Cette
intrusion des nouvelles technologies, a opéré des transformations sur la conduite des activités
financières et bancaires actuelles. Causant ainsi la désuétude des conceptions et règles
juridiques antérieur, sur les pratiques financières.
C’est dans ce contexte que cette deuxième partie sur les pratiques financières basées
sur les nouvelles technologies, va nous permettre d’une part d’analyser d’un point de vue
général l’impact juridique de l’intrusion financière des nouvelles technologies (Chapitre I)
avant de se pencher d’autre part sur le cas spécifique des pays en développement, en analysant
la pratique financière basée sur la téléphonie mobile (Chapitre II).
62
CHAPITRE I : L’INTRUSION FINANCIERE DES NOUVELLES
TECHNOLOGIES
Procéder à une analyse juridique de la question implique avant tout de voir les
mutations apportées par les nouvelles technologies dans le secteur financier. C’est pour cela
que la première section de ce chapitre sera axée sur les changements perçus dans le paysage
financier du fait de l’intrusion des nouvelles technologies (Section I). Ce qui nous permettra
dans une seconde section de basculer vers une analyse plus juridique de la question, en
analysant la situation du Droit face à cette nouvelle forme de pratique financière (Section II).
Section I : Les changements perçus dans le paysage financier du fait de l’intrusion des nouvelles technologies
L’impact des nouvelles technologies sur la finance, peut résulter avant tout de facteurs
matériels. C'est-à-dire que le changement peut résulter de l’utilisation d’instruments financiers
méconnue de la pratique antérieure. Ce qui impliquera de voir dans un premier paragraphe les
changements résultant de l’apparition de nouvelles forme d’instrument financier (§1). Les
changements en question peuvent aussi résulter de la pratique en elle-même. En effet,
l’intrusion des nouvelles technologies dans la finance, a affecté les pratiques financières en
elles-mêmes. Ce qui nous conduira à voir dans un second paragraphe, les changements
résultant de l’apparition de nouvelles formes de pratiques financières (§2).
§1- Des changements résultant de l’apparition de nouvelles formes d’instruments financiers
L’apparition de ces nouvelles formes d’instruments financiers, peut résulter d’une part
de l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC)
comme instrument financier (A) et d’autre part, l’avènement des formes de monnaies
dématérialisées (B).
A - L’utilisation des NTIC comme instrument financier
1- L’utilisation des réseaux de communication comme circuit d’échange financier
L’ouverture des réseaux de communication au grand public a permis de relier la
planète entière, facilitant ainsi les échanges. La généralisation de l’utilisation d’Internet dans
63
les débuts 2000 a permis de nouvelles perspectives financières, en ce sens où le réseau
Internet permet de transmettre des informations en un court laps de temps et entre des
utilisateurs éloignés dans l’espace.
En effet, avec l’apparition d’Internet est apparu un nouvel outil de communication
qu’est la messagerie électronique, qui permet à deux ou plusieurs personnes connectées au
réseau de s’échanger des informations de façon simultané par le biais de messages
électroniques. La messagerie électronique peut être définie comme étant un service d’envoi de
messages en temps réel ou différé entre des personnes connectées sur un réseau
télématique131. Cette technologie a permis de faire apparaître d’autres opportunités,
notamment dans le milieu financier. Car de la messagerie électronique, est apparue un nouvel
outil financier, la messagerie financière. Cette technologie a été utilisée par les établissements
financiers dans les années 1990, entant que moyens d’échange d’informations. Sur le plan
national ou international, ils utilisaient les réseaux de communication pour l'automatisation
des réseaux bancaires, les échanges interbancaires, les échanges avec la clientèle, les
opérations de marché132. Actuellement, Internet n’est plus seulement ce moyen de transfert
d’informations financières, car il est le support nécessaire à la conclusion d’opérations
financières. C’est ainsi que le transfert d’argent via le réseau Internet ait pu se faire,
notamment par l’existence d’établissements spécialisés dans le transfert international
d’argent, comme l’exemple de Western Union ou encore Money gram.
À côté d’Internet est apparu un autre outil de communication qui va s’avérer plus tard
être indispensable dans le cadre des transactions financières, le réseau mobile. L’utilisation du
réseau téléphonique ou hertzien a été également généralisée dans les années 1990 avec la
commercialisation au grand-public des téléphones portables, ou cellulaires. Ce qui a permis
une utilisation massive du réseau téléphonique jusqu’à présent. Dans le cas de Madagascar, en
2005 le nombre d’abonnés au réseau mobile était estimé à 510 269, ce qui a augmenté en
2015 avec un nombre total de 11 416 599 d’utilisateurs133. Ce qui démontre le nombre
constant de personnes qui portent un intérêt aux technologies mobiles. Ce qui a permis
l’ouverture du secteur financier aux opérateurs de téléphonie mobile, permettant ainsi
d’utiliser le réseau téléphonique comme un instrument financier. C’est ainsi qu’est né le 131 Le petit Larousse illustré, 2009 132 Sitruk Hervé. L'impact des réseaux sur les banques et l'économie bancaire. In: Revue d'économie financière, n°32, 1995. Les technologies bancaires et financières. p.9 133 Donnés chiffrés recueillis auprès de l’INSTAT Madagascar
64
transfert d’argent par téléphone mobile plus connu sous la dénomination de mobile money.
Cette technologie a été introduite en 2007 au Kenya par l’opérateur de téléphonie mobile
Safaricom, par la création de M-pesa le premier service de transfert de fonds en Afrique par
mobile134. En effet, l’Afrique est actuellement considéré comme étant le continent le plus
avancé en termes d’innovations basées sur la téléphonie mobile et où l’on recense le plus
grand nombre de transactions financières effectuées via le réseau téléphonique mobile135.
Cette percée de la technologie mobile dans le secteur financier, a conduit la plupart des Etats
Africains à réaménager leurs législations financières conformément à la situation actuelle.
C’est en ce sens que l’assemblée nationale Malagasy a adopté en décembre 2016 une loi
réglementant les transactions par monnaie électronique136. Ce qui témoigne de l’intérêt
juridique porté sur cette technologie, que nous approfondirons plus dans la seconde partie de
ce travail.
2 - La dématérialisation des échanges et l’apparition de l’e-commerce
La généralisation d’Internet comme on a pu le voir antérieurement, était le prélude
d’une succession d’innovations technologiques, introduisant ainsi les nouvelles technologies
dans la vie quotidienne des gens. En effet, cette intrusion des TIC dans la vie quotidienne a
transformé le concept même de relation personnelle, car avec l’apparition des nouvelles
technologies on a pu assisté à une dématérialisation des échanges. Actuellement, on peut dire
qu’à côté des échanges physiques, les échanges se font aussi actuellement sur les réseaux de
communications. Et c’est dans le contexte que le commerce électronique ou e-commerce a
fait son apparition.
L’apparition du commerce électronique est l’une des évènements qui a le plus marqué
la première moitié de ce siècle. L’introduction du commerce dans le cyberespace a
révolutionné l’utilisation d’Internet et a totalement changé la conception traditionnelle du
commerce. Car on a assisté à la dématérialisation des échanges commerciaux, et que de ce fait
Internet est devenu le carrefour où se rencontre l’offre et la demande. Ce qui a incité d’une
134 Rapport sur les : Modes d’appropriation innovants du téléphone mobile en Afrique, Annie Chéneau-Loquay, Union internationale des télécommunications (UIT), Genève, 2010, p.21 135Séverine Leboucher, INNOVATION FINANCIÈRE-L’Afrique, laboratoire du digital, la Revue Banque (RB),n° 349, Juillet-août 2016, p.3 et suivant 136 Loi n°2016-056 du 14 décembre 2016, sur la monnaie électronique et les établissements de monnaie électronique
65
part, les commerçants à s’établir sur internet. En effet, on a pu remarquer que plusieurs sites
de vente et de prestations de services de toutes sortes, ont vu le jour sur la toile. D’autre part,
on assiste à une augmentation constante du nombre de personnes optant pour les achats de
biens et de services sur internet. Par exemple en France, le commerce en ligne connaît depuis
plusieurs années une progression annuelle de 20 à 25 % et a atteint le chiffre d’affaires de 45
milliards d’euros en 2012137. Du fait de ce succès que l’e-commerce a rencontré, il était
nécessaire d’encadrer juridiquement le commerce électronique. C’est en ce sens que la loi
française du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN), définit le
commerce électronique comme étant « l’activité économique par laquelle une personne
propose ou assure à distance et par voie électronique la fourniture de biens ou de service »138.
Donc on a assisté à un encadrement légal des échanges commerciaux sur internet. Sur ce
domaine le Droit malagasy accuse, certes d’un retard, mais on est face actuellement à un
processus de régularisation et d’encadrement du e-commerce. Cela a été notamment marqué
par l’adoption en 2014 d’une loi sur les transactions électroniques139. Ce qui nous conduit à
rapprocher l’e-commerce de l’émergence de formes de monnaies dématérialisées qu’elles
soient électroniques ou virtuelles. Que nous verrons exhaustivement dans la sous-partie
suivante portant sur les formes de monnaies dématérialisées.
B - L’avènement des formes de monnaies dématérialisées et les systèmes de « wallet »
1 - L’apparition des monnaies électroniques
Comme on l’a vu au cours de nos précédents développements, la dématérialisation des
échanges a eu une répercussion sur les pratiques commerciales, conduisant ainsi à l’apparition
de l’e-commerce. La monnaie a toujours depuis longtemps, joué un rôle important dans les
échanges commerciaux, non seulement entant que moyen d’échange mais entant qu’unité
représentant la valeur des marchandises objet du commerce. Donc une dématérialisation du
commerce devait nécessairement conduire à une dématérialisation des moyens de paiement.
D’où l’apparition de types de monnaies dématérialisées et l’apparition du concept de système
e-cash. Ce qui correspond aussi aux exigences du commerce en termes de rapidité, car comme
137 Fabrice MATTATIA, Loi et Internet, un petit guide civique et juridique,Eyrolles, 2014, p.147 138 Article 14, alinéa 1 de la loi française n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique 139 Loi n°2014-024 du 05 novembre 2014, sur les transactions électroniques
66
le dit un auteur : « les commerçants ont toujours voulu avoir des institutions qui répondent à
leurs exigences de rapidité et de sécurité »140 . La monnaie électronique a été la première
forme de monnaie dématérialisée qui a vu le jour et dont l’utilisation reste encore effective
jusqu’à aujourd’hui. En effet, les transactions en monnaie électronique restent encore
fréquente actuellement, c’est juste ses supports matériels qui ont changé au fil des années. La
loi malagasy n°2016-056 définit notamment la monnaie électronique comme étant : « une
valeur monétaire, en substitut de la monnaie fiduciaire, stockée sur un support de monnaie
électronique [..] »141. Historiquement, la première génération de monnaie électronique est
constituée de modes de paiement opérant dans des réseaux contrôlés par les banques142. En
effet, c’est à travers l’utilisation des cartes bancaires que les premières formes de monnaies
électroniques ont pu être mise en circulation. Elles servent non seulement à effectuer des
prélèvements automatiques de billets de banques, mais servent surtout à effectuer des achats
et des paiements de détail auprès de certains commerçants. Ce monopole de l’émission des
monnaies électroniques, a pris fin avec la libéralisation des activités financières et l’apparition
de nouveaux acteurs financiers. Actuellement en effet, les monnaies électroniques peuvent
être émises non seulement par les établissements financiers agréés mais aussi par différents
opérateurs technologiques s’adonnant à des activités financières. Cette libéralisation de
l’activité de distribution de monnaie électronique peut notamment être source d’insécurité
juridique pour leurs utilisateurs. Ce qui a notamment conduit les autorités malgaches à
encadrer cette pratique dans la loi sur la monnaie électronique et les établissements de
monnaie électronique.
2 - L’apparition des portes monnaies électroniques ou wallet
La monnaie électronique constitue une simple unité de compte représentant son
équivalent en somme d’argent143. Néanmoins comme toutes unités monétaires et pour valoir
entant que moyen de paiement, elle doit faire l’objet d’un support qui la matérialise. En effet,
on peut définir le paiement électronique comme étant : « le nom générique donné à un mode
de paiement parmi d’autres, dont la caractéristique est de faire appel à un instrument et un
140 Stéphane Pédelièvre, Actes juridiques-commerçants-fonds de commerce, Dalloz, 6è Ed, 2008, P.20 141 Article 3 Al 1, de la Loi n°2016-056, du 14 décembre 2016, sur la monnaie électronique et les établissements de monnaie électronique 142 Michel AGLIETTA et Laurence SCIALOM, « Les risques de la monnaie électronique », l'Économie politique, 2002/2 n° 14, p.83 143Serge LANSKOY, « La nature juridique de la monnaie électronique », bulletin de la banque de France, n° 70,Octobre 1999, p.53
67
support particulier, qui compose ensemble un mécanisme (aussi appelé moyen) de paiement
reposant en tout ou partie sur l’électronique »144.Ce qui fait donc que les monnaies
électroniques en question doivent être stockées sur un support matériel. C'est-à-dire un
contenant sur lequel des valeurs monétaires sont entreposées ou transcrites. Si l’on se réfère à
la définition de l’article 6 de la loi malagasy sur les monnaies électroniques, ces supports
peuvent être tout instrument électronique, magnétique, biométrique ou informatique
permettant de stocker de la monnaie électronique. C’est le concept même de porte monnaie
électronique. C'est-à-dire un support matériel capable de conserver et de traiter des
informations, par lequel des valeurs monétiques transitent.
Les premières portes monnaies électroniques ou PME étaient les cartes bancaires, qui
disposaient d’une bande magnétique capable de conserver des informations sur les clients de
la banque. Mais c’est l’arrivée de la carte à puce qui a révolutionné le concept même de porte
monnaie électronique, car celle-ci était munie d’un vrai microprocesseur capable de conserver
et de traiter en même temps beaucoup d’informations. Cette technologie a été reprise ensuite
dans l’industrie de la téléphonie mobile, par l’existence des cartes SIM destinées à conserver
les informations sur les clients des opérateurs de téléphonie mobile. Actuellement, la carte
SIM sert non seulement de moyen de traitement d’informations sur les clients, mais
également de PME dans le cadre des opérations de mobile money. L’autre forme de PME
actuelle, est matérialisée par le rôle financier actuel des smartphones. En effet, certains grands
fabricants actuels ont installé dans leurs smartphones des puces qui font que le téléphone
même devient un terminal qui reçoit et traite les transactions financières. C’est la puce NFC
(Near Field Communication ou « communication en champ proche »), utilisée pour la
première fois en 2010. C’est une technologie sans contact qui permet de transférer des
données entre deux appareils éloignés de moins de dix centimètres145 et permettant ainsi
d’effectuer des transactions commerciales avec certaines enseignes utilisant cette technologie.
L’atout majeur des PME réside dans leur caractère pratique, car ils sont légers, de dimensions
réduites et dispensent le consommateur de détenir des espèces encombrantes et peu pratiques.
Et qui plus est, permet un gain de temps dans les transactions146.
144 Etienne WERY, « Facture, monnaie et paiement électronique- Aspects juridiques », LITEC, Paris, 2003, p.43 145 Philippe HERLIN, « APPLE, BITCOIN, PAYPAL, GOOGLE : LA FIN DES BANQUES ? Comment la technologie va changer votre argent », Eyrolles, Paris, 2015, p.10 146 Gazé Pierre, « Le porte-monnaie électronique : quelques enjeux stratégiques pour l'industrie bancaire », In: Revue d'économie financière, n°53, 1999. La monnaie électronique, p.68
68
§2- Des changements résultant de l’apparition de nouvelles formes de pratiques financières
L’arrivée des nouvelles technologies a non seulement permis l’apparition de nouvelles
formes d’instruments financiers, mais a surtout introduit de nouvelles formes de pratiques
financières. C’est dans la perspective de faire la lumière sur ces pratiques que nous allons voir
en premier lieu les pratiques financières basées sur la technologie mobile (A) et en second
lieu, les pratiques basées sur le financement participatif (B).
A -Les pratiques en terme de transfert d’argent
1 - La libéralisation des activités financières liées au transfert de fonds
L’arrivée des nouvelles technologies a révolutionné l’activité financière liée aux
transferts de fonds, marquée par une rapidité dans les transactions. Le transfert de fonds est
une activité financière peu pratiquée par les banques, ce qui a permis l’apparition d’autres
acteurs financiers que ça soit dans le cadre formel ou informel. En effet, les transferts dans le
cadre bancaire ne concernent le plus souvent que des fonds assez conséquents ce qui ne
correspond pas aux besoins et aux attentes de la classe moyenne. Ce qui a permis à certains
opérateurs comme Western Union, Money Gram ou encore Money Express d’être leader dans
le domaine du transfert de fonds. Ce qui a conduit la plupart des banques à conclure des
conventions de partenariat avec ces opérateurs147. C’est le cas notamment de Western Union à
Madagascar, où au sein de la plupart des agences des banques de la place, il y a le plus
souvent un coin réserve à cet opérateur pour les opérations de transfert de fonds. Néanmoins,
le service proposé par ces opérateurs reste encore inaccessible à certaines personnes du fait de
l’importance des coûts de transfert. Ce qui a permis à d’autres acteurs de faire leur entrée dans
le marché du transfert de fonds.
Ce sont entre autres des petites sociétés ou startups comme on les nomme
actuellement, spécialisées surtout dans le transfert de fonds via internet. Le transfert de fonds
via ces opérateurs rencontre plus de succès dans les pays Européens comme la France ou
l’Angleterre. Ils permettent surtout à des travailleurs immigrés d'effectuer des transferts de
147Papa Oumar FALL, Les services de transfert d'argent: approche comparative des services offerts,mémoire en vue de l’obtention du diplôme de Licence en sciences économiques et sociales, option banque- finance, Université de Thiès, 2011, p.8
69
fonds vers leur pays d'origine. Le nombre croissant de ces opérateurs, qui sont plus d’une
dizaine en France et un peu plus d’une centaine en Angleterre, a conduit ces Etats à les
soumettre à une procédure d'agrément et à certaines contraintes prudentielles. L’inquiétude
des Etats est surtout justifiée par le caractère international des transactions, qui risquerait de
favoriser le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Car l’essentiel de ces
transferts est réalisé en espèces de bout en bout148. La solution à cela semble se trouver dans
les pays en développement, surtout en Afrique, où le transfert se fait par le réseau mobile et
par l’intermédiaire de valeurs monétiques représentant la valeur exacte des fonds transmis.
2 - Le succès du transfert d’argent par téléphone mobile
Actuellement, les opérateurs de téléphonie mobile sont devenus des acteurs
incontournables dans le secteur financier surtout en termes de transfert de fonds. Si l’on réfère
juste au nombre des abonnés au réseau de téléphonie mobile, le nombre élevé de gens utilisant
des téléphones portables, comme on a pu le voir au cours de nos développements, a permis
aux opérateurs de téléphonie mobile de disposer de potentiels clients pour leurs activités
financières. En effet, la circulation de plusieurs millions de cartes SIM non seulement en à
Madagascar mais dans toute l’Afrique, a permis aux opérateurs de téléphonie mobile de
mettre à la disposition des clients des portes-monnaies électroniques. Avec lesquels ils
pourront s’adonner à des transactions financières, surtout le transfert d’argent.
Par l’intermédiaire de la pratique dite de mobile-money, fondée surtout sur les
transactions financières passant par le réseau mobile, les gens peuvent effectuer des transferts
d’argent via leurs téléphones mobiles. L’argent pour être transféré par SMS à partir de
n’importe quel téléphone portable équipé d’une carte SIM compatible. Le système est simple
et rapide car le transfert ne prend pas plus de 30 secondes149. Pour pouvoir procéder à de tels
transferts, le client doit avant tout s’inscrire gratuitement auprès d’un agent agrée de
l’opérateur téléphonique, sur présentation de pièces d’identités. Cela fait, un compte sera
ouvert au profit du client, qui sera crédité de la somme remise par celui-ci à l’agent agrée.
C’est une fois seulement le compte crédité que le transfert peut s’opérer. En effet, le transfert
se fera par le biais du téléphone portable du client, plus précisément par un SMS
148Régis Bouyala, La révolution Fin Tech, Revue Banque (RB), Paris, 2016, p.29 149 Rapport sur les : Modes d’appropriation innovants du téléphone mobile en Afrique, Annie Chéneau-Loquay, Union internationale des télécommunications (UIT), Genève, 2010, p.21
70
correspondant à la somme objet du transfert et qui sera envoyé à un destinataire. Après
réception de SMS, le destinataire devra aussi se présenter devant un agent de l’opérateur
mobile pour retirer la somme correspondant à la valeur monétique envoyée par SMS. Cette
pratique paraît fiable pour ses utilisateurs, du fait qu’elle emprunte du mécanisme de signature
électronique pour identifier le client150. En effet, le numéro téléphone du client correspond à
un identifiant permettant à celui-ci d’être identifié lors de la transaction et permettant aussi de
le dissocier d’un autre utilisateur, c’est le principe de la « clé publique ». À cela correspond
une « clé privée », c'est-à-dire un code secret permettant au client d’accéder à son compte
mobile money, et de procéder ainsi au transfert vers un autre compte. Nous verrons plus on
détail ce mécanisme et son enjeu juridique dans la seconde section.
B - L’apparition du financement participatif ou crowdfunding
1 - Le mode de fonctionnement du financement participatif
La recherche de fonds est l’un des inconvénients rencontrés actuellement par les
entreprises, surtout s’il s’agit de petites entreprises. Cette difficulté résulte surtout de la
réticence des banques à octroyer des crédits aux PME, considérée comme facteur de risques
car ne présentant pas de garanties sérieuses pour de tels emprunts. Néanmoins, avec
l’intrusion financière des nouvelles technologies, des formes de financement alternatives ont
pu voir le jour. Constituant le salut des entreprises en devenir à la recherche de financement et
des sociétés préexistantes à la recherche d’argent frais. C’est ainsi qu’est apparu le mode de
financement participatif ou « crowdfunding » en anglais. C’est une pratique financière
d’origine anglo-saxone, qui est apparue aux Etats-Unis au début des années 2000 et en France
en 2013. Actuellement, cette pratique tend à prendre pied dans certains pays Africains151,
comme le cas actuellement de Madagascar152.
Le crowdfunding qui veut dire littéralement « financement par la foule », peut être
défini comme étant un mode de financement matérialisé par l’existence de sites Internet,
150 Les pratiques basées sur l’utilisation de tels mécanismes sont régies à Madagascar par la loi n°2014-025, du 05 novembre 2014, sur la signature électronique 151 Benjamin POLLE, Le crowdfunding à la rescousse des PME ?, Jeune Afrique, n°2910, du 16 au 22 Octobre 2016, p.66-67 152Riana R., Financement de projet : le crowdfunding arrive à Madagascar, article du 16 décembre 2016, paru sur le site : www.newsmada.com
71
permettant à des internautes dits « contributeurs » de financier un projet de leurs choix153. De
cette définition, on peut donc dire que le financement participatif est un mode de financement
faisant appel au réseau Internet et qui est basé sur la contribution financière des individus
formant la communauté des internautes. Il s'agit donc ici de mettre directement en rapport des
agents qui ont besoin d'argent avec d'autres agents qui sont disposés à leur en donner, prêter
ou confier et ce par l’entremise de plateformes informatiques154. Selon la pratique, on peut
recenser trois formes de financement participatif. Une première forme de crowdfunding peut
consister, en des financements basés sur des dons. Cette pratique consiste pour les internautes
à financer un projet par le biais de dons en argent, qui seront ensuite récompensés par une
contrepartie en nature. Cette technique est surtout utilisée par les entreprises dans le cadre
d’une levée de fonds destinée à lancer un produit ou un service nouveau, et qui se caractérise
par la remise de l'objet mis en production dès que celui-ci est fabriqué ou mis en vente155. Une
seconde forme de crowdfunding appelée « crowdlending », consisterait pour les sociétés à se
financer par des prêts octroyés par les internautes. Ces contributeurs seront ensuite rémunérés
des intérêts en plus du capital prêté si le prêt est fait à titre onéreux, par contre si le prêt est
fait à titre gratuit seulement le capital sera remboursé. Une troisième et dernière pratique qui
porte la dénomination de « crowdequity », consisterait pour les sociétés à la recherche de
financement d’émettre des titres à souscrire par les internautes. Ce qui permettra à ces
derniers de devenir actionnaires de la société.
2 - Les acteurs et les enjeux juridiques du financement participatif
Le financement participatif peut être certes, une solution aux besoins de financement
éprouvée par les entreprises. Cependant, cette pratique financière n’est pas sans inconvénient
du fait qu’elle n’est pas encadrée juridiquement dans la plupart des pays Africains qui
commencent à connaître la pratique, comme le cas de Madagascar. Néanmoins, l’existence en
Droit Français d’un cadre légal régissant la question156, nous permettra de faire la lumière sur
les principaux acteurs du financement participatif et sur ses enjeux juridiques. Le financement
participatif comme n’importe quelle autre pratique financière, est constitué à sa base d’acteurs
153 Arnaud Poissonnier et Beryl Bès,Le financement participatif Un nouvel outil pour les entreprises, Eyrolles, Paris, 2016, p.17 154Régis Bouyala, La révolution Fin Tech, Revue Banque (RB), Paris, 2016, p.38 155 Arnaud Poissonnier et Beryl Bès,Le financement participatif Un nouvel outil pour les entreprises, Eyrolles, Paris, 2016, p.59 156 Le crowdfunding a été notamment introduit dans le cadre législatif français par, l’Ordonnance n°2014-559 du 30 mai 2014 relative au financement participatif, qui vise à compléter le code monétaire et financier.
72
qui font en sorte que la pratique fonctionne. Dans le cas du crowdfunding, on peut notamment
relever l’existence de trois entités nécessaires à l’opération. Ce sont entre autres, les plates
formes de financement participatif, les porteurs de projets et les contributeurs ou financeurs.
L’ordonnance n°2014-559 relative au financement participatif, a notamment permis en Droit
français de définir la situation juridique de ces acteurs.
Avant tout il y a les plates-formes de financement participatif, qui sont des
intermédiaires qui mettent en contact les porteurs de projets et les éventuels investisseurs.
Leur statut juridique diffère en fonction de la forme et des modalités du financement
participatif. En effet, dans le cadre des crowdfunding à base de dons ou de prêts on parle
d’intermédiaires en financement participatif (IFP). Tandis que dans le crowdequity, on parle
de conseillers en investissement participatif (CIP). Ce sont tous deux des personnes morales,
ce qui implique pour celles-ci de s’enregistrer au registre de l’ORIAS157, qui est le registre
national des intermédiaires dans le secteur financier. Vient ensuite, les porteurs de projets, ce
sont la plupart du temps des petites entreprises qui sont à la recherche de financement pour
réaliser leurs projets. Et donc ont recours le plus souvent aux plates-formes de dons ou de
prêts pour financer leurs projets. Néanmoins, les porteurs de projets peuvent avoir recours au
crowdequity, surtout s’il s’agit d’une société qui veut procéder à une augmentation de son
capital social et propose ainsi des titres au public158. Le dernier acteur du crowdfunding est
l’investisseur ou le financeur, qui peut être une personne physique ou une personne morale.
C’est celui qui apporte son aide financière au porteur de projet, en octroyant des dons ou des
prêts ou en souscrivant aux titres de la société. Dans ce dernier cas, il est à préciser que le
crowdfunding peut être un moyen de prise de participation pour les sociétés holdings au
niveau des sociétés qui émettent des titres.
Le crowdfunding, est une pratique financière qui commence à rencontrer beaucoup de
succès, surtout au niveau des entreprises. Néanmoins, il suscite encore quelques inconvénients
au niveau de la protection des financeurs pour les fonds consentis et la question de la
réception de fonds du public, au mépris du monopole bancaire. La législation française
semble répondre à cela. En ce qui concerne les financeurs d’abord, dans le cas du
crowdlending la législation française limite leurs prêts à 1000 euros par individus si le prêt est
157L'Organisme pour le Registre unique des Intermédiaires en Assurance, Banque et Finance 158 Mickaël Le Borloch, le financement participatif, 23 août 2014, document publié sur le site : www.academia.edu
73
à titre onéreux et à 4000 euros si le prêt est à titre gratuit159. Cela notamment dans un souci de
protection des prêteurs qui sont considérés comme des amateurs en termes de prêt, par contre
le crowdequity n’est pas soumis à de telles limites. En ce sens également, les plates formes de
crowdfunding sont tenues de certaines règles de bonne conduite. Il en est ainsi pour les CIP
qui sont tenus d’une véritable obligation d’information à l’égard de leurs clients et de les
mettre en garde contre les risques auxquels ils s’exposent, avant de leur donner accès au détail
des offres sélectionnées160. Et même de s’enquérir auprès de leurs clients ou de leurs clients
potentiels de leurs connaissances et de leurs expériences en matière d’investissement ainsi que
de leurs situations financières et de leurs objectifs d’investissement, de manière à s’assurer
que l’offre proposée est adaptée à leur situation161. D’où leurs qualités de conseiller en
investissement participatif. En ce qui concerne la question de la réception de fonds du public
par ces plates formes de financement participatif, une dérogation au monopole bancaire est
instituée par l’article L.522-11-1 du code monétaire et financier français. En effet, l’autorité
de contrôle prudentiel et de résolution peut délivrer un agrément d’établissement de paiement
limité lorsque le montant total prévisionnel des opérations de paiement ne dépasse pas un
plafond fixé par décret. Ce qui permet aux plates formes de crowdfunding de recevoir dans
une certaine limite des fonds provenant du public. Enfin en ce qui concerne le taux d’intérêt
des prêts octroyés dans le cadre du crowdlending, le taux conventionnel applicable à ces
crédits est de nature fixe et ne dépasse pas le taux mentionné à l’article L. 313-3 du code de la
consommation française162. Dans le cas de l’emprunteur ou du porteur de projet, celui-ci ne
pourra emprunter plus d’un million d’euros par projet. Pour le cas du prêteur, celui-ci ne
pourra fournir qu’un prêt par projet et ce d’une durée qui ne peut excéder sept années163.
159 Iris M. Barsan, Réflexions autour du crowdlending, RTDF, n° 4, 2014, p.37 160 Article L.547-9-5 du code monétaire et financier français 161 Article L.547-9-6 de la même loi 162 Notamment les dispositions relatives à l’usure sur la détermination du taux effectif global ou du taux effectif moyen 163 Jean –Marc MOULIN, Banque alternative, finance solidaire, économie sociale et solidaire- In : la finance alternative, Revue de Droit bancaire et financier, n°1, janvier - février 2015, p.100
74
Section II : l’appréhension par le droit de cette nouvelle forme de pratique financière
L’intrusion financière des nouvelles technologies n’a pas seulement eu des impacts au
niveau de la discipline financière, cette situation a surtout entraîné des mutations au niveau de
la conception juridique des pratiques financières. Ce qui a conduit non seulement à
l’adaptation du Droit en général à ces pratiques financières basées sur les nouvelles
technologies, mais aussi à une réforme des législations Étatique en fonction de la situation.
Tout cela nous conduira dans cette section à voir d’une part les répercussions de ces pratiques
financières sur le Droit (§1) avant de voir d’autre part, les réformes perçues au niveau du
cadre légal et réglementaire (§2).
§1- Les répercussions de ces pratiques financières sur le Droit
Notre analyse, au niveau de ce paragraphe, impliquera dans un premier temps de voir les
réformes introduites par ces pratiques financières au niveau du Droit des contrats (A), avant
de voir dans un second lieu les réformes perçues au niveau du Droit pénal (B).
A -Les réformes perçues au niveau du Droit des contrats
1 - L’apparition des contrats électroniques
La dématérialisation des échanges du fait de l’intrusion des nouvelles technologies
dans la sphère financière a conduit à une réforme au niveau de la conduite des relations
d’affaires. Ce qui a également introduit une réforme au niveau du Droit des contrats. Car avec
la dématérialisation des échanges, la conception juridique traditionnelle du contrat se trouve
être remise en cause. Cela notamment avec l’apparition du concept de contrat électronique.
Conduisant ainsi diverses réflexions sur les conditions de validité de tels types de contrats. La
formation du contrat implique surtout le respect de certaines conditions de fonds.
En effet, la plupart des conditions de Droit commun de validité du contrat sont
applicables aux contrats électroniques, que cela soit au niveau de l’objet et de la cause du
contrat ou encore de la capacité des parties. Néanmoins, le problème se pose surtout au niveau
du consentement des parties. Qui concerne donc la formation même du contrat, car sa
formation est conditionnée par l’existence même du consentement. Le consentement est
75
formé par la rencontre de l’offre et de l’acceptation164. Le contrat va en effet naître de l’accord
de volonté des parties, impliquant l’existence d’une offre de la part d’une partie et une
acceptation de l’autre. Cependant dans le cadre des contrats électroniques, la détermination de
la rencontre des volontés semble être assez compliquée, car l’offre et l’acceptation sont
exprimées par une communication électronique. Dans sa définition classique, l’offre est une
manifestation de volonté par laquelle une personne propose à un tiers la conclusion d’une
convention165. Ce qui suppose que l’offre est faite intuitu personae, c'est-à-dire à une personne
déterminée. Dans le cas particulier des transactions électroniques surtout celles faites sur
internet, l’offre n’est pas faite à personne dénommée, elle doit avant tout être accessible à
toute personne utilisant le système d’information par lequel elle est faite. L’invitation à l’offre
ne devient contractuelle qu’à partir du moment où les deux parties ont explicitement marqué
leur accord166. Dans le cas de l’acceptation, elle est régie par la formalité dite du « double-
clic ». Formalité prévue notamment par l’article 1369-5 du Code civil français et l’article 17
de la loi malagasy sur les transactions électroniques. Qui prévoient notamment, que le
destinataire de l’offre doit avoir eu la possibilité de vérifier le détail de sa commande et son
prix total et de corriger les éventuelles erreurs, avant de confirmer celle-ci pour exprimer son
acceptation. Ce qui prévoit donc deux étapes, par un premier clic qui constitue une première
approbation et ensuite une possibilité pour le destinataire de l’offre de vérifier si celle-ci
correspond à ses attentes. Que ce dernier va confirmer par un second clic, qui va constituer
l’acceptation. D’où le nom de formalité du « double clic ». Cette acceptation peut dans
certains cas être assortie d’un accusé de réception de la part de l’auteur de l’offre, pour que le
contrat soit effectif167.
2 - Le cas de la signature électronique
La signature est un moyen d’identification permettant d’individualiser chaque individu
dans le cadre des actes administratifs qu’il passe. La signature implique toujours l’existence
d’un écrit qui la matérialise, d’où la qualification en Droit d’acte sous seing privé. L’écrit est
toujours un préalable nécessaire dans le cadre des conventions. Néanmoins en Droit des
contrats, l’existence d’un écrit n’est pas obligatoire sauf si la loi l’exige ; il n’est requis qu’à
164Rémy Cabrillac, Droit des obligations, 8 è Éd, Dalloz, Paris, 2008, p.39 165 Lexique des termes juridiques, 20è Éd, Dalloz, 2013, p.633 166 Article 14 de la loi n°2014-024, du 05 novembre 2014, sur les transactions électroniques 167 Article 1369-5 Al 2 du code civil
76
titre de preuve168. Car pour prouver l’existence des actes juridiques dont la preuve n’est pas
libre comme pour celui des faits juridiques, l’écrit est un moyen de preuve nécessaire. Il en est
de même dans les transactions électroniques où l’écrit sous forme électronique est admis
comme preuve au même titre que l'écrit sur support papier169. Cela a été notamment admis par
la jurisprudence au cours de certaines de leurs décisions170 et qui a été réaffirmée ensuite dans
le Code civil français171. Ce qui fait donc de la signature électronique au même titre que l’écrit
électronique, un moyen de preuve des conventions passées sous formes électroniques.
La signature électronique n’a pas de définition exacte, la loi malagasy de 2014 sur la
signature électronique, a néanmoins donné une définition assez vague : « Le terme « signature
électronique » désigne des données sous forme électronique, contenues dans un message de
données ou jointes ou logiquement associé audit message pouvant être utilisé pour identifier
le signataire dans le cadre du message de données et indique qu’il approuve l’information qui
y est contenue »172. Ce qui permet donc de dire que la signature électronique est basée sur un
système de messagerie électronique sécurisée visant à identifier son auteur dans le cadre de
ses transactions électroniques. C’est une technique d’identification basée sur la cryptographie,
qui est un ensemble de techniques qui au moyen d’un code chiffré, vise à rendre un message
indéchiffrable pour tout autre personne que son auteur et son destinataire173. C’est ainsi qu’on
parle de « cryptographie asymétrique » ou encore « cryptographie à double clé »174.Ce
mécanisme implique l’existence d’un logiciel de messagerie qui est accompagné d’une
adresse électronique permettant à l’utilisateur d’être identifié et d’être dissocié d’autres
utilisateurs, c’est la « clé publique » et que seul le destinataire connaît. À cette adresse
électronique correspond une autre adresse appelée « clé privée », un mot de passe secret que
seul le signataire connaît. À chaque clé publique correspond une clé privée. Donc pour signer
électroniquement, le client prend connaissance du document à signer, puis marque son
approbation en tapant un code qui lui a été communiqué par un prestataire de service en
télécommunication ou par sa banque175. En effet, ce système a été utilisé et a été mise à
168 Article 97 de la loin° 66-003 du 2 juillet 1966 relative à la théorie générale des obligations 169 Article 1316-3 du code civil français 170 C’est le cas notamment de la reconnaissance par la jurisprudence de la preuve de l’acceptation d’une cession de créance par télécopie ; Cass. com., 2 décembre 1997 171 Article 1316-1 du Code civil français 172 Loi n°2014-025, du 05 novembre 2014, sur la signature électronique 173 Définition du Larousse illustré, édition 2009 174Virginie ETIENNE, le développement de la signature électronique, mémoire en vue de l’obtention du Master II en Droit des Affaires, Université Paris 13 nord, année universitaire 2011-2012, p.16 175 Fabrice MATTATIA, Loi et Internet, un petit guide civique et juridique,Eyrolles, Paris, 2014, p.173
77
disposition de leurs clients par les banques dans le cadre des transactions électroniques par
carte. Ce système d’identification reste encore très utilisé aujourd’hui surtout dans le cadre
des transactions en monnaie électronique comme on a pu le voir antérieurement.
B - Les répercussions de ces pratiques sur le Droit pénal
1 - L’apparition de nouvelles formes d’infractions
À chaque nouvelle situation juridique correspond le plus souvent de nouvelles formes
d’infractions, que le Droit pénal essayera toujours d’encadrer. En effet, l’arrivée des
technologies de l’information et surtout la popularisation d’Internet ont favorisé l’apparition
de nouvelles formes d’infractions. Cela notamment en raison de la fluidité des systèmes
d’information qui a permis d’abolir les frontières physiques et qui permettent ainsi de mener
des opérations criminelles sur le réseau Internet176. Cela également en raison de la
territorialité des lois, ne permettant pas une harmonisation des règles applicables sur ces
réseaux de communication. Conduisant ainsi à l’apparition d’une nouvelle forme d’infraction
qu’est la cybercriminalité. Le secteur financier n’a pas été épargné par cette nouvelle forme
d’infraction, car l’utilisation des réseaux de télécommunication comme moyen de transfert
d’informations financières a suscité l’intérêt de personnes malintentionnées.
La cybercriminalité peut être définie comme étant tout fait illégal commis au moyen
d’un système ou d’un réseau informatique ou de tout autre réseau physique connexe ou en
relation avec un système d’information177. De cette définition, on peut donc dire que la
cybercriminalité est tout acte de nuisance perpétré par ou à travers un système d’information.
Pour l’article 2 de la loi malagasy sur la lutte contre la cybercriminalité : « est qualifié de
système d'information, tout dispositif isolé ou ensemble de dispositifs interconnectés ou
apparentés, en ligne ou hors ligne qui assure ou dont un ou plusieurs éléments assurent, en
exécution d'un programme, un traitement automatisé de données ». On peut donc dire qu’il
s’agit de tout acte répréhensible effectué sur un réseau d’information qui traite des données.
Ce qui inclut donc tout type de réseau, qu’elle soit informatique ou mobile. Le Code pénal
français parle en ce sens d’atteintes à un système automatisé de données (STAD). À cela
correspond trois types d’infractions. Ce sont entre autres l’accès ou le maintien frauduleux
176Nicolas ARPAGIAN, La cybersécurité, Puf, collection « que sais-je », Paris,2010, p.9 177 Article 1 de la loi malagasy n°2014-006, du 19 juin 2014 sur la lutte contre la cybercriminalité
78
dans un STAD, l’entrave au fonctionnement et les modifications frauduleuses d’un STAD178.
L’accès frauduleux dans un STAD s’entend de l’exécution de manœuvres afin de pénétrer
dans le fonctionnement du système ou d’accéder aux données179. La jurisprudence française
réprime toujours cet accès même s’il ne vise pas un but répréhensible. C’est ainsi qu’a été
condamné le fait de s’introduire dans le système informatique d’une université, sans
provoquer aucune modification des données ni aucune altération du système180. Quant à
l’entrave qui est prévu par l’article 323-2 du Code pénal français, c’est le fait de bloquer
totalement le fonctionnement du système, ou celui de causer son ralentissement181. L’entrave
peut dans certaines circonstances être réprimée même si elle est faite involontairement. Quant
à la modification d’un STAD, c’est le fait de s’introduire dans un système d’information en
vue de modifier, d’altérer ou de s’emparer des données qui y sont. Constituant ainsi une
atteinte portée à l’intégrité des données contenue dans un STAD182. Ce qui témoigne de
l’intention coupable de son auteur. Ces infractions ne sont pas prévues expressément dans le
Code pénal malagasy. Néanmoins elles ont été reprises par la loi n°2014-006, sur la lutte
contre la cybercriminalité prévoyant ainsi les sanctions pénales applicables en cas de
survenance de ces infractions183.
2 - L’apparition de nouveaux types de délinquants
Une infraction comprend toujours un agent qui est étroitement lié à l’acte, celui qui, de
par son fait a matériellement contribué à la réalisation du fait répréhensible ; c’est le
délinquant. Le délinquant est celui qui a commis une infraction ou y a participé et de ce fait
encourt une peine184. Celui-ci peut être une personne physique ou une personne morale. Dans
le cas des infractions pénales commises par les moyens de communications où à travers ceux-
ci, les auteurs sont pour la plupart des cas des personnes physiques ordinaires. Ce qui peut
permettre l’application à celles-ci des sanctions pénales ordinaires. En effet, la détermination
de l’auteur de l’acte répréhensible est d’une grande importance, car d’un point de vue objectif
c’est à travers les sanctions infligées à la personne de celui-ci que les victimes pourront
178 Article 323-1, 323-2 et 323-3 du code pénal français 179 Fabrice MATTATIA, Loi et Internet, un petit guide civique et juridique,Eyrolles, Paris, 2014, p.195 180 Cours d’appel de Paris, 15 mai 2001 181 Fabrice MATTATIA, Loi et Internet, un petit guide civique et juridique,Eyrolles, Paris, 2014, p.203 182 Chilstein David, Législation sur la cybercriminalité en France, In : Revue internationale de droit comparé. Vol. 62, n°2, 2010, p. 562 183 Articles 6 à 9 de la loi n°2014-006, sur la lutte contre la cybercriminalité 184Bernard BOULOC,Droit pénal général, 21è Éd, Dalloz, Paris, 2009, p.263
79
espérer avoir réparation. Ce qui permettra donc d’appliquer à l’auteur de l’acte les sanctions
pénales, prévues par la loi pour la catégorie d’infractions y correspondant.
Néanmoins, dans le cas du cybercriminel qui est un genre de délinquant nouveau qui
n’a été répertorié par la pratique que récemment, la situation pourrait ne pas susciter la même
réprobation que l’infraction de droit commun. Non seulement du fait de l’environnement où a
été perpétré l’acte, mais aussi du fait de la qualité de son auteur. En effet, le cybercriminel ne
se perçoit pas comme un citoyen ordinaire dans le cadre des actes qu’il a perpétré. C’est une
personne disposant de qualités techniques et de connaissances intellectuelles importantes qui
lui permet de s’adonner à des actes, que la plupart des délinquants de droit commun ne
pourraient accomplir. La plupart du temps les cybercriminels sont des gens qui ont des
connaissances techniques en dessus de la normale, sur l’informatique par exemple ou sur le
traitement des réseaux de communications. Ce qui fait qu’ils ne peuvent être assimilés à des
délinquants ordinaires dans le cadre des infractions qu’ils commettent. Ce qui implique donc
pour ceux-ci l’application de sanctions spéciales, différentes de celles qui sont applicables aux
délinquants ordinaires. L’originalité du Droit pénal fait néanmoins que la prise en compte de
la personnalité de l’agent permettra au juge d’appliquer des sanctions adaptées à sa situation.
Ce qui fait qu’en raison de la qualité de l’auteur de l’infraction, il pourra requérir à une
aggravation de la sanction. C’est le principe même de l’individualisation des peines.
80
§2- Les transformations au niveau du cadre légal et réglementaire
L’analyse de ce paragraphe impliquera de voir dans un premier temps les répercussions
de ces pratiques financières basées sur les nouvelles technologies, au niveau législatif (A)
avant de voir dans un deuxième temps les enjeux au niveau de leurs réglementations (B).
A -Les répercussions au niveau législative
1 - Les lacunes des textes législatifs et réglementaires en vigueur
Les pratiques financières basées sur les nouvelles technologies sont également
apparues dans le contexte d’intégration et d’inclusion financière des exclus par le système
financier en place. En effet, comme on a déjà pu le voir dans la première partie de ce travail,
une grande majorité de la population mondiale ne bénéficie pas de services financiers qui leur
sont nécessaires. Donc les nouvelles technologies paraissent être la solution à cela,
notamment par le fait que les technologies de l’information ont pu atteindre plusieurs
personnes au cours de quelques années. Permettant ainsi d’utiliser ce potentiel en tant que
moyen de financement. Ce qui n’a pas permis d’appliquer les législations financières en
vigueur, qui n’étaient pas adaptées à ces nouveaux genres de pratiques financières.
En effet, à l’origine les technologies sur l’information et les télécommunications sont
régies par les textes sur la communication. Donc l’arrivée de nouvelles formes de pratiques
financières basées sur les TIC ne permet pas tout simplement l’application de la loi bancaire à
des pratiques qui n’entrent même pas dans l’ordonnancement légal des pratiques financières
connues. Ce qui conduit certains auteurs à considérer ces pratiques financières d’objets
bancaires non intégrés (OBNI)185. Car il s’agit effectivement d’activités bancaires, en ce sens
où ces pratiques financières permettent la réalisation de certaines opérations de banques
traditionnelles mais sous de nouveaux aspects. Il en est ainsi par exemple du cas des
opérations de crédit, si depuis toujours les prêts étaient l’apanage des banques, actuellement
ils peuvent se faire sur des plates-formes technologiques comme les plates-formes de
crowdfunding. Tel est également le cas des services de paiement et de transfert de fonds qui
ne pouvaient s’effectuer auparavant que par l’intermédiaire des banques, actuellement ces
185Régis Bouyala, La révolution Fin Tech, Revue Banque (RB), Paris, 2016, p.21 et suivants
81
opérations peuvent se faire par le biais de solutions technologiques transitant par des réseaux
de communication. Il en est ainsi par exemple de l’utilisation des monnaies électroniques
comme moyens de paiement et de transfert d’argent. Néanmoins la plupart des pays concernés
ne disposent pas des cadres et des dispositifs légaux pour encadrer ces pratiques,. Ce qui
conduit donc à la classification de ces pratiques parmi les pratiques informelles. Tel est le cas
de la loi bancaire Malagasy qui date déjà des années 1990 et qui ne permet pas d’appréhender
ces situations. La solution serait donc de recourir à des réformes législatives tendant à la
réglementation de ces pratiques.
2 - Des réformes législatives résultant des pratiques financières actuelles
Pour mieux appréhender ces pratiques informelles basées sur les nouvelles
technologies et en vue de protéger les utilisateurs qui sont de plus en plus nombreux, il serait
nécessaire de les intégrer dans l’ordonnancement légal à côté des pratiques bancaires et
financières classiques. Ce qui implique donc une réforme législative en vue de donner un
cadre plus formel à ces pratiques qui gagne de plus en plus en popularité. C’est dans cette
optique notamment que l’assemblée nationale malagasy a adopté en 2014 une série de lois
portant spécialement sur l’économie numérique.
En effet, le processus de réglementation ne devrait pas être orienté principalement vers
le cadre financier et la forme de la pratique. Il faut également voir le problème sous différents
aspects. Il est ainsi nécessaire de réglementer les formes de transactions résultant de ces
pratiques financières. Tel est notamment l’objet de la loi malagasy sur les transactions
électroniques ou l’e-commerce186, qui permet de déterminer les règles applicables à la
convention des parties dans le cadre de ces transactions dématérialisées. Ensuite il est
nécessaire de déterminer la situation des parties qui s’adonnent à ces pratiques financières.
Cela notamment d’une part, dans un dessein de protection de celles-ci contre les éventuels
dangers qui peuvent arriver à la suite de l’utilisation du service. D’où l’importance de
l’adoption d’un texte sur la cybersécurité, pour ne pas exposer les utilisateurs aux éventuelles
infractions pouvant dériver de ces pratiques financières dématérialisées. C’est dans ce but que
la loi malagasy sur la lutte contre la cybercriminalité a été adoptée187. D’autre part, la
186 Loi n°2014-024 du 05 novembre 2014, sur les transactions électroniques 187 Loi n°2014-006 du 19 juin 2014, sur la lutte contre la cybercriminalité
82
réglementation de telles pratiques financières impliquerait également la mise en place d’un
processus d’identification ou d’authentification des utilisateurs, non seulement en vue de
sécuriser leurs transactions mais aussi à titre de preuve de celles-ci dans le cas d’un litige.
Telle l’utilisation de l’écrit à titre de preuve de l’existence d’une convention. C’est dans cette
optique notamment que la loi malagasy sur la signature électronique a été adoptée188. Enfin, le
processus de réglementation impliquerait un encadrement des nouvelles formes d’instruments
financiers utilisés. D’où l’adoption de la nouvelle loi malagasy sur la monnaie électronique et
les établissements de monnaies électroniques189.
B -Les enjeux au niveau du cadre réglementaire
1 - L’existence d’une dualité au niveau du contrôle
L’utilisation des technologies de l’information et de la communication en tant
qu’instrument financier, cause des inconvénients sur la question de la détermination de la
législation applicable, à savoir celle relative à la communication ou les textes sur les
établissements financiers. Mais l’exercice de ces nouvelles formes de pratiques financières,
entraîne surtout une confusion dans la détermination du cadre de contrôle applicable. En effet,
il existe une dualité de contrôle en ce sens où il y a intervention de deux formes d’autorités de
contrôle. Notamment, les autorités de supervision bancaire et financière, et celles qui touchent
toutes les questions liées aux télécommunications.
En effet, la plupart des législations nationales en vigueur prévoient notamment deux
autorités de contrôle distinct en ce qui concerne d’une part les activités financières et d’autre
part les activités portant sur la télécommunication. C’est le cas notamment de la France, où le
contrôle des activités financières relève de l’office de l’Autorité des marchés financiers (régi
par le code monétaire et financier), et où les activités portant sur la communication relèvent
de l’office de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (régi
par le code des postes et des communications électroniques). Dans le cas de Madagascar c’est
également le cas où les activités financières relèvent de l’office de la commission de la
supervision bancaire et financière (CSBF) et où les activités visant la desserte des réseaux de
188 Loi n°2014-025 du 05 novembre 2014, sur la signature électronique 189 Loi n°2016-056du 14 décembre 2016, sur la monnaie électronique et les établissements de monnaie électronique
83
communication, relèvent de l’Autorité de Régulation des Technologies de Communication
(ARTEC). La CSBF a notamment comme fonction de veiller au bon fonctionnement des
établissements de crédit, vérifier le respect par ces établissements des dispositions qui leur
sont applicables et de sanctionner les manquements constatés190. Elle est surtout en charge de
l’octroi des agréments permettant aux établissements de crédit d’exercer sur le territoire
malagasy. Tandis que l’ARTEC est habilité à octroyer les licences de télécommunication
permettant aux opérateurs télécoms d’exercer sur le territoire malagasy191. L’existence de ces
deux formes d’autorisation permet donc de définir le rôle de chaque autorité dans le cadre de
ces nouvelles pratiques financières fondées sur les nouvelles technologies. C’est le cas
notamment pour les opérateurs de téléphonie mobile où le contrôle des activités régies par sa
licence de télécommunication est soumis au contrôle de l’ARTEC. Tandis que les activités de
mobile money découlant de l’agrément de la CSBF sont soumises au contrôle de cette
dernière. Ce qui démontre l’inexistence d’une interférence entre les deux formes de contrôle
qui peuvent, certes intervenir à l’encontre d’un même acteur mais dont la différence réside
dans la nature des activités objets des contrôles respectifs.
2 - Les innovations en termes de contrôle
La protection des utilisateurs de ces nouvelles formes de services financiers constitue
un sujet de préoccupation majeur. Notamment, du fait de l’apparition de nouveaux types de
délinquants qui peuvent s’en prendre aux utilisateurs de ces services et les risques liés aux
atteintes portées contre les données personnelles appartenant à ces derniers. En effet,
l’utilisation des technologies de l’information et de la communication permet de générer des
informations détaillées et très précises de ses utilisateurs qui sont de plus en plus nombreux.
Ce qui fait que les données personnelles ont acquis une valeur marchande considérable et
sont, de ce fait, de plus en plus convoitées. Dans le sens où ces informations peuvent être
utilisées par les grands groupes commerciaux pour rentabiliser leurs techniques de vente et de
commercialisation192.
190 Article 35 Al1 de la loi n°95-030 du 22 février 1996, relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit 191 Article 27 du décret n°2006-213 du 21 mars 2006, instituant l’autorité de régulation des technologies de communication de Madagascar (ARTEC) 192 La CNIL en Bref, document d’information sur la CNIL, édition 2011
84
Ce qui implique donc la mise en place d’une autorité de contrôle chargée de la
protection de ces données à caractère personnel. Ce qui constitue une atteinte à la vie privée.
C’est pour cela notamment, qu’a été créée la Commission Nationale de l’Informatique et des
Libertés (CNIL) en France ou encore de la Commission Malgache de l’Informatique et des
libertés (CMIL) à Madagascar193. Les attributions de la CMIL sont définies à l’article 37 de la
loi sur la protection des données à caractère personnel, néanmoins on peut dire qu’elle a pour
principale mission le contrôle et la réglementation des activités liées au traitement
informatique des données à caractère personnel. Elle est l’autorité habilitée à donner
l’autorisation nécessaire pour l’exercice de telles activités194. Mais elle a aussi une mission
d’information qui lui permet de conseiller les particuliers sur leurs Droits et obligations dans
le cadre de ces opérations portant sur des données à caractère personnelles.
193 Mise en place par la loi n°2014-038 du 09 janvier 2015, sur la protection des données à caractère personnel 194 Article 46 de la loi n°2014-038 précitée
85
CHAPITRE II : LE PARTICULARISME DES TRANSACTIONS
FINANCIERES SUR TELEPHONE MOBILE
Le mobile-money est l’un des pratiques financières actuelles basées sur les nouvelles
technologies qui rencontre le plus de succès auprès des pays en développement. Cela
notamment du fait qu’il constitue un moyen d’inclusion financière, en ce sens où il supplée à
certains vides financiers auprès de la population que le système bancaire et financier classique
n’a pas pu atteindre. Ce qui a conduit les Etats concernés à réglementer strictement l’activité.
Comme le cas de Madagascar, où une nouvelle loi sur la monnaie électronique et les
établissements de monnaies électroniques a été récemment adoptée. Ce qui nous conduira
dans ce chapitre à nous pencher plus sur le cas de Madagascar en termes de pratiques
financières basée sur la téléphonie mobile. Et donc l’analyse portera en premier lieu sur les
enjeux liés à l’exercice de l’activité même de mobile-money (Section I) avant de voir en
second lieu, les enjeux liés à la relation entre les opérateurs de téléphonie mobile et leurs
clients (Section II).
Section I : le cadre juridique et réglementaire applicable à l’activité
L’analyse des enjeux liés à l’exercice d’une activité de mobile-money, impliquera
dans cette section de voir dans un premier paragraphe, les contours juridiques de l’activité
(§1), puis de basculer dans un second paragraphe dans le cadre réglementaire qui régit
l’activité (§2).
§1- Les questions d’ordre juridique
Les questions d’ordre juridique impliquent avant tout de déterminer la nature juridique
de l’activité en cause (A), et de voir ensuite le statut juridique des opérateurs de téléphonie
mobile ou OTM exerçant cette activité financière (B).
86
A -La nature juridique de l’activité
1 - La qualification d’activité de banque
Dans le cadre des activités financières exercées par les opérateurs de téléphonie
mobile, le qualificatif de « mobile-banking » est toujours retenu pour les dites activités.
Supposant ainsi l’exercice d’une activité de banque par les OTM en parallèle aux
établissements financiers agréés. Ce qui peut prêter à confusion, car d’une part les OTM
peuvent exercer certaines activités financières proches de celui des banques traditionnelles
mais sous certaines limites. D’autre part sur la question de l’autorisation, les OTM ne
disposent pas de l’agrément nécessaire pour exercer une activité de banque. Donc l’utilisation
du terme « mobile-banking » pour cette forme d’activité financière, serait dans un sens assez
abusé.
En effet, pour déterminer l’existence d’une activité bancaire, il est nécessaire de
déterminer également l’existence d’opérations de banque. L’article L311-1 du code monétaire
et financier français définit ces opérations comme suit : « Les opérations de banque
comprennent la réception de fonds remboursables du public, les opérations de crédit, ainsi que
les services bancaires de paiement ». De cette définition, on peut donc dire que l’opération de
banque comprend trois types d’opérations. Néanmoins celles-ci peuvent être classées en deux
grandes catégories195, qui sont entre autres le service de caisse et le service de crédit. Le
service de caisse implique avant tout la réception de fonds du public, qui correspondent à des
fonds que l’établissement financier reçoit d’un tiers sous forme de dépôt196. Le compte
bancaire constitue l’instrument juridique nécessaire à la réception de ces fonds197. Dans le cas
des opérations dites de mobile-banking, les OTM doivent certes, mettre à disposition de ses
clients des comptes matérialisant les fonds reçus de ces derniers. Néanmoins, les OTM sont
tenus de déposer ces fonds dans un compte à vue auprès des banques traditionnelles, c’est le
cas du compte global prévu par l’article 79 de la loi malagasy sur les monnaies électroniques.
Ce recours à un tiers de confiance démontre avant tout l’inexistence d’autonomie des OTM,
en ce qui concerne la réception de ces fonds. Le service de caisse implique ensuite l’existence
195 Philippe Neau-Leduc, Droit Bancaire, 4 è Éd, Dalloz, Paris, 2010, p.136 196 Article 5 de la loi malagasy n° 95-030 du 22 février 1996 relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit. 197 P. Neau-Leduce. Op.cit, p.136
87
d’un service de paiement, constitué non seulement par les opérations permettant la circulation
des fonds consentis, comme le virement par exemple mais aussi la mise à dispositions de
moyens de paiement, comme le chèque ou les cartes bancaires. Dans le cas du mobile-
banking, le mouvement de compte est matérialisé par les transferts faits par les utilisateurs. En
ce qui concerne la mise à disposition de moyens de paiement, la carte à SIM est le moyen mis
à la disposition des clients des OTM et qui permettent à ceux-ci d’effectuer des transactions
financières. Pour le deuxième critère d’existence d’opérations de banque, jusqu’à présent les
OTM ne peuvent consentir des fonds ou prendre des engagements par signature au profit de
leurs clients, excluant ainsi l’existence d’une opération de crédit.
Donc, étant donné que les opérations effectuées par les OTM ne correspondent pas aux
critères d’existence d’une opération de banque, celles-ci ne peuvent être juridiquement
qualifiées d’activités de banque. Car étant donné que les opérations des OTM se limitent juste
aux services de paiement, le qualificatif de mobile-money devrait donc être retenu pour
qualifier ces activités et non le terme de mobile-banking.
2 - La qualification d’opération de monnaie électronique
Si l’on se réfère aux activités financières des OTM, celles-ci se résument en principe à
des opérations de paiement, comme on a pu le voir précédemment. Cela se résume par la mise
à disposition des consommateurs, d’unités monétiques permettant à ceux-ci d’effectuer des
transferts de fonds et de faire des transactions commerciales, comme l’achat ou le paiement de
certains services. Ce qui correspond à une mise à disposition de moyens de paiement
électronique au profit du public. Présumant ainsi l’exercice d’une opération de monnaie
électronique par les OTM.
L’opération de monnaie électronique n’a pas de définition exacte néanmoins la loi
malagasy sur les monnaies électroniques la caractérise198 par l’existence de deux formes de
prestations. Ce sont entre autres, les activités d’émission de monnaies électroniques et de
gestion de monnaies électroniques. L’activité d’émission de monnaies électroniques est
caractérisée par l’article 8 de la même loi, par la mise en circulation de valeurs électroniques
stockées sur un support matériel et ce contre la remise de numéraires d’un montant égal à la
198 Articles 7-9 de la loi n°2016-056 sur la monnaie électronique et les établissements de monnaie électronique.
88
valeur monétaire émise. Les prestations financières actuelles proposées par les OTM
correspondent à une activité d’émission de monnaies électroniques, par le fait qu’ils mettent à
la disposition du public des unités monétiques acceptés par certains commerçants, contre la
remise d’une équivalence en somme d’argent liquide. Quant à la prestation de gestion de
monnaies électroniques, elle est composée de quatre types d’opérations : l’approvisionnement
du support, le retrait, le transfert et le stockage de monnaies électroniques. Ces quatre types
d’opérations sont matérialisées par l’existence de comptes mobile-money mis en place par les
OTM au profit de leurs clients. Avec ces comptes, les clients peuvent non seulement effectuer
des dépôts199, mais aussi des retraits en liquide200 et accessoirement procéder à un transfert
entre compte de mobile-money. Tous ces critères permettent donc de classifier juridiquement
l’activité de mobile-money dans la catégorie des opérations de monnaie électronique. Il est à
préciser ici néanmoins, que le compte de monnaie électronique en question ne correspond pas
au compte de dépôt prévu par la loi bancaire. Le compte matérialise juste la valeur en
monnaie électronique ou en valeur monétique à la disposition du client, et que celui-ci peut
utiliser.
B - Le statut juridique des opérateurs de téléphonie mobile
1 - Le statut juridique d’intermédiaire en opération de banque
Les OTM, dans le cadre de leurs activités normales ont la qualité de prestataires de
service en télécommunication, qui découle d’une licence de télécommunication qui leur est
octroyé préalablement à l’exercice de cette activité201. Cependant dans le cadre de leurs
activités financières, ils ne peuvent user de ce statut. Donc pour exercer une activité
financière, les OTM doivent user d’un autre statut juridique. Ce que n’ont pas prévu
expressément les textes en vigueur. Néanmoins, la pratique pourrait permettre d’attribuer un
autre statut juridique aux OTM, et ce en fonction des formes d’intermédiations financières
préexistantes. C’est ainsi que la qualité d’intermédiaire en opération de banque ou IOB leur
est applicable sous certaines circonstances.
199 Le mot dépôt ici correspond à une opération de stockage et non dépôt au sens de la loi bancaire. 200 Il en est ainsi notamment des comptes de mobile-monney reliés directement aux comptes bancaires des utilisateurs. 201L’activité de prestataire de service en télécommunication est régie à Madagascar par la loi n°2005-023 du 17 Octobre 2005, portant réforme institutionnelle du secteur des institutionnelle du secteur des institutionnelle du secteur des institutionnelle du secteur des télécommunications ; texte applicable aux OTM malagasy.
89
En effet, si l’on se réfère à la pratique, la majorité des OTM pour ne pas dire
l’ensemble dans le cadre de leurs activités financières oeuvrent étroitement avec des banques
de la place. S’il ne faut seulement citer comme exemple le cas de l’opérateur téléphonique
Telma qui est lié à la banque BFV-SG par un contrat de mandat dans l’exercice de ses
activités de mobile-money, ou encore le cas d’Orange Madagascar et de la banque BMOI qui
font de même202. L’existence d’un contrat de mandat entre certaines banques de la place et les
OTM, permet de présumer donc que ces derniers exercent entant qu’intermédiaires financiers
dans le cadre de leurs activités de mobile-money. Ce qui permet de leur attribuer le statut
juridique d’intermédiaire en opération de banque (IOB). L’article 62, alinéa 2 de la loi
bancaire malagasy estime en effet que : « Est intermédiaire en opérations de banque
quiconque, à titre de profession habituelle, met en rapport, sans se porter ducroire, les parties
intéressées à une opération de banque dont l’une au moins est un établissement de crédit ». Ce
qui fait donc que l’OTM intermédiaire en opération de banque opère pour le compte de la
banque, et que sa principale mission entant que mandataire est donc de rechercher des
potentiels clients pour son mandant203.
La reconnaissance du statut d’IOB aux OTM dans le cadre de leurs opérations
financières, conduit donc à soulever trois situations qui ne sont pas toujours en faveur de
ceux-ci204. Primo, tous les clients de l’OTM disposent de comptes (au moins de paiement)
dans les livres de la banque. Secundo, toutes les opérations doivent être enregistrées dans les
livres de la banque. Et tertio, la base de données clientèles est la propriété de la banque, et non
celle de l’OTM qui ne peut pas de toute manière exploiter une base de données couvertes par
le secret professionnel bancaire. De cela on peut donc dire que même si l’OTM maîtrise la
solution technologique et la relation clientèle, il n’est pas imaginable que celui-ci dispose
d’un fonds de commerce bancaire qui lui soit propre. Cela notamment du fait qu’entant que
mandataire, c’est un préposé d’une banque et agit donc de ce fait en son nom et pour son
compte. Et d’un point de vue réglementaire, l’OTM ne dispose pas de l’agrément nécessaire
pour mener à son nom de telles activités financières, c’est en vertu de l’agrément de la banque
mandante qu’il pourra agir. Le seul avantage ici c’est que dans le cadre de la relation
clientèle, les éventuelles fautes de l’OTM seront couvertes par la banque. Néanmoins, pour
202Tableau représentant les autorisations délivrées par la CSBF, disponible sur le site : www.banque-centrale.mg 203 Cf. Annexe I, schéma 1 204 Laurent LHERIAU, le Droit et la technologie au service de la bancarisation : focus sur la banque à distance, TFD 100, septembre 2010, p.31
90
jouir d’une réelle autonomie dans leurs activités financières, ces OTM peuvent opter pour le
statut juridique d’établissement de monnaie électronique.
2 - Le statut juridique d’établissements de monnaies électroniques
Le concept de monnaie électronique est assez récent dans le paysage juridico-
malagasy. En effet c’est par l’adoption en décembre 2016 de la loi n° 2016-056 que ce
concept a fait surface205. Cette même loi définit en son article 11, les établissements de
monnaie électronique comme toute personne morale agréée par la CSBF pour effectuer des
opérations de monnaie électronique.
De cette définition, on peut donc dire avant tout, que seules les personnes morales
peuvent exercer entant qu’établissement de monnaie électronique. Ce qui implique donc la
création d’une personne morale de Droit privé légalement formée, ayant accompli les
formalités inhérentes à la procédure préalable d’enregistrement au registre du commerce et
des sociétés. Ce qui permet aux OTM qui sont par nature des personnes morales de Droit
privé d’exercer entant qu’établissement de monnaie électronique. Néanmoins la loi n°2016-
056, exige la création d’une filiale dotée d’une personnalité distincte de celle de l’entité
préexistante désirant exercer des activités de monnaies électroniques (article 23). Ce qui
implique donc pour l’OTM, de créer en son sein une filiale spécialisée dans les transactions
en monnaie électronique, indépendante des autres branches d’activités. Cette filiale doit être
constituée sous la forme d’une société anonyme (SA)206. Ensuite pour pouvoir exercer entant
qu’établissement de monnaie électronique, la demande d’agrément est un préalable
nécessaire. Cela démontre donc l’existence d’une autorisation propre aux établissements de
monnaie électronique pour pouvoir exercer de telles activités financières et ce
indépendamment de l’agrément bancaire. Nous verrons en détail au fur et à mesure de nos
développements, les conditions préalables à l’octroi de cet agrément.
L’avantage pour les OTM de choisir le statut d’établissement de monnaie électronique
au lieu de collaborer avec les banques entant qu’IOB, réside dans le fait que ceux-ci dispose
d’une autonomie totale dans leurs activités de monnaies électroniques207. Non seulement du
fait qu’ils maîtrisent la relation clientèle et la solution technologique, mais aussi disposent 205 Loi n°2016-056 sur la monnaie électronique et les établissements de monnaie électronique 206Article 24 de la loi n°2016-056 sur la monnaie électronique te les établissements de monnaie électronique 207 Cf. Annexe I, schéma 2
91
d’une autonomie au niveau de l’habilitation réglementaire208. Car n’est plus obligé de recourir
à l’agrément d’une banque pour exercer une activité financière. Néanmoins les banques jouent
encore un rôle dans la réception des fonds consentis par le public. En raison notamment du
monopole instauré par la loi bancaire, les établissements de monnaies électroniques ne
peuvent détenir des fonds du public à titre de dépôt. C’est pour cela que la loi sur la monnaie
électronique en son article 79, impose l’ouverture de compte à vue dénommé compte global
auprès de plusieurs banques territoriales, pour déposer les fonds reçus des clients.
208 Laurent LHERIAU, le Droit et la technologie au service de la bancarisation : focus sur la banque à distance, TFD, n°100, septembre 2010, p.26
92
§2- Le cadre réglementaire applicable à l’activité
Le cadre réglementaire concerne surtout les procédures légales préalables à effectuer
par les OTM avant d’exercer leurs activités. Car pour pouvoir exercer, ceux-ci doivent obtenir
une autorisation préalable de l’autorité prudentielle, d’où l’importance de l’agrément. Ce qui
impliquera dans ce paragraphe de voir l’importance de l’agrément dans le cadre des
opérations de monnaie électroniques (A) avant de voir les procédures nécessaires à son
obtention (B).
A-La nécessité d’un agrément
1 - L’agrément requis pour les opérateurs de téléphonie mobile
Toutes activités financières pour pouvoir être exercé, doivent se conformer à la
réglementation financière. Ce qui implique une autorisation préalable des autorités Étatiques,
représentées le plus souvent par une autorité de contrôle. Pour le cas de Madagascar, cette
autorisation est octroyée par la commission de supervision bancaire et financière (CSBF). Les
OTM exerçant une activité financière par le biais des opérations de monnaies électroniques
qu’ils effectuent, sont donc de droit assujetties à cette procédure. Néanmoins, la nature de
l’agrément dépend avant tout du statut juridique choisi par les opérateurs de téléphonie
mobile, dans le cadre de leurs activités financières.
En effet, pour les OTM exerçant à titre d’intermédiaire en opération de banque
l’agrément en vue de l’exercice d’une opération de monnaie électronique n’est pas requise.
Car l’OTM dans cette situation met juste les clients en relation avec sa banque mandante en
vue de la conclusion d’une opération financière209. Ce qui fait que l’autorisation de l’autorité
de supervision est juste requise pour valider le contrat de mandat conclu entre l’OTM et la
banque, pour ces types d’opérations. C’est l’agrément de la banque octroyé en qualité
d’établissement de crédit qui va donc jouer dans cette situation, étant donné que l’OTM n’est
qu’un simple mandataire de celle-ci. On assiste donc à une transposition ou une adaptation de
l’agrément bancaire aux opérations de monnaies électroniques. Néanmoins, pour pouvoir
exercer avec leurs agréments, les banques doivent néanmoins en aviser préalablement la
209Laurent LHERIAU, le Droit et la technologie au service de la bancarisation : focus sur la banque à distance, TFD 100, septembre 2010, p.29
93
CSBF. Comme le précise l’article 34 de la loi n°2016-056 : « Sous réserve des dispositions de
l’article 36, les établissements de crédit régis par la loi bancaire peuvent, par leurs agréments,
exercer les opérations de monnaies électroniques sur autorisation préalable de la CSBF ». Et
donc c’est à travers de l’agrément de sa banque mandante que l’OTM va exercer ses
opérations de monnaie électronique.
Par contre dans le cas des OTM agissant en qualité d’établissement de monnaie
électronique ou EME, l’agrément sera requis à titre principal. En effet, à la différence de
l’OTM intermédiaire en opération de banque qui est régi par la loi bancaire, l’EME n’est plus
un intermédiaire financier. Ce qui implique pour cette dernière d’être agréé par l’autorité de
contrôle avant le démarrage de son activité d’émission de monnaie électronique210. Cela
s’explique notamment par le fait que la qualité d’EME a été prévue spécialement pour les
entités financières voulant exercer à titre indépendant des opérations liées aux monnaies
électroniques. C’est pourquoi la nouvelle loi malagasy sur les monnaies électroniques, a tenue
à ce que les IOB exerçant dans le domaine, se transforment en EME pour exercer l’activité de
monnaie électronique pour leur propre compte211.
2 - L’agrément des agents de distribution de monnaie élecronique
Dans le processus de distribution de monnaies électroniques, l’agent distributeur est
celui qui est en contact avec l’utilisateur final des monnaies électroniques. Comme le définit
la législation de la CEMAC sur les établissements de monnaie électronique : « Un
établissement distributeur de monnaie électronique est un établissement offrant au porteur ou
titulaire de l’instrument électronique un service de chargement, de rechargement ou
d’encaissement en exécution d’un contrat conclu avec un établissement émetteur »212. De
cette définition, on peut donc dire que les agents distributeurs sont ceux qui agissent au nom
des OTM en vertu d’un contrat de mandat, et qui sont en relation directe avec les clients.
C’est à travers ceux-ci que les utilisateurs effectuent leurs transactions en monnaies
électroniques, les transferts, le chargement des comptes de mobile money et l’encaissement.
210 Article 33 de la loi malagasy n°2016-056 sur la monnaie électronique et les établissements de monnaie électronique/ l’article 8 de l’instruction n°008-05-2015 del’union monétaire ouest africaine (UMOA) sur la monnaie électronique va également en ce sens. 211 Article 122 de la loi n°2016-056 212Article 1er du règlement COBAC R-2005/02 relatif aux établissements de monnaie électronique
94
Ces distributeurs sont des vendeurs de détails, des boutiquiers, des vendeurs de
solutions téléphoniques prépayées et même des stations services213. Ce sont dans le cas de
Madagascar, les cash point ou encore les détaillants grossistes, leur dénomination varie en
fonction des OTM émetteurs de monnaies électroniques. Ce qui prouve que ces distributeurs
jouent un rôle important dans la circulation des monnaies électroniques. Impliquant leurs
encadrements par les autorités prudentielles.
Comme le prévoit la nouvelle loi malagasy sur la monnaie électronique et les
établissements de monnaie électronique, ces distributeurs sont soumis au contrôle de la CSBF.
Néanmoins, ce n’est pas un agrément comme celui des établissements émetteurs de monnaies
électroniques. En effet, l’établissement de monnaie électronique est tenu avant toute relation
avec ses agents de distribution, de soumettre à la CSBF pour validation un contrat de mandat
type214. Ce qui permet à l’autorité de contrôle de déterminer si le critère de sélection de ces
distributeurs est favorable à la sécurité des utilisateurs, ce qui constitue une bonne chose en
soi. Car avant l’adoption de la loi n°2016-056, la situation juridique de ces distributeurs
n’était pas assez claire. D’abord sur leurs statuts juridiques, étant donné que la plupart des
émetteurs de monnaies électroniques (les OTM) étaient des IOB, on ne savait pas comment
les classifier juridiquement. Des pistes de réflexions mènent à l’hypothèse que le réseau des
détaillants constituaient des « sous-IOB », c’est-à-dire IOB au regard du droit bancaire mais
sous-traitant de l’IOB « principal »215. Ce qui en fait un sous-mandataire216 des banques
mandantes des OTM. Laissant ainsi aux banques et aux OTM la détermination des critères de
sélections de ces distributeurs, sans que les autorités de contrôle n’interviennent. Ce qui
pouvait poser problème au niveau de la sécurité des utilisateurs.
213Laurent LHERIAU, le Droit et la technologie au service de la bancarisation : focus sur la banque à distance, TFD, n° 100, septembre 2010, p.33 214Article 30 Al 2 de la loi n°2016-056 215 Laurent LHERIAU, Op.cit, p.33 216Situation juridique qui reste encore un sujet à discussion, mais qui semble néanmoins être reconnu par la loi et la jurisprudence, cf. article 1994 C. civ et Civ. 1ère , 16 mai 2006
95
B - Les procédures nécessaires à l’obtention de l’agrément
1 - L’existence préalable d’une procédure de contrôle par l’autorité de supervision
Comme on a pu le voir au cours de nos précédents développements, la plupart des
activités financières pour pouvoir être exercées librement doivent pouvoir faire l’objet d’une
autorisation préalable des autorités Étatiques. Les activités de mobile money n’en constituent
pas une exception. Car pour pourvoir exercer leurs activités financières, les OTM doivent
obtenir préalablement un agrément de l’autorité de supervision financière. Cet agrément est
octroyé à Madagascar par la CSBF. Cette procédure d’agrément dans le cas des OTM, est
actuellement régie par la loi n°2016-056, sur la monnaie électronique et les établissements de
monnaie électronique.
Cette procédure de contrôle implique avant tout pour le promoteur de formuler une
demande d’agrément, matérialisée par le dépôt d’un dossier de demande d’agrément auprès de
l’autorité de supervision. Ce qui implique aussi pour celui-ci, de payer des frais de dossier non
remboursable contre la remise d’un accusé de réception ou d’une quittance217. Dans le cas
Malagasy, les pièces nécessaires au dossier seront déterminées par la CSBF. Vient ensuite la
phase d’instruction du dossier par l’autorité de supervision. Cela consiste en une vérification
de la situation à la lumière des lois et des règlements en vigueur, et qui régissent le domaine
d’activité. L’un des critères les plus importants, concerne notamment la situation financière
du demandeur. En effet, pour pouvoir espérer exercer des opérations de monnaies
électroniques, le demandeur doit disposer préalablement de garanties financières. c’est
notamment l’exigence d’un capital minimum, comme le précise la loi n°2016-056 en son
article 26 : « l’établissement de monnaie électronique s’assure de disposer au jourde sa
constitution d'un capital social libéré dont le montant minimum est fixé par décret pris sur
proposition de la CSBF ». Ce qui implique donc pour les sociétés, que leur capital social soit
totalement souscrit et entièrement libéré en numéraire, avant l’octroi de l’agrément.
Pour les pays de l’UEMOA ce capital minimum a été fixé à trois cents millions de FCFA218.
Tandis que pour la France, capital minimum requis pour les EME est d’un million d’euros219.
217Article 33 Al2 de la loi n°2016-056 218 Article 11 de l’ instruction n°008-05-2015 régissant les conditions et modalités d’exercice des activités des émetteurs de monnaie électronique dans les Etats membres de l’union monétaire ouest africaine (UMOA)
96
2 - La décision d’agrément à proprement dite
À l’issue de la procédure d’instruction du dossier qui peut durer quelques mois220,
l’autorité de supervision doit aviser le demandeur de sa décision. Dans le cas de Madagascar,
la CSBF dispose d’un délai supplémentaire d’un mois à compter de la clôture de l’instruction
pour statuer. C’est seulement après cela que la décision d’agrément sera notifiée au
demandeur. Cette décision peut consister soit en un refus d’agrément soit en une décision
d’octroi. Il est à préciser ici néanmoins, que cette décision d’agrément peut être assortie de
conditions suspensives. Si la condition n’est pas satisfaite par le demandeur dans un délai
imparti par l’autorité de supervision ou qu’aucune demande de prorogation n’est formulée
avant le terme de ce délai, la décision devient caduque221. Il est également à préciser, qu’en
cas de refus d’agrément, le promoteur qui envisage de maintenir son projet, est tenu de
présenter une nouvelle demande avec de nouveaux éléments régularisant les motifs du refus
d’agrément222.
L’octroi de l’agrément au profit du demandeur ne veut pas dire pour autant que le
contrôle de l’autorité de supervision prend fin à ce stade. En effet, la menace d’un retrait de
l’agrément plane encore au-dessus du demandeur agréé. Pour ce faire, celui-ci doit encore
satisfaire à certaines exigences et notamment à certaines normes d’établissements. Cela
concerne avant tout les normes réglementaires, se rapportant surtout à l’exigence d’une
gestion administratives, comptables et financières saines ainsi qu’à l’existence de procédures
de contrôle interne adéquates. Ce qui impliquera pour le bénéficiaire de l’agrément, de mettre
en place en son sein un organe d’audit interne et de faire appel à des commissaires aux
comptes. Il y a ensuite les normes prudentielles à respecter, qui consistent pour le bénéficiaire
à s’assurer qu’il dispose à tout moment de fonds propres supérieurs au capital minimum qui
lui est imparti. Cela notamment en vue de garantir sa liquidité, sa solvabilité et l'équilibre de
sa structure financière ainsi que la protection des fonds des utilisateurs. Ces normes
réglementaires et prudentielles sont enfin complétées par une procédure de contrôle externe
effectuée par l’autorité de supervision, impliquant une déclaration périodique sur la situation
interne du bénéficiaire et une obligation d’information au profit de toutes autorités habilitées.
219Laurent LHERIAU, le Droit et la technologie au service de la bancarisation : focus sur la banque à distance, TFD 100, septembre 2010, p.35 220Qui est notamment de 6 mois à compter de la réception du dossier dans le cas de Madagascar et dans le cas des pays de l’UEMOA ce délai est de 3 mois. Ce qui démontre que la procédure d’octroi est assez longe et assez compliqué à Madagascar. 221Articles 41 et 42 de la loi n°2016-056 222Article 39 de la même loi
97
Section II : les principaux enjeux liés à l’activité de mobile money
Les principaux enjeux liés à l’exercice de l’activité de mobile money s’analysent avant
tout au niveau de la protection des utilisateurs de ces services financiers (§1), et ensuite au
niveau des enjeux d’ordre juridiques inhérentes à l’exercice de l’activité de mobile money
(§2).
§1- Les questions liées à la protection des consommateurs
La protection des consommateurs de ces services de mobile money passe avant tout par
l’existence de mécanismes contractuels de protection des consommateurs, surtout vis-à-vis du
prestataire de service. Ensuite, des mesures de protections doivent être conçus en raison des
risques particuliers qu’encourent les utilisateurs du fait de l’activité elle-même. Ce qui
impliquera donc dans ce chapitre, de porter préalablement notre analyse sur les obligations
contractuelles de l’OTM dans le cadre de leurs activités financières (A), avant d’analyser les
éventuelles obligations professionnelles qui leur incomberaient (B).
A-Les obligations contractuelles des opérateurs de téléphonie mobile
1 - Les obligations précontractuelles
Le contrat de mobile-money est un contrat conclu entre un professionnel et un
particulier, dans le sens où les stipulations contractuelles ont été préétablies par l’opérateur de
téléphonie mobile et non discutées par les parties. Ce qui lui donne le caractère d’un contrat
d’adhésion. Le contrat d’adhésion n’est pas discuté, il est rédigé à l’avance par une partie sur
un écrit appelé contrat-type, et l’autre se contente de l’accepter en bloc, ou alors ne contracte
pas223. Ce qui est une situation assez typique des contrats de consommation. C’est le cas du
contrat de mobile money, où la convention conclue entre les utilisateurs et les OTM découlent
d’un contrat-type préétabli par ces derniers. Néanmoins, du fait des éventuels risques que
peuvent encourir ces utilisateurs du fait de l’utilisation de leurs services, les OTM peuvent
être tenu d’une obligation d’information et ce avant la conclusion même du contrat.
223Gérard LEGIER, Droit civil - les obligations, 19 è Éd, Dalloz, Paris, 2008, p.22
98
L’existence d’une obligation d’information de la part des opérateurs dans toutes activités
financières paraît légitime, au sens où la plupart des utilisateurs de leurs services sont
inexpérimentés. Et que pour utiliser ces services financiers, il est nécessaire avant tout accord
de volonté que le client soit informé en détail sur ce en quoi il va s’aventurer en choisissant
ces services et sur les risques éventuels qu’il peut encourir. Cette obligation a été reconnue
longtemps par la jurisprudence, dans le cadre de la relation des banques avec leurs clients224
avant d’être consacrée par la loi. Les services financiers via mobile-money ne devraient pas
faire l’objet d’une exception à cette règle. Comme le prévoit l’article 1369-4 al 1 du code civil
français : « quiconque propose, à titre professionnel, par voie électronique, la fourniture de
biens ou la prestation de services, met à disposition les conditions contractuelles applicables
d'une manière qui permet leur conservation et leur reproduction ». Ce qui impliquera donc
pour les OTM de mettre à la disposition de la clientèle les conditions contractuelles liées à
leurs services de mobile-money, et de même les publier sur leurs sites clientèles si cela est
nécessaire. La nouvelle loi malagasy sur la monnaie électronique, va même plus loin en
énumérant la liste des informations préalable que l’établissement de monnaie électronique
doit énumérer, avant la conclusion de la convention225. Cela notamment en raison du fait que
les activités financières des OTM sont assimilées le plus souvent à des offres de téléphonie
simple, ce qui pourraient induire en erreur le consommateur. Car celui-ci pourrait ne pas
connaître l’étendue des engagements qu’il prend en souscrivant à de tels services.
2 - Les obligations contractuelles à proprement dites
L’objet du contrat de mobile-money comme on a pu le voir au cours de nos précédents
développements, porte sur des opérations de monnaie électronique. Opérations qui
comprennent notamment les services de transfert et de gestion de monnaies électroniques.
Résumant ainsi les prestations que l’OTM doit fournir pour ses clients. Donc la principale
obligation contractuelle de l’opérateur de téléphonie mobile, serait d’assurer l’effectivité de
ces services.
Dans le cas des services de transfert de monnaies électroniques, l’OTM doit s’assurer
que son système de transfert fonctionne en permanence. Ce qui implique pour celui-ci de
s’assurer que le réseau par lequel les informations fonctionnent en permanence et qu’en cas de
224Christian Gavalda et Jean Stoufflet, Droit Bancaire, 2è Éd, Litec, Paris, 1994, p.87 225Article 92 de la loi n°2016-056, sur la monnaie électronique et les établissements de monnaie élctronique
99
panne ou de coupure, il prendrait toutes les mesures nécessaires pour rétablir le service.
L’obligation de l’opérateur de téléphonie mobile peut aussi consister en une organisation de
ses réseaux de détaillants. En effet, celui-ci doit fournir à ses agents de distributions les
formations techniques nécessaires pour que le service soit performant. Il est à préciser que ces
agents distributeurs, dans le schéma de distribution des monnaies électroniques sont ceux qui
sont en contact direct avec les utilisateurs. Ce qui leur permet de recevoir les dépôts, de
valider les transferts et d’échanger les unités monétiques en monnaie ayant cours légal.
Toujours dans le cadre de ces services de transfert, l’OTM doit également assurer la sécurité
des transactions, en mettant en place des dispositifs assurant l’intégrité des plates-formes de
transfert et pour éviter les éventuelles fraudes. Il en est ainsi du vol, en perdant leur téléphone
les utilisateurs perdent également leurs portes monnaies électronique contenant les unités
monétiques. La solution a été pour certains OTM africains, de mettre à la disposition de leurs
clients des lignes téléphoniques d’urgence pour déclarer le vol de leur téléphone portable, en
les encourageant ainsi à rapporter ce genre d’incident le plus rapidement possible pour obtenir
le blocage de toutes les transactions monétaires à partir de l’appareil volé226.
En ce qui concerne le service de gestion des monnaies électroniques, à part les
opérations d’approvisionnement du support et le retrait en monnaie électronique, les OTM
reçoivent également les dépôts des utilisateurs. En effet, certains utilisateurs ont commencé à
se servir de leur argent électronique comme instrument d’épargne227. Ce qui implique donc
pour les opérateurs de téléphonie mobile de mettre en place des dispositifs de traitement et de
sécurisation de ces dépôts. Présumant ainsi la mise à disposition des clients des comptes de
dépôt. L’existence de tels comptes nous amène à imaginer certaine situation juridique.
Notamment en termes de voie d’exécution, où la procédure de saisie est étendue aux comptes
bancaires. Ce qui nous amène à envisager la possibilité d’une saisie-arrêt pratiquée sur les
comptes de mobile-money. Le Code de procédure civile malagasy228, définit la saisie-arrêt
comme étant la procédure permettant au créancier d’intercepter entre les mains d’un tiers
(l’obligé de son débiteur), les sommes d’argents ou les effets immobiliers appartenant à son
débiteur. Si l’on se réfère à cette définition, la saisie-arrêt porte donc sur des sommes
d’argents, ce qui ne correspond pas à la définition des monnaies électroniques, qui sont des
valeurs monétiques dématérialisées représentant leurs valeurs en monnaie fiduciaire. 226 Étude comparative de la CNUCED portant sur : les services monétaires de téléphonie mobile, Suisse, 2012, p.32 227Ibidem, p.33 228Article 652 Al 1 du code de procédure civile malagasy
100
Ce qui est un obstacle à une éventuelle procédure de saisie des comptes de mobile money.
Néanmoins, la nouvelle loi sur la monnaie électronique reconnaît aux créanciers des
utilisateurs, la faculté de pratiquer une procédure de saisie-arrêt sur l’équivalent de la monnaie
électronique détenue par l’utilisateur229. Ce qui semble prêter à confusion, car la loi impose
aux OTM de déposer tous les fonds des clients sur compte global, ce qui ne permet pas
d’individualiser chaque créance.
B - Les obligations professionnelles des opérateurs de téléphonie mobile
1 - Les questions liées à la sécurisation des données personnelles
La question de la protection de la vie privée est l’une des préoccupations dans le cadre
de l’utilisation des nouvelles technologies. C’est ainsi qu’est né avec les nouvelles
technologies de l’information et des télécommunications, le concept de « données
personnelles ». Constitue une donnée personnelle, toute information relative à une personne
physique identifiée ou qui peut être identifiée, directement ou indirectement230. Avec le
développement de l’informatique et des moyens de communication, les préoccupations sur le
détournement des données ont fait surface. Cela a été surtout accentué avec l’intrusion
financière de ces nouvelles technologies, et l’utilisation des TIC comme instrument financier.
En effet, l’enjeu est de taille car il ne s’agit plus seulement de la personne ou de l’honneur des
individus, car le risque encouru porte sur les biens et surtout les avoirs financiers.
Les pratiques financières via téléphone mobile ne font pas exception. Car avec le succès
que rencontrent les OTM, surtout dans les pays en développement, ceux-ci disposent en leurs
possessions des informations personnelles concernant des millions de personnes. Cela
notamment avec la mise en place de système d’identification des utilisateurs et la création de
bases de données clientèles. Ce qui peut constituer un risque pour les utilisateurs des services
de mobile money. En effet, pour pouvoir utiliser les services financiers d’une OTM la phase
d’identification est un préalable nécessaire. Phase par laquelle l’individu doit communiquer
des informations personnelles à l’opérateur. C’est à partir de cela qu’est créé au profit des
clients un numéro d’identification personnel (NIP) qui leur sert à autoriser différentes
229 Article 80 Al 2 de la loi n°2016-056, sur la monnaie électronique 230Article 2 de la loi informatique et libertés, n° 78-17 du 6 janvier 1978 (loi française)
101
transactions231. Ce système d’authentification permet aux OTM d’individualiser chaque client
et de les identifier facilement. Néanmoins, la détention de telles informations par ces
opérateurs téléphoniques peut présenter certains inconvénients, surtout pour les personnes
concernées. Il en est ainsi notamment des cas d’intrusions informatiques que les OTM
pourraient subir, et qui permettront à des individus malintentionnés de s’introduire dans leurs
bases de données clientèle. Ce qui mettra en danger des milliers de personnes, voir des
millions, cela en fonction du nombre des clients de l’OTM.
L’autre danger se rapporte au système d’enregistrement des transactions financières
faites par téléphonie mobile. En effet, comme dans toutes transactions financières, les OTM
disposent d’un registre des transactions faites à partir de leurs services, surtout dans le cadre
des services de paiement. Actuellement,les plates-formes des services monétaires mobiles ne
tiennent essentiellement que des registres électroniques des transactions. Ce système de
l’ « historique » des transactions mobile, peut susciter des inconvénients. Car dans les
paiements par téléphone mobile, les données peuvent comprendre les identifiants du payeur et
du bénéficiaire,l’endroit où ils se trouvent, l’heure de la transaction, les articles achetés et leur
valeur et le montant de la transaction. Si une entreprise pouvait relier ses serveurs au système
de services monétaires mobiles pour capter ce type de données, elle peut aussi s’en servir pour
gérer ses stocks plus efficacement, savoir à quel moment se réapprovisionner232. Ce qui peut
effectivement arriver, car dans le cas par exemple de la nouvelle loi malagasy sur la monnaie
électronique, aucune disposition n’établie clairement qui peut avoir accès à ces historiques.
Ce qui peut être source d’enrichissement sans cause pour certaines entreprises. Néanmoins, la
solution semble se trouver dans le devoir de secret professionnel que la loi impose à certains
corps de métier et qui devrait tout naturellement s’imposer aux OTM.
2 - Le devoir de secret professionnel incombant aux opérateurs de téléphonie mobile
Comme on a pu le voir précédemment, les OTM dans le cadre de leurs activités de
mobile money disposent d’informations personnelles sur ses clients. Ce qui peut nuire à ces
derniers si ces informations venaient à être dévoilé au grand-public. Cette vulnérabilité des
clients, du fait de la mise à disposition volontaire d’informations les concernant au profit de
231 Étude comparative de la CNUCED portant sur : les services monétaires de téléphonie mobile, Suisse, 2012, p.31 232 Étude comparative de la CNUCED portant sur : les services monétaires de téléphonie mobile, Suisse, 2012, p.24
102
l’OTM, impliquerait naturellement pour ce dernier une obligation d’être tenu au secret. Car
comme le dit un auteur : « les professionnels astreints au secret sont donc ceux qui, d’une
part, reçoivent une information à caractère secret confiée par un usager ou client et, d’autre
part, se retrouvent prisonniers de cette confidence dont ils deviennent des gardiens privilégiés
malgré eux »233. Ce qui implique donc pour les OTM un devoir de secret professionnel.
Comme dans le cas des banques, où il a été admis depuis longtemps que le banquier qui reçoit
de sa clientèle et même de tiers, de multiples confidences, est tenu d’un devoir secret de
discrétion234.
L’obligation de secret professionnel peut être défini comme étant l’: « Obligation dont le
respect est sanctionné par la loi pénale, imposant à certains professionnels de taire les
confidences recueillies au cours de l’exercice de leur profession »235. De cette définition, on
peut donc dire que le secret professionnel est avant tout une obligation que la loi impose. En
effet, la divulgation d’une information à caractère secret par une personne qui en est
dépositaire peut être sanctionné pénalement dans certaines circonstances236. Cela notamment,
en raison du fait que la divulgation de ces informations pourrait préjudicier la personne qui en
est concernée. Si l’on se réfère toujours à cette définition, ce devoir au secret s’impose donc à
un professionnel. C'est-à-dire à une personne spécialisée dans un métier ou une profession.
Cela peut notamment s’expliquer par le fait que face à un professionnel les gens auront
toujours tendance à se fier directement à la qualité de la personne, et donneront de ce fait
assez facilement leur confiance. C’est pourquoi l’article 308 du Code pénal malagasy retient
le critère de l’ « état » de la personne détentrice du secret à côté de sa profession ou de sa
fonction. Donc le fait d’agir en professionnel astreint le détenteur d’information, à respecter
ce devoir de secret ou de discrétion. Comme ce qui est le cas des OTM qui sont spécialisés
dans le domaine des opérations de monnaies électroniques et qui reçoivent de ce fait des
informations personnelles sur leurs clients. Dans le cas où le détenteur serait une personne
morale, cette obligation s’impose non seulement aux dirigeants mais aussi aux salariés de
celle-ci.
Le secret professionnel implique que les informations recueillies ne peuvent donc être
divulgué à des tiers. Dans le cas spécifique des banques par exemple, le fait d'être tenu au 233Michel BOUDJEMAÏ, le secret professionnel en action sociale, Dunod, Paris, 2008, p.03 234Christian Gavalda et Jean Stoufflet, Droit Bancaire, 2è Éd, Litec, Paris, 1994, p.83 235Lexique des termes juridiques, 17è Éd, Dalloz, 2010, p.655 236Article 378 du code pénal malagasy et article226-13 du code pénal français
103
secret bancaire commande au dirigeant ou à l'employé d'un établissement de crédit d'opposer
une fin de non-recevoir aux demandes provenant de tiers portant sur une information de
nature confidentielle237. Ce qui implique donc que les informations doivent rester entre la
personne concernée et celui à qui celles-ci ont été confiées. Néanmoins, il peut y avoir
certaines exceptions à cette opposabilité du secret professionnel. Notamment en vertu de la
loi, qui permettrait à certains proches du bénéficiaire du secret (cas de la caution), à certaines
autorités légales comme l’autorité de contrôle en matière bancaire ou financière238, de lever le
secret professionnel. Cela également dans le cadre d’une procédure d’enquête judiciaire
concernant le bénéficiaire du secret.
237Jérôme Lasserre Capdeville, Le secret bancaire - Approches nationale et internationale, Revue Banque, Paris,2013, p.38 238Article 48 de la loi malagasy n°2016-056, sur la monnaie électronique et les établissements de monnaie électronique
104
§2- Les principaux enjeux juridiques liés à l’activité de mobile money
Ce second paragraphe sur les principaux enjeux juridiques se rapportant à l’activité de
mobile monnaie, impliquera d’une part d’envisager l’hypothèse de la faillite de l’OTM (A),
avant de se focaliser sur les enjeux liés à la lutte contre le blanchiment de capitaux et à la
concurrence (B).
A - L’hypothèse de la faillite de l’opérateur de téléphonie mobile 1 - La question de l’ouverture d’une procédure de liquidation
La question de la faillite d’un acteur financier est toujours une situation délicate, par le
fait que plusieurs intérêts sont en jeu. Ce qui concerne non seulement un groupe d’individu
mais aussi au plus haut point l’intérêt général. Ce qui implique donc l’ouverture d’une
procédure de règlement particulière, en parallèle à la procédure de droit commun. Ce qui
devrait s’appliquer à l’encontre des OTM, compte tenu de l’ampleur des intérêts particuliers
en jeu dans le cadre de leurs activités de mobile-money. Impliquant ainsi l’application d’une
procédure de liquidation suivie de près, par les autorités Étatiques en cas de faillites de ceux-
ci.
En effet pour le cas de Madagascar, la procédure de liquidation des biens ouverte à
l’encontre des OTM dans le cadre de leurs opérations financières par téléphonie mobile est
régie par la loi n°2016-056 sur la monnaie électronique et les établissements de monnaies
électroniques239. Cela notamment malgré le fait que de telles procédures sont normalement
régies par la loi n°2003-042 sur les procédures collectives d’apurement du passif. Ce qui
témoigne de l’importance de l’éventualité de l’ouverture d’une procédure collective à
l’encontre d’un OTM, justifiant ainsi l’application d’un texte spécifique pour réglementer sa
procédure de liquidation. La procédure de liquidation est normalement ouverte qu’à la seule
condition que la personne morale en question soit en état de cessation de paiement. À la seule
condition, que le débiteur soit dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son
actif disponible240. Donc elle a surtout pour finalité la réalisation des actifs du débiteur pour
permettre le paiement des créanciers241. Ce qui n’est pas le cas de la procédure de liquidation,
ouverte à l’encontre d’un OTM. En effet, même si celui-ci est in bonis, c'est-à-dire disposant 239Article 66 de la loi n°2016-056, sur la monnaie électronique et les établissements de monnaie électronique 240Article 11 de la loi n°2003-042 du 15 juillet 2004, sur les procédures collectives d’apurement du passif 241Pierre-Michel Le Corre, Droit des entreprises en difficulté, 4 è Ed, Dalloz, Paris, 2011, p.98
105
d’une situation financière stable, il peut être mis en liquidation. Il en est ainsi dans le cas d’un
retrait d’agrément par l’autorité de supervision financière, qui impose tout de suite l’ouverture
d’une procédure à l’encontre du concerné242. Cependant, il faut préciser que le retrait
d’agrément peut certes, résulter d’une constatation de la dégradation de la situation financière
de l’OTM, mais le plus souvent le retrait est fait à titre de sanction. C’est le cas par exemple
de la non réalisation des conditions suspensives à la décision d’agrément dans le délai fixé par
l’autorité de supervision comme on a déjà pu le voir précédemment, ou juste à titre de
sanction disciplinaire. Ce qui fait également le particularisme d’une procédure de liquidation
ouverte à l’encontre d’un OTM, c’est que tout au long de celle-ci, de l’ouverture jusqu’à sa
clôture l’autorité de supervision intervient même si ce n’est qu’à titre consultatif. C’est ainsi
que la nomination du liquidateur est faite sur proposition et requête de la CSBF243. Ce qui
témoigne l’ingérence des autorités Étatiques dans le cadre des procédures concernant les
acteurs financiers.
2 - Le devenir des fonds consentis par les utilisateurs
Le traitement des dépôts consentis par les utilisateurs est l’un des questions primordiales
qui se pose en termes de transactions financières faites par téléphonie mobile. Cela même si
les dépôts faits sur les comptes mobile-money restent encore modeste. Néanmoins avec le
nombre constant de personnes qui choisissent les services financiers par téléphonie mobile,
ces dépôts peuvent prendre des proportions importantes. Ce qui fait que la défaillance des
opérateurs proposant de tels services pourrait mettre en danger les fonds récoltés. Et donc la
faillite des OTM pourrait conduire à la perte des fonds consentis par les clients. Ce qui
impliquerait donc la prise de mesures préventives en vue de la sécurisation de ces fonds
récoltés des utilisateurs de mobile-money.
C’est en ce sens notamment que la nouvelle loi malagasy, sur les monnaies
électroniques, impose ainsi aux établissements de monnaies électroniques (incluant les OTM)
l’ouverture d’un compte à vue dénommé compte global, sur lequel seront déposés les fonds
reçus des utilisateurs244. Cependant une exception est faite pour les établissements de crédit
exerçant une activité de monnaie électronique, et qui peuvent donc détenir une partie des
242Article 65 Al 1 de la loi n°2016-056 243Article 68 Al 1 la loi n°2016-056, sur la monnaie électronique et les établissements de monnaie électronique 244Article 79 Al 1 de la même loi
106
fonds. Cela notamment du fait de leurs statuts d’établissements financiers, leur permettant de
recevoir les fonds du public. Mais le reste doit être déposé dans un compte global. Ce compte
global est tenu séparément des soldes relatifs à toute autre opération au sein de
l’établissement, ce qui permet notamment de dissocier ces fonds de ceux qui proviennent des
autres branches d’activités et des fonds propres de la société. Ce qui fait donc que l’OTM ne
pourra pas utiliser les fonds déposés dans ce compte, ni pour les affaires courantes ni pour une
éventuelle compensation avec d’autres activités en son sein. Néanmoins, le dépôt dans un
compte en banque n’est pas sans risque. En raison notamment des risques financiers normaux
que peuvent subir les banques, tels le risque de crédit ou le risque de liquidités. En effet
comme pour n’importe quel dépôt, les fonds des utilisateurs consentis par l’OTM à une
banque seront mis à la disposition de cette dernière. Et donc en cas de défaillance de la
banque dans ces opérations de placement, les fonds des utilisateurs risquent d’être perdus.
C’est pour cela que la loi de 2016, exige une diversification des dépôts. C'est-à-dire
l’ouverture de compte de dépôts dans plusieurs banques de la place au lieu d’un seul. Cela
notamment dans l’optique d’une division des risques entre les banques dépositaires et surtout
afin de réduire les risques autant que possible, compte tenu du grand nombre d’utilisateurs des
services monétaires mobiles qui pourraient être affectés par de mauvais placements245. Il est à
préciser également, qu’en cas de faillite de l’OTM, ses créanciers personnels ne peuvent
prétendre à la réalisation du compte global représentant les fonds. Ce qui présume
l’aménagement d’un privilège par la loi sur ces sommes, au profit des utilisateurs.
Néanmoins, une question se pose sur le devenir des intérêts produits par les fonds des
utilisateurs de monnaies électroniques déposés dans les banques. En effet, comme toutes
sommes placées sur un compte de dépôt, les fonds déposés par les OTM au sein d’une banque
sont productifs d’intérêts. Tel était le cas de M-pesa au Kenya, dont les dépôts ont généré des
intérêts atteignant les 7,5 millions de dollars en 2011. Ce qui a poussé La Banque centrale du
Kenya à exiger de l’OTM Safaricom qu’elle fasse don des intérêts accumulés à des œuvres de
bienfaisance246. Dans le cas de Madagascar, la loi n’a prévu aucune disposition allant en ce
sens. Ce qui laisse donc à la discrétion des opérateurs téléphoniques de la place, le choix de
l’utilisation des sommes découlant de ces intérêts.
245 Étude comparative de la CNUCED portant sur : les services monétaires de téléphonie mobile, Suisse, 2012, p.33 246 Ibidem. p.34
107
B - Les enjeux liés à la lutte contre le blanchiment de capitaux et à la concurrence
1 - La vulnérabilité du réseau de transaction aux actes de blanchiment de capitaux
Le mobile money étant un moyen de transfert de fonds qui n’est apparu que récemment
à Madagascar, aucun dispositif légal de contrôle des transactions et des flux financiers le
concernant, n’a été encore mis en place. Permettant ainsi à certains individus de s’en servir
comme moyen de blanchiment de fonds provenant d’activités illicites. Le blanchiment de
capitaux peut être défini comme étant le : « fait de faciliter, par tout moyen, la justification
mensongère de l’origine des biens ou des revenus de l’auteur d’un crime ou d’un délit ayant
procuré à celui-ci un profit direct ou indirect, ainsi que d’apporter un concours à une
opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit de l’une de ces
infractions »247. Ce qui consiste en une reconversion des fonds de provenance illicites pour
leur donner un semblant d’origine légale. En effet, la lutte contre le blanchiment de capitaux
et le financement du terrorisme (LBC/FT) constitue un enjeu international. Conduisant ainsi à
la mise en place de normes internationales et une perspective d’harmonisation des législations
nationales sur la LBC/FT. D’où notamment les recommandations et les travaux de la GAFI248.
Le secteur financier est le plus concerné par les infractions liées au blanchiment de
capitaux, car c’est à travers les circuits financiers que les fonds provenant de délits ou de
crimes transitent. Et les services de mobile money ne font pas exception, car avec l’utilisation
des moyens de communication comme instrument financier, les malfaiteurs ont pu trouver un
moyen de convertir facilement les fonds qui proviennent d’activités illicites. Si l’on se réfère à
la pratique actuelle, les services de transfert de fonds proposés par les OTM malagasy sont
favorables aux blanchiments de capitaux. Sur une enquête effectuée auprès d’une OTM
locale, un simple utilisateur peut au minimum effectuer des transactions pouvant aller jusqu’à
10.000.000 d’Ariary par jour et jusqu’à 40.000.000 d’Ariary par mois. Ce qui paraît beaucoup
pour un simple particulier. Pour les entreprises, le maximum autorisé est de 100.000.000
d’Ariary par jour et de 400.000.000 d’Ariary par mois. Ce qui témoigne de l’ampleur des
fonds et des flux financiers transitant par le réseau mobile. Ce qui a permis notamment à un
individu de détourner plus de deux cents millions d’Ariary destinés à la réalisation d’un projet
247Lexique des termes juridiques, 17è Éd, Dalloz, 2010, p.93 248Groupe d’Action Financière
108
de développement rural, avant de les blanchir sur un compte de mobile-money249. La nouvelle
loi sur la monnaie électronique prévoit une section sur le blanchiment de capitaux. Néanmoins
il n’y a pas de dispositions expresses sur la LBC/FT, en ce qui concerne les transactions en
monnaie électronique. Elle impose juste à l’établissement de monnaie électronique la mise en
place d’un dispositif interne de prévention et de lutte contre le blanchiment de capitaux et
renvoie ainsi à la législation compétente. C'est-à-dire à la loi n° 2004-020 du 19 août 2004 sur
le blanchiment, le dépistage, la confiscation et la coopération Internationale en matière de
produits du crime. Il est à préciser ici que cette loi est basée sur une approche basée sur les
types d’activités250, ce qui ne permet pas donc d’appliquer le texte à des pratiques financières
récentes, tel le cas du transfert d’argent par téléphonie mobile. Ce qui impliquerait donc une
réforme de la législation sur la lutte contre le blanchiment de capitaux, qui devrait être plus
orientée vers une approche basée sur les risques. Ce qui impliquerait pour chaque corps de
profession d’identifier et évaluer leurs risques de blanchiment de capitaux et de financement
du terrorisme et à prendre des mesures efficaces pour les atténuer251.
2 - Les questions liés à la concurrence
En ce qui concerne les questions liées à la concurrence, l’activité de mobile money peut
s’analyser sous trois angles. Avant tout au niveau de la relation entre les opérateurs de
téléphonie mobile exerçant la même activité financière. Ensuite au niveau de la relation entre
l’OTM et ses agents de distribution. Et enfin au niveau de la relation entre les OTM et les
autres acteurs financiers, se rapportant surtout à la question de l’ouverture du marché aux
banques traditionnelles. Du point de vue de la réglementation, la nouvelle loi sur la monnaie
électronique ne prévoie pas de dispositions expresses sur les enjeux concurrentiels. Elle
renvoie à la loi n°2005-020, sur la concurrence pour les questions d’ordre concurrentielles.
Si l’on détermine avant tout les questions liées à la concurrence au niveau de la
relation entre les OTM, comme toutes entreprises exerçant sur un même marché elles sont
tenues d’une obligation de loyauté. Ce qui implique notamment pour les OTM de ne pas
s’adonner à des pratiques déloyales, comme le dénigrement, la publicité comparative ou
249Antsa R., 200 millions Ariary détournés par un ex-financier et sa sœur, Journal Midi Madagascar, n°10.021, du 06 août 2016, p.4 250Article 3 de la loi n° 2004-020 du 19 août 2004 sur le blanchiment, le dépistage, la confiscation et la coopération Internationale en matière de produits du crime 251 Recommandations du GAFI,Normes internationales sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et de la prolifération, mise à jour mars 2016, GAFI, Paris, p.11
109
encore le parasitisme252. C’est donc tout agissement déloyal visant à soustraire ou à détourner
la clientèle du concurrent. Ce qui permettra à la victime d’intenter une action en concurrence
déloyale, une action fondée surtout sur la responsabilité civile et qui implique donc une
réparation253.
Concernant la relation entre les OTM et ses agents distributeurs par contre, les
questions liées à la concurrence s’analysent surtout au niveau du contrat les liant. En effet, se
pose la question sur la possibilité pour le distributeur de contracter plusieurs contrats de
mandat en même temps. Ce qui ne convient pas à certains OTM, qui imposent ainsi dans le
contrat une clause d’exclusivité leur interdisant de distribuer les solutions monétiques à
d’autres concurrents. De telles clauses,dans certains pays comme le Sénégal ou le Maroc, ont
été fortement critiquées du fait notamment qu’elles sont restrictives de concurrence.
Favorisant ainsi une augmentation du prix des services254. Dans le cas des OTM malagasy on
ne perçoit pas de telles formes de restriction. Car si l’on se réfère seulement à la pratique,
plusieurs de ces agents distributeurs se consacrent à des services de monnaies électroniques au
profit de plusieurs OTM de la place au lieu d’une seule. Ce qui présume donc l’exécution de
plusieurs contrats de mandat par ceux-ci. Cela fait preuve donc de l’existence d’une
concurrence réelle et loyale entre les OTM de la place. Néanmoins, cela conduit à soupçonner
l’existence d’une entente restrictive de concurrence entre les OTM255. Ce qui nous emmène à
envisager la relation des OTM avec les autres acteurs financiers.
En effet, l’hypothèse d’une concurrence entre les banques et les OTM dans le cadre
des opérations de monnaie électronique est envisagée par certains auteurs256. Cependant la
pratique démontre le contraire. Car les banques accusent certes d’un retard dans les opérations
financières basées sur la téléphonie mobile, mais la mise à disposition par les OTM de leurs
solutions technologiques257 au profit de ceux-ci semble exclure l’existence d’une concurrence.
252Notamment les agissements prévus aux articles 8 à 10 de la loi n°2005-020, du 17 octobre 2005 sur la concurrence 253Patrick CANIN, Droit commercial, 3è Éd, Hachette, Paris,2006, pp.148-154 254Laurent LHERIAU, le Droit et la technologie au service de la bancarisation : focus sur la banque à distance, TFD, n°100, septembre 2010, p.42 255Cass.com. 29 juin 2007 ; traitant d’une affaire d’ entente restrictive de concurrence entre les sociétés Orange France, SFR et Bouygues Télécom. 256Philippe HERLIN, « APPLE, BITCOIN, PAYPAL, GOOGLE : LA FIN DES BANQUES ? Comment la technologie va changer votre argent », Eyrolles, Paris, 2015, p.21 257C’est le cas notamment des OTM malagasy qui sont pour la plupart des intermédiaires en opération de banque. Néanmoins, la nouvelle loi sur la monnaie électronique impose aux OTM l’obligation de se transformer en
110
Du point de vue du Droit de la concurrence, une concurrence réelle suppose l’existence d’un
marché concurrentiel dans lequel s’exerce une confrontation entre les offres portant sur un
même produit ou un même service. C’est le critère même du marché de produit, qui suppose
l’existence de produits et/ou services que le consommateur considère comme
interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l’usage
auquel ils sont destinés258. De cela on peut donc dire, qu’une concurrence réelle implique
qu’aux yeux du consommateur deux produits sur un même marché sont substituables. Ce qui
suppose donc une communauté dans la clientèle visée par les concurrents. Dans le cas des
banques et des OTM, ils peuvent certes proposer un même service financier (les opérations de
monnaies électroniques), mais il y a une différence dans la clientèle ciblée. Car les services
mobiles visent surtout les individus exclus du système financier classique, tandis que les
banques disposent d’une clientèle bien définie. Ce qui démontre donc l’inexistence d’une
concurrence réelle entre ces deux acteurs financiers. Néanmoins la donne pourrait changer en
raison de l’acquisition de la licence bancaire par certains OTM. Tel est ainsi le cas d’Orange
qui a racheté la Groupama Banque en Avril 2016, qui a permis la création d’Orange Bank259.
Un projet qui pourrait donc permettre de concurrencer réellement les banques, du fait du
capital humain de l’OTM qui compte à peu près 100 millions d’usagers en Afrique et de plus
de 80 millions d’Euro de chiffre d’affaires par an, en ce qui concerne seulement l’activité de
mobile money260.
établissement de monnaie électronique dans un délai de 1 an à partir de la promulgation de ladite loi. ce qui semble viser une autonomie des OTM vis-à-vis des banques. 258Marie-Anne Frison-Roche et Marie -Stéphane Payet, Droit de la concurrence, Dalloz, Paris, 2006, p.95 259Emmanuel BOTTA, Orange Bank raflera-t-elle la mise ? In : Le Big Bong des Banques, l’expansion, n°819, du mois de novembre 2016, pp.54-56 260Rémy DARRAS, Mobile Banking un fauteuil pour deux ?, Jeune Afrique, 18è Éd, Hors-série,spécial finance, n°44, pp.86-90
111
CONCLUSION
Tout au long de nos développements on a pu constater que les pratiques financières
informelles constituent un moyen d’inclusion financière, en ce sens où elles permettent aux
exclus du système financier classique de disposer de moyens d’épargne, de crédit et de
paiement adaptés à leurs moyens.
Cela avant tout par l’existence des pratiques financières populaires qui résultent de
l’initiative des exclus eux-mêmes. Les formes de tontines, qu’elles soient individuelles ou
collectives nous ont démontrés que les personnes à faibles revenus pouvaient mettre en place
leurs propres systèmes d’épargne et de crédit. Néanmoins, on a pu soulever que ces pratiques
avaient leurs failles. Surtout en raison du fait que ces pratiques ne sont pas encadrées
légalement, mettant ainsi en danger les participants qui peuvent à tout moment perdre leurs
argents. En effet, ces pratiques ne disposent pas de mécanismes ou de garanties de solvabilités
qui permettent aux membres d’être remboursés, en cas de perte des fonds accumulés ou en cas
d’insolvabilité du tontinier et même des membres eux-mêmes. Car ces pratiques populaires
résultent surtout d’une relation de confiance établie entre les acteurs de ces pratiques
populaires. Ce qui ne suffit pas à protéger les membres de ces tontines contre les éventuels
risques inhérents à la pratique.
C’est pour pallier à la défaillance des pratiques populaires informelles, que cette fois
dans un cadre plus formel, la microfinance intervient. Comme on a pu le voir en effet, les IMF
ont permis aux pauvres de satisfaire leurs besoins de financement. Notamment par l’octroi de
micro-crédits, et ce à des conditions très favorables. C’est cette facilitation de l’octroi de
crédit néanmoins qui pose un inconvénient et qui implique ici à termes une interpellation. Car
les IMF octroient le plus souvent des crédits sans se référer préalablement à la faculté des
bénéficiaires à rembourser. Ce qui conduit à une situation de surendettement des particuliers.
La défaillance du système de microfinance aussi comme on a pu le voir, résulte de la pratique
d’un taux d’intérêt excessif au détriment des bénéficiaires de crédit. Ce qui devrait impliquer
une prise de responsabilité de la part des autorités Étatiques, qui devraient encadrer ce taux
excessif pratiqué par les IMF, et qui s’apparente à des pratiques usuraires. L’autre remarque à
faire ici à termes, se rapporte aux questions liées aux voies d’exécution. Car en effet, comme
on a pu le constater, les IMF la plupart du temps ont recours à des moyens extrajudiciaires
112
pour le recouvrement de leurs créances. Tel le recouvrement amiable qui est emprunt
d’illégalité et qui est appliqué contre des personnes qui ne connaissent pas leurs droits ou qui
ne disposent pas de moyens pour ester en justice, comme on a pu le voir. Ce qui implique
donc une réforme au niveau de la réglementation en vigueur applicable aux activités de la
microfinance.
On a également pu voir au cours de ce travail, que les nouvelles technologies peuvent
être constitutives d’inclusions financières. Dans le sens où l’intrusion financière des nouvelles
technologies a permis de mettre à la disposition des exclus du système financier classique, des
services à moindre coût et qui correspondent à leurs besoins. Cela notamment par l’apparition
de nouvelles formes de pratiques financières, celles qui permettent d’utiliser les réseaux de
communication (tel le réseau mobile ou le réseau Internet), comme instrument financier. Ces
pratiques financières sont aussi marquées par l’apparition de nouveaux acteurs financiers,
comme les plates-formes de financement participatif ou encore les opérateurs de téléphonie
mobile. Qui proposent des solutions technologiques alternatives aux modes de financement
traditionnel. Permettant ainsi aux particuliers de bénéficier de services de paiement et de
transfert de fonds à moindre coût ou encore des moyens de crédit alternatif à celui des
banques, comme l’exemple du crowdfunding. Néanmoins, des inconvénients d’ordre
juridique peuvent découler de l’utilisation de ces pratiques. S’il ne faut seulement parler que
des risques encourus par les utilisateurs de ces services, du fait de l’utilisation de leurs
données personnelles. Ce qui implique donc l’aménagement d’un cadre légal et réglementaire
clair, malgré le fait que les Fin Tech constituent des moyens d’inclusion financière.
L’analyse des pratiques financières basées sur la téléphonie mobile en particulier, nous
a permis de voir la situation financière de Madagascar avec l’intrusion financière des
nouvelles technologies. On a pu en effet constater que Madagascar, dispose de l’arsenal
juridique nécessaire pour faire face à l’émergence de ces nouvelles formes de pratique
financière basées sur les nouvelles technologies. Si l’on se réfère juste à la nouvelle loi de
2016 sur la monnaie électronique et les établissements de monnaies électroniques, les activités
de mobile money semblent actuellement disposer d’un cadre juridique clair. Néanmoins il y a
encore une certaine zone d’ombre qui reste encore à clarifier. Il en est ainsi du devenir des
dépôts des clients des OTM, en ce qui concerne plus particulièrement le devenir des intérêts
qui découlent des fonds des clients en dépôt. Car ni la loi ni les autorités de contrôle ne
semblent répondre à cette question.
113
ANNEXES
ANNEXE I : SCHEMAS DE DISTRIBUTION DES MONNAIES ELECTRONIQUES
VIA TELEPHONE MOBILE
Schéma 1 : l’hypothèse de l’OTM intermédiaire en opération de banque
Source : Laurent LHERIAU, le Droit et la technologie au service de la bancarisation : focus sur la banque à distance, TFD, n° 100, septembre 2010, p.25 C’est la situation dans laquelle l’OTM a le statut juridique d’intermédiaire d’opération de
banque (IOB). Ce qui fait qu’il est lié à un établissement de crédit par un contrat de mandat, et
qu’il opère seulement entant que mandataire. L’OTM ici maîtrise seulement la solution
technologique qu’est la monnaie électronique, mais la clientèle appartient à la banque. Quant
aux agents distributeurs, ce sont ici des sous-mandataires. En ce qui concerne le contrôle de
l’autorité de supervision, il s’exercera directement à l’encontre de la banque mandante et
indirectement à l’encontre des OTM et des agents distributeurs, qui sont ici des IOB.
114
Schéma 2 : l’hypothèse de l’OTM établissement de monnaie électronique
Source : Laurent LHERIAU, le Droit et la technologie au service de la bancarisation : focus sur la banque à distance, TFD, n° 100, septembre 2010, p.27 Dans cette situation, l’OTM a le statut juridique d’établissement de monnaie électronique
(EME). Il dispose dans cette situation d’une autonomie totale dans ses activités de distribution
de monnaies électroniques. Car non seulement il maîtrise la solution technologique, mais la
clientèle aussi lui appartient. La banque ici ne recevra les fonds résultant des opérations qu’à
titre de dépôt, en vertu d’un contrat de dépôt conclu avec l’OTM. Quant aux agents
distributeurs, ils ont ici la qualité de mandataire de l’OTM. Du point de vue de la supervision,
le contrôle de l’autorité de contrôle s’exercera directement à l’encontre de l’OTM et
indirectement vis-à-vis des agents distributeurs. Ce sera donc le schéma de distribution de
monnaie électronique par téléphonie mobile à Madagascar, du fait que la loi n°2016-056 a
imposé aux OTM d’adopter le statut juridique d’EME.
115
ANNEXE II : QUESTIONNAIRE D’ENQUETE SUR LE MOBILE MONEY, FAITE
AUPRES D’UN OTM DE LA PLACE
1- Qu’est ce qui distingue l’activité Mobile banking de celle de mobile paiement ?
2- La souscription à un compte OM fait-elle l’objet d’un contrat distinct du service de téléphone
ordinaire ou font-ils l’objet d’un contrat unique ?
3- Quel est le statut juridique qui vous est applicable dans le cadre de cette activité : Intermédiaire
d’Opération de Banque, établissement de monnaie électronique ou établissement de paiement ?
4- Dans l’exercice de l’activité de mobile banking , êtes- vous soumis au contrôle de la CSBF ou de
l’ARTEC ? Êtes-vous soumis à une demande d’agrément comme les établissements financiers
traditionnels ?
5- Actuellement existe-t-il une loi qui réglemente l’activité de mobile banking et à défaut, quelle
serait la législation applicable ?
6- Dans le cadre des dépôts effectués par les clients, est-ce qu’il a une limite ?c’est-à-dire un
minima ou un maxima ? est-ce que vous êtes soumis au contrôle du SAMIFIN en ce qui concerne
le risque de blanchiment de fonds ?
7- En ce qui concerne les cash points, comment les sélectionnez-vous ? existe-t-il un critère préalable
pour être sélectionné ?
8- En ce qui concerne encore les cash points sont-ils vos mandataires, existe-t-il un contrat de mandat
entre vous ?
9- Les opérations financières que vous pratiquez se limitent-elles seulement à l’une de ces
opérations : transfert, dépôt, épargne ou crédit ou elles les englobent toutes ?
10- En ce qui concerne les fonds reçus des clients et déposés dans un compte de dépôt en banque,
quel est le devenir des intérêts perçus via ces fonds ?
116
117
118
119
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122
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- FALL Papa Oumar, les services de transfert d’argent : approche comparative des
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123
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la coopération Internationale en matière de produits du crime (JO n°2939 du
08.11.04, p.4349)
- Loi n°2005-016 du 27 juillet 2015, relative à l'activité et au contrôle des institutions
de microfinance
- Loi n° 2005-020 du 17 octobre 2005sur la Concurrence, (J.O. 3011 du 23 janvier
2006, p.1016-1028)
- Loi n° 2005-023 DU 17 octobre 2005portant refonte de la loi n°96-034 du 27 janvier
1997 portant Réforme institutionnelle du secteur des Télécommunications
- Loi n° 2006-031 du 24 novembre 2006, fixant le régime juridique de la propriété
foncière privée non titrée
- Loi n°2014-006 du 19 juin 2014, sur la lutte contre la cybercriminalité
- Loi n°2014-024 du 05 novembre 2014, sur les transactions électroniques
- Loi n°2014-025 du 05 novembre 2014, sur la signature électronique
- Loi n°2014-026 du 05 novembre 2014, fixant les principes généraux relatifs à la
dématérialisation des procédures administratives
- Loi n°2014-038 du 16 décembre 2014, sur la protection des données à caractère
personnel
- Loi n°2016-056 du 14 décembre 2016, sur la monnaie électronique et les
établissements de monnaie électronique
- Décret n°98-127du 5 février 1998portant application des dispositions de la loi n°96-
020 du 4 septembre 1996 et de la loi n°95-030 du 22 février 1996 concernant les
institutions financières mutualistes
- Décret n°2006-213 du 21 mars 2006, instituant l’autorité de régulation des
technologies de communication de Madagascar (ARTEC)
- Décret N° 2007- 012 du 09 janvier 2007, fixant les formes juridiques des institutions
de microfinance et les modalités de leur immatriculation au Registre du Commerce et
des sociétés
- Décret n° 2007- 013 du 09 janvier 2007 portant fixation du capital minimum des
établissements de crédit et de la valeur nominale des titres de participation
- Instruction N° 002/2007-CSBF du 11 mai 2007 relative à la licence des institutions de
microfinance de niveau 1
- Instruction n°002/08-CSBF du 11 mai 2007, relative aux normes prudentielles des
institutions de microfinance de niveaux 2 et 3
124
- Instruction n° 007/2007-CSBF du 7 décembre 2007 fixant les structures de
fonctionnement et de contrôle des institutions de microfinance
- Instruction n° 001/2017-CSBF du 31 janvier 2017, relative aux opérations des
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Textes étrangers
- Acte Uniforme de l’OHADA sur le Droit des sûretés, du 15 décembre 2010
- Acte Uniforme de l’OHADA sur les voies d’exécution, du 1er juillet 1998
- COBAC R2005/02, relatif aux établissements de monnaie électronique
- Code Civil Français
- Code monétaire et financier Français
- Code des postes et des communications électroniques Français
- Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948
- Directive 1999/93/CE du parlement européen et du conseil du 13 décembre 1999, sur
un cadre communautaire pour les signatures électroniques
- Loi française n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie
numérique
- Instruction n°008-05-2015 régissant les conditions et modalités d’exercice des
activités des émetteurs de monnaie électronique dans les Etats membres de l’union
monétaire ouest africaine (UMOA)
JURISPRUDENCE - Civ 1ere, 13 Octobre 1982, pourvoi n°81-13.090
- Civ 1ere, 16 mai 2006
- Cour d’appel de Paris, 15 mai 2001
- Cass.com, 02 décembre 1997
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PERIODIQUES
Revues
- CAUSSE Hervé Revue Lexbase, La lettre juridique n 632 du 11 novembre 2015, p.1-5
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- MOULIN Jean-Marc, Banque alternative, finance solidaire, économie sociale et
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JURISCLASSEUR, n°1, Janvier-février 20015, p.97-100
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Articles :
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http://archives.lesechos.fr/archives/cercle/2010/12/10/cercle_32299.htm,Visité le 23 février
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17h30mn
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financiere-sur-la-rentabilite-dune-banque-Ca.html,visité le 11 Avril 2017 à 14h30mn
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madagascar/ visité le 19 Avril 2017 à 09h30mn
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14h56mn
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electronique-aspects-legaux,visité le 24 Avril 2017 à 10h10mn
AUTRES SOURCES
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- hal.archives-ouvertes.fr - www.memoireonline.com
Sources vidéo - Le crowdfunding ou l’économie du partage, Émission FUTURAMAG, du 29 mars
2014, diffusée sur la chaîne télévisé ARTE
- Tontines et Microfinance, Émission Africanités, 24 Octobre 2014, diffusée sur la
chaîne TV5 Monde
127
TABLE DES MATIERES
REMERCIEMENTS ...........................................................................................................................1
LISTE DES ABREVIATIONS ...........................................................................................................2
SOMMAIRE ......................................................................................................................................3
INTRODUCTION ..............................................................................................................................4
TITRE I : LES PRATIQUES FINANCIERES POPULAIRES ............................................................8
CHAPITRE I : LES PRATIQUES FINANCIERES NON REGLEMENTEES.....................................9
Section I : Les facteurs de prolifération de telles pratiques ...........................................................9
§1- Les besoins financiers fondamentaux de la population ......................................................9 A -Les besoins en termes d’épargne ................................................................................. 10
1 - Essai d’une définition juridique de la notion d’épargne ............................................ 10 2 - Les fonctions socio-économiques de l’épargne dans les pays en développement ...... 11
B - Les besoins en termes de crédit ................................................................................... 12 1 - Définition juridique de la notion de crédit ............................................................... 12 2 - Les attentes de la population pauvre en terme de crédit ............................................ 14
§2- L’exclusion bancaire d’une large moitié de la population mondiale ............................ 16 A -La politique commerciale des établissements de crédit ................................................. 16
1 - L’inadaptation des pratiques bancaires d’inspirations occidentales aux pays en développement ............................................................................................................. 16 2 - La politique visant à exclure les clients à risque....................................................... 17
B -Les restrictions à certains droits financiers fondamentaux ............................................ 19 1 - La reconnaissance d’un droit au compte à chaque individu ...................................... 19 2 - La question de la reconnaissance d’un droit au crédit .............................................. 20
Section II : Les pratiques financières informelles proprement dites ............................................ 23
§1-L’éventail des pratiques financières informelles coutumières ........................................... 23 A -Les pratiques individuelles : le recours à un tiers de confiance ..................................... 23
1 - Les tontiniers et banquiers ambulants ...................................................................... 23 2 - L’hypothèse de l’exercice illégale de la profession de banquier par les tontiniers ..... 25
B - Les pratiques collectives à caractère associative .......................................................... 28 1 - La tontine entant que principale pratique collective ................................................. 28 2 - La nature juridique de la tontine .............................................................................. 30
§2- Les risques liés à ces pratiques ....................................................................................... 33 A - L’importance de la confiance au niveau des pratiques financières informelles ............. 33
1 - La condition préalable de l’existence de liens sociaux ............................................. 33 2 - L’importance particulière des liens de confiance dans les pratiques informelles ....... 34
B - L’insécurité liée à ces pratiques .................................................................................. 35
128
1 -La bonne foi des participants entant que seul gage de succès de ces pratiques ........... 35 2 - L’existence d’un risque accru d’abus de confiance .................................................. 36
CHAPITRE II : DE L’INFORMEL VERS LA REGLEMENTATION : LA MICROFINANCE ........ 37
Section I : l’existence d’un Droit de la microfinance indépendant du Droit bancaire classique.... 37
§1- Le particularisme de la microfinance au niveau organisationnel ...................................... 38 A- Une vision générale de l’activité de microfinance ........................................................ 38
1-Les principales missions des institutions de microfinance .......................................... 38 2 - Le cadre réglementaire applicable aux activités de microfinance ............................. 39
B - Le cas spécifique de Madagascar ................................................................................ 41 1 - La situation de la microfinance à Madagascar ......................................................... 41 2 - La situation au niveau de la réglementation de l’activité .......................................... 42
§2- Le particularisme de la microfinance au niveau du régime de contrôle ............................ 44 A -Les risques de faillite................................................................................................... 44
1 - Les contrôles préalables à l’exercice d’une activité de microfinance : l’agrément .... 44 2 - Les procédures de contrôle visant à restreindre les risques de faillite ....................... 45
B - Les taux d’intérêts ...................................................................................................... 47 1 - L’existence de pratiques usuraires ........................................................................... 47 2 - Les justifications de l’application de taux d’intérêt excessif par les IMF .................. 48
Section II : le cadre juridique régissant la relation institution de microfinance-clients ................ 50
§1- L’état des garanties prises dans le cadre des opérations de micro-crédit .......................... 50 A - Les formes de sûretés fréquemment utilisées en termes de micro-crédit ...................... 50
1 - Les sûretés applicables aux crédits individuels ........................................................ 50 2 - Le cas spécifique des crédits solidaires .................................................................... 52
B - Les limites aux sûretés prises par les établissements de microcrédit ............................ 54 1 - Les limites tenant au profil des bénéficiaires du crédit ............................................. 54 2 - Les limites d’ordre administrative ........................................................................... 54
§2- Les voies d’exécutions ................................................................................................... 56 A - Les difficultés rencontrées par l’IMF lors d’une procédure de saisie ........................... 56
1 - Les difficultés liées à la propriété du bien objet de la sûreté ..................................... 56 2 - Les difficultés liées à la lenteur et le coût de la procédure engagée .......................... 57
B - Les solutions alternatives à la procédure judiciaire de saisie ........................................ 58 1 - Les modes de saisies propres aux institutions de microfinance ................................. 58 2 - La question de la légalité de telles pratiques ............................................................ 59
TITRE II : LES PRATIQUES FINANCIERES BASEES SUR LES NOUVELLES TECHNOLOGIES ......................................................................................................................................................... 61
CHAPITRE I : L’INTRUSION FINANCIERE DES NOUVELLES TECHNOLOGIES .................... 62
Section I : Les changements perçus dans le paysage financier du fait de l’intrusion des nouvelles technologies .............................................................................................................................. 62
§1- Des changements résultant de l’apparition de nouvelles formes d’instruments financiers 62
129
A - L’utilisation des NTIC comme instrument financier.................................................... 62 1- L’utilisation des réseaux de communication comme circuit d’échange financier ....... 62 2 - La dématérialisation des échanges et l’apparition de l’e-commerce.......................... 64
B - L’avènement des formes de monnaies dématérialisées et les systèmes de « wallet » .... 65 1 - L’apparition des monnaies électroniques ................................................................. 65 2 - L’apparition des portes monnaies électroniques ou wallet ....................................... 66
§2- Des changements résultant de l’apparition de nouvelles formes de pratiques financières . 68 A -Les pratiques en terme de transfert d’argent ................................................................. 68
1 - La libéralisation des activités financières liées au transfert de fonds......................... 68 2 - Le succès du transfert d’argent par téléphone mobile ............................................... 69
B - L’apparition du financement participatif ou crowdfunding .......................................... 70 1 - Le mode de fonctionnement du financement participatif .......................................... 70 2 - Les acteurs et les enjeux juridiques du financement participatif ............................... 71
Section II : l’appréhension par le droit de cette nouvelle forme de pratique financière ................ 74
§1- Les répercussions de ces pratiques financières sur le Droit .............................................. 74 A -Les réformes perçues au niveau du Droit des contrats .................................................. 74
1 - L’apparition des contrats électroniques.................................................................... 74 2 - Le cas de la signature électronique .......................................................................... 75
B - Les répercussions de ces pratiques sur le Droit pénal .................................................. 77 1 - L’apparition de nouvelles formes d’infractions ........................................................ 77 2 - L’apparition de nouveaux types de délinquants ....................................................... 78
§2- Les transformations au niveau du cadre légal et réglementaire ........................................ 80 A -Les répercussions au niveau législative ........................................................................ 80
1 - Les lacunes des textes législatifs et réglementaires en vigueur ................................. 80 2 - Des réformes législatives résultant des pratiques financières actuelles ..................... 81
B -Les enjeux au niveau du cadre réglementaire ............................................................... 82 1 - L’existence d’une dualité au niveau du contrôle ...................................................... 82 2 - Les innovations en termes de contrôle ..................................................................... 83
CHAPITRE II : LE PARTICULARISME DES TRANSACTIONS FINANCIERES SUR TELEPHONE MOBILE ................................................................................................................... 85
Section I : le cadre juridique et réglementaire applicable à l’activité .......................................... 85
§1- Les questions d’ordre juridique....................................................................................... 85 A -La nature juridique de l’activité ................................................................................... 86
1 - La qualification d’activité de banque ....................................................................... 86 2 - La qualification d’opération de monnaie électronique .............................................. 87
B - Le statut juridique des opérateurs de téléphonie mobile ............................................... 88 1 - Le statut juridique d’intermédiaire en opération de banque ...................................... 88 2 - Le statut juridique d’établissements de monnaies électroniques ............................... 90
§2- Le cadre réglementaire applicable à l’activité ................................................................. 92
130
A-La nécessité d’un agrément .......................................................................................... 92 1 - L’agrément requis pour les opérateurs de téléphonie mobile .................................... 92 2 - L’agrément des agents de distribution de monnaie élecronique ................................ 93
B - Les procédures nécessaires à l’obtention de l’agrément ............................................... 95 1 - L’existence préalable d’une procédure de contrôle par l’autorité de supervision....... 95 2 - La décision d’agrément à proprement dite ............................................................... 96
Section II : les principaux enjeux liés à l’activité de mobile money ............................................ 97
§1- Les questions liées à la protection des consommateurs .................................................... 97 A-Les obligations contractuelles des opérateurs de téléphonie mobile ............................... 97
1 - Les obligations précontractuelles............................................................................. 97 2 - Les obligations contractuelles à proprement dites .................................................... 98
B - Les obligations professionnelles des opérateurs de téléphonie mobile ....................... 100 1 - Les questions liées à la sécurisation des données personnelles ............................... 100 2 - Le devoir de secret professionnel incombant aux opérateurs de téléphonie mobile . 101
§2- Les principaux enjeux juridiques liés à l’activité de mobile money ............................... 104 A - L’hypothèse de la faillite de l’opérateur de téléphonie mobile ................................... 104
1 - La question de l’ouverture d’une procédure de liquidation ..................................... 104 2 - Le devenir des fonds consentis par les utilisateurs ................................................. 105
B - Les enjeux liés à la lutte contre le blanchiment de capitaux et à la concurrence ......... 107 1 - La vulnérabilité du réseau de transaction aux actes de blanchiment de capitaux ..... 107 2 - Les questions liés à la concurrence ........................................................................ 108
CONCLUSION .............................................................................................................................. 111
ANNEXES ..................................................................................................................................... 113
BIBLIOGRAPHIE .......................................................................................................................... 119
TABLE DES MATIERES .............................................................................................................. 127
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