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Les pratiques d’accompagnement vers l’emploi
auprès des jeunes adultes de 18-24 ans dans les
centres locaux d’emploi
Mémoire
Julie Tremblay Roy
Maîtrise en service social
Maître en service social (M.Serv.Soc.)
Québec, Canada
© Julie Tremblay Roy, 2014
iii
Résumé
Les services d’aide à l’emploi ont évolué au fil du temps et diffèrent d’un endroit à l’autre. Le
Québec présente un modèle dit mixte, où les clients sont dirigés soit directement en emploi, soit
vers une formation académique. Malgré l’éventail des services d’aide à l’emploi, les résultats ne
semblent pas toujours concluants. Les services sont-ils adaptés aux besoins des clients? Comment
sont-ils octroyés et qu’en pensent les intervenants qui les offrent? C’est ce que je cherche à
explorer, en recueillant les propos des intervenants œuvrant au sein de centres locaux d’emploi
(CLE).
La présente étude vise à comprendre les dynamiques associées à la fonction d'accompagnement
vers l’emploi mise en œuvre par ces professionnels dans le cadre de leur travail auprès des jeunes
de 18-24 ans en difficulté d’insertion. Elle cherche à identifier les facteurs caractérisant les
pratiques mises en œuvre auprès des jeunes adultes utilisateurs des services publics de l'emploi.
v
Table des matières
Résumé ................................................................................................................................ iii
Table des matières ................................................................................................................ v
Liste des illustrations ........................................................................................................ vii
Introduction .......................................................................................................................... 1
1- Problématique .................................................................................................................. 3
1.1. L’accompagnement vers l’emploi dans les programmes et mesures
d’assistance publique ........................................................................................................ 3
1.1.1. Classification des programmes et mesures ........................................................... 3
1.1.2. La politique québécoise d’insertion en emploi ..................................................... 5
1.1.3. Les jeunes : une cible importante de la politique d’insertion en emploi .............. 7
1.1.4. La politique en action : l’accompagnement vers l’emploi .................................. 10
1.1.5. Le processus de l’accompagnement .................................................................... 12
1.2. Limites des études actuelles .................................................................................... 20
1.3. Pertinence ................................................................................................................. 21
2- Cadre Conceptuel ........................................................................................................... 23
3- Méthodologie .................................................................................................................. 29
4- Présentation Des Résultats ............................................................................................ 33
4.1. Le processus d’accompagnement ........................................................................... 35
4.1.1. Accueil et prise de contact .................................................................................. 35
4.1.2. Informations sur les programmes et mesures d’accès à l’emploi ....................... 36
4.1.3. L’engagement dans une démarche ...................................................................... 39
4.1.4. Suivi/maintien du lien d’accompagnement ......................................................... 43
4.2. Nature et fonction du travail d’accompagnateur ................................................. 48
4.2.1. Collaboration et référence ................................................................................... 48
4.2.2. Objectifs professionnels (mandat) ...................................................................... 49
4.3. Facteurs qui limitent le travail d’accompagnement ............................................. 53
4.3.1. Le recrutement .................................................................................................... 53
4.3.2. La charge de travail ............................................................................................. 53
4.3.3. La vision de la clientèle envers le CLE et les agents .......................................... 54
4.3.4. Le discours des agents sur les caractéristiques de la clientèle ............................ 55
4.4. Facteurs qui favorisent le travail d’accompagnement ......................................... 60
4.4.1. Les compétences en œuvre ................................................................................. 60
vi
4.4.2. Recruter le jeune le plus tôt possible .................................................................. 63
4.4.3. Le support du milieu ........................................................................................... 63
4.4.4. L’instauration d’une relation positive ................................................................. 64
4.4.5. L’accès à un soutien personnalisé et des projets adaptés aux besoins
particuliers ..................................................................................................................... 65
4.4.6. La latitude laissée aux agents .............................................................................. 69
4.4.7. La motivation du client ....................................................................................... 71
4.4.8. Les échanges avec les partenaires ....................................................................... 72
4.5. Opinion des agents ................................................................................................... 74
4.5.1. L’efficacité des services ...................................................................................... 74
4.5.2. Propositions d’amélioration et de changements ................................................. 75
5- Discussion ........................................................................................................................ 78
Conclusion ........................................................................................................................... 87
Références ........................................................................................................................... 91
Annexe 1. Guide d’entrevue .............................................................................................. 96
vii
Liste des illustrations
Tableau 1: Catégorisation initiale ayant servi à l'analyse des résultats ....................................................... 27
Tableau 2: Catégorisation finale ayant servi à l'analyse des résultats ......................................................... 34
Figure 1: Résumé des facteurs d’influence sur le processus d’accompagnement ....................................... 77
1
Introduction
La présente étude vise à mieux comprendre les dynamiques associées à la fonction
d'accompagnement vers l’emploi mise en œuvre par les professionnels des centres locaux
d'emploi (CLE) dans le cadre de leur travail auprès des jeunes de 18-24 ans en difficulté
d’insertion. Elle vise donc à identifier les facteurs qui favorisent, limitent et caractérisent ces
pratiques professionnelles auprès des jeunes adultes utilisateurs des services publics de l'emploi.
En matière d’emploi, les pouvoirs publics sont interpellés par tout ce qui touche les difficultés
liées à l’insertion au travail. Les politiques publiques traduisent une recherche de changement
social et d’égalité des chances (Gaudet, 2007). Une des grandes priorités du gouvernement du
Québec concerne l’insertion des jeunes, ce qui le conduit à rendre accessible une gamme de
services pour ceux qui connaissent des difficultés d’insertion sociale, dont l’insertion durable en
emploi. Différentes politiques d’aide sont développées afin de soutenir les jeunes adultes dans
leur parcours individuel d’insertion et certaines portent plus précisément sur l’insertion dans le
monde du travail et donc, diverses stratégies d’intervention sont mises en œuvre. Un
accompagnement plus soutenu des jeunes éloignés du marché du travail fait partie de ces
stratégies, lesquelles s’articulent dans le cadre de programmes dits d’accompagnement
individualisé vers l’emploi. Ces programmes sont mis en œuvre par les professionnels du réseau
des services publics de l’emploi que constituent les centres locaux d’emploi. À ces professionnels
des services publics, s’ajoutent ceux des organismes communautaires du domaine de
l’employabilité. Chaque CLE offre des ressources et des services qui visent à venir en aide aux
personnes présentant des besoins d’accompagnement en matière d’emploi. Certaines catégories
de personnes, en raison de leur éloignement du marché du travail, présentent des besoins plus
grands. Parmi ces personnes, on trouve les jeunes adultes faiblement scolarisés. Les CLE ont
pour mandat de favoriser l’insertion de ces jeunes adultes par l’offre de services spécifiques
d’accompagnement en emploi.
Mais quelle forme concrète prend cet accompagnement dans la réalité? Cette étude descriptive a
comme but d’examiner de quelle façon s’actualise cet accompagnement offert aux jeunes adultes
en difficulté dans le réseau des services publics de l’emploi. Plus précisément, l’objectif consiste
à décrire les pratiques d’accompagnement effectuées par les professionnels œuvrant auprès des
2
jeunes de 18 à 24 ans dans les centres locaux d’emploi. Ainsi, la question examinée sera la
suivante : « Comment s’actualise le processus d’accompagnement réalisé par les professionnels
auprès des jeunes de 18 à 24 ans, dits éloignés du marché du travail et quelles en sont les
différentes composantes? ».
Ce document présentera d’abord ce que révèle la documentation portant sur les types de régimes
publics d’assistance. Une distinction entre trois grands types de programmes d’insertion en
emploi sera effectuée selon que ceux-ci soient axés principalement sur l’attachement rapide en
emploi (Work-First), sur le développement de l’employabilité de l’individu (Preparation-First) ou
sur une combinaison de stratégies (Mixed Model) (Boismenu et Noël, 1995). Par la suite,
l’intervention des pouvoirs publics relativement à l’accompagnement des jeunes adultes éloignés
du marché du travail sera présentée ainsi que l’état des connaissances sur l’accompagnement dans
le domaine de l’insertion en emploi auprès de ces jeunes.
Le cadre conceptuel sera présenté en deuxième partie du mémoire, suivi de la méthodologie de
l’étude. Enfin, la présentation des résultats et la discussion composeront la quatrième et la
dernière partie du mémoire.
3
1- Problématique
1.1. L’accompagnement vers l’emploi dans les programmes et
mesures d’assistance publique
1.1.1. Classification des programmes et mesures
S’inspirant de la classification des modèles d’État-Providence élaborée par Esping-Andersen
(1990), Boismenu et Noël (1995) distinguent trois types de régimes d’assistance qui se déploient
dans un contexte de tension entre deux des trois logiques suivantes : 1-réduction des dépenses
publiques, 2-contrôle des personnes bénéficiaires et/ou 3-arrimage entre les caractéristiques
socioprofessionnelles des individus et les tendances du marché de l’emploi. Plus spécifiquement,
ces trois types de régimes font référence aux programmes centrés sur l’attachement rapide en
emploi, nommés Work-First ou Labour Force Attachment (LFA), à ceux centrés sur la formation
et l’éducation, désignés Human Capital Development, ainsi qu’aux programmes combinant les
caractéristiques des deux types précédents, appelés Mixed Model ou « Contextual Labour Market
Model » (Peck, 2001; Herd, 2006). Globalement, les programmes d’insertion en emploi se
distinguent en fonction du niveau et des conditions d’admissibilité à l’aide financière, des
ressources investies par les pouvoirs publics en matière de services d’aide et d’insertion en
emploi ainsi que des modalités de mise en œuvre de ces mesures. Pour Greenberg, Deitch et
Hamilton (2009), les caractéristiques et les modalités d’application varient substantiellement
selon que les régimes ont pour objectif principal 1) la réduction des dépenses de l’État, 2)
l’accroissement des revenus des individus ou 3) qu’ils poursuivent les deux objectifs
simultanément.
Ainsi, la première catégorie de régimes, Work-First ou LFA, se distingue par l’accent mis sur le
placement rapide en emploi des prestataires. Les programmes de type LFA se distinguent par le
fait qu’ils ne s’appuient pas sur une évaluation en profondeur de la situation du demandeur
d’emploi, de ses besoins, de ses obstacles et de ses opportunités relativement à l’insertion en
emploi. Les programmes sont le plus souvent associés à des mesures d’employabilité très brèves
(aide à la préparation d’un curriculum vitae (CV), clubs de recherche d’emploi, etc.). Les
mesures de formation, lorsqu’elles existent, sont généralement de courte durée et directement
4
liées à la conjoncture du marché du travail. La situation de précarité en emploi menant à une
alternance de périodes répétées à l’assistance et de périodes d’emplois faiblement rémunérés est
considérée comme faisant partie du processus d’insertion en emploi. Cette approche vise d’abord
l’emploi le plus rapidement possible et non pas nécessairement l’autosuffisance ou la sortie de la
pauvreté. Cette approche requiert évidemment, à court terme, un investissement moins important
de l’État (Scott et Rowe, 2000; Dufour, Boismenu et Noël, 2003; United States General
Accounting Office, 1999). Greenberg et al. (2009) associent les programmes de types
« Mandatory Job-Search first » et « Mandatory work experience » à cette première catégorie de
régimes centrés principalement sur la réduction des dépenses de l’État.
Le second type de régime d’assistance associé au Human Capital Development ou Preparation-
First, correspond notamment aux programmes de type « Mandatory Education First » centrés sur
la préparation à l’emploi plutôt que sur l’insertion directe en emploi et dont l’objectif principal
vise l’accroissement des revenus des prestataires. Les programmes d’aide à l’emploi de cette
catégorie font généralement référence à des mesures et services visant à améliorer le niveau
d’employabilité des individus prestataires. Contrairement à la catégorie précédente, l’accent est
mis sur l’évaluation en profondeur de la situation de chaque client et sur l’identification des
barrières individuelles à l’emploi. Les mesures proposées dans ce type de régime sont
personnalisées et visent à éliminer les barrières faisant obstacle à l’insertion ou à favoriser
l’obtention d’un diplôme.
Enfin, le troisième type de régimes d’assistance correspondant au Mixed Model est caractéristique
des programmes qui combinent stratégies d’insertion rapide en emploi ET offre de mesures de
développement de l’employabilité en fonction de la situation de l’individu prestataire et des
besoins du marché de l’emploi. Ces programmes combinent généralement les outils et les
services utilisés dans les deux catégories précédentes. Ainsi, l’accès aux services de formation
pour les individus prestataires est assujetti aux compétences recherchées dans le marché de
l’emploi local. Ici, la correspondance entre le profil d’employabilité de l’individu et les
caractéristiques du marché du travail est centrale. Les programmes de types « Mandatory Mixed-
Initial-Activity » et « Time-Limit Mix» de Greenberg et al. (2009) sont associés à cette catégorie
et sont caractérisés par le fait qu’ils poursuivent, de façon simultanée, les deux objectifs de
réduction des dépenses de l’État et d’accroissement des revenus des prestataires.
5
Au Québec, l’adoption de la Loi sur le soutien du revenu et favorisant l’emploi et la solidarité
sociale, devenue en 2005 la Loi sur l’aide aux personnes et aux familles, a entrainé la mise en
œuvre d’un nouveau modèle de livraison de services intégrant au sein d’une même structure
administrative des services de solidarité sociale et des services publics de l’emploi.
L’intervention gouvernementale se déploie dorénavant dans le cadre d’une « approche
d’intervention utilisée par le personnel d’Emploi-Québec (…) (visant) à structurer, avec la
clientèle concernée les mesures d’aide et le type d’accompagnement dont celle-ci peut avoir
besoin pour optimiser ses chances d’intégrer le marché du travail.» (MESS, 2007; 145).
Globalement, les mesures actives d’emploi du régime public québécois d’assistance font
référence à la préparation à l’emploi (mesures de projets de préparation en emploi et mesures des
programmes d’aide et d’accompagnement social), à l’insertion en emploi (mesures de services
d’aide à l’emploi et mesures de subventions salariales aux employeurs) et enfin à l’augmentation
du niveau d’employabilité des demandeurs d’emploi avec la mesure de formation (MFOR). Or, le
fait que la majorité des mesures actives d’emploi soient associées à différents dispositifs de
préparation, d’éducation et de formation, combinées au caractère volontaire de la participation de
la clientèle, nous invite à situer le régime québécois d’assistance sociale davantage au sein du
Human Capital Development (HCD). En effet, le modèle québécois semble partager plusieurs
caractéristiques avec les types de régimes de cette catégorie, comme en témoigne la mesure de
formation, une des principales mesures actives d’emploi, avec 443 990 000 $ investis en 2009-
2010 auprès de 79 114 personnes pour un total des 90 081 participations. Dans le modèle du
Human Capital Development, l’accompagnement représente une fonction importante des
professionnels des services d’emploi. Cet accent sur l’accompagnement traverse aussi la politique
publique québécoise d’insertion en emploi.
1.1.2. La politique québécoise d’insertion en emploi
Le discours de la politique québécoise d’insertion en emploi laisse voir que les autorités
publiques considèrent avoir la responsabilité de mener des actions qui contribuent à la prospérité
économique ainsi qu’au développement social du Québec. Une société solidaire doit assumer
certaines responsabilités envers les citoyens qui sont dans le besoin (MESS, 2001). C’est dans
cette optique que la pauvreté et les difficultés reliées à l’emploi constituent des problématiques
6
qui interpellent les pouvoirs publics, lesquels se penchent sur ces sujets en instaurant diverses
mesures.
Le Québec compte actuellement plusieurs personnes qui sont en état de travailler, mais qui
n’occupent pas d’emploi. Le Pacte pour l’emploi, document d’orientation de la politique publique
de l’emploi paru en 2008, mentionnait que la population en âge de travailler déclinerait dès 2012
et que les départs à la retraite causeraient des postes vacants à combler (MESS, 2008). Les efforts
gouvernementaux énoncés dans le Pacte pour l’emploi visaient à aider les populations
vulnérables à gagner en autonomie, tout en répondant aux impératifs du développement
économique de la province. Plus récemment, en février 2013, la stratégie de mobilisation Tous
pour l’emploi : une impulsion nouvelle avec les partenaires, a été lancée. On y mentionne la
rareté de la main-d’œuvre qui est grandissante en raison d’une diminution de la population en âge
de travailler. Dans les années à venir, on prévoit beaucoup d’emplois à pourvoir (1,4 million au
cours des 10 prochaines années). Il importe donc pour les pouvoirs publics de voir à ce que la
main-d’œuvre potentielle soit en mesure d’intégrer le marché de l’emploi. La stratégie de
mobilisation mentionne donc un souci d’accompagner les prestataires d’assistance sociale afin
que ceux-ci développent leurs capacités à participer activement au monde du travail (MESS,
2013).
Par conséquent, considérant que la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale constitue une
priorité pour le gouvernement, l’aide à l’insertion en emploi vise différentes catégories
d’individus (chômeurs, prestataires d’assistance sociale, etc.) en mesure d’occuper un emploi,
mais faisant face à des obstacles les maintenant éloignés du marché du travail. Dans une
perspective de responsabilité envers les personnes en situation de vulnérabilité, la mise en emploi
de ces populations éloignées du marché du travail constitue une priorité gouvernementale.
De plus, l’énoncé politique du plan de lutte à la pauvreté (MESS, 2004) vise à prévenir la
pauvreté et l'exclusion sociale en développant le potentiel des personnes en créant des conditions
favorables à l’insertion des individus en emploi, notamment en incluant un volet réussite et
insertion des jeunes (MESS, 2002). Ce plan d’action s’harmonise avec une autre politique
gouvernementale; le Pacte pour l’emploi, énoncé d’ensemble de la politique publique d’emploi.
Plus précisément, le « Pacte pour l’emploi » souhaite un accompagnement accru des gens plus
éloignés du marché de l’emploi, dont les jeunes en difficultés (MESS, 2008). Parallèlement, la
7
politique jeunesse (Stratégie d’action jeunesse 2009-2014) qui conjugue l’ensemble de l’action
gouvernementale envers les jeunes, contient un volet qui vise aussi l’insertion en emploi des
jeunes en difficulté et leur pleine participation à la société (Gouvernement du Québec, 2009a).
Concrètement, la Stratégie d’action jeunesse propose des programmes et mesures afin
d’accompagner les jeunes dans leur intégration au marché du travail et dans leur maintien en
emploi. Les extraits suivants illustrent la préoccupation envers la clientèle jeunesse dans l’action
gouvernementale.
« L’éducation est source de liberté. La liberté de choisir et d’orienter son parcours de
vie en fonction de ses rêves et de ses aspirations. Cependant, de l’école au marché du
travail, tous les jeunes ne prennent pas le même chemin et ne partent pas du même
point. Le désir de réussir le passage à l’autonomie est commun à l’ensemble des
jeunes Québécois. Chaque jeune doit pouvoir bénéficier d’un accompagnement
adapté à sa réalité et orienté vers sa réussite tout au long de ce parcours. » (Secrétariat
à la jeunesse, 2009, p.8).
« Pour relever les défis du marché du travail de demain, il faudra miser sur l’apport
de tous les jeunes. Dans un contexte démographique où bientôt les retraités seront
surreprésentés par rapport à la relève, il faut s’assurer que celle-ci soit hautement
qualifiée afin que le Québec conserve son niveau de vie. La compétitivité des
nouvelles économies émergentes hausse aussi les exigences. Afin que notre savoir-
faire continue de rayonner sur tous les continents, il importe de former une relève
dynamique et compétente, capable de relever les défis du nouvel espace économique
mondial. » (Secrétariat à la jeunesse, 2009, p.8).
1.1.3. Les jeunes : une cible importante de la politique d’insertion en emploi
Les jeunes nés dans les années 80 et 90 se retrouvent aujourd’hui prêts à intégrer le marché du
travail. Cependant, ils font face à des difficultés telles que la saturation du marché, ou encore la
présence de nouvelles exigences qui demandent souvent des études prolongées (Gaudet, 2007).
Plusieurs jeunes ne participent donc pas de façon active à la société et présentent des difficultés à
se faire une place dans le monde du travail (précarité du travail, interruptions fréquentes de
travail, réalité du marché, etc.) (Guédon, dans Le Bossé, 2000). Au-delà de la complexité que
représente l’accès au marché du travail en lui-même, certains jeunes ont particulièrement plus de
difficultés d’insertion. C’est le cas des jeunes décrocheurs, des jeunes immigrants, des jeunes des
communautés culturelles ainsi que des jeunes handicapés, qui s’avèrent être encore plus éloignés
du marché de l’emploi. Les jeunes âgés de 18 à 35 ans faiblement scolarisés sont particulièrement
8
à risque de se retrouver dans des emplois précaires et de connaître des épisodes de chômage
prolongé (Réseau des carrefours jeunesse-emploi du Québec, 2008). En 2011-2012, le taux de
chômage des personnes ayant un certificat ou un diplôme post-secondaire se situait à 5,9 %, alors
qu’il grimpait à 15,1 % chez celles n’ayant pas terminé leurs études secondaires. De plus, non
seulement le taux de chômage est plus élevé chez les personnes sans diplôme, mais la croissance
de ce taux se fait aussi plus rapidement. En effet, pour les personnes ayant un diplôme
universitaire, le taux de chômage a subi une hausse de 1,5 % entre 2007-2008 et 2009-2010,
tandis que pour la même période, il a augmenté de 4,1 % chez celles ne possédant pas leur
diplôme d’études secondaires. Au Québec, chez les 15 à 19 ans ainsi que chez les 20 à 24 ans on
dénote un faible taux d’activité. Entre l’année 2007-2008 et l’année 2011-2012, celui-ci a
diminué pour les deux groupes d’âge. Il a chuté de 4,8 % pour les 15 à 19 ans et de 1,9 % chez
les 20-24 ans (Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2013).
Leclerc, Filteau et Bourassa (2002) décrivent le profil type de la clientèle visée par les mesures
d’accompagnement en emploi. Ainsi, il est possible de distinguer deux profils principaux, soit les
personnes peu qualifiées, qui ont peu d’expérience ou qui ne se sentent pas prêtes à travailler et
les personnes qui, en plus des difficultés d’intégration en emploi, présentent des difficultés
particulières telles que des problématiques de santé mentale, d’alcoolisme ou de toxicomanie. Il
s’agit donc d’une population très hétérogène avec de multiples caractéristiques, qui présente des
défis particuliers en regard de l’insertion en emploi.
Si la structure du marché du travail génère de l’exclusion, les caractéristiques des bénéficiaires, et
plus encore, l’environnement dans lequel ils vivent, peuvent constituer des obstacles à
l’occupation et au maintien d’un emploi (Frankel, 2005). Certaines clientèles sont plus fortement
fragilisées et sont donc considérées comme plus éloignées du marché du travail. Ces clientèles
présentent des « barrières » à l’employabilité (Bell, 2005). Un accompagnement plus soutenu est
donc mis en place pour elles à travers l’action des agents d’aide à l’emploi, lesquels ont pour
fonction d’évaluer les besoins des clients et de leur octroyer des activités appropriées (Brodkin,
1997). Dans le champ des services d’aide à l’emploi, l’accompagnement passe plus
particulièrement par 1) l’identification des compétences du jeune, 2) l’évaluation de sa
motivation et de son niveau d’autonomie et 3) l’identification de contraintes à son parcours
d’insertion socioprofessionnelle. Ces pratiques professionnelles prennent la forme d’un
9
accompagnement en emploi (développement de l’autonomie par la réalisation de tâches de travail
au sein d’un chantier de travail, d’une entreprise d’insertion, d’un stage en entreprise, etc.) et
d’un accompagnement vers l’emploi (développement de l’autonomie par la réalisation d’activités
et la mise en œuvre d’un projet personnel d’insertion socioprofessionnelle) (Defalvard, Brun et
Thibault, 2008).
Au Québec, ces fonctions sont effectuées à la fois par des professionnels des organismes
communautaires et par le personnel du réseau des centres locaux d’emploi (CLE). Il existe 150
centres locaux d’emploi au Québec, répartis dans 17 régions. Les CLE offrent des ressources et
services d’accompagnement vers l’emploi ainsi que des services d’information sur le marché du
travail.
À ce sujet, Leclerc et al. (2002) rapportent que certains agents qui travaillent dans le domaine de
l’aide à l’emploi, se sentent démunis devant la lourdeur de la clientèle. Par ailleurs, les agences
d’aide à l’emploi rapportent plusieurs difficultés vécues, dont le manque d’éducation, le manque
d’expérience de travail, des difficultés d’ordre psychologique, social et comportemental, une
faible estime de soi, un manque de confiance, une attitude peu favorable, un manque d’aspiration,
la dépendance ou l’abus de substance, la dépression et un manque d’habileté dans la capacité à
résoudre des problèmes complexes ou des problèmes de la vie quotidienne (Bell, 2005). Les
agents d’aide à l’emploi reconnaissent donc la présence de multiples problématiques chez leur
clientèle et doivent composer et intervenir avec cette réalité. MacDonald et Marston (2005,
p.385) rapportent les propos d’un agent à ce sujet: « A lot of the people who come to me have
alcohol and drug addictions and mental illness. They seem to be quite free to tell me all about
it. ». Les agents doivent donc utiliser différentes techniques qu’ils jugent appropriées dans leurs
interventions avec les clients.
La présente étude s’inscrit dans ce processus par le fait qu’elle s’attarde à explorer et à décrire les
pratiques d’accompagnement mises en œuvre par des acteurs partenaires de la politique
québécoise de la jeunesse, en l’occurrence les intervenants œuvrant dans les CLE.
10
1.1.4. La politique en action : l’accompagnement vers l’emploi
Les compétences des professionnels de l’insertion sont difficiles à cerner et plusieurs questions se
posent sur le sujet en raison de la multiplicité des rôles qu’ils doivent accomplir (Roulleau-
Berger, 1998). Les perceptions quant aux fonctions occupées par les accompagnateurs peuvent
donc varier. Les auteurs MacDonald et Marston (2005), décrivent quant à eux les gestionnaires
de cas dans les programmes d’insertion en emploi, comme les personnes qui articulent les droits
et responsabilités entre l’État d’une part et les personnes sans emploi d’autre part.
Ces différents rôles que doivent occuper les agents d’aide à l’emploi semblent revenir dans les
préoccupations des professionnels chargés d’accompagnement. Ceux-ci essaient autant que
possible de répondre à la réalité et aux besoins individuels du client, mais l’endroit où ce dernier
sera dirigé ne repose pas uniquement sur ces considérations. En effet, les agents d’aide à l’emploi
sont nombreux à mentionner que le modèle du « work-first » prime tout de même, ce qui signifie
qu’une priorité est mise sur le placement en emploi rapide des clients (Brodkin, 1997). En effet,
les accompagnateurs doivent être des aidants qui sont au service de la clientèle, mais ils doivent
aussi répondre aux exigences du système et de l’organisme au sein duquel ils œuvrent. Ainsi, ils
mentionnent notamment que ces différents rôles peuvent parfois entrer en conflit et que certaines
pratiques ou exigences bureaucratiques peuvent venir limiter ou entraver le temps et l’efficacité
des services offerts aux clients (Leclerc et al., 2002). Le client qui s’engage dans un processus
d’insertion se présente avec des attentes, des réserves et des motivations particulières, ce qui
oblige les agents à faire preuve d’astuces et d’originalité pour le servir le mieux possible, tout en
répondant aux objectifs de l’organisme dans lequel il travaille. Dans le monde de l’aide à
l’emploi règne une certaine culture bureaucratisée et les travailleurs qui œuvrent dans ces milieux
rapportent se sentir « coincés entre leur fidélité première à la clientèle et les directives de
l’organisation » (Leclerc et al. 2002, p.28). Les exigences des organisations dans lesquelles les
agents travaillent peuvent donc être parfois difficiles à atteindre et à concilier avec une
intervention qui s’avère la plus appropriée pour le client.
Le rôle concret des agents d’aide consiste tout d’abord à apparier les besoins des bénéficiaires des
services d’aide à l’emploi et les ressources disponibles. En effet, au début du processus
d’accompagnement, les clients sont orientés selon leurs demandes et leurs besoins, mais
également en fonction de ce qui peut leur être offert dans le cadre du programme d’aide à
11
l’emploi (Brodkin, 1997). Au début des rencontres, il y a donc une exploration de l’histoire du
client, de son passé en ce qui concerne le travail, des barrières à son employabilité, ainsi que de
ses préférences et habiletés particulières, pour finalement en arriver à déterminer un plan. Ainsi,
le client peut être par la suite dirigé vers de l’entraînement à certaines habiletés, à des techniques
de recherche d’emploi, etc. Certains agents soulignent que leur rôle n’est pas de trouver un
emploi aux clients, mais plutôt de les supporter dans leur recherche d’emploi et les aider à
développer les habiletés nécessaires. Les tâches plus concrètes à accomplir pour les agents
consistent donc à aider les clients à se prendre en main professionnellement, à devenir autonomes
sur ce plan et à développer les habiletés personnelles nécessaires (MacDonald et Marston, 2005).
L’accompagnement en emploi des personnes bénéficiaires de l’aide sociale, va au-delà du simple
fait de dire « tu dois te trouver un emploi ». L’accompagnateur a une plus grande marge de
manœuvre, il utilise une variété de moyens pour la remise en emploi de la personne (Bell, 2005).
L’agent d’aide à l’emploi effectue donc des interventions qui visent les habiletés des clients, mais
a également comme rôle d’articuler la demande et l’offre disponible au niveau des emplois
(Guele, Sibeud, Rabeyrin et Devries, 2003). Pour plusieurs endroits, le fait d’avoir des
« contacts » et de les utiliser revêt une importance particulière. En France, certains « chargés de
relation entreprise » assument des tâches spécifiques relativement aux contacts et aux relations
avec les entreprises (Criff-Formation et conseil, 2005).
Plusieurs professionnels de l’insertion ont également le souci de faire prendre conscience de la
réalité du marché du travail à leurs clients. L’accompagnateur doit donc réguler son discours
selon les aléas du marché de l’emploi. Si l’offre d’insertion est mince et que le marché de
l’emploi est fermé, le professionnel dit vouloir préparer la personne en démarche d’insertion à
faire face à cette réalité et à se préparer à certaines difficultés (Brégeon, 2008). Des écrits
abordent également l’importance d’une bonne connaissance des milieux d’emploi, non seulement
afin de bien guider la personne, mais aussi pour l’amener à connaître ces emplois et
éventuellement, s’y intéresser (Criff-Formation et Conseil, 2005). Une bonne connaissance des
milieux d’emploi de la part des agents permet donc à la personne accompagnée de se préparer
adéquatement et de savoir à quoi s’attendre, pour ensuite diminuer le stress et être plus
polyvalente. Ainsi, le partenariat avec les entreprises peut être déterminant et particulièrement
aidant dans un processus d’aide en insertion. Une bonne connaissance du marché de l’emploi et
des contacts dans celui-ci sont donc des outils d’aide potentiellement utiles.
12
Par ailleurs, les écrits démontrent que les habiletés personnelles des agents qui offrent les services
d’accompagnement sont importantes, puisqu’elles ont une influence sur ce qui s’opère dans la
relation (Lipsky, 1980). Ces agents font preuve d’un jugement et d’une interprétation qui font en
sorte que ce qui se passe dans la rencontre n’est pas nécessairement écrit ou déterminé d’avance.
Ils « décident » en quelque sorte, du déroulement ou de la façon concrète dont seront appliquées
et exécutées les politiques. Lipsky (1980) confère à ces agents, une influence certaine sur les
politiques. La nature de leur travail est importante puisqu’elle détermine la façon dont s’actualise
la fonction d’accompagnement. Ils doivent user de leur jugement et prendre des décisions, ce qui
fait que la nature du travail d’accompagnement effectué varie et prend la forme, pour chaque
client, d’un processus d’accompagnement.
1.1.5. Le processus de l’accompagnement
Même si elles visent toutes le même but qu’est l’insertion en emploi, les pratiques spécifiques des
agents d’aide à l’emploi sont très variables. Elles sont modelées en fonction de divers facteurs
tels que leurs compétences professionnelles, la définition de leur fonction, les ressources de
l’agence, les possibilités d’emploi qui sont offerts sur le marché du travail, les motivations et
mécanismes d’intervention auxquelles l’agence adhère, etc. (Brodkin, 1997).
En ce qui concerne le déroulement des rencontres, Lagnel (2001) souligne que
l’accompagnement peut prendre plusieurs formes. Par exemple, l’accompagnement en insertion
professionnelle inclut souvent un volet d’accompagnement individuel, où la personne
accompagnée développe son autonomie et les capacités nécessaires à la réussite de son insertion.
Il peut s’agir par exemple de familiariser la personne avec les règles du monde du travail ou
encore de développer certaines compétences (Criff-Formation et Conseil, 2005). Il arrive aussi
fréquemment que des tâches plus techniques soient effectuées, telles que l’apprentissage de
techniques d’entrevue, la construction du curriculum vitae, ou encore la recherche d’emploi via
internet (Bell, 2005).
La clientèle cible des démarches d’accompagnement en emploi consiste majoritairement en une
clientèle éloignée du marché du travail. Ainsi, les agents peuvent se sentir comme des « aidants »
pour ce type de clientèle. Leclerc et al. (2002) rapportent à cet effet que pour certains clients, la
13
réinsertion peut parfois ressembler davantage à une réinsertion sociale qu’à une réinsertion
professionnelle. Ainsi, il n’est pas rare que l’accompagnement social dépasse son objet qu’est
l’emploi, pour aborder des termes plus généraux tels que les difficultés particulières de la
personne, des questions de santé, de logement, etc. (Guele et al., 2003). Les jeunes qui sont
accompagnés doivent apprendre à développer diverses compétences de nature expérientielle,
sociale, cognitive et communicative. Il sera donc parfois question d’offrir des renseignements et
des connaissances générales, de pratiquer certaines tâches ou des habiletés techniques et parfois
même sociales. Brégéon (2008) a mené une étude sur les interventions sociales ayant lieu dans
les mesures d’insertion et mentionne à ce sujet que certaines pratiques d’insertion vont jusqu’à
inclure des activités de groupe, aussi simple qu’une sortie au cinéma ou au musée. Par ailleurs,
l’opinion de professionnels diffère sur ce point. En effet, un intervenant rapporte que l’inclusion
d’activités socioculturelles à la démarche ne répond en aucun cas aux réels besoins des personnes
en processus d’insertion.
Les sujets abordés avec la personne en démarche d’insertion peuvent inclure des aspects variés
tels que l’exploration du parcours antérieur de la personne, de ses loisirs et parfois même de ses
échecs (Brégeon, 2008). Certains professionnels demandent à ce que la personne accompagnée
parle de ses rêves et de ses buts. En fait, l’accompagnateur et la personne accompagnée peuvent
finir par parler de tout. Leclerc et al. (2002), mentionnent l’importance pour les agents
d’identifier le problème du client. L’essentiel du travail pour l’agent consiste alors à faire
admettre au client qu’il y a un problème, s’entendre sur la nature de celui-ci pour ensuite
envisager les solutions possibles. En effet, le processus d’accompagnement en insertion en
emploi nécessite une réflexion sur les conditions qu’il est nécessaire de mobiliser pour arriver à
atteindre les buts et objectifs (Criff-Formation et Conseil, 2005). À ce sujet, une publication du
gouvernement du Québec (2009 b) précise quatre formes que l’aide peut prendre, ce qui illustre
bien la dimension holistique du travail effectué auprès de la clientèle. Tout d’abord, il y a un
renforcement de l’intérêt du client, pour ensuite procéder à l’identification des besoins de celui-
ci. C’est suite à la mise en lumière de ses besoins que la personne accompagnée peut travailler à
développer ou à maintenir certaines habiletés, attitudes et comportements, tout en travaillant à la
recherche de solutions afin de contrer les obstacles qui nuisent à son cheminement
socioprofessionnel. Finalement, le processus de l’accompagnement prend la forme d’une relation
14
professionnalisée, dirigée vers un but; l’insertion en emploi, et peut se décomposer en quelques
dimensions particulières.
Accueil et prise de contact
L’espace physique d’accueil pour les services d’accompagnement varie d’un endroit à l’autre et
compose une part importante du processus. Dans certains milieux, cet espace revêt un caractère
plus confidentiel, tandis que pour d'autres, il s’agit d’un guichet d’accueil posté directement dans
la salle d’attente (Brégeon, 2008). Le premier acte d’accueil consiste à orienter la personne en lui
présentant les formes d’aide qu’elle peut recevoir (Le Guellec, 2001). À ce titre, Brégeon (2008)
fait état de certains questionnements de la part des professionnels de l’insertion. Faut-il tenter des
formes d’animation collective? Serait-il favorable de localiser les bureaux d’accompagnement
dans des endroits facilitant davantage la prise de contact avec les jeunes? Faut-il recevoir le
jeune sur rendez-vous ou dès qu’il se présente? Pour certains, cette dernière question est
primordiale, car refuser de voir un jeune dès qu’il se présente serait risquer de le perdre (Brégéon,
2008). L’auteur ajoute que certains intervenants considèrent important de se déplacer eux-mêmes
dans la salle d’attente pour accueillir le jeune en personne.
Les intervenants tendent à consacrer une période de temps plus importante pour le premier
contact. Cette première rencontre, aussi nommée l’entretien d’accueil, peut être constituée de la
prise de contact avec le jeune, de l’exploration des raisons de sa présence et des procédures à
suivre ainsi que des conditions générales dans lesquelles l’aide sera octroyée (Brégéon, 2008).
Après avoir pris connaissance et décodé la nature de la demande de la personne, l’intervenant
doit évaluer les capacités de cette dernière à s’engager dans la démarche d’insertion
(Dartiguenave et Garnier, 2008). Brégéon (2008) souligne que c’est habituellement dans cette
première rencontre que la notion de projet est abordée.
Certains aspects sont d’ordre plus technique, comme la disposition de l’espace physique par
exemple. Brégeon (2008) parle à cet effet que la disposition du bureau peut avoir une certaine
influence dans la démarche. Par exemple, l’installation du bureau entre le jeune et l’intervenant
peut instituer un cadre particulier. D’autres balises peuvent aussi être établies pour aider le
15
processus. Comme on sait, l’accompagnement en insertion demande une grande implication
personnelle (Le Guellec, 2001) et c’est pourquoi il est parfois mentionné dans les écrits que les
professionnels de l’insertion peuvent facilement faire face à l’épuisement. Ainsi, dans les
ouvrages sur l’accompagnement en insertion en emploi, la notion du nombre de suivis idéal est
abordée et Brégeon (2008) affirme à ce propos que les professionnels ne devraient pas dépasser
une certaine limite de suivis, afin de ne pas tomber dans l’épuisement.
Le contrat d’accompagnement
L’accompagnement vers l’emploi est une relation contractualisée et cette relation repose sur un
engagement réciproque (Guele et al., 2003). L’accompagnement est alors relié à deux mots clés,
soit insertion et contrat. Ainsi, l’accompagnement permet l’accès à des droits et est effectué selon
des procédures spécifiques. L’accompagnement s’inscrit donc dans une relation contractuelle
puisqu’il y a une définition claire des rôles de chacun, des objectifs des rencontres ainsi que de la
durée. Dans le même ordre d’idées, il est possible que soient instaurées des règles de
fonctionnement formelles à l’intérieur de la relation entre l’accompagnant et l’accompagné.
Dartiguenave et Garnier (2008) parlent donc de « contrat » lorsqu’ils abordent le sujet de
l’instauration de ces règlements. Un contrat permet non seulement de baliser les règles de
l’échange, mais aussi de réaliser le chemin parcouru. L’intervenant en insertion professionnelle
peut entre autres imposer des règles quant à l’écoute, à la présence aux rencontres et au respect
des engagements et des décisions. La présence d’un contrat permet aussi d’instaurer un climat
d’égalité entre les deux personnes qui entretiennent la relation, en délimitant des positions où,
théoriquement, aucun des deux n’est en état de supériorité face à l’autre (Dartiguenave et
Garnier, 2008). L’instauration d’un contrat initial permet également de baliser le processus en y
incluant des objectifs, des échéances ainsi que des exigences minimales. Certains événements
susceptibles de subvenir au cours du processus peuvent aussi être balisés par la présence du
contrat, car les droits et contraintes sont négociés en fonction de celui-ci (Dugué, Mathey-Pierre,
Rist et Waysand, 2001). Des auteurs se questionnent cependant à savoir si la mise en place d’un
contrat s’avère une tentative de diminuer la responsabilité de l’intervenant dans le processus, en
raison de la connotation de « prise en charge » que peut avoir la démarche d’accompagnement
(Dartiguenave et Garnier, 2008).
16
Élaboration du projet et prise en charge
La notion de projet est fréquemment abordée dans le processus d’accompagnement en insertion
professionnelle. La définition de ce qu’est un projet dans le processus d’insertion peut présenter
différentes variantes, mais de façon générale, on peut dire qu’il renvoie à la méthodologie de
l’action. Le projet permet donc d’évaluer et de comprendre la situation qui fait problème. Établir
le projet, c’est demander à la personne ce qu’elle veut, c’est s’informer sur ses motivations
(Dartiguenave et Garnier, 2008). Il est cependant important que ce projet soit réaliste, c'est-à-dire
que la personne ait les moyens de le mettre en œuvre. L’accompagnement est donc ici associé au
fait d’aider la personne à franchir les étapes, ou encore à lui faire prendre conscience de ses
capacités personnelles (Dartiguenave et Garnier, 2008). À ce sujet, il n’est pas rare que les écrits
qui traitent de l’accompagnement soulignent l’importance de faire en sorte que le client demeure
motivé, car cela peut être très déterminant dans sa réussite. Les jeunes qui bénéficient de
l’accompagnement en insertion professionnelle doivent demeurer confiants qu’ils peuvent
atteindre leurs objectifs, doivent être motivés et faire preuve de persévérance pour réussir (Bell,
2005; MacDonald et Marston, 2005).
Cependant, la notion de prise en charge dans l’accompagnement en insertion représente un enjeu
non négligeable. Ainsi, les auteurs précisent que le fait d’accompagner une personne ne consiste
pas à la détourner de ses responsabilités en les assumant à sa place, il s’agit plutôt de partager ces
responsabilités avec elle. Non seulement il est important de ne pas « faire pour l’autre », mais
Lagnel (2001) ajoute qu’il ne faut pas « vouloir pour l’autre ». Certains auteurs parlent à ce sujet
de non-directivité afin de rendre compte de l’importance de l’autonomie à laisser à la personne
accompagnée (Speroni, 2001). Le Guellec (2001) abonde également en ce sens en affirmant que
l’accompagnement est entre autres une relation d’aide où il est important de se soucier de ne pas
faire les choses à la place de l’autre. Tout au contraire, le professionnel doit intervenir le moins
possible pour la personne et tenter de la rendre autonome en lui offrant plutôt des outils. Comme
le mentionne Bell (2005), les agents d’aide à l’emploi donnent un coup de pouce aux clients afin
qu’ils deviennent autosuffisants. Le jeune qui est accompagné doit devenir l’acteur de son
insertion et la démarche doit lui permettre d’accéder à des droits. En effet, Guele et al. (2003)
soulignent que l’accompagnement social vise à ce que la personne aidée atteigne une situation de
17
vie qui lui permettra l’acquisition de droits. Les auteurs mentionnent également que les
démarches d’aide en insertion professionnelle visent à faire cheminer les personnes dans le
développement et l’utilisation de leurs ressources propres. Ainsi, l’accompagnement social est
envisagé comme un levier vers l’atteinte de l’autonomie. C’est donc par une prise de pouvoir
personnelle de la part du client que l’accompagnateur aide ce dernier à atteindre les objectifs
fixés.
La relation
Au-delà des aspects plus techniques qui construisent les rencontres, l’accompagnement inclut
aussi un côté plus abstrait, mais non moins important qu’est la qualité de la relation. Les propos
de Suisse (2001) illustrent bien la richesse et l’importance de la relation d’accompagnement
quand il mentionne que pour le jeune, ce qui est vécu avec l’accompagnant peut devenir
déterminant dans son processus de « reconstruction ». Selon Brégeon (2008) également, une
relation privilégiée est primordiale dans les interventions des professionnels de l’insertion.
Certaines attitudes sont courantes et peuvent aider à l’établissement d’une relation efficace, il est
ainsi du ressort de l’intervenant de travailler à l’accrochage relationnel. La relation, une fois
créée, peut prendre plusieurs directions. Il est possible que cette relation d’accompagnement en
emploi devienne davantage une relation d’aide pour des problèmes non directement liés aux
objectifs d’insertion. Brégéon (2008) mentionne qu’au cours du processus, des problèmes et
difficultés autres que reliés directement à l’emploi sont abordés, tels que les problèmes sociaux
des jeunes, qui sont les principaux obstacles à l’insertion. La nécessité ou le caractère inévitable
d’une portion dédiée à la relation d’aide dans le processus est donc mis en lumière. Ainsi,
certains agents prennent soin de s’associer avec d’autres professionnels tels que des psychologues
ou des professionnels de la santé (MacDonald et Marston, 2005). Pour plusieurs, il est essentiel
de ne pas se limiter aux caractéristiques « professionnelles » de la personne, mais d’envisager
celle-ci dans sa globalité. À cet effet, Lagnel (2001) mentionne l’importance de considérer la
personne comme un système en soi qui interagit constamment avec son environnement.
18
Le caractère involontaire de l’accompagnement
Dans leurs études sur l’accompagnement des jeunes avec peu de qualifications, Dugué et al.
(2001), soulignent que la personne qui reçoit les services d’accompagnement peut, en fait, suivre
ce processus en réponse à une obligation administrative. Par conséquent, le caractère volontaire
ou non de la demande peut déterminer le degré de facilité avec lequel la relation et la motivation
pourront s’établir. Par ailleurs, selon Speroni (2001), il existe toujours un certain caractère
involontaire au processus d’accompagnement, car un chômeur subit toujours une pression
informelle à s’engager dans un processus de remise en emploi. La personne qui bénéficie d’un
accompagnement ne présente donc pas toujours un état d’esprit favorable envers la démarche
proposée. Chez les jeunes engagés dans des démarches d’insertion, les recherches montrent que
certains n’aiment tout simplement pas les dispositifs d’insertion. Ils sont rébarbatifs et ressentent
ces dispositifs comme une situation de discipline (Roulleau-Berger, 1998). Effectivement, les
agents qui effectuent l’accompagnement en emploi peuvent être envisagés comme des
instruments de l’État. Il n’est donc pas étonnant que certains clients se méfient et considèrent les
agents d’aide à l’emploi comme des agents de contrôle plutôt que des agents d’aide. Dans cette
optique, certains clients affirment se sentir davantage surveillés qu’aidés (MacDonald et Marston,
2005). De plus, certains demandeurs ont subi plusieurs refus ou ont vécu des expériences
négatives par rapport à leurs démarches d’emploi et adoptent par conséquent une attitude de
confrontation envers les institutions (Brégéon, 2008). La façon d’accueillir le demandeur peut
également être signifiante. Leclerc et al. (2002), rapportent que les agents doivent transcender les
diverses contraintes possibles dans la relation afin d’instaurer un climat de confiance.
Construire une relation avec la personne qui demande de l’aide n’est pas une chose facile et exige
du travail (MacDonald et Marston, 2005). Ceci est d’autant plus vrai lorsque la personne ne
participe pas au processus d’accompagnement de son plein gré, mais qu’elle y est, en quelque
sorte, plus ou moins contrainte. Ainsi, les attitudes et comportements des agents envers les clients
sont d’une grande importance. Les agents doivent faire preuve de dévouement et de disponibilité,
et ce, autant avec les clients dits « plus difficiles » qu’avec ceux qui présentent une attitude
favorable à recevoir l’aide. L’établissement d’une bonne relation est donc primordial et celle-ci
se construit entre autres par des attitudes qui favorisent l’accrochage relationnel ainsi que par des
19
interactions variées, qui, comme mentionné précédemment, peuvent même parfois ressembler
davantage à une relation d’aide qu’à une démarche d’insertion.
Limites de la fonction d’accompagnement
Dans le domaine de l’accompagnement en emploi, certains aspects du travail sont considérés
comme des obstacles à l’atteinte des objectifs des programmes d’accompagnement. À titre
d’exemple, la charge de travail, le manque de coordination entre les organismes, le manque de
soutien aux clients ainsi que les difficultés reliées aux conditions d’emploi comptent parmi ces
obstacles (Bell, 2005). Les écrits sur l’accompagnement soulignent aussi le fait que les
accompagnateurs se retrouvent souvent dans des rôles contradictoires, situation qui peut nuire à
l’atteinte des objectifs. Lorsque leurs fonctions les amènent à exercer de la surveillance et de la
reddition de compte en plus d’aider les personnes éloignées du marché du travail, les agents
d’aide à l’emploi se retrouvent dans des rôles qui peuvent se contredire. L’objectif ultime est
l’insertion en emploi, mais les accompagnateurs doivent aussi répondre aux besoins personnels
des clients. Il peut donc arriver que certaines contradictions se posent entre les différents objectifs
(Brodkin, 1997). La conformité aux normes institutionnelles, la surveillance et la
bureaucratisation du milieu de l’aide en insertion en emploi peuvent donc réduire l’autonomie de
ceux qui mettent en application ces mesures.
Par ailleurs, la question du manque de temps dans le processus d’accompagnement est
mentionnée, ce qui peut entraver le processus d’une insertion durable (Criff-Formation et Conseil
2005). En effet, selon Brodkin (1997), certains accompagnateurs évoquent la primauté de la
quantité dans leur travail d’accompagnement. Ils rapportent ressentir une pression quant au
nombre de personnes qu’ils réussissent à placer et ajoutent que cette pression mène parfois à
placer des clients dans des endroits qui ne sont pas toujours appropriés. Frankel (2005) précise à
ce sujet qu’il faut effectivement avoir des résultats rapidement et atteindre l’objectif fixé, mais
parfois cet objectif l’emporte sur la qualité des emplois. Lorsque les programmes sont centrés
d’abord et avant tout sur la mise en emploi de la personne accompagnée, il est fréquent de voir
ces personnes revenir tôt ou tard à l’aide social en raison de leurs conditions d’emploi
insatisfaisantes. Pour plusieurs agents d’aide à l’emploi, trouver un emploi ne suffit pas. Il faut
20
tenir compte de la qualité de l’emploi s’il est souhaité que cette insertion dure dans le temps
(Bell, 2005).
1.2. Limites des études actuelles
Des auteurs considèrent que les travaux portant sur l’insertion en emploi des jeunes présentent
une vision trop unidimensionnelle de cette réalité. Trottier (2000) par exemple, souligne que les
études qui sont effectuées s’enferment souvent dans une vision « économiste » en abordant
surtout les difficultés d’insertion reliées à la structure économique du marché du travail.
Dans le domaine de la recherche au sujet des politiques d’aide à l’insertion, la question se pose à
savoir jusqu’où faut-il aller? (Dugué et al. 2001). Il devient intéressant d’explorer l’ensemble du
processus en portant un regard sur la réalité des personnes qui se trouvent au cœur du processus.
Comme il est rapporté par Vincens (1997), la plupart des travaux s’intéressent à l’insertion du
point de vue des individus qui sont dans un processus d’insertion. Afin de varier et de parfaire les
connaissances sur le sujet, la production de connaissances sur les actions concrètes des
intervenants qui œuvrent dans le domaine de l’insertion est de mise étant donné le manque
d’intérêt porté à cet aspect précis des processus d’insertion en emploi (Perret, 2008).
À propos de l’étude des processus mis en place pour aider les jeunes en difficulté d’insertion, des
travaux suggèrent qu’il serait intéressant de porter attention aux types d’actions qui sont posées
dans ces dispositifs. Une attention à la diversité des tâches effectuées dans le processus
d’accompagnement a également sa place. Par exemple, il serait intéressant de porter un regard sur
la mise en œuvre de démarches visant le développement personnel et social en plus des
démarches directement reliées à la recherche d’emploi (Roques, 2008). Dans le même ordre
d’idées, Panet-Raymond, Bellot et Goyette (2003) considèrent eux aussi l’importance d’explorer
des sujets allant au-delà des difficultés relatives à l’emploi en affirmant que les difficultés
sociales des jeunes doivent aussi être abordées et faire partie du plan d’action qui sera élaboré
pour le jeune. De plus, il existe peu d’études du point de vue de ceux chargés de la mise en œuvre
des pratiques d’accompagnement (Lipsky, 1980). Cette ouverture à des facteurs allant au-delà du
strict domaine professionnel doit donc faire partie des préoccupations des travaux qui
s’intéressent aux diverses mesures d’insertion. Le parcours qui mène à l’insertion en emploi reste
21
méconnu et mérite que des études s’y intéressent sur des aspects jusqu’à maintenant peu
documentés.
1.3. Pertinence
Cette recherche est liée à deux thèmes importants : l’exclusion et l’insertion. L’exclusion
constitue un phénomène au centre des actions et préoccupations gouvernementales, de par les
multiples conséquences néfastes qui y sont associées. L’exclusion économique étant un
phénomène qui restreint la possibilité d’atteinte d’un niveau de vie décent, lutter contre ce
phénomène permet d’atteindre des valeurs fondamentales pour le Québec, telles que l’équité, la
dignité et le respect des droits (MESS, 2002). Avec sa Stratégie nationale de lutte contre la
pauvreté et l’exclusion sociale, le gouvernement du Québec s’est fixé l’objectif de mener le
Québec parmi les nations industrialisées comptant le moins de pauvreté. La lutte contre
l’exclusion est envisagée comme un élément d’une démarche plus globale visant le
développement social du Québec en entier.
Il est important de s’intéresser non seulement aux actions globales mises en œuvre pour fournir
une aide à la jeunesse, mais également aux démarches plus précises qui caractérisent ces actions.
Une insertion durable pour les jeunes demeure difficile et plusieurs des participants à des projets
d’accompagnement finissent par retourner à la sécurité du revenu (Panet-Raymond et al., 2003).
Certaines personnes bénéficiant de l’aide sociale rapportent d’ailleurs que les programmes d’aide
à l’emploi ne sont pas toujours efficaces et même parfois nuisibles, ou sont une simple perte de
temps qui aboutit à un échec (Provencher et Bourassa, 2005). Ainsi, il devient intéressant
d’explorer le milieu et d’aller plus loin en sondant les personnes qui œuvrent au sein de ces
programmes d’aide à l’emploi afin de mieux comprendre de quelle façon l’aide actuelle est
octroyée. Donner la parole aux travailleurs de terrain pour nous faire connaître la réalité telle
qu’elle est s’avère donc une avenue intéressante.
La relation qui se crée entre le professionnel de l’insertion et son client se développe dans un
contexte particulier. Elle varie selon l’institution, les règles et les caractéristiques personnelles
des clients et des professionnels. Cette complexité rend intéressante et pertinente une tentative
d’investigation afin de découvrir comment se passe cette relation particulière. Les agents doivent
22
aussi composer avec différents clients et adapter leurs stratégies d’intervention pour un maximum
d’efficacité. Une meilleure connaissance du processus d’accompagnement permettrait d’identifier
les facteurs médiateurs et modérateurs qui peuvent avoir une influence sur les résultats de
l’accompagnement. Il est ainsi intéressant de démystifier la multiplicité des pratiques (Criff-
Formation et conseil, 2005). Il subsiste une méconnaissance de ce qui se fait sur le terrain
(Leclerc et al., 2002) et les agents de première ligne constituent des acteurs privilégiés de ce qui
se passe dans la relation d’accompagnement. Il est donc approprié et souhaitable de leur
permettre de prendre la parole et de faire connaître la nature de leurs démarches.
23
2- Cadre Conceptuel
La présente étude cherche à explorer le concept d’accompagnement de façon concrète, en
examinant de quelle façon il s’actualise auprès des jeunes adultes en difficulté dans le réseau des
services publics de l’emploi. Comment s’actualise le processus d’accompagnement réalisé par les
professionnels auprès des jeunes de 18 à 24 ans dits éloignés du marché du travail et quelles en
sont les différentes composantes?
Selon le dictionnaire Larousse 2004, le terme accompagner se décrit comme suit : Aller avec,
conduire, escorter, assister, aider. Il renvoie aussi à la mise en place de mesures et de
programmes visant à atténuer les effets négatifs de quelque chose. Dans les écrits plus spécifiques
sur l’accompagnement dans le domaine de l’insertion en emploi, les définitions du concept
d’accompagnement sont multiples et ne désignent pas toujours précisément la même chose. Les
pratiques d’accompagnement sont plurielles, il est donc fréquemment mentionné que le concept
s’avère complexe à définir, puisque l’accompagnement ne relève ni d’une procédure, ni d’une
modalité écrite (Suisse, 2001). Pour certains, les politiques d’insertion sont elles-mêmes
responsables du caractère vague de la notion d’accompagnement (Dugué et al., 2001).
Chose certaine, l’acte d’accompagner inclut un engagement personnel important et s’avère d’une
grande complexité (Le Guellec, 2001). Dartiguenave et Garnier (2008, p.85) soulignent que le
concept d’accompagnement désigne aujourd’hui « à peu près tout et n’importe quoi », parce qu’il
est utilisé globalement pour désigner toute pratique d’intervention sociale. Pour eux,
l’accompagnement se définit par « les moyens que l’on mobilise pour parvenir aux fins que l’on
s’est fixées » (Dartiguenave et Garnier, 2008 p.79). L’accompagnement représente donc une aide
offerte à ceux qui présentent des manques les empêchant de franchir une ou des étapes données.
Pour le présent travail, ces manques font références aux compétences nécessaires à une insertion
en emploi. Ainsi, l’accompagnement peut être envisagé comme un phénomène se présentant sous
forme d’aide au développement de compétences et de qualifications (Le Guellec, 2001).
Le concept d’accompagnement se définit donc à l’aide de différents termes. Accompagner, c’est
catalyser, faciliter, questionner (Lagnel, 2001). C’est aussi partager une responsabilité
(Dartiguenave et Garnier, 2008) ou encore, soutenir les projets du client, ou favoriser la relation
qu’il entretient avec son environnement (Suisse, 2001). Devant l’ambigüité que rapportent les
24
écrits quant à la définition de la notion d’accompagnement, il s’avère pertinent de s’intéresser à
une définition plus concise et de se demander plus précisément ce qu’est l’accompagnement dans
le monde de l’insertion en emploi.
En ce qui concerne l’insertion, le dictionnaire Larousse (2004) renvoie à l’action d’insérer et
définit ce mot comme suit : faire entrer, assimiler, trouver place dans un milieu, s’intégrer,
s’introduire. Quant au dictionnaire le Petit Robert (2009), celui-ci parle de l’insertion comme
étant l’intégration d’un individu ou d’un groupe dans un milieu social différent.
D’un point de vue historique, le concept d’insertion n’est pas très ancien. Damon (1998), affirme
que le terme insertion a remplacé les concepts d’intégration ou de réadaptation qui ont pris
naissance à l’époque des Trente Glorieuses. Les objectifs d’insertion étaient au départ associés
aux allocations d’assistance sociale dites de dernier recours. Avec le temps, la notion d’insertion
a évolué et répond aujourd’hui à des objectifs plus larges, par l’instauration d’actions et de
programmes visant la lutte contre l’exclusion.
Comme le mentionne Damon (1998), l’insertion peut prendre plusieurs formes. Elle peut être
professionnelle, économique, sociale et culturelle. La présente étude s’intéresse plus
particulièrement à l’insertion professionnelle. Plusieurs choses sont en jeu dans ce phénomène,
car l’insertion en emploi touche à plusieurs dimensions de la société en ayant des répercussions
sur le monde social, politique, éducatif et économique (Gaude, 1997). L’insertion est donc liée
dynamiquement à une multitude d’éléments de la société. Le concept peut également être
envisagé en termes de moyen d’accès à l’emploi (Gaudet, 2007). Dans cette optique, l’insertion
professionnelle consiste à lier l’individu au marché du travail et inclut une prise d’autonomie et
une indépendance, non seulement sur le plan financier, mais aussi d’un point de vue identitaire.
La Stratégie nationale de lutte à la pauvreté et l’exclusion sociale parle de l’insertion en
instituant principalement un lien avec l’aspect financier. En effet, l’insertion s’avère le moyen
privilégié pour l’atteinte d’une autonomie financière et d’un mode de vie décent (MESS, 2002).
Gaudet (2007) définit aussi l’insertion en ce sens, en parlant d’entrée vers l’autonomie et
d’indépendance financière. Le besoin d’insertion est alors considéré comme un besoin d’intégrer
des normes sociales. Ainsi, la notion d’insertion inclut une activité salariée sur le marché du
travail, une autonomie financière décente ainsi qu’une certaine autonomie sociale. Cette façon
d’établir ce qui définit l’insertion cadre bien avec les propos de Dartiguenave et Garnier (2008),
25
qui soulignent que dans le langage du travail social, la notion d’insertion s’est imposée comme un
moyen communément associé à la lutte contre l’exclusion.
La notion d’accompagnement social apparaît à partir du milieu des années 1990 dans le domaine
de l’insertion à l’emploi au moment de la mise en œuvre des politiques globales de lutte contre
l’exclusion sociale et la pauvreté (Morel, 2002; Noël, 2003; Groulx, 2003; Provencher, 2004,
2008; Provencher et Bourassa, 2005; Ulysse et Lesemann, 2004). Auparavant associé à l’action
de « se joindre à quelqu’un pour aller où il va en même temps que lui », l’accompagnement
prenait traditionnellement la forme du « suivi social » effectué par les travailleurs sociaux et les
éducateurs auprès des clientèles desservies. À partir du milieu des années 1980,
l’accompagnement apparaît progressivement dans différents domaines de la vie sociale
(accompagnement pédagogique, spirituel, thérapeutique, de fin de vie,
accompagnement/management dans les entreprises, etc.) (Maela, 2002; Guele et al., 2003).
Globalement, l’accompagnement fait référence aux trois processus liés que sont (1) l’accueil et
l’écoute, (2) l’aide au discernement et à la délibération et (3) le suivi dans le temps de la personne
accompagnée. Il s’agit d’une fonction centrée sur le passage à l’action plutôt que sur l’atteinte
d’un résultat visé, ce qui le différencie, par exemple, du « coaching » professionnel (Le Bouëdec,
2002). Davantage associé à un ensemble de tâches et d’objectifs à atteindre qu’à une définition
théorique commune, l’accompagnement en emploi se déploie dans le cadre d’une dynamique
relationnelle contractualisée entre un professionnel et une personne en difficulté d’intégration au
marché du travail (Le Bossé, 2000; Guele et al., 2003; Béchrouri et Dô-Coulot, 2008).
Les « parcours individuels d’insertion » prennent forme à l’intérieur de dispositifs multiples et
évolutifs (stages, formations, projets spéciaux d’insertion en emploi). Ces programmes, activités
et mesures servent de support aux chargés d’accompagnement, lesquels ont pour fonction d’offrir
aux personnes fragilisées par le marché du travail des moyens pour surmonter une période
d’inactivité ou trouver un premier emploi (Criff-Formation et conseil, 2005). Dès lors, si
l’accompagnement représente une fonction institutionnelle mise en œuvre dans le cadre
d’organisations formelles, elle repose de manière fondamentale sur la relation nouée avec la
personne en difficulté. Globalement, les résultats des études menées sur les pratiques
d’accompagnement en emploi montrent qu’il s’agit d’une professionnalité à forte composante
26
relationnelle qui demeure mal définie parce que s’inscrivant dans des organismes variés dont les
missions évoluent (Bompard, Daubech, Gélot et Nivolle, 2000).
Les agents ont à la fois des responsabilités envers l’État et des responsabilités envers les clients
(MacDonald et Marston, 2005). Ils doivent donc servir la clientèle, tout en répondant aux
exigences de l’établissement qui les emploie. Non seulement le mandat des chargés
d’accompagnement est multiple, mais leurs rôles et buts semblent aussi très variés (Roulleau-
Berger, 1998). L’accompagnement peut en effet inclure un volet individuel où sont travaillées les
habiletés personnelles du client, ou encore, des tâches plus techniques permettant plutôt de lui
fournir des outils et de l’information (Brégéon, 2008; Guele et al., 2003). Somme toute, il ressort
que l’accompagnement est vu comme un processus, où certaines dimensions s’observent. Tout
commence par une prise de contact permettant à l’évaluation initiale d’être effectuée. Suite à ce
premier contact, un contrat d’accompagnement peut être mis sur pied. Il s’agit alors de baliser
les termes du projet et de clarifier les conditions et exigences de part et d'autre. Pour qu’un client
s’associe à une démarche, il faut élaborer le projet en analysant les besoins de la personne, son
degré de motivation, ses capacités, etc. Dans le suivi qui est effectué par l’agent, il faut aider le
client à développer son autonomie, renforcer sa responsabilisation et faire en sorte qu’il demeure
motivé malgré les obstacles qu’il peut rencontrer dans son cheminement socioprofessionnel.
Tous ces éléments constituant le processus d’accompagnement peuvent être facilités ou encore
compliqués par certains aspects. Par exemple, la création d’une bonne relation entre l’agent et le
client peut faire une grande différence dans la réussite des démarches. À l’inverse, le caractère
involontaire des démarches d’insertion en emploi vient souvent nuire au processus puisqu’il
amène à travailler avec des personnes peu motivées ou rébarbatives à recevoir des services d’aide
à l’emploi. Le fait que cette clientèle soit souvent aux prises avec des problématiques importantes
vient également compliquer la réussite des démarches.
Opérationnalisation du concept d’accompagnement
Tel qu’illustré au tableau ci-dessous, les pratiques d’accompagnement peuvent être étudiées en
fonction des cinq dimensions que représentent 1) le processus d’accompagnement; 2) la nature et
27
les fonctions du travail des accompagnateurs; 3) les facteurs qui limitent le travail
d’accompagnement; 4) ceux qui le favorisent et 5) le discours sur les accompagnés. Dans mon
étude, j’ai tenté de comprendre les différentes visions que les professionnels ont de leur mandat et
des buts à atteindre dans le cadre de leur travail. Le fonctionnement dans l’établissement au sein
duquel les professionnels travaillent, ainsi qu’avec les partenaires internes et externes, a
également été examiné de façon à mieux connaitre leur façon de fonctionner, les compétences
qu’ils doivent posséder, la latitude dont ils ont besoin pour effectuer leurs tâches, ainsi que leurs
opinions quant aux services actuellement offerts.
Tableau 1: Catégorisation initiale ayant servi à l'analyse des résultats
1. Processus d’accompagnement
- Accueil et prise de contact
- Identification d’un projet
- Informations
Sur les programmes et mesures d’accès à
l’emploi
Sur le marché du travail
- Évaluation des besoins
- Clarification du projet du demandeur
- Évaluation du potentiel et des forces
- Engagement dans une démarche/contrat
- Suivi/maintien du lien d’accompagnement
2. Nature et fonction du travail d’accompagnateur
- Recrutement
- Ampleur du travail, nombre de dossiers
- Collaboration et références
Externe (employeurs, écoles)
Interne (collègues)
- Description des tâches
- Objectifs professionnels (mandat)
3. Facteurs qui limitent le travail d’accompagnement
4. Facteurs qui favorisent le travail d’accompagnement
5. Discours sur les accompagnés (les jeunes)
29
3- Méthodologie
L’approche privilégiée pour la présente recherche est de nature qualitative, laquelle cherche à
décrire un phénomène à partir du discours d’acteurs clés (Dorais, 1993; Pluye, Nadeau, Gagnon,
Grad, Johnson-Lafleur et Griffiths, 2009). Dans le cas présent, le but de l’étude est de décrire les
pratiques d’accompagnement à partir de la perspective de ceux qui les mettent en œuvre. La
recherche consiste à investiguer les accompagnateurs que sont les professionnels
d’accompagnement en insertion des CLE et à documenter leurs pratiques.
La connaissance qui sera produite par cette étude s’inscrit dans un courant d’analyse
d’implantation des politiques publiques ou implementation analysis. Ce courant s’attarde à la
façon dont les programmes ou politiques publiques sont vécus et expérimentés par les
bénéficiaires de ces programmes, mais aussi par les professionnels qui les mettent en application.
Le champ d’étude de la mise en application des politiques (implementation analysis) est centré
sur les processus par lesquels les intentions des politiques publiques sont appliquées dans la vie
de tous les jours (Perret, 2008). Bien qu’elles soient toutes deux associées à l’évaluation de
programme, les études d’application des politiques se distinguent des études d’impact en
cherchant moins à rendre compte des effets qu’à comprendre davantage comment un programme
fonctionne sur le terrain, au moyen de quelles procédures et quelles actions il est actualisé et
quels sont les effets de son application. Certaines études d’application des politiques s’inspirent
du courant du Street-level research, particulièrement utile pour l’analyse des politiques de
services aux personnes (Lipsky, 1980; Brodkin, 2003) Le Steet-level research pose comme
postulat de départ que les politiques publiques de services aux personnes se traduisent en un
ensemble d’activités routinières, de décisions quotidiennes et de jugements exercés par les agents
et agentes de première ligne chargés d’offrir des services aux personnes visées par la politique.
Selon cette approche, les agents de première ligne ou front-line workers exercent un jugement et
prennent des décisions à propos des citoyens auprès de qui ils interviennent. Les fonctionnaires
de terrain font face à une réalité complexe au sujet de laquelle les décideurs publics peuvent
n’avoir qu’une vision partielle. L’observation prend alors compte des écarts parfois substantiels
entre les intentions officielles d’une politique, les directives ministérielles, guides de procédures
et autres mesures de suivi d’une part et les stratégies mises en œuvre par les acteurs de terrain
d’autre part (Perret, 2008).
30
L’étude s’attarde plus précisément à explorer et décrire le vécu de la communauté des
professionnels de l’insertion dans leur façon d’accompagner les jeunes adultes vers l’emploi.
Population à l’étude, échantillon et instrument de collecte de données
La recherche s'intéresse aux professionnels des services publics de l'emploi qui œuvrent dans les
CLE. Les directions de ces établissements ont d’abord été sollicitées afin de demander l’accord
d’effectuer la recherche dans leur milieu. Ceux qui ne désiraient pas qu'une telle recherche puisse
avoir lieu, pouvaient le signifier et ainsi, les professionnels de ce milieu ne seraient pas informés
de cette recherche. Des entretiens avec les directions des CLE ont donc eu lieu pour obtenir leur
accord afin que les membres de leur personnel soient informés de la recherche et puissent y
participer s'ils le désiraient.
La population cible de cette étude est constituée de l’ensemble des professionnels des huit centres
locaux d’emploi de la région de la Capitale-Nationale, qui offrent des services individualisés
d’aide à l’emploi à des jeunes âgés de 18 à 24 ans éloignés du marché du travail. Pour former
l’échantillon, trois de ces huit établissements ont été sélectionnés. Il s’agit des trois
établissements où travaillent les agents répondant aux critères de sélection. Ceux-ci ont été
déterminés afin de respecter les critères d’inclusion, demandant à ce que les personnes
interrogées travaillent depuis plus d’un an auprès de la clientèle. Les répondants devaient offrir
des services individualisés d'aide à l'emploi à des jeunes de 18-24 ans ou en avoir offert au cours
des cinq dernières années. Ainsi, cinq professionnels répondaient aux critères et ont été
interrogés. L’échantillon, qui devait être de 10 au départ, a été réduit à cinq, car certains
intervenants ne répondaient pas aux critères de sélection voulant qu’ils soient à l’emploi depuis
plus d’un an.
Compte tenu des objectifs de recherche, le recrutement s’est fait selon une technique
d’échantillonnage de volontaire, une méthode échantillonnage non probabiliste, couramment
utilisé dans le domaine des sciences sociales (Beaud, 2006). La collecte de données s’est
effectuée en face-à-face au moyen d’entretiens semi-dirigés centrés, auprès de cinq
professionnels des CLE et portaient sur : 1-la description des tâches et responsabilités
31
quotidiennes, 2-la description des activités et des échanges/interactions avec les jeunes, et 3-leurs
opinions au sujet des programmes et mesures d'accompagnement.
Étant donné la taille réduite de l’échantillon comparativement à ce qui était prévu au départ, des
données secondaires ont été incluses dans l’analyse. Il s’agit de données obtenues dans le cadre
d’une recherche menée en 2012 auprès de quatre professionnels des CLE offrant des services
d’accompagnement, y compris auprès des jeunes adultes (Provencher, Beaudoin, Normand,
Turcotte, Villeneuve et Tremblay Roy, 2012). Ainsi, les données primaires et secondaires
proviennent d’agents des services publics de l’emploi.
Analyse de contenu
Les données provenant des entrevues semi-dirigées auprès de l’échantillon initial et des données
secondaires ont été rendues disponibles pour l’analyse (verbatims), conformément aux règles en
matière d’éthique de la recherche associées à l’utilisation de données secondaires. L’analyse des
données a été effectuée à l’aide d’un logiciel d’analyse de données textuelles (NVivo). Le modèle
d’analyse envisagé est le modèle mixte d’analyse de contenu thématique basé sur des catégories
prédéterminées (c.f. tableau 1, page 27) complétées par la suite avec d’autres catégories
émergeant en cours d’analyse. Ainsi, une exploration préalable des écrits ainsi qu’une
connaissance du contexte terrain des chargés d’accompagnement en emploi1 ont permis la
confection initiale d’un système de codification. En effet, une revue de la littérature a donné lieu
à une opérationnalisation du concept d’accompagnement telle qu’illustrée dans le tableau 1.
Comme il se produit habituellement, d’autres catégories ont surgies de l’analyse, ce qui a permis
d’enrichir le matériel. Ainsi, le tableau 2 de la page 32 présente quant à lui la catégorisation
finale, qui inclut les catégories prédéterminées, auxquelles ont été ajoutées celles ayant émergées
en cours d’analyse.
1 Issu de ma participation à une recherche précédente portant sur le sujet des pratiques d’accompagnement en emploi
dans le domaine communautaire (carrefours jeunesse-emploi). Pour plus de détails, voir Provencher, Émond et
Tremblay Roy (2010).
32
Limites de l’étude
Cette étude comporte quelques limites à considérer. Comme il est fréquent avec l’utilisation de
données secondaires, la période de mesure diffère de celle de la collecte primaire. Ainsi, il est
possible que pour le même échantillon, une mesure à un moment unique ait pu occasionner
quelques variabilités dans les discours et les opinions des répondants, la réalité du travail
d’accompagnement pouvant changer ou évoluer au fil du temps (ex. : changement dans les
mesures d’aide disponibles, changement d’orientation ou d’organisation du travail). Cela dit, les
deux collectes de données furent toutefois effectuées selon un protocole semblable, en utilisant
une grille d’entretien similaire, certaines questions étant identiques pour la collecte primaire et
secondaire. Il est donc approprié de croire que, mis à part les quelques inconvénients inhérents à
l’utilisation de données secondaires, cette alternative fut fort enrichissante pour le contenu de
l’étude.
Il importe également de considérer qu’étant donné la grande variabilité constatée d’un endroit à
l’autre (milieu rural vs urbain, petit CLE ou grand CLE, différences dans les façons de
fonctionner à l'interne, etc.), il est possible que des propos rapportés ne siéent pas nécessairement
à tous les agents d’aide à l’emploi ou à tous les CLE. De plus, étant donné que les agents d’aide à
l’emploi semblent bénéficier d’un pouvoir décisionnel ainsi que de beaucoup d’autonomie et de
marge de manœuvre dans leurs décisions et leurs interventions, il se peut, encore une fois, que
certains propos décrits puissent ne pas refléter la réalité du travail fait par tous les agents. Ainsi, il
est possible d’affirmer que la variabilité dans le fonctionnement que les résultats ont permis de
constater affaiblit la validité externe de l’étude. On ne peut effectivement généraliser les résultats
obtenus, car il semble clair que les particularités dans le travail sont spécifiques à chaque agent et
de façon plus globale, à chaque établissement. Cela permet, en contrepartie, d’en apprendre plus
sur les façons de faire dans le monde de l’accompagnement, soit que les services sont adaptables,
vraisemblablement dans le but d’offrir un traitement personnalisé à chaque client.
33
4- Présentation Des Résultats
La section qui suit présente les résultats obtenus lors des entrevues avec les agents d’aide à
l’emploi. Globalement, ceux-ci, se sont exprimés sur la nature et la fonction du travail
d’accompagnateur, sur les facteurs qui limitent le travail d’accompagnement ainsi que ceux qui,
au contraire, le favorisent. Le tableau de la page suivant présente de façon plus détaillée, les
différentes catégories d’analyse qui ont émergées du discours des personnes interrogées et qui ont
guidées l’analyse des entrevues.
34
Tableau 2: Catégorisation finale ayant servi à l'analyse des résultats
1. Processus d’accompagnement - Accueil et prise de contact
Sans rendez-vous
Nouveaux demandeurs
- Informations sur les programmes et mesures d’accès à l’emploi
Alternatives offertes et obligations
Accès direct au marché de l’emploi
Projet de formation
- Engagement dans une démarche
Première rencontre
Évaluation de la situation et identification du projet
- Suivi/maintien du lien d’accompagnement
Gestion des absences
Suivi du cheminement
2. Nature et fonction du travail d’accompagnateur - Collaboration et références
- Objectifs professionnels (mandat)
Des visions différentes
3. Facteurs qui limitent le travail d’accompagnement - Recrutement
- Charge de travail
- Vision de la clientèle sur l’organisation
- Caractéristiques de la clientèle
Mode de vie
Réseau/entourage
Histoire
Lacunes personnelles
4. Facteurs qui favorisent le travail d’accompagnement - Compétences en œuvre
Connaissance du marché de l’emploi
Aptitudes particulières
Écoute et établissement d’un diagnostic
- Recrutement précoce des jeunes
- Le support du milieu
- Présence d’une relation positive
- Soutien personnalisé et projets adaptés
- Latitude des agents
- Motivation du client
- Échanges avec les partenaires
5. Opinions des agents - Efficacité des services
- Marché de l’emploi
- Proposition d’améliorations et changements
Recrutement
Changement dans le suivi
Personnalisation de l’accompagnement
35
4.1. Le processus d’accompagnement
4.1.1. Accueil et prise de contact
Clients se présentant au sans rendez-vous
Au centre local d’emploi, tout client peut arriver de façon ponctuelle afin d’avoir de
l’information. Ainsi, il bénéficie d’une première rencontre d’une durée d’environ 20 à 30
minutes. Cette rencontre sert essentiellement à cerner le besoin du client afin de le diriger vers le
service approprié. Lorsqu’une personne se présente, l’agent à l’accueil procède à une
préévaluation de base où l’on regarde les besoins du client, ses expériences passées et son
admissibilité dans les mesures. Un des agents interrogés stipule que la majorité des gens se
présentent avec le désir de s’inscrire dans une mesure de formation. Cependant, comme le
mandat d’Emploi-Québec consiste à aider les gens à réintégrer le marché du travail, tous les
clients ne sont pas admis automatiquement à la mesure de formation. Ainsi, l’employabilité de la
personne est explorée afin de déterminer si elle est en mesure de trouver un emploi. S’il est jugé
que la personne possède suffisamment d’expérience pour un emploi particulier ou qu’elle détient
déjà une formation qui n’est pas désuète, son intégration directe sur le marché du travail est alors
privilégiée. Si, par contre, la personne est éligible à l’une ou l’autre des mesures de formation,
elle est contactée par téléphone afin de lui faire connaître les services qui s’offrent à elle et, le cas
échéant, la diriger vers un agent d’aide à l’emploi pour l’aider à déterminer un projet lui
convenant.
Nouveaux demandeurs d’assistance sociale
Dans un des CLE visités, on énonce que chaque nouveau demandeur d’assistance sociale doit
préciser (sur son formulaire de demande) s’il souhaite rencontrer un agent qui lui expliquera les
services dont il peut bénéficier afin de l’aider à intégrer le marché de l’emploi. Quand le
demandeur est d’accord, celui-ci est alors référé au CLE, où il rencontre un agent d’aide à
l’emploi. À un autre endroit, on stipule que dès qu’un jeune de moins de 25 ans présente une
demande d’assistance sociale et est accepté, celui-ci est automatiquement convoqué à une
36
rencontre individuelle afin de lui présenter les services qui s’offrent à lui. Un agent mentionne
que cette rencontre est très importante et on considère qu’il est primordial que le client puisse
rencontrer un agent avant la réception de son premier chèque d’assistance sociale. En effet, selon
plusieurs agents interrogés, une fois que le jeune a reçu son premier chèque, il est souvent plus
difficile de le motiver à intégrer le monde de l’emploi par la suite.
« À partir du moment où tu lui envoies son premier chèque d’aide sociale, c’est final.
Pour plusieurs mois tu n’es pas capable de le ramener à l’emploi » (PN25/D/2).
4.1.2. Informations sur les programmes et mesures d’accès à l’emploi
Les alternatives qui s’offrent au client et ses obligations
Afin de quitter l’assistance sociale et de recevoir une allocation de surplus, la personne doit
s’engager dans l’une ou l’autre des démarches proposées. Ainsi, le client peut retourner à l’école
à temps plein, être en recherche active d’emploi, ou encore s’inscrire dans un des programmes
d’employabilité ou de pré employabilité2. Cependant, la personne qui souhaite s’inscrire dans une
démarche de retour aux études dans le cadre de la mesure de formation doit avoir cessé de
fréquenter un établissement scolaire depuis au moins 24 mois. Ce dernier critère fait toutefois
exception pour les jeunes qui proviennent des centres jeunesse. Ceux-ci n’ont pas à répondre à ce
critère pour être admis à la mesure de formation et recevoir une allocation.
Après une évaluation, le jeune client peut être dirigé directement vers une formation s’il est prêt.
Il est toutefois mentionné que bon nombre de jeunes souhaitant aller en formation passent
d’abord par une étape préalable, parfois pour valider un intérêt ou encore pour régler certains
aspects de leur vie. Par exemple, un processus d’orientation peut d’abord être pertinent afin de
valider les intérêts et le choix de la personne. Ce processus peut prendre la forme de rencontres
avec un conseiller en orientation, ou encore, de stages en entreprises ou dans un milieu de
formation précis. Une référence peut également être effectuée vers un organisme spécialisé pour
2 Ceux-ci sont généralement délivrés par des organismes communautaires de développement de l’employabilité qui
agissent alors comme opérateurs locaux des mesures offertes pour le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale.
Jeunes en action est un exemple de ces programmes et il est opéré par les carrefours jeunesse-emploi. Il s’agit d’un
programme dit de pré employabilité vers lequel une grande partie des jeunes clients sont référés.
37
répondre à des besoins particuliers ou procurer l’aide nécessaire (ex. grossesse, toxicomanie,
thérapie, etc.). Le client peut aussi être dirigé vers des mesures pré-emploi afin de combler
certaines lacunes ou de régler un problème faisant obstacle à la réussite des démarches souhaitées
(le carrefour jeunesse-emploi (CJE) étant un des partenaires qui offrent les mesures et
programmes dits de pré-emploi). Finalement, un jeune qui ne souhaite pas s’investir dans une
démarche de formation peut être dirigé vers d’autres avenues, dont un programme
d’apprentissage en milieu de travail. Un tel programme consiste à placer le jeune dans un milieu
de travail où il est jumelé avec ce qu’on appelle un « compagnon », qui le formera. Cependant, il
ne s’agit pas d’une pratique courante puisque cela nécessite de trouver des employeurs ouverts à
embaucher le jeune et à lui trouver le « compagnon » qui sera en mesure de s’investir auprès de
lui. Une autre option permettant de mettre en place une insertion sur le marché de l’emploi est le
travail dans une entreprise d’insertion. Ce type de travail aide le jeune à acquérir une
expérience qualifiante lui permettant d’enrichir son CV et lui procure des compétences le rendant
plus apte à répondre aux exigences du marché du travail.
L’accès direct au marché de l’emploi
Bien que ce soit un scénario peu fréquent, il arrive que le jeune ne veuille pas suivre de formation
et qu’il souhaite plutôt intégrer immédiatement le marché du travail. À ce moment, il sera dirigé
vers un organisme d’aide à la recherche d’emploi. Cependant, le profil général de la clientèle
jeune 18-24 ans admissible à l’assistance sociale est majoritairement constitué de jeunes adultes
très éloignés du marché du travail. Cela signifie qu’ils présentent un certain nombre de
problématiques, rendant une intégration immédiate sur le marché du travail moins probable.
Selon les agents rencontrés, on demande aux jeunes qui ne souhaitent pas se diriger vers une
formation de faire leurs preuves en participant à une mesure telle que Jeunes en action, où ils
doivent travailler moult aspects de leur vie.
« Il y a toujours, de prime abord, de la connaissance de soi, les attitudes, la confiance
en soi. L’estime est à reconstruire parce qu’ils ne l’ont pas. […] C’est attaché à
quelque chose d’autre; un processus d’orientation, connaissance de soi, thérapie, etc.
Ça peut aller jusqu’à un an et puis après c’est la mesure de formation. Ils déterminent
leur objectif professionnel, après on dirige vers la mesure de formation pour faire les
préalables par exemple » (SN3/H/5).
38
Le projet de formation
Chez la clientèle jeunesse de 18-24 ans, la majorité prend part à une mesure de formation. Les
cours préalables, la formation professionnelle, les diplômes d’études professionnelles (DEP) et
les attestations d’études collégiales (AEC) sont des formations admissibles, à condition que le
secteur visé soit considéré comme un secteur en demande, ce que l’agent se charge de vérifier. Le
projet doit pouvoir être complété à l’intérieur de 36 mois, car au-delà de ce délai, à moins de
circonstances particulières, Emploi-Québec cesse de prodiguer l’allocation financière. Un léger
délai peut être accordé dans certains cas, mais un agent souligne qu’ils n’ont pas beaucoup de
marge de manœuvre pour ce critère. Ainsi, si le délai de 36 mois est atteint et que le jeune a
besoin d’encore plusieurs mois pour compléter sa formation, l’agent lui suggérera de faire une
demande de prêts et bourses. C’est pour ces raisons que, lorsque l’agent d’aide à l’emploi et le
client en sont à leur première rencontre et qu’ils cherchent à déterminer le projet de formation
approprié au jeune, ils doivent tenter de choisir un parcours qui respectera les délais requis. Pour
ce faire, l’agent doit étudier la situation du jeune et déterminer tout ce qu’il doit accomplir pour
atteindre le but visé ou pour l’obtention du diplôme. Ainsi, il tient compte du temps pour
accomplir les préalables requis (s’il y a lieu) en plus du temps nécessaire pour compléter
l’activité de formation choisie. Les agents communiquent fréquemment avec les écoles et centres
de formation afin d’obtenir un profil de formation pour la personne. Ce profil consiste en une
évaluation du temps estimé pour atteindre la diplomation, en fonction de la situation spécifique
du jeune. Selon le temps requis, différentes avenues sont offertes. Si le client a comme objectif de
s’inscrire à la formation professionnelle, des options plus courtes afin de compléter les préalables
sont possibles. Ainsi, l’agent fera connaître au jeune des options tel que le test de développement
général (TDG), qui permet d’obtenir des préalables à l’admission de l’un ou l’autre des
programmes de formation. Le test d’équivalence de niveau de scolarité (TENS) est une autre
option permettant d’obtenir une attestation d’équivalence de niveau secondaire. Un agent
mentionne qu’au-delà du fait qu’il procure les préalables requis pour une formation
professionnelle, le TENS est également utile pour un jeune qui souhaite postuler pour un emploi
exigeant un 5e secondaire ou l’équivalent. Le TDG est quant à lui particulièrement conseillé dans
les cas où le jeune a peu de scolarité (moins qu’un 2e secondaire), car cela lui permet de
compléter son cheminement dans le temps requis, ce qui ne serait pas possible en s’inscrivant à la
39
formation aux adultes. Comme le mentionne un des agents interrogés, peu de jeunes vont jusqu’à
obtenir le niveau 5e secondaire. La majorité se contente d’obtenir les préalables requis afin de
respecter le délai maximum de 36 mois. Il importe donc que l’agent soit au fait de ces différentes
possibilités permettant d’écourter les délais pour atteindre le but visé.
Bien des jeunes qui s’inscrivent au programme Alternative jeunesse ont un but académique en
tête, mais ne sont pas nécessairement prêts à aller à l’école. Les agents affirment par exemple,
que certains ont des problèmes de consommation, d’autres des attitudes à travailler. Par exemple,
un jeune qui est inactif depuis un an ou plus aura sans doute de la difficulté à prendre un rythme
de travail adéquat. L’agent doit détecter ces difficultés potentielles et proposer au jeune
l’inscription à un programme tel que Jeunes en action dans un premier temps, pour ensuite
procéder à l’inscription à l’école. Alternative jeunesse permet également à un jeune de fréquenter
l’école à temps partiel. Dans un cas comme celui-ci, les agents interviewés rappellent que ce qui
est important, c’est que le jeune soit en action, car on veut éviter qu’il demeure en situation
d’inactivité tout en bénéficiant de l’assistance sociale.
« Je pose plein de questions […] Où tu en es rendu? Que fais-tu de tes journées? Côté
consommation ça regarde quoi? L’école t’en es rendu où? Qu’est-ce que tu penses de
l’école? Ta famille […]. J’essaie d’avoir le meilleur portrait possible […]. Mais
quand je me rends compte que ça fait au moins un an qu’ils sont chez eux et qu’il ne
se passe pas grand-chose, je ne suis pas sûr qu’ils soient prêts à retourner à l’école
demain matin. C’est là que je les envoie dans les carrefours jeunesse-emploi pour
Jeunes en action » (PN24/A/3).
4.1.3. L’engagement dans une démarche
La première rencontre
Lorsqu’un jeune mentionne qu’il est disposé à rencontrer un agent, on tente de lui offrir une
rencontre rapidement, c'est-à-dire dans la semaine qui suit. Lors de la première rencontre avec un
agent d’aide à l’emploi, on présente au client ce qui s’offre à lui, mais aussi les obligations et
conditions qu’il devra remplir en échange. D’un côté, le client recevra plus d’argent et ne sera
plus inscrit comme prestataire de l’assistance sociale, mais en échange, il devra être en action et
respecter les conditions de maintien dans le programme. Le client est donc mis au courant qu’un
40
suivi serré sera effectué et qu’il doit être prêt à s’investir dans sa démarche. En effet, les jeunes
qui élaborent un projet avec leur agent et qui s’y investissent deviennent clients d’ Alternative
jeunesse et ne sont plus considérés comme prestataires de l’assistance sociale. L’agent doit être
clair avec le client sur ce point, s’assurer qu’il comprenne bien les attentes envers lui et qu’il ait
la volonté de s’investir et de respecter les conditions.
« Quand je les rencontre, je leur dis : tu es sur l’aide sociale présentement. Je t’offre
la possibilité de débarquer de l’aide sociale, mais tu dois être en action. Oui tu aurais
plus d’argent, mais qu’est-ce que tu es prêt à faire? » (PN31.3/A/1).
L’évaluation de la situation et l’identification d’un projet
Les entrevues avec les agents nous apprennent que c’est également lors de ce premier contact
qu’une évaluation précise de la situation du client est effectuée. On vérifie alors ses objectifs, sa
motivation ainsi que ses habitudes de vie, passant de sa consommation au soutien qu’il peut
recevoir de son entourage. Il est important à ce moment, que la personne soit suffisamment en
confiance pour être en mesure de tout révéler au professionnel qui l’accompagne. Les agents
précisent qu’il est important de faire comprendre au client que plus les informations qu’il fournît
sont précises et véridiques, plus la référence qui en résultera risque de lui convenir.
« Tu es mieux de me dire toute la vérité, parce que je vais te référer au meilleur
endroit possible en fonction de où tu en es rendu. Si on se trompe, on va être obligé
de recommencer. Puis il y a tellement de programmes que je veux prendre la peine de
choisir le bon » (PN25/A/2).
Toujours dans un but de diriger le client vers une avenue qui lui soit la plus appropriée possible et
ainsi augmenter ses chances de réussir son projet, les agents questionnent beaucoup leur client.
Ainsi, pour découvrir les désirs du jeune, certains agents tentent d’explorer, avec le client, ses
intérêts et aspirations profondes, sans égard au côté réaliste ou irréaliste de ses ambitions. C’est
avec cette information qu’ils peuvent savoir ce qui passionne et stimule réellement le client et
tenter de trouver une avenue qui soit en lien ou qui réponde à une partie de ses intérêts, pour ainsi
augmenter les chances qu’il demeure motivé jusqu’à la fin de son parcours.
« Une des premières questions que je pose en entrevue, même si le lien n’est pas fait,
c’est : c’est quoi ton rêve? Je ne veux même pas savoir si c’est réaliste ou irréaliste.
41
C’est sûr que des fois tu es obligé de recadrer un petit peu, mais on va partir de c’est
quoi ton rêve » (PN31.4/B/5).
Un agent mentionne qu’au cours de cette rencontre, il importe de se concentrer sur la situation
actuelle du jeune, sans entrer dans des éléments du passé. Pour lui, il faut prendre en compte ce
que le jeune désire à ce moment. Au-delà de la situation actuelle du client, l’agent d’aide à
l’emploi interroge également ses aspirations et tente d’évaluer son potentiel de réussite. Pour
l’agent, il faut donc regarder comment atteindre le but en prenant en compte à la fois les désirs du
jeune et la faisabilité du projet. Parfois, un client présente un objectif qui est difficilement
atteignable. L’agent tente alors de vérifier si cette personne est réellement prête à s’embarquer
dans un projet en l’interrogeant davantage ou encore en lui demandant de participer à un
programme préparatoire dans un premier temps. Pour les agents rencontrés, une telle étape peut
éviter au client de se retrouver en situation d’échec en embarquant trop vite dans un projet trop
ambitieux.
« Souvent ils nous disent : Oui moi je suis prêt à retourner à l’école. Mais quand je
me rends compte que ça fait au moins un an qu’ils sont chez eux et qu’il ne se passe
pas grand-chose, je ne suis pas sûr qu’ils soient prêts à retourner à l’école demain
matin » (PN24/A/3).
Les agents rencontrés nous ont fait part de certains éléments à vérifier lorsque l’évaluation de la
situation du client semble le diriger vers la formation. Dans un premier temps, l’agent doit
s’assurer que le client ne possède pas déjà une formation, car dans un tel cas, Emploi-Québec ne
peut octroyer une allocation pour une autre formation. Il est à noter que des exceptions sont
possibles dans certaines situations, comme par exemple, dans les cas où la dite formation s’avère
désuète. La personne est alors dirigée vers une autre formation, ou si cela est possible, vers une
actualisation de sa formation d’origine afin de pouvoir réintégrer le marché de l’emploi dans ce
domaine.
Une fois que ces éléments sont explorés, l’agent s’assure que la formation envisagée peut être
financée par Emploi-Québec. Ainsi seront refusés les secteurs jugés précaires. Certains cas sont
parfois particuliers et demandent une analyse plus pointilleuse. C’est à ce moment que l’agent
consulte son chef d’équipe pour appuyer sa décision.
« Quand c’est acceptable, c’est là qu’il faut aller fouiller puis c’est là qu’il y a des
petites zones grises […] si on se rend compte qu’il y aurait une possibilité que ce soit
42
positif. Dans le fond c’est quand on ne le sait pu trop qu’on va voir la chef d’équipe.
Donc pour des cas comme ça on peut aller vérifier auprès de la chef d’équipe pour
être sûr de notre décision » (PN33/A/1).
Les agents interviewés mentionnent cependant bénéficier d’une grande marge de manœuvre
quant aux décisions qu’ils prennent face à l’acceptation ou non d’un client dans une mesure. Ils
ne consultent donc pas le chef d’équipe à tous coups.
Afin d’appuyer leur décision, les agents ont accès à des outils de recherche leur permettant de
savoir si un type de formation en particulier est acceptable et quelles sont les perspectives
professionnelles. Ceci sert d’appui à leur décision, car les agents peuvent tout de même faire
preuve de nuance dans certains cas.
« On est assez autonomes par rapport à nos dossiers. C’est juste pour les cas
problématiques …c’est assez rare que je vais voir la chef d’équipe […]. La plupart du
temps, on se consulte plutôt entre collègues » (SN8/H/1).
Les agents qui accompagnent les jeunes adultes bénéficiaires des services d’emploi doivent
également vérifier le temps disponible en regard du projet visé. Tel que mentionné
précédemment, si un jeune souhaite s’inscrire à un cours en particulier, l’agent d’aide à l’emploi
communique avec l’établissement d’enseignement afin de connaître le temps estimé pour
compléter la formation ainsi que les préalables requis. Il vérifie que le temps total requis pour
compléter le programme choisi, incluant la complétion des préalables, ne dépasse pas 36 mois.
Au-delà de ce délai, le CLE ne finance plus la formation entreprise. Ceci est clairement exposé au
client et, selon les interviewés, a un impact sur le choix de la formation dans plusieurs cas.
Cependant, si le niveau d’un jeune se situe entre une 6e année et un 3
e secondaire, le temps requis
pour compléter ses préalables n’est pas comptabilisé dans les 36 mois de délais accordés pour
être en formation. Au-delà du 3e secondaire, le temps requis pour décrocher l’équivalent d’un 5
e
secondaire sera comptabilisable dans la période de financement de la formation.
Lorsque le client est officiellement accepté dans un programme de formation et qu’il a débuté, le
CLE le contacte afin qu’il vienne signer un contrat. Certains agents préfèrent cependant ne pas
attendre la confirmation de l’établissement d’enseignement et faire signer ce contrat dès que le
jeune prend la décision de s’engager dans un projet donné.
43
« Le client est au courant que lorsqu’il va commencer l’école nous allons le rappeler
pour signer son contrat avec les versements auxquels il aura droit. Mais ça c’est
expliqué avant pour qu’on puisse dire au client : tu vas avoir droit à tant, selon si tu as
déjà eu du chômage ou si tu en as jamais eu. As-tu des frais de transport, des choses
comme ça? Parce qu’au moment où ils commencent l’école, on fait signer les papiers.
Mais ça, je sais que ça dépend du CLE. Il y en a qui font signer les papiers avant, moi
je les fais signer une fois que l’école a confirmé la participation » (SN4/F/4).
4.1.4. Suivi/maintien du lien d’accompagnement
La gestion des absences
Dans leur suivi, les agents affirment avoir la responsabilité de veiller au respect des engagements
des clients et de s’assurer que les conditions leur permettant de poursuivre leur formation sont
toujours présentes.
Les interviews nous apprennent que plus la formation du jeune client avance, plus les agents
tentent de fonctionner de façon similaire au marché du travail afin de favoriser la réussite du
jeune une fois que celui-ci intégrera un emploi. Ainsi, les interviews auprès des agents mettent en
lumière un mode de gestion des absences en trois étapes. À la première étape, si le client cumule
plusieurs absences au cours d’un même mois, un constat d’absences répétées est fait. Cependant,
pour la plupart des agents, aucune action ou intervention n’est entreprise à ce moment auprès du
jeune. Ainsi, en début d’inscription, des agents tolèrent un taux d’absences pouvant parfois aller
jusqu’à 40 %. À la deuxième étape, les agents tolèrent 20 % d’absences. Ainsi, le jeune qui
dépasse le pourcentage autorisé pour un second mois est convoqué pour une rencontre.
Finalement, à la troisième étape, les agents tolèrent un maximum de 10 % d’absences avant de
convoquer le jeune pour discuter de sa situation. Un agent mentionne qu’il est fréquent, lors de
ces discussions à propos des absences répétées du jeune, que l’intervention ressemble davantage
à une intervention psychosociale, puisqu’il s’agit d’aborder les difficultés qui empêchent le jeune
d’avancer.
« Au début, on leur dit : je t’ai convoqué, c’est en raison d’absences nombreuses, ou :
un des intervenants m’a dit que tu ne feelais pas très bien. Parce qu’aussi, il y a une
entente d’échange de renseignements entre l’école, ou l’organisme à qui je réfère,
afin de connaitre son rendement au niveau personnel et scolaire. Puis à ce moment-
44
là, je le convoque puis je l’amène à me parler de ce qu’il vit. C’est presque de
l’intervention psychosociale » (SN4/H/1).
Selon les professionnels rencontrés, la tolérance plus grande en début de parcours permet au
jeune de s’adapter graduellement. Cependant, au-delà du stade où est rendu le jeune dans son
cheminement, le type de formation peut aussi influencer la souplesse dont fera preuve l’agent. En
effet, la norme est de 10 % d’absences tolérées, mais un agent précise que dans certains cas,
comme pour un DEP, il contacte le client dès que ce dernier atteint 5 % d’absences. Il explique
cette procédure par le fait qu’un DEP est un cours intensif, donc si le jeune s’absente, cela risque
d’avoir des répercussions sur ses notes et sur son apprentissage de façon plus marquée que dans
le cas, par exemple, de l’éducation aux adultes, où le jeune à la possibilité de progresser à son
rythme.
« En formation générale c’est plus facile qu’en formation professionnelle […] la
personne avance par elle-même […]. À l’école c’est comme aux adultes, ça marche
par module. Donc ils vont voir le professeur et ils avancent dans leur module. […] la
formation professionnelle, quand c’est d’une durée donnée, qui commence en janvier
pis qui se termine en octobre, je pourrais donner l’exemple de « vente-conseil »; ce
n’est pas par module. Donc si la personne s’absente, elle manque le fil pour réussir sa
formation » (SN7/G/1).
Plusieurs personnes interrogées ont mentionné que la gestion des absences est un domaine où il y
a beaucoup de souplesse et de variabilité d’un agent à l’autre. Il apparait donc que cette gestion
demeure à la discrétion des agents. Ceux-ci le confirment d’ailleurs et semblent présenter des
points de vue différents sur leur façon de faire. Certains tentent de resserrer davantage les
conditions et stipulent qu’il serait bien d’être plus stricts, tandis que d’autres pensent qu’il est
nécessaire de garder une souplesse avec cette clientèle déjà fragile. Quelques jeunes dépassent les
limites en ce qui concerne les absences ou les dates butoirs, mais comme l’explique un agent
d’aide à l’emploi interrogé, tous les cas qui bénéficient d’exception ou qui ont des autorisations
spéciales sont justifiables. Les agents mentionnent notamment que les jeunes de 18-24 ans
bénéficient souvent de plus de souplesse quant à leurs absences, car les programmes jeunesse
desservent majoritairement des jeunes multi problématiques, ce qui nécessite davantage
d’indulgence de la part des agents s’ils souhaitent les garder dans les mesures. Cependant, il a été
mentionné que dans les cas où le jeune adulte ne vit pas de problèmes particuliers et que son
manque d’engagement n’est dû qu’à une faible motivation, l’agent sera moins tolérant à son
égard pour ce qui est des absences.
45
Le suivi du cheminement
Dans chaque centre d’éducation des adultes se trouve un intervenant dédié uniquement aux
jeunes qui sont référés par le CLE. Durant la période où le jeune est investi dans son projet de
formation, les agents des CLE s’assurent qu’il soit entouré et encouragé par les intervenants qui
œuvrent dans les établissements de formation. Ceux-ci sont parfois engagés par Emploi-Québec,
parfois par un autre établissement comme un CJE par exemple.
« Ici, on a deux CJE qui offrent l’accompagnement dans les écoles. Il y a une
intervenante engagée par le CJE, qui est postée dans l’école et qui va s’occuper des
étudiants qui étudient avec Emploi-Québec. Elle va donc les cibler et les rencontrer,
et elle va leur offrir ses services s’ils en ont besoin et puis elle va faire un suivi. […]
Moi j’ai des contacts avec ces intervenants-là » (SN13/E/2).
« Dans chaque école secondaire aux adultes, il y a un intervenant qui s’occupe juste
des élèves qui sont référés par les CLE. […] Ça ne part pas de nous, ce n’est pas nous
qui l’engageons, ce sont les écoles qui ont un responsable des élèves CLE. […] dans
chaque école il y a un intervenant avec qui on a un lien » (PN26/B/2).
Quant au programme Jeunes en action, les agents des CLE reçoivent tous les mois un rapport du
cheminement de chaque jeune inscrit à la mesure, via un formulaire informatisé. L’information
échangée entre les agents d’aide à l’emploi et les collaborateurs des milieux peut concerner le
rendement scolaire, l’assiduité et tout autre problème auquel ils jugent bon de s’intéresser.
Selon les intervenants rencontrés, ces collaborations et échanges permettent de faire des
interventions concertées et de travailler dans le même sens, ce qui aide à garder une cohérence
dans les actions et les discours auprès des jeunes.
« J’appelle l’intervenante dans l’école qui travaille avec les CJE et je dis : Vois-tu tel
étudiant? As-tu un contact avec lui? Sais-tu ce qui se passe? Ça va mal…. Donc là
elle me dit : Je vais regarder ça plus attentivement. Puis elle va aller voir le jeune »
(SN13/E/6).
Cependant, les personnes rencontrées rapportent que dans le cas de la mesure de formation, le
contact avec les écoles est généralement plus difficile.
46
« Le suivi se fait beaucoup avec les écoles aussi. On a 2-3 écoles plus près d’ici et ils
vont nous appeler, mais c’est plus difficile parce que les écoles, c’est plus grand par
rapport au carrefour jeunesse-emploi » (PN25/C/4).
Souvent, les difficultés rencontrées se retrouvent au plan des demandes de prolongation pour
compléter une formation. Un intervenant d’un milieu de formation peut demander à ce qu’un
jeune bénéficie de plus de temps pour compléter des cours, mais l’agent d’aide à l’emploi doit, de
son côté, se soucier de respecter le budget alloué. Par conséquent, il ne peut pas toujours
consentir à l’octroi d’une allocation supplémentaire pour le jeune au-delà des 36 mois.
« Là où on a parfois des problèmes, c’est souvent sur les prolongations. L’école nous
dit : Nous on le prolongerait de quelques mois, finalement il était supposé terminer au
mois de septembre, mais il va finir en mai 2011. Oups! C’est parce qu’il faut
comprendre aussi que nous on a des budgets à respecter premièrement, mais on doit
aussi s’assurer que le jeune fait ce qu’il a à faire […] alors c’est souvent là qu’il va y
avoir peut-être… pas des accrochages, mais un petit peu de : hey bien là moi mon
jeune ça lui prendrait ça. L’agent dit : non non non! Et parfois je rentre en ligne de
compte. C’est là que mon rôle prend toute son importance » (PN27/D/1).
« Si j’appelle dans une autre école je sais très bien que je vais m’obstiner avec
l’intervenant qui est là. Parce que moi j’ai des règles à faire respecter et en plus, si
j’ai de la souplesse et que la souplesse est « surdépassée » hey bin c’est parce qu’à
moment donné il y a des limites! Je suis obligé de m’obstiner avec l’intervenant en
plus d’avec le jeune, ça ne marche pas là! Comme intervenants on est supposés être
capables de trouver quand même un terrain d’entente. Si je te dis que j’ai certaines
limites et que le client les a plus que dépassées, et bien regarde à moment donné :
non! Il ya des écoles avec qui c’est beaucoup plus difficile, beaucoup beaucoup
beaucoup plus difficile! » (PN34/B/10).
Concrètement, une fois que la personne est engagée dans une mesure (Jeunes en action, mesure
de formation, etc.) les contacts se font plutôt sporadiquement avec le jeune, ou encore par
l’intermédiaire de l’organisme ou de l’établissement responsable de livrer la mesure. La
fréquence des contacts avec le client est déterminée par l’agent et varie d’un jeune à l’autre, selon
ses besoins. Ainsi, certains vont être contactés une fois par mois, d’autres aux deux semaines, ou
encore de façon hebdomadaire. Ainsi, certains ont un suivi régulier systématique tandis que pour
d’autres, ce suivi est effectué au besoin. Le jeune peut lui aussi contacter l’agent d’aide à
l’emploi et certains, selon leurs besoins, appellent leur agent de façon quotidienne. Celui-ci essaie
alors de répondre aux besoins du jeune, la majeure partie du temps en le référant vers un
organisme approprié. Lors de ces contacts avec le jeune, l’agent prend le temps de s’informer à
47
propos de son cheminement dans le projet, mais tente aussi de s’informer à savoir si d’autres
aspects de sa vie peuvent nuire à son cheminement et à sa réussite.
« Ça va être de voir comment ça va, comment ça va à la maison. Parce que […] si ça
ne va pas bien à la maison, ça n’ira pas bien à l’école. Si ça ne va pas bien à la
maison, ça n’ira pas bien sur le marché du travail. Si tu ne manges pas parce que tu
n’as pas d’argent, ça n’ira pas bien à l’un ou l’autre non plus […] on regarde tout ça;
on regarde comment ça va avec les amis, comment ça va avec les parents, on regarde
comment ça va avec son plan d’action comme tel » (PN26/B/4).
Les agents considèrent que dans leur travail, ils doivent s’adapter à chaque cas spécifique, le but
étant de répondre (directement ou par le biais de références) à tous besoins susceptibles d’avoir
une influence sur la réussite du projet. Le suivi d’un jeune adulte inscrit dans des services
d’emploi demeure donc très variable d’un cas à l’autre. Cependant, ces situations où le suivi est
plus intense concernent surtout les jeunes qui font partie du programme Alternative jeunesse.
Effectivement, les agents qui travaillent au sein du programme Alternative jeunesse s’impliquent,
plus souvent que les autres, dans de multiples sphères de vie du client. Ils s’attardent, entre
autres, à instaurer une relation privilégiée, à offrir davantage de soutien et à avoir des contacts
plus fréquents avec le jeune. Les agents interviewés stipulent que le suivi effectué auprès des
jeunes clients peut aller loin dans certains cas. Par exemple, un des agents mentionne qu’il doit
parfois s’assurer que son client ait un bon suivi médical ou qu’il prenne sa médication au besoin.
Ainsi, il peut demander à ce qu’il lui apporte ses factures de médicaments pour s’assurer qu’il se
les procure. Les agents qui se sont exprimés à ce sujet, affirment tenter d’agir sur tout ce qui est
susceptible d’influencer la réussite du jeune, à condition que ce dernier le lui permette. Certains
agents ont également affirmé que l’aide octroyée peut consister à effectuer des recherches avec le
jeune selon son besoin, lequel peut être, par exemple, de trouver un logement ou un organisme
d’aide sur un sujet particulier, ou encore de faire un budget, etc.
« Il y en a que ça n’allait pas bien du tout quand ils étaient à l’école plus jeunes, puis
là ils arrivent et ils pètent des scores puis ça va super bien. Mais avant je me suis
assuré qu’ils aient eu un soutien médical. Parce que ça va jusque-là aussi, si tu ne les
as pas tes concerta, ça se peut que ça aille pas bien. Puis ça va aussi loin que : je
regarde si il a sa facture de concerta tous les mois pour être sûr qu’il les a pris. Peut-
être qu’il ne les a pas pris, mais si il me remet sa facture, j’ai plus de chance qu’il soit
au moins allé à la pharmacie. Des fois le suivi ça va aussi loin que ça : as-tu pris tes
médicaments? » (PN26/B/5).
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4.2. Nature et fonction du travail d’accompagnateur
4.2.1. Collaboration et référence
Les agents d’aide à l’emploi peuvent se référer à leur chef de service pour obtenir du soutien, par
exemple dans la prise de décision concernant l’admission d’un client à une mesure d’aide à
l’emploi. Dans le cas de l’admission à la mesure de formation, lorsqu’elle est liée à un domaine
où les perspectives d’emploi sont plus ou moins favorables, la consultation du chef d’équipe peut
s’imposer. Les collègues travaillant avec la même clientèle sont aussi de bonnes sources
auxquelles les agents disent se référer pour des discussions et consultations à propos de cas plus
équivoques. Au-delà de cette collaboration informelle entre collègues ou avec le chef d’équipe,
nous avons constaté que dans certains centres locaux d’emploi, l’approbation d’un supérieur pour
admettre tout client à la mesure de formation peut être requise à certaines périodes, comme par
exemple à la suite d’une réorganisation interne.
« Eux vont interpréter, vont avoir des réunions avec la direction régionale et ils vont
ramener ça à nous. Puis ils vont nous dire : par rapport à ce point-là de la mesure de
formation, on fait ça, on s’enligne comme ça, pour égaliser les pratiques autant que
possible » (SN6/G/1).
De façon générale, les personnes interrogées ont mentionné qu’il est important pour elles de se
mettre à jour régulièrement sur les services offerts aux jeunes clients (par des organismes
communautaires par exemple) ou encore sur l’état du marché du travail. Il importe également
pour eux de rencontrer leur chef d’équipe afin de s’assurer que les pratiques des uns et des autres
soient cohérentes. Cependant, les personnes interrogées maintiennent que le rôle du chef d’équipe
demeure un rôle de support et de conseil et non un rôle décisionnel. Par ailleurs, il a été constaté
au cours de la cueillette de données, que les CLE n’ont pas tous des réunions régulières pour se
mettre à jour et adopter une ligne directrice commune en ce qui concerne les services d’aide à
l’emploi. Un agent interrogé stipule qu’au-delà des réunions qui ont lieu régulièrement avec
l’équipe pour des renseignements généraux, il lui semblerait utile d’avoir des réunions pour
traiter d’un cas ou d’une mesure en particulier.
« Souvent, il va y avoir toute sorte de monde qui vont venir nous donner de la
formation ou de l’information des partenaires communautaires. C’est correct parce
qu’il faut les connaître, mais parfois, je trouve que ce qui manque c’est juste une
49
réunion entre nous pour discuter de tel cas ou de telle mesure ou de telle note. C’est
très administratif comme travail et parfois on est mêlés. Ça change beaucoup aussi,
donc parfois tout le monde interprète les choses différemment. Parfois c’est juste le
fun de s’en parler » (SN18/E/1).
4.2.2. Objectifs professionnels (mandat)
Les fonctions d’un agent peuvent varier d’un CLE à un autre. Dans certains établissements, des
agents sont spécifiquement attitrés aux dossiers jeunes (18-24 ans) et ne sont pas en lien avec la
clientèle régulière. À d’autres endroits, chaque agent a la charge d’un secteur faisant partie des
services aux individus, ainsi que la charge d’un projet jeunesse (par exemple, un projet de
préparation à l’emploi). Le fonctionnement peut également différer quant aux tâches des agents.
Par exemple, dans certains CLE, chaque agent d’aide à l’emploi effectue une journée ou deux
dans la salle multi, qui est la salle d’accueil où les gens se présentent pour une aide ponctuelle.
L’agent sert donc d’aide et de référence pour ces personnes et doit aussi répondre à d’éventuelles
urgences. C’est à cet endroit que le client validera avec la personne à l’accueil s’il est éligible
pour être dirigé vers la formation et donc, pour rencontrer un agent d’aide à l’emploi qui établira
un projet précis avec lui. Les fonctions variées font cependant partie d’un même mandat; celui de
favoriser l’insertion en emploi de la clientèle éloignée du marché du travail.
Des visions différentes
Lorsqu’on demande aux agents d’aide à l’emploi quels sont leurs buts ainsi que leur principal
mandat dans le cadre de leur travail, un large éventail de réponses est offert. Ainsi, de leurs
discours ressortent trois principales missions rattachées à leur mandat, soit l’évaluation, le suivi
et la référence.
Évaluer et référer : Dans un premier temps, l’agent doit faire une évaluation juste et
complète afin de diriger le client vers des services adéquats. Cela signifie que l’avenue dans
laquelle le jeune adulte décide de s’engager correspond à ses désirs et aspirations
personnelles. Qui plus est, il importe de mentionner que ce vers quoi le jeune est dirigé, doit
faire partie des secteurs considérés « en demande » actuellement sur le marché du travail.
Certains agents considèrent qu’à cette étape où s’effectuent l’évaluation de la situation et la
50
référence du client, un des mandats des agents est de motiver et de mobiliser le jeune afin de
lui démontrer les avantages qu’il peut retirer en s’investissant dans la démarche.
Assurer un suivi : Tout au long de la durée de la formation du jeune, l’agent d’aide à
l’emploi assure un suivi. Celui-ci consiste à demeurer en contact avec les intervenants
responsables dans les organismes et les milieux de formation fréquentés par les jeunes clients
afin de contrôler le taux d’absences et le bon fonctionnement de la démarche. L’agent
s’assure aussi que le jeune reçoive le remboursement des frais admissibles dans le cadre de
sa formation, tout en respectant le budget maximal alloué par Emploi-Québec. En bref,
l’agent d’aide à l’emploi s’assure que le jeune reçoive ce qui lui revient (allocation
supplémentaire et remboursements de certains frais) et veille à ce que le jeune respecte ses
engagements en retour (présence et implication dans sa démarche). Le suivi peut également
comprendre la gestion des demandes de prolongation qui peuvent être exceptionnellement
accordées dans certains cas particuliers.
Diriger vers les organismes externes appropriés : Au besoin, l’agent oriente le client vers
des organismes d’aide à la recherche d’emploi une fois sa formation complétée. Idéalement,
l’issue aux termes de la formation est le placement en emploi du jeune. Cependant, si tel
n’est pas le cas, l’agent peut alors le référer vers des organismes qui l’aideront dans sa
démarche de recherche d’emploi.
Le but ultime étant que le jeune pour qui des services ont été déployés se retrouve durablement
inséré en emploi. Certains agents résument même leur but comme étant essentiellement de cocher
la case « oui » dans le formulaire final, à la question demandant si le client est en emploi au terme
des services. Plusieurs stipulent donc qu’ils ne considèrent pas faire de l’accompagnement
proprement dit. Ils ont davantage l’impression que l’accompagnement est effectué par d’autres,
soit les intervenants dédiés aux jeunes adultes référés par les CLE, qui se trouvent dans les
milieux scolaires et dans des organismes communautaires comme les CJE. Il est cependant
intéressant de noter que les agents des CLE qui sont spécifiquement en charge de jeunes inscrits
au programme Alternative jeunesse considèrent offrir un niveau d’accompagnement plus élevé
que pour la clientèle régulière. Le suivi est souvent plus intense et peut dépasser le mandat
habituel d’un agent assigné aux clients réguliers. Ainsi, le type de travail effectué avec ces jeunes
de moins de 25 ans peut davantage se rapprocher de ce que les agents semblent considérer
51
comme étant de l’accompagnement. Cela dit, la majorité des agents d’aide à l’emploi, bien
qu’impliqués dans le parcours du jeune de multiples façons, ont surtout l’impression de devoir
s’assurer que la mission d’Emploi-Québec soit respectée, donc que les démarches entrainent des
résultats positifs.
À ce sujet, certains agents ont mentionné qu’il peut être facile de perdre de vue la mission de
l’établissement au sein duquel ils travaillent. Un agent stipule qu’il est important de garder en tête
que le but ultime est la mise en emploi et non la formation scolaire à tout prix. Ainsi, il est d’avis
que la réintégration ne doit pas passer à tous coups par une formation et que si le marché de
l’emploi est favorable, il faut d’abord tenter de diriger les clients en priorité vers le travail. Cet
avis n’est cependant pas partagé par tous, car certains ont tendance à croire qu’il est plus payant à
long terme, de s’assurer que les gens aient un minimum de compétences afin de réintégrer non
seulement un emploi, mais un emploi avec des conditions de travail et des conditions salariales
décentes.
« Est-ce que tu as le goût de faire ça toute ta vie? Est-ce que tu as le goût d’être au
salaire minimum toute ta vie? Est-ce que tu as le goût de rusher toute ta vie? Parce
que ce sont souvent des emplois qui ne sont pas faciles à arriver. As-tu le goût d’avoir
une famille dans la vie toi ? Si tu as le goût d’avoir une famille, ça se peut que le
salaire minimum ne te convienne pas! As-tu le goût de faire d’autres choses? Qu’est-
ce que tu as le goût? » (PN30.2/B/4).
« C’est ça notre job. C’est de voir à ce que je donne toujours le chemin le plus
avantageux pour le jeune, pour qu’il ne se décourage pas, pour qu’il vive des
réussites. À la fin, quand ce jeune-là sortira avec son DEP dans les mains, ce sera
quoi la fierté qu’il viendra d’acquérir! » (PN28/B/9).
Un agent d’aide à l’emploi qui œuvre exclusivement auprès de la clientèle jeunesse considère
qu’il est essentiel de diriger les jeunes adultes vers une formation si ces derniers n’ont pas le
bagage nécessaire pour une insertion professionnelle durable. La formation est ici vue comme
une formation académique menant à un diplôme, ou encore, une expérience de travail qualifiante.
Cet agent considère que l’emploi est le but ultime, mais qu’il s’agit de ce qui vient en dernier
dans le parcours, celui-ci débutant avec la formation. Ainsi, le chemin d’un jeune peut
commencer par l’inscription à une mesure de préparation à l’emploi (Jeunes en action, la Maison
Dauphine, etc.). S’en suivra la formation académique dans le domaine choisi et finalement, le
client sera, au besoin, dirigé vers un organisme d’aide à la recherche d’emploi pour l’aider à
52
décrocher un travail. Ce même agent soutient toutefois qu’il demeure important de garder en tête
que le but n’est pas d’avoir un diplôme à tout prix. Il est nécessaire de bien évaluer la situation et
de diriger le jeune vers un projet adapté à ses habiletés, en tenant compte de ses forces et de ses
faiblesses. Le but est donc de trouver le projet qui sied le mieux au jeune client accompagné.
53
4.3. Facteurs qui limitent le travail d’accompagnement
4.3.1. Le recrutement
Une des personnes interrogées mentionne être concernée par la difficulté qu’ont les CLE à
recruter certaines clientèles. Elle mentionne à ce sujet qu’une personne bénéficiant de l’assistance
sociale depuis plusieurs années peut être insécurisée par le changement et ainsi refuser l’aide
offerte afin de rester dans une position qu’elle ressent comme sécuritaire et confortable. Plusieurs
agents, parmi ceux rencontrés, considèrent que les jeunes 18-24 ans qui sont bénéficiaires de
l’assistance sociale depuis longtemps ou dont la famille bénéficie de l’assistance sociale depuis
longtemps, constituent une clientèle difficile à recruter, car cette situation peut devenir un mode
de vie ancré.
« Je suis certain qu’il y en a qui ne le font pas parce qu’ils ont peur et c’est une peur
qui n’est pas fondée. On pourrait aller fouiller là, puis finalement, le jeune serait
super content d’avoir de l’aide » (PN38/A/5).
De plus, le client est toujours libre de refuser ou d’accepter l’aide offerte en cochant oui ou non
dans le formulaire. Selon certains, cette façon de faire n’est peut-être pas assez persuasive pour
les convaincre de quitter le statu quo.
« Ça prendrait plus de monde pour aller chercher ces jeunes-là, même les plus vieux
qui sont présentement sur l’aide sociale et pour qui il ne se passe pas grand-chose et
qui ne veulent rien faire. C’est parce qu’ils ont le droit de dire : moi je ne veux pas
d’aide et je veux continuer ce rythme de vie là. Ils ont le droit de faire ça et ils ont le
droit de le dire, puis on n’a pas le choix et ils continuent à recevoir leurs chèques.
C’est ça qui me fatigue un peu. Moi j’aimerais qu’on aille plus travailler ce côté-là
pour avoir plus de monde » (PN35/A/1).
Ainsi, on nomme comme étant un défi, le fait de mobiliser les jeunes de 18 à 24 ans, de les
motiver à s’engager dans des mesures.
4.3.2. La charge de travail
L’ampleur du travail ainsi que l’aspect très administratif présent dans les CLE sont des éléments
fréquemment nommés lorsqu’on interroge les agents d’aide à l’emploi sur les difficultés reliées
54
au travail qu’ils accomplissent. Ils mentionnent entre autres que l’informatique prend beaucoup
de leur temps et que la charge de dossiers est importante. Les répondants s’entendent pour dire
qu’ils aimeraient offrir davantage de temps et d’aide aux clients qui en auraient le plus besoin,
mais le nombre élevé de dossiers ne leur permet pas de « déborder » du cadre régulier. Les agents
qui sont en charge exclusivement de jeunes inscrits à Alternative jeunesse ont quant à eux moins
de dossiers à suivre (environ 85 selon un des répondants). Ceci s’explique par le fait que
l’ampleur de la tâche est plus élevée pour eux puisqu’il s’agit d’une clientèle particulière,
nécessitant dans la plupart des cas, plus d’encadrement que la clientèle inscrite dans un
programme régulier. Malgré cette volonté d’offrir une charge de travail moins lourde aux agents
qui œuvrent auprès des jeunes adultes, certains stipulent que ce n’est pas toujours le cas et qu’ils
ont des périodes de débordement où le nombre de dossiers à leur charge peut aller jusqu’à 140
(toute catégorie de clientèle confondue). Cette charge de travail importante affecte, selon eux, la
qualité du suivi qu’ils sont en mesure d’offrir.
« C’est extrêmement difficile pour moi de faire un suivi qui a du bon sens, parce que
j’ai trop de clients » (SN20/E/1).
« C’est sûr qu’avec le nombre de clients que j’ai dans mon caseload, c’est difficile de
faire un suivi qui est, à mon avis, efficace et qui peut donner des résultats »
(SN20/E/2).
Au sujet de la spécificité des programmes jeunesse, un agent d’aide à l’emploi œuvrant au sein du
programme Alternative jeunesse mentionne que le travail avec ces jeunes de moins de 25 ans
n’est pas fait pour n’importe qui. Il faut être ouvert, près des jeunes et enclin à négocier avec les
partenaires, soit les écoles et tout autre intervenant impliqué.
« C’est demandant, c’est une clientèle particulière. Je vais être franc, ce n’est pas tout
le monde qui veut faire…. ce n’est pas évident. Il faut être près des jeunes et les
comprendre. C’est beaucoup de négociation avec les écoles et les intervenants. Ça
demande quand même une certaine ouverture tout ça » (PN38/A/1).
4.3.3. La vision de la clientèle envers le CLE et les agents
Les agents interrogés stipulent que plusieurs personnes sont rébarbatives à visiter des institutions
gouvernementales et considèrent les agents comme des individus qui sont en charge de les
surveiller et de les punir. De plus, ces agents font part que dans ce genre d’institution, les gens
55
ont tendance à se sentir comme « un numéro parmi tant d’autres », ce qui ne facilite pas le lien et
l’établissement d’une relation positive. Il a aussi été rapporté que les clients qui participent aux
mesures peuvent se sentir contrôlés (par exemple, par la gestion des absences) et ont de la
difficulté à faire confiance aux agents. Ainsi, malgré le fait que l’agent d’aide à l’emploi ait le
souci d’avoir le portrait le plus complet possible du client afin de le diriger adéquatement vers la
bonne mesure, il demeure confronté au fait que le client ne dévoile pas toute sa situation au
moment de l’admission à une mesure.
4.3.4. Le discours des agents sur les caractéristiques de la clientèle
Un mode de vie ancré
Tel que mentionné précédemment, les agents interrogés disent avoir l’impression que pour
certains jeunes adultes, il est dans la normalité de s’inscrire à l’assistance sociale dès que
possible. Les agents remarquent que pour cette catégorie de jeunes, il s’agit d’une situation
normale, d’un mode de vie, car souvent, leurs parents bénéficient de ce mode d’assistance depuis
toujours. En effet, au cours des entrevues, il a été mentionné qu’une partie de la clientèle que
composent les jeunes considérés comme éloignés du marché du travail est constituée de
personnes dont les parents sont prestataires de l’aide sociale depuis longtemps. Cette situation
devient pour eux une normalité.
Ainsi, le fait de réussir à impliquer ces jeunes adultes dans un programme de formation pour
éventuellement trouver un emploi est un défi de taille et risque de briser un phénomène de
reproduction intergénérationnelle. C’est aussi pour briser ce cycle que les allocations jeunesse
sont remises aux deux semaines. On souhaite de cette façon que le jeune ait l’impression de ne
plus bénéficier de l’assistance sociale et la quitte définitivement.
« C’est vraiment une allocation jeunesse. Et c’est versé aux deux semaines pour
justement, casser le rythme du chèque qui arrive une fois par mois. Donc pour qu’ils
prennent l’habitude d’avoir un revenu qui rentre à toutes les deux semaines »
(PN30.4/D/1).
56
Un réseau peu soutenant
Les agents qui accompagnent les jeunes éloignés du marché du travail, soulignent que chez cette
clientèle, le réseau social qui les entoure est parfois peu soutenant. Par exemple, beaucoup d’entre
eux ont un réseau d’aide pauvre, en ce sens qu’il est soit inexistant, soit déficient. Parfois, un
mode de vie peu favorable à la réussite est ancré chez ces jeunes et leur entourage. Par exemple,
une situation où les amis et la famille d’un jeune ne travaillent pas et n’encouragent pas le travail
sera fort probablement nuisible à la réussite du jeune. Un des agents d’aide à l’emploi stipule que
dans sa clientèle, deux catégories de jeunes sont distinguables, soit ceux qui n’ont jamais
bénéficié d’un soutien familial adéquat et ceux qui, au contraire, en ont eu. D’ailleurs, l’agent
mentionne que ces derniers sont avantagés et présentent souvent moins de difficultés.
L’accompagnement offert en est alors facilité. Il importe ici de noter que le soutien familial
concerne essentiellement le soutien moral, le développement de l’estime de soi et la transmission
de valeurs, et non un soutien financier. Effectivement, même dans les cas où le jeune et sa famille
sont en situation financière précaire, s’il est soutenu dans sa démarche, l’accompagnement et son
cheminement en seront facilités malgré tout. L’agent explique cela par le fait que si un problème
survient, la personne a un réseau à qui se référer et ainsi, ne laissera pas des situations
problématiques dégénérer et entraver son cheminement.
« Ils vont avoir des frères et sœurs qui vont être là en soutien. Ils vont avoir de bons
amis qui vont être là depuis longtemps. Ils ont un entourage qui est là et ils sont
capables de se débrouiller. Ils vont avoir une facilité à dire : ok j’ai un problème, j’ai
besoin d’aide. Ils n’attendront pas. Si t’attends et que le problème est devenu
tellement gros qu’ils ne savent plus comment s’en sortir… Ils vont être capables
d’aller chercher de l’aide avant » (PN28/B/2).
Les agents interrogés soulignent que les jeunes adultes qui proviennent du réseau des centres
jeunesse constituent eux aussi une clientèle distinctive. Les agents considèrent en effet que, de
façon générale, la clientèle qui provient des centres jeunesse bénéficie d’encore moins de soutien
dans leur entourage, présentent une histoire de vie encore plus problématique et difficile, ont un
parcours scolaire fragilisé, ont vécu peu de succès et ont souvent des problèmes d’estime et des
difficultés à faire confiance aux intervenants. Toutes ces caractéristiques, que l’on retrouve
fréquemment chez les autres jeunes desservis par les services d’aide à l’emploi, semblent
exacerbées chez les jeunes en provenance des centres jeunesse. Ils ont souvent des problèmes
57
plus importants et ayant eu plusieurs intervenants dans leur vie, sont rébarbatifs à collaborer avec
les agents et autres intervenants impliqués, ce qui ne facilite en rien la tâche d’accompagnement.
Un historique d’échec
Selon les professionnels, les jeunes qui vivent des difficultés d’insertion et qui sont inscrits dans
les mesures présentent très souvent une histoire parsemée d’échecs (du moins au plan scolaire).
Ainsi, ils ont souvent peu d’estime d’eux-mêmes et il devient donc important de leur faire vivre
des réussites, ce que tentent de faire les agents en encourageant leurs jeunes clients à viser des
objectifs à court terme et en les aidant à remarquer la moindre petite réussite.
« C’est juste que si jamais personne ne t’a aidé, si tout le monde t’a toujours dit que
t’étais pourri à l’école ou que tu étais le rejet […] il y en a que ça les a touchés
vraiment et qui n’ont pas été capables de passer par-dessus ça. Fais-leur vivre des
petites réussites […] on encourage, on continu. Tu sais, petite étape par petite étape,
des fois y’en a qu’on est capable de réaliser leurs rêves, pi crime y’en a que je l’ai vu
ça! » (PN30.2/B/4).
Les agents remarquent qu’en plus du manque d’estime, ces jeunes ont de la difficulté à faire
confiance et plusieurs d’entre eux sont démunis matériellement. Certains vivent en situation
financière très précaire et cela n’aide en rien la réussite des démarches.
Une autre difficulté que présentent ces jeunes adultes et qui est susceptible d’influencer les
démarches d’accompagnement en emploi concerne le manque de constance et de motivation des
jeunes clients. La motivation à l’école semble constituer un problème, mais également la
motivation à quitter l’assistance sociale. Des agents rencontrés mentionnent que ces jeunes n’ont
généralement jamais démontré de motivation face à l’école en raison de leurs échecs passés et du
peu de soutien qu’ils ont reçu dans ce domaine. Il devient donc difficile pour eux d’avoir
confiance en leurs capacités et de se motiver à la réussite.
Les agents d’aide à l’emploi interrogés soulignent un autre aspect qui peut nuire au bon
déroulement des démarches, soit la présence, pour une partie des jeunes, de problèmes de santé
mentale non diagnostiqués. Puisque cela nuit énormément au processus, il est important que
l’intervenant soit alerte afin de détecter ces problèmes éventuels et de référer le jeune au bon
endroit pour qu’il puisse recevoir des services et être suivi à ce sujet.
58
Certaines situations font en sorte que les agents se voient dans l’obligation de retirer un jeune des
services et de fermer son dossier. Par exemple, ceux qui cumulent un nombre trop important
d’absences, sans changer la situation après convocations. Dans d’autres cas, certains jeunes
quittent et demeurent introuvables, car leurs coordonnées ne sont plus valides. Ce sont des cas où
les agents ferment le dossier sans avoir d’autres possibilités. Selon l’avis des agents d’aide à
l’emploi, ce manque de constance et l’absentéisme chez la clientèle 18-24 ans, sont très présents,
très difficiles à contrôler et constituent un obstacle majeur à la réussite.
« Il y a beaucoup beaucoup de taux d’absentéisme. Les taux d’absentéisme sont
élevés pis tu te demande pourquoi. Parfois c’est juste : Je ne me suis pas levé. Il n’y a
pas de raison ou des fois c’est : j’ai un problème avec mon conjoint, des problèmes
familiaux. Juste des habitudes de vie qui sont prises depuis tellement d’années »
(SN19/E/1).
« Surtout au niveau des jeunes, il y a une problématique qui est l’absentéisme. Que ce
soit en formation, que ce soit à Jeunes en action, que ce soit dans n'importe quelle
autre chose, c’est difficile d’avoir une constance » (PN27/B/5).
Des problématiques fréquentes
Ce qui ressort du discours des agents à propos de la clientèle éloignée du marché du travail, c’est
que pour cette dernière, la difficulté n’est pas nécessairement de trouver un emploi, mais plutôt
de savoir le garder. Ceci fait en sorte que les agents doivent aider les jeunes éloignés du marché
du travail à développer des compétences et habiletés personnelles qui les aideront à s’insérer
durablement dans le monde de l’emploi.
« Oui être capable de se trouver une job, mais après ça, il y a l’insertion et le maintien
en emploi. Comment fais-tu pour garder une job, arrives-tu à l’heure? Parce que de la
trouver, ce n’est pas là qu’est le problème, on est dans un temps où les employeurs
ont besoin de monde, ce n’est pas compliqué, ils ont besoin. […] il y en a de la job,
mais l’employeur ne gardera pas quelqu’un qui n’arrive jamais à l’heure, il ne gardera
pas quelqu’un qui n’est pas capable de gérer son comportement, de gérer ses attitudes
» (PN30.1/B/2).
Ainsi, selon les observations et l’avis des agents interrogés, les principales lacunes de leurs
jeunes clients 18-24 ans sont les suivantes : ce sont majoritairement des jeunes qui cumulent
beaucoup d’absences, qui font preuve de procrastination, qui ont de la difficulté à être à l’heure
ainsi qu’à gérer leurs comportements et leurs attitudes. Un agent explique entre autres que, selon
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lui, beaucoup de jeunes adultes constituant la clientèle des CLE ne respectent pas les règles qui
s’appliquent dans le contexte d’un emploi, car bon nombre d’entre eux ont de la difficulté à
accepter l’autorité. Des lacunes au plan du savoir-être constituent ainsi, selon les agents, une
barrière importante à l’obtention et au maintien d’un emploi. De ce fait, les agents qui travaillent
auprès des jeunes 18-24 ans affirment souvent devoir aider ceux-ci à adopter de bonnes attitudes
leur permettant de réussir leur projet. De plus, les agents sont d’avis qu’il est essentiel pour eux
de travailler sur la responsabilisation des jeunes. En effet, selon les agents, plusieurs d’entre eux
n’ont pas eu à faire face à beaucoup d’autorité à la maison et, en conséquence, ils présentent une
tendance à se déresponsabiliser de toute faute. Les agents considèrent donc important de les aider
à développer le respect de l’autorité et la responsabilisation, ce qui, à leur avis, demande
beaucoup de patience, de négociation et de répétition. Ainsi, le discours des agents met de l’avant
le caractère particulier de cette clientèle en abordant le manque de contacts positifs et le peu de
stabilité dans leur quotidien ainsi que les difficultés vécues par un bon nombre de ces jeunes
adultes considérés très éloignés du marché du travail.
« Si il y a trop d’affaires dans ta vie qui ne sont pas réglées, qui ne sont pas
stables…Tu sais, ils ont une volonté, un désir, ils ont l’idée de : je veux faire mon
secondaire 5. C’est une idée, mais dans la réalité ce n’est pas facile. Tous les matins,
se lever, aller à l’école, être attentif, faire ses devoirs, faire ses travaux, faire les
examens, réussir, pocher les examens, recommencer…Quand tu as 20 ans et que ça
fait 3-4 ans que tu n’es pas allé à l’école, tu sors de l’adolescence, tu es encore tout
croche. C’est comme des…c’est des post-ados » (SN16/E2).
Les entrevues effectuées avec les agents ont permis de mettre en lumière d’autres éléments du
discours sur les caractéristiques de la clientèle liées à des difficultés psychologiques. En effet, les
agents parlent de problèmes d’anxiété, de troubles mentaux, de problèmes de consommation, un
vécu et une histoire de vie souvent difficile, etc. Un agent souligne toutefois que les clients ayant
des problèmes de santé mentale posent une difficulté particulière puisqu’il s’agit de difficultés
qui ne sont pas toujours flagrantes. En effet, selon lui, il demeure difficile de détecter certains
troubles et dans plusieurs cas, ce ne sera pas nécessairement apparent à la première rencontre,
mais plutôt au fil du temps.
Ainsi, le discours des agents permet de faire ressortir que les caractéristiques de la clientèle
limitent souvent l’efficacité et le travail d’accompagnement ou encore la réussite des démarches.
L’enlisement dans un certain mode de vie très éloigné du monde du travail ainsi qu’une certaine
60
transmission intergénérationnelle d’inactivité professionnelle, sont soulignés. On note également
le réseau peu soutenant et parfois nuisible d’un bon nombre de jeunes ainsi que la présence de
nombreuses difficultés personnelles telles que le manque d’estime, des problèmes de santé
mentale, de consommation, la pauvreté, ou encore des histoires de vie difficiles. Ce sont tous des
aspects qui complexifient le travail des agents d’aide à l’emploi responsables d’offrir un
accompagnement personnalisé à ces jeunes. Les caractéristiques et problématiques des jeunes
clients semblent donc constituer un facteur très important qui peut venir compliquer le travail
d’accompagnement ou la réussite des démarches.
4.4. Facteurs qui favorisent le travail d’accompagnement
4.4.1. Les compétences en œuvre
Connaissance du marché de l’emploi
Les agents d’aide à l’emploi que nous avons rencontrés nous ont dit qu’il leur est nécessaire
d’avoir une bonne connaissance du marché de l’emploi et des formations disponibles, mais
également des différents organismes d’aide présents dans la région. Selon eux, comme la
clientèle est particulièrement susceptible de présenter des problématiques et besoins de toutes
sortes qu’il est nécessaire de combler dans un premier temps, l’agent doit être en mesure de
référer son client vers le ou les endroits appropriés. Parmi ces organismes d’aide, figurent les
milieux de formation, les carrefours jeunesse-emploi, les entreprises d’insertion, ainsi que les
différentes ressources communautaires d’aide du milieu. Pour certains agents, ces contacts leur
semblent efficaces et satisfaisants, mais pour d’autres, certaines situations sont décrites comme
étant plus difficiles. Comme mentionné précédemment, un agent affirme que les contacts avec les
écoles lui apparaissent plus ardus. Ils sont moins fréquents et ne se font pas toujours dès qu’un
problème survient, alors qu’il est important d’établir une communication dès l’apparition d’une
situation susceptible d’influencer le cheminement du jeune.
Afin de bien servir les clients, les agents affirment devoir posséder certaines connaissances et être
à l’affût des caractéristiques du marché de l’emploi. Par exemple, il est non seulement pertinent
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de savoir si un secteur de formation est en demande, mais il faut également savoir si celui-ci est
en demande dans la région où le jeune réside. Un agent donne l’exemple d’une entreprise ayant
fermé ses portes, laissant 80 travailleurs (possédant leur classe 1) à la recherche d’un emploi.
Dans ce cas, malgré le fait que le programme de formation de conduite de machinerie lourde
(classe 1) était considéré comme un secteur très en demande, l’agent n’a pas permis aux clients
de s’y inscrire pendant un certain temps.
« Quand il y a eu la fermeture de l’entreprise, juste dans la région de Québec, il y a
80 gars qui sont sortis avec leur classe 1 dans les mains et de l’expérience de travail.
Il n’y a pas 80 postes de disponibles là! […] l’employeur va choisir qui? Celui qui a
son permis et qui a 10 ans d’expérience, ou celui qui sort de l’école? Alors là on dit
oups, on va prendre un petit break sur les formations de classe 1 » (PN30/D/5).
Aptitudes pour le travail auprès de cette clientèle
Les personnes interrogées semblent toutes faire une distinction entre la clientèle régulière et la
clientèle jeunesse. Ils stipulent que le travail d’insertion auprès des jeunes 18-24 ans comporte ses
particularités, en ce sens qu’il faut être davantage ouvert, patient et compréhensif, mais aussi
qu’il faut savoir créer le lien, car il est encore plus important d’être proche d’eux.
Il est aussi stipulé qu’avec ces jeunes, il est important de leur fournir beaucoup
d’encouragements. Il faut les questionner sur leurs rêves, tenter d’aller chercher leurs aspirations
et intérêts profonds et les encourager en ce sens. Parfois, ce qui leur manque pour réussir à
accomplir un projet de formation, c’est le soutien d’autrui et l’espoir qu’il leur est possible de
réussir. En effet, les jeunes peuvent parfois croire que leurs rêves sont irréalistes alors que ce
n’est pas toujours le cas.
« Souvent, leur rêve il est réaliste, mais c’est juste qu’il n’y a personne qui les a
encouragés pour aller à l’école. C’est réaliste d’aller chercher un DEC de trois ans!
C’est réaliste d’aller chercher un BAC » (PN30.2/B/4).
Ainsi, pour les agents, le fait d’avoir une attitude où l’on prodigue beaucoup d’encouragements
quant aux capacités et au potentiel des clients et où l’on procède une étape à la fois, facilite le
travail. Ainsi, un de ceux-ci mentionne l’importance de faire vivre des réussites aux jeunes,
62
puisque ces derniers ont souvent vécu plusieurs échecs et difficultés (scolaires ou autres) par le
passé.
« On réussit tranquillement pas vite à leur faire vivre des réussites. Souvent les jeunes
ont eu des échecs. Tu leur demandes pourquoi ils ont lâché l’école quand ils avaient
16 ans : parce que l’école voulait pas de moi, ou : parce que j’avais des troubles de
comportement, ou un TDAH, pis des troubles x, y, z et qu’ils n’avaient pas de
médicament pour aller avec. Bon si t’avais pas les bons médicaments pour t’aider à
avoir ta concentration pendant que t’étais à l’école, ça pouvait pas bien aller, tu as
vécu un échec là, mais là, on va te faire vivre un succès » (PN27/B/1).
Écoute et diagnostic approprié
Les agents soulignent que le fait de bien écouter le client et de tout explorer avec lui permet
d’avoir un portrait juste de sa réalité et facilite le travail d’accompagnement. Selon eux, plus la
référence correspond aux réelles capacités et désirs du client, plus celui-ci sera motivé et
impliqué dans son processus d’insertion. Cela signifie qu’il importe de questionner et d’écouter le
jeune à propos des acquis qu’il possède, de ce qu’il fait actuellement et de ce qu’il est prêt à faire,
de sa position et de son degré de motivation face aux études, de sa situation familiale et sociale,
de ses habitudes de consommation, etc.
Un agent interrogé considère que pour motiver le jeune à mettre les efforts nécessaires à l’atteinte
de son but, il est utile de l’amener à faire des prises de conscience. Ainsi, certains agents nous
apprennent que dans leurs interventions, ils tentent de mettre en opposition les aspirations du
jeune avec sa situation actuelle. Par exemple, si le jeune mentionne avoir le désir de fonder une
famille, l’agent tente de se servir de ce désir en soulignant qu’il est difficile de subvenir aux
besoins d’une famille avec un salaire minimum. Il tente de faire réaliser au jeune que sa situation
ou son mode de vie actuel ne correspond pas à ses rêves et qu’il doit se mettre en action pour
arriver à réaliser ses projets futurs. Il faut arriver à responsabiliser le client afin que celui-ci se
prenne en main, se mette en action et prenne les différents moyens pour achever son projet.
Ainsi, pour l’atteinte des buts du client, les agents vont tenter d’intervenir sur tous les aspects
pouvant influencer la réussite des démarches. Ils mentionnent ainsi une multitude de tâches
rattachées à leur travail d’agent d’aide à l’emploi. Bien souvent, cela va au-delà de l’aide en
employabilité, à tout le moins dans un premier temps. Parfois, les interventions touchant
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précisément l’emploi ne sont faites qu’en dernier lieu, après avoir réglé tout ce qui pourrait
éventuellement nuire à la réussite optimale des démarches d’insertion en emploi. Ainsi, l’agent
doit évaluer, détecter et intervenir sur une foule d’aspects de la vie du jeune qui pourraient avoir
une influence quelconque sur l’atteinte du but ultime qu’est la mise en emploi.
« Je dis souvent que je ne fais pas juste de l’employabilité, vraiment pas! Parfois, ça
prend bien du temps avant que je fasse de l’employabilité parce qu’ils ne sont pas
rendus là. Des jeunes qui n’ont pas de logement, qui sont chez l’un ou chez l’autre et
pour qui je n’ai pas d’adresse fixe, j’en ai! » (PN37/B/1).
4.4.2. Recruter le jeune le plus tôt possible
Comme il a été mentionné plus tôt, les agents sont nombreux à considérer que plus le jeune
bénéficie de l’assistance sociale depuis longtemps, plus il est difficile de l’amener à changer cette
situation. Ainsi, à certains endroits, dès qu’un jeune fait sa première demande d’assistance
sociale, il doit systématiquement rencontrer un agent qui lui présente les différentes options
possibles. Le fait de rencontrer systématiquement chaque nouveau demandeur semble être
quelque chose de bénéfique.
« C’est un rythme de vie, puis c’est de casser ça. C’est plus difficile quand ils sont sur
l’aide sociale depuis un petit bout. C’est plus difficile de les mobiliser, ça demande
plus de temps et beaucoup plus d’arguments pour la motivation qu’avec celui qui
arrive. Celui qui arrive à l’aide sociale, c’est le temps de le prendre, il est chaud là! »
(PN27/D/2).
4.4.3. Le support du milieu
Selon les professionnels interrogés, la présence de personnes significatives qui l’encouragent et le
poussent dans son projet peut faire une énorme différence, au même titre que le milieu du jeune
peut lui être nuisible quand il n’est pas soutenant.
« Oui les agents sont là en support à cette personne-là, mais quand la personne est
supportée par son entourage immédiat, c’est souvent un gage de réussite parce qu’elle
a le support de son chum, elle a le support de ses parents...Et là, ça devient comme
gratifiant pour elle de le faire, puis elle va se rendre au bout » (PN27/D/3).
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Ainsi, les agents sont nombreux à affirmer que l’entourage qui supporte le jeune et qui valorise
les études et la scolarité est un élément extrêmement influent sur la réussite du projet et qui
facilite le travail d’accompagnement effectué par les agents. Une des personnes interrogées
souligne que lorsqu’un jeune reçoit et a toujours reçu du soutien familial, cela est facilement
perceptible. Généralement, il démontre un système de valeur plus ancré, une bonne estime de soi
et a davantage tendance à aller chercher de l’aide si le besoin se fait sentir. De plus, on remarque
que lorsque la famille est présente, elle est également utile pour soutenir le jeune au plan
matériel, ne serait-ce qu’en le soutenant financièrement.
« Si il n’a plus de bouffe, c’est : vient souper ce soir, je vais te donner un petit
quelque chose. Ils sont à l’école : les parents vont être derrière eux pour les aider. Il
leur manque des sous; s’ils sont capables de payer le livre, ils vont le payer. C’est
parfait, moi je le rembourse tout de suite, on s’organise. Il y a des parents qui ont
donné de l’amour, puis ces jeunes-là ont une estime d’eux même, ont eu une base
dans la vie » (PN28/B/2).
Selon les professionnels rencontrés, le soutien des parents est d’une grande importance, mais
parfois, cela peut être tout aussi significatif quand il s’agit de la fratrie ou même de bons amis qui
ont une influence positive. La présence de relations de qualités dans l’entourage du jeune fait
aussi en sorte que celui-ci est plus enclin à s’ouvrir et à faire confiance, ce qui facilite par le fait
même la relation avec l’agent d’aide à l’emploi.
4.4.4. L’instauration d’une relation positive
Lorsque les agents sont questionnés sur ce qu’ils considèrent aidant pour effectuer leur travail,
ceux-ci nomment la capacité à établir le lien avec le client. Il faut savoir établir un lien de
confiance, ce qui n’est pas nécessairement facile étant donné la particularité de la clientèle. En
effet, la clientèle constituée des jeunes éloignés du marché du travail est souvent composée de
jeunes méfiants et peu enclins à s’ouvrir facilement. Les agents doivent donc souvent redoubler
d’effort pour réussir à créer un lien. Un agent mentionne à cet effet qu’ils doivent être patients,
mais qu’une fois que la relation est installée, il peut devenir la personne privilégiée pour le jeune
lorsque celui-ci fait face à divers problèmes au cours de son cheminement.
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Pour les agents, il est important d’être près de leurs jeunes clients et de se mettre sur le même
pied d’égalité que ceux-ci. Ce sont des éléments qui aident au développement d’une bonne
relation avec le jeune, ce qui semble primordial car cela permet à l’agent de proposer des mesures
qui soient les plus adaptées possibles aux besoins et à la situation du client. Cela rend le jeune
plus enclin à se dévoiler, à être vrai et plus à l’aise de tout aborder avec l’agent.
« Quand ils arrivent ici, ils ont toujours peur parce que : CLE égal signe de piasse!
Au bout de la ligne, nous sommes leur financement. C’est sûr que si ils arrivent ici et
que ça ne va pas bien, qu’ils ne vont pas à l’école, je vais les couper. Ça fait que
quand ils viennent dans le cadre ici, il faut que j’aille une bonne relation avec eux
autres, sinon ils vont juste me dire ce que je veux entendre » (PN30.2/B/1).
Il semble donc que la qualité de la relation qui s’établit permette dans un premier temps d’avoir
des informations véridiques sur la situation réelle du jeune, rendant la référence subséquente aux
services plus appropriée. Les objectifs fixés sont donc plus facilement atteignables si le client se
sent libre de dire « les vraies affaires ». De plus, la présence d’une relation positive peut aussi
aider le jeune à se sentir soutenu et ce dernier sera aussi plus susceptible d’avoir recours à l’agent
si un problème survient ou s’il a besoin d’aide. D’autant plus qu’une partie de ces jeunes ne
jouissent pas d’un entourage supportant et sain, ce à quoi l’agent tente de pallier, dans une
certaine mesure. Finalement, c’est aussi avec l’établissement d’une bonne relation que l’agent
arrive à travailler des aspects plus personnels et pointus avec le jeune, comme le savoir-être ou
certaines attitudes pouvant nuire à une bonne insertion sur le marché du travail.
« On sait tranquillement pas vite quand on développe notre lien avec le jeune, là on
est capable de travailler les attitudes » (PN28/B/9).
4.4.5. L’accès à un soutien personnalisé et des projets adaptés aux besoins
particuliers
Selon les agents, la réussite des démarches est également favorisée dans les cas où les jeunes qui
en ont besoin ont accès à de la médication et à des rencontres avec des spécialistes. À ce sujet, un
agent raconte qu’un bon suivi médical peut faire toute la différence. Certains jeunes peuvent
avoir éprouvé des difficultés toute leur vie en raison de problèmes médicaux non traités comme
par exemple, un trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Ces
66
problèmes peuvent avoir nui à la réussite du jeune, entrainé des échecs et par le fait même, un
manque de motivation et de confiance en son potentiel.
« Une fois qu’on réussit à placer ce jeune-là, puis à placer de bons intervenants
autour, des bons éléments positifs, bien je pense que c’est avec eux qu’on réussit à
faire le plus grand pas. […] Il y en a que ça n’allait pas bien du tout quand ils étaient
à l’école plus jeunes, puis là ils arrivent et ils pètent des scores puis ça va super bien.
Mais avant je me suis assuré qu’ils aient eu un soutien médical » (PN26/B/5).
Ainsi, quand les problèmes médicaux sont traités, les chances de réussite en sont grandement
favorisées. Il faut cependant que l’agent détecte le problème, l’aborde avec le jeune et fasse la
référence adéquate.
« Puis on a énormément de problèmes de santé mentale. Toutes les drogues, etc., ça
n’aide pas non plus. Mais quand l’agent est capable de bien cibler ça, de s’en rendre
compte rapidement et d’être à l’aise avec son client, ça peut être gagnant parce qu’il
va le prendre rapidement et qu’il va être capable de le référer au bon endroit pour
qu’il se fasse soigner » (PN38/D/6).
Les agents insistent beaucoup sur le fait que l’évaluation de départ est très importante afin de
diriger le jeune vers le meilleur chemin possible. Il importe de s’assurer que la démarche
entreprise ait toutes les chances de mener à une réussite. Dans cette optique, il importe également
de s’assurer que ce vers quoi le jeune est dirigé soit à la hauteur de ses capacités. Le but devient
donc de favoriser la réussite, ou d’éviter de faire vivre l’échec au jeune. Ainsi, l’agent aide le
jeune à aller chercher des qualifications en respectant ses forces, ses faiblesses et ses limites. Il
faut donc s’assurer que le projet dans lequel le jeune s’embarque convienne à ses capacités, mais
aussi à ses goûts et intérêts. À ce sujet, un agent stipule que fréquemment, un client qui souhaite
aller en formation demandera dès le début ce qui est financé. Malgré le fait que ce ne sont
effectivement pas tous les secteurs qui sont financés, il importe de s’assurer que les goûts du
jeune seront malgré tout rencontrés. Ainsi, certains agents vont proposer de courtes démarches
préalables afin de confirmer ou d’infirmer un choix. La possibilité de participer aux stages
« découvrir » en est un exemple et consiste à intégrer le jeune dans le milieu de travail qui
l’intéresse. Par exemple, un jeune voulant entreprendre des études en soins infirmiers peut aller
passer quelques jours dans un milieu hospitalier pour voir exactement la réalité du terrain et ainsi
confirmer ou infirmer son désir de pousser les démarches dans ce domaine. Les agents
collaborent donc avec leurs collègues qui s’occupent des contacts avec les entreprises afin de voir
67
les possibilités de mettre de telles démarches en place. Un agent considère que cette possibilité
permet de faire des choix appropriés menant à la réussite et considère que cela peut empêcher de
perdre du temps et de l’argent pour le jeune.
« Ça fait en sorte que je n’ai pas commencé à leur payer une formation et que trois
mois après il me dit : je n’aime pas ça pantoute, et qu’il lâche et qu’il ait perdu ce
temps-là en formation. Moi j’ai payé cette formation-là, puis là il n’a peut-être plus
assez de temps pour faire quelque chose qu’il aimerait » (PN28/B/12).
Ainsi, lorsqu’un jeune est dirigé vers un projet, les personnes interrogées considèrent qu’il est
important de s’assurer que cela corresponde à ses intérêts, mais aussi à ses capacités. Il est
possible qu’un jeune ne soit pas en mesure de compléter une formation de plusieurs mois pour
différentes raisons. Dans ce cas, la formation semi-spécialisée peut s’avérer une avenue
intéressante. Encore une fois, on réitère l’importance de tenter de diriger le jeune à l’endroit où il
est le plus susceptible de vivre une réussite.
« Si je décide de le référer à l’école et qu’il a de gros problèmes et puis qu’il a de la
misère à apprendre, peut-être que je vais l’envoyer en orientation pour aller faire un
métier semi-spécialisé » (PN30.2/C/4).
La nature des formations
Dans le cas des clients inscrits à la mesure de formation, les agents mentionnent que les
personnes qui s’inscrivent dans une formation professionnelle (DEP), ont tendance à terminer
leur formation plus souvent que les autres. Parmi ceux rencontrés, certains posent comme
hypothèse que la formation professionnelle consiste à étudier quelque chose de concret, ne
comporte pas uniquement des cours théoriques et porte souvent sur un sujet que le jeune a choisi
en fonction de ses intérêts. Ainsi, le choix de certains types de formation peut être considéré
comme un facteur qui favorise la réussite des démarches.
« C’est plus stimulant le DEP que les cours de français, anglais, math. Ils sont plus
découragés quand ils sont au secondaire aux adultes que dans leur DEP où souvent ils
tripent. Là ils sont dans leur domaine » (SN17/F/1).
Adéquation entre la mesure proposée et la situation du client
68
Les agents rencontrés considèrent important que la mesure choisie réponde aux intérêts et aux
capacités du jeune, mais il est également utile pour l’agent de bien connaître le milieu dans lequel
le jeune prévoit de s’engager. Par exemple, lorsque le jeune souhaite s’inscrire dans une mesure
de formation, il devient utile pour les agents de connaître les établissements de formation et leurs
façons particulières de fonctionner et d’offrir des services aux jeunes. Par exemple, dans certains
milieux de formation, l’intervenant psychosocial dédié aux jeunes en provenance des CLE est
présent et disponible au besoin, tandis qu’à d’autres endroits, les services sont plus encadrés et le
jeune est dans l’obligation de rencontrer l’intervenant pour structurer son projet professionnel. Un
agent qui a abordé ce sujet considère que cette dernière façon de faire fonctionne mieux que dans
le cas où l’aide de l’intervenant n’est offerte que sur une base volontaire. Pour l’instant, il a été
mentionné que dans les cas où un client est très peu scolarisé, les agents tentent, dans la mesure
du possible, de les diriger vers des établissements scolaires où le suivi est fait de façon plus serrée
afin que l’accompagnement soit optimisé et intensifié.
« Dans certaines écoles, il y a de l’accompagnement du milieu communautaire qui est
en partenariat. Donc je vais souvent faire ça, parce que ça les aide vraiment. Les
groupes sont plus petits, les profs sont plus proches d’eux. Ils ont de
l’accompagnement psychosocial parce qu’il y a des intervenants psychosociaux dans
l’école qui vont s’occuper d’eux autres puis qui ne vont pas les lâcher » (SN13/E/1).
Plus d’un agent considère qu’il s’agit d’une façon efficace de fonctionner et qu’il est fort
probable que cela entraine un moins haut taux d’abandon. Par exemple, dans un des organismes
partenaires, la formation ne se donne pas à temps plein et est offerte dans des groupes restreints.
Cet accompagnement accru et varié semble favoriser la rétention de la clientèle et cela peut
s’avérer davantage adapté à la réalité et aux capacités de certains.
« C’est trois jours et demi par semaine, donc c’est moins épeurant. Puis c’est aussi un
plus petit milieu. C’est un petit groupe, donc ils sont vraiment bien encadrés. Ils sont
plusieurs intervenants. C’est sûr que pour eux c’est sécurisant. Ce sont souvent des
personnes qui ont une 6e année, un secondaire 1, des personnes qui ont de la difficulté
à se concentrer, qui ont des diagnostics. Donc en étant dans un petit groupe comme
ça, c’est aidant » (SN11/F/1).
Les agents ont aussi mentionné que l’offre de services variée de la part d’Emploi-Québec fait en
sorte que les besoins de chaque jeune peuvent être répondus, ce qui facilite l’orientation que doit
faire l’agent vers l’une ou l’autre des avenues possibles. Par exemple, certains jeunes ne veulent
pas retourner sur les bancs d’école, mais n’ont pas toutes les qualifications requises pour trouver
69
un emploi. C’est pourquoi d’autres alternatives sont prévues à cet effet. Il y a, par exemple, des
subventions salariales auxquelles les employeurs peuvent avoir droit pour quelques mois
lorsqu’ils engagent un jeune sans expérience. Des entreprises d’insertion sont également
disponibles pour accueillir les jeunes sans expérience afin de leur apprendre un métier et de leur
fournir divers apprentissages. Par le fait même, ces jeunes peuvent toucher un salaire et avoir
l’occasion d’inscrire une expérience de travail qualifiante à leur CV. Selon les agents interrogés,
ce genre de service s’avère fort utile. La variété des services offerts et la collaboration avec les
divers organismes sont donc considérées comme des éléments favorables à la réussite des projets.
Étant donné la particularité de la clientèle, les agents sont d’avis qu’il est fréquent que le jeune ne
soit pas prêt à s’investir dans un programme de formation régulier. Ainsi, l’accès à des
programmes préparatoires pour travailler leurs lacunes leur apparaît extrêmement important. Cela
empêche le jeune de se retrouver en situation d’échec en s’engageant dans une démarche pour
laquelle il n’est pas prêt ou convenablement outillé. Non seulement ce type d’étape préparatoire
lui permet de s’outiller, mais aussi de commencer à vivre de petites réussites, ce qui risque de
l’encourager et de le motiver pour la suite des choses. Ainsi, la possibilité pour l’agent de
demander au jeune d’aller faire ses preuves dans un programme préparatoire est souvent salutaire
pour la réussite des démarches.
« Ça peut être Jeunes en action au carrefour jeunesse-emploi. Ça peut être de passer
par là avant, pendant six mois, pendant un an […] ça nous permet de voir si la
personne est prête. Puis Jeunes en action ce n’est pas cinq jours par semaine, donc ça
permet à la personne de s’habituer tranquillement à un rythme de travail ou à un
rythme d’école » (SN3/F/5).
4.4.6. La latitude laissée aux agents
Il a été nommé par certains répondants que le fait d’avoir une grande marge de manœuvre dans
les décisions favorise la réussite dans leur travail. Par exemple, les agents qui s’occupent de la
clientèle particulière (plus vulnérable pour diverses raisons) peuvent, s’ils le jugent nécessaire,
dépasser certaines limites ou faire quelques exceptions raisonnables. Si l’agent juge dans une
situation bien précise, qu’il est plus avantageux de passer outre certaines règles, il se permet
quelquefois de le faire. Il s’agit d’ailleurs d’un aspect considéré comme favorisant la
concrétisation de certains projets.
70
« Si je ne la prenais pas cette marge de manœuvre là, un peu plus lousse, bien je les
perdrais. Ils retourneraient sur l’aide sociale, puis après ça ils nous reviendraient dans
quelques années puis ils nous diraient : là j’ai rien faite il faut que je fasse de quoi.
Non! Même socialement, là où c’est le plus payant de faire de quoi c’est tout de
suite! » (PN28/B/5).
La possibilité, pour un agent, de sortir un jeune d’une mesure et de lui faire réintégrer les services
après ce moment d’arrêt est aussi, aux dires de certains agents, un élément bénéfique pour
certains jeunes. La possibilité qu’ont les agents de suspendre un jeune en cas de besoin démontre
bien la latitude qu’ils ont dans leurs interventions et la possibilité d’intervenir de façon variée
selon leur évaluation de la situation. Effectivement, lorsqu’un jeune ne suit pas les règles
nécessaires pour demeurer dans le programme, il est possible que l’agent lui propose de cesser les
démarches un certain temps, pour y revenir à un moment plus opportun.
« J’ai des jeunes à qui je dis : tu viens de faire le fou, c’est parfait! Sort, va réfléchir.
Ça a niaisé à l’école, ils le savent et ils sont sortis du programme. Ils sont allés
réfléchir quatre, cinq, six mois puis ils sont revenus. Et quand ils reviennent, là ils ne
veulent plus reperdre leurs privilèges » (PN28/B/10).
Il arrive également à l’agent de demander à ce que le jeune participe à une mesure de
préemployabilité dans un premier temps. Une fois ce programme réussi, sa réintégration dans la
mesure de formation de départ peut être envisagée. Il arrive aussi que l’agent mette en doute la
capacité du client à réussir jusqu’au bout, étant donné qu’il présente certains problèmes. Ainsi,
des conditions peuvent être établies, car une fois que plusieurs chances ont été accordées sans
succès, les probabilités que la personne soit réinsérée dans les services diminuent. Dans son
travail d’accompagnement, l’agent est donc libre d’exiger certaines choses de la part de son client
s’il considère que sa démarche en sera favorisée.
« Tu sais, on étire l’élastique parfois. Donc là ils reviennent et puis on va dire non.
C’est arrivé justement avec un de mes clients qui a fait deux formations […] Il avait
des problèmes de consommation. Il me rappelle; il voulait aller faire des démarches
d’emploi. Je lui dis : Non, prouve-moi que tu as vraiment réglé tes problèmes de
consommation et tant que je n’aurais pas assurance de ça […] amène moi un papier
de l’intervenante que tu vois à Domremy […] puis je verrai » (SN2/G/3).
71
4.4.7. La motivation du client
Un jeune présentant un haut degré de motivation initial a inévitablement plus de chance de se
rendre au bout et de réussir son projet. Des agents interrogés présentent des opinions variées
quant à ce qui peut motiver les jeunes à s’investir dans une démarche plutôt que de bénéficier de
l’assistance sociale. Des répondants stipulent que l’argent supplémentaire qui est octroyé
lorsqu’un jeune s’engage dans une mesure, peut s’avérer être un élément motivateur. Certains
vont même jusqu’à affirmer que tous les jeunes trouvent leur motivation dans le fait d’avoir une
plus grosse somme et que cet aspect financier est davantage présent que le fait d’être fier de ne
plus bénéficier de l’assistance sociale.
« Avant ce n’était pas ça. Avant, la motivation c’était parce qu’ils avaient beaucoup
d’estime de soi : je vais aller travailler, je vais avoir un métier, j’vais être quelqu’un,
je vais avoir un titre dans la vie, je vais être technicienne en ci, je vais être telle chose
ou…. Puis on travaillait beaucoup là-dessus, c’était beaucoup sur l’estime, sur ce que
tu vas être comme personne, sur la confiance et le mérite que tu vas avoir »
(PN28/B/7).
Pour les agents, il est également important d’être très clair avec le client quant au niveau de
responsabilité qu’il doit assumer. Il est essentiel de lui préciser exactement ce qui est attendu de
lui et à l’intérieur de quel délai, mais aussi de lui exposer les conséquences rattachées au non-
respect des conditions (par exemple, un arrêt des paiements). Les agents s’assurent donc que le
jeune comprenne bien les attentes envers lui dès le départ et qu’il soit au fait de ce qu’entraine le
non-respect des exigences.
« Écoute, on prévoit que tu devrais terminer telle date selon ce que l’école nous
donne comme information, selon leurs calculs. C’est sûr que si tu finis un an plus
tard, il y a de grosses chances que tu ne sois pas payé pour aller à l’école parce que
nous on prévoit qu’on va te payer jusque-là » (PN29/D/4).
Les agents d’aide à l’emploi utilisent parfois des arguments financiers afin de motiver le jeune et
de lui faire prendre conscience que la formation est le meilleur chemin à prendre. Quoi qu’il en
soit, bien que l’argent semble constituer un agent motivateur non négligeable, certains agents
interrogés croient que la fierté ressentie par le jeune de ne plus bénéficier de l’assistance sociale
et d’être autonome demeure présente chez certains et est également d’une grande influence.
Certains agents utilisent donc cet argument comme élément motivateur à poursuivre les
démarches jusqu’à la fin.
72
À ce sujet, un agent mentionne qu’il serait utile de pouvoir en faire davantage quand un jeune
quitte volontairement une mesure. Par exemple, actuellement, si un jeune décide qu’il veut arrêter
sa formation, il n’a qu’à le mentionner et le dossier est ensuite fermé. Un meilleur suivi quant à
cette décision serait souhaité par certains agents, afin d’explorer les raisons du départ et de
pouvoir questionner le jeune avant qu’il ne puisse refaire une autre demande d’assistance sociale.
Cet aspect est en lien avec un sujet fréquemment soulevé par les agents interviewés; la
motivation. En effet, lorsque les agents sont interrogés sur ce qui est à améliorer dans les
services, ceux-ci sont majoritairement d’accord pour dire que les services offerts sont complets et
répondent à de réels besoins. Là où les difficultés se font sentir, c’est au niveau de la motivation
et de l’assiduité des jeunes dans leurs démarches.
4.4.8. Les échanges avec les partenaires
Une fois le jeune engagé dans les démarches, les relations établies avec les intervenants et les
milieux de formations sont importantes afin de bien contrôler la gestion des absences, tel que
mentionné précédemment. Bien que ce ne soit pas toujours facile pour diverses raisons, il importe
autant que possible de créer de bons liens avec les intervenants. Au-delà du rapport d’absences
des jeunes, l’établissement de liens entre l’agent d’aide à l’emploi du CLE et un intervenant posté
dans une école ou un organisme partenaire permettra le partage d’informations, la recherche de
solutions communes et l’arrimage des interventions. Une telle façon de faire est toujours plus
efficace, d’autant plus si le jeune s’aperçoit de la concordance dans le discours et les
interventions des différents intervenants qui l’entourent.
« Il y a un jeune qu’on aurait probablement échappé si la psychoéducatrice ne m’avait
pas appelé, ne m’avait pas dit : écoute il s’est passé telle chose, il a été exclu de
l’école, il n’a pas été accepté dans son AEC, ça va mal! Est-ce qu’on peut faire
quelque chose. Moi je me creuse les méninges. Finalement, l’intervenante du CJE qui
le connait parce qu’elle l’a suivi pendant six mois appelle […] Il y a comme une
concertation des intervenants et le jeune m’appelle, puis la personne m’appelle puis
on brasse nos idées ensemble et puis oups! On va trouver une solution. Puis le jeune
il se sent supporté » (SN13/E/6).
73
En bref, plusieurs agents s’accordent pour dire que les contacts avec les partenaires sont un
aspect qui influence le succès de l’accompagnement. Lorsque de bons contacts, réguliers et
fréquents, sont établis, la démarche en est favorisée.
74
4.5. Opinion des agents
Bien que l’objet d’étude du présent document porte sur l’accompagnement, la section suivante
traite davantage de l’opinion des agents responsables d’effectuer cet accompagnement. Ceux-ci
se sont abondamment exprimés sur les services et mesures avec lesquels ils travaillent. Leur
opinion revêt un intérêt certain puisque ces services et mesures peuvent être envisagés comme un
médium pour l’accomplissement de leur travail d’accompagnement en insertion en emploi.
4.5.1. L’efficacité des services
Bien que certaines difficultés de rétention soient observées au sein des services d’aide à l’emploi
offerts aux jeunes, un agent mentionne que devant la lourdeur de la clientèle, il est nécessaire de
conserver ces programmes d’aide spécialisés pour les clientèles plus vulnérables. Certains sont
d’avis que la possibilité d’avoir encore plus de suivi dans les milieux de formation des jeunes
serait un atout.
« Ils ont besoin de l’orthopédagogue et de l’éducateur. Ça fait vraiment une
différence. Plus de la moitié des personnes en ont besoin, ils ont un suivi avec
l’orthopédagogue, ils en ont pas mal tous besoin. Et puis la psychoéducatrice est là
trois jours par semaine. Avant on la payait pour être là cinq jours par semaine, mais
maintenant; moins de budget, donc on la paie juste trois jours. Elle est tout le temps
débordée, elle est tout le temps en train de courir. Il y aurait besoin d’une présence de
cinq jours par semaine. Souvent ça empêche les gens d’abandonner l’école quand elle
est présente pour eux » (SN11/F/2).
Plusieurs intervenants semblent considérer que l’offre de services disponible est efficace. À titre
d’exemple, un répondant raconte que lorsqu’ils ont pris la décision de rencontrer
systématiquement tous les jeunes de moins de 25 ans inscrits à l’assistance sociale afin de leur
présenter les services disponibles, ils sont passés, suite aux rencontres, de plus de 290 jeunes
bénéficiaires à 150. Une certaine part des jeunes bénéficiaires de l’assistance sociale ont donc
pris part à l’un ou l’autre des programmes offerts, ou sont entrés sur le marché de l’emploi,
laissant croire que cette stratégie s’est avérée efficace.
75
4.5.2. Propositions d’amélioration et de changements
Repenser le recrutement
Selon les agents qui œuvrent au sein des centres locaux d’emploi, les programmes sont complets
et bien ficelés. Il ne manque pas de ressources, car il est toujours possible de trouver un
organisme ou une ressource disposée à accueillir le client là où il est rendu et à le faire cheminer.
Ce qui est à améliorer selon des agents, c’est la façon de recruter les gens. Il importe selon eux de
trouver des façons de les persuader à sortir de leur demeure et de se motiver à aller vers les
ressources afin de se mettre en action. Il est nécessaire de trouver un moyen de recruter les gens
qui sont inactifs de façon volontaire.
« Je le sais qu’il y a des jeunes présentement qui ne font rien et qui sont chez eux.
C’est plus ceux-là je trouve qu’il faut des façons d’aller chercher ces jeunes-là […]
parce qu’il y en a en masse des ressources, il y a du monde tellement, tellement du
bon monde, tellement d’organismes, ça ne manque pas. Puis dans ces organismes, ils
les prennent où ils sont rendus, peu importe la problématique, il y a tout le temps
quelque chose à faire. Ça, ça va. C’est d’aller les chercher ces jeunes-là, comment
aller les motiver, comment les amener à dire: ouais peut-être que je pourrais faire de
quoi » (PN39/A/2).
Dans le même ordre d’idées, une personne interrogée suggère, entre autres, qu’il serait intéressant
de tenter de rencontrer un jeune qui souhaiterait quitter une mesure. Selon elle, lorsqu’un jeune
est démotivé ou souhaite abandonner les démarches entamées, il est trop facile pour lui de quitter.
Il serait intéressant, dans cette optique, de pouvoir explorer avec le jeune, les raisons de son
départ et de tenter de trouver des avenues pouvant éventuellement mener à son maintien dans une
mesure ou un programme.
« Où je trouve qu’on pourrait aider : tu vois ce matin, je viens de fermer deux
dossiers […] je trouve que des fois on ferme le dossier parce que le jeune ne
fonctionne plus à l’école, soit qu’il nous dit pas trop ce qui se passe (moi je suis
écœuré, je veux tout arrêter ça) et il ne veut pas aller plus loin. Je suis obligé de tout
arrêter ça et c’est là que je trouve ça plate, on est comme pogné un peu là-dedans
nous autres […] Puis lui, il retourne faire la demande d’aide et s’il ne coche pas, ça
reste là puis il va rester là. C’est ce bout là que je trouve plate. Ceux avec qui ça n’a
pas fonctionné Alternative jeunesse, ça prendrait comme un meilleur suivi : attends
un peu là, qu’est ce qui se passe là? » (PN39/A/1).
76
Changement au plan du suivi
Toujours au sujet du suivi, il a été mentionné lors des entretiens, qu’il serait intéressant de
pouvoir adapter les méthodes de communication avec les jeunes pour aller chercher une plus
grande efficacité. Par exemple, un agent propose l’utilisation de courriel ou de messages textes
par exemple, pour rejoindre les jeunes et pour faire un suivi. Il considère que de s’adapter aux
nouveaux modes de communication serait un atout.
Personnaliser l’accompagnement
Des agents font valoir qu’il serait utile d’avoir plus de temps à accorder à chacun des clients et
d’avoir moins de dossiers à charge de façon à pouvoir offrir un accompagnement qui soit encore
plus personnalisé. Parmi les aspects permettant d’aller plus loin dans l’accompagnement, est
proposée la possibilité d’accompagner les jeunes à l’extérieur lorsque le besoin s’en fait sentir.
Par exemple, certains bénéficieraient d’être accompagnés sur le terrain lors de leurs démarches de
recherche d’emploi. Pour d’autres, c’est une fois inséré en emploi que l’agent aurait avantage à
lui rendre visite pour vérifier avec lui et avec son employeur que tout se passe comme il se doit et
offrir du soutien au besoin.
La présentation des résultats visait à mieux cerner les différentes composantes du processus
d’accompagnement. La figure de la page suivante permet de présenter l’analyse des discours des
professionnels de façon graphique, en illustrant comment les facteurs modérateurs et médiateurs
sont inter reliés et quelles influences ils peuvent avoir sur le processus d’accompagnement. La
figure permet de réaliser que l’évaluation des facteurs modérateurs par l’intervenant permettrait
de mieux prédire les résultats de l’intervention. Un cumul de facteurs de risque serait
probablement associé à un résultat moins favorable de l’intervention. Inversement, un jeune
bénéficiant de plus de facteurs de protection aurait davantage de chance de réussir son insertion.
77
Figure 3: Résumé des facteurs d’influence sur le processus d’accompagnement
Situation du
marché de
l’emploi
Charge de
travail
Difficultés de
recrutement Durée de
l’assistance
sociale
Compétences et
habiletés
personnelles
FACTEURS MODÉRATEURS
Facteurs contextuels Facteurs professionnels Facteurs personnels du client
Facteurs contextuels Facteurs professionnels Facteurs personnels du client
FACTEURS MODÉRATEURS
Rencontre
d’accueil
Informations sur
les programmes
Déterminer
l’admissibilité du
jeune
Début de la démarche
Évaluation de la
réalité du jeune
Établir un contrat
d’accompagnement
Assurer un suivi
Orienter vers les
organismes externes
appropriés
Réussite
Responsabilisation
Autonomie
Insertion dans le
marché du travail
Instauration
d’une relation
positive
Ajustement
du projet Suivi
Faible
soutien du
milieu
Histoire
d’échecs
Culture de
l’établissement
Marge de
manœuvre de
l’agent
Connaissance
du milieu de
travail
Échanges entre
partenaires
Aptitudes
personnelles
Capacité
d’écoute
Soutien du
milieu
Accès aux
services
Motivation
du client
Facteurs médiateurs
78
5- Discussion
Cette étude s’est intéressée à explorer les pratiques professionnelles mises en œuvre afin de
prodiguer une aide à la jeunesse en situation d’exclusion au plan professionnel, en donnant la
parole aux travailleurs du terrain. Ceux-ci étant à même de donner un éclairage de la réalité de
leur pratique. Le parcours des agents d’aide à l’emploi chargés d’accompagner les jeunes adultes
dans leur processus d’insertion n’est pas le même pour tous. Parfois, des ressemblances sont
notées, mais on constate également une multiplicité des pratiques, de par la latitude laissée aux
travailleurs et ce, dans une optique d’adaptabilité des services. Ainsi, le point de vue des
répondants a permis quelques réflexions au sujet de l’accompagnement en emploi et certains
facteurs caractérisant leur pratique ont été identifiés.
Définition de l’accompagnement
De façon générale, l’accompagnement tel qu’effectué par les agents des CLE peut ressembler
davantage à de l’application de mesures d’emploi qu’à de l’accompagnement comme tel. Il s’agit
dans un premier temps de diriger le client vers une mesure. Pour ce faire, l’agent procède à une
évaluation. Ensuite, il doit s’assurer que le jeune respecte les conditions lui permettant de
demeurer et de réussir dans cette mesure. Une fois le jeune engagé dans la démarche choisie,
l’agent gère ses absences et s’assure qu’il soit entouré de gens et de ressources qui
l’accompagneront et le soutiendront dans son processus. Ces personnes sont souvent des
intervenants des centres de formation ou de l’organisme dans lequel le jeune est référé. On
remarque alors que c’est à cette étape que l’on peut dire que le jeune est accompagné. L’agent
d’aide à l’emploi s’assure donc que son jeune client soit accompagné, mais, dans la majorité des
cas et selon plusieurs répondants, ce n’est pas l’agent du CLE qui offrira la plus grosse partie du
travail d’accompagnement. Finalement, l’agent aura dans ses tâches de constater et d’inscrire le
résultat au terme de la démarche, c’est-à-dire s’il y a réussite ou non. Cette description du travail
d’accompagnement par les agents, semble correspondre à la conception de l’accompagnement
que l’on observe dans les écrits, qui l’envisagent comme un processus comprenant différentes
dimensions, soit la prise de contact, le contrat, le projet et le suivi. Ainsi, globalement, les agents
d’aide à l’emploi, dans un premier temps, vérifient l’admissibilité du jeune (prise de contact et
79
contrat), pour ensuite déterminer une mesure ou une démarche qui lui convient (projet). Par la
suite, les agents vérifient, en continu, si le jeune peut demeurer dans la mesure en vérifiant s’il
respecte les conditions (suivi).
Ingrédients pour l’atteinte des objectifs
Des agents ont exprimé que dans le cadre de leur travail, les résultats attendus avec les
programmes d’emploi leur semblent parfois trop ambitieux pour les moyens mis en place. Afin
d'obtenir plus de réussites, il serait nécessaire d’apporter plus de personnalisation dans
l’accompagnement, soit d’adapter davantage à chaque cas particulier l’intensité et la forme de
l’accompagnement qui sont offerts. On constate également que la sécurité que procure le statu
quo, c’est-à-dire l’immobilité face au travail en demeurant sur l’assistance sociale, semble peser
beaucoup sur l’inaction des jeunes éloignés du marché du travail. C’est pourquoi les agents
observent qu’il est plus difficile de convaincre une personne déjà bénéficiaire de l’assistance
sociale et qui a déjà reçu un ou des chèques d’allocation de s’engager auprès d’eux dans les
démarches d’accompagnement. Les agents considèrent donc important de maintenir des
démarches permettant aux nouveaux demandeurs d’assistance sociale d’être rapidement au
courant des possibilités qui leur sont offertes pour les inciter à se mettre en action. Ils souhaitent
pouvoir s’investir auprès d’eux le plus tôt possible dans leur parcours.
Les agents semblent également préoccupés par le fait de ne pas faire vivre ou revivre des échecs
au jeune client au plan scolaire. Cela semble être une zone très à risque et que les agents sentent
fortement fragilisée chez leurs clients. Cela laisse aussi croire que ces fréquentes histoires
d’échecs multiples, vécues par une bonne partie des jeunes, puissent avoir des conséquences sur
leur degré d’implication dans des mesures reliées à l’insertion. Ainsi, il est possible de poser
l’hypothèse voulant que leurs difficultés à s’impliquer et leur manque de confiance soient
attribuables à leur historique d’échecs. Dans le cadre de leur travail, les agents gardent ces
éléments en tête et tentent de relever au jeune chaque réussite dans le parcours. Ils s’assurent
également d’amener le jeune, autant que possible, à éviter les comportements et situations
pouvant le mener à un échec (par exemple, en gérant les absences ou en le référant à des
ressources adaptées en cas de problèmes personnels ou autres).
80
La relation avec le jeune
L’importance de la relation ressort du discours des agents comme étant un préalable à l’efficience
des services qu’ils prodiguent, ce qui correspond aux propos recueillis dans la littérature,
décrivant la relation entre l’accompagnant et l’accompagné comme très importante, voire même
déterminante dans le processus (Suisse, 2001). Les agents mentionnent quant à eux que la
relation de confiance permet d’obtenir des informations complètes et honnêtes sur le jeune et sur
sa situation, de combler un éventuel manque de support dans son réseau, de gagner sa confiance
et ainsi d’avoir accès à des confidences sur son vécu et ses problèmes qui pourraient entraver le
succès de la démarche. L’établissement d’une relation et d’un lien solide donne l’occasion
d’aborder ouvertement tous les problèmes et d’y travailler ensemble pour les régler. La relation
établie avec le jeune est également une façon privilégiée d’aborder des aspects plus personnels,
difficilement accessibles sans la présence d’un lien de confiance réciproque.
Il est remarqué par les agents que, même durant les périodes où le marché de l’emploi est
favorable, les jeunes sont peu nombreux à être capables de demeurer en emploi. Cela laisse
supposer que la situation est due aux caractéristiques des clients et non au marché de l’emploi.
Dans le discours des professionnels interrogés, on retrouve beaucoup d’informations sur les
difficultés personnelles des jeunes. Les répondants semblent davantage attribuer les difficultés
d’insertion aux caractéristiques des clients qu’à la situation du marché de l’emploi. Ainsi, ils
nomment des caractéristiques comme le manque de motivation, ou encore les différentes
problématiques présentes chez plusieurs d’entre eux, comme des barrières importantes à
l’insertion en emploi. Ainsi, le discours des agents corrobore ce qui est constaté dans les écrits,
soit que dans la majorité des cas, l’exclusion socioprofessionnelle est davantage générée par des
caractéristiques du client que par le marché de l’emploi lui-même (Frankel, 2005).
Cette hypothèse n’est pas incompatible avec la description des jeunes que nous font certains
agents d’aide à l’emploi à l’effet qu’une bonne partie de leur jeune clientèle présente des
comportements incompatibles avec le monde du travail. Les jeunes qui éprouvent de la difficulté
dans les mesures font partie de la génération qualifiée « d’enfants-rois », qui n’accepte pas
l’autorité, refuse de faire des compromis et qui se déresponsabilise beaucoup. Ainsi,
81
l’établissement de la relation s’avère un canal privilégié afin de toucher ces aspects plus délicats
que sont les attitudes et les habiletés personnelles, souvent lacunaires chez ces jeunes. Travailler
sur ces aspects personnels de la vie des clients peut sembler éloigné du sujet précis du marché de
l’emploi, cependant, cela s’avère omniprésent dans les pratiques des accompagnateurs. Ils
affirment que, bien qu’il ne s’agisse pas d’un travail direct sur les compétences en employabilité,
il demeure essentiel de s’attarder à toutes les sphères de la vie des clients puisque leurs
problématiques influencent grandement leur parcours d’employabilité. Les agents interrogés
soulignent par exemple que, pour favoriser l’insertion en emploi, il est important de travailler la
responsabilisation des jeunes éloignés du marché du travail. Le développement de l’autonomie et
la responsabilisation des jeunes éloignés du marché du travail s’avèrent des éléments essentiels
du travail des agents d’aide à l’emploi. La littérature souligne également ce fait en mentionnant
l’importance d’évaluer l’autonomie du jeune et de l’accompagner en l’aidant à développer cette
autonomie. Il s’agit d’un travail nécessaire si l’on souhaite la réussite de l’insertion en emploi
(Defalvard, Brun et Thibault, 2008; Le Guellec, 2001; Speroni, 2001).
Selon les répondants, les jeunes avec qui il est souvent plus difficile de créer une relation sont les
jeunes présentant des caractéristiques particulières et des problématiques multiples. Parmi la
clientèle des CLE, ce sont pourtant ces jeunes qui auraient le plus grand avantage à créer de forts
liens avec les intervenants qui les entourent. Cependant, ces jeunes au parcours très fragilisé sont
les plus réticents à s’engager sérieusement dans les démarches d’accompagnement. Ceux avec
qui les agents ont le plus de facilité à développer un lien significatif sont souvent ceux qui ont
déjà du soutien, étant donné qu’ils ne sont pas méfiants devant quelqu’un voulant les supporter,
qu’ils sont sécures et qu’ils n’ont pas peur de s’ouvrir et de faire confiance. Le réseau pauvre
d’une bonne partie des jeunes inscrits dans les mesures soulève donc l’importance de placer des
personnes supportantes autour d’eux (en l’occurrence, un intervenant du milieu de formation
ouœuvrant dans les CJE ou d’autres organismes, ou encore, un agent d’aide à l’emploi du CLE).
Bref, les agents cherchent à s’assurer que chaque jeune (en particulier les plus vulnérables) puisse
avoir accès à une ou des personnes qui seront une source minimale d’encouragement et de
support en cas de besoin.
82
Différences entre les agents
Il a été soulevé dans la littérature sur le travail des agents, que les pratiques spécifiques de ceux-
ci sont très variables (Brodkin, 1997) et le discours des agents interviewés vient corroborer cette
affirmation. Ceux-ci semblent bénéficier d’une grande marge de manœuvre dans leur travail, tant
en ce qui concerne les décisions qu’ils prennent que les interventions qu’ils effectuent auprès de
leurs clients. Cette grande liberté d’action qui leur est laissée explique les différences notées dans
le discours des personnes interrogées. Par exemple, certains agents tiennent à faire signer un
contrat au jeune dès que ce dernier décide de s’impliquer dans une mesure de formation, tandis
que d’autres agents préfèrent attendre que l’inscription du jeune soit acceptée par le milieu de
formation. Certains affirment être stricts, ne pas accorder de délais ni tolérer beaucoup
d’absences, etc. D’autres stipulent au contraire qu’il est primordial d’être plus tolérant en ce qui
concerne les règles avec les jeunes les plus problématiques. Donc, pour certains agents, ces
jeunes qui sont les plus vulnérables et qui ont le plus besoin des services, sont ceux auprès de qui
ils sont les plus tolérants en ce qui concerne les absences et les prolongations. Cela peut sembler
insensé, mais il appert que certains agents croient qu’il faut être moins exigeant envers eux afin
de les garder dans les mesures. Dans ces cas, il semble donc s’installer davantage une dynamique
où l’on s’adapte à ce que le jeune a à offrir, plutôt qu’une logique où sont instaurées des balises
strictes qu’il importe de respecter pour demeurer dans les services. Quoi qu’il en soit, cette marge
de manœuvre permet des nuances dans le travail des agents, ce qui est compatible avec un désir
d’adaptabilité et de personnalisation des services.
Le message qui est véhiculé aux jeunes par les agents est également très variable et prend souvent
les couleurs de l’agent, selon les positions que ce dernier adopte. Un des agents interrogés, par
exemple, axe fortement son discours sur l’importance de la formation. Il tente donc généralement
de convaincre ses jeunes clients éloignés du marché du travail qu’ils doivent posséder une
formation minimale pour une insertion durable. Cet agent considère que l’éducation ouvre toutes
les portes. Donc, les valeurs, dispositions et opinions de l’agent vont influencer ce vers quoi le
client sera dirigé, car il transmettra ses aprioris dans son discours. Cette disposition envers la
formation à tout prix n’est cependant pas remarquée chez toutes les personnes interrogées. En
effet, certains vont avant tout vérifier si le marché du travail est une option valable pour la
personne et s’assurent que celle-ci soit réellement dans l’impossibilité de décrocher un emploi
83
avec sa situation et son bagage actuel. Les agents ne semblent donc pas tous avoir la même vision
de leur rôle ou des façons d’effectuer leur mandat. Certains considèrent qu’il est primordial de
tenter autant que possible de diriger les clients vers l’emploi et d’autres stipulent que pour une
insertion durable, la formation dès le départ est l’avenue à privilégier. Cependant, comme la
clientèle en question est constituée de jeunes vulnérables, une clientèle difficile à mobiliser et à
garder sur le marché du travail, on peut penser qu’il serait encore plus difficile de les garder si le
travail qu’ils décrochent ne leur plaît pas ou n’offre pas des conditions de travail et des conditions
salariales décentes. Ainsi, il est de mise de s’interroger à savoir si le fait de privilégier la mise en
emploi directe plutôt que la formation ne revient pas à retarder leur retour éventuel sur
l’assistance sociale.
Dans la littérature, il est possible de constater qu’il existe différents modèles d’État-Providence
(Esping-Anderson, 1990). Des auteurs distinguent donc différents types de régimes d’assistance,
selon qu’ils axent davantage sur l’attachement rapide en emploi ou sur la formation et l’éducation
(Boismenu et Noël, 1995). Parallèlement, dans le discours des agents interrogés, il est également
possible de distinguer la présence de deux visions différentes, axées soit sur la mise en emploi
rapide ou sur la formation. Cependant, dans le cadre du travail des agents d’aide à l’emploi des
CLE, dans les cas où l’on favorise la mise en emploi rapide, c’est après avoir évalué la situation
du client et avoir constaté qu’il a suffisamment de bagage pour une insertion durable. On note
donc une différence notable d’avec le modèle du Work-first tel que présenté par Boismenu et
Noël (1995). En effet, bien que ce modèle mise sur la mise en emploi rapide, il ne s’appuie pas
sur une évaluation en profondeur de la situation du client, laissant croire que le but premier est de
répondre aux aléas du marché de l’emploi. Avec ce modèle, on ne semble pas viser la sortie de la
pauvreté ou l’autosuffisance, mais plutôt la réduction à court terme des dépenses de l’État. Le
discours de la plupart des agents sur le fonctionnement des mesures d’emploi, laisse quant à lui
transparaître une plus grande attention aux besoins du client et à la durabilité potentielle de son
insertion. La mise en emploi rapide est donc privilégiée dans les cas où le client possède un
bagage lui permettant une insertion durable en emploi. Dans le cas contraire, la formation est
privilégiée, à condition que cette formation soit suffisamment en demande pour assurer un
placement en emploi à son terme. On constate donc que l’aide en emploi au Québec est
davantage inspiré d’un modèle dit mixte, alliant à la fois la mise en emploi rapide pour certain et
la formation pour d’autres. L’aide offerte semble donc avoir comme but premier la durabilité de
84
l’insertion et l’optimisation des chances d’intégration professionnelle. Cependant, il ne s’agit pas
d’une façon de penser unanime. En effet, les entrevues ont laissé voir que pour la majorité des
répondants, l’aide en emploi privilégie effectivement une plus grande attention aux besoins du
client, mais que certains autres insistent sur l’importance de se baser sur les besoins du marché du
travail en premier lieu. Il demeure donc important de garder à l’esprit que la grande diversité qui
est observée dans les façons de faire d’un CLE à l’autre (et même d’un agent à l’autre), peut
engendrer des différences dans les visions prédominantes.
Des positions différentes dans le discours des agents sont aussi perceptibles en ce qui concerne la
vision qu’ils ont de leur mandat. Plusieurs réponses ont été offertes quant aux buts et rôles que
doit remplir un agent d’aide à l’emploi. Certains décrivent leur travail et leurs objectifs en regard
de l’établissement, tandis que d'autres le font plutôt en regard de la clientèle. Pour ceux qui ont
tendance à décrire leur rôle en fonction de la clientèle, ils disent que le travail de l’agent consiste
à aider le jeune à réussir les objectifs qu’il s’est fixés, à être à l’écoute par rapport à son vécu et à
poser des actions si un problème survient. Ils affirment également que leur rôle est de mettre le
jeune en mouvement, de s’assurer qu’il soit en action. Les agents qui présentent cette vision
stipulent que le but n’est pas qu’il soit en emploi au plus vite, mais qu’il avance vers l’emploi. Ils
considèrent aussi que leurs tâches consistent à s’assurer que le jeune emprunte le meilleur chemin
pour lui, qu’il soit à la place qui lui convienne personnellement, qu’il ait un plan de vie adéquat,
qu’il reçoive l’aide nécessaire et développe l’espoir d’atteindre ses buts. Finalement, toujours
chez les agents décrivant leur rôle en fonction du jeune, plusieurs ont mentionné que l’objectif
principal est de favoriser la réussite du jeune et de lui éviter de vivre des échecs. Ceci leur semble
d’autant plus important du fait que ces jeunes ont souvent vécu des échecs répétitifs par le passé,
il importe donc de ne pas répéter ce cycle. Cette vision axée sur le client est soulevée dans la
littérature et correspond bien à celle des auteurs MacDonald et Marston (2005) qui soulignent que
pour certains agents, le rôle n’est pas de trouver un emploi au jeune, mais de l’aider à développer
les habiletés requises.
Les agents qui, pour leur part, expliquent plutôt leur rôle en regard de l’établissement, diront qu’il
importe d’avoir le plus d’inscriptions possible dans les différentes mesures et d’éviter que des
jeunes s’inscrivent à des mesures d’assistance sociale. Le but de leur travail consiste à s’assurer
que chaque client respecte les règles, le temps alloué et les budgets et finalement, que le client
85
finisse en emploi pour pouvoir fermer le dossier et cocher « oui » à la case demandant si le client
est en emploi. Un des agents interrogés semblait, de lui-même, distinguer ces deux types de
mandat qu’il est possible de retrouver dans le cadre de leur travail. Ainsi, lorsqu’il doit élaborer
sur ses objectifs en tant qu’agent d’aide à l’emploi, il nomme l’impression d’un double discours
en provenance de l’institution et des politiques. En effet, les politiques demandent à ce que les
services soient de qualité et tournent autour du client. Cependant, dans les faits, certains agents
ont l’impression que les objectifs visent davantage la réduction des coûts. Ainsi, lorsqu’ils sont
questionnés sur leurs buts, plusieurs agents se questionnent à savoir s’ils doivent envisager leurs
objectifs de travail en fonction des clients ou en fonction de l’établissement qui dessert ces
clients. La littérature rapporte d’ailleurs le même genre de discours sur le rôle des chargés
d’accompagnement en emploi. Rouleau-Berger (1998), souligne la multiplicité des rôles que les
agents doivent accomplir. Ils doivent en effet articuler les droits et responsabilités entre l’État et
les sans-emploi. Les agents d’aide à l’emploi doivent répondre aux besoins du client tout en
respectant les exigences de l’organisation (Leclerc et al., 2002).
Non seulement les agents eux-mêmes démontrent des façons de fonctionner et des visions
différentes dans leur travail, mais on note également des différences de fonctionnement et de
vision entre les CLE. Certains agents interrogés considèrent même que malgré le fait qu’il soit
nécessaire pour eux d’avoir une certaine marge de manœuvre dans leur travail, il subsiste peut-
être une trop grande place à l’interprétation dans la prise de décision. Ainsi, il semble qu’à
l’intérieur d’un même CLE, les décisions sont souvent uniformes, mais que les différences entre
différents CLE peuvent apporter quelques difficultés face à la clientèle.
87
Conclusion
Dans cette étude, il a été possible d’être au fait de certaines actions gouvernementales en lien
avec l’insertion dans une optique de prospérité économique et de développement social du
Québec. Les personnes vulnérables, dont font partie les jeunes sans emploi, deviennent des cibles
d’action privilégiées des programmes spécifiques visant à favoriser l’insertion sociale et
professionnelle. Plusieurs jeunes québécois ne participant pas activement à la société et éprouvant
des difficultés à se faire une place sur le marché de l’emploi peuvent donc bénéficier d’un
accompagnement plus soutenu. L’investigation auprès des agents d’aide à l’emploi de CLE du
Québec visait à explorer et à décrire les pratiques mises en œuvre par ces intervenants. Le but
global était de décrire le phénomène de l’accompagnement, de fournir une image de la façon dont
ces services d’accompagnement en emploi fonctionnent sur le terrain, du point de vue de ceux
qui les offrent.
Leurs discours ont permis de concevoir la réalité de leur pratique comme étant
multidimensionnelle. En effet, les agents ont abordé des aspects relatifs aux caractéristiques
personnelles des clients, à la structure économique du marché du travail, au fonctionnement dans
les établissements, etc.
Il est intéressant d’analyser les réponses des répondants à la présente recherche, en effectuant une
comparaison avec le discours d’agents travaillant dans des établissements se situant à un autre
palier, soit le communautaire, mais ayant une vocation semblable, soit le développement de
l’employabilité. Ainsi, une étude parallèle à la présente recherche, menée en 2010 dans le milieu
communautaire, soit dans les carrefours jeunesse-emploi, s’est attardée à l’exploration des
pratiques d’accompagnement dans ce milieu (Provencher, Émond et Tremblay Roy, 2010). Ayant
pris part à cette étude, il m’a été possible d’effectuer certaines comparaisons dans les discours qui
sont ressortis des entrevues. Ainsi, il est intéressant de constater que le discours des intervenants
œuvrant dans le milieu communautaire comporte davantage de propos faisant directement
références aux jeunes. Certes, les agents des CLE ont abordé les caractéristiques des jeunes et
l’influence de la relation qui est développée avec eux, mais d’une façon beaucoup moins
importante que l’ont fait les intervenants des CJE. En effet, ces derniers expliquent plus souvent
les succès ou les échecs des démarches en fonction des caractéristiques du jeune ou encore de la
88
relation qui s’est établie avec le jeune. Les agents des CLE vont quant à eux expliquer plus
souvent les réussites et les échecs en fonction de ce qui est mis en place autour du jeune, ou
encore des techniques et des façons de procéder de l’établissement. À ce sujet, il est à noter que,
comparativement aux répondants des CJE, les agents des CLE ont peu abordé de façon explicite
des éléments en rapport avec l’attitude des intervenants. Il est donc possible de sentir que la
vision du travail dans les CLE semble davantage axée sur une vision organisationnelle
d’établissement. Les CJE semblent quant à eux voir leur rôle davantage dans l’instauration de la
relation, dans le savoir-être et le savoir-faire qu’ils présentent en tant qu’intervenants. Ceci n’est
toutefois pas étonnant puisque malgré leurs buts semblables, les rôles des agents des deux
établissements diffèrent. Un des agents d’aide à l’emploi interrogé dans le cadre de la présente
étude, stipule que, pour avoir œuvré à la fois le secteur communautaire et le secteur public, des
différences notables sont présentes. Dans le milieu communautaire, l’intervenant connait
davantage les détails de la vie du jeune, il est souvent plus proche et au fait de la réalité et des
difficultés quotidiennes de son client. Dans le secteur public, c'est-à-dire dans les CLE, l’agent
est davantage confronté aux détails administratifs entourant les services offerts aux clients. Ainsi,
il ressort que les intervenants des CJE vont plus fréquemment travailler sur les problèmes
personnels des jeunes, tandis que les agents des CLE, bien qu’ils leur arrivent inévitablement de
travailler des aspects personnels avec le client, vont faire davantage de références. Ces derniers
ont d’ailleurs mentionné qu’ils ne considèrent pas être ceux qui font le véritable accompagnement
au sens propre du mot, lequel est plutôt effectué au jour le jour par les intervenants des CJE ou
des organismes associés.
Nous avons donc pu constater que les intervenants œuvrant auprès des jeunes éloignés du marché
du travail doivent remplir plusieurs rôles. Ils doivent à la fois répondre aux problématiques
spécifiques des jeunes et respecter les contraintes et objectifs de l’organisation dans laquelle ils
travaillent. Les tâches des agents consistent donc à aider les clients à se prendre en main
professionnellement et à gagner en autonomie et en habiletés personnelles. Il a été possible de
constater que les pratiques spécifiques des agents d’aide à l’emploi sont très variables.
L’accompagnement effectué ne se limite pas au domaine de l’emploi, et inclut également des
termes plus généraux tels que les difficultés personnelles, la santé (mentale et physique), la
consommation ou encore l’aide pour des besoins ponctuels comme, par exemple, la recherche
d’un logement.
89
En ce qui concerne les démarches concrètes auprès de la clientèle, il y a tout d’abord la première
visite du jeune dans l’établissement, où la principale tâche est d’orienter le jeune vers le service
ou la démarche qui lui convienne. Une fois le processus enclenché, certains aspects doivent être
convenus avec la personne en démarche, par exemple, une mise au point sur les règles et les
attentes envers le client. La démarche de celui-ci repose sur un projet précis, qui souvent,
consistera en un retour aux études, ou encore une recherche d’emploi. Mais pour cela, le
professionnel qui œuvre auprès du jeune doit s’assurer que ce dernier ait les moyens de mettre en
œuvre son projet. Ainsi, il peut le diriger vers une ressource particulière ou un programme qui lui
apprendra tout d’abord à développer certaines habiletés personnelles et sociales qui lui manque
afin d’être en mesure de réaliser adéquatement son objectif.
Bien sûr, les écrits sur l’accompagnement ne manquent pas de mentionner l’importance de la
relation qui s’établit entre le jeune et le professionnel pour la réussite optimale de l’ensemble de
la démarche, ce que les agents d’aide à l’emploi confirment. Il est de la responsabilité du
professionnel de travailler à l’accrochage relationnel. Cet aspect est d’autant plus important dû au
fait que la clientèle habituelle de ces services est souvent peu disposée à développer une relation
avec un intervenant et à lui faire confiance, ou encore ne présente pas une attitude positive et
favorable face à ces démarches.
Bien que les personnes qui œuvrent au sein des programmes d’accompagnement trouvent les
démarches très utiles, ils en mentionnent quelques limites. À titre d’exemple, les contraintes
institutionnelles, le manque de temps, la surcharge des dossiers et les difficultés du marché de
l’emploi sont nommés comme étant des limites au fonctionnement optimal des démarches
d’insertion. Cependant, les caractéristiques de la clientèle semblent être un aspect non
négligeable lorsque l’on cherche à savoir ce qui peut faire entrave à la réussite des démarches
d’insertion socioprofessionnelle. Ceci permet d’ailleurs d’élaborer quelques pistes qu’il serait
pertinent d’explorer dans d’éventuels travaux sur l’insertion socioprofessionnelle des jeunes
éloignés du marché du travail. En effet, il serait intéressant de chercher à interroger des jeunes
qui ont bénéficié des services d’accompagnement, autant ceux ayant réussi les démarches que
ceux ayant abandonné, afin de chercher à comprendre les facteurs d’influence liés à la
persévérance ou à l’abandon des démarches initiales. Dans l’ensemble, il conviendrait de
chercher à développer des travaux suggérant des pistes d’action sur toutes les sphères qui, au bout
90
du compte, ont un impact sur la réussite ou l’échec de l’insertion socioprofessionnelle. Une
vision globale du phénomène apparaît donc nécessaire dans une optique d’accroissement de
l’efficacité des services.
En résumé, ce travail était axé sur le vécu expérientiel des agents d’aide à l’emploi des CLE, avec
un objectif global de produire des connaissances dans le domaine de l’insertion en emploi, plus
précisément sur les pratiques d’accompagnement. On constate néanmoins que l’étude ne permet
pas de circonscrire ce que constitue l’accompagnement en emploi. Ce concept, considéré comme
un objet d’étude encore flou, ne bénéficie pas de balises plus concises quant à sa définition.
Cependant, cela ne signifie pas que nous n’en savons pas davantage grâce à cette étude. Celle-ci
confirme, entre autres, que le concept d’accompagnement est sans contredit multidimensionnel.
En cherchant à le restreindre, nous risquons vraisemblablement de ne pas en saisir toute la
complexité et ainsi, prendre la chance de s’éloigner de ce qu’il est vraiment.
91
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96
Annexe 1. Guide d’entrevue
Cette recherche vise à comprendre les dynamiques associées à la fonction d’accompagnement des
professionnels des centres locaux d’emploi auprès des jeunes de 18-24 ans en difficulté
d’insertion en emploi.
Dans le cadre de cette entrevue, nous allons examiner la nature des interventions qui sont
réalisées dans votre organisme, et plus particulièrement celles dans lesquelles vous êtes
impliqués. Nous allons également parler des jeunes avec qui vous travaillez et discuter des
facteurs qui ont de l’influence sur vos interventions.
…
1. Quelle est la nature de votre travail au sein du CLE?
a. Quelles sont vos responsabilités?
b. Quelles sont vos tâches quotidiennes?
c. Avez-vous déjà eu d’autres fonctions dans l’organisation? Si oui, quelles étaient vos
principales tâches?
d. Quelle (s) mesure (s) êtes-vous chargé d’appliquer dans le cadre de votre travail au
CLE?
2. Pouvez-vous nous parler de vos interactions avec vos clients?
a. Qui sont ces jeunes?
b. Quelles sont vos actions concrètes auprès d’eux?
c. Quels sont vos objectifs de travail?
3. Quelle est votre marge de manœuvre dans l’interprétation et l’application des mesures
d’accompagnement que vous avez la charge de gérer?
a. Y a-t-il des décisions que vous ne pouvez prendre sans l’accord d’un supérieur?
b. Quels sont les moyens dont vous disposez pour appliquer ces mesures? Sont-elles
efficaces à votre avis?
c. Y a-t-il des directives qui n’apparaissent pas dans les politiques, mais qui influencent
votre travail auprès de la clientèle?
4. Comment les services d’aide à l’emploi pour les jeunes de 16 à 24 ans sont-ils organisés (à
l’interne, en partenariat)?
5. Voyez-vous des différences ou des ressemblances par rapport à la vision de
l’accompagnement entre vos collègues de travail? Lesquelles?
6. Quelles sont vos opinions sur les politiques et les programmes d’emploi en général?
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7. Quelles sont les difficultés et/ou les réussites que vous expérimentez dans votre travail
auprès de la clientèle jeunesse?
8. De manière générale, est-ce que selon vous les jeunes bénéficient des mesures
d’accompagnement mises en place au CLE? Si oui, si non, pour quelles raisons?
9. Auriez-vous des suggestions pour améliorer l’accompagnement en emploi des jeunes
éloignés du marché du travail?
10. Y a-t-il d’autres informations que vous aimeriez fournir pour nous aider à avoir une
meilleure compréhension de votre travail?
FIN DE L’ENTRETIEN
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