les arts narratifs à l'heure d'internet
Post on 08-Aug-2015
108 Views
Preview:
TRANSCRIPT
UNIVERSITÉ SORBONNE NOUVELLE – PARIS III
DÉPARTEMENT DE MÉDIATION CULTURELLE
LES ARTS NARRATIFS A L'HEURE D'INTERNET
Étude de la relation qu’entretiennent les arts narratifs,
numériques ou numérisés, avec le Web 2.0
Antoine LE GUEN
Sous la direction de Bruno Nassim ABOUDRAR
Mémoire de Master II Recherche : Histoire, Esthétique et Sociologie de Médiation Culturelle
2011/2012
1
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier les professeurs du Département de Médiation
Culturelle de la Sorbonne Nouvelle – Paris III, particulièrement M.
ABOUDRAR, pour m’avoir guidé et soutenu, ainsi que MM. CRETON et JOST,
pour leurs précieux conseils.
Je remercie également Mmes RATTO et VAN PRAËT pour avoir rendu
possible mon échange universitaire à Rome.
Je souhaite particulièrement exprimer ma gratitude au Sig. GAZZANO
du Collegio Didattico in Scienze e Tecnologie delle Arti, della Musica e dello
Spettacolo di l’Universtità Degli Studi Roma III, qui m’a permis de
m’immerger dans le milieu technophile romain, ainsi qu’à mes proches et
amis, pour leur indéfectible soutien.
Antoine LE GUEN
2
SOMMAIRE
INTRODUCTION GENERALE…………………………….…………………………………..……………………………….…………………………………..……………………………….………………..… p. 4
1. Historiques et définitions………………………………………………….…………………………………..……………….…………………………………..… p. 8
1.1 Les arts narratifs…………………………….…………………………………..……………………………….…………………………………..……………………………….………………………………..… p.10
1.1.1 L’oralité…………………………….…………………………………..……………………………….…………………………………..……………………………….…………………………………..……………………………….……………... p.11
1.1.2 L’écriture…………………………….…………………………………..……………………………….…………………………………..……………………………….…………………………………….…………………………………..… p.13
1.1.3 Le XXème siècle et le cinéma…………………………….……………………………………...…..……………………………….…………………………..……….… p.16
1.2 Internet…………………………….…………………………………..……………………………….…………………………………..……………………………….…………………………………..……………………………….………..…………… p.19
1.2.1 Une invention internationale…………………………….…………………………………..……………………………….………………………………………..… p.20
1.2.2 Le Web 2.0…………………………….…………………………………..……………………………….…………………………………..……………………………….…………………………………………………………..… p.21
1.2.3 L’utopie internet et l’accès à la culture…………………………….…………………………………..…………………...… p.24
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE.…………………………………..…………………………….…………………………………………..………………… p.27
2. Les arts narratifs numérisés…………………………………………………………………………..……………………………………..… p.28
2.1 Le ebook…………………………………..……………………………………………………………..…………………………………………………………..…………………………………………..…………………..………………………..…… p.29 2.1.1 L’économie du livre numérique…………………………………..………………………………………………………..……………………………..…… p.30
2.1.2 Le cadre juridique des ebooks………….………………………………..……………………………………………………..………………………………… p.33
2.1.3 Les appareils de lecture…………………………………..…………………………………………………………..……………………………………………………………..…….… p.35
2.1.4 L’auto-publication et la blogosphère…………………………………..……………………………………………………..…..……… p.37
2.2 La vidéo sur le Net…………………………………..……………………………………….………………..……………………………………………………………..………………………….……… p.39
2.2.1 L’économie de l’audiovisuel numérique…………………………………..……………………………………………….… p.40
2.2.2 Le cadre juridique des films numérisés…………………………………..………………………………………………..… p.43
2.2.3 Les caméras HD……………………………………………….……..……………………………………………………………..……………………………………………………………..………………………… p.45
2.2.4 Le court métrage et l’échange communautaire…………………………………..………… p.48
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE…………………………………..…………………………………………………………..………………………………..… p.52
3
3. L’Art narratif Internet……………………………………..……………………………………………………………..……………………………………..………………………… p.54
3.1 Les innovations interactives…………………………………..…………………………………………………………..………………………...…………..… p.55
3.1.1 Les films dont vous êtes le héros…………………………………..………………………………………………………..………………….…… p.56
3.1.2 Les films à 360°…………………………………..…………………………………………………………..……………………………………………………………..…………………………………………….… p.58
3.1.3 La réalité augmentée…………………………………..……………………………………………………………..…………………………………………………………..………………….… p.61
3.2 Les métamédias…………………………………..…………………………………………………………..……………………………………………………………..……………………………………………...… p.64
3.2.1 Les films interactifs…………………………………..……………………………………………………………..………………………………………………………………..………………………… p.66
3.2.2 Des ebooks enrichis aux métamédias…………………………………..……………………………………………………….… p.70
3.2.3 Les futurs métamédias potentiels…………………………………..……………………………………………………………..……………..… p.74
CONCLUSION DE LA TROISIEME PARTIE…………………………………..……………………………………………………………..……………………... p.75
CONCLUSION GENERALE…………………………………..……………………………………………………………..……………………………………………………………..……………………………………..… p.77
LEXIQUE…………………………………..……………………………………………………………..……………………………………………………………..……………………………………………………………..……………………………………………………………..……………………………… p.81
BIBLIOGRAPHIE………..……………..……………..……………..……………..……………..……………..……………..……………..……………..……………..……………..……………..……………..……………..……………..…….…………...……..………....…… p.86
FILMOGRAPHIE………..……………..……………..……………..……………..……………..……………..……………..……………..……………..……………..……………..……………..……………..……………..………………………………..………..…..………..…… p.89
WEBOGRAPHIE………..……………..……………..………………..……………..……………..……………..……………..……………..……………..………………..……………..……………..……………..……………..……………..……………………..……………..…… p.91
ANNEXES………..……………..……………..……………..……………..……………..……………..……………..……………..……………..……………..……………..……………..……………………………..………..……………..……………..……………..……………..……………..…………… p.93
4
INTRODUCTION GENERALE
« Le message, c’est le média. »1
Cette formule de Marshall McLuhan, Théoricien de la Communication,
pourrait être la devise de notre époque. Vivant depuis peu dans le « Village
Global »2, les êtres humains interconnectés expérimentent un nouveau mode
de vie, au rythme des échanges massifs d’informations. Cette étape
civilisationnelle n’est en réalité que le prolongement de l’activité qui a fait de
nous l’espèce dominante sur la planète. Cette capacité que nous avons à
échanger des informations, à nous les approprier et à les transmettre à notre
tour, a permis aux communautés des premiers hommes de se fédérer et
d’évoluer, en établissant la notion de « culture »3. Or le moyen privilégié
permettant de véhiculer ces informations est le récit, depuis que l’être
humain a inventé le langage oral. Celui-ci, venant du latin « recitatio » :
« lire à haute voix », expose un nombre de faits réels ou imaginaires dans un
ordre temporel choisi. On parle alors de « narration » : exposé de faits,
initialement dans un ouvrage littéraire, qui vient du latin « narrare » :
« raconter », « dire ».4
1 Marshall MCLUHAN, Understanding Media: The Extensions of Man, The MIT Press, Cambridge,
USA, 1964 2 La notion de « village global » met en exergue le fait que, dans le monde ultra connecté
d’aujourd’hui, les individus vivent dans le même espace virtuel, sans contrainte de temps ni d’espace, en partageant certains éléments culturels communs. Tiré du livre de Marshall McLuhan, The Medium is the Message, Gingko Pr Inc, Berckley, USA, 1967 3 Parmi les multiples définitions du mot, l’acception qui convient ici est : « Ensemble de traditions
technologiques et artistiques caractérisant tel ou tel stade de la préhistoire. » http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/culture/21072 4 Félix GAFFIOT, Dictionnaire Latin Français, Hachette, 1995, Turin
5
La façon dont l’histoire est narrée, le choix des faits racontés, le lexique
utilisé, les éléments mis en exergue ou de côté, la chronologie employée et le
média choisi, influencent la transmission du message d’un interlocuteur à
l’autre5. Quand cette combinaison d’éléments permet de conférer des
émotions au receveur du message, en prenant une valeur esthétique par
exemple, nous parlons alors d’ « art narratif », le terme « art » venant du
latin « ars » : « talent », « savoir-faire », « habilité ».6 Il s’agit donc de
l’habilité à raconter des histoires, en combinant avec talent un savoir-faire
reposant sur des codes établis.
Ainsi, ces arts narratifs sont autant de récits qui font appel aux
émotions, souvent par un phénomène d’empathie. L’idée n’étant pas ici de
tenter de répondre à l’éternelle question “Qu’est-ce que l’Art ?”, mais bien
d’en souligner les aspects esthétiques et empathiques. Toute œuvre d’art qui
raconte une histoire peut ainsi se targuer d’être narrative.
De plus, nous vivons aujourd’hui dans une période charnière où la
révolution de la donnée, entamée grâce à l’invention du télégraphe7, a trouvé
un vecteur lui permettant de mieux exprimer son potentiel, comme l’écriture
avec l’imprimerie en son temps. L’Internet, ce réseau des réseaux, nous
autorise à transmettre un nombre de données numérisées8 sans précédent
par le biais de médias qui lui sont antérieurs.
5 Rick Altman recense de nombreuses techniques de « story telling » tournant autour de ces principes
dans A Theory of Narrative, Columbia University Press, New York, USA, 2008 6 GAFFIOT, op. cit.
7 Première invention permettant de numériser des données et de les transmettre, en s’affranchissant
de l’espace et du temps. 8 La numérisation est un procédé qui consiste à convertir une information en bits, ensemble de
charges positives ou négatives, représentées en informatique sous la forme de 1 et de 0. Chaque élément numérisé devient une somme unique de bits, qui une fois décodée redonne l’information encodée : fichier audio, vidéo, texte, etc.
6
Dans ce contexte, nous tenterons d’aborder les problématiques
suivantes :
Quelles sont les différentes formes d’art narratif numérisables ? Qu’est-
ce qu’Internet ?
Nous nous intéresserons, tout d’abord, aux arts narratifs numérisables
et à leur Histoire par le biais d’une analyse chronologique, allant de la
préhistoire au XXème siècle. Nous nous appliquerons alors, en poursuivant
cette démarche, à définir ce qu’est Internet.
Comment Internet a-t-il intégré ces arts narratifs numérisés ? Que sont
devenus ces formats une fois confrontés à la Toile9 ?
Nous analyserons dans un second temps l’intégration des formats des
arts narratifs numérisés dans l’écosystème du Web. Nous nous intéresserons
ainsi à leur économie, à leurs appareils de lecture dédiés, ainsi qu’à leurs
cadres juridiques. Nous envisagerons enfin l’impact que les valeurs et la
culture du Net ont eu sur ces formes artistiques, tant d’un point de vue
humain que technique.
9 Synonyme d’Internet, mettant en évidence le fait qu’il s’agit d’un réseau décentralisé de serveurs
interconnectés, à l’image des nœuds d’une Toile d’araignée.
7
Comment s’exprime la création narrative à l’heure d’Internet ? Sur
quelles innovations se base-t-elle ? Qu’en est-il du rôle joué par les différents
acteurs du processus narratif ?
Nous analyserons finalement les formes d’art narratif, nées ou
développées sur la Toile. En premier lieu, nous verrons les évolutions
interactives des arts narratifs numérisés, puis nous nous intéresserons aux
appareils de réalité augmentée, pour finir par les œuvres s’approchant le plus
d’une forme d’art narratif exclusivement adaptée au média Internet, que
nous nommerons « métamédias ». Ces derniers redéfinissent les rôles des
acteurs du processus narratif en créant une expérience nouvelle, tant pour
l’auteur que pour son public.
8
1. Historiques et définitions
« Force est de reconnaître que l'accession au savoir évolue. Nos
sociétés ont déjà connu deux grandes évolutions : le passage de l'oral à
l'écrit, puis de l'écrit à l'imprimé. La troisième, celle que nous vivons,
est le passage de l'imprimé aux nouvelles technologies. »10
Cette partie a pour objectif de mettre en relief l’articulation des
différentes formes d’arts autour du concept de narration durant différents
âges majeurs de l’humanité : ceux de l’oral, du scriptural et de la donnée11.
L’étude du développement des arts narratifs est donc intrinsèquement liée à
celle de l’écriture.
Afin de respecter la problématique, l’accent sera mis sur les arts
numérisables, c’est-à-dire, les arts présentant la capacité d’être vectorisés
via Internet et donc, d’être convertibles en données numériques.
Cependant, la comparaison exhaustive des spécificités esthétiques des
différentes formes d’art narratif ne saurait malheureusement être l’objet de
cette partie car, étant trop complexe, on ne pourrait en tirer toute l’essence
dans un travail de Master II. Nous marcherons donc plus profondément dans
10
Michel SERRES, Petite Poussette, qui les fa Préface, Manifestes Le Pommier, Paris, France, 2012 11
La psychologue et conférencière Susan Jane Blackmore, propose de voir l’évolution de l’humanité comme étant liée à la capacité des êtres humains à recopier et à apprendre des informations. Elle met en avant le lien entre le développement intellectuel de l’humanité et ses capacités à partager les informations. Elle est soutenue sur ce point par le théoricien des médias, Neil Postman. http://www.ted.com/talks/lang/en/susan_blackmore_on_memes_and_temes.html
9
les traces de Gotthold Leissing et de ses théories, explicitées dans le fameux
Laocoon (1776), dans un travail ultérieur.12
12
Leissing y détermina les limites entre la poésie et l’art plastique en prenant la statue du Laocoon de Rome comme exemple. Selon lui, la poésie a pour caractéristique l’action, qui ferait accéder au beau par l’imagination. Une sculpture en l’illustrant ne pourrait, quant à elle, rendre la beauté que d’un instant du récit, et non la retranscrire dans son intégralité. Gotthold LEISSING, Laocoon, Hermann, Paris, France, 1997
10
1.1 Les arts narratifs
“Une représentation est narrative lorsque le propos de l'artiste
est de représenter un événement singulier impliquant des acteurs eux-
mêmes reconnaissables comme individus et participant à l'événement
d'une manière telle que celui-ci est suffisamment remarquable pour
être représenté.”13
En nous inspirant de Leissing, nous exclurons les arts picturaux de
l’ensemble des arts narratifs, tels que la peinture, la photographie ou la
sculpture, car ceux-ci ne représentent qu’un instant éphémère d’un récit et
non son intégralité. De plus, ils ne permettent pas, ou peu, de rentrer en
substance dans la dramaturgie des enjeux d’une situation complexe.14 En
somme, nous devrons aussi nous affranchir du théâtre qui,
malheureusement, n’est pas numérisable. Nous nous intéresserons donc
principalement ici à la littérature et au cinéma.
13
http://www.universalis.fr/encyclopedie/recit/2-la-representation-narrative 14
Il en va différemment de la bande dessinée ou du roman photo.
11
1.1.1 L’oralité
En premier lieu, les récits étaient véhiculés de manière orale. C’est du
moins ce qu’affirme Milman Parry dans sa théorie de « l’oralité », qu’elle a
étayée en constatant que la richesse des épithètes homériques dans l’Iliade
et l’Odyssée, ne pouvait être le fruit que de plusieurs conteurs et non d’un
seul.15 Ces aèdes, à la fois chanteurs et poètes antiques, déclamaient leurs
récits mythologiques en vers, qu’il s’agisse de héros ou de dieux. Les
histoires n’étaient donc pas fixées sur un support inaliénable et on laissait les
conteurs libres de les remanier à leur gré. C’est ainsi qu’il existe de
nombreuses variantes de différents mythes.
Si ces récits, expliquant pour la plupart l’origine des phénomènes
naturels, mettent en scène des héros divers dans des situations uniques, il
n’en demeure pas moins que le développement narratif autour d’un héros
central oblige à utiliser un schéma similaire. C’est ce que le mythologue,
Joseph Campbell a nommé le « monomythe » 16. Celui-ci se présente en
plusieurs étapes, 3 étapes majeures : « le départ, l’initiation et le retour » ;
que l’on peut dissocier en 17 points, qui caractérisent le voyage initiatique
repris encore aujourd’hui dans de très nombreux ouvrages et films : Star
Wars, Episode IV : Un Nouvel Espoir (1977) de George Lucas, The Matrix
(1999) des Frères Wachowski, Indiana Jones (1981) de Steven Spielberg,
Retour Vers Le Futur (1985) de Robert Zemeckis, etc. (Voir annexe A)
15
Milman PARRY, L'Épithète traditionnelle dans Homère : Essai sur un problème de style homérique, Paris, France, 1928 16
Joseph CAMPBELL, Le Héros aux mille et un visages, Oxus, Paris, France, 2010
12
Le théâtre et la poésie, difficilement séparables de la danse et du
chant, forment, par essence, le lien entre le monde de l’oral et celui de l’écrit.
Apparaissant en germe à cette période, ils vont pleinement réaliser leur
potentiel dans l’ère typographique qui suivra. Cependant, la spontanéité du
spectacle vivant demeurera une caractéristique unique des formes d’art
narratif que constituent le théâtre et l’opéra.
Les artistes David Bussières et Justine Laberge l’expriment ainsi :
« Le spectacle vivant est unique parce qu'il est un moment
spontané, parce qu'il n'est jamais pareil d'une fois à l'autre, parce que
c'est un heureux mélange de préparation et d'improvisation et parce
qu'il est parfaitement imparfait. Et il est surtout unique parce qu'il y a
un public. Le public, sans le savoir, fait partie du spectacle, en ce sens
qu'il nourrit l'artiste par ses réactions, qu'il modifie le cours du
spectacle en réagissant de telle ou telle façon face aux gestes des
artistes. Le public (s'il est satisfait!) reçoit l'énergie de l'artiste et la lui
redonne en applaudissant, en se levant, en criant, en dansant. Ainsi,
chaque soirée, chaque spectacle, de quelque nature qu'il soit, devient
unique, car le public n'est jamais le même et les réactions ne sont
jamais les mêmes non plus. »17
17
Membres d’Alfarococo, groupe de musique Québécois. http://www.alfarococo.com/?p=44
13
1.1.2 L’écriture
Les premières formes d’écriture apparaissent au troisième millénaire
avant J.-C. dans le croissant fertile. D’abord cunéiformes, servant
principalement au comptage agricole en désignant les plantes ou les animaux
concernés ainsi que leur nombre, elles se complexifieront par mimétisme des
éléments représentés pour donner in fine des alphabets. D’autres formes
primitives intermédiaires, telles que les hiéroglyphes, permirent à une
association de symboles et d’images représentant des sons, comme les
lettres d’un d’alphabet, de fixer les bases narratives de la culture
égyptienne.18
L’invention nouvelle qu’est l’écriture permettra aux arts narratifs
de se cristalliser et de se complexifier. Nous verrons ainsi les mythes être
rédigés et les grands dramaturges grecs apparaître. Les arts commenceront
très lentement leur entreprise de cloisonnement partiel, le théâtre
notamment prendra ses grandes tendances : drame, comédie et tragédie ;
processus qui s’amplifiera au fil des siècles.19 Car si les disciplines qui
existaient préalablement restent sensiblement les mêmes, la technique de
création des œuvres s’en trouve radicalement bouleversée. On peut
désormais coucher ses idées sur le papier, ou plutôt sur le parchemin, les
classer, les recombiner, s’y référer et surtout les transmettre à volonté, ce
qui sera rendu plus aisé par Gutenberg et son invention, l’imprimerie. Ces
18
http://www.universalis.fr/encyclopedie/ecriture/ 19
Paradoxalement, Il y aura aussi de nombreuses entreprises de convergence des arts, l’Opéra pour ne citer que la plus célèbre d’entre elles.
14
facultés nouvelles et révolutionnaires, mises en avant par Neil Postman dans
son livre Amusing Ourselves to Death, favorisent le développement de ce qu’il
appelle “l’esprit typographique” : l’esprit pragmatique du savant lettré.20 Elles
entraîneront le monde dans une ère où « la logique et la raison » seront les
mères des vertus, jusqu’à l’avènement d’un nouvel âge plus contemporain,
selon l’auteur.
Du moyen-âge au XXème siècle, les genres littéraires seront nombreux
et foisonnants. Parmi ceux-ci, le roman et la nouvelle se distingueront, car ils
seront les moyens privilégiés que les auteurs utiliseront pour raconter des
histoires à chacun de leurs lecteurs. En effet, le roman, ou la nouvelle, sont
destinés à de nombreux lecteurs uniques, qui pourront se fondre dans
l’univers créé par l’auteur. La littérature a pour elle, entre autres, l’ambigüité
des mots permettant de nombreuses interprétations différentes, ainsi que
l’absence d’univers visuel imposé, qui favorisent l’originalité des textes,
l’imagination étant libérée des contraintes de la vue.
La prégnance de l’écrit jusqu’à la deuxième moitié du XXème siècle est si
importante que le passage par celui-ci devient étymologiquement
indissociable de l’action de raconter. En effet, en revenant à l’étymologie des
mots « récit » et « narration » on constate que « récit », qui vient du latin
« recitatio » : « lire à haute voix » ; implique que l’histoire racontée ait une
base livresque, et « narration » : exposé de faits dans un ouvrage littéraire ;
vient du latin « narrare » : « raconter », « dire ».21 Le passage par le verbe,
dans un second temps, est cependant demeuré au centre de la transmission
20
Neil POSTMAN, Amusing Ourselves to Death: Public Discourse in the Age of Show Business, The Typographic Mind, Penguin, New York, USA, 1985, pp. 34 - 48 21
Félix GAFFIOT, Dictionnaire Latin Français, Hachette, Turin, Italie, 1995
15
de l’histoire. Cette construction en deux temps est elle aussi mise en relief
par Postman, qui ne cessera d’en faire l’éloge en l’opposant à la culture de
l’image et à la consommation frénétique d’informations caractérisant la
seconde moitié du XXème siècle, « l’âge du show business ».22
22
On peut opposer à Postman que cette caractéristique a certainement permis le développement de l’esprit de synthèse, dont font preuve les artistes postmodernes, en tant que caractéristique fondamentale du dernier siècle.
16
1.1.3 Le XXème siècle et le cinéma
La grande nouveauté dans les arts narratifs est le fruit de la frénésie
créatrice de la révolution industrielle de la deuxième moitié du XIXème siècle.
Issue de la combinaison entre les inventions de la photographie par
Nicéphore Niepce, du cinématographe par les frères Lumières et des
recherches sur le mouvement d’Eadweard Muybridge, le cinéma est par
essence une nouveauté hybride.23 Simple attraction de foire vouée à
impressionner les foules en montrant toutes sortes de corps en mouvement à
ses débuts, le cinéma devient vite un art narratif : on se souviendra d’un des
premiers films comiques de l’Histoire montrant un enfant pris à son propre
piège, L’Arroseur Arrosé (1896) des Frères Lumière. L’amélioration des
techniques cinématographiques ainsi que la construction de nombreuses
salles en Europe, comme aux Etats-Unis, permirent au cinéma de remplacer
petit à petit le théâtre populaire.24 En effet, la synchronisation du son,
ambition aussi vieille que l’invention du cinéma, portée par Thomas Edison
avec son kinétoscope25, permet enfin au cinéma de se libérer des contraintes
narratives qu’impose le muet pour la première fois en 1927, avec Le
Chanteur de Jazz (1927) d’Alan Crosland.
23
Kristin THOMPSON, Thomas BORDWELL, Film History: An Introduction, McGraw-Hill Primis, New York, USA, 2006, pp. 8-13 24
En 2008, la proportion de personnes déclarant être allées au cinéma ces 12 derniers mois est de 36%, tandis que la proportion de personnes déclarant être allées au spectacle (théâtre, danse et opéra inclus) n’est que de 20%. Olivier DONNAT, Les Pratiques Culturelles des Français à l’Ere Numérique : Enquête 2008, La Découverte, 2009, Evreux, France, p.33 25
Dès 1888, Thomas Edison avait eu l’idée de jumeler un projecteur individuel placé dans une boite, telle une camera obscura, avec un disque de cire permettant d’écouter de la musique en simultané. Il dut abandonner l’idée au profit des frères Lumière et de leur appareil à projection grand public, le cinématographe, qui deviendra, le cinéma.
17
Le septième art, après avoir acquis ses lettres de noblesse auprès de la
Nouvelle Vague française, effectue la jonction entres les disciplines vues ci-
avant. S’il n’en fait pas la synthèse complète, il les combine et affiche un
champ d’expression vaste et varié. Qu’est-ce que le cinéma si ce n’est
l’association de l’écriture, de la photographie, du théâtre et de la musique ?
Les disciplines qui s’étaient affirmées au fil des siècles trouvent ici un
nouveau point d’échange.
Très souvent adaptés à partir de succès littéraires afin de garantir un
retour sur investissement pour les producteurs, les films, avant d’être
tournés, vivent sous la forme de scripts. Cependant, une adaptation
cinématographique est avant tout l’interprétation d’un texte par un
réalisateur et son équipe de tournage. Il est donc naturel que le spectateur
ne puisse retrouver l’univers intérieur qu’il avait imaginé en lisant l’œuvre,
puisque ce dernier est éminemment personnel. C’est du moins la thèse
défendue par Giorgio Tinazzi, Historien du Cinéma Italien, dans son livre
comparatif sur le cinéma et la littérature.26 De plus, un script fait en moyenne
de 115 à 130 pages pour 1h30 de film, ce qui oblige souvent les cinéastes à
couper des scènes au détriment des intrigues secondaires.
L’instantanéité de l’action émerge comme étant la différence
fondamentale entre les deux médias, l’un n’étant qu’une succession d’instants
et l’autre une éternelle description. En effet, la différence entre voir et lire
une histoire, existait déjà entre la littérature et le théâtre, à ceci près que le
film peut être revu à l’identique, comme un livre peut être relu. Cependant, le
26
Giorgio TINAZZI, La Scrittura e lo Sguardo : Cinema e letteratura, Parola e Immagine, La Grafica & Stampa, Venise, Italie, 2007, p.32
18
cinéma et le théâtre partagent bien la notion de spontanéité dans le jeu des
acteurs, puisqu’il s’agit de filmer l’instant, mais, comme le livre, un film est
une œuvre retravaillée où le hasard n’a qu’une place limitée. Car, si le
théâtre et le cinéma sont deux arts narratifs de l’instant, au cinéma le point
de vue de l’auteur est imposé au spectateur par certains choix esthétiques, le
cadrage entre autres, comme le choix du type de narrateur dans un livre.
Ceci n’est pas le cas au théâtre, où la pièce qui est donnée à voir, l’est
différemment en fonction de la place que le spectateur occupe dans la salle.
Cette ambigüité du cinéma, plus proche du texte que du théâtre, est au
cœur de la théorisation du « cinéma d’auteur ». Elle trouve son expression la
plus pure dans l’idée de « camera stylo » d’Alexandre Astruc27, où le cinéaste
va écrire son film avec des images.
27
Alexandre Astruc est l’un des chefs de file de la Nouvelle Vague, mouvement de critiques de cinéma devenus cinéastes dans les années 50. Ils seront à l’origine du « cinéma d’auteur » et contribueront à la valorisation du cinéma en tant qu’art.
19
1.2 Internet
« Internet (abréviation de INTERnational NETwork, réseau
international)
Réseau télématique international, qui résulte de l'interconnexion des
ordinateurs du monde entier utilisant un protocole commun d'échange
de données (baptisé IP pour Internet Protocol) afin de dialoguer entre
eux via les lignes de télécommunication (lignes téléphoniques, liaisons
numériques, câble). »28
Le World Wide Web, Toile mondiale, est un réseau gigantesque
permettant d’échanger des données numériques avec d’autres interlocuteurs,
partout sur la planète en temps réel. Cette capacité à communiquer a redéfini
le mode de vie du monde actuel, en se plaçant au cœur de l’activité humaine.
La vaste banque de données ainsi créée permet, entre autres, aux chercheurs
du monde entier d’y puiser des informations nouvelles et, dans des
proportions inédites, elle les autorise à analyser notre conscient collectif.
Au-delà d’une simple innovation technique, Internet fut une véritable
révolution. Le XXème siècle a été caractérisé par l’apparition de technologies
de télécommunication, permettant de diffuser des messages depuis un
émetteur unique vers de multiples récepteurs. C’est par exemple le mode de
fonctionnement de la radio et de la télévision. Or, le monde actuel, grâce à
Internet, permet à chacun d’être simultanément émetteur et récepteur, ce
qui trouvera de nombreuses applications dans le domaine des arts narratifs.
Nous en traiterons dans les parties suivantes.
28
www.larousse.fr/encyclopedie/divers/Internet/125060
20
1.2.1 Une invention internationale
Le Net est si bien ancré dans notre vie actuelle que nous oublierions
presque qu’il s’agit d’une invention récente. En 1969, ayant la nécessité d’un
réseau non centralisé durant la Guerre Froide, l’armée des Etats-Unis mit au
point, en collaborant avec les universités de UCLA et de Stanford, un réseau
d’échange de données fonctionnant sans ordinateur central : l’ARPANet. Ce
ne sera que 20 ans plus tard, qu’un chercheur du CERN, le Conseil Européen
pour la Recherche Nucléaire, inventera un système d’hyperliens qui permettra
aux futurs internautes de trouver aisément du contenu sur le réseau. Le
World Wide Web venait de naître.29
Il fallut attendre quelques années pour qu’Internet se démocratise en
France30. Il est toutefois difficile de comparer l’expérience d’un utilisateur du
début des années 2000 avec celle de l’internaute d’aujourd’hui. En effet, des
avancées technologiques, telles que l’augmentation de la vitesse du réseau et
des capacités de stockage, ont transformé le visage du Web.
29
www.universalis.fr/encyclopedie/Internet/ 30
En 2000, seulement 12 % des foyers français étaient connectés contre 64 % en 2010. www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1340
21
1.2.2 Le Web 2.0
Nous naviguons aujourd’hui sur le Web 2.031, ou Web social, car à la
différence des premiers internautes, nous pouvons interagir avec le contenu
des pages que nous visitons, en les commentant ou en les partageant. De
plus, les technologies actuelles ont permis à tous les internautes, sans
qualification particulière, de pouvoir créer leur propre site Web, ainsi que
d’échanger via des messageries instantanées, des forums ou des sites de
microblogging, aussi appelés réseaux sociaux.32
Le Net actuel, c’est encore l’arrivée du streaming et de la possibilité de
voir, d’écouter ou de lire directement en ligne. Outre les problèmes juridiques
que cela soulève, cette technologie permet aux utilisateurs d’avoir un accès
illimité à n’importe quel format de données, sans restriction de stockage,
facilitant ainsi l’accès aux œuvres.
Socialement, le Web 2.0 est la matérialisation concrète du « village
mondial » de Marshall McLuhan33, en cela qu’il stocke les informations
publiques du monde entier et qu’il les rend accessibles à tous, favorisant ainsi
la constitution de communautés d’internautes dans un même espace virtuel.
Ainsi, des personnes de pays géographiquement lointains, ayant les mêmes
31
2.0 signifie deuxième version en langage informatique. Lorsqu’un programme est commercialisé, la première version est notée 1.0. S’il est régulièrement mis à jour, arriveront les versions 1.1, 1.2, 1.3, etc. On passe à la version 2.0 lorsque le mode du fonctionnement du programme est intégralement repensé. 32
Les deux plus connus étant www.facebook.com et www.twitter.com. 33
Marshall MCLUHAN, The Global Village: Transformations in World Life and Media in the 21th Century, Oxford University Press, New-York, USA, 1989
22
centres d’intérêts, arrivent aujourd’hui à se rapprocher et à former une
communauté virtuelle.34
On peut constater la prépondérance des écrans depuis le milieu du
XXème siècle, au point d’en arriver à parler, à juste titre, de « société de
l’écran » comme le fait la sociologue Divina Frau-Meigs35. Cependant, force
est de reconnaître que ceux-ci ne sont aujourd’hui qu’autant de vitrines sur
un flux d’informations dématérialisées, ou presque.36 Auparavant, la
différenciation entre ces diverses interfaces avait un sens puisque l’on ne
pouvait avoir accès aux mêmes contenus en fonction de l’écran employé : les
programmes télévisuels n’étaient consultables que via une télévision. Un
simple smartphone peut maintenant accéder à ce genre de contenus, même
si cette pratique n’est pas encore très répandue37, car tous les contenus
télévisés sont aussi disponibles sur Internet. Un ordinateur, un téléphone ou
une télévision, perdent donc petit à petit leur spécificité pour ne plus devenir
que des moyens permettant de se connecter au réseau général, si bien que
l’on assiste aujourd’hui à l’avènement du « cloud computing ».38 En 2012,
l’écrivain technophile n’écrit donc plus sur un fichier enregistré sur un
34
Le Livre Blanc : Web 2.0 de Christophe ASSELIN, disponible gratuitement sur Internet, recense exhaustivement les nouveautés du Web 2.0. Christophe ASSELIN, Le Web 2.0 pour la veille et la recherche d’information, Digimind, Paris, France, 2007 35
Dans cet ouvrage, la sociologue propose un historique critique de l’arrivée des écrans dans notre société. Divina FRAU-MEIGS, Penser la Société de l'Ecran, Dispositifs et Usages, Presses Sorbonne Nouvelle, 2011 36
Sur Internet, les données sont en réalité copiées sur des « super ordinateurs » appelés serveurs et mis à disposition du public. Afin de garantir leur pérennité, celles-ci sont dupliquées sur un deuxième serveur afin de prévenir une panne du premier. C’est ce que l’on appelle la redondance informatique. 37
Sur 100 français de 15 ans et plus, seulement 8 ont déjà regardé des émissions de télévision en direct. DONNAT, op. cit., p.62 38
Décentralisation des fichiers des utilisateurs en les plaçant dans le « nuage », c’est-à-dire sur des serveurs très puissants entreposés dans des complexes cachés, afin de rendre ces dernières accessibles via n’importe quel appareil connectable.
23
ordinateur unique, mais sur un fichier disponible et modifiable à tout instant
sur Internet via différents médias.
Cette caractéristique récente marque les prémisses du Web 3.0, que les
futurologues Laurent Gonzalez et Philippe Gautier appellent « l’Internet des
Objets ».39 Ils font référence ici au concept de « réalité augmentée »,
caractérisant l’interaction entre les données consultables sur Internet avec
des objets réels. Il existe par exemple des applications pour smartphones
permettant de connaître l’histoire des monuments publics en les filmant avec
la caméra de l’appareil. Un logiciel de reconnaissance identifie le monument
et se connecte avec la page wikipédia qui lui est dédiée.
39
Philippe GAUTIER, Laurent GONZALEZ, L’Internet des Objets : Internet, mais en Mieux, AFNOR, La Plaine Saint Denis, France, 2011
24
1.2.3 L’utopie Internet et l’accès à la Culture
« Le livre, comme livre, appartient à l’auteur, mais comme pensée, il
appartient – le mot n’est pas trop vaste – au genre humain. […] Si l’un des
deux droits, le droit de l’écrivain et le droit de l’esprit humain, devait être
sacrifié, ce serait, certes, le droit de l’écrivain, car l’intérêt public est notre
préoccupation unique, et tous, je le déclare, doivent passer avant nous. »40
Les débuts d’Internet ont beaucoup marqué sa propre culture. Ce sont
principalement les chercheurs de l’Université de Stanford, imprégnés par
l’idéologie hippie régnant dans la baie de San Fransisco au sortir des années
60, qui ont promu la Toile comme espace de liberté absolue, où tout serait
gratuit. Ils seront naturellement rejoints par des chercheurs du MIT,
autoproclamés « premiers hackers »41, qui définiront l’éthique des hackers et
d’Internet. Les deux articles principaux de celle-ci sont :
« L'accès aux ordinateurs, ainsi qu’à tout ce qui peut permettre de
comprendre le fonctionnement du monde, doit être illimité et total.
Toute information est libre. »42
Par définition, donc, tout ce qui peut être échangé doit l’être sans
entrave. Cette même communauté mettra, par la suite, son savoir-faire à la
disposition du public, en proposant des logiciels libres de droits43. Ils
40
Victor HUGO, Discours d’Ouverture du Congrès Littéraire International, 17 juin 1878, cité par Jan BAETENS, Le Combat du Droit d’Auteur, Les Impressions Nouvelles, Paris, France, 2001, p.158 41
Tiré du documentaire francetélévisions Pirat@ge (2011) réalisé par Sylvain Bergere et Etienne Rouillon. 42
Steven LEVY, Hackers: Heroes of the Computer Revolution, Anchor, New York, USA, 1984 43
Le premier fut le logiciel d’exploitation libre, GNU (1984), ancêtre de l’actuel Linux. Aujourd’hui, on recense de nombreux logiciels gratuits utilisés par des millions d’utilisateurs tels que Firefox ou OpenOffice.
25
instaurent ainsi le principe de gratuité comme base des échanges sur
Internet.
Ces valeurs bien établies, en somme du fait que le Web fut créé dans le
but de faciliter les échanges de données, c’est naturellement qu’un jeune
californien, Sean Parker, inventa le premier logiciel peer to peer (p2p) en
1999. Pour la première fois, des fichiers, uniquement musicaux à l’époque car
les films étaient trop volumineux, se retrouvaient à disposition du monde
entier, et ce gratuitement. Il a fallu attendre l’arrivée des readers en 2008,
tablettes spécialisées pour un confort optimal de lecture, pour que les livres,
pourtant peu volumineux, puissent être commercialisés sous la forme de
ebooks44. Les œuvres audiovisuelles, quant à elles, sont lentement devenues
accessibles à tous avec l’augmentation progressive des débits, mais cela de
façon souvent illégale45. On voit aujourd’hui les acteurs du Web se déchirer
dans une guerre idéologique, entre pirates pro libertaires et détenteurs de
droits attachés au droit d’auteur.46 Pourtant, nombreux sont les auteurs qui
proposent des alternatives qui permettraient de mieux rémunérer les artistes,
tout en baissant le coût des œuvres, au détriment des distributeurs et autres
producteurs.47 Ces derniers pratiquent un très fort lobbying sur les
44
Les ebooks sont des livres numérisés. Aux USA, leaders du marché des livres virtuelles, la part de ceux-ci sur le marché général du livre est passée de 0.6 à 6.4 % entre 2008 et 2011. Selon l’étude de l’organisme Rüdiger Wischenbart, The Global 2011 ebook Market: Current Conditions & Future Projections, 2011 http://actu-des-ebooks.fr/2011/10/12/the-global-ebook-market-une-etude-complete-sur-le-marche-des-ebooks/ 45
Les plateformes légales de téléchargement pour les films sont arrivées très tardivement. Netflix, la plus connue, n’assurera ce service qu’à partir de 2008. 46
Dans le camp des pirates, Florent Latrive nous expose les intérêts de l’abolition des droits d’auteurs et des licences dans son pamphlet, Du Bon Usage de la Piraterie : Culture Libre, Sciences Ouverte, La Découverte Poche, Paris, France, 2007 47
Philippe Aigrain défend par exemple le modèle de la licence globale : un prix fixe sur une plateforme pour un téléchargement à volonté. Idée qui commence à être mise en œuvre dans le domaine de la musique mais pas encore dans celui du cinéma. Philippe AIGRAIN, Internet & Création : Comment Reconnaître les Echanges sur Internet en Finançant la Création, In Libro Vertitas, Paris, France, 2008
26
institutions gouvernementales internationales, afin de faire entériner des lois
anti contrefaçon48 pour préserver leurs intérêts financiers, au détriment du
partage des œuvres, d’une certaine forme de créativité (voir 2.2) et des
droits fondamentaux des internautes. Car, au vu de l’intégration que prend le
Net dans nos vies, il est évident que de permettre à des organismes privés
d’inspecter les données de leurs clients, ainsi que de couper leur connexion
en cas d’infraction, peut potentiellement brimer la liberté d’expression et
exclure socialement les individus. De plus, l’aspect éthéré d’Internet ne
saurait gommer les frontières bien réelles qui encadrent nos pays. Ces
limites sont parfois propices à l’expression de la censure, comme en Chine ou
en Iran aujourd’hui.
Les rêves de partage et de gratuité de ce média, en continuelle
expansion, sont donc à mettre en perspective avec les réalités politico-
économiques qui le rattrape depuis quelques années.
48
ACTA, PIPA, SOPA pour ne citer que les dernières.
27
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
Les arts narratifs numérisables, que sont la littérature et le cinéma,
présentent de nombreux liens avec les autres arts, l’un étant souvent au
cœur des processus artistiques et l’autre les associant49. Car, il en va de
l’essence première de la narration d’être un assemblage de techniques
artistiques. En effet, raconter une histoire, c’est le plus souvent combiner les
arts. On voit donc ici une relation complexe de symbiose et de rejet, les
disciplines ayant leurs propres codes et limites spécifiques, tout en étant
intrinsèquement liées.
Ces frontières deviennent plus floues encore à l’heure d’Internet car
nous n’échangeons plus de films ou de livres physiques, qui sont désormais
devenus de simples données, des 1 et des 0, échangeables et duplicables à
l’infini. Nous substituerons dorénavant les termes « œuvre audiovisuelle » et
« texte », à « film » et à « livre », car ces métonymies n’ont plus beaucoup
de sens dans ce contexte.
Si « le message, c’est le média » selon McLuhan, que sont devenus ces
contenus dépourvus de leurs coquilles ? Qui les fabrique et qui les
consomme ? De quelles manières ?
49
On doit d’ailleurs le terme de 7ème
Art au réalisateur Riccioto Canudo, qui voulut mettre en exergue la capacité du cinéma à « synthétiser » les autres formes d’arts temporels et spatiaux, la musique et la poésie d’une part, ainsi que la sculpture, l’architecture et la peinture d’autre part. www.universalis.fr/encyclopedie/cinema-aspects-generaux-les-theories-du-cinema/1-septieme-art-et-photoplay
28
2. Les arts narratifs numérisés
Qu’il soit la volonté des auteurs ou non, le partage d’œuvres
numérisées, ici textuelles ou audiovisuelles, constitue la base des échanges
sur Internet. Nous nous intéresserons dans cette partie à la nouvelle vie des
textes et des vidéos sur le Net, ainsi qu’à leurs créateurs et à leurs
consommateurs.
Bien qu’il n’est jamais été aussi simple de rendre ces œuvres
potentiellement accessibles à un large public qu’aujourd’hui, il s’avère
cependant de plus en plus compliqué de les faire connaître. Nous plongerons
donc aussi dans les nouveaux modèles économiques inventés par, et pour,
les « digital natives ».50
Nous nous interrogerons aussi sur la manière dont les internautes se
sont réappropriés ces formats.
50
Terme anglo-saxon consacré, désignant les jeunes de la génération Y, nés donc entre 1980 et 2000, il souligne leur aisance d’utilisation des technologies actuelles, la navigation Internet particulièrement, puisque ceux-ci sont « nés avec ». Cette génération, suivant chronologiquement et alphabétiquement la génération X, est décrite comme moins idéaliste et ayant un bon esprit de synthèse, mais aussi comme immature et ne pouvant exécuter une tâche avant qu’on ne lui en ait expliqué la raison (Generation Why ?). Livre détaillé sur le sujet : Olivier ROLLOT, La Génération Y, PUF, Paris, France, 2012
29
2.1. Le ebook
Si la première entreprise de numérisation fut menée à bien au début
des années 70 par des passionnés tapant les textes à la main51, il fallut
attendre 2004, et l’arrivée de technologies plus récentes52 pour acquérir une
cadence acceptable, et voir ainsi apparaitre des projets d’envergure.53 C’est
la firme Google, habituée des entreprises humanistes monopolistiques flirtant
avec « l’open source »54, qui initia son service Google Books Search55 la
première. Celui-ci présente un catalogue dépassant 20 millions d’ouvrages
numérisés cette année. Afin de proposer une offre alternative, la BNF
s’associera avec des partenaires européens pour fonder la bibliothèque
numérique européenne : Europeana56.
Une fois numérisés, les textes doivent être rendus accessibles sur
Internet. On leur accole des balises hyperliens mettant en exergue leurs
informations essentielles : titre, nom de l’auteur, thèmes traités, etc.57
51
Projet Gutenberg 52
En effet, le procédé actuel de numérisation des livres imprimés est en réalité la combinaison de deux opérations : on effectue une numérisation en mode image, un scan haute définition de la page, que l’on converti ensuite par reconnaissance optique de caractères. 53
Voir annexe B, tirée de Marin DACOS, Pierre MOUNIER, L’Edition Electronique, La Découverte, Paris, France, 2010, p.51 54
Certaines entreprises mettent gratuitement leurs codes de programmation à disposition du public. 55
http://books.google.fr/ 56
www.europeana.eu 57
DACOS et MOUNIER, op. cit., Chapitre : L’Edition au Défit du Numérique, pp.49 -66
30
2.1.1. L’économie du livre numérique
Un ebook est un texte uniquement destiné à demeurer sous la forme
de données et non à être imprimé. Il s’agit d’un livre numérique qui peut être
lu en utilisant du matériel multimédia.
Bien que le ebook peine à s’imposer sur le marché du livre en France58,
faisant seulement 1,8 % début 2011, on constate que 77 % des ebooks lus
sont des œuvres gratuites,59 ce qui donne potentiellement une part de
marché de l’ordre de 7,5 %.
Internet étant un terrain où il est difficile de s’enrichir, les business
models ne manquent pas. Le livre numérique étant, le plus souvent, un
élément téléchargeable, contrairement à une vidéo qui peut être consultée en
streaming sur un site, les plateformes préfèrent tendanciellement miser sur
un catalogue étendu, ainsi que sur la revente de données personnelles
comportementales, et sur la possibilité de s’abonner, afin d’engranger un
maximum de fonds. La publicité n’arrive qu’au second rang, car la durée de
passage des internautes sur ces sites est minimale.
L’intérêt d’avoir un catalogue étendu réside dans le fait que les gains
substantiels obtenus avec les bestsellers sont sensiblement égaux à ceux
générés par les œuvres plus confidentielles. Ces dernières sont généralement
dédiées à des niches particulières. Cette observation, connue sous le nom
58
Selon l’étude de l’organisme Rüdiger Wischenbart, op. cit. 59
Voir annexe C. Etude GFK/AFP, Gfk Retail and Technology : Reference E-Content 2nd
Trimestre 2011, juillet 2011
31
explicite de « Théorie de la Longue Traîne » (voir graphique ci-après), est le
fruit du travail de Chris Anderson, publié dans la revue Wired en 2006.60 Les
plateformes ont donc tout intérêt à avoir le catalogue le plus vaste et le plus
diversifié possible, afin de maximiser leurs rendements, ce qui n’est pas
nécessairement le cas avec les librairies dans le monde physique.
Revenus produits par la vente d’œuvres numériques en fonction de leur popularité
Comme pour tout commerce, il est bon de fidéliser ses clients afin de
garantir leurs futurs achats, ce qui explique le choix de l’abonnement.
La dernière source majeure de revenus est plus confidentielle. Il s’agit
de la revente de données personnelles comportementales des usagers.
Lorsqu’un internaute se connecte sur un site Web, de petites balises, comme
60
Alban MARTIN, L’Age de Peer : Quand le Choix du Gratuit Rapporte Gros, Le Théorie de la « Longue Traîne », Village Mondial, Gap, France, 2006, pp. 31-34
32
les « cookies », enregistrent les faits et gestes de celui-ci. Les précieuses
données recueillies, et rendues anonymes, permettent à des entreprises
spécialisées de disséquer le comportement des internautes afin d’optimiser
l’ergonomie des sites de leurs clients, ou de mieux adapter le choix des
bandeaux publicitaires aux publics qu’elles ciblent.61
Comme pour l’édition physique, l’auteur perçoit des droits d’auteurs, à
la différence qu’il les reçoit en fonction du nombre de copies téléchargées.
61
Jean Marie CHARON, Patrick LE FLOCH, La Presse en Ligne, Le Modèle Economique de la Presse en Ligne, La Découverte, Paris, France, 2011 pp. 63-77
33
2.1.2 Le cadre juridique des ebooks
Les droits et les devoirs des auteurs de livres imprimés ou numériques
sont les mêmes. Sur Internet, la propriété intellectuelle des œuvres est
garantie par des formats spécifiques d’encodage, les Digital Rights
Managment systems (DRM), qui entravent le piratage des fichiers encodés.
Cependant, ces sécurités ont toujours du retard par rapport au savoir-faire
des hackers.62
La nouveauté qu’apporte le Web est la mise à disposition gratuite de
textes via des licences appelées « creative commons », créées par le juriste
Lawrence Lessig. Il existe 6 types de licences creative commons, permettant
à l’auteur de choisir le degré de liberté qu’il souhaite accorder à son
œuvre, en sélectionnant parmi les paramètres affichés sur le tableau ci-
dessous.
62
Les ebooks piratés sont souvent convertis au format pdf, puis redistribués sur des réseaux illégaux de téléchargement, les « torrents » par exemple. Il suffit alors de partager le fichier, lisible par n’importe quel appareil multimédia.
34
Dans l’esprit des idéaux soutenus par les pères de la Toile, ces licences
autorisent le plus souvent le public à consommer et à s’approprier le bien
protégé, sous réserve de citer l’auteur et de ne pas en avoir un usage lucratif.
En 2008, on recensait 130 millions d’œuvres, tous genres confondus,
licenciées sous le label CC.63
63
DACOS et MOUNIER, op. cit., p. 24
35
2.1.3 Les appareils de lecture
Bien qu’une majorité de ebooks soit encore lue sur des ordinateurs64,
c’est l’arrivée des readers et des tablettes qui créât le marché du livre
numérique. Ces liseuses ou tablettes, en plus de rematérialiser l’objet, ont
une capacité de stockage bien supérieure au papier. Ainsi, c’est par centaines
que l’on peut emmener ses livres avec soi. De plus, l’amélioration évidente en
termes écologiques qu’apportent ces nouvelles technologies, commence à
faire réfléchir les lecteurs les plus attachés au format papier.
Il est vrai que les sensations procurées par un livre relié ou une
tablette diffèrent, mais pas nécessairement au désavantage du nouveau
média. Si l’odeur du papier fraîchement ouvert, le bruit des feuilles qui se
64
56 % des français lisant des ebooks, le font principalement sur leur PC, 19 % sur leur smartphone, 15 % sur une tablette, 7 % sur un reader et 3 % sur leur console de jeux. Enquête GFK/AFP, op. cit.
36
froissent et le grain du papier manquent aux nostalgiques65, la tablette
présente une caractéristique inédite : elle est rétro-éclairée. Le lecteur peut
donc aujourd’hui lire dans le noir intégral et s’immerger totalement dans le
texte, à l’image d’un spectateur dans une salle obscure. Ce mode de lecture,
combinaison entre le ebook et la tablette, modifie en profondeur l’expérience
du lecteur.
65
Certains constructeurs travaillent aujourd’hui à l’élaboration de tablettes générant des champs magnétiques, qui sont capables de reproduire différentes textures au contact de la peau. Les liseuses Kindle, quant à elles, imitent le grain du papier utilisé par les imprimeurs de romans.
37
2.1.4 L’auto-publication et la blogosphère
Le Web 2.0 permet à des communautés d’internautes, aussi appelées
communautés virtuelles, partageant un intérêt commun de se fédérer.66 Cela
touche particulièrement le cercle des écrivains : on parle aujourd’hui de la
blogosphère pour désigner l’ensemble des blogs de la planète ainsi que les
auteurs qui les rédigent.67 Fonctionnant comme un écosystème de points
interconnectés, ces mini-sites Web personnalisés permettent à chacun de
s’auto-publier facilement, rendant difficile la visibilité de ces sites.
Les auteurs/lecteurs se fédèrent donc, par genres et par affinités,
autour de forums68, afin d’augmenter leur visibilité globale. Ils se critiquent
mutuellement et échangent principalement entre eux, le support textuel
n’ayant qu’une faible capacité virale.69 (Voir 2.2.3.) Les blogs vivent plutôt
sous la forme de compositions hybrides en perpétuel renouvellement, mêlant
images, sons, textes et vidéos, que sur le modèle du texte immuable, rédigé
en amont puis mis en ligne. Internet a donc fait évoluer le rapport entre les
écrivains et leurs pairs en les aidant à se côtoyer, ainsi qu’entre les écrivains
et leurs textes, en accordant à l’écrit une valeur de l’instant plus proche du
journalisme.
66
La notion de « communauté virtuelle » a été introduite par Howard Rheingold en 1993. Ces communautés sont composées selon lui de membres passant par cinq étapes successives : Ils sont d’abord curieux, puis, décidant d’intégrer le groupe, ils deviennent débutants, habitués et enfin leaders. Ils finiront par se détacher du mouvement, et seront considérés comme des anciens. Howard RHEINGOLD, Les Communautés Virtuelles, Addison-Welley, Paris, France, 1993 67
Le moteur de recherche Technorati en dénombrait 133 millions en 2009. DACOS et MOUNIER, op. cit., p. 99 68
Quelques exemples : http://livres.ados.fr/, http://romanspoliciers.meilleurforum.com/forum, http://forum.polar.fi/ 69
Capacité d’un fichier à être échangé par des internautes de façon exponentielle. Il finira par se répandre comme un virus.
38
Certains projets littéraires, dans le plus pur esprit de la culture Web, se
présentent sous une forme collaborative, dite « wiki ».70 Le plus connu
d’entre eux, Wikipédia, l’encyclopédie libre, avec plus de 22 millions
d’articles, est aujourd’hui la plus complète encyclopédie au monde, bien que
sa fiabilité soit contestable. Le wiki pousse à l’extrême le concept de creative
commons, puisqu’un auteur s’affranchit de ses droits sur le contenu qu’il a
produit au profit de la communauté. Il doit alors accepter qu’un modérateur71
puisse modifier ses écrits, sans qu’il n’ait plus son mot à dire.
Il existe aussi un nombre conséquent de plateformes spécialisées dans
l’achat et la publication de livres exclusivement numériques, comme
www.smartnovel.com ou www.numilog.com.
70
Le terme de wiki signifiant « vite » en hawaïen, désigne les sites présentant un contenu alimenté par ses visiteurs. 71
Sur un site Web communautaire, un modérateur est une personne qui veille au bon déroulement des activités de chacun. Il jouit de droits administratifs supérieurs à ceux des autres membres.
39
2.2 La vidéo sur le Net
Parler de numérisation de la vidéo aujourd’hui n’a plus vraiment de
sens. En effet, les appareils d’enregistrement vidéo grand public sont presque
tous devenus digitaux : ils enregistrent directement sur un disque dur ou sur
une carte mémoire. Les quelques caméras analogiques MiniDV, enregistrant
donc sur bandes, convertissent directement les images et le son en
numérique à l’aide d’un connecteur et d’un logiciel spécialisés. Tous les
appareils de types smartphone, tablette ou appareil photo, pouvant prendre
des vidéos, sont numériques. L’un des derniers vestiges des bobines est le
nom que nous continuons à donner aux films.72
72
Christian UVA, Professeur de Médias Digitaux à l’Université de Roma III, expose l’évolution des appareils de prise de vue, de l’analogique au numérique, dans son livre Cinema Digitale : Teorie e Pratiche, Le Lettre, Florence, Italie, 2012
40
2.2.1. L’économie de l’audiovisuel numérique
A l’instar des sites spécialisés dans les ebooks, les données
comportementales personnelles des internautes visitant les sites de
streaming et de téléchargement sont revendues et/ou analysées, afin d’en
tirer profit.
Deux économies de l’audiovisuel vivent en parallèle sur le Net : celle du
téléchargement et celle du streaming.
Les sites de téléchargements légaux, ou illégaux, fonctionnent sur le
même modèle que celui du livre numérique : ils affichent un catalogue
étendu, la possibilité de s’abonner afin de bénéficier d’un accès
« prémium »73, et ils imposent, bien sûr, un peu de publicité aux visiteurs. Ils
sont principalement dédiés à l’importation de films issus de l’industrie du
cinéma sur Internet. Les détenteurs des droits de ces films sont donc
rémunérés en fonction du nombre de téléchargements de leurs œuvres, s’il
s’agit de téléchargements légaux, bien entendu.
Les sites de streaming, aussi appelés sites d’hébergement de vidéos74,
quant à eux, ont un business model légèrement différent : leur revenus
principaux viennent de la publicité. Par définition, l’internaute voulant
consulter une vidéo reste sur ces sites suffisamment longtemps pour être
sujet à des stimuli publicitaires efficaces, se présentant sous différentes
73
Ce genre d’abonnement donne accès à un débit plus important lors du téléchargement et évite les temps d’attente, ingénieusement ajoutés par ces sites. 74
Comme www.youtube.com ou www.dailymotion.fr.
41
formes. Celui-ci est généralement assujetti à une publicité audiovisuelle,
parfois en lien avec des bandeaux publicitaires entourant le lecteur vidéo
(exemple ci-dessous), avant de pouvoir avoir accès au contenu qu’il désir. De
plus, on peut avoir l’apparition soudaine de fenêtres « pop-ups »,75 sur les
sites les plus mercantiles.
Ce business model garanti l’illusion du gratuit car l’utilisateur ne paye
pas en monnaie pour avoir accès à des contenus, mais est facturé sur son
« temps de cerveau disponible »76. Ce fonctionnement qui donne le sentiment
de respecter la culture Internet, est au cœur des plus grands succès de la
Toile, Google par exemple.
75
Petites fenêtres publicitaires qui s’ouvrent spontanément. 76
Pour reprendre la formulation de Patrick Le Lay, ancien PDG de TF1 : « Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible. » Patrick LE LAY dans Les Dirigeants Français et le Changement, EIM, Paris, France, 2004
42
Les contenus de ces sites pourraient être apparentés à de très courts
métrages. Ceux-ci ont pour objectif de faire du « buzz »77, c'est-à-dire d’être
vus par le plus d’internautes possible, et donc de faire parler d’eux. Les
créateurs qui vont poster leurs contenus sur ces plateformes peuvent être
doublement récompensés : ceux-ci peuvent acquérir une grande notoriété en
devenant des incontournables d’Internet, et ils peuvent être rémunérés à
partir d’un certain nombre de clics.
77
Terme signifiant bourdonner en Anglais. Cette métaphore insiste sur le fait que l’objet éveille la curiosité, car l’internaute assidu se doit de trouver la source du bruit. (Voir 2.2.4)
43
2.2.2 Le cadre juridique des films numérisés
Comme pour les livres, les films sont soumis à la même législation que
lorsqu’ils se trouvent sur un support, à ceci près qu’ils appartiennent
uniquement à la personne qui en a achetés les droits. Ils ne peuvent donc ni
être prêtés, ni être légués, car aujourd’hui nous n’achetons plus l’œuvre
dématérialisée en elle-même, mais une licence qui donne accès au ficher
source de celle-ci, sur certaines plateformes.78
Ce statut des œuvres numériques et numérisées, qui présente un
appauvrissement des droits du consommateur par rapport à la copie
physique, a incité récemment l’acteur Bruce Willis à intenter un procès à la
firme Apple. En effet, celui-ci voudrait pouvoir transmettre sa médiathèque à
ses enfants, et en même temps, établir une jurisprudence sur la question.79
Les biens audiovisuels posent des problèmes particuliers quant à la
réutilisation des contenus. En effet, le droit américain autorise les internautes
à réemployer des images et du son appartenant à autrui, à condition que l’on
soit un particulier, sans but lucratif, et que la transformation soit évidente et
courte ou que l’utilisation de ces données ait un propos clair et différent de
celui de l’auteur, tout en gardant un regard respectueux sur l’œuvre initiale.80
Les limites volontairement floues de ce « fair use »81, permettent à des
millions d’internautes de faire vivre la culture postmoderne du Net. Les
78
Les plateformes d’Apple notamment. 79
www.lemondenumerique.com/article-29010-itunes-bruce-willis-veut-attaquer-apple-en-justice-sur-les-droits-des-musiques-achetes.html 80
http://www.copyright.gov/fls/fl102.html 81
Que l’on traduirait par « usage acceptable ».
44
hackers, eux, se servent de ce droit de citation afin de mettre en ligne des
œuvres protégées, par segments de longueur autorisée, sur des sites légaux
de partage audiovisuel.
Les licences creative commons sont aussi utilisées par de nombreux
cinéastes. C’est ainsi que Yann Arthus-Bertrand a choisi de mettre son film
Earth (2009), à la disposition du public. La version française a presque atteint
8 millions de vues sur Youtube.
45
2.2.3 Les caméras HD
La production audiovisuelle a quantitativement explosé avec
l’apparition des smartphones et de leurs caméras numériques intégrées. En
effet, toute personne peut désormais documenter en direct l’environnement
dans lequel elle se trouve. Cette situation a provoqué deux appauvrissements
majeurs : le premier, en termes de qualité du son et des images capturés, et
le second, d’un point de vue narratif. En effet, La production d’image ne
nécessite plus, ni traitement, ni investissement financier. Ces appareils
permettent de poster instantanément du contenu filmique d’une simple
pression du doigt, les retouches ou le montage se faisant de plus en plus
rares. Dans ce domaine aussi, la production massive de données se
rapproche plus du journalisme, ou du documentaire contemplatif, que de
l’élaboration d’œuvres à visées esthétique et/ou artistique.
46
D’un point de vue qualitatif, 2012 est l’avènement des mini-caméras
HD (Camera GoPro ci-dessus). Au prix très accessible, elles se destinent aux
amateurs comme aux professionnels, et permettent la production d’œuvres
de qualité.82 A l’origine conçues pour les sports extrêmes, elles donnent une
image caractéristique qui présente un effet « fish-eye »83.
82
C’est le cas de The Waterlust Project, série de courts métrages qui questionnent notre relation avec l’eau. http://www.youtube.com/watch?v=V6xdrpybesc 83
Effet déformant l’image en autorisant à filmer avec un angle de prise de vue de 180°.
47
On voit aussi se démocratiser l’emploi d’appareils photos reflex à des
fins audiovisuelles, le plus connu étant le CANON 5D (ci-dessus), proposant
une qualité équivalente à des caméras HD professionnelles,84 ce qui facilite
l’expression du talent des cinéastes semi-professionnels.85
Ces nouvelles technologies de haute qualité, auxquelles s’ajoute
l’amélioration constante des caméras intégrées, contribuent à rendre la
frontière entre auteurs et spectateurs toujours plus fine.
84
Avec des qualités d’image de 1080p, 2k ou 4k. 85
Par exemple, Mobius (2011) de Vincent Laforêt a été tourné avec un appareil équivalent, le CANON C300. http://vimeo.com/30215350
48
2.2.4 Le court métrage et l’échange communautaire
Pour exister en tant qu’artiste, un internaute doit faire connaître ses
œuvres. Or, c’est à travers l’œil critique de l’autre que se construit l’artiste,
car c’est bien le critique, considéré comme légitime, qui propulse l’amateur
au rang d’artiste. Or, c’est ici l’une des autres spécificités d’Internet : sur la
Toile, toutes les opinions ont la même valeur. Un succès sur Internet ne
dépend donc pas uniquement des « leaders d’opinion »86, mais de la capacité
de l’œuvre à buzzer spontanément en intéressant un maximum de gens. Ces
derniers la mettront alors en avant en partageant des liens qui renverront
vers celle-ci. Le nombre d’internautes passés sur un lien donne donc une
indication quant à la qualité probable de l’objet. On parle alors de
référencement : plus une œuvre est vue, plus elle est facile à trouver sur les
moteurs de recherche. Grâce au Web 2.0, l’internaute devient un
« consommacteur »87 valorisant les « biens d’expérience »88 que sont les
très courts métrages mis en ligne sur les plateformes d’hébergement de
vidéos.
86
Figure inventée en 1955 par les sociologues Paul Lazarsfeld et Elihu Katz dans leur « théorie de la communication à double étage », le « leader d’opinion » est un individu, souvent légitimé par un statut social élevé ou un domaine de compétence particulier, capable de se faire un avis personnel par rapport à une information ou à un objet particulier. Il influencera ensuite son entourage en communiquant son point de vue. Paul LAZARSFELD et Elihu KATZ, Influence Personnelle : Ce que les Gens Font des Médias, Armand Colin, Paris, France, 2008 87
David Fayon introduit les concepts de consommacteurs et consommauteurs dans son livre Web 2.0 et Au-delà. Mots valises composés, de consommateur et d’acteur pour l’un, et de consommateur et d’auteur pour l’autre, ils associent simultanément les deux concepts, reflétant bien la réalité complexe du Net. David FAYON, Web 2.0 et Au-delà, Le rôle des internautes : consommacteurs et consommauteurs, Economica, Paris, France, 2008, pp. 37-42 88
Un “bien d’expérience” est un bien dont on ne peut connaître la valeur qu’après l’avoir consommé.
49
Lorsque l’une de ces vidéos atteint un succès incontestable de par le
nombre de vues et de partages dont elle fait l’objet, elle devient un
« mème ». Notion introduite par Richard Dawkins en génétique89, un mème,
inspiré du terme français « même », est un élément culturel distinct qui a
tendance à être transmis de façon virale et à être répliqué. On pensera au
« planking » par exemple, pratique qui consiste à se filmer en faisant la
planche dans des endroits incongrus, ou à Charlie Schmidt’s Keyboard Cat
(CSKC), la vidéo du chat qui joue du piano avec un t-shirt bleu, qui cumule
26,5 millions de vues sur Youtube90.
Les mèmes sont souvent sujet à réinterprétations. Il peut s’agir de
« remakes »91, de « mash-ups »92, ou parfois de « remix »93. Ces
appropriations ont généralement pour but d’engendrer de nouveaux mèmes.
Parmi les grands artistes à succès de la Toile, The Gregory Brothers, sont
spécialisés dans la transformation de vidéos virales en clips. Ils modifient le
son avec un « vocodeur »94 pour créer des mélodies et placent des inserts
d’autres vidéos dans l’image des mèmes qu’ils empruntent. Leur remix de
Double Rainbow a totalisé 31 millions de vues alors que l’original en
dénombre 35 millions.
On peut aisément constater que ces vidéos virales ont des points
communs : étant consommées sur les réseaux sociaux, elles se doivent d’être
très courtes, souvent drôles, surprenantes ou choquantes. La réalisation de la
89
Richard DAWKINS, The Selfish Gene, Oxford University Press, New York, USA, 1976 90
http://www.youtube.com/watch?v=J---aiyznGQ 91
Versions alternatives d’un mème proposées par d’autres internautes, souvent en hommage à l’original. 92
Détournements et compilations de deux ou plusieurs mèmes. 93
Modifications sonores et/ou visuelles du contenu d’une vidéo. 94
Appareil permettant de créer des mélodies en modulant la fréquence d’un son préenregistré.
50
plupart de ces œuvres n’a nécessité que peu de moyens. Nombre d’entre
elles présentent des personnes réalisant des performances originales, ce qui
peut engendrer une émulsion qui fédérera une communauté autour de la
pratique de cette activité. On trouve aussi beaucoup de vidéos montrant des
animaux ayant des comportements anormaux, principalement des chats.
Ces contenus, bien qu’audiovisuels, ont une capacité narrative très
pauvre, car leur durée oblige à produire des œuvres d’une simplicité extrême.
Cependant, considérés comme des outils sociologiques, ils peuvent nous
apprendre beaucoup sur les internautes et sur le comportement humain.
Néanmoins, les vidéos virales peuvent aussi concerner des courts
métrages d’une durée plus étendue, respectant les contraintes du Web 2.0,
et proposant un développement narratif plus complexe. Le grand succès
français de cette année se place comme une vitrine générationnelle,
véhiculant les valeurs des digital natives, en portant un regard d’actualité sur
les mœurs de cette génération. Recyclant l’ancienne formule du feuilleton,
Bref (2011) de Kyan Khojandi se présente comme une mini-série de quelques
minutes, filmée en HD. Très vite rachetée par la chaine Canal + après son
immense succès sur Facebook95, elle est une formule hybride entre le
shortcom96 et le court métrage d’auteur. Elle présente, en effet, une
réalisation très rapide,97 avec un point de vue clair ainsi qu’un système de
narration complexe adapté à un public de cinéphile,98 ou simplement à la
95
Un million de fans en une semaine 96
Petit programme entre le sketch et la comédie. 97
Environ 130 plans à la minute. 98
On retrouve de très nombreux effets cinématographiques ainsi que des tournures scénaristiques empruntées au cinéma d’auteur ainsi qu’à l’industrie hollywoodienne. http://fluctuat.premiere.fr/Cinema/News-Videos/Ce-que-Bref-doit-au-cinema
51
génération de l’écran. Dans sa forme et dans son fond, Bref incarne
l’évolution du film cinématographique vers un format Internet.
A leur manière, les longs métrages s’enrichissent eux aussi de la
capacité participative de la Toile, en demandant aux internautes d’enregistrer
des plans qui seront assemblés dans un montage final99, ou en les faisant
participer à l’élaboration des scénarii100. Il arrive aussi que les scénaristes
donnent vie à leurs personnages sur les réseaux sociaux.101
Comme pour la littérature, il existe des communautés de cinéastes se
fédérant autour de plateformes spécialisées.102
99
Dans son projet Life In A Day (2011), Ridley Scott a monté les images de la vie de dizaines de personnes du monde entier, se filmant elles-mêmes le même jour, en un seul long métrage. http://www.youtube.com/user/lifeinaday 100
Ce fut le cas pour les trilogies du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson et de Batman de Christopher Nolan. 101
Ce fut le cas de la série télévisée anglo-saxonne Misfits (2009) de Howard Overman, tournée en CANON 5D. 102
Quelques exemples : http://courtmetrage.frbb.Net et http://forum.cineastes.com.
52
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE
Le Web s’est approprié les formats textes et vidéos en leur imposant
ses propres contraintes. S’il est possible de pouvoir échanger aussi facilement
les grands formats, comme les romans ou les longs métrages, que les
formats plus petits, les internautes, de par leur utilisation de la Toile, sont
plus enclins à consommer et surtout à produire des courts métrages ainsi que
des articles de blogs.
Les marchés du livre et du cinéma sur Internet répondent sensiblement
aux mêmes réglementions que pour les ventes sur supports. On constate qu’il
existe aujourd’hui un décalage évident, entre le droit d’auteur tel qu’il est
maintenu, et les réalités du marché de la culture sur Internet. Cependant, ces
frontières commencent à bouger, avec plus ou moins d’aisance, de nouveaux
modes de distribution et de rémunération tentant de se mettre en place. Les
modèles économiques actuels des sites Webs spécialisés sont fondés
principalement sur les revenus rapportés par la publicité, l’abonnement et la
revente de données personnelles d’internautes de passage.
Centralisant les innovations autour des concepts de participation, de
communauté et d’échange, les nouvelles formes d’œuvres littéraires et
audiovisuelles développées sur le Web sont bien souvent inspirées
d’anciennes formules remises au goût du jour. Ce ne sont pas tant ces
contenus qui ont changé que le rapport que l’on entretient avec eux. Car,
l’arrivée de nouvelles technologies a modifié considérablement notre façon de
53
concevoir et de consommer ces produits. C’est particulièrement le cas des
tablettes et des caméras intégrées.
Les possibilités offertes par la masse interconnectée des internautes,
conjuguées avec les capacités d’Internet en tant que plateforme favorisant
l’association de médias jusqu’ici inconciliables, sont soutenues par le
développement de nouvelles interfaces. L’ensemble de ces éléments apporte
des perspectives de création du même ordre que celles que le cinéma a pu
laisser entrevoir à sa création.
Qu’en est-il des arts narratifs nés sur la Toile ? Sur quelles innovations
technologiques se fondent-ils ?
54
3. L’Art narratif Internet
Dans cette partie, nous nous intéresserons d’abord aux évolutions
interactives des arts narratifs numérisés. Les caractéristiques du Net
facilitent, en effet, le développement d’œuvres où le spectateur peut
participer activement au déroulement du récit. En outre, celui-ci a parfois la
possibilité de faire varier son point de vue.
Nous nous placerons ensuite dans le rôle du conteur d’histoire, en
passe aujourd’hui de s’affranchir, plus encore, de la frontière entre le monde
physique et le monde digital.
Nous nous plongerons finalement dans l’univers des nouvelles formes
d’art narratif, apparues et/ou développées sur la Toile.
Nous n’avons évidemment pas ici l’intention d’être exhaustif quant à la
présentation de ces œuvres que nous analyserons, mais nous nous
appliquerons à sélectionner des exemples pertinents.
55
3.1 Les innovations interactives
Les internautes n’ont pas fait que se réappropriés les formats
numérisables, mais ils leurs ont aussi ajouté des fonctions interactives. Dans
la logique de l’esprit participatif d’Internet, le public s’est imposé comme, ce
que nous choisirons d’appeler dans ces lignes, « spectacteur », à la fois
spectateur et acteur.
Si le public a toujours pratiqué le « braconnage culturel »103 en
choisissant de porter uniquement son intérêt sur certaines parties des œuvres
qu’il consulte, ou en zappant les programmes qui l’ennui, le concept est
aujourd’hui arrivé à son paroxysme. Les spectacteurs façonnent désormais
les histoires qui leurs sont contées. Grâce à la puissance des « navigateurs
Internet »104 actuels et de leurs logiciels associés, les internautes, y compris
les moins expérimentés, peuvent créer des contenus narratifs interactifs.
De plus, ils pourront certainement bientôt matérialiser leurs données
virtuelles dans le monde matériel, et inversement, avec beaucoup plus
d’aisance qu’autrefois.
103
Milchel De Certeau considère que les consommateurs de biens culturels se comportent comme des « braconniers » chassant sur les terres des auteurs, appréhendant les œuvres de manière unique, pour finir par en conserver ce qu’ils désirent. Milchel DE CERTEAU, L'Invention du quotidien, Tome 1 : Arts de faire, Chapitre 12, Gallimard, Paris, France, 1990 104
Logiciels permettant de surfer sur Internet, ils convertissent principalement les adresses IP en http ainsi qu’en www, et inversement. Les plus utilisés sont : Explorer, Safari, Firefox et Google Chrome.
56
3.1.2 Les films dont vous êtes le héros
Sur le même principe que Les Livres Dont Vous Etes Le Héros, aussi
appelés « livres-jeux », ces œuvres se présentent comme des versions
simplifiées des films interactifs. Confectionnées à partir du détournement
d’une fonction récente proposée par les sites Web d'hébergement de vidéos,
elles permettent simplement au spectacteur de choisir la suite du
déroulement de la vidéo, en cliquant sur un lien renvoyant vers l’une des
alternatives.105 Pour illustrer le propos, vous trouverez ci-dessous un extrait
du clip Give It To Me (2012) du groupe Singtank dans lequel vous pouvez
choisir de tuer, ou non, une liste de prétendants :
105
Un tutoriel est disponible à cette adresse. http://youpub.forumactif.com/t12-creer-une-video-interactive
57
Cette idée n’est pas réellement nouvelle, puisqu’elle avait déjà été mise
en œuvre dès 1997 par Ali Bali et Violaine Meunier dans Hypnose.106 Le choix
proposé au public, pour être pertinent, doit évidemment faire intervenir la
notion de suspense afin de créer le désir de connaître la suite chez
l’internaute. En devenant spectacteur, celui-ci s’investit petit à petit dans la
vidéo, en essayant de faire sciemment le bon ou le mauvais choix. Or,
l’ingéniosité d’un scénario efficacement adapté à ce procédé est de faire
croire au spectacteur qu’il a le choix entre une solution A et une solution B,
alors que la réponse sera nécessairement C. C’est paradoxalement la surprise
provoquée par la frustration qui provoquera le plaisir.
Associé aux facteurs susceptibles de générer un mème, ce procédé
binaire très simple est souvent utilisé par les publicitaires afin de tenter de
créer des vidéos virales.107 Leur succès sur la Toile met en évidence l’attrait
des internautes pour le participatif.108
106
Cette œuvre se trouve aujourd’hui sur le site www.my-interactive.tv/fr/ 107
C’est le cas de Deliver Me To Hell (2010) de la marque Hell Pizza, où un livreur de pizza doit livrer une pizza à une jeune femme lors d’une attaque de zombis. 108
Il y a 20 millions de vues pour Tippexperience (2011) de la marque TippEx par exemple.
58
3.1.3 Les films à 360°
Certaines caméras, les Yellow Birds par exemple, permettent
aujourd’hui de filmer à 360°. Un internaute, avec un simple navigateur, peut
donc vivre une expérience audiovisuelle inédite, simulant la liberté visuelle
dont on dispose dans le monde physique. Procédé audiovisuel existant déjà
depuis plusieurs années, il était destiné à être projeté dans des bâtiments en
forme de géode, avec des murs tapissés d’écrans109. Il est aujourd’hui
exporté sur un seul écran, l’internaute pouvant changer de cadrage en faisant
glisser sa souris. L’intérêt narratif particulier de ces manipulations réside dans
le hors champ, créé par la limite visuelle qu’impose l’écran. On peut alors
penser à toutes sortes de procédés de films d’horreur, jouant sur l’effet de
surprise visuelle, ainsi que sur l’angoisse de ne pouvoir échapper à une
situation dramatique approchante.
109
Comme la géode de Paris, située au Parc de la Villette.
59
Cette technologie apparue très récemment sur le marché, est
principalement utilisée aujourd’hui dans le domaine de la publicité110, du
documentaire111, de l’installation artistique112, ainsi que de la retransmission
sportive113 et télévisuelle114.
Il existe des œuvres narratives filmées avec cette technologie, et
prévues pour être visionnées via un appareil multimédia, tel qu’un ordinateur
ou une tablette. Cependant, celles-ci en sont encore au stade expérimental.
C’est le cas de The Metamorphosis (2011) de Sandor Kardos (ci-dessus). Il
s’agit d’une adaptation de La Métamorphose (1915) de Franz Kafka,
présentant une formule hybride entre le film interactif et le film à 360°.115
Cette aventure nous plonge dans la peau du protagoniste principal qui se
110
Nestle : http://www.youtube.com/wonka 111
Liens vers le documentaire Oceans (2008) de Paul Rose produit par la BBC : http://www.bbc.co.uk/programmes/b00fnm6q 112
Cas d’Ecole de Mitsuaki Saito : www.pole-images-nordpasdecalais.com/wp/?p=405 113
On peut ainsi vivre le Super Cross de Bercy : http://www.digitalimmersion.fr/video-360-orange-sport-supercross-bercy-2010 114
Elections présidentielles 2012 sur France 24 : http://www.france24.com/fr/elections-direct360 115
www.digitalelite.Net/Metamorphosis2010_Fullversion.html
60
transforme en cafard. La vision à 360° de la caméra, non interactive, donne
l’illusion de voir ce que verrait un insecte. Cette impression est appuyée par
la fluidité du mouvement décrivant une sphère, comme si la caméra était
enfermée dans une boule translucide que l’on ferait rouler. Le spectacteur
peut interagir avec les autres personnages du film en cliquant dessus. Cet
objet cinématographique original a reçu le prix du meilleur court-métrage au
festival Hollywood Reel Independent Film 2011.116
116
http://www.prweb.com/releases/2010/12/prweb4877714.htm
61
3.1.5 La réalité augmentée
Cela fait maintenant quelques années que nous nous sommes habitués
à faire nos présentations sur des formats informatiques en les projetant sur
un écran. Il est ainsi plus aisé de discourir en s’appuyant sur des supports
multimédias. On décrit certainement une vidéo plus pertinemment lorsque
l’on peut la montrer en exemple.
Pranav Mistry et son équipe travaillent depuis quelques années à
l’élaboration d’appareils permettant de matérialiser des données et de
digitaliser le réel. Encore au stade expérimental, Sixth Sense (ci-après) est
un appareil relativement simple, composé de capteurs et d’émetteurs divers,
autorisant son porteur à émettre du son et à projeter de l’image, animée ou
non, sur tous types de supports. L’utilisateur ainsi que son environnement
peuvent alors interagir avec ces données matérialisées : on peut, par
exemple, projeter un jeu de voiture sur une feuille blanche et jouer en faisant
pivoter le papier. L’appareil peut aussi être programmé pour réagir à certains
types de gestes ou de formes : si l’utilisateur tapote deux fois sur son
poignet, il peut y projeter une montre digitale.
De plus, Sixth Sense à la capacité de numériser de l’audiovisuel : Il
peut par exemple prendre une photo entre les doigts de l’utilisateur lorsque
celui-ci imite la forme d’un cadre, ou copier/coller un texte appartenant à un
livre physique directement sur une interface digitale.117
117
http://www.ted.com/talks/pranav_mistry_the_thrilling_potential_of_sixthsense_technology.html
62
63
Sixth Sense ne sera peut-être jamais commercialisé, mais les
technologies développant la réalité augmentée, qui réduisent la frontière
entre le monde physique et le monde digital, n’en sont qu’à leurs débuts, nos
smartphones en étant la première génération.
Cumulés avec l’évolution d’Internet vers un Web sémantique118, ces
appareils laissent envisager de très nombreuses applications narratives à
destination des conteurs d’histoires, leur permettant, entre autres, d’accéder
à la source des informations.
118
Le père du World Wide Web, Tim Berners-Lee et son World Wide Web Consortium (W3C), tentent de créer un algorithme permettant de repérer toutes les données redondantes sur le Web qui n’ont pas été encodées de la même façon, afin de les lier les unes aux autres. Ainsi nous pourrions avoir une vue beaucoup plus globale, et juste, de ce qui se trouve sur la Toile.
64
3.2 Les métamédias
Le très haut débit, l’amélioration des formats de données119 et des
navigateurs, l’apparition et l’accessibilité des nouveaux appareils dédiés à la
navigation Internet ainsi que la simplicité avec laquelle on peut importer et
mettre en forme des contenus sur le Web, tendent à favoriser l’apparition
d’un nouveau type d’œuvres que nous appellerons les « métamédias » : le
préfixe « méta », issu du grec « μετά », signifiant : « après », « au-delà de »,
« avec »120, est accolé au suffixe « média », pluriel du latin
« medium » signifiant « milieu » et « intermédiaire »121. Les métamédias sont
donc les médias de l’après, qui vont au-delà des limites des parties qui les
composent en les associant.
Nous définirons un métamédia comme étant un média associant
plusieurs médias existants préalablement, dans la combinaison la plus en
adéquation possible avec le message qu’il doit transmettre. Dans le cadre des
arts narratifs numérisables, il s’agit d’une œuvre « intermédiale »122 essayant
de tirer le meilleur parti artistique et esthétique des médias qui la composent,
afin de raconter une histoire en mettant en avant le point de vue de son
auteur, et en transmettant ainsi les émotions voulues par celui-ci au public.
119
L’optimisation du protocole encodant les données joue un rôle sur les fonctionnalités que proposent les navigateurs. La sortie du nouvel encodage HTML5, plus rapide et plus puissant, est prévue pour cette année. 120
Anatole BAILLY, Dictionnaire Grec-Français : Le Grand Bailly, Hachette, Paris, France, 2000 121
GAFFIOT, op. cit. 122
Œuvres se situant entre différents médias. Lucie GUILLEMETTE, Louis HEBERT, Intertextualité, Interdiscursivité et Intermédialité, Vie de Signes, Paris, France, 2009, p. 317
65
Ces œuvres exploitent pleinement les potentialités offertes par
Internet : associations de textes, de vidéos, de sons et d’images, basées sur
une expérience permettant l’interactivité et les échanges communautaires.
Nous avons identifié deux formes de métamédias en cours de
cristallisation, l’une s’inspirant du film et l’autre du livre. Nous proposerons
enfin une nouvelle façon d’appréhender le blog comme outil narratif
numérique en devenir.
Il est important de rappeler que ces œuvres sont en cours d’apparition
et qu’il s’agit donc d’un domaine d’étude en construction.
66
3.2.1 Les films interactifs
Les films interactifs sont au carrefour du jeu vidéo et de la
cinématographie. Ces métamédias se sont éloignés des jeux informatiques
des années 90 et 2000, qui proposaient de minces « scènes cinématiques »
entrecoupant les périodes de jeu, afin de justifier l’action par une trame
narrative. Ceux-ci proposent une véritable expérience hybride : entre la
passivité intéressée du spectateur, plongé dans un univers esthétique et
scénaristique unique, et la prise de décisions ou la réalisation d’objectifs
incombant à l’acteur, impliqué dans le déroulement de l’histoire.
C’est, très logiquement, le sous genre cinématographique du « film de
détective »123 qui est généralement choisi pour ce genre d’œuvres, puisqu’il
s’agit de mener une enquête en suivant un lien logique menant de choix en
choix.124 En outre, la caméra subjective nous plaçant dans la peau du
personnage principal est un des procédés phare du genre.125 La partie jeu de
l’œuvre va plus loin dans le concept en nous invitant à incarner virtuellement
le personnage. De plus, le thème de la double identité, ou du
« doppelganger »126, est au cœur de ces intrigues, ce qui met en exergue
telle une mise en abyme, le comportement schizophrénique127 du spectacteur
123
Appartenant au genre du « film noir », le film de détective est centré sur la figure du détective 124
Les deux références du genre : L.A. Noir (2011) de Brendan McNamara et Eavy Rain (2010) de David Cage 125
Notamment Dark Passage (1947) de Delmer Daves où le spectateur devient Humphrey Bogart. 126
Terme allemand que l’on emploie pour désigner un double maléfique. 127
Les films interactifs sont le thème du film Existenz (1999) de David Cronenberg, où les protagonistes jouant à un jeu interactif futuriste n’arrivent plus à faire la différence entre la réalité et la fiction. « La Matrice » de The Matrix (1999) des frères Wachovski serait l’aboutissement ultime du concept de film interactif, les specacteurs ne se rendant pas compte qu’ils évolueraient dans un univers fictionnel.
67
devenant le héros. En somme, l’esthétique extrêmement codifiée du genre
contribue à alimenter l’ambiguïté régnant sur la forme de l’œuvre.
Le choix du développement narratif est ici porté individuellement par le
spectacteur, en temps réel. Il peut voir un film interactif différemment en
fonction de son état d’esprit du jour et de ses désirs du moment, et donc
revivre l’expérience narrative de manière différente à chaque fois qu’il le
souhaite. Néanmoins, le degré d’implication du spectacteur dans l’œuvre est
ambigu. S’il est plus impliqué physiquement dans le déroulement de la
narration, le fait d’être actif l’empêche de s’immerger dans l’histoire comme il
pourrait le faire en regardant un film ou en lisant un livre. En participant à la
narration, celui-ci gagne en implication consciente, mais perd une partie de
sa capacité à s’oublier dans le récit.
68
Ces films interactifs peuvent aussi être disponibles sur les navigateurs
Internet. Ils sont donc, le plus souvent, libres et gratuits. C’est le cas de
Crime Face (2008) d’Alexander Wilson128 :
Ces films interactifs conçus pour Internet peuvent se révéler très
créatifs, comme Attraction Le Manga (2010) de Koji Morimoto où le
spectacteur doit bouger des éléments de certaines couleurs devant sa
webcam. (Ci-dessous)
128
www.crimeface.Net
69
Cependant, même si ces œuvres ont un très fort potentiel créatif de
narration, l’activité de narrer implique qu’il y ait un conteur et une personne à
qui l’histoire est racontée. A la figure du « spectacteur », nous préférons
donc, en termes de développement narratif et de transmission émotionnelle,
celle que nous choisirons de nommer « lecteur actif »129, qui est induite par
l’arrivée des « ebooks enrichis » 130. La différence entre les deux modes de
participation se situant dans le point de vue adopté par l’utilisateur : il
incarne un narrateur à la première personne dans le film interactif, alors qu’il
est simplement témoin participatif du déroulement de l’action, dans le ebook
enrichi.131
129
Lecteur manipulant des contenus diversifiés servant d’illustrations dans un ebook enrichi. 130
Ebooks dont les textes sont illustrés par d’autres médias. 131
Cette question du choix du narrateur divise les théoriciens, les uns partisans de la première personne, les autres de la troisième. Sylvie Patron a rédigé un ouvrage sur la question : Le Narrateur : Introduction à la Théorie Narrative, Armand Colin, Paris, France, 2009
70
3.2.1 Des ebooks enrichis aux métamédias
Autoproclamé inventeur de l’ebook enrichi, Mike Matas, présenta son
œuvre Our Choice sur le site Web Ted132, le 28 avril 2011 (ci-dessous)133.
Son projet était d’illustrer la suite de An Inconvenient Truth (2007)
écrit par Al Gore, par du contenu d’interactif. Le lecteur actif peut donc
interagir avec des vidéos, des cartes Google, des photographies ou des
graphiques en les manipulant au gré de sa lecture. 134 Celle-ci est parfois
132
www.ted.com est un site Web d’hébergement de vidéos de conférences et de colloques, où les présentations sont faites par des chercheurs de renommée internationale, des inventeurs ou de grands business men. Le slogan du site est : « Des idées qui valent d’être répandues ». 133
On le voit ici en train de souffler sur le ebook, ce qui active les pales d’une éolienne digitale. http://blog.ted.com/2011/04/28/a-next-generation-digital-book-mike-matas-on-ted-com/ 134
Ces fonctionnalités ont été rendues possibles par la sortie d’un nouveau format de publication pour ebooks, l’ePUB3, permettant, entre autres, d’importer des cartes interactives, ainsi que de créer de mini-jeux au format flash.
71
soutenue par une bande sonore synchronisée proche de celles qui soulignent
les émotions au cinéma. De plus, la voix d’Al Gore commente parfois les
parties dédiées à cet effet. L’œuvre se présente sous la forme d’une bande
déroulante, que voici :
Si cette œuvre fait bien la synthèse de l’ensemble des médias
numérisables, tout en proposant un contenu à la fois interactif et
communautaire, elle n’exploite pourtant pas pleinement son potentiel
narratif. En effet, ces contenus ont été pensés comme des illustrations
améliorées et non comme des vecteurs émotionnels ayant leurs propres
caractéristiques esthétiques et artistiques. Ils auraient pourtant pu véhiculer
des portions de l’histoire dans un but narratif précis. Bien qu’ils aient une
qualité esthétique évidente, ils participent peu à la création d’un univers
permettant de véhiculer des émotions claires et puissantes, comme peuvent
le faire le cinéma d’auteur ou des œuvres littéraires de qualité, ce que l’on
peut imputer à la visée documentaire de l’œuvre.
Jean-François GLEYZE, La Lecture Numérique : Etat des lieux et Champs d’Innovation, Bayard Presse, Paris, France, 2011, p. 50 Ouvrage disponible gratuitement sur www.scribd.com/doc/72072445/38/S%E2%80%99immerger-dans-l%E2%80%99histoire-%E2%80%93-la-narration-arborescente
72
Cette vision documentaliste, imposant aux contenus multimédias
intégrés aux ebooks une valeur uniquement illustrative, est décriée, à juste
titre, par l’artiste intermédial numérique Jiminy Panoz :
« L’ebook est une révolution en puissance. Nous n’osons
malheureusement pas la faire, cette révolution. Enfin, disons que certains
essayent, mais pas avec les bons livres.
S’il apparaît quasiment normal d’enrichir les livres techniques et de
« non-fiction », très peu sont capables d’imaginer casser les codes
traditionnels de la narration pour utiliser les possibilités techniques que
l’ebook met à portée de clic.
[…] Jusqu’ici, les auteurs étaient limités par le papier. Au bout du
compte, ils devaient retranscrire des choses au mieux. Maintenant, ils
peuvent bâtir un univers simplement, sans empiéter sur les mots qu’ils
s’évertuent à accoler dans leur style particulier. Il me semble que la
pauvreté, ici, s’applique aux retranscriptions qui limitent la créativité de
l’auteur. Le livre numérique lui permet d’exploser tous les carcans et
d’explorer de nouvelles voies !
[…] A bien des égards, le livre numérique permet une révolution que la
dématérialisation de la musique et du cinéma ne pouvait pas permettre. Il
nous suffit simplement d’accepter de repartir d’une feuille blanche et d’être
inventifs.»135
Ceci pose bien le problème sémantique de la notion de « ebook
enrichi », qui impose une primauté du texte sur les autres médias dans la
création intermédiale numérique actuelle. D’où la nécessité d’avoir proposé,
135
Jiminy Panoz, Pour l’intégralité du texte voir l’annexe D www.walrus-books.com/2011/03/repenser-la-narration-face-au-numerique
73
en introduction, le terme de « métamédia » afin de définir ces œuvres
naissantes.136
136
Pour voir plus d’exemples d’œuvres se rapprochant du concept de « métamédia », consulter l’annexe E, tirée de Jean-François GLEYZE, La Lecture Numérique : Etat des lieux et Champs d’Innovation, Bayard Presse, Paris, France, 2011
74
3.2.1 Les futurs métamédias potentiels
Bien loin des capacités que proposaient les sites Myspace ou Skyblog,
les blogs d’aujourd’hui sont de véritables sites Web. Plateformes très
populaires137, ils permettent de mettre en ligne et d’organiser les différents
types de médias numériques existant, tout en personnalisant l’esthétique de
l’interface graphique. Ils présentent donc toutes les qualités requises quant à
l’élaboration de métamédias.
De plus, l’arrivée de l’HTML5, qui permet de créer des interfaces
interactives complexes accessibles via un simple navigateur, ainsi que les
applications pour les appareils mobiles proposées par les hébergeurs138,
tendent à leur conférer le même potentiel créatif que les ebooks, et ce de
façon plus accessible. Or, pour qu’Internet puisse enfin voir apparaître un art
narratif qui lui corresponde pleinement, il faut que ce dernier entre en accord
avec ses valeurs de gratuité, de partage et d’accessibilité tant dans les
processus de création que de consommation. Il s’avère que ce sont justement
les améliorations que le blog peut apporter par rapport à la forme actuelle de
l’ebook.
Les blogs pourraient donc devenir prochainement des supports
privilégiés pour la création de métamédias s’assumant en tant que tels. Car,
ils peuvent permettre d’associer, dans une démarche artistique de narration,
toutes les formes d’arts numériques et numérisables avec le Web social sur
un support interactif.
137
Ils étaient au nombre de 156 millions début 2011. http://archive.wikiwix.com/cache/?url=http://www.blogpulse.com/&title=Blogpulse 138
Sites Web qui permettent aux utilisateurs de créer leur blog et qui leur donne une adresse virtuelle fixe.
75
CONCLUSION DE LA TROISIEME PARTIE
De nombreux outils narratifs se développent aujourd’hui sur le Net.
Qu’il s’agisse de films à choix multiples, de films à 360° de prise de vue ou
d’appareils à réalité augmentée, les capacités qu’offre le Web en termes de
création narrative sont loin d’être taries.
Cependant, les modèles de narration actuels émergeants : le film
intéractif et le ebook enrichi ; n’arrivent pas à transcender les modèles
narratifs dont ils émergent : le cinéma de genre pour l’un et le livre illustré
pour l’autre. On constate néanmoins que ces deux médias narratifs, utilisant
une partie de ce que peut leur apporter Internet, se rejoignent pour ne
former plus que deux versions d’un même modèle. La différence subsistante
entre ces deux formes est en réalité celle du point de vue adopté par
l’utilisateur. On pourrait modéliser ce phénomène ainsi :
76
L’arrivée de nouveaux outils rendant plus aisée la mise en forme
intermédiale ainsi que le développement de nouvelles interfaces préfigurant
l’arrivée du Web 3.0, créent les conditions propices à l’apparition de
métamédias aboutis : formes narratives intermédiales assumant de dépasser
les médias qui les composent, en les décloisonnant.
77
CONCLUSION GENERALE
« La lumière est de l’information sans contenu. »139
Le XXème siècle a été celui de l’audiovisuel, le début du XXIème se
présente comme celui de l’abolition des frontières entre les médias,
impliquant la fin de l’hégémonie du monde littéraire. Ainsi, nous passons de
la « galaxie Gutenberg » à la « galaxie Marconi », du livre à la donnée
dématérialisée.140 Les Universités, toujours en pointe de l’innovation, en ont
d’ailleurs bien pris la mesure, les travaux de recherche étant désormais à
rendre en format numérique, en plus du support papier.
Les Arts narratifs numérisables, la littérature et le cinéma, loin d’être
éteints, se sont ainsi débarrassés de leurs supports, coquilles qui ont
pourtant contribuées à les façonner. Leur nouvel état leur permet d’envisager
de nouvelles perspectives.
Ces œuvres sont cependant conservées dans leurs formes initiales et
échangées entre internautes qui les consultent dans des conditions toujours
inédites, grâce à un matériel en évolution constante : on peut aujourd’hui
regarder un film dans le métro sur une tablette. Cette absence de support
fixe favorise le développement de nouvelles expériences pour les utilisateurs,
enrichissant les rapports entre ces œuvres et leurs différents publics.
139
Par cette maxime, McLuhan met en avant le fait que le monde physique dans son intégralité est potentiellement numérisable. Marshall MCLUHAN, Pour Comprendre les Médias. Les Prolongements Technologiques de l’Homme, Bibliothèque Québécoise, Montréal, Canada, 1993 140
Dans son ouvrage La Galaxie Gutenberg, Marshall McLuhan fait ainsi référence au passage du monde typographique au monde connecté, Guglielmo Marconi étant l’inventeur du télégraphe. Marshall MCLUHAN, La Galaxie Gutenberg, La Genèse de l'Homme Typographique, Mame, Paris, France, 1967
78
Paradoxalement, les modèles économiques et juridiques concernant la
diffusion de ces œuvres importées, se basent sur des formules qui ne
correspondent plus à la demande des internautes. En effet, les valeurs que la
culture du Web véhicules, poussent les utilisateurs de la Toile à demander
des contenus que l’on peut se réapproprier et qui donneraient l’illusion d’être
gratuits, en étant financés par de la publicité par exemple. Ainsi, un
commerce légal de diffusion des œuvres littéraires et audiovisuelles
numérisées, s’approchant du modèle physique et soutenu par une législation
répressive absurde141, a vu le jour. Pourtant, de nombreux auteurs proposent
des modèles de législation et de distribution qui seraient plus adaptés aux
modalités du Net. Il faut néanmoins se méfier de cette littérature, trop
souvent partisane, certains auteurs s’engageant dans des idéaux utopiques,
pour finir par n’apporter que des solutions peu crédibles et sans compromis.
Les anciennes formes numérisables d’art narratif ont aussi une nouvelle
vie sur le Net. Elles se sont adaptées aux codes et aux valeurs du Web 2.0 et
principalement aux besoins de rapidité, de gratuité, d’accessibilité, tant en
termes de création que de consommation, et de partage communautaire. Le
buzz est, en effet, pratiquement le seul facteur de légitimité reconnu par les
internautes aujourd’hui.
Cependant, cette créativité nouvelle se borne souvent à recycler
d’anciennes formes médiatiques. Ces œuvres se révèlent être de très bons
outils afin d’étudier les mécanismes inhérents au processus de l’innovation.
En effet, le sociologue Charles Leadbeater nous apprend que les innovations
141
En France, la loi HADOPI est censée protéger les ayants droit. Très peu appliquée, elle a depuis longtemps démontré son inefficacité, les moyens techniques mis en œuvre ne pouvant repérer qu’une minorité des échanges de fichiers illégaux.
79
sont le plus souvent le fruit d’une compilation d’idées par un groupe de
personnes, dans un contexte favorable à l’émergence de celles-ci, plutôt que
l’expression d’un génie solitaire et visionnaire.142 Cette conception nous
éclaire quant à la nature du Web, plus enclin, pour l’instant, à être une
plateforme qui permet de combiner des éléments préexistants, plutôt qu’à
être un lieu résolument novateur.
Cependant, la liberté formelle que ces contenus ont acquise en passant
à l’état de données, rompt encore d’avantage les frontières, déjà floues, qui
les séparaient. Car si « le média, c’est le message », le décloisonnement
formel autorise à réaliser des messages plus élaborés et complexes.
Ces nouvelles formes d’œuvres intermédiales, utilisant partiellement les
potentialités d’Internet, redéfinissent les rôles des acteurs du processus
narratif, en gageant principalement sur l’interactivité. L’auteur, tout d’abord,
peut élargir sa gamme de procédés de narration, en proposant un format où
le spectacteur construit le déroulement de l’histoire en choisissant parmi
plusieurs séquences possibles. Le créateur d’histoires, en tant qu’artiste, voit
donc son potentiel de vectorisation émotionnelle s’agrandir, en ayant la
possibilité d’élaborer des récits plurinarratifs, dans lesquels les modalités
narratives diffèrent en fonction des séquences choisies. Les receveurs, quant
à eux, accèdent à deux nouveaux statuts, ceux du spectacteur et du lecteur
actif, qui leurs confèrent des expériences émotionnelles inédites.
De plus, le développement de nouveaux outils mécaniques associés à
ce décloisonnement formel favorisent l’apparition d’une nouvelle forme d’art
narratif, synthétisant partiellement les anciens modèles. Comme pour le
142
http://www.ted.com/talks/charles_leadbeater_on_innovation.html
80
cinéma à son époque, ces métamédias intermédiaux imposent la définition
d’un nouveau langage de création, qui devra proposer des codes de lecture
aux lecteurs actifs ainsi qu’un cadre de création aux auteurs.
On constate actuellement, que les œuvres existantes se rapprochant le
plus du concept de « métamédia », ne se sont toujours pas émancipées du
carcan formel et théorique, les reliant aux médias dont elles s’inspirent le
plus.
Nous supposons, au vu des avancées actuelles, que les blogs sont des
plateformes privilégiées quant à l’expression de ces œuvres en devenir. Afin
de reprendre l’hommage fait à Lothar Meggendorfer par Joe Sabia, l’inventeur
du livre à illustrations pliantes et mobiles qui a sublimé le support du livre à
l’orée du XXème siècle, nous croyons aujourd’hui que les pages, que
constituent Internet et les arts narratifs numériques, ne demandent plus qu’à
être pliées.143 Du moins, nous pensons avoir mis en évidence, la très
probable émergence, d’un nouveau champ de recherche.
143
http://www.ted.com/talks/joe_sabia_the_technology_of_storytelling.html
81
LEXIQUE
Accès premium : ce genre d’abonnement donne accès à un débit plus important lors du téléchargement et évite les temps d’attente,
ingénieusement ajoutés par ces sites.
ARPANet : acronyme anglais de « Advanced Research Projects Agency Network », est le premier réseau à transfert de paquets développé aux États-Unis par la DARPA, le projet fut lancé en 1967 et la première démonstration
officielle date d'octobre 1972. Il est le prédécesseur de l'Internet.
Autopublication : Mot valise composé de publication auquel on ajoute le préfixe « auto ». Action de rendre public une œuvre par ses propres moyens.
Bien d’expérience : un “bien d’expérience” est un bien dont on ne peut
connaître la valeur qu’après l’avoir consommé.
Blog : le blog est un type de site Web sur lequel un internaute peut mettre en ligne des contenus divers.
Blogosphère : on parle aujourd’hui de la blogosphère pour désigner
l’ensemble des blogs de la planète ainsi que ceux qui les rédigent.
Business model : Le business model désigne la façon dont un projet ou une activité doit générer des revenus.
Buzz : terme signifiant bourdonner en Anglais. Cette image insiste sur le fait que l’objet éveille la curiosité, car l’internaute assidu se doit de trouver la
source du bruit.
Cloud computing : décentralisation des fichiers des utilisateurs en les plaçant dans le « nuage », c’est-à-dire sur des serveurs très puissants
entreposés dans des complexes cachés, afin de rendre ces dernières accessibles via n’importe quel appareil connectable.
Consommacteur : David Fayon introduit les concepts de consommacteurs et
consommauteurs dans son livre Web 2.0 et Au-delà. Mots valises composés, de consommateur et acteur pour l’un, et de consommateur et auteur pour
l’autre, ils associent simultanément les deux concepts, reflétant bien la réalité complexe du Net.
Consommauteur : voir consommacteur.
Cookies : petit bloc d'informations, échangé entre le serveur d'un site Web et l'ordinateur d'un utilisateur connecté à Internet, permettant au serveur du
site visité de récupérer des données d'ordre statistique sur sa fréquentation.
82
Creative common : licences crées par le juriste Lawrence Lessig. Il existe 6
types de licences creative commons, permettant à l’auteur de choisir le degré de liberté qu’il souhaite accorder à son œuvre.
Culture Web : ensemble des valeurs régissant le contenu d’Internet. On y
trouve les notions de gratuité, de partage et d’accessibilité dans la création et l’utilisation des médias.
Digital native : terme anglo-saxon consacré, désignant les jeunes de la
génération Y, nés donc entre 1980 et 2000, soulignant leur aisance d’utilisation des technologies actuelles, la navigation Internet
particulièrement, puisqu’ils sont « nés avec ». Cette génération, suivant chronologiquement et alphabétiquement la génération X, est décrite comme
moins idéaliste et ayant un bon esprit de synthèse, mais aussi comme immature et ne pouvant exécuter une tâche avant qu’on ne lui en ait expliqué la raison.
ebook : un ebook est un texte uniquement destiné à demeurer sous la forme
de données et non à être imprimer. Il s’agit d’un livre numérique qui peut être lu en utilisant du matériel multimédia.
ebook enrichi : ebook dont les textes sont illustrés avec du contenu
multimedia.
Espace Virtuel : environnement dans lequel évoluent les internautes.
Fair use : loi qui permet aux internautes de réutiliser des contenus sous DRM.
Forum : en informatique, un forum est un espace de discussion publique.
Génération X : la Génération X désigne, selon la classification de William Strauss et Neil Howel, la génération sociologique des Occidentaux nés
entre 1960 et 1979. Cette génération est intercalée entre celle des baby-boomers et la génération Y
Génération Y : voir digital natives.
Hacker : pirate informatique.
Hébergeur : site Web qui permet aux utilisateurs de créer leur blog et qui
leur donne une adresse virtuelle fixe.
Internet : (abréviation de INTERnational NETwork, réseau international) Réseau télématique international, qui résulte de l'interconnexion des
ordinateurs du monde entier utilisant un protocole commun d'échanges de données (baptisé IP pour Internet Protocol et spécifié par l'Internet Society, ou ISOC) afin de dialoguer entre eux via les lignes de télécommunication
(lignes téléphoniques, liaisons numériques, câble) Intermédia : Œuvres se situant entre différents médias.
83
Internaute : utilisateur d’Internet.
Protocol IP : protocole d'échanges de données, commun à tous les internautes, baptisé IP pour Internet Protocol.
Leader d’opinion : figure inventée en 1955 par les sociologues Paul
Lazarsfeld et Elihu Katz dans leur « théorie de la communication à double étage », le « leader d’opinion » est un individu, souvent légitimé par un
statut social élevé ou un domaine de compétence particulier, capable de se faire un avis personnel par rapport à une information ou à un objet. Il
influencera ensuite son entourage en communiquant son point de vue.
Liseuse : voir Reader. Mash-up : détournements et compilations de deux ou plusieurs mèmes.
Média : procédé permettant la distribution, la diffusion ou la communication
d'œuvres, de documents, ou de messages sonores ou audiovisuels (presse, cinéma, affiche, radiodiffusion, télédiffusion, vidéographie, télédistribution,
télématique, télécommunication). [On trouve aussi médium ou medium au singulier, et media, nom masculin invariable.]
Mème : inspiré du terme français « même », est un élément culturel distinct
qui a tendance à être transmis de façon virale et à être répliqué.
Métamédia : le préfixe « méta », issu du grec « μετά », signifiant : « après », « au-delà de », « avec »; est accolé au suffixe « média », pluriel du latin
« medium » signifiant « milieu » et « intermédiaire ». Les métamédias sont donc les médias de l’après, qui vont au-delà des parties qui les composent en les associant. (Larousse)
Microblogging : un microblogging est un service en ligne de textes courts.
Cette évolution des blogs fonctionne comme un réseau social. Les messages envoyés par une personne sont reçus par une liste d’utilisateurs qui ont
souhaité lire les textes de cette personne.
Modérateur : internaute dont le rôle est de modérer un forum.
Moteur de recherche : application Web permettant de retrouver des ressources (pages Web, articles de forums Usenet, images, vidéo, fichiers,
etc.) associées à des mots.
Navigateur internet : logiciels permettant de surfer sur Internet, ils convertissent principalement les adresses IP en http et www, et inversement.
Les plus utilisés sont : Explorer, Safari, Firefox et Google Chrome. Net : voir Internet.
Numérisation : la numérisation est un procédé qui consiste à convertir une
84
information en bits, ensemble de charges positives ou négatives,
représentées en informatique sous la forme de 1 et de 0. Chaque élément numérisé devient une somme unique de bits, qui une fois décodée redonne
l’information encodée : fichier audio, vidéo, texte, etc.
Open source : s'applique aux logiciels dont la licence respecte des critères précisément établis par l'Open Source Initiative, c'est-à-dire la possibilité de
libre redistribution, d'accès au code source et aux travaux dérivés.
Peer to Peer (P2P) : technologie permettant l’échange direct de données entre ordinateurs reliés à Internet, sans passer par un serveur central. (On
dit aussi poste à poste ou pair à pair.
Planking : pratique qui consiste à se filmer en faisant la planche dans des endroits incongrus
Pop-up : fenêtre secondaire qui s'affiche sans avoir été sollicitée par l'internaute devant la fenêtre de navigation principale.
Reader : tablette informatique spécialisée pour un confort de lecture optimal.
Elle imite la texture du livre.
Réalité augmentée : interaction des données téléchargeables sur Internet avec des objets réels.
Remix : technique musicale consistant à retravailler un titre déjà enregistré
afin d'en produire une autre version, dite « remixée ».
Réseau : ensemble d'ordinateurs ou de terminaux interconnectés par des télécommunications généralement permanentes.
Scène cinématique : scène narrative dans un jeu vidéo.
Serveur : ensemble matériel et logiciel, branché sur un réseau télématique, mettant ses ressources à la disposition des utilisateurs.
Smartphone : téléphone mobile disposant aussi des fonctions d'un assistant
numérique personnel.
Streaming : procédé permettant la lecture d’une vidéo sans la télécharger par le biais d’un flux d’information passant par un lecteur vidéo.
Tablette : ordinateur mobile en forme de tablette dépourvue de clavier et de
souris, dont la principale interface est un écran tactile.
Théorie de la Longue Traîne : a été employée pour la première fois
en 2004 par Chris Anderson dans un article de Wired pour décrire une partie
85
du marché des entreprises telles qu'Amazon ou Netflix, qui ont des revenus
basés sur la vente de nombreux produits, chacun en petite quantité.
Toile : voir Internet
Virtuel : désigne ce qui se passe dans un ordinateur ou sur Internet, c'est-à-dire dans un « monde numérique » par opposition au « monde physique ».
Web 2.0 : le Web 2.0 est une évolution du Web vers plus de simplicité, ne
nécessitant pas de grandes connaissances techniques ni informatiques pour les utilisateurs, et d'interactivité, permettant à chacun de contribuer,
d'échanger et de collaborer sous différentes formes.
Web 3.0 : l'expression Web 3.0 est utilisée en futurologie à court terme pour désigner l'internet qui suit le Web 2.0.
Village global : la notion de « village global » met en exergue le fait que, dans le monde ultra connecté d’aujourd’hui, les individus vivent dans le
même espace virtuel, sans contrainte de temps ni d’espace, en partageant certains éléments culturels communs.
Wiki : le terme de wiki signifiant « vite » en hawaïen, désigne les sites
présentant un contenu alimenté par ses visiteurs.
World Wide Web : le World Wide Web (WWW), littéralement la « Toile (d’araignée) mondiale », communément appelé le Web et parfois la Toile, est
un système hypertexte public fonctionnant sur internet qui permet de consulter, avec un navigateur, des pages accessibles sur des sites.
86
BIBLIOGRAPHIE
AIGRAIN Philippe, Internet & Création : Comment Reconnaître les Echanges
sur Internet en Finançant la Création, In Libro Vertitas, Paris, France, 2008
ALTMAN Rick, A Theory of Narrative, Columbia University Press, New York, USA, 2008
ASSELIN Christophe, Le Web 2.0 pour la veille et la recherche d’information, Digimind, Paris, France, 2007
BAETENS Jan, Le Combat du Droit d’Auteur, Les Impressions Nouvelles, Paris,
France, 2001
BAILLY Anatole, Dictionnaire Grec-Français : Le Grand Bailly, Hachette, Paris, France, 2000
BORDWELL Thomas, THOMPSON Kristin, Film History: An Introduction,
McGraw-Hill Primis, New York, USA, 2006
CAMPBELL Joseph, Le Héros aux mille et un visages, Oxus, Paris, France, 2010
CHARON Jean Marie, Patrick LE FLOCH, La Presse en Ligne, Le Modèle Economique de la Presse en Ligne, La Découverte, Paris, France, 2011
DACOS Marin, Pierre MOUNIER, L’Edition Electronique, La Découverte, Paris,
France, 2010
DAWKINS Richard, The Selfish Gene, Oxford University Press, New York, USA, 1976
DE CERTEAU Milchel, L'Invention du quotidien, Tome 1 : Arts de faire,
Chapitre 12, Gallimard, Paris, France, 1990
DONNAT Olivier, Les Pratiques Culturelles des Français à l’Ere Numérique : Enquête 2008, La Découverte, Evreux, France, 2009
FAYON David, Web 2.0 et Au-delà, Le rôle des internautes : consommacteurs et consommauteurs, Economica, Paris, France, 2008
FRAU-MEIGS Divina, Penser la Société de l'Ecran, Dispositifs et Usages,
Presses Sorbonne Nouvelle, 2011
GAFFIOT Félix, Dictionnaire Latin Français, Hachette, Turin, Italie, 1995
87
GAUTIER Philippe, GONZALEZ Laurent, L’Internet des Objets : Internet, mais
en Mieux, AFNOR, La Plaine Saint Denis, France, 2011
GLEYZE Jean-François, La Lecture Numérique : Etat des lieux et Champs d’Innovation, Bayard Presse, Paris, France, 2011
GUILLEMETTE Lucie, Louis HEBERT, Intertextualité, Interdiscursivité et
Intermédialité, Vie de Signes, Paris, France, 2009
HOMERE, L’Iliade, Gallimard, Paris, France, 1975
HOMERE, L’Odyssée, Gallimard, Paris, France, 1975
KAFKA Franz, La Métamorphose, Gallimard, Paris, France, 2008 LATRIVE Florent, Du Bon Usage de la Piraterie : Culture Libre, Sciences
Ouverte, La Découverte Poche, Paris, France, 2007
LAZARSFELD, KATZ, Paul, Elihu, Influence Personnelle : Ce que les Gens Font des Médias, Armand Colin, Paris, France, 2008
LE LAY Patrick, dans Les Dirigeants Français et le Changement, EIM, Paris,
France, 2004
LEISSING Gotthold, Laocoon, Hermann, Paris, France, 1997
LEVY Steven, Hackers: Heroes of the Computer Revolution, Anchor, New York, USA, 1984
MARTIN Alban, L’Age de Peer : Quand le Choix du Gratuit Rapporte Gros, Village Mondial, Gap, France, 2006
MCLUHAN Marshall, La Galaxie Gutenberg, La Genèse de l'Homme
Typographique, Mame, Paris, France, 1967
MCLUHAN Marshall, The Global Village: Transformations in World Life and Media in the 21th Century, Oxford University Press, New-York, USA, 1989
MCLUHAN Marshall, The Medium is the Message, Gingko Pr Inc, Berckley,
USA, 1967
MCLUHAN Marshall, Understanding Media: The Extensions of Man, The MIT Press, Cambridge, USA, 1964
MCLUHAN Marshall, Pour Comprendre les Médias. Les Prolongements
Technologiques de l’Homme, Bibliothèque Québécoise, Montréal, Canada, 1993
PARRY Milman, L'Épithète traditionnelle dans Homère : Essai sur un problème de style homérique, Paris, France, 1928
88
PATRON Sylvie, Le Narrateur : Introduction à la Théorie Narrative, Armand Colin, Paris, France, 2009
POSTMAN Neil, Amusing Ourselves to Death: Public Discourse in the Age of
Show Business, The Typographic Mind, Penguin, New York, USA, 1985
RHEINGOLD Howard, Les Communautés Virtuelles, Addison-Welley, Paris, France, 1993
ROLLOT Olivier, La Génération Y, PUF, Paris, France, 2012
SERRES Michel, Petite Poussette, Préface, Manifestes Le Pommier, Paris,
France, 2012 TINAZZI Giorgio, La Scrittura e lo Sguardo : Cinema e letteratura, Parola e
Immagine, La Grafica & Stampa, Venezia, Italie, 2007
UVA Christian, Cinema Digitale : Teorie e Pratiche, Le Lettre, Florence, Italie, 2012
ETUDES DE MARCHE Rüdiger Wischenbart, The Global 2011 eBook Market: Current Conditions &
Future Projections, 2011
GKF/AFP, Gfk Retail and Technology : Reference E-Content 2nd Trimestre 2011, juillet 2011
BIBLIOGRAPHIE INTERACTIVE MATRAS Mike, Our Choice, Push pop press, San Fransisco, USA, 2011
PANOZ Jiminy, Spirit of 76, Walrus, Paris, France, 2012
89
FILMOGRAPHIE
Batman Trilogy (2005 - 2012) de Christopher Nolan.
Dark Passage (1947) de Delmer Daves
Earth (2009) de Yann Arthus-Bertrand
Existenz (1999) de David Cronenberg
Indiana Jones (1981) de Steven Spielberg
Le Chanteur de Jazz (1927) d’Alan Crosland
Lord of The Rings Trilogy (2001-2003) de Peter Jackson
Mobius (2011) de Vincent Laforêt
Retour Vers Le Futur (1985) de Robert Zemeckis
Star Wars, Episode IV : Un Nouvel Espoir (1977) de George Lucas
The Matrix (1999) des frères Wachovski
FILMOGRAPHIE INTERACTIVE
Crime Face (2008) d’Alexander Wilson
Deliver Me To Hell (2010) de la marque Hell Pizza
Hypnose 1997 de Ali Bali et Violaine Meunier L.A. Noir (2011) de Brendan McNamara et Eavy Rain (2010) de David Cage
Le Manga (2010) de Koji Morimoto
The Metamorphosis (2011) de Sandor Kardos
Tippexperience (2011) de TippEx
90
FILMOGRAPHIE INTERNET
Charlie Schmidt’s Keyboard Cat (CSKC) de Charlie Schmidt
Double Rainbow de Hungrybear9562
Give It To Me (2012) du groupe Singtank
Life In A Day (2011) de Ridley Scott
DOCUMENTAIRE
Pirat@ge (2011) réalisé par Sylvain Bergere et Etienne Rouillon
SERIES
Bref (2011) de Kyan Khojandi
Misfits (2009 - 2012) de Howard Overman
91
WEBOGRAPHIE
www.alfarococo.com
http://actu-des-ebooks.fr
http://archive.wikiwix.com
http://www.bbc.co.uk
http://books.google.fr
http://www.copyright.gov
http://courtmetrage.frbb.Net
www.crimeface.Net
www.digitalelite.Net
www.digitalimmersion.fr
www.europeana.eu www.facebook.com
http://fluctuat.premiere.fr
http://forum.cineastes.com.
http://forum.polar.fi/
www.france24.com/fr/elections-direct360
www.insee.fr
www.larousse.fr
www.lemondenumerique.com/
http://livres.ados.fr/
www.my-interactive.tv/fr
www.netflix.com
www.numilog.com
92
http://www.prweb.com
http://romanspoliciers.meilleurforum.com/forum
www.scribd.com
www.smartnovel.com
www.ted.com
www.twitter.com
www.universalis.fr
http://vimeo.com
www.walrus-books.com
93
ANNEXES
A. Monomythe……………..……………..……………..……………..………………………………………………………………………...……..……………..……………………………..………..……………..……………..……………..……………..……………..…………… p.94
B. Chronologie des Projets Editoriaux de l’Edition Numérique………………..……………..…………… p.95
C. GFK/AFP Ebooks……………..……………..……………..……………..……………..……………..……………………………..……………………………………………..…..……………..……………..……………..……………..……………..…………… p.96
D. Texte de Jiminy Panoz……………..……………..……………..……………..……………..………………….……..……………………………..………..……………..……………..……………..……………..……………..…………… p.97
E. Exemples de métamédias……………..……………..……………..……………..……………..……………..……………………………..…………………….…………..……………..……………..……………..…………… p.93
94
A. Monomythe
95
B. Chronologie des Projets Editoriaux de l’Edition Numérique
Marin DACOS, Pierre MOUNIER, L’Edition Electronique, La Découverte, Paris,
France, 2010, p.51
96
C. GFK/AFP Ebooks
Etude GFK/AFP, Gfk Retail and Technology : Reference E-Content 2nd
Trimestre 2011, juillet 2011, p. 11.
97
D. Texte de Jiminy Panoz
Publié sur www.walrus-books.com/2011/03/repenser-la-narration-face-au-
numerique.
98
99
E. Exemples de métamédias Jean-François GLEYZE, La Lecture Numérique : Etat des lieux et Champs d’Innovation, Bayard Presse, Paris, France, 2011, pp. 53 – 54.
100
top related