le contrôle de gestion
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Guy Quintane, Introduction au contrôle de gestion, année universitaire 2020-2021
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Le cours proposé est, comme son intitulé le précise, une introduction au contrôle de gestion,
une présentation du dispositif. Certains d’entre vous souhaiteront aller plus loin : les sources
documentaires ne manquent pas. On en cite quelques-unes ci-après étant précisé que les
travaux sur la question sont innombrables.
- Le guide pratique du contrôle de gestion dans les services de l’État (Minéfi)
- Guide opérationnel de l’analyse des coûts des programmes et des actions des
politiques publiques (Minéfi)
- M. Gervais, Contrôle de gestion, Economica.
- R. Demeestère, Le contrôle de gestion dans le secteur public, L.G.D.J, coll. Systèmes.
Le cours sera structuré en sept chapitres
- 1. Présentation
- 2. L’introduction du contrôle de gestion dans les administrations
- 3. Le dévoilement de l’activité
- 4. La mise sous objectif(s)
- 5. La mise sous indicateur(s).
- 6. L’analyse, l’explication et le rattachement des coûts.
- 7. La construction de tableaux de bord
En conclusion on dira un mot du rapport entre le contrôle de gestion et le management.
Guy Quintane, Introduction au contrôle de gestion, année universitaire 2020-2021
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1Présentation
La gestion n’est pas seulement la conduite des organisations, fussent-elles aussi sommaires
qu’un ménage, ou aussi sophistiquées qu’une grande entreprise ou un personne publique ; elle
est de fait une telle conduite lorsque celle-ci se fait dans des conditions telles qu’elle puisse
satisfaire à l’efficience desdites organisations et qu’elles mobilisent pour ce faire des
dispositifs plus ou moins sophistiqués.
Le contrôle de gestion est de longue date utilisé par les entreprises privées, du moins
lorsqu’elles possèdent une certaine taille. C’est dans ce cadre que l’on en propose des
définitions dont on rappellera ici celle qu’en donne Michel Gervais dans son manuel de
Contrôle de gestion. Cet auteur écrit que, « le contrôle de gestion est le processus par lequel
les dirigeants s’assurent que les ressources sont obtenues et utilisées avec efficience, efficacité
et pertinence, conformément aux objectifs de l’organisation, et que les actions en cours vont
bien dans le sens de la stratégie définie ».
L’outil qu’il constitue est souvent aujourd’hui, tant dans le secteur privé que dans le secteur
public, désigné par un terme, celui de « pilotage ». On peut ici citer René Demeestère (Le
contrôle de gestion dans le secteur public) qui écrit, « le contrôle de gestion peut être défini
comme étant le pilotage de la performance [...]. Piloter la performance d’une organisation,
c’est choisir ses actions en anticipant leur impact sur la performance, c’est en suivre
l’avancement pour s’assurer que tout se passe comme prévu, c’est réagir rapidement en cas
de dérive constatée, c’est prévoir régulièrement vers quel niveau de performance on se dirige
pour s’assurer que l’on va atteindre les objectifs poursuivis et prendre à temps les mesures
correctrices en cas de difficulté anticipée ».
A La montée en puissance du contrôle de gestion dans la sphère publique
Depuis la fin des années 90, l’intérêt pour le contrôle de gestion dans l’administration s’est
sensiblement renforcé. Celui-ci est aujourd’hui considéré comme pouvant largement
contribuer à améliorer l’efficience de l’administration.
Dès les années 70, le dispositif de rationalisation des choix budgétaires (RCB) comportait un
volet « gestion » important qui conduisit à l’utilisation de plus en plus fréquente de la
comptabilité analytique, de dispositifs de segmentation de services en la forme de « centres de
responsabilité », ou de tableaux de bord, par exemple. Mais du fait des réserves qu’avait
suscité le dispositif précité, il a fallu attendre le milieu des années 80 - et la montée en
puissance du thème de la modernisation de l’administration -, pour que l’on revienne avec
insistance sur les potentialités du contrôle de gestion. Ce sont sans doute les réflexions ayant
conduit à l’élaboration de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), qui ont
encouragé le mouvement. On pourrait même dire que parmi les raisons ayant conduit à
l’adoption du texte, l’introduction et la généralisation du contrôle de gestion dans
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l’administration ont eu un poids déterminant, étant précisé que certains outils essentiels du
contrôle de gestion ont été présentés comme étant de nature à éclairer le législateur sur les
propositions du gouvernement et à améliorer le contrôle de celui-ci. La France a fait le choix
de promouvoir le contrôle de gestion, dans l’administration d’État en utilisant comme levier
une réforme de la procédure budgétaire, ce qui est semble assez original puisque, comme le
relève la Cour des comptes : « il n’y a pas eu, chez nos partenaires européens, et plus
généralement dans les pays de l’OCDE, de rapport explicite entre réforme budgétaire et
gestion des performances, à la différence de la France qui a fait le choix de les lier
étroitement »1. La circulaire du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et du
ministre de la fonction publique et de la réforme de l’Etat, en date du 21 juin 2001, au
moment où s’achevait l’examen de la Lolf, circulaire relative au développement du contrôle
de gestion dans les administrations rappelle que le comité interministériel à la réforme de
l’Etat du 12 octobre 2000 a fait de la généralisation du contrôle de gestion dans les
administrations de l’Etat un des axes centraux de la modernisation de la gestion publique.
L’importance accordée au contrôle de gestion explique le fait que ladite circulaire précise que
« tout agent accédant à un poste de responsabilité devra recevoir une formation orientée vers
la pratique du contrôle de gestion, pour développer le contrôle de gestion dans l’ensemble du
champ de ses activités ». On peut ajouter que le contrôle de gestion est devenu une matière
aujourd’hui largement enseignée dans les écoles de formation des fonctionnaires, telles par
exemple que l’ENA ou les IRA.
B. Le lien entre le contrôle de gestion et la question de la performance
Gérer passe, nous le disions par la mise en œuvre de dispositifs aux fins de satisfaire au mieux
à l’efficience que l’on s’efforce de promouvoir. On peut approcher le concept en disant qu’il
désigne ce qui caractérise l’obtention d’un résultat aux meilleures conditions possibles.
Lesdites conditions sont souvent transcrites en termes monétaires, mais aussi en termes
physiques. Elles sont dès lors celles qu’il faut satisfaire pour obtenir la plus grande quantité de
produits satisfaisant à une qualité définie au préalable, au meilleur coût.
Le concept de performance est sans doute plus difficile à cerner. Il traduit sans doute une
assurance moindre quant à l’atteinte d’objectifs assignés préalablement, comme c’est le cas
quand il est question d’efficience. Malgré le flou qui l’entoure, on pourrait le définir comme
étant le terme utilisé pour parler du résultat recherché ou obtenu, dans un cadre compétitif.
Sous les ajustements qu’implique la spécificité de l’action publique, le contrôle de gestion est
désormais généralisé à toute entité publique, quel qu’en soit le statut, sous réserve bien
entendu qu’elle soit porteuse d’enjeux financiers signifiants. L’Etat s’en est voulu le
précurseur dans la sphère publique.
1 Rapport sur l’exécution de la loi de finances pour 2005, p. 121.
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2 L’introduction du contrôle de gestion dans les administrations2 . La question du
contrôle interne
Le contrôle de gestion est souvent mis en œuvre par l’entité support de l’organisation ainsi
contrôlée. On peut y voir dès lors, un dispositif privilégié de « contrôle interne » : de fait une
sorte d’autocontrôle Il est aujourd’hui considéré comme essentiel pour un bon pilotage des
administrations.
Le Committee of Sponsoring organisations (COSO) définit le contrôle interne comme « un
processus mis en œuvre par la direction générale, la hiérarchie, le personnel d’une entreprise,
et destiné à fournir une assurance raisonnable quant à la réalisation d’objectifs, entrant dans
les catégories suivantes : réalisation et optimisation des opérations ; fiabilité des informations
financières ; conformité aux lois et aux règlements en vigueur ».
Le contrôle de gestion est organisé selon des modalités naturellement différentes selon qu’il
s’agisse d’une collectivité locale, d’un établissement public, ou de l’Etat.
L’article 170 du décret du 7 novembre 2012 (GPCP) fait obligation aux ministères de mettre
en place un dispositif de contrôle interne dont la finalité et les modalités sont très proches de
celles utilisées par le contrôle de gestion
Pour les collectivités locales ou pour les établissements publics, il relève souvent d’un service
qui leur est dédié, et dont la place dans l’organigramme dépend de la décision des organes
dirigeants ; il en est de même pour ce qui est de son effectif et des missions qui lui sont
confiées. On peut ici préciser que le plus souvent, l’introduction de services de contrôle de
gestion dans les collectivités locales, à quelques exceptions près, est relativement récente. Ces
services sont encore aujourd’hui, souvent dotés d’effectifs modestes.
Pour l’Etat, compte tenu de ses modalités d’organisation et de la place de plus en plus
importante que cette activité prend en son sein, l’organisation est beaucoup plus lourde avec
des dispositifs de coordination, et deux niveaux opérationnels, celui des ministères, celui des
services déconcentrés.
La coordination, de niveau interministériel, se fait par l’intermédiaire de la direction du
budget (DB). Un arrêté du 23 juin 2014 précise que celle-ci anime les travaux
interministériels relatifs au développement du contrôle de gestion et de la comptabilité
analytique au sein de l’État. Elle organise et supervise les travaux du réseau des contrôleurs
de gestion ministériels et des programmes qui ont été mis en place et qui ont notamment
vocation, à fournir un cadre permettant de partager les informations et références et à
favoriser la mutualisation des bonnes pratiques, à mettre en relation les acteurs ministériels, à
favoriser le développement des systèmes d’information. Á été par ailleurs crée un Comité
2 Extraits de Danièle Lajoumard, « La Lolf et l’audit interne dans les administrations de l’Etat GFP nov. déc.
2016 p. 105
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interministériel du contrôle de gestion (C3G) qui réunit périodiquement les représentants du
contrôle de gestion de l’ensemble des ministères (20 à 30 personnes) et peut mobiliser le
centre de ressources interministérielles du contrôle de gestion qui, pour l’essentiel, a pour
mission de synthétiser les informations relatives au contrôle de gestion dans les
administrations d’État.
Au niveau déconcentré, il existe au moins un service régional de contrôle de gestion au
niveau, avec ici un rôle particulier dévolu aux préfectures de région mêmes si les grands
services extérieurs régionaux : ceux de la justice, des finances, de l’éducation, etc. , sont dotés
de leurs propres dispositifs.
Pour favoriser la prise en charge des activités de contrôle de gestion, l’Etat attache
aujourd’hui une importance particulière à la formation de ses cadres à cette démarche, par le
biais de la formation initiale, mais aussi en leur proposant, par le biais de divers services (tel
par exemple l’IGPDE), des stages dans ce domaine.
L’article 170 susmentionné, fait obligation aux ministères de mettre en place en leur sein un
dispositif d’un dispositif d’audit. Le procédé de l’audit est en lien étroit avec le contrôle de
gestion. Il a ceci de particulier que, outre des membres de la structure de contrôle interne, il
associe, aux fins de garantir une impartialité qui ne puisse être contestée, des membres
extérieurs à l’entité mise sous contrôle, le plus souvent choisis en fonction de leur capacité
d’expertise.
Sa mise en place a pu s’appuyer sur un rapport de l’IGF de 2009, rapport dont les conclusions
ont été validées en juillet 2010, avant qu’elles ne reçoivent une traduction juridique dans le
décret n°20111-775 du 28 juin 2011. Les ministères sont désormais dotés de deux structures
qui en ont la responsabilité : un comité ministériel et des « missions ministérielles d’audit
interne », sur lesquelles pourra s’appuyer le contrôle de gestion.
Un comité ministériel d’audit interne, présidé par le ministre ou un membre de son cabinet, se
réunit deux ou trois fois par an dans chaque ministère. La circulaire d’application du Premier
ministre du 30 juin 2011 recommande qu’un nombre de membres soit prioritairement choisis
parmi des personnalités extérieures au ministère ou n’y exerçant pas de responsabilités
opérationnelles Les missions ministérielles d’audit interne ont également été toutes
constituées, soit sous la forme d’une cellule spécialisée au sein des inspections générales, soit
sous forme d’une structure de coordination des audits internes déjà existantes (c’est le cas à
Bercy) : ce sont les véritables structures opérationnelles chargées de la supervision précitée.
On ajoutera que, au niveau interministériel, le comité d’harmonisation de l’audit interne
(CHAI) mis en place en mai 2012 réunit tous les chefs des missions ministérielles d’audit
interne. Il a élaboré un cadre de référence de l’audit interne.
Le contrôle de gestion passe par la mobilisation de techniques quantitatives, mise au service à
la fois de la volonté de connaître, mais aussi de celle d’adapter une organisation aux objectifs
assignés à celle-ci. Pour ce faire, il puise l’essentiel de ses informations dans des données
comptables mais aussi dans l’exploitation des indicateurs mobilisés pour suivre les objectifs
qui ont pu être assignés à l’organisation, à partir le plus souvent d’une segmentation, d’un
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découpage de l’activité de celle-ci aux fins de construire ce que l’on qualifie souvent, dans le
secteur des entreprises, de « système budgétaire ».
Comme l’écrit Patrick Gibert dans sa préface au guide de contrôle dans le secteur public, « le
contrôle de gestion a ses adages [...], le premier pose qu’ « on ne gère que ce que l’on
mesure ». Il invite à l’évidence à l’effort d’objectivation des performances, à la quantification
des objectifs, au développement des indicateurs, à la propagation dans l’administration de la
culture des chiffres. L’autre exprime que « l’on obtient ce que l’on mesure ». Il suggère que le
caractère mobilisateur de l’objectif quantifié [...] s’accompagne d’un éventuel effet pervers si
l’indicateur retenu n’est pas raisonnablement représentatif du phénomène qu’il représente ».
Michel Gervais note que, « pour bâtir un système de contrôle de gestion, il est possible
d’utiliser différents outils d’information susceptibles d’orienter l’action et la prise de
décisions, à savoir :
- les plans à long et moyen terme (qui, ici, seront considérés comme des données) ;
- des informations engendrées par les opérations courantes (en quelque sorte des bases
de connaissances accessibles à tous) ;
- la comptabilité générale et des présentations analytiques du compte de résultat ;
- la comptabilité analytique (ou de gestion) ;
- les tableaux de bord et les systèmes de veille ;
- le système budgétaire » (p. 21).
Le contrôle de gestion mobilise largement l’informatique : la question de « systèmes
d’information » pertinents est essentielle. Une telle utilisation s’appuie sur un nombre
d’applications parfois très important. C’est ainsi par exemple que le contrôle de gestion au
ministère de l’Education nationale mobilise, selon le Guide pratique, 44 applications : 15,
pour l’enseignement scolaire ; 15, pour le pilotage des ressources humaines ; 5, pour le
pilotage financier ; 5, pour l’interface Chorus ; 4, pour le « pilotage transversal ».
Si, comme nous l’indiquions plus haut, le contrôle de gestion se développe désormais dans
toutes les entités publiques pour peu que leur activité soit suffisamment importante, c’est sans
doute au niveau de l’État que ce développement a pris la dimension la plus signifiante.
C’est la raison pour laquelle notre travail s’appuiera pour l’essentiel sur l’étude du contrôle de
gestion dans le périmètre qu’il forme. Pour ceux qui en ont quelque connaissance, celle
portant sur contrôle de gestion dans les organismes autres que lui ne semble pas très
complexe.
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3 Le dévoilement de l’activité
A. Présentation
Pour satisfaire au mieux à l’efficience d’une organisation, le contrôle de gestion, après que la
stratégie de ladite organisation a été exprimée, mobilise des outils qui vont permettre
d’exprimer clairement les actions s’inscrivant dans ladite stratégie Cette phase implique
souvent une segmentation significative des activités de l’organisation Si une telle
segmentation pose peu de questions lorsqu’il s’agit d’entreprises privées, les choses sont plus
complexes lorsqu’il s’agit d’entités publiques : elle suppose en effet que l’activité de celle-ci
puisse faire l’objet d’un découpage, plus ou moins affiné, ce qui pose la question du contenu
et de la déclinaison de ce que l’on a pris coutume aujourd’hui de qualifier de « politiques
publiques ». Comme l’écrit Pierre Muller, la « mise en politiques publiques » de l’action
publique : « entend saisir l’Etat à partir de son action c’est-à-dire à partir de ses outputs »,
d’outputs que l’on va s’efforcer de programmer.
Les notions de programme et d’objectif, et notamment de programme finalisé, sont des
concepts clés de ce nouveau paradigme.
Miche Crozier propose une approche de celui-ci que l’on peut rappeler. L’auteur écrit, « si
l’on veut que l’Etat serve la société, il faut connaître la réalité des innombrables services
qu’il rend, ou croit rendre. Or, on ne saurait se borner à parler en termes généraux du
caractère essentiel de sa contribution au bien être et à l’intérêt collectifs ». (Etat modeste,
Etat moderne)
Il s’agit ainsi de favoriser une lecture de l’action publique assez proche de celles adoptées
pour suivre l’activité d’une entreprise, dont la LOLF semble être un très bon exemple.
Evoquant celle-ci, Michel Bouvier écrit que la LOLF « fait implicitement référence à un
modèle de gestion posé comme universel, celui de la gestion et du gouvernement
d’entreprise » et ajoute que « La LOLF (est) l’expression juridique d’une culture
d’entreprise ».
Pour des nombreux auteurs ayant analysé « l’économie politique de la LOLF », l’un des
objectifs essentiels du texte serait celui de contribuer à la révélation des préférences étatiques.
Selon les auteurs du rapport au Conseil d’analyse économique consacré au texte, « expliciter
les finalités de l’action publique constitue un impératif à trois niveaux :
au plan politique, puisque la démocratie appelle une transparence des choix publics,
qui rend possible le débat : cette révélation des préférences doit être formalisée, afin
de lutter contre le risque du « débat interdit » (Fitoussi, 1995)
au niveau économique, afin de favoriser une réduction de l’asymétrie d’information
entre l’Etat et les citoyens. Elle peut également faciliter la lutte contre les défaillances
de l’intervention publique, qui conduisent à une allocation sous-optimale des
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ressources publiques, bien soulignée par l’école du Public-Choice avec les
contributions de Buchanam et Tullock (1962), et Olson (1965) : recherche et capture
de rentes, distorsions liées au financement public, inadaptation de la réglementation,
court-termisme,etc.
en matière technique, dès lors que l’explicitation des objectifs poursuivis par le
gouvernement est un préalable à tout exercice d’évaluation. Comment en effet
évaluer la performance des politiques publiques, si les objectifs qui leur sont
officiellement assignés ne sont pas précisément définis comme l’avait bien souligné
Stigler (1975). »
L’insistance sur la question des résultats, va dans le même temps changer la conception de
l’action publique et de ses finalités. L’Etat ne sera plus tant appréhendé comme étant l’entité
ayant pour mission d’imposer, comme le note Pierre Muller un « ordre politique global »,
mais comme celle qui se voit chargée de « résoudre les problèmes », des « problèmes »
souvent parcellisés et dont le lien avec l’ordre global précité peut être ténu.
Dans cette perspective les outils mis à la disposition de l’administration vont voir leur
ordonnancement modifié. L’analyse des politiques publiques, avec sa dimension téléologique
finira par faire admettre une forme de recul de la régulation juridique, et l’auteur précité peut
écrire que : « L’avènement des politiques publiques finalisées entame un changement radical
de la structure juridique. Sur celle, bipolaire, qui appose la norme juridique et son
application au cas particulier, se superpose une structure managériale triphasée comportant
des objectifs, des moyens et l’évaluation des résultats… et les programmes finalisés peuvent à
la limite se désintéresser de l’application régulière des normes. Ce qui compte avant tout
pour eux, ce sont les transformations qu’ils provoquent sur le monde ».
B. Du programme au budget opérationnel de programme et aux unités opérationnelles
La segmentation mobilise le plus souvent le concept de programme. S’agissant de l’Etat, les
programmes qui en clivent l’activité sont définis comme étant des regroupements de « crédits
destinés à mettre en œuvre une action ou un ensemble cohérent d’actions relevant d’un même
ministère et auquel sont associés des objectifs précis définis en fonction de finalités d’intérêt
général et faisant l’objet d’une évaluation ». Davantage qu’une question relative à un volume
–ou un « regroupement », pour reprendre le texte même de la loi - le programme est
intéressant par le fait qu’il est réputé afficher une des finalités de l’Etat. Ledit programme est
lui-même « affiné », en la forme d’actions, dès lors qu’il est destiné à « mettre en œuvre une
action ou un ensemble cohérent d’actions ». Le nombre de ces programmes et de ces actions
peut évoluer. Retenons que depuis la mise en œuvre de la Lolf, il oscille entre environ 170
programmes et 650 actions.
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Les actions n’ont pas toutefois de caractère opérationnel direct : autrement dit, ce n’est pas à
leur niveau que s’exécute les missions de l’Etat qu’ils définissent, mais à un autre niveau,
qualifié d’ailleurs d’opérationnel : elles permettent cependant de détailler les coûts d’un
programme dans le cadre de ce que l’on qualifie de « justification au premier euro »,
processus que l’on étudiera plus loin.
Un budget opérationnel de programme est la déclinaison opérationnelle d’un programme sur
la base du principe liberté/ responsabilité induit par la Lolf. En conséquence, le BOP
comprend la déclinaison des objectifs et des indicateurs de performance du programme et un
budget prévisionnel. Il comprend en outre le plan d’action avec la programmation des moyens
correspondants ainsi que le schéma d’organisation financière détaillant les différents services
appelés à mettre en œuvre le BOP. En résumé, un BOP n’est rien d’autre que la déclinaison
sur un territoire ou un périmètre d’une partie du programme dont il relève. Il y en a
aujourd’hui environ 2000 qui sont réputés rendre plus visible la fonction de l’État.
Le BOP se décompose en « unités opérationnelles de gestion » ( UE ) afin de permettre la
mise en œuvre d’opérations et l’utilisation des crédits au plus près du terrain ainsi qu’une
responsabilisation de l’ensemble des acteurs. ».
Le choix du périmètre du programme, outre les préoccupations en matière de pilotage propres
au responsable du programme, est guidé par le souci de constituer un niveau de responsabilité
permettant l’optimisation tant de la gestion des moyens que de celle des activités et des
résultats attendus. Ceci suppose que :
- La masse financière mais aussi les données quantitatives portant sur les effectifs
d’agents publics doivent être suffisamment importants pour permettre une souplesse
de gestion et favoriser la pratique de la fongibilité
- Les regroupements prévus assurent aux services de réels leviers d’action (taille
critique pour faire des redéploiements, professionnalisation de certaines fonctions,
économies d’échelle…) …et doivent être suffisamment homogènes entre eux pour
permettre une réelle comparaison entre les différents BOP .
- Le périmètre géographique des services doit être adapté aux conditions précédentes.
C’est au niveau des BOP, et plus encore des unités opérationnelles que le contrôle de gestion
est utilisé de la façon qui est la plus en adéquation avec l’objectif qui est le sien. Les unités
opérationnelles ne sont rien d’autres que des regroupements de services. On avait projeté, il y
a quelques années, de découper ceux-ci en « centres de responsabilités ». Il semble
qu’aujourd’hui le projet n’en soit plus nourri. Le découpage en services, couplé au reporting
que favorise l’utilisation de l’outil informatique semble suffire pour assurer le suivi de
l’activité des services, et de leurs agents.
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4 La mise sous objectif(s)
Le contrôle de gestion n’a pas seulement pour finalité l’amélioration des connaissances que
l’on peut avoir de l’entité qui y est soumise. Il est également un instrument d’aide à la
décision. Celle-ci gagne naturellement à s’appuyer sur des objectifs assortis d’une anticipation
des moyens que l’on va mobiliser pour tenter de les atteindre de sorte que l’adéquation de ces
derniers à ce que l’on attend puisse être aussi rationalisé que possible. Cette dimension
s’inscrit dans des horizons temporels variables : ceux du moyen-long terme que l’outil
qualifié de « plan stratégique » permet d’exprimer. Ceux plus directement opérationnels qui
se déroule selon un cycle dit « budgétaire », autrement dit selon un cycle qui privilégie le
court terme.
S’agissant des entités publiques, la prévision va le plus souvent s’inscrire, à tout le moins sur
un plan opérationnel, dans un cycle budgétaire qui est traditionnellement annuel. C’est dans
ce cadre que l’on va en présenter les données (étant précisé que son contenu pourra utiliser
d’autres termes, tel par exemple celui de programme) et ce, en la forme d’objectifs.
L’objectif est ici d’abord l’explicitation du but que l’on s’est assigné, selon une nomenclature
plus fine que celle relevant du concept de programme ; cette explicitation se présente en la
forme littérale, et ce en des termes si possible « ramassés » : l’objectif est « synthèse ». Ainsi,
selon le guide méthodologique, il « doit être formulé de manière claire et précise…deux
écueils doivent être évités : une trop grande généralité, une certaine « verbosité »…
La mise sous objectif(s) est dès lors une démarche essentielle au contrôle de gestion dans le
secteur public ; elle en constitue l’un des volets de la normativité du processus dans le
domaine de la gestion publique.
Les objectifs sont, pour ce qui est de l’État découpés en catégories que les collectivités
locales pourraient dans bien des cas adopter :
- Les objectifs d’efficacité socio-économique qui « énoncent le bénéfice attendu de l’action
de l’Etat pour le citoyen (la collectivité) en termes de modification de la réalité économique,
sociale, environnementale, culturelle, sanitaire…dans laquelle il vit, résultant principalement
de cette action ».Il s’agit de mesure l’apport de l’action à la collectivité dans son
indifférenciation, et non celui dont bénéficie tel ou tel de ses membres pris isolément. Il faut
pour les déterminer au mieux se poser un certain nombre de questions, comme par exemple
celle de savoir s’ils rendent compte de manière satisfaisante de l’impact de l’action menée,
s’ils permettent ou non d’exprimer des choix stratégiques, si les moyens mis à la disposition
des services qui reçoivent mission de les poursuivre sont bien adaptés, etc....
- Les objectifs de qualité de service, autrement dit, ceux qui sont réputés « énoncer l’aptitude
du service à satisfaire son bénéficiaire », pour ne pas dire son « consommateur ». Leur
fixation conduit à s’interroger sur la question de savoir si les services offerts ont été
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correctement recensés, s’il existe des instruments pertinents de mesure de la qualité, s’ils sont
compréhensibles et pertinents pour les usagers, etc....
- Les objectifs d’efficience qui « expriment l’optimisation attendue dans l’utilisation des
moyens employés en rapportant les produits obtenus (ou de l’activité) aux ressources
consommées. L’objectif permet de montrer que pour un niveau de ressources, la production
de l’administration peut être améliorée ou que, pour un niveau donné de production, les
moyens employés peuvent être réduits ». Leur fixation suppose que l’on s’interroge sur l a
question de la détermination des coûts (de sorte que l’on ait pris en compte des coûts
« complets »), si l’activité des agents est suffisamment bien mesurée, etc...
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5. La mise sous indicateurs
Comme le précise le Guide pratique du contrôle de gestion dans les services de l’Etat, « les
indicateurs constituent la colonne vertébrale du contrôle de gestion ».
L’indicateur permet de mettre en « norme quantifiée » l’objectif. Le guide précité précise que
« un indicateur est une donnée permettant d’objectiver une situation et d’en rendre les
caractéristiques interprétables ». Autrement dit, c’est par le bais de la lecture des indicateurs
que l’on pourra rapidement prendre connaissance des données auxquelles on s’intéresse,
quelles soient physiques ou financières et comparer ainsi les objectifs atteints à ceux dont la
programmation s’exprimait par des indicateurs. Un indicateur doit dès lors être pertinent et
fiable, aisément lisible, permettre une interprétation aisée des données qu’il décrit.
Outre les conditions précitées auxquelles ils devraient pouvoir satisfaire, on ajoutera celle liée
à leur nombre : le nombre d’indicateurs permettant le suivi d’un objectif d’une activité dans sa
dimension « globale », devrait être relativement restreint. Il n’en sera pas nécessairement de
même lorsque l’objectif est celui de suivre l’activité d’un service. La question du nombre
d’indicateurs à mobiliser dans le cadre d’un processus de contrôle de gestion est ainsi une
question importante.
Pour ce qui est du suivi d’un programme, le guide pratique de la Lolf rappelle les questions
que ceux qui sont chargés d’élaborer des indicateurs devraient se poser. Il n’est pas inutile de
les rappeler :
- les indicateurs retenus rendent-ils compte des objectifs du programme ?
- les indicateurs retenus rendent-ils compte de manière synthétique des objectifs du
programme ?
- les indicateurs permettent-ils d’apprécier le niveau de performance effectif de l’action
publique ?
- les indicateurs sont-ils connus et compris des services déconcentrés et des opérateurs
chargés de mettre en œuvre le programme ?
- les indicateurs retenus délivrent-ils une information compréhensible pour les
partenaires de l’administration, ainsi que des citoyens en général ?
- les effets de comportement que sont susceptibles d’induire les indicateurs retenus sont-
ils connus et anticipés ?
- le service pilote s’appuie-t-il sur des données/études/évaluations externes et
indépendantes pour s’assurer que ses propres indicateurs ne rendent pas compte de
manière biaisée de la réalité ?
- les indicateurs retenus sont-ils vérifiables ?
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- le système d’information permet-il de calculer les indicateurs dans des conditions
homogènes au cours du temps ?
Pour trouver tout leur intérêt, les indicateurs doivent pouvoir être rattachés : ceux qui
établissent un constat ; ceux qui ont un caractère anticipatif (avec un côté prescriptif, ou à tout
le moins suggestif). Le contenu de ceux-ci sera qualifié de « valeur cible ». Celle-ci exprime
ce que l’on attend de celui qui a en charge telle ou telle mission.
On peut noter que, comme c’est le cas pour les objectifs agrégés au niveau national et affichés
dans les lois de finances, le nombre d’indicateurs a très fortement diminué depuis l’entrée en
vigueur de la Lolf.
Entre 2007 et 2018, les objectifs et les indicateurs sont respectivement passés de 634 pour les
premiers et 1295 pour les seconds, à 397 et 755.
Exemples d’indicateurs pouvant être utilisés pour mesurer la réalisation des actions
mises sous objectifs
Objectif Indicateurs Exemples
Efficacité
Socio-économique
Données statistiques
Issues d’enquêtes
Programme : Formations
supérieures et recherche
Taux d’insertion des
diplômés
Données statistiques issues
des systèmes de gestion
interne
Actions fiscalité du
programme gestion fiscale
et financière de l’Etat :
Taux de déclaration des
revenus dans les délais.
Programme développement
des entreprises
Taux de réussite des projets
aidés.
Qualité de service Taux de satisfaction des
usagers mesurés par enquête
Paramètres objectifs de
qualité tels que les délais, la
réactivité, la fiabilité la
Tous programmes
Taux d’usagers se déclarant
satisfaits des conditions
d’accueil
Tous programmes
Pourcentage d’usagers ayant
reçu une réponse à leur
Guy Quintane, Introduction au contrôle de gestion, année universitaire 2020-2021
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disponibilité courrier dans un délai
inférieur au seuil d’alerte
défini
Pourcentage d’appels
téléphoniques ayant reçu
une réponse précise
Efficience de la gestion
Coût unitaire exprimé par le
ratio ressources utilisées/
activités
Indicateur de distribution des
moyens
Indicateur de ciblage
exprimant l’orientation des
moyens ou des activités sur
les priorités du programme
Indicateur de bonne
utilisation des potentiels
exprimant si les ressources
disponibles sont employées
conformément à leur
destination
Indicateur de dépassement du
Actions fiscalité
Coût de gestion moyen du
dossier fiscal d’une grande
entreprise
Nombre de foyers fiscaux
par agent affecté à la
gestion et au recouvrement
de l’impôt sur le ménage
Programme enseignement
scolaire
Pourcentage des élèves
accueillis dans des classes
de plus de 40 élèves
Actions fiscalité
Proportion des contrôles
débouchant sur des
pénalités
Programme recherche
Part des disciplines
prioritaires
Programme Police nationale
Taux des effectifs de la
police affectés à des tâches
de police active
Programme Enseignement
scolaire
Pourcentage d’activité des
professeurs remplaçants
Tous programmes
Guy Quintane, Introduction au contrôle de gestion, année universitaire 2020-2021
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coût par rapport à une
prévision initiale
Pourcentage de
dépassement des coûts d’un
projet immobilier.
Vous trouverez ci-après, à titre d’exemple, au regard des objectifs du programme 164 –
Cour des comptes et autres juridictions financières (loi de finances pour 2017) les
indicateurs retenus
Objectif 1 Garantir la qualité des comptes publics
Indicateur 1.1 Part contrôlée des comptes tenus par les comptables publics (en masse
financière) ( du point de vue du citoyen)
Indicateur 1. 2 Effets sur les comptes des travaux de certification (du point de vue du
citoyen)
Objectif 2 Contribuer à l’amélioration de la gestion publique et des politiques
publiques
Indicateur 2. 1 Suites données aux recommandations de la Cour et des Chambres
régionales et territoriales des comptes (du point de vue du citoyen)
Indicateur 2. 2 Délais des travaux d’examen de la gestion (du point de vue du citoyen)
Objectif 3 Assister les pouvoirs publics
Indicateur 3. 1 Réalisation des travaux demandés par les pouvoirs publics dans les
délais (du point de vue de l’usager)
Indicateur 3. 2 Nombre d’auditions au Parlement (du point de vue du citoyen)
Objectif 4 Informer les citoyens
Indicateur 4.1 Nombre de retombées presse (du point de vue du citoyen)
Indicateur 4.2 Fréquentation du site internet des juridictions financières (du point de
vue du citoyen)
Objectif 5 Sanctionner les irrégularités et la mauvaise gestion
Indicateur 5. 1 Délais de jugement (du point de vue de l’usager)
Cet exemple semble montrer que la pertinence de certains des indicateurs retenus est
discutable : il met en lumière les limites de l’exercice.
Guy Quintane, Introduction au contrôle de gestion, année universitaire 2020-2021
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7 L’analyse, l’explicitation et le rattachement des coûts
Le contrôle de gestion ne porte pas uniquement sur l’activité d’une entité approchée
analytiquement, comme nous l’avons vu, mais se penche également sur les moyens engagés à
cette fin. Autrement, dit le contrôle de gestion s’attache à analyser les coûts avec l’objectif
d’une bonne maîtrise de ceux-ci.
L’État s’est ici doté de deux instruments :
- La justification au premier euro (JPE)
- La Comptabilité d’analyse des coûts (CAC)
Ces instruments peuvent inspirer les responsables d’administrations autres que celle de l’État.
A - La justification au premier euro (JPE)
Selon le guide établi par le ministère des finances et des comptes publics, la justification au
premier euro « consiste à exprimer tout ce que recouvre la dépense », de fait, à détailler celle-
ci de manière exhaustive. Autrement dit, les dépenses, ventilées par titre et par action doivent
pouvoir être « justifiées », avec l’exigence d’affichage d’un coût complet, et l’utilisation
d’indicateurs permettant de rapprocher ces coûts des prestations qu’ils ont financées.
Le Guide pratique du contrôle de gestion dans les services de l’État précise que la JPE « vise
à justifier les différents postes budgétaires, à en suivre l’évolution et à rendre compte de leur
emploi [...] La JPE impose une argumentation solide présentant les actions, dispositifs, les
supports juridiques et les déterminants physiques (nombre de m2 par agent, journées-
stagiaires, etc.), et financiers [...] Elle doit conduire les décideurs publics à s’interroger sur le
poids financier respectif des activités des services, et ainsi l’aider dans les affectations de
ressources ».
Cette justification passe d’abord par la ventilation des dépenses des programmes en la forme
de titres, autrement dit par nature, celle-ci étant détaillée au niveau des actions (dont on voit
bien qu’elles sont au plan central, un niveau sans doute plus pertinent que ne l’est celui du
programme). A l’exception des dépenses de personnel, les crédits sous chacun de ces titres
sont dits fongibles, autrement dit peuvent donner lieu à virement de l’un à l’autre sans qu’il y
ait pour cela besoin d’autorisation parlementaire. Ils sont présentés en la forme d’autorisations
de programmes et de crédits de paiements.
Les titres sont les suivants :
- Titre 1 Pouvoirs publics.
Guy Quintane, Introduction au contrôle de gestion, année universitaire 2020-2021
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- Titre 2 Charges de personnel.
- Titre 3 Dépenses de fonctionnement.
- Titre 4 Charges de la dette.
- Titre 5 Dépenses d’investissement.
- Titre 6 Dépenses d’intervention.
- Titre 7 Dépenses d’opérations financières.
S’agissant des dépenses de personnel, celles-ci sont accompagnées d’informations portant sur
le nombre d’agents, présentés par catégorie, et surtout explicitent le solde entre les créations
et les suppressions. Elles donnent une information précieuse sur le coût des agents (coût
d’ « entrée » pour les recrutements, coût de « sortie », pour les départs.
Vous noterez que les dépenses de personnel sont assujetties au respect de la règle de la
« fongibilité asymétrique » : si on peut en affecter une partie des crédits aux fins de majorer
la dotation de certains titres, l’inverse n’est pas vrai : le titre charges de personnel ne peut pas
faire l’objet de majorations ( ce qui entre parenthèse en dit long sur cette volonté de faire
pression sur la rémunération des agents publics.)
On trouve aussi dans cette présentation, une description beaucoup plus sommaire des autres
dépenses ; si quelques détails sont donnés pour ce qui est de telle ou telle opération
d’investissement (et même s’il faut préciser qu’à l’exception des crédits militaire
d’investissement, les investissements de l’Etat sont aujourd’hui très faibles), les dépenses de
fonctionnement sont présentées de manière le plus souvent très rapide. Ces autres dépenses
sont le plus souvent regroupées en quelques grands blocs : immobilier,
informatique, « métiers » (les crédits métiers regroupent les achats de consommations
intermédiaires, de services, etc.).
B- L’analyse des coûts
Pour justifier au premier euro les moyens engagés, encore faut-il que ceux-ci soient
« complets ».
Les gestionnaires « opérationnels » ont besoin dès lors que l’entité dont ils ont la
responsabilité a une certaine taille, d’une présentation détaillée de ses charges, de telle sorte
qu’il puisse avoir des informations sur le coût des démembrements de ladite entité. Le guide
d’analyse des coûts, précise que les coûts sont « l’agrégation des charges de toute nature
supportées au niveau d’un élément ou d’un objet d’observation préalablement défini par
l’organisation ».
Le niveau d’information est naturellement différent selon ceux auxquels s’adresse
l’information aux fins de leur permettre d’assumer leur mission.
Guy Quintane, Introduction au contrôle de gestion, année universitaire 2020-2021
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Le calcul des coûts est fonction de la nature de ceux-ci.
C’est ainsi que l’on distingue :
- les coûts fixes et les coûts variables, les premiers n’évoluant pas quel soit le volume
d’activité, quand les seconds sont fonction dudit volume.
- les coûts directs et les coûts indirects, les premiers étant imputés directement dans la
comptabilité de l’élément dont on souhaite déterminer le coût, les seconds sont ceux
imputés dans un autre élément et qu’il faudra par conséquent réimputer pour
déterminer ce que l’on qualifiera de coût complet.
- les coûts unitaires, à savoir ceux qui fixent le coût de chaque unité produite par un
service.
D’autres distinctions, utilisés par les entreprises, telle par exemples que celle de coût standard,
de coût réel, ont moins d’utilité dans le domaine de la gestion des entités publiques.
Pour satisfaire à ce besoin d’information, on va établir une « comptabilité d’analyse des
coûts » dont au demeurant les données seront utilisées pour la présentation des crédits en la
forme de Justification au premier euro.
Ici, ce sont les coûts « complets » qui semblent être l’outil le plus adapté à l’analyse.
La détermination d’un coût complet permet de garantir l’exhaustivité de celui-ci. Elle
passe notamment par la réimputation de crédits qui ont pu être inscrits dans des
démembrements autres que celui permettant la lecture directe du coût, pour des raisons au
demeurant parfaitement compréhensibles. C’est ainsi que des opérations gagnent à être
mutualisés pour en permettre un engagement rationnel. Dans ce cas, il faut, dans un second
temps, réimputer de tels crédits.
La comptabilité d’analyse des coûts des administrations de l’Etat attache une importance
particulière à la question des « déversements ». L’objectif nous le disions, est celui de
l’affichage d’un coût complet qui ajoutera aux crédits directs, facilement identifiables, la part
des crédits dits « indirects » qui sont ceux de fonctions supports – on parle ici le plus souvent
de « fonctions soutien » ou de « services polyvalents ». On va par conséquent, comme on le
fait dans le cadre de la comptabilité analytique des entreprises, fixer des modalités de
réimputation de ces crédits indirects,
Des fiches sont établies à cette fin par les services gestionnaires et seront ensuite
communiquées à la direction du budget. Un progiciel a été conçu pour faciliter ces modalités
de retraitement de crédits, le progiciel « Farandole ».
On le fait ici par le biais de la technique dite du « déversement », inspirée de celle qui
distingue les sections dites principales, de celles qualifiées d’auxiliaires, de la part des
fonctions mutualisées, considérées ici en quelque sorte comme des fonctions « auxiliaires »,
dans les fonctions principales dont on souhaite connaître le coût complet. Le guide d’analyse
des coûts précise que « les déversements sont des retraitements de données comptables
Guy Quintane, Introduction au contrôle de gestion, année universitaire 2020-2021
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permettant de réaffecter à une action de politique publique, la part consommée des ressources
de soutien ou de services polyvalents qui lui sont imputables ».
C’est ainsi par exemple que, pour l’Etat, les programmes « entretien des bâtiments de l’Etat et
« Moyens mutualisés des administrations déconcentrées », doivent être reversés dans ceux des
programmes afférents aux actions dans le cadre desquelles les dépenses ont été engagées.
Pour garantir la fiabilité de l’analyse des coûts, l’Etat tient une véritable « comptabilité de
gestion », qualifiée de Comptabilité d’analyse des coûts. Elle intègre ainsi les opérations de
réimputation décrites sur un dossier CAC (comptabilité d’analyse des coûts).
Le guide pratique de la Lolf pour 2006, mentionne le fait que « l’analyse des coûts constitue
une aide à la décision pour les gestionnaires qui pourront ainsi ajuster leurs prévisions sur la
base des résultats. Le responsable de programme en premier lieu y trouvera des éléments de
mesure et de pilotage de la performance ».
Guy Quintane, Introduction au contrôle de gestion, année universitaire 2020-2021
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8 La construction de tableaux de bord
Le tableau de bord est un outil essentiel du contrôle de gestion. Le Guide pratique du contrôle
de gestion précité, précise ainsi que, « il constitue un cadre pour développer une culture de la
performance ».
Comme l’écrit Michel Gervais, « il se compose normalement de deux éléments : un système
de pilotage, et un système de reporting ». Concrètement, il n’est rien d’autre qu’un ensemble
d’indicateurs. Le tableau de bord est l’instrument qui permet d’accéder, si ce n’est en tant
réel, à tout le moins rapidement à des informations jugées essentielles pour gérer le service,
présentées pour l’essentiel en la forme d’indicateurs, mais aussi à différents moments – ceux
du reporting – de trouver des solutions aux problèmes qu’il a pu mettre en lumière.
Michel Klopfer précise que : « La meilleur image que l’on peut prendre des indicateurs
nécessaires au contrôle de gestion, c’est celle du tableau de bord présent dans tous les
moyens de transport et qui permet de les piloter »3. La notion de pilotage est mobilisée avec
faveur par le management. Un manager aimera à se voir attribué la qualité du pilote aux
commandes d’un « véhicule » assujetti à ses instructions.
Le système de pilotage permet au responsable de trouver les éléments dont il a besoin pour
guider son action en cours. Il constitue un monitoring permanent pour maîtriser le
déroulement des activités et l’évolution de la situation.
Synthétisant l’intérêt du dispositif, le même auteur écrit que le tableau de bord est un système
d’alerte, un dispositif facilitant d’une part le contrôle de l’autonomie conférée, d’autre part la
communication et la motivation permettant aussi à mieux situer l’action du responsable dans
le contexte interne et externe.
Le système de reporting fournit à la hiérarchie un compte rendu périodique des actions
accomplies. Il sert à remonter les informations nécessaires à l’évaluation des performances
des centres de décision : c’est un outil de contrôle a posteriori des responsabilités déléguées »
(p. 636). Il va ainsi favoriser l’instauration du « dialogue de gestion », autrement dit de ces
interactions aux moments que privilégient les responsables, entre eux et ceux placés sous leur
autorité, au moment où un point sera fait sur le fonctionnement du service à partir notamment
des informations figurant dans le tableau de bord.
L’une des questions essentielles dans la l’élaboration des tableaux de bord est celle du nombre
d’indicateurs qu’il propose, et du choix de ceux parmi de tous ceux qui peuvent avoir été
construits.
Un manque d’information pertinente en limite l’intérêt, une information surabondante la
limite tout autant. C’est pourquoi la structuration d’un tableau de bord doit répondre à une
triple exigence comme l’évoque le Guide pratique précité :
- celle de sélectivité : le nombre d’indicateurs doit être réduit.
- celle de réactivité : l’indicateur qui le nourrit doit être rapidement accessible.
3 ( « Le contrôle de gestion en collectivité locale ; enjeux et conditions de succès » ; LFT n° 3, 1996
Guy Quintane, Introduction au contrôle de gestion, année universitaire 2020-2021
21
9 Le contrôle de gestion et le management.
Le contrôle de gestion est souvent, considéré comme un instrument favorisant un management
ayant épousé les thèses du face à face, un management du dévoilement en continu de l’activité
des services, et tout autant de leurs agents, de mise sous incitation, pour ne pas dire sous
tensions.
On parle de management pour désigner les dispositifs de conduite des organisations et tout
particulièrement de ceux qui visent les modalités de gestion des agents. On doit noter que le
dispositif récuse d’emblée l’impersonnalité : ce ne sont pas les fonctions qui sont visées, mais
les hommes qui en sont chargés. Il utilise pour ce faire de nombreuses techniques qui toutes
expriment cette volonté de personnaliser la relation hiérarchique. Elles s’inscrivent toutes
dans le projet de promotion de systèmes de récompenses sanctions. David Courpasson note
qu’il s’agit au bout du compte « d’un contrôle individualisé des comportements, de
l’engagement et de la loyauté […], d’une « volonté... d’encadrement et de guidage des
comportements et des actions ».
Les approches théoriques du contrôle de gestion s’appuient le plus souvent sur ce type
d’approche, qu’il s’agisse de la théorie de l’agence, de celle « des besoins », de celle dite
d’ « instrumentalité », de celle de la « programmation neuro-linguistique » ou de l’école de
Palo Alto.
Le contrôle de gestion, utilisé comme instrument de contrôle de l’activité des agents, favorise
l’analyse fine, la surveillance de l’agent, par le biais de son « évaluation », dans le cadre d’un
face à face considéré comme permettant d’éviter un anonymat trop protecteur.
On voit bien ici, ce dont il est question, n’est rien d’autre qu’une théorie de la motivation des
hommes en lien avec la conception même que l’on se fait d’eux. On peut noter ici que,
comme le rappellent Pierre Dardot et Christian Laval, « la restructuration de l’action publique
repose sur le postulat que les fonctionnaires comme les usagers sont des agents économiques
qui ne répondent qu’à la logique de leur intérêt personnel. Améliorer l’efficacité de l’action
publique va consister à jouer des contraintes et des incitations qui orienteront la manière dont
les individus vont se conduire, en faisant en sorte que les décisions qu’ils seront conduits à
prendre allègent les coûts et améliorent les résultats...Le postulat de la conduite foncièrement
intéressée des agents publics conduit à la refonte des moyens de les contrôler et de les guider.
Cette surveillance, qui a pris l’aspect massif et diffus d’une évaluation comptable de tous les
actes des agents publics et des usagers, est le principe implicite de la réforme du secteur
public ».
Évoquant l’administration, ces mêmes auteurs écrivent : « Un nouveau mode de conduite des
agents publics tend à se mettre en place : le gouvernement entrepreneurial. Il repose sur les
principes du « management de la performance ». Il mobilise les outils importés du secteur
Guy Quintane, Introduction au contrôle de gestion, année universitaire 2020-2021
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privé – indicateurs de résultat et gestion des motivations par un système d’incitations – qui
permettent un « gouvernement à distance » des comportements4 ».
Le risque est que l’utilisation de ce type de méthodes ne finisse par apparaître comme
difficilement compatible avec, pour reprendre l’expression de Luc Rouban, « l’univers »
traditionnel des agents publics.
En tout état de cause il n’est pas sûr que depuis le début des années 2000, moment où son
utilisation a été intensifiée, l’administration française soit devenue plus performante. Si tant
est que l’on puisse s’accorder sur ce que signifie la performance d’une administration.
4 Ibid.. p. 387
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