mantsie r. w, 2004, concurrence et économie informelle, e51a4
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CONCURRENCE ET ECONOMIE INFORMELLE
R.W. MANTSIE
RESUME
La Concurrence Pure et Parfaite,
longtemps critiquée, semble intégrer une
réalité différente des schémas de
coordination des activités productives
telle que conçues par les théories
modernes de l’économie de marché.
Cependant, en rapprochant ses hypothèses
de l’économie informelle, des identités
semblent s’établir entre les
caractéristiques du marché de CPP et la
logique de fonctionnement de l’économieinformelle
Mots-clés: Concurrence - Concurrence
Pure et Parfaite - Economie Informelle –
Marché
INTRODUCTION
L’économie de marché a souvent
été présentée comme le lieu d’exercice de
la concurrence économique. Celle-ci, à son
tour, est identifiée à la Concurrence Pure et
Parfaite. L’intérêt porté récemment aux
libéralisations et privatisations dans les
Programmes d’Ajustement Structurel
soulève des observations dans le choix des
procédures de décision liées à l’économie
décentralisée. Ce débat n’est pas récent et
a bien souvent quitté le domaine
économique pour investir son champ de
prédilection : les décisions politiques.Le fonctionnement des marchés
informels dans les pays en développement
et surtout au Congo-Brazzaville fait
apparaître des interrogations quant à la
validité de certaines hypothèses régissant
le marché de Concurrence Pure et
Parfaite(CPP). Le problème est que le
débat sur l’économie informelle va buter
sur la définition de ce secteur.
ABSTRACT
Pure and perfect competition which has
been long criticized seems to
belong to a reality different from the one
that was conceived by modern market
theories.. This economic hypothesis seems
to be verified in the field of informal
market which deals with the daily
exchange process in informal economy.
Key words:Competition, pure and perfect
competition, informal economy, market
economy
La Banque Mondiale ( 1987 ,1990)
va faire du dynamisme de ce secteur un des
thèmes de ses rapports sur les perspectives
de développement à long terme de
l’Afrique subsaharienne. Le BIT, dans son
rapport sur le Kenya, soutenait l’idée
d’inspiration classique selon laquelle le
secteur informel serait une illustration de
l’économie de marché ‘pure et parfaite’’,
mais segmentée (J. CHARMES 1990,
p.14)
Ce marché a, à juste titre, souvent
été critiqué. Ainsi F.Von HAYEK (1978,1979) relevait que le monde
économique idéal de CPP présente la
difficulté d’énoncer, de manière mécaniste,
les résultats du marché. Ceux-ci sont, dans
ce modèle, quelque peu connus à l’avance
puisque tous les acteurs connaissent a
priori les structures de leurs besoins et
préférences. Rien n’est découvert sur ce
marché, tout y est connu.
* Enseignant-Chercheur , Faculté des SciencesEconomiques. Université Marien Ngouabi, Brazzaville.
Email : rufinwilly@yahoo.fr
Faculté des Sciences Economiques, Université Marien Ngouabi,
B.P. 69. Brazzaville-Rép. du Congo.
Série E Ann. Univ. M. NGOUABI, 2004, 5 (1)
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H. LEPAGE (1979, p.5) a fait remarquer
que les procédures de contestation de
l’économie de marché prennent souvent
appui sur les hypothèses de CPP ;
affirmant que celles-ci ne sont jamais
réunies et les tendances des économiesmodernes sont de s’en éloigner toujours
davantage. Ce qui permet aux
contradicteurs de l’économie de marché de
préconiser un minimum d’intervention
publique.
Ces observations ne sont pas
exhaustives des critiques formulées à
l’encontre du marché de CPP. Dans la
lignée du courant Autrichien on relève que
U. WITT (1990), souligne l’aspectirréaliste de l’objectivisme en sciences
économiques et propose une réorientation
du subjectivisme et du rôle des fondements
psychologiques dans l’agir humain. Cela
exclut toute possibilité d’identifier le
marché à un cadre limitatif avec des
hypothèses réductrices de la réalité
économique et son environnement.
Ce cadre de référence, qu’est le
modèle de CPP, relevons-le, a eu pour
objet ‘’l’explication rationnelle’’ du
comportement des agents donnés par les
producteurs et les consommateurs, les
interactions au niveau des marchés, etc. La
tentative s’est attelée à rechercher un
cheminement cohérent des phénomènes
sociaux qui conduisent à prendre les
décisions les meilleures, susceptibles de
satisfaire les besoins, en réduisant au
mieux tout gaspillage de ressources.
Une telle contribution est louable.
Cependant elle ne peut se faire sans
prendre appui sur des considérations
relatives au problème fondamental de
l’économie soulevé par P. A.
SAMUELSON dans L’ Economique
(1948) ; Que produire ? comment
produire? pour qui produire? On en arrive
à penser que pour mieux produire et
réaliser des économies de ressources, il estsouhaitable d’observer certaines
hypothèses, reconnues dans le modèle dit
de C.P.P.
Des critiques formulées à son
encontre, on relève que ce modèle occulte
nombre de choses, par exemple la naturede la firme, les droits de propriété, les
coûts de transaction, les relations
d’agence, l’asymétrie de l’information, etc.
La nature de la firme développée
par R.H COASE (1937 ) a conduit à une
littérature dont on trouve des implications
dans les thèses développées par E. O.
WILLIAMSON (1989, 1996), B.
SALANIE (1997), S.E. MASTEN et S.
SAUSSIER (1998). Elles se résument ence que la firme, à en croire ces auteurs, est
une nature complexe dont les coûts de
transaction justifient la présence et dictent
la nature des contrats. De même, les droits
de propriété initiés par H. DEMSETZ
(1967) vont s’ériger en structures
d’incitation ( F. LICHTENBERG et
PUSHNER, 1992) et préciser la nature des
relations codifiées entre propriétaires et
biens en usage ( S. PROWSE, 1992 et
R.W.MANTSIE, 1999)
Cette conception trouve son
prolongement dans les développements de
A. ALCHIAN et H. DEMSETZ (1972) qui
estiment que l’entreprise est un marché au
sein duquel se nouent les contrats qui
économisent des ressources. De même, M ;
MARCHESNAY (1997) relève la
contribution du gouvernement de
l’entreprise par la théorie des conventionsqui fait de la firme une convention
d’efforts.
Ces dimensions ne sont pas
exhaustives des difficultés du marché de
C.P.P. Il y a aussi la réduction de la
fonction entrepreneuriale dont le rôle est
mis implicitement en évidence par J.B.
SAY et plus clairement par J.
SCHUMPETER (1954) et I.R KIRZNER
(1973). Cette difficulté semble être prise encompte par l’économie informelle qui
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regorge d’entrepreneurs de petites tailles
(MANTSIE, R.-W, 2003)] et dont on
trouve des similarités avec le marché de
CPP.
L’article propose une relecture deshypothèses du marché de CPP sur la base
des observations récentes de l’économie
informelle. Il s’agit de discuter de la
validité des hypothèses de CPP dans le
cadre des pratiques des marchés informels.
Pour cela, il est souhaitable de
considérer le marché comme un ensemble
des contrats individuels. Si tel est le cas
l’équilibre du marché peut s’identifier à
l’équilibre des contrats. De même,l’économie informelle doit être considérée
comme un lieu des échanges
complémentaires aux échanges formels.
Enfin, cette économie doit, par commodité,
être limitée à un espace physique précis.
Le marché de CPP sera présenté à
partir de ses hypothèses de base ainsi que
le cadre de fonctionnement de l’économie
informelle (I). Par la suite nous essayerons
de discuter de la validité de ses hypothèses
qui, il nous semble, pourraient se vérifier
dans cette économie (II).
I. MARCHE DE CONCURRENCE
PURE ET PARFAITE ET CONTENU
DE L’ECONOMIE INFORMELLE.
Il s’agit de présenter le marché de
CPP à partir de ses hypothèses de base
ainsi que les caractéristiques de l’économieinformelle pour aider à la compréhension
de ses mécanismes de fonctionnement et
les correspondances éventuelles entre ces
marchés.
1. Les hypothèses fondamentales deCPP
Le marché de C.P.P est un modèle
descriptif du fonctionnement d’un marché
caractérisé par une absence complèted’entraves aux échanges. Il est
représentatif d’une situation idéale du
processus des échanges dont les
caractéristiques fondamentales sont :
- Homogénéité et divisibilité des
produits : Il s’agit de la parfaite identitédes biens produits par les différentes
firmes et offerts sur le même marché. Cette
hypothèse suppose que les biens
présentent les mêmes caractéristiques et
élimine toute possibilité évidente de leur
différenciation. En plus, il convient
d’ajouter que ces biens sont non seulement
homogènes, mais parfaitement divisibles
dans le but de satisfaire la demande.
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- Atomicité du marché : un grand nombre
d’acheteurs et producteurs opèrent sur le
marché sans qu’un acteur ne puisse, par
sa propre volonté, exercer des pressions ou
une influence sur le niveau des prix. Ici,
est mis en évidence le critère de taille desacteurs économiques opérant sur le
marché. Il y est exclu toute possibilité de
présence d’un acteur imposant, capable
d’influencer le déroulement des activités
économiques. La conséquence de cette
hypothèse est que les agents économiques
disposent d’une autonomie d’action dans
leur prise de décision.
Pour que cela se vérifie, il faut que
chaque offreur ne contrôle qu’une infime partie de l’offre globale et qu’en même
temps cette condition se vérifie du coté de
la demande globale. Ainsi, toute décision
individuelle ne pourrait, de manière
unilatérale, influencer le jeu du marché.
- Fluidité de l’information:
L’information est fluide lorsqu’elle est
disponible et accessible à tous les
participants au marché. Naturellement, on
affirme que sur le marché de CPP
l’information n’a pas de coût et est gratuite
pour l’ensemble des acteurs .
- Liberté d’entrée et de sortie du
marché : Cette hypothèse suppose
l’inexistence des barrières aussi bien
juridiques que techniques d’accès et de
sortie du marché. Tout acteur peut exercer
sur ce marché dès qu’il le désire et en sort
à moindres coûts, lorsqu’il le souhaite.
- Parfaite mobilité et substituabilité des
ressources : les ressources sont
parfaitement mobiles et rien ne peut
entraver leur libre circulation. De même les
décideurs peuvent les combiner à leur
guise en fonction de leur programme
d’investissement.
Ces conditions décrivent la
concurrence pure et parfaite et permettent,à en croire les auteurs, à l’économie de
fonctionner avec l’efficience la plus grande
possible.
En effet, pour eux, aucun agent ne peut
réaliser un profit en modifiant de manière
unilatérale la structure des prix. Si ledécideur désire augmenter son profit, il ne
peut le faire qu’en minimisant ses coûts.
De même cette économie exclut toute
possibilité de sous utilisation des facteurs.
Etant donné le caractère mobile et
parfaitement divisible des facteurs, leur
affectation s’en trouve facilitée ouvrant
ainsi des possibilités d’une adaptation
conforme aux nécessités de production.
Les critiques formulées à l’égard de cemarché ont soutenu les limites de CPP qui
se résument en un ensemble d’ hypothèses
irréalistes. Celles-ci doivent être
rapprochées du cadre de l’économie
informelle, présentée par la Banque
Mondiale comme le vrai cadre de CPP,
étant donné l’absence d’entraves à son
fonctionnement.
2. Contenu de l’économie informelle.
L’économie informelle est souvent
présentée comme un secteur d’activités se
composant des activités sans ‘’ formes ‘’
comprenant l’ artisanat, les fabriques, les
petits métiers, le petit commerce, etc. Dans
les faits , l’informel a une forme.
Ce terme doit probablement son
appellation à l’incapacité des statisticiens
ou des économistes à saisir une réalitédifficilement quantifiable et qui leur
échappe largement ( J-P. BARBIER 1991,
p.33). Cette pratique est très répandue et
associe de nos jours, non seulement les
formes de l’économie traditionnelle, mais
également les modes d’organisation
extérieurs empruntés à l’entreprise.
2.1 Définitions et caractéristiques du secteurinformel
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Une définition commode du secteur
informel pose un problème d’objectivité.
La séparation de l’économie informelle de
l’économie formelle doit se situer au
niveau des modèles d’organisation des
entreprises.
A la suite de K. HART ( 1971) le terme
’’secteur non structuré’’ a été repris dans
les études de L’Organisation Internationale
du Travail (OIT) portant sur le Ghana et le
Kenya (1972). Ainsi, H. MARIUS (1990,
p.55) présentait le secteur non structuré
comme étant l’ensemble des petits métiers
représentatifs d’une fraction non
négligeable de la collectivité des petites
entreprises.
J.P. LACHAUD (1974) assimilait le
secteur informel à un groupement de tous
les petits métiers et l’artisanat des centres
urbains procurant des opportunités
informelles de revenu.
Outre la dimension revenu, l’informel
répond à de nombreuses interrogations. La
plus usuelle est, semble t-il, une réponse au
problème de l’emploi. Une telle vue nous
paraît partielle puisqu’elle se limite au
facteur de survie et non à la dynamique de
développement qui génère des besoins
nouveaux. Ceux-ci doivent être satisfaits à
des prix accessibles à tous. L’informel est
à même de produire ces biens et services et
de les mettre à la disposition des petits
portefeuilles. Un fait serait de relever que
l’informel a toujours existé et ne pourrait
être le résultat d’une invention récente.Déjà dans les sociétés anciennes des
pratiques traditionnelles d’échanges
portaient sur des échanges similaires.
L’informel doit aussi contenir une
dimension culturelle.
Ce secteur se caractérise, à en croire P.
METTELIN (1978, p.21), non pas par la
nature des activités entreprises, mais par
leur condition d’exercice (1). En se
référant à la définition du BIT le secteur
informel se caractérise, selon S.
SCHAUDEL et P. METTELIN ( 2) par les
critères suivants :
- Facilité d’accès au marché ;
- Utilisation prédominante des
ressources locales ;- Caractère familial de l’entreprise ;
- Petite échelle des producteurs ;
- Qualification des travailleurs
acquise en dehors du système
‘’formel’’ d’éducation ;
- Recours à des marchés
concurrentiels non réglementés.
Ses caractéristiques essentielles peuvent se
résumer à :
- La faiblesse du capital ;
- Une main d’oeuvre abondante et bonmarché ;
- Un recours à un système
d’apprentissage interne ;
- Au libre jeu du marché.
Les caractéristiques avancées vont se
révéler quelque peu restrictives. Ainsi S.V.
SETHURAMAN (1987, p17), prenant
appui sur le critère de création d’emplois,
va qualifier le secteur informel par
l’ensemble des petites unités engagées
dans la production et la distribution des
biens et services, avec pour principal
objectif, la création d’emplois et des
revenus ; une petite entreprise ne se
préoccupant d’abord que du rendement de
ses investissements.
L’informel s’est répandu à tel point que
son dynamisme s’est répercuté au delà du
secteur réel. Les pratiques de la financeinformelle portant sur les ‘’tontines’’ , les
‘’banques ambulantes’’, les mutuelles de
solidarité (protection sociale, etc.) ont
commencé à intéresser les spécialistes des
questions financières ( R. DHONTE
AXE,1994 ; I. WEBTER et P.
FIDLER(1995) ; P. HUGON (1996) ; J.
LEDGERWOOD, 1998, etc.) et les
Institutions Internationales ( BIRD, 1999).
2.2. Importance du secteur informel
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En observant le marché informel
brazzavillois, on se rend compte,
qu’aucune activité du secteur dit moderne
n’est épargnée. L’informel a investi tous
les domaines de la vie économique. On y
compte des activités commerciales,agricoles, industrielles et une prolifération
des activités de services.
En généralisant, le secteur informel
varie selon sa taille , sa composition ou
selon les espaces socioéconomiques. H.
MARUIS (1990, p.57) relève qu’en 1970
la part du secteur informel par rapport à la
population active était de 37% à Abidjan
(Côte d’Ivoire ), de 44% à Nairobi (Kenya)
en 1972 et de 50% dans les zones urbainesdu Sénégal en 1976. Les estimations de la
Banque Mondiale (1990) rapprochaient le
poids des femmes dans ce secteur à
environ 66% au Congo-Brazzaville, 75%
au Gabon, 72% au Congo-Démocratique.
Les données en la matière ne sont
pas toujours d’accès facile. Il faut
--------------------------------------------(1) METTELIN, P (1978) ‘’ Le secteur des petits métiers àAbidjan’’ in Les activités de transition et le secteur informel à
Abidjan’’ par Sylvie SCHAUDEL et Pierre METTELIN, IEP,
Bordeaux(2) SCHAUDEL, S et METTELIN, P (1978) ‘’Le secteur du
commerce de détail sur les marchés d’Abidjan’’ in Les activités
de transition et le secteur informel à Abidjan’’ par SylvieSCHAUDEL et Pierre METTELIN, IEP, Bordeaux.
reconnaître que nombre d’opérateurs
exerçant dans ce secteur ne sont pas
statistiquement identifiables. De surcroît,
on trouve dans ce secteur, pour une raison
ou une autre, aussi bien des agents
typiques de l’informel que des agents dusecteur formel ou légal. Ainsi le cadre des
banques ou de l’enseignement peut, à ses
temps libres, participer au marché informel
ou se faire seconder lorsqu’il retrouve son
poste officiel.
Avec les pressions
démographiques, la crise de l’Etat
providence seul pourvoyeur d’emplois
salariés, l’élévation du coût de la vie, les
mouvements migratoires internes, etc.l’informel devient une voie de recours pour
faire face à des besoins naissants. Dès lors
apparaissent des comportements ou des
règles de jeux différents des usages
habituels du secteur dit formel ou légal et
qui suscitent des interrogations quant à la
pertinence des affirmations contestées ducadre de jeu économique classique.
II. MARCHE DE C.C.P. ETECONOMIE INFORMELLE : DES
SIMILITUDES PREDICTIVES
Le rapprochement du marché de CPP
et l’économie informelle a nécessité une
étude de terrain. L’enquête menée à
Brazzaville a révélé que les contours de
l’économie informelle imposent unedistinction entre la nature de l’activité
économique et le mode d’organisation de
la production. Ainsi le travail organisé en
atelier ( tailleur, menuisier, etc.) doit être
distinct de celui du détaillant exerçant à
l’étalage ou dans un espace d’échange
donné.
L’enquête a porté sur une population
de 13 tailleurs et couturières, 11
menuisiers, 8 mécaniciens et 5 soudeurs
exerçant dans les 5è et 6è Arrondissements
de Brazzaville, pour ce qui est des activités
organisées en ateliers et sur les marchés de
Bouémba et de Ouénzé situés, pour ceux
qui exercent en espaces ouverts, dans
l’Arrondissement 5 de la même ville. Le
marché de Ouénzé est un marché
d’échanges permanents. Celui de Bouémba
est un marché périodique, se tenant trois
fois par semaine et qui regroupe lescommerçants venus de toute la ville. Il a la
réputation d’être un marché bas prix où le
marchandage est la règle. Y affluent de ce
fait, les vendeurs et acheteurs venus de
partout en quête de bonnes affaires.
Ainsi en se referant à cette économie
on peut discuter de l’opportunité des
hypothèses de C.C.P. données par :
L’homogénéité et la divisibilité des produits : Si nous nous referons au travail
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organisé en atelier, l’enquête révèle que les
artisans présentent les mêmes types de
produits ( tailleurs, menuisiers, etc.),
consultent les mêmes types de machines
(tour à bois, sous-traitance) pour modeler
leurs produits et donc offrent finalementles mêmes biens. A ce niveau
l’homogénéité des produits se vérifie.
Cependant des nuances existent
quant à la qualité du produit fini ; cela dans
le doigté de l’artisan, le polissage du
produit, son vernissage, etc. pour les
produits du bois. Pour le tailleur ou la
couturière, ces nuances relèvent aussi du
doigté, mais aussi et surtout de la finition
du produit.
Pour ce qui est des commerçants à
l’étalage, des espaces aménagés ( marché
de Ouénzé et de Bouémba) et des rues de
Brazzaville, les produits locaux, de par leur
présentation ou emballages, présentent des
similitudes évidentes. Cependant, la
proximité véhiculant l’information sur la
réputation des producteurs et la qualité des
produits, introduit des différences entre
biens, pour les consommateurs informés.
Dès cet instant l’homogénéité ne se vérifie
plus. Ceux qui ne sont pas informés
considèreront les biens offerts comme étant
indifférents et de ce fait réhabilitent
l’hypothèse.
Ainsi, du point de vue des produits
locaux des similitudes existent lorsque
l’information échappe, la marque de
fabrique n’existant pas. Qu’il s’agisse par exemple des produits alimentaires
traditionnels (manioc, beignets), industriels
( pains, cahiers ), ou artisanaux (meubles et
autres produits du bois) etc. les services
rendus par ces biens sont identiques,
toutefois avec des nuances.
Biens ou services ? En adoptant, à ce
niveau, l’approche de K. LANCASTER
(1963 ), on se rend compte qu’un bien
s’identifie à ses qualités c’est-à-dire auxcaractéristiques qui lui sont rattachées et
donc les services qu’il rend. Ainsi de
l’homogénéité des services rendus par les
biens, on peut observer que le concept ne
pourrait être associé au strict contenu du
mot mais aux qualités qui lui sont
reconnues.
Enfin, notons que dans un secteur où
la marque de fabrique est inexistante, le
problème du label d’identification se pose.
L’informel uniformise, dans une certaine
mesure, les produits.
L’hypothèse de divisibilité qui lui est
associée apparaît de plus en plus avec le
phénomène de ‘’pauvreté’’ ou le pouvoir
d’achat s’effritant, nombre de biens sontdevenus parfaitement divisibles.
Le secteur informel permet, non plus
de tout vendre au détail, mais de sectionner
dans les proportions les plus réduites, les
biens commercialisés sur ces marchés. Par
exemple au Congo- Brazzaville voire au
Congo Démocratique, la Chikwague (
Manioc ) de 200 F CFA ( 0,3 € ) est vendu
au détail dans des portions de 50 F CFA (
0,076 € ) pour satisfaire les petits
portefeuilles. Il en est autant du pain
sectionné en tranches de 75 FCFA ( 0,114
€ ) ou de 40 FCFA ( 0,06 € ).
Ce phénomène est aussi observé
en Afrique de l’Ouest où la mayonnaise est
revendue au détail par les commerçants en
petites cuillérées, selon les besoins des
consommateurs.
Certaines pratiques inconnues des
pays dits avancés sont révélatrices des
particularités de l’économie informelle. A
titre d’illustration, la purée de tomate ( en
boite) vendue par lot de trois ou de cinq en
Europe est revendue dans le secteur
informel au détail, aussi bien à l’unité ( une
boite) que par demi boite ou en cuillérée. Il
en est autant pour les produits comme
l’oignon vendu de moitié en portions ou
au quart, les gousses d’ails etc. Ainsi, laménagère peut programmer, dans ses
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achats quotidiens toutes combinaisons
possibles, l’achat d’un quart de poulet, la
tomate concentrée en cuillérée ou autre
produit pour son menu du jour.
La divisibilité peut aussi, sur cemarché, revêtir des formes particulières.
Par exemple, les détaillants de poissons
chinchards vendent leur produit par tas de
1000 F.CFA (1,5 €) ou de 500 F CFA
(0,75 €). Depuis peu, avec les restrictions
financières qui sévissent au Congo, à
défaut de ‘’diviser’’ ce produit déjà bon
marché, on a vu apparaître des tas de 250
F.CFA ( 0,375 €) ou simplement la vente
de ce poisson à l’unité. Simple innovation
ou souci de satisfaire les clients ? Il y a lieude dire que ces deux arguments sont autant
fondés que ces pratiques représentent une
divisibilité particulière.
On a souvent opposé des arguments
passionnels à cette hypothèse. Par
exemple, on avance le point de vue selon
lequel un véhicule ne peut être divisible ;
ce qui est fondé du reste . Il ne s’agit pas
de discuter de la pertinence d’un tel
argument mais de vérifier l’identité d’un
bien dans ses caractéristiques qui, s’il était
divisé, serait en mesure de satisfaire
l’utilité d’un agent. Un tel point de vue, à
notre avis, déplace le débat dans la mesure
où la divisibilité du véhicule le mettrait
hors d’usage. On convient donc avec K .
LANCASTER qu’un bien est un ensemble
multidimensionnel de caractéristiques qui
motivent le choix du consommateur.
Atomicité du marché :
Le marché informel se révèle celui de tous
les participants dans lequel les acteurs,
grands et petits opèrent. Rares sont des
agents influents qui exercent des pressions
sur le marché. Les prix s’ y déterminent
assez librement et en moyenne sont
uniformes bien que l’existence des marges
ne soient pas à exclure.
Les situations de non influenceentre agents sont communément partagées.
Il est difficile d’imaginer qu’un agent
puisse influencer à lui tout seul le niveau
des prix. Cependant, il existe quelques
offreurs, souvent les grossistes de
l’informel, dont les pratiques font
exception à cette hypothèse. Ces pratiquesexistent et posent des problèmes ponctuels
puisque leur position est exceptionnelle. Si
l’on devait généraliser ces cas, il serait
intéressant de se limiter à l’atomicité type
et discuter de la détermination des prix.
Si nous nous limitons à un marché
donné par un espace physique, il ressort
qu’un acteur économique, pris
individuellement, est loin d’influencer les
prix de manière générale. Tout au plus , il peut bénéficier des rentes dus à un prix-
objectif qu’il se fixe de réaliser, et qu’en
marchandant le client lui propose un prix
supérieur à celui-ci. Ce prix est une sorte
de prix minimum praticable, un prix pivot
autour duquel se fixera son équilibre.
Ainsi, lorsqu’on appelle ( selon
l’expression consacrée) le prix d’un bien,
par exemple celui de la farine de manioc à
20.000FCFA ( 30,5 € ), des agents
achèteront aussi bien à 20.000FCFA qu’à
18.000 FCFA (27,48 € ) ou 19.000 F.CFA
(29,00 €) ou tout autre prix voisin des
20.000FCFA ; cela, auprès du même
commerçant ou d’un autre sur cet espace.
Tous pratiqueront approximativement ce
prix. Les différents prix appelés ne sont
pas la norme, mais la base des négociations
qui peuvent durer plusieurs minutes.
Admettons l’hypothèse selonlaquelle le marché est un ensemble de
contrats, notons cependant que les prix se
fixent par contrat. Considérant une
marchande de friperie qui vend à un client
A une nappe de table après marchandage à
4.950 F.CFA ( 7 € ) ; ce prix est celui
d’équilibre de leur contrat. La même
commerçante est sensée vendre à un
second client B une nappe identique,
sortant du même lot, à un prix différent
suivant les capacités de marchandage de B.Dans cette seconde situation, le prix
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pratiqué à B est celui d’équilibre du
contrat, entre la marchande et B.
Ces prix sont-ils différents ?
Vraisemblablement oui. Cependant
observons que cette différence est le produit du temps . Admettons que A et B
se présentent en même temps auprès de la
marchande. Cette dernière n’aura pas à
pratiquer des prix différents. Le prix serait
le même pour A et B, comme cela est de
coutume, ce, sur la base de son prix
plancher. Si trois ou quatre clients se
présentaient en même temps, les prix
pratiqués seront convergents. De sorte que
si nous généralisons le raisonnement,
lorsque n agents se présentent en mêmetemps pour un même produit, les prix sont
susceptibles d’être en moyenne identiques
pour les n clients, les discriminations
n’existant pas.
Fluidité de l’information :
sur ce marché existe une information
souvent disponible et circulant à ‘’grande
vitesse ‘’. A titre d’exemple, les villes de
Brazzaville ( Congo) et Kinshasa (Congo-
Démocratique) s’auto approvisionnent
presqu’en temps réel lorsqu’ apparaissent
des pénuries dans l’une des villes.
La vitesse de circulation de
l’information s’est bien révélée sur ce
marché lors de la crise sociopolitique de
1997 au Congo-Brazzaville. Les quartiers
Nord de Brazzaville ont été approvisionnés
par Kinshasa pour tous les biens de
première nécessité, alors que la ville était‘’coupée’’ en deux. Toute pénurie
constatée la journée était résorbée le
même jour avant la fin de la journée. Ces
observations doivent être nuancées.
Cependant, il faut voir que, sur le marché
informel, l’information a une structure et
elle dépend :
- des connaissances personnelles
accumulées par l’agent,
l’expérience et son habileté ;
- des contacts ou entretiens avec des
partenaires exerçant dans le même
créneau ;
- du bruit résultant des tendances
observées. Plus on est proche d’une
activité, plus on prête attention auxinformations s’y rapportant.
Ainsi, il y a un stock d’information
disponible pour tous par habitudes, par
contact ou par la pratique du jeu de
marché ; puis il y a un stock d’information
privilégié résultant des capacités de chacun
à susciter ou à capter l’information.
Lorsque la circulation de l’information est
bonne ou que l’information est non
stratégique c’est-à-dire n’influençant pasde manière déterminante le jeu individuel,
elle est facilement accessible. Cependant
lorsque l’information peut générer des
effets significatifs sur la réalisation du
profit, elle devient confidentielle puisque
sur ce marché elle ne s’achète pas. Les
acteurs ne s’en dessaisissent que
difficilement et elle devient éparse. Les
asymétries se confirment par situations ou
par stratégies.
Il faut remarquer aussi que sur ce
marché la proximité , la solidarité et la
décentralisation des décisions véhiculent
l’information. Compte tenu de ces réseaux,
vendeurs et acheteurs accèdent à
l’information plus facilement. Cela réduit
considérablement les asymétries , mais ne
les écarte pas totalement. La question est
alors de savoir si la décentralisation du
marché informel n’est pas un modèleconcurrentiel qui minimise les coûts
d’information au maximum, à l’instar des
conclusions de G. BECKER (1985). L’
agent économique est il obligé de disposer
de toutes les informations détenues par les
autres acteurs ? L’essentiel, c’est-à-dire un
stock ne lui suffit-il pas pour forger ses
décisions ?
Liberté d’entrée et de sortie ; Le
marché informel, nous l’avions souligné,regorge d’un nombre important d’acteurs
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dont la particularité est de participer au
marché avec des capitaux modestes. Ils y
entrent avec autant de facilités qu’ils en
ressortent. Il n’y a ni barrières à l’entrée ni
barrières à la sortie. Pour cela, on relève
sur ce marché la présence des acteurs ponctuels et ceux réguliers.
A titre d’illustration, prenons le cas
des activités marchandes inhérentes au
commerce quotidien. On constate que
lorsqu’un créneau porteur est identifié par
un acteur économique, il y a une tendance
à voir de nouveaux acteurs économiques
investir ce marché en y offrant des
produits identiques.
Lorsque par exemple une
commerçante développe une activité de
vente de bois au détail ou fabrique
artisanalement ce qu’il est convenu
d’appeler par sky-yaourt, les potentiels
concurrents s’imaginent que cette activité,
qui occupe un agent, est nécessairement
rentable. D’autres acteurs vont
entreprendre dans le même secteur
d’activité et ce créneau se trouve investi
par de nombreux offreurs de taille
quasiment identique. Ce phénomène peut
être mieux perçu dans les rues de
Kinshasa où chaque acteur économique, à
la recherche d’une activité lucrative,
entreprend à moindres frais une activité de
subsistance ou autres. Ainsi, devant chaque
parcelle ou clôture, sur une petite distance
de vingt à vingt cinq mètres, on trouve
entreprise une activité informelle identique
à celle du voisin immédiat. L’arrivéemassive de ces concurrents, sur un ou
plusieurs créneaux et à moindres coûts,
confirme la possibilité de l’existence d’une
liberté d’entrée sur le marché.
En termes de liberté de sortie, on
s’interroge plus sur les mobiles de sortie
que la sortie à moindres coûts. On se rend
compte que la sortie peut se justifier de
deux manières :
- Une liberté de sortie pour un
entrepreneur moins aguerri , c’est-à- dire,
par les sanctions du marché. Les coûts de
la mauvaise gestion expulsent les
concurrents, qui peuvent toutefois revenir à
tout moment étant donné le faible volumedu capital de départ.
- Liberté de sortie pour la simple
raison qu’un acteur, par effet de
mimétisme, avait entrepris une activité
dans un créneau qu’il croyait porteur et
qui, se rendant compte de la méprise, le
quitte sans ambages. Une telle sortie
correspond à un abandon pur et simple
d’activités ; cela est légion dans l’informel.
Le marché informel de détail
d’huile de palme, de la farine de manioc,
du poisson fumé, etc. sont autant
d’expériences que d’exemples que l’on
peut avancer.
Il ressort de l’enquête que cela n’est
fondé que pour des activités engageant des
petits capitaux. Ainsi, en se limitant à la
caractéristique du secteur informel qui veut
que ce secteur porte sur des activités à
faibles capitaux, on peut valider la liberté
d’entrée et de sortie.
La question est alors de savoir ce
qui se passe lorsque l’activité informelle
croît. L’enquête révèle que la liberté
d’entrée n’est plus garantie et est assujettie
aux droits d’entrée. En moyenne, pour
former un tailleur ou une couturière, il faut
s’acquitter d’une somme d’environ180.000F .CFA (274,8 € ) en espèce, plus
une dame-jeanne (10 litres ) de vin rouge
pour le maître dont le prix varie entre
18.000 F.CFA et 20.000 FCFA (27,48 € à
30,5 € ). Il en est autant pour l’apprenti
menuisier ou autre type d’activités comme
la soudure, la mécanique, etc.
Les coûts de formation liés à
l’apprentissage s’érigent en barrières à
l’entrée dans le métier ou sur le marché.Outre cette contrainte, il faut ajouter les
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frais de première installation, la limitation
du capital, l’emplacement, etc. L’entrée
n’est plus gratuite mais engendre des coûts.
Si tel est le cas les coûts de sortie ne sont
plus nuls, puisque toute sortie va nécessiter
la récupération des capitaux investis.
Une fois de plus, la liberté d’entrée
et de sortie va dépendre de la nature de
l’activité économique, de l’organisation du
travail et des capitaux à engager. Ainsi, à
capitaux faibles l’hypothèse sera vérifiée,
à capitaux élevés elle sera contredite.
Mobilité et substituabilité des
ressources :
Exception faite des périodes de pénurie, lesressources sont parfaitement mobiles.
L’enquête révèle que les agents informels
se font mutuellement crédit ( fils à coudre,
aiguilles machines ayant des numéros
difficiles à trouver sur le marché, sous-
traitance sur machine à broderie spéciale,
etc. ) ou des compensations de matières
premières ( lattes, chevrons, etc.).
Mentionnons que cette mobilité est limitée
dans l’espace. Elle se réalise sur des
marchés connus et situés sur des places
précises. Au delà des lieux géographiques
connus des difficultés apparaissent,
notamment celles liées aux coûts de
communication. De surcroît la
combinaison des ressources avec
possibilité de substitution est parfois
entachée de quelques irrégularités lorsque
les ressources deviennent rares. Cependant,
l’informel combine autant que possible les
ressources, parfois au détriment de laqualité des biens .
Enfin notons que ce marché n’est pas
soumis à la pression étatique consistant à
lever les impôts à volonté. On y exerce le
plus librement du monde bien que quelque
tentative publique d’y prélever une rente
ne manque pas. En observant et en
analysant les comportements micro
économiques des acteurs sur certains
marchés dits informels, on arrive à desconclusions telles que certaines hypothèses
du marché de C.P.P. se justifient, d’autres
restent encore à explorer à l’instar de tous
les mécanismes du secteur informel.
CONCLUSION
Le rapprochement entre l’économie
informelle et la concurrence pure et
parfaite permet de voir que les hypothèses
irréalistes de CPP soulèvent des
interrogations quant à la réalité de
l’économie de marché. Nous n’avons pas
la prétention d’avancer un point de vue
définitif, mais de voir que le caractère
‘’naturel’’ du secteur informel, laissé à la
discrétion de chaque acteur économique, permet à l’économie de se rapprocher, en
fonction du type d’organisation, d’un état
proche des hypothèses dites de CPP ; cela,
lorsque les acteurs sont ‘’petits’’ et
engagent des capitaux de faible
importance. Cependant, existent des
hypothèses irréductibles telle que les
asymétries informationnelles, la barrière à
l’entrée, etc. qui se réduisent, mais
demeurent. Celles-ci soulèvent en effet un
problème de processus des échanges,
d’organisation du travail, du temps de
marchandage (négociations) ou des
contrats, du nombre des acteurs, etc.
Un autre problème serait de
s’interroger sur la validité de l’économie
dite formelle ou moderne.
Comparativement à l’économie informelle,
que nous qualifions de naturelle, cette
économie devient quelque peu‘’artificielle’’. Elle intègre trop
d’inventions, l’Etat, la fiscalité, produit
l’entreprise, les syndicats, récupère
l’entrepreneur, bref, crée des données
exogènes aux relations d’échanges. Tandis
que dans cette économie l’entreprise
s’identifie à une organisation ; dans
l’informel, elle est l’individu c’est-à-dire
l’opérateur économique.
Toutefois les difficultés du marchéde CPP peuvent être classées dans le
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compte des tentatives de recherches visant
à expliquer les décisions économiques par
des comportements dits rationnels. Il se
trouve que certaines décisions sont le
résultat des comportements subjectifs,
c’est-à-dire, des comportements dont le bien fondé ne trouve d’explication que par
l’intérêt propre et connu de l’acteur. La
mathématisation du comportement des
agents va conduire à réduire l’agir humain
en quelques formules limitées pour
restituer le contenu des actes économiques,
qui répondent souvent à des considérations
tant objectives que subjectives .
Le marché n’est pas une donnée ;
elle est une institution. A l’instar de touteinstitution, il n’est pas figé, mais
dynamique. L’acceptation du marché de
CPP comme base de raisonnement doit être
revue et c’est à ce titre qu’il est souvent
contesté. N’empêche, il demeure à plus
d’un titre le marché de référence sur lequel
s’appuient les économistes pour expliquer
les phénomènes socio-économiques.
Son identification à l’économie
informelle permet de voir si les
développements futurs de la micro
économie de développement ou la micro
économie du déséquilibre ne pourraient
expliquer certaines particularités des
économies dont la logique de
fonctionnement est mal connue.
Il ne s’agit nullement de réhabiliter
le marché de CPP, mais d’intégrer tous les
progrès réalisés par les différents courantséconomiques [ approche institutionnelle ou
des organisations ( D. REQUIER-
DESJARDINS (1994)] pour comprendre
l’économie informelle, l’économie de
développement, l’économie de marché etc.
et de voir si le mal développement n’est
pas une particularité non explicitée.
Bien que le secteur informel vérifie
certaines hypothèses de CPP, il reste
cependant une difficulté ; celle de ne pasvoir ces hypothèses se réaliser en même
temps. Cette simultanéité constitue la
recommandation du modèle de CPP pour
déboucher sur l’équilibre. Bien que le
secteur informel les intègre, il ne les réalise
pas toutes au même moment. Simples
coïncidences ou faits précurseurs,l’informel regorge des ressources
inexploitées qui méritent d’être explorées.
Je remercie M. le Professeur Hervé
DIATA, Doyen de la Faculté des Sciences
Economiques (FSE) pour les suggestions
qui m’ont permis d’améliorer ce travail. Je
remercie également MM. Jean Anaclet
MAMPASSI et Béthuel MAKOSSO de la
F.S.E. -Brazzaville, pour leurs
observations sur la première version de cet article. Je demeure toutefois comptable des
éventuelles insuffisances que pourrait
contenir ce travail.
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