l'islam et la fonction de renÉ guÉnon...le présent volume est constitué par la réunion...

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SOMMAIREAvertissement

I.L'IslametlafonctiondeRenéGuenonII.L'œuvredeGuenonenOrient

III.SurleCheikhAl-Alâwi

IV.Référencesislamiquesdu«SymbolismedelaCroix»V.«LaSciencepropreàJésus»;traductionduchapitre20desFutûhâtal-

Makkiyyad'IbnArabîVI.Lecoffred'Héracliusetlatraditiondu«Tâbût»adamiqueVII.Unsymboleidéographiquedel'HommeUniverselVIII.letriangleoul'androgynemonosyllabe"Om"

1. Complémentarismedesymbolesidéographiques2. Complémentarismedeformestraditionnelles3. TraditionPrimordialeetCulteAxial4. «Om»et«Amen»5. IndeetArabie

IX.L'investitureduCheikhal-AkbarauCentreSuprêmeBibliographiedespublicationsdeMichelVâlsan

AVERTISSEMENT

LEprésentvolumeestconstituéparlaréuniond'articlesrédigésparMichelVâlsan et publiés dans la revue Eludes Traditionnelles, dont il assuma ladirectiondepuis1961jusqu'àsamortsurvenuele25novembre1974.

Nous inaugurons ainsi une édition nouvelle, sous forme d'ouxrages, del'ensembledestextesqu'ilfitparaîtredansladiterevueàpartirdel'année1948.Lebutrecherchéestderappelerl'importancedecesécritsàunmomentoùl'onconstate qu'ils sont l'objet d'un oubli ou d'une négligence encouragés par ladifficultéactuelled'yavoiraccèsetd'enprendreconnaissance.

Celle éditiona été renduepossible grâceà l'interventiondupropre fils del'auteur.M'MuhammadVâlsan.Qu'ilveuillebientrouvericil'expressiondenosremerciements.

CyrilleGayal

Aproposdelaformesouslaquelleparaissenticilesarticlesainsiquesurlecaractèrequelquepeufacticequepeutprésenteruntelrecueil,nousrenvoyonsle lecteurauxremarquequeMichelVâlsana lui-mêmeénoncéesdanssonintroductionauxSymbolesfondamentauxdelasciencesacrée(cf1eet3eéditions,p21,22et23-Gallimard)

I

L'IslametlafonctiondeRenéGuenon1

«Dis :OGens du Livre ! Elevez-vous jusqu’à une Parole également valablepour nous et pour vous : que nous n’adorions que Dieu, que nous ne Luiassocions rien, que nous ne prenions pas certains d’entre nous comme «seigneurs»endehorsdeDieu…»(Coran,3,57).

La mort de René Guénon ayant attiré l’attention publique sur son casspirituel,beaucoupontétéétonnésd’apprendreàl’occasionqu’ilfutmusulman.Dans ses livres, rien n’indiquait un tel rattachement traditionnel, et,même, laplace qu’il fit à l’Islam dans ses études fut, en comparaison avec celle qu’ytrouve l’Hindouisme ou le Taoïsme, assez restreinte, malgré les fréquentesréférencesqu’il faità lamétaphysiqueetà l’ésotérisme islamiques.C’estainsiquecertainssesontdemandéss’ilpouvaityavoirunaccordentresaperspectivedoctrinale et sa position traditionnelle personnelle. D’autres sont allés jusqu’àpenser que son enseignement métaphysique et intellectuel ne pourrait êtreconsidérécommecompatibleavecladoctrineislamique.Ilestàpeinebesoinderelevercequ’ilyadesuperficielouencoredemalveillantdanscegenred’avisoudesuppositions,maisnousestimonsutilededonnericiquelquesprécisionsetde faire quelquesmises au point, envisageant que certaines questions peuventêtre posées à cet égard, d’une façon plus pertinente, et, comme telles,mériteraientd’êtreprisesenconsidération.

Ilyaainsiunequestionquantàl’orthodoxieislamiquedel’œuvredeRenéGuénon,etuneautrequantau rapportquepeutavoir saposition traditionnellepersonnelle avec sa fonction doctrinale générale. Pour la première de cesquestions, comme en fait il n’y a eu à notre connaissance aucune critiqueprécise,nousn’avonspasàrépondreàunethèsedéterminéemaisnoustâcheronsseulementdemontrerdansquelleperspectiveunetellequestionsesitue.Pourladeuxième, nous porterons à la connaissance des lecteurs quelques élémentsdocumentairespresqueinconnusenOccident.

Tout d’abord, il nous faut rappeler ou préciser quelques questions deprincipe.

Lanotiond’orthodoxie peut être envisagéeprincipalement à deuxdegrés :l’unestdel’ordredesidéespures,l’autredel’ordredeleuradaptationformelledans l’économie traditionnelle2.Si lesvéritésuniverselles sontenelles-mêmesimmuables, par leurs adaptations cycliques aux conditions humaines, ellescomportent des formes qui sont solidaires ensuite de certains critèresd’orthodoxiecontingente.Enmêmetemps,lasagessequidisposelesvéritésetles formes doctrinales dans les différents domaines et conditions du mondetraditionnel, détermine aussi les degrés de juridiction et les limites decompétencedesinstitutionsetdesautoritésquidoiventenconnaître.

LarelativeadaptationdelaVéritéUniverselleoudesvéritésimmuablesdansles différentes formes traditionnelles, varie tout d’abord selon qu’il s’agit deformes de mode intellectuel ou de mode religieux, les premières commel’Hindouisme,ayantuncaractèreplusdirectementmétaphysique,lesdeuxièmes,quisontcellesqu’onappelle les« traditionsmonothéistes»,comportantsur leplan général des modalités conceptuelles dogmatiques et une plus grandeparticipation sentimentale. Les critères de l’orthodoxie d’une façon généralevarientdanschacunedecesformesenfonctiondeleursdéfinitionsspécifiquesetparticulières.Deplus,danslecadredecertainesformestraditionnelles,etplusspécialement dans les formes religieuses, il y a à faire une distinction entreorthodoxieésotériqueetorthodoxieexotérique :malgréune relationorganiqueexistant jusqu’àun certainpoint entre les deuxdomaines extérieur et intérieurd’une même forme traditionnelle, les critères applicables à l’un sontnaturellementdifférentsdeceuxapplicablesàl’autre.

D’autrepart,demêmeque les critèresd’orthodoxiepropresà l’exotérismed’une tradition ne peuvent être appliqués à ce qui appartient à autre formetraditionnelle,demêmeceuxqui concernent lemonde initiatiqueet ésotériqued’unedecesformesnepeuventêtreconsidéréscommedirectementapplicablesauxdomainescorrespondantsd’uneautre:ilyaeneffetpourlavoieésotériquede chacune de celles-ci des modalités particulières, bien que d’un ordre plusintérieur,tantpourladoctrinequepourlesméthodescorrespondantes,etilseraittoutàfaitinsuffisantdeparlerd’unitéésotériquedesformestraditionnellessanspréciserquecetteunité concerne seulement lesprincipesuniversels, endehorsdesquels lesadaptations traditionnellesse traduisentpardesparticularitésdansl’ordre initiatique et ésotérique même ; s’il n’en était pas ainsi, il n’y auraitqu’un seul ésotérisme, etunmêmedomaine initiatique,pour toutes les formesd’exotérismesexistantsoupossibles.

Unetelleidentitéetuniversalitén’estréellequepourl’aspectleplushautdela métaphysique : c’est en ce sens que les maîtres islamiques disent : « Ladoctrinede l’Unitéestunique» (at-Tawhîduwâhidun).Or,cettedoctrinen’estelle-même identique que quant à son sens, non pas quant à la forme qu’ellereçoitdansl’uneoul’autretradition;deplus,danslecycled’unemêmeformetraditionnellel’expressiondelamêmedoctrinepeutrecevoirsuccessivementouconcurremment des formes variées3. En tout cas, étant donné la relationnécessaire jusqu’àuncertainpoint entre l’enseignement initiatiqueet la formeexotériqued’unemêmetradition, relationquivautaussibiend’ailleurspour ladoctrinequepourlesformessymboliquesettechniques,lesparticularitésdontilest question sont encore plus sensibles quand on compare l’enseignementinitiatiquedansune traditiondecaractère intellectuelàceluid’une traditiondecaractèrereligieux.

Néanmoins,malgréladiversitédesconditionsquenousvenonsderappeleroudepréciser,iln’yapourtantpaslàunemultiplicitéirréductible.Aucontraire,ilexistenécessairementunprinciped’intelligibilitédel’ensemblecorrespondantàlasagessequidisposecettemultiplicitéetcettediversité.Maisceprincipenepeutêtrequemétaphysique.Pareillement,lecritèresuprêmed’orthodoxieentrelesdifférentsdomainesavecleursparticularitésnepeutêtrequeduressortdelamétaphysiquepure.

D’une façongénérale, l’œuvredoctrinale deRenéGuénon se rapporte auxvéritéslesplusuniversellesainsiqu’auxrèglessymboliquesetauxloiscycliquesqui régissent leur adaptation traditionnelle. Sous ce rapport, le critère de sonorthodoxie se trouvepar la nature des choses dans l’intelligencedes principesmétaphysiques et des conséquences qui en découlent. Ce n’est qu’à titresecondairequecetteorthodoxiepourraitêtresoumiseàunevérificationlittéraledanslesdifférentesdoctrinestraditionnellesexistantes;aupremierabord,pourun lecteur ordinaire, cette vérification n’est immédiate que là où dans sesouvrages René Guénon s’est appliqué spécialement à établir lui-même lespreuvesdocumentairesàl’appuidespointsdedoctrinequ’ilexposait,etsouslerapport de la tradition à laquelle il se référait ainsi ; pour tout le reste, c’estl’intelligence et la recherche personnelle qui sont requises ; il est supposé, enmêmetemps,quecetterechercheestbaséesurunedroiteintention,conditionquiassuresonorientationetsonrésultat.

Ecrivant dans un temps où les conditions psychologiques et spéculativesn’avaient plus rien de caractéristiquement traditionnel, et exposant des véritésinsoupçonnéesdescontemporains,sesmodesdeformulationmétaphysiqueonteunécessairementuncaractèreindépendantparrapportauxmodesd’expressiondoctrinaleconnus,oupratiqués,enOccident.D’autrepart,commeilnes’estpas

attaché exclusivement à l’enseignement d’une seule tradition orientale, maiss’estappuyéopportunémentsurtoutcequiétaitsusceptibledeserviràl’exposédes idées universelles dont il offrait la synthèse, ce caractère d’indépendanceformelle subsiste dans une certaine mesure même par rapport aux modesd’expressiondoctrinaledel’Orient;lachoseétaitduresteinévitableparleseulfait queRenéGuénon écrivait dans une langue de civilisation toute autre quecelle par lesquelles sont véhiculées ces doctrines. Comme on le sait, RenéGuénonadûréaliserdanssesétudesuntravaildesynthèseàlafoisconceptuelleet terminologique - ces deux choses allant nécessairement ensemble - quiapparaît d’ailleurs comme une des réussites les plus merveilleuses del’enseignement traditionnel. Mais cela même lie son œuvre à des conditionsspécialesd’intelligibilité.C’estainsiquesil’ontentaitdetraduiresesouvragesde doctrine générale en n’importe quelle langue de civilisation orientale, latraduction devrait s’accompagner d’un commentaire spécial idéologique etterminologique, variable avec chacune de ces langues. L’orthodoxie du sensprofonddes idéesnesuffiraitpasàelleseule,avecune traduction littérale - sitoutefois cela était toujours possible - pour faire reconnaître partout dans cesouvragesdedoctrinegénérale, àunOrientalnonprévenuetquineconnaîtraitquesapropreformetraditionnelle,lemêmefonddoctrinalquedanscelle-ci.Ladifficulté serait même plus accentuée quand il s’agirait de traduction dans lalangued’unecivilisationdeformereligieuse,pourlaraisonqueRenéGuénonapenséets’estexprimédansdesmodesappartenantàcequ’onpourraitappelerune«spiritualitésapientiale»,modesspécifiquementdifférentsdeceuxquisontrégulièrementpratiquésdanslestraitésdedoctrineàbasede«religionrévélée».

Lesmodesspirituelsde«sagesse»,commeceuxdel’Hindouisme,mettentpar exemple aupremierplande la conscience traditionnelle générale les idéesd’identitéduSoietduPrincipeUniversel(Brahma),decoïncidenceduconnaîtreetde l’être,ainsique lerôleactifde l’Intellect transcendantdans laréalisationmétaphysique,véritésquidanslestraditionsdetypereligieuxontnonseulementune circulation ésotérique, mais encore - et c’est là un point auquel il fautaccorder une attention particulière - une forme qui est plutôt analogiquequ’identique ; l’identité de sens final existe toujours, mais celle de la formemêmeestrare4.Or,cesontcesmêmesidéesqueRenéGuénonapromuesavecvigueur en mettant en même temps à profit certaines notions spéculatives del’aristotélisme,lui-mêmeunedesformessapientialesdel’Occident5.

Parcontreunenotionreligieusecommecelledu«Dieupersonnel»,quiestpropre à la conception théologique du Principe, ne pouvait intervenir dans saspéculation purement métaphysique. Il n’en nie pas la légitimité dans une

doctrinethéologique,carc’estbienlàqu’estsaplace,àcôtédesautresnotionsspécifiquementreligieusescommecellesde«création»etde«salut»;deplus,commedansuneformetraditionnellereligieuselabaseexotériqueestnécessairepourlavoieinitiatiqueetésotérique–etRenéGuénonlui-mêmeainsistésurcepoint–lesélémentsdoctrinauxetrituelsdel’exotérismedoiventnécessairementêtre intégrés et pratiqués sur leur plan. Pour un initié en outre ces élémentspeuventetdoiventêtretransposésdansunsensmétaphysique,maiscelanelesdépare alors nullement de leurs vertus positives, car ils y trouvent une portéevraimentuniverselle.

Ces caractères de l’enseignement de René Guénon sont la conséquencerigoureuse de ce qu’il voulait traiter exclusivement de métaphysique etd’intellectualitépure,etaussidufaitqu’uneperspectivepurementintellectuellesur les choses spirituelles est plus sûrement accessible que toute autre à lacompréhension:dureste,ilss’adresseexclusivementauxseulsintellectuels.

Maiscesavantagesd’intelligibiliténevalantquepouruneélite,sasynthèsedoctrinalenesauraitêtreportéed’embléedansunelanguedecivilisationàbasereligieuse, où la présence d’un enseignement dogmatique officiel et la foi auxformesparticulièresdelarévélationsontdesélémentsconstitutifsdelatradition.Pour prendre le cas de l’Islam,même si les concepts du péripatétisme arabe,combinés du reste avec ceux du néo-platonisme, ont été dans une certainemesure utilisés dans l’enseignement des doctrines initiatiques, il n’y a eu làqu’uneadaptationcontingenteetpartiellerenduepossibleetmêmenécessairedufait que la Théologie islamique (le Kalâm) elle-même avait adopté pour sesexposéslesmodesspéculatifsdelaphilosophie6.

Cependantlaspiritualitéengénéraldel’Islam,aussibienquecelledesAhlu-l-Haqîqa (lesgensde laVéritéessentielle)etduTasawwufest restée,danssesconceptionslesplusintimesetdanssaterminologieainsiquedanssesmoyens,sur ses bases prophétiques. Il y a à cela des raisons d’homogénéité entre lesinfluencesspirituellesd’uncôté,etlesmodesconceptuelsainsiquelesmoyenstechniques de la voie d’un autre côté, raisons qui tiennent de près à ce quiconstitue l’excellenceproprede la traditionmuhammadienne, tantdans l’ordreexotériquequedansl’ordreinitiatique7.

Une présentation éventuelle de l’œuvre de René Guénon dans un milieutraditionnel islamique devrait par conséquent se faire avec une référencecompétenteauxdoctrinesésotériquesetmétaphysiquesdel’Islam,toutentenantcomptedecequ’ilyad’inévitablementdélicatpouruneexpositiondesdoctrinesésotériquesdel’Islammêmedevantunpublicquinesauraitâtreconsidérédanssonensemblecapabledecomprendreleschosesdecetordre.

Acetégard,ilfautremarquer,enoutre,quedenosjoursquelesdoctrinesduTasawwuf ont elles-mêmes besoin dans les pays islamiques d’une justificationintellectuelle renouvelée et adaptée de façon à répondre aux conditions de lamentalitémodernequis’estétenduedel’Occidentàtouslesmilieuxdeculturedu monde oriental. En dehors de l’esprit exotériste, il faut donc comptermaintenant avec l’esprit anti-traditionnel tout court des progressistes de toutessortes,etsurtoutaveclaprésenced’unegénérationdesavants«orientalistes»,d’origineorientales,maisdeformationetd’inspirationoccidentalesetprofanes8.Paruncurieux retournementdeschoses, l’enseignementdeRenéGuénonpeutfaciliter lui-même beaucoup cette justification, car il contient les moyensspéculatifsetdialectiquesquipermettentd’yaboutirdans toutes lesconditionsdementalitéquiressemblentàcelledel’Occidentcontemporain;ce travaildejustification intellectuelle se trouve déjà en essence dans les référencesdoctrinalesquel’œuvredeRenéGuénonfaitàl’ésotérismeetàlamétaphysiqueislamiques.

Laprésentationde l’œuvredeRenéGuénondansunmilieude civilisationislamique,ouorientaled’unefaçongénérale,apparaîtainsicommeuneoccasionpropice pour redresser le prestige de l’intellectualité traditionnelle de l’Orientdanssonensemble.Commedanscetteœuvre lesdoctrinesde l’HindouismeetduTaoïsme sontmises souvent en relation avec cellesdu tasawwuf aussi bienque de l’ésotérisme judaïque ou chrétien, c’est dans son enseignement que setrouventaussileprincipeetlaméthodesdeconcordanceentrelesdeuxtypesdespiritualitésdontnousavonsparlé,l’intellectueletlereligieux.

Celanousamèneàdonnerquelquesprécisionssurlesrapportsentrecesdeuxgenresdespiritualité.Lesdeuxcoïncidentdansleursourcesuprêmeetdansleuraspectultime;lesdifférencesapparaissentdanslesmodalitésdominantessurlesplansinférieurs.Mais,toutrévélateurausensreligieuxestnécessairement,avantd’être choisi comme support d’une révélation ou d’unmessage divin, et il lerestetoujoursaprès,unConnaissantduPrincipeselonlemodeidentifiantdelaréalisationmétaphysique. La voie initiatique ouverte par lé révélateur, tout enétant en rapport direct avec les modalités de sagesse qui qualifient son typepersonnel9, présente en même temps certains caractères liés au message reçupourl’ensembledelacommunautéreligieuse.

Laformeetl’étenduedumessageprophétique,surtoutquandils’agitdecasprophétiquesmajeurs,sonttellesquelesupportchoisilui-mêmereçoitparlafoilemessageoule«livre»révélé,quiserapporteainsiàtoutcequin’apasétéréaliséenampleurparlui-même,etquiluiestconfiéaussibienpourlui-mêmequepoursacommunauté.C’estpourquoiAllâhditàSonProphèteuniversel:«

C’est ainsi que Nous t’avons donné la révélation par un Esprit de Notrecommandement, alors que tu ne savais pas ce qu’est le Livre, ni la Foi… »(Cor.42.52).

Mais quels que soient les caractères particuliers ou spécifiques d’une

spiritualité religieuse,du faitquesonaxe resteceluide laconnaissanceetqueson principe est purement métaphysique, il est toujours possible de ramenerl’ensemble de ses attributs doctrinaux symboliques et techniques, à uneconception métaphysique et par cela retrouver l’accord avec les doctrinespurementintellectuelles.

C’est ainsi que, dans l’ordre doctrinal, malgré le dualisme apparemmentirréductibledesidéesde«Dieu»etde«création»danslesformesreligieuses,iln’estpasconcevablequeladoctrinedel’identitésuprême,valableaussibienpourlarelationduSoiauPrincipequepourcelledemanifestationuniverselleauPrincipe, fasse défaut tout d’abord au fondateur d’une tradition intégrale, etqu’elle ne soit par principe destinée à rester l’essence même de la traditionfondéeparlui,malgrélesformesqu’elledoiverecevoirdèsledébutouencoreau cours du cycle traditionnel, dans l’enseignement ésotérique même. Laconscience de ce fond primordial peut diminuer ou même subir des éclipses,mais c’est qu’alors l’élite même ne participe à sa tradition que d’une façonimparfaite ou incomplète ou qu’il n’y a plus du tout de véritable élite ; c’estpourquoi on peut alors dire que la communauté et ses institutions de fait necomprennentoun’acceptentplusl’idéed’IdentitéSuprême,maisnonpasquecesontlestraditionsmêmesquil’excluent.

LatraditionislamiqueestformellesurlepointquetouslesEnvoyésdivinsontapportéessentiellementlemêmemessageetquetouteslestraditionssontenessenceUne,cequiimpliquetoutd’aborduneidentitéderéalitéetdedoctrinemétaphysique.Pourcequiestdelaformemuhammadiennedelatradition,celle-ci est en tout cas, originellement et essentiellement axée sur la doctrine del’identité Suprême qui est celle de la Waĥdat al Wujûd. Cette expressionappartientauCheikhal-AkbarquivivaitauxVI°-VII°sièclesdel’Islam,maislachosedésignée est purementmuhammadienne : cen’est que leTawhîdmême,dans sonacception initiatique, acceptionque l’histoire traditionnelleantérieureattestefréquemment,etquecemaîtrenefaisaitquerendreplusexpliciteetplussensiblepourl’intellectualitécontemporaine10.

Cettedoctrine(WaĥdatalWujûd)quirelevaitparnatured’unenseignementésotérique,etdontquelquessignesseulementpouvaient transpirerà l'extérieur,affirme l’identité deSoi et d’Allâhou laVéritéSuprême etUniverselle, et enmême temps l’identité essentielle de la manifestation avec Son Principe :

l’identitédu«Soi-même»etduPrincipeestattestéeentreautresparlefameuxĥadîth«celuiquiseconnaîtsoi-mêmeconnaîtsonSeigneur»;d’autrepartlesnotionsd’«actedecréation»etde«créature»-lesdeuxinclusesdansletermekhalq - sont ramenées à celles d’ « acte de manifestation » (zuhûr) et de «manifestation » (mazhar) qui expriment même plus qu’une simpleextériorisation des possibilités principielles, puisque rattachées au nom divinl’Apparaissant(az-Zâhir),ellesannoncentlamanifestationdel’Êtreuniquelui-même.

Enfin, pour considérer un autre point différentiel important entre les deuxtypesdespiritualitédontnousparlons,constituépar lanotiond’Intellect,nousallons voir une situation analogue quoique plus complexe. En Islam, selon ladéfinitionprophétique,l’Intellect(al-‘Aql)estchosecréée:«lapremièrechosequ’Allâhacrééest l’Intellect»ditunhadîth.Nousferons iciabstractionde latransposition métaphysique, dont nous parlions de la notion de Khalq et quirésoudraitdéjàtoutedifficulté.Nousprendronslesnotionsdansleursensdirect:selon ce sens, la fonction sapientiale de l’Intellect en tant que point decoïncidenceentrelePrincipeetl’être,n’estpluspossible.LadoctrinerégulièreenIslamneconsidèrepasl’Intellectcommeune«qualité»ouune«faculté»divineetdecefaitdansleTașawwufonévitedeparlerdeta’aqqul,«intellection»,àl’égarddel’EssenceDivine,alorsqued’unepartchezlesHindousChit,laConscienceUniverselle,qui estunequalificationd’Ishwarra est aussi celle del’êtrerésorbéenLuietquidanssonétatordinaireenpossèdelerefletdanscitta,la pensée individuelle, et d’autre part chez les péripatéticiens l’Intellect purcoïncide avecDieu11 et l’intuition intellectuelle connaît le Principe. Chez cesderniers,l’intellection(engrecnoesis)estunenotionquiconvientaussibienàlaConnaissanceimmuableque«possède»Dieu,qu’àcelleque«réalise»l’êtrecauséougénérélui-même,etparlaquellecelui-ciparticipeausujetetàl’objetdel’Intellectiondivine12.

Quandàladoctrinemuhammadienne,ellerétablitàcetégardleschosesdansuneautreperspectivespécifiquementdifférente:c’estleCœurquiestlafacultéou l’organe de connaissance intuitive, ce Cœur qui n’a qu’une relationsymboliqueavecl’organecorporeldemêmenom,etquelehadithqudsîénonceainsi :«MonCieletMaTerrenepeuventMecontenir,mais leCœurdeMonserviteurcroyantMecontient».Qu’on le remarquebien, ilne s’agitpasainsid’une simplequestionde terminologie.Toutd’abord leCœurquiest la réalitécentraledel’être,estparexempleselonlestermesdel’écoleduSheikhal-Akbar«laréalitéessentielle(al-haqîqa)quiréunitd’uneparttouslesattributsettoutes

les fonctions seigneuriales, d’autrepart tous les caractères et les étatsgénérés,tantspirituelsqu’individuels.».

L’Intellectn’enestqu’uneimplication.LecœurpeutêtreditIntellectentantqu’il renfermecelui-ci,et l’IntellectestCœuren tantqu’ilen faitpartie.Voiciune précision du Sheikh al-Akbar : « l’Intellect Premier, nous l’appelonsIntellect (‘Aql) sous un rapport différent de celui sous lequel nous l’appelonsCalame(Qalam),decelui sous lequelnous l’appelonsEsprit (Rûh) etdeceluisouslequelnousl’appelonsCœur(Qalb)».Quelquefois,pourmieuxmarquerladifférence, on envisage le Cœur en tant que faculté supérieure à l’Intellect,dépassant le plan de celui-ci : Al-Qalb huwwa-l-quwwatu-llatî warâ’a ţawral-‘Aql, dit encore le Sheikh al-Akbar qui ajoute : « Ainsi il n’y a deConnaissancedelaVéritéSuprême(al-Haqq)provenantdelaVéritémêmequepar leCœur ; ensuitecette connaissanceest reçuepar l’Intellect,de lapartduCœur»13.

MaiscequiestencorecaractéristiquepourlesimplicationsspirituellesdelanotiondeCœur,c’estquecelui-cipeutêtrereliéd’unefaçonplusadéquateauxmodalitésindividuellesetsentimentalesdel’êtrereligieux,etsurtoutaumystèreetà lafonctiontotaledelaFoi,commeonleconstatedanslehadîthquenouscitonsplus haut14; cette relation avec la Foi n’est pas spécifiquement possiblepourl’Intellect,niquandcelui-ciestenquelquesortesubstituéparleCœurdanssa fonction essentielle et la plus universelle, comme il résulte du dogmeislamique,niquandilestprisdansunsensdefacultédeconnaissanceimmédiatedes principes universels conférant la certitude, ce qui correspond alors à sonacceptionpurementsapientiale15.

La réalité du Cœur n’est naturellement pas ignorée par les doctrinespurementintellectuelles,maisdanscelles-cilaperspectivedanslaquelleelleestenvisagéeestdifférente.ParlantduCœur, centrede lavie etde l’individualitéintégrale selon les données hindoues, ce qui lui assigne une positionintermédiaire entre l’Intelligence Universelle et l’individu, René Guénonrappelle que « les Grecs eux-mêmes, et Aristote entre-autres, attribuaient lemême rôle au cœur, qu’ils en faisaient aussi le siège de l’intelligence »(L’hommeet sondevenir selon leVêdanta, chap.III).Pour les changementsdeposition résultant des changements de perspective dont nous parlons, on peutremarquer que dans les doctrines de ce genre les rapports entre le Cœur etl’Intelligenceoul’Intellectsontinversés:lepremierestenvisagéseulementaudegré individuel, ce qui fait que c’est l’Intelligence ou l’Intellect qui reste dudomainesupra-individuelouuniversel.

Ilestincontestablequedanslesdoctrinessapientialesgrecques,lanotionduCœur intervient plutôt à titre secondaire, et presque accidentellement, tant laperspectiveintellectualistedecesdoctrinesnel’exigepasspécifiquement;maisceseraituneerreurden’yvoirqueladifférencedesituationcontingenteetdenepas remarquer la concordance sousun rapportplusprofond, car si le cœur estconsidéré, dans les doctrines sapientiales, seulement comme centre del’individualité,enraisonmêmedecettecentralitéilcorrespondsymboliquementàl’Intellectdivindanssesrelationsavecl’individuets’identifieessentiellementàcelui-ci.

Nousdevonsfaireremarqueraussiqued’unefaçongénéralecettenotionduCœur apparaît beaucoup moins en relief dans les doctrines chrétiennes elles-mêmes.Nousdisonscelasurtoutparrapportàl’importancequ’ellea,tantdansles textes de la révélation muhammadienne que dans l’enseignement duTasawwuf,et ladifférences’expliqueparcecique leChristianismeaemprunténécessairementpoursonextensionà lagentilité lesformes intellectuellesde lasagessegrecque16.

Cespointsdevuedifférents sur leséléments fondamentauxquiconstituentl’êtrespirituel,etsurleursrapportsaveclaVéritéSuprême,sontnaturellementenrelationaveclesmodalitéscaractéristiquesquel’onconstateensuite,danslesvoiesrespectives,tantsurleplandelaviespirituelled’unefaçongénéralequedansl’ordredesméthodesderéalisation,maisunevéritablecompréhensiondeschosespermettoujoursderetrouverl’accorddebase,etdesituerlesdifférencesconstatées,dansl’ordrecontingentoùellesonttoutesleurraisondesetrouver.

Pourconclurecetexamensommairedepointsprisenexemples,onserendcompte ainsi qu’il n’y a aucune divergence profonde et irréductible entre lesdeuxtypesdespiritualitédontnousavonsparlé,l’intellectueletlereligieux,etque de plus, c’est la méthode de René Guénon lui-même qui permet d’enretrouver l’accord réel. Ce n’est donc pas là qu’il y aurait une difficulté deconstater l’orthodoxie de cet enseignement, tant sous le rapport de la traditionislamiquequesousceluidetouteautretradition.

MaisendehorsdesconceptionspurementintellectuellesquicaractérisentlasynthèsedoctrinaledeRenéGuénonetquiauraientbesoind’uneprésentationetd’unejustificationplusparticulièredansunmilieudecivilisationislamique,ilyenaaumoinsuneautredontl’importanceestcapitaledanscetteœuvre,etquinese trouve professée de façon ouverte ou complète, ni dans les formestraditionnellesde type religieux,nidanscellesde type intellectuel. Il s’agitdel’idée de validité et légitimité simultanées de toutes les formes traditionnellesexistantes,ouplutôtdel’idéeque,parprincipe,ilpeutyavoirenmêmetempsplusieurs formes traditionnellesexistantes,ouplutôt l’idéeque,parprincipe, il

peut y avoir en même temps plusieurs formes traditionnelles, plus ou moinséquivalentesentreelles,carenfait,ilpeutarriverqu’unetradition,quellequ’aitété son excellence première, se dégrade au cours du cycle historique au pointqu’onnepuisseplusréellementparlerdesavaliditéactuelleoudesonintégritédefait.

Or,parunesortedenécessitéorganiqued’affirmationdesoi,etpareffetdela perception et de la conscience de l’excellence spirituelle qui lui est propre,chaquementalité traditionnelled’ensemble relègue lesautres traditionssurdespositionsinférieures,oulesexclutpurementousimplementdetoutaccèsàunevéritéprofondeetréellementsalutaire.Cependantl’idéedelégitimitédetouteslesformestraditionnellesexistantesn’estquelaconséquenceenmode«spatial», ou l’application en simultanéité, de l’idée d’universalité de la doctrine etd’unitéfondamentaledesformestraditionnelles;seulementcetteuniversalitéetcette unité, les doctrines valables sur le plan général de chaque communautétraditionnelle les reconnaissent plus volontiers dans leur application ensuccession temporelle, et d’ailleurs dans des mesures fort variées, car celapermetauxcommunautésrespectivesd’exclureoudediminuerplusfacilementlesautresformestraditionnellescontemporaines.

Cette propension naturelle s’accentue généralement dans les communautésbaséessuruneformereligieuse,maiscen’estpourtantpasdansl’Islamqu’elleatteintsaformelapluscaractéristique.Aucontrairemême,ilyasousuncertainrapportdanslaloiislamiqueplusdepossibilitésdevisionuniversellequedanstouteautretradition,etdetoutesfaçonsplusquedanslesautresloisreligieuses.Eneffet,quelquesoitledegrédanslequellamentalitécommuneouladoctrineexotériqueprofesséeenfaitréalisentcettevisionuniverselle,lesfondementsdecelle-cisetrouventdanslaloireligieuse,dansletextecoraniquemême.Iln’yamêmeaucuntexterévéléaussiexplicitementuniversalistequeleCoran.Nousnepourrions traiter ici cette question que dans son ensemble,mais nous citeronsquelquestextessuffisammentclairseneux-mêmes:

« En vérité ceux qui croient, les Juifs (text. alladhîna hâdû = ceux quijudaïsent),lesChrétiens(an-Nasârâ), lesSabéens(qu’onfaitcorrespondreauxMandéens),ceuxquicroientenDieuetauJourDernieretfontlebien,ceux-làontleurrécompenseauprèsdeleurSeigneur.Parconséquent,ilsn’aurontrienàcraindre,et ilsneserontpasaffligés.»(Cor.2.62.:«inna-lladhînaâmanûwa-lladhîna hâdû wa-n-naçâra wa-ç-çâbi-îna man âmana bi-Llâhi wa-l-yawmi-l-âkhiri wa-‘amila çâliĥan falahum ajruhum ‘inda rabbihim wa-lâ humyaĥzanûna»).

«Pourchacundevous,Nousavonsinstituéuneloietunchemin»(Cor.5.48:«likullinja’alnâminkumshir’atanwaminhâjan»).

« Si Allah l’avait voulu, certainement il aurait fait de vous une seulecommunauté traditionnelle (umma), mais il vous soumet à des « épreuves »seloncequ’Ilvousaapporté.Cherchezàvousdevancerlesunslesautrespourlesbonnesœuvres.VousretournereztousàAllâh,etalorsIlvousinformeradece en quoi vous divergez maintenant. » (Cor.5.48 : «wa law shâ-a-Llâhulaja’alakum ummatan wâĥidatan wa lâkin liyabluwakum fî mâ atâkum fa-stabiqû-l-khayrâti ilâ-Llâhi marji’ukum jamî’an fayunabbi-ukum bimâ kuntumfîhitakhtalifûna.»)

Il faut dire aussi que malgré la précision et la clarté de tels textes,

l’interprétationexotériquedominantelesramèneparprincipeàuneperspectivede validité en succession, non pas en simultanéité, du fait que la loimuhammadienneestconsidéréecommeabrogeantlesloisantérieures.Toutefoisletextecoraniquemêmeaffirmequelarévélationmuhammadienneapportela«confirmation » de ce qui est encore effectivement présent des révélationsantérieures:

« Et Nous t’avons révélé le Livre par la Vérité, (Livre) qui confirme etpréservecequisubsistedevantluienfaitd’écriture».(Cor.5.48:«Waanzalnâilayka-l-kitâbabi-l-ĥaqqimuçaddiqanllimâbaynayadayhimina-l-kitâbi).

Nousnepouvonsentrericidansl’examendetouslespointsquisoulèventlesquestions de l’abrogation et de la confirmation, mais nous tenant aux seulsaspects lesplus évident etducaractèregénéral, nousciteronsaussi lesversetssuivant qui attestent la validité des Lois judaïque et évangélique ; celui-ciconcernant laTorah : «Mais comment te prendraient-ils (ôMuĥammad) pourleur juge alors qu’ils ont la Torah dans laquelle il y a le jugement (le critèrelégal)d’Allâh».(Cor.5.43:«wakayfayuĥakkimûnakawa‘indahumat-Tawrâtufîhâ ĥukmu-Llâhi ».). Et celui-ci concernant l’Evangile : « Ainsi les Gens del’Evangile jugentpar cequ’Allâh a révélé en l’Evangile et ceuxquine jugentpasparcequ’Allâharévélé,ceux-làsontlesprévaricateurs.»(Cor.5.47:«wa-l-yaĥkumahlu-l-injîlibimâanazala-Llâhufîhiwamâlamyaĥkumbimâanazala-Llâhufa-ulâ-ikahumu-l-fâssiqûn».).

Cesréférencesnoussuffisenticipourillustrernotreaffirmationquelabaselégaleislamiqueestprovidentiellementdisposéepourunelargevisiondel’unitéetdel’universalitétraditionnelles,tantensuccessionqu’ensimultanéité.Souscemême rapport, il n’y a vraiment que le Christianisme, qui, arrêté dans sesconceptionsdogmatiques sur le sens«historique»de l’unicité duChrist, soitexotériquementprivéetdelavisionensuccessionetdecelleensimultanéité,decette réalité universelle, au point qu’il ne reconnaît pas même à la traditionjudaïqueantérieureàlavenueduChrist,etdanslalignéedelaquelleilsesitue

pourtant, une économie sotériologique autonome : l’efficacité des formesbibliquesdansleurensembleestliéeainsi,dansl’acceptionexotériquedudogmereligieuxchrétien,aucritèredel’attenteduChrist«historique»,etl’actualitédusalut suspendue, aussi bien pour le commun que pour les Patriarches et lesProphètes, jusqu’au rachat opéré par le Sauveur. Le Judaïsme même, dontl’exclusivisme est à d’autres égards plus radical que tout autre, reconnaît aumoins pour le passé biblique cette réalité traditionnelle dans la lignée desPatriarchesetdesProphètes,oùilvoitl’actualisationcontinuedelamêmevéritéprimordialeconféranttoujourslaplénitudedusalut17.

Ilesttoutefoisimportantdereleverque,danslesdernierstemps,ilsedessinedans les études catholiques un effort pour rendre compte de certaines valeursspirituellestropévidentespourpouvoirtoujoursêtreniéesdanslesautresformestraditionnelles, comme l’Hindouisme et l’Islam ; c’est ainsi qu’on élargit lanotiond’«Eglise»dansunsensplusdégagédescontingences, tant spatiales,que temporelles ou formelles, que la grâce salutaire est reconnue comme plusindépendante des conditions historiques et de l’adhésion formelle aux articlesdogmatiques et à leurs conséquences canoniques, mais liée néanmoins auxvérités intérieures informelles et universelles des dogmes, et que l’universalitédu Christ est conçue comme impliquant la possibilité de son intervention endehors des modalités éminentes de la forme chrétienne historique. Ce n’estqu’unetendancetimideetprudenteactuellement,maiselleestparticulièrementprécieuse par sa signification, surtout quand elle est manifestée par ceux-làmêmes qui s’étaient donnés jusqu’ici le rôle de faire obstacle à toutecompréhension réellement universelle des données traditionnelles et à l’accorddeprincipesavecl’Orienttraditionnel.

Maisquelsquesoientàcetégardlesprivilègesdeprincipeoudefaitdela

traditionislamique,iln’estquetropvraiquel’idéedelavéritéetdelalégitimitédes autres formes traditionnelles, religieuses ou non, a plus particulièrementbesoin d’être étayée intellectuellement et légalement à l’occasion d’uneprésentation de l’œuvre de René Guénon dans le milieu islamique. Noussignalonsàl’occasionunpointquiseratoujoursunélémentprécieuxdansunteltravail. La spiritualité islamique dans son ensemble est surtout sensible à lareconnaissance de l’Unicité divine, point qui, pour elle est le fondement et lecritèrepremierdevaliditédetouteformereligieuse.Or,RenéGuénonn’affirmeet n’enseigne l’unité fondamentale des traditions existantes que du fait mêmequ’il constate que l’essence de toutes les doctrines respectives est celle del’UnitéoudelaNon-DualitéduPrincipedeVérité.C’estdurestedanslamesureoù cette doctrine suprême est réellement comprise et pratiquée dans une

communautétraditionnelle,qu’ilreconnaîttoutd’abordàlatraditionrespectivesavaliditéactuelle.

L’enseignement de RenéGuénon sur la légitimité des autres traditions estvérifié et validé ainsi par les vérités mêmes qui préoccupent la conscienceislamique.D’autrepart,ayanténoncélanécessitéd’unaccordtraditionnelentreOrientetOccident,dansl’intérêtdel’humanitédanssonensemble,ilaexpliquéquecetaccorddoitportersurlesprincipesdonttoutlerestedépend,ettoutesonœuvre n’a pas d’autre but que de susciter et de développer en Occident laconsciencedesvéritésuniversellesdontleTawhîdestdansl’Islaml’expressionlaplusapparente.Iln’estquenaturelquecethommageconstantetmultipleàcequi est lavérité lapluschèreà l’Islamd’une façongénérale,profite enmêmetempsàl’autoritédoctrinaledeceluiquienaétédenosjoursl’exposantleplusqualifié.

D’autrepart, la thèsedeRenéGuénonsur l’unitéfondamentaledesformestraditionnellesn’apparaîtrapascomme tout à faitnouvelle en Islam,car il y aquelques précédents précieux, tout d’abord avec le Cheikh al-Akbar dontl’enseignement ne pouvait pourtant pas être aussi explicite que celui de RenéGuénonenraisondesréservesqu’imposetoutmilieutraditionnelparticulier;ilyauraquandmêmeintérêtàs’yreporter.

Ce que nous venons de signaler comme points critiques et solutions àenvisagerlorsqu’ils’agiradejugerdel’orthodoxieislamiquedel’enseignementdeRenéGuénon,aussibienquedesonorthodoxied’unefaçongénérale,nedoitpas faire oublier que ce qui est requis sous ce rapport de tout Oriental ouOccidental qui voudrait en juger, ce sont non seulement des qualitésintellectuellesdejugement,maisaussilaconnaissanceétendueetprofondedesdoctrines qui doivent être évoquées en l’occurrence. La méthode facile etexpéditivedescitationstronquéesetretranchéesdeleursrelationsconceptuellesd’ensemble, aggravée peut-être encore par des méprises terminologiques nesauraitavoiriciaucuneexcuse,carRenéGuénonneparlepasaunomnidanslestermesd’unethéologieoud’unedoctrineparticulièredontlesréférencesseraientimmédiates. De toutes façons, une des choses les plus absurdes serait dedemanderàdes«autorités»exotériques,qu’ellessoientd’Orientoud’Occident,d’apprécier le degré de cette orthodoxie, soit d’une façon générale, soit parrapportàquelquetraditionparticulière.Ces«autorités»,entantqu’exotériques,et quelles que puissent être leurs prétentions de compétence, sincères ou non,n’ontdéjàaucunequalitépourporterunjugementsurlesdoctrinesésotériquesetmétaphysiquesdeleursproprestraditions.

L’histoireestlàdurestepourprouveràtouthommeintelligentetdebonnefoi,quechaquefoisquedetellesingérencessesontproduites,qu’ellesaientété

provoquéespardesimplesimprudencesoupardesfautesgraves,soitd’uncôtésoitdel’autre,ilenestrésultéunamoindrissementdespiritualitéetlatraditiondans son ensemble a eu à souffrir par la suite18. Cette situation est plusremarquableenOccidentdufaitquel’ordreexotériqueyestcentralisédansuneinstitution jouissant d’une autorité directe dans toute l’étendue de sonmondetraditionnel,maiselleadansunecertainemesuredescorrespondancesdanslescivilisations orientales, ou des autorités religieuses ou politiquesmal inspiréesont cru quelquefois devoir se mêler de choses qui ne les concernaient point.C’est ainsi qu’en Islam l’œuvre du Cheikh al-Akbar a été parfois l’objet deviolentes attaques de la part de théologiens ou juristes pendant que d’autresautorités ont pris sa défense. Dans son cas dumoins, les choses n’ont aboutifinalement qu’à une certaine gêne dans la circulation de ses ouvrages qui ontnéanmoinscontinuéàexprimerl’enseignementparexcellenceduTasawwuf;denosjours,sesécritssontéditésdeplusenplus,et,malgrédeshostilitésquinesauraient jamaisdisparaître, sonœuvre jouitd’unecertaineautoritésur leplangénéral, ce qui constitue aussi un titre de gloire pour l’intellectualité et laspiritualitéislamiques.

Nousvenonsdementionner encore le casduCheikh al-Akbarqui fut le «revivificateur » par excellence de la voie initiatique et indirectement de latradition islamiquedans son ensemble, auVII° siècle de l’Hégire. Il y a entrel’enseignement de René Guénon et le sien plus qu’une simple concordancenaturelle entre des métaphysiciens véritables. Il y a là encore une relationd’ordre plus subtil et plus direct du fait queRenéGuénon reçut son initiationislamiquedelapartd’unmaîtrequilui-mêmeétaitnourriàl’intellectualitéetàl’esprit universel du Cheikh al-Akbar : il s’agit du Cheikh égyptien Elîsh el-Kebîr. C’est le personnage auquel René Guénon dédiait en 1931, son «Symbolismede laCroix » dans ces termes : «A lamémoire vénérée deEsh-SheikhAbder-RahmânElîshEl-Kebir,El-Alim,El-Malki,El-Maghribiàquiestduelapremièreidéedecelivre.MeçrEl-Qâhirah1329-1349H»19.

Lecasdecemaîtreégyptienestd’ailleurs intéressantpournousàunautreégard,carendehorsdesaqualitéinitiatiquequiétaitdesplushautes,ilenavaituneautrequipouvait entrer en lignedecompte sous le rapportde laquestiond’orthodoxieislamiquedel’œuvredeRenéGuénon.Voicicequenousécrivaitàunmomentl’auteurdu«SymbolismedelaCroix»:«LeCheikhElîshétaitleCheikhd’unebrancheshâdhilite,etenmêmetemps,dansl’ordreexotérique, ilfutchefdumadhabmâlekiàEl-Azhar».Pourceuxquinesontpasaucourantdelasignificationdecestermes,nousprécisonsquelestermes«brancheshâdhilite» indiquent une branche de l’organisation initiatique (tarîqa) fondée au VII°

siècledel’HégireparleCheikhAbû-l-Hasanash-Shâdhilî,unedesplusgrandesfigures spirituelles de l’Islam, qui fut aussi pôle ésotérique de la tradition ; ils’agit donc là d’une fonction initiatique proprement dite ; quant aux termes «madhabmâleki », ils indiquent une des quatre écoles juridiques sur lesquellesreposent l’ordre exotérique de l’Islam, et qui sont chacune représentée dansl’enseignementdelaplusgrandeUniversitédumondeislamique,El-Azhar,duCaire. De cette façon, le maître de René Guénon réunissait en lui les deuxcompétences et même les deux autorités requises respectivement pour lesdomainesésotériqueetexotériquedelatradition.Souslerapportdel’orthodoxieislamique de son disciple, le fait a sa valeur significative.On remarquera quec’estlemaîtrequiavaiteulapremièreidéed’unlivrecomme«LeSymbolismede laCroix»qui,parsadoctrinemétaphysiqueetsaméthodesymbolique,estl’ouvrage le plus représentatif de l’idée d’universalité intellectuelle de latraditiondansl’ensembledel’œuvredeRenéGuénon.

C’estdeluiqu’ils’agitencoredansunenoteauchapitreIIIdecelivre,où,àproposdelaréalisationdansleProphète,identiqueàl’HommeUniversel,delasynthèsedetouslesétatsdel’êtreselonlesdeuxsensdel’«exaltation»etdel’« ampleur » auxquels correspondent les deux axes vertical et horizontal de lacroix, RenéGuénon écrit : « Ceci permet de comprendre cette parole qui futprononcéeilyaunevingtained’annéesparunpersonnageoccupantalorsdansl’Islam,mêmeausimplepointdevueexotérique,un rang fortélevé :«Si leschrétiensontlesignedelacroix,lesMusulmansenontladoctrine»».«Nousajoutons,continueRenéGuénon,quedansl’ordreésotérique,lerapportdel’«HommeUniversel»avecleVerbed’unepart,etavecleProphèted’autrepart,nelaisse subsister, quand au fondmême de la doctrine, aucune divergence réelleentre le Christianisme et l’Islam, entendus l’un et l’autre dans leur véritablesignification».danslaperspectiveouverteainsiparsonmaître,onsaitqueRenéGuénon avait tenté tout d’abord une revivification doctrinale du symbolismechrétienparuneséried’articlesde«Regnabit»(entrelesannées1925-1927),etqu’ensuite il avait encore écrit des articles sur l’ésotérismechrétiendans«LeVoiled’Isis-EtudesTraditionnelles».

Sous le rapport qui intéresse l’Occident, le Cheikh Elîsh semble avoir euaussi une certaine connaissance de la situation de la Maçonnerie et de sonsymbolismeinitiatique.C’estainsiqueRenéGuénonnousécrivaitunefoisqueleCheikhElîsh « expliquait à ce propos des lettres du nomd’Allâh par leursformes respectives, avec la règle, le compas, l’équerre et le triangle».Cequedisait ainsi leCheikhElîsh pourrait avoir un rapport avec l’une desmodalitéspossibles de la revivification initiatique de laMaçonnerie. En tout cas, par lasuite, une bonne part des articles de son grand disciple a été consacrée au

symbolisme et à la doctrine initiatique maçonnique, et cet important travailapparaîtra de toutes façons comme une contribution de l’intellectualité et del’universalité de l’Islam, car René Guénon s’appelait alors depuis longtempsAbdl-WahîdYahyaetétaitlui-mêmeuneautoritéislamique.

Mais on peut se demander quelle serait l’explication de sesmanifestationsdesreprésentantsdel’initiationislamique,manifestationsquinesontnullementnaturelleseuégardauxrègleshabituelles.Carsidanslahiérarchieésotériquelaconsciencedel’universalitéetdelasolidaritétraditionnellen’ajamaismanqué,sonexpressionouverte,etplusencoresonmessagepublic,sontplutôtinconnusavant notre époque. Dans les ouvrages du Cheikh al-Akbar lui-même, qui estl’auteur ésotérique le plus « hardi », le témoignage de l’unité des formestraditionnellesetdeleurvaliditésimultanéeestmalgrétoutentourédebeaucoupdeprécautionsetleplussouventvoilé.

Pour comprendre l’attitude du Cheikh Elîsh, le plus simple serait deconsidérer les conséquences qu’en a tirées le cheikhAbdel-WahîdYahya, sondisciple d’origine occidentale qui eut le rôle de développer son messageintellectuel, message qui était non seulement celui de l’Islam, mais celui del’esprit traditionnel universel. Ceux qui ont compris l’œuvre deRenéGuénonsaventqu’àtraverscelle-cilesforcesspirituellesdel’Orientontdonnéuneaideprovidentielle à l’Occident en vued’un redressement traditionnel qui intéressel’humanitédanssonensemble.

Cette aide a ceci departiculier qu’elle s’exprime, tout d’abord, sur le planrelativementextérieurde l’enseignementdoctrinal,métaphysiqueet initiatique,toutens’adressantàunecatégorierestreinted’intellectuels.Autrefois,dansdesconditions traditionnelles plus normales, les relations purement intellectuellesentreOrientetOccidentétaient,desdeuxcôtés, l’affaireexclusivementsecrèted’organisationsinitiatiques,dontl’Occidentn’étaitpasalorsdépourvu,et,decefait,lesinfluencesquipouvaients’exercerrestaientimperceptiblesdudehors,etleseffetsenmodedoctrinal,dans lamesureoù il en résultait,n’apparaissaientpas sous leur forme orientale, ni ne trahissaient leur origine. Telle a été plusprécisément, au Moyen Age, la situation pour les relations entre les Fedelid’Amore et les initiés duTasawwuf, dont la preuve sur le plan littéraire n’estapparue que de nos jours quand diverses études sur l’œuvre de Dante y ontdécouvertd’importantesinfluencesislamiquesvenantdel’œuvreduCheikhal-Akbaroudesécritsd’Abû-l-‘Alâal-Ma’arrî.

Maislarelationentrel’œuvredeRenéGuénonetsasource«fonctionnelle»islamique,d’aprèslesquelquesdonnéesquenousvenonsdefaireconnaître,outout simplement de rappeler, pourra paraître, malgré tout, seulement virtuelle,sinon accidentelle. Et même si, à part cela, les livres et les articles de René

Guénon contiennent de fréquentes références aux doctrines islamiques, cesréférences ne prouvent pas nécessairement une procession islamique dudéveloppementgénéraletfinaldetoutesonœuvre;dureste,lui-mêmenes’estjamaisprésentéspécialementaunomdel’Islam,maisaunomdelaconsciencetraditionnelleet initiatiqued’unefaçonuniverselle.Cen’estpasnousnonplusquipourrontenvisagerderestreindrece largeprivilègedesonmessage20,etsinousdisonsqu’ilyaunerelationautrementsûreentrecetteœuvreuniverselleetl’Islam,c’est,toutd’abord,que,enraisond’unecohérencenaturelleentretoutesles forcesde la tradition, tout cequ’onpeut trouverducôté islamiquecommeétantintervenudanslagenèseetledéveloppementdutravaildeRenéGuénonnepouvaitques’accorderaveccequiétaitauguréetsoutenuenmêmetempspardesforcestraditionnellesorientalesautresqu’islamiques.

Mais,ilyauneautreraisonquipermettraitd’envisagericilerôledel’Islamd’une façon plus caractérisée : à savoir la proximité naturelle du mondeislamique par rapport à l’Occident, et son intérêt plus direct à tout ce quiconcerne le sort de celui-ci. De ce fait, les forces spirituelles de l’Islampouvaient très bien considérer d’une façon plus déterminée l’idée duredressement intellectuel et spirituel dumonde occidental. Tel paraît avoir étéprécisémentlesensdelafonctionduCheikhElîshenrapportaveccelledeRenéGuénon. C’est pourquoi il est opportun de faire état ici de quelques autresdonnéesconcernantlecasspirituelduCheikhElîsh,donnéesquimontrerontquela fonction et l’œuvre de René Guénon s’inscrivent dans une perspectivecyclique qu’avait explicitement énoncée son maître. A l’occasion, on saisiraencoremieuxcertainessituationstraditionnellesexistantsoitducôtéoccidental,soitducôtéoriental.

Lesdonnéesenquestion,nous lespuisonsdansquelquesnuméros, trouvésdernièrement,delarevuearabo-italienneAn-Nâdî=IlConvitoquiparaissaitauCairedanslapremièredécadedecesiècle,etquidansl’année1907s’orientaitdans un sens traditionnel. L’esprit propitiateur était déjà celui du Cheikh al-Akbar.Cetterevueajouéainsiunrôledeprécurseurparrapportà«LaGnose»des dernières années, et au « Voile d’Isis-Etudes Traditionnelles ». Parmi sescollaborateurstraditionnels,leplusremarquableestAbdul-HâdiAguilitantpourla partie arabe que pour la partie italienne. Celui-ci y publia des articles, deséditionsdetraitésdesmaîtresdel’ésotérismeislamiquedontleCheikhal-Akbar,et des traductions de certains de ces textes. En cettemême année 1907, il futbeaucoup question dans la revue du Cheikh Elîsh qui, un moment, y figuracommecollaborateuravecuncourtarticlesurleMaîtreparexcellenceMuhy-d-DînIbnArabî.Abdul-HâdiquiétaitnaturellementenrapportspersonnelsavecleCheikhElîshnousdonnesurcelui-cideprécieuxrenseignements.

Il le présente notamment comme « un des hommes les plus célèbres del’Islam, fils du restaurateur du rite malékite, et lui-même un sage profond,respectédetous,depuislesplushumblesjusqu’auxprincesetausultans,chefdebeaucoup de confréries religieuses répandues dans tout le monde musulman,enfinuneautoritéincontestabledel’Islamésotériqueetexotérique,juridiqueetpolitique».Parlantencoredelui,ainsiquedesonpère«legrandrénovateurduritemalékite »,Abdul-Hâdi nous donne quelques détails sur la vie duCheikhElîsh : « Ils se sont tenus loin des intrigues politiques de toutes sortes. Leurintégrité,leuraustéritéetleurprofondsavoir,unisàuneascendanceillustre,leurpromettaientunepositionexceptionnellementprépondéranteenIslam; ilsn’envoulurentriensavoir.

«Cequiaétablilalégendedeleurfanatisme,c’estunefatwârestéecélèbre,laquelle,disait-on,eutpourconséquencelarévolted’ArabîPachaen1882».

(IciAbdul-Hâdi examinecequ’estune fatwâ aupoint devue juridique, etpourquoiunetelledécisiondejuriconsultedonnéedansl’exercicerégulierdelafonction de muftî ne pourrait jamais attirer contre celui-ci des sanctions dupouvoirpolitique).

«A la suitedesévénementsde1882, lesdeuxCheikhsElîsh, lepèreet lefils,furentjetésenprisonetcondamnésàmort.Lepèremourutenprison;lefilsfutgrâciéetexilé…21

«LamauvaisefortunepoursuivitleCheikhjusquedansl’exil.Sanotoriété,sa naissance, son intégrité même, le rendaient suspect ; et sous la sotteaccusationd’aspirerauCalifatuniverseldumondemusulman,poursonproprecompteoupourceluiduSultanduMaroc,ilfutdenouveaumisenprison,cettefoissurl’ordred’unprincemusulman.

«Pendantdeuxans, il restadansunecellule immondeoù toutechoseétaitpourritureetoùl’eaumenaçaitdefaireirruption.Pourl’épouvanter,onfit tuerdevantluidescondamnés.Finalement,ileutsagrâce,etonluiconcédaunexilhonorableàRhodes22.

«IlavaitséjournéencoreàDamas,oùlecélèbreadversairedesFrançaisenAlgérie, l’Emir Abd El-Kader, devint son aml et condisciple dans le mêmeenseignementspirituel23.Lorsquel’Emirmourut24,leCheikhluifitlesderniersoffices et l’enterra à Sâlihiyyé, à côté de la tombemêmeduGrandMaître, leCheikhMuhy-d-DînIbnArabî.

«Amnistiépar la reineVictoria25, leCheikhrentrapours’établirauCaire.

Delà,ilirradiesoninfluencebénéfiquedanslemondemusulmannonseulementcommesommitéscientifique,maisencorecommechefsuprêmedebeaucoupde

congrégationsreligieuses.Commetoujours,ilsemaintient–etlessiensaveclui–loinetau-dessusdespetitesintriguesdujour,delacorruptionetdescupiditésquiallèchentl’âme.

Chaque fois que vous rencontrez en Orient un homme supérieur par lecaractèreet lesavoir,vouspouvezêtresûrdevoustrouverenprésenced’un«châdhilite».Maintenant,c’estsurtoutparlavertudelarectitudeetdelahautespiritualité du Cheikh Elîsh que cette admirable congrégation maintient lessublimes traditions de son fondateur, le Très-Heureux Abû-l-Hasan ach-Châdhilî,àtraverslacontaminationgénérale».

Dans le n°2, que nous ne possédons pas, la revue avait publié l’article duCheikhElîshsurle.Unetraductionitalienneenfutdonnéedanslen°5-8(sept.-déc.1907).Letitreenest :«LePrincedelaReligion, leGrandPôleSpirituel,l’Etoilebrillantedanstouslessiècles».

Al’occasion,larédactiondisait:«LevénérableCheikhElîsh,quiestpourainsidire ledescendantspirituel

d’Ibn Arabî, s’étant beaucoup intéressé à nos traductions et études du grandmaîtreduSoufisme,nousapromissaprécieusecollaboration.Lasuivanteestlatraductiondesonpremierarticlequiestbaséàsontoursurl’autoritéducélèbreImâm ach-Cha’râni dont les jugements font loi en matière d’orthodoxie etd’hétérodoxie, lui-même ayant été un des plus grands Soufis de l’Islam et undocteurprofondenmatièredelatraditionetdelaloisacrée;sonexcellentlivreEl-Mîzân (La Balance) dont nous avons déjà parlé, est le plus beau livre quiexistedansledomainedelajurisprudencecomparée».

L’articleduCheikhElîshestunecourteprésentationdelafigureduCheikhal-Akbar.Quelquesnotesprobablementdelamaind’Abdul-Hâdi,accompagnentcettetraduction.Danscepassageoùl’articledeCheikhElîshditqueleCheikhal-Akbar était porté dans toutes ses activités par l’Esprit-Saint, une note dutraducteur dit : « les Soufis parvenus à certains degrés, reçoivent du mondespirituel supérieur des ordres directs auxquels ils obéissent et qui déterminentleurs actes, gestes et paroles. Le Cheikh Elîsh est dans ce cas ». Plus loin,l’article rappelle l’orthodoxie éminente du Cheikh al-Akbar : « Il s’attachafortementàlaRévélationdivineetàlatraditionprophétiqueetdisait :«CeluiquirepousseunseulinstantlabalancedelaLoisacréepérira».LeCheikhMajdad-Dîn al-Firûzabâdî, l’auteur du grand Trésor de la langue arabe intitulé leQâmûs(l’Océan),aécrit:«Plusd’unaencoreditquenulsoufin’aétéaussienavantenésotérismeetexotérismequeleCheikh(al-Akbar)Muhy-d-Dîn.C’estpourquoi son orthodoxie est aussi pure et grande que celle de n’importe quelthéologienden’importequelreligion».Acetendroit,unenotedutraducteurdit:«Ici,nousnouspermettonsderéclamerl’attentiondulecteursurlefaitqu’un

des plus célèbres hommes de science parla spontanément, sans être réfuté, del’orthodoxiedeplusieursreligionsàlafois».

La traduction s’arrête après deux pages avec l’explication suivante donnéeparlarevue:«LafindecetarticleduCheikhElîshseréfèreàl’œuvredenotrecollaborateurAbdul-Hâdiquinousaparlédenepasenreproduirelatraductionparce que, dit-il, cette partie contient des termes trop élogieux pour lui. LeCheikhElîsh le remercie pour le service qu’il rend à la civilisation en faisantconnaîtreet comprendreauxhommesdenos joursunesprit aussi superbequeceluideMuhy-d-Dîn;ill’exhorteàcontinuersesétudes,sanssepréoccuperdelahainequesonœuvreislamophilepeutsusciterparmicertainsgroupesdesoi-disantmusulmans».

Lesconseils spirituelsduCheikhElîshétaient suivisdeprèspar legrouped’études qui se formait autour de la revue. Dans le n°3-4 qui suivait lapublicationenarabedel’articleduCheikh,unenoticefaisaitsavoirqu’ilvenaitdeseconstituer«enItalieetenOrientunesociétépourl’étuded’IbnArabî»(leCheikhal-Akbar).Lanouvellesociétéavaitprislenomd’«Akbariyyah»26etseproposait:

1. «D’approfondir et de diffuser les enseignements aussi bien exotériquesqu’ésotériques du Maître, par des éditions, traductions et commentaires desœuvresdecelui-cietdesesdisciples,commeaussipardesconférencesetdesréunions.

2.«Deréunirautantqu’il serapossibleetconvenable, tous lesamiset lesdisciples du Grand Maître, pour former de cette façon, sinon un lien defraternité,dumoinsun rapprochementbasésur la solidarité intellectuelleentrelesdeuxélitesd’Orientetd’Occident.

3. « D’aider matériellement et moralement tous ceux qui présentent latradition « mohiyyiddienne »27, surtout ceux qui par la parole et les actesœuvrerontpoursadiffusionetsondéveloppement.

« Le travail de la société s’étendra encore à l’étude d’autres Maîtres dumysticisme oriental, comme par exemple Jalâl ad-Dîn ar-Rûmî, mais le sujetprincipalresterabienentendu,IbnArabî.

«La sociéténe s’occupera absolumentpasdequestionspolitiques, quellesqu’elles soient, et ne sortira pas de la recherche philosophique, religieuse outhéosophiquesurlaquelleellesebase.»

SimultanémentlarevuedéveloppaitsesétudessurleTasawwuf,tantdanssapartie arabe que dans la partie italienne. Abdul-Hâdi commençait en outrel’éditiondecertains inéditsduCheikhal-Akbar,dontcertainsn’ont jamaisétéconnusdesOrientalistesetquilesontrestésjusqu’ici.Dansunenoticeildisait:

«Ayant eu la chance de trouver une vingtaine d’œuvres inédites d’IbnArabî,manuscritsraresetprécieux,pendanttoutcetempsnousnefumesoccuperquedelesanalyser».

Malheureusement des réactions des milieux modernistes ont aboutifinalementàl’interdictiondelarevueetàl’interruptiondesétudescommencéesenEgypte.Ilestpossiblequelen°5-8quiestdeseptembre-décembre1907soitundesderniers,sinonlederniermême.

Dans ces quelques éléments documentaires, qui ne sont certainement pastous ceux qu’on pourrait trouver, nous constatons qu’il est question, chez leCheikhElîshet ses compagnons,deconcordancedoctrinaleentre l’Islamd’uncôté et le Christianisme et la Maçonnerie de l’autre, de la nécessité d’unerevivificationdesréalitéstraditionnelles–toutd’aborddansl’ordreintellectuelet initiatique -, d’un essai d’établir un trait d’union spirituelle entre Orient etOccident, et de lanotiond’uneélite à laquelle revient cette fonction, enfindurôle de l’intellectualité islamique et surtout de l’enseignement du Cheikh al-Akbardanscetravail.LeslecteursdeRenéGuénonyreconnaîtrontfacilementcertainesthèsesfondamentalesdesonœuvrequiapparaîtraainsiencoreunefois,non pas comme la création d’une individualité originale et d’une penséesyncrétiste, mais comme le développement d’une idée providentielle dont lesorganesd’expressionetd’applicationfurentmultipleset leserontcertainementencorejusqu’àcequelafinalitéprévuesoitatteintedanslamesureoùelledoitl’être.

Aprèscedébutenterred’Islam,Abdul-HâdiarrivaitfinalementenFranceoùilrencontraRenéGuénonquiàlamêmeépoqueéditait«LaGnose».C’estlàque reprit en 1910, l’activité d’Abdul-Hâdi qui par ses études et surtout destraductions qui s’étendirent jusqu’à la cessation de cette revue avec le n° defévrier 1912, époque à laquelle se situe le rattachement de Réné Guénon àl’IslametsoninitiationauTasawwuf.Ducôtéitalien,ilsemblequ’iln’yeutpasàl’époquedeconséquencesdansl’ordredesétudestraditionnelles.Laguerrede1914suspenditmêmeenFrancetouteactivité.Abdul-Hâdiétantmorten1917àBarcelone,RenéGuénonrestaseulenEuropeàcontinueràdévelopperdansuneperspective totalement universelle l’œuvre esquissée initialement par les «Akbariyyah», jusqu’àceque lesécritsaient suscitéd’autres intellectuelsdontles plus importants se groupèrent progressivement autour du « Voile d’Isis-Etudes Traditionnelles ». Peu avant, par unmouvement significatif quant auxpositions extérieures, Guénon est allé se fixer en Egypte où le Cheikh Elîshvenaitdemourir,etc’estde làqu’ilexerçasaplus importanteactivitépendantplusd’unevingtained’années:livres,articlesetcorrespondances.

L’idéetraditionnelletellequ’onlaconnaîtaujourd’huienOccidentàlasuitedel’œuvredeRenéGuénon,aainsihistoriquementunesûreorigineislamiqueetakbarienne.Cetteorigineimmédiateetparticulièren’exclutpointqu’elleenaitune autre généralement orientale, car l’unité de direction de tout l’ordretraditionnel comporte la participation de facteurs multiples et divers, agissanttousdansuneparfaite cohérence et harmonie.L’Islam lui-mêmeapparaît dansl’œuvredeRenéGuénonparcequ’ilyaenluideplusessentielettranscendant,etdoncdeplusuniversellementtraditionnel.Aussilapremièreintention,quiestaussilamajeure,decetteœuvre,est,àlafaveurd’unereprisedeconsciencedesvéritéslesplusuniversellesetlespluspermanentes,derappelerl’Occidentàsapropretradition.Lesautresconséquencespossibles,quelquesoitleurdegrédeprobabilitécyclique,neviennentlogiquementqu’àtitresubsidiaire.

Il était dans l’économie la plus normale des choses que, à l’égard del’Occidentmoderne,lafonctionintellectuelledeladoctrinetraditionnelleprenneson appui immédiat dans l’Islam, car celui-ci est l’intermédiaire naturel entrel’Orientetl’Occident,etparcelailestsolidaire,mêmesurleplanextérieur,detoutl’ordretraditionnelterrestre.C’estcelamêmequirépondàlaquestionquiconcernaitlerapportentrelapositionpersonnelleislamiquedeRenéGuénonetsafonctiondoctrinalegénérale.

D’autre part, nous avons trouvé que le sens de son œuvre et les lignesgénéralesdesontravailontétéénoncésparsonmaîtreleCheikhElîsh,quifutànotreépoqueuneautoritéparexcellencedel’orthodoxieislamiquesoustouslesrapports. Ce Cheikh représentait en même temps l’héritage intellectuel duCheikhal-AkbarMuhy-d-DînIbnArabî,l’autoritéparexcellenceduTasawwufetdeladoctrineislamique.Celarépondàl’autrequestionrelativeàl’orthodoxieislamique de l’enseignement de René Guénon. Les critères profonds del’orthodoxie, comme nous l’avons dit, se trouvent dans l’intelligibilitémétaphysiquedeladoctrine,mais,étantdonnéesdesincompréhensionscommecellesquenousavonsmentionnéesaudébut,ilesttoutdemêmed’unecertaineimportancedeconstateraussiquelaprocessionapparentedel’enseignementdeRené Guénon et de sa fonction s’inscrit en même temps dans une lignéed’autorités dont le caractère manifeste est l’orthodoxie la plus pure etl’intellectualitélaplusuniverselle.

II

L’œuvredeGuénonenOrient28

Nous sommes au courant depuis plusieurs années des progrès que fait laconnaissancedel’œuvredeRenéGuénondanslesmilieuxintellectuels,etplusspécialementuniversitaires,dumondeindo-pakistanais29.Ilesttemps,pensons-nous, de prendre acte a ce sujet, dans une chronique, de quelques faitscaractéristiques.

M.MohammadHassanAskarî, Professeur de littérature anglaise a IslamicCollege (Université deKarachi), qui, dans les années précédentes, a publié enanglais un article sur Guénon et sa vie, vient de rédiger en ourdou (langueofficielleduPakistan)deuxbrochures:

1. Un répertoire d'environ 200 erreurs que commettent les gens d'espritmoderneal'égarddesdoctrinesetdesréalitéstraditionnelles;

2.Unecourtehistoiredudéveloppementdelamentalitémoderne.L'auteuraprésentél'annéedernièrecestravauxauMuftîMohammadChafi',

Recteur de laDâru-l-'Ulûm deKarachi qui, les trouvant fort bien venus, en ainscritl'étudedansleprogrammedel'annéeuniversitaire1968-1969.Pendantlestrois mois du dernier automne, le Prof. Mohammad Taqî (le propre fils duRecteur)quiavaitreçulachargedecedéveloppement,aprislestextesrespectifscommebased'uncours,trèssuividureste,quisecontinueen1969.Onrapportede 1'enseignement dispense ainsi la phrase suivante : « L'analyse faite parGuenonmontrequ'ilestfermedanslavoieduProphèteetdesescompagnons»;cecisignifie,enoutre,pournousqueleclimatspiritueldecesrégionsasiatiquesestbeaucoupplusouvertauxconceptionsuniversalistesdelatraditionqu'onnel'auraitpensé.–Enoutre,l'altérationproduiteparl'espritmoderneyestd'ailleursbeaucoupmoinsprofondequenelecroientlesOccidentaux,mêmedementalitétraditionnelle,quiselaissenttropfacilementimpressionnerparlesdégradationsextérieures du décor et du style social30. –M.Askarî nous informe enmêmetempsque,dansl'Indemême,lesjeunesMusulmanss'intéressentdeplusenplusauxidéestraditionnellesdansleurélaborationguénonienne.

Pourmieux se rendre compte des particularités favorables que présente larégiontraditionnellerespective(laquellecorrespondàlanotiongéographiquede« sous-continent asiatique ») nous citerons quelques passages (rajustésseulement au point de vue verbal) de la correspondance antérieure avec M.Askarî qui, en envisageant de traduire en ourdou plusieurs de nos propresarticles, nous disait ceci a propos de celui intitulé « L'Islam et la fonction deRenéGuenon»:

« Dans ce dernier article vous examinez la question de l'introduction desouvragesdeGuénondansunmilieuislamique.J'aicertaineschosesadiresurcepoint.

«Jeneconnaispas l'atmosphère intellectuelleexistantdans lesautrespaysislamiques.MaisquantauxMusulmansduPakistanetdel'lnde,lasituationestun peu différente. Tout d'abord il est important de réaliser que nous n'avonsjamaisinsistésurladivisionentreSharîatetTarîqat31,maissurleurharmonie.Cheznous lesplusgrandsmaitresésotériquesont toujoursétéenmcmetempsdes maitres de l'exotérisme ; tel est le cas, par exemple, du Cheikh AhmedSirhindî,duShâhWaliyullâhad-Dihlawî,ainsiquedesestroisfilsShâhAbdu-l-Aziz,ShâhAbdu-l-Qâdir,ShahRafî’ud-dîn,etenfinlecasdeShâhAshrafAlîquiestleplusgrandmaîtreesotériqueetexotériquedu20esiècle.Ainsi,iln'estnullementchoquantpournousquandGuenonconsidèreleschosesd'unpointdevueesotérique.

«Quantalaquestiondelaprésentationdel'œuvredeGuénondansunmilieuislamique,vousdites, page16:«Mais ces avantagesd'intelligibiliténevacantquepour une élite, sa synthèsedoctrinale ne saurait être portéed'embléedansune langue de civilisation à base religieuse, où la présence d'un enseignementdogmatiqueofficiel et la foi aux formesparticulières de la révélation sont deséléments constitutifs de la tradition ». Et à la page 17 : « Une présentationéventuelle de l'œuvre de René Guénon dans un milieu traditionnel islamiquedevrait par conséquent se faire avec une référence compétente aux doctrinesésotériques etmétaphysiques de l'Islam, tout en tenant compte de ce qu'il y ad'inévitablementdélicatpouruneexpositiondesdoctrinesésotériquesdel'lslam,mêmedevantunpublicquinesauraitêtreconsidérédanssonensemblecommecapable de comprendre les choses de cet ordre. »Et plus explicitement sur lapage 24 vous mentionnez les « conceptions purement intellectuelles quicaractérisentlasynthèsedoctrinaledeRenéGuenonetquiauraientbesoind’uneprésentationetd'unejustificationplusparticulièredansunmilieudecivilisationislamique».Jepensequel'attitudeintellectuelleetmétaphysiquedeGuénonneserapasgênantepournoslecteurs.

Pendantcinqousixsièclesnousavonseudesouvragesinnombrablesquisesontplacésdans lamêmeattitudeetdumêmepointdevue.Nousnepouvonsoublier le rôle qu'a joué laDâru-l-'Ulûm àDeobend pendant les derniers centans. ShâhAshrafAlî qui avait une connexion intime avec cette «Maison desSciences(ausenstraditionneldumot)»aexpressémentdéclaréquedenosjoursle sulûk 'ishqî [marche initiatique basée principalement sur la vertu du désirspirituel] avait perdu une grande part de sa validité, et était devenu mêmedangereux:lui-mêmeconseillaitasesdisciplesl'adoptiondusu!ûk'ilmî[marcheinitiatiquebaséeprincipalementsurlacompréhensiondoctrinale.]32.

Sur lapage28,vousenvisagezlaquestiondesautoritésexotériquesdevantles écrits de Guénon. S'il fallait trouver une justification a dans cet ordre, jepensequ'ellepeutveniraisémentdenosmaitres.Pourmonproprebénéfice,j'aisouventrelevédanslesouvragesdeceux-cidesconstatationsconfirmantcequedisaitGuenon;ilestdommagequejen'aipasprisdenotesàcetégard.

Sur lapage29,vousparlezd'hostilités rencontréespar leCheikhal-Akbardanslesmilieuxexotéristes.Cen'estpaslecascheznous.Certes ilyaeudesobjections – les plus remarquables venant d'ailleurs, non du cote exotérique,mais du grand maitre ésotérique Cheikh Ahmed Sirhindî. Et la défense duCheikhal-Akbarestvenuenonseulementducoteésotérique,maisaussiducote«exotérique» :unedesmeilleuresdecesdéfensesesteneffetvenuedeShahAshrafAllquioccupaitincontestablementlafonctiond'autoritéexotérique[toutenétant,bienentendu,unmaitreésotériqueégalement].Ilaconsacrédeuxpetitsouvrages a ce sujet. Ainsi, nous n'avons jamais manqué de respect et derévérence pour leCheikh al-Akbar. SesFutûhâtMakkiyya sont souvent citéescommeautoritédanslesouvragesexotériquesqu'onpubliedenosjours.C'estlecas spécialementdesgensappartenant à laDâru-l-'UlûmdeDeobendqui sontconnuspourleurorthodoxieexotériqueetpourleursévéritéàcetégard.

Notremilieu n'est pas hostile à la conception de laWahdatu-l-wujûd33. Laplupartdesgensrestentsilencieuxsurcettequestion.Maisc'estlethèmecentralde notre poésie traditionnelle en ourdou ou en dialectes comme le punjabî, lesindhi et le pushtu.Les habitants de nos villages chantent laWahdatu-l-wujûdtouteslesnuits.

Quantàcequevousditessurlaquestiondel'universalitétraditionnelle,page31,etsur l'usageparGuénondetermesetconceptshindous,permettez-moidefairequelquesprécisions:

a)Au17e siècle, le princeDârâShikûh, fils de l'EmpereurShâhDjahân adéjà préparé une correspondance entre les termes ésotériques hindous et lestermes islamiques. C'est un petit livre nommé Majma'u-l-Bahrayn (= La

Réunion des deuxMers)34 (6) ; la traduction en ourdou est accessible mêmeaujourd'huipourundemi-franc.

b)LeCheikhAhmedSirhindî lui-mêmeareconnu lavaliditédesdoctrinesvédiques. Ce dont il doute ce sont les possibilités de réalisation offertes parl'Hindouismeactuel.

c) ShahWaliyullâh ad-Dihlawî a écrit sur les doctrines védiques dans sonouvrageLamahâtquejevousaidéjàenvoyé.

d)LedocumentleplusexplicitesurcettequestionestunelettreparHazratMaz'harDjânîDjânâncontemporainetamideShahad-Dihlawî(18esiècle)quiappartenaitàl'ordredesMujaddidiyyaNaqshabandiyyaetquiétaitreconnuparShahad-Dihlawîcommeunsaintplusgrandquelui-même,etquiétaitaussileCheikh du Qâdi Thanâu-Llâh (tous ces maîtres, étant d'une orthodoxieincontestable).Cetteautoritéadmetlavéritédesdoctrinesvédiques,maisadesréservesquantàlavaliditéactuelledelatraditionhindoue.

e)Unautresaintdu18esiècle,ShahKâzimQalandaraécritdespoésiessurle thème de la Wahdatu-l-wujûd en employant des termes et des symboleshindous.Iln'estpasleseulàl'avoirfait.Maisjementionnesonnomparcequesespoésiesontétépubliéesavecuncommentairedétaillé.PareillechoseàdiredespoésiesdesonfilsShahTurâbAlîQalandardu19esiècle.»

Nousarrêtons làcette fois-ci lescitationsde la richeetpittoresquefresqueintellectuellequenousavaluecesdernièresannéesnotrecorrespondanceavecleProf.Askarî.MaisnousyreviendronsprochainementencoreàproposdeRenéGuenon.

ADDENDUMDEL'EDITEURDanslenumérodemai-août1970desEtudesTraditionnelles,MichelVâlsan

a présenté et publié une lettre du Prof. Askarî, sous le titre : « Tradition etmodernismedanslemondeindo-pakistanais».Nousrenvoyonslelecteuràcetarticle.

Remarquons que le Prof. Askarî, dans le dernier paragraphe de sa lettre,écrivait:

« Jeme remémore ce que le grandmaître soufi du XXe siècle,MawlanaAshrafAlîThanvîaditàsesdisciplesunjourde1930environ:«Tellesquejevois les choses, les défenseurs de l'Islam viendront maintenant d'Europe »35.C'étaitexactementl'époqueàlaquellel'œuvredeGuenonprenaituneformepluscomplèteetqu'ilabordaitlesétudessurleTasawwuf36(2).Etjecroisfermementque Guenon est le guide intellectuel dont les Musulmans ont spécialementbesoin aujourd'hui pour faire face aux tentations et aux provocations de lacivilisation moderne, de même que les hommes appartenant à toutes lestraditions.»

III

SURLECHEIKHAL-'ALÂWÎ(1869-1934)37

L'ouvragedeM.MartinLingsparu récemmenten traduction française,UnSaintMusulmanduvingtièmesiècle :LeCheikhal-'Alâwî38, adéjà fait l'objetd'uncompterendudanslesEtudesTraditionnelleslorsdelapublicationdesonéditionoriginale anglaise39.Nous profitons de la nouvelle occasion pour faireremarquer un point particulier des données biographiques rapportées dans celivre, qui, corroboré par d'autres éléments documentaires et éclairé par desnotionsdoctrinalesduTasawwuf,peutmontrerunaspectnon-relevéjusqu'icidelafiguredecemaitrespiritueldenotreépoqueetdesafonctionspirituelle.

Toutd'abord,dansletextedessouvenirsduDr.MarcelCarretqueM.Lingsa inclus dans le chapitre I de son livre, l'utilisant ainsi comme entrée enmatière40,on trouveparmi lesnotations initialesunequiconcerne l'impressionquefitleCheikhAl-'Alâwîaumédecinfrançaislorsquecelui-ciluirenditvisitepourlapremièrefoisalazâwiyadeMostaganem:«Cequimefrappadesuite,cefutsaressemblanceaveclevisagesouslequelonacoutumedereprésenterleChrist. Ses vêtements si voisins, sinon identiques, de ceux que devait porterJésus, levoilede trèsfin tissublancquiencadraitses traits,sonattitudeenfin,tout concourrait pour renforcer encore cette ressemblance. L'idée me vint al'espritqueteldevaittitreleChristrecevantsesdisciples,lorsqu'ilhabitaitchezMarthe etMarie » (p. 17)41. Plus loin dans son texte reproduit (p. 21), leDr.Carret,enparlantencoreduCheikhAl-'Alâwî,emploielestermes«cettefigurede Christ ». Beaucoup de lecteurs penseront qu'il y a là, surtout chez unEuropéenmoderne qui n'aurait pas trop le souci, ni lesmoyens de nuancer sasensibilité, une référence sommaire a unenotion communede sainteté dans lemonde occidental, appuyée sur une analogie d'ordre esthétique. Nous avonsquelques raisons de ne pas penser ainsi, et plusieurs autres considérationspeuvententrerenlignedecomptepourexpliquer,dansunecertainemesuretoutaumoins,la«ressemblance»relevéedanslerécitdumédecinqui,ànotreavis,estplutôtlatraductiond'unélémentplussubtilquel'apparencephysique.

Lorsdesévénementsqui suivirent lamortduCheikhAl-Bûzîdîquin'avaitpasvouludésignerlui-mêmesonsuccesseur,laissantexpressémentlachoseala

décision divine, et lorsque le groupe des affiliés de la zâwiya deMostaganemavec leurs muqaddams se demandaient qui devaient-ils reconnaitre commenouveaucheflocalavanttout,beaucoupdemembresdelaconfrérieeurentdessonges spirituels dont il résultait que le successeur aumaqâm du Cheikh Al-BûzîdîetaitleCheikhAl-'Alâwî.LeCheikhSidiAddaBenTunes,danssonlivreAr-Rawdatas-saniyya (Mostaganem,1354H.=1936),ditqueces«visions»furenttrèsnombreuses:ilenretientdéjàunesoixantaine;M.Lingsenatraduit(pp.76-80)six,dontuneduCheikh'Alâwîlui-même.Or,àpartcesdernières,ily a parmi les visions rapportées dans l'ouvrage arabe quelques autres quiprésententuncaractère tellementparticulier et significatif àunégardquinousintéresse ici qu'il serait vraiment regrettable de ne pas les relever en cettecirconstance.Noustraduisonslespassagesrespectifs:

«UnedecesvisionsfutcelledontinformaleCheikhSidiAbdu-r-RahmanBû'azîzlechefdelazâwiyadupaysal-Jaâfirahendisant:«Undesfuqarâ’nousa raconté qu'il a vu la lune fendue en deuxmoitiés et qu'une planche (lawha)suspendue à des chaines en descendit qui ne cessa de s'approcher de la terrejusqu'à ce qu'il ne restât que peu d'écart.Or voilà qu'apparut au haut de cetteplanche de Maitre Al-'Alâwî – qu'Allâh soit satisfait de lui ! – et avec luiSayyidunâAïssâ(notreseigneurJésus)–surluilaPaix!–Unhérautsedressaetcria:«QuiveutvoirAïssâ(Jésus)–surluilaPaix!–avecleMaîtresuprême?Lesvoiciqui sontdescendusduciel !Empressez-vousdonc !»La terre futalorssecouéeviolemmentavecsesêtres,ettouteslescréaturesserassemblèrentetdemandèrentdemonteravec leMaîtresurcetteplanche. Il leurrépondit :«Restez en attente !Nous reviendrons chezvous ! – (p. 138).Une autrevisiondontinformaleCheikhAl-HassanbenAbdel-Azizat-Tilimsânîestlasuivante:«Jemesuisvumoi-mêmeaumilieudelavalléedelavilledeTlemcen,quiétaitremplieduneimmensefouled'hommes;ceux-ciattendaientlaDescente(Nuzûl)d'Aïssâ(Jésus)–surluilaPaix!–duciel42.Orvoiciqu'unhommeendescenditeffectivement,etonendisait:«C'estluiAïssâ!».Orquandmonregardtombasurluijetrouvaiquec'étaitSidiAhmedbenAlioua(=Al-'Alâwî)–qu'Allâhsoitsatisfaitdelui!»(p.135).

«LavisiondontinformaleChérifvénéré,lesaintd'AllahSidiMohammedbenat-TayyibbenMûlayal-'Arabîad-Darqâwî–qu'Allâhnousfassebénéficierdesesbénédictions!–estcelle-ci:«jevisungrouped'hommesquiinformaientdelaDescented'Aïssâ–surluilaPaix!–etquiaffirmaientqu'ilestdescenduetqu'ilavaitdanssamainunsabredeboisaveclequelilfrappaitlapierreetcelle-ci se transformait en homme véritable (rajul), et frappait la bête et celle-cidevenaitunêtrehumain(insân).Orjeconnaissaiscethommedescenduducielet j'étaisen relationsépistolairesavec lui, ilm'écrivaitet je luiécrivais. Jeme

préparaidoncàlerencontrer,etlorsquejeletrouvaijeconstataisquec'étaitleCheikhSidiAhmedAl-'Alâwî–qu'Allâhsoitsatisfaitdelui!–saufqu'ilavaitl'aspectd'unmédecinquitraitaitlesmaladesetquiétaitaidéparplusdesoixantehommes.»(p.137).

A part ces visions en songe nous en citerons une autre qui semble avoirprocédédel'étatdeveille,maisquiadusetransférerentreveilleetsonge(encederniercasils'agiraitplusexactementd'unewâqi'a,«événement»):

«Cedontainformélefidèleenamour,l'êtreaufondpur,SîdîAhmedHâjîat-Tilimsânî endisant : «Pendantque jevaquais a l'invocation suprême (adh-dhikr al-a'zam)43 (6), je vis les lettres du Nom de laMajesté divine (Ism al-Jalâla)remplir l'universentier.Or,deces lettres, jevisseconstituerensuite lapersonneduProphète–qu'Allâhluiaccordegrâcesunitivesetgrâcespacifiques!–sousuneformelumineuse.Puislesmêmeslettressemanifestèrentsousuneautreforme,danslaquellejeperçuslafigureduCheikhSidiAhmedbenAlioua,sur le corps duquel était inscrit : Mustafâ Ahmed ben Alioua, après quoi,j'entendisunevoixcrier:«Témoins!Observateurs!»(Shuhadâ'!Ruqabâ'!).Ensuiteceslettres(dunomdivin«Allah»)serévélèrentunetroisièmefois,etce fut sous la formeduCheikhdont la têteportaitunecouronne.Pendantquenous restions ainsi, voici qu'un oiseau descendit sur sa tête et me parla : «Regarde,c'estlemaqâm(stationspirituelle)d'Aïssâ(Jésus)»–surluilaPaix!»

Unedizained'autresdes«visions»rapportéesdanslelivreduCheikhAddamontrentunerelationexpliciteetdirecteduCheikhAl-'AlâwîavecleprophèteMuhammadcequi,enpareillematièreest,pourrait-ondire,choseparfaitementnormale;unedecelles-ci,rapportéedelapartduCheikhAl-'Alâwîlui-même,se trouve citée dans le livre de M. Lings. Mais celles dont nous venons dedonner la traduction et qui mentionnent chacune une relation particulière duCheikhAl-'Alâwîavec«SayidunâAissâ»etplusprécisémentavecsa«stationspirituelle» (maqâm)enIslam,constituentunphénomènefortpeucommunetque l’onn'apasencoreexpliqué, ànotreconnaissance tout aumoins : en toutcas, le Cheikh Adda, dans le volume que nous citons n'en donne aucuncommentaire,etM.Lingsdesoncôtén'en faitaucunemention.Pournous,cegroupeparticulierde«visions»est significatifnonseulementducasspirituelpersonnel du Cheikh Al-'Alâwî, mais encore de sa fonction initiatique. Plusexactement nous avons là, tout d'abord, un exemple illustratif de ces typesinitiatiques qui existent en formule muhammadienne et dont parle Ibn Arabidans sesFutûhât, ainsi que nous l'avons déjà signalé en d'autres occasions44.Nouspréciserons iciencoreque la formeprophétiquemuhammadienneen tantquesynthèsefinaleducycleprophétiquedepuisAdaminclutetrésumesousles

types de spiritualité représentés par les prophètes antérieurs dont les plusimportants et les plus caractéristiques sont mentionnes par la révélationcoraniqueetparleshadithsduProphète45.Ladoctrined'IbnArabîexpliqueleschoses ainsi : leProphèteMuhammad, ou sa lumière, fut la première créationdivine ; de sa lumière furent tirées les lumières des autres prophètes qui sontvenus successivement dans le monde humain comme ses lieutenants - ; lui-mêmeestvenucorporellementalafinducycledelamanifestationprophétique,etc'estainsidurestequelesloisdeseslieutenantssetrouventalors«abrogées»etremplacéesparlasiennequilescontienttoutesenpuissance,dèsl'origine,etqui,quandellelesretrouveenactesurleplanhistorique,lesconfirmeounon,selon le régime providentiellement assigné a la dernière partie des tempstraditionnels.De toute façon, indépendammentde laprésenceactuelle,dans lemonde,deloisformuléesparlesrévélateursantérieurs,lesentitésspirituellesdeceux-ci figurent comme des réalités inhérentes, constitutives de la formemuhammadienne elle-même et comme fonctions présentes dans l'économieinitiatique de l'Islam. C'est en raison de cela que les hommes spirituels duTasawwuf vivent et se développent initiatiquement, et cela sans aucun choixdélibérédeleurpart,selontelouteltypespirituelquileurcorresponddefaçonnaturelle,soitdunefaçongénéralesoitdansl'unedesphasesdeleurcarrière;ilsn'en réalisent bien entendu les possibilités que pour autant que celles-ci setrouvent en eux-mêmes. Certain peuvent ainsi avoir à passer successivementsous le régime initiatiquedeplusieursdecesentitésprophétiquesparticulièresinscritesdanslasphèretotalisatricemuhammadienne46.

PourcequiestducasduCheikhAl-‘Alâwî,nousn'avonscertes,avecles«visions»dontils'agit,quedesdocumentsindirects,occasionnelsetlimitésàunseulmomentdesavie,maiscemomentétaitparticulièrementimportantpourlacarrière personnelle dumaître et pour les destinées historiques de la tarîqa alaquelleilappartenait.Celle-ci,àpartunrôlenormaldanssoncadreislamique,ayant aussi à constituer la présence effective du Tasawwuf, comme voieinitiatique, aux confins dumonde occidental et même à l'intérieur de la zoned'influence européenne sur le monde musulman qui fut aussi celle d’unepénétration inverse, devait s'exprimer à travers desmodalités appropriées à uncontact effectif et efficace avec la sensibilité intellectuelle de l'Occident.Cettesensibilité malgré les altérations et les oublis infligés par le modernismeantitraditionnel, devait être, dans la mesure où elle subsistait, de caractèreprincipalement christique. Dans ces conditions la présence de nos jours d'unspirituelmusulmandetype«aïssawî»47àlatêted’unebranchenord-africainedelaTarîqaShâdhiliyyanepeutapparaîtrequebiencompréhensibleetd'autres

faitsconcomitantsousubséquentsnefontqueconfirmercettefaçondevoirleschoses.

AusujetdesChadhilitesnous rappelleronscequenousavonsnous-mêmesécritentraitantdessourcesislamiquesdel'œuvredoGuénon48.Enmentionnantl'intérêt plus direct de l'Islam, parmi toutes formes traditionnelles orientales, àtoutcequiconcernelesortdel'Occidentetlespossibilitésdesonredressementtraditionnel,nousavonssignalélerôleduCheikhchadhiliteégyptienElîshEl-Kebir.Celui-ciestl'auteurdelafameusedéclarationcitéeparRenéGuenonauchap.IIIdesonSymbolismedelaCroix(1931):«SilesChrétiensontlesignedelaCroixlesMusulmansenontladoctrine.»C'estd'ailleurssurtoutàpartirdedonnées doctrinales provenant de ce maitre que Guénon écrivit ce livre quioccupeuneplacecentraledansl'ensembledesonœuvreetquiconcerneauplushaut point les modalités occidentales de participation à l'intellectualitétraditionnelle.Nousn'avonspasl'intentiond'insisterautrementsurcepoint,danslacirconstanceprésente,etnouspréciseronsseulementquecelivredeGuénon,etàsasuite, tousceuxdesonœuvrequi traitentdusymbolisme,procèdentdeprincipescaractéristiquesdeshommesspirituals«aissawîs»,principesquisontceux de la Science des Lettres ('Ilmu-l-Hurûf) entendue surtout au sens deconnaissanceetartduSouffledivinoudevie(les«lettres»étantavanttoutleséléments articulés du Verbe). Ajoutons aussi que cette science spirituelle futcelled'Al-Hallâj,célèbre«aissawî»des3eet4esièclesdel'Islam(=858-922),dontlecas,parunecoïncidencequin'ariendefortuit,constitueànotreépoqueégalement le thèmeparexcellencede l'interprétationorientalisteduTasawwuf.Or le cas de Hallâj comportant des particularités et des accidents difficiles asituer, surtoutquandonn'apasunpointdevue traditionnel,onen fitd'autantplusfacilement,maisnonsansdistorsions,unesubtilemachinedeguerrecontrel'Islam en son ensemble, à laquelle ont succombé même des Orientauxmodernes, tributairesdemilieuxuniversitaires européens. Il y a eu là, peut-ondire, comme la contrepartie des rapports intellectuels dont nous parlions plushautentreIslametOccident.

Pour en revenir a l'ouvrage qui nous a occasionné ces lignes, nous dironsaussiquenousn'avonspasdonné,danscequiprécède,touteslesréflexionsquenouspourrionsformulerenl'occurrence.SurunpointnotammentsurlequelM.Lings a été très discret, nous l'avons été également, et ceci sans aucuneconnivence,etd'ailleurspourdesraisons,pensons-nous,unpeudifférentes,bienquepasopposéesaufond,auxsiennes,toutenespérantqu'unjour,nousseronsàl'aisenous-mêmespourêtrepluscomplet.

IV

RÉFÉRENCESISLAMIQUESDU«SYMBOLISMEDELACROIX»49

LasignificationésotériquedusignedelacroixfuténoncéeparRenéGuénonpourlapremièrefoisdansunarticleintitulé«LaPrièreetl'Incantation»,publié,souslepseudonymeTPalingénius,dansLaGnosedudébut191150.Parlantdel'incantationcommemodedetravailinitiatique,toutintérieurenprincipe,maispouvant être exprimé et soutenu extérieurement par des paroles oudes gestes,l'auteur disait que le but final à atteindre en était « la réalisation en soi del'HommeUniversel,par lacommunionparfaitedela totalitédesétatsdel'être,harmoniquementetconformémenthiérarchisés,enépanouissementintégraldanslesdeux sensde l'ampleur et de l'exaltation».Ennote, il ajoutait la précisionsuivante :«Cettephrasecontient l'expressionde la significationésotériquedusigne de la croix, symbole de ce double épanouissement de l'être,horizontalement, dans l'ampleur ou l'extension de l'individualité intégrale(développement indéfinid'unepossibilitéparticulière,quin'estpas limitéeà lapartiecorporelledel'individualité),etverticalement,danslahiérarchieindéfiniedes états multiples (correspondant à l'indéfinité des possibilités particulièrescomprisesdansl'HommeUniversel)».51

Dansleslivraisonssuivantesdeladiterevue,Guénonrevenaitsurcethèmeavec un article intitulé précisément « Le Symbolisme de la Croix », lequel,commeon le sait, fut la première ébauche du livre qui devait paraître sous lemême titre, vingt années plus tard52.Cependant il n'y faisait aucune référenceexpliciteàdessourcesislamiques,alorsquelanotiondel'«HommeUniversel»et celles d'« ampleur » et d'« exaltation » s'y rapportaient indubitablement.Toutefois, à ne considérer que la collection de La Gnose, on comprendnaturellement que l'occasion d'aborder un tel sujet, qui sous sa plume devaittrouverunefortuneexceptionnelle, luiavaitétéoffertepar lapublication,dansunnuméroprécédent,delatraductionfaiteparAbdul-Hâdi(JohnGustafAguéli)d'unpetittraitéduTasawwufprésentésousletitresuivant:«EpîtreintituléeLeCadeau, sur la manifestation du Prophète, par le Sheikh initié et inspiréMohammadibnFazlallâhEl-Hindî»53.Cetécritapportaiteneffetunedonnée

doctrinale de premier ordre pouvant être rattachée immédiatement ausymbolisme de la croix, bien que son texte ne comportât pas de référenceexpresseàlacroixelle-même;cettedonnéesetrouvedansunpassagequenousallonsciteretquivenaitaprèsuneénumérationdesSeptDegrésdel'ExistenceUniverselle.Enconservant le lexiquedu traducteur,maisenrésumant le texte,ces degrés sont les suivants (par différence des simples parenthèses, les motsentrecrochetssontajoutésparnous):

1°L'Inassignableoul'Absolu,qu'ondésigneparlenomde«l'UnitéPure».2°Lapremièreassignation, qui est la conscience queDieu possède de Sa

quiddité, de Ses attributs et de tous les êtres créés d'une façon générale ousynthétique;cedegrés'appellela«VéritédeMuhammad»[nousdirionsplutôtla«RéalitéMuhammadienne»].

3°La seconde assignation, qui est la conscience que Dieu possède de Saquiddité, de Ses attributs et de tous les êtres créés en mode distinctif etanalytique.

4°Les esprits [ou plutôt « le monde des esprits purs »], C’est-à-dire lescréaturesabstraitesetsimplesquisemanifestentenleursessencespremières.

5°Lemonde des formes premières, c'est-à-dire les créatures subtiles,maiscomposées,qu'onnepeutdiviser(sansqu'ellescessentd'êtrecequ'ellessont).

6° Le monde des corps, c'est-à-dire les choses grossières qu'on peutfractionneroudiviser(sansqu'elleschangentfoncièrementdenature).

7°Ledegréuniverselquienglobelescinqimmédiatementprécédentsetquiestl'homme.

Toutdesuiteaprèscetteénumérationonalepassagequinousintéresse:«Lepremierdeces7«plans»estceluidu«Non-Manifesté»,tandisqueles6autrescomprennenttoutelamanifestationoul'«expansion».Lorsquel'hommedansleseptième(etdernier)«degré»s'exalteverslesublime,lorsquesurgissenten lui les autres (cinq) « plans » en parfait épanouissement, il est « l'hommeuniversel ». L'exaltation ainsi que l'ampleur ont atteint leur apogée en notreProphète—qu'Allâhpriesurluietlesalue!—»54.Cepassage,modifiéquantau style — car, retraduit pourrait-on dire — fut repris par Guénon commecitationexpressede«L'EpîtredeFazlallâhEl-Hindî»,seulementen1931,danslecadreduSymbolismedelaCroix(Ch.III),lorsque,ayantemployélestermes«ampleur»et«exaltation»,ileutàpréciserqueceux-ciétaientempruntésaulangagede l'ésotérisme islamique55.Mais à cetteoccasion il ajoutait une autredonnée islamique de source ésotérique : « Ceci permet de comprendre cetteparole qui fut prononcée il y a une vingtaine d'années, par un personnageoccupantalorsdansl'Islam,mêmeaupointdevueexotérique,unrangfortélevé

:«Si lesChrétiensont lesignede lacroix, lesMusulmansenont ladoctrine.»56.

Puisqu'iln'aétéindiquénullepart,niparAbdul-Hâdi,niparRenéGuénon,niparquelqueautreauteur,quelssont les termesarabes renduspar lesmots«ampleur»et«exaltation»—alorsquetouteunegénérationd'écrivainsd'esprittraditionnel utilise maintenant les termes français correspondants ou leurséquivalentsdansd'autres languesoccidentales—nousallons les transcrire ici,mais nous devons aussi prévenir qu'il s'agit en vérité de deux « notions »complémentaires, exprimablespardifférents couplesde termesplutôtqued'uncoupleuniquedetermesparticuliers.Ainsi,toutd'abord,dansletextearabedel'Epître de Fazlallâh El-Hindî57 ces termes sont : inbisât pour « ampleur » et‘urûj pour « exaltation ». Pris dans leurs sens ordinaires, le premier signifieproprement«extension»etledeuxième«montée»;ilsnedésignentdoncpasles dimensions expresses d'une croix, mais des tendances et des mouvementsqu'onpeutaxersymboliquementsurcesdimensions.Onpeutremarquerdetoutefaçon qu'en tant que désignation de phases de la réalisation initiatique, ilscorrespondent respectivement aux deux parties du Voyage Nocturne duProphète, symbole par excellence du voyage initiatique : la première appeléeIsrâ'(Transfertnocturne),allantdelaMecqueàJérusalemetcorrespondantàladimensionhorizontaledelacroix58,ladeuxième,céleste,désignéeparletermeMi’râj(Moyend'Ascension,Echelle)59correspondantàladimensionverticaleetaboutissant au Seigneur de la Gloire Toute-Puissante, fin qui est située à l'«intervalledesdeuxarcs (qâbaqawsayn), ouplus près (adnâ) » ce qui est uneexpressiondupassageau-delàdelaDualité60.

***Unautrecouple,plusconnu,determessymboliques,présenteuneréférence

directe à des dimensionsqui, géométriquement, sont celles d'une croix : ces «dimensions », habituellement citées en ordre inverse de celui du coupleprécédent,sontlesvocablestûl=«longueur»et‘ard«largeur»61,ceux-ciausenspremier,mesurantévidemmentunplanhorizontal,maisdéjà,dans l'usagecourant, ils s'emploient aussi pour un plan vertical, le mot tûl, comme seséquivalentsdansd'autreslangues,désignantfacilementla«longueurverticale»ou la hauteur62. Dans l'acception symbolique, les deux « dimensions »s'appliquent, lapremièreaumondesupérieuret informel,ouencoreàlanaturepurement spirituelle, la deuxième, au monde inférieur et formel ou,corrélativement,àlanaturegrossièreetcorporelle.Certesonaainsiplutôtdes«domaines»de l'existence cosmique,plutôtquedes« tendances»qualitatives,mais à vrai dire un certain caractère de tendance résulte pour chacun des

domaines mis ainsi en corrélation entre lesquels l'être se trouve situé et parrapportauxquelsilagit.ChezleCheikhal-AkbarIbnArabî,enfin,ontrouvelescorrespondances suivantes : au tûl correspond « lemonde caché » (‘âlam al-Ghayb)etau'ard«lemondemanifesté»('âlamash-Shahâda)63cequiestplusriche de possibilités conceptuelles. En outre, il est important de savoir, dansl'ordre de nos considérations, que cette conception des dimensions axiales del'existence universelle est une caractéristique de la science propre aux initiésmusulmansdont le typeprophétiqueparticulierestSayyidunâAïssâ (Jésus)entant qu'une des formes du Verbe universel incluses dans les possibilités duMaqâmmuhammadien.Cettescienceinitiatiques'appelled'ailleursla«scienceaïssawie»,maiselleestplusexactementla«sciencedesLettres»ceparquoiilfautentendreavanttoutlaconnaissancedusoufflegénérateurdes«lettres»tantducôtédivin(Nafasar-Rahmân=le«SouffleduTout-Miséricordieux»)queducôtéhumain64.LeslettrestranscendantesdonnentnaissanceauxParolesdivines(Kalimât)etauxNomsdeschoses(Asmâ'),etl'hommelesreçoitàlafoiscommeuneconnaissanceensoi,commeunmoyenderéalisationetcommeunpouvoirdegouvernementdumacrocosmeetdumicrocosme.Cettescienceestaussicelledu « souffle de vie » par laquelle Jésus ressuscitait les morts ou animait lesoiseauxd'argilequ'ilavaitfaçonnéslui-même.UndesSoufislesplusmarquantsqui ont possédé cette science et dont le cas sera pour nous particulièrementintéressant ici, fut le fameuxAl-Hallâj.C'est cequeprécisebien lemaîtreparexcellenceduTasawwuf,leCheikhal-AkbarIbnArabî,dansleslignessuivantesdesesFutûhât:

«Cettescience(la«scienceaïssawie»)estcellequiserapporteauxnotionsde«hauteur»(tûl)etde«largeur»(‘ard)dumonde,entendantparcela,d'unepart, lemonde spirituel (al-‘âlamar-rûhânî) qui est celui des Idées pures (al-Ma’âni)etduCommandementdivin(al-Amr),d'autrepart,lemondecréé('âlamal-khalq)delanaturecosmique(at-tabî’a)etdescorps(al-ajsâm),letoutétantàAllâh:«LaCréationetleCommandementnesont-ilspasàLui?»(Cor.7,54).«Dis:l'EspritfaitpartieduCommandementdemonSeigneur!»(Cor.17,85).«BénisoitAllâh,leSeigneurdesMondes!»(Cor.7,54).Ceciétaitlascienced'Al-Hussayn ibn Mansour Al-Hallâj — qu'Allâh lui fasse miséricorde ! —Quandtuentendrasquelqu'undesgensdenotreVoietraiterdesLettres(Hurûf)etdirequetelle«lettre»atantdebrassesoud'empansen«hauteur»ettanten«largeur»,commel'ontfaitAl-Hallâjetd'autres,sachequepar«hauteur»ilveutdiresavertuopérative(fi’l)danslemondedesesprits,etpar«largeur»saforceopérativedanslemondedescorps:lamesurementionnéealorsenestla

caractéristique distinctive. Cette terminologie technique a été instituée parAl-Hallâj»65.

***En rapport avec le symbolisme des lettres arabes, nous ferons ici une

remarqued'ordregénéral,sanspouvoirnousyarrêterdavantagecettefois-ci.Ilexistedanslastructuredelalanguearabe—etnouspensonsavanttoutàl'arabesacré — un aspect qui peut illustrer la théorie hindoue des trois gunas(tendances) à laquelle Guénon a fait une place remarquée dans ses écrits,notammentdansLeSymbolismede laCroix (chap.V).Commeon le sait, cesgunas constituentunsystèmecruciformede tendances,dont l'applicationclansl'Hindouisme concerne surtout l'ordre cosmologique : dans le cas dont nousparlons ici, il s'agit des troismotions vocaliques (harakât), u,a et i, pouvantaffecterenarabeuneconsonne,quienelle-mêmeestsilencieuse(sukûn, jazm),parlesvoiesdeladéclinaisonetdelaconjugaison66.

***Avantdeprésenterunautreaspectdeladoctrineaïssawie,nousdevonsfaire

enguised'introduction,aumoinsunecourtementiondel'applicationquiestfaitedeceschémacruciformeauxvaleursdesœuvresdelaloisacréeislamique.Lavertudesœuvresobligatoires(farâ'id)estenrapportavecladimensiontûldelaScience ou de la Connaissance (al-‘ilm), tandis que la vertu des œuvressurérogatoires (nawâfil,sunan) est en rapport avec ladimension ‘ard de celle-ci67. On relève la présence de ces notions chez des auteurs de différentesépoques, commeAl-Hallâj (m. 309/922), 'Umar Ibn al-Fârid (m. 632/1235) etMuhammad IbnFazlallâhal-Hindi (m.1029/1620).QuantauCheikhal-Akbar(m.638/1240),nousallonsciteràceproposunautrepassagedesesFutûhât,ch.559,quin'estd'ailleursàvraidirequ'uneannotationultimefaitepourlechapitredontnousvenonsdefaireunecitation:

«Le secret de l'institutiondesœuvres d'obligation (fard) et desœuvres desurérogation(nâfila) se trouvedans la relationque laScience ('Ilm) a avec lesdimensionsde«hauteur»(tûl)etde«largeur»('ard)—pointquiserattacheauchapitre20(desFutûhât).

« Celui dont la maladie (ou encore la « cause spirituelle »)68 est Aïssâ(Jésus),n'aurapasàsetraitersoi-même69,carAïssâestàlafoisleCréateurquidonnelavieetlacréaturequienvit70!«Lalargeur('ard)dumonderésidedanssanaturegrossière (tabî’a), et sa hauteur (tûl) dans sa nature spirituelle (Rûh)ainsiquedanssaLoi(Sharî'a)71.

Cette lumière (doctrinale) provient d'As-Sayhûr wa ad-Dayhûr72, écritattribuéàAl-Hussayn IbnMansour (Al-Hallâj). Jen'aipas encorevuunautre

réalisédutypeunitif(muttahid)73quiaitsucommecelui-ci«souderetséparer»74 et « parler par son Seigneur », « jurer par le crépuscule, par la nuit et cequ'elleenveloppe,ainsiquepar la luneet cequ'elle remplit, etmontercoucheaprèscouche»75,carilétaitunelumièredansl'obscurité!Chezlui,Dieu(al-Haqq) occupait la position deMoïse dans l'arche d'osier (tâbût), et c'est pourcela qu'il parlait de lâhût (= nature divine) et nâsût (= nature humaine)76.Toutefois, où est-il ce cas par rapport à celui qui professe que l'Essence estunique(al-‘Aynwâhida), et rejettemême, commeabsurde, (l'idéede) l'attributen tant qu'il serait surajouté (à l'Essence)77? Où est le Sinaï (moïsiaque) parrapport au Fârân (muhammadien)78? Où est le Feu (du Buisson ardent) parrapport à laLumière (aveuglante et indescriptible)79?La« largeur » est choselimitée,etla«longueur»n'estqu'«ombreprolongée»80.L'œuvreobligatoireetlasurérogatoiresont«contemplant»et«contemplé»81.»

Ce texte est utile ici encore parce qu'il présente un cas d'emploi, enésotérismeislamique,desnotionstechniquesdelâhûtetnâsût82qui,commeonle verra plus loin, ont un rapport certain avec notre sujet, et qui dans lescommentaires coraniques de l'exotérisme, ne sontmentionnées qu'à propos ducasduMessie,pouryêtrecritiquéesdureste.Cesnotionscorrespondenteneffetà ce qu'on appelle en théologie chrétienne les « deux natures du Christ »conception qui n'est admissible en Islamque dans des formes spécifiques à lavision muhammadienne des réalités universelles. En voici une expressionéminente chez le grand maître Ibn Arabî, puisée dans un texte spécialementconsacréauVerbedeJésus83.Aprèsavoirénoncé lavéritéd'ordregénéralquelesEspritspursontlavertuderendre«vivante»toutechosequ'ilstouchent,lavie y pénétrant par le fait même84, ce maître déclare : « La mesure de vie(dhâlikaal-qadrminal-Hayât)infuséeainsiauxchosess'appellelâhût;lenâsûtcorrélatifestleréceptacleenlequelsetientcetEsprit.Enfincenâsûtestappelélui-même«Esprit»enraisondecequisetientalorsenlui.»85

Laconséquenceexpriméedansladernièrephrasepeutétonner,mais,àpartle fait que le nâsût dont il s'agit est une forme divinement et directementmanifestéecommeréceptaclede l'Espritdivin, l'explications'en trouvedans lefaitqu'Aïssâlui-mêmeesttraditionnellementappeléenIslam«EspritdeDieu»,cequidoitêtreentendunonpasd'uneseulepartdesonêtre,maisdesontout,etc'estentantquetoutqu'ilfutqualifiéEspritparletextecoraniquesuivant:«LeMessie Aïssâ, fils de Marie, n'est que l'Envoyé de Dieu, et Son Verbe qu'ilprojetaàMarie,etunEspritdeLui(Rûhmin-Hu)»(Cor.4,171).Ainsidanslaconstitutiond'unepersonnalitémétaphysiquecommecelled'Aïssâ,lelâhûtetle

nâsût sont les deux parties complémentaires—contenant et contenu—d'uneseuleentitéquilestranscendeetquiestappelée«EspritdeDieu»86.

Certes, d'après les témoignagesdoctrinauxévoqués jusqu'ici, la conceptiondes « deux natures » dans l'ésotérisme islamique présente des caractèresspécifiquementdifférentsdeceuxquisontpropresàlathéologiedominanteduChristianisme87. Il n'est pas question de toute façon d'un nâsût ordinaire etsurtoutpasd'unlâhûtquicoïncideraitavecl'essencedivineelle-mêmeetauquelneparticiperaitdurestequeleChristseul;aucontraire,ils'agitalorsd'untypedespiritualitéconstammentreprésentéetmêmeillustré,pourrait-ondire,pardesHommes(Rijâl)duTasawwufou,sil'onveut,delasaintetéislamique,typequidansl'ensembledelaspiritualitémuhammadienneestrattachéexplicitementauverbeprophétiquedeJésusetenportemêmelequalificatif,commeonapulevoir.

Enmême tempson se rend compteque la correspondance, qui résulte destextesempruntésàIbnArabî,entrelesdeuxdimensionsinitiatiquesdutûletde‘ard d'un côté, et les deux substances ontologiques du lâhût et du nâsût d'unautre côté, ensuite l'application de ces dernières notions au cas de Jésus,permettentdeconstaterquelesignedelacroixpeutêtrevucommeunschémadel'uniondesdeuxnaturesenlapersonneduChrist.Maiss'ilenestainsi,c'est,bienentendu,parcequelacroixestavanttoutunabrégégéométriquedesétatsmultiplesdel'êtreet,parcela,unsymboledel'HommeUniversel,ainsiquel'adémontréGuénon,appuyésurdenombreuxexemplesdelatraditionuniverselle.C'est à un deuxième degré, en quelque sorte, qu'elle s'appliquera à interpréterl'ontologie spéciale du Verbe christique, et ensuite, à un troisième degré, àl'histoire de Jésus-Christ où elle sera la croix de la Passion. C'est à ces deuxderniersdegrésquenousdevonsnousarrêterquelquepeumaintenant.Lesensthéologiquedelacroixchrétienneestdérivéordinairementdesseulsévénementsdu Golgotha88 ; de ce fait l'acception symbolique que nous venons de faireressortir,dusignede lacroixcommeschémadesdeuxnatures réuniesdans lapersonne du Christ (et cela indépendamment de toute finalité sacrificielleparticulière reconnue à leur union) semble être la moins attestée dans lesenseignementsduChristianisme,alorsqu'unetelleacceptionnedevrait,semble-t-il, être nullement incompatible avec la fonction salutaire duVerbe christiquedans sa manifestation historique, car elle ne pourrait qu'en donner unesignificationencoreplusvasteetplushaute.Iln'estpasexcluquelacausedecesilencesoitimputableàdesnécessitésdedogmatiqueexotérique.

Quoi qu'il en soit, nous pouvons signaler à cet endroit, quelques donnéesvenantducôtéchrétienmême,quisontparfaitementconcordantesavecceque

nous avons trouvé du côté islamique, et que nous empruntons à un des «apocryphes»duNouveauTestament : il s'agitdesActes dePierre89, écrit quisemble avoir été cependant très répandu, en grec et en latin, dans lesmilieuxecclésiastiques et monastiques de l'Orient et de l'Occident chrétiens, avant desuivrelesortdetousleslivresnon-admisdanslecanon,quifurentcondamnésnotammentdans lecourantdu4ème siècle90.Dansce texte l'ApôtrePierre,quiallaitêtrecrucifiéàRome,setenanttoutd'abordauprèsdesacroix,enénoncelemystèreauxfidèles;aprèsavoirditquelenommêmedelacroix(dansletextegrec onoma stauroi) est un « mystère caché » (musterion apocruphon)91, ildéclare:

«... Je ne tairai pas cemystère de la croix autrefois fermé et caché àmonâme.Que la croix ne soit pas ce qu'elle paraît, pour vous qui espérez dans leChrist!Carelleesttoutedifférentedecetteapparence,cettepassionseloncelleduChrist...Eloignezvosâmesdetoutcequiestsensible,detoutcequiapparaît,et n'est pas vrai ! Arrachez de vous ces visions, arrachez ces auditions, lesactionsapparentes,etvousconnaîtrezcequ'ilenaétépour leChristet tout lemystèredevotresalut92;etquecesparoles,pourvousqui lesentendez,soientcommesiellesnel'étaientpas93...».Ensuitel'Apôtredemandeauxbourreauxdelecrucifier lui-même«la têteenbas,etnonautrement»,et,unefois lachosefaite,suspendu,ilreprend:«Vousdontlerôleestd'écouter,écoutezcequejevousannonceencemomentoùjesuiscrucifié.Connaissezlemystèredetoutelanature,etquelaétélecommencementdetout.Donclepremierhomme,delaracedequijeportel'image,précipitélatêteenbas,montreunenaturedifférentedecequ'elleétait autrefois ; carelledevintmorte,n'ayantpasdemouvement.Donc,renversé,luiquiavaitmêmejetéàterresonpremierétat,ilorganisatoutel'ordonnancedecemondeàl'imagedesavocationnouvelle,suspenduqu'ilétaitetmontradroitcequiestgaucheetgauchecequiestdroit;etilchangeatouslessignes de sa nature, au point de regarder comme beau ce qui ne l'est pas, etcomme bon, ce qui est en réalitémauvais.A ce sujet, le Seigneur dit dans lesecret (enmusterion legei) :«Sivousne faitespasgauchecequiestdroit, etdroitcequiestgauche,et inférieurcequiest supérieur,etantérieurcequiestpostérieur,vousneconnaîtrezpasleRoyaume»94.Voilàlapenséequejevousmetsdevantlesyeux;etlamanièredontvousmevoyezsuspenduestl'imagedel'homme qui naquit le premier95. Vous donc, mes aimés, qui entendez (cela)maintenant,etaussivousquiêtessurlepointdel'entendre96,vousdevezquittercetteerreurprimitiveetvousrelever».

C'est le passage qui suit immédiatement que nous voulons mettrespécialementenlumièredanslecadredenotrepropos:

«Carilconvientdes'attacheràlacroixduChristquiestlaParoleétendue(tetamenosLogos),uneetseule,dequil'Espritdit:«Qu'est-cedoncleChrist,sinonlaParole(Logos)[et]l'Echo(Ekhô)deDieu?»97.Delasorte,laParole,ceseralapartiedresséedelacroix,àlaquellejesuiscrucifié;l'Echoseralapartietransversale,lanaturedel'homme;etleclouquiattacheparlemilieulapartietransversale à la partie dressée, ce sera le retournement (epistrophê) et latransformationspirituelle(metanoia)del'homme»98

De ce texte de grand intérêt symbolique, il y a à retenir avant toutl'identificationduChristaveclacroix,etcelasouslerapportdesdeuxnatures;chose particulièrement importante cela est exprimé de façon purementprincipielle,endehorsdetouteréférenceàlaCroixhistoriqueduGolgothaetàlaPassion99.LeChristseprésenteainsiavecunaspectaxialquantàla«naturedivine » et un aspect d'ampleur horizontale quant à la « nature humaine », demême que la Parole divine apparaît premièrement en elle-même etsecondairement dans sa répercussion cosmique ou son écho100. On peutremarquer aussi que, selon ce double aspect duVerbe universalisé (tetamenosLogos),lanaturehumaineprimordiale,envisagéeàsondegrécosmiquepropre,distinctement donc de la nature divine, n'en est pasmoins le reflet de celle-cidanslemondedel'homme101.Enfin,lecloucentralquirelielesdeuxnatures,etqui marque l'endroit proprement crucial où celles-ci coïncident « sans seconfondre », constitue le point de passage d'une dimension à l'autre, etcorresponddanslesensascendantàunefonctionde«transformation»ausensde«passageau-delàdelaforme».

D'autrepart,lerapportentreles«deuxnatures»danslaconstitutiondel'êtrehumain a changé du fait de la descente cyclique : à l'origine, dans l'AdamPrimordial, la nature humaine pure (la Fitra en arabe) reflétait fidèlement lanaturedivine;dufaitdela«chute»etdel'inversionquienarésulté,surtoutàla findu cycledescendant, la partie «divine» et « céleste»de l'humanité setrouve de plus en plus dominée par sa partie « humaine » et « terrestre », etsubordonnéeàcelle-ci.Pourpouvoirréaliserlarestaurationdel'étatprimordialilfaut inverser l'orientationhumaine actuelle, cequi nécessitera initialementuneinversion dans l'ordre des « formes », qui par leur rôle symbolique doiventfinalementfavoriserlerétablissementdesréalités«informelles»mêmes.C'estcequ'avoulufigurerlacrucifixiondeSaintPierre:leChristpouvaitêtrecrucifiéla tête en haut parce qu'il était innocent et qu'en lui les deux natures étaientrestées dans leur rapport primordial ; mais l'Apôtre Saint Pierre, représentantl'humanité coupable, en laquelle ce rapport se trouve renversé, devait êtrecrucifiélatêteenbas.

LerapportentrelespositionsrespectivesduChristetdeSaintPierredanslacrucifixionestalorsceluientrelesdeuxtrianglesdansle«sceaudeSalomon»,etàproposdecettefigureilestintéressantderemarquerqueGuénonaécritceci:«...danslesymbolismed'uneécolehermétiqueàlaquelleserattachaientAlbertleGrandet saintThomasd'Aquin, le triangledroit représente laDivinité et letriangle inversé la nature humaine (« faite à l'image deDieu » et comme sonrefletensensinversedansle«miroirdesEaux»),desortequel'uniondesdeuxtriangles figure celle des deux natures (Lâhût et Nâsût dans l'ésotérismeislamique)»102. En simplifiant les choses, on pourrait donc dire aussi que lespositions respectives des deux crucifiés figurent elles-mêmes — d'une façonglobale — les deux natures, et alors le symbolisme qui en résulte pourraitconcerner par exemple l'Eglise en tant que constituée par l'alliance entre laprésence christique et sa base apostolique. La signification de cet aspect deschosespeutêtremêmesoulignéeparcetteautrephrasequeGuénonajoutaitdansle contexte évoqué : «Le rôle duVerbe, par rapport à l'Existence universelle,peut encore être précisé par l'adjonction de la croix tracée à l'intérieur de lafiguredu«sceaudeSalomon»:labrancheverticalerelielessommetsdesdeuxtriangles opposés, ou les deux pôles de la manifestation, et la branchehorizontalereprésentela«surfacedesEaux»103».Làencoreonretrouveraitlesignedelacroixreliédequelquefaçonàlaconceptiondesdeuxnatures.

En fin de compte, le résultat de la succincte présentation de donnéesdoctrinales par laquelle nous sommes venu confirmer l'existence d'une baseislamiquede ladoctrineexposéedansLeSymbolismede laCroix, aura vérifiéappréciablement la parole duCheikhElîsh el-Kébîr citée parRenéGuénon etrappelée par nous, tout au moins pour ce qui concerne « les Musulmans »,entendant par ce terme non pas le commun des fidèles, mais les véritablesautoritésdoctrinalesduTasawwuf.Ceux-cipossèdentdonceffectivementaussibienladoctrinedesdimensionscruciformesdel'existenceuniversellequecelledesdeuxnaturesconsidéréescommecoextensivesnotammentauxdeuxsensdel'épanouissementen«exaltation»eten«ampleur»del'HommeUniverselet,chose particulièrement importante, ils la connaissent même comme sciencecaractéristiquedéSayyidunâAïssâ(al-‘ilmal-‘îsawî).Pourcequiconcernel'étatdeconsciencedoctrinaledes«Chrétiens»concernantlemêmesymbolisme,laparoleduCheikhElîshn'estpasmoinsvraie, sionconsidère toutaumoins laréactiondesthéologiensetdesécrivainscatholiquesàlasortieduSymbolismedelaCroix,carleschosesontbienchangédepuis,maiscepointconstitueraitàvraidireunsujetdifférentdeceluiquenousnoussommesproposédanscespages.

V

LASCIENCEPROPREAJÉSUS104

(al-‘Ilmal-‘îsawî)(Futûhât,chap.20)105

D’oùvient-elleet jusqu’oùva-t-elle?Quelleestsamodalité?Concerne-t-ellela«hauteur»dumondeousa«largeur»,ouencorelesdeuxàlafois?

Vers:Lascienced’Aïssâ(Jésus)estcelledontlescréaturesignorentlavaleur.Parcettescienceilredonnaitvieàunêtredontlaterreétaitlatombe.L’Insufflation (Nafkh) (par laquelle il vivifiait) équivalait à l’autorisation

(Idhn)deceluiquiyrésidecaché,etàSoncommandementcréateur(Amr)106.Envérité,sonLâhût(Naturedivine)qui,dans l’invisible,étaitson«beau-

père»(sihr),Est un Esprit qui a pris forme sensible (Rûh mumaththal) et dont Allâh

manifestale«secret»107.Quandà lui (Jésus), il est sortid’unmystèrede laDignitédivine,mystère

dontAllâhavaitcachélapleinelumière,EtdevintcréatureaprèsavoirétéunpurEsprit(Rûh)etAllâhl’illumina(de

Sainteté).EnluiparvintSonCommandement(Amr)etIllegratifiaetluidonnalajoie.Aquiestcommelui(Aïssâ)Allâhrendraimmenselarécompense.Sache – et qu’Allâh te confirme par Son aide – que la science aïssawie

(propreàJésus)estlasciencedesLettres(‘ilmal-Hurûf).C’estpourcetteraisonqu’Aïssâavaitreçulepouvoird’insufflationdelavie(an-nafkh)quiconsisteencet « air » (hawâ’) qui sort du fond du cœur et qui est esprit de vie (rûh al-hayât).Lorsquelesouffledanssontrajetexpiratoireverslaboucheducorps,faitdesarrêts,onappellelesendroitsdecesarrêts«lettres»(hurûf,sing.harf)etlà

sontmanifestées les entités propres aux lettres.Quand celles-ci sontmises encompositionparaîtlaviesensibledanslesidées(al-ma’ânî),etcelaconstituelapremièrechosequidelaDignitédivine(al-Hadrahal-ilâhiyyah)futmanifestéepourlemonde.

Les entités essentielles (des choses) (a’yân) dans leur état inexistentiel(‘adam) ne sont pourvues – en fait de rapports existentiels (nisab) – de riend’autrequede l’ouïe (as-sam’) ; cesentitésétaient ainsi enelles-mêmes,dansleur état inexistentiel prédisposées à recevoir le Commandement divinexistentiateur, lorsque celui-ci devait leur rapporter l’existence. Quand doncDieu leur dit : «Sois (Kun) ! », elles se constituèrent existantes quant à leursentités.AinsilaParoledivine(al-Kalâmal-ilâhî)fûtlapremièrechosequ’ellesontperçuedelapartdeDieu–qu’Ilsoitexalté!–entendantparcelaunmodede langageattribuableà laDignitédivine :qu’elle soitglorifiée !Lapremièreparolequifutcomposéeestkun=«sois!»quiestconstituéed’uneracinedetroislettres:kâf,wâwetnûn108;chacundesnomsdeceslettresétantlui-mêmetrilittère,apparûtainsilenombre9dontlaracine(carrée)est3,premiernombreimpair–fard109.Or,dufaitdu9,touteslesentitésnuméralesprocédèrentelles-mêmesverbekun, et il y eut ainsiunedoublemanifestation : celledes chosesnombrées et celle du nombre. De là, vient aussi que les prémisses d’unsyllogismesontconstituéesavectroistermes–mêmesiapparemmentilyenaquatre,car, l’undes termesse répétantdans lesdeuxprémisses, iln’yenaenréalitéquetrois.C’estdel’impair–fard–quefutexistenciél’universetnondel’un(al-wâhid).

Allâh nous a instruit que la cause de la vie dans les formes (suwar, sing.sûra) des êtres engendrés n’est que l’insufflation divine (an-nafkh al-ilâhî) endisant (au sujet d’Adam) : « Et lorsque Je l’aurais formé parfaitement et luiaurait insufflédeMonEsprit, (lesAnges) tombrentdevant luienprosternation»110.L’EspritdontilestparlédanscetexteestleSouffle(an-Nafas)parlequelAllâhvivifielaFoietqu’Ilmanifesta.L’Envoyéd’Allâh–qu’Allâhluiaccordela grâce et la paix ! – a employé ce terme en disant : « Le Souffle du Tout-Miséricordieux(Nafasar-Rahmân)mevientducôtéduYémen»111.Etparcesouffle de miséricorde fut ravivée dans les cœurs des croyants la « forme »(sûra)delafoiainsiquela«forme»desrèglesétabliesparlaLoi.

AïssâreçutlascienceduSouffledivinquientredanscetteinsufflationetlarelation d’origine (nisba) respective112 il soufflait donc dans la forme qui setrouvaitdansuntombeauoudansla«forme»del’oiseauqu’ilavaitfaitelui-mêmedeboue,etl’êtrecorrespondantàla«forme»encausesedressaitvivantpar l’Autorisation divine (al-Idhn al-ilâhî) qui entrait dans cet insufflation et

dans cet air. N’était la propagation (sarayân) de l’Autorisation divine dansl’insufflationiln’enseraitjamaisrésultélaviedansune«forme»quellequ’ellefût.

C’estduSouffleduTout-Miséricordieuxqueprovient lascienceaïssawieàAïssâ,etilrevivifiaitlesmortsparsonacted’insufflation–surluilesalut!–etlesouffles’arrêtaitdanslesformesdanslesquellesilétaitintroduit:c’estcequiconstitue d’ailleurs le lot que tout être existant détient d’Allâh. C’est par cemêmelotquel’êtreparvientàAllâhquand«toutesleschosesarriventchezLui».

Lorsque l’homme par exemple, se libère pendant son ascension spirituelle(mi’râj)verssonSeigneur,etquetoutmondequ’ilabordedanssonparcours(àtraverslesplanssuperposésdel’être)luiprendaupassagecequiestapparentéàtel monde, il ne lui reste finalement que ce seul « secret » (sirr) qu’il tientd’Allâh,seulechoseparlaquelleilpuisselevoirLuietentendreSaparole,carAllâhest tropsublimeet saintpourêtresaisi sicen’estparLui113.Et lorsquel’être revient de ce degré contemplatif (mashhad) sa forme qui avait étédécomposée pendant son exaltation (‘urûj) se reconstitue, l’univers (à toutdegré) lui restituantcequ’il lui avait retenucommepartieapparentée (aupland’existencecorrespondant) chaquemondenedépassantaucunement les limitesdesongenre.Letoutdoncseréunitautourdece«secretdivin»etsereformeintégralementenlui.C’estparce«secret»d’ailleursquela«forme»del’êtrechanteleslouangesdesonSeigneur,unautrequeluinesachantjamaisenfairelavéritablelouange;sila«forme»enfaisaitlalouangedesaproprepartetnonpas de la part de ce secret, n’apparaîtraient plus la faveur divine (al-fadl al-ilâhî), ni la grâce (al-imtinân) à l’égard de cette forme même ; or il estfermementétabliquelagrâceexisteàl’égarddetouteslescréatures,etcelaveutquecequ’Allâh reçoitcommemagnificationetélogede lapartde lacréature,provient de ce« secret divin» ; c’estDieuquiSe louange etSeglorifieLui-même,etleBiendivinquirevientàla«forme»,lorsdesesactionsdelouangeetdeglorification,cette«forme»lareçoitàtitredegrâceetnonpasdetitrededroitd’unecréaturesurAllâh :quandAllâhadmetqu’unêtrecrééaitundroitsurLui,IllefaitenSel’imposantLui-même.

Les « paroles » (kalimât) proviennent des « lettres » (hurûf) et les lettresproviennent de l’air (al-hawâ’) et l’air provient du Souffle rahmanien. Par lesNoms(al-Asmâ’)apparaissentleseffetsdanslesêtrescréésetc’estlàqu’aboutitlascienceaïssawie.

D’autre part l’homme, par la vertu des paroles (venues donc du Tout-Miséricordieux), fait ainsi que la Dignité rahmanienne lui accorde de SonSouffleceparquoisedresserala«vie»deschosesdemandéesaumoyendeces

paroles : ainsi l’ordre des choses est continuellement circulaire (puisque lesparolesvenuesdusouffledegrâceretournentàleursourcepourramenerencoredelagrâce).

Sachequelaviequ’ontlesespritsleurappartientdeparleuressencemême,c’estpourquoidurestetoutêtrevivantestvivantparsonesprit.LeSamaritain(dupeupledeMoïse) savaitune tellechose ; lorsqu’il aperçut l’AngeGabriel,commeilsavaitquel’espritdel’angeconstituaittoutsonêtreetquelaviequ’ilavait luiappartenaitdeparsonêtremême,sachantaussiquetoutendroitfoulépar lui,du faitde saconditionde« représentation sensible» (tamthîl)114 (11),devenait«vivant»par levertuducontactaveccetteformesensible(as-sûrahal-mumaththalah),ilpritdestracesdel’angeune«poignée»depoussièreseloncequ’AllâhainforméenrapportantlesparolesduSamaritain:«Etj’aiprisunepoignée des traces de l’Envoyé (céleste) »115. Quand le veau fut constitué etformé,leSamaritainprojetasurluidecettepoignéeetleVeau(animé)mugit.

Aïssa–surluilesalut!–étant«Esprit»(Rûh)commeIll’anommé116–etAllâh le constitua Esprit dans la forme stable d’un être humain, comme ilconstitua d’autre part Gabriel dans la forme passagère d’un Bédouin –ressuscitaitlesmortsparlasimpleinsufflation.Ensuite,Allâhl’ayantconfirméparl’EspritdeSainteté(Rûhal-Quds),ilfutainsiEspritconfirméparunEspritquiétaitpurdelasouillurepropreauxêtrescosmiques.Leprincipedetoutcelaest l’EtreVivantde touteEternité (al-Hayyal-Azalî) qui est identique à la viesansfin;ladistinctionentreéternitésanscommencement(azal)etéternitésansfin (abad) n’est introduite que par l’existence du monde et son caractèreadventice.

Cettescienceestcellequiserattacheàla«hauteur»(tûl)etàla«largeur»(‘ard)dumonde,entendantparcela,d’unepartlemondespirituel(al-‘âlamar-rûhânî)quiestceluidesIdéespures(al-Ma’ânî)etduCommandementdivin(al-Amr), d’autre part le monde créé (‘âlam al-khalq) de la nature grossière (at-tabî’a) et des corps (ajsâm), le tout étant à Allâh : « La Création etCommandement ne sont-ils pas à Lui ? »117. « Dis : l’Esprit fait partie duCommandement de mon Seigneur ! »118. « Béni soit Allâh le Seigneur desMondes!»119.

Ceci était la Science d’al-Hussayn Ibn Mansoûr Al-Hallâj – qu’Allâh luifassemiséricorde!–Quandtuentendrasquelqu’undesgensdenotreVoietraiterdeslettres(Hurûf)etdirequetelle«lettre»atantdebrassesoud’empansen«hauteur»ettanten«largeur»,commel’ontfaitAl-Hallâjetd’autres,sachequepar«hauteur»ilveutdiresavertuopérative(fi’l)danslemondedesesprits,etpar«largeur»ilveutdiresavertuopérative(fi’l)danslemondedescorps:la

mesurementionnéealorsenestlacaractéristiquedistinctive.CetteterminologietechniqueaétéinstituéeparAl-Hallâj.

Ceuxd’entrelesRéalisésCertificateurs(al-Muhaqqiqûn)quiconnaissentlaréalitéduKunpossèdent laSciencedeJésus(al-‘ilmal-‘îssawî)120etceuxquiexistencient par la vertu de leur énergie spirituelle (himmah) quelque être(kâ’inât)nelefontqu’envertudecetteScience121.

***

Le9étantapparuaveclaréalitédecestroislettres(duKun)apparurentaussiparmileschosesnombréesles9Cieux,etparlesmouvementsdel’ensembledes9CieuxetlecoursdesplanètesfutengendréleBas-Monde(ad-Dunyâ)aveccequ’il contient, de même que, par leurs mouvements, ce monde avec ce qu’ilcontientseradétruit.

Par lemouvement de la sphère la plus haute parmi les 9 fut existencié leParadisaveccequ’ilcomporte.Toutcommelorsdumouvementdecettesphèrela plus haute est produit ce qu’il y a dans le Paradis, par lemouvement de ladeuxièmesphèrequisuccèdeàlaplushaute,estproduitleFeuaveccequis’ytrouve,ainsiquelaRésurrection,laSortiedelatombe,leRassemblementetleDéploiement. En raison de ce que nous avons mentionné, le Bas-Monde estmélangé:dudélicemélangéavecduchâtiment.Enraisondecequenousavonsmentionnérespectivement,leParadisesttoutentierdélice,etleFeutoutentierchâtiment.Lemélangedecompositionactuelcesserapourlesêtres(allantdecemonde à la vie future), car la condition de la vie future n’admet pas lacomplexionqu’ontlesêtresici-bas:c’estlagrandedifférenceentrelaviedeceBas-Monde et la Vie future, sauf que, concernant la constitution naturelle(nash’ah)desgensduFeu,– lorsque laColèredivineest finie,sa limiteayantété atteinte en ce qui les concerne, et que cette colère est suivie de laMiséricorde, laquelle l’avait déjà précédée dans la durée122 – l’autorité de laMiséricordes’imposeraànouveauà leurégard, sa forme(sûra) étant restée lamêmesanschangement.–D’ailleurs,silaformedelaMiséricordeavaitchangéils seraient soumis au châtiment. –Ainsi, ces êtres sont régis initialement, parpermissiond’Allâhet investituredeSapart,par lemouvementdeladeuxièmesphère céleste, celle qui suit la plus haute, et qui produit à leur égard unchâtimentdestinéàtoutréceptacledisposéauchâtiment,–etsinousdisons«àtoutréceptacledisposéauchâtiment»,c’estparcequ’ilyaparmileshabitantsdu Feu certains qui ne se trouvent pas là pour recevoir eux-mêmes lechâtiment123(20).

Quandseraconsomméeladurée(duFeu)quiestde45.000années,elleauraété châtiment (effectif) pendant une telle durée pour ses gens (mais voicicomment) :ceux-ci sontpunis (toutd’abord)enelled’unchâtimentcontinuel,sans interruption pendant 23.000 années. Ensuite le Tout-Miséricordieux (ar-Rahmân) leur envoie un sommeil (nawmah) pendant lequel ils perdent toutesensibilité,cequicorrespondà laparoled’Allâh :« Iln’yvitpasninemeurt»124,ainsiqu’àlaparoledel’Envoyéd’Allâh–surlesalut!–ausujetdesgensduFeu,destinésauFeu:«Ilsn’ymeurentpasninevivent»cequiconcernel’étatdecesêtrespendantlesépoquesoùilsperdentleursensibilité.CetétatestanalogueàceluidesgenschâtiésdansceBas-Mondequis’évanouissentàcausede la violence de l’épouvante et de la force exceptionnelle de la douleur. LesgensduFeurestentdanscetétat(desommeil)pendant19.000années,ensuiteilsse réveillentde leurévanouissement (ghayshyah)–or,Allâhayant« remplacéleurspeauxpard’autrespeaux»125, ilssontpunisalorsencesnouvellespeauxpendant 15.000 années ; ensuite ils tombent de nouveau en évanouissement etrestent ainsi pendant 11.000 années ; puis ils se réveillent de nouveau alorsqu’Allâharemplacéencore«leurspeauxpard’autresafinqu’ilspuissentgoûterdenouveaulechâtiment»126,etdecefait ilsgoûtentdenouveaulechâtimentdouloureux pendant 7.000 années ; ensuite ils retombent en évanouissementpendant 3.000 années ; ensuite ils se réveillent et Allâh leur accorde unedélectation (ladhdhah) et un repos (râhah) analogues à ceux qu’éprouventl’hommequis’endortfatiguéetquiseréveille(reposé)127.

Ceciprovientde«lamiséricordedivinequil’emportesurSaColère»etqui«s’étend(wasi’at)àtoutechose».LaMiséricordeexercealorssonpouvoirdeperpétuation dérivant du nomdivinAl-Wâsi’ : «Celui qui S’étend et contientvastement », par lequel Allâh « S’étend à toute chose l’enveloppant en (Sa)miséricordeeten(Sa)science»128.

Alorslesêtresnesententplusdedouleur,etcommecetétatseperpétuepoureuxetqu’ilsletrouventagréable129,ilsdisent:«Nousavonsétéoubliésetnousnedemandonsrien,parpeurderappelerlesouvenirdenotrecas,alorsqu’Allâhnous a dit : « Demeurez-y et neme parlez-pas ! »130 ». C’est ainsi qu’ils setaisent, et qu’ils s’y tiennent enveloppés dans un voile ; ils ne leur reste duchâtimentquelapeurd’unretourduchâtiment;c’estcetteportiondechâtimentqui est perpétuée sur eux, la peur, qui est un sentiment psychique non passensoriel, mais il peut arriver qu’ils oublient la peur elle-même à certainsmoments. Leur bonheur consiste dans la tranquillité du côté du châtimentsensoriel, et cela vient de ce que met Allâh, dans leurs cœurs, en tant qu’ilpossède une vastemiséricorde. En effet,Allâh dit : «Aujourd’huiNous vous

oublionscommevousavezoublié…»131.C’estdece fait là132 qu’ilsdisent«nousavonsétéoubliés»(nusînâ)quandilsnesententpluslesdouleurs.Acelaserapportentencorelesparolesdivines:«IlsoublièrentAllâhetIllesaoubliés»133 et : « de même aujourd’hui tu seras oublié » 134, c’est-à-dire « tu esabandonnédanslaGéhenne»,carlenisyân,«oubli»,estl’«abandon»:si(laracine employée dans tous les mots traduits ici par l’idée d’ « oubli » estconsidéréeavoircomme troisième radicale) lehamzah (etnonpas leyâ’), sonsensestle«retardement».

Lapartdebonheurqu’ontlesgensduFeuestl’absencedechâtiment,etleurpart de châtiment est l’arrivée du châtiment lui-même, car ils n’ont aucunesécuritéparvoiedenotification135ducôtéd’Allâh.Ilssontprotégéscependantàcertainsmoments,contrelapeurdel’arrivéeduchâtiment.Ainsiunefoisilsensont protégés pendant 10.000 années, une autre fois pendant 2.000 années, ouencorependant6.000années,mais ilsne sortentpasdeces limites, car il fautqu’ilsypassentunteltempsdéterminé.

EnfinquandAllâhveutleuraccorderunefaveurdesonnomAr-Rahmân,ilsconsidèrentl’étatdanslequelilssetrouventalorsetleursortieduchâtimentenlequel ils avaient étéplongés, et ils sont favorisés tantquedurece regard ;orcelapeutdurerunefois1.000années,uneautrefois9.000années,uneautrefois5.000années,celapeutêtreencoredavantageoumoins.

TelleestlasituationdecesêtresdanslaGéhenne,yrestantcontinuellement,carilsensontleshabitantsattitrés.

Cequenousvenonsdementionnerdanscechapitreprovientde la scienceaïssawiehéritéeduMaqâmMuhammadien.

EtAllâhditlavérité,etIlguidesurlaVoie.

VI

LECOFFRED’HÉRACLIUSETLATRADITIONDU«TÂBÛT

»ADAMIQUE136

LesFoliaOrientalia,vol.11,1960(Cracovie),organedel'AcadémiePolonaisedesSciences,publientunintéressanttravailduprof.M.Hamidullah,intituléUneambassade du calife Abû Bakr auprès de l'empereur Héraclius, et le livebyzantindelaprédictiondesdestinées.Aupointdevuedocumentaire,ils'agit,du coté islamique, de relationsofficielles trèsprécises et fort curieuses sur lesentretienspublicsouprivés–onpourraitdiremêmesecrets–que 'Ubâda ibnas-Sâmit,Hishâmibnal-'ÂsetNu'aymibn 'Abd-Allâh, lesambassadeursdu1eCalife, eurent avec l'Empereur. Les faits se situent à Byzance peu aprèsl'accession d'Abû Bakr au Califat (632-634) et avant que la guerre contre lesByzantins ne se généralise. Pendant un entretien de nuit dans l'appartementimpérial, Héraclius fit apporter un grand coffre à casiers dont il commença asortirsuccessivementdesmorceauxdesoienoiresurchacundesquelssetrouvaitpeinte une figure humaine. Il demandait chaque fois aux visiteurs s’ilsreconnaissaient les personnages représentés. Comme ceux-ci répondaient audébutchaquefoisparlanégative,l'Empereurleurprécisaitensuitequ'ils'agissaitainsidesportraitsd’Adam,deNoé,d'Abraham.Dansl'imagequivintensuite,ilsreconnurentlevisageduProphèteMuhammad«souriantcommevivant».VoicimaintenantlestermesmêmesdelaversiondeHishâmibnal-'ÂsdonneparAl-Bayhaqî (Dalâ'il an-Nubuwwa) que traduit M. Hamidullah (mais dont nousadaptonsunpeulaforme):

« L'Empereur nous demanda : Le connaissez-vous ? –Nous dimes : Oui,c'estMuhammadl'EnvoyédeDieu,etcommençâmesapleurer.

« A ce moment-la, Dieum'est garant de ce que je dis, l'Empereur se mitdebout,puis s'assitdenouveau, etnousdit :« JevousadjureparDieu, est-cebienlui?»–Nousrépondîmes:«Maisoui,c'estlui,commesitulevoyaislui-même(ou:«commesinouslevoyionsvivant»,danslaversiond'AbûNu’aym)»!

«Alors,ils'arrêtapendantuncertaintemps,puisdéclara:«Envérité,celui-ci était le dernier casier dans l'ordre, mais je l'ai ouvert par anticipation pourvouséprouver.»

Le récit rapporte ensuite que l’Empereur montra aux ambassadeursmusulmans de lamêmemanière les images contenues dans chacun des autrescasiers, en précisant chaque fois le prophète dont il s'agissait ; furent ainsimentionne » encoreMoïse, Aaron, Loth, Isaac, Jacob, Ismaël, Joseph, David,SalomonetJésus.(Ilfautdirequelesautresversionsvarientquelquepeuencepoint.)Apres cela,Héraclius referma le coffre et le renvoya.Le récit continueainsi:

«Nousdemandâmes:«D'oùas-tucesportraits,carnoussavonsmaintenantquecesontlesfiguresdesProphètes–sureuxlesalut!–,puisquenousyavonsretrouvé celle de noire Prophète à nous – sur lui la prière et le salut ! –»L'Empereurnousexpliqua:«AdamavaitdemandéàsonSeigneurdeluifairevoirlesprophètesparmisesdescendants.Dieuluiproduisitleursformessurdespièces de soie du Paradis. Ces portraits restèrent dans le Trésor d'Adam auCouchantduSoleil.Dhû-l-Qarnayn(L'HommeauxDeuxCornes.cf.Coran18,83-98) lesen ramena.»Enconfrontant lesdifférentesversionsde la findecerécit, il résultequea lorsqu'arriva le tempsduProphèteDaniel,celui-ci fitdescopies de ces portraits et c'étaient ces copiesmêmes que l’Empereur byzantindétenait.»

M. Hamidullah signalait au début, du coté byzantin, des documentshistoriques pouvant être rappelés ici de quelque façon ; tel par exemple laprésencedanslabibliothèquedeLéonleSaged'unlivrecopiéd'aprèsunrouleautrouvé dans le tombeau du même Prophète Daniel, prédisant les destinées deByzance, et contenant les noms de ceux qui y règneraient tant qui cette villeexisterait.L'auteurvoitensommeentoutceladeuxalbumsquifaisaientpartiedutrésorimpérial:«Héracliusenmontraunauxambassadeursmusulmans,etLéonleSagesesertd'unautre.»Quelquesautresrécitsaffirmant1'existencededocumentsplusoumoinscomparables, toujoursaproposde l'Islam,enChine,enPalestineouenEspagnevisigothique,amènentM.Hamidullahaconclureàunecertaine« traditionpicturale»prochedugenreapocalyptique.L'auteurneprécisepascequel'onpourraitentendreaufondparcette«traditionpicturale»qui, en effet, pourrait avoir un sens différent de celui dune simple imageried'artistesondescribesimpériaux.Ilajouteaussi:«L'aspectésotériquenenousintéressepasici.»Cettementionsembleadmettretoutaumoinsenprincipeque,considéréesdansunetelleperspectivedelasciencetraditionnelle,lesdonnéesenquestionpuissentéventuellementprésenterunsensplussérieuxetplusinstructif.A ce propos, nous attirons l'attention, tout d'abord, sur les cas de l’empereur

Héracliuslui-même.Desrécitstraditionnelslemontrentcommeunconnaisseuren astrologie (Kâna Hiraqlu hazzâ'an yanzuru fî-n-nujûm, rapporte Bukhâri,Sahîh,I.1).D'aprèslesrécitsislamiques,àtroisreprises,onlevoitpréoccupéparlaquestiondelamanifestationprophétiquemuhammadienne.Unepremièrefois,par pure scrutation astrologique, avant de connaitre autrement la sortie duprophèteMuhammad, ilaffirmequ'ilvenaitdedécouvrirqu'unRoi (Malik)ouunRègne(Mulk)nouveauparaissait«chezlescirconcis»etilsedemandaitausujet de ceux-ci s’il s'agissait d'autresquede Juifs (Bukhârî, ibid.). Peu après,apprenantqu'unprophètes'était levéchez lesArabes, il s'informas'il s'agissaitdecirconcis. Il consultaparécrit aussi l'unde sesamisbyzantins«compétentcomme lui en science » (nazîru-hu fî-l-'ilm), la réponse le confirma dans saconviction. Une deuxième fois, c'est lorsqu'il reçoit le message du ProphèteMuhammadlui-même,leconvoquantàl'Islam,et lorsqu'ilenquêtaàceproposauprèsdesArabesmarchands,venusdelaMekkeenSyrie,chosesmentionnées,parexemple,parBukhârîaumoinsdeuxfois,danslechapitresurlaRévélationet dans celui sur la Guerre Sainte. Son attitude apparait en la circonstancepositivequantalui-même(unhadîthduProphètedéclarerad'ailleurs,confirmé,de ce fait, l'Empire byzantin, et par contre l'Empire perse condamné à ladestruction,dufaitdelaréponsehostilefaiteparChosroesParwizàunmessageprophétiqueanalogue),maiscelledeschefsdel'Egliseauraitététellequ'ilneputdonneraucuncoursàsabonnedisposition.Ilestcependantévidentqu'iln'avaitpas une conviction formelle, car son comportement dans la troisièmecirconstance, celle des ambassadeurs d'Abû Bakr, le montre encore a larecherchedunecertitude.

L'inquiétude et l'émotion manifestées alors par l'Empereur pourraients'expliquer assez bien par le sentiment de responsabilité tant personnelle quefonctionnelledevantdesfaitsetdansdesmomentshistoriquesdéterminantspourles destins traditionnels du monde. Sa réponse a Abû Bakr, tout en étantdilatoire, reste polie, quoique l'histoire byzantine et chrétienne n'ait gardé,semble-t-il, aucun souvenir de contacts de ce genre. Son attitude personnelledifférente,entoutescescirconstances,desréactionsofficiellesetecclésiastiquespourraitmêmes'expliquerau fond,etdansunecertainemesure toutaumoins,parlefaitquelatradition«impériale»enOccidentapparaîtcommeayantuneorigineetunepositionindépendantesdelatradition«sacerdotalechrétienne»,tout en pouvant, et finalement même tout en devant se conjoindre de façonintimeaveccelle-cidansl'organisationtraditionnelledel'Occident.(L'Empereurbyzantindevintmêmel’«EvêqueduDehors».)LesmentionsquefaitHéracliusd'un « trésor » transmis « par succession impériale continue » (rapporte Ad-Dînawarî),depuisDhû-l-Qarnayn(auquelilestcertainquelecasd'Alexandrele

Grandne faitquecorrespondredansunecertainemesureàuncertainmomenthistorique), atteste bien cette continuité de la fonction impériale malgré leschangements des formes traditionnelles « religieuses » dans la sphère oùs'exerçaitl'autoritédessouverainstemporelsdel'Occident(celui-ciprisdanssonensemble et par rapport à l'ordre traditionnel total dumonde). II est d'ailleurssignificatif,souscemêmerapport,que,lorsdelapremièreenquête,surdonnéesastrologiques, Héraclius s'inquiète de l'avènement d'un nouveau Roi ouRoyaumeplutôtquedeceluid’unnouveauProphète.

Quant a la questionde savoir cequ'étaient exactement en elles-mêmes cesimagesdesProphètes, iln'estcertainementpas facilededirequelquechosedesûr,maislefaitqu'ellesétaientgardéessecrètesetconservéesd’unefaçontouteparticulièreetdansdescasiersàpart, faitpenserqu'ils'agissaitd'un« trésor»astrologique plutôt que dune sorte d'album. (L'existence par ailleurs d'un livresur les destinées de Byzance dans la bibliothèque impériale pourrait être d'unordrequelquepeudifférent,plus«extérieur»entoutcas,quellesqu'enaientétéles sources premières.) Il n’est pas impossible que les images prophétiques enquestionaienteuaussiquelquevertu talismanique,quoiqu'ellesne fussentquedes«copies»d'originauxrestésdansundépôtplusmystérieux.Ilestintéressantde retenir, en tout cas, qu'il s'agirait, à l’origine de tout cela, d'un dépôtproprement occidental, de cet Extrême-Occident que, Dhû-l-Qarnayn avaiteffectivementatteint(alorsqu'AlexandreleGrandn'avaitpaseuàfaireunetelleexpédition). Dans cette perspective, la version d'Al-Bayhaqî, que traduit M.Hamidullah,porteledétailquelafigured'Adamétaitdecouleurrouge,etcelaaussi suggère un rapport avec le prototype adamique de la race rouge dont laposition cardinale est a l'Occident. Une des données de la tradition islamiquequantàlacréationd'Adams'appliqueplusspécialementàlaracerouge.

Telles sont les réflexions que nous pouvons ajouter à celles que M.Hamidullahafaiteslui-mêmeausujetdesdonnéesrapportéesparledocumentleplusimportantdesonarticle.

VII

UNSYMBOLEIDÉOGRAPHIQUEDEL'HOMMEUNIVERSEL

(Donnéesd'unecorrespondanceavecRenéGUÉNON)137

En finissant son article intitulé « La Montagne et la Caverne » (Etudes

Traditionnelles, janvier 1938), René Guenon, qui venait d'appuyer sesconsidérationssurlesschémastriangulairescorrespondantàcesdeuxsymboles,écrivait:«Sil’onveutreprésenterlacavernecommesituéeàl'intérieurmême(ouaucœur,pourrait-ondire)delamontagne,ilsuffitdetransporterletriangleinverséAl'intérieurdutriangledroit,detellefaçonqueleurscentrescoïncident[fig. I] ; il doit alors nécessairement être plus petit pour y être contenu toutentier, mais, à part cette différence, l'ensemble de la figure ainsi obtenue estmanifestement identique au symbole du « Sceau de Salomon », où les deuxtrianglesopposésreprésententégalementdeuxprincipescomplémentaires,danslesdiversesapplicationsdontilssontsusceptibles.

D'autre part, si l’on fait les côtés du triangle inversé égaux à lamoitié deceuxdu triangledroit (nous les avons fait unpeumoindrespourque lesdeuxtriangles apparaissent entièrement détachés l'un de l'autre, mais en fait, il estévident que l'entrée de la caverne doit se trouver a la surface même de lamontagne, donc que le triangle qui la représente devrait réellement toucher lecontour de l'autre)138, le petit triangle divisera la surface du grand en quatrepartieségales,dontl'uneseraletriangleinversélui-même,tandisquelesautresseront des triangles droits ; cette dernière considération, ainsi que celle decertainesrelationsnumériquesquis'yrattachent,n'apas,àvraidire,derapportdirect avec notre présent sujet, mais nous aurons sans doute l'occasion de laretrouverparlasuiteaucoursd'autresétudes».

Notreregrettémaîtren'eutplusenfaitunetelleoccasiondansseslivresouarticlesmêmes. C'est seulement dans sa correspondance avec nous qu'il a étéamené, à plusieurs reprises, à donner quelques précisions inédites, en rapportavec certains thèmes de nos échanges. Ses autres lecteurs n'ont donc plusmaintenant d'autre moyen de savoir ce qu'il voulait dire à cet égard, que de

prendre connaissance, par une notice posthume comme celle-ci, de certainspassagesdeseslettres.Nouslesaccompagneronsd'explicationscirconstanciellesetdequelquescommentairespersonnels.

C'estàproposdusymbolismenuméraldecertainsnomsettermesarabesquecesquestionsfurentpourlapremièrefoisévoquées;pourmieuxsituertoutcela,ilestopportunderappelerquedans leSymbolismede laCroix,ch. III (1931),RenéGuénonavaitdéjàécritque,dansl'ésotérismeislamique,«ilestenseignéquel’«HommeUniversel»entantqu'ilestreprésentéparl'ensemble«Adam-Eve » a le nombre d'Allâh, ce qui est bien une expression de l’ « IdentitéSuprême».Ennote,l'auteurprécisait:«Cenombrequiest66,estdonnéparlasomme des valeurs numériques des lettres formant les nomsAdamwaHawâ.SuivantlaGenèsehébraïque,l'homme«créémâleetfemelle»,c'est-à-diredansunétatandrogynique,est«à l'imagedeDieu».»Commenous luiavions,denotrecoté,signaléparlasuitequelquesautrescorrespondances(quinepeuventêtre évoquéesdans leprésent contexte), il y eutdans sa réponseunepremièreallusion,insuffisammentexplicitetoutefois,aupointquinousintéresse:

«Pourlenombre45dunomAdamilyalieuderemarquerquecen'estpasseulementunmultiplede9,maisquec'estproprementle«triangle»de9,c'est-à-dire, en d'autres termes, la somme des 9 premiers nombres. D'autre part, lenombredeHawâ est 15, qui est le « triangle » de 5 ; le rapport de ces deuxtriangles pout aussi donner lieu à quelques considérations curieuses ; j'aid'ailleurs depuis longtemps l'intention de parler de cela dans quelque article,maisjen'enaipasencoretrouvél'occasionjusqu'ici»(Lettredu30mars1940).

Enluirépondant,nousfîmes,entreautreschoses,laremarquequelerapportentre 45 et 15 était particulièrement intéressant dans la disposition que les 9premiers nombres ont dans le soi-disant « carré magique » de 9, où chaquerangée, verticale, horizontale ou diagonale totalise 15, l'ensemble se trouvantcentre sur le nombre 5, symbole numéral du microcosme humain (cf. ladisposition de l'homme régénéré sur l'Etoile flamboyante). Ceci nous valut enretouruneprécisionnouvellesurlepointenquestion:«Vosremarquesausujetdu«carrémagique»de9sontexactes139;maisde

plus,lerapportdesnombresd'AdametdeHawâestaussiceluidesdeuxtriangles

dontj’aiparléàproposdusymbolismedelamontagneetdelacaverne.Sil'onconsidèrelasommedesdeuxnomssansfaireintervenirlaconjonction,c'est-à-dire 60,Adam en représente trois quarts etHawâ un quart ; cela pourrait êtrerapprochedecertainesformuleshindoues(unquart.ensanscritestappeléun«

pied », pâda), pour autant dumoins que ces formules sont susceptibles d'uneapplicationàl'HommeUniversel»(Lettredu21avril1940).

Acedernierproposvoicicequinousparaîtpouvoirêtreévoqué,toutd'aborddesdonnéeshindouescitéesailleursparRenéGuénonlui-même.LaMândûkyaUpanishad(shruti1et2)emploiel'unitédemesureappeléepâdaaproposdesconditionsd'Atmâ:«Atmâ(donttoutesleschosesnesontquelamanifestation)est Brahma, et cet Atmâ (par rapport aux divers états de l'être) a quatreconditions(pâdas) ;envérité toutceciestBrahma».Aprèsavoircitéce textedanslechapitreXdeL'HommeetsondevenirselonleVêdânta,RenéGuenonmontreauxchapitresXI,XIVetXVIqued'après lescorrespondancesétabliesparlamêmeUpanishadentrelesélémentsconstitutifs(mâtrâs)dumonosyllabesacré Aum (prononce Om) et les conditions (pâdas) d'Atmâ, dont il est lesymboleidéographique,cesquatreconditionssont:

1e l'étatdeveille (jâgarita-sthâna)quiest celuide lamanifestation laplusextérieure,lemondecorporel,représentéparlalettreAdumonosyllabe;

2e l'état de rêve (swapna-sthâna) qui est celui de la manifestation subtilereprésentéparlalettreU;

3e l'étatdesommeilprofond(sushupta-sthâna),ledegréprincipieldel'être,représentéparlalettreM;

4e l'état suprême, total et absolument inconditionné représenté par lemonosyllabe lui-même,envisagésoussonaspectprincipielet«nonexprimé»paruncaractèreidéographique(amâtra).

Mais d'autre part, laMaitriUpanishad (7e Prapathaka, shruti 11) dit : «Veille, rêve, sommeil profond, et ce qui est au-delà, tels sont les quatre étatsd'Atmâ : le plus grand (mahattara) est le Quatrième (Turîya). Dans les troispremiersBrahmarésideavecundesespieds;ilatroispiedsdansledernier».EtRenéGuénoncommente:«Ainsilesproportionsétabliesprécédemmentàuncertainpointdevuesetrouventrenverséesàunautrepointdevue:desquatre«pieds« (pâdas)d'Atmâ, les trois premiers quant à la distinction des états n'ensontqu'unquantàl'importancemétaphysique,etledernierenesttroisàluiseulsous le même rapport. Si Brahma n'était pas « sans parties » (akhanda), onpourraitdirequ'unquartdeLuiseulementestdansl'Être(ycompristoutcequiendépend,c'est-à-direlamanifestationuniverselledontilestleprincipe),tandisqueSes trois autresquarts sont au-delàde l'Être.Ces troisquartspeuvent êtreenvisagésdelafaçonsuivante:

1e la totalité des possibilités de manifestation en tant qu'elles ne semanifestent pas, donc à l‘état absolument permanent et inconditionné, commetout ce qui est du « Quatrième » (en tant qu'elles se manifestent, elles

appartiennent aux deux premiers états ; en tant que « manifestables », autroisième,principielparrapportaceux-là);

2e la totalité des possibilités de non-manifestation (dont nous ne parlonsd'ailleurs au pluriel que par analogie, car elles sont évidemment au-delà de lamultiplicitéetmêmeau-delàdel'unité);

3e enfin, le Principe Suprême des unes et des autres, qui est la PossibilitéUniverselle,totale,infinieetabsolue».

Il est naturellement possible de trouver des correspondances entre les 4pâdasdeBrahmaetles4petitstrianglesenlesquelssedécomposelegrand(demêmeque,d'unautrecôté,ondevraitpouvoiropérerunetranspositionnouvelledu monosyllabe Aum) : dans ce cas le triangle inversé, appliqué à l'ordreprincipiel, symbolise l'Être en tant qu'il semanifeste140; les 3 triangles droitscorrespondent alors aux trois aspects deBrahma au-delà de l'Être : le trianglesupérieur, origine de l'ensemble figuratif, convient naturellement commesymboleduPrincipeSuprêmedetoutes lespossibilitéset lesdeuxtrianglesdedroiteetdegauche,respectivementauxpossibilitésdenon-manifestationetauxpossibilitésdemanifestationentantqu'ellesnesemanifestentpas141(4).

D'autre part, quand on envisage les correspondances avec les 4 pâdasd'Atmâ, elles sont les suivantes : le triangle supérieur correspond au pâdaprincipieletnon-manifestéetlesautres3trianglesauxtroispâdasdudomainede lamanifestationmisenoutre,enrapportavec lesmâtrâsd'Om.Cependant,pouruneapplicationprécise,ilfautenvisagerlàencoreuneinterprétationselonlesymbolismeducentre,deladroiteetdelagauche,c'est-a-direenréordonnantla hiérarchie verticale des degrés de l'existence (principiel, intermédiaire etcorporel)surunplanhorizontalcorrespondantaupointdevuedes«directionsdevoie»,ouencoredela«justicedistributive».

Enfin,enseplaçantaunpointdevuepluscosmologique(prochedeceluiduSankhya) mais dans les termes de la Shvetâshvatara Upanishad, le trianglesupérieurseraitl’«ÊtreUniqueetSans-Couleur»(interprétécommeShiva),etles troisautres triangles, les trois«non-nés» : l'un,decaractère féminin,« lanon-née rouge, blanche et noire » qui engendre les êtres particuliers, et quicorrespond a la Nature Primordiale principe des troisGunas, ou encore a laShaktideShiva,estreprésentélogiquement,parletriangleinversé142;lesautresdeux«non-nés»sontdecaractèremasculin,maisl'un«Setientàcotédecelle-cisatisfait, l'autre laquitteaprèsenavoir joui» ;cesontrespectivement l'âmeincréée, mais passive et liée dans le premier cas, active et détachée dans ledeuxième (Sv. Up. IV, 1 et 5)143. Cependant ce texte parle proprement de 4entitésdistinctes,etnonpasde4partiesd'unmemoêtre.Or,envéritéils'agitde

modesd'unemême réalité essentielle qui n’est autre qu'Atmâ,mais cesmodessont ici, pour des raisons didactiques, personnifiées dans des hypostasestypiquementcaractériséesquipeuventl'affecternonseulementdanslamultitudedesêtresexistants,maisaussidanslamultiplicitédesétatsd'unmêmeêtre144.

Mais revenons a notre correspondance avec Guénon. A un autremoment,bienplustard,noslettrestouchantaplusieursrepriseslaquestiondumantraOmen rapport avecdesnomset formulesdedhikr islamique,R.Guénonnousditenfin:

« En connexion avec ce que je vous avais dit, je vous demanderai encored'examinerattentivementcequedonneladispositiondeslettressurlescôtésdelafigureci-contre,danslaquellelegrandtriangledoitêtreregardécommevalant45=Adam,etlepetittriangleinversecommevalant15=Hawâ.Cettefigureestcellequej'avaisdonnée,maissansleslettresetsansmêmefaireallusionacela,carj'avaisl'intentiond'yrevenirplustard,dansmonarticlesurlamontagneetlacaverne»(Lettredu4août1945).

Lescirconstancesnenousontpaspermisal'époquedefaireautrechosequedeleremercierpourcetteimportantecommunication,desortequenousn'avonspas a citer de sa part quelque appréciation sur les constatations que nouspouvionsfaireàcepropos,nid'autresconsidérationsqu'iln'auraitpasmanquéd'ajouterlui-mêmeal’occasion.Nousespérionsaussiqu'ilsedécideraitàécrireenfinl’articlequ'ilavaitenvuedepuissilongtemps.

Voici, maintenant ce que l'on peut dire à première vue à propos de cettefigureIII:

Leslettresquil’entourentsontarabes,àsavoir:ausommetunalif,aucoindedroiteundâl,àceluidegaucheunmîm,cequifaitpourlegrandtriangle,lestroislettresconstitutivesdunomAdam;aumilieuducôtédroit,ousetrouvelapointed'undesanglesdutriangleinversé,ilyaunhâ,aumilieuducôtégauche,oùestlapointeducôtéadjacentaumêmecôté,unwâw,etenfin,aumilieudelabasedugrandtriangle,ous'appuielesommetrenversedupetittriangle,unautrealif, ce qui fait pour le petit triangle, les trois lettres constitutives du nomHawâ145(8).L'effetqueproduitcetteinterférencedeslettresdesdeuxnomssurchaquecôtedugrandtriangleestlesuivant:surlecotedroitalif–hâ–dâl=Ahad,quisignifie«Un»;surlecôtégauchealif–wâw–mîm=Awm,cequiestla transcription arabe dumonosyllabe sacré de l'Orient ; enfin sur la base, ensuivantl'ordrenormaldel'écriturearabeonadâl–alif–mîm=dâm,unverbesignifiant « il est permanent », mais qu'il faut lire plutôt au participe présentDâ'im = « Permanent, Eternel », ce qui donne un des noms divins, l'i de latranscriptiondecederniermotnecorrespondantalorsdansl’écriturearabequ'à

unesimplehamza (signed'attaquevocaliquequin’estpasune lettreetn'a,parconséquent, non plus de valeur numérale). On a ainsi trois termes d’uneimportancecapitaledansl'ordredoctrinal:lenomdivindel'UnitéPure(cf.Cor.112,1), levocableprimordialqui selon ladoctrinehindoue inclut l'essencedutripleVêdaetquiestdoncunsymboleduVerbeuniversel,et,enfin,untermequiexprimeaussibienlapermanenceduPrincipeUniquequecelledelaRévélationPremièreduVerbe.Cependant,cestroisaspectdivins,entantqu'ilsapparaissentici dans la structure de laFormede l'Androgyne humain, sont en l'occurrenceproprementdesaspectsthéophaniquesdel'HommeUniversel.

Souscerapport,ilestfrappantdeconstaterquel'alifdusommet,quiexprimedéjàparlui-mêmelesidéesde«principe»etd'«unité»(lavaleurnuméraledecettelettreétant1),ouencorede«polarité»(lavaleurdeslettresquicomposentlenomalifétant111,nombredu«pôle»,Qutb),entrecommelettreinitialedanslaconstitutionaussibiend'Ahad=«Un»qued'Awm=Om,etcelaestenaccordaussi avec la position principielle que cette lettre occupe tant dans l'ordre «numéral»quedansl'ordre«littéral»:cecisuggèrel'idéequ'onsetrouvelàenprésenced’unesortede«sceau»desdeuxsciencessacréesdesNombresetdesLettres.CessciencessontenréalitélesdeuxbranchesprincipalesdelaScienceplusgénéraledesNoms(applicableaussibiendansl'ordredivinquedansl'ordrecréaturel)qu'AllâhaenseignéeparprivilègeaAdam(Cor.2,31;cf.GenèseII,19-20),etlefaitquecetalifestdansnotreschématoutd'abordl'initialedunommêmed'Adam, illustre parfaitement la vérité que ces deux sciences sont deuxattributs complémentaires et solidaires de l'HommeUniversel. Cependant leurpremière origine étant divine, ainsi que nous venons de le dire, l'alif quisymbolise leur principe doit être considéré comme étant originellement etessentiellement l'initiale du nom même d'Allâh, « conférée » à Adam par laThéophaniePrimordialequiconstitue,avraidire,lacréationdecelui-ci«selonlaFormed'Allâh ».CetAlif est alors un symbole du Principe de cette Formetotale,demêmequeletracédroitdecettepremièrelettredel'alphabetsacréestconsidérécommeleprincipeconstitutifdetouteslesautres,etdemêmequeleson a qui lui correspond (comme on le voit dans l'écriture quand la lettremarquéed’unefatha–sona–«saturée»estprolongéenécessairementavecunalif) est la voix primordiale, dont tous les sons possibles n'en sont que desmodifications,etdemêmeenfin,quel'unité,quiestlavaleurnuméraledecettelettre,estleprincipedetouslesnombres146.

Enfincetalifsupérieur,etdepositioninitialedanslenomAdam,acommeune«projection»dansl'alifinférieurquiestlafinaledunomHawâ.Larelationentrecesdeuxalifestd'ailleursentouterigueurcellededeuxdegrésexistentielssimultanés et polairement opposés d'un même être, tout comme Hawâ n’est

qu'une partie intime de l'Adam primordial et androgyne, et, distinctement, soncomplément produit par un simple réfléchissement intérieur de l'aspectmasculin147. D'un point de vue microcosmique plus analytique la placequ'occupel'alifdusommetestcelledurayonenvoyéparleSoleilspirituel,quiest le Soi transcendant, et touchant tout d'abord au centre du « Lotus àmillepétales»(Sahasrara)148, situésymboliquementà lacouronnede la tête.Asontour l'alif d'en bas représente, pourrait-on dire, l'aboutissement inférieur dumêmerayon(àtraversl’artèresubtileSushumma),etsaposition,quiestlepointdecontactentrelesommetinversedupetittriangleetlabasedugrand,exprimeunerelativeetapparente«immanence»duSoiaufonddela«caverneducœur»149,alorsque,selonsonessencepure, leSoi reste inconditionné, toutcommel'aliforiginel,celuid'Allâh,n’estassignableselonsanaturevéritableenaucuneposition déterminée sur ce schéma symbolique dont les éléments procèdentcependanttousdelui.Dupointdevuemacrocosmique,larelationde«descente»quiexisteentrecesdeuxalifestaufonduneexpressiondelamanifestationduCommandementSeigneurial(al-Amrar-Rabbânî),quidescendduCielenTerre,réordonnelemondeetremonteversAllâh150.

D'autre part, si l'on se rapporte au symbolisme de la Montagne et de laCaverne comme « séjours » du Pôle spirituel, l'alif supérieur représente lapositiondominanteetmanifestedecelui-ciaudébutducycle,etl'alifinférieursarésidencecentraleetintérieuredanslaphased'occultation.

Enfin, pour conclure nos considérations supplétives nous dirons qu'eninsistant un peu plus on pourrait faire d'autres constatations significatives tantdans l'ordre numéral que dans l'ordre littéral et verbal, mais notre but étantsurtout de rapporter le propos de Reno Guenon, nous arrêtons là, pour lemoment,notreinterventionpersonnellesurcepoint.

Ilrestecependantquelefaitleplusfrappantdanscettefigureestl'apparitionde l'Aum, et on peut se demander que peut valoir au fond la présence de cevocable védique dans un contexte arabe. Cette question nous oriente vers unautre domaine d'étude, et nous nous proposons de la considérer dans un autrechapitre dans lequel nous aurons à évoquer encore quelques propos de lacorrespondanceavecRenéGuénon151.

VIII

LETRIANGLEDEL'ANDROGYNEETLEMONOSYLLABE«OM».152

A la fin de notre article intitulé Un symbole idéographique de l'Homme

Universel(Donnéesd'unecorrespondanceavecRenéGuénon)nousprévoyionsunesuiteplusspécialementdestinéeàrendrecomptedelaprésenceduvocablevédique Awm (= Om) au sein du contexte arabe donné par la figure quireprésente lesproportions symboliquesentreAdametEvedans laconstitutionde l'Androgyneprimordial).Nousreproduisons icidenouveau ledessindonnéalorsetledoublonsenl'occurrenced'unetranscriptionenlettreslatinespourenfaciliter la consultation. Nous précisons en même temps les transcriptionslittéralestoutenobservantque,surlesdeuxdessins,lalecturedoitsefairedanslesensdel'écriturearabe,c'est-à-dirededroiteàgauche.

1.Complémentarismedesymbolesidéographiques.Enfaitils'agiramaintenantdedégagerplutôtlesensdelaprésencedestrois

lettres arabes qui correspondent aux troismâtrâs ou éléments constitutifs dumonosyllabe Om153, car l'arabe, comme toutes les langues sémitiques entreautres, ne comporte pas, tout au moins explicitement, ce même vocableinvocatoire, et possède en échange, avec un emploi sacré plus ou moinscomparable, le vocable Amin (= amen), équivalence sur laquelle nousreviendronsd'ailleursplustard.

Les trois lettres arabes alif,wâw etmîm en tant qu'éléments d'un groupe

ternaire déterminé et situé dans le cadre symbolique de notre schéma del'HommeUniversel,peuventêtreinterprétéesainsi:l’alif,quiestunsymboledel'unité et du principe premier, représente naturellementAllâh, dont le nom a,d'ailleurs,commelettreinitialeunalif;àl'opposé,ladernièredestroislettres,le

mîm désigne l'Envoyé d'Allah, Mohammad, dont le nom débute par cettelettre154. L'initiale et la finale de cet Awm, correspondent ainsi aux deuxAttestations(ach-Cha-hâdatân)del'Islam:celleconcernantAllâhcommedieuunique et celle de lamission divine du ProphèteMohammad. Entre ces deuxtermesextrêmes,lewâwfaitjonction(waçl),cettelettreétantdurestelacopule«et»(wa)155;enmêmetemps,métonymiquementlewâwestlaWahdah,l'UnitéessentielleentrelePrincipepuretlaRéalitéMohammadienne156.

En interprétant la relation idéographique entre les trois lettres dans uneperspectivethéophaniqueonpeutdirequeleVerbe,quisetientàl'étatprincipieldans l’alif, se développe en tant qu'Esprit Saint dans le mouvement spiral duwâw pour s'enrouler finalementdans la forme totalisante etoccultantedumîmmohammadien;ainsilaRéalitéMohammadienneconstituelemystèreduVerbesuprême et universel, car elle est enmême temps la Théophanie intégrale (del'Essence, des Attributs et des Actes) et son occultation sous le voile de laServitudeabsolueettotale157.C'estpourquoileProphètedisait:«Celuiquimevoit, voit la Vérité elle-même » (man raânî faqad raâ-l-Haqq). La suiteprésentée par ces trois lettres peut être regardée comme constituant le cyclecompletduSouffleuniversel:entermeshindous,BrahmaentantquePrâna158.

Ilestàremarquerquecesymbolismedetotalitépropreaugroupedestroislettres arabes alif-wâw-mîm coïncide exactement avec celui du monosyllabehindouselonlaMândûkyaUpanishad(shruti1):«Om,cettesyllabe(akshara)esttoutcequiest!»159.Enoutre,l’alifetlemîmpeuventêtreenvisagésdanslaperspectiveducycledesmanifestationsprophétiques.Ceslettres,quisontaussil'initiale et la finaledunomd'Adam, représentent alors, respectivement,Adamlui-mêmeentantquedétenteurprimordialdelaSciencedivinedesnoms(Ilmu-l-asmâ') et Mohammad en tant que Sceau des Prophètes reçoit les ParolesSynthétiques(Jawâmi'u-l-Kalim)etestchargéde«parfairelesnoblesmœurs»(tatmîmuMakârimi-l-Akhlâq)160.

Ainsi, il est entendu que le rôle de cetAum arabe est d'ordre simplementidéographique, et c'est sous ce rapport que nous ferons encore quelquesremarques.

Dansnotrefigure,leslettresarabescorrespondantauxcaractèresA.U,M,sesuccèdentdansunordredescendant,cequicorrespondàlahiérarchiedesvéritésqu'elles symbolisent, alors que dans la symbolique hindoue l'ordre desmâtrâsd'Omestascendant161.

Cetordreinversedesmâtrâss'expliqueparleurdispositionselonl'ordrederésorption du son, qui commence à partir de l'état de manifestation complète

dansledomainesensible,s'élèveparunmouvementd'involutionintérieuredansledomainesubtil,etrentre,paruneextinctiontotale,danslenon-manifesté162.

Cependant les mâtrâs du monosyllabe sacré ont aussi une représentationécrite.Or,souscerapport,tantducôtéarabequeducôtésanscrit,lesélémentsgéométriquescorrespondantauxcaractèresdela transcriptionsemblentêtrelesmêmes ;une lignedroitepour lecaractèreA,unélémentcourbeouspiraloïdepour le caractèreU, et un point pour le caractèreM. Il faudrait, dans ce cas,rendre compte, sous le rapport idéographique, de l'inversion résultée, tout aumoinsapparemment,dansl'ordredescaractèresrespectifs.Acetégard,pourcequi est du côté sanscrit, nous aurons recours aux précisions que donna RenéGuénondansL'Hommeet sondevenir selon leVêdânta, quand il eut à traiter,pourlapremièrefoisd'unefaçonspécialedumonosyllabesacréhindou,etcelad'autant plus qu'on ne trouve nulle part ailleurs, en dehors de ses écrits,l'indication d'un symbolisme géométrique des mâtrâs d'Om : « ...les formesgéométriquesquicorrespondentrespectivementauxtroismâtrâssontunelignedroite,unedemi-circonférence(ouplutôtunélémentdespirale)etunpoint:lapremièresymboliseledéploiementcompletdelamanifestation;laseconde,unétatd'enveloppementrelatifparrapportàcedéploiement,maiscependantencoredéveloppéoumanifesté;latroisième,l'étatinformelet«sansdimensions»ouconditionslimitativesspéciales,c'est-a-direnon-manifesté.Onremarqueraaussiquelepointestleprincipeprimordialdetouteslesfiguresgéométriques,commele non-manifesté l'est de sous les états demanifestation, et qu'il est, dans sonordre,l'unitévraieetindivisible,cequienfaitunsymbolenatureldel'Êtrepur»163.

NousavonscitéinextensocetextedeGuenonparcequ'ilcontientenmêmetemps que les correspondances dont nous parlons, une indication du sensparticulier dans lequel celles-ci doivent être entendues quand il s'agit du côtésanscrit.Noussavonsainsiqueladroitedontils'agitsymbolise«ledéploiementcompletdelamanifestation»;orsicesensdoitsetrouverdanslecaractèreAdelatranscriptionhindoueàlaquelleserapporte,sansautreprécision,Guénon,il n’est cependant pas possible de le trouver dans la verticale de l'alif arabe ;celui-ci,pournousservir icide termesqueGuénonlui-mêmeaemployésdansuneautrecirconstance,parsaformecorrespondau«amr,affirmationdel'ÊtrepuretformulationpremièredelaVolontésuprême»164,cequiluireconnaîtunsymbolismeprincipieletaxial.Aucontraire,l'idéede«déploiementcompletdela manifestation » renvoie à une figuration opposée a celle du trait vertical,laquelledevantêtreicitoujoursrectiligne,nepourraêtrequ'horizontale.

Maiscommelesformesordinairesoumêmeplusspécialesde transcription

del'aksharaendevanâgarînelaissentpasvoir,toutaumoinsdupremierregard,touscesélémentsgéométriquesdebase165,nouspensonsqueRenéGuénonavaitenvueuneformehiéroglyphiqueparticulièredumonosyllabeOm,decaractèreplus simple et plus primordial, faits pour correspondre graphiquement auxpropriétésphonétiquesduvocable.

En tout cas, nous retrouvons dans son œuvre des indications encore plusprécisesdanslemêmesens,lorsqu'ilparledusymbolismedelaconque.

Nous rappelons a cet égard tout d'abord que « pendant le cataclysme quisépare ce Manvantara du précédent, le Vêda était renfermé à l'étatd'enveloppementdanslaconque(shankha),quiestundesprincipauxattributsdeVishnu.C'estquelaconqueestregardéecommecontenant lesonprimordialetimpérissable(akshara),c'est-à-direlemonosyllabeOm,quiestparexcellencelenomduVerbemanifestédanslestroismondes,enmêmetempsqu'ilest,paruneautrecorrespondancedecestroisélémentsoumâtrâs, l'essencedutripleVêda.D'ailleurs,ces troiséléments, ramenésà leursformesgéométriquesessentiellesetdisposésgraphiquementd'unecertainefaçon,formentleschémamêmedelaconque;et,paruneconcordanceassezsingulière,ilsetrouvequeceschémaestégalement celui de l'oreille humaine, l'organe de l'audition, qui doiteffectivement, pour être apte à la perception du son, avoir une dispositionconformealanaturedecelui-ci.Toutcecitouchevisiblementaquelques-unsdesplus profonds mystères de la cosmologie ... »166. Maintenant on comprendramieux ce que l’auteur veut dire dans le passage suivant : « Le schéma de laconquepeutd’ailleursêtrecomplétécommeétantceluidel’akshara lui-même,la ligne droite (a) recouvrant et fermant la conque (u) qui contient en sonintérieurlepoint(m),ouleprincipeessentieldesêtres;lalignedroitereprésentealorsenmêmetempsparsonsenshorizontal, la«surfacedesEaux»,c’est-à-dire lemilieusubstantieldans lequelseproduira ledéveloppementdesgermes(représenté dans le symbolisme oriental par l’épanouissement de la fleur delotus)aprèslapérioded’obscurationintermédiaire(sandhyâ)entredeuxcycles.On aura alors, enpoursuivant lamême représentation schématique, une figureque l’on pourra décrire comme le retournement de la conque, s’ouvrant pourlaisseréchapper lesgermes, suivant la lignedroiteorientéemaintenantdans lesensvertical descendant, qui est celui dudéveloppementde lamanifestation àpartir de sonprincipenonmanifesté». Ici unenoteprécise : «Cettenouvellefigureestcellequiestdonnéedansl’Archéomètrepourlalettre zodiacaleduCancer»167.

Or la figure indiquée ainsi est plus exactement celle de la lettrecorrespondantedansl’alphabetvattan,àsavoir

;enlarétablissantdanslapositiondelaconqueavantson«retournement»et

son«ouverture»,alorsqu’ellecontenaitdonclegerme,cettefiguredoitêtre.

Danscetteposition,quipeutêtreconsidéréecommenormale,lalignedroiteesthorizontale.Cependantl’ordredesuccessiondesélémentsestnouveau;maisl’auteur nous avait averti que pour obtenir le schéma de la conque, les troiséléments (ou mâtrâs) étaient non seulement « ramenés à leurs formesgéométriquesessentielles»,maisaussi«disposésgraphiquementd’unecertainefaçon»,etc’estcertainementcettedisposition,spécialeetnonpasordinaire,quiexplique les changements constatables ici dans l’ordre de succession desélémentsdebase168.

Enfin,dansLeRoiduMonde, ch. IV, tout en expliquantque« lemotOmdonneimmédiatementlaclefdelarépartitionhiérarchiquedesfonctionsentreleBrahâtmâ et ses deux assesseurs », ternaire qui régit les « trois mondes »,Guénon ajoute : «Pour nous servir encored’un autre symbolisme, nonmoinsrigoureusementexact,nousdironsqueleMahângareprésentelabasedutriangleinitiatique,etleBrahâtmâsonsommet;entrelesdeux,leMahâtmâincarneenquelque sorte un principemédiateur (la vitalité cosmique, l’AnimaMundi deshermétistes), dont l’action se déploie dans l’« espace intermédiaire » ; et toutcela est figuré très clairement par les caractères correspondants de l’alphabetsacré que Saint-Yves appelle vattan etM. Ossendowski vatannan, ou, ce quirevient au même par les formes géométriques (ligne droite, spirale et point)auxquellesseramènentessentiellementlestroismâtrâsouélémentsconstitutifsdumonosyllabeOm».Certes, làencorecen’estqu’unecorrespondance,maiselle est de la plus grande importance. La référence qui est faite cette fois-ciexplicitement à l’écriture vattan permet de comprendre que les caractèresrespectifsdanscetalphabetsolairede22lettressontaumoinsapparentés,sinontout à fait identiques, à ceux impliqués plus spécialement dans le symbolismedesmâtrâsd’OmselonlaMândûkyaUpanishadetdanslecommentairedeRenéGuénon.Or,dansleditalphabet,telquenousleconnaissonsparl’ArchéomètredeSaint-Yves,aucaractèreAcorrespondbienunedroitehorizontale,auUunespirale tournée vers le haut, enfin au M un petit point (placé sur une droitehorizontaleàlafaçond’uneperlesurunfil)169.

Entoutétatdecause,maintenant,lalignedroitequicorrespondàlamâtrâAdoitêtreconsidéréecommehorizontaleetalorselleseprésente,pourrait-ondire,dansun rapportdecomplémentarismeavec ladroiteverticalede l’alif,au lieud’unesimilitude.D’ailleurs,sionregardebien,unpareilrapportestconstatable

également pour les deux autres formes géométriques en cause, l’élémentspiraloïde et le « point » : en effet la spirale qui représente lamâtrâ U estinvolutive et ascendante, car elle est définie dans la Mândûkya Upanishadcommeutkarsha«élévation»170,tandisquecelleduwâwarabeestévolutiveetdescendante171enfinducôtésanscritlepointquicorrespondàlamâtrâMestunpointproprementdit,«sansdimensions»172(20),alorsqueducôtéarabelemîmestenréalitéuneboucleferméeouunnœudfaitparunenroulement,formequi,théoriquement tout au moins, comporte un petit espace vide au milieu. Onpourrait même préciser que les formes des caractères dans les deux séries,combinées entre elles, donnent les trois symboles fondamentaux suivants : laCroix,lesdeuxserpentsduCaducéeetl’ŒufduMonde.

En outre, on peut constater que, dans un certain sens, les équivalencessymboliques véritables se trouvent non pas dans les caractères mêmes dontl’ordre est inversé,mais, à chaque niveau, dans les fonctions symboliques deleursélémentsgéométriquesdebase.

AinsilepointconstitutifdelamâtrâM,situéenhaut,oùilreprésentel’étatprincipiel,correspondenfait,àlapointesupérieuredel’alif,quiestce«pointoriginel » (an-nuqtat al-asliyya) lequel s’écoula sous un Regard d’Allâh etdonna le trait vertical de la première lettre173. Les deux spirales, involutive etévolutive, de l’échelon intermédiaire se correspondent naturellement par leursfonctions,également«médiatrices»,mercuréennes,entreunétatprincipieletunétat de manifestation complète. Enfin, au degré inférieur, l’horizontale de lamâtrâexprimesousuneformerectiligne,lamêmeidéequelaformecompactedumî:unétatdecomplétudequi,d’uncôté,estpointdedépartd’unprocessusrésorptif,del’autre,pointd’aboutissementd’uneconsommationcyclique.

Ainsi,enconclusiondecetexamen,l’ordreinversedanslequelsesuccèdentlesformesgéométriquesdanslesdeuxsériesdecaractèresapparaîtcommeuneconséquence logique de leur tracé hiéroglyphique réel. Or ce tracé avec lecomplémentarismequenousydiscernonsnepeutêtreunfaitisoléetaccidentel,nisansunesignificationtraditionnelleplusgénérale,carnoussommesdansundomaineparexcellencesacréoùlesformessontl’expressionsymboliquedirectedesréalitésqu’ellesdoiventexprimer.NousrappelleronsiciqueRenéGuénonadéjà faituneconstatationdecetordrepour le casduna sanscrit ramené à seséléments géométriques fondamentaux et du nûn arabe — deux demi-conférences,supérieureetinférieure,chacuneavecleurpoint—dontlaréunionconstitue«lecercleavecsonpointaucentre,figureducyclecompletquiestenmêmetempslesymboleduSoleildansl’ordreastrologiqueetceluidel’ordansl’ordrealchimique»174.Orildisaitalorsaussiqu’ilfallaityvoiruneffetdes«

relations qui existent entre les alphabets des différentes langues traditionnelles»175.

Ses développements cosmologiques sur ce point de symbolismeaboutissaientd’ailleursàunecertaineidéed’intégrationtraditionnellefinale:«Demêmequelademi-circonférenceinférieureestlafiguredel’arche,lademi-circonférence supérieure est celle de l’arc-en-ciel, qui en est l’analogue dansl’acception la plus stricte du mot, c’est-à-dire avec l’application du « sensinverse » ; ce sont aussi les deux moitiés de « l’Œuf du Monde », l’une «terrestre»,dans les«eaux inférieures»et l’autre«céleste»,dans les«eauxsupérieures»;etlafigurecirculairequiétaitcomplèteaudébutducycle,avantlaséparationdecesdeuxmoitiés,doitsereconstitueràlafindumêmecycle.Onpourrait donc dire que la réunion des deux figures dont il s’agit représentel’accomplissementducycle,parlajonctiondesoncommencementetdesafin,d’autant plus que, si on les rapporte plus particulièrement au symbolisme «solaire » la figure du na sanscrit correspond au Soleil levant et celle du nûnarabe auSoleil couchant...Cequenousvenonsdedire endernier lieupermetd’entrevoirquel’accomplissementducycle,telquenousl’avonsenvisagé,doitavoirunecertainecorrélation,dansl’ordrehistorique,aveclarencontredesdeuxformestraditionnellesquicorrespondentàsoncommencementetàsafinetquiont respectivement pour langues sacrées le sanscrit et l’arabe : la traditionhindoue en tant qu’elle représente l’héritage le plus direct de la Traditionprimordialeetlatraditionislamiqueentantque«sceaudelaProphétie»etparconséquent,formeultimedel’orthodoxietraditionnellepourlecycleactuel»176.

Enfin, pour en revenir à nos considérations symboliques initiales, ont peutdire que ce que nous avons constaté nous-mêmes plus haut à propos des troiscaractères du monosyllabe Om vient confirmer le premier aperçu donné parGuénon, et la chose est d’autant plus significative que, dans le cas présent, ils’agit de lettres qui expriment le symbole par excellence duVerbeprimordial.Sous ce rapport on constate donc également l’existence de part et d’autred’élémentsd’uncertaincomplémentarismeetd’uneintégrationfinale.Maisunetelleintégrationn’estpossible,bienentendu,qu’entantquereconstitutiond’unepréfiguration originelle de l’harmonie existant entre les différents éléments etfacteursdel’ordretraditionneltotal;leslanguessacréesproprementditesetlesalphabetsessentielsquileurcorrespondent,participentsousleurmodeetsurleurplan, d’une synthèse primordiale qui est, à la fois, leur raison d’être et leurfinalité suprême. En réduisant les alphabets sacrés à leurs schémasfondamentaux, les caractères symboliques tracés de part et d’autre dans lesformes traditionnelles définies entre elles selon des rapports de

complémentarisme doivent laisser apparaître leur appartenance à une tellesynthèse.

A ce propos, une remarque s’impose cependant, surtout après lesparticularitésconstatéesdansnotrerecherche.Ducôtésanscrit,cen’estpasdanslacinquantainedecaractèresdusyllabairedeladevanâgarî,écritureconstituéeenvuedel’enregistrementphonétiqueleplusparfaitdelatraditionorale,qu’ilfaudrait chercher les formes schématiques complémentaires des 28 lettresconsonantiquesarabes,maisdansunalphabetd’uncaractèrehiéroglyphique,telquel’alphabetvattan,lequeld’ailleursdoitêtrelui-mêmeàl’origineprocheoulointainedel’écrituredevanâgarîcommedelaplupartdesécrituressyllabiquesd’Asie177. Certes, celui-ci est un alphabet « solaire », constitué de 22 lettrescomme l’alphabet hébraïque178, alors que du côté arabe on a un alphabet «lunaire»de28lettres,maiscedernierseramènefacilementaux22lettresdesabase solaire par la simple suppression des points diacritiques de 6 de seslettres179 (27), et c’est sous cette forme d’ailleurs qu’il conviendrait deconsidérerleslettresarabeslorsd’unessaide«synthèse»aveclevattan,cequenousnepouvonsentreprendredanslecadredelaprésenteétude.Nousajoutonsaussique,detouslesalphabetssémitiques,c’estl’arabe,dontleschématismeestremarquablement géométrique, qui apparaît comme le mieux prédisposé à unrapprochementreconstitutifdugenredontnousparlons.

2.Complémentarismedeformestraditionnelles.IIyadonc,àlabasedetoutcequiprécède,implicationdecequ'onpourrait

appelerunrapportdepolaritétraditionnelleentrel'Hindouismeetl'Islam180.Cerapport, la tradition islamique ledésigne, toutd'abord,sous lesymbolede la«parenté»etplusprécisémentdela«filiation»quirelielesfondateursdedeuxcourantsethnico-traditionnelscorrespondants.Aussicurieuxquecelaparaisse,ils'agit respectivement d'Abraham (en arabe Ibrâhîm) auquel on rattache le «Brahmanisme»,cequiestmanifestéextérieurementparlasimilitudephonétiquedes noms, et de son fils Ismaël (en arabe Ismâ'îl), « le père desArabes », ouplutôtils'agitdesentitésspirituellesetdesagrégatsintellectuelsreprésentésparcesdeuxpatriarches181.

A cet égard, voici tout d'abord comment un grand maitre de l'ésotérismeislamique,Abdu-l-Karîmal-Jîlî (m.832 / 1428), identifie la traditionhindoue,danssonessencemétaphysiqueetnon-idolâtre,al'héritageabrahamique:

«LesBrahmanes(al-Barâhima)adorentAllahdunefaçonabsolue,nonpasd'aprèsquelqueprophèteouenvoyédivin.Ouplutôtilsprofessentqu'iln'yarienqui ne soit créature d'Allah : ainsi ils reconnaissent l'unicité d'Allah dans

l'existence,maisilsrefusentd'unefaçonabsolued'admettrelesprophètesetlesenvoyés(commedevantapporterquelquechosequinesetrouvepasdéjàdansl'homme).LeurcultedelaVéritéestuneespèced'adorationcomparableacelledes « envoyés divins » (rusul) avant que ceux-ci ne soient chargés de leurmission(qablal-irsâl)(c'est-a-direselonuneconceptiondetotaleuniversalitéetautonomiedel'être).

« Les Brahmanes prétendent être les enfants d'Abraham ; ils disent aussiqu'ilsdétiennentdeluiunlivrerédigépoureuxdesaproprepart;ilsnedisentpas qu'Abraham l’ait apporté de la part de son Seigneur.Ce livre contient lesvérités fondamentales (al-Haqâ'iq)etcomporte5parties :4dont la lectureestaccessibleachacunetune5e,quin’estaccessiblequ’àderarescasparmieux,enraisondesaprofondeur.Orc'estunechoseconnuechezeuxqueceluiquilitcette5e partie de leur écriture, nécessairement arrive a l'Islamet entre dans lareligion de Muhammad. Cette catégorie d'hommes se trouve surtout dans lespaysduHind182.Mais il y en ad'autresqui empruntent les apparencesde cesderniersetprétendentêtreeux-aussidesBrahmanes,alorsqu'ilsnelesontpasenréalité;cesontceuxqu'onconnaitcommeadorateursdesidoles»(al-Insânal-Kâmil,ch.63).

Nous n'avons pas besoin d'insister spécialement pour qu'on comprennecertaines particularités de présentation des choses dans ce texte d'un auteurmusulman. En outre, il est évident que c'est l'identification d'Abraham avecBrahmâquipeut rendrecomptepourquoi,dans la relationd'Abdu-l-KarimAl-Jîlî,ilestpréciséqu'AbrahamauraitlaisséauxBrahmanesunlivre«rédigépoureuxde saproprepart » et «nonpasde lapart de sonSeigneur» ; en termeshindous,BrahmâenformulantleVêdalefaitégalementensonproprenom:«LeVêdaestBrahmâ ; il est sorti de lui comme son souffle » dit une formule(Prânatoshînî, 19) ; et c'est parce qu'il na pas d'auteur humain et qu'il est «entendu» seulement,qu'il est appeléShruti («Cequi est entendu»)183. Cetteconnexion intime,dans lecasd'Abraham,entreaspectdivinet aspecthumain,estsignifiéeenarabeparlequalificatifdupatriarchecommeKhalîlu-Llâh=cequ'on traduit d'ordinaire par « L'Ami intime d'Allâh » : la racine khalla quiintervient ici, exprime l'idée d'« interpénétration » et la Khulla représente ledegréfinaldel'Amour184.

L'identification ou la correspondance entre le patriarche monothéiste et leformulateurde ladoctrinevédiqueestunedonneassez répanduedans l'Orientislamique. Le curieux Amratkund, qui n’est connu maintenant que par sestraductionsarabe(Hawdal-Hayât=lebassindeVie)etpersane(Bahral-Hayât= l'Océan de Vie), l'atteste aussi, sous une autre forme, quand il rapporte

l’histoire du yogî brahmane Bhûjar qui devait entrer finalement en Islam185.Aprèsavoirobtenudesréponsesédifiantes,notammentconcernantAllâh,adoréen Islam en tant qu’ « invisible » (bi-l-ghayb, cf. Coran 2, 3) et au sujet del'Esprit(ar-Rûh=Atmâ)commeétant«del'ordredivin»(minamriRabbî,cf.Coran,17,85),ildéclara:C’estcequenousavonsconstaténous-mêmesdansleRecueil (mushaf) deBrâhman (transcritBrâhimân) qui (lemot avant ainsi enarabe laformeduduel)sontAbrahametMoise(associationquidoits'appuyersurCoran87,19:«LesFeuilletspremiers,lesFeuilletsd'AbrahametdeMoise»)186.

Quantaulivreattribué,selonAl-Jîlî,àAbraham,ses4partiesaccessiblesàtous semblent correspondre aux 4 Vêdas proprement dits, alors que la 5e, enraisondesoncaractèrestrictementréservé,évoquerait,nonpascequ'onappelle« le cinquième Vêda » (auquel on fait correspondre d'ordinaire les textestantriques ou encore l'Art Théâtral), mais le Vêdânta, « la fin du Vêda »,autrement dit sa partie purement métaphysique qui, effectivement, n'est quel'affaired’uneélite,mêmes'iln'apas la«position»ésotériquequesuggère letextecité.

Detoutefaçon,dutexted'Al-Jîlî,onretiendra,enpremierlieu,l'idéed’unesource«abrahamique»pourl'Hindouisme,cequiseraitàprendreplutôtdansunsens analogique, car nous nous trouvons devant un document de formestrictementsémitique.Nousentendonspar làquecequiconstitue lepropredecette « source » n'est pas défini en soi comme sémitique,mais qu'une penséesémitique, de forme muhammadienne surtout, se doit de l'inscrire, pour desraisonssymboliques,sousletyped'Abraham.

C'est pourquoi d'ailleurs, on pourrait dire que, si on regardait les mêmeschoses du côté hindou, la relation entre les deux formes traditionnelles enquestion pourrait s'interpréter tout naturellement en un sens inverse de celui-là187.Maisc'estunesourcecommunequiseraitplutôtàenvisagerici.Quoiqu’ilensoit,larencontred’AbrahamavecMelchissédec,duquellepatriarchereçoitlabénédictionetauquelilpaieladîme,quifutexpliquéeparRenéGuenon(LeRoiduMonde,ch.VI)comme«lepointdejonctiondelatraditionhébraïqueaveclagrande Tradition primordiale », indique nettement la subordination del'Abrahamismesémitique(quidoitêtreduresteconsidérédanssonensembleetnonpasrestreintalatraditionhébraïque)auneautoritéspirituelledecaractèreprimordialdontlepatriarcheéponymereçoitenvéritél'investiture188.

Nousn'excluonstoutefoisnullementl'idéed'unerelationdirecteentrecequereprésente l'Abraham sémitique et le Brahmanisme. Certes cette thèse peutparaître aussi complexe que difficile à prouver ; cependant elle n'a rien

d'impossible,caronadmetcommunémentquelaplusanciennedescivilisationsconnuesdanslenord-ouestdel'Indeauneoriginesumérienne;orSumerc'estlabasseMésopotamie,lepaysoriginaired'Abraham189.Mais,ennoustenantàunpointdevuestrictementtraditionneletinitiatique.ilnoussuffiraicidedirececi:dansleCoranquicontient«lessynthèsesdetouteslesdoctrinestraditionnelles»(c'estlàundessensplusprécisdesJawâmi’al-Kalim,privilègeduSceaudelaProphétie que nous avons mentionné précédemment), la doctrine qui peutcorrespondreal'HindouismevédantiqueestdetoutefaçoncelleinscritesouslenomdupatriarcheAbraham:eneffet,sil'Hindouisme,parsonanciennetéetsarelative continuité formelle, de même que par le caractère libre de samétaphysique et par son ouverture d'universalité, représente ainsi que le disaitRenéGuenon, « l'héritage le plus direct de laTraditionprimordiale »190, c'estbien laconceptionabrahamiquede la traditionqui luicorrespondparmi toutesles règlesdesagesseénoncéesdans leCoran,etattestéescommeactualisablesdanslecyclehistorico-muhammadien.Nousrenvoyonsainsi,sanspouvoirnousy arrêter plus spécialement à la notionde laHanîfiyya, laReligion pure, non-associationniste et admettant tout mode d'adoration non-idolâtre, qui estrattachéetraditionnellementaAbraham191.IIsuffira,ici,desavoirque,selonlaparole duProphète, la plus excellente des religions est laHanîfivyasamha, laReligion pure et libérale », « avec laquelle », dit-il encore, il « fut lui-mêmeenvoyé, et que d'autre part, Allâh dit dans le Livre : « Qui saurait être d'unemeilleure religion que celui qui soumet sa face à Allâh, en agissant selonl'excellence, et qui suit la Règle d'Abraham (millat lbrâhîm) en mode pur(hanîfan)?CarAllâhavaitprisAbrahamcommeamiintime(khalîl)»(Cor.4,124).Précisonstoutefois,que,selonl'interprétationmétaphysiqueetinitiatique,«soumettresafaceàAllâh»signifie«rendresonêtreconformeouadéquatàl'Êtreabsolu».LeCoran insisteencoredans lemêmesens :«Quichercheraitautrechoseque laRègled'Abrahamsicen’estceluiquiaperdusonsens,carNousavonséluAbrahamdansl'ici-bas,etdansl'au-delà,ilestd'entrelesêtresde bien ? » (Cor. 2, 130)192 [wa man yarghabu ‘an millati ibrâhîm illâ mansafihanafsahuwalaqadstafaynâhufî-d-dunyâwainnahufî-l-âkhirahla-mina-s-sâlihîna].

Ensuite, du texte d'Abdu-l-Karim al-Jîlî il y a à retenir l'affirmation quel'enseignement le plus profond du Brahmanisme est en accord direct avec lavérité propre de l'Islam «muhammadien »193. Or ce dernier, selon les termescoraniques exprès, repose d’une façon spéciale sur la tradition caractéristiqued'Abraham;AllâhleditauProphète:«Noust'avonsinspiré(awhaynâilay-ka)desuivrelarègledevie(milla)d'Abrahamquiétaithanîfetn'étaitpasd'entreles

associateurs » (Cor. 16, 123). Le Prophète est engagé à attester lui-même,explicitement,lefait:«Dis:Envérité,monSeigneurm'aguidédansunchemindroit,selonunereligionferme,danslarègled'Abrahamquiétaithanîfetn'étaitpasd'entrelesassociateurs»(Cor.6,162).

EnfinAllâhdéclare:«EnvéritéAbrahamn'étaitniJuif(Yahûdî)niChrétien(nasrânî),mais il étaitHanîfMuslim, et n'était pasd'entre les associateurs.Envérité,ceuxqui,avant toutautre,peuventseréclamerdupatronaged'Abrahamsontceuxquil'ontsuivietceProphète(Muhammad),ainsiqueceuxquiontlafoi.EtAllahest lepatrondescroyants»(Cor.3,67-68).Pardifférenced'avecles autres figures spirituelles du passé traditionnel, Abraham est le seul sageproposéexpressémentcommemodèleparexcellenceenIslam:«Vousavezunexcellentmodèle enAbrahamet ceuxqui étaient avec lui, etc...Vous avez enceux-ciunexcellentmodèle,entantqu'espérantenAllâhetauJourDernier,etc.»(Cor.60,4-6)194.

Ajoutons que la relation entre Abraham et Muhammad est évoquée etactualiséeconstammentdansdesformules,commecellerécitéenotammentdansla dernière position des prières quotidiennes : «Allâhumma accorde Ta grâceunifiante (sallî) à notre seigneurMuhammad et à laFamille de notre seigneurMuhammad,commeTul'asaccordéeànotreseigneurAbrahametàlaFamillede notre seigneur Abraham, etc… » De plus, dans les rites, à date fixe, dupèlerinage annuel (hajj) et dans ceux de la visite ordinaire ('umra), admisependant toute l'année, le souvenir d'Abraham est particulièrement vivant etagissant,carilestimpliquéparcertainlieuxetritesafférents.

Quantaudeuxièmetermedela«parenté»traditionnelledontnousparlons,Ismaël, qui fut lui-même un « envoyé divin » (rasûl) et donc, selon la véritéinitiatique, une forme théophanique, nous voudrions en souligner ici un rôlecaractéristique, qui a un certain rapport avec l'objet initial de notre étude. Cepatriarcheestàl’originedelalanguearabe,langueenlaquelledevaitêtrerévéléleCoranetformulél'enseignementmuhammadien.Selondeshadîths,«Ismaëlareçu par inspiration (ilhâm) cette langue arabe » ; aussi « le premier dont lalangueaarticulél'arabeclair(al-'arabiyyaal-mubîna),futIsmaëlalorsqu'ilétaitun enfant de 14 ans ».Ces donnéesmontrent que l'arabe est dès le début unelanguerévélée,d'origineproprementcéleste,nonpasune languenaturelleplusoumoinsadaptéeensuitepourunusage traditionnel,quelquesoitd'ailleurs lerapportsurleplanhumainentrel'arabedelarévélationcoraniqueetl'arabeparléparlestribuscontemporainesduProphète.

Dureste,unautrehadîthditqueleprophèteMuhammadlui-mêmeareçulaconnaissancedecette languedel'AngeGabriel,descenduspécialementpourlalui enseigner : « En vérité, la langue d'Ismaël avait perdu sa netteté ; alors

Gabrielestvenuaveccettelangueetmel'afaitapprendre».Ilestimportantderemarquerqu'ils'agitainsid'unenseignementconcernantuniquementlemoyendel'expressionprophétique,etquidoitêtrecompriscommedifférentetdistinctde la révélation du Coran ; celle-ci ne devait venir que consécutivement al’établissementdesbasesverbales195.Enfin,danslamesureoùentrelesépoquesrespectivesd'IsmaëletdeMuhammad,séparéesparquelquesmillénaires196,ilyaurait à envisager toutefois une réadaptation de cette langue à des conditionscycliques changées, on doit remarquer aussi que cette réadaptation serait ainsielle-mêmeuneœuvrecélesteetnonpashumaine197.

Le type prophétique d'Ismaël, le « père desArabes », présente un rapportparticulieraveclaVéritéentantque«Verbeparlé»caractéristiquequi,alafinducycleprophétiqueseraaussicelledelarévélationmuhammadienne.Lenomd'Ismaël,quiénoncel’idéed'«auditiondivine»,lui-mêmeprépareetinauguretoutunensemblethématiquedel’«invocation»etdela«parole».

Pourcommencerl'angedeJéhovahditàHagarquifuyaitlasévéritédeSaray:«Voiciquetuesenceinteettuenfanterasungarçon,ettuluidonneraslenomd'Ismaël,parcequeJéhovahaentendutonaffliction»(Gen.XVI,11).Plustard,alors que Ismaël avait treize ans, Jehova, tout en annonçant à Abraham lanaissanceprochained'Isaac,ditaussi:«QuantaIsmaël,Jet'aientendu;Jel'aibénietJelerendraifécondetlemultiplieraibeaucoup,beaucoup!Ilengendreradouze Princes, et Je ferai de lui une grande nation » (id. XVII, 20). Enfin,lorsque, après la naissance d'Isaac, Hagar fut expulsée avec son fils dans ledésert,«Elohimentenditlavoixdel'enfant,etl'anged'Elohim,duhautduciel,appela Hagar, en lui disant : Qu'as-tu Hagar ? Ne crains point, car Elohim aentendulavoixdel'enfant,danslelieuouilsetrouve!»(id.XXI,17).C'estàce derniermoment que doit se placer la révélation céleste de « l'arabe clair »faiteaIsmaël,lequelavaitalorseffectivementles14ansindiquesparlehadithprécité, et l'événement correspondra avec une deuxième acception du nomd'Ismaël en arabe : « l’acte par lequelDieu fait entendre », acception qui estcorrélativede lapremière, etquipeut fairecomprendre le rapportdecausalitéentre l’invocation et la « réponse »198. On remarquera aussi que le sens d' «entendre»quenousavonssouligne jusqu'ici,ne se rapportepasuniquementàl'attributdivindel’«ouïr»,maisaussietsurtoutàceluid'«exaucer»,doncde«répondre»,cequipeutêtrecomprissoitausensgénéralde«satisfaire»199,soitausens,plusspécialementoraculaire,de«répondreélocutivement».Quantà ce dernier sens, qui est celui qui convient lemieux en la circonstance, nousferonsencoreuneremarque.

La référence au « lieu où se trouvait l'enfant » fait comprendre que la «réponse»divineeutunsupportsensibleetextérieur,unendroitquidevaitgarderensuite la trace de l'évènement. Un tel lieu, qui est un point d'influx céleste,pouvait devenir aussi un centre sacré, le centre de la nouvelle formetraditionnelle qui devait procéder d'Ismaël200. Cette perspective des choses estouverte par les paroles divines déjà citées, adressées à Abraham : « Ismaël...engendreradouzePrincesetJeferaideluiunegrandenation»(Cf.id.XXV,12-16), ce qui annonçait donc un centre spirituel avec sa communautétraditionnelle201.

Cependant,l'institutionproprementditeducentredecettetraditionnouvelleseferaréellementplustard,etsousladirectiond'Abraham.Lepèreetlefilssetrouventréunisd'unefaçontrèscaractéristiquedanslaconstructiondelaKaaba,symboleislamiqueduCentreduMonde.Cetteinstitutionétait,dureste,plutôtlarestaurationadaptéedu templeoriginelqu'Adamavait fondéaprèssasortieduParadisterrestre.UnlongpassagedelasouratedelaGénisse(Cor.2,124sqq)parlede leurœuvre ; nous encitons lapartie rapportant l'invocation finale : «Lorsqu'Abrahamélevait les fondationsde laMaison,ainsiqu'Ismaël, (ilditouilsdirent):«NotreSeigneur,acceptececidenotrepart!Envérité,TuesCeluiqui entend et l'Omniscient ! Notre Seigneur, rends-nous soumis à Toi(muslimaynila-Ka),etdenotredescendancefaisunecommunautésoumiseàToi(ummatan muslimatan la-Ka) ! Aussi montre-nous nos rites sacrificiels, etreviens à nous ! En vérité, Tu es Celui qui revient toujours, le Très-Miséricordieux!NotreSeigneur,susciteaussiparmieuxunenvoyéd'entreeux-mêmesquirécitesureuxTesSignes,quileurenseigneleLivreetlaSagesse,etquilespurifie!Envérité,TuesleFortet leSage.»L'accomplissementsurleplanhistorique,decevœuestattestéunpeuplusloindanslamêmesourate:«C’estainsiquenousenvoyâmesparmivousunenvoyéd'entrevous-mêmesquirécitesurvousNosSignes,etquivouspurifie,etquivousenseigneleLivreetlaSagesse,etquivousenseignecequevousnesaviezpas»(v.151).

Du coup on voit comment Muhammad, car c'est de lui qu'il est ainsiquestion,constituelui-mêmeunpointdeconfluencedesdeuxcourantsethnico-traditionnelscomplémentairesquicorrespondent,entermesmohammadiens,auxdeuxgrandestraditionsdel'Hindouismeetdel'Islam.LeSceaudelaProphétie,lequelentantqu'Arabedescendd'Ismaël,etentantquesageuniverselprocèded'Abraham,réunitainsidanssaformulepersonnellelesdeuxhéritagesrespectifs:celuide la languesacréequidevient l'organeduCoranéternel,etceluide ladoctrineimmuable,leTawhîduniverseletabsolu202.

Toutefois, ces deux héritages, il ne les reçoit pas par de simplestransmissions terrestres et humaines, mais par des interventions directementcélestes, qui réactualisent et réforment en même temps les supports et lesdonnéestraditionnellespréexistantes:lemessagemuhammadienestproprementdivin, et les références à Abraham et Ismaël sont d'un d’ordre strictementtypologiqueettechnique.Onpourraitmêmedireend'autrestermesquelesdeuxfiguresprophétiquesreflètentlesfonctionscorrélativesdel'IntellectetduVerbequi sont les deux aspects d'un seul Logos avec lequel s'identifie d'ailleursfinalementMuhammadlui-même.

Ainsi la complémentarité des deux formes traditionnelles et la conjonctionsubséquente que nous avons envisagées dans une perspective de fin de cycle,d'après l'indication donnée par René Guénon, se trouvent déjà incluses d’unecertainfaçondanslesréalitésconstitutivesdel'Islam,ettracéesdansseslignesstructurales ;ceciveutdireaussiquel'aboutissementcorrespondantsur leplanhistoriquedevraapparaitredupointdevueislamiquecommeundéveloppementcirconstanciel,mais régulier,depossibilitésproprementmuhammadiennes.Leschoses devraient se présenter, certes, de façon différente, mais corrélative, dupointdevuehindou.Etnousauronsàreveniràceproposunpeuplusloin203.Laconjonction finale dont il s'agit ne saurait constituer ainsi, bien entendu, ni dupointdevue islamique,ni dupointdevuehindou,quelquechose commeunecombinaisonextérieureet syncrétique ; en raisonde l'uniteultimedudomainetraditionnel dans son ensemble, et de l'analogie constitutive profonde existantentre les formes traditionnelles particulières, et cela malgré des différencesapparemmentirréductiblesqu'ellespeuventprésenterdanslesdegrésextérieurs,tout ce qui se trouve dans l'une de ces formes, a, nécessairement soncorrespondant, de quelque façon et à quelque degré, dans les autres et plusparticulièrementdanscelleaveclaquelleellesetrouvecoordonnéecycliquementsousunrapportdéterminé.

Cependant on se demande quel peut être, dans l'ensemble du mondetraditionnel, le rôle de cette conjonction spatiale entre deux formestraditionnelles et quelle est alors la situation des autres formes existantes. LaréponseàcettequestioncomplexesetrouvedansunautretextedeGuénonquidéfinit toutd'abord laposition caractéristiqueoccupéepar la traditionhindouesouslerapportdelaLoiconstitutiveducycletotaldel'humanitéactuelle,c'est-a-diresouslerapportduSanâtanaDharma,etquiindiqueensuitelaraisonpourlaquelle elle est associée à la tradition islamique. Faisons remarquer dèsmaintenant qu'il est particulièrement précieux dans ce genre de notations depouvoirtrouverdanslesdonnéesvenantdeGuénonlui-mêmelescomplémentsdecertainsaperçuscycliquesdontildétenait laclefetqu'ilavaitproposéstout

d'abordsousuneformeplus limitéeetdanslescontextes lesplusdivers.Nousemprunterons le passage suivant à un article paru dans une revue, et quebeaucoupdenoslecteursignorentencore:

« ... la notion du Sanâtana Dharma apparaît comme liée plusparticulièrement à la tradition hindoue : c’est que celle-ci est, de toutes lesformestraditionnellesprésentementvivante,cellequidériveleplusdirectementde la Tradition primordiale, si bien qu’elle en est en quelque sorte comme lacontinuation à l’extérieur, en tenant compte toujours, bien entendu, desconditionsdanslesquellessedéroulelecyclehumainetdontelle-mêmedonneune description plus complète que toutes celles qu’on pourrait en trouverailleurs,etqu’ainsielleparticipeàunplushautdegréquetouteslesautresàsaperpétuité.Enoutre,ilestintéressantderemarquerquelatraditionhindoueetlatradition islamique sont les seules qui affirment explicitement la validité detouteslesautrestraditionsorthodoxes;et,s’ilenestainsi,c’estparceque,étantlapremièreetladernièreendateaucoursduManvantara,ellesdoiventintégrerégalement,quoiquesousdesmodesdifférents,toutescesformesdiversesquisesontproduitesdansl’intervalle,afinderendrepossiblele«retourauxorigines»parlequellafinducycledevrarejoindresoncommencement,etqui,aupointdedépartd’unautreManvantara,manifesteradenouveaual’extérieurlevéritableSanâtanaDharma»204.

Il résulte du passage cité que c'est l'intégration de toutes les formestraditionnellesquidoitêtrelebutdelaconjonctionfinaledel'Hindouismeetdel'Islam,cesdeuxtraditionsjouantalorsunrôleaxialparrapportauxautres;etc'estleurespritmanifested'œcuménicitéquilesqualifiepourcerôle.Cependantl'intégrationqu'ellesdoiventréalisers'effectuera,est-ilditaussi,sousdesmodesdifférents,et,certainement,paruneffetdelacorrélationdanslaquellecesdeuxtraditions se trouvent, lesdits modes seront complémentaires entre eux. A cetégard,onpeutreleverunedifférencecaractéristique:tandisqueducotehindouona–etce sontavant tout les sagesqui lamanifestent selon lesopportunitéshistoriques–plutôtunedispositiond'esprit, généraleetpermanente,mais sansaucun caractère formel, qui permet de comprendre l'existence légitime d'unepluralitédeformes traditionnelles,à l'instarde la richessedesmodesspirituelsquelemondehindouporteenlui-même,ducôtéislamiqueona,avanttout,unelégislationsacréeprécisequireconnaitlalégitimitédesautresreligionsouvoiestraditionnellestoutenleurassignantunstatutparticulierparrapportal'Islam205.

Les fonctions traditionnelles impliquées par ces deux positions cycliquesavec leursperspectivescaractéristiquespeuventêtrecomprisesencoremieuxatraverslesymbolismedeslettrescorrespondantesnaetnûn:nousavonsvuplus

hautque,selonunedesesapplicationsnotéesparGuénon, lenûnarabefigurel'Arche du Déluge, or celle-ci contient « tous les éléments qui serviront a larestaurationdumondeetquisontaussilesgermesdesonétatfutur»206.

L'Islam, forme traditionnelle venue en conclusion du cycle prophético-législatifetdestinéeàresterlaseuleformepratiquéesurterreavantlafermetureducyclecosmiquedelaprésentehumanité,accompliraunetellefonction,parcequ'il a été constitué avec les caractères de généralité humaine et d'universalitéspirituelle exigées à cette fin. Le Sceau de la Prophétie a reçu les Parolessynthétiques (Jawâmi' al-Kalim) correspondant aux prophètes législateursantérieurs,etceux-ciconstituentensuiteautantdetypesspirituelsréalisablesenformulemuhammadienne207 ; et c'est par la vertu de ce caractère totalisateurqu'illuirevientderecueilliretd'intégrerdesélémentsappartenantàl'ensemblede l'humanité traditionnelle. L'Arche de la fin de notre cycle est la Sharî’a(CoranetSunna)del'Islam208(29).

Lena sanscritde soncôté, et selonune significationcorrélativeà celledunûncommearche,correspondant l’arc-en-ciel,phénomènecélesteet lumineux,serapportenaturellementàlaconnaissancetranscendante.Lerôlequirevientàlatraditionhindouedoitbieneneffetêtred'ordreinformeletcontemplatifpur;il coïncidera, en somme, avec cet enseignement réservé dont parlait Abdu-l-Karimal-JîlîetquenousavonsdéterminécommedevantêtreceluiduVêdântaauquel,ducôtéislamique,répondceluiduTasawwufetplusprécisémentencoreceluidel'IdentitéSuprêmeouduTawhîdmétaphysiqueetinitiatique209.Entoutétatdecause,dansl’intégrationfinaledontils'agit,l'Hindouismenepeutjoueraucun rôle sur le plan formel de la tradition : sur ce plan, sa définition,conditionnée par le régime des castes, est non seulement inextensible hors lemondehindouactuel,maisaussidestinéeàdisparaîtredans l’Indemême : sesmodalités sociales et culturelles spécifiques ne pourrontmalheureusement passurvivreà ladissolutionquisepoursuitànotreépoque.Danslaphaseactuelledu Kali-Yuga, les choses devant aller jusqu’à l’état, annoncé dans les Livressacrésdel’Inde,«oùlescastesserontmêléesetlafamillen’existeraplus»,labase indispensable même de la tradition hindoue, le régime des castesdisparaîtra210 et lorsqu’un redressement traditionnel deviendra possible, il nepourra l'être que dans la formule fraternitaire dune législation sacrée commecelledel'Islam211.

Sans vouloir faire des spéculations présomptueuses quant à la façon dontdevrait s'opérer en fait cette intégration sous double rapport, nous feronsremarquer seulement que les données traditionnelles suggèrent d'elles-mêmesune certaine compréhension de mode symbolique. Il faut à ce propos tenir

comptequ'il y a toujours, à l'intérieurducycle traditionnelproprementdit, unsepténaire de formes traditionnelles principales212 qui représentent sur terre lesepténaire des influences planétaires213. La relation entre ces deux ordres estévidemment comparable à celle entre l'Arche et l'arc-en-ciel. Or, il y aprécisément,danscesdeuxdernierssymboles,uneimplicationsepténairequiestsusceptible de compléter les aperçus symboliques précédents : de même que,dansl’arc-en-cielilyaseptcouleurs214demêmel'ArcheduDélugeporteseptêtreshumainsdevaleurpositive:Noé,sestroisfils(Sem,ChametJaphet)etlesépousesdecesderniers215.Onpeutdoncdirequ'àtoutaspectformeletterrestresetrouvantdansl'Archecorrespondunaspectinformeletcélestedansl’arc-en-ciel.Ilestdonclogiqued'endéduirequechacundesseptmondestraditionnelssetrouvera par analogie inscrit, de quelque façon, d'un côté avec ses modalitésformelles et sensibles, de l'autre avec ses modalités informelles etintelligibles216.

En outre, deux cas attestés par l'histoire de la tradition initiatique, etintéressant plus particulièrement le monde occidental, peuvent être cités ici,comme des exemples du processus historique de réintégration des formestraditionnelles : l'un est le transfert final du Graal par Perceval, ainsi que lareconstructionduTemple,dansl'Inde,oùlagardeduSaintVaisselestconfiéeaumystérieuxPrêtreJean217,l'autreestlaretraiteenAsiedesRose-CroixpeuaprèslaguerredeTrenteans218.Guénonditd'ailleursque,d'après l'assertion laplusvraiequ'onrencontreàcesujet,cesdernierseux-mêmesseretirèrentauroyaumedumêmePrêtreJean,etpar lamêmeoccasionilprécisequeceroyaumen’estautrechose«qu'unereprésentationducentrespirituelsuprême,oùsonteneffetconservées à l'état latent, jusqu'à la fin du cycle actuel, toutes les formestraditionnelles,quipouruneraisonoupouruneautre,ontcessédesemanifesteràl'extérieur»219.Cependantlamentiondel'Indedanslesdeuxcasveutdirequec'est sa tradition qui fut le point d'appui de cette résorption et du reste leNouveau Titurel d'Albrecht (fin du XIII° siècle) précise à propos du transfertmêmeduGraal,quel'Indeest«nonloinduParadisterrestre»,celui-cin'étant,bienentendu,quelesymbolebibliqueducentresuprême.Deplus,lefaitque,àproposdesdeuxlignéestraditionnellesencause,respectivementleCeltismeetleChristianisme,onaitpuconstateraupréalablecertaines interventionspositivesde l'ésotérisme islamique220nepoutqueconfirmer lanotiond'un rôleaxial,etfinalementintégrant,quejoued'unefaçongénéralel'Islametplusspécialementàl'égarddel'Occidenttraditionnel.

D'autre part, si l'on hésite à concevoir les modifications adéquates que latraditionhindouedevraitalorsréaliserelle-même,ilestutileaussideretenirces

réflexionsdeRenéGuénonécritesàuneépoqueassezancienne,maisàproposdes épreuvesmêmes que l'Inde subit a notre époque et dont son esprit aura àtriompher finalement (c'est nous qui soulignons) : « ... l’Inde apparaît commeplus particulièrement destinée à maintenir jusqu’au bout la suprématie de lacontemplationsurl’action,àopposerparsonéliteunebarrièreinfranchissableàl’envahissement de l’esprit occidentalmoderne, à conserver intacte, aumilieud’unmondeagitépardeschangementsincessants,laconsciencedupermanent,del’immuableetdel’éternel.

Ildoitêtrebienentendu,d’ailleurs,quecequiestimmuable,c’estleprincipeseul, et que les applications auxquelles il donne lieu dans tous les domainespeuventetdoiventmêmevariersuivantlescirconstancesetsuivantlesépoques,car, tandis que le principe est absolu, les applications sont relatives etcontingentescommelemondeauquelellesserapportent.Latraditionpermetdesadaptationsindéfinimentmultiplesetdiversesdansleursmodalités;maistoutesces adaptations, dès lors qu’elles sont faites rigoureusement selon l’esprittraditionnel,nesontpasautrechosequeledéveloppementnormaldecertainesdesconséquencesquisontéternellementcontenuesdansleprincipe;ilnes’agitdonc,danstouslescas,quederendreexplicitecequiétaitjusque-làimplicite,etainsilefond,lasubstancemêmedeladoctrine,demeuretoujoursidentiquesoustouteslesdifférencesdesformesextérieures221.

Après les aspects que nous avons dégagés plus haut, il est clair que cesénoncés s'appliquent par excellence à la réadaptation exigée de la part de latraditionhindoueelle-même,parl'intégrationtraditionnellefinale.

3Traditionprimordialeetculteaxial222Plusloindanslemêmearticle,aprèsavoirpréciséquel'Indequ'ondoitavoir

envuedanscetordredeschosesnepeutêtreaucunement l'Indemoderniséeetoccidentalisée,maiscellequidemeurefidèleàl'enseignementdesonéliteetquiconserveintégralementledépôtd'unetraditiondontlasourceremonteplushautetplusloinquel'humanité,Guénonajoute:

« Nous savons que ce ne fut pas toujours la contrée qu’on désigneaujourd’hui par ce nom ; sans doutemême, depuis le séjour arctique primitifdont parle le Vêda, occupa-t-elle successivement bien des situationsgéographiques différentes ; peut-être en occupera-t-elle d’autres encore, maispeuimporte,carelleesttoujourslàoùestlesiègedecettegrandetraditiondontlemaintienparmi leshommesest samissionet sa raisond’être.Par la chaîneininterrompuedesesSages,desesGurusetdesesYogîs,ellesubsisteàtravers

toutes les vicissitudes dumonde extérieur, inébranlable comme leMêru ; elledureraautantqueSanâtanaDharma (qu’onpourrait traduireparLexperennis,aussiexactementquelepermetunelangueoccidentale),etjamaisellenecesserade contempler toutes choses, par l’œil frontal de Shiva, dans la sereineimmutabilitédel’éternelprésent223.»

Ce texte souligne lui aussi la relation spéciale existant entre la traditionhindoue et ceSanâtanaDharma dont la conscience est d'autant plus naturelleaux Hindous qu'ils considèrent celui-ci comme la désignation même de leurtradition.

Or nous constatons une chose tout à fait analogue et, somme toute,équivalente, quand il s'agit des définitions que la tradition islamique se donneelle-même.Maisavantdeprocédersouscerapportàquelquesrapprochements,nous demanderons d'avoir présente à l'esprit la définition finale que GuenondonnaitduSanâtanaDharma224dansletexteauquelnousavonsdéjàempruntéunpassage:

«Cen’est pas autre chose que laTradition primordiale, qui seule subsistecontinuellement et sans changement à travers tout leManvantara et possèdeainsi la perpétuité cyclique, parce que sa primordialité même la soustrait auxvicissitudes des époques successives, et qui seule aussi peut, en toute rigueur,êtreregardéecommevéritablementetpleinementintégrale.D’ailleurs,parsuitedelamarchedescendanteducycleetdel’obscurationspirituellequienrésulte,la Tradition primordiale est devenue cachée et inaccessible pour l’humanitéordinaire ;elleest lasourcepremièreet lefondscommundetoutes lesformestraditionnelles particulières, qui en procèdent par adaptation aux conditionsspécialesde tel peupleoude telle époque,mais aucunede celles-ci ne sauraitêtre identifiée au SanâtanaDharma même ou en être considérée comme uneexpressionadéquate,bienquecependantelleensoittoujourscommeuneimageplusoumoinsvoilée.Toutetraditionorthodoxeestunrefletet,pourrait-ondire,un « substitut » de la Tradition primordiale, dans toute la mesure où lepermettent les circonstances contingentes, de sorte que, si elle n’est pas leSanâtanaDharma, elle le représente cependant véritablement pour ceux qui yadhèrentetyparticipentd’unefaçoneffective,puisqu’ilsnepeuventl’atteindrequ’àtraverselle,etqued’ailleurselleenexprime,sinonl’intégralité,dumoinstoutcequilesconcernedirectement,etcelasouslaformelamieuxappropriéeàleur nature individuelle. En un certain sens, toutes ces formes traditionnellesdiversessontcontenuesprincipiellementdansleSanâtanaDharma,puisqu’ellesen sont autant d’adaptations régulières et légitimes, et que même aucun desdéveloppementsdontellessontsusceptiblesaucoursdestempsnesauraitjamais

êtreautrechoseaufond,et,enunautresensinverseetcomplémentairedecelui-là,ellescontiennenttoutesleSanâtanaDharmacommecequ’ilyaenellesdeplus intérieur et de plus « central » étant, dans leurs différents degrésd’extériorité,commedesvoilesqui le recouvrentetne le laissent transparaîtrequed’unefaçonatténuéeetplusoumoinspartielle.

Celaétantvraipourtouteslesformestraditionnelles,ceseraituneerreurdevouloir assimilerpurement et simplement leSanâtanaDharma à l’uned’entreelles, quelle qu’elle soit d’ailleurs, par exemple à la tradition hindoue tellequ’elleseprésenteactuellementànous.»225

Cependantdanslasuitedutexte,GuénonparlaitdulienplusparticulierdelanotionduSanâtanaDharma avec la traditionhindoue, etnousavonsdéjà citeprécédemmentlepassagerespectif.Souslemêmerapport,ilnedisaitriendelatradition islamique elle-même. Or la conscience d'un lien avec la Traditionprimordiale, bien qu'établie dans des conditions très différentes, est égalementremarquableenIslam.Cepointétantessentieldansl'ordredeschosesquinousintéressentici,nousdevonsnousyarrêteruninstantetlefaireressortirtoutenen soulignant les caractères particuliers qui jouent d'ailleurs un certain rôletechniquedansl'œuvreintégrantedelafinducycle.

L'Islam,poursoncompte,s'affirmedunefaçonexpliciteetradicalecommela réactualisation de la « religion originelle ». Un hadîth énonce cet articledogmatique sous la forme d’une simple équation : Al-IslâmDîn al-Fitra, «l'Islam est la Religion de la Nature primordiale pure ». Cette « Natureprimordiale pure », al-Fitra, est ce que le Coran, dans une formule riched'implicationsinitiatiquesquenousretrouveronsd'ailleursplusloin,appelle«laNature d'Allah selon laquelle Il a naturé les hommes » (Fitrata-Llâhi-llâtifatara-n-nâs'alayha)(Cor.30,30).

Cependantnousdevonssignalerdéjàque lanotiondeFitra,dont la racineverbale est d'un type très synthétique, comporte bien d'autres significations,notamment celle de « lumière séparative » qui se retrouve aussi dans lasignificationdunomdivindelamêmeracine(Fâtiru-s-Samâwâtiwa-l-Ard),«leSéparateurdesCieuxetde laTerre»,etquiqualifie l'étatcaractéristiquedelamanifestationprimordiale.Pourcequiestdel'acception«substantifique»quenousavonsretenueplushautenrapportavecl'humanitéoriginelle,onpeutciterIbnArabî qui dit, une fois, que laFitra est la nature de l'êtremacrocosmiqueconcentréeintégralementenAdametrendantcelui-cicapablederecevoirtouteslesthéophanies:«CetHomme,dit-il,étantlasynthèsedel'univers(Majmû'al-'âlam),sanatureréunittouteslesnaturesdumonde.LaFitrad'Adamcesontlesfitâr de tout l'univers.Celui-ci connait son Seigneur selon la science propre àchaque espèce des êtres du monde, en tant que connaissant en titre de son

Seigneurpourchaqueespèce,dufaitqu'il inclutcelle-cidanssaFitra.EtcetteFitra est ce par quoi Adam apparait lorsqu'il reçoit son existence de l'actethéophanique(al-ilâhî)qui leconcerne.Enluise trouvedonc laprédisposition(isti'dâd) correspondant à tout être du monde, et il est ainsi l'adorateur selontoute loi religieuse, le glorificateur en toute langue et le réceptacle de toutethéophanie,quandils'acquittedetoutcequ'exigelaréalitédesonhumanitéetqu'il se connait soi-même, car ne connait son Seigneur (et n'en a doncl'épiphanie)queceluiquiseconnaitsoi-même»226.

Uneautre fois, lemêmeauteurdit que« l'esprit humain (ar-rûhal-insânî)crééparAllâhparfait,adulte,intelligent,connaissant,ayantlafoiduTawhîdetreconnaissant la Seigneurie divine, est la Fitra même selon laquelle ont éténaturés leshommes»227.La reconnaissancede laSeigneuriedivinedont ilestfaitmentionestcellequifutattestéeparlesgermesdesfilsd'Adam228,faitquiconstitua en somme une profession d'Islam : c'est pourquoi beaucoup decommentateursinterprètentlaFitradanslepassagecoraniqueprécitécomme«le Pacte fait avecAdam et ses descendants ». Cela se rapporte bien à un faitcongénital et primordialmais enmême temps évoque une notion juridique, etc'est probablement cette idée qui explique une autre acception plus spécialeencore du terme Fitra au même endroit, chez des commentateurs qui, seréclamant d'Ibn 'Abbâs notamment, interprètentFitra par « religion » (dîn) etconsidèrent Fitrat Allâh comme un synonyme deDînu-Llâh = la « Religiond'Allah»cequ'onpréciseaussitôtcommeétantl’«Islam».Onaainsiunétatnaturelconvertienstatutlégal.

Cette dernière interprétation si particulière du motFitra ne peut toutefois

êtrepriseàlalettre,cardanscecasuneexpressioncommecelledeDînal-Fitraemployéepar lehadithquenousavonsciteplushautseraitunpurpléonasme.Maisilestcertainquel'équivalenceindiquéeparIbn'Abbasàpartlesraisonsdeconvenance qu'il pouvait avoir en tant qu'interprète duCoran, nemanque pasd'unebaseprofonde:c'estlefaitquedansl'étatprimordial,la«norme»(ledînislamiquecommeledharmahindou)n’estpasàvraidireuneinstitutionimposéedudehorsauxêtres,maisplusexactementuneformeintelligibleinhérenteàleurpropre nature229. On peut même dire que chacun de ceux-ci est, en termeshindous,swadharma,«sapropreloiou,entermesislamiques,'alâDînal-Fitra,«selonlaLoiinnéedelaNaturefondamentale»230.

Or,mêmeàneconsidérerquel'aspect«législatif»decetétatprimordialetsynthétique, l’ « Islam » énoncé ainsi désigne, en vérité, non pas la loi d’uneformetraditionnelleparticulière,maislaLoifondamentaleetimprescriptiblede

tout le cycle traditionnel ; en fait, comme on le sait, le terme arabe Islâmqualifie,dansleCorannotamment,touteformetraditionnelleorthodoxeaxéesuruneorientationprimordiale : lecultede l'Unité.C'est lemêmesensque l'onaaussi dans la formule absolue : Inna-d-Dîna 'inda-Llâhi-l-Islâm, « Certes, laReligionchezAllahestl'Islam»(Cor.3,19).Toutefoislatraditiondanssaformemuhammadienne en portera par excellence le nom, du fait qu'elle s'affirmecomme la réactualisation parfaite, dans des conditions cycliques finales, de laVéritéoriginelle,enmêmetempsquelarécapitulationsynthétiquederouteslesformestraditionnellesinstituéesantérieurement.Celle-cis'affirmed'ailleursnonseulement adéquate à toute possibilité humaine, mais même inhérente à laconditionnaturelledetoutêtrevenantaumonde,actuellementcommeautrefois:«Toutnouveau-néestnéselonlaFitra,etcesontsesdeuxparentsquilerendentparlasuite«juif»ou«chrétien»ou«majûsî»(adorateurdufeu)»(hadith)231.

Par cette schématisation typologique, la parole prophétique veut dire que

l’être humain qui primordialement est déterminé par les seuls principesspécifiquespursdésignés commeAdametEve, et en reçoit la conditionde laFitra humaine proprement dite, se voit, après la naissance, modifié selon laforme mentale et traditionnelle de ses parents immédiats (et de ceux qui lesreprésententsouslerapportéducatif).Lesqualificationsde«juif»,«chrétien»et « mazdéen » (majûsî) désignent les typifications subséquentes de ceprocessus232, qui sont autant d'altérations et de déformations de la Fitraconsidéréecommeformeprimordialeaussibienexistentiellequetraditionnelle.Dans cette perspective, actuellement, seule l'entrée dans l'Islam compris dansson sens absolu et ses vertus complètes, peut faire recouvrer la conditionprimordialeperdue.Maiscelanepeutsefairenaturellementqueparunrejetdetouteslesconditionslimitativesquereprésententlesconceptionstraditionnellesimparfaites.C'estlàundessensduhadîthdisant:Al-Islâmyajubbumâqabla-hu,«l'acted'entrerenIslamretranchecequ'ilyavaitavant»233C'estpourquoiaussi quand quelqu’un entre en Islam, il est considéré comme réintégrantvirtuellement la Tradition primordiale elle-même ; ceci n’est d'ailleurs qu'uneconséquencedeladéfinitiondéjàcitée:Al-IslâmDînal-Fitra.

Maisquelquecertainequesoitl'identitédefonddesnotionsduDînal-FitraetduSanâtanaDharma,l'expressionhindoueénonceavanttoutuneidéequinesetrouvepasexplicitementdansl'expressionislamique,nonplusquedanscelletechniquementguénoniennede«Traditionprimordiale»(laquelleapparaîtàvraidireplutôtcommeunetranscriptiondecettedernière)234maisquisetrouvedansla traductiondonnéeenpremier lieuparGuénonpar les termesLexperennis :

l'idée de stabilité et de perpétuité. Or il y a, dans le Coran même, une autreexpressionquia rapportaveccecaractèrede l'ordre traditionnel fondamental :c'estAd-Dînal-Qayyim,qu'onpeuttraduire,selonlecontexte,parla«ReligionImmuable»ouparle«CulteAxial»,etquiestcomprisnaturellementcommeunedesépithètesdel'Islamdanssonsensabsolu.Leslieuxcoraniquesoufigurecetteexpressionne laissentaucundoutequantàsonéquivalenceaveccelleduSanâtanaDharmaet,deplus,permettentcertainsaperçussur lesréalitéset lesactivitésspirituellesspécifiquementliéesàcettenotion.

Voici, toutd'abord,unversetoù leDînQayyimapparaîtdansunesituationqui est non seulement primordiale,mais encore de caractère cosmique et pré-humain;l'ordrehumain(bienquel'hommesoitàunautrepointdevuele«but»de toute la création) s'y inscrit dans certaines conditions qui reviennent àl'observance d'un droit divin dans l'ordre universel, macrocosmique etmicrocosmique,collectifetindividuel.

«En vérité le nombre desmois chezAllâh est de douze (qui se trouvent)dansl'Ecritd'Allâh,depuisleJourouIlcréalesCieuxetlaTerre:quatreensontsacrés (hurum) : cela est laReligion immuable (ad-Dîn al-Qayyim). Ne faitespas tort a vos âmes pendant ceux-ci ; cependant combattez les associateurs(polythéistes) totalementdemêmequ'ilsvouscombattent totalement,etsachezqu'Allâhestaveclespieux-craignants».

«Lemoisintercalaire(an-nasî')n’estqu'unsurcroitdemécréance;parcelasont égarés ceux qui mécroient : ceux-ci le déclarent non-sacré une année etsacréuneautreannée,afindecorrespondreaunombredemoissacresinstituésparAllah,ensortequ'ilsdéclarentnon-sacrécequ'Allâhadéclarésacré.Lemalde leurs œuvres leur a été enjolivé. Or Allâh ne dirige pas le peuple desmécréants»(Cor.9,36-37).

Nous n'entrerons pas ici dans de longues explications sur les questions decalendrierqui sontencausedanscesversetsetqu'exposent régulièrement,parexemple,lescommentairescoraniques.Ilsuffitdesavoirque,malgréleprincipeducomput lunairedes temps,chez lesArabespré-islamiques(commechez lesJuifsdureste),ils'étaitproduitdepuislongtempsunefixationrelativedel'annéeaumoyendel'introductionpériodiqued'unmoissurnumérairedestinéaremettreledébutdel'annéelunaireàlamêmeépoquedel'annéesolaire(enautomne);lepèlerinagedetraditionabrahamiquesefaisaitainsiendesmoisdécalésdeleurtempsréeletquirecevaientnéanmoinslesnomsvouluspourl'accomplissementdesritesetdessacrificesannuels.

Le rétablissement des choses dans l'ordre normal se fit seulement dans ledernierpèlerinageaccompliparl'Envoyéd'Allah,le«PèlerinagedesAdieux»quidutavoirlieu,ainsiqu'onlecomprendd'aprèsleshadiths,àunmomentoù,

providentiellement, le pèlerinage était revenu a sa position normale dans ledéroulement séculaire desmois.En effet, voici les paroles queprononça alorsl'Envoyéd'Allah:«Envérité,leTemps(Az-Zamân)estrevenucycliquementàuneconfigurationpareilleàcellequ'ilaeueleJouroùAllâhcréalesCieuxetlaTerre.L'Annéeadouzemois,quatreensontsacrés:troisdeceux-cisesuivent,asavoir,Dhû-l-qa'da,Dhû-l-Hijja etal-Muharram, et un est isolé,Rajab qui sesitue entreJumâdâ (ath-thânî) etSha'bân, etc ». La suite du hadîthmontre leProphète identifiant solennellement lemois sacré (Dhû-l-Hijja) dans lequel lepèlerinagesepassait,leterritoiresacrésurlequellesritesavaientlieu,etlejourmême, comme Jour des Sacrifices pendant lequel des victimes devaient êtreoffertes,etconcluantparuneproclamationdesacralitésàobserver:

«Votresang,votrefortune,votrehonneurvoussontsacréscommeestsacrécejouravous,dansceterritoireàvousetencemoisavous!VousrencontrerezvotreSeigneuretIlvousdemanderadescomptespourvosactes.Neredevenezpasinfidèlesaprèsmoi,envouscoupantlestêteslesunsauxautres,etc.»

Pourmieuxcomprendrelaportéedecesdernièresparoles,ilfautsavoirquechezlesArabespré-islamiques,pendantlesquatremoissacrés,toutesleschosesimputables a l'homme, soit en bien soit en mal, étaient considérées commebeaucoup plus importantes qu'en temps ordinaire, et les récompenses et leschâtimentsdemême.Lesguerresétaientinterdites,etsi«quelqu'unrencontraitle meurtrier de son père ou de son frère, il faisait semblant de ne pas leremarquer».EnIslam, l'importancedecesmois futencoreaccrue,maisencequiconcernelaguerreilyadesdivergences:cequisembleplusévidentc'estquelaguerrespécialecontrelesassociationnistesoupolythéistes(al-mushrikun)étantundroitdivinpeutêtrefaiteentouttemps,et,enoutre,qu'uncombatestinévitablequandils'agitdedéfense.

Quantàl'expressionAd-Dînal-Qayyimquiqualifiecestatutdel'annéeetdesquatremoissacrés,voiciunedesopinionscitéesparlecommentaired'Al-Khâzin:«C'estleDécret(al-Hukm)inaltérableetirremplaçable.«Lemotqayyimaicilesensdedâ'im,«permanent»,lâyazûlu,«quinecesserapas».Or,commecedécretdateduJourdelacréationdesCieuxetdelaTerre,onadonciciuneLoicosmique, pré-humaine, mais que l'homme doit observer lui-même sous lesmodesquiluisontparticuliers,etquidoitdurerautantquelemonde.C’estbienlesensduSanâtanaDharmaentantqu'Ordreuniverselquenousretrouvonslà,dumoinsdansl'unedesesapplications235.

Quant au contenu du Dîn Qayyim on remarquera que, sous l'aspectprimordialenquestionici, ilapparaitseulementdefaçonnégative: ils'agitdes'abstenir–etplusspécialementpendantlesquatremoissacrés–detoutcequipourraitêtre«injustice»,pourlesâmes,littéralement«ilnefautpasobscurcir

vos âmes » (fa-lâ tazlimû fî-hinna anfusa-kum), et il n’est prescrit d'agirspécialementquedefaçonnégativeencore: laguerrepoursedéfendreetpourdéfendre le droit de l'Unicité d'Allâh contre les polythéistes. Ce statutuniquement négatif ici du Dîn Qayyim est normal dans les formulationspremières de l'ordre cyclique. La perfection naturelle inhérente à l'époqueprimordialen'abesoinenprincipequed'êtredéfendue,etc'estseulementquandplus tard elle sera « perdue » que la nécessité de la reconquête amènera lesprescriptions d'actes positifs.Dans le Paradis terrestre c'est également par uneprescription négative et restrictive que commence le cycle législatif : «n'approchezpasdecetArbrecarvousserezd'entrelesinjustes»(Cor.7,19)etilest intéressant de remarquer que dans ce cas encore l'inobservance de la règledevaitêtrecaused'«injustice»oud’«obscurité(letermearabepour«injustes» est zâlimûn, étymologiquement « obscurcissants »). Cette idée d' «obscurcissement » s'oppose naturellement à celle de « lumière » propre à laFitra,lapureNatureprimordiale.

UneautrefoislamentionduDînQayyimvientdanslesparolesqueJosephadresseauxdeuxcompagnonsdeprison.

Apresavoirdéclaréqu'ilsuitlaRègle(Milla)d'Abraham,d'IsaacetdeJacob,quiexcluttoutassociationnismeàAllah,ildit:

« Ô, les deux compagnons de prison, des seigneurs diviseurs sont-ilspréférables,oubienAllâhl'Unique,leRéducteur?

«Vous n'adorez en dehors de Lui que des « noms » que vous avez vous-mêmesinstituéscomme«Noms»,aveclesquelsAllâhn'afaitdescendreaucunpouvoir (opératif) car l'autorité (efficace) n'appartient qu'àAllâh. Il a ordonnéquevousn'adoriezqueLui:celaestlaReligionImmuable(ad-Dînal-Qayyim).Mais laplupartdeshommesne saventpas.» (Cor.12,37-40). [mâta’budûnamindûnihi illâasmâ’ansammaytumûhâantumwaabâ’ukummâanzala-Llâhubi-hâ min sultânin ini-l-hukmu illâ li-Llâh amara allâ ta’budû illâ iyyâhudhâlika-d-dînual-qayyimuwalâkinnaakthara-n-nâsilâya’lamûne]

IcidoncleDînQayyimestdéfiniprécisémentquantàsoncontenu:nerienadorersicen’estLui,Allâh,règleessentiellequel'onvoitàl'occasioninscritedanslatraditionprivilégiéed'Abraham.

Dansdeuxversets d'unemême sourate, la 30e, leDînQayvim prend placedansl'injonctiondivinefaiteàl'EnvoyéMuhammadlui-même:

«Dresse(aqim)tonvisagepourleCulte(ad-Dîn)enmodepur(hanîfan)enaccordaveclaNature(Fitra)d'AllâhselonlaquelleIlanaturéleshommes,(car)il n'y a pas de changement dans la création d'Allah : cela est la ReligionImmuable (ad-Dîn al-Qayyim), mais la plupart des hommes ne savent pas ».(Cor.30,30).

-Dresse(aqim)tonvisagepourleCulteAxial(ad-Dînal-Qayyim)avantquen'arriveleJourqueriendelapartd'Allahn'empêchera.Cejour-là,ils(lesbonsetlesméchants)serontséparés.»(Cor.30,43).

IcileDînQayyimestdéfinienquelquesortequantàsaméthodequ'onpeutqualifier de « directe » : il s'agit d’une attitude essentialisante, car la « face »(wajh) d'une chose est son « essence » (dhât) impérissable, conformément auverset:

« toutechoseestpérissantesaufsa face» (Cor.28,88)236.Encecas, la«face»étantcelled'uncontemplant,ils'agitdesonessenceprofondequidoitêtreorientéedunefaçonimmédiate, totaleet indéfectible,verslaVéritépure:c'estcequeveutdireletermeaqim=«dresse»quiestd'ailleursdelamêmeracineque lemotqayyim qualificatifduDîn, et c'est cequegarantira lanotionde laFitra,quenousretrouvonsainsidanssoncontexteintégraloùelleapparaîtaussicomme « inchangeable création d'Allâh ». Celle-ci constitue d'ailleurs levéritable fondement de la position axiale et de la conscience immuable quicaractérisentleDînQayyimentantqu'institutiondivineetcultespirituel.

Il faut cependant avouer que la notion de laFitra est complexe et mêmeambigüe,tellequelafaitapparaitred'ailleurslasyntaxeduversetoùellefigure.Commec'estsurcettenotionquereposecelleduDînQayyimilestutiledeciteruntexted'IbnArabîquiensoulignecequ'onpoutappelerlecôté«divin»:

« Allâh est Celui qui manifeste les choses, II est leur Lumière, lamanifestation (zuhûr) des chosesmanifestées (mazâhir) estAllâh. Lui en tantqueFâtiru-s-Samâwâtiwa-l-Ard(LeNaturant-séparatifdesCieuxetdelaTerre)a naturé (fatara) ceux-ci parSoi : Il est leurFitra du (pacte germinal) : «Nesuis-JepasvotreSeigneur?–Ilsrépondirent:Si!...»(Cor.7,172).IInelesanaturésqueparLui.C'estégalementparLuiqueleschosesSedistinguententreelles,seséparentetsedéterminent.Etleschosesdansleurapparitiondivine(fîzuhûri-hâ-l-ilâhî)nesontrien!L'existenceestSonExistence,lesserviteurssontSesserviteurs:ceux-cisontserviteursquantaleursentitésdéterminées(a’yân)maisilssontDieu(al-Haqq)quantaleurexistence(wujûd).»237

Desoncôté,Abdu-r-RazzâqAl-Qâshânî,encommentant,danssonTafsîr,leversetquinousaarrêté,dit:

«FitratAllâh,veutdire:Attachez-vousaladispositiondivine(al-Hâlatal-ilâhiyya)selonlaquellefutnaturéelaréalitéhumainecommeclartéetpuretédetouteéternité!Cette«disposition»estleDînQayyim,detouteéternitéetpourtoute éternité ; inaltérable et immuable il ne se détache jamais de la clartéoriginelleetdelapuretéduTawhîdNaturelPrimordial.CetteNaturePrimordiale(al-Fitraal-Ûla)neprovientquedel'EmanationSanctissime(al-Faydal-Aqdas)

quiestlaSourcedel'Essencemême('Aynadh-Dhât).Celuiquiresteappuyésurcette base ne peut être détourné de l'Identité essentielle (at-Tawhîd) ni voilé àl'encontredelaVérité»238.

Enfin, dans le contexte du même verset, nous voyons apparaitre aussi lanotiondelaHanîfiyyaqu'onrattachegénéralementàlaFitra,pointauquelnousnepouvonsnousarrêtercettefoisnonplus239.

Enmême temps, en trouvant ici conjoints laFitra et leDînQayyim nousvérifions laparfaitecoïncidencedesnotionsde«Traditionprimordiale»etdeLex perennis par lesquelles Guenon avait interprété le Sanâtana Dharma.Cependant, on se rend compte que la notion duDîn al-Fitra est incluse danscelled'Ad-Dînu-l-Qayyimcarcettedernière,commenousvenonsdeleconstater,comporte dans le Coran l'idée de primordialité. C'est cette dernière notionislamique qui correspond donc plus exactement a celle du SanâtanaDharmahindou.

Ilestsignificatifderemarquerenoutre,qu'ilyaentrecesdeuxexpressions

qui se correspondent dans les deux formes traditionnelles un certaincomplémentarismequine faitquecorroborer lesautresconstatationsquenousavons inscrites jusqu'ici sous la même rubrique. Tout en désignant toutes lesdeuxlaTraditionprimordialedanssaperpétuité,chacunedecesexpressionsensouligneunemodalitéquiconcerneplusparticulièrementlatraditionrespective:l'Hindouisme qui est la continuation extérieure ininterrompue de la Traditionprimordialeàtraversdesimplesmodificationsdeforme,selonlesépoquesetlessituations géographiques, en énonce l'idée de pérennité ; l'Islam qui estrévélationànouveauaprèsuneépoquede«cessationdesenvoyés»(cf.Cor.5.19)met l'accentsur l'idéed'axialité.Uncomplémentarismedel'horizontalitéetdelaverticalitéseprésentetoutnaturellementàl'esprit,maisiln’estréellementsignificatifquedelafaçonsuivante:

ducotehindouonalaconscienced’unesortedecontinuitésubstantielledela Vérité elle-même liée à la substance humaine qui la véhicule de tempsimmémorial;del'autreonalaconceptiond’uneincidenceélectivesuprêmeàlafindestemps,qu'illustreassezbienlaparoleduProphèteparlantdelui-même:«J’aiétélepremierdansl'ordredelaCréation240etjesuisledernierdansl'ordredelamission.»

IX

L'INVESTITUREDUCHEIKHAL-AKBARAUCENTRESUPRÊME241

DansnotreétudeencourssurLesderniershautsgradesdel'Ecossismeetla

réalisation descendante242, en examinant le symbolisme du 33e degré, nousavons été amené à chercher une explication de la forme cérémonielle queprésente l'initiation des degrés ultérieurs au 30e, car cette forme extérieureapparaîtendiscordanceaveclecaractère«intérieur»quenousavonsattestéparailleurs,pourl'«initiation»àlaphasedescendantedelaréalisation.Cettephaseinitiatique,avons-nousmontré,supposel'atteintepréalableeffectivedel'IdentitéSuprême, et, d'autre part, dans le cas duwalî, nécessite un acte déterminé dethéophanie(tajallîilâhî),cequisituel'événementdecetteinitiationàunniveauproprementdivin.

Sous ce rapport un rite de forme extérieure comme celui que présente

l'initiationmaçonniquequiparle cependantd'une« contemplationde laVéritéfaceàface»,nepeuts'expliquerqueparuneréférenceausymbolismeduCentreSpiritueloùl'initiéadmissetrouvedevantlathéophanieconstantequeconstituelePôledelaTradition.Nousavonsinvoquéàceproposlesdonnéesislamiquesconcernant leshiérarchiesésotériques,etavonspréciséquecedont il s'agitenpareil cas se situe dans un domaine de réalités dont l'accès n'est toutefoispossible que par l'intuition du Coeur connaissant. Ce point est très importantpournotre thèse,et,d'autrepart,nouscraindrionsquedes lecteursn'éprouventquelque difficulté à situer exactement les notions que nous avons utilisées,surtoutcellesrelativesaux«centresspirituels»etaux«assemblées»subtilescorrespondantes.

C'estpourquoi,enmargedel'étudeprécitéeetàsonappui,nousdonneronsici une preuve « documentaire » supplémentaire, que, pour des raisons de

proportions littéraires, nous ne pouvons pas introduire dans le corps de notreexposé. Cette preuve est encore puisée dans les données de l'ésotérismeislamique, et précisément dans l'oeuvre duCheikh al-Akbar, ce qui permet deresterdansunensembleunitairederéférencesetdenotions.

Il s'agit de la Préface des « Révélations Mecquoises » (Futûhât), danslaquelle leCheikhal-Akbarexposesous la formerelativement incantatoirequicaractérise les textes liminaires des écrits islamiques, son accès au CentreSuprême de la Tradition Primordiale etUniverselle, qu'il désigne ici plusieursfoisparletermed'Al-Malâ'u-l-A'lâ, le«PléromeSuprême»,oul'«AssembléeSublime».Cetteassembléesituéedansunerégionsubtiledontlesdésignationsrappelleront ce que les traditions de l'Asie Centrale disent de l'Agarttha, leRoyaume caché du Roi du Monde, est présidée par l'Etre Muhammadienprimordial dont la nature et les attributs, compte tenu des particularités deformulationislamiques,correspondentassezclairementàceuxqueRenéGuénona indiqués pour la personnification du Manu Primordial, et que la doctrinechrétienne, pour ne rappeler encore que celle-ci, présente sous la figure dumystérieuxMelki-Tsedeq«quiestsanspère,sansmère,sansgénéalogie,quin'anicommencementni findesavie,maisquiest faitainsi semblableauFilsdeDieu»,etqui«demeureprêtreàperpétuité»(EpîtreauxHébreux,VII,1-3)243.

Cequiestd'unintérêtspécialpournotrepropos,c'estquecette«visite»duCheikhal-Akbarestenrapportexprèsavec l'investituredecemaîtrecomme«Héritier du Maqâm Muhammadien ». Il s'agit même plus précisément de lafonction de ce maître, dans ses rapports avec le Centre de la TraditionUniverselle, non seulement avec le centre particulier de l'islamhistorique.Cetévénement de la vie personnelle du Cheikh al-Akbar se situe, d'après desindicationsqu'ildonne lui-mêmeàdifférentsautresendroits,à l'époquedesonvoyageà laMecque,où ilaséjournédepuis la finde598-1198 jusqu'en600 /1201,ouimmédiatementaprèscettedernièredate.Oràcettedate,leCheikhal-Akbar,non seulement avait atteint ledegréde l'IdentitéSuprême,mais encoreétaitinvesti,depuisFès594/1195,delafonctionexceptionnelledeSceaudelaSainteté Muhammadienne, et cela permet de voir le caractère, tout de mêmesubséquent, de cette « visite » et de la « cérémonie » d'investiture qui a lieualors, par rapport à ce que nous avons considéré comme l'« initiation » à laréalisationdescendante.

Cette investiture apparaît alors comme une reconnaissance, à un degrésupérieurdelahiérarchieésotériqueduMonde,delaréalitéetdelafonctionduSceau Muhammadien, ce qui doit constituer vraisemblablement aussi une «exaltation » de cette fonction et de la réalité même du Cheikh al-Akbar.Cependantladescriptiondescirconstancesetdesévénementstranscendantsdont

ils'agitnouspermetdeconstaterdesélémentssymboliquesauxquelsonpourraitrattacher unepart du symbolismemaçonnique lui-mêmedans les hauts gradesultérieursau30e.

L'espacedecetterevuenenouspermetpasdereproduirecedocumentdansson intégralité244. Nous en donnerons seulement quelques passages ayant unrapportplusdirectavecnotresujet.NouslaisseronsdoncdecôtéledébutdelaKhutba (l'Avant-Propos) qui développe la Louange divine d'usage, etemprunterons nos citations à la partie relative à la Prière sur le Prophète. LeProphètede l’Islamest toutnaturellement le supportde toutcequi seraditausujet du Principe Prophétique Primordial dont lesmanifestations prophétiquessuccessivesnesontquedesfiguresetdessubstituts.

EXTRAITSDEL’AVANT-PROPOSDES«FUTÛHÂTS;QuelaPrière–œuvredegrâce–soitsurceluiquiestleSecretduMondeet

sonPointfondamental245, lebutduSavantetsonbesoin, leChefvéridique, leVoyageurdenuitquifutportéverssonSeigneur246,etauquelonafaitfranchirles Sept Parcours célestes, afin queCelui qui l’a fait voyager « luimontre cequ’Il a mis comme « Signes » et Vérités dans Ses créatures les plusmerveilleuses (cf.Cor.17,1-2),cet êtreque j’ai vu, lorsque j’ai composécettePréface,dansleMondedesvéritéssubtiles,etdansladignitédelaMajesté,paruneintuitionducœur,dansunerégionmystérieuse247.Or,lorsquejel’aivudansun telmonde commeSouverain, inaccessible auxdémarches et protégé contrelesregards248,ilsiégeaitassistéetconfirmé(parlaPuissancedivine)249,pendantquetouslesEnvoyésdivinssetenaientrangésdevantlui,etquesacommunauté,cellequi est « lameilleure communauté»250 l’entourait, lesAngesRégissantsgravitaientautourdutrônedeSaStation,etlesAngesengendrésdesactes(desserviteurs)251étaientdisposésdevantlui.

Le Confirmateur (Aş-Şiddîq) siégeait à sa droite auguste252, et leDiscriminateur(al-Fârûq)àsagauchesanctissime253,leSceau(al-Khatm)étaitaccroupidevantlui254,l’entretenantdel’histoiredelaFemme255,pendantqu’Alî–qu’Allâhprie sur lui et le salue !– interprétait lesparolesduSceaudans salangue256, etque lePossesseurdesDeuxLumières (Dhû-n-Nûrayn), revêtudumanteaudesapublicitésetenaitdevantselonsamanière257.

AlorsleSouverainSuprême,l’Aiguadesavoureuseetdulcissime,laLumière

laplusmanifesteet laplus resplendissante, se tournaet,mevoyantderrière leSceauoùjemetenaisenraisond’unecommunautédestatutquiexisteentremoi

etceSceau258,luidit:«Celui-ciesttonpareil,tonfilsettonami!Installe-luilaChairedesnouveauxvenus,devantmoi!»Ensuiteilmefitsigneàmoi-même:«Lève-toi,ôMuhammad259,etmonteenchaire,etfaisleslouangesdeCeluiquim’aenvoyéet lesmiennes,carentoiilyauneparcelledemoi260quinepeutplussupporterdesetrouverloindemoietcetteparcelle,c’estellelaforcedetaréalitépersonnelle.Ne retournedoncàmoiqu’en ta totalité, car cetteparcelledoit absolument retourner pour laRencontre.Elle ne fait pas partie dumondedesmalheureux, car, après que je fus envoyé, aucune chose qui fût àmoi nepourrait être autrement qu’heureuse, louangée et remerciée dans le PlérômeSuprême(al-Malâ’u-l-A’lâ!)»261

LeCheikhal-Akbar–qu’Allahl’agrée-décritsoninvestiture(toujoursdanslakhutbadesFutûhâts)dansleCentreSuprême…

Alors leSceau installa laChairedanscettesolennelle tenue.Sur lefrontonde la Chaire était inscrit en lumière Bleue : « Ceci est la StationMuhammadienne la Plus Pure ! Celui qui y monte en est l’Héritier, et Dieul’envoiepourveilleraurespectdelaLoi!»262

Encemoment,jereçusledondesSagesses,etcefutcommesij’avaisreçulesSommesdesParoles263.JeremerciaiAllâh–qu’Ilsoitglorifiéetmagnifié!–etjemontaiauplushautdelaChaire,etj’arrivaiainsiàl’endroitoùl’Envoyéd’Allâh–qu’Allâhpriesurluietlesalue!–s’étaitarrêtéetétablilui-même.Ilétenditsurlamarcheoùjemetrouvaisainsilamanched’unetuniqueblanche,etjeprisplacedessus,afindenepastoucherl’endroitqu’avaienttouchésespieds.Ceciparrespectdesasaintetéetdesanoblesse,etaussipourquejesoisavertietinstruitquelaStationdontilaeulacontemplationdelapartdesonSeigneur,lesHéritiersnelacontemplentquedederrièresonhabit…

Quand j’occupai ce Degré Glorieux devant celui qui dans la Nuit de sonAscensioncéleste,futdesonSeigneur«àladistancedeDeuxArcsouPlusPrès» (Cor. 53.9)264, je me dressai, relevant la tête tout confus, mais ensuite,confirméparl’Esprit-Saint,jecommençaismondiscoursparcesversimprovisés:

OCeluiquidescendlesSignesetlesAnnonciationsDescendsurmoilesSciencesdesNomsdivins,Afinquejefassetoutl’élogedeTonEtre,Parleslouangesquitesontduesdanslabonneoudanslamauvaisefortune!Ensuiteledésignantlui–qu’Allâhpriesurluietlesalue!–jecontinuais:CesouverainestleSignequeTuaschoisiduCercledesVicairesCosmiques,EtqueTuasmiscommenobleracine«alorsqu’Adamétaitentrel’eauetla

boue»265,

Que Tu as transféré (Comme germe dans la série des générationssuccessives) jusqu’au moment où « le Temps, par une révolution circulairecomplèterevintàsonaspectinitial»266.

Tu l’as fait alors serviteur humble et soumis, T’invoquant, tout un temps,danslaCaverneHirâ’,

Jusqu’à ce qu’un annonciateur vint de Ta part, Gabriel, celui qui estspécialementpréposéàlaProphétie,

Et lui dise : «Que la Paix soit sur toi ! Tu esMuhammad, le Secret desAdorateursetleSceaudesProphètes!»

O Souverain, dis-je la vérité ? Il me répondit : « Tu es véridique. Tu esl’ombredeMonManteau!

Faisdeslouanges,etmetstouttonzèledanslalouangedetonSeigneur,CartuasreçuledondesvéritésdesChoses.Parles-nousmaintenantenprosedel’œuvredetonSeigneur,etdis-nousce

quisedévoileàtoncœurpréservédesténèbres.Enfaitdetoutevéritéimmédiated’unevéritéultime,quitevientenesclave

sansl’avoirachetée»267.AlorsjeprocédaiàmondiscoursdanslalanguedesSavants,etledésignât

encore–qu’Allahpriesurluietlesalue!–jedis:JelouangeCeluiquiadescendusurtoile«LivreCachéquenetouchentque

lesPurifiés»(Cor.56.78-79)etquidescendant larévélationà travers labeautédetoncaractèreetlasaintetédetonimmarcesciblenature,aditdanslasourateNûn:«Aunomd’AllâhleTout-Miséricordieux,leTrès-Miséricordieux:Nûn :Par le Calame et ce qu’ils (les fonctions calamiques célestes et terrestres)inscrivent!Tun’espas,parlagrâcedetonSeigneur,unpossédé!Tuaurasunerécompense qui ne sera entachée de reproche. En vérité, tu es d’une NatureMagnifique!Tuverrasetilsverrontaussi!»(Cor.68.1-5).

Ensuite, Il trempa le Calame de la Volonté dans l’Encre de la Science, ettraçaaveclaDroitedelaPuissance,surlaTableGardéeetPréservée,toutcequiaété,toutcequiest,toutcequisera,ettoutcequineserapasparmileschosesqui, s’Il avait voulu – et Il ne l’a pas voulu – qu’elles fussent, auraient étécommeellesdoivent l’être,en raisondeSonArrêtPrédestinateurdéterminéetpesé, et selon Sa Science Généreuse et thésaurisée268. Gloire don à TonSeigneur, le Seigneur de la Toute-Puissance au-dessus des qualités qu’on luiassigne !Tel estAllâh l’Unique, l’Un, qui transcende ce que lui associent lesassociateurs!

LePremierNomqu’écrivitceCalameSublimeavanttoutautrenomfut:«Envérité, Je veux créer, à cause de toi, ôMuhammad, leMondequi sera tonRoyaume»269. Je crée donc la substance de l’Eau. Je l’ai créée en dehors duVoiledelaGloireinviolable,pendantqueMoi,Jereste«TelqueJ’aiété,aucunechosen’étantavecMoi»270,dansuneNuée271.

Ilcréal’Eau,froide,gelée,ronde,rondeetblanchecommeunePerle.Ilymitenpuissancelesréalitéscorporellesetaccidentelles.EnsuiteIlcréaleTrôneets’y installa selon Son Nom Ar-Rahmân (le Tout-Miséricordieux). Il y plaçal’EscabeauetyappuyaSesPieds272.

AlorsIlregardacettePerleavecl’ŒildelaPuissance,etlaPerlefonditdepudeur.Elle se répandit et s’écoulacommeEau.«Et sonTrôneétait surcetteEau» (cf.Cor.11,9) avant l’existenceduCiel et de laTerre. Il n’y avait alorsdansl’existencequelesVéritésduTrône,del’OccupantduTrôneetdel’AssisesurleTrône.

Ensuite,IlprojetaleSouffle(an-Nafas)273etl’Eaufutagitéeparsesrafalesetécuma.EtcommesesondesfrappaientetrefrappaientlesbordsduTrône,ellechantalalouange–delalouange–duLouangévéritable!LePiedduTrôneenvibraetditàl’Eau:JesuisAhmad!C’estmoiquisuis«pluslouangé»!274

Alors l’Eau roula dans la confusion et, le reflux la ramenant vers le large,elleabandonnasurlebordduTrônel’écumequelesvaguesyavaientjetée.Ceproduitdubarattementdel’Eaurenfermelaplupartdeschoses.Allâh–qu’Ilsoitglorifié!–fitdecetteécumelaTerreenformecirculaire,amplementétendueenlong et en large.Ensuite il fit laFumée, duFeuqui jaillit du frottementde laTerrelorsquecelle-cisefendit.DanscetteFumée,IlfitéclorelesCieuxélevés,et fit encore d’elle les réceptacles des Lumières et les demeures du PlérômeSuprême.IlymitsesEtoiles,rehausséesparlesLuminairesencorrespondancessymétriquesaveclescorollesdesplantesdontildécoralaTerre.

AlorsAllâhseconsacraàAdametàsesdeuxparents(lesélémentscorporels

: l’eauet la terre).Ils’yappliquaavecSonEssencedont l’immensiténelaisseplace à aucune ressemblance, et avec Ses DeuxMains (dont l’une confère laressemblanceet l’autrela luienlève)275. Ildressaune«nature»qu’Il façonnapar deux opérations : l’une concernant sa consommation finale, l’autre sadisposition à la perpétuité276. A cette entité, il donna comme siège le pointcentral de la Sphère de l’Existence et l’y cacha. Il avertit à cet égard Sesserviteurs par Sa parole énonçant l’existence d’un invisible support desCieux(Cor.13.2:«AllâhélevalesCieuxsanssupportsquevousvoyez…»(Cor.31.9)…277

EnsuiteAllâhaextraitdupremierpère(Adam)les lumièresdesAqtâb (lesPôles)commedessoleilsquivoguentdanslesSphèresdesStationsspirituelles(al-maqâmât)278, et il en a extrait aussi les lumières desNujabâ’ (lesNobles)commedes étoiles qui circulent dans lesSphèresdespouvoirs prodigieux (al-karamât)279. Ilaétabli lesquatreAwtâd (lesPiliers)dans lesquatreCoins (ouPoints Cardinaux de la Terre), pour la garde des deux espèces douées depesanteur (les Djinns et les Hommes)280. Ceux-ci calmèrent l’agitation de laTerreetsonmouvement.Ellesefixaets’embellitde laparuredesesfleursetdesmanteauxdesesprairies,etellemontrasa«bénédiction».Lesregardsdescréatures furent réjouis de son aspect resplendissant, leurs odorats furentembaumés par ses exhalaisons parfumées, et leurs palais flattés par sesnourrituresdélicieuses.

Puis, par un mandat de Sage et de Savant. Il envoya les sept Abdâl (lesRemplaçants) comme Rois dans les sept Climats : chaque Badal dans unClimat281 . Ilconstituaaussipour leQutb (lePôle) lesDeuxImâms(l’unàsadroite,l’autreàsagauche)etlesmitchefsdesdeuxbrides(duMonde)282.

Lorsqu’Ileutfaitainsi leMondeselonlaperfectionlaplusferme,desortequ’ « il ne resta plus de possibilité qu’il y en ait un autre plusmerveilleux »,comme l’a dit l’ImâmAbûHâmid (al-Ghazâlî), Il fit paraître aux regards toncorps,qu’Allâhpriesurtoi283!

La donnée la plus vraie284 qu’on ait entendue dans l’Annonciation (an-Naba’)285,etqu’apporta laHuppedelaCompréhensiondepuis leRoyaumedeSaba286, est celle de l’existence d’uneSphèreContenante (al-Falak al-Muhît),présentetantdanslemondedesélémentssimplesquedanslemondecomposé,et appelée laMatière (al-Habâ’)287, avec laquelle la plus grande ressemblanceest offerte par l’Air et l’Eau, quoique ces deux éléments fassent partie desformesquifurentéclosesdanslaMatière288.

Cettesphèreétantlaracinedel’Existencecosmique,etcommeleNomdivinan-Nûr (la Lumière) s’y révéla, par acte dé générosité divine, eut lieu laManifestation.Tuasreçualors,decettesphère,taForme–qu’Allâhpriesurtoi! – dès la première effusion de lumière, et tu es apparu en tant que FormeExemplaire(Şûramithliyya)dontlesdehorssontcontemplables,sesbreuvages,ineffables, son Paradis, édénique, ses connaissances, « calamiques », sessciences,«dextrochères»,sessecrets,«encriers»,sesesprits,«tabulaires»,etsaterre,adamique289.Tuesnotrepèrequantàl’esprit,demêmequecelui-ci–etjedésignaisAdamparmilesprésents–nousestpèrequantaucorps…

Regardez – et qu’Allâh vous fasse miséricorde ! – regardez l’EmeraudeBlanche que le Miséricordieux a déposée dans le « premier père » ! Et je

désignaisAdam.RegardezlaLumièreEvidente!Etjedésignaisle«deuxièmepère»,celui

quinousaappelésMusulmans(Abraham)(Cf.Cor.22.77).Regardezl’ArgentPur!Etjedésignais«celuiquiguéritlesaveuglesetles

lépreuxparmandatd’Allâh»,ainsiqueleditletexterévélé(Jésus).Regardezlabeautédel’HyacintheRougedel’Ame!Etjedésignais«celui

quifutachetéàbonmarché»(Joseph)(Cf.Cor.12.20).Regardezl’OrRouge!EtjedésignaisleVicairePrécieux(Aaron).Regardezlalumièredel’HyacintheJaunequibrilledansl’obscurité!Etje

désignaisceluiquifutfavoriséparlaconversationdivine(Moïse)290.CeluiquivoyageverscesLumièresjusqu’àcequ’iltrouvelemoyenquilui

ouvrel’accèsàleursmystères,connaîtleDegrépourlequelilfutexistencié291etdevientdigneduMaqâmDivin292ensortequ’onseprosternedevantlui293.IlestalorsleSeigneuretSonServiteur,l’Amantetl’Aimé.

Regardeleprincipedel’existenceetcomprends-lebien!La « chose » est comme la « Chose » sauf qu’Allâh montre la Chose

EternelleauxyeuxduMondecommeadventice.Silespectateurjurequel’Etredela«Chose»étaitteldetouteéternité,ilest

véridiqueetnetémoignepasàfaux.Silespectateurjurequel’Etredela«Chose»provientdeladisparitiondela

« chose », c’est encore mieux, tout en étant un « dénonciateur triplementcriminel»294.

Ensuite, jemanifestaidesmystères, je rapportaidesdonnéessaintesque letempsnepermetpasdecitericietdontl’existenceestinconnueàlaplupartdescréatures.Jelaisseentêtedechemintoutcela,parcraintededéposerlasagesselàoùilneconvientpasqu’onladépose.

Finalement, je fus renvoyédecettesublimevisiondesongevers lemondeinférieur,etjeplaçailalouangesaintequejevenaisdefairecommePréfacedeceLivre.

BIBLIOGRAPHIEDESPUBLICATIONSDEMICHELVÂLSAN

I.TEXTESETARTICLESDEMICHELVÂLSANSERAPPORTANTAL'ŒUVRE

ETALAFONCTIONDERENÉGUENON(rangésparordrechronologique)

-LafonctiondeRenéGuenonet lesortdel'Occident-1951,p.213(Juil.,

Août,Sept.,Oct,Nov.;n°293-294-295).-L'IslametlafonctiondeRenéGuenon-1953,p.14(Janv.-Fév.;n°305).-UntexteduCheikhal-Akbarsurla«réalisationdescendante»-1953,p.120(Avr.-Mai;n°307).-Remarquespréliminairessur l'Intellectet laConscience-1962,p.201(Juil.-AoûtetSept.-Oct.;n°372-373).- Introduction aux Symboles fondamentaux de la Science sacrée – 1962(Gallimard)ainsiquelesAnnexes-L'Initiationchrétienne(RéponseàM.MarcoPallis)-1965,p.148(Mai-JuinetJuil.-Août;n°389-390).- La question de l'Initiation chrétienne : mise au point - 1968, p. 142 (Mars-Avril,Mai-JuinetJuil.-Août;n°406-407-408).- Etudes et Documents d'Hésychasme - 1968. p. 153 (Mars-Avr.,Mai-Juin etJuil.-août;n°406-407-408).-Aproposdel'Hésychasme-1969.p.26(Janv.-Fév.;n°411).-L'ŒuvredeGuenonenOrient-1969,p.32(Janv.-Fév.;n°411).-Miseaupoint(surlenumérospécialde«Planète-Plus»consacréàGuenon)-1971,p.24(Janv.-Fév.;n°423).-LesLivres(RenéGuenon,LeSymbolismedelaCroix,rééditionenformatdepoche:collection10/18)-1971,p.35(Janv.-Fév.;n°423).-Référencesislamiquesdu«SymbolismedelaCroix»-1971,p.49(Mars-Avr.etMai-Juin;n°424-425)p.275(Nov.-Déc.;n°428).

-Commentaireàproposd'unelettredeM.Clavelle-Reyor-1971,p.117(Mars-

Avr.etMai-Juin;n°424-425).-RépliqueàM.RobertAmadou-1971,p.132(Mars-Avr.etMai-Juin;n°424-425).

II.TRADUCTIONSANNOTÉESDEMICHELVÂLSANDETEXTESDEMUHY-D-DÎNIBNARABÎOUPROVENANTD'AUTRESAUTEURS

DUTASAWWUFRATTACHÉSASONÉCOLE(rangésparordrechronologique)

Muhy-d-DînIbnArabî

1.ORAISONS- Oraisons métaphysiques - (Présentation et Oraisons de jour : Dimanche etJeudi)-1949,p.251(Sept.;n°278).-PrièresurleProphète-1974.p.242(Nov.-Déc.;n°446).-LaPrièrepourlePôle-1975.p.97(Juil.-Août-Sept.;n°449).

2.AL-FUTÛHÂTAL-MAKKIYYA(extraitsrangésdansl'ordredeschapitres)

-Avant-Propos.(Extraits)-1953,p.302(Oct.-Nov.;n°311).-SurlaSciencepropreàJésus-(Chap.20)-1971,p.62(Mars-Avr.etMai-Juin;n°424-425).-Surceluiqui«revient»(verslescréatures)aprèsêtre«parvenu»(àlaVéritésuprême)etsurCeluiquilefaitrevenir-(Chap.45)-1953,p.125(Avr.-Mai;n°307).

-SurlanotiondeKhalwa-(Chap.78)-1969,p.77(Mars-Avr.etMai-Juin;n°412-413).-Surl'abandondelaKhalwa-(Chap.79)-1969,p.87(Mars-Avr.etMai-Juin;n°412-413).- Les états des initiés au moment de leur mort - (Chap. 176) - 1964, p. 252(Nov.-Déc.;n°386).-LavénérationdesMaîtresspirituels- (Chap.181)-1962,pp.165-166(Juil.-AoûtetSept.-Oct.;n°372-373).-Lanotiondehâl.(Chap.192)-1962,p.173(Juil.-AoûtetSept.-Oct.;n°372-373).-Lanotiondemaqâm.(Chap.193)-1962,p.178(Juil.-AoûtetSept.-Oct.;n°

372-373).-Lanotionde«Sharî'a»(LaLoiouVoieGénérale)-(Chap.262)-1966,p.206(Juil.-AoûtetSept.-Oct.;n°396-397).-Lanotionde«Haqîqa» (LaVéritéessentielle) - (Chap.263) -1966,p.212(Juil.-AoûtetSept.-Oct.;n°396-397).

3.ECRITSDIVERS(rangésparordrechronologique).

-LeLivredunomdeMajesté«Allah»-1948,p.142(Juin;n°268);p.206(Juil.-Août;n°269);p.334(Déc.;n°272).-LaParuredesAbdâl -1950,p.248 (Sept. ;n°286) ;p.297 (Oct.-Nov. ;n°287).-TextessurlaConnaissancesuprême-(LeLivredesInstructions;LaquestionposéeparIbnSawdakîn;Sensmétaphysiquedelaformule«AllâhuAkbar»)-1952,p.125(Avr.Mai;n-299);p.182(Juin;n°300).-LeLivrede l'Extinctiondans laContemplation -1961,p.26 (Janv.-Fév. ;n°363);p.89(Mars-Avr.;n°364);p.144(Mai-Juin;n°365).

-Epîtreadresséeàl'Imamar-Râzî-1961.p.242(Juillet-AoûtetSept.-Oct.;n°366-367).-UneinstructionsurlesRitesfondamentauxdel'Islam-1962.p.23(Janv.-Fév.;n°369).-Conseilàl'aspirant(22°chapitredel'ouvrageAt-tadbîrâtu-l-ilâhiyyafî-islâhi-l-mamlakati-l-insâniyya)-1962,p.85(=p.37danslecahierdeMars-Avril1962)(Mars-Avr.;n°370);p.122(Mai-Juin;n°371).- La demeure du Cœur de l'invocateur et les secrets qui lui sont particuliers(extraitdulivreMawâqi’u-n-Nujûm)-1965,p.129(Mai-JuinetJuil.-Août;n°389-390).-LeLivred'enseignementparlesformulesindicativesdesgensinspirés-1967.p.54(Mars-Avr. ;n°400);p.113(Mai-Juin;n°401);p.245(Nov.-Déc. ;n°404);1968.p.73(Mars-Avr.,Mai-JuinetJuil.-Août;n-406-407-408).-Conseilàunami-1968,p.243(Sept.-Oct.etNov.-Déc.;n°409-410).-EpîtresurlesFacettesduCœur-1970,p.61(Mars-Avr.;n°418).

Abdar-Razzâqal-Qâshânî

-UncommentaireésotériqueduCoran:lesTa'wîlâtu-l-Qur'ând'Abdar-Razzâqal-Qâshânî(noticeintroductive)-1963,p.73(Mars-Avr.;n°376).

-LesInterprétationsésotériquesduCoran:laPréface-1963,p.75(Mars-Avr.;n°376).-LeCommentairedelaFâtiha-1963,p.81(Mars-Avr.;n°376).-LesCommentairessurlesLettres-Isolées-1963.p.256(Nov.-Déc.;n°380),(notice introductive) ; p. 263 (Nov. Déc. ; n° 380), (sourate II) ; 1964. p. 28(Janv.-Fév.;n°381),(souratesIII,VII,X,XI,XII,XIII,XIV,XV);p.57(Mars-Avr.;n°382),(sourateXIX);p.106(Mai-Juin;n°383),(souratesXX,XXVI,XXVII,XXVIII);p.193(Juil.-Août,Sept.-Oct.;n°384-385),(souratesXXIX,XXX,XXXI,XXXII,XXXVI,XXXVIII,XL,XLI,XLII,XLIII,XLIV,XLV,XLVI,L,LXVIII).-LeCommentaireésotériquedestroissouratesfinales-1969,p.159(Juil.-Août;n°414).

-Lescommentairesésotériquesdessourates96:«LeSangcoagulé»et97:«LaValeur»-1969,p.255(Nov.-Déc.;n°416).-Lecommentaireésotériquedelasouratedel'Evénement-1972.p.255(Nov.-Déc.;n°434).-LeCommentaireésotériquedelasouratedelaLumière-1973.p.97(Mai-JuinetJuil.-Août;n°437-438).-LeCommentaireésotériquedelasourateYâSîn.1975,p.122(Juil.-Août-Sept.;n°449).

Sadr-ad-Dînal-Qunâwî-L'Epîtresurl'OrientationParfaite-1966,p.241(Nov.-Déc.;n°398).

III.TEXTESETARTICLESDEMICHELVÂLSANCOMPOSANTLETROISIEMEGROUPE

(rangésparordrechronologique)- Les derniers hauts grades de l'Ecossisme et la réalisation descendante -

1953,p. 161 (Juin ; n°308) ; p. 224 (Juil.-Août ; n°309) ; p. 266 (Sept. ; n°310).-L'investitureduCheikhal-AkbarauCentreSuprême-1953,p.300(Oct.-Nov.;n°311).- Un symbole idéographique de l'Homme Universel. (Données d'unecorrespondanceavecRenéGuenon)-1961,p.99(Mars-Avr.;n-364).-LesRevues(Compte-rendudel'articledeM.Hamidullah)-UneambassadeducalifeAbuBakrauprèsdel'empereurHéraclius,etlelivrebyzantindelaprédictiondesdestinées,FoliaOrientalia,vol.II,1960)-1962,p.

141(Mai-Juin;n°371)- Le Coffre d'Héraclius et la tradition du « Tâbût » adamique - 1962. p. 266(Nov.-Déc.;n°374);1963.p.37(Janv.-Fév.;n°375).-LeTriangledel'Androgyneetlemonosyllabe«Om».1.Complémentarismedesymboles idéographiques-1964,p.77(Mars-Avr.n°382).2.Complémentarismedeformestraditionnelles-1964,p.133(Mai-Juinn°383);p.268(Nov.-Déc;n°386).3.TraditionprimordialeetCulteaxial-1965,p.36(Janv.-Fév.n°387);p.83(Mars-Avr.n°388).4.«Om»et«Amen»-1966,p.81(Mars-Avr.n°394);p.132(Mai-Juinn°395).5.IndeetArabie-1966,p.218(Juil.-AoûtetSept.-Oct.;n°396-397).-SurAbuYazîdal-Bistâmî-1967.p.215(Juil.-AoûtetSept.-Oct.;n°402-403).-SurleCheikhal-'Alâwî-1968.p.29(Janv.-Fév.;n°405).- Remarques occasionnelles sur Jeanne d'Arc et Charles VII - 1969. p. 112(Mars-Avr.etMai-Juin;n°412-413).

1)PubliédansE.T.Janv.-Fév.1953↵

2)Unmode spécial de cette adaptation est celui des rites et destechniques spirituelles ; nous n’avons pas à l’envisagerdistinctementici,oùnoustraitonsseulementdel’ordredoctrinal; c’estdu restedans ladoctrineque se trouve le fondementdetouteslesinstitutionsetpratiquestraditionnelles.↵

3)Nous allons en voir plus loin un exemple relatif àl’enseignementmétaphysiqueenIslam.↵

4)C’est du reste ce qu’on constate même dans les attaquesbouddhistes contre la notion hindoue de Soi à laquelle estsubstituéealors celleduVideabsoluetuniversel.Cequi est«affirmé»ainsiparunmodenégatifcoïncideparfaitementaveclavéritableidéeduSoiAbsoluetUniversel,maislechangementde perspective et de terminologie apportée par le Bouddhismeétaitunenécessaire réactioncontre l’« idolâtrie»de faitd’unSoiconçudeplusenplusdanssesmodesconditionnés.↵

5)Lamétaphysiqued’Aristoteest limitéeàl’ontologie,etdepluselle se présente généralement comme une spéculationphilosophique dépourvue de l’application à une réalisationcorrespondante;maisRenéGuénon,danslamesureoùilyaeurecours, l’a intégrée dans une doctrine initiatique complète.Puisque l’occasion se présente, nous devons ajouter quel’aristotélisme semble néanmoins avoir connu quelquefois unetelleapplication,maisquiadûresterplutôtd’ordreésotérique.Ilfaudraitavoiruneautreoccasionpourpouvoirabordercesujet.↵

6)À propos possibilités positives de l’intellectualitéaristotélicienne, sur un plan plus général de civilisation, nouspourrions dire aussi, quemalgré ses limitations, elle a jouéunincontestable rôle de langage intellectuel entre les civilisationsméditerranéennes.

7)Nousauronsàrevenirenuneautreoccasionsurcedernierpoint,surtout à l’occasion de la présentation de certains écrits duCheikhal-AkbarMuhy-d-DînIbnArabî.↵

8)Cequiestbiensignificatifàcetégard,c’estque,denos jours,on fait paraître en Orient des traductions des ouvrages del’orientalisme européen pour instruire les orientaux sur leurspropresdoctrines!↵

9)Carilfautbiendirequ’ilyaaussiunecertainediversitéquantauxcaractèresdesSagesetàleursformesdoctrinales.↵

10)D’ailleurs si l’on voulait ne regarder que le sens littéral, onpourrait trouver chez le Cheikh al-Akbar lui-même lesformulationstellementdifférentesdelamêmedoctrine,etc’estmêmelecasleplusfréquentchezlui,qu’onpourraitconsidérercomme tout à fait contradictoires avec la notion deWaĥdat alWujûd.Maislesadversairesexotéristesouautresqu’ilaeusouqu’ilaencoreetquil’accusentde«panthéisme»,n’ontjamaisl’objectivité de relever le fait, ni l’astuce de le mettre encontradictionaveclui-même;ilsseraientalorspeut-êtreobligésdefaireuneffortdecompréhension,et ils risqueraientainsidedouter du bien-fondé de leur opinion, soit d’avouer n’y riencomprendre. En fait, ses contradicteurs isolent dans ses écritsdesexpressionsconsidéréespareuxcommecompromettantes,etquinelesontqueparlesensqu’ilsveulentyvoir.

11)Pour donner un exemple des différences de conception ou deperspective qui peuvent exister entre des doctrines religieuseselles-mêmes,onpeutremarquerqueladoctrinecatholiquequiaintégré une bonne part de l’aristotélisme n’exclut pas qu’onparle d’Intellect divin ; c’est ainsi que Saint Thomas dit : «Deus…qui omnia Suo Intellectu comprehendit…» (SummaThéol.,DeDeo,q.I.,a.10).

12)En rapport avec ce que nous disions dans la note précédente,pour Saint Thomas lui-même l’homme peut voir l’EssenceDivine par son intelligence : « intellectus hominis elevatur adadtissimamDeiessentiaevisionem(DeProphetia,q.175,a.4).

13)Envéritéquandlecœurestenvisagédanslatraditionislamiqued’unefaçoninitiatiqueettechniquecomplète,ilestl’objetd’unedoctrinetrèsdéveloppéeselonlaquelleilestlecontenantd’unehiérarchiedefacultésetdedegrésdeconnaissance ;nousn’enfaisons ici qu’une simple mention, pour ne pas laisserl’impression d’une simplification définitive, et réserver laquestionpourunexamenspécial.

14)Nous devons ajouter que le domaine où intervient la Foi, quin’estpaslasimple«croyance»,n’estpaslimitéàl’exotérisme,maisqu’ils’étendauxmodalitésésotériquesetinitiatiquesdelavoie spirituelle àundegré éminent, sansque cela entraîneunealtérationdelaqualitéintellectuelle;aucontraire,àcesdegrés,la Foi joue le rôle d’une force transformante à l’égard dessymboles, et opérative à l’égard des idées métaphysiques. Ceque nous venons de dire surprendra peut-être certainsintellectuels qui se sont fait des idées un peu sommaires etinadéquates non seulement quand à la valeur profonde de laspiritualité de type révélé, mais, par le fait même, aussi surl’initiation et l’ésotérisme. Quand à René Guénon lui-même,dans la mesure où il a traité aussi de questions de pratiqueinitiatique,iln’apaseuàenvisagerspécialementcepoint,maisentoutcascequ’ilavaitditdanscedomainenonseulementnel’exclut pas, mais le suppose, car, au fond, ce n’est que laconséquence de ce que nous rappelions plus haut de latransposition nécessaire en mode initiatique des dogmes, desritesetdessymbolesreligieux.

15)Il faut dire qu’une certaine « foi » est tout de mêmeindispensable même dans les voies sapientiales pour autantqu’elle féconde l’anticipation spéculative sur l’objet deconnaissance ;maisnaturellementcettenotionn’apasdanscecas le caractère ni le rôle d’un mystère au sens religieux oud’unevertuthéologale.Cf.Phédon,70/a,b.Socrateavaitditquele véritable philosophe qui vit selon l’esprit serait encontradictionaveclui-mêmes’iln’étaitheureuxdemouriretdevoirsonâmelibéréedesoncorps.Cébèsluifaitremarquerque,jusqu’ici,cequ’ilavaitditneseprésentequecomme«ungrandetbelespoir(elpis)»;«ilatoutefoiscertainementbesoind’une« confirmation » (paramythia, qui désigne une preuvesupérieure aumoyen d’un «mythe », commonitio en latin) etpoint petite probablement, pour procurer la « foi » (pistis, oufidesd’aprèslatraductionlatined’HenriAristippeen1156).–«Tu dis vrai, Cébès », répondit Socrate… qui exposa alors lespreuves au sujet de l’existence et de la « pérégrination » del’âmeaprèslamortcorporelle.↵

16)Cequiesttrèsfrappantsouscerapport,c’estdevoircommentlanotion de foi elle-même est intégrée dans la doctrine de SaintThomas dans une conception purement sapientiale ; en mêmetemps,ons’aperçoitcommentlesdonnéesaristotéliciennessontpliéesauxnécessitésdeladoctrinethéologique:dansunetelledoctrine, l’intellectnepeut être envisagécommese suffisant àlui-mêmedanssonopération;larelationdelafoidoitsubsisteravecl’objetdeconnaissance.SaintThomas,aprèsavoirrappeléque, d’après Aristote (De Anima, 3, chap.9), « l’intellectspéculatifneditriendecequ’ilfautfaireounepasfaire»,d’oùilrésultequ’«iln’estpasprinciped’opération,tandisquelafoiest ce principe qui, selon la parole de l’Apôtre, « opère par lacharité»,conclutque«néanmoins,croireestimmédiatementunactedel’intelligence,parcequel’objetdecetacte,c’estlevrai,lequelappartientenpropreàl’intelligence.C’estpourquoiilestnécessairequelafoi,puisqu’elleest leprincipepropred’untelacte,résidedansl’intelligencecommedanssonsiège».Ensuite,ilprécise:«lesiègedelafoi,c’estl’intellectspéculatif,commeil résulted’une façonévidentede l’objetmêmede la foi.Maisparcequelavéritépremièrequiestl’objetdelafoiestaussilafindetousnosdésirsetdetoutesnosactions,commelemontreSaint-Augustin,delàvientquelafoiestopéranteenlacharité,tout comme l’intellect spéculatif au dire du Philosophe (DeAnima, 3, chap.10), devient pratique par extension ». (Summa,Defide,q.4,a.2;tr.R.Bernard).↵

17)Ilesttoutefoisimportantdereleverque,danslesdernierstemps,il se dessine dans les études catholiques un effort pour rendrecompte de certaines valeurs spirituelles trop évidentes pourpouvoirtoujoursêtreniéesdanslesautresformestraditionnelles,comme l’Hindouisme et l’Islam ; c’est ainsi qu’on élargit lanotiond’«Eglise»dansunsensplusdégagédescontingences,tant spatiales, que temporelles ou formelles, que la grâcesalutaireestreconnuecommeplusindépendantedesconditionshistoriquesetdel’adhésionformelleauxarticlesdogmatiquesetà leurs conséquences canoniques, mais liée néanmoins auxvéritésintérieuresinformellesetuniversellesdesdogmes,etquel’universalité du Christ est conçue comme impliquant lapossibilité de son intervention en dehors des modalitéséminentes de la forme chrétienne historique. Ce n’est qu’unetendance timide et prudente actuellement, mais elle estparticulièrement précieuse par sa signification, surtout quandelle est manifestée par ceux-là mêmes qui s’étaient donnésjusqu’ici le rôle de faire obstacle à toute compréhensionréellementuniverselle desdonnées traditionnelles et à l’accorddeprincipesavecl’Orienttraditionnel.

18)EnOccident, uneœuvremétaphysique comme celle deMaîtreEckhardt, frappée dans certaines thèses initiatiques par unedécisionpapale,estainsi restéepresquecomplètementétoufféedepuis le désastreux XIV° siècle, et si de nos jours elle estremiseencirculationprogressivement,cen’estévidemmentparlefaitdesautoritésexotériques,maisparceluidecroyantsasseztremblants du reste, ou encore d’intellectuels moins soucieuxdes limites singulièrement réduites de l’ « orthodoxie »exotérique.Leblâmejetésurl’œuvred’Eckhardtaeucependantenoutrecommeeffetimmédiatladiminutiondespossibilitésdel’importanteécolerhénane;etsil’œuvredeRuysbroeckn’afaitque frôler le même danger, elle ne doit sa situation qu’à uneréserve et une précaution plus grandes quant à ses thèsesinitiatiques et métaphysiques. En tout cas, de nos jours, ilsemble bien que les représentants de l’Eglise arrivent à fairepreuved’uneplusgrandeprudenceetréserve;espéronsquecelanes’arrêterapasensibonchemin.

19)Pourcepoint,voirl’articledeP.Chacornac:«LaviesimpledeRené Guénon », dans le numéro spécial consacré à RenéGuénonpar lesEtudesTraditionnelles, juillet-novembre 1951.↵

20)Cf. notre article dans le même numéro spécial des EtudesTraditionnelles : « La fonction de René Guénon et le sort del’Occident».↵

21)Nousdevonspréciserlesdates,car,plusloin,l’exposéd’Abdul-Hâdi est tel qu’il risque de reproduire des confusions d’ordrechronologique:lamortdupèreetledépartdufilsenexilontdûavoir lieu en 1882-1883 comme il résulte de certainescoïncidencesquenousrelèveronsplusloin.

22)Cesévénementsseplacentnaturellementaprès1883,maisilnenous est pas possible d’avoir pour le moment d’autresprécisions,saufunedatead-quemquicoïncideavecledébutdecesiècle,quand,commeonleverra,l’exilduCheikhElîshavaitprisfin.↵

23)Ils’agitdel’enseignementduCheikhal-Akbaràl’étudeduquels’étaitappliquéparticulièrementAbdEl-Kaderdansladernièrepartie de sa vie. L’Emir avait financé la première versionimpriméedel’œuvremaîtresseduCheikhal-AkbarlesFutûhâtal-Makkiyyadontl’étendueestd’environ2500pages.

24)Cefuten1883,datequinouspermetderétablirquelquepeulachronologiedontparleAbdul-Hadî.

25)Lefaitdevaitêtreantérieurà1901,datede lamortde la reineVictoria. L’amnistie anglaise porte sur l’exil qui commenceaprès ledernieremprisonnement ;entre temps, leCheikhavaitsubi le deuxième emprisonnement par l’acte « d’un princemusulman»,etobtenulagrâcedececôté-làmais ilétait restétoujoursexiléd’Egypte.↵

26)CenomestnaturellementdéviédeceluiduCheikhal-Akbar.Lemêmenomestportédans l’Indeparune tarîqaqui remonteauCheikhal-AkbaretaveclaquelleAbdul-Hâdiaeudesrapportsdirects. Il est à peine besoin de préciser qu’il n’y a toutefoisentre la«société»dont ilestquestionet ladite tarîqa qu’unerelationpurementemblématique,lesdeuxchosesétantdenaturedifférente.↵

27)Termedérivédusurnom«Muhy-d-Dîn»=«leVivificateurdelaReligion»queporteenoutreleCheikhal-AkbarIbnArabî.↵

28)PubliédansE.T.Janv.-Fév.1960↵

29)Notonsaussi,puisquel'occasionseprésente,que,pourcequiestdumilieuintellectuelégyptien,ontientégalementquelquesfaitsdu même ordre. Le Dr. Abdel Halîm Mahmûd. Professeur à‘Ulûmad-Dîndel’UniversitéAl-Azhar(LeCaire)apublié,ilyadéjàunedizained'annéesenviron,unebrochuresurGuénonenarabe (portant en annexedes fragments traduitsdesœuvresdumaître) intitulé :Al-Faylasûf al-muslimRenéGuénon aw 'Abdal-Wâhid Yahyâ. L'ouvrage (qui s'appuie, pour la partie debiographie intellectuelle, sur nos articles de 1951 et 1953concernantGuénon)estdédiéauCheikhMuhammadal-MahdiMahmûd,ProfesseuraAl-Azhar. [Ce texteaété reprisdans laseconde partie du livre : « Al-Madrasa ash-Shâdhiliyya al-hadîtha wa imâmunâ Abû-l-Hasan ash-Shâdhilî » (Le Caire,1968), et s'intitule désormais : « Al-‘Arif bi-Llâh (LeConnaissantparAllâh)ash-Shaykh'Abdal-WâhidYahyâ».

Le Dr. Abdel Halîm, auteur de travaux en arabe sur leSoufisme,estconnuenFranceparson travail surAl-Mohâsibi(Geuthner,1940).[LeDr.estdécédéenoctobre1978].

Enoutre,pourcequiestducôtéégyptien,noussommesaucourant d’une thèse sur René Guénon et l’Islam que devaitsoutenirenSorbonneunétudiantduCaire.↵

30)En Afrique du Nord même, où cependant la présenceoccidentale a été longue et directe, et où la déchéancetraditionnelle devrait être donc la plus accentuée, nousconnaissons,parnotrepropreexpérience–etcecipasseulementdans lemonde, naturellement restreint, de l'ordre contemplatifproprement dit - toute une humanité qui continue sa vieimperturbablement millénaire de fidélité spirituelle dont, fortheureusement,onnefaitaucuncas.

31)Nousreproduisonslestermesavecleurprononciationlocale.↵

32)La marche initiatique basée sur la vertu du pur désir de laRéalitéexigedesêtreshumainsqualifiésquinonseulementontété préservés intacts quant à leur substance spirituelle intime,mais aussi dont la forme mentale n'a pas été faussée par uneéducationmoderne,fût-ellequasimenttraditionnelle.Lamarcheinitiatiquebaséesur lacompréhensiondoctrinalecomporteuneformationthéoriquequidéveloppelescertitudesprincipiellesetlasaisie intellective. [CesdeuxpassagesentrecrochetssontdeMichelVâlsan.]

33)Ladoctrinedel'«Unicitédel'Existence».

34)LetermeestdérivéduCoran18,60,oùildésignelelieudelarencontredeMoïseetd'Al-Khadir.DansletitredulivredeDârâShikûh il s'applique aux deux traditions : l'Islam etl'Hindouisme↵

35)Les paroles de Mawlana Ashraf Alî Thanvî ne manquent pasd'une certaine concordance avec les initiatives connues, prisesprécédemment par le groupe d'Abdûl-Hâdi Aguéli avec labénédictionduCheikhAbder-RahmânElîshel-Kebîr.

36)PrécisonsàcetteoccasionqueGuénon,quiavaitétérattachéàlavoie ésotérique de l'Islam depuis 1912, s'était aussitôt occupésérieusementduprojetdelaMosquéedeParis,mais«leschosesn'ontmalheureusementpas abouti avant laguerre» (de1914).Enoutre«ildevaityavoiruneUniversitéislamique...».Aprèslaguerre,avecl'arrivéedecertainspersonnages,toutdéviaetilsedésintéressadecesprojets.—Onpeutremarquer,d'aprèsceque nous signalons dans ces deux dernières notes, que lapositionislamiquedeRenéGuénonapparaîttoutautrequ'unfaitpersonnel privé et sans signification quant à l'orientationintégraledesonœuvremêmeetdesoninfluence.↵

37)PubliédansE.T.Janv.-Fév.1968

38)VillainetBelhomme-EditionsTraditionnelles,1967.

39)Voirlenumérodejanvier-février1962,p.46.

40)LeDr.Carretavaitrédigésontexte,daté«Tanger,mai1942»,sur la demande d’un faqîr alaouite d’origine occidentale quin’avaitpasconnuleCheikhal-‘Alawîetquiavaitétérattachéàla voie du Tasawwuf après la mort du Cheikh par un de sesanciens muqaddams du Maroc vivant lui-même à Tanger àl’époque. Ce texte eut sa première édition française dans unebrochure de 30 pages publiée àMostaganem en 1947 sous letitre:«LeCheikhEl-Alaoui(Souvenirs)».↵

41)Areteniraussi,àcepropos,lanotationfinalesurcettepremièrerencontre : « Je me retirai discrètement, dit le Dr. Carnet,emportantuneimpressionquiàplusdevingtansd'intervalle,estrestée aussi nettement gravée dans ma mémoire que si cesévénementsdataientàpeined'hier.»(ibid.,p.20).↵

42)La«Descente»deSayyidûnâAïssâréfèresymboliquementàladeuxième venue du Christ qui est liée dans l'enseignementislamiqueauxévènementsdelafindestemps.↵

43)Ils'agitdudhikrfaitaveclenom«Allâh»qualifiécourammentcomme « le Nom de la Majesté divine », expression qui setrouvedurestedanslasuiteimmédiatedelaphrase.↵

44)Voirnotamment lamentionfaitedansE.T.,n°372-373. juillet-octobre1962,p.166,note2[Cettenoteest lasuivante :«LesProphètes antérieurs mentionnés dans le Coran et les hadithsreprésentent différents aspects de l'Homme Universel) etconstituent autant de types spirituels permanents, toujoursréalisablesenformulemuhammadienne»]etplusspécialement,en ce qui concerne le type spirituel islamique d'Aïssâ, p. 169,note 12 [Cette note indiquequeAbû-l-'Abbâs al-'Uryanî fut lepremier maitre d'Ibn Arabî « et un des plus grands. Il estmentionnédans la catégoriedes 'isawiyyûn c'est-i-dire de ceuxdont lemodèle initiatique est celui d'Aïssâ ibnMaryam (Jésusfils deMarie). (...)Muhy-d-Dîn précise ailleurs que cemaîtreavait accédéàcettecatégorie spirituelledans ladernièrephasede sa vie, alors que lui-même avait au contraire commence sacarrièrespirituelleparcemêmetype 'isawî,pourpasserensuiteaux autres typesmûsawî (moïsiaque) », etc. (...) Cf. aussi lesdeuxchapitressuivants.]

45)Onpeut retenir en outre que la formemuhammadienne, à partson caractère universel et totalisateur, présente un coteparticulieretdifférentielenraisonduquelleProphètedel'Islamse trouve aussi aligné historiquement aux autres casprophétiquesducycletraditionneltotal.

46)Ilyadescasdemaîtresou«saints»del’Islamquiontréaliséainsi les possibilités correspondantes à chacun des prophètesparticuliers.CettequestionestenrapportétroitavecladoctrinedesSceaux traditionnelsen Islam,etplusspécialementavec ladoctrine duSceau de laMaîtrisemuhammadienne (khâtamal-Wilâyat al-muhammadiyya) que les orientalistes qui s’en sontoccupésn'ontpasbiencompriseetqu'ilsontmêmedénaturée.Ilnousfaudrauneautreoccasionpourabordercesujet.↵

47)CequalificatifdérivedunomislamiquedeJésusetemployéenTasawwuf (par exemple par Ibn Arabî) pour caractériser ceuxdesAwliyâ' (sing.walî = « ami deDieu »., saint) dont le typespirituelestl'espritdeJésusentantquepossibilitécontenueparlaformemuhammadiennegénérale,n’estnullementàconfondreavecceluiqueportentlesmembresdelaTarîqa‘IsâwâdontladésignationdérivedunomduCheikhBenAïssâfondateurd’unebranchenord-africainedelaTarîqaQâdiriyva.

48)L'IslametlafonctiondeRenéGuénon,ch.1.↵

49)PubliédansE.T.mars-avril,mai-juin,etnov.-déc.1971

50)Cet article refondu et complété fut repris, avec lemême titre,comme chapitre XXIV des Aperçus sur l'initiation (1946).—Maisnouspouvonsattester,pour l'avoir lu,que le symbolismede la croix avait déjà fait l'objet de certaines considérationsspécialesdans les conférences tenuesparGuénon, audébutde1908, au cercle ésotérique de l'Ordre duTempleRénové à unedateoùiln'avaitpasencorecommencéàpublier.

51)LaGnose, janvier1911,p.26.Lepassagedu textese retrouvequelquepeumodifiédanslesAperçussurl'initiation,p.173dela1èreédition(1946),etp.170des2ème(1953)et3ème(1964)éditions ; lanoteyest remplacéeparunsimplerenvoiau livreduSymbolismedelaCroix,parudepuis1931.

52)Surleséditionsdecelivreetlesremarquescirconstanciellesquis'imposentvoirnotrechroniquedes«Livres»danslesE.T.dejanvier-février1971,pp.35-40.

53)LaGnose,déc.1910:les«Notes»decettetraductionparurentdistinctementdanslen°dejanvier1911.(Rappelonsàl'occasionquecetraitéaétéréimprimédansLeVoiled'Isisdejuin1935).

54)Ib.,déc.1910,p.271.

55)Avantcela,Guénonavaitdéjàindiqué,unepremièrefoistoutaumoins,l'originedecesdeuxtermes,dansl'EsotérismedeDante,ch.VI,maissansavoireuàciterl'Epîtredontnousparlons.↵

56)On sait que ledit personnage est leCheikhElîshEl-Kébîr à lamémoire vénérée duquelGuénon dédiaitLe Symbolisme de laCroix. — Ajoutons que, d'après une certaine mention privée,Guénon reconnaissait à cemaître le degré initiatiqueduRose-Croixeffectif.

57)Le titre arabe en est :At-Tuhfat al-mursala ilâ-n-Nabî = « LeCadeau envoyé au Prophète ». L'auteur, dont Abdul-Hâdiavouaitnesavoirquelenom,s'appellepluscomplètementetenune transcription à peine plus convenable, Mohammad IbnFazlallâh al-Hindî al-Burhanapurî (ce qui indiquevraisemblablementune lignée familiale indienneetuneoriginepersonnellede lavilledeBurhanapur)estunauteurdes10°et11°sièclesdel'Hégire,mortplusexactementen1029/1620.↵

58)RenéGuénondit,dansL'EsotérismedeDante,ch.V,quel'Isrâ’est une descente aux régions infernales ; de fait, d'après lestextes des hadîths qui en parlent, ce voyage correspond parcertains de ses épisodes aux thèmes initiatiques de l'Enfer deDante,mais son trajet ne comporte pas dans lesdits textes unedescente proprement dite vers l'intérieur de la Terre avec unesortieducôtéopposé.LerésuméqueA.Cabatonafaitdulivred'Asin Palacios, La Escatologia musulmana en la DivinaComedia,etquereproduitpartiellementGuénon,parlelui-mêmed'une similitude entre l'Enfer dantesque et l'Enfer islamique,mais celui-ci est évoqué, non d'après les événements du trajetjusqu'à Jérusalem, mais d'après des visions que le Prophète aobtenuesduCielpendantsonAscension.

59)Le terme ‘urûj estde lamêmeracinequemi’râj=« échelle»parlequelondésignel'«Ascensioncéleste»duProphète;danslescommentairesdelaTuhfat,employécommetermecommun,il désigne le voyage initiatique des Rapprochés (al-Muqarrabûn).

60)Cf.Cor.53,9:«II(Muhammad)futàladistancededeuxarcs(d'un cercle) ou plus près ». — Les deux arcs étant conçuscommecontenantlesdeuxmoitiésd'une«forme»circulaire,lediamètrepourraitcorrespondreàunejonctionparcontiguïté,ou,initiatiquement,àune réalisationdu type«unitif» (ittihâd) cequiconstitueuneconceptioncritiquéegénéralementpourautantqu'elleévoquel'«union»dedeuxnaturesdistinctes;lamention«ouplusprès»signifiealorsledépassementsûrdeladualitéetcorrespond donc à l'identité pure (wahda, tawhîd), ce qui peuts'entendre d'ailleurs aussi bien de l'unicité du point centralordonnant toute la circonférence que de l'unité indivisible ducercleentier.↵

61)Cemotétantcomposédeslettres'ayn,râetdâdn'estdoncpasàconfondreaveclemotard=«terre»,dontlapremièrelettreestunalif.

62)Voir aussi Cor. 17, 37: « Tu ne saurais atteindre en hauteur(tûlan) les montagnes ». Nous avons eu déjà l'occasion depréciser cette acception technique dans une note de notretraduction du « Livre de l'Extinction dans la Contemplation »d'Ibn Arabi (p. 26, note 81). Signalons aussi qu'Abdul-Hâdimettantunenote (LaGnose, janvier 1911, p. 21) à proposdestermes«exaltation»et«ampleur»danslepassageprécitédesatraduction,yfaisaituntableaudecorrespondancesparallèlesqu'il présentait ainsi : « Il (le Prophète) est la solution desantithèseshumaines,dontvoiciquelques-unes:

Exaltation AmpleurHauteurLargeurIntérieurExtérieur……………………L'Esprit LaLettre……………………Esotérisme ExotérismeSolitude avecleCréateurUniversalitéaveclesCréatures.Danscetableau,quicontenaitentoutunequinzainedeces«antithèses»,onconstateque la première correspondance inscrite sous le couple «ExaltationxAmpleur» est cellede«HauteurxLargeur», cequifaitpenserqu'Abdul-Hâdilui-mêmeavaitenvuelestermestechniquesarabesdontnousparlonsmaintenant.

63)Cf.Futûhât,ch.22.

64)Nousavonsdéjàeul'occasiond'enparleretensignalerl'intérêtdanslechapitreIII:«surleCheikhAl-Alâwî».↵

65)Futûhât,ch.20.—Nousdonnonsenannexedenotrearticlelatraduction intégraledecechapitre.—Cequedit leCheikhal-Akbardansladernièrephrasedutextequenouscitons,concerneseulement l'application des notions de tûl et ‘ard dans ledomainedelasciencedesLettres,carentantque«dimensions»symboliquesdelaconceptionintellectuelleonlestrouvedéjàavant Al-Hallâj (mort en 309 H.), chez un Jâhidh (mort aumilieudu3emesiècleH.)parexemple.

66)Une première allusion à ce point d'étude, nous l'avons faite àl'occasiondenotretraductiondu«LivreduNomdelaMajesté»(Kitâbal-Jalâla);cf.p.37à41.

67)Ilestopportundesavoirquelerapportquel'onvoitainsiétablientre les deux sortes d'œuvres spirituelles est fondé sur lestermesduhadîthqudsîsuivant:«Allahdit:«N'approchentdeMoi,ceuxquis'Enapprochent,parriendeplusexcellentqueparce que Je leur ai mis à charge comme obligatoire ! Et Monserviteur ne cesse de s'approcher de Moi par des œuvressurérogatoiresjusqu'àcequeJel'aime,etlorsqueJel'aime,c'estMoiquisuissonouïeparlaquelleilentend,savueparlaquelleilperçoit,salangueaveclaquelleilparle,samainaveclaquelleilsaisitetsonpiedaveclequelilmarche!»↵

68)Letermephilosophique‘illaacesdeuxsignifications.

69)Uneautretraductionpossible:«qu'ilnes'attristepas».

70)Allusion auCoran 3, 49, où Jésus, en tant qu'Envoyé vers lesBanû Isrâ'ildit :«... Jecréede laboueune formed'oiseau, j'yinsuffle(l'âme)etc'estunoiseau,avecl'autorisationd'Allah!Jeguéris l'aveugle de naissance et le lépreux, je ressuscite lesmorts,avecl'autorisationd'Allah...».↵

71)Icilaloisacréeestprisedanssonensemble(œuvresobligatoireset surérogatoires) pour représenter la tendance ascendante parrapportàl'étatnaturelordinaire.↵

72)Ouvrageintrouvableaujourd'hui(saufsaPréface).Sontitre(quiprésente quelques variantes, selon les auteurs) se traduirait icipar«lesCônesd'ombreetlesduréescycliques».↵

73)Ce sont ceux qui expriment la réalisation initiatique de l'unitécommel'uniondedeuxnaturesoudeuxessences.Surlanotiond'ittihâd comme réalité et comme apparence voir la NoticeIntroductiveànotretraductiondu«Livredel'ExtinctiondanslaContemplation»d'IbnArabî,loc.cit.

74)Cf.Cor.21,30:«...lesCieuxetlaTerreétaientsoudésetNouslesavons séparés», cequi est certainementuneallusionàdesphasesdel'ittihâd.

75)Cf.Cor.,84,16-19.

76)L'analogie entre nâsût, « nature humaine » et tâbût d'osier seretrouvenotammentdanslesFusûsal-Hikam (LesChatonsdesformes prophétiques de Sagesse) d'Ibn Arabî, chapitre surMoïse. Corrélativement, lâhût, « nature divine » se trouvereprésenté en ce cas par Moïse lui-même en tant qu'il estKalima,formeduVerbedivin.—Onpeutnoteràl'occasionquedansl'autreTâbûtisraélitequementionneencore,d'autrepart,leCoran, à savoir l'Arche d'Alliance, la présence divine estconstituéeparlaSakîna(=laShekinahdelaKabbale)àcôtédelaquelle figureaussi laBaqiyya, leRestedecequ'ont laissé lafamilledeMoïseetlafamilled'Aaron(Cor.2,248).(Acesujet,on peut se reporter également à notre texte « Le Coffred'HéracliusetlatraditionduTâbûtadamique».

77)L'orientaliste Louis Massignon, hostile à la conception del'Unicitédel'Existence(oudel'IdentitéSuprême)qu'ilappelle«monisme existentiel » ou tout simplement « monisme » (etmême « panthéisme »), en traduisant le même passage desFutûhâtdénatureainsiletexted'IbnArabî:«C'estpourquoiAl-HosaynIbn-Mansourparlade«lahoût»etde«nasoût»sansserapprocher un seul instant de ceux qui disent « l'essence estunique»etescamotent l'attributsurajouté» (Kitâbat-Tawasin,Paris,1913,p.144).C'est,toutdemême,faireprononceràIbnArabîl'éloged'unedoctrinedontilveutmontreraucontraireleslimitations!

78)Ismaël, l'ancêtreduProphètearabe«habitaitdans ledésertdePharan»(Genèse,XXI,21).

79)On demanda au Prophète : « As-tu vu ton Seigneur ? « Ilrépondit:«Lumière!CommentLeverrais-je!»Cequiestuneréponse à la fois positive et négative, ou plus exactementcataphatiqueetapophatique.

80)L'« ombre prolongée » est un des traits caractéristiques de lademeureparadisiaquedes«compagnonsdeladroite»(Cor.56,30),lesquelsoccupentuneplaceinférieureàcelledesPremiers=lesRapprochés(Cor.56,10-11).

81)C'est-à-direqu'ellessontconditionnéesparladualité.

82)ChezleCheikhal-Akbarlui-même,onlestrouveencorereprisesdans lesFusûsal-Hikam,Chapitressur laKalima'isawiyya (leVerbechristique)etlaKalimamûsawiyya(leVerbemoïsiaque).

83)Fusûs al-Hikam, ch. 15 intitulé : «Chaton de sagesse du typeprophétiqueconcernantunVerbeaïssawî.»

84)Il cite à cet égard l'acte duSamaritain deMoïse qui avait prisune poignée (ou une pincée) de la poussière foulée par l'AngeGabriel, qui est « l'Esprit » (ar-Rûh), et l'ayant projetée sur leVeaud'or,celui-cisubitementanimé,mugit(cf.Cor.20,96).—Lamêmeidéesoutenuepar lemêmeexempleseretrouvedansle chap. 20 des Futûhât dont nous donnons la traduction ci-après.

85)IbnArabîprécisemêmeàceproposqu'Aïssâvivifiaitlesmortsduseulfaitd'êtreEspritdivin(Rûhilâhi)bienqu'ilnemanquepas d'ajouter l'explication que la « vivification appartenait àAllahetl'insufflationàAïssâ».(Fusûs,loc.cit.).

86)On peut remarquer que cette notion coïncide avec celle duPurushottama vêdântique lequel dépasse également les deuxPurushas, l'un destructible, l'autre indestructible. Cf. RenéGuénon,L'HommeetsondevenirselonleVêdânta,ch.V.

87)Le monophysisme, quand il n'est pas compris vulgairementcomme un « mélange » des deux natures, peut constituerévidemment une solution à part de ce point théologique, quicorrespondra alors à un niveau ontologique différent ; maiscomme toutes les conceptions dogmatiques, celui-ci ne seraitlui-même valable que pour ce qu'il affirme et ne le serait paspourcequ'ilexclut.

88)Avraidirecepointmériteraitd'êtreexaminédeplusprès,maispourcelailfaudraituneautreoccasion.

89)Voirletexteetlatraductiondansl'éditionfaiteparl'abbéLouisVouaux (Letouzay et Ane, 1922). Les annotations ici nousappartiennent.

90)Onpeut dire que l'époque de l'abolition des apocryphes, écritsqui contiennent souvent des éléments de nature initiatique, estcelle qui, dans l'histoire du Christianisme, est caractériséenotammentparlaréformeconstantinienne.Nousrappelonsàcepropos ce qu'écrivait Guénon lorsqu'il parlait de latransformation du Christianisme qui, d'ésotérique et initiatiquequ'il fut à l'origine, tant par ses rites que par sa doctrine, pritultérieurement la forme de religion qu'on lui connaît dansl'histoire ordinaire : « Il serait probablement impossibled'assigner une date précise à ce changement qui fit duChristianismeunereligionausenspropredumotetuneformetraditionnelles'adressantàtousindistinctement;maiscequiestcertain en tout cas, c'est qu'il était déjà un fait accompli àl'époque de Constantin et du Concile de Nicée, de sorte quecelui-ci n'eut qu'à le « sanctionner », si l'on peut dire, eninaugurant l'ère des formulations « dogmatiques » destinées àconstitueruneprésentationpurementexotériquedeladoctrine».Danslemêmeordred'idéesilnefautpasnégligerderemarquerqueGuénonajoutait:«SileChristianismecommetelcessaitparlàd'êtreinitiatique,ilrestaitencorelapossibilitéqu'ilsubsistât,à son intérieur, une initiation spécifiquement chrétienne pourl'élite qui ne pouvait s'en tenir au seul point de vue del'exotérisme, etc.» (Christianisme et Initiation, dans « ÉtudesTraditionnelles»desept.,d'oct.-nov.etdéc.1949,reprisdanslerecueilposthumeAperçussurl'ésotérismechrétien,chap.Il).

91)Cetteréférenceàunsymbolismedu«nom»mêmedelacroix,qui n'est nullement expliquée, ne semblerait pas devoirconcerner legrecstauros (pournepasparler du latincrux), ettoutefoisilyaàreleveraumoinsunesimilitudephonétique—maisqui a son symbolismepropreau stadedes lettres initiales—avecuntermecommestérigma,signifiant«appui»d'aprèsun rapprochement trouvé par ailleurs entre ce terme et stauros(cf.J.Daniélou,ThéologieduJudéo-Christianisme,éd.Desclée,1958, p. 312). En ce sens on peut citer plus spécialement ici,parmi d'autres témoignages, tout d'abord l'Homélie PascaleattribuéeàHippolyte :« (Lacroix)...cetarbreauxdimensionscélestes s'est élevé de la terre aux cieux se fixant (stérixas),plante éternelle, au milieu du ciel et de la terre, soutien del'Univers...appui(stérigma)del'Univers,etc.»OnpeutajoutercetteautrecitationempruntéeauMartyred'André,où lamêmeidéeestexpressémentassociéeaumême»mystèredelacroix»:«Jeconnaistonmystèrepourlequeltuasétédressée.Eneffet,tuasétédresséedanslemondeafind'affermir(stérixes)cequiestinstable,etc.»Enfin,iln'estpasexclunonplusqu'ils'agissed'unnométrangerouproprementésotériquedelacroix(telqueleTau,parexemple).

92)L'abbéVouauxqui tout au longde son travaildecommentaireveut légitimer autant que possible la présence des Actes dePierre dans l'enseignement des premiers siècles, nemontre iciencorequelesoucid'écartertoutsoupçonde«gnosticisme»etde«docétisme»delapartdel'auteuranonymedecetexte(op.cit.438-439).Nousnepouvonspasnousarrêteràl'endroit,pourexpliquer ce que pourrait être au point de vue proprementinitiatique le«docétisme»dontonparle toujourssans rienencomprendre, et auquel on fait correspondre une conceptionsuperficielle et ridicule ; nous ferons toutefois remarquer àl'occasion,sanspouvoirnousyarrêter,que lepassagedu texteprésente une certaine similitude avec les termes coraniquesconcernantlacrucifixiondeJésus(Cor.4,157).

93)La dernière phrase semble bien être une indication que cetenseignementdevaitrestertoutàfaitsecret.

94)Untellogionnesetrouvepasdanslestextescanoniques.Pourl'abbéVouaux«enmusterionnesignifiepasautrechoseque«allégoriquement » ou exprime l'énoncé d'une pensée qui offrequelque chose de plus élevé que l'intelligence humaine », «Inutiledonc,ajoute-t-il,decherchericiuneinfluencegnostiqueetdeprétendrequePierreintroduitunenseignement,unegnosemystique qui ne se trouve pas consignée dans les livrescanoniques.»(Op.cit.p.447).

95)Latêteenbas,etc.

96)Ce passage pourrait faire allusion à deux degrés del'enseignementinitiatique.

97)Encoreunlogionquinesetrouvepasdanslescanons.

98)L'abbéVouauxavaittraduiticidelafaçonlamoinssignificativepossibleepistrophêpar»conversion»etmetanoiapar»repentir».

99)A remarquer incidemment que la symboliquedes deuxnaturesn'estpasabsentenonplusde lacroixsacrificielle,maiselleenprésentesurtoutl'aspectséparatif:c'estcequedisentd'ailleurs,lesparolesmêmesducrucifié:«Eli,Eli, lammasabactanMon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné », quiconstituent le cri de la « nature humaine » qui se sentabandonnéeparla«naturedivine»etquinedevaitêtreexaltéequ'aprèsladescentedelacroix.

100)L'être christique étant au fond une des formules selon laquellepeut être comprise la constitutionde l'HommeUniversel, cetteformule peut être retrouvée de quelque façon dans toutethéophanie anthropomorphique. Ainsi quand il est dit quel'Adamsynthétiquedesoriginesfutfaitàl'«image»deDieuetaussiàSa«ressemblance»,cettedoublerelationanalogiquedel'hommeprimordialàDieupeutêtrerapportéeauxdeuxnatures: l'« image » correspondrait à la « nature humaine » et la «ressemblance » à la « nature divine ». Dans les donnéesislamiques concernant la créationd'Adamcette double relationseretrouveraitdansla«Forme»œuvréeparlesMainsdivinesetdansl'«Espritdivin»insuffléparDieu.

101)Il y aurait là en somme un aspect symbolique qui pourraitconvenir à une conception monophysite de la personne duChrist.↵

102)LeSymbolismedelaCroix,ch.XXVIII,p.188,éd.Véga,1950.

103)Ibid.↵

104)PubliédansÉtudesTraditionnelles,mars-avril,etmai-juin1971

105)Cettetraductionestunepiècedocumentaireàl’appuidel’articleprécédent [« références islamiquesduSymbolismede laCroix»]. Elle est faite sur les deux éditions égyptiennes suivantes :Bûlâq, 1293H. etDâru-l-Kutubi-l-Arabiyyati-l-kubrâ, 1329H.(Celle-cisouventfautivepourcechapitrecommeengénéral).

106)LeNafkh est le pouvoir d’ « Insufflation » par lequel Jésusressuscitait lesmorts et aussivivifiait lesoiseauxd’argile faitsparlui;l’Idhnestl’«Autorisation»divinedefaireceschosesainsiqued’autresmiracles(cf.Coran3,49et5,11);l’AmrestleCommandementexistenciateurouleVerbeKun=«Sois!»aveclequelJésus-Christs’identifiait(cf.Coran3,45-47).

107)Allusionàlaquestiondes«deuxnatures»(LâhûtetNâsût)duChrist,maiscelles-cientenduesdansuneperspectiveislamique.LeLâhût selon Ibn ‘Arabî est la vie infusée par un purEsprit(Rûh)(cf.Fusûsal-Hikâm,chap.15),etsoncorrélatif,leNâsût,est une forme individuelle offerte par Marie et animée par leLâhût. Le Christ dans sa nature essentielle, qui est celle duVerbe divin (Kalimah ilâhiyyah ou encore Qawl al-Haqq),dépasse cette dualité ; c’est pourquoi le Lâhût qui, d’après ladéfinition donnée, s’identifie extérieurement avec Gabriel,l’Esprit envoyé àMarie « sous la forme sensible d’un hommebien fait» (fa-tamaththala lahâbasharansawiyyan,Coran 19,17)estqualifiéiciassezétrangementde«beau-père»;entoutcas exécuteur à ce sujet d’un mandat divin, Gabriel ne seraitdonc pas le père véritable du Christ, mais seulement la partieLâhût.↵

108)Plusexactementdansl’écriturearabelekun,quiest l’impératifde ladeuxièmepersonnedusinguliermasculinduverbekâna-yakûnu n’a que deux lettres visibles kâf et nûn ; le wâwintermédiairequiappartienteffectivementàlaracinetrilittèredeceverbe« concave», est disparudu fait de la « contigüité dedeuxlettresquiescentes»,lewâwetlenûn.↵

109)Lesnombresafrâd(sing.fard)sontlesimpairsàpartirdu3;àpart cela, le nombre 1 est impair (witr) ; telle est du moinsl’emploides termeschez Ibn ‘Arabî (cf.Futûhât, chap.30-31 ;idem,Kitâbal-Alif).↵

110)Coran15,29et38,72.↵

111)CesparolesconcernaientlesAnsâr,«aides»duProphète,dontl’apparition était pressentie par lui de cette façon comme uneannonciationheureuse.↵

112)Allusion au fait que Aïssâ, qui est appelé dans le verset « unEspritdeDieu»(Rûhunmin-Hu) (Cor.4.131),estàAllâhdanslemême rapport que l’«Esprit deDieu » insufflé parAllâh àAdam;deplus,ilalamêmevertu,cellededonnerlavie,cequiesttoujoursexprimécommevenantdel’Autorisationdivine.↵

113)On aperçoit ainsi que cette notion duSirr universel, qui est laRéalité essentielle et secrète de tout être vivant, on a enTasawwuf un terme strictement arabe et mohammadien pourdésigner la même chose qu’Atmâ, le Soi du Vêdânta : il estmême remarquable que ce Sirr divin provient du Nafasrahmaniencequiassimileencoresapositionàcellede l’Atmâdontlenomvientd’uneracineexprimantelle-mêmel’idéede«souffle».↵

114)Cf. éd.Blq. ;danséd.Dâr-Kut,manquent lesmots fîtamthîli-hi.↵

115)Coran20,96.↵

116)Cf.leverset,déjàindiqué,Coran4,181.↵

117)Coran,7,54.↵

118)Coran,17,85.↵

119)Coran,7,54.↵

120)Cf.éd.Blq.;danséd.Dâr-Kut,onaicial-‘ilmal-‘alawî=«lasciencesupérieure».↵

121)Cf.éd.Blq.oùlesderniersmotssontfa-mâhuwaillâminhâdhâal-‘ilm ; dans éd. Dâr-Kut le mot illâ manque et le sens estopposé:«ilsnelefontpasenvertudecettescience».↵

122)Cf. le Hadîth « ma Miséricorde a précédé ma colère » (InnaRahmatîsabaqatghadabî).UneautretraductiondeSabaqatparl’emportesurseranécessaireplusloin.↵

123)Notammentlesgardiensdel’enferetlespréposésauxtortures.↵

124)Coran20,74et87,13.↵

125)Cf.Coran4,56.↵

126)Ibid.↵

127)Voicientableaulessériesdecesétatsalternants:

ChâtimentSommeilouEvanouissement_________________________________23.000…………19.00015.000…………11.0007.000…………3.000_________________________________45.00033.000Unecoïncidenceàsignaler : ladurée totalededeuxphases

alternantes « châtiment » et « sommeil » 45.000 + 33.000 =78.000annéesestégaleàcelleduCycleTemporel(Dawrahaz-Zamân) qui, d’après Ibn ‘Arabî, dans Futûhât, chap.12, aprécédélamanifestationdu«corpsdeMohammad»,etpendantlaquelle la réalité duProphète restait invisible extérieurement.↵

128)Coran40,7.↵

129)Cf. éd. Blq. : yasta’dhibûna-hu ; dans éd. Dâr-Kut, on ayastaghnimûna-hu : « ils cherchent à lemettre à leur profit »,sensquiestmoinsbienvenu.↵

130)Coran23,108.↵

131)Coran40,34.↵

132)Cf.éd.Blq.:haythîyyah;danséd.Dâr-Kut.:haqîqah.↵

133)Coran9,67.↵

134)Coran20,126.↵

135)Cf.éd.Blq.:al-akhbâr;danséd.Dâr-Kut.:al-aghbâr(?).↵

136)Lapremièrepartiedece texte a étépubliée, sans titre,dans lachroniquedesRevuesauxE.T.,mai-juin1962.↵

137)Cetexteestceluiquiaétépubliédanslen°demars-avril1961desEtudesTraditionnelles. Nous avons toutefois tenu comptedesmodificationsdedétailapportéesen1962parMichelVâlsandans sa « Notice complémentaire au chapitre XXXI » desSymbolesfondamentauxdelaSciencesacrée(AnnexeIII),c'est-à-dire au textedeRenéGuénon intitulé : «LaMontagne et laCaverne».

Par contre nous avons maintenu les deux premiersparagraphessupprimésdansla«Notice».↵

138)On pourra remarquer, d'après le même schéma, que si lamontagneest remplacéepar lapyramide, lachambre intérieuredecelle-ciest l'équivalentexactdelacaverne»(NotedeRenéGuénon).↵

139)Laquestiondusymbolismedece«carré»aétérepriseensuiteparGuénon lui-même dansLaGrandeTriade (ch. XVI, Le «Ming-Tang»),parueen1946.↵

140)LetriangleinverseestdansleBouddhisme,paruneapplicationplusspéciale,lesymboledemiséricorded’Avalokiteshwara,«leSeigneurquiregardeenbas».

141)Il en est ainsi, précisons-le, lorsque l’on considère lamanifestationdansunsens«négatif»;maissil'onenvisageaitcelle-ci dans un sens « positif », c'est-à-dire commeaccomplissement ou perfection des possibilités existentielles(conformitéauFiat), le symbolismede la«droite»etde la«gauche»setrouveraitinversé.

142)Cette identification est en parfait accord avec le symbolismepropreauprincipeféminin:entreautres,telleestlapositiondutriangleentantquesymboledelaShakti.

143)L'ordre de mention dans le texte upanishadique citécorrespondraitainsiausymbolismeducentre,delagaucheetdeladroite.

144)C'est de la même façon que « les deux oiseaux, compagnonsétroitementunis,agrippésaumêmearbre,l'unmangeantlefruit,l'autre immobile mais regardant intensément », figurentrespectivement jivâtmâ et Atmâ c’est-à-dire deux degrés dumême Soi. Du reste dans la Shvetâshwatara Upanishad lastropheconcernantcesdeuxoiseaux(IV,6)suitimmédiatementlepassagequimentionneles4entitésdontnousparlons.↵

145)LenomdeHawâexprimantl'idéedevie(hayât),onvoittoutdesuitesarelationaveclecœur,siègedu«centrevital»,dont letriangleinverséestlesymbolegéométrique.↵

146)Nous ne pouvons insister a cette occasion sur certainesopérationsparlesquellescetteconceptionpourraitêtre«vérifiée»encoredansl’ordrelittéraletnuméral.↵

147)Dansnotrefigureceréfléchissementdoitêtreconsidérécomme« triple », chacun des triangles droits contigus par un côtécommun avec le triangle inversé projetant dans celui-ci sonreflet propre, et cela pourrait êtremis en rapport, dans l’ordreprincipiel et non-manifesté entre autres, avec la triplepotentialité qualitative de Prakriti (les trois gunas), et dansl'ordredesproductions,parexemple,aveclestroisfilsducoupleprimordial nommes dans la Genèse (Caïn, Abel et Seth) quireprésententtroistypesfondamentauxd'humanité.↵

148)Le fait que l'alif dérive dune racine qui voyelléealf signifie «mille»vientfavoriserenquelquesortecetteassimilation.↵

149)C'estdoncunéquivalentdel'Avatâra«nédanslaCaverne»,etencoredeShivaengagédansledeveniretappelé«celuiquiestdanslenid».–Celan’estpasnonplussansrappeler,selonuneautre perspective sur la constitution de l'être humain, lalocalisation au bas de la colonne vertébrale de la forceserpentineKundalinidansletriangleappeléTraipuraquiest lesiègedelaShakti.IlestplutôtsuperfluderappeleraussiqueleSerpent, al-hayva, est étymologiquement aussi bien quemythologiquementliéàÈve↵

150)Celasefait«pendantunJourdontlamesureestde1000ansducomput ordinaire » (Cor. 32, 5), ce qui évoque encore lasignificationdelaracinedontdériveletermealif.↵

151)Dans sa « Notice », Michel Vâlsan concluait ainsi : « Noustraiteronscepointprochainementàl'occasiondelaprésentationd'un autre recueil posthume de René Guénon : Traditionprimordiale et formes particulières ». Rappelons que le seulouvrage posthume de Guénon établi par Michel Vâlsan est :SymbolesFondamentauxdelaScienceSacrée.↵

152)PubliédansETdemars-avril1964↵

153)Pour ce qui est de la transcription latine d’Aum, on peutremarquerque le tracédudessin triangulaire lui-mêmepeut sedécomposerenAVM,toutcommelesymbole relevéchezlesCarmesdeLoudunetétudiéparRenéGuénondansLeRoiduMonde(ch.IIetIV).

154)Le mîm, indépendamment de la place qu'il occupe dans unschémacommeceluiétudié ici,estunsymboledeMohammadenmêmetempsqued'Adam.Voiciàceproposunpassaged'IbnArabî:«Lemîm(prisavecsonnomcomposédem+y+m=mîm+yâ+mîm)revientàAdametàMohammad—quesurlesdeuxsoient lagrâceunifianteet lapaix !Leyâ entre lesdeuxmîmestlemoyendeleurliaisoncarleyâestunelettre«faible»ou«causale»(harfuillatin).Aumoyendecelle-ciMohammad(ou l'un des deuxmîm) exerce surAdam (ou l'autremîm) uneactionspirituelle,etc'estdecetteactionquedérivelaspiritualitéd’Adam ainsi que celle de tout être de l'univers ; cela estconformeauhadithduProphètedisant:«J'étaisprophètealorsqu'Adamn'était encore qu'entre l'eau et l'argile ».De son côtéAdam exerce sur Mohammad, par cette même lettreintermédiaire une action corporelle dont dérive du reste lacorporéitédetouthommeexistantdanslemonde,inclusivementcelledeMohammad.»(LeLivreduMîm,duWâwetduNûn,éd.Haydé-rabad1948).↵

155)Dansl'économiedelarévélationprophétiquecerôleestceluidel'AngeGabriel.Onsaitqueselon lescommentairesconcernantles « lettres isolées » placées en tête de certaines sourates duCoran, l'Ange correspond à la lettre lâm du groupeAlif-Lâm-Mîm, ternaire représentant alors hiérogrammatiquement Allah-Jibrâil-Mohammad. Cf. Les Interprétations ésotériques duCoran ;E.T., nov.-déc. 1963, p. 263.On peut dire aussi qu'enregard de la fonction conjonctive du wâw, le lâm, commepréposition«à»ou«pour»,exprimel'attributionetlafinalité,cequi,dansunsens,disposeAllâhàunethéophanieintégraleenMohammad,et,danslesensinverse,rapportetoutelaréalitéetlafonctionmohammadienneàAllâh.↵

156)Au même point de vue lewâw est considéré aussi comme «lettrede l'amour»(harfu-l-wadd),et ilestemployécommeteldans les opérations basées sur les vertus des lettres. Le motwadd (qui n'a que deux lettres dont la dernière est seulementprononcée avec « renforcement », ce qu'on transcrit par unredoublement) se trouve d'ailleurs dans notre dessin, si onrattacheauwâwledâldel’anglededroite.Cettedernièrelettreestelle-mêmeconsidéréedans lemêmeordred'idéescomme«lettredelapermanenceoudelaConstance»(harfu-d-dawâm),cequiluiassured'ailleursunespécialeapplicationauwadd.↵

157)Id. pp. 264-265. — Cet acte simultané de théophanie etd'occultation servitoriale est énoncé par l'écriture chrétiennedans le cas de Jésus (qui cependant avait eu àmanifester trèsspécialement les attributs de la Seigneurie, en arabe ar-Rubû-biyyah) : «Bienqu'il futdans laForme (Morphe=Çûrah) deDieu,ilnes'estpasjugéavidementégalàDieu,maisils'estvidélui-mêmeenprenantlaformed'esclave,enserendantsemblableauxhommes,etc.»(Phil.II,6-9).↵

158)Notons aussi que, dans ces conditions, il n'y a rien d'étonnantqu'un mot arabe composé de ces trois lettres disposées dansl'ordredontilestquestionaitunsensapprochant,de«souffle»par exemple. Effectivement un mot arabe awm existe dans lesenstrèsprochede«soufflefort»,«respirationd'hommealtérédesoif»,maissansaucuneacceptiontechniqueet,surtout,loinde toute fonction comparable à celle du monosyllabe védiqueOm. Si nous en faisons cette mention cependant, c'estsimplementpourfaireconstaterquelesvertussymboliquesdeslettresconstitutivessubsistentàlabaseetlecaséchéantpeuventsemanifester.Telestprécisément lecasdecemoten tantquemot arabe paraissant dans la disposition graphique que nousétudionsetoccupantuneplacequines'éclairecependantqueparréférenceaumonosyllabecorrespondantsanscrit.

AproposduSouffleuniverselnousaurionspufaireétat icide la doctrine spéciale islamique du Nafasu-r-Rahmân, leSouffle du Tout-Miséricordieux, producteur des êtres dansl’ordrecosmiqueetdes lettresdans l'ordrevocalhumain.Maiscertainesparticularitésdecettedoctrinenousentraineraientdansdes développements que nous ne pouvons pas introduire icimême.↵

159)Unecurieusecoïncidencefaitquelegroupedeslettresisoléesentête de la sourate de la Génisse, rappelé dans une noteprécédente,estinterprétéluiaussidanscesensparAl-Qâchânî:...Alîf-Lâm-Mîm constituent le symbole par lequel Dieu adésignétoutcequiest,etc.(ibid.,p.263).↵

160)Dans cette perspective la lettre dâl du schéma triangulaire estpourvued'unesignificationexceptionnelle.Parmi lesprophèteselle désigne Dâwûd (David) dont elle est l'initiale; or, ceprophète-roi,ainsiqueleremarqueIbnArabî(Futûhât,ch.515)est dans une position très spéciale entreAdam etMuhammadsous le rapport des lettres constitutives : des 3 lettres du nomd'Adam (alif-dâl-mîm), 2 figurent dans celui de Dâwûd(composé de 5 lettres : dâl-alif-wâw-wâw-dâl, mais il s'écritaussi avec un seul wâw) et 2 également dans celui deMuhammad (composéde4lettres:mîm-hâ-mim«renforcé»-dâl).Cela nous écarte quelque peu de notre objectif principal,mais puisque l'occasion est assez rare nous évoquerons unetraditionopportuneàcetendroit:Adamayantobtenud'Allâhdevoir dans les germes, ses descendants, remarqua parmi leslumièresprophétiquescelledeDâwûdet trouvacependant tropcourte laviequi lui était assignée. Ildécidade lui céderde saproprevieunesoixantained'années,mais,lorsqueletermedesavieraccourcieainsiarriva,Adamrevintsursondonetsedisputaavecl'AngedelaMort.Allâh,est-ildit,prolongeaquandmêmelaviedeDâwûd,maissansréduirecependantcelled'Adam.

IbnArabî(Futûhât,loc.cit.)ditausujetdecettetradition:«Lasoixantained'annéesofferteàDâwûd correspondà laduréede la vie de Mohammad, et lorsque la vie d'Adam (qualifiéedanssesphasessuccessivesparleslettresdesonnom)arrivaaumîmdesonproprenom,AdamperçutlaFormedeMohammaddanslemîmetrevintsurledonfaitàDâwûd(Aremarquerquelemîm est aussi la lettre de la mort,mawt, ce qui établit unrapporttrèscurieuxaveclereculsusmentionnédevantl'AngedelaMort).Adamagitainsidufaitque,dansledéroulementdesavie,ilsetrouvaitalorséloignédelavisiondel’alifetdudâl(quifigurentaussidanslenomdeDâwûd).MaisenretirantainsisondonàDâwûdilpassasousleDrapeaudeMuhammad(cequiestune allusion au hadith du Prophète : « Adam et ceux quiviennentaprèsluisontsousmonDrapeau»).↵

161)Cf.RenéGuénon,L'HommeetsondevenirselonleVêdânta,ch.XVII°desdeuxpremièreséditions,XVI°àpartirdelatroisième;LeRoiduMonde,ch.IV.↵

162)QuantauxlettreslatinesA,V,M,enlesquellespeuts'analyserletracéduschémade l'Androgyne,ainsiquesous l'avonssignalédans une note précédente, elles correspondent d’une certainefaçonavecl'ordredescendantdeslettresarabesalif,wâw,mîm:leAquiseulcomportelesommetdelafigurecorrespondàl'alif,leV qui touche en haut les deux côtés do la barremédiane etseulementunefoislabase,correspondauwâwinscritauniveaumédian, enfin le M, qui s'appuie sur la base de la figure latouchantentroispointsalorsqu'iln'atteintqu'endeuxpointslabarremédiane,correspondaumîmplacéauniveaudebase.↵

163)Ibid.↵

164)Er-Rûh, E.T. août-sept. 1938, p.288. (Chapitre V desAperçusSurl’ésotérismeislamiqueetleTaoïsme.)↵

165)Laformehiéroglyphiqueconnuecommespécialement réservéeàOm est celle-ci . Les autres transcriptions courantes de cevocable, plus caractéristiques du syllabisme de la devanâgarî,sont les suivantes (où la grande barre horizontale n’est pas unélémentlittéralmaisunsimplesupportdel'écriture,la«potence»surlaquelleonsuspendtouslescaractères): ↵

166)Symboles fondamentaux de la Science sacrée, ch. XXII :QuelquesaspectsduSymbolismedupoisson,pp.169-170.↵

167)Op.cit.ch.XIX:L’hiéroglypheduCancer.↵

168)Malgré notre enquête directe ou indirecte, nous n’avons putrouvernullepartuneindicationdel’existenced’untracéd’Omressemblantaudessinquenousavonsreconstituéainsi.Maisparuncurieuxconcoursd’événements,biensignificatifduresteenl’occurrence, nous avons pu tenir un renseignement provenantindirectementdeGuénonlui-même,etquivérifiesuffisammentlaconclusiondenosdéductionssymboliques.M.MartinLings,quiavaitfréquentéRenéGuénonpendantdelonguesannéesauCaire a appris de lui, fin 1939 (et ceci à propos du fait queGuénon portait à sa main droite une bague gravée dumonosyllabe sacré, mais dans une des formes connues, celleindiquée par nous en premier lieu dans une note précédentecommespécialementréservéeàOm)que«l’hiéroglypheplutôtgéométrique dumonosyllabe, celui dont il parle assez souventdanssesœuvresestlesuivant ».Onpeutajouterquecetteconfiguration d’Om apparaît comme spécialement faite pourrattacher le monosyllabe au symbolisme de la « conque deVishnu », et que, en la retournant, on a les signes desmâtrâs,sommetoute,dansleurordrenormalascendant,carlepointestde toute façon le terme final de la spirale. D’autre part, il estopportun de rappeler que, d’après Saint-Yves d’Alveydre, quiavaitreçudeBrahmanesetpubliéenOccidentl’alphabetvattan,celui-ci s’écritordinairementdebasenhaut (il s’écrit aussidegaucheàdroite,c’est-à-direàl’inversedel’arabe).↵

169)Au sujet de l’alphabet vattan, que l’on avait appelé encorewatan,nousreproduisonsunpassageinstructif tiréd’uneétudetrèsétenduesurl’Archéomètrequ’avaitpubliée«LaGnose»:

« Le plus important des alphabets que nous aurons àconsidérer ici pour le moment est l’alphabet watan. Cetalphabet, qui fut l’écriture primitive desAtlantes et de la racerouge,dontlatraditionfuttransmiseàl’Égypteetàl’Indeaprèslacatastropheoùdisparutl’Atlantide,estlatraductionexactedel’alphabet astral. Il comprend trois lettres constitutives(correspondant aux trois personnes de la Trinité, ou aux troispremières Séphiroth, qui sont les trois premiers nombres d’oùsontsortistouslesautres),septplanétairesetdouzezodiacales,soit en tout vingt-deux caractères... C’est cet alphabet, dontMoïse avait eu connaissance dans les Temples d’Égypte, quidevint le premier alphabet hébraïque, mais qui se modifiaensuite au cours des siècles, pour se perdre complètement à lacaptivité de Babylone. L’alphabet primitif des Atlantes a étéconservé dans l’Inde, et c’est par les Brahmes qu’il est venujusqu’ànous;quantàlalangueatlanteelle-même,elleavaitdûse diviser en plusieurs dialectes, qui devinrent peut-êtremêmeavec le tempsdes langues indépendantes, et c’est l’unede ceslangues qui passa en Égypte ; cette langue égyptienne futl’originede la languehébraïque,d’aprèsFabred’Olivet.» (N°dejuillet-août1910,p.185).

Cette étude était signée T., pseudonyme de Marnès,rédacteurenchefde«LaGnose»,maisnaturellementelleavaitbénéficié de l’assistance du directeur Palingénius (RenéGuénon) dont on reconnaît le style, aussi bien que les notionsdans la plupart des notes.Nous avons d’ailleurs l’intention dereproduire prochainement, dans les Études Traditionnelles,l’intégralitédu textepublié alors et auquelmalheureusement ilmanquelapartiefinale(underniern°demars1912,contenantlafinde toutes lesétudesencours, etquiétaitdéjàconstitué,neparut jamais). [Michel Vâlsan n’eut pas l’occasion de publierdans lesE.Tce textedont lesÉditionsde l’Œuvrepréparent laréédition.]↵

170)Cf. RenéGuénon,L’Homme et son devenir selon le Vêdânta,ibid.—Mêmedanslestracésordinairesd’Omcetteorientationde la spirale est reconnaissable dans ce qui peut en êtreconsidérécommeserapportantplusspécialementàlamâtrâU.↵

171)Ceciconcerneuniquement le tracégraphiquedes lettres,car lewâw,danssafonctiondéveloppantedusoufflevocal,comportelui-mêmeunsensd’«élévation»,enaraberaf’,etc’estainsidureste qu’est désigné dans cette langue le signe vocalique u,connaturel en quelque sorte à la consonne wâw, etcaractéristiquedunominatifdessubstantifs.↵

172)Même remarque que pour lamâtrâ précédente dans les tracéspratiquésordinairement.↵

173)Ducôtéhindou,lePrapanchsâraTantra(ap.ArthurAvalon:LaPuissance du Serpent, p. 138) qui dit que « les trois dêvatasBrahmâ, Vishnu et Rudra (Shiva), avec leurs trois Shaktis,naissent des lettres A, U, M, de l’Omkâra », ajoute que lecaractèreM, « en tant qu’il est bindu (point) est le Soleil ouÂtmâparmiles lettres».—Saint-Yvesd’Alveydrerapportedeson côté, de la part des Brahmanes qui lui ont communiquél’alphabetwattan, que les « quatre-vingts lettres ou signes duVêdasontdérivésdupointd’Aum,c’est-à-direducaractèreM.(NotessurlaTraditioncabalistique).↵

174)Symboles fondamentaux de la Science sacrée, ch.XXIII : LesMystères de la lettre Nûn, p. 175. Comme exemple de ladifficulté que l’on a de retrouver les formes symboliquesprimitivesdansladevanâgarî,onpeutciterjustementlecasduna dont le point central se trouve en fait relié dans unmêmemouvement avec la demi-circonférence, celle-ci elle-mêmeallongée au point d’approcher la forme d’une horizontale. Parcontredansl’alphabetvattandéjàévoquédanscetordred’idées,la forme de cette lettre est exactement une demi-circonférencesupérieureavecunpoint.↵

175)Cetteopérationde«reconstitution»n’estpassansrappelerunepratiquetraditionnelletrèscaractéristiquequiestauxoriginesdumot«symbole»:engrecsumbolondésignaitlatessèrecoupéeen deux, dont deux hôtes gardaient chacun une moitiétransmissibleauxdescendants;cesdeuxparties«rapprochées»ou«misesensemble» (undes sensdesumballo)permettaientdefairereconnaître leursporteurs.Cen’était là toutefoisqu’undes cas, assez nombreux, d’application exotérique du terme.Dans l’ordre ésotérique, chez les Pythagoriciens notamment, ildésignait une certaine « convention », ce qui comportaitégalementl’idéede«miseencommun»maisdequelquechosed’unordreplusintime.↵

176)Ibid,pp.175-176.↵

177)Onadmetgénéralementuneoriginesémitique,phénicienneplusexactement, pour les alphabets pratiqués dans l’Inde, ce quiimplique à la base de ceux-ci un certain consonantismecomparableàceluidesécritureshébraïqueetarabe.↵

178)Dansuntelalphabet,commeonl’auradéjàremarquéd’aprèslanote tirée de « La Gnose », il y a tout d’abord 3 326 lettresfondamentales (correspondant à l’unité, à la dualité et à lapluralité)ensuite7lettresplanétaireset12zodiacales.↵

179)Cesontles6dernièresdansl’ordonnancequifaitqualifieralorscetalphabetcomme«oriental»(sharqî);laplacedecelle-ciestquelque peu différente dans l’ordonnance de l’alphabet dit «occidental»(gharbî),etcelaestdûàdessubstitutionsoù joueunrôle important la lettredâd, la fameuse lettreexclusivementarabequifaitqu’onamêmedésignél’arabecomme«lalanguedudâd»(Lughatad-dâd).↵

180)Cet aspect des choses se retrouve dans les correspondancesplanétaires des deux formes traditionnelles : l'Hindouisme estrégiparSaturnequisesitueauderniercielplanétaire,etl'IslamparlaLune,quienoccupelepremier.↵

181)Le Coran. 16. 120, déclare d'ailleurs expressément qu' « envéritéIbrâhîmétaitune«communauté»(umma)adorantAllahdunefaçonpureetn'appartenantpasal'ordredespolythéistes».–Cette façondedésignerune« entité collective»par le nomd'un personnage plus ou moins historique a été déjà relevée,pour d'autres cas traditionnels. par René Guénon, dansL’Introduction générale l'étude des doctrines hindoues III°Partie,ch.IetIX.–Lamêmeidéequecelleduversetcoraniquecité se trouve, au fond, dans Genèse XII, 2, ou Jéhovah dit aAbram:«Je feraide toiunegrandenation, Je tebéniraiet Jerendraigrandtonnom».↵

182)A l'époque d'Abdu-l-Karim Al-Jîlî (14e et 15e siècles) l'lslamoccupait les parties nord-occidentales de l'lnde appelés Sind ;l'expressiondutextebilâdal-Hind,«lespaysduHind»,désignealors les parties sudiques et orientales, non soumises a ladominationislamique.↵

183)Cf.ArthurAvalon,op.cit.p.220.–Celan'empêchepasqueleshymnesvédiquessoienttraditionnellementattribuésàdifférentsSages,nommémentdésignés,quin'ontfaitensommequeles«entendre » et les « rapporter » : les notions techniques d’ «agrégatintellectuel»etd'«entitécollective»quipeuventêtreévoquées, là encore, ne s’opposent pas à une telle pluralitéorganique, du moment que les textes en cause sont censésprovenird’uneinspirationoriginellementunitairectcohérente.

Saint-Yves d'Alveydre établit, de son côté, également unrapportentre«BRaHMâetaBRaHaM»,etajoute:«Abrahamest comme Brahmâ, le Patriarche des Limbes et du Nirvana...LesBrahmesdisent:s'éteindreenBrahmâ,commelesHébreuxdisent:s'endormirdansleseind'Abraham,c’est-à-direretournerdanslesLimbes».(L’Archéomètre,p.199).[Cetouvrageaétéréimprimé auxEditionsGutenberg.]Voir aussiLaGnose, mai1911.p.147.↵

184)IbnArabî(Fusûsal-Hikam,ChatondeSagesseabrahamique)ditencesens:«L’Amiintime(al-Khalîl)tiresonnomdufaitque,d’unepart,il«pénètre»,d'autrepart,il«renferme»toutceparquoiestqualifiéel'Essencedivine.Dansle1ersens,onaleversdupoète:

«Tum'aspénétré(takhallalta)commemonpropreesprit«Etc'estpourcelaquel’«Ami-intime»futappeléKhalîl.Et c'est de cettemême façonque la couleur pénètre l'objet

coloré,desortequel’«accident»coïncideavecla«substance».Dansle2esens,c'estDieuquipénètrel'existencedelaformed'Abraham ». (On peut suivre le développement de cette idéedans le texte traduit par T. Burckhardt : La Sagesse desProphètes.pp.68-69).Lerapportdesdeux«natures»dansceprocessusd'interpénétrationestceluidesdeuxtrianglesdansle«sceau de Salomon » ou encore celui des champs des deuxcouleursclanslesymboleduyin-yang.

AjoutonsqueleProphèteMuhammadqui,typologiquement,estHabîbullâ=«LeBien-Aiméd'Allâh»a,selonlesdonnéestraditionnelles, atteint lui-même finalement le degré de laKhulla.↵

185)Cf.LaVersionarabedel’AmratkundpubliéeparYusufHusaïndansJournalAsiatique.oct.-déc.1928.↵

186)A remarquer aussi que le termeSuhuf = « feuillets » est de lamêmeracinequemushaf=« recueil»,employédans le texte.↵

187)C’est de cette façon qu'on voit, par exemple, les Hindousconsidérer soit le Bouddha, soit le Christ même, commeconstituantle9eavatâradeleurVishnou.↵

188)On peut remarquer à l'occasion que dans les paroles debénédictiondeMelchissédecmêmeon retrouve le rapport d' «interpénétration»quenousavionssoulignéprécédemmentpourlecasd'Abraham:«BénisoitAbramparleDieuTrès-Hautquiacréélecieletlaterre!BénisoitleDieuTrès-Hautquialivrétesennemisentretesmains!(GenèseXIV.19).↵

189)Onpeut remarquer aussique le coupleAbraham-Saraprésenteune certaine similitude, qui, à l'origine n’est peut-être passeulement phonétique avec le couple divin hindou Brahmâ-Saraswatî ; la Shakti de Brahmâ préside à la Sagesse et lui-mêmeentantqueSagesuprêmerévèlelesVêdas.↵

190)Ilestutiledesavoiraussiquedanslahiérarchiqueplanétairedesprophètes,selonl'ésotérismeislamique,c’estSayyidunâlbrâhîmquiestlepôle(qutb)duCieldeSaturneauquelnousavonsditprécédemmentquel’Hindouismeestrapporté.Abdu-l-Karimal-Jîlîraconteaussique,lorsquedanssonvoyagecéleste,ilparvintauseptièmecielplanétaireiltrouvaceprophèterécitantleversetcoraniquesuivant:«LouangeàDieuquim’adonnéàl’âgedelavieillesseIsmaëletIsaac!EnvéritémonSeigneurentendlasupplication!»(Cor.14,39)[al-hamduli-Llâhilladhîwahabalî‘alâ-l-kibariismâ’îlawaishâqainnarabbîla-samî’u-d-du’â’].↵

191)Sous le rapport lexical, la Hanîfiyya est un substantif dedérivation adjectivale, et désigne la règle de vie desHunafâ’(sing. hanîf), les Sages purs et unitaires, consacrés à uneadorationabsolueetillimitéedelaVéritémétaphysique.

(13)Undesrôlesparticuliersd'AbrahamdanslesLimbesestlatutelledesenfants↵

192)morts en bas-âge, restés donc dans leur nature originelle (al-Fitra).↵

193)Nous rappelons que l'Islam est le nom de la religion véritabled’une façon générale, mais, au sens propre, il implique plusspécialement « soumission obéissante » (c'est la traductionexactedu terme islâm)àune législationsacrée,etque,commetel, ils'appliqueà toute traditionfondéesurunordredivin ;saformemuhammadiennen'estquesadéfinitionlaplusrécente,etexpressémentfinale,danslecycletraditionneldenotremonde.↵

194)Bienentendu,dansunsensgénéral,touslesprophètesousagescitésdansleCoranapparaissentcommedesexemplesdevertusspirituelles, mais aucun d'entre eux, à part Abraham, n'a uncaractèresynthétiqueettotaletn’estproposécommelemodèleparexcellence.↵

195)Nousrappelons,toutefois,queledébutconnudesrelationsavecl'AngeGabrielcomportalarévélationdecespremiersversetsdelasourateduSangcoagulé(Cor.96.1-5):«Réciteaunomdeton Seigneur qui a créé !Qui a créé l'homme d’une goutte desangcoagulé.RécitealorsquetonSeigneurestleplusgénéreux.LuiquiaenseigneparleCalame.Ilaenseignéàl'hommecequecelui-ci ne savait pas ». –Nous ne pouvons pas nous attarderdavantage sur ce point, mais on pourrait trouver dans cespremières paroles mêmes, et dans ce que l’on rapporte desconditions de leur révélation, quelques références implicites àuneformationdel’organeverbal,préalablementà larévélationproprementdite.↵

196)Il s'agit là vraisemblablement d’une distance bien plus grandeque celle de la chronologie littérale et exotérique des textesbibliques.↵

197)Sans doute, il y a lieu de concevoir une dispositionprovidentielledeschosesnaturelleselles-mêmes,danscetordredu langage, car le prophète révélateur du Coran l'a attestéformellement:«JesuisleplusarabedesArabes,jesuisnédansla tribu desQuraych et j’ai été élevé aumilieu desBânû Sa'dben Bakr. Comment pourrais-je alors commettre des fautes delangage?»

Latraditionspécifiqued’lsmaëls’étaitmaintenueentantqueformepure,maisassezexceptionnellement,jusqu'auxapprochesdelamanifestationhistoriquemuhammadienne.TelleonlavoitdanslecasdufameuxQussbenSâ’ida,sagearabequelefuturprophèteMuhammad avait lui-même, en sa jeunesse, entenduprêcheretexhorterlesgensdumarcheannueld’Ikâzhetdontildevraitdireplustard:«Qu'AllâhfassemiséricordeàQussbenSâ’idaQussbenSâ’ida!Ilétaitdelareligion(dîn)demonpèreIsmaëlfilsd'Abraham!»Etcequiestbienétonnant,c’estquedansletextedelaprédicationsusmentionnéeetconservéeparlamémoired'AbûBakr,lui-mêmeprésentenlacirconstance,QussannonçaitauxArabes,danslepluspurstylearabeincantatoire,«unereligionqu'Allâhaimaitplusquecellequepratiquaientalorsles Arabes et un Prophète dont le temps arrivait et dontl'imminenceadombraitdéjàlesauditeurs».↵

198)lsmâ'îls'analysemorphologiquementenismâ’ (nomd'actiondela4eformedesverbes)=«actedefaireentendre»,etAl,formebilitèredunomdivin ; or, onpeut traduire soit par« l’actedefaire entendre Dieu », ce qui correspond au sens de l’hébreuyishma'-êl=«Dieuentend»,soitpar«l’actedeDieudefaireentendre».↵

199)Selon les données de la connaissance initiatique, la réponsepositiveimmédiaten'alieuquelorsquel'invocationestfaiteparun moyen d'efficacité inexorable a savoir par le nom secret,appelé aussi le « Nom suprême », dont l'effet opératif estautomatique, ou par l’ « état de moment » ou la « force deconviction»(as-sidq),del'invocateur.(Cf.lamentionquefaitàce propos leLivre de l’extinction dans laContemplation d'lbnArabî,traduitparnous).↵

200)Lesévénementsqui,selonlesdonnéesislamiquessepassentàlaMekke,sontsituésparlaBibleà«Bersabée»,cequel'onfaitcorrespondre à une localité homonyme du désert duNégeb ausud de la Palestine. Mais on peut remarquer que,symboliquement tout au moins, il s'agit de quelque chosed'analogue:Bersabéec'estBeerSheba=«PuitsdesSept»,(cequi dans la Genèse est rattaché à un septuple serment,accompagné d’une offrande de Sept agnelles, prêté à l'endroitparAbraham aumoment de la consécration du lieu) ; or, à laMekke, les choses ont comme théâtre l'endroit où surgissait lepuitsdeZemzemsouslescoupsdetalond’lsmaël,alorsquesamère,désespérée,avaitcouruSeptfoisentrelescollinesSafâetMarwah. (Les faits sont commémorés rituellement dans lePèlerinage et la Visite par la septuple course entre les ditescollinesetparl'absorptiondel'eaudeZemzem,laquelle,selonlehadîth,«estefficacepourtoutcequel’onaenvueenlabuvant»).↵

201)Ausujetdecesymbolisme,cf.RenéGuénon,LeRoiduMonde,ch.IV.partiefinale.↵

202)Al'appuidecescorrespondancesonpoutajouterque,demêmeque le nom d'Ismâ’îl réfère à l’idée d' « audition » et parconséquentdelangage,celuid’Ibrâhîmévoquephonétiquement(cf. les racines abraha-ibrâh et barhana-burhân) l’idée de «démonstration tranchante » et de « preuve doctrinale », et parconséquentdescience.↵

203)Entoutcas,c'estainsiqueleMessieattenduparl’Islam,danssa2e venue, comme une fonction purement islamique, sera pourl'Hindouisme le Kalkin-avâtâra ou la 10e « descente » deVishnou.↵

204)Cahiers du Sud (1949), Approches de l’Inde, pp. 45-46. [Cetarticle a été repris depuis dans le recueil Etudes surl’Hindouisme.L'extraitsetrouvep.114.]↵

205)Nousavonsdéjàsignalédans lechapitreIque la«base légaleislamiqueestprovidentiellementdisposéepourunelargevisionde l'unité et de l'universalité traditionnelles tant en successionsqu'en simultanéité» (p.26)etqu'« iln'yamêmeaucun texterévéléaussi explicitementuniversalisteque leCoran» (p.25)↵

206)RenéGuénon,LeRoiduMonde,ch.XI.↵

207)Nous avons déjà fait mention, en d'autres occasions, del'existence en Islam de catégories initiatiques rattachées auxprophètes antérieurs cités dans le Coran et la Sunna. (VoirnotammentIbnArabî:Lavénérationdesmaîtresspirituels,E.T.,juillet-aoûtetsept-oct.1962,pp.166,note2et169,note12[cf.ch.III,note7] ;voirégalementdansE.T.,novembre-décembre1964,dumêmeauteur:Lesétatsdesinitiésaumomentdeleurmort.)↵

208)Nous signalons quelques applications concordantes de ccsymbolisme.Al-Qâchânî,eninterprétantlesymboledel’ArchedeNoé«faitedeplanches(alwâh) etdeclous (dusur)» (Cor.54.13),ditqu'ils'agitde laSharî'a,ou laLoi,deNoé,en tantqu’elle comportait respectivement des prescriptions d'œuvres(a'mâl)etdesconceptionsdoctrinales(‘aqâ’id).Enoutre,ilestimportantderemarquerquelemotalwâh(sing.lawh)s'appliquedansleCoranégalementauxTablesdelaLoi(enhébreuLûhôtha-Berîth),autrementdità laSharî’adeMoïse,cequiestà labasedel'analogieexistanteentrel'ArcheduDélugeetl'Archedel'Alliance, deux des formes prises dans le cours du cycle parl'Archeabsolue,ouencoreparleTâbûtprimordial;cependantily a là une différence à noter : tandis que dans la première lesalwâh constituent, en somme, le contenant, dans la deuxièmeelles sont le contenu par excellence, car dans l'Arche del'AllianceondéposaitlesTablesdelaLoi.–Ajoutonsquedansla symbolique coranique ces deux aspects se retrouventprincipiellement réunisdans leLawhMahfûz, laTableGardée,située au-dessus des Cieux, qui préserve le Coran et qui estpréservée elle-même. – D'ailleurs, le verset qui la mentionne(Cor. 85, 22) a une deuxième « leçon » qui rattache lequalificatifmahfûz,«gardé»(lualorsaunominatifmahfûzun),auCoran:«CeciestunCoranglorieux,gardédansuneTable».Cette Table considérée comme identique au PrototypeEvident(Al-lmâm al-Mubîn, Cor.36.12) est le modèle transcendant detoutes les Ecritures sacrées et donc de toutes les Tableslégislatives.↵

209)Il y a intérêt à relever ici un élément qui, dans le nûn arabecorrespondvirtuellement à cet ordre de connaissance : il s'agitde son point, lequel, selon Ibn Arabî (Futûhât, ch. II, § 1)impliquant la circonférence complète, témoigne lui-même del'existence de la moitié supérieure et invisible de celle-ci. Lemêmeauteurditailleurs(LivreduMîm,duWâw,etduNûn)quela moitié inférieure du nûn, où le nûn corporel et visible,procèdeduVerbeproféré(al-Fahwâniyya),tandisquesamoitiésupérieure, le nûn spirituel et intelligible, procède de l'Idéetranscendante (al-Ma’nâ) du Verbe proféré : cette polarisationcorrespond évidemment aux deux sens duLogos et, en Islam,aux deux héritages ismaélite et abrahamique dont nous avonsparléprécédemment.↵

210)Selonleshadîths«laruinedel’IndeviendradelaChine».↵

211)Celui-ci, depuis le 8e siècle gagne, dans l'espace hindou,continuellementdespositionsnouvelles.↵

212)Les traditions peuvent non seulement changer de modalitésformellesetdesituationgéographique,maisaussidisparaîtreetêtreremplacéespardesformesnouvelles,ouencoredéclineretsubsister dans des conditions d'importance secondaire : en cederniercas,elless'inscriventdanslazoned'influenced’unedesformesprincipales.↵

213)Cetteloiderépartitionsepténaires'appliqueaussiàl'intérieurdechacunedesformestraditionnelles:enIslamilyaunedivisiondu domaine traditionnel en sept Climats, chacun gouverné parun des septAbdâl, ceux-ci étant eux-mêmes des représentantsspécifiquesdesSeptAqtâbquirégissentlesSphèresplanétaires(Cf. notre note finale à la traduction deLa Parure des Abdâld'IbnArabî).↵

214)On notera a l'occasion que les correspondances qui pourraientêtreétabliesainsientrelescouleursdel’arc-en-cieletlescieuxplanétairesnepeuventcoïncideravecladispositionconnuedescouleurs en astrologie où elles sont en réalite dépendantes desmétaux qu'on fait correspondre aux planètes : le blanc, parexemple, y correspond à la Lune, parce qu'il est considérécommeétantlacouleurdumétalcorrespondantquiestl'argent;parcontre,auSoleil,dontlemétalestl'or,correspondlejaune,etc.Orilestévidentquece«blanc»etce«jaune»nesontpasdescouleursproprementditesmaisdesimplessimilitudes.↵

215)LafemmedeNoéquiétait lehuitièmeêtrehumainsauvédansl'Arche n'entre pas dans ce compte de valeurs positives, parcequeleCoran66,10,ladonne,enmêmetempsquelafemmedeLot,commeunexempled'épousequia«trahi»sonépoux(cequ'on explique dans les commentaires comme concernant lafonctiondecelui-ci).↵

216)L'analogie pourrait être constatée encore dans les détails : demême qu'il y a dans l'Arche trois fils de Noé et leurs troisépousescommeélémentscomplémentaires,demêmeilyatroiscouleurs fondamentales (le bleu, le jaune et le rouge) et troiscouleurs complémentaires (l'orangé, le violet et le vert). – Onsaitquel'indigon’estqu'unenuanceintermédiaireenterlevioletetlebleu,commeilyenadanschacundesintervallescomprisentre deux couleurs, et n'entre pas dans le septénaire descouleurs qui se complète en réalité avec le blanc, origine desautres six. (Cf. René Guénon. Symboles fondamentaux de laSciencesacrée,ch.LVII:LesSeptrayonsdel’arc-en-ciel).↵

217)Cf.RenéGuénon.L'EsotérismedeDante,ch.IV,avant-dernièrenote.↵

218)Cf. René Guénon. L'Homme et son devenir selon le Vêdânta,dernier chapitre, dernière note : et on remarquera à cetteoccasion que cette mention qui ne semblait pas spécialementappeléeparlecontexte,apparaittoutàlafinl'unlivrecapitaldel'œuvreguénonienneetquiconcernejustementl’Inde.↵

219)Aperçussurl’lnitiation,ch.XXXVIII.↵

220)A part RenéGuénon, ibidem, voir encore, notamment pour laquestionduGraal,PierrePonsoye,L'lslametleGraal.↵

221)L’Esprit de l’Inde, dans « LeMondeNouveau » de juin 1930(reproduit dans E.T. de novembre 1937) [Et repris dans lesEtudessurl’Hindouisme.]↵

222)PubliédansE.T.,janv.-fév.,etmars-avr.1965.↵

223)D'après E.T. novembre 1937, p. 375 [in Etudes surl’Hindouisme,p.25.]↵

224)AvantcelaGuénonavaitexpliquéqueleDharmadansunsensindéterminéestun«principedeconservationdesêtres»cequifaitquepourceux-cileDharmarésidedanslaconformitéàleurnatureessentielle.AppliquéplusspécialementàunManvantara,«c'estlaloioula«norme»propredececycle,formuléedssonorigine par leManu qui le régit, c’est-à-dire par l’lntelligencecosmiquequiyréfléchit laVolontédivineetyexprimel'Ordreuniversel;etc'estlà,enprincipe,levéritablesensduMânava-Dharma, indépendamment de toutes adaptations particulièresqui pourront en être dérivées, et qui recevront d'ailleurslégitimement lamêmedésignationparcequ'ellesn'enserontensommequecommedes traductions requisespar tellesou tellescirconstancesdetempsetdelieu».L'Ordreuniverselétantdanslamanifestationl'expressiondelaVolontédivine,«leDharmapourrait, sous un certain rapport au moins, être défini commeconformitéàl'ordre».C'estdelàquedériventensuitelesautressensde«loi»dansl'ordresocial,de«justice»,de«devoir».↵

225)Cahiers du Sud, loc. cit. [Etudes sur l’Hindouisme, pp. 112-113.]↵

226)Futûhât,ch.73,q.42.↵

227)Futûhât, ch. 299 – Du rapprochement des deux textes d’IbnArabîquenousvenonsdeciter,ilrésulteassezbienqu'Adamestlapersonnificationde l'Intellectmacrocosmiquedans lemondede l'homme, et ceci l'assimile au « Roi du Monde » quireprésente et personnifie dans le Manvantara le ManuprimordialetuniverselqueGuénondéfinissait,danscequenousvenonsdeciterdansunenote,comme«l'IntelligencecosmiquequiyréfléchitlaVolontédivineetyexprimel'Ordreuniversel».Cf.égalementRenéGuénon,LeRoiduMonde,ch.II.↵

228)Cf. Cor. 7, 172 : « Lorsque ton Seigneur eut pris des filsd'Adam, de leurs reins, leurs descendants, et leur eut faittémoignersureux-mêmes:«Nesuis-JepasvotreSeigneur?»Ceux-ci répondirent : « Si ! Nous témoignons ! »... [wa idhakhadha rabbuka min banî âdama min dhuhûrihimdhurriyyatahum wa ash’hadahum ‘alâ anfusihim alastu bi-rabbikumqâlûbalâshahidnâ(antaqûlûyawma-l-qiyâmatiinnâkunnâ‘anhâdhâghâfilîna,awtaqûlûinnamâashrakaâbâ’unâminqabluwakunnâdhurriyyatanminba’dihimafatuhliknâbi-mâfa’ala-l-mubtilûna]↵

229)Cet état des êtres primordiaux n’est cependant nullementincompatible avec l’idée d’une loi macrocosmique organisanttoutunmondeetl'intégrantàlafoisdansl'Ordreuniversel.↵

230)Maisquand,plustard,cesêtresouleurssuccesseursdelamêmeespèce,sedétachentets'écartentdusenscentraletaxialquiestceluideleurexistence«normale»,ilsontaussibesoind'actionsetdesupportspourpouvoirréintégrerleurétatantérieur,etcesmoyensne sontalorsau fondquedes formulationsextérieuresdeleur«norme»congénitale,actuellementdéficiente.↵

231)C'estàuntelrôledelaFitraquecorrespondvraisemblablementcettevertuuniverselleduVerbeque l'ÉvangiledeStJean1,9,appelle « vraie lumière qui éclaire tout homme venant en cemonde».Cerapprochementpermetdeconsidérerqu'unaperçuanalogue sur le fond primordial des êtres du monde doit setrouverdanslesdoctrinesdetoutsformetraditionnelle,carc'estsurdetellesdonnéesdoctrinalesquepeutreposerlaconscienceduSanâtanaDharmadanschacunedecesformes.↵

232)Au sujet des significations exactes de telles « appellations »,voircequenousavonsditdanslesnotesdenotretraductionduCommentaire de la «Fâtiha » par Al-Qâchânî,E.T. de mars-avril1963,pp.90-94.

[Ce textecommed'autrespassages traduitsdesTa’wîlâtu-l-Qur’ân,serarééditéprochainement.]↵

233)Le«dépouillement»commeactecaractéristiquepourrecouvrerla Fitra se trouve représenté jusque dans les prescriptionsd'hygiènedelasunnaprophétique:«FaitpartiedelaFitra,lerinçage de la bouche, le reniflement de l'eau, l'usage du cure-dent, la taille desmoustaches, la coupe des ongles, l’épilationdes aisselles, le rasage du pubis, le lavage des entre-doigts,l'aspersion(finaledansleghusl)etlacirconcision»(hadîth).↵

234)Onsaitquel'expression«Traditionprimordiale»avaitétédéjàemployée antérieurement, mais sa notion n'a été établietechniquement que parRenéGuénon, surtout dans sonRoi duMonde.↵

235)En tant que Mânava-Dharma notamment. – Nous feronsremarqueràl'occasionunaspectsupplémentaireduDînQayyimdanscepointcyclique: lemomentoùestproclaméleretouràune configuration astrologique pareille à celle des origines estexactementceluiouleSceaudesProphèteslégislateursterminelaformulationdesapropreLoi(«Aujourd’huij'airenduparfaitevotreReligion,j’aicomplétéMonbienfaitsurvousetilM'apluquevousayezl’IslamcommeReligion»,ditalorsAllâhdansletextequiclôture l’ensemblede la révélationcoranique (Cor.5,5).Mais cetteLoi commence àpeine alorsd’êtrepratiquée, etsous ce rapport elle ouvre au contraire un cycle traditionnelnouveau ; cette pratique de la Loi est destinée d'ailleurs à «réaliser » la conception proprement muhammadienne de laVérité universelle, non seulement dans les formes de la vieactuelle,mais encore dans les résultats constitutifs de la « viefuture»pourtouslestitresducycleactuel.↵

236)Ces paroles coraniques peuvent se traduire aussi par : « toutechose est périssante sauf Sa Face », c'est-à-dire la Face oul'Essence d'Allâh, et cette double application des termes enquestion apparaîtra comme une conséquence logique de l'idéed'unicitéessentielledetouteschoses.↵

237)Futûhât,ch.73.q.43.↵

238)Ce que dit Al-Qâshânî permet de comprendre que la « Fitrad'Allâhselonlaquelleontéténaturésleshommes»estaufondlamême chose que la vie des choses dans leVerbe par lequeltout a été fait, « vie qui était la lumière des hommes » (Cf.EvangiledeSt. Jean,ch.1.3-4, luà la façonancienne :Quodfactumest in ipsovitaerat,etvita illaerat luxhominum).Cetaspect est cosmologiquement « antérieur » à celui relevéprécédemmentet rapprochéd'unautrepassage (1,9)dumêmeprologuedel'EvangiledeSt.Jean.↵

239)NouslaissonségalementdecôtécertainesformesparticulariséesdeAd-Dînu-l-Qayyim avec l’article,comme leDînQiyyam ou,variante, Dîn Qayyim sans l’article (Cor. 6, 161) et Dînu-l-Qayvima(Cor.98,5).↵

240)Cf. Les hadîths : « La première chose qu’Allâh créa fut monEsprit…» « J’étais prophète alors qu’Adam était encore entrel’eauetl’argile».↵

241)PubliédansE.T.Oct.-Nov.1953↵

242)VoirEtudesTraditionnellesdepuismai-juin1953.Ideml'articleprécédent : Un texte du Cheikh al-Akbar sur la « réalisationdescendante»,avril-mai1953.↵

243)RenéGuénon:LeRoiduMonde.↵

244)On trouvera l'ensemble de ce document dans notre prochainvolumesurles«RévélationsMecquoises»duCheikhal-Akbar.[Bienqu'annoncé,cetexten'apasétépublié.]↵

245)C’est le Prophète considéré dans sa réalité primordiale del’Esprit Universel (al-Rûh al-Kullî) et de Logos existencié(KalimaMûjada)résidantauCentreduMonde.↵

246)AllusionauVoyagenocturneduProphèteauprèsdeDieu.↵

247)C’est-à-diredansleCentreduMondeoùrésidelamanifestationimmuable du Logos, et où l’accès n’est possible que par laconnaissanceducœurquicorrespondmicrocosmiquementàcecentre.↵

248)Ces qualificatifs correspondent assez exactement au sens duterme hindou Agarttha qui désigne également la régioninaccessibleetinviolableoùrésideleRoiduMonde,expressionduManuPrimordial.↵

249)A partir de cet endroit suivra une description de toute lahiérarchie du Centre Suprême de la Tradition primordiale,constituéeencetteAssembléeSublimeouPlérômeSuprême(al-Malâ’u-l-A’lâ)queletextenommeraplusloin.↵

250)Notion ayant rapport avec le verset coranique 3. 106 : «Vous(les Musulmans) êtes la Meilleure Communauté qui ait étéextériorisée (Ukhrijat) pour les hommes…». LaCommunautéde l’Assemblée Sublime n’est naturellement pas « extérioriséepourleshommes»,puisqu’ellerésidedanscetterégioncentraleet invisible au monde extérieur, et c’est la communautéislamiquequienestlaformeextérieure.↵

251)Il y a des hadîths qui disent qu’Allâh transforme les œuvrespieusesdesserviteursenAnges(quiintercèdentpoureux).↵

252)Aş-Şiddîqestl’épithèted’AbûBakrquifutl’undesdeuxImâmsduProphèteentantquePôlede la traditionislamiquelorsqu’ilétait vivant. Cette épithète, dans l’ordre de la TraditionPrimordiale,désigne l’entitéà laquelleAbûBakrcorrespondaitdans sa fonction auprès du Prophète. Seulement il fautremarquer que les rapports d’analogie entre la hiérarchie duCentre Suprême et celle d’un centre particulier comportent uncertain rapport d’inversion entre les fonctions de droite et degauche,commedansuneimagereflétée,etc’estainsique,selonles indications du Cheikh al-Akbar lui-même, Abû Bakr étaitImâmdegauchequandlePôleislamiqueétait leProphète;durestecet Imâmestplusélevéendegréque l’Imâmdedroiteetc’est luiquisuccèderégulièrementàlafonctiondePôlequandle tenant de ce maqâm trépasse. Nous ajouterons que cetteinversiondespositionsestpournousunepreuvedeplusquelahiérarchie décrite ici est bien celle duCentre Suprême, et nonpascelleducentreparticulierdel’Islamstrictosensu.↵

253)Al-Fârûq est l’épithète d’Umar qui fut Imâm de droite duProphète,etensuiteImâmdegauched’AbûBakrquandcelui-ci,après la mort du Prophète, devint lui-même le Pôle. Dans lahiérarchieduCentreSuprême,cetteépithètedésigneégalementl’entité à laquelle correspondpar refletUmardans lapremièrehiérarchieducentreésotériquedel’Islam.↵

254)Ils’agitdeSayyidunâAïssâ(Jésus)quiestSceaudelaSaintetéUniverselle (Khatmal-Wilâyat al-‘Amma) et auquel revient cetitredufaitque lorsdesadeuxièmevenueà lafinducycle, ilauraunefonctiondeclôtureuniverselleducycledelasainteté:lorsquesonsouffleetceluidesescompagnonsserontenlevésdenotremonde.Ilneresteraplusde«saint»surlaterre,c’est-à-dire aucun être humain qui puisse atteindre l’état d’HommeUniversel.L’humanitédescendraalorsversledegrédesbêtes,etc’est sur cette humanité que se lèvera l’Heure. Telles sont lesdonnéestextuellesdelatraditionislamique.↵

255)Ils’agitvraisemblablementdesmystèresdecomplémentarismeet de compensation entreEve etMarie, commeentreAdametJésus,etaussientreJésusetEveainsiqu’entreMarieetAdam.C’estunequestionfortcomplexedontparleàplusieursreprisesle Cheikh al-Akbar et qu’il n’est pas possible d’exposer dansune simple note. Mais il semble aussi qu’il s’agisse de laquestion du support cosmique des descentes et des naissancescélestes, et d’une façon plus générale, des fonctions deréalisationdescendante:dansd’autrespassagesdecettePréfaceonrencontreeneffetquelquesincidencesdecetteidée.↵

256)Alîestainsi le seuldesCompagnonsduProphètedont lenomfigure là où pour les autres on a une épithète. Sa fonctioncorrespondiciàcelleduTarjumân(l’Interprète)del’Assembléedes Saints (Diwân al-Awliyâ’) de la tradition islamique où ils’agitdetranspositionsentrelalanguesolaire,Suryâniyya,etlalanguearabe.↵

257)Dhû-n-Nûraynestl’épithèted’UthmânquiaeusuccessivementcommeépousesdeuxfillesduProphète(lesDeuxLumières)etquiformeaveclestroiscompagnonsprécédemmentnomméslegroupe des Khulafâ’ Râshidûn, les Califes Orthodoxes de latradition exotérique. Il était réputé pour sa pudeur qui, d’aprèslesparolesduProphète,impressionnaitmêmelesAnges.Devantle Prophète, il se tenait constamment assis sur ses genoux, etc’estacelaqueserapportentlesparoles«setenaitdevantselonsamanière».↵

258)Le Cheikh al-Akbar est lui-même le Sceau de la SaintetéMuhammadienne(Khatmal-Wilâyat al-Muhammadiyya), c’est-à-dire le saint totalisateur de tous les types prophétiquesparticuliers. Il y a là encore unequestionqui demanderait uneautreoccasionpourpouvoirêtreexposéedefaçonplusexplicite.Quant à la relation plus directe entre le Cheikh al-Akbar etJésus,ilestànoterquenotreauteurpréciseàdiversreprisesquec’estJésus,entantqu’entitéprophétiquedelaformeislamique,quifutsonpremiermaîtrespirituel,aprèsquoiilestpassésousla direction de tous les autres Prophètes, et c’est ainsi qu’ildevint totalisateur de tous les aspects de la SaintetéMuhammadienne.Néanmoins Jésus est resté constamment sonpatron,l’assistantde«sonregardprovidentiel».↵

259)Le Cheikh al-Akbar porte le même nom que le Prophète del’Islam.↵

260)A différentes reprises le Cheikh al-Akbar qui n’est pasdescendant du Prophète selon la chair, dit qu’il l’est selonl’esprit, et qu’il possède à ce titre une parcelle de l’esprit duProphète.↵

261)Terme par lequel on désigne souvent l’Assemblée du CentreSuprême.↵

262)C’est ici que nous assistons à ce qu’on pourrait appeler l’ «investiture»solennelleduCheikhal-AkbarcommeHéritierduMaqâm Muhammadien mais au regard de la Traditionuniverselle.↵

263)Selon lehadîth leProphète avait reçu lesSommesdesParoles(Jawâmi’ al-Kalim) ; le Cheikh al-Akbar devait y participeraussienqualitéd’«héritier».↵

264)Onremarqueraquece«degréglorieux»(maqâmasnâ)quiest,par héritage, lemême que celui du Prophète, estmis aussi enrapportavecleVoyageCélesteduProphèteetaveclaProximitéUltime, qui n’est qu’une forme d’expression de l’IdentitéSuprêmeelle-même.↵

265)Allusion au hadîth dans lequel on demanda au Prophète : «Quand fus-tuprophète ?» Il répondit : «Alorsqu’Adamétaitentrel’eauetlaboue(dontildevaitâtrefait)».↵

266)Termesd’unhadithsurlacoïncidenceentrelecommencementetla fin du cycle de notremonde. Le Cheikh al-Akbar enseignequelorsdelanaissanceduProphètel’aspectcosmiquedutempsétait analogue à celui du commencement du cycle avecAdam(cf.Futûhât,chap.10).↵

267)C’est-à-diretoutevéritéreçueparpurdondivin,nonpasacquiseen contrepartie d’un effort ou d’une conception déterminéepréalable.CequivaêtreditmaintenantparleCheikhal-Akbardoit, par conséquent être considéré comme l’expression d’unepureinspirationdivine.↵

268)Ils’agitdusymbolismedel’«Enregistrementetdel’Ecriture»(at-Tadwînwa-t-Tasţîr)dontsesertsouventleCheikhal-Akbarpour ses exposés cosmogoniques.Lesbases de ce symbolismesont dans leCoran et dans leCoran et les hadîths.LeCalame(Qalam)estl’IntellectPremieretlaSciencedelamiseendétail(‘Ilmat-Tafşîl)encorrélationd’unepartavecl’Encrier(Nûn)quiestlaSciencedelaSynthèse(‘Ilmal-Ijmâl),d’autrepartaveclaTableGardée(al-Lawhal-Mahfûz)quiestl’AmeUniverselleetleRéceptacledel’Ecriture(Mahallat-Tadwînwa-t-Tasţîr).↵

269)Référenceauhadîthqudsîésotérique:«N’étais-toi,Jen’auraispascréélesSphères»(lawlakamâkhalaqtu-l-Aflâk).↵

270)Termesd’unhadîth.↵

271)La mention de la Nuée (al-‘Amâ’) vient du hadîth où leProphète, répondant à la question : « Où était notre Seigneuravantqu’Ilnecrée lescréatures?»dit :«DansuneNuéeau-dessuseten-dessousdelaquelleiln’yavaitpasd’atmosphère».↵

272)LesdonnéesdecesymbolismesetrouventdansleCoranetdansleshadîths.↵

273)Lanotionde souffle rahmâniendérive également d’unhadîth.↵

274)AhmadestundesnomsduProphèteetsignifie«pluslouangé».Ahmad est aussi le verbe « je louange ». On pourrait donctraduireaussi«C’estmoiquilouange».↵

275)Cf.Futûhât, ch.73. Adam est la seule créature qui fut faite «aveclesDeuxMainsDivines»,cequiestuntitrede«noblesse» (Sharaf) pour l’homme. Le Cheikh al-Akbar interprète lesdeux mains divines comme symbole du tanzîh et du tashbîh,c’est-à-diredel’IncomparabilitéetdelaSimilitudedivines.↵

276)Enrapportaveccesdeuxfinalités, il fautpréciserque ledébutdelaPréfacetraitedesdeuxcaractèresd’«adventicité»etd’«éternité»du«serviteur».↵

277)Selonl’acceptionexotériquedeceverset,lesCieuxnereposentsuraucunsupport,maissurlepouvoiretledécretdivins.↵

278)Ce sont les Pôles des Cieux planétaires, qui seront désignésdistinctementàlafindutexte.ParmicesPôles,Adamlui-mêmerésideauCieldelaLune,maisdanscettefonctionilreprésenteseulementunaspectdel’AdamtotaldontfurenttiréslesautresPôles.Onpeutremarquerqu’entantqu’ils’agitdel’originedesPôles planétaires qui sont des Prophètes, ceux-ci peuvent êtreenvisagéscommeétantdérivésduProphèteMuhammadconçudans sa réalité d’EspritUniversel.Ces deuxorigines seront dureste énoncées plus loin par un passage qui attribuera àMuhammad la paternité spirituelle des hommes et à Adam lapaternitécorporelle.↵

279)Dans la hiérarchie ésotérique de l’Islam, lesNujabâ’ sont unecatégorieinitiatiqueànombrefixe.DanslesFutûhât,ch.73,leurnombreestde8;ilsontlascienceintuitivedelarévolutiondesastres dans les 7 cieux planétaires plus la science du ciel desfixes.Leurmaqâmestàl’Escabeaudivin(al-Kursî).MaisdanslesIşţilâhât duCheikh al-Akbar le nombredesNujabâ’estde40.Onrencontreplusieursfoisdeschangementsdenombredesinitiés des diverses catégories, et il semble qu’il s’agisse enréalité d’un certain flottement dans les appellations desdifférents groupes. Dans le cas présent, il s’agit de leurprototype dans la hiérarchie des fonctions de la TraditionPrimordiale.↵

280)Jusqu’icilahiérarchieserapportaitàl’ordrecéleste.Avecles4Awtâd,noussommesdansl’ordreterrestre.↵

281)Les7Abdâlsontlesprojectionsterrestresdes7Aqtâbcélestes,de même que les 7 climats sont les reflets des 7 cieux dansl’ordreterrestre.↵

282)Sans pouvoir entrer ici dans des détails, nous devons faireremarquerqueleQutbetsesdeuxImâmsqui,demêmequeleshiérarchies précédemment nommées doivent être compris icidansl’ordredelaTraditionPrimordialeetUniverselle,peuventêtreconsidéréscommefaisantpartieaussibiendes4Awtâdquedes7Abdâl.Onpourraitdirequelesmêmesentités,quisontdureste d’une nature supra-individuelle, se réfractent en desconfigurations différentes selon les domaines, et qu’ellespeuventêtrecomptéesainsiplusieursfoismaissousdesrapportsdifférents.Cettesituationestexpressémentindiquée,àplusieursreprises par le Cheikh al-Akbar, dans l’ordre particulier de latradition islamique, et naturellement lamêmechosepeut avoirlieudansl’ordredelaTraditionPrimordiale.↵

283)Ainsi le Prophète historique Muhammad est la manifestationcorporelle par excellence de cette entité primordiale du PôleUniversel. Cette manifestation vient pour la clôture du CycleProphétique et enmême temps comme aboutissement extrêmedel’œuvredivineparfaite.↵

284)Nousdevonssignalerquelepassagequisuitnecontinuepasleprocessus cosmogoniqueprécédent,mais constitueune reprise,sous une autre perspective d’ensemble, de lamanifestation del’HommeUniversel.↵

285)Cetermedésigneicinonseulementl’enseignementprophétiquede l’Islam,mais laDoctrinePrimordiale etUnanimede touteslesformestraditionnelles.↵

286)Image empruntée de l’histoire de Salomon et de Bilqîs pourdésignerunerégionextrême.Ilestmêmepossibled’yvoiruneallusionauCentreduMonde.↵

287)LetermedeHabâ’=«Poussièrefine»équivalentarabeduHylégrec,aétéutilisécommeépithètedelaMatièrePrimordialeparSayyidunâAlî,etplustardparAbdallâhSahlat-Tustarî.↵

288)On se rappellera à ce propos que plusieurs doctrinescosmologiques de l’antiquité classique indiquaient l’Air oul’EaucommepremièresubstanceduMonde.Cesdeuxéléments(demêmeque laPoussièrequi se rapporteausens immédiatàl’élément Terre) étaient des désignations symboliques de laMatièrePrimordialedépourvuedequalitésformellesquiremplitleVideUniversel.↵

289)On reconnaîtra ici les allusions spéciales au symbolisme del’Ecrituredivine.↵

290)Il est à remarquer que les Prophètes que le Cheikh al-Akbarvient de désigner sont les Pôles de 6 d’entre les 7 Cieux,respectivement:Adampourle1erCiel(Lune);Abrahampourle7e(Saturne) ; Jésuspour le2e(Mercure),Josephpour le3e(Vénus);Aaronpourle5e(Mars);Moïsepourle6e(Jupiter).OrleseulPôlecélestequin’estpasmentionnédanscettesérieest celui du 4e Ciel (Soleil) qui est Idrîs. La chose ne peuts’expliquerautrementquepar le faitquec’estàcePôlemêmequeleCheikhal-Akbarparlait.Eneffetlapositiond’Idrîsétantcentraleparrapportàl’ordretotal,c’estàceprophèteparticulierquireprésenteplusdirectementleProphèteuniverselrésidantaucentre du monde. Nous avons ainsi donc encore uneconfirmation que c’est à ce prophète vivant, Idrîs-Enoch, querevient la fonctiondeChefde lahiérarchiesuprêmeduCentreduMonde.Si l’onvoyaitunedifficultédanslefaitquelePôledumondehumainaunepositioncéleste,cequisemblelesituerhorsdenotremonde,ilfautdirequeselonleCheikhal-Akbar,les Cieux actuels font partie de notre bas-monde (dunyâ), etdisparaîtrontaveclui.

291)ce Degré par excellence (Martaba) est dans un sens généralcelui de l’HommeUniversel qui totalise tous les aspects de lamanifestation universelle, celle-ci étant considérée surtoutcommelamanifestationduPrincipemême.↵

292)Al-Maqâmu-l-Alî. Le dernier terme est dérivé du vocable Al(composéd’alifetlâm)qui,commeleElhébraïque, indiquelaDivinité.Cf.Futûhât, ch.73, p.153 : «LeAl (âliyya disent lesIştilâhât)esttoutnomdivinrattaché(souslaformedusuffixeîl)àunangeouuneentitéspirituelle,commeJibrâ’îlou ‘Abdâ’îl».OnserappelleraquedansladivineComédie,AdamenseignequeElfutledeuxièmenomdeDieu.↵

293)Ce Maqâm fut notamment celui d’Adam devant lequel lesAngesdurentseprosterneràlasuitedel’ordredivin.↵

294)Ce dénonciateur est « triplement criminel » (muthallith) parcequ’il perd : soi-même, celui qu’il dénonce et celui auquel ildénonce.Ilseperdsoi-mêmeparcequ’enproclamantladivinitéd’un être apparemment créé, il commettra un acte injustifiableau point de vue de la loi exotérique, et sera condamné pouridolâtre.Ilperdraceluiqu’ildénoncepuisqu’enluiattribuantladivinitéil l’accuseradevantlaloiducrimemajeurdePharaon.Enfinilperdralejugemêmesaisideladénonciationcarcelui-ciappliqueralesrigueursdelaloicontrelavéritélaplushaute.↵

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