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MIF2 : les clients en questionsIl est indispensable, on le sait, de « profiler » le client et de jauger son expérience en matière finan-cière. Doit-on s'attendre à des changements avec la directive MIF2, gui, adoptée en avril 2014, Cen-trera en vigueur guèn janvier 2018, avec un an de retard sur le calendrier initialement prévu ? Nosexplications sur ces guestionnaires clients version 2018.
Georges Canto
Jusqu'au début des années 2000,les consultants qui travaillaient sur
les bases de données des banquesétaient effarés par la pauvreté des
informations détenues sur les clients. En
dehors de l'identité et du domicile, légale-ment requis, des éléments aussi basiquesque la profession, la situation familiale ou
les revenus étaient souvent absents. Quedire alors de la connaissance des produitsfinanciers ou de l'aversion au risque ! Enréalité les chargés de clientèle savaient
beaucoup de choses qu'il n'était pas ques-tion de consigner par écrit, pour des raisonsde confidentialité, de sorte que les établis-
sements de gestion privée étaient encoreplus mal lotis que la banque de détail.
Pourtant, depuis plusieurs années déjà,la réglementation imposait de documen-ter la connaissance des clients : entréeen vigueur en janvier 1993, la première
directive anti-blanchiment faisait ainsiobligation de recueillir toutes les informa-tions nécessaires à l'évaluation du risque
présenté par un client donné, un dispositifqui a été précisé et renforcé par les direc-tives suivantes. Dans les années 2000, de
nouvelles contraintes légales ont été impo-sées, comme celles issues de la directivede janvier 2003 sur la détection des opéra-
tions d'initiés. Malgré cela, la connaissanceformalisée de la clientèle restait encoretrès lacunaire. C'est la directive MIF d'avril
2004, appliquée depuis novembre 2007,qui a réellement fait bouger les choses.Cette loi européenne a introduit unenouvelle approche, en considérant que
le moyen le plus efficace de protéger lesclients, surtout les moins avertis (une
préoccupation quasi-obsessive des régu-lateurs) était finalement de leur proposerles produits et les services les plus adaptésà leurs profils et à leurs besoins. Encore
fallait-il les connaître avec précision, ce quiobligeait à réaliser des « tests d'adéquation
ou d'appropriation », selon la nature de
l'offre proposée.
Cela étant, les articles de la directive d'ori-gine, comme ceux de la directive d'exécu-tion et leur transposition en droit français
indiquent seulement les grandes caté-gories d'informations à recueillir. L'articleL. 533-13 du Code monétaire et financier
prévoit ainsi que « les prestataires de servicesd'investissement s'enquièrent auprès de leursclients (...) de leurs connaissances et de leurexpérience en matière d'investissement,
ainsi que de leur situation financière et deleurs objectifs d'investissement, de manièreà pouvoir leur recommander les instruments
financiers adaptés ».
ééLa nouvelle directiveMIF2 n'impose pas decadre précis pour lerecueil de l'information
Une grande liberté a été laissée aux profes-sionnels quant au support de la collected'information, au nombre et à la forme
des questions et au mode d'administration(questionnement par le chargé de clientèleou auto-évaluation). Assez logiquement lesétablissements bancaires ont utilisé cette
marge de manœuvre pour concevoir desdispositifs très variés, comme l'a montrél'étude réalisée à la demande de l'AMF
sur les questionnaires de neuf banques etd'une association de CIF. Les résultats en
ont été publiés en février 2011 (voir Gestionde Fortune, n°214, avril 2011). A la suite,les deux responsables de l'étude, André dePalma et Nathalie Picard ont publié en avril
2012 une liste des «70 éléments indispen-
sables à prendre en compte pour qu'un ques-tionnaire de profil de risque contribue effica-cement à l'adéquation produit client tout en
respectant l'esprit de la directive MIF ».Ces recommandations ont été prises encompte par l'AMF dans une « positionsur le recueil des informations relatives
à la connaissance du client » du 8 janvier2013. Le même jour l'ACPR a émis unerecommandation avec quasiment le même
contenu. A cette occasion les autorités detutelle ont précisé leurs attentes sur lesquatre grands points qui font l'objet du
questionnement.
La connaissance de la situation person-nelle doit porter sur l'identité du client,
sa résidence fiscale, l'identité, le nombreet l'âge des personnes à charge ; le cas
échéant, elle porte aussi sur le conjoint(avec mention du régime matrimonial)ou le partenaire en cas de PACS (identité,
âge). S'y ajoutent des informations surl'activité professionnelle du client et desmembres du foyer avec éventuellement ladate prévue de départ à la retraite. Pour la
situation patrimoniale, on doit connaîtreles revenus du foyer (nature, montantet fréquence), les dépenses courantes
actuelles et futures ainsi que les facteurssusceptibles de les influencer, la capacitéd'épargne, l'endettement et la composition
détaillée du patrimoine avec la valeur indi-cative des différents éléments (immobilier,produits financiers).
Jauger le degré de connaissances duclientDeuxième volet : les connaissances et l'ex-périence du client en matière financière, en
privilégiant la dimension pratique. De cefait, l'AMF insiste sur la nécessité de savoirsi la personne détient ou a détenu des
produits d'épargne et d'investissement,avec indication de leur mode de gestion
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DIFFUSION : (25000)JOURNALISTE : Georges Canto
1 mars 2017 - N°279
(directe, conseillée ou sous mandat).Pour cerner ensuite les objectifs du client,les établissements sont invités à en propo-
ser une liste (préparation de la retraite,transmission d'un capital au momentdu décès, constitution d'une épargne de
précaution, etc..). De plus, le client doit êtreinterrogé sur son « horizon d'investisse-
ment », à savoir la durée envisagée pourses différents placements.Il est indispensable de « profiler » le clienten fonction du rendement attendu et du
niveau de risque qu'il est prêt à supporter.Pour ce faire, l'AMF et l'ACPR suggèrent delui présenter plusieurs scénarios d'évolu-
tion d'une somme placée (avec mention durendement et la probabilité de survenance).Les différents profils doivent ensuite être
établis de manière compréhensible etprécise, notamment pour ce qui est destermes techniques (lire encadré).
Les autorités de tutelle rappellent que,« la pertinence des informations à recueillirs'analyse au regard du service à fournir et des
caractéristiques du client ». Mais au final,même si elles se sont toujours défenduesde vouloir imposer un questionnaire-typeet ne soumettent pas les questions à un
contrôle a priori, elles se montrent toutde même assez directives en matière deconnaissance du client.
Deux évolutions avec MIF2Doit-on s'attendre à des changementsavec la directive MIF2, qui, adoptée en avril
2014, n'entrera en vigueur qu'en janvier2018, avec un an de retard sur le calendrier
initialement prévu ?
A priori aucun bouleversement n'est àprévoir dans le domaine de la connais-
sance des clients. En effet, l'article du Codemonétaire et financier qui s'appliqueraà partir du 3 janvier 2018 est quasiment
identique à celui d'aujourd'hui sauf surdeux points :
• les informations concernant la situation
financière du client incluent désormais « sacapacité à subir des pertes »
• et celles relatives à ses objectifs d'inves-
tissement prennent en considération « satolérance au risque ».
Ces deux obligations sont directement
issues de l'article 25 de la directive et du« règlement délégué » d'avril 2015 quiprécise les conditions de son application.
Mais dans une large mesure ces élémentsexistent déjà dans les questionnaires utili-sés par les professionnels.L'étude publiée en 2011 avait déjà noté que
la plupart des établissementscherchaient à cerner la toléranceau risque des clients, « alors
même que la directive n'abordepas explicitement cette notion ».Parmi les dix recommandations
formulées en avril 2012, plus dela moitié faisaient référence à la
mesure de l'aversion au risqueet à l'évaluation de la toléranceaux pertes. Surtout la positionde l'AMF et la recommandation
de l'ACP de janvier 2013, outrela nécessité de déterminer« objectivement » le profil de
risque du client, comme il a étévu, prescrivaient de s'enquérir de« l'existence de gains réalisés ou
de pertes déjà subies sur les diffé-rents produits d'épargne et d'inves-tissement, et la réaction du client à
ces gains ou à ces pertes ».Enfin, comme la directive MIF2était supposée entrer en vigueur dès en
2017, les professionnels se sont préparésde longue date. De nouvelles prescriptionsde détail (« standards techniques ») rédi-gés par l'Autorité européenne des marchés
financiers (ESMA) et actuellement soumisà l'approbation de la Commission, pour-raient néanmoins intervenir dans les mois
à venir.
Pas plus que la précédente, la nouvelledirective MIF n'impose de cadre précispour le recueil de l'information. Les établis-
sements bancaires restent donc libres, deconcevoir les questionnaires de connais-sance client (QCC) comme ils l'entendent.
En conséquence, leur étude révèle unevariété d'autant plus grande qu'au sein d'unmême établissement les QCC sont modu-lables et adaptables selon les produits et
les clients.
Des difficultés pour cerner la notionde risqueUn point a été particulièrement débat-tu : comment mesurer la « tolérance au
risque » (terme utilisé dans la loi) desclients ?
Dans un article publié en avril 2014 dansla revue de l'Insee Economie & Statistique,intitulé « Mesurer les préférences des épar-
gnants : comment et pourquoi (en temps decrise) ?», les auteurs Luc Arrondel et AndréMasson ont passé en revue les différentes
manières de mesurer le risque. Concluantque « prise isolément, aucune question utili-sée pour mesurer les préférences à l'égard
1313
£ J \du risque et leurs effets sur le patrimoine nesemble vraiment convenir », ils proposaientune méthode avec deux caractéristiquesnotables, celle de « multiplier les questions
puisqu'aucune n'est satisfaisante en soi » etde balayer un large éventail de domaines :les placements financiers, mais aussi « la
consommation, les loisirs, le travail, la famille,la santé, la retraite », pour déboucher sur la
construction d'un « score de risque ».Malgré de nombreuses difficultés concep-tuelles et pratiques elle a pu être validéesur les résultats de cinq enquêtes menées
entre 2007 et 2011.
Plusieurs établissements bancaires, aidéspar des prestataires spécialisés comme
Harvest, se sont inspirés de cette approchepour leur questionnement. A noter quecertains ont fait le choix d'appliquer à tous
les points réglementaires (connaissanceset expérience, situation personnelle etfinancière, objectifs d'investissement)le même principe de scoring que pour
le risque et aboutissent de ce fait à une« note globale » permettant d'affecter leclient à un profil donné : en général il existe
4 à 6 profils, à chacun correspondant uneoffre spécifique.
Pour en revenir au risque, le problème
est que les questions se révèlent insuf-fisantes, en nombre comme en variété,car selon les auteurs de l'étude « la perti-nence et le pouvoir explicatif de notre score
de risque proviennent de l'agrégation deréponses à un grand nombre de questionsfort diverses ». Pour eux, un score obtenu
à partir d'un nombre réduit de questions
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»> « n'expliquerait en rien les comportements
financiers des ménages ». Leur nombreidéal n'est pas précisé, mais il est certaine-ment très supérieur à la « petite batterie »de questions (une dizaine au maximum)posées par la plupart des banques. Il est
difficile d'aller au-delà, compte tenu desnombreux autres points à renseigner. Car,au-delà des considérations théoriquessur le recueil de l'information, il faut bienen venir à ses aspects pratiques. Les
QCC doivent à la fois être conformes auxexigences réglementaires, répondre à unintérêt commercial et être acceptables parles clients. C'est souvent là que se situe leproblème.
Les questionnaires peuvent être très longset comprendre plusieurs dizaines de ques-tions (une soixantaine n'est pas rare) d'au-
tant que certaines d'entre elles relèventaussi de la lutte anti-blanchiment (origine
des fonds) ou de la détection des abus de
marché (fonctions occupées par le client).Même si la plupart des questions sontsimples, d'autres, comme celles relatives àla tolérance au risque sont souvent tech-niques ou compliquées à comprendre et
nécessitent un certain temps de réflexion.Toujours relativement au risque, les clientspeuvent être décontenancés par desquestions de « comportement général »comme celles qui portent sur leur manière
de conduire ou de partir en voyage.
Une procédure lourde et intrusive !
De plus, les questionnaires doivent êtreadministrés (au moins en partie) à chaquenouvelle souscription et si l'examen annuelde l'adéquation des produits détenus parle client, imposé par la directive, révèle une
discordance. Des personnes multi-banca-risées rempliront des questionnaires dans
tous les établissements dont elles sontclientes et pour presque tous les produits.Le côté répétitif et chronophage de laprocédure, considérée comme « inquisi-toriale » par des associations de consom-
mateurs, mais également pesante pourles chargés de clientèle, n'a pas échappéà certains concepteurs qui considèrenttoutefois que le travail de collecte génère infine plus d'avantages que d'inconvénients.
De plus, la fiabilité des réponses dépend dela sincérité de la personne interrogée. Lerisque d'inexactitude est particulièrementélevé quand les réponses ne peuvent être
vérifiées même par recoupements (avoirsdétenus dans d'autres banques) et quandle questionnaire est en totalité ou en partieauto-administré, ce qui est plus fréquentqu'on ne l'imagine. Le fait que les clients
doivent signer le questionnaire permet degarantir un minimum de véracité. •
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