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Dossier thématique de prospective stratégique sur les territoires et les dispositifs Open Data UEV 241 – UE du CS « Innovations Territoriales et Données Numériques » – CNAM
La Smart
Éducation
Richard FORTIN - ric.fortin@free.fr
© CCI / The Art Archive / The Picture Desk - L'école du futur, comme on la voyait en 1910
Sommaire
PRIORITES EDUCATIVES : DE QUOI S’AGIT-IL ? ................................................................................................. 2
L’EDUCATION A L’ECHELLE D’UN TERRITOIRE ? ................................................................................................ 2
QUELS AVENIRS POSSIBLES ? ........................................................................................................................... 3
CONSTRUCTION ET EXPLORATION DES SCENARIOS ......................................................................................... 3
IDENTIFICATION DES DOMAINES ET DES VARIABLES ......................................................................................................... 3 HYPOTHESES D’EVOLUTION ....................................................................................................................................... 5
Contexte éducatif .......................................................................................................................................... 5 Contexte social .............................................................................................................................................. 8 Dimension numérique ................................................................................................................................... 9 L’administration publique ........................................................................................................................... 11 Volonté, finalité et programmes politiques ................................................................................................. 13
DESCRIPTION DES SCENARIOS .................................................................................................................................. 14
CONCLUSION ................................................................................................................................................. 17
ANNEXES ....................................................................................................................................................... 18
Richard FORTIN - étude prospective sur la smart éducation 2/19
Priorités éducatives : de quoi s’agit-il ?
Dans un rapport de mai 2016, et suite à un séminaire regroupant plusieurs professionnels du
monde éducatif, France stratégie a souhaité s’interroger sur quatre questions : Quels
objectifs ? Quels moyens ? Quelles évolutions ? Quelles réformes de gouvernance donner au
système éducatif ? (France Stratégie, 2016). On pourrait rajouter deux autres questions :
pourquoi refondre l’école ? Et pour qui ?
Au cours des quarante dernières années, la France a connu une augmentation continue du
niveau et de la durée des étudesa. Et dans l’enseignement supérieur, les effectifs ont été
multipliés par huit depuis le début des années 1960.
Mais nous le verrons par la suite lors de l’analyse du niveau scolaire des élèves, le constat est
alarmant. Comme le révèlent de nombreux sondages, les français ne sont pas satisfaits de
leur système éducatif. Ils n’ont plus confiance dans l’école de la République et plus
précisément dans ses valeurs portées et transmises. Les écarts de niveaux entre élèves sont
d’autant plus problématiques qu’ils sont étroitement liés aux caractéristiques sociales des
élèvesb. Les enfants d’ouvriers ou d’inactifs forment la moitié des effectifs en lycée
professionnel, contre le tiers dans l’ensemble du second degré (DEPP-MEN, 2009).
Ajoutons d’autres questions. Le virage du numérique éducatif a-t-il été pris correctement ?
avec quels moyens ? et avec quelle gouvernance ? Sur un territoire urbain, quelle place l’école
occupe-t-elle ? Comment les différents acteurs locaux travaillent-ils ensemble pour le bien-
être et l’apprentissage de nos enfants ?
Cette étude prospective démontre les contours des usages du numérique liés aux priorités
éducatives mais s’attache également à développer des avenirs possibles à l’horizon 2025 par
l’exploration de scénarios basés sur des composantes et des variables.
L’éducation à l’échelle d’un territoire ?
À la rentrée scolaire 2014, en France métropolitaine et dans les DOM, l’ensemble du système
éducatif aussi bien public que privé, comprenait plus de 15,4 millions d’élèves, d’étudiants et
d’apprentis. Avec une augmentation de 70 000 de plus qu’à la rentrée précédente1. Le
troisième et dernier degré, à savoir l’enseignement supérieur, qui compose le système
éducatif, est responsable en grande partie de cette hausse. Le premier et le second degrés
connaissent une stagnation depuis les années 1980.
Pour un territoire tel que la ville de Conflans-Sainte-Honorine, commune de 35 000 habitants,
située dans le département des Yvelines, en Île-de-France, le domaine de l’éducation
représente un axe majeur de développement en tant qu’atout d’attractivité du territoire.
C’est également une source de contraintes et de problématiques à gérer quotidiennement.
Le premier degré éducatif se traduit sur la ville par dix écoles maternelles (dont une privée)
1 Sources : MENESR-DEPP et MENESR-DGESIP-DGRI-SIES
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et huit écoles primaires (dont une privée). Le second degré quant à lui, se reflète à travers
trois collèges et deux lycées (professionnel et général). Les cursus d’enseignements
supérieurs ne sont pas représentés sur la ville. Selon les données INSEE de 2013, les 3 – 17
ans représente 20% de la population conflanaise2.
Parallèlement, il convient de constater la transformation inéluctable de la société par le
numérique. Michel Serres en parle à cet égard comme la 3ème révolution anthropologique
majeure de l’histoire de l’humanité. Son émergence n’est plus à démontrer ; il faut à présent
en mesurer les modalités. Impactant de nombreux domaines comme l’économie,
l’environnement, la santé, il est bien évident que l’éducation et l’enseignement ne sont pas
insensibles aux effets du numérique. Pour cause, en moins de dix ans, le numérique a
révolutionné notre accès à l’information. Et qu’est-ce que l’enseignement si ce n’est que de
la transmission de connaissances et de savoirs. Beaucoup de données sont générées dans
l’écosystème éducatif, par les institutions, par les professeurs, mais aussi et surtout, par les
élèves eux-mêmes. Qu’en sera-t-il dans la décennie 2017-2027 ?
Le système éducatif français est clairement touché par la transition numérique – le rapport «
Jules Ferry 3.0 » du conseil national du numérique, les résultats de la consultation nationale
sur le numérique à l’école menée début 2015, le plan numérique gouvernemental, attestent
d’une prise de conscience politique importante et d’un intérêt croissant pour le numérique à
l’école.
La Fondation Internet Nouvelle Génération (FING) a d’ailleurs réalisé un exercice de
prospective très enrichissant, en invitant à imaginer l’école pour tous, à l’ère du numérique
(Routin, Kaplan, & Pouts-Lajus, 2015-2016).
Quels avenirs possibles ? Face à ces constats et ces éléments d’interpellations, pour notre territoire, nous pouvons
établir 3 scénarios d’évolution pour les 10-15 ans à venir :
1. L’école dans la tradition du 21ème siècle (scénario tendanciel)
2. L’école de la dernière chance (scénario redouté)
3. L’école du renouveau (scénario de rupture)
Construction et exploration des scénarios
Identification des domaines et des variables
Le futur n’émergeant pas du néant, pour établir ces scénarios, il faut se doter d’une
représentation de l’existant par le prisme de variables-clés. Pour cela, douze variables ont été
2Données INSEE pour la commune de Conflans-Sainte-Honorine : http://www.insee.fr/fr/themes/tableau_local.asp?ref_id=POP1A&millesime=2013&niveau=1&typgeo=COM&codgeo=78172
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définies, réparties dans cinq grands domaines : le contexte éducatif, le contexte social, la
dimension numérique, l’administration publique, et enfin, la finalité politique.
Dans le premier ensemble éducatif, une première variable concerne le niveau scolaire des
élèves. Donnée parfois difficilement tangible et néanmoins sensible. Une seconde variable est
axée sur la pédagogie retenue et appliquée et ses éventuelles alternatives.
L’éducation intègre exclusivement de l’humain puisqu’il s’agit de transmettre un savoir établi
par l’Homme à d’autres « nouveaux » Hommes. La mesure sociale intègre là aussi deux
variables. Une première très concrète puisqu’il s’agit des données démographiques allant de
l’évolution des populations à la composition des familles. Une second plus subtile s’intéresse
à la relation entre le numérique et les individus ou autrement dit, les usages numériques.
Cette dernière variable est étroitement liée à la troisième catégorie, puisqu’il s’agit de la
dimension numérique. Ici, une première variable s’interroge sur les dispositifs et ressources
basées sur le numérique dédiés à l’apprentissage. Au-delà du cahier, de la craie et du tableau,
quelles sont les nouvelles technologies qui peuvent être utilisées pour dispenser des
enseignements ? Celle-ci peut être mise en corrélation avec la précédente variable
« pédagogie appliquée ». La deuxième variable concerne l’acquisition de nouvelles
compétences qui ont pour domaine le numérique. En plus des matières classiques
enseignées, les étudiants ne sont-ils pas encouragés et même contraints pour leur avenir à
appréhender de nouveaux champs de compétence ? La troisième et dernière variable du
domaine numérique prend en compte le développement des technologies cette fois
appliquées au traitement des données périphériques à l’école. Autrement dit, il s’agit
d’analyser les TIC qui ne concernent pas l’enseignement directement mais plutôt son
environnement : l’ouverture des données liées aux écoles (open data), les flux d’information
financiers, mais aussi pourquoi pas la sécurité des personnes et des bâtiments.
Le domaine suivant regroupe trois variables rattachées au service public dans sa globalité.
Incontournable, le Ministère de l’Éducation National, de l’Enseignement Supérieur et de la
Recherche (MENESR), avec un budget de 88,07Md€ en 2015, est assurément le premier poste
budgétaire de l’État. Le rôle des collectivités territoriales et en l’occurrence la commune de
Conflans-Sainte-Honorine compose la seconde variable. Enfin, il conviendra de s’intéresser
aux autres organismes publics jouant une fonction plus ou moins directe dans l’éducation
comme par exemple les Allocations familiales (CAF) mais aussi les organismes sous tutelle du
MENESR.
Le cinquième et dernier domaine comprend une seule variable majeure. Il s’agit de définir la
volonté et la finalité annoncée des pouvoirs publics au travers de leurs programmes politiques
et plus précisément dans le domaine éducatif. On parlera de gouvernance nationale d’une
part et territoriale d’autre part.
Toutes ces variables réparties en domaines peuvent être représentés schématiquement
ainsi :
Richard FORTIN - étude prospective sur la smart éducation 5/19
Hypothèses d’évolution
À partir du travail de définition établi lors de l’étape précédente, il s’agit à présent déterminer
comment vont évoluer dans l’avenir nos 11 variables, avec pour chacune d’elle, leur tendance
actuelle et les ruptures éventuelles, le tout, basé sur des indicateurs les plus pertinents
possibles. Les conséquences serviront à construire les scénarios présentés précédemment.
Nous allons définir trois niveaux d’évolution possibles :
Un niveau tendanciel (la situation actuelle dans sa continuité) (H1)
Un niveau de rupture intermédiaire (H2)
Un niveau de rupture haut (H3)
Contexte éducatif
Pour le contexte éducatif, et plus précisément le niveau des élèves, il convient de parcourir
les rapports du Haut Conseil de l'Education, organisme consultatif, institué par l'article 14 de
la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école du 23 avril 2005. En effet, celui-
ci rappelle que la politique éducative doit faire l’objet d’une évaluation régulière et élabore
des indicateurs de résultats pour mesurer les acquis des élèves aux moments-clés de leur
scolarité3. Outre les débats avec la LOLF sur la définition de ses indicateurs et leurs
pertinences parfois discutés, il faut retenir que par le décret du 11 juillet 2006, on distingue
des « compétences de base » définissant un socle commun de connaissances4, comme par
exemple la maîtrise de la langue française. Il existe sept domaines évalués. Ces domaines
3 2001, Les indicateurs relatifs aux acquis des élèves : http://www.hce.education.fr/gallery_files/site/21/114.pdf 4 Sources : MENESR : http://cache.media.education.gouv.fr/file/51/3/3513.pdf
Contexte éducatif
Niveau scolaire des élèves
Pédagogie appliquée
Contexte social
Dynamiquesdémographiques
Adoption des TIC -
comportements et réactions
Dimension numérique /
Données
Ressources numériques
pour l'enseignement
Apprentissage de nouvelles compétences (programmation, impression 3D)
Technologies périphériques :
sécurité, transparence (Data,
Objets communicants)
L'administration publique
Education Nationale
Collectivités territoriales
Autres organismes
(CAF, ONISEP)
Volonté / Finalités
Programmes politiques
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étant très génériques, plusieurs rapports insistent sur la difficulté d’évaluation de ces acquis
par les élèves et renvoient vers le dispositif CEDRE. Mis en place par le ministère en 2003, il
s’agit du Cycle des Evaluations Disciplinaires Réalisées sur Echantillon, lequel concerne les
deux moments-clés de la scolarité que sont la fin de l’école primaire et la fin du collège.
En termes de résultat au niveau du collège entre 2003 et 2009, il est mentionné une
dégradation sensible du niveau avec une augmentation de près de 20% des élèves les plus
faibles et une baisse d’environ 30% des éléments les plus fortsc.
Il est également intéressant de prendre en considération les travaux réalisés dans le cadre du
PISA (Programme for International Student Assessment)5, questionnaire international réalisé
tous les trois ans dans les pays de l’OCDE. Comme pour les évaluations CEDRE, il s’agit
d’évaluations-bilans qui reposent sur l’interrogation d’un échantillon représentatif d’élèves.
Un modèle statistique permet ensuite l’élaboration d’une échelle décrivant les compétences.
En voici la conclusion pour la France ; en 2012, le système d’éducation est plus inégalitaire
qu’il ne l’était 9 ans auparavant. En d’autres termes, lorsqu’on appartient à un milieu
défavorisé, on a moins de chance de réussir qu’en 2003. Le score obtenu en mathématiques
par les élèves de 15 ans a diminué de 16 points entre PISA 2003 (511 points) et PISA 2012
(495 points), ce qui, en 9 ans, fait passer la France du groupe des pays dont la performance
est supérieure à la moyenne de l’OCDE au groupe des pays dont la performance est dans la
moyenne de l’OCDE. Cette baisse est en partie plus significative entre 2003 et 2006. Par
rapport aux résultats de 2003, il y a à peu près autant d’élèves très performants (niveau 5 ou
6 de compétence) en France, mais surtout beaucoup plus d’élèves en difficulté (sous le niveau
2 de compétence), ce qui sous-entend que le système s’est dégradé principalement par le bas
entre 2003 et 2012. Et comme le souligne Antoine Prost, « pour ne pas risquer d'être mal
jugés, nous nous sommes retirés de l'enquête internationale sur les mathématiques et les
sciences. Mieux vaut ne pas prendre sa température que de mesurer sa fièvre. » (Prost, 2013)
Il est à noter qu’un délai est nécessaire pour évaluer les effets qu’auront, sur les résultats des
élèves, les réformes engagées au cours de ces dernières années.
La pédagogie pratiquée est notre seconde variable. Pour l’école de la République, cela se
traduit au travers des programmes d’enseignement. En septembre 2015, tout le programme
de l'école maternelle a été repensé6. Cinq domaines (mobiliser le langage | l’activité physique
| les activités artistiques | la structuration de la pensée | l’exploration du monde) constituent
un cycle unique d’apprentissage. Un carnet de suivi est rempli tout au long du cycle et une
synthèse est remise aux parents à l'issue de la scolarité sur les capacités de leur enfant. L’on
peut aisément s’interroger sur cette évaluation « à minima » qui aurait pu être plus
ambitieuse.
En outre, pour la rentrée 2016, c’est l’école élémentaire7 et le collège8 qui vont connaitre une
réforme structurelle majeure avec une nouvelle organisation de l’enseignement. L’objectif
5 2012, Rapport PISA : https://www.oecd.org/pisa/keyfindings/PISA-2012-results-france.pdf 6 MENESR, arrêté du 18-2-2015 : http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=86940 7 BO spécial du 26 novembre 2015 : http://www.education.gouv.fr/cid95812/au-bo-special-du-26-novembre-2015-programmes-d-enseignement-de-l-ecole-elementaire-et-du-college.html 8 Collège unique : http://eduscol.education.fr/cid87584/le-college-2016-questions-reponses.html
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étant d’inscrire dans la continuité un programme pédagogique qui se décompose en trois
phases :
L’apprentissage des fondamentaux (cycle 2, du CP au CE2)
La consolidation (cycle 3, du CM1 à la sixième)
Les approfondissements (cycle 4, de la cinquième à la troisième)
Pour le collège, de nouveaux cycles voient le jour avec un renouvellement des pratiques
pédagogiques et des programmes plus simples et plus lisibles, l’enseignement sera réparti en
trois types : des enseignements communs (22h/semaine), des enseignements pratiques
interdisciplinaires (EPI)(2h/semaine) et de l’accompagnement personnalisé (2h/semaine).
Il aura fallu presque 40 ans pour aboutir à la mise en place de cette réforme ! Mais là aussi, la
place de l’évaluation dans cette nouvelle pédagogie reste à démontrer car même si des
tableaux de progressions sont confirmés, la place et le rôle des parents n’est pas pris en
compte.
De nouveaux courants pédagogiques existent. L’éducation nouvelle apparue au tout début
du XXème siècle en est un bon exemple. Elle prône un apprentissage à partir du réel et favorise
l’expérience personnelle. Au travers de mouvements actifs comme par exemple les écoles
privées ANEN, Montessori ou Decroly, des théories éducatives se distinguent. Rudolf Steiner,
philosophe du début du siècle, est à l’origine des écoles Waldorf où le cursus pédagogique se
décompose en trois phases : jusqu'à 7 ans, le jardin d'enfant, de 7 à 14 ans, le premier cycle,
(les « petites et moyennes classes »), et de 15 à 18 ans, le deuxième cycle (les « grandes
classes »). Il est à noter qu’au niveau de la ville de Conflans, 2016 voit l’installation d’une école
Montessori en centre-ville.
Dans une dimension plus scientifique, beaucoup de travaux de recherche sont en cours sur
l’apport des sciences cognitives dans la compréhension des phénomènes d’apprentissage. « Il
y a une nécessité absolue d'actualiser les apports des praticiens et de s'appuyer sur les
avancées des sciences cognitives particulièrement dans la compréhension des mécanismes
d'apprentissage », explique Florence Robine, directrice générale de l’enseignement scolaire
(Dgesco) au ministère de l’éducation. « Cela doit nous apporter une réduction du poids des
déterminisme sociaux dans l'échec scolaire ». L’académie de Versailles est d’ailleurs la
première a mené des partenariats sur ces questions avec des équipes scientifiques. Il s’agit
de principes simples : la participation active de l’enfant, le retour d’information immédiat, ou
bien l’individualisation.
L’on assiste aussi à de nouveaux modèles comme par exemple l’éducation inversée dont l’un
des plus fervent défenseur est Salman Khan. Le fonctionnement est le suivant : les élèves
reçoivent des cours sous forme de ressources en ligne (en général des vidéos) qu’ils vont
pouvoir regarder chez eux au préalable, et ce qui était auparavant fait à la maison est
désormais fait en classe, d’où l’idée de classe « inversée ». L’objectif est de profiter du temps
libéré en classe pour organiser des activités, des projets de groupe et des échanges qui vont
donner un vrai sens au contenu scolaire.
Pour le contexte éducatif, l’hypothèse tendancielle repose sur la baisse du niveau scolaire
dans sa continuité avec un écart qui continue à se creuser entre les plus forts et les plus
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faibles. De plus, les réformes pédagogiques, longues à mettre en place, sont difficiles à
rapprocher des résultats constatés. Enfin, les indicateurs d’évaluation restent sur des échelles
statistiques avec une vision macroscopique.
Une rupture intermédiaire peut justement être la prise en compte de nouveaux indicateurs
d’apprentissage plus personnalisés et proches des élèves avec une adaptation de la pédagogie
appliquée en fonction des résultats propres à chaque élève. Le programme n’est plus une
suite de connaissance à acquérir en un temps-donné mais devient un parcours éducatif
individuel, évalué continuellement, comme peut l’être un entrainement sportif. L’utilisation
de données massifs (big data) permet une analyse et une réadaptation presque temps réel de
l’apprentissage, comme le démontre le McKinsey Global Institute dans son analyse d’Octobre
2013 qui prévoit un marché d’environ 350 milliards de dollars dans les années à venir juste
sur cet aspect. Un projet Open Data national est lancé pour mesurer la performance des
écoles, collèges et lycées, à l’image de ce qu’a mis en place la ville de Londres9, et propose
aux parents et élèves, une carte enrichie et interactive illustrant l’éducation sur les territoires.
Une première rupture haute peut se présenter ainsi : on assiste un bouleversement total de
l’éducation nationale par un changement fort via un ministre qui prône et instaure le concept
d’éducation inversée au sein de l’école publique. Les académies ont une totale autonomie
pour proposer un panel de pédagogies et de programmes et l’école devient « à la carte » pour
chaque élève. Sur le plan Open Data, l’éducation nationale décide de publier tous les
programmes scolaires sous forme d’API, ce qui permet aux professeurs de valider facilement
les acquis et pour des entreprises privées de cours en ligne, de certifier leurs formations et de
proposer des nouveaux services.
Contexte social
Les données démographiques constituent une variable-clé facilement exploitable. Sur la
commune de Conflans, de 2007 à 2012 la population a augmenté de 1 247 personnes
progressant de 33 888 à 35 13510. Les enfants de 0 à 14 ans ont sensiblement progressé de
0.3% et les 15-29 ans représentent toujours 19% de la population totale. Le déterminisme
social et territorial est prégnant dans la réussite scolaire. Sur Conflans, la répartition des
catégories socioprofessionnelles est très équilibrée : les professions intermédiaires (18%), les
employés (17%) et les cadres et professions intellectuelles supérieures (16%). Enfin, le taux
de pauvreté se situe dans la moyenne du département à 13%.
La deuxième variable, l’adoption du numérique par les populations est plus complexe à
appréhender. Néanmoins, nous pouvons prendre plusieurs indicateurs. Dans l’édition 2015
du baromètre numérique édité par le CRÉDOC (Brice, Croutte, Jauneau-Cottet, & Lautié,
2015), deux chiffres sont à retenir. Le premier, 68% d’internautes se connectent tous les jours
dont 100% chez les 12-17 ans, 18-24ans, élèves ou étudiants. Deuxièmement, 78% des
personnes interrogées estiment que les entreprises ne sont pas en mesure de garantir une
parfaite protection de leurs données personnelles. A noter que les titulaires du baccalauréat
9 London Schools Atlas : http://www.london.gov.uk/webmaps/lsa/ 10 Données INSEE pour la commune de Conflans-Sainte-Honorine : http://www.insee.fr/fr/themes/tableau_local.asp?ref_id=POP&millesime=2012&typgeo=COM&search=78172#infos-connexes
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et les habitants de l’agglomération parisienne sont également légèrement plus confiants au
sujet de la protection de leurs données.
Tous ces chiffres confirment, encore aujourd’hui, cette tendance à une légère progression
tant sur le plan démographique que sur l’appropriation des TIC. C’est l’hypothèse H1.
En rupture intermédiaire, de nouveaux programmes immobiliers sur la commune apportent
une augmentation conséquente du nombre de Conflanais, faisant de Conflans une ville
approchant les 50 000 habitants. Le nombre de 3-18 ans progresse notablement et la
collectivité doit investir dans la rénovation et la construction de nouveaux établissements. En
parallèle, le taux d’équipements numériques et les usages se développent fortement. Les
jeunes générations devenus parents ont toujours connu les outils numériques et en sont de
grands consommateurs exigeants. Il s’agit de l’hypothèse H2.
Enfin, à l’inverse, prenons une crise démographique sur la région parisienne ayant pour cause
une crise économique, écologique ou sociale. Le nombre d’élèves diminuant sur la ville, les
pouvoirs publiques ferment des classes, voir des établissements les laissant peut-être à
l’abandon. De plus, des événements mondiaux de type « hacking de masse » et de fuite de
données personnelles ont conduit à une défiance importante de la part des particuliers envers
les nouvelles technologies. C’est notre hypothèse de rupture haute H3.
Dimension numérique
Les outils numériques constituent une ressource considérable pour le corps enseignant. Il faut
cependant modérer l’engouement souvent perçu par l’opinion publique en décortiquant les
usages locaux. L’on peut distinguer les ressources utilisées en travail préparatoire et celles qui
servent à animer et illustrer les sessions d’enseignement. Si les premières ne sont pas
génératrices de grands bouleversements, les secondes en revanche peuvent changer
totalement la pédagogie. Il est par exemple plus facile à un élève d’appréhender la notion des
contraires par glisser/déposer sur un tableau numérique interactif (TBI) que sur une simple
feuille de papier. Le numérique rime avec ludique. Depuis son lancement en 2000, le site
Internet Éduscol a connu un certain nombre d'évolutions. Aujourd’hui dans sa cinquième
version depuis octobre 2011, le site propose une multitude de mini-sites thématiques. Le site
edutheque.fr quant à lui propose des contenus multimédias et interactifs à utiliser en cours à
l’instar du site PrimTICE. Nous pourrions aussi évoquer m@gistère, la plateforme d’e-learning
du ministère, ou bien Prim à bord, le portail du numérique pour le premier degré, ou bien
encore viaeduc, le réseau social des enseignant, sans parler des différentes plateformes
indépendantes mises en place par les académies. Finalement, on peut s’interroger si ce
foisonnement de ressources n’effraie pas les professeurs non-initiés et ne découragent pas
les plus motivés. En outre, un professionnel de l’éducation doit-il d’abord devenir un expert
du numérique ? Quelle place est donnée à la formation à tous ces outils dans les instituts de
formation des maîtres ? Les trois jours par an actuellement proposés semblent peu au regard
de la technicité requise. Le numérique suscite autant de craintes que d’espoirs, car il remet
en question les pratiques et les modes d’exercice du métier d’enseignant. Ajoutons le réseau
CANOPÉ, placé sous tutelle du ministère de l’éducation, qui initie les ressources pédagogiques
et est l’instigateur de l’innovation et du développement du numérique à l’école. Du côté des
élèves, combien savent que le ministère, via le CNED, propose depuis 2009 des sessions
gratuites de cours interactifs en ligne pour tous les niveaux.
Richard FORTIN - étude prospective sur la smart éducation 10/19
C’est bien un bouleversement dans les modalités de partage de savoirs auquel l’on va assister
demain.
Toutefois, en interrogeant des professionnels de l’éducation à Conflans, mais aussi de la ville
de Grenoble, il transparait des difficultés dans la mise en place de ces outils pour deux
raisons : le manque de temps et l’inégalité dans les moyens déployés. En effet, l’apprentissage
de ces nouveaux outils se fait le plus souvent sur le temps personnel et selon la motivation
de chacun. De plus, la mise à disposition d’outils informatiques incombe aux collectivités
territoriales, les mairies pour les écoles, les départements pour les collèges et les régions pour
les lycées. Il est donc concevable qu’un programme éducatif numérique conçu sur le plan
national soit difficile à retranscrire sur les territoires locaux, et ce, en fonction des richesses
inégales des collectivités.
À l'école, au collège et au lycée, les brevets informatique et internet (B2i) mis en œuvre depuis
2012, permettent d'attester le niveau acquis par les élèves dans la maîtrise des outils
multimédia et de l'internet. Ils permettent aussi de mieux préparer les élèves à un usage
responsable des technologies de l'information et de la communication. Cinq domaines sont
évalués :
o Domaine 1 : s’approprier un environnement informatique de travail ;
o Domaine 2 : adopter une attitude responsable ;
o Domaine 3 : créer, produire, traiter, exploiter des données ;
o Domaine 4 : s'informer, se documenter ;
o Domaine 5 : communiquer, échanger.
Mais de nouvelles compétences peuvent être ajoutées au cursus. L’apprentissage de la
programmation dans les établissements scolaires est aujourd’hui au cœur des réflexions, des
discours et des débats au sein de la communauté éducative. Mendelsohn (1985) parle
d’initiation à la pensée informatique et assimile la situation de programmation à une situation
de résolution de problème. Brennan et Resnick (2012), deux chercheurs du MIT
(Massachusetts Institute of Technology), avancent d’autres intérêts pédagogiques de la
programmation. Selon eux, la découverte et l’apprentissage de la programmation donnent
aux élèves la possibilité d’exprimer leurs idées à travers l’objet de médiation qu’est la
technologie numérique ainsi que de renforcer chez eux l’esprit de collaboration et de
communication. Les applications pédagogiques de la robotique peuvent ainsi développer le
raisonnement scientifique, l’observation ou la formulation d’hypothèses (e.g., Sullivan, 2008).
De même, comment ne pas sensibiliser dès aujourd’hui les plus jeunes aux imprimantes 3D,
outils qui seront considérés comme démocratisés demain ? Apprendre tout au long de la
conception et se confronter aux difficultés en matière de design ou encore de physique : voilà
tout l’intérêt de l’imprimante 3D. La réalisation d’un prototype de vaisseau spatial à
destination de la lune imposera par exemple aux élèves, comme l’explique un article de
EdTechMagazine11, de maitriser toutes les contraintes de l’environnement lunaire et de
prendre en considération le manque d’oxygène tout comme la moindre force
gravitationnelle. Tout un programme en somme.
11 Oct.2014, New Future Takes Shape for 3D Printers in Schools : http://www.edtechmagazine.com/k12/article/2014/10/model-tool
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Dans une troisième variable de la dimension numérique se trouvent les nouvelles
technologies n’ayant aucun lien avec l’éducation mais qui peuvent s’y appliquer. Le
développement des objets communicants dans la société représentait pour l’IDATE en 2010
un marché de 220 milliards de dollars. Que ce soit sur des aspects télémétriques (relevés des
températures des salles de classe, ou gestion automatique des lumières), des usages collectifs
(sécurité des locaux, nuisances sonores) ou bien même individuel (cartable connecté, bracelet
de présence), les dispositifs sont aisément transposables aux écoles. Il faudra cependant de
la part des acteurs publics et de la société en général, à débattre, arbitrer, et fixer des règles
surtout sur la protection des données personnelles. L’ouverture des données dans un
contexte Open Data, peux permettre une transparence des institutions, comme le confirme
le McKinsey Global Institute dans son analyse d’Octobre 201312.
L’hypothèse tendancielle H1 présente finalement une succession de plan gouvernementaux
recommandant les bienfaits du numérique aussi bien pour les enseignants que pour les
élèves. Mais des difficultés économiques et une organisation étatique toujours désordonnée
freinent leur installation sur le territoire. L’arrivée de programmes innovants se fait au
compte-goutte et selon le bon vouloir des acteurs locaux.
Dans une hypothèse H2, seules quelques technologies se déploient sur le plan national
comme par exemple les technologies liées à la sécurité. En effet, depuis les attentats de
janvier 2015, et dans la crainte d’éventuelles prises d’otages, la société met tout en œuvre
pour protéger les écoles. Les collèges et lycées deviennent de vrais bunkers en plus des
portiques d’accès, de la vidéosurveillance, de nouveaux dispositifs techniques viennent
compléter l’arsenal défensif comme des capteurs biométriques par exemple. Un plan national
subventionne ces installations. En outre, le numérique dans les écoles devient une
compétence départementale et n’est plus à la charge des mairies. Un rééquilibrage des
moyens est donc opéré mais cela prend du temps, et ce, sans réelles perspectives d’évolution.
Enfin, l’hypothèse H3 voir le développement massif des nouveaux outils technologiques et
surtout leur appropriation par les utilisateurs permettant ainsi l’adoption de nouvelles
méthodes d’enseignements. Les MOOC (Massive Open Online Course) deviennent la
référence en matière d’apprentissage. Tout ceci n’a pu être possible que par une
recentralisation des moyens. Une liberté totale est laissée à l’innovation et l’expérimentation.
En contrepartie, les écoles et institutions s’engagent à publier toutes les données les
concernant, dans un souci de transparence et bien évidemment d’efficience.
L’administration publique
La loi 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de
l’école de la République inscrit le projet éducatif territorial (PEDT) dans le code de l’éducation.
Il aura fallu attendre 30 ans pour passer d’une logique d’établissement à une logique de
territoire. Le PEDT fait intervenir autour de la table plusieurs acteurs de la communauté
éducative, publics ou privés. Il prend la forme d’un engagement contractuel sur une durée de
3 ans. Sur le territoire Conflanais, il est signé entre 4 acteurs. Le ministère via les académies
qui s’occupe du recrutement des enseignants et leur affectation pour les écoles, collèges et
lycée. La mairie, qui gère le temps péri et extra-scolaire, profondément modifié avec la
12 Oct.2013, McKinsey Global Institute : http://www.mckinsey.com/business-functions/business-technology/our-insights/open-data-unlocking-innovation-and-performance-with-liquid-information
Richard FORTIN - étude prospective sur la smart éducation 12/19
réforme des rythmes scolaires de 2013. Elle a également en charge la gestion des bâtiments
et des équipements nécessaires aux écoles maternelles et élémentaires (entretien,
fournitures). Le département des Yvelines qui fait de même avec les collèges et la région Île-
de-France avec les lycées. Les associations de parents d’élèves donnent leur avis sur certaines
questions. Enfin, la préfecture est aussi signataire du PEDT.
D’autres structures interviennent indirectement dans l’éducation sur un territoire. Les
Allocations familiales (CAF) versent une subvention pour les temps péri et extrascolaire à la
mairie. La CAF joue donc un rôle économique mais également de contrôle car elle demande
une évaluation continue de ses versements. On peut d’ailleurs souligner son dynamisme dans
l’Open data avec sa propre plateforme d’ouverture de données. L'Onisep (office national
d'information sur les enseignements et les professions) est un établissement public
dépendant du ministère. Il guide les jeunes et leur famille dans leur orientation et est de fait
un partenaire incontournable pour les territoires. Sa représentation locale ne peut se faire
que ponctuellement lors de salons d’orientation ou bien par le relais des services jeunesse
des communes par exemple.
Dans une hypothèse tendancielle H1, il faut prendre comme point de départ une
transformation réglementaire importante. Promulguée le 7 août 2015, la loi portant sur la
Nouvelle Organisation Territoriale de la République (NOTRe) confie de nouvelles
compétences aux régions et redéfinit clairement les compétences attribuées à chaque
collectivité territoriale. Mais sur le plan éducatif, peu de changements sont visibles. Seul le
département perd sa compétence « collège » qui se voit transférer logiquement aux régions.
Du côté des écoles, certains élus locaux, profitant d’un vide juridique sur la clause de
compétence générale, décident de transférer la compétence « école » aux
intercommunalités. Ces seuls transfères occupent les services des collectivités pour une
dizaine d’années et le mille-feuille territoriale reste bien présent dans les esprits. On assiste
à une déresponsabilisation des institutions face à la baisse du niveau scolaire et des citoyens
esseulés, incapables d’obtenir des informations sur la performance des établissements.
L’hypothèse suivante H2 se compose justement quant à elle d’une répartition claire des
compétences entre les administrations. Le ministère conserve la gestion du corps enseignant
mais la région se voit transférer la gestion de l’ensemble des établissements scolaires, écoles,
collèges et lycées. Chantier de longue haleine, une péréquation financière est mise en place
pour assurer la continuité. Mais les effets positifs sont visibles rapidement car la région réalise
des économies d’échelle et une équité s’opère sur des territoires auparavant inégaux. A noter
qu’à compter du 1er janvier 2016, 17 régions académiques sont mises en place regroupant les
académies actuelles, maintenues dans leurs limites géographiques. Dans chacune d’elles, un
recteur de région académique est désigné pour garantir l’unité et la cohérence de la parole
de l’État dans les champs de compétences intéressant la région.
Finalement, l’hypothèse de rupture haute h3, voit la recentralisation totale de l’éducation au
niveau du ministère. L’Etat souhaitant reprendre la main, les académies intègrent une partie
du personnel des collectivités et progressivement, gèrent intégralement les lycées, collèges,
puis les écoles. L’opinion publique, favorable à une simplification et aux économies, soutient
ce choix audacieux.
Richard FORTIN - étude prospective sur la smart éducation 13/19
Volonté, finalité et programmes politiques
Il est bien évident que la notion de gouvernance est une notion déterminante en matière
d’éducation et ce, à plusieurs échelles. Comme on l’a souligné précédemment, tout ne se joue
pas sur le plan national et la déclinaison des programmes éducatifs se heurtent parfois à une
réalité de moyens sur le terrain en fonction des financeurs. Un discours politique porté par
un gouvernement mettra en avant le b2i comme un diplôme de réussite pour l’avenir. Mais
comment le garantir concrètement pour une classe de 28 élèves avec 10 ordinateurs ?
Comment se définissent les finalités des politiques éducatives ? De manière plus précise, la
finalité même des savoirs que l’école enseigne demande à être clarifiée : émancipation,
réponse aux besoins économiques de la société, questionnement de ceux qui apprennent,
développement du désir d’apprendre ?
Comme le souligne Philippe Langevin, « la gravité de la situation économique et sociale du
pays invite l’Education nationale à savoir transformer ses méthodes pour passer d’une offre
de formation disciplinaire et fortement encadrée par des programmes et des directives à une
prise en charge des jeunes dans leur globalité » (Langevin, juin 2016).
Une première hypothèse H1 correspond à une volonté politique d’optimisation économique.
Les crises financières depuis 2008 et le contexte économique obligent les gouvernements
successifs à imposer des réductions budgétaires. Le non-remplacement d'un fonctionnaire
sur deux partant à la retraite est généralisé à toutes les administrations publiques. La courbe
du chômage ne faisant que progresser, le programme politique met donc l’accent sur la
professionnalisation des jeunes. Cet objectif conduit à la mise en place des parcours éducatifs
poussant une prédétermination et une orientation le plus tôt possible chez les jeunes. De
plus, le monde de l’entreprise est fortement invité à nouer des contacts avec des candidats
avant même la fin de leurs études.
Une autre gouvernance hypothétique (H2) propose une rupture opposée à l’hypothèse 1. La
reprise de la croissance mondiale entraine un effet modéré sur l’économie française. Le
gouvernement, voulant profiter et accentuer ce dynamisme, engage une politique
volontariste pour ses jeunes. Plutôt que d’« imposer » un parcours professionnel, l’objectif
est de les former à devenir autodidactes. Plaisir d’apprendre, développement du désir de
progresser, confiance dans ses acquis, cartographie de ses connaissances, stratégies de
développement des connaissances tout au long de la vie : tout est fait pour que l'école engage
un rapport au savoir qui se prolonge toute la vie.
Pour finir avec une dernière hypothèse H3 sur un nouvelle vision politique, plusieurs points
entre en ligne de compte. L’Europe a su relever le défi d’une collaboration efficace et
productive entre ses états-membres et une croissance s’opère en résonnance avec la
mondialisation, intégrant le développement durable, l’éthique, mais également la réduction
des inégalités dans ses priorités. Une réforme de fond tend à développer et harmoniser les
prérogatives des pays européens présentant les meilleurs résultats : nombre d’heures
d’enseignements, vacances scolaires, formation des enseignants, relation avec les
entreprises, autant d’idées réformatrices menées conjointement sur toute l’Europe.
Une autonomie accrue de tous les établissements et ce, dans des domaines comme
l’adaptation des programmes scolaires, la collecte de ressources financières annexes, la mise
Richard FORTIN - étude prospective sur la smart éducation 14/19
en place d’expérimentation sur de nouvelles méthodes d’apprentissage ou bien l’acquisition
d’équipements, numériques entre autres. La finalité éducative affichée est l’émancipation
intellectuelle, la liberté de penser tel que l’avait conceptualisé les Lumières. Les systèmes de
classement et de sélection sont bannis mais la transparence est de rigueur.
Pour reprendre toutes ces hypothèses, il est plus simple de les présenter sous forme de
tableau :
H1 H2 H3
Contexte éducatif Appauvrissement du
savoir Equilibre avec
adaptation Renouveau + éveil
Contexte social Stagnation de la
pop. Avec méfiance Augmentation avec forte appropriation
Crise démographique + rejet des TIC
Dimension numérique - données collectées
Outils numériques Sécurité Ouverture, modernité
et transparence
Administration publique Milles feuille territorial -
déresponsabilisation
Répartition claire et équitable
Recentralisation
Programmes politiques / finalités
Optimisation économique -
Intégration professionnelle
Croissance - Adaptabilité
Dynamisme européen-
Émancipation
Description des scénarios
Le premier scénario à être établi est le scénario tendanciel. L’école dans la tradition du
21ème siècle est basé sur les mutations des variables suivantes :
H1 H2 H3
Contexte éducatif Appauvrissement du savoir Equilibre avec
adaptation Renouveau + éveil
Contexte social Stagnation de la pop.
Avec méfiance Augmentation avec forte appropriation
Crise démographique + rejet des TIC
Dimension numérique Outils numériques Sécurité Ouverture, modernité
et transparence
Administration publique
Milles feuille territorial -déresponsabilisation
Répartition claire et équitable
Recentralisation
Finalités politiques Optimisation économique -Intégration professionnelle
Croissance - Adaptabilité
Dynamisme européen- Émancipation
Aux environs de 2025-2030, la population conflanaise à légèrement progressée. La mairie
ayant toujours la gestion des établissements du primaire, elle en a assuré la maintenance, la
rénovation pluriannuelle et les éventuelles mises aux normes mais sans avoir les capacités
d’en faire d’avantage. Par exemple, aucun programme ne peut être initié pour développer les
réseaux intelligents dans les bâtiments (ou smart grids). L’ouverture des données publiques
restent très modérée avec la publication d’une dizaine de jeux de données comme par
Richard FORTIN - étude prospective sur la smart éducation 15/19
exemple le nombre d’élèves par classe. Au niveau des collèges et des lycées, en revanche, des
moyens supplémentaires ont été débloqués et l’accent est mis sur le numérique. Le
développement de l’Open Data permet de connaitre précisément le niveau scolaire de
chaque établissement sur le territoire, mais aussi leurs informations budgétaires. Cependant,
beaucoup de parents regrettent de ne pas pouvoir retrouver ses publications de performance
pour les écoles primaires. Des expérimentations locales permettent à des élèves de bénéficier
de nouvelles pédagogies, notamment sur l’évaluation et l’ajustement du programme en
fonction de leur résultat. La collecte des données éducatives autour de l’apprenant est
encadrée, utilisée à bon escient pour l’adaptabilité de la pédagogie mais peu consolidée à des
fins statistiques. Aussi, l’acquisition de mobiliers comme des chaises mobiles ou des bureaux
modulables permet aux nouvelles générations de professeurs de dispenser des cours
dynamiques et novateurs mais les échanges avec les anciennes générations est souvent
difficile. L’évaluation de l’apprentissage rencontre des difficultés dans sa mise en pratique car
ne disposant que de peu de données « immédiates ». Le ministère restant prudent dans son
engagement. Et pour cause, le programme des élus politiques est avant tout un programme
d’efficience économique. Environ 40% des professeurs partent en retraite sur cette période.
L’opinion publique accepte tous ces changements avec retenu car l’attention est portée sur
la protection des données personnelles d’une part et la stabilité fiscale d’autre part.
Le second scénario, intitulé l’école de la dernière chance, est le scénario redouté.
H1 H2 H3
Contexte éducatif Appauvrissement du savoir Equilibre avec
adaptation Renouveau + éveil
Contexte social Stagnation de la pop. Avec
méfiance Augmentation avec forte appropriation
Crise démographique + rejet des TIC
Dimension numérique Outils numériques Sécurité Ouverture, modernité
et transparence
Administration publique
Milles feuille territorial -déresponsabilisation
Répartition claire et équitable
Recentralisation
Finalités politiques Optimisation économique -Intégration professionnelle
Croissance – Adaptabilité
Dynamisme européen- Émancipation
Aux environs de 2025-2030, la région parisienne connait une crise démographique. Les
campagnes françaises ont rattrapé leur retard sur le numérique, elles offrent des services
réservés auparavant aux grandes villes (5G, fibre optique). Conjointement, rejetant la
surabondance d’objets connectés, la collecte à outrance de de leurs données, et exprimant
une inquiétude pour leur santé, certaines catégories socioprofessionnelles décident de
s’installer en province. De plus, des faits marquants viennent troubler l’optimisme des
ménages (menaces terroristes, tensions mondiales) corroborant ainsi cet exode urbain
(Merlin, 2009). Les pouvoirs publics mettent en avant principalement deux objectifs, la
sécurité des personnes et la réduction des dépenses publiques. Tous les secteurs en sont
impactés. À l’image de l’environnement, de l’industrie ou de la culture, le ministère de
l’éducation revoit ses priorités. Ecoles, collèges, lycées, universités, dans tous ces
établissements recevant du public, le numérique est au service de la sécurité. Contrôle
d’accès, biométrie, capteurs de présence, sont autant de moyens sécuritaires. L’optimisation
Richard FORTIN - étude prospective sur la smart éducation 16/19
économique n’entraine qu’une réduction de moyens car les tentatives de réforme par la
fusion d’institutions éducatives ont entrainé des grèves importantes et bloquantes. La
commune de Conflans n’a plus à gérer l’installation des outils numériques dans les écoles ;
c’est le département qui en a désormais la charge. Ce seul changement de gouvernance
conduit les élus locaux à renvoyer la responsabilité de la baisse du niveau scolaire vers le
ministère et le gouvernement. La collecte d’informations permanente permet à des
algorithmes de définir dès le plus jeune âge, un circuit éducatif personnalisé. Cependant, on
constate que des personnes présentant des difficultés sociales se retrouvent parfois perdues
voir exclues du système. De plus, certains s’inquiètent d’une forme de déterminisme des
individus dans la société. Que penser, quand on sait que les moins de 30ans en 2016 exercent,
au cours de leur vie professionnelle, 13 métiers différents. Une formation dure en moyenne
3 ans, le temps nécessaire pour avoir apparaitre perpétuellement de nouveaux métiers.
Certains vont disparaître ou presque, d’autres vont se développer. Si tant est qu’elle y arrive,
que faut-il a une intelligence artificielle pour prédire l’arrivée d’opportunités originales et des
formations/métiers correspondants ? Enfin, l’on peut également s’interroger sur les leviers
financiers nécessaires à la réalisation de ce scénario.
Notre troisième scénario, l’école du renouveau, combine des facteurs de rupture importants.
H1 H2 H3
Contexte éducatif Appauvrissement du savoir Equilibre avec
adaptation Renouveau + éveil
Contexte social Stagnation de la pop. Avec
méfiance Augmentation avec forte appropriation
Crise démographique + rejet des TIC
Dimension numérique Outils numériques Sécurité Ouverture, modernité
et transparence
Administration publique
Milles feuille territorial -déresponsabilisation
Répartition claire et équitable
Recentralisation
Finalités politiques Optimisation économique -Intégration professionnelle
Croissance - Adaptabilité
Dynamisme européen- Émancipation
Aux environs de 2025-2030, le gouvernement en place, élu sur la doctrine de gouvernement
ouvert (Open Gov), a pris la grande décision de fusionner les trois ministères de l’Éducation,
du Travail, et de l’Économie (dont dépend le Numérique) et d’y inclure la Jeunesse. Il a placé
l’insertion professionnelle comme une de ses priorités. Une véritable synergie s’opère entre
les institutions et les décisions sont prises plus rapidement. Le redécoupage territorial a
clarifié les compétences des collectivités. La transparence de la vie publique contraint les
administrations a publié des référentiels de données identiques sur tout le territoire national.
De plus, une participation des citoyens est en permanence sollicitée. La carte scolaire devient
participative. La population mondiale mais aussi conflanaise est plus importante. Les
générations nées avec le numérique, vivent et l’intègrent quotidiennement dans leur vie. Ils
sont employés, consommateurs, acteurs mais surtout parents. L’encadrement juridique des
TIC les rassure continuellement et ne fait qu’accroitre leur demande dans de nouveaux usages
numériques. Sur le plan éducatif, l’expérimentation de nouvelle pédagogie a produit ses
fruits. Depuis peu, à la demande de parents hyper connectés, l’école inversée est mise en
place. Les élèves suivent certains cours de chez eux. Les sciences cognitives jouent un rôle
Richard FORTIN - étude prospective sur la smart éducation 17/19
essentiel dans l’élaboration des programmes du ministère. Toutefois, cette ouverture et cette
hyperactivité a conduit à un jaillissement d’entreprises commerciales dans le domaine
éducatif, conduisant à des dérives peu scrupuleuses. Le gouvernement a réagi avec la création
de labels éducatifs.
Conclusion Le scénario idéal pourrait être l’école du renouveau au 21ème siècle, à la croisée entre le
premier et le troisième scénario.
Début 2015, une enquête réalisée par BNP Paribas et The Boson Project13 a interrogé plus de
3 200 jeunes de moins de 20 ans (appelé génération Z). À la question « quelles seront les
sources d’apprentissage dans 10 ans ? » seulement 7,5% citent l’école. Derrière ce chiffre,
c’est bien le rôle de l’école qui est défié, dont les promesses d’ascenseur social sont
également remises en cause par la croissance économique limitée et le chômage. Les
diplômes et l’achèvement de l’enseignement obligatoire ne protègent plus du chômage.
L’école doit donc donner plus de sens, expliquer, motiver afin que les savoirs fondamentaux
soient acceptés comme essentiels. « Le défi majeur de l’école est d’apprendre à s’adapter,
d’apprendre à apprendre tout au long de sa vie, d’apprendre à coopérer pour résoudre des
problèmes ». (Jeandron, Juin 2016).
Il n’est pas présomptueux de dire que le système éducatif connait et connaitra des réformes
nécessaires conduisant à une clarification des objectifs, à une définition des moyens, à un
éclaircissement des organisations et à un arbitrage sur les contenus à enseigner. On va
assister à un changement de paradigme important dans l’éducation.
Le rôle que doit relever le numérique dans l’éducation est double. Véritable outil pédagogique
dans les premiers cycles, il devient une discipline à part entière par la suite en apportant de
nouvelles compétences obligatoires pour rendre actifs les citoyens de demain dans une
société en constante évolution.
Les territoires, et en particulier les collectivités locales, doivent donc saisir cette opportunité
de changement qu’est le numérique en continuant à investir de manière innovante et
collaborative. Et ce, malgré même une réorganisation territoriale qui viendrait bouleverser la
répartition des compétences. La mise en place d’outils, au plus près des résultats des élèves,
par une politique d’ouverture des données notamment, conduira à la création de valeur ; une
croissance pour le dynamisme des territoires, une adaptabilité des enseignants dans leur
pédagogie, une évaluation du ministère dans ses programmes, un accompagnement des
parents dans leur choix, et surtout pour les jeunes, un curriculum opérant pour leur avenir
professionnel.
Il reste essentiel que l’école de demain sache se définir comme lieu où les élèves trouvent
réponses à leurs questions subjectives comme à leurs besoins objectifs.
13 https://group.bnpparibas/communique-de-presse/bnp-paribas-boson-project-publient-premiere-etude-generation-grande-invazion
Richard FORTIN - étude prospective sur la smart éducation 18/19
Annexes
a
b
c
Richard FORTIN - étude prospective sur la smart éducation 19/19
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Cusset, P., Garner, H., Harfi, M., Lainé, F., & Marguerit, D. (2015). Jeunes issus de l'immigration : quels
obstacles à leur insertion économique ? La Note d’analyse, France Stratégie.
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2027: http://francestrategie1727.fr/thematiques/quelles-priorites-educatives/
Jeandron, M. (Juin 2016). Directeur du numérique pour l’éducation. Contribution aux travaux de
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Langevin, P. (juin 2016). Passer de l'enseignement à l'éducation. La lettre du cadre territorial, 77.
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l'ère numérique. FING. http://reseau.fing.org/groups/futureduc.
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