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Lanabellia

Nerougispas

L'intégrale

NishaEditions

Copyrightcouverture:BranislavOstojic1-ISBN978-2-37413-204-42-ISBN978-2-37413-209-93-ISBN978-2-37413-213-64-ISBN978-2-37413-234-15-ISBN978-2-37413-236-56-ISBN978-2-37413-245-7

www.nishaeditions.com

Tome1

1.Nouvellevie

« Insomnie. Singulier état où l’acuité des sens s’accroît, où les souvenirs s’accumulent jusqu’àdevenir parfois intolérables, où le temps qui s’écoule pourtant au ralenti permet à la pensée degaloperfollement.»YvetteNaubert

J’ouvreunœiletlesoleilmetitilleàtraverslerideaumalajustédelachambre.Jemeretourneunefois,deuxfoisetsoupire.Bonallez,ilfautquej’affrontecejouràlacon!Jesenslamauvaisehumeurm’envahir commeunepetite bête sous lapeauqu’on aimerait extraire,maisqui continue à sebaladermalgrétoutlesoinquel’onmetàessayerdelatuer.

Jem’allongeàplatventre,tentantuncombatdéjàperdud’avanceavecmonoreiller.J’entendsdubruitdanslapièceàcôté,cequimedonneencoremoinsenviedemelever.Jem’assiedsentailleursurlelit,l’oreillerposésurmesjambes.Jeletapotemachinalement,déjàagacéeparlajournéequim’attend.

Etmevoilàaujourd’huiavecunmaldecrânelancinant,carlaveillejen’aipasréussiàm’endormiretmesuisécrouléeverslescinqheuresdumatin,devantunfilmdontjen’aistrictementriensuivi.J’essaiederassemblermescheveuxetattrapel’élastiquequej’ailâchementjetéparterrecettenuit.Unchignonvaguementimproviséferal’affaire.

Jemarqueunepausedansmespenséesquiaffluentdepartoutenmêmetemps.

–OK,OK,çacraint!

J’aiditçaàvoixhaute?

Récapitulons,onm’aviréehier,maviesentimentaleestundésastreabsolu,jevisdansunappartementminableetenplusjedoisfêtermesvingt-cinqanscesoir!Magnifique!Ungrognements’échappedemabouche,cequimesurprendmoi-même.Maisqu’est-cequejevaisfairemaintenant?J’ai l’impressionquelaviemetientfermementparlespiedsetmetireverslefond,quoiquejefasse.

Unbruitsourdmesortdemespenséesetmacolocdébouleentrombedanslachambre,lesourireauxlèvresettapantcommeuneidiotedanssesmains.Jelèvelesyeuxauciel,désespérée.

–Joyeuxanniversaire!

Pitié!Elleacriéçad’unevoixaiguë,cequimetireunegrimaceaffreusequ’elleneremarquemêmepas.

Jemarmonneunvaguesalutetmelaissetomberenarrièresurlelit,m’écroulantdetoutmonpoids.

–Jesuistropexcitéepourcesoir!

Pasmoi...Elles’assiedàcôtédemoietposeunplateaudéjeunersurlacouette.

–C’estpourtoi!

Unsourireilluminedeplusbellesonvisage.

–J’aipiquéçaauboulot,jenevoulaispasquetun’aiespasdepetitdèjlejourdetonanniversaire!

Ellehausselesépaules,l’airtrèsfièred’elle.Jejetteunœilauplateauetj’esquisseunsourireavecunepetitemouetentée.J’aivraimenttropfaim!

-Heureusementquetueslà,jepensaismetaperlepainrassisquirestedanslacuisine.

Ellerit.Jemeredresse,attrapantunpancakeetl’enfournantdirectementdansmabouche.

–Quelleheureest-il?–Environonzeheures,allezbouge-toi!

Ellemepoussedelamain.Jeluirépondslabouchepleineetsansgrandenthousiasme.

–Deuxminutes,jesavouremonpetitdéjeuneretenplusjen’aipastrèsenviedemelever,jeresteraisbienaulittoutelajournée!Jepassemamainsurmoncoudouloureux.Voiretoutelavie!

Jedétournelesyeux,sentantlepoidsdesonjugementm’aplatircommeunecrêpe.

Arrêtedeteplaindreetbouge-toi.C’estbon,cen’estpaslafindumondesiont’aviréeetenpluscen’estpascommesic’étaittafaute.

Toutestsifacileavecellesionl’écoute!

Elle se lève, ramassequelques trucsqui traînentpar terreet se retourneversmoipourmebalancerd’untonquejetrouveunpeuexagéré:

Onvas’éclatercesoirRose!J’aitrophâteetpuisçateferadubienetàmoiaussi!

Ahoui,c’estvrai;j’aiaussiunprénomàlacon,j’avaispresqueoublié!

Jeme lève tranquillementpendantquemacoloc s’affaire tantbienquemal à rangernotre chambre.Nousdormons àdeuxvuqu’on adéjàdumal àpayer le loyerde cet appartementminable.Mesyeuxpassentmachinalementsurlamoisissurequiapparaîtenhautdesmurs,àcausedelafuitechezlavoisinedudessusetqueleproprioneprendpaslapeinederéparer.Unfainéantdanstoutesasplendeur!

Jemediriged’unpasnonchalantverscequ’onpeutappelernotresalledebain,unepiècesipetitequejemedemandeencorecommentilsontréussiàyfaireentrerunedouche...

Lapièceestd’unglauque ! Jehausseun sourcil rienqued’ypenser.Lecarrelageest fenduàpleind’endroitsdifférentsetlafenêtreestsipetitequemêmelajournéeonestobligéd’allumerlalumière,lelavabogouttesanscesse.Maisleproprion’apasletempsdes’yintéresser,commed’habitude!

Jejetteuncoupd’œilàmatête.Quandj’aperçois lescernesquisedessinentdisgracieusementsousmes yeux, je détourne le regard, soupire et saute sous la douche. L’eau à peine chaudeme fait quandmêmedubien.

J’entendsmacolocouvrirlaportedelasalledebain.

Jememaquillependantquetutelaves.

J’acquiesced’ungestedelamainetlavoilàpartiedansunetiradequim’exaspèredéjà.

Tuvasvoir,cesoirçaseranotresoirée!Çafaitsuperlongtempsqu’onn’estpassortiesetj’aientendudirequ’unnouveaubarvientd’ouvrir.Onenditquedubien!

Ellesedandineetcontinuedanssalancée.J’aimalaucrâne,pitié!

–Ilparaîtquelamusiqueestsuperetladécod’enfer.Samyestalléeleweek-enddernier.C’estsuperclasse,toutcommelaclientèle,cequinouschangeradenossortieshabituelles.Jesuiscertainequeçaseragéant!Parcontretusaiscequetuvasporter?Moij’aitropdemalàmedécider:larobebleueoulaverte?

Elleparletellementquejemedemandecommentelleparvientàsemaquiller!J’esquisseunsourire.

Elle allume la petite radio près du lavabo et se trémousse sur une musique que je ne connaisabsolumentpas.

J’ouvrelaportedeladoucheetattrapemaserviette.

–Tunem’aspasréponduRose.Lableue,laverteoualorstucroisqueceseraitmieuxunejupe?

Jelaregardeattentivement;jelaconnaisparcœur.

–Tumeferasundéfilé,commeçajet’aideraiàchoisir.Allezpousse-toi,tuesassezjoliecommeça!

Ellesedécale,l’airtrèsheureusedecequejeviensdeluidireetmelaissedelaplace.Audeestmameilleure amie. Depuis toujours, je pense. Elle est optimiste et me pousse souvent aux fesses,heureusementpourmoi!

J’observesescheveuxraides,d’unbeaubrundoré,coupésencarréplongeantetsesbeauxyeuxvertsqu’elle souligne d’un trait noir. Elle est très jolie, mais comme elle est un peu ronde, elle n’a passpécialement confi anceenelle.Elle estvraiment classe,malgré sonpetitboulotde serveuseà tempspartiel;elletienttoujoursàêtrebienapprêtéeentoutescirconstances,contrairementàmoi.

Jel’admirebeaucoup,mêmesijeneleluidisjamais.

Jemeprometsderéparerça...undecesjours...

D’ungeste,elleattrapemesvêtementsetmeleslanceenpleineface.

–J’espèrequetuvasfaireuneffortcesoir,j’enaimarredetonvieuxjean!

Jehausselesépaulessansluirépondre,passemonpantalonbleuetuntee-shirtblancsansfioritures.Jel’aimebien,moi,monvieuxmachin!

–J’airendez-vousavecSam.Jeterejoinspourmangercesoiretonseprépareratouteslestrois,OK?

–OK.Est-cequetupeuxluidemandersiellen’auraitpasuntrucunpeuhabilléàmeprêter?

Sonvisages’illuminedéjà,maisjelacoupeavantqu’ellen’aitpusortirunmot.

–Pasderobe,nidejupe,jetepréviensd’avanceAude!

Unevesteouaupireunjeannoir,enfindanscestyle-là.

Elleembrassefurtivementmajoue.

–Jesuistropcontente.Çavaêtresuper!

Situledis!

Mais qu’est ce qu’elle croit ?Queparce que je fais un effort vestimentaire et qu’unnouveaubar aouvert,notrevievachanger!Jerigoletouteseule,commeuneidiote.Maseuleintentionestdenepasluipourrirlasoiréeenmefaisantrefouleràl’entréeàcausedemesfringues.Lerestejem’enfichepasmal!

J’entends la porte claquer. J’attache mes longs cheveux blonds en queue de cheval, m’observe uninstantdanslevieuxmiroirquitrônesurlelavaboenmedemandants’ilvatenirencorelongtempssurlemurquis’effrite,mepromettantd’essayerdefairequelquechose.

Mesyeuxgrissontassombrispar lescernesdesdernièresnuitsd’insomniesdont jesuisvictime.Jecherchedans la troussede toiletteun trucquis’appelleanticernesetquiestcenséêtremiraculeux.Enquelquesgestesmaladroits,j’essaiedebarbouillerunmieuxquiarrivepresqueàmeconvaincrequelemaquillagepeutêtreutile.

Jenerangerienetmedirigevers lecanapé,allumela télévisionquisurplombelapetitepiècesansséparationquiréunitsalonetcuisine.Jem’endors.

***

Des rires étouffés me tirent de ma rêverie. Je m’assieds avant que les filles n’entrent dansl’appartement,pournepasmeprendreenpleinefacequejen’airienglandédemonaprès-midi.J’attrapeunbouquinpourcréerunsemblantd’occupation.Merde,ilestàl’envers;jeleretournevitefait.

Laportes’ouvreunpeutropvivementetellesdéboulentdanslapiècecommedesfuries.

Audearrive,unpaquetàlamainetSamavecunebouteille.Ellesontl’aircomplètementexcitées.

Je me lève en jetant mon bouquin sur la table basse. Sam m’attrape dans ses bras, un peu tropaffectueusementàmongoût,etmelanceunbonanniversairequiavraimentl’airdeluisortirdufondducœur.

EllereculeetsautilleenattrapantAudeparlebras.

–Donne-luisoncadeau!

Ellehurlepresqueetj’ouvredegrandsyeux,assezsurprise…parlecadeau,maissurtoutparsoncristrident.Jecroisquemonmaldecrâneaposésesvalisesetnecomptepasmequitterdesitôt!

Ellelecachederrièresondosetluirépondavecunclind’œilcomplice.

–Non,non.Onboitd’abordunverre!

Elleposelabouteilledevantnous,s’éclipseverslecoincuisineaussivitequepossibleetattrapedesverresdansleplacard.

Samanthameregardeavecunsourireidiot.Jenesaispaspourquoimabonnehumeurasoudainenviedesemontrer.Jelagratified’unpetitrictus.

Audeouvrelabouteilled’ungestehabileetrapide,sûrementdûàsonboulot,etversedanslesverrescequisembleêtreunchampagnerosé.ElletendunverreàSametunautreàmonattention.

–Jesaisque tunebois jamais,mais là,c’est tonanniversaire !L’annéedernière,onne l’apas fêtéparcequ’onn’avaitpasdeboulotnil’unenil’autre.Maiscetteannée,onserattrape!Etpuisçaneteferapasdemal.

J’attrapeleverreetytrempemeslèvres;jesuisagréablementsurprise.

–Cen’estpasmauvais!

JeregardeleliquideroséavecdéliceetjemetourneversSam,unlégersourireaccrochéàmeslèvres.

–Tun’auraispasuneaspirinedanstonfourre-tout?

Jedésignesonsacàmaind’unsignedetête.

Lefourre-toutdeSam,c’estunpeudugrandn’importequoi.Ilyavraimentdetout,maisj’avouequ’ilm’adéjàbienrenduserviceparlepassé.

Ellemetenduncompriméquej’avaleaveclechampagne,presquesoulagéed’avancequecefichumaldecrânes’envole.

S’ilpouvaitemmenermessoucisavec,ceseraitencoremieux!

Audeserelèved’uncoup,vidantsonverreculsec.

–Jevaisessayermesfringuesetvousserezlesjugeslesfilles!

Nousapprouvons, ennousmettant à rire à l’unisson. Je croisque leverreque jeviensde terminercommencedéjààfairedel’effet.Samenprofiteetmeressertsansquej’aieeuletempsd’émettreuneréserveàcesujet.Ohetpuiszut!Ellesontraison,çanepeutpasmefairedemalpourunefois...

Samsetourneversmoietm’observeavecunairunpeuplussérieux.

–Ilt’embêteencore,l’autretaré?

Jerecrachelagorgéequejevenaisdeprendre,unpeudésarçonnéeparcettequestionqui,pourmoi,auraitpuêtreévitéecesoir.

Jesoupireetluilâcheun«ouais»chargédelassitude.

Audearrive,touteguillerette,etnouscoupedanscedébutdeconversation,cequim’arrangevraiment.Surtoutmaintenant:jenesuispasd’humeur!

–Alors?

Elletournesurelle-même,nousregardanttouràtour.

Elle porte une jupe noire simple au-dessus des genoux, un haut rouge plutôt provocant et de jolisescarpinsnoirspourlesquelselleaéconomisépendantsixmois.

Jelèvelepouce.Samm’imiteetluilanceun«parfaite»quimesoulage,caronvientd’éviterdesefanertoutesagarde-robe!

Samm’attrapeparlebras,soulèvesonfourre-toutd’ungesteprécisetm’inciteàlasuivredanslasalledebain.

–Àtontourmabelle!

Ellepassederrièremoipourmepousseràl’intérieur.

Onadumalàtenirtouteslestroisdevantlemiroir,cequinousvautunfourirequidureplusquederaison,l’alcoolaidant.

SamdéballelecontenudesonsacetAudesonmaquillage.

–Ehdoucementlesfilles!Jevouspréviens,onyvatranquille:jenesuispasunepoupéeBarbie!

Jereculed’unpas,maisj’aioubliéquel’espaceesttrèsréduit,ducoupjemeretrouvecoincéecontrelelavaboavecdeuxfuriesdelamodeprêtesàsautersurmoi.J’afficheunegrimaceaffreuse;çanelesrebutepas.

Ausecours!

Endeuxtroismouvements,Samm’adébarrasséedemonjeanainsiquedemontee-shirtetmesortunerobe.

–Stop!

Mavoixestfermeetsansappel.Horsdequestionquejeportecegenredechose!

Elles lèvent les yeux vers moi et Sam, l’air un peu déçue, me montre un slim noir d’un regardinterrogateur. J’acquiesce et l’enfile, ainsi qu’un haut en satin, noir également, quime dessine un jolidécolleté.Riendevulgaire.

–Tuestropbelle!

Audehurlecettephraseàcôtédemoicommesielleétaitàl’autreboutdel’appartement.Jesursaute,mais je n’ai pas le temps de respirer qu’elle attrape mes cheveux et enlève ma queue de cheval.Doucement!Sam,quantàelle,aattrapéuntrucsurlelavabo.

–Arrêtedebouger!

Elletentedemefourreruncrayondansl’œil.J’esquisseunaffreuxrictus.Ellessontfollesmaparole!

Aude rigole àpleinspoumons enmebouclant les cheveuxavec son appareil de torture. Je soupire,hausselesépaulesetrâle,maisimpossibledelesarrêter.

–Oh,doucement!

Jechercheàlesrepousser.

J’ail’impressionqueçadureuneéternité.Pourtant,meconnaissant,ellesontfaitleminimumetcelan’adûdurerquedixminutesgrandmaximum...enfinpourelles.

–Voilà!C’estfini!

Audeestfière.Sametellem’observentasseznerveusementetmeretournent.

J’aiunlégerreculdesurpriseetavancemonvisageverslemiroir.Mescheveuxblondsondulentenmagnifiquesbouclesautourdemonvisage.Lemaquillageest très simple ;unpeude fondde teint,du

crayonnoirau-dessusdel’œilquiintensifiemonregardgrisetunglosstrèsdiscret.

Bizarrement,jemetrouvepasmal.Jemeredresseetm’observeunmoment;ellesenontl’airravies.

–J’aimebien!

Jesuissatisfaitedurésultatettoutautantétonnéedemetrouverjolie.AudeapplauditetSammepoussehorsdelasalledebain.

–Ehbeautéfatale,vasremplirnosverres!Onfinitdesepréparer!

Ellesrigolenttouteslesdeuxenseregardant.

Jem’échapperapidementetretourneausalon.

Pourme détendre, je lance lamusique enme décidant pour un petit «Madness», demon groupepréféréMuse.Jemejettesurlecanapé,unverreàlamainetfermelesyeux.Unsouriresedessinesurmeslèvres,dûsûrementàmesamieset leurenviedemefaireplaisir, toutcestressquis’évacue,plusquelquesverresdontjen’aipasl’habitude.

Jesuisbien...

2.Prised’otage

«Lamusiquechasselahainechezceuxquisontsansamour.Elledonnelapaixàceuxquisontsansrepos,elleconsoleceuxquipleurent.»PabloCasals

Lerépitn’estquedequelquesminutes:quandMuseentonneResistance,mesdeuxfuriesdecopinesarriventenchantantetsetrémoussantcommesiellesétaientendiscothèque.

Samporteuneroberougequiressortmerveilleusementsursapeaumatedelatino.Elleestvraimenttrès jolieavecses longscheveuxnoirs, sesgrandsyeuxet sonbeausourireauxdentsd’uneblancheursurréaliste.Dommagequequelquesfoisellesoit tropprovocante ;maisbon,c’estundesescôtésquej’aime,quandmême.Autrement,ceneseraitpluselle.

Elles terminent leurs verres cul sec quand le téléphone d’Aude semet à sonner. Elle répond et setourneversnous.

–Notrechauffeurestlà!Onyvalesfilles!

Nousenfilonsnosvestesetattraponsnossacsauvol.Jepensequejevaislaisserlamusiquetourner,çaferalespiedsauxvoisins!J’étouffeunrire.

Ondescend à une vitesse hallucinante et jeme félicite d’avoir des ballerines quand je les regarde,perchéesenhauteur,avecdansleursyeuxlapeurdetomber.Dehors,leventfraisnoussurprend,maislabonne humeur dumoment est là et je tente deme l’approprier pour qu’elle nous suive jusqu’à notresoirée.

Samcriedeboncœur:

–Regardez!Ilestgarélà-bas!

Un peu plus loin, j’aperçois laMini Cooper flambant neuve de Valentin. Nous nous précipitons àl’intérieur,sautanttouràtouràsoncoupourleserrerdansnosbrasetlesalueraupassage.

Valentin est le garçon le plus gentil du monde, toujours prêt à rendre service. En plus, il est tropcraquant,avecsespetitesfossettesetsesgrandsyeuxrieurs.

Celui-cinousgratifiedesonplusbeausourire.

–Prêtemeschéries?–Prête!

Ellesentonnentçad’uneseulevoix.

–Cesoir,éclatez-vous,c’estmoiquivousinvite!

Onseregardetoutes,avecunejoienondissimulée.Ildémarreetnousvoilàsurlaroutequinousmèneànotresoirée.

Enunequinzainedeminutes,onarrivedevantunefaçadegrisecolossaleassezfoncée,sansfenêtres,éclairéesurtoutlehautpardeslampesrougesenformedegouttesd’eau.Jesuisimpressionnée;jen’aipas trop l’habitude desClubs,mais pour le peu que je connaisse, je n’ai jamais vu une devanture sispectaculaire.

Deux gros balaises se tiennent devant l’entrée, face à une fi le de personnes assez conséquentesouhaitantpasserlasoiréeaumêmeendroitquenous.J’espèrequ’onn’attendrapasuneplombedevant!

Samm’attrapeparlebrasetmechuchoteàl’oreille:

–C’estsupersélect,sionentre,c’estgrâceàValentin.Sonpèreacertainementdesactionslà-dedansouuntrucdanslegenre.

Elleglousse,commeellesaitsibienlefairealorsqu’onserapprochedequatremecsdanslaqueuedevantnous.

Je rêvasse un peu sous l’eff et de l’alcool quand j’aperçois une Cadillac Escalade, noire, vitresteintées,s’arrêteràquelquesmètresdevantmoi.Unhommeassezcostaudsortducôtéconducteurdansuncostumenoirimpeccablementrepasséetcontournelavoiture.

J’observelascènesansmêmesavoirpourquoi.Maismacuriositémeforceàregarderetjenequittepaslevéhiculedesyeux.Ilouvrelaportièrepassageretunautrehommesorttranquillement.Jeposemesyeuxsurdesbootsnoires,unjeantoutaussisombrequeleschaussures,unteeshirtblancetunevesteencuirsuperbelle,jel’avoue.

Quelquechoseluimontelelongducou.Jetented’apercevoircequiressembleàuneronceetquiatoutl’airdeluitranspercerlapeau.

J’ai l’impression que le temps s’arrête quand j’arrive sur ses cheveux noirs. Un petit frisson meparcourt.Sonvisage,unpeucachéparseslunettesopaques,al’aird’avoirétésculptéàlamain;ilestparfait en toutpoint.Des traitsdursd’hommeavecune impressiondedouceurharmonise le tout.Mon

regardglissesurdeslèvresmerveilleusementbiendessinées.Jen’enperdspasunemiette.

Ilmarqueuntempsd’arrêtprèsdenous;jenesaispastropcequil’astoppé.Valentinmetiredemarêverie.

–Hépoupée,tuavances!

Ilsortçabienfort,pourêtresûrquejemereconnecteàlaréalité.Puisplusbas:

–Ilestcanonquandmême,rienàjeter!

Ilsepenchepourlesuivreduregard,pendantquel’intéressésedéplacetranquillementjusqu’auboutdelafileetpassedevantnoussanslamoindregêne.Lepire,c’estquetouslesyeuxsebraquentsurlui.Surtoutceuxdesfilles.J’entendsmêmequelquesremarquesplutôtdéplacées.

Jesuisunpeudégoûtéed’attendredanslefroid,avecmesamis,enrepassantcespectacledansmatête.La file avance trop lentement àmon goût, ce qui donne àmamauvaise humeur le loisir de venirmetitiller.

JerâleetAudeseretournepourmegratifierd’unjolisourire.

–Ilneresteplusquelegroupedemecsjustedevantnous.

Çaavancevite,net’inquiètepas.

Franchement,çanemerassurepaslemoinsdumonde...

Malheureusementpoureux,ilssontrefoulésendeuxsecondes,cequivautunedéceptionàSamquilesregardes’éloigner.Jedoutevraimentqu’onm’autorisel’entrée.Surtoutquelesfillesderrièrenousdansla file d’attente ont sorti tous leurs atouts :maquillage en grande quantité, des robesminuscules, destalonsdedixcentimètres.Enfinvoilà,àcôté,jemesensridiculeetmeglisseraisbiendansuntroudesouris.

Ah,c’estànous!JemecacheaumaximumderrièreSam,quiestàcoupsûrnotreatoutmajeur.MaisValentinglissequelquesmotsaucolossedegaucheetavecunefacilitédéconcertante,nousentrons.

J’attrapemonélastiquedansmapocheetmerattachelescheveuxenqueuedecheval,laissantquelquesmèchess’échapperautourdemonvisage.Audegrimaceetjeluilanceasseznaturellement:

–Ohçava,onestentré,c’estleprincipal!Ilétaittempsd’ailleurs!

Nous nous retrouvons dans une sorte de sas en forme de tunnel. Il y a le vestiaire et la caisse àquelquesmètresdedistancel’undel’autre.

Valentinnousenvoiedéposernosaffairesletempsqu’ilpaielesentrées.

Onobéittouteslestroissansbroncheretonsedébarrassedenosvestes,denossacsàmain,negardantqueleminimumutile.

Lorsquenousavançons,lamusiquedevientdeplusenplusforte.Nousarrivonsdevantlasortiedusas.Lesportess’ouvrentetjerestebouchebée.Jemeretrouvefaceàunepièceimmense.Despasserellesenmétallacontournentsurplusieursétages.

Les lumières rouges sont toujoursprésentes. Ilyaun revêtementde solassez spécial, commede lagomme,rougeégalement ;c’est trèsagréablequandonsedéplace.Desfauteuilsavecdepetites tablessont disposés tout le long des passerelles. Et le centre de la pièce principale est bordée par deuximmensesbars,enmétaleuxaussi,maisavecunmurdelumièrederrièrechacund’eux.Laclasse!

J’aiunpeul’impressiondemeretrouverdansunautremonde.J’avance,observantlapistecentraleoùquelquespersonnesdansentsurunemusiqueentraînanteappropriéeaulieu.

Jesuismesamis,endétaillant toutautourdemoi,commeuneenfantdansunmagasindejouets.Cesgris, noirs, rougesmélangés et contrastés par les deuxmurs de lumières rendent l’atmosphère un peuspécialeetagréablementsurprenante.

Lesfillesseretournentversmoi,toutensuivantValentinavecdesyeuxbrillantsdebonheur.

Onprendplaceaupremierétage.

Je suis surprise du confort quand jeme laisse glisser sur le fauteuil noir. Jem’incline légèrement,levantlesyeuxversleplafond,trèstrèshautau-dessusdemoi.Lapièceestsurplombéed’unimmenselustreauxpierresnoiresqui,jesuppose,estplusgrosàluiseulquenotresalon.

Une tape surma cuisse. C’est Aude quime tend un verre de champagne. Je neme suismême pasaperçuequel’onvenaitdenousservir.

Monportableavibrétroisfoisdansmapochedepuisquejesuisassise.Jesoupireenl’extirpantdemonslimétroitetjetteunœilàl’écran.

Alexis•3nouveauxmessages

Jelèvelesyeuxauciel,agacée,etmedécide,aprèsunelonguepause,àouvrirlepremier.

Alexis:[Rose,vas-y,décrocheceputaindetéléphoneouje…]

Jel’effacesanslirelasuiteetlesdeuxsuivantssubissentlemêmesort.Valentinpasseunbrasautourdemoi.–Décide-toiàchangerdenuméromabeauté!

Jehausselesépaulesetleregarde,désemparée.

–Aveclui,ilfaudraitcarrémentquejechangedeplanète...

J’enaimarredetoutça,tusais!

Ilresserresonétreinteetmesourit.

–Allez,c’esttonanniversaire,prendsunverreetéclate-toi!

Ilhausseletondesavoixrauqueetenchaîne.

–Lesfilles,onestlàpourquoicesoir?

Etonentonnetousensembleenentrechoquantnosverres.

–Onestlàpours’éclater!

Ilsontl’airsiheureuxquejemesensaufonddemoiobligéedefaireuneffortpoureux.

Onterminenosverresd’untrait.Valentinlancedesblaguessurlesgensquipassentprèsdenotretable.Je sensque l’alcool coule dansmesveines et la chaleur qu’ilmeprocuremedonneune sensationdebien-être.

Lasoiréesedérouleàmerveille ;on rigoledeplusenplus fort, sansprêterattentionàcequinousentoure.Jemesensbienetdétendue,quandjecommenceàavoiruneenviepressante.JemepencheversValentin.

–Val,tusaisoùsontlestoilettes?

Ilselèveàmasuite,sepencheau-dessusdelapasserelleetmemontredudoigtl’espaceentrelesdeuxbars.

–Dececôté,regarde.Netetrompepas:del’autrecôté,c’estlasalleVIPetn’yaquedesconslà-bas.

Ilsemarrebruyammentetlesfilleslesuiventdanssonélan.

Jem’éloigne.Enme retournant, je lesaperçois riredeboncœur. Ilsont l’airdéjàunpeuéméchés,c’estmarrant.Madémarchen’estplusaussiassuréequ’audébutdelasoirée;jemetiensàlarampepourdescendre.Lesgensmebousculentsansfaireattentionàmoi,cequialedondem’exaspérer.Jegrogneentremesdents.

J’arriveàl’endroitindiquéparValentin,maislaqueuesortjusqu’àl’extérieurdestoilettes.Jepassemamainsurmanuque,agacée,enprenantplacedanslafileetmauditintérieurementmonmanquedebol.Je jette un œil aux toilettes pour hommes, sans personne devant. J’aurais été un mec, ça aurait étébeaucoupplussimple!

J’ail’impressionétrangequ’onmeregarde,maisjemetsçasurlecomptedel’alcool.Jelèvelesyeuxversmesamisquidansentdeboutautourdelatable.Jem’aperçoisquejesouriscommeuneidioteetmeressaisis.Jejetteunœilàl’autrebout,ducôtédel’épaisrideaurougequi,jesuppose,nousséparerdesVIP.

Etlà, jemesensmal;d’uncoupmoncorpssevidedetoutsonsang.LemecàlaCadillacest là,àl’opposéde salle, regardant fixementdansmadirection.Machinalement, jedétaille lesgensautourdemoi,meredresse,avanceunpeu,carilyaunécartdevantmoidanslafile.Jeredonneuncoupd’œil,queje pense être le plus discret possible,mais il est toujours là, à regarder fixement dansma direction.Merde!Moncœurfaitunbonddansmapoitrine.Jenedistinguepaslacouleurdesesyeux,maismêmedesiloin,ilssontperçantsetintimidants.Aucuneexpressionnetransparaîtsursonvisage.

Jesensquelqu’unmepousserdansledos.Jemeretourneetlafillederrièremoimedemandepolimentd’arrêterdedormiretd’avancer.Jem’exécute,mesentantunpeuidiote,etentreenfindanslestoilettes.

Tiens,j’aimeraisquecesoitaussigrandcheznous.Toutestgrisiciaussi,saufqueladominanterougeestremplacéeparunrosefoncéassezflashy.Maisl’ensembleesttoujourssiharmonieuxetbiencalculé;doncforcément,çanepeutêtrequebeau.

Jeme dirige vivement vers des toilettes qui se sont libérées, repensant au regard de cemec et unfrissonmeparcourtencoreunefoisdespiedsàlatête.Maispourquoijepenseàlui?Encoreunconnardpleindetunesquicroitsûrementquetoutluiestdû!Jehausseunsourciletjerisensilence,melavelesmainsenmeregardantdanslejolimiroirenformedegoutte.Ahoui,jesuismaquillée!Jerisdeplusbelle.Jedevraismeforcerplussouvent,çameplaîtbeaucoup.

Je ressors tant bien quemal des toilettes, l’alcool nem’aidant pas à coordonner correctementmesmouvements…jetournemachinalementlatêteducôtédel’épaisrideaurouge.Iln’estpluslà…Jesuisdéçue.Jel’auraisbienregardéencoreunpeu…

Iln’yaaucunmalàseulement…regarder…

Maréflexional’airidioteenyrepensant,maissurl’instant,jelatrouvaistrèsappropriée.

Je n’ai pas encore atteins la passerelle quemon téléphonevibre. Je l’attrape,mais ilm’échappe etdisparaîtaumilieud’untasdepiedsquinesesoucientpasdecequivientdetomber.Jegrogneetjureenmêmetempsquejelechercheduregard.Jem’accroupistantbienquemalettendslebrasentretoutescesjambesquigigotent.

Non,maissérieux,personnenemevoitouquoi!Bandedecons!

C’estfoutu,mameilleureamielamauvaisehumeurestlàpourm’aiderdansmarecherche.

Mevoilàcommeuneidiote,presqueàquatrepattes,dansundeslieuxlesplusbranchésdelaville.

Ahlevoilà!J’allongemonbras,maisunemainautrequelamienneattrapeletéléphone.Jelèvelatêtevivement pour voir qui est en train deme piquermon portable. Jem’apprête à bondir, quand onmeproposeunemainsurmontéed’ungrosbraceletdecuirnoir,sûrementlàpourm’aideràmerelever.Jel’observeunmomentetl’acceptesansvraimentchercheràsavoiràquielleappartient.Aumoins,onaeupitiédemoi.

Je me redresse et jette un œil à mon bienfaiteur, mais recule d’un pas quand des yeux gris metranspercent de part en part. Ils sont magnifiques, légèrement en amande et d’une couleur acier trèsprofonde.Jesuisfigéecommeuneidiotedevantlui.Sescheveuxnoirscoiffésnégligemmentetsabarbenaissanteprovoquentenmoil’enviedeletoucher.

–Est-cequeçava?

Étonnamment,ilal’airinquiet.

–Euh…oui.

Jereprendsmesespritsetévitesoigneusementdeleregarder.Ilmerendletéléphone.

–J’aicommel’impressionquececit’appartient.

Jelesaisisd’ungesterapide,luisourisdiscrètementmerisquantàleregarderetjem’aperçoisqu’ilaluiaussiun légersourireaux lèvres, l’airamuséetqu’ilse frotte lanuquemachinalement.Cemecestvraimentintimidant!

Jeluilâcheunpauvre«merci»,leseultruccorrectcapabledesortirdemabouche.C’estàcemoment

précisqu’unefille,trèsgrandeettrèsbelle,avecunerobequipourraitserviràunepoupéetantelleestridiculement courte, s’accroche à son bras pour le tirer en arrière. Il tourne la tête par réflexe et larepousse,maisjeprofitedecemomentpourm’échapper,entendantvaguementauloinun«attend».

Jemonteleplusvitepossiblesurlapasserelleetfoncetoutdroitversmonsiège.Ouf!Jem’enfoncedanscelui-ci,soulagée.Jesuiscomplètementchambouléeparcequivientdesepasser;jesensencoresamainsurlamienne...

J’attrapeunautreverreetleboisd’untraitsansrespirer.Valentinmarqueuntempsd’arrêt.

–Tuenasmisdutemps!Lesfillessontpartiesdanserlà-bas.

Ilmedésignelapistedudoigt,ducôtédelasalleVIP.

–Euh…oui.Montéléphoneétaittombé.

JesuisencoretroubléetValentinpouffederire.

–Ehbien,çat’aplongéedansundrôled’état!

Ilmeregardeavecinsistance,maisnerajouterien.Pourtantjesensbienqu’ilnemecroitqu’àmoitié.Ilmedévisageencoreunefois.

–Onvasetrémousserunpeu?

Ilnemelaissepastropletempsdemedécideretm’attrapeparlebras.

Endescendant, j’observe le corpsgrandet fi ndeValentin avec ses cheveuxchâtainhérissés enunmouvementdecôtésursatête.Jesuiscomplètementretournéeàcausedudernierverrequej’aiavalé.Mêmesi,moiquin’aipasl’habitudedeboire,jetiensmieuxquecequejenepensaisetçamesurprend.

Onretrouvelesfillessurlapiste.Audesautedirectementprèsdemoietd’unœilcomplice,m’indiquedelatêtel’endroitàregarder.MesyeuxtombentsurSamentraindedanserlascivementavecunmecàquelquespasdenous.Jeréprimeunrireetrépondsauregardcomplicedemameilleureamie.

Lamusiqueestplutôtentraînante;jemelaisseporteretmêmesijenesuispasunegrandedanseuse,jene me débrouille pas trop mal. Aude répète toujours que, malgré que je ne sois pas la délicatesseincarnée concernant le vocabulaire, j’ai une grâce naturelle qu’elle m’envie beaucoup. Le rythmem’emporteetj’oublietout.

***

Je saisis mon téléphone, regarde furtivement les appels et messages manqués que j’eff ace sansremordsetréalisequ’ilestcinqheuresdumatin.Nousfranchissonsleseuild’unseulpas,moi,AudeetValentin. Quant à Sam, elle traîne derrière, sa proie de la soirée accrochée à la taille comme unaccessoiredemode.

Lefroidnousfouettelevisage;jem’empressed’enfilermavesteetlesautresm’imitentrapidement.JetanguelelongdelaborduredutrottoirmalgrélesoutiendeValentin,quiluin’abuqu’unverreàpeine,puisqu’ilconduit.Audesependàsonautrebrasetnousbaragouineuntrucincompréhensible.J’explosederire,maismajoieestextirpéeviolemmentdemoncorpsquandjeconstatequejesuistrempéed’enhautjusqu’enbas.C’estquoicedélire?

Horsdemoi, jehurleun«espècedeconnard», attrapemachaussured’ungestevif et empreintdecolère,labalancedetoutesmesforcessurlavoiturequim’aéclabousséeetquicontinuetranquillementsaroute.Jelaregardeatterrirsurletoitets’éloigneravecelle.

Je reste là, comme la dernière des idiotes, les bras tombant le long du corps, trempée comme unesoupe,avecuneseulechaussureauxpieds.Lamentable!

Untableauquicommenceàmesemblertropfamilier…

Valentinmedévisage,n’osantnirire,nidirequoiquecesoit.Jecourseraisbiencettefoutuebagnolenoire!...Maismoncorpsn’apasl’airdevouloirmesuivre.

Jeresteplantéesurplaceunmoment,dépitée.Audem’enlèvemavestetrempéeetmeposelasiennesurlesépaules.Valentinm’attrapeparlatailleetmetraînejusqu’àlavoituredansunsilencetotal.

Une vague de culpabilité me traverse quand je pense à ma chaussure que j’ai perdue comme uneimbéciletropimpulsive.

OnestcommetroisidiotsàattendrequeletrucaccrochéàSamanthaluifilesonnumérodetéléphoneetdaignebienlalâcherpourqu’ellenousrejoigne.Enfinaucomplet,Valentinsortdelaplacedeparkingets’insèredanslacirculation.IllancevolontairementduMuseàfonddanslesenceintes.

Unsourirepassesurlecoindemeslèvresetjeregardelavilledéfilersousmesyeux,repoussantleregardgrisacierquis’imposeàmoicontremavolonté.Jem’assoupis,bercéeparlamusique…

***

Àlasecondeoùj’ouvrelesyeux,monnouvelamilemaldecrâneestderetour.Jechercheentâtonnantautourdemoimontéléphonequitraînesûrementquelquepartdanslelit.Finalement,ilestposébienen

évidence sur la table de chevet. Je l’attrape, quand je réalise que je ne me souviens pas de m’êtrecouchée.

Je réfl échis et la soirée me revient en pleine face, d’un coup d’un seul, avec des images qui sebousculent,debeauxyeuxgris,lapistededanseetmoi,trempée.Jem’étireetregardel’heuresurmontéléphone.Ilestquinzeheures.Jegrimaceetjetteunœilàmacolocquidortcommeunbébé.Jelapoussedélicatementdupied.

Ilyaunmessagesurmonportable,maiscelui-làn’estpasd’Alexis.Jemeredressedanslelitetmefrotteunpeulespaupièrespourmeconcentrer.

NuméroInconnu:[Desivilainesparolesnedevraientpassortird’unesijoliebouche...]

Quoi?Jelerelistroisfois.Jenecomprendsabsolumentrien!Macolocposesatêtesurmonépaulepourregardercequial’airdemeperturberàcepoint.Ellelitàhautevoix,seretourneversmoiavecunregardlourdd’unmillierdequestionsetunpetitsouriremalicieuxauxlèvres.

–Nemeregardepascommeça!Jenesaisabsolumentpasquic’est!

Jehausselesépaules.

–Etbien,demande-lui!

Cequisembleapparemment,pourelle,vraimentfacile.

–Etsic’étaitencoreAlexis?

Ellehausseleton.

–Impossible!Ilestbientropbêtepourtesortiruntrucpareil.–C’estsûr,maisoùa-t-ileumonnumérocemec?

J’essaie en vain deme rappeler si j’aurais, sous l’effet dema soirée bien arrosée, pu laissermonnuméroàquelqu’un,maisrien...videtotal!

Jepianote,recommençantmonmessagepardeuxfois.

Moi:[Quiest-ce?Etcommentavez-vouseumonnuméro?]

Laréponseestimmédiate.Audetentedem’arracherletéléphonedesmains,parcequejenelispasle

message.

–C’estbon,jel’ouvre!Pousse-toiunpeu!

Jelarepousse,carellecommenceàs’écroulerlamentablementsurmoi.

J’ouvretoutdoucement,justepourl’énerverunpeuplus.

NuméroInconnu:[Jesuisl’espècedeconnardquidétienttachaussureenotage!]

Je reste commeune imbécile à fixer lemessage etAudem’imite.On se regardemutuellement sansavoirtropderéponses.Letéléphonevibreànouveau,accusantl’arrivéed’unautreSMS.

NuméroInconnu:[Rendez-vouscesoirauSaphirpourquejeterendel’otageenmainpropre.Pasderançonexigée.]

Jeregardemacopine,haussantlesépaulesetlevantlesyeuxauciel.Jenecomprendsabsolumentrien!

–C’estquoileSaphir?–C’estlebard’hier,espèced’idiote!

Ahbon!

Elleselèved’uncoupetmesourit.

–Jetrouveçacarrémentromantique;unrendez-vousavecuninconnu.

Elle se dandine, comme si j’avais décroché le gros lot à la loterie. Je lui balancemon oreiller enpleineface.

–Parcequetucroisquejevaisyaller?

Je lui ai dit ça sur un ton peut-être trop agressif,mais ellem’exaspère à vivre dans sonmonde deBisounours.Celanelachoquepaslemoinsdumonde...

–Biensûrquetuvasfoncer!Cesontteschaussurespréférées!

Ellelèvelesbrasauciel,commesic’étaituneévidence.

–Non,jen’aipasenvie.

Elleseplantedevantmoi.

–Enmêmetemps,jeterappellequetunepeuxpastepermettredeperdretaseulepairedechaussuresvalablepourlessorties.

Jehausseleton:ellecommenceàm’énerver!

–Etjerentrecommentlà-bas,sanstunesetsanschaussureshein?Petitemaligne!–J’avaiséconomisépourlasoiréed’hier,maisValentinatoutpayé,donconpeutyaller!–Commentça«on»?

Ellesautesurlelit,s’allongeantàmescôtés.

–Tunecroisquandmêmepasquejevaistelaisserallertouteseulelesoirdansunbaravecuninconnu!Imaginesic’estuntueurensérie!

Ellemebalanceàsontourlecoussin.Onéclatederireetunebatailled’oreillerss’improviseavantquejenerepenseauxchaussures.

–Jenevaispaspouvoiryallerenbasket!

Jememordslalèvre,nerveusement.

–Net’enfaispas,j’appelleSam.Ellefaitlamêmepointurequetoi.Enattendant,réponds-lui!

Elleseretournepourquelepoidsdesonregardpèsesurl’objetenquestion.

Jecherchequoiécrirependantquelquesminutesetmelance.

Moi:[OKpourcesoir.J’espèrequetun’espasuneespècedesadique!Jetepréviens,jeneseraipasseule!]

Laréponsemeparvientuneminuteàpeineaprèsl’envoidumessage.

NuméroInconnu:[J’auraispréféréquetusoisseule,maisjedoismerendreàl’évidence:jesuisunsadiquequi détient une chaussure enotage, doubléd’une espècede connard, donc jeme soumets à tavolontésansdiscussion.

ÀplusCendrillon!]

Jemesurprendsàsourire,jettemollementmontéléphonesurlelitetmedirigeverslesalonoùAudeestdéjàentraindetoutraconteràSamantha.J’ail’impressionqu’elleenrajoutedestonnes,quandmesyeuxpassentfurtivementsur lecadeauqu’ellesontcarrémentoubliédem’offrirhiersoir.Je lesecouedevantsesyeuxetjelavois,avecunairgêné,mefaireunsignemedésignantletéléphonedanslequelelleparleetunautrepourmedemanderd’attendreunpeu.

Jereposelecadeauetluifaiscomprendrequejefileàladouche.

L’eaucoulesurchaquepartiedemoncorpsetjemerendsàl’évidence:dansertoutelanuitm’alaisséquelquescourbatures.De fil enaiguille, je repenseàmavie,me torturantencoreunpeu. Jepassemamainsurmonpoignet,encoredouloureuxdemondernieraccrochageavecAlexis,legrandmaladequiapartagémaviependantdeuxans.

Jeme raisonneetmeconvaincsquedemain, je chercherai activementunboulot.Maismonventre araisondemoi:ilgargouilleetmeramènesurterre,m’imposantlebesoinélémentairedemenourrir.

Jesorsdelasalledebain.Macopineétanttoujoursautéléphone,jefouillelesplacardsenquêtedequelquechoseàmanger.Lebilanestplutôtmaigre:ilnerestequedescéréales.Jepréparedeuxbolsetjesuisagréablementsurprisedetrouverdulaitdansleréfrigérateur,àcôtéd’unfonddejusdefruitquejenousgarderaipourcesoir.

Hop, jeverse le lait et poseunboldevantAudequimegratifi ed’unclind’œil.Pourquoi est-elletoujours d’aussi bonne humeur ? Mon attention se reporte sur mes céréales que j’avale en quelquescuillèresavecavidité.

***

Ilestdéjàdix-neufheuresquandquelqu’unfrappeàlaporte.Audeétantsousladouche,iln’yaplusquemoipourouvrir.

J’entrebâillelaporteetdécouvreValentin,ungrandsourireauxlèvres,tenantdeuxsachetsdevantlui.Jerecule,enlèvelasécuritéetouvrepourl’accueillirchaleureusement.Iln’attendpasqu’onl’invitepourentreretleparfumquisortdessachetsestdivin.J’aitropfaim!

–Chinois,çatetentemapoupée?

Avecdegrosyeuxd’envie,jeluiarracheunsacdesmains.

–C’esttoil’hommedemavie!

–Ouais,jesais!

Ilprendd’unseulcoupunairunpeuplussérieuxetmemenace,sondoigtjustedevantmonnez.

–J’aieuSamautéléphone.Tuasdeschosesàmeracontermabeauté!Etavectouslesdétails!

Ils’assoitsurlecanapéetnemelâchepasdesyeux.Ilresteimperturbable,attendantpatiemmentquej’ouvre la bouche. Alors par dépit, je lui narre la fameuse histoire, qui pour moi, est complètementridicule.Enplus,ilsepermetd’allercherchermontéléphonepourlireparluimêmelesmessages.

AudernierSMS,ilbloque.

–Cendrillon !Ahouais,carrément !Ehbien il a intérêtà ressemblerauprincecharmantpour se lapétercommeça,celui-là!Net’enfaispas,jevousaccompagneaussi.

J’acquiesce,vuquej’aidéjàlabouchepleine.Ilm’examinedelatêteauxpieds.

–Tucomptesyallerenpyjama?

Jeregardevaguementmatenueethausselesépaules;çam’esttotalementégal!Jereplongelenezdansmaboîte.

Aude nous rejoint quelques minutes après, déjà maquillée et habillée, avec sa robe bleue que jeconnaisparcœur.JeluisourisetValentinetellessefontdesfilmstoutenmangeant,ouvrantlesparissurlatêtedumec.

Jenesaispastropcequilesmotiveàcepoint,maisjesuissûrequetoutçan’estqu’unebonneexcusepourserefaireunesortieetjemeréconfortemoi-mêmegrâceàcetteréponse.

QuandSamnousrejoint,ilestdéjàvingtetuneheure.Elleaussiestàfonddanscettehistoireidiote.

D’unseulcoup,ellenousregarded’unairexagérémentagacé.

–Bonalors,c’estquoicettebandedemollusques!

Ellemejettemoncadeaudanslesbras.Audeluiasûrementrappeléqu’ellesl’avaientoubliéhiersoir.

J’ouvrelepaquetetmeretrouveavecunboutdetissunoirdanslesmains.J’essayedetrouverl’utilitédecettechoseenlaretournantdanstouslessens.

Valentinmemurmureàl’oreille:

–C’estunerobe,idiote.

Jelèvelesyeuxaucielettoutlemondesemetàrire.

–Tulaportescesoir!

L’ordresorttoutdroitdelabouchedeSam.Jemelèved’unbond.

–Horsdequestion!Surtoutpourrencontrerunmalade!

Ils ont tous unmouvement de recul en voyantmon visage se fermer. Jeme radoucis. Il faut que jeprennesurmoi!

–Uneautrefois…promis.

L’ambiancesedétendànouveau.

SametAudeselèventetm’attrapentchacuneparunbraspourmetransportermalgrémoi jusqu’àlasalledebain.

Samanthameregardeunpeutropsérieusementàmongoût.

–Allezmabelle!Onnesaitjamais!Çafaitdeuxansquetuesseule.Ceconnardd’Alexisnevapaséternellementt’empêcherdevivre!

Ellemesourittendrementetjeluirends:jesuisd’accordavecelle.

Aprèsunlongmomentdetortureauqueljecommenceàm’habituer,mevoilàaveclemêmeslimnoirqu’hier,quequelqu’unapparemmentauraitnettoyéetfaitsécherpourmoi.Unhautcouleurortrèsmoulant.Unpeutroppeut-être.Jetrouvequemapoitrineetmeshanchesressortenttrop.Maisjeneformulepasderemarques,depeurdelesvexer,vul’airraviqu’ellesaffichenttouteslesdeux.

Samm’annonced’unairdésoléqu’ellen’apasdeballerines

etquejedevraimecontenterd’unpetittalon.Ellemetendlapairedechaussuresetjel’envisagesoustouslesangles.Jelesenfile.Ellessontconfortables,maisj’effectuequandmêmequelquespaspourêtrecertaine d’arriver à marcher. Aude me rattrape au vol et me rappelle qu’il faut que je passe aumaquillage.Pasmotivéedutout!

–Franchementnon,pastropenviecesoir.C’estdéjàbien!

Je désignema tenue d’un geste de la main. Samme détaille en réfléchissant, un doigt posé sur labouche.

–Tescheveuxaumoins?

UneffortRose!

–OK,allez-y!

Jem’assieds sur le lit. J’angoisse à l’idéede rencontrerun inconnu justepourunechaussure.C’estvraimentuntrucdedinguecequejem’apprêteàfaire.Heureusement,jeneseraipasseule!

Jesoupireetlaissemesassaillantessebattreavecmeslongscheveuxtoutemmêlés.Cettesituationestvraimentridicule.

Dansquellegalèremesuis-jeencorefourrée?

3.Trouble&tentation

«C’estimpossible,ditlafiertéC’estrisqué,ditl’expérienceC’estsansissue,ditlaraisonEssayons,murmurelecœur.»WilliamArthurWard

Il est vingt-deux heures trente quand la voiture démarre enfin. Je regarde mon téléphone. Aucunmessage,j’espèreaumoinsquecen’estpasunefarce.Monangoissegranditaufuretàmesurequel’onserapprocheduSaphir.Pourquoij’appréhendeautant?Cen’estriendutout;jesuisavecmesamis,jerécupèrema chaussure, unmerci et basta.Quoique, unmerci ?Et puis quoi encore !Ce connardm’aéclaboussée sansmême s’arrêter ! Voilà, ça y est je suis remontée sur du cent vingt volts. Quand jedescendsdelaMinij’inspireprofondémentetmesensplusfortequejamais.

Nousnousdirigeonsverslafiled’attentequi,jelereconnais,estencoreplusimportanteencesamedisoir.Çanemeravitpasdutout.Onseregardetouràtourunpeudégoûtésetlà,combledubonheur,ilcommenceàtomberunesortedepluiefineettrèsdésagréable.

Chacundenousrâleetpestecontrecesaletempsetcettefiled’attente.Undesgrosbrasdel’entréesebaladelelongdecettefileinterminable,sûrementpourcalmerlesespritsquirisquentdes’échauffer.Jeremarquequebeaucoupsontsortisdesrangsetsontcongédiéessansménagement.

Ilserapproche;jepousseSamducôtédelacorde.Danssajolierobenoire,elles’abritetantbienquemalsoussavestepourprotégersacoiffure. Ils’arrêteprèsdenous.Jebloquemarespiration.Mais ilouvrelacorderougeetnousordonnedesortirdelà.

Je regarde les filles d’un air désolé ; j’aurais dûmemaquiller, c’est dema faute à tous les coups.J’espèreaumoinsqu’ellesnevontpastropm’envouloir.

Monsieurgrosbrasseretourneversnotregroupe,sepencheversmoietnoussortd’unegrossevoix:

–Suivez-mois’ilvousplaît,monsieur,mesdames.

Ilnousindiqueledevantdelafile.Nousrestonsunmomentbloquésetaucundenousnebouge.Samavancesoudainement,peurderien.Onluiemboîtelepasennousinterrogeantduregard.

Ilnousescortejusqu’aurideaurougeetlesoulève,nouspriantd’entrer.

Jemetourneversluiaulieudepasserlerideauetosequelquesmots:

–Excusez-moi,maisjepensequ’ildoityavoiruneerreur.

Onn’estpas…

Ilmecoupeavantquej’aieletempsdecontinuer.

–Non, iln’yapasd’erreurmademoiselle.Tout aété réglépourvousetvosamis.Votre tablevousattend.

Jemerisqueàlecontredire,maisilmefaitsigned’avancer.

Puisqu’ilinsiste!

–Votretableestparlà.

Ilmedésignedelamainunetableavecdesamusesgueulesetduchampagne.Mesamisseprécipitentsansseposerdequestions,alorsjelesrejoins.

Jem’assiedsprèsdeValentinenboutdefauteuil.

–Dis-moiVal,ceneseraitpastonpèretoutça?

Jebalaielatableduregard.

–Nonjenepensepas,ilm’auraitavertietenplusjen’avaispasprévudevenirdonciln’estmêmepasaucourant.Samnoustoisecommedesidiots.

–C’estsûrementuneerreur,alorsonenprofiteavantqu’ilss’enaperçoivent!

Ellegloussecommeuneidiote,s’enfilantduchampagnedeboncœur.Jefinisparmedétendre,savourequelquesverresetamusesgueulesvraimentdélicieux.

L’endroitestplutôtagréable.Lescanapésnoirssontbeaucoupplusspacieuxquedansl’autresalle.Desrideaux rouges font le tour de la pièce. Il y a peu de tables.Une autre est occupée par un groupe depersonnesquitranspirentlefricàpleinnezetrienqu’àleursgestes,onendevinebeaucoupsureux.Ils

parlentfortetavecdesmanièrescomplètementridicules;ilsmefontrire.

Je cherche en vain un élastique dans mes poches pour m’attacher les cheveux. La chaleur due àl’alcool,plusl’atmosphèreambiantemedonnentchaud.Pasmoyend’entrouverun.Jerâleetm’aperçoisqueSamsourit.Ellemetoisedel’autreboutdelatable.

–EhCendrillon!Etsioncherchaitleprincecharmant?

Ilnerisquepasdetetrouverici.

–Arrêtedem’appelercommeça,c’estnul!

J’empoignemon téléphone. Il est déjàminuit et aucunenouvelle. Jeme lève. J’aimeraisbienquandmêmerécupérermaballerine.

–OK,onfaituntour.

JemetourneversAudeetValentinquisontenpleineconversation,lesquestionneduregard.

–Onvousrejointaprès,allezfaireunrepérage.

J’ailesentimentdem’êtrefaitavoir:Samaraison,ilnerisquepasdemerendremachaussureici.AlorsnouspassonslerideauVIP,sansêtrevraimentsûrequel’onpourraretourneràl’intérieurparlasuite.

Samm’attrapelamainetm’entraîneàtraverstoutelapistededanse.

–Alors,tulevois?

Jelèvelesyeuxauciel.

–Nesoispasidiote.Jenesaispasàquoiilressemble,commentveux-tuquejelereconnaisse!

–Ahoui!Etbienviens,onvadanser,lui,iltetrouvera.

Ellericanecommeunegourde.

Nousvoilàsurlapiste.Jemesensbeaucoupmoinsàl’aisequeladernièrefois,sûrementparcequej’aimoinsbu.Ilyatellementdemondequelaplacepourdanserestassezrestreinte.J’aienviederentrer!

Unebonnedemi-heures’écouleavantquejen’arriveàmedétendre.Lamusiquemetransportepeuàpeuquandjem’aperçoisqueSams’esttrouvéunnouveaucompagnondesoirée.

Ahcelle-là!

Jecontinueàdanserseuleetjem’enfiche.

Je me remémore les paroles de mon amie « ce connard d’Alexis ne va pas t’empêcher de vivreéternellement!»Elleaentièrementraison!

Jeregardelesgensautourdemoiavectouscessouriressurleursvisagesetjemelaissealler.

Montéléphonevibredansmapoche.Jelesorsetregardelemessagequejen’attendaisplus.

NuméroInconnu:[Jenemelassepasdeteregarderdanser.]

Jestoppenetscrutantlafouleautourdemoi.Maisrien.Personnenemeprêtevraimentattention.Samrevientàmescôtésavecsonnouveauboyfrienddujour.Ellesepencheversmoi.

–JeteprésenteThomas!

Celui-cim’offreunlargesourire.Jeluirépondsparpolitesse,maisavecSam,ilyenatellementeuquejenemefatiguepasàfaireconnaissance.Ellemedonneuncoupdecoudeetunmecseplanteentrenousdeux.

–Etça,c’estsonamiLéo!Vouspourriezfaireconnaissance.

Elleafficheunsouriredigned’unestardelatélé.JesoupirelourdementsansqueLéoneleremarque.Lagalère!

Ilserapprocheetcommenceàdanserprèsdemoietmeposequelquesquestionsauxquellesjerépondsparpolitesse.JeremarqueauloinAudeetValentinsefrayeruncheminaumilieudelafouleetjesuispresquesoulagée.Maisilsseséparentetàcemomentprécis,jecomprendsquejesuisfichue:jevaismelecoltiner!

Léosecolleàmoi. Je tentede lui fairecomprendrequeçanem’intéressepas,maisen sentant sonhaleinealcooliséejemerendscomptequejefaisçaenvain.Commentvaisjemesortirdecepétrin?

C’estàcetinstantqu’unemainattrapelamiennefermementetmetireversl’arrièreavecbeaucoupdeforce.Dansunpremiertemps,j’aileréflexederésister.Maisaufinalçam’arrangebiendem’éloigner

deLéo,alorsjemelaisseemporter.

***

Je vais tomber si je n’arrive pas à me retourner. J’accomplis un effort surhumain pour garderl’équilibre.Cettemain quime tient n’a pas l’intention deme lâcher. Je n’aperçois qu’un teeshirt noirdevantmoi,dessinantdelargesépaulessurplombéesd’unetêteauxcheveuxnoirsenbataille.

Jenesaispaspourquoi,maisjecontinueàsuivrecetypesansaucunepeur;cequiestétrangeetàlafoisexcitant.J’aiuneimpressiondedéjàvuetjemeplaisàrêverauxmagnifiquesyeuxgrisd’hiersoir.

ArrivédevantlerideaurougedesVIP,ilseretourneetplantecesmêmesyeuxacierdanslesmiens,àquelques centimètres seulement de mon visage, un petit sourire aux coins de ses lèvres parfaites. Jefrissonneetrestelà,figée,unmomentquimeparaîtuneéternité.

Ils’approchedemonoreilleetmurmured’unevoixdoucequimesemblepresqueirréelle:

–J’aiquelquechosequit’appartient.

Non,nemeditespasquec’est lui !Monsangne faitqu’un tour lorsqu’ilme tirede l’autrecôtédurideaurouge,nemelâchanttoujourspaslamain.

Ilmefaitasseoirsurlecanapédenotretable,melâcheetseplaceàcôtédemoiavecunedésinvolturenaturelle. Ilmesertunecoupedechampagned’ungesteassuréetme la tend.J’observechacundesesmouvements.Ilestd’unebeautéàcouperlesouffle,jen’arrivepasàsortirunmot!Jesaisislacoupeetlaboisd’untraitpourmedonnerunpeudecourage.

Ilmeregarde,étonné,avecunhaussementdesourcil.

–Ehbien,tuasdrôlementsoif!

Ilritenaffichantunsourireparfait,peut-êtremêmetropparfait...

Jemereprends.Cemecnedoitpasêtrebiennet,sûrementundragueurdugenredemaSam,versionmec.Maisenfin,ilmeveutquoicelui-là?

Ilm’observe,sonsouriretoujoursaccrochéauxlèvres.

–Tun’espastrèsbavarde,maistun’espasmuette,ça,c’estsûr!

Je suisunpeugênéeparcette réflexion.Eny repensant, toutcequ’il aentendudemoi, ce sontdesinsultesaubordd’untrottoir.

Jemeredresseunpeu.AllezRoseunpetiteffort.

–Oui,jesaisparler.Maistoi,tunesaispast’excuser!

Jeluireprocheçad’untonsecquial’airdel’amuser.

–TunetrouvespasquevousaccueilliravectesamisenVIPpourraitêtreunemanièredeprésenterdesexcuses?Jehochelatêtevaguementsansluidonnerraison.

Je suis surprise que l’attention vienne de lui,mais ce ne sont pas des excuses à proprement parler.Alorsj’enchaîne.

–C’estunfait,maismelaissertrempéecommeunemalpropresurleborddelarouteetenplusmefaire tourner en bourrique, c’est abusé. Tout ça alors que tu aurais pu simplementme demandermonadressepourmerenvoyermachaussure!

Jememordslalèvre,cherchantmesmots.Lacolèremontantenmoi,jecontinue.

–Etçarimeàquoitoutça?Commentas-tueumonnuméro?Tuveuxquoi?

Il a l’air un peu surpris, mais m’adresse un petit sourire qui me fait fondre intérieurement. C’estdéloyal!

Ilmeressertunverreetserapprochedemoi,toujoursaussicalmement.

–J’avaisenviedeterevoir,alorsj’aifaitsonnermontéléphoneavecletienquandjel’airamasséparterre.Pourcequiestdel’arrosagenonprémédité,celaauraitétéunplaisirdet’aideràteséchermoi-mêmesij’avaispu.

Ilmarqueuntempsd’arrêtetpassesalanguesursalèvreinférieure,cequimefaitfrémiretmetroubleauplushautpoint.

Ilreprendtranquillement.

–J’étaistrèspressé,alorsladélicatesseaveclaquelletum’asoffertuneexcusepourtecontacteresttombéeàpic.

Sonsourireestéblouissant.Jesuisintimidée,maisj’essaiedenepaslemontrer.

Notrepetittête-à-têteestinterrompuparmesfuriesdecopinesarrivantenchancelantjusqu’àlatable.Ellesstoppentnet.AudealaboucheentrouverteetSamdétaillemonvoisindesiègedehautenbas.

Illessalue,lesinvitantàs’asseoir.

Samanthasecollepresqueàluienledévisageant,commes’ilétaitunextra-terrestre.

–Tuneseraispas…jeeuh…enfin,tuesGabrielnon?

Illuiconfirmed’unsignedetêteetsefrottelanuque,commes’ilétaitunpeugêné.Elletrépignedejoieetn’arrêtepasdetouchersonbrastatoué.Iln’avraimentpasl’airtrèsàl’aise.Audeetmoi,nouslesregardonstouràtour,necomprenantstrictementrienàcequisepasse.

Ilselèverapidement,sûrementagacéparSamanthaquiledévoredesyeux.

–Mesdames,jevouslaisseprofiterdecettesoirée,commandezcequivousplaît.

Ilserapprochelentement,meregardantavecinsistanceetsepencheversmoi.Jeretiensmonsoufflelorsqu’ilplantesesyeuxmerveilleuxdanslesmiens.Jevoudraisquecemomentdurel’éternité…

Ilposedélicatementsamainsurlamienne.Cecontactéveilletousmessensquejecroyaisjusqu’alorséteints à jamais. Mes joues doivent s’être empourprées. Je perds pied quand sa voix envoûtante meramèneàlaréalité.

–Pourrais-jeconnaîtreaumoinstonprénom?

Sesyeuxsontinterrogateursetcommechargésd’espoir.

Jeretrouveavecdifficultélafacultéderéfléchir.

–Rose…jem’appelleRose.

Lesmotsquej’aiprononcésmesemblentpresqueinaudibles.

Jem’enveuxd’êtreaussiquicheencetinstant.

Maisila,apparemment,trèsbienentendu.

–Charméd’avoirpassécepeudetempsavectoiRose.

Ilresserresamainsurlamienne,lasoulève,yposantdélicatementunbaisersansmequitterdesyeux.Jerestecomplètementhébétée,leregardantsedirigerverslasortied’unpasassuré.Pincez-moi,jerêve!

ValentinentreenseretournantsurlepassagedeGabrieletnousobserveensecouantlesmains.

–Ohla,maisilesthotcemec!

Samselèved’unbondenhurlantpresque.

–Jen’ycroispas!Nonmaissérieux,jen’ycroispas!

C’étaitGabriel!Ilestchaudcommelabraisecemec!

Ellenetientplusenplaceetsetortilledanstouslessens.

–C’estuntrucdedingueRose.Tuterendscompteaumoins?

EllemedévisagependantqueValentinnousinterrogeduregard.

–Jedoismerendrecomptedequoi?

Jesuisencoreperchéesurmonpetitnuagedouillet.

–Maisattends,réveille-toimachérie!Cemecestunputaindemodèlephoto,c’estunepurebombe!

Elleinsistebiensurchaquesyllabe.Audes’éventefurieusementaveclacartedesconsommations.

–Ahbon?

C’esttoutcequisortdemabouche.Jen’aipasenviedeparler,justederesterlàetqu’onmefoutelapaixpourréalisertranquillementcequivientdesepasser.

Audereposelacartedevantelle.

–Ilestàtomberparterre!

Ellemesortçadansunsoupirnonréprimé.

–Nemeditpasquec’estsursavoiturequetuaslancétachaussurequandmême?

Jememordslalèvre,mesentantcoupabletoutàcoupd’uncrime.

Les regards qui se posent surmoi avec un tel poidsmedonnent l’impression que je rapetisse et jem’enfonceplusprofondémentdanslemoelleuxcanapé.Jelesobservelancerdesvannessurmaconduited’hieret spéculer sur lemecaucorpsd’Apollonquim’aeffleuré lamaindeses lèvres.Quand toutàcoup,montéléphonevibre.

Jelesorsavectouteslesprécautionsdumonde,espérantunmessagequejemesurprendsàdésirer.Ilfautquejemerendeàl’évidence:jen’attendsqueça,unautremessage!Jesoupired’agacementquandlenomd’Alexiss’affichesurl’écranetgrimaceinvolontairement.

Mesamisnemecalculentmêmeplus.Ilssontàfonddansleurpetitdélire.J’effacelestroismessagesquejenelismêmepasetmonregards’attardesurlenumérodeGabriel.

Jel’enregistreavecunpetitsourire.

Mesdoigtstapotentmachinalementunmessageetjel’envoie.

Moi:[Etmachaussure?]

Jeregretteaussitôtcesmsnullissime.Maisquelleabrutiesérieusement!

Ilsepasseuneéternitéavantquemontéléphonevibreànouveau.Jeleregardeavecangoisse,c’estlui!

Gabriel:[Sijetedisquejesuisvolontairementrepartiavec,tum’envoudras?]

Jerelisletexteunnombreindéfinidefoisetmedécideàrépondre.

Moi:[Non,jenepensepas.]

Chaquemessagequej’envoieesttotalementridicule.Jesoupire.Laréponsearriveassezvite.

Gabriel:[Tuvasêtreobligéedemerevoir,est-cequetut’enrendscompte?]

Je regarde autour demoi.Mes amis sont toujours occupés et je n’ai pas très envie de partager cemoment.Unechaleurenvahitmesjouesrienquedepenseràlapossibilitédelerevoir.

Moi:[Ouijem’enrendscompte.Maisjetrouvel’idéeplutôtagréable.]

Jemedemandesijenesuispastropdirectelà.Montéléphonevibreencore.

Gabriel:[Iln’yapasqueçaquetupourraistrouveragréableRose...Nerougispas…]

Jerestelaboucheouverte,àlafoisoffusquée,maisaussitrèsintriguéeettourmentéeparcemanquedetactquimefait imaginerdes tasdechoses.Jerepoussetoutçahorsdemonespritetsèchetotalement,décidantdeneplusrépondrepourcesoir.

***

Leréveildemacolocsonne,m’extirpantbrutalementdesdouxbrasdeMorphée.Jelasensseleverpéniblement à côté de moi, mais je fais semblant de dormir. Je n’ai plus envie de répondre à sesquestions.Hier,onestrentréesverstroisheuresdumatinetenarrivant,elleavoulutoutsavoir,danslesmoindresdétails.

Après ça, j’ai revécu la scène un nombre incalculable de fois etme suis posé un nombre infini dequestions.

J’entendsl’eaudeladouche,enprofitepourouvrirlesyeuxetattrapemontéléphonepourvérifiersimonimaginationnem’apasjouédestours.Maisnon,lesmessagessontbeletbienlàsurl’écran.Jelesrelisplusieursfoisetdespapillonsm’envahissentleventreavecunegrandeferveur.

Quiestcemec?Unmodèlephoto?Samanthaenest-ellevraimentsûre?Ilesttropparfaitpourêtreréel.Oualors,ilabeaucoupdechosesàcacher!Est-cequejevaisvraimentlerevoiroujemefaisdesidées?Pourquois’intéresse-t-ilàmoi?

Toutescesquestionsm’arriventenpleineface,commeunevagueenpleinetempête.J’ail’impressionquej’étouffe.Jedécidedemeleverpourmechangerlesidées.

Àpeinedebout,mes jambes flageolent. Jeme rassiedsun instantauborddu litquandAudesort entrombedelasalledebains.

–Coucou,biendormi?

Ellem’observeducoindel’œilenpréparantsesaffairespourleboulot.

–Oui.

Jemenspouréviterlesquestionsetj’ajoutemachinalement.

–JevaispréparermesCVpourdemainetm’occuperduménage.

Ellemeregarded’unaircompatissantquejedéteste.

Jecommenceparmepréparerunthé,pendantqu’Audesedirigeversl’entréeetmerappellequ’ellenerentreraqu’àvingt-troisheuresduboulot.Jeregardelapenduleau-dessusdelatélévision.Iln’estqueonzeheures.Lanuitaétécourte,trèscourte.

Mevoilàseuleavecmoi-même.Jefixematasseunlongmomentavantdemedécideràboire.Lesyeuxgrisaciertententencoredes’immiscerenmoi,alorsjemelèveetrange.Aupassage,j’allumelamusiquepourmeforceràpenseràautrechose.

Àquatorzeheures,jem’arrête,fièredemoi.Notrecheznousestpropreetrangé.JelanceunemachineàlaveretenvoieunmessageàValentinpoursavoirs’illuiestpossibledem’imprimerquelquesCV.

Oùpostuler?Jen’arrivepasàréfléchircorrectement,alorsjefilesousladouche.

Quandjesorshabilléeavecunjeans,untee-shirtBasicetcoifféd’unchignonfaitàlava-vite,iln’estquequinzeheures.LetempsparaîtinterminableetlamusiquedePortisheadquis’échappedesenceintesavecun«givemeareason»neparvientqu’àajouterunpoidsàmonestomacdésespérémentvide.Jefarfouilledanslesplacards.Maisilfautserendreàl’évidence:iln’yaplusrienàgrignoter.Jeme

prépare donc un autre thé pour combler le vide.Mon téléphone vibre sur la table du salon. Je sautedessus et l’attrape. Mais ce n’est que Valentin. Je soupire. Pourquoi suis-je déçue ? À quoi jem’attendais,franchement?

JelislaréponsedeValentin;ilpréparemesCVetpasseram’amenerçacesoir,aimeraitsavoirsij’aiuntrucàmangeraujourd’hui.Jesuismalàl’aise.Celafaitplusdedeuxansquerégulièrementilnousapportedequoimanger à causedemes conneries. Jemedemande commentAudearrive encore àmesupporter...Jeluirépondsque«oui»,mêmesijemeursdefaim.Jem’allongesurlevieuxcanapéquin’estplustrèsconfortableetjecroisquejem’endorspresqueinstantanément.

Jesuisréveilléeparunpetittambourinementàlaporte.Jereconnaisinstantanémentlafaçondefrapperde Valentin. Je me précipite pour ouvrir, soulagée de ne plus être seule avec moi-même. Il est toutsourire, entre avec une assiette recouverte de papier d’aluminium. J’observe obstinément l’assiettependantqu’ilmeracontesajournée.

Ilmedésigneleplatdanssamainavantdelaposer.

–Sers-toi,mamèreafaitdescrêpes.J’étaiscertainqueçateplairait!

Jen’aipasattendulafindesaphrasequej’enaidéjàunedanslabouche.Ilmejuged’unseulregard.

–Tuestropmaigreencemoment.IlvafalloirteremplumerRose.

Jen’aimepasquandilm’appelleRose,celaveutdirequ’ilestsérieux.

–Ilfautdéjàquejeretrouveduboulotpouraiderpourlesfactures.Çacommenceàs’accumuler.

Je lui désigne de la tête la porte du frigo où sont accrochées au moins cinq lettres de relancedifférentes.Jeregardemachinalementmontéléphonepourlaénièmefoisdelajournée.

–Alors,desnouvellesdubeaubrunténébreux?

Jehochenégativementlatête.

–Tiens!Dis-moicequetuenpenses.

Jeluilancemontéléphone.

Jemeressersunecrêpeetlelaisselirelesmessages,cequ’ileffectueprécautionneusement.

Unimmensesourireluiilluminelevisage.

–Commentilt’allumelemec!Pourquoitun’aspasréponduauderniermessage?–Euh…qu’est-cequetuveuxquejerépondeàça?Jeneleconnaismêmepas!–Benquoi.Unplanculçanet’intéressepas?

Jesecouefrénétiquementlatêted’unnoncatégorique, toutenleregardantlesyeuxgrandsouvertsetpuisjeréfléchis.

–Tucroisquejesuisprêtepouruntrucpareil?

Jemelancedansquoilà?Jecommenceàperdrelaraison!

–Maisbiensûrqueoui!Tuasvucommenttuesgaulée?Lemecadûrêverdetoitoutelanuit!

Jegrimaceàsespropos,maiscelanel’empêchepasdecontinuer.

–Tuesplusqueprête,moij’ensuissûr!Samm’aracontéquequandvousvousregardiezhier,lapièceauraitpus’embrasersionvousavaitlaisséjusteunpeupluslongtempsfaceàface.

Ilal’airtrèsfierdesatirade,passelamaindanssescheveuxetcontinue.

–Regarde-moiRose.

Jemeretourneverslui.

–Tuenasbesoinpoupée.Touslesmecsquetuaspurencontrercesdeuxdernièresannées,Alexislesfaitfuir,etça,aumoins, ilnepourrapaslesavoir!Etpuissivraimenttun’espasintéressée, jepeuxtoujoursmesacrifier!

Sursesdernièresparoles,ilexplosederireselaissanttomberlourdementsurlecanapé.

Jem’allongeprèsdeluietonregardeleplafond.Ilmeprenddanssesbraspourqu’onréussisseàteniràdeuxsurlecanapé.Jeréfléchislonguement,sansunmot.Ilal’aird’attendremaconclusion.Toutçanemeressemblevraimentpas...

Jemeredresse.Valentinesttoujoursallongéetmefixesansunmot.

–Allez,dis-moicequejepeuxrépondre.–Sérieusement?

Ilseredresseets’assiedprèsdemoi.

–Oui,dépêche-toiavantquejenechanged’avis.–Dis-luiquecen’estrienparrapportàcequetoitupourraisluifaire!

Ilestdingue!Jesecouelesmainsfrénétiquement.

–Non,c’esttropdirect,jenevaispasgérerletruc!Çafaitplusdedeuxansquejen’aipersonne.Tunet’imaginespasàquelpointj’appréhendelesimplefaitd’êtreembrassée!

–Mouaisattends,jeréfléchis.

Ilsaisitletéléphone.Celui-civibredanssamain,illeregardeetuninstantaprès,mesouritenmeletendant.

–Jecroisqu’ilarégléleproblèmepournous.

Jememordslalèvremachinalementetattrapeleportableavecdesyeuxpleinsd’envie.

Gabriel:[Rose,pourquoineréponds-tupasàmonmessaged’hier?Sijet’aioffusqué,jem’enexcuse,maisnemetorturepaspluslongtemps…réponds-moi.]

Valentinsepenchesurmonépaulepourregarder.

–Ohçasentbonpourtoiça!

Ilmechatouilleetonpartdansunéclatderire,presquenerveuxpourmoi.Jecroisquerecevoircemessagem’aenlevéunpoidsconsidérable.

–Qu’est-cequejeluiréponds?–Dis-luiquetuasenviedelui!

Jeluijetteunregardmauvaissuivid’uncoussinenpleinefigure.

–Allezarrête,c’estsérieux!

Ilmepiquemontéléphonedesmainsettapote.

–Tumemontresavanthein?–Maisoui,net’inquiètepasetlaisse-moimeconcentrer.Jesuisattentiveàchacundesesgestes.

Moi:[Tetorturerseraitunplaisir,maisilfaudraitdéjàpouvoirtetoucherpourcela...Là,jerougis…]

Jeregardelonguement lemessageécritparValentin, j’hésiteunmomentetappuiesur«envoyé»enpoussantunpetitcriaigu.Jesuiscomplètementfolle!

Valentinmeregardefixement,laboucheouverte.

–Jen’ycroispas,tul’asfait!–Moinonplusjen’ycroispas!

Jepouffederire,cequimerappellevaguementSametsesriresidiots.Leportablevibreànouveau.

–Lis,toi!

Jepousseleportableverslui.J’ailesjouesenfeu.Illittranquillementlemessageetletenddevantmesyeux.–Çavateplaire!Regarde,petitechanceuse.

Gabriel:[Nemedispasdeschosescommeçaquandjebosse.Jen’aiqu’uneenviec’estd’envoyertoutbaladeretterejoindre!]

Jecachematêtedansmesmainspourdissimulermonsourireidiot.Leportablevibredenouveau.

–Encore!Ilestaccromaparole!

Jetrépignesurplace.Valentins’accrocheàmonépaule,presqueaussiimpatientquemoi.

Gabriel:[Dis-moiquedemainsoirtueslibreettouteàmoi.]

J’enchaînesansréfléchir.

Moi:[Jesuislibredemainsoirettouteàtoi!]

Valentinmeserredanssesbrasdeboncœur.Lapaniquemesaisittoutàcoup.

–Jevaisporterquoi?Ohlala,jen’airiendecorrectetencoremoinsdessous-vêtementspotables.

Lahonte!Jemerecroqueville,serrantmesjambescontremoi.

–Net’enfaispas,tuasunerobeflambantneuveetpourlessous-vêtements,onsechargedeçademain.Je ne t’ai pas encore offert de cadeau pour ton anniversaire, j’attendais de trouver quelque chosed’adéquatetbienlà,jepensequej’aimonidée!

Jeleregarde,lesyeuxpleinsdegratitudeetd’amour.Ilvavraimentfalloirquejeporteunerobe?

–Qu’est-cequejeferaissanstoi?

–Rien.Tun’esriensansmoipoupée!

Nosriressontteintésdesoupirsdesoulagement.Unmessagearrivedenouveau.

Gabriel:[Jetedonnel’heuredemain.Ilfautquejeconsultemonplanning.Netefaispastropbelle,jedétestequandtoutlemondeteregarde!]

Mon cœur est complètement affolé dans ma poitrine, le rythme est totalement irrégulier. Je ne

comprendspastropcequisepasse.Mesmainssontmoites.L’appréhensionm’attrapeàlagorgeetserrecruellementplusfortàchaquesecondequis’écoule.

Laportes’ouvreavecfracasetmevoilàsurlaterreferme,réalisantquejesuistoujourslà,assissesurlecanapé,lesyeuxrivéssurlederniermessaged’unmecténébreuxetincendiairequimefaitperdretousmesmoyens,mêmeàdistance.

Audechantonneun«salut»enjetantnégligemmentsonsacparterre.Ellenousregarde,lamainposéesursahanche,unairgravesurlevisage.

–Qu’est-cequisepasse?Vousentirezdestronches!

JeremarquequeValentinmedévisagecommesijevenaisdemetransformerenquelqu’und’autre.

Monsourireréapparaîtsurmeslèvres.

–Tum’asfaitpeurpoupée,tuasfaitunedecestêtes!J’aicruquetuallaistesentirmal.

Ilmeregarde,assezdérouté,puissetourneversAude.

–Tuasmanquépleinsdechoses.Assieds-toiilfautquejeteraconte,c’estuntrucdemalade!

Valentinestmonmeilleuralliéquandils’agitderacontermavie,cequim’évitedeseffortsquejen’aipasforcémentenviedefaireàcertainsmoments,précisémentcommeaujourd’hui.

Ils’agite,exécutedegrandsgestesdanstouslessens.Audesourit,puisrit,tapedanssesmainscommeuneenfant,maisbizarrementjen’entendsriendeleurconversation.Dansmoncerveau,sebousculentenpagaille tous les événements de ceweek-end. Je n’arrive plus trop à savoir si je doisme réjouir oulaissermavilaineangoissereprendreledessus.

Je n’ai jamais eu de chance jusque-là, alors pourquoi ça changerait ? Qu’est-ce qui va encoremetomberdessus?Àchaquefoisquequelquechosedebienm’arrive,celasetermineirrémédiablementparunecatastrophe.

4.Paniqueàbord

«Étrangesensationquel’angoisse:onsentaurythmedesoncœurqu’onrespiremal,commesionrespiraitaveclecœur…»AndréMalraux

J’aichaud,quelquechosem’empêchederespirer.Jemedébatsdetoutmonêtrepourenleverlesmainsquimeserrentlecousifort.Onm’empêchedebouger;jenetrouveplusmonsouffle,jemesensmal,simal…

Je me redresse vivement et je réalise que je suis dans mon lit, trempée de sueur. Je retrouve unerespirationpresquenormale,mepasselamainsurlecou.Iln’yariennipersonnedanscettechambre.

Mais quelle heure est-il ? J’attrapemon téléphone : huit heures. Je recouvremes esprits un instant,regroupantmescheveuxderrièremesoreillestantbienquemal.

Je me lève et me dirige vers le salon, m’apercevant qu’Aude et Valentin se sont endormis sur lecanapé.Jemeprépareunthécaramelleplussilencieusementpossible.Jem’assiedssurunpoufetsiroteenlesregardant,heureuseaufonddemoidelestrouversipaisibles.Jerestelàaumoinsuneheureàlescontemplerquandmontéléphonesonne.Jerépondsmachinalement.

–Allô.

Jesuissurpriseparmavoixenrouée.

–Rose!Ilfautquejeteparle.Arrêtedem’évitercommeça!

Uncoupviolentmetraverseleventredepartenpartquandjereconnaislavoixd’Alexis.

–Tonpetitjeunetemèneraàrien.Tusaisquetunepeuxpasm’échapper!Tuesàmoi,tum’entends!

Ilal’airfuraxcommeàsonhabitude.Jesuisincapabled’articulerlemoindremot.

–Rose!Réponds-moibordel!

Ilhurledansmonoreille.J’éloigneleportableengrimaçant.

Aucunsonnesortdemagorge.J’ailanausée.Jesensqu’onm’arracheletéléphonedesmains,etlèvelesyeuxversAude.

–ÉcoutemoibienAlex,yenamarredetoncinéma.Elleneveutplusdetoi!Faistavieetoublie-la!Jevoisdelacolèredanssesyeux.Sestraitssont tiréset jenel’ai jamaisentenduparleraveccette

intonationglaciale.

Elleécoutelesbeuglementsquisortentducombiné,lèvelesyeuxauciel,exaspérée.

–Jet’aiavertiladernièrefois.Siturappliquesencoreici,j’appellelesflics,tuentends!

Surcesderniersmots,elleraccroche,balanceletéléphonesurlecanapél’airexcédéetfonced’unpasdécidéverslasalledebain.J’entendsclaquerlaporteetladouchecouler.

Valentinaassistéàlascènesansprononcerunmot.Ilmeregarde,l’airdésolé.

–Tusais,ilvafalloirqu’onletue,jecrois!Ontrouverabienuneidéepoursedébarrasserducorps!

Jelescrute,n’étantpassûred’avoirbiencompris.Puisilritetjel’imite,soulagéeencomprenantqu’ilsouhaitaitjustedétendrel’atmosphère.

–Filetepréparer.Jerepasseàlamaisonmedoucheretonvasefairelesboutiques.

Ilselève,attrapesonsacetseretourne.

–Jetelaisseuneheure.Àtoutebeauté!

Audesortenfinde lasalledebain, toutsourire,commesi riennes’étaitpassé. Jenecomprendraijamaiscommentellefonctionne!Jeluisourisenretour.

–Jemesauve!Auboulot!

Ellecherchesesaffairesetjeluidésignesonsacparterredansuncoin.

–Jequitteàdix-septheuresaujourd’hui,doncnet’inquiètepas,jeserailàpourt’aideràtepréparerpourcesoir.

Elleajouteunclind’œilunpeuforcéets’enva.

Allezhop,àmontour!J’entreentrombedanslasalledebain,décidantdeprendremodèlesurmon

amie.Aujourd’huiseraunebellejournée!

Jemedouche,attrapemonéterneljeansbleu,enfileunteeshirtblancetpasseungiletlong.J’attachemescheveuxenqueuedechevaletmelanceledéfid’arriveràmemettreunpeudemascaranoir.Jecroisquelesdeuxdernièressoiréesm’ontdonnéenvied’êtreplusféminine.

Latâcheestassezlaborieuse.Aprèsavoiressuyélesdérapagesavecuncoton-tige,jemecontemple,fière dema réussite. Je suis prête pour affronter lesmagasins, ce qui n’est pas pourmoi une grandepassion.Maisaujourd’hui,c’estdifférent,j’aienviedeplaire!Enfin…deluiplaire…

Ilestdix-heuresquinze.JereçoisunmessagedeValentin:ilseralàdanscinqminutes.Jeglissemontéléphonedansmapocheetfermelaporte,descendslesescalierslentementavecbonnehumeur.Lestressdelasoiréenem’apasencoreenvahie,alorsjeprofitedumoment.

Vingtminutesplustard,nousentronsdanslecentrecommercial.Pourunlundimatinc’estassezcalme,cequimevatrèsbien.Ondéambulebrasdessusbrasdessousdanslesalléesbordéesdevitrinesnousprésentantunétalageimpressionnantdevêtementspourtouslesstylesettouslesgoûts.

–Regardelà,çadevraitfairel’affaire!

Ilme tire d’un coup sec pourm’attirer devant une boutique de sous-vêtements et déshabillés assezsuggestifs.Jelacontempledeplusprès,imitantValentin.Jeplantemondoigtsurlavitre.

–Regardecelui-là.C’estjolinon?

Ilretrousselenezetmefaitsignequenon.

–Ça irait si tu avaisquaranteans !Réveille-toiunpeu,onest auvingt etunièmesiècle, sorsde tacaverne!Viens,onentre.

Jeneme faispasprier etme laisseguider,pendueà sonbras.Saufque là, j’ai l’impressiond’êtreaccrochéeàunebouéedesauvetage.

Àpeineentrés,lavendeusenoussautedessus.

–Puis-jevousêtreutile?

Savoixm’agacedéjà!

Valentinlacongédiegentimentetnousfaisonsletourenobservantchaqueensemble.Jenemesenspasfranchementàl’aise.

–C’estquoitataille?

Ilobserveattentivementlesétiquettes.

–Jenesaispas.

Jetraîneunpeuderrière,totalementailleurs.

–Mets-yunpeudevolonté,Rose!–Jen’aiaucungoût.

Jehausselesépaulesavecunepetitetêtelesuppliantdeveniràmonaide.

–OK.Vatedéshabillerdanslacabine,jemechargedureste.–Quoi?Ilfautquej’essaieenplus?

Mavoixestunpeuplushautperchéequejenel’auraisvouluetValentinmedétaille.

–Et bien, si tu préfères t’apercevoir que ça ne te va pas juste avant d’aller au rendez-vous, ça teregarde!

Je soupire et fonce dans la cabine sans prendre le temps de lui répondre, surtout que je saispertinemmentqu’ilaentièrementraison.

Jeme déshabille etme regarde en entier avecmes vieux sous-vêtements complètement usés. C’estassezrarequejepuissem’observerdehautenbascommeça,defaceetdedossimultanément.J’ail’aird’unemisérable!

Letempscommenceàmeparaître longquandValentinpasseenfin lamaindans lacabineavectroisensembles:unblanc,unroseetunrouge,tousendentelles.

–J’aidemandéàlavendeusepourlestailles,j’espèrequeceserabon!

Jecommenceparl’ensemblerose.J’ai l’impressiond’êtrecompresséedelapoitrine.Jenesuispasbiengrosse,maisj’aiquandmêmeunepoitrinegénéreuse.

Jepasselatêtedel’autrecôtédurideauetmurmureàValentinquec’esttroppetit.Ilsouritavecunetêted’idiotetretournevoirlavendeuse.

Elleseprécipiteverslacabine,entrouvreetd’uncoupd’œil,m’annoncequ’ellerevientaveccequ’ilmefaut.

Merevoilàaveclestroishautsdanslatailledudessus.

J’enfileleroseetjedoismerendreàl’évidence:c’estquandmêmevachementmieuxquemesancienssous-vêtements.Leshortyendentellemeplaîtbeaucoup.

–Jepeuxvoir?

Cettequestionmesurprend,maisdetoutefaçonj’aibesoind’unavisetjen’aiqueluisouslamain.

Ilmereluquedehautenbas,l’airsatisfait.

–Tuesgauléecommeunedéessemabeauté!Parcontreleroseçafaittrop...fillesage.

Unpetitrires’échappedeseslèvres.

Ilneseraitpashomosexuel,jeneprendraispascetteréflexiondelamêmemanière.Maisj’avouequeçamefaitdrôlementplaisir,surtoutqueValentinaunesprittrèscritiquesurlesfemmes.

J’enfile l’ensemble blanc, également accompagné d’un shorty et me regarde dans les miroirs pourévaluerl’effetsurmonderrière.

–Val,regardecelui-là,tuenpensesquoi?

Ilouvredegrandsyeux.

–J’adore!Passequandmêmelerouge.

J’évaluelerougesoustouteslescoutures.Jenesuispasconvaincueparlacouleur,maisjedoisfaireconfiance à Valentin, alors je l’enfile. Il est vraiment très sexy avec un brésilien qui me sied à laperfection.

–C’estbon!

Ilentrouvrelerideauetmefaitsignedetournersurmoi-même.J’exécute.

–Waouh!Tumeferaispresquedevenirhétéro!

Jerougisjusqu’auxoreillesetilseprendunetapesurlebras.

Jemerhabille,unpeudéçuededevoirremettremesancienssous-vêtements.

Valentinpasseàlacaissependantquejetermine.

Jesorsetilmetendlepaquet.

–Merci,monsauveur!Tuaschoisilequel?

J’essaiederegarderdanslepaquet,maisilestfermé.

Ilmereprendlebras,m’escortantverslasortiependantquelavendeusenoussalueetnoussouhaiteunebonnejournée.

–J’aiprisleblanc,lerougeetenbonuslemêmeensemblequelerouge,maisennoir.

Ilaunair trèssatisfait.J’aienviederâleretdefairedemitourpourqu’onluirembourselesachats,maisjen’aipasenviedegâchersabonnehumeur.Doncjemerésigneetmeprometsdeluienrembourseraumoinsdeux.Jel’embrassedetoutmoncœursurlajoue.

–Beauté,onsemangeuntrucavantderentrer?

J’acquiesceavecunsourire.

Nousmettonsplusdevingtminutesànousdécidersurlerestaurantetfinalementnouscommandonsàemporter,lasdetraînerdanscecentrecommercial.

***

Ilestdix-septheures.JesuisentraindemelaverlescheveuxquandValentinmecridepuisderrièrelaportedelasalledebain:

–C’est le beau gosse ! Il demande parmessage où il peut passer te chercher et si vingt heures teconvient.

–Envoie-luil’adresseetréponds-luiqueçameva.–OKpoupée!

Enyréfléchissant,jen’aipastrèsenviequ’ilvoiel’appartementdanslequeljevis.Maisilesttroptardpourreculer.Jedescendraienbasunpeuenavance,commeça,iln’aurapasl’occasiondemonter.

Jemesèchelescheveuxetmalgrémoijerepenseàlaveille,àsesyeuxgrissiintenses,sonsourire,sadémarchetrèsassuréequandAudearriveentrombedanslasalledebain.

–Salut!Regardeunpeucequej’aitrouvé!

Elleposedevantmoiunmagazineavecunepublicitépourdesjeansetmonregardsefigesurlapageouverte.

–Jetelaissecontemplerl’œuvred’art!

Elleengloussebêtementetclaquelaporte.

Ilest là, torsenu.Sonbusteetundesesbras sont tatoués. Jedétailleunparun lesdessinssur soncorps. Ilsnesontpas trèsnombreuxaufinal,c’estcommes’ilsavaientétécrééspourembellirencorepluscetorsemagnifique.

Ilauncorpssculptéàmerveille.Sonvisageestgrave,sansexpressionàl’exceptiondesonregard;ilestsi intensequej’ai l’impressionqu’ilmefixevraiment.Jepassemondoigtsur lepapierglacé.Despapillonss’immiscentdanslebasdemonventreetjem’enmordslalèvre.

Soudain,magorgeseserreetjepanique.Mesjambesvacillent…

Jem’examinedanslemiroir,puism’attardesurlaphotodansuneincompréhensiontotale.

Qu’est-cequ’ilmetrouve?Jemeregardeencoreunefoisavecmescheveuxenbatailleetmapetiteminedécomposée.C’est inconcevable,c’estridicule, jesuisridicule!J’attrapelemagazineetsorsentrombedelasalledebain.

AudeetValentinsontsurprisdemevoirarrivercommeunbouletdecanon.

–Jenepeuxpasfaireça!

Mavoixsonnecommeunappeldedétresse.

–Fairequoi?entonnent-ilsd’uneseulevoix.–Lerendez-vous!M’yrendre?C’estimpensable!Non,maissérieusement,regardez-le!

Valentinattrapelemagazineetleretourneàdroitepuisàgauche.

–Ilestcanondanstouslessens!

Ilsemetàrirebruyamment,ilsereprendetmesouritgentiment,commepourmerassurer.

–C’est juste l’angoisse du premier rendez-vous, c’est normal.Arrête de paniquer, ça nous est tousarrivéunjouroul’autre.

Audeselèveetattrapemonvisagedanssesmains.

–Eh,nepaniquepasmaintenant!Jevaisterendrecanontoiaussietc’estluiquienperdrasesmoyens,fais-moiconfiance!

Jen’aipasletempsderéfléchirqu’ellemetireverslasalledebain.

–Déjà,enlèvetonpeignoirethabille-toi!Tut’esraséeaumoins?

J’acquiesceetattrapelessous-vêtementsblancsquej’aitrouvéslesplusadaptésàunpremierrencart.Mêmesicen’estqu’unplanculcommeleraillaitValentin,jenesuispasprêteàmettrelerouge,bientropsexypourmoi.

J’enfileensuitelarobenoire.Elleestsansmanches,m’arriveàmi-cuisseetsouligneparfaitementmescourbes. Moi qui n’aime pas les robes, je me trouve quand même pas mal dedans. Elle n’est pasdécolletéeetpourtantelleestsexy.

Audem’ordonnedem’asseoirsurletabouret,attachemescheveuxavecunepinceetattrapesatrousseàmaquillage.

Ellemepoudrelevisage.J’éternuedeuxfoisdesuite,maisnebronchepas.Jesuistellementanxieuse.Ellecontinueenmeracontantquelefardgrisqu’elleposesurmespaupièresaccentuemonregard,puisellepasseaumascara.Jetentedem’observer,maisellesepositionnedevantlemiroir.

–Tuverrasaprès!

Ellem’expliqueensuitequelerougeàlèvrescarminvaàcoupsûrluidonnerl’enviedem’embrasser.Ellefinitparmeprodiguerquelquesconseilspourbienmecomporter,cequinemerassurepasvraiment.

Jerelativiseenadmettantquesiçafoireetbiençafoireetpuisc’esttout.Ilestpeut-êtrebeau,maissûrement bête comme ses pieds !Car quand j’y pense, nous n’avons pas eu de vraie conversation. Jereprendspeuàpeuconfianceenmoi.

Elleentonneunefoisdeplusquemagrâcenaturelleadûleséduire,alors,jen’aiqu’àresterleplus

normalpossible.

Ellebouclemescheveux sur les longueurs avecbeaucoupd’attention.Mon téléphoneme signaleunmessage.

Sam: [Passeunebonnesoiréemapouletteet lâche-toiunpeu!Etn’oubliepasde toutmeraconterdanslemoindredétail!!!!!]

Un[OKpromis]suffira.Jen’aipasenvied’approfondir.

–Voilàc’estterminé!Tuesmagnifique!

Jemelèveetellesepoussepourquejepuissemeregarder.

Jemarqueunepause,mecontempleetunetoutenouvelleassurances’emparedemoi:c’estuneautrepersonneque j’aperçoisdans lemiroir.Mesyeuxressortenteffectivementbeaucoupetmes lèvressontpulpeusesàsouhait.

Jenepensaispasquelesartificesdelamodeétaientcapablesdemerendresijolie.

JerejoinsValentinquiaenvoyéunpetitairdeMuse;ilmeconnaîtsibien.Ilafficheungrandsourire,m’attrapelamainetm’attireversluipourmefairetourner.

–Aupiredescas,situnereparspasaveclui,c’estsûrquetunerentreraspasseule!

Ilmetendunverredevodkaceriseetm’ordonnedeboire.Çamedétendraselonlui.Jen’aimepasfranchementlegoût,maistantpis.

Jeboistranquillementleverrequ’ilabiendosé,carunesensationdechaleurmetraverselecorps.Jeregardelapenduleetm’aperçoisqu’ilestdéjàdix-neufheuresquarante-cinq.J’enfileunpetitgiletnoiretpasserapidementleschaussuresquejen’aitoujourspasrenduesàSam.J’attrapemonsacàmainetembrassemesdeuxamisquim’observentcommedeuxparentsheureuxetinquietspourleurprogéniture.

5.As-tuconfiance,Rose?

«Tupeux fermer lesyeuxsur leschosesque tuneveuxpasvoir,mais tunepeuxpas fermer toncœurauxchosesquetuneveuxpasressentir.»JohnnyDepp

Je descends les marches assez vite, prenant soin de bien me tenir à la rampe qui trembledangereusement par endroit, etme voilà en train de râler intérieurement après ce con de proprio quin’entretientabsolumentpassonimmeuble…C’estdésespérant!

L’alcoolmebrûleencorelalangueetlagorge,maisj’avouequeValentinavaitraison,jenesuisplusaussianxieusequ’ilyauneheure.

Jel’aperçoisàtraverslaported’entrée.IlestadosséàlaCadillac,lesmainsdanslespochesdesonjeansnoir.Jem’arrêteuninstantpourlecontempler.Ilalesyeuxrivésverslesol,ilporteunechemisenoirequiluisiedextrêmementbienetlaissedevinersamusculature:lesmanchessontrepliéesauxtroisquartsetlecolnégligemmentouvert.Ilestd’uneélégancefolle!Jeravalemasaliverestéebloquéedansmagorgeetinspireunebonneboufféed’oxygèneavantdesortir.

J’aiàpeinefranchilepasdeportequ’ilrelèvelesyeuxversmoi.Unsourireapparaîtsursonvisageetsesyeuxs’éclairenttandisqu’ilmecontempledespiedsàlatête.

J’avancedequelquespasdanssadirection.Ilôterapidementlesmainsdesespoches,seredresseetm’ouvre la portière. Il passe ses doigts dans ses cheveux et m’indique le siège passager, ajoutantquelquesmotspendantquejem’installe.

–Mademoiselle,vousêteséblouissante!

Il referme la portière, nemequittant pas des yeux. Je retiens un sourire, un peu chamboulée par lamontéed’adrénalinequimeparcourt.Moi,éblouissante?

Il s’installe au volant et, sans un mot, démarre avant de s’engager sur la route. Je ne peux pasm’empêcher de le regarder discrètement, lui et ses cheveux en bataille et son style mal rasé. Je meliquéfiesurlesiègeencuirenmemordantmachinalementlalèvre.

–Netemordspaslalèvre,Rose.

Ilestcalmeetmelanceunregardperçantavecunsourireencoin,melaissantdécouvrirunefossette

quimedonneuneenvieirrépressibledeletoucher.

Reprends-toiRose!Neluimontrepasqu’ilteplaîtàcepoint!

Jemebatscontremoi-même.

–Tuaimeslacuisineitalienne?–Oui,beaucoup!

Jenedissimuleaucunementmonenthousiasme.

–Jet’emmènedansunpetitrestaurantquej’affectionneparticulièrement,c’estcalmeetplutôtintimiste.Jesuispresquesûrqueçavateplaire.

Ilnecessedemesourireetm’expliqueoùcelasetrouve.

Àvraidire,jem’enficheunpeu.Toutcequejedésire,c’estêtreavecluicesoir.Jemesenssibien,plusaucuneangoissenememenace.Ondiraitpresquequejeviensdeleslaissersurleborddelaroute,unpeucommeunevalisequej’auraisabandonnéevolontairement.

Lecheminestassezcourt,nousnousgaronssurunparkingenfacedurestaurantdontilm’aparlé.C’estvrai que c’est petit, et ça à l’air plutôt cosy vu de l’extérieur. La façade verte est surplombée d’undrapeauitalien.

Ilmecoupedansmaréflexion.

–Tucomptesdînerdanslavoiture?

Ilsetientdevantmaportièreouverte.

Jesorsenessayantd’êtrelaplusélégantepossibleetilrefermederrièremoi.

Ilposesamainenbasdemondosetuncourantélectriqueremontelelongdemacolonnevertébrale.Cecontactestdesplusdélicieux.

Noustraversonsleparkingetentronsdanslerestaurant.Samainesttoujourslà,maisill’ôtequandungrandtype,assezâgéetarborantunemoustache,lesalueetluiassèneunetapeamicale.

–Gabriel,jesuiscontentdetevoir!

Ilaunaccent italien trèsprononcéquiau final lui siedàmerveille.Legrand typeme regardeavecinsistance.

–Enchanté,charmantedemoiselle.Jemeprésente,jesuisGinoetvoilàmonrestaurant.

Ilmedésigned’ungesteélégantsonétablissement.C’est trèschaleureux.OnsecroiraitvraimentenItalieavecsadominantedevertetrouge,sesnappesàcarreaux,etlamusiqueenfondsonore.

–Enchantéeégalement.Moic’estRose.

Jeluioffreunjolisourire.

–Rose!Maiscelavousvaàmerveilleet…Gabriellecoupedanssonélan.–NetefatiguepasGino!Roseestavecmoi.

Ilreposerapidementsapaumeaucreuxdemesreins.Ginoéclatederireetnousmontredudoigtunepetitetabledanslefonddesalle.

–Tatableestlibre,régalez-vouslesenfants!–Merci!

Jeluisouris,maisGabrielmepoussedéjàpourquej’avance.

Nousnousinstallons.Leserveurnoussertaussitôtduvin,sansqu’onluiaitdemandéquoiquecesoit.

–JedoisavouerquejesuistrèscontentquetusoissimaladroiteetimpulsiveRose.–Quoi?

Je le regardeavecdegrosyeux, l’air abasourdie.Qu’estcequ’il raconte ? Il rit, boitunegorgéeetreprend.

–Jem’explique,avantderecevoirlecontenudetonverreenpleineface!

Ilétouffeunautrerire.

–Si tun’avaispas laissé tomber ton téléphone, jen’aurai jamaiseu tonnuméro.Etsi tun’avaispasenvoyé ta chaussure sur le toit demavoiture, j’aurais eu un peu demal à trouver une excuse pour tecontacter.Et sans raison à peuprès valable, tu aurais certainement pensé que j’étais unmaladeouunpervers.

–Jel’aipensé!

Cequejeviensdedirel’amusebeaucoupapparemment.

–Etmaintenant,tupensesquoi?Est-cequej’ail’airunpeuplussympaoutumeprendsencorepouruntaré?

Jeris.Ilmesortçasuruntontellementamuséquejerentredanssonpetitjeu.

–Disonsquejeréfléchisencore.Jepenseterépondreunpeuplustard...enfinpeut-être.–J’aimebeaucouptarépartie!

Ginovientnousinterrompredansnotrepetitjeu.

–Qu’est-cequivousferaitplaisircesoirmesamis?

IlesttrèsconvivialceGino,pasbesoinderegarderlacarte,jesaisdéjàcequimetente.

–Deslasagnes!

Gabrielaétéleparfaitéchodemavoixetonenrestemuetsquelquesinstantsavantd’exploserderire.

–Ehbienparfait.Deuxlasagnesalors.

Iltournelestalonsetrepartverslescuisines.

Letempsquelesplatsarrivent,j’apprendsqu’ilavingt-huitansetqu’ilbossecommemodèledepuissept ans. Ilmeparleunpeude sonboulot et de sapassionpour les sports de combat, bienqu’il soitinterditdecompétitionàcausedesonmétier.Jeluiposepleindequestions;j’aibesoindesavoirquiilest.Iln’estpasdutoutidiotcommejel’avaisimaginé,loindelà.

Je suis accrochée à ses lèvres et j’aimerais que ce moment dure encore et encore. J’adore sonenthousiasmeetsesmanièresquandilparle.

Onnoussertetc’estvraimentdélicieux.Jesavourechaquebouchéeetconstatequeluiaussi.

Aumilieudesonplat,ilposesafourchetteetplongesesyeuxdanslesmiens.

–Dis-moiRose,est-cequetuasassezconfiancepourtenteruntrucdedingueavecmoi?

–Qu’est-cequetuentendspar«trucdedingue»?–Quelquechosequivateplaire,maisquin’estpasvraimentlégal.

Jeréfléchisuninstant,nesachantpastropquoirépondre.

–Tupeuxdévelopper?

Ilboitunegorgéedevinetsepinceleslèvres.

–Non,autrementceneseraitpasmarrant!Alorssoittumefaisconfiance,soitonlaissetomber.Maisjenet’envoudraipas,rassure-toi.

Macuriositéestpiquéeauvif.Jepèselepouretlecontre.

Etpuiszut,tantpis,jemelance!

–OK!

Ilal’airtrèsétonnéparmaréponse.

–Jepensaisquetum’auraisposémillequestionsavantoumêmequetuauraisrefusécatégoriquement,maislàRosejesuisagréablementsurpris!

Cemecestdéconcertant,maisj’adoreça…

Notrerepasesttrèsviteécourté.Ilmetirejusqu’àlasortie,demandantaupassageàGinodemettreçasursanote.

Nous courrons jusqu’à la voiture et sautons presque à l’intérieur. Il allume la radio et roule à viveallure. Il a l’air super heureux et franchement,même si je ne sais pas où ilm’emmène, jem’en foustotalement.

6.Escapadenocturne

«Semettreendangersansmêmeypenser,nevoirdanstouteprisederisquequelapromessed’uneintensiténouvelle,vivreplusfort,riend’autre.»MaylisdeKerangal

Nousroulonsensilencedepuisunmoment.Jemelaissebercerpar lamusiquequiestdiffuséeà laradioetleslumièresdelavilledansentdevantmesyeux.Sonparfumaenvahitoutl’habitacle.Ilestdouxetfortàlafois,toutcommelui.

Jesuistellementbien…Jenesaispasvraimentpourquoij’ail’impressionqueriennepeutm’arriverquandjesuisaveclui.

Ilsegaredansunepetiteruellesombre.Jeregardeautourdemoi.Entempsnormal,jepensequejemeseraisinquiétéeàl’idéedemeretrouveravecunparfaitinconnu,enpleinenuit,loindechezmoietquiplusestdanscetterueunpeuglauque.

Ilsetourneversmoiavecunsourirequiluiilluminelevisage.

–Alors,tuesprête?–Jepense…

Jenesaispastropcequim’attend.

Ilpassesamainsurmajoueets’approcheunpeuplusprèsdemonvisage.Cecontactestexquis.Sapaumeestdouceetchaude.Jen’aipasenviequelemoments’arrête.

–N’aiepaspeurRose.

Jeluirépondsquejen’aipaspeur,maislesonémisparmaboucheestinsignifiant.

Ilretiresamaind’ungesterapideet,sansmelaisserletempsderéaliser,ilestdéjàdehors.Cecontactmemanquedéjà.Jeposemesdoigtssurmajoueetsourisàl’idéequej’aimeraisqu’ilrecommencetrèsvite.

J’entendslecoffres’ouvrirpuisserefermer.Satêtepassedevantmavitreet,visiblementtrèsamusé,ilmedemandedelesuivre.

Jedescends.Ilposeundoigtsursabouche,signequejedoismetaire.Ilattrapemonsacet le jettedanslavoiture.Ilportequelquechoseenbouledanssesbras.Jenedistinguepastropcequec’est.

Il s’accroupit,passe sousunbuissonet tendunemainversmoi. Je l’attrapeet le rejoins. J’observechacundesesmouvements,intriguéeparcequ’ilestentraindefaire.Ilsoulèveunpandugrillagequiasûrementététorduplusd’unefoisvul’état.Ilm’épieconstamment,sûrementpourvoirmesréactions.

Il jetteunœildel’autrecôtéetmepoussedevantlui, tenanttoujoursfermementmamain.Puis,d’ungestesoupleetassuré,ilmerejoint.

Jeresteunmomentfigée,maisilmetirederrièrelui.Nouscourronspresquelelongdugrillage.

C’estlorsquejereconnaisl’endroitqu’uneremarquem’échappeàvoixbasse.

–Maisc’estlacitéuniversitaire!–Tuestrèsobservatrice.

Nous arrivons très vite à l’arrière d’un gros bâtiment. Ilme lâche quand nous nous retrouvons à laportedeservice,sortuntrucdesapocheetmedemandegentimentdel’éclaireraveclalumièredesoniPhone.

Jeregardedetouslescôtés.Iln’yaaucunsignedevieetjem’aperçoisqu’ilestentraindecrocheterlaserrure.

Ohnon,maisqu’est-cequ’ilfabrique?

Uneboufféed’adrénalinemetraverse,nedistinguantpassic’estdelapeuroudel’excitation.

Jemerisqued’unevoixtremblante.

–Onn’apasledroitdefaireça.–Non,tucrois!

Savoix est pleined’ironie et sesyeuxbrillent quand il ouvre laporte etmepoussedélicatement àl’intérieur.

Uneodeurdechlorememonte toutde suite aunezetmoncœurbat à tout rompre.Pourtant, jen’aiqu’uneenvie:lesuivre.

Ilmereprendlamain.

–Allez,suis-moi!

Ilm’entraîneàtoutevitesselelongd’uncouloiretnouspassonsdeuxportesbattantes.Jestoppenetmonélan.

Jesuisauborddelapiscineducampus!

Jelelâchepourportermesdeuxmainssurmesjoues.

–Jen’ycroispas,tuescomplètementdingue!

Jesuisessoufflée,maismonsouriremetrahit.

–Ouais,ilparaît!

Sonriresimélodieuxrésonnedanscettepièceimmense.

Jesuisfascinéeparleslumièresquiéclairentlapiscineparlefond.Jesuisàl’aise,malgrécequ’onvientdefaireetmêmesitoutuntasdesentimentsm’assaille.Jereviensbrusquementàlaréalitéquandsachemisem’arriveenpleinefaceetqu’elletombelamentablementàmespieds.

Je relève les yeux, l’observant, là, devant moi, torse nu en train d’enlever ses boots. Et lorsqu’ilcommenceàdescendresonpantalon,jeposemachinalementunemaindevantmabouchepourétoufferunpetitcriaigu.Illeremarqueimmédiatement,maiscontinuecommesiderienn’était.

–Qu’est-cequetu...

Il se relève, incroyablement sexy dans son boxer noir. Je n’en crois pas mes yeux ! Il est juste,parfait…Oh,mondieu,jesuistotalementperturbée!

–Ça!

Ilplongelatêtelapremièrejusqu’aufonddelapiscine.Jeleregardeavecdegrosyeuxremonteràlasurfaceetessuyerdesamainl’eauquicoulesursonvisage.

Je suis commeune idiote sur lebordà le fixer, lesbraspendant le longducorps, à la limitede laliquéfaction.

–Alors,tuviens!

Sonregardsoutientlemien.

–Mais…euh…jen’aipasdemaillotdebain!

Ilesquisseunsouriredélicieux.

–Tuasdessous-vêtements,non?

Ilmarqueunepausepourmedétailleretsesyeuxdeviennentd’unseulcoupardent.

–Àmoinsquetun’aiesriensouscettepetiterobe?

Ilamorcequelquesbrassesdansmadirection.

Jerespireunboncoup.Etpuismerde!JeposesoniPhonedélicatementparterre,enlèvemavesteetmes chaussures, sentant le poids de son regard surmoi. Je crois que je tremble un peu. J’abaisse lafermeturedemarobeetluijetteuncoupd’œilunpeugêné.

Jen’aipasbesoindeluiexpliquerquoiquecesoit.

–OK,j’aicompris,jemeretourne!

Ilreparttranquillementverslemilieudubassin.Jemedéshabilleetmeféliciteintérieurementd’avoiroptépourlessous-vêtementsdedentelleblanche.

Je me décide à passer par l’échelle. Je sais pertinemment qu’il a profité que je sois de dos pourm’observerdescendre.Eteffectivement,quandjemeretourne,jemeretrouvefaceàfaceaveclui.L’eauestagréablementchaude.Ilmefixe.Jen’aipasletempsderéaliserqu’ilmepoussecontrelaparoi.Jesenslecarrelagefroiddansmondos,cequin’estpassidésagréableaufinal.

Ilposeunemaindechaquecôtédemoisurlebordetmevoilàprisonnièredesesbras.Moncœurbatàtoutrompre,sij’étaisdeboutjecroisquemesjambesauraientcédéessouslepoidsdesonregard.Ilmedévisageeteffleuremonvisagedesesdoigts.

–Rose...

Savoixn’estquemurmureetilposeseslèvressurlesmiennes.

Ohlavache!

Ellessontsichaudes.Ilm’embrasseavecardeur.Moncorpsestbalayédecourantsélectriques.Jemejetteàsoncouetillâchelerebordpourm’enlacer.Jenetouchepluslesolqueduboutdesorteils.Salanguetrouvelamienne,lacaresseetjefondslittéralementdanssesbras.

Sespaumesparcourentmoncorpssansquesabouchenequittelamienne.Ilattrapemesjambesetlespasseautourdesataille.J’enfouismesdoigtsdanssescheveuxetsonbaisers’intensifieencore.Ilreculem’observantuninstant,repoussemesjambesetplongesousl’eau,suivantmescourbesdesesmains.

J’ai les joues en feu. Il pose des baisers le long demes cuisses, remontant lentement jusqu’àmonventre.Chacund’entreeuxestunedouceagonie,monsouffleestdeplusenpluscourt…Ilémergedel’eaupours’attaqueràmoncou.Ilsaitvraimentyfaire,alternantlepassagedeseslèvresetdesalangueaux endroits les plus sensibles. Je suis déjà haletante d’envie. Samain s’introduit dansma culotte etquandsesdoigtss’insinuententremeslèvres,jelaisseéchapperunpetitgémissementmalgrél’effortquejefaispourmecontenir.Jen’ycroispas;jesuisentraindefaireçadansunepiscine!

Ses yeux me détaillent attentivement pendant que ses doigts continuent leur délicieuse torture ens’insérant enmoi. J’entrouvre la bouche, n’arrivant plus à contrôlerma respiration.Mon dos brûlantrencontre une nouvelle fois le carrelage froid, déclenchant enmoi un frisson de plaisir. Ses prunellesardentessontbraquéessur lamoindredemes réactionsalorsqu’ilaccélère lemouvement, intensifiantencoreplusmonplaisir.Ilsavourel’ascendantqu’ilasurmoietpassesalanguesursalèvreparfaite:ilveutmevoirjouir.

Ohputain!

Mavuedevientfloueetmesongless’enfoncentdanssesépaules.Lepetitgrognementquiluiéchappemefaitchavirer.Jesuistotalementsubmergée.

Sa bouche trouve lamienne aumoment exact où j’explose autour de ses doigts et je gémis dans sabouche,secouéepardelégerssoubresauts.

Ilmelaisseàpeineletempsdereprendremesespritsetreplongesousl’eaupourglissermaculottelelongdemesjambes.MaissoniPhonesemetàsonnersurleborddelapiscine.

Jeluitapesurl’épauleavecunregretimmense.Ilémergeetsonregardsetournedirectementverslasonnerie.Elle s’arrête et il se rapproche pourm’embrasser à nouveau quand celle-ci reprend de plusbelle.

–Faitchiersérieux!Nebougepas.

Pasderisques!Ilm’embrasserapidementenattrapantleborddelapiscineetsehisseàl’extérieuravecunefacilitédéconcertante.

Ils’essuielesmainssurcequiressembleàuneservietteetattrapesontéléphone.Ilal’airexcédé.

Ilhurleetjesursaute.

–Quoi!...Cen’estfranchementpaslemoment.Tumeracontesquoilà?…Commentça,avancé?…Rienàfoutre,envoie-lesbalader!

Je l’observe faire des allers-retours sur le bord, se passant la main dans les cheveux. Il estextrêmementbeau,mêmeencolère.

–Ouais,jesaisquej’aisigné!

Ilsoupireenposantlesyeuxsurmoi.Ilsembledésespéré,cequiflatteaussitôtmonego.

–OK,oui,c’estbon,jerentreetjepréparemonsac!

Enentendantcesmots,jesensladéceptionm’envahir.Ilraccroche,rangeletéléphonedanslapochedesonjeansetreplongedansl’eau.

Ilrevientversmoietm’attrapedanssesbras.Jeposeaussitôtlesmienssursesépaules.

–Onvaêtreobligéd’écourterlasoirée.Jem’envoledansdeuxheures.Jesuisvraimentdésolé.

Jeluisouriscommesiçanemedérangeaitpas,maisaufonddemoi,maconsciencetapedespiedsderage.

Noussortonsdel’eaudansunsilenceabsolu.Ilmetendunedesdeuxserviettesenhautdel’échelleavecundemi-sourire.

Une fois que je suis séchée, il m’aide à refermer ma robe avec un baiser délicat dans le cou,provoquantunfrisson.

J’enfilemaveste le tempsqu’il ajuste sachemise,préférant rester silencieuse. Jen’aipasvraimentenviedelequitteretjecroisqueluinonplus.

Nousrepartonsensensinverse,samainserrantfortlamienne,mêmepresqueunpeutrop.Maisçanemedéplaîtpas.

Arrivésauniveaudelagrille,j’aperçoisauloinunfaisceaulumineuxbalayerlesol.

–Regarde!

Jemurmureparpeurd’êtreentendu,luidésignantlasourcedelumièreàl’autreboutdubâtiment.

–CoursRose!

L’adrénalineetlapeurm’envahissent.Nouscourronsleplusvitepossiblequandj’entendsauloin.

–Ehvouslà!Attendez!

Gabriel me pousse sous la grille et il me suit de près. Nous sautons dans la voiture ; il jette lesserviettessurlesiègearrièretandisquejeretiensmonsoufflependantqu’ildémarreentrombedanslapetiteruelle.

J’explosederire,soulagée.

–Waouh!C’étaitgénial!

Jecriepresqueetluiritdeboncœuràcôtédemoi.

–Ouais.C’estclair,onaeuchaud!

Ilpousselamusiqueàfondetleretoursepassedansl’euphorielaplustotalejusqu’àcequ’onarriveenbasdemonimmeuble.

–Ahzut,j’aidéchirémarobe.

J’aileslarmesauxyeuxd’avoirtantri.Ilexaminesoigneusementl’énormetrousurmacuisse.

–Jesuisdésolédet’annoncerça,maistarobeestirrécupérable!

Jepouffeunefoisdeplus.Ilattrapemonmentonpourmeregarderdanslesyeux.

–Jeparstroisjours.Çatetentequ’onserevoiedèsquejereviens?

Troisjours!J’arboremonairleplussérieuxpourluirépondrequejevaisyréfléchir.Jepensel’avoirvublêmiràcemoment-là.

J’éclateencoreunefoisderireetsauteàsoncou,lesurprenant.D’ungestehabile,ilm’attraped’unbraspourmehisseràcalifourchonsurlui.Quelledoucesensation...

–Biensûrquejeveux!

Cettefois,c’estmoiquiplongemesprunellesdanslessiennes.Jen’aiqu’uneenvie:qu’ilmetouche,qu’ilm’embrassepourquecemomentsoitencoreunefoismagique.Les baisers qu’ilme donne, je ne les oublierai jamais !Unmélange de douceur, de brutalité et de

sensualité.Jem’accrocheàluicommesic’étaitladernièrefoisquejelevoyais.Etilmeportelecoupfatallorsqu’ilmemurmureentredeuxbaisers.

–J’aitellementenviedetoi,Rose...

J’enfoncematêtedanssoncou,rougecommeunepivoine,maisjesaisaufonddemoiquej’aienviedeluidepuislapremièresecondeoùjel’aiaperçu.

Ilsoupire.

–Jedoispartir,jevaisêtreenretard.

Non!

–Jecomprends.–Ah,aufait!

Iltendlebraspourattraperunsacsurlabanquettearrière.

–ÇadevraitteservirmapetiteCendrillon!–Machaussure!

Jeluiadresseleplusbeausouriredontjesuiscapable,glissesurmaplaceetsorsdelavoiture.

–Eh,Rose.C’étaitquiletypeavectoiladernièrefoisauSaphir?

C’estquoicettequestion?Jemepencheunpeupourmieuxlevoirdanslavoiture.

–Quiça,Valentin?…C’estmonmeilleurami.–OK!

Je n’ai pas vraiment l’impression quema réponse le satisfasse plus que ça,mais je le surprends àregarderl’heurenerveusement.

Jerefermelaporteetluiadresseunpetitsignedelamain.Quandildémarre,jefoncedansl’immeubleàlarecherchedechaleur.Jeneréaliseseulementquemaintenantqu’ilfaitsifroid!

Jedanseetchantonneengrimpantlesmarches.Jen’aijamaispasséunesoiréecommecelle-ci!J’aides papillons dans le ventre et dans la tête. Je l’entends encorem’avouer qu’il a envie demoi. Je lerevoism’enlacerdanslapiscine,plongersatêtesousl’eaupourm’embraserdesesbaisers.

Jenevaisjamaisréussiràdormir!

Tome2

1.Lesaphir

«Qu’est-cequel’amoursinondudoute,del’attente,dudésir,del’espérance?»ErikOrsennaÀpeinerentréedemasoirée, jeconsultemesmessages.C’estvraiquejen’aipasporté lamoindre

attentionàmontéléphonedetoutelasoirée.SuccessivementSam,AudeetValentinm’ontdemandécommentcelasedéroulait.Audeétaitinquiète

quejenerépondepas,maismaintenantceseraitidiotdelaréveiller.Ilestplusdetroisheuresdumatinetellebosseprobablementdansquelquesheures.Unmessageretientmonattention.Valentin : [Beauté, tu as un entretien demain auSaphir.Mon pèrem’a averti qu’ils cherchaient une

barmaid.Apparemment,c’estassezurgent.Tutepointeslà-baspour14hsansfaute!!!]Montéede stress immédiate ! J’ai plutôt l’habitudede ceboulot,mais leSaphir, c’est quandmême

impressionnant!Unvaguesouvenirmerappellequederrièrelesbarsmétalliquesetdevantleursfondsdelumière,j’aipuapercevoirdesbarmansetbarmaidstoutdroitsortisdemagazinesdemode.J’essaie de chasser cette pensée de ma tête, programmemon réveil au cas où pour ne pas louper

l’heure;onnesaitjamais.Puisjem’installesurlecanapépourrêvasser.Jesuistellementheureusequeça se soit passé comme ça.Mieux que dans un rêve ! J’étais àmille lieues d’imaginer ce quim’estarrivée…Montéléphonevibresurlatable.Gabriel:[C’estfoul’effetquetumefais!Jecroisquelesprochainsjourssanspouvoirtevoiroute

touchervontmerendredingue!]Parréflexe,jepassemalanguesurmeslèvresetmonsangbouillonnedansmesveines.Commentse

débrouille-t-ilpourdevinercequejedésireentendreetlemomentprécisoùj’enaienvie?Jeréfléchisuninstantavantdeluirépondre.J’aienviedeluiavouerqu’ilmemanque,quejesuisdéjà

accro à son odeur, à ses bras, à sa bouche, ses fossettes quand il sourit, à son regardmagnétique etenvoûtant…Jeseraiscapabledecontinuercette liste indéfiniment,mais jeneveuxpasqu’il ensachetrop,ceseraittroprapide.Ilfautquejemecalmeetquejegardelespiedssurterre!Mapetiteraisonmerappellevivementquejen’aijamaiseudeboldepuisquejesuisarrivéedanscemonde,alorsméfiance!J’aipesélepouretlecontreetmesuisdécidée.Moi:[Dingue,tul’esdéjà!Etj’aimeça…Hâtequetureviennes!]Oui,ça,c’estbien!Enfinjepense…Jemerépèteinlassablementquejedoisresterméfiante,maismesyeuxsefermentsurlesouvenirde

sonsoufflesurmonvisage,desesmainssurmapeau.Jesombre…Jemeréveilleunpeuperdue.Oùsuis-je?Jemesuisendormiesurlecanapé!Jem’étireavecunsourire.Jemeredresseetserremesjambescontremoi.Jemesensbien,j’aimecemomentd’intimitéavecmoi-mêmeetmespensées.J’effleuremes lèvres du bout demes doigts, là où, cette nuit, Gabriel posait les siennes avec tant

d’envie.Cequim’arriveestincroyable!Jesaisqu’ilnes’estpaspasségrand-chose,maisl’intensitédecettesoiréeétaitsiprofondequejen’aiqu’undésir:lerevoir!Cemecme fait vibrer chaque fois qu’il pose ses yeux surmoi et je n’y peux rien. Je n’échangerai

contrerienaumondelemomentquej’aivécu.Jejetteunœilàlapendule,prenantconsciencequej’aiunentretienaujourd’hui.Ilestdéjàmidi!Vite,

ilfautquejemeprépare!Monréveilm’alamentablementoublié!SurtoutqueleSaphir,àpied,cen’estpaslaporteàcôté.

***

Ilesttreizeheurescinquante-deux.Jesuisdevantl’entrée,mefélicitantd’êtreàl’heuremêmesijesuisàboutdesouffletantj’aicouru.Bon,c’estparti…Jefrappeàlaporteetj’attendsuninstantenmerongeantunongle.J’aipasséunevesteetmonpantalonnoirpourl’entretien,sansoublierunsoupçondemaquillage:je

doisabsolumentdécrochercejob!C’estunjeunehommequim’ouvrelaporte–Salut,tuesRose?Jeletrouvefamilierdanssafaçondeparler,maisj’admetsqu’ilal’airtrèssympaetd’uncoup,jeme

sensmoinsangoissée.—Bonjour,ouic’estmoi.Jelegratified’unsourire.—Entreetinstalle-toi,j’arrivedansdeuxminutes.Jemedirigeverslebarettireuntabourethautpourm’asseoir.Lasallen’estpasalluméeetl’ambianceestdifférente.Jesuisseuleaumilieudecetteimmensepièce

pratiquementvide.—Excuse-moipourl’attente.Jemeprésente.Moic’estLucas.Ils’assiedàmescôtés,trèsàl’aise,etreprend.—Jesuisbarmanici,maisc’estmoiquisuisenchargedurecrutement:lepatronn’apasletempsde

conduirelesentretiensetnotreserveusenousaplantésilyadeuxjours.Jel’observe.Ilauntrèsjolisourireetsemblesuperdécontracté.Ilestchâtain,detaillemoyenne,des

yeuxnoisetterieursetjedoisbienreconnaîtrequ’ilestplutôtmignon.—AlorsRose, j’ai étudié tonCVet tu as pasmal d’expérience.Pas forcément dans lemême type

d’établissement,maisc’estsuffisant.Tuseraislibrepourcommencercesoir?Jesuisunpeusurprise.—Euh…cesoir?Vousnemeposezpasdequestions?Ilsemetàrire.— Plutôt un ordre : tutoie-moi s’il te plaît, je déteste qu’on me voussoie. Non, nous n’avons pas

vraimentletempspourlesquestions,jedoistemontrerlefonctionnementduClub.Enfin,situacceptes!Jesuisplusqu’heureuse.C’estcommesimapoisses’étaitvolatilisée!Toutmesouritdepuisquelques

joursetjenem’enplaindraipas.

—Oui.Biensûrquej’accepte!—Super!Jesuiscertainqu’onvas’entendre!Jeseraitonbinômederrièrelebar.Tuserasàmi-temps

audépart,puisquetureprendslaplacedeKim.Attends,jeregardesonplanning!Ilsautedutabouretetsedirigederrièrelebar,farfouille.—Voilà,jel’ai!Tiens,regardeunpeu.J’attrapelafeuilleavecunsourireetl’examine.Je travailleraidonccesoirmardidevingtheuresàdeuxheures,pareilpour lemercrediet le jeudi.

Quantàsamedi,jetermineàuneheure.Jenotequejemedoisd’êtreprésenteunedemi-heureavantmesservices.—Cen’estpasbeaucoupfinalement.—Non,maisaudébut,impossibledeteproposerplus,c’estsuperintensif.NousnesommespastrèsnombreuxpourservirderrièrelesdeuxbarsetleClubesttoujoursblindé,

donconaintégrédesroulementspourêtreautoptoutelanuit.Etcommetudébutes,ilyaforcémentunepérioded’adaptation.Maissitubossesbien,ilyauradurab.—Jecomprendsetauniveaudesboissons,ilyadeschosesàsavoir?Descocktailsmaison?—Ouijustement.Passederrièrelebarquejetemontre.Jelerejoinsetcommenceàrepérertoutcedontj’auraibesoin.Ilm’expliqueoùsetrouventlesverres,

boissons,glaçons,lefonctionnementdelacaisse.Jeris;iln’arrêtepasdefaireleclown.Jel’appréciedéjàbeaucoup.—Tiens,çac’estpourtoi.Latailledevraitêtrebonne.Ilmetenddeuxsachets.—Qu’est-cequec’est?—Onadeshautsobligatoiresàporter.Tuenasdeuxderechanges.S’ilyaunsoucioùqu’ilssonttachés,tulesrendsetontelesremplacera.—OK,super!Jeposelesdeuxpaquetsavecleplanning.—Ahoui, j’oubliais !Niveausalaire, iln’yariend’extraordinaire,mais lespourboiressontplutôt

conséquentsvuquelestroisquartsdelaclientèlesontplutôtaisés.Etcommetuesjolie,jenem’enfaispaspourtoi.Ilm’adresseunclind’œil.Nous passons ensuite environ deux heures à étudier les différentes boissons servies et à visiter le

Saphiretsescoulisses.IlmelaisselenuméroduClub,ainsiquelesienaucasoùj’aidesquestionsouunretard.Ilestenvirondix-septheuresquandjequittelebar.Jemedépêchederentreràlamaison,totalement

satisfaitedecetteaprès-midipasséeavecmonfuturcollègue.Jesuisessouffléequandjemontelesescaliers.Descrisderrièremoiquandj’arrive.Audem’appelle.—Ehsalut!Tuauraispumerépondrehier,j’étaisinquiète!

—Oui,jesais.Maisletempsestpasséàunevitessefolle.Ellem’attrapeparlebrasetnousrentronsdansl’appartementensemble.—Alorsjesupposequec’étaitbien?Maintenant,jenetelâchepastantquejeneconnaispaslesmoindresdétails!Jeluiracontetout,mêmelecoupdelapiscine.Ellem’écouteensilence,complètementpassionnéepar

monrécit.—Ilestsurprenantcemec!J’auraisadoréqu’onmesurprennecommeça!Iln’apasunfrèrejumeau

parhasard?Sursesdernièresparoles,elleglousse.Jenerelèvepassaquestion.—Ettuaseudesnouvelles?Jesecouenégativementlatête.—Ilbossesûrement.Puisilestpartienpleinenuitsansdormir.—Ouais,c’estsûr!Jetepréviens,onn’aplusrienàmanger,doncaujourd’huic’estrégime!Elleselève.—Pasgrave,jen’aipastrèsfaimdetoutefaçon.Etpuisj’aiuneautrebonnenouvelle!Jel’observepréparerlethé.Elleseretournevivement.—Ahoui?—JesuisembauchéeauSaphir.Jecommencecesoir!Jesuistrèsfièredeluiannoncercettenouvelle.—Non!Sérieux?Laclasse!—Ohtusais,cen’estqu’unmi-temps,maisaumoinsjevaispouvoirt’aiderpourlesfactures.Bon,

c’estpastoutça,maisjefilesousladouchemepréparerpourcesoir.Une fois lavée, je passe le pantalon noir deSam. Jeme le suis approprié et ça n’a pas l’air de la

déranger.J’enfilemontee-shirtrougeduSaphir.Ilestplutôtpasmaletmevabien.Lucasavaitraison,c’estmataille.J’appliquedufardàpaupièresgrisensuivantlesconseilsd’Aude.Pourlemascara,jetrouvequeje

suisenprogrès.Enfin,jemecoiffed’unequeuedecheval,laissanttomberquelquesmèchesdevantmonvisage.Etvoilà,jesuisprêteàaffrontermapremièresoiréedeboulot!Sur la route, je regardenerveusementmon téléphone,mais toujourspasdenouvelles. Jeme rassure

aveclespropresmotsquej’aiservisàmonamieunpeuplustôt.Ilestdix-neufheurestrentetoutpilequandjepasselesportesduSaphir.Lucasm’accueilleaussitôtenpassantsonbrasautourdemesépaules,cequimesurprend.—Suis-moiquejeteprésentelesautres.Ilm’emmèneverslebarnumérodeux.—Rose,voiciStéphane,RoxanneetLia.Ilsontl’airsympa.ÀpartRoxannequimefixeunpeubizarrement.Maisjesuisnouvelle;j’aviserai

parlasuitesiçacontinue.JelessalueetLucasmeproposederencontrerlesvideursetgensdelasalle.

—Toutlemondeal’airvraimentsympaici.—Oui,jesuissûrquetuteplairasavecnous.Maispourl’instant,allonspréparernotrebar!—Pourquoinesommes-nousquedeuxderrièrelenôtre?Ilseredresseetfanfaronneenmodebeaugosse.—Parcequejesuislemeilleurmabelle!Décidément,jenerisquepasdem’ennuyeraveclui!LasoiréesedérouleàmerveillegrâceàLucasquim’aidebeaucoup.Lesdeuxheuresdumatinsont

vitelàetdeuxautresbarmansarriventpournousremplacer;PauletSéléna.Jen’aipasletempsdefaireconnaissance,carleSaphirestbondé.Lucasmeproposedeboireunverreavantderepartiretj’accepteavecjoie.J’aibienbesoindemeposerunpeuavantdereprendrelarouteàpied.Ilmeproposedegoûterlecocktailmaison.J’enfilemaveste,mepromettantd’emmenerun teeshirtderechangedansmonsacpour laprochaine

fois.Ons’installeaubar.Lucasavingt-sixans. Ilmeparleunpeude savie sentimentale. Il sort avecune fillequi s’appelle

Lucie,mais elle est très jalouse et il ne supporte plus la situation. Il ne sait pas comment s’en sortir.J’essaiedelerassurer,maisjenesuispastrèsdouéepourlesrelationsdecouple;laseulequej’aieueétaitunevéritablecatastrophe.—Ettoi,tuescélibataire?—Jenesaispasvraiment…euh…commentdire…c’estrécent.Ilal’airunpeuperplexeetmoijemesensbêtedenepasarriveràdéfinirmarelation,aussicourte

soit-elle.—Trinquonsànosrelationscompliquées!Àlatiennemabelle!Nosverress’entrechoquent,etonfinitmêmeparcommanderunautrecocktail.Jepasseunetrèsbonne

soirée.Lucasestchaleureuxetadorable.Je regardemon téléphone : toujours pas de nouvelles, justeValentin quime prévient qu’Aude lui a

racontémasoiréeetque,s’ilestsupercontentpourmoi,ilinsistepourquejefasseattention.Ladéceptionprovoquéeparl’avertissementdemonamis’inscritmalgrémoisurmonvisage.—Çanevapas?— Si si, c’est juste que je n’avais pas vu l’heure et comme je rentre à pied, ce ne serait pas

raisonnablederesterpluslongtemps…Jemelèvesansattendre.Jepréfèreluimentir;meshistoiresneleregardentpas.—Attends,jeteramène!Jem’envoudraisqu’ilt’arrivequelquechose.Ilselèveàsontouretmesuissanstropattendrelaréponse.En routenousnousapercevonsquenoushabitons lemêmequartieret çame réconfortequand ilme

proposedemeconduirequandnoshorairescorrespondent.Celam’éviteralesaller-retoursseulelanuit.Jemetraînedifficilementdanslesescaliers,puisjusquedansmachambreoùj’aijusteletempsdeme

déshabilleravantquelemélangefatigueetalcoolmepropulsedanslesbrasdeMorphée.

2.Monsieurcompliqué

« Il y a des êtres qui nous touchent plus que d’autres, sans doute parce que, sans que nous lesachionsnous-mêmes,ilsportenteneuxunepartiedecequinousmanque.»WadjiMouawadLejoursuivantpasseavecunelenteurinsupportable.Ilestdix-septheuresetjen’aitoujoursaucune

nouvelle.Monhumeurbalanceinévitablemententredéceptionetcolère.Jemesensmal.Jenesaispaspourquoi,

maisj’éprouveunmanque,commesiGabriels’étaitdéjàemparéd’unepartiedemoi.Maispourquoiai-jecruàtoutcela?Est-ce que je suis si idiote que ça ? Il s’est foutu demoi et a bien profité dema crédulité ! Je ne

comprends pas !Depuis hier, je lui ai trouvé toutes les excuses possibles,mais je suis forcée demerendreàl’évidence:toutçan’existepas!Finalement,mapoissenem’apastantabandonnéequeça;jesuisdégoûtéed’avoiroséycroire.Jemesuis levée tôtpour tenterdem’occuper l’esprit.Maisquecesoitpendant lescoursesouchez

Sam,jen’aijamaisréussiàm’enleverGabrieldelatête…ValentinetAudesontàlamaison,maisjen’aipasvraimentenviedeparler.Jeconnaismonprincipal

défaut : jedétestemeconfier,mêmeàmesmeilleursamis.Donc j’agiscommesi riennem’atteignait.Maisjecroisquejenetrompepersonne.Jedécidedoncdemeprépareràleséviter.Lucaspassemechercheràdix-neufheuresquinze.Ilfaut

quejem’attardedanslasalledebainlepluslongtempspossible.L’eaucoulesurmoi,maisjenelasenspas.Jeresteassise,lesjambescontremoi,danslefonddela

douche.J’aiunpoidsdanslapoitrine,maisjen’aipasd’autreschoixquedemeressaisir:j’aitrouvéuntravailetj’enaivraimentbesoin.AllezRose,tuasconnupire!Cen’estqu’unepetitedéception.Lasoiréeaubarestpluscalmeque laveilleetheureusementqueLucasest là ; ilest sidrôlequ’il

arriveàmedétendreetàm’arracherquelquesrires.Jem’ensuisbiensortiemalgrélemalaisequipèsesurmoi.Àlafindemonservice,jerefusegentimentdeboireunverreaveclui,prétextantlafatigue.Maisenréalité,jen’aiqu’uneenvie:rentrerpourm’apitoyersurmonsortcommejesaissibienlefaire…Monchauffeurmedéposedevantmonimmeuble.Jen’aipasbeaucoupparlépendantletrajetetLucas

selanceàmapoursuitesurletrottoir.—Rose,attends!Jemeforceàsourire.—J’aioubliéquelquechose?— Non, c’est juste qu’hier tu m’as écouté me plaindre sur ma relation pendant plus d’une heure.

Alors…Enfin,situlesouhaites,n’hésitepasàteconfier.Cen’estpasbondetoutgarderpoursoi.Autantlâchercequetuassurlecœur.—Jenesuispassûred’avoirenvied’enparler,iln’yariendegrave.

—C’estMonsieurCompliqué?J’esquisseunpetitsourireàcesmots.—Oui,c’estMonsieurCompliqué.Jepensequ’ilvapasserparlacaseMonsieurConnard!—C’estplusgravequecequejepensaisalors?—Non,pasvraimentenfait.C’estjustemoiquiaicrudeschosesqui,àl’évidence,n’existaientpas.—Qu’est-cequin’existaitpas?Jelefixe,hésitantàpoursuivre.—Rien,laissetomber.J’aijusteenviederentrermecoucher.Net’inquiètepas,demainçairamieux.—OK,maisn’hésitepasàm’appelersituchangesd’avis,mêmeenpleinenuit!—Merci,tuesadorable.Bonnenuit,Lucas.Ils’éloignejusqu’àsavoitureetauderniermoment,seretourneversmoi.—Demainseraunautrejourmabelle!Demainseraunautrejour.Ilaraison.Demainjetournelapageetjepasseàautrechose!

***

Encore un réveil difficile. Je suis à nouveau trempée de sueur. Une nuit merdique de plus à moncompteur!Mon premier réflexe est de regardermesmessages. Il n’y en a qu’un et c’estAlexis…Déception,

quandtumeprendsàlagorge…Aujourd’huiestunautrejour!JemeremémorelesparolesdeLucaspourmemotiver.Jedécidedonc

quelacolèreseramabéquillepouraujourd’hui.Jemelèved’unbondetretrouveAudepourdéjeuner.Jenemerappellepasmondernierrepas;enfait,jepenseavoiroubliédemenourrirhier.Mameilleureamieesttoutsourire.M’entendantmelever,ellem’apréparémonboldecéréalesetmonthéaucaramel.—C’estchouetted’avoirfaitdescourses!—Oui,remercielespourboires!Enparlantdeça,jefouilledansmonsacetluitendsceuxdelaveille.—Jeparticipeauxfactures.Cen’estpasgrand-chose,maisjetelesdonneraitouslesjours.Enfinsauf

quelàj’aiaussibesoind’unoudeuxpantalons.—Super,çasentlajournéeshopping!—Oui,sûrement.Jehausselesépaulespardépit.—Etcommenttutesensaujourd’hui?—Très,trèsbien!Jetireuntraitetjepasseàautrechose.Jeluisouris.Jemesensplusforte.

—Oui,prendsçacommeuneexpérience.Sansluitun’auraispasvécucesaventuresaquatiques.—C’estvrai.Maissionattendaitpourenreparler,çam’arrangerait!Jesuistellementdéçue.—Pasdesoucispourçamachérie.Jetelerappelleraid’iciunanoudeux.—Impeccable!Rireavecellemefaitunbienfou.Audenetravaillepasaujourd’huietondécidederesteràl’appartementpouruneaprès-midifilm.Elle

estmêmepartiechercherunpotdeglacepourl’occasion.Toutpoursedétendreunpeuensomme.Jemesuismêmedécidéeàneplusregardermontéléphonesansraison.Ilestpresquedix-septheuresetjefilemepréparerpourleboulot.Jesuissuperdétendue.Cetteaprès-

midiyestpourbeaucoup.J’aimelesoutiendemonamiequandlemoraln’estpaslà.Petitenoteàmoi-même:merappelerdelaremercierpourtoutcequ’ellefaitpourmoi.

***

Dix-neufheuresquinze.JesuisdanslavoitureavecLucas.—Dis-moiRose,jevoulaisteproposeruntruc.—Oui?Ilal’aird’hésiter.—Çat’intéresseraitd’allermangerunmorceauundecesquatreavecmoi?Justeunpetittrucsympa.Peut-êtremêmeunciné,histoiredezapperunpeunosCompliquésdutableau.Etpourquoipas?—Oui,pourquoipas.—Super!Sonair ravine lequittepasdu trajet, cequime surprendunpeu. Il estdrôlement contentpourune

simplesoirée,maisaprèstout,ilapeut-êtrebesoinderespireravecsavampiredecopine.Iln’yapasgrandmondecesoiretl’ambianceestpluscool:nousrigolonsetnousdéconnonscomme

deuxgamins.J’aidéjàcassédeuxverresàcausedelui!Iln’arrêtepasdemetaquineretcommej’aideuxmains

gauches,c’estlebazarderrièrelebar.Jesuisunpeuinquièted’avoiruneremarquesurnotreconduite.—Arrêteunpeu,onvasefairevireràcerythme-là!—Maisnon,lepatronn’estlàqueleweek-end!Ilm’envoieunglaçon,maisilmeloupe.—Alorstoi!J’attrape la lingette trempéequisertànettoyer lebaret lui lancedans ledos. Ilémetunpetitcriet

j’explosederire.—Jemevengerai,espècedepetitegarce!

Ildécollelalingettedesondosavecunairécœuré.Lepeudeclientsautourdubars’amusedenotrepetitspectacle.Maisj’arrêtederired’unseulcoup.J’aiunedrôled’impression…Mesyeuxbalayentlasalle,verslebarenface,puislesétagesetenfin

surverslecoinVIP.Lesoufflecoupé, lefeuauxjoues, j’ai l’impressionquele tempss’estarrêté.Ilest là,à l’entréedu

rideaurougeetmeregarde!Ilestàtomber…Moncœurs’affole.Ilfautquejemecalme,jeneveuxpaslevoir!Paslui,pasici!Aucuneexpressionsursonvisage.Ilnedétournepasleregard.Vite,uneoccupation!Oubliequ’ilest

là,Rose!Ils’estmoquédetoi!Jem’appliqueànettoyerméticuleusementl’arrièredubar.Avecnosbêtisesonl’atransforméenunde

ceschantiers!Jejettelesmorceauxdeverreàlapoubelleetpasseuncoupderaclettepourl’eauetl’alcoolsurle

sol.—BonsoirRose.Unfrissonmeparcourt,maisjemereprendstrèsvite.—Jeneveuxpasteparler,Gabriel!J’évitesoigneusementdeleregarder.—Justedeuxminutes,Rose,s’ilteplaît?—Nonjen’aipasletemps.Va-t’enGabriel!Jeledéteste!—Maislaisse-moit’expliquer!Etpourquoies-tuderrièrecebar?Jehausseleton.C’estlemomentoujamaisd’êtreferme!Etiln’aaucundroitdemeposerdesquestions!—Va-t’en!J’entendsLucasderrièremoietmetourneverslui.—Ilyaunsouci,Rose?—Non,pasdutout.Net’inquiètepas.Jejetteunœilpar-dessusmonépaule,maisiln’estpluslà.Jesoupiredesoulagement.Je regardemon super collègue qui assurait le service à lui tout seul pendant quema vie prenait le

dessussurmonboulot.Ilterminedeservirunclientets’approchedemoi.—Attends,nemedispasquec’estGabrieltonCompliqué?Jerestesurprise.—Quoi?TuconnaisGabriel?—Biensûr,c’estlefilsdupatron!—Quoi!

C’estuneblague?—Ilasûrementomisdetelepréciser,maissachequetonCompliquén’estpasunange,commetul’as

certainementremarqué.—Jecroisquec’estn’estplusmonCompliqué.—Pasétonnant!Ilestingérablecetypeetonnelevoitjamaisaveclamêmefille!Jeserrelesdents,perduedansmespenséespourarbitrerlabatailleentremessentiments.JevoisbienqueLucasm’observeenservantlesclients.—Ilestminuitetdemi,rentre.Ouprendsunepauseetattends-moi,jeteramènerai.Net’inquiètepas

pourmoi,iln’yapresquepersonneetpuisjebossedéjàtoutseuldepuisaumoinsuneheure!Il éclatede rire etme lanceun clind’œil. J’ai enviede refuser,mais j’ai vraimentbesoinde cette

pause.—Merci.Jesorsm’aérerunpetitquartd’heure.Après,çadevraitaller.Jeluidéposeunbisousurlajoue.—Jeterevaudraiça.—J’espèrebien!J’adorevraimentcetype!

***

J’attrapemonsacetsorsenhâte.Jesuissurprisepar lachaleur.Jepensaisprofiterd’unairfraisetbienc’estraté!Jeregardemachinalementmontéléphonepourmechangerlesidées.J’aiunSMSd’Aude.Aude : [J’espère que tu aurasmonmessage, parce que la bombe atomique arrive auSaphir ! Il est

passéàl’appartpourtevoir:onluiavolésontéléphonedèssadescented’avion.M’enveuxpasdeluiavoirditoùtuétais.]Jerestefigée…Maisjesuisunegrosseidiote!Commentjemedébrouillepourfairedestrucsaussi

stupides!Pourquoijen’aipasréfléchiunpeuplus?Jesuisvraimenttropimpulsive!Ilesttroptard,vucommejel’aiéjecté…Ilfautquejemecalmepourréfléchiràtoutça.Jemarcheunpeupourmedétendre.Arrivée aubout de la rue, j’ai des remordspar rapport àLucas.Lepauvre : je l’ai lâchédèsmon

troisièmejour.J’amorce un demi-tour et contemple avec une envie d’évasion le magnifique ciel plein d’étoiles

étincelantes.Jeretrouveenfinmoncalme.Jesavourel’instant,maismoncorpssedérobe.JemanquedetomberquandmesyeuxseposentsurGabriel,enhautdescinqétagesduSaphir.Ilestassis,lesjambesdanslevide.Merde!Jecoursleplusvitepossible,traverseetmontelespasserellesendérapantdeuxoutroisfois.J’arrive

audernierétageàboutdesouffle.Maisparoùest-ilpassé?JecherchedésespérémentdanslesbureauxduClub.Jenetrouvepaslaportepourmontersurletoit.RéfléchisRose!Ets’ilsautait?Moncœurs’affole.Cen’estpeut-êtrepasuneporte,maisunetrappe.

Jerefaisletouretjelatrouve,au-dessusdesescaliersparlesquelsj’étaisarrivée.Zut,jesuistroppetitepouratteindrelamanetted’ouverture!Jegrimpetantbienquemalsurlarampe

d’escalieretarriveàl’avoir.L’échelledescend,jem’empressedemonter.Jeletrouvelà,àquelquesmètres,assissurlereborddutoitplatdel’immeuble.—Gabriel!Qu’est-cequetufais?Ilseretourneversmoi,puisselève.—Rose?Toi,pourquoitueslà?—Jet’aivud’enbas,descendsdelà,tumefaispeur!Jem’approcheunpeuplusprès.—S’ilteplaît,descenddelàGabriel!—Tuaspeurdequoi,Rose?—Maisquetutombes,espèced’idiot!Unsourirepassesursonvisage.Ilcommenceàarpenterleborddutoit.—Tuaslevertige,c’estbiençaRose?Dis-moisijemetrompe.Ilmedonnefranchementlatrouille!—Euh…oui,j’ailevertige.Arrête,jet’enprie!J’enailesjambesquitremblentàlevoirsebaladercommeça.—OK,j’arrêteàconditionquetut’asseyesavecmoi,ici.Jesuissondoigtquim’indiquel’endroitmêmeoùilsetientdebout.Jeledévisage,stupéfaiteparses

paroles.—Horsdequestion!Toutmoncorps,àcommencerparmesmainsetmatête,luirépondentparlanégative.Jecroisesonregard;ilmefixeavecdétermination.—N’aiespaspeur,approchequejet’aide.Ilmetendlamain.J’hésiteunlongmoment.Etfinalement,jenesaispaspourquoi,maisjel’attrape.Il

merapprochedubord.—Neregardequemoi,OK?—Oui.OK.Jeretiensmonsouffle,nelâchepaslegrisdesesyeux.Ilmesoulèved’unseulcoupsurlabordure.—Continueàmeregarderetplielesjambesdoucement.Jem’exécute.Ilmedirigejusqu’àcequejesoisassise,puisilpassesonbrasautourdemataille.—Vas-y,regarde.Jequittesesirisettournelatête.Moncœurmenaced’exploserdansmapoitrineetmesjambessonten

coton:jesuisau-dessusduvide.

—Ohmondieu!Jem’accrochevivementàsonbras.—Alors,çateplaît?—TuesungrandmaladeGabriel!—Sûrement…Au final, je n’ai plus si peur que ça et la vue est géniale.Moi qui souhaitais de l’évasion il y a

quelquesminutes,jesuisservie!—Rose,parle-moiunpeudetoi.—Demoi?Iln’yarienàdire,mavien’estpastrèspassionnante.Tuconnaisleprincipaldepuisle

restaurant.—Parle-moidetafamillealors,jeveuxteconnaîtreunpeuplus,connaîtrelavraieRose.Ilmeregardeintensément.Maisqu’est-cequejepeuxbienluiraconter?Mavieestunesuccessiondetragédiesdudébutàlafin!—Jen’aipastrèsenvie.J’essaied’évitersonregardetjemedécideàessayerdechangerdesujet.—J’aieuunmessaged’Audequim’atoutexpliquépourtontéléphone.Jesuisdésoléed’avoirétési

idiote.Ilmesouritetposeunbaisersurmonfront.—Qu’est-cequetufaisaisderrièrelebar?—Jetravailleicidepuistroisjours.—Çanemeplaîtpasquetubosseslà.AvecLucasenplus…Ilsepassequoiaujuste?—Quoi,«ilsepassequoi»?Iladopted’uncoupuntonsifroid!—J’aivucommentilsecomporteavectoi.—Non,maisjefaisencorecequejeveux!C’estuncollègueetc’esttout.Qu’est-cequit’arrive?—Jen’aimepasqu’ons’approchedetoi,c’estaussisimplequeça.Ilsedétourneetsetaitpendantcequimeparaîtêtreuneéternité.Jeressensunesortedemalaiseetje

détesteça!Alors,ilveutconnaîtremavie?Ilvaêtreservi!C’estparti,jemelanceetdansdixminutesilparten

courant…—Surlesphotosdemoipetite,j’ail’aird’êtrevraimentépanouieetheureuse.Enfinçac’estjusqu’à

mestroisans.C’estlàqu’onaapprisquemamèreétaitmalade.Ilseretourneversmoietresserresonbrasautourdemataille.—Jenemesouviensplus tropdecettepériode,maisquelques joursaprèsmesquatreans, elleest

morte.Là,j’aidessouvenirs.Jemerappelledemonpère.

Ilétaittellementdésespéré.Ilnedormaitplus,nemangeaitplus.Lavoisinenousamenaitdesplatsetfaisaitmeslessivesrégulièrement.Jusqu’aujouroùilavendulamaisonparcequ’onavaitdesdettes.Alorsonadéménagédansunpetit

appartement.Ilétaitplutôtjoli…audépart.Jetoussotepouréclaircirmavoixenrouée.—Jene comprenaispasvraiment, j’étaispetite. Jen’allaispas à l’école,monpèreoubliait deme

nourrir.Àl’époque,jecroyaisquec’étaitnormal,alorsc’estmoiquimesuisoccupédelui.Jepensaisque c’étaitmon rôlede remplacermamaman. Je commettais beaucoupdebêtises en essayantdebienfaireetmonpèrecriaittoujourstrèsfort,quandilnedormaitpas,complètementivresurlecanapé…Àmessixans,l’assistancepubliqueestvenuemechercheretonluiaexpliquéqu’ildevraitarrêterdeboireetretrouverdutravails’ilsouhaitaitmerécupérer.J’aiattendulongtemps,maisiln’estjamaisvenu…Leslarmesmemontentauxyeux.Mêmesi jeconnais l’histoireparcœur, la raconter,c’estdifférent.Gabrielcaressemescheveux.Je

ravalemeslarmesetcontinue.—C’estàcetteépoquequej’airencontréAude.C’était lafilledelacuisinièreducentre.Maseule

amie.Onrestaitensembletouslesmidisetlesjoursoùellen’avaitpasécole.Onjouaitàs’imaginerdesviesdifférentes.J’aimaisbeaucoupcejeu.Lesautresenfantsétaienthorriblesavecmoi…Àhuitans,monpèreasigné

lespapiersd’abandonpourquejesoisadoptable.Cejour-là,j’aicomprisqu’ils’enfoutaitdemoi.J’aieul’impressionqu’onmebrisaitendeux…je

suis devenue une ombre. D’ailleurs, j’étais tellement insignifiante que personne n’a jamais essayé dem’adopter.JesoupireprofondémentetGabrielm’offreunsouriretimide.—ContinueRose.Vraiment?S’ilenaenvie,maintenantquejesuislancée,jenesuisplusàçaprès.—Àl’adolescence,çaaétéunpeuplusfacile.Audem’abeaucoupsoutenue,maisjesuisdevenueunepeste.J’étaistoujoursdésagréableetjem’étais

construitunesolidecarapace.Àmamajorité,onm’amiseàlarue.MaislamèredeAudem’aaccueilliechezeux.Celan’apasdurélongtemps:onaviteprisunappartementtouteslesdeux.Onabossépours’ensortircommeonpouvait.Àmesvingtetunans,j’airencontréAlexis.Ilenavait

vingt-neuf,unpeubagarreur,etj’aiétéfoutuedepenserqu’ilseraitcapabledemeprotéger.Lapremièreannée,onnesevoyaitpassouvent.Ilétaitbeaucoupavecsabandedecopainsetçameconvenait trèsbien.Ladeuxièmeannée, ilaemménagédansnotre ruepourmesurveilleret l’enferacommencé…Ils’enprenaitàtoutlemonde.Ilaplongédansl’alcooletaufinal,c’estsurmoiqu’ils’estdéfoulé.Jerespireunboncouppourpouvoircontinuer:repenseràAlexisestunvéritablecalvaire.—Ilm’insultaitlaplupartdutemps,memettaitlahontepartout,jusqu’aujouroùilacommencéàme

taper dessus. Je te passe les détails… C’est quand je me suis retrouvée à l’hôpital avec deux côtescasséesetunefractureducrânequejel’aiquitté.Depuis,ilmepourritlavie,meharcèle,m’afaitperdretousmesemplois,aexplosémavoiture.Ettousleshommesquim’ontapprochéontfuiàcausedelui…Onadéménagécinqfoisendeuxansavecmonamieetilmeretrouvetoujours.Voilà,tusaistout…Maisqu’est-cequim’aprisdeluiraconterça!

LestraitsdeGabrielsesontdurcis.Jedevinelacolèredanssesyeux.Ilselève,etm’attrapepourmereposersurlesol.—Tunebougespas,jereviensdanscinqminutes!Maisilpartoùlà?Mevoilàtouteseulesurletoit,mesentantbêtedeluiavoirracontétoutça.Jeleconnaisàpeine,maisaufond,jemesenslibérée.

3.LesétoilesduSaphir

« J’aimerais que nos corps soient désintégrés, qu’il n’en reste pas la moindre parcelle. Qu’unedanselégèred’atomesquivirevoltedansl’espace.»AntoniCasasRosMontéléphonesonne.C’estLucas.Jemesensidiote,jel’aitotalementoublié.—OuiLucas.Désoléejesuistoujoursdehors,je…—Ne t’inquiètepas, jene t’appellepaspour ça, c’est super calme. Jevoulais juste savoir si tu te

sentaismieux?—Oui,jevaisbeaucoupmieux.—Jeterminedansdixminutes,est-cequejeteramène?Onm’arrachemontéléphonedesmains.JemeretourneetobserveGabrieleffectuerlescentpasavec.—SalutLucas!Jeramènemapetiteamiechezelle,paslapeinedetefatiguer!Sapetiteamie?J’adoreentendreçadanssabouche,mêmesijenesuispasvraimentcontentedeson

comportement.Ilécouteenplissantlesyeux.—Ouais,c’estça,jeluidirai.Etilraccroche.—Maisqu’est-cequ’ilt’arrive,jesuisassezgrandepour…Ilposeundoigtsurmabouche.—Chut!Jereculed’unpas,complètementpriseaudépourvu.—MaisGabriel…Ilm’interrompt.Sesyeuxplongentdanslesmiensetjemesensdéfaillir.Pourquoimefait-ilceteffet-là?—Iln’yapasde«Mais».Onseprendralatêtedemainsicelat’enchante,maispaslà!J’aiunautre

programmepournouscesoir.Unautreprogramme?Qu’est-cequ’ilinsinue?Ilrecule,unsourirenaissantaucoindesabouche,sedirigeversunsacetensortunecouverture.Je

l’observefouillertranquillement,commes’ilcalculaitquelquechose.Ilinstallelacouvertureausol,enpleinmilieudutoit,puissortduchampagneetdeuxcoupes.Ilme fascine.Chacundesesgestesestprécis.Son tee-shirtblanc laisseapparaître ses tatouagesau

travers.Sadémarcheest assuréeet tellementélégante. Jemedemandecequi est leplusétouffant : lachaleurdudehorsoumonproprecorps!—Assieds-toi,s’ilteplaît.Jeluiobéisetlecontempletandisqu’ilouvrelabouteilleetnoussert.Ilsemetàgenouxfaceàmoi.

Ohc’estpasvrai,Gabrielàgenouxdevantmoi!Iln’yarienàajouterdeplusquewaouh!Ilmetendunecoupequej’attrapesansdemandermonreste.—Détends-toi.Savoixestplusdouce,plusrauque,plussexy.Non,maisqu’est-cequej’aimoi?Ducoup,j’avalemonverred’untraitetleluiprésenteinstantanémentpourqu’ilmeresserve,cequi

mevautunhaussementdesourcil.Jeboisladeuxièmepresqueaussivite.Jesaisquecen’estpasbien,maisj’aibesoindemecalmer:la

colère,lapeuretl’excitationsebousculentenmoipoursavoirquiprendraledessus.Ilm’enlèveleverredesmains.—Jepensequeçasuffira!Illesposesurlecôtéetseretourne,sepenchantau-dessusdemoi.Sonvisageestsiprèsdumienque

lachaleurdesonsoufflem’effleure.Sonregardestincandescent.L’alcoolbrûlemesveines.—J’aienviedetoi…ici…maintenant.Chaquemotappuyérésonneàmesoreilles,propageantenmoiunfrissondedésir.Jerougis.—Je…Non.Sionnoussurprenait?—Crois-tuvraimentquejelaisseraisquelqu’und’autrequemoiadmirertoncorps?—Je…Riendeplusneveutsortirdemabouche.Ilsepenchesurmoncoupourmecaresserdeseslèvreset

memurmureàl’oreilled’unevoixlangoureuse.—Rose,laisse-moifaires’ilteplaît,offre-moitoncorps.Jevaism’évanouir!Ilretirel’élastiquedemescheveuxetm’allongedélicatementsurlacouverture.Jen’opposeaucune résistance. Il remontemon tee-shirt et l’ôtepourcouvrirmonventredebaisers,

puiscontinulelongdemoncorps,memordillant,meléchant.Ils’écartepourmecontemplerdansmonsoutien-gorge noir en dentelle, passe une main virile dans ses cheveux et tire légèrement dessus, mecontemplantavecenvie.—Tuesàmoi,Rose…Ilreplongesurmoi,m’emprisonnantlabouchedeseslèvres.Jerespireplusvite;moncœurs’affole.

Sa langue trouve lamienne et la caresse avec douceur.D’un geste vif et brutal, ilm’attrape les deuxpoignetspourlesmaintenirfermementau-dessusdematête.Ohmondieu!Sonbaiserdevientérotique…Onnem’ajamaisembrassécommeçadetoutemavie!Jesuis incapabledebouger.Il tientfermementmesbras,mebloquelebassinavecseshancheset je

senssonérectioncontrelebasdemonventre.C’estunesensationdivinequed’êtreàsamerci…Un petit gémissement s’échappe de mes lèvres. Je sens que ma réaction lui arrache un sourire de

satisfaction.Ilmemordillelementon,s’attardesurmoncoulentementmeléchantàdesendroitschoisis.C’estune

doucetorture.Moncorpssetortillecommeilpeutsoussonpoidsetilrecommenceencoreetencore,inlassablement.Unmurmurearriveàmesoreilles.—Déshabille-moi…Vraiment?Ledéshabiller…Jememordslalèvred’envie.Ilmelibèreenfinlesbrasetseredressesur

sesgenoux.Jel’imiteetmeplacefaceàlui.Ilmedévisageetfrôlemajouedesesdoigts.J’essaiedecontrôlermarespirationetluiôtelentementsonhaut,découvrantsontorsefermeetmusclé.

J’ypassemapaumeenremontantlelongdesonbras,détaillantchaquecentimètredesapeautellementdouce,puisjel’amènedanssoncouetjeredescendssursespectoraux.Son regard sur moi est intense, presque intimidant. Je continue ma descente vers son jeans et le

déboutonne lentement. Je veux profiter de cemoment aumaximum.Dans un geste précis, ilm’attrapefermementparlescheveuxauniveaudelanuqueetécraseànouveauseslèvressurlesmiennes.Ilôtesonjeansetseschaussuresaisémentetlevoilàenboxernoirdevantmoi,melaissantdécouvrirà

traversletissuàquelpointilmedésire.Jen’osemêmepasycroire,ilestjustesublime!Jedoisêtreentrainderêver.Ilm’enlèvemesballerines,uneparune,tranquillement.Puis,ilmereposesurlacouvertureetsonindexpassesurladentellecouvrantl’undemesseins.La

réactionàsacaresseestimmédiate,montétonsedurcit.Ill’attrapeàtraversletissupourlemordillertoutenm’enlevantmonpantalon.Tantdedouceuretdebrutalitédanscecorpsmagnifiqueaurontraisondemoi,jelesaisdéjà…Ildescendpourdécouvrirl’intérieurdemescuisses,ilyposedesbaisersdélicats,gardantsonregard

brûlantsurmoi,épiantchacunedemesréactions.Ilamènesesdoigtssurlehautdemaculotteetladescendenmecaressantduboutdesesongles.Jesuispresquenue,àl’airlibresuruntoit,lecielétoilépouruniquevueavecleplusbeaumecque

j’aijamaisvu!Etenplus,ilaenviedemoi…Moncœurestsurlepointd’exploserenmillemorceaux!Ilm’écartelescuissesàl’aidedesesjambesetplongeundoigtenmoi,mefaisantpousserunpetitcri

empreintdesurpriseetdeplaisir. Ilmeregardemetortillersoussamainexperte.Jesuisàbout, je leveuxenmoi!—Gabriel,s’ilteplaît…Maisrienn’yfait.Ilcontinue.Jesuisaubordduprécipice.Ilenlèvesondoigtaumomentoùjevaissuccomberetmesourit.Ilmesoulèvelégèrementpourenlever

monsoutientgorge,etils’attardesurmesseins,leslèche,lesmordille,lestitille,inlassablement.—TuesmagnifiqueRose…j’aitellementenvied’êtreentoi.Savoixesthaletanteetsonsouffleest

chaudsurmapoitrine.Etmoidonc!Moncorpsfrémit.Jen’aiqu’undésir,qu’uneobsession:qu’ilprennepossessiondemon

corpslà,toutdesuite.Ilreculepourenleversonboxer,libérantsonérection.Meslèvress’entrouvrentlaissantéchapperun

souffle.Ilattrapeunpapiergrisdanssapocheetledéchireaveclesdents.Rapidementilinstalleunpréservatifetredescendsversmoiavecunelenteuraffolante.Tousmessens

sontenéveil.Jepasseunemaindanssescheveuxetjetiredessusaumomentmêmeoùilmepénètre.Je

gémis…Il reste unmoment enmoi, puis se retire avec une lenteur exquise et entre à nouveau enmoi plus

profondément,gémissantàsontour.—TuaimesmesentirRose?—Oui,encores’ilteplaît…encore.Mavoixesthaletanteetsuppliante.Ilreprendsonmouvement,ondulantdeshanches.Salanguepresséepénètreànouveaumabouche.Ce

quejeressensestinsensé,commes’ilconnaissaitparfaitementmesdésirs.Jem’accrocheàtoutcequejepeux:sescheveux,soncou,sesépaules,sapeau.J’enroulemesjambesautourdelui.Jeleveux,encore,qu’ilprenne tout. J’étouffeuncri. Ilm’ordonnedeme laisseraller, alors j’obéisetne retientplus lespetitsbruitsquisortentduplusprofonddemoi.Lerythmes’accélère.Jesoulèvelebassinpoursuivrelesmouvementsdesoncorps.Desspasmesme

traversent.Chaquecoupdereinssupplémentaireslesprolongeetlesamplifie;soncorpsestjustemagnifique.Je

mecontracteautourdelui.Monventreestenfeuetjebrûle,jenetiensplus.—Jouis,Rose…Ohputain!Cesseulesparolessuffisentàmefairebasculeretmoncorpsconvulse.Ilmemaintientpour

quejeleregardedanslesyeux.Uneseulepousséedeplusmefaitjouiretjeperdspiedtotalementdanssesbras.Ilmerejoint,murmurantmonnomdansungémissementenvoûtant.Nousnousécroulons,entrelacésetàboutdesouffle.Auboutd’unlongmoment,jeréaliseetéclatederirepresquenerveusement.Jecroisesonregardsurpris.—Pourquoicerire,petitedemoiselle?Ilmesourit.—Jeviensdefairel’amoursuruntoit!Etenplus,làoùjesuiscenséetravailler!Etj’aiadoréça!Jen’auraispeut-êtrepasdûluiavouerquej’aiadoréça,maisc’estsortitoutseul.—Tun’asjamaisfaitl’amourdehors?—Non!—Tantmieux!Situsavaistoutcequej’aienréservepourtesjoliespetitesfesses…—Oh!Mesjouess’empourprentànouveau.—NerougispasRose!Etpuischaquechoseensontemps.Cequisous-entendquejevaislerevoir…Gabrielprendungrandsoinàmerhabiller.Jecroisquec’estlapremièrefoisqu’unhommemeremet

mesvêtementsaprèsmelesavoirenlevés.Jetrouveçaétonnantetàlafoisprévenant.Jemedemandes’ilestcapabled’agirnormalementcemec.Non,monmec!Oui,c’estlemien,ilestàmoi!Gabrielestàmoi!Enfin,aumoinspourcesoir…

4.Lagranderouedessensations

« L’amour est une roue, une roue qui tourne sans fin. nous sommes sauvés par ceux que noussauvons.Ilsdeviennentàleurtournossauveurs.»DeanKoontzLasonnerieduréveildemacolocmetireviolemmentdemonrêve.J’aidormicommeunbébé.Jesuis

tellementbien:est-cequej’aiimaginétoutça?Biensûrquenon!Moncorpsmerappellelessensationsquej’aiéprouvéescettenuit.Jesourisidiotement.—Tuasl’airdrôlementheureusecematin?Jem’aperçoisqu’Audem’observe,accoudéesurlelit.—Oui,c’estvrai.Mesjouess’empourprent.Elles’assiedentailleur.—Raconte!Ellesemblevraimentimpatiente.—C’étaitjusteuntrucdedinguehiersoir!—AvecGabriel,jesuppose?Lesourirequipassesurmeslèvresàl’évocationdesonprénomnelaisseaucundoute.—Onafaitl’amoursurletoitduSaphir!Jemeplanquederrièremoncoussin,attendantsaréaction.—Non!Tuessérieuse?—Oui,trèssérieuse.—Maisquellechancetuas!Lapiscine,letoit,ilestromantiqueaufinal,celui-là!Jelaregardehébétée.Jem’attendaisàuneleçondemorale.—Tunemesermonnespas?Quecen’estpasbienetnianianiaetblablabla?—J’avoueques’iln’étaitpaspasséhieravantdeterejoindre,peut-êtrequej’auraiseupeurpourtoi.Jesuisintriguée!—Maislàçava.Jenepensepasqu’ilsemoquedetoi.Jemeredresse,meplaçantdanslamêmepositionqu’elle,faceàface.—Raconte-moi.—Non,c’estmonpetitsecret!Ellemenarguetranquillement.J’aienviedelabalancerenbasdulit!—Tuenastropditoupasassez!S’ilteplaîtmachérie,masœur!

Ellecommenceàriretrèsfort.—Toi,tuenpincesgravepourlui!—Jepense.Maisj’aiunetrouillebleueenvérité,ilestsi…déconcertant.—Rassure-toi,quandilestpasséhier,malgrésajoliepetitefaçadededur, j’aibienremarquéqu’il

étaitpaniquédenepasavoirréussià te joindre.Etquandje luiaidonnétonnuméroetpréciséquetupensaisqu’ils’étaitfoutudetoi,ilestpartiencourantsansunaurevoir.Quelmalpoli!Lajoiemesubmerged’unseulcoup,viveetviolenteàlafois.—Alors,c’étaitcomment?Quoi?—Qu’est-cequiétaitcomment?—Etbiende faire l’amouravecMonsieurSexysur le toitd’un immeuble?Tuas intérêtà toutme

raconteretdanslemoindredétail!Elletrépigneenmeregardant,lesourirejusqu’auxoreilles.—C’était…commentdire…indescriptible!—Quoi?Ahnon,tuabuses,t’arrêtepaslà!—Ilestàcouperlesouffle!Jen’aijamaisressentiçadetoutemavie,ilestsi…Onfrappeàlaporte.Ouf!Quiquecesoit,jeleremercied’interromprecetteconversation.Jecrois

quej’aienviedegardertoutpourmoi,uniquementpourmoi.Jemerallonge,serrantmonoreillertrèsfortpendantqu’Audeselèvepourouvrir.Ellerevientquelquesinstantsaprèsavecuncolisdanslesbras.—Tuascommandéquelquechose?—Bahnon,pourquoi?—Ilyatonnomlà-dessus!Elleretournelepaquetdanstouslessens.—Iln’yapasd’expéditeur,c’estétrange.Elleremontesurlelitetmeleposesurlesjambes.—Ouvre-le!J’observel’emballage.Ilestplutôt joli.Çaressembleàunpaquetcadeauavecsonjolinœudrouge.

Est-ce que quelqu’un aurait pensé à mon anniversaire un peu en retard ? Mon père ? Je balaieimmédiatementcettepenséeidiotedematête.Ilnem’ajamaisrienoffertdepuisqu’ilm’aabandonné.Jeretrousselenez,dégoûtéed’avoirremuécesouvenir.—Non,maistul’ouvresouquoi?Onnevapasl’encadrer!Jedéfaisavecprécautionlenœudrougeetarrachelepaquetavecbeaucoupmoinsdepatience.Ilyaunecarte.Audel’attrapeauvol.—Tum’exaspèresàprendretontempscommeça!Jenerépliquepas,malgrémonenviedeluihurlerquejefaiscequejeveux!C’estvrainon?Onnem’ajamaisenvoyédecadeaudemavie.Monregarddoitêtreglacial,carelle

metendlacarte,l’airgênée.

Rose,Je plaide coupable pour l’assassinat honteux de ta jolie robe. Je n’ai pu trouver lamême,mais

j’espèreque celles-ci etmeshumbles excusespourraient enquelque sorteatténuerunequelconquerancœurenversmoi.GabrielPendantqu’Audes’empressedelirelacarte,sacuriositéétanttropforte,jeregardeàl’intérieurdela

boîte.Ilyaunerobenoirepresqueidentiqueàcellequiaétédéchiréeetuneautrepourprevraimenttrèsbelle,quoiquepeut-êtretropsexypourmoi.—Qu’est-cequ’elleaeutarobe?—Unpetitaccrochagedegrillage.Maiscen’estpasdesafaute.Enfinsidansunsens,maisc’estmoiquiaiétémaladroite.—Ahoui,àlafameusepiscine!Elleexplosederire.Ilme surprend toujoursquand jem’y attends lemoins ! Jen’ai pas l’habituded’autant d’attentions,

c’estvraimentdéroutant.—C’estincroyablementromantique!AudemesortçacommesiellevenaitderegarderRoméoetJuliette!—Toidetoutefaçonunglaçonentraindefondretuarriveraisàtrouverçaromantique!—Ettunebossespasaujourd’hui?—Ahmerde!Jesuisàlabourre!Çayest,elleestenstress…Elles’agitedanstouslessensetseprépareàunevitessefolle.Jecroisquejevaismerecoucher.Jepousselepaquetsursoncôtédulitetm’allongedetoutmonlong

enfourrantmatêtedansl’oreiller.Jesuisnaze.Iln’estquedixheures.Montéléphonem’annoncequej’aiunmessage.Foutez-moilapaixàlafin!Cen’estpaspossible,j’en

aisuffisammentavecunecolochystérique!Je tends le bras, la tête toujours dans l’oreiller. J’ouvre unœil : j’ai quatremessages. Je relève le

mentonpourmieuxlire.Lepremierestd’Alexis.Ohtoi,çasuffit,tuneréussiraspasàmegâchermagrassemat’etquiplusestmonjourderepos!Hop,

j’efface!LesecondestdeValentin.Ilmedemandedesnouvellesetprécisequ’iln’apascourscetteaprès-midi.

Pourtouteréponseilauraun«jedors»tapéàlava-vite.Letroisièmec’estLucas.Ils’inquiète,veutsavoirsiças’estbienpasséavecmonCompliquéhiersoir.Jemeredressepourluiécrireuntruccorrect.Maiscommejenesaispasquoiluirépondre,j’aviserai

plustard!Etenfinledernier,vitequ’onenfinisse,jesuisnaze!J’entendsAudeclaquerlaporteenpartant.Gabriel:[Rose,jeseraienbasdecheztoidansuneheure,metsuneveste.Àtoutdesuitebeauté.]Quoi?Ilsontlancéunjeunationalpourm’empêcherdedormirouquoi?Dansuneheure?Commentçadansuneheureetsijen’aipasenviemoi?Onnemedemandepasmon

avis?Moi:[Jesuisdansmonlit.]Jeregretteinstantanémentcequej’envoie,maisilesttroptard.Gabriel:[Situnelèvespastesjoliespetitesfesses,jepeuxtoutaussibienvenirtesortirdelà!Ilte

reste45minutes.]Jesuistombéesurunmalademental!Etenplus,ilnedortpaslematin!Jeréalisesoudainquesijenemedépêchepas,ilseraitcapable

d’oser se pointer et me trouver dans un état lamentable avec du maquillage partout, les cheveux enbatailleetmontee-shirttuel’amour.Horsdequestion!Vite,bouge-toiRose!Etpourquoiunevesteaufait?Ilfaittropchaud,ildébloque!Moi:[BienMonsieur,àvosordres!]Jemelèved’unbondetcourssousladouche,enattrapantaupassagedesvêtementsauhasard.Etlà,surprise,jesuisentraindemelaverlescheveuxquandtoutàcoup,plusd’eauchaude!—Maisc’estpasvraiça!J’aivraimentlapoisse!Jeterminetantbienquemaldemerincerenfaisantdepetitssautsdansladouche.Aumoins,jesuis

plusqueréveillée!J’enfilemonjeansetuntop,sorsentrombedelasalledebain,laserviettesurlatêtepourmediriger

versleréfrigérateur.J’effeuillelesfacturesimpayées.Ehbienvoilà,onatoutgagné:ilsnousontcoupélegaz!Machinalementjemetapelatêtecontrelaportedufreezer.—Tun’aspasl’airdebonnehumeur.Jemefigesurplace!J’ose jeterunœilde l’autrecôtéde lapièce.Gabrielest tranquillementassissur lecanapéavecun

sourireàfairetombertouteslesfemmesdelaplanèteàsespieds.— J’étais en avance. J’ai croisé ta colocataire, charmante d’ailleurs. Ellem’a autorisé àmonter ;

c’étaitouvert.Aucunmotnesortdemabouche.Jerestelà,commeunegourde,avecmaserviettesurlatête,lesyeux

écarquillés,etmerevoyantmecognerlefrontsurleréfrigérateur.Lahontedanstoutesasplendeur!Jen’oseraiplusleregarderdetoutemavie…Jen’insistepaspourbafouillerquelquechosequiseraitencoreplusgrotesque.Lasituationl’estdéjà

assezcommeça.D’unsignedelamain,jeluidemandedem’attendreetfoncedanslasalledebain.Jem’appuiedesdeuxmainsaulavabo.RespireRose!Unlongmoments’écouleavantquejereprennemesesprits.Jemesèchelescheveuxetmemaquille.JevaistuerAude,c’estsûretcertain!J’empoignemontéléphone.Moi:[D’uneonaplusdegaz,doncplusd’eauchaude!Etdedeux,jetedéteste!]Voilà,çafaitdubien!

Jeretourned’unpasdécidéverslesalonaveclafermeintentiondeluimontrermafaçondepenseràcelui-là!Horsdequestionqu’onnemelaissepasrespirer.Alexisadéjàgâchéquatreansdemavie,c’estassez

je trouve!Bon,c’est sûr,cen’estpaspareil.Mais jen’aipasenviequeçadevienneunehabitudededébarquerquandçaluichante!UnpetitairdeMusesortdesenceintesdusalon.JereconnaisUnintended,marqueuntempsd’arrêt,

carj’adorecettechanson.J’entredanslesalonettoutesmesbonnesrésolutionstombentlamentablementàmespieds.—Jenesavaispassituprenaisducaféouduthé,alorsjemesuispermisdetepréparerlesdeux!Ilesttropcraquant,c’estinjuste!Jegrimaceàlavueducaféetattrapelethébrûlant.Jeleposesurla

tablebasse.Jemesenstoutàcoupplusdétendue.Étrangesensationquandonpensequ’ilyaàpeinedeuxminutes,j’étaisprêteàfondresurluicomme

unefurie.Maintenant, quand j’y songe, c’était complètement ridicule. Il a juste envie de me faire plaisir.

Pourquoiest-cequejesuiscommeça?—Tucomptesm’adresserlaparoleouoncommuniqueaveclelangagedessignes?Ilaunpetitsourireencoin.Etvoilà,ilaréussiàmefairerire.Ils’approchedemoietm’enlace.—Bonjourvous!Ilmeposeunbaisersurleboutdunez.—Tuestoujourssidéconcertant?Oh,mavoixestrevenue,miracle!—Tumetrouvesdéconcertant?—Oui,unpeu.—Etçatedérange?Biensûrqueoui!Enfinlà,d’unseulcoup,jen’ensuisplusvraimentcertaine.Jerepenseàlapiscine,àlasoiréed’hier…—Non,pasvraiment.Enfin,jen’ensuispastotalementsûre.—Tuesvraimentunepetitechosecompliquée,Rose.Jeremarquequeçal’amusebeaucoup.Moi?Compliquée?Maisc’estlemondeàl’envers!MuseentonneSupremacyquandjemedécideenfinàattrapermonthé:jepensequej’enaibesoin.Jem’assiedsetilm’imiteaussitôt.—C’estsympacettemusique.Çameplaît.Monsourireenditlong.—C’estMuse,mongroupepréféré.C’estbonilagagné,jelesuivraiauboutdumonde!Jeboisd’untraitcequirestedemonthé,melève,

attrapemavesteetglissemonportabledansmapoche.Ilmesuitdeprès.Jefermelaporteetnousdescendonslesescaliers.

—Tuneposespasdequestion.Tutesensbienaumoins?Jemeretournebrusquement.—Commentça?—Jem’attendaisàcequetusoispluscurieuse.Ilhausselesépaules,commesic’étaitlogiqueavecmoi.Jemerapproche,leregardantenface,lesyeuxdanslesyeux,bienqu’ilsoitbienplusgrandquemoi.

Ducoup,jesuissurlapointedespieds.—Moiaussi,jesuiscapabled’êtreimprévisible!J’appuiesurchaquemotetmeretournetrèsvite,reprenantmadescente.Arrivéesurletrottoir,jecherchelavoituredesyeux,maisrien.—Tuesgaréloin?—Non,justedevanttoi!Ilmedésignel’imposantemotonoiredevantnous,toutenposantsapaumedanslecreuxdemondos.

Jenesaispassic’estlamotoousamain,maisunfrissonmeparcourtlacolonnevertébrale.Jeplacelesdeuxmainsdevantmoicommebarrièredeprotection.—Horsdequestionquejemontelà-dessus!—Tuserasbienobligée.Ilesttrèssérieux,enfourchelamotosousmesyeux.—Jenesuisobligéeàriendutout!Jehausseleton,maisilsecontentedesourire.—Tucomptesmesuivreàpied?—Non!Je…Jepourraistrèsbienretournermecoucher!Enplus,c’estmonjourderepos!Ilm’attraped’ungestevifetmeplaquecontresontorse.Jesenssonodeur;elleestdivine!—Tun’aspasconfianceenmoi,Rose?Ilmeregardeetpourunefois,jedevineunefaille:saconstanceetsonassuranceontlaisséplaceà

quelquechosededifférent.J’ail’impressionquesesyeuxmesupplient!Unmal-êtres’empareaussitôtdemoi,uneenviedeleserrertrèsfort.Ilal’airsivulnérableencetinstant.J’attrapelecasqueposéàmaplaceetilrelâchesonétreinte.Jepassemavesteetenfourchelamoto,

décidéeàlesuivrequoiqu’ilarrive,mêmesilapeurestlà,dansmonventre.Ilempoignemesmainsetlespasseautourdelui.—Tuserresfortetsurtout,tunelâchessousaucunprétexte.Ilenfilesoncasque.—Promis!Jeleserredetoutesmesforces.—Eh!Passifort,ilfautquandmêmequejerespire!Jerelâcheunpeu.Quandlamotovrombitjeretiensmonsouffle.J’aiunedecestrouilles!Sortidelaville,ilempruntedesroutesdecampagne.Plusonroule,plusjemedétends.Jecommence

même à trouver ça génial. Il le sent sûrement, car il accélère.Mon cœur bondit dansma poitrine, lepaysageestmagiqueaveccesoleiletlavitesse!Leparfaitmélangedesensationsquimefontmesentirvivante!C’estça!Gabrielmedonnel’impressiondemesentirenfinvivante!Jeposema têtecontresondos. Jen’ai jamaisétéaussibiende toutemavie, jamaisaussibienque

quandjesuisavecluietquejelesuisdanssesfolies!

***

Jepensequ’onarouléplusd’uneheure.Ils’arrêteauxabordsd’unefêteforaine.Nousdescendonsdemotoetnousenlevonslescasques.L’airestétouffant ; l’étén’estpasencorelà

pourtant.Jeregardel’immenseparcd’attractionsavecdegrandsyeux.Jecroisquejen’ysuisalléequ’uneseule

foisdansmavieetjedevaisêtrepetite,carjenemerappelleplustrop.Lesseulssouvenirsquimereviennent,sontuneodeuragréabledepop-cornetdesgensheureuxautour

demoi.Ilmesemblequec’étaitunbonsouvenir.Jesupposequec’étaitautempsoùj’avaisencoredesparents.Gabrielmetiredemespensées.—J’aienvied’unebarbeàpapa,pastoi?—Jenesaispastrop.Jeleregarde,unpeuintriguée.Ilm’attrapepar lamain,me tirantvers l’entréecommeungamin. J’adorecette facettede luique je

découvre.—Tuvasgoûter,c’estexcellent.C’estunedemesfaiblesses.Gabrieladesfaiblesses,quil’eûtcru?Il y a quand même pas mal de monde pour un après-midi. La musique qui chante à mes oreilles,

mélangéeauxodeursdesucreriesdesdiversstandsettouscesgensquis’amusent,jetrouvevraimentçamagique.Mesyeuxs’arrondissent.Toutm’intéresse,cequiamusebeaucoupGabriel.Jel’assommedequestions

en tout genre sur chaquemanège,mais il n’a pas l’air agacé. Au contraire, ilme fait parcourir cetteénormefoireenlongetenlarge.Ils’arrêtedevantunemachineàbarbeàpapaetdemandelaplusgrande.Jesuisémerveilléequandle

forainplacelebâtondanslamachineetenrouleautourdecelui-cilajolietoilerose.JesaisqueGabrielm’observe,maisjesuisenadmiration.J’aisûrementl’airidiote,maistantpis!Etnousvoilàdéambulantavecnotreénormebarbeàpapadanslesallées.Ilmelatend.—Allez,vas-y,goûte!Il en arrache un grosmorceau pour lemettre à sa bouche. Sa bouche simerveilleuse ! Je ne peux

m’empêcherdeleregarder,etjel’imite,commençantparunpetitbout.—Hum,c’esttropbon!

J’enattrapeunénormemorceau.—Jetel’avaisdit.Eh!Doucement,laisse-m’enunpeu!Qu’est-ce que c’est bon ce truc ! Ça fond tout seul dans la bouche. Je comprends maintenant son

penchantpourcettesucrerieetjecroisqueçavadevenirunedemespréféréeségalement.J’ailesdoigtstoutcollants,alorspastroplechoix.Jelessuçote,quandj’aperçoissonregardfiévreux

surmoi.Ilm’attrapeparlataillesansquejesoiscapablederéagir.—Onvafaireuntourdegranderoue.Ahoui,lagranderoue,ilmel’amontrétoutàl’heure.—C’estunpeuhautnon?Monangoisseduvidemereprend.—PasplushautqueletoitduSaphir!Ilal’airtrèsfierdesacomparaisonetm’entraîne,mecouvrantdebaisersdanslecou.Quesesbaisers

sontexquis !Et j’adoredéfilerdevantces femmes totalementenémoisursonpassage. Ilnes’en rendmêmepascompteetn’ad’yeuxquepourmoi!Doucesensation…—Tuvasaimer!Jemelaissedonctransporterjusquedevantetlèvelesyeuxjusqu’aucielpourapercevoirlesommet

delaroue.Jereculed’unpas.—Là,jecroisquejen’ensuispascapable.Mesjambestremblent.—Biensûrquetuescapableetpuisjesuislà,n’aiepaspeur.C’estimpossiblequetutombes.Ilal’airtellementsûrdelui.—Jereviens.Jeprendsdesplaces.Attends-moi!J’aienviedeluicrierquenon,jeneveuxpas.Maisest-cebienutileaveclui?J’essaiedemedétendreenregardantdesenfantsdescendredutourprécédent.Sieuxyarrivent,iln’yapasderaisonquejenem’ensortepas!Jelecherchetoutàcoupetl’observediscuteravecleforainàquiappartientl’attraction.C’estunpetit

garsunpeubourru,maisilaquandmêmel’airsympathique.Jedétaillelesnacellesrondes.Ellessontplutôtoriginalesetpresqueentièrementfermées.Seull’avant

est ouvert, ce quime rassure un peu dansmonmal-être : je n’aurai pas vraiment l’impression d’êtresuspenduedanslevide.Ilrevientd’unpaspressé,toutsourire.—Prête,bébé?Bébé!Cepetitnomestsidouxàmesoreilles!J’aiencoreenviedel’entendre!Sansm’enrendrecompte,jemesuisassisesurlebancàl’intérieurdelanacelle.Jemefocalisesur

lui,enadmirationtotale!Ilchambouletoutesmespriorités,s’accaparantmêmemespensées.Jefrémisquand lemanègesemetenroute. Ilm’entouredesonbrasfermement,pourmerassurer je

supposeetaufinal,jemesensbien…Àcetinstant,impossiblequecesoitunecoïncidence,«Followme»demongroupepréférémonteen

puissancedanslesimmensesenceintes.Jemetourneversluietl’enlacedansunélannonretenu.Jeposematêtecontresontorseferme.Sonodeursiagréablememonteimmédiatementaunez.Quedemanderdeplus?Lepaysageestmagnifiqueetlesoleiléclatant.Ilme soulève lementon.Son regard intense est plantédans lemien, ses lèvres se rapprochent et il

m’embrasse avec une telle intensité qu’en un geste, je me retrouve à califourchon sur lui. Sesmainspassentsousmontee-shirt.Ellessontsichaudesetdouces.Puisellesdescendentlelongdemondospourattraperfermementmesfessesetmerapprocherdelui.Jesenssonérectioncontremonbasventreetuneenviefurieusedeluisepropagedanstoutmoncorps.Il approche sabouchedemonoreille, suçant le lobe etmurmurant avecunevoix rauque et sexy en

diable.—Ilvafalloirpenseràmettredesrobesplussouventbébé.Jenemettraiplusqueçasitucontinuesàm’appelerbébé!Toutàcoup,lemanègesebloquetoutenhaut.Lapaniques’emparedemoi.—Qu’est-cequisepasse?Ilmeregardeensemordantlalèvreetm’adresseclind’œilpleindesous-entendus.Pasbesoind’un

dessin,j’aicomprisquec’étaitlui!Ilestcomplémentdingue!Maisj’aimeçaàunpointinimaginable…Ildéboutonnelehautdemonpantalon.Je regardeunpeupartout,maispersonnenepeutnousvoir.Noussommes toutenhaut, seulsdevant

cettevuesplendideetMusechanteàpleinepuissance.—Lève-toi.J’obéissansréfléchir:j’adorecettevoixautoritaire!Ilbaissemonjeans,mapetiteculotteetmereposesurlebancs’agenouillantàmespieds.Maisqu’est-

cequ’il fabrique?Sesyeuxme transpercent tout enécartantmescuisses.Unsourireà la limitede laperversités’estinstallésurseslèvres.Ohc’estpasvrai,jesaisàquoiilpense!Ilcommenceparm’embrasserlescuisses,remontantlentement.Ilmecaresseleshanchesdesesmains

et descend avec sa langue à l’intérieur, écarte doucement mes lèvres et m’embrasse à l’endroitstratégique,cequiprovoqueinstantanémentungémissement.Jenesuisplusquel’ombredemoi-même,unjouetdanssesmainsexpertes.Desalangue,ilmecaresseinlassablementavecunedouceursavammentdosée.Jem’accrocheinstinctivementàsescheveuxpourl’amenerplusprès.Jesuisdéjàhaletanteetmetortillesoussescaresses.—Soissage,nebougepas.Ilneserendpascomptecommec’estdifficile.J’aitellementenviedelui!Il reprendimmédiatementmadouceagonie,m’arrachantunnouveaugémissement.Avecses lèvres il

aspiremonclitorislentement.Jesuisauborddel’implosion,latensiondansmacolonnevertébraleesttelle que je suis incapable d’empêcher mon bassin d’avancer vers lui. Il suce plus fort, plus vite etj’explosedansunorgasmefulgurantencriantsonprénom.Ilnemelâchepas,pourleprolongerlepluslongtempspossible.Mes jambes tremblent,moncorpssecambredeplusbelleetunautreorgasmerevientmefoudroyer

encoreplusfortetencoreplusviolemmentquelepremier.Ilsejettesurmoipourmeserrerdanssesbras,mesertfort.Jesuishaletante,sereineetsibienàce

momentprécis.—Bébé,jepensequ’ilfaudraitviteterhabiller,jen’aipasenviequequelqu’untevoiecommeça.Ilm’aide,carmesmainstremblentencoreetjecomprendsàsesyeuxquecelaluiplaîtd’avoirsuscité

unteleffet.Lemanègeseremetenrouteetjemeblottiscontrelui.Ilmecaresselescheveuxjusqu’àlafindutour,

m’assiste pour descendre,memaintenant fermement d’un bras. Je dois être rouge comme une pivoinequandleforainnoussouhaiteunebonnejournée.Qu’est-ce qu’il vient de me faire ? Il est complément fou et moi aussi folle de ne pas l’en avoir

empêché.Toutçanemeressemblepas…Nousmarchonsenlacésquandmon téléphonesonne. Je l’ignore,décidéeàprofiterdeceluiquim’a

amenéicivivreuneexpériencemagiqueet…siintime.Maishélas,auboutdelatroisièmefois,jemerésigneàl’extirperdemapoche.C’estLucas.JeregardeGabrielquim’encouragedelatêteàrépondre,maisjeconstatequesestraitssetendent.—SalutLucas.—AhenfinRose!J’aicruquetunerépondraisjamais!Ausondesavoix,jesensquequelquechosenevapas.—Désolée,j’étaisoccupée.—J’aiunpetitserviceàtedemander.JemesuisbrouilléavecLuciehiersoir.J’auraisbienaimélaretrouveràlasortiedesonboulot,maisjesuisd’ouverturecesoir.Jesaisquetu

nebossespas,maisjet’ensupplie,est-cequetupourraist’enoccuperàmaplace?J’enauraijustepouruneheure.Gabrieltrépigned’impatienceàcôtédemoi.—OK,pasdesoucis.Prendstontemps.J’espèrequeçavabiensepasser.—Ohsuper!Tuesmasauveuse!Jet’appelleaubarsiçadurepluslongtemps.Mercimabelle!—Derien,àtoute!Jeraccroche,etmetourneversGabriel,distant.—Jedoisallerbosser.Lucasaunsouciavecsacopine.—Ilfaitchiercelui-là!Ilenfoncesesmainsdanssespochesetavancedevantmoid’unpasdécidé.Quelcaractère!Maisqu’est-cequ’ilsontcesdeux-làànepaspouvoirsevoirenpeinture?Jesuis

sûrequ’onmecachequelquechose,cen’estpaspossibleautrement!Jelesuis,complètementperduedenepluspouvoirm’accrocheràlui.Nousremontonsàmotodansun

silencepesant.Jedétesteça.Ilaquandmêmeladélicatessed’attrapermesmainspourquejemetienneàlui.Leretourestbeaucoupmoinsagréablequel’aller.Jenesupportepascemalaisequimepèse.Arrivésdevantmonimmeuble, ildescenddel’engin,unpeupluscalme,maisjedevinequequelque

choseledérange.—Appelle-moiquandtutermines,jeviendraitechercher.Horsdequestionqueturentresseulelesoir.

—Oui,jen’enaipaspourlongtempsdetoutefaçon.Ilm’embrasselajoueetremontesurlamoto.Jeresteplantéecommeuneidiotesurletrottoir.Pourquoi

ai-jerépondu!C’étaittellementparfait…Unsoupirm’échappemalgrémoi.Ilestdéjàdix-huitheures.Ohla,ilfautquejemontemepréparer.Jevaisêtreenretard!

5.Laharpie

«C’estétonnantcommelajalousiequipassesontempsàfairedespetitessuppositionsdanslefaux,apeud’imaginationquandils’agitdedécouvrirlevrai.»MarcelProustJemedoucherapidement,enfileletee-shirtduclub.Unequeuedecheval,unpeudemaquillageetje

suisdéjàsurletrottoir,marchantàviveallure.Surlechemin,jerêvasseenpensantàGabriel.Toutcequej’aidéjàvécuavecluienquelquesjours

estsurréaliste ;quandjepensequecertainespersonnesneviventpasdetrucsaussidinguesdanstouteunevie!J’arriveenfinetsaluemescollègues.Roxanne est encore là, à me regarder bizarrement. Je me sens mal à l’aise avec elle. J’ai même

l’impressionqu’ellemedéteste…J’aifroiddansledos,rienqued’ypenser.Jeneluiaipourtantrienfait…Quelquesminutesplustard,celle-cisedirigeversmoietpassetranquillementderrièrelebar.—Lucasm’ademandédevenirt’aiderletempsqu’ilarrive.Savoixestfroideetsanslamoindreémotion.Super,c’estbienmaveine!Leservicecommence,maislemalaiseestlà.Jereçoismêmeuncoupdecoudevolontairequandelle

passederrièremoi.Maisqu’est-cequ’ellea?J’aienviedeleluidemander,maisjemeravise.Jesuisauboulotetjen’aipasenviedeperdremaplacepourunedisputeridicule.Ellemecroiseànouveauetmeglacelesangquandellem’annoncefièrement:—Jecoucheavectonmec!Elleaauxlèvreslesourireleplussadiquequej’aivu.Jemefigeuninstant,maismaraisonmepousseàretournerautravail.Mesmainstremblentunpeu.Qu’est-cequis’estpassélà?J’aibienentendu?Calme-toiRose,respire!Jeme concentre,mais c’est difficile et je constate queRoxanne est particulièrement satisfaite de la

bombequ’ellealâchée.Jemesensmal,trèsmal,nesachantplusdansquelordredoiventconvergermespensées.Lesminutesmeparaissentdesheures,maisjemeconcentre.S’ilteplaîtLucas,dépêche-toi!Aumomentmêmeoùjepenseàlui,jel’entendsderrièremoi.Unsoupirm’échappe.—EhRose,çava?Tuestouteblanche.Ilmedévisage,maisjem’affairepouréviterdeleregarder.—Çava.Mavoixestcassée.IlsetourneversRoxanne.—Tupeuxyaller!Ilrevientànouveauversmoi.

—Qu’est-cequ’ilya?Deuxclientsdébarquentenmêmetemps,doncnousrepartonschacundenotrecôté.Roxanneagitesa

mainenguisedepetitsalutaveclemêmeregardglaçantquetoutàl’heure.—Espècedeconnasse!Merdeçam’aéchappé!—Quiest-cequetutraitesdeconnasse,Roxanne?—Mouais.Làjesuisfranchementgênéedelabourdequej’aicommise.—Eh!Évited’insultermasœurquandjesuislà!Jemeretourneverslui,médusée.Ilsemetàrire.—Etoui,onnechoisitpassafamille!Qu’est-cequ’elleaencorefaitcetteharpie?Jesupposequec’estausujetdeGabriel.—Commenttusaisça?Ilressertunclient.Jetapotedupiedmachinalement.C’estmafêtecesoir!—Dequoionparlaitdéjà?Ahouais,tonCompliqué.Jet’aiunpeuavertisurlui,ilmesemble.Ton

beaugosseestsortiavecmasœur,justeavanttoi.—Quoi?Mavoixs’étrangle.Jesuisauborddelacrisedenerf!Monrêves’écrouleàmespieds!—Benpourêtrefranc,aumoinsuntiersdesfillesquiviennenticirégulièrementsontsortiesavec.Aurevoiràmonmerveilleuxrêve!Unbelenfoiréetjen’yaivuquedufeu…—Jecroisquejevaisrentrer.J’attrapemonsac.Lucasm’emboîtelepas,maisjenecomptepasm’attarderàdiscuter.Jesorsd’ici!—Rose,j’aipeut-êtreunpeuexagéré!—Àdemain!Jenemeretournemêmepas.Maisdevantl’entrée,jetombenezànezavecGabriel.—Tuasterminébébé?Jevoisrouge.Iladûlesentir,reculepourmelibérerlepassage.Jefoncedanslarueetilmesuit.Jele

sens,jelesais.J’aperçoisValentinauloin.JemeretourneversGabriel,avectoutelacolèrequiestenmoicommealliée.—Oh toi, là, tuvasm’oublieret toutdesuite ! Jenesuispasunede tesputains ! Je savaisque tu

cachaisdestrucs,maisc’estlepompon!Jesuissûrequeleportableperdu,c’étaituneconnerieaussi,tantqu’onyest!Direquejet’airacontémavie!Maisquelleconnejesuis!Ilrestesansvoix,commesiilnecomprenaitpas.C’estça,faitl’innocent!Jereprendsmarouted’unpasdécidé.—Rose.Maisattends,qu’est-cequiteprend?C’estquoicettehistoire?

—VademanderàRoxanne!Ouautiersdelaboîtequetuasbaisé!Qu’est-cequejesuisvulgaire!Tantpis,çamesoulageetilneméritepasmieuxdetoutefaçon!Jejetteunœilderrièremoietjel’aperçoiscourirversleClub.Ohnon,tun’iraspasRose,horsdequestion!J’arriveauniveaudeValentinetluisauteaucou.Quelle

chancequ’ilsoitlà!—Poupée,çava?—Ramène-moiviteàlamaisonavantquejechanged’avis!—OK,suis-moi.Jesuisgaréunpeuplusloin.Ilpasseunbrasautourdemoi,m’emmèneàsavoitureetmereconduitdansuncalmereligieux.Jel’en

remercie.Ilm’accompagnejusqu’àl’appartement.Nousentrons,etnouvellesurprisedujour:plusd’électricité!Àquelleheurecesconneriess’arrêteront-elles!—Bon,onnousacoupél’électricité.Çac’estfait!Jesoupire.—Tuasdesbougies?—Oui,dansletiroirdelacuisine.—Jem’encharge,restelà.Jevaism’éclaireravecmontéléphone.J’essaiedesuivrelalumière.Letempsmeparaîts’étirer.Jesuismal…Vraimentmal.Unpoidsénormemecompresselapoitrine.J’aperçoislesbougiess’allumeruneparunesurlapetitetabledusalon.J’entreetmelaisse tombersur lecanapécommeunepoupéedechiffon.Valentinm’observe.Jesais

qu’il cherche quelque chose pour lancer la conversation, mais s’il pouvait ne pas trouver, çam’arrangerait…Etsoudain,toutestfoutu:jefondsenlarmes.—Tuaimeraisvenirdansmesbraspoupée?Je hoche la tête.On s’assied tous les deux l’un près de l’autre etmonmeilleur ami passe un bras

réconfortantautourdemoi.—Tu ne souhaites vraiment pas en parler ? Je sais que c’est à cause deGabriel, vu comme tu lui

aboyaisdessustoutàl’heure.—Pasenvie.Turestesavecmoicettenuit?Ilmeserreunpeuplusfortetjen’aipasbesoinderéponse:jesaisqu’ilvarester.Avecluiaumoins,

jepeuxavoirvraimentconfiance!Ilmeracontedeshistoiressursavietoutelasoirée,jusqu’àcequ’Auderentre,auxenvironsdevingt-

troisheures.Valentinetelleonteuunepetitediscussionprivéeetjecroisquec’estàcemoment-làquejemesuis

endormie.

6.Amèredésillusion

«L’amitiénerendpaslemalheurplusléger,maisensefaisantprésenceetdévouement,ellepermetd’enpartagerlepoidsetouvrelesportesdel’apaisement.»ThaharBenJellounJemeréveilleettoutmerevientenpleineface!J’ailanausée.Jemeretourne.Valentindortàcôtédu

canapé surunepiledecoussins.Etmauvais réflexe, je regardemon téléphone. J’aideuxmessagesdeGabriel. Le premier envoyé avant la prise demon service, donc avant la dispute, quand tout était siparfait…Gabriel :[Bébé,excuse-moipourmoncomportementdetoutàl’heure,maisj’étaisunpeuencolère

quenotrejournéeseterminesivite.Jevoulaisjusteresteravectoi.]Cemessagemefend littéralement lecœurendeux. Jen’aipas l’impressiond’avoircroisé lemême

Gabrielhiersoir!Leseconddatedecettenuit.Gabriel:[Rose,désoléquemonpassét’aitétébalancéenpleinefacepardemauvaisespersonnes.Ne

t’inquiètepas,jenesuispasunmaladecommetonex.Jetelaisseraitranquilleàprésent.Tuvasmemanquer.]Sonpassé!Ilestgonflélui.Ilcroitquejevaistomberdanslepanneau?Ilobtienttoutcequ’ilveut,

alorspourquoipascontinueraveccettepauvrepetiteidiotedeRose!Jeluttedansuncombatacharnéaveclecoussin,maisrienn’yfait:jemetourneetmeretourne,tape

dessus, mais c’est trop dur. Chacune de mes tentatives pour me rendormir est désamorcée par lessouvenirsdésagréablesdecettesoirée.Jemelève,enjambantValentinpournepasleréveiller.Jeprendraisbienunedouche,maisonn’aplus

d’eauchaude.Jenesaispascommentm’occuper:Audeestencoredanslachambreentraindedormiretiln’estqueseptheuresdumatin.Jetourneinlassablementdanslaminusculecuisinecommeunchienencage,attrapel’épongeetfrotte

encoreetencore.—Tuenfaisundecesboucanspoupée!—Désolée,jenettoieunpeu.—Prépare-moiuncaféplutôt.—Jeterappellequ’onn’aplusd’électricité.Ilselèvepéniblement,etseplanteprèsdemoi.—Jefileenchercher.Jeteprendsunthé?—S’ilteplaît.IlsortavecprécautionpournepasréveillerAude.Jemedirigeverslesalonetrangelebazar.Ilfautquejem’occupe,maisleslarmesmemontentaux

yeux.Nonjenedoispaspleurer,j’aiquandmêmevécupire!Putain,ilmemanque!Sonparfum,savoix,

sesyeux,sapeau…Stop!Arrêtetoutdesuitedepenseràlui.C’estunsalaud,unpauvretypeimbudelui-même.Lajournéevaêtrelongue,trèslongue!Jem’assieds sur le canapé, allume la télévisionet zappe inlassablementd’unechaîneà l’autre sans

vraimentchercheràregarderquelquechose.Valentin revientavec lesgobeletsetunsachetdeviennoiseries,mais jen’aipas faim.Lanauséedu

réveilesttoujourslà.Ils’installeàcôtédemoi.—Jenecommencelescoursqu’àdixheures.Ilvafalloirparlerunpeu,çateferadubien.—Pourdirequoi?Que jeviensdepasserpouruneconneparmiune listed’indénombrablesautres

conquêtes?—Enmêmetemps,tuasvulemec!Tuvoulaisqu’ilneconnaissequetoi?—N’abusepasVal,tum’astrèsbiencomprise.Enplus,jenesaismêmepascommentçavasepasser

auboulot,c’estquandmêmelefilsdemonboss.—Ouais,ça,c’estpascool!Relativiseunpeumapoupée,jet’avaisditdeprendreçapourunplancul!Maistuesplusmordueque

jenelepensais.—Nonnet’inquiètepas.C’estsurtoutlechocd’apprendreçadebutenblancparl’autreconnasse!J’aienviedeluiarracherlesyeuxàcelle-là!Etàluiaussiaupassage.—L’autreconnasse?—Unecollègueàmoi,quis’estavéréeêtrelasœurdemonbinômeenplus!—C’estquoicettehistoire?Explique-moi,carlàjenecomprendsstrictementrien.Jeluiracontedoncmajournéemerveilleuseàlafêteforaine.Enfin,pastouslesdétailsnonplus.Puis

jeluiparledeLucas,Roxanneettermineparcettesatanéesoirée.Ildéposeunbaisersurmonfrontetmeserrefortdanssesbras.—Tusaisquoi?Neteprendspaslatêteavecça.EtpuistaRoxanne,quitecertifiequ’ellenement

pas?Jehausselesépaules.Jen’ensaisrien.MaisLucasm’avaitégalementprévenuquecen’étaitpasun

mecbien,etjenecomptepasmeridiculiserencoreunefois.Jecroisquej’aieumadose.Audenousrejoint,encoreàmoitiéendormie.—Salut!Alors,ils’estpasséquoihiersoir?Ahnon,horsdequestionquejemerépèteànouveau!Valentinsedévouepourfairesacommèreetje

replonge le nez dans le programme télé, cherchant inlassablement un truc qui serait en mesure dem’intéresser.Valentinselèved’uncoup.—Jevouslaisselespoulettes,jevaisêtreenretard.JepassetevoirensortantRose.Jehochelatêteensignedeconsentement.Audeme demande demettre sa série complètement naze dumatin et j’obtempère, réalisant soudain

qu’ilyaunsouci.Commentest-ilpossiblederegarderlatélévisionsansélectricité?Jepoussemacolocducoude.

—Quoi?—L’électricitéestrevenue!Elleappuiesurl’interrupteurpourtesterlalumière.—Ahouais,c’estvrai.C’étaitsûrementautrechose.Pourenavoirlecœurnet,jemelèveettestelegaz.Etçafonctionneégalement.—Onadugazaussi!Ellemerejointpourvérifiermesdires,commesielledoutaitdemoi…—Tuasraison.Pourtantlegaz,c’estsûr:j’aiappelé.Ilsnousontbiencoupé!Mesyeuxcherchentlesfacturesaccumuléessurleréfrigérateur,envain.Iln’yaplusrien!Jefouillesouslesmeublesaucasoùnouslesaurionsfaittomberhierquandnousétionsplongésdans

lenoir.—Necherchepas,c’estsûrementuncoupdeValentin!Vuqu’onn’auraitpasaccepté,ilaencorepayé

dansnotredos.Jesourismalgrémoi,onavraimentunamienor!Jemeprometsdelerembourser.Maisavectoutcequejedoispenseràaccomplirdansunfuturproche

oùjemevoismoinsfauchée,j’aiintérêtàétablirdeslistes:uneavecmesdettes,uneavecleschosesàréparer, une autre avec les amis à remercier et la dernière avec les choses à ne plus jamaisrecommencer!Audecontinuedemeparler,maisellecausetouteseule,carjenel’écouteplus.Mespenséessontcomplètementembrouillées.Unedouche,voilàcequ’ilmefaut !L’eauchaudeest

revenue,alorsautantenprofiter.Jemedirigeverslasalledebain.Monamiemeregarde,étonnée,maisn’essaiepasdemereprochermoncomportement.L’eaucoulesurmoi.Depuiscombiendetempsaujuste?Aucuneidée!Jesuisassiseausol,mesbrasentourantmesjambes,incapabledemerelever.Audetambourineàlaporteencriantpourêtresûrequejel’entende.—Rose,sorsdelà!Çafaituneheurequetueslàdessous,iln’yauraplusd’eauchaude!Ellearaison.Jemelèvepéniblement.Mes membres sont engourdis et mes mains toutes fripées. Je me lave rapidement et sors. J’ai

l’impressiond’êtremoinstendue.Jemeregardedanslemiroir,lesmainsappuyéessurlevieuxlavaboquigrincehorriblement.J’aiunemineaffreuse,avecdesyeuxtoutbouffis.Enplus,jebossecesoir!Jedevraispeut-êtretoutplaquer…NonallezRose,reprends-toi!Tudoisgagnertaviepouraidertonamie.JeneveuxplusqueValentin

soitmabéquillepourtout.Jeprendsunegrandeinspirationetsèchemescheveux.Finidemelamenter.Cen’estpasunmecquivamepourrirlavie:j’aidéjàassezavecmonautretaréd’ex.Queltableau!

J’aivraimentlechicpourattirerlespires!

Unchignon,unpeudefonddeteintpouravoirmeilleuremineetçasuffit.Paslapeinedememaquiller,vumesyeux,çaneferaitqu’empirerleschoses.Jeretournedanslesalon,mesentantprêteàaffrontercettesoirée:quoiqu’ilarrive,lesbarrièressont

enplace!Plusriennem’atteindra.Il est seize heures trente quandValentin rentre de ses cours. Je vois bien qu’il est fatigué, et c’est

encoreàcausedemoi!Ilestpromisàuntrèsbelavenird’architecte,commesonpère.Dumoins,sijenegâchepasçaaussi…

Ilfautquej’arrêted’êtreaussiégoïsteetdel’appelerpourunouioupourunnon!Jesuistrèsactive:jecroisquejenettoielesalonpourlatroisièmefoisaujourd’hui…AudeestmortederireetparleàvoixbasseàValentin.Ils’approchedemoi,m’observantattentivement.—Rose,arrête,tuattaqueslapeinturelà!Jelèvelesyeuxversluiavecunsouriretimide.—Oui,c’estpeut-êtreassez.Jefoncem’habillerpourbosser.—Jet’emmène.—Non,jem’yrendsàpieds:ilfautquej’arrêtedet’accaparertoutletemps.Iléclatederire.—Turigolesouquoi!Tuesmaseuledistraction.Mieuxqu’unesérietéléàtoitouteseule!—Cen’estpasbeaudesemoquer!Jeluilancel’épongeauvisageetmesauveencourant!—Rose,tuneperdsrienpourattendre!Jedébouledanslachambre,pensantatteindrelasalledebainàtemps,maisilm’attrapedansmonélan

etmebalancesurlelit.—Tuvassouffrir!Sur cesmots, il se jette surmoi et une bataille de coussins s’engage.Aude, quant à elle, est dans

l’encadrementdelachambre,nousregardantlesbrascroisés,ensouriant.Lalampesubitnosassauts,ettombeausol.Noséclatsderirerésonnentetjemedisàcemoment-là

quemaviec’esteuxetseulementeux!JesuisdéjàplusdétenduequandValentinmedéposedevantleSaphir.Néanmoinsj’aiquandmêmeunebouled’angoissedanslagorgeàlapenséedecroiserRoxanneoupire

encore,Gabriel.Maisjerelativise.Cen’estqu’unboulotaprèstout.Jelefaisetjerentrechezmoi.Jen’aidecompteàrendreàpersonne.Je suis assez surprise de voir que Lucas n’est pas là ce soir. En plus, il ne m’a pas proposé de

m’amenercommeà sonhabitude. J’endéduisdoncqu’il adûprendreun jourde repos,mêmes’ilmesemblaitquesaprésenceétaitobligatoirelesamedientantqueresponsabled’équipe.EtjetravailleavecLia,cequiestdéjàmieuxqueRoxanne.Ellemesaluegentiment.Elleal’airtrèsdoucemalgréunlookassezspécial.Elle est assez petite et toujours habillée dans un genre gothique avec de longs cheveux noirs où se

mélangentdesmèchesblanches.Elledoitsemaquilleràlatruelle,carlà,c’esttrop,beaucouptrop.

Nous préparons ensemble le bar lorsqu’entre un homme d’une bonne cinquantaine d’années, lescheveuxpoivreetsel, trèsélégantetsûrde lui. Ilesthabilléavecuncompletnoirquidoitvaloirunefortune.Ils’approcheetmetendlamain,toutsourire.—Bonsoir.VousdevezêtremademoiselleAmlynnsijenem’abuse.Jemeprésente,monsieurAlcott,patrondel’établissement.Jeluiserrelamain.—Enchantéedefairevotreconnaissance,monsieurAlcott.—Commentsepassentvospremiersjoursici?J’aienviedeluibalancerqueRoxanneestuneharpie,reprenantletermedesonproprefrère,queson

filsestunenfoiréetquejevaisvitemetrouverunautreboulot.Maisjedécided’arrêterlesdégâts.Jemesuisdéjàassezfaitremarquer.—Plutôtbienmonsieur,merciàvous.—J’ensuis trèscontent.Lucasneserapaslàcesoiràcausedelapetiterixed’hier.Ilabesoinde

repos.DoncLiaseralàpourtedonneruncoupdemain.Lesamediest la soirée laplus importanteet ilnousmanqueunepersonne.Mais je suiscertainque

vousvousensortirezhautlamain.Dequellerixeparle-t-il?Qu’est-cequiestarrivéàLucas?C’estpeut-êtreàcausedesacopine,mais

çamesemblepeuprobable.Jenequestionneraipasmonpatron,çaneseraitpastrèsdélicat.Deplus,jetrouvequ’ilmedévisageunpeutrop.—Oui,ons’ensortiratrèsbien,monsieur.Jeluiadresseleplusbeausouriredontjesuiscapableencemoment,cequisembleleconvaincre.—Bonnesoiréelesfilles!Nouslesaluonstouteslesdeuxetils’éloigneversledeuxièmebar.Lias’approchedemoi,agitée.—Jesuistoujoursnerveusequandlepatronestlà.Chouette,ellemeparle!—Ilal’airplutôtgentilpourtant.—Oui,c’estvrai.Cen’estpasuntyran,maisilm’impressionnebeaucoup.Jecroisqu’ilmeplaît.Elleestsérieuselà?Elledoitavoirmonâge!—Sérieusement?—Oui,jesuissérieuse!Jesais,ilyaunpetitécartd’âge,maiscen’estqu’undétail.Unpetitécart!Onnedoitpasavoirlamêmetechniquepourcalculer!—Ilestcélibataire?—Ohnon,hélas!Ilestmarié,maisilparaîtqueçabatdel’ailedepuislongtemps.Ouf,sauvéeparlesclients.Lemondeaffluerapidementclôturantcetteconversationplutôtgênante!Dansl’ensemble,lasoirées’estplutôtbiendéroulée.Lian’apaseul’occasiondem’enraconterplus

puisqu’onaétédébordées.Jedébaucheàuneheureetçameconvienttrèsbien.Jen’aipasnonpluseuletempsdem’occuperdeRoxanne;jeneluiaipasdonnéceplaisir.Donc,bilanplutôtpositif,saufquejesuisobligéederentreràpiedalorsquejenesensdéjàplusmesjambes.Larouteestlongue.Jen’aimepasrepartirtouteseulesitard,maisquandonn’apaslechoix,onfait

avec.Verslafin,jecours.Iln’yapersonnedansmonquartieretçam’angoisse.Vite,lamaison!Personnenonplusquandj’ouvrelaporte.C’estvraiqu’Audeestdefermeturelesamedi.Alorsceseraseuleavecmoi-même.Jedevraispeut-êtreenvoyerunmessageàLucaspoursavoircommentilva,maisvul’heure,jereporte

çademain.Jelance«Followme»,justepourmerappelercombienj’étaisheureusecetteaprès-midi-là.Jesuis

sûrequ’ill’achoisiavecprécaution,toutçapourmetendreunpiègebiencalculé.Tantpis,cemoment-làétaitquandmêmemagiqueetjeveuxlegardertelquel.Jepréfèreconserverdebonssouvenirsetnepaspenseràl’après,malgrélepetitpincementquej’aiaucœur.Auderentreàplusdetroisheuresdumatin.ElleabuunverreaprèssonserviceavecuncertainDan,

maisnesaitpasencores’il luiplaît.Elleavait l’aircontentedel’invitation.Jecroisquequandjemesuisendormie,elleenparlaitencore.

***

Jen’arriveplusàrespirer…Cettemain…Surmagorge.Jen’yarriveplus…Aidez-moi!Moncœurs’éteintlentement.Jenepeuxplusreprendrecetterespirationvitale,ilyacepoidssurmon

corpsquimebloque…—Rose,réveille-toibordel!J’ouvre lesyeux. Je suisdans lesbrasd’Audequimeberce. J’aimalauxpoumonsetmagorgeme

brûle.—C’estfinimachérie.Jesuislà,calme-toi.Desgouttesdesueurcoulentsurmonvisage,jem’accrochedésespérémentàelle.—J’aieusipeur.Jen’arrivaispasàteréveillercettefois!Ilvafalloirremédieràça.Cen’estplus

possible,c’estdepireenpire.Jeneréalisepasencoretoutàfaitcequisepasse.Mesyeuxsontencoredanslevague.Jemelaisse

bercer,letempsderecouvrermesesprits.—Jevaisbien.Jesuisdésolée.—Rose,jesuissérieuse.Ilfautquetuconsultes!—Çavapasser.C’estlestressdecequivientdem’arriver.Net’inquiètepaspourmoi,çava.Jemenstrèsbienquandjeveux,maisjesaisbienqu’ellen’estpasrassuréepourautant.—Onenreparleraplustard.J’acquiesceetmelève.Ilfautquejeboivequelquechosedechaudpoursoulagermagorge.Iln’ya

plusdethé,c’estbienmaveine!Jepestedanslacuisine,râleetdonneungrandcoupdepieddanslagazinière.

—Aïe,putain!Jesautillesurplacelepieddanslamain.Jesuisvraimentladernièredesandouilles!Audearriveenrigolant.—Tut’esbattueavecquoicematin?—Lagazinière!Elleesquisseunegrimacecompatissante.— Regarde ce que j’ai piqué hier juste pour toi. Ce n’est pas au caramel, mais je pense que ça

dépannera.Ellemecollesouslenezdessachetsdethé.—Tueslameilleure,tulesais?Tupourraismelepréparer,s’ilteplaît?Jesautillejusqu’aucanapé.—Oui,ilvautmieux.Nousdéjeunonstranquillement.J’ail’impressionquecelafaituneéternitéquequelquechosen’estpas

entrédansmonestomac.J’engouffreunénormeboldecéréales.Danslachambre,montéléphonevibreetmoncœurseserre.Est-cequej’auraislamêmeréactionàchaquefois,sérieusement?Jedétestecetétatdemanquequinemequittepasmalgrémesefforts.Jen’iraipasvoir!Horsdequestion.Pasdetéléphoneaujourd’hui…Bon,OK,j’yvais!J’aimoinsmalàmonpied,maisjeboiteunpeu.C’estsuperglamouravecmescheveuxenbatailleet

monvieuxpyjamatuel’amour.Jerâleenmedirigeantverslachambreetpourlapeine,jemeremetsaulit. J’attrape ce satané téléphone. Ce n’est pas lui ! Mais pourquoi serait-ce lui ? Et puis quelleimportance !Rose fais-toiune raison,c’estunpauvre typeet ilne t’enverraplusdemessagede toutefaçon.Valentin:[Onsortcesoirbeauté.Samseradelapartie.]Jesoupire…Pourquoifaire?J’aijusteenviederesterenpyjama,mangerlaboîtedecéréalesetlire

unbonbouquin.Oui,c’estpasmalcommeidée.Moi:[Pascesoir,jemerepose.Éclatez-vouspourmoi!]Je devrais peut-être appeler Lucas. Je regarde l’heure, déjà quinze heures ! Je cherche dans mon

répertoireetappuiesurappel.—Lucas,c’estRose.—Oui,jesais.J’entendssonrireàl’autrebout.Bondéjà,ilal’aird’allerbien.—Jemesuisinquiétéehier,pourquoitun’espasvenutravailler?—Personnenet’araconté?—Non,onm’ajusteparléd’unerixe.Jen’ensaispasplus.—J’aimeraisbient’enparlerenface.

Tuescheztoi?—Euh…oui.—Super,jesuislàdansunedemi-heuremabelle.J’entendslebipdutéléphone:ilaraccroché.C’estpasvrai!Ilfautquejemelave!Monprogrammedelajournéetombeencoreàl’eau.Jefonceclopin-clopantdanslasalledebain:douche,chignon,unpantalondesurvêtementencoton

gris,untopetjesuisprête.J’entendsAudeauloin.—Rose,onsonne.Vaouvrirjesuisenpyjamaetjeneconnaispas!—Ouais!Elle fonceaussitôtdans la salledebain, s’apprêteà ressortirpouponnéecomme jamais.Çame fait

rire.C’estpsychologiquechezelledetoujoursvouloirêtreàsonavantage.Lasonnetteretentitunedeuxièmefois.C’estbon,j’arrive,pasbesoindestressercommeça!J’ouvre, souriante.Maismabonnehumeurdisparaît aussitôt. Je reste commeune idiote àdévisager

Lucas.—Tunem’invitespasàentrer?—Euh…si.Jemepousse,l’examinantencoreunpeu:ilal’arcadedéfoncée,unénormehématomeau-dessousetla

lèvreouverte.—Çava,mabelle?—C’estplutôtàmoidetedemanderça!Installe-toi,faitcommecheztoi.Ilsedirigeverslecanapéetobservel’appartement.J’aiunpeuhonted’uncoup.—Sympacheztoi!Jenesaispass’illepenseousic’estencoredel’humour.Jenevaispasmelancersurlesujetetfile

m’asseoiràcôtédelui.—Maisqu’est-cequit’estarrivé?Iltenteunsourire,maisseravise;salèvreal’airdouloureuse.—C’estgrâceàtonCompliqué.—Hein?Untraducteurs’ilvousplaît!—Jevaist’expliquer.Tun’auraispasuncaféparhasard?—Ohoui,excuse,jen’aiaucunebonnemanière.Jemelèveetluisersunetasseavantdereprendremaplace.—Voilà.Hier,quelquesminutesaprèsquetusoispartie,Gabrieladébouléets’estprislatêteavecma

sœur.J’aieupeur:ilétaithorsdelui.Doncj’aisautépar-dessuslebaretjeluisuistombédessus.Ilsetouchel’œil,commes’ilavaitsoudainatrocementmaletreprenddansunsoupir.— Sauf qu’il m’a étalé d’un coup de poing. J’ai vu rouge. Jeme suis relevé et on s’est battu. Je

l’avoue,mafiertéenaprisuncoup.Ilm’acalméenmeconfondantavecunpunching-ball.Heureusement,lesvideursnousontséparés.Jemesensfondresurlecanapé,mesmainstremblent.—C’estdemafaute,jesuisdésolée.Jeluienaifoutupleinlatêtesurletrottoir!Jeplaquemamainsurmabouche.Jemesenstellementcoupable.—Ne t’en faispasmabelle cen’estpas toi.Masœura avoué t’avoir cherchéquand lepatronest

arrivé.—Non,lepatronétaitlà?—Jetejure,j’aicruquec’étaitmadernièresoiréeauClub!Maispasdutout,ilnousademandéde

montertouslestroisdanssonbureauetnousnoussommesexpliqués.Ilestcoolcommemec.CommentsedébrouilleLucaspourêtretoujoursoptimistecommeça?—DoncGabrielnousaexpliqué lepourquoiducommentetdevant luimasœura toutavoué.C’est

clairqu’elleaeutortdetementir,maisaprèslafaçondonttonCompliqués’estcomportéavecelle,jen’arrivepasàluienvouloir.—Illuiafaitquoi?Mentiràproposdequoi?Jenecomprendsrien!—Ils’estfoutud’elle.Elleétaitfolleamoureuse,maisluiils’enfichaitroyalement.Envérité,iladû

sortiravecelleunsoiroudeuxpeut-être,jenesaispasexactement,etill’abalancé,commeunevieillechaussette.Ellenes’enremetpasetc’estpourçaqu’elleavouluteblesser.Elleveutlerécupéreràtoutprix.Àl’évidence,cen’estpasellequil’intéresse.J’essaiedecomprendrecequ’ilmeraconte.Moncœurbatdeplusenplusfortdansmapoitrine.Lucasafficheunairgraveetenchaîne.—J’aiaussimestortsetjepréfèreêtrehonnêteavectoi,parcequejet’aimebienRose.Tusaisquand

je t’ai balancé qu’il se tapait un quart des clientes, j’en ai rajouté pasmal.C’est sûr, je l’ai vu avecbeaucoupdefemmes.Maisjenesaispassitoutessontsortiesavec.J’aiunpeuabusé,carj’avaispeurpourtoietj’enaivubeaucouptroppleurer.Roxanneamenti,etmoijeneluiaipaslaisséletempsdes’expliquer!Gabrieln’auraitrienàsereprocheralors?—Ilfautquej’encaissetoutça.—Jecomprends,t’enfaispas.Tum’enveux?Ilmeregardeavecdouceur.Jevoisbienqu’ilsesentcoupable.—Non,pasdutout.Jeneluienveuxpasetpourunefoisjesuisfranche.Audeentretoutsourireettoutebelle.Forcément.—Aude,jeteprésenteLucas,moncollègueduSaphir.Jet’enaidéjàparlé.—Enchantée.Elleledévisage.—SalutAude.Désolé,jenesuispasàmonavantageaujourd’hui.

Ilsemetàrireetàgrimacerenmêmetemps,àcausedeladouleur.Puisilsetourneversmoi.—Tucomptesfairequoi?—Jen’ensaisriendutout.À ce moment précis, je suis désemparée. J’ai été idiote, eux encore plus. C’est une histoire

complètementdingue.Audenousinterrogeduregard.—C’estcompliqué!Etforcément,Lucasritdeplusbelle.Uneexplicationrapides’impose.Elle estméduséepar cequ’on lui raconte et s’en suit une longue conversation entre eux, cequime

laisseletempsdem’échapperdansmespensées.

7.Lasoiréedescélibataires

«Lesentimentamoureuxsemesureàl’ampleurdumanque,àl’étatfiévreuxdanslequell’absencedel’autrenousplonge.»FrancineNoëlQu’est-cequejedoisdécider?Luienvoyerunmessage?Non,ça,c’estnul.L’appeler?J’ensuisincapable…Alorsquoi?Jesuiscomplètementperdue.Ilmemanquetellement…

Voilà,jemel’avoueenfin!Oui,ilmemanque.Etdepuisquelquesminutes,jerespiremieux,commesij’avaissortilatêtehorsdel’eauetprisunegrandeboufféed’airpourramenermesorganesvitauxunàunàlavie…Maismarespirationsecoupeànouveauetjereplonge…Etsiluin’enavaitplusrienàfairedemoi?

S’ilmetrouvaitidiote,tropgamine,tropimpulsivepourlui?Fautquej’arrêtedemetorturer!Jemelèved’unbond.—Onsortcesoir.J’aibesoindemechangerlesidées!AudeetLucasseretournentenmêmetemps,surpris.—Chouette,jesuispartante.C’estbienlapremièrefoisquetuproposes!Etlavoilàtouteguillerette.—J’aimeraisvraimentvoussuivre.Çameplairaiaussi,maisavecmatête,àpartauSaphir,personne

nemelaisseraentrer.Audesetourneaussitôtversmoi,attendantimpatiemmentmaréponseàsaquestionmuette.J’acquiesce

d’unsignedetête.—AppelleValentin.Jel’aienvoyépromenerpourcesoir,alorsj’aimeraisautantquecesoittoiquilui

proposespourleSaphir.Etçavouspermettradefairelescommèresdansmondos.Jen’aimêmepasterminémaphrasequ’elleestautéléphone.Lucasmesouritaffectueusement.—C’estsympad’adaptervotresoiréepourmoi.Surtoutavectouslesproblèmesquemasœuretmoi

avonsprovoqués.—Nedispasn’importequoi, tun’esresponsablederien.Bontasœurparcontre,c’estofficiel,est

devenuemapireennemie!Jerisdeboncœur,etc’estvraimentagréable.—Super.Alors,jevouslaisse.Onserejointicioudirectementsurplace?—Icipourvingtetuneheures.—Impeccable,àtoutemabelle!Avectoutça,ilestpresquedix-huitheures.J’aisuperfaimetjenemesuispasencorepréparée.Ce

soir,j’oselaroberouge!

Jesaisquejeneleverraisûrementpas,maisj’aienviedefaireragerRoxannependantquejem’éclateavec son frère. Je veux qu’elle sache que je sais ce qu’elle a fait, que tout ça n’était qu’un simplemensongeforgéparsajalousie.Tunel’auraspasvolé,espècedegarce!Jepréparedespâtes.C’étaitçaoudescéréales.Maisçava.Avec lespourboiresd’hier, jepourrai

remplirunpeulefrigodemain.Le repas est prêt, mais Aude est toujours au téléphone. Je lui montre l’heure sur l’horloge et elle

congédieValentinqui,detoutefaçon,nousrejointsij’aibiencompris.—ValentinetSamviennent.—TunevoudraispasdemanderàSamsiellepeutamenerunebouteille?Onn’arienàboire.—Oui,jeluienvoieunmessage.Nous avalons notre repas tranquillement, pendant qu’Aude divague sur le fait que Lucas est super

sympaetmignon.Etellemeditçaalorsqu’ilalatêteexploséeparmon…monquoiaujuste…copain?Ex?Compliqué?Oui,monCompliqué,c’estbien.Ellem’étonneratoujours!Jedébarrasseetenarrivantdevantellejeposelesmainssurmeshanches.—Bon,allons-nouspréparer.Tuasduboulot:ilmefautunlissagedecheveux.Jen’enaijamaisfaitetçameplairaitbien.Ah!Etaussiunmaquillageassortiàmaroberouge.Un

trucsimple.Ellemeregardefixement.—Sérieusement?—Oui,sérieusement!—Tropbien!Allez,c’estparti!Onyvafort.JedemandedesescarpinsàSam?Jelèvelesyeuxauciel.—N’exagèrepas.Je commence à apprécier le rituel du coiffage et maquillage. Enfin ce que j’aime le plus, c’est le

résultat. Mes cheveux lissés ont l’air encore plus longs et tombent jusqu’au creux de mes reins. Lemaquillageesttrèsréussi.Lefardàpaupièresestplusfoncécettefois-cietAudeabeaucoupplusinsistésurlemascara.Jedoisdirequemonregardestbeaucoupplusintensecommecela.Jem’observeetmetrouvejolie.Oui,jesuisjolieetj’ensourisintérieurement.Jepassemessous-vêtementsrouges,ceuxquejen’aijamaisoséporter.Cesoir,c’estdifférent.Jene

saispascequimeprend,maisjeveuxêtreunefemmedifférente,pluslapetiteRoseidioteetjamaissûred’elle.J’enfile la robe pourpre queGabrielm’a offert.MonGabriel, celui qui en quelque sorte a changé

quelquechoseenenmoi.Maintenant,jeveuxvivre!Jeveuxencoreressentircettefolie,avecousanslui.Jenepeuxplusêtrecommeavant.J’aibesoindeça,commeonabesoind’unedrogue.Moncorpsle

réclame…Jeme contemple dans lemiroir. Elle est très jolie cette robe.Moulante en haut, avec un décolleté

faisantbeaucoupressortirmapoitrineetplusévaséesurlebas.Ellen’estpasaussisexyquejel’avaispenséenladécouvrant,maisplutôtclasse.Audemerejointdanslachambre.Jesuistoujoursdevantlemiroiràmecontempler.—Ilsepassequoilà?—Quoi?Jesuisétonnéeparsaquestion.—Tues…Jevoisbienqu’ellecherchesesmots.—Tuesdifférente.Trèsbellejeterassure,maisjeneconnaispasceregard.—Cesoir,jedoisréglermescomptesavecRoxanne,luimontrerquejesais.Mêmesij’aiétéidiotedelacroire,jeveuxqu’ellepaiecequej’aiperduàcaused’elle.—Enparlantdeperte,tun’aspasessayédel’appeler?—Non.Ilfautquejeréfléchisseavant.Pourlemomentj’aiunautreobjectif.—Rose,tuessûredetoi?Jeneveuxpasquelasoiréesetermineparuneautrebagarre.Jeluisouris.—Tucroisquejevaisabîmermarobepourelle,sérieusement?Fileteprépareraulieuderaconter

n’importequoi!Ellefoncesansdiscuterdanslasalledebainetjerangelesalonavantquelesautresarrivent.IlestvingtetuneheurespilequandLucasdébarque,unebouteilleàlamain.—Rose,tuessuperbe!Quelchangement!—Tuaimes?Jetournesurmoi-même.Àsonregard,jeconstatequeçaluiplaît…Enfin,d’aprèsl’expressiondesonœil,carl’autreneressembleplusàgrand-chose.Cetteréflexionm’amuseintérieurement,maislasituationn’estvraimentpasdrôle.J’abuse!—Biensûr,j’adore.Tuvasenfairebattredescœurscesoir.Cen’estpas«descœurs»quejeveuxfairebattre,c’estunseulquejeveuxpiétiner.Marancœurest

plusfortequetout,sûrementparcequelemanquedeluiaccentuemessentiments.Dommagepourelle!NoussommesviterejointsparSametValentin.Direquejenebuvaisjamais.J’ai toujoursdétestéça,déjààcausedemonpère,maiségalementàcaused’Alexis.Là, j’ensuisà

mondeuxièmeverre,etmonassuranceestdeplusenplusforte.Lucass’intègretrèsbienàmoncercled’amis.Lesfillessontàdeuxsurluiavecunanticerneouuntruc

danslestylepourtenterdecachersesbleus.Jecroisqueçaluiplaîtbeaucoup.Aufait,qu’enest-ildesadisputeavecLucie?Jesuiségoïste,jeneluiaipasdemandésicelas’étaitarrangé.Ilestimpératifquejetrouveunmomentpourluiparler.Valentinseranotrechauffeur;Lucasadéjàtropbupourconduireetmoijenecomptepasm’arrêterà

deuxverres.J’aibesoindecouragecesoir.Biensûr,jenedoispasexagérer,c’estducranqu’ilmefaut,pasunecuite!Ilestvingt-troisheuresquandnousdécidonsqu’ilesttempspournousdesortirnousamuserunpeu.

Lesfillesontplutôtpasmaltravaillé:Lucasameilleuremine.Cen’estpasspectaculairenonplus,maisc’estmieuxqu’avant.Jemonte à l’arrière avecLucas etSam. Je suis habituellement près deValentin,mais il faut que je

parle à Lucas. Nous sommes assez serrés, nous n’avons pas vraiment l’habitude d’être cinq. Samm’énervedéjà:ellenelâchepasLucas.Ellesecomportecommeçaavecquielleveut,maispasavecmesamis!Unregarddemapartetellecomprendmapensée.—Dis-moiLucas,commentças’estfiniavectaCompliquée?—Pastrèsbien.Jel’aiquittée.Saréponserésonnedanslavoiture.—Pourquoi?Jepensaisquetuyallaispourarrangerleschoses?—Ils’estpassépasmaldetrucscesdernierstempsetjemesuisrenduàl’évidence:jenetenaispas

vraimentàelle.Jerestemuetted’étonnement.Jem’attendaisàtoutsaufàcerevirementdesituation.Lucasseredresse.—Etouicesoir,onesttouscélibataires!Ondoitfêterça,non?Intérieurement, je ne me sens pas célibataire, mais si ça continue, je serais bien obligée de me

raisonner.—Oui,onvafêterça!ValentinsegareetnousdescendonsdelaMini.Toutenotretroupeesteuphorique.Quandj’aperçoisla

filed’attentedevantl’entrée,jejetteinstinctivementuncoupd’œilàLucas.Ilsouritimmédiatement.Jesaisqu’ilacomprismaquestionsilencieuse.—Onvapasserdevanttoutlemonde.Tuneveuxpasqu’onpayeaussi!Ilglissesonbrasautourdemesépaules.Jesuissurprise,maisvulenombredeverresqu’iladéjàbu,

jecroisqu’ilneserendmêmepascomptedesongeste.Etpuis tantmieux: jesuiscontented’arrivercommeça,nepensantqu’àmavengeance!Les deuxmolosses nous laissent entrer tous les cinq.Les gens dehors râlent, ce quime rappelle la

premièrefoisquej’aiattendudanscettefile.Lapremièrefoisquejel’aivu.Cesouvenirdeluiestgravédansmamémoire,jusqu’aumoindredétail.Jesoupire.J’aimal,rienqu’àpenserquejeneletoucheraipeut-êtrejamaisplusàcaused’elle.Nouslongeonslemurdesvestiairesetnousvoilàdevant l’entrée.Monregardse tournedirectement

versRoxanne, en trainde servir. J’affichemonplusbeau sourirequand jepassedevant elle avec sonfrère. Je suis moi-même étonnée par mon culot. Lucas la salue d’un signe de tête et je la détaille.Beaucoupmoins sûred’ellequ’à sonhabitude, elle répond à son frèred’unpetit gestede lamain. Jedétestetoutchezelle!Lucasnousaréservéunetableprèsdelapistededanse.Jesuiscontentequ’ilaiteulaprévenanced’y

penser.Lesgarçonspartentchercherunebouteille.Samestcommeà sonhabitudeenmode repérage,donc il resteAudequimedévisageavecungros

pointd’interrogationsurlefront.

Ellechangedeplacepoursecolleràmoi.—IlsepassequoiavecLucas?—QuoiLucas?Jen’ycomprendsabsolumentrien.—Oui.Entrevous,ilsepassequoi?—C’estunami.Tum’enposesdesquestionsbizarres,toi!Jeladévisage.—Rose,jepensequ’ilaimeraitêtreplusqueça.Alorslà,elledébloquetotalement!Qu’est-cequiluiarrive?—Ilajusteunpeutropbu!—Jepensequ’onenreparlera.Elleaplutôtl’airconvaincuedecequ’ellevientdemesortir.Lesgarçonsnousrejoignentenfinavecunebouteille.Lucasrestedeboutpourremplirnosflûtes.—Cesoir,jelèvemonverreàmoncélibat,enfinànotregroupedecélibatairesplutôt!Àtoutesles

relationsquiontpourrinosvies!J’espèrebienqueceneserapasladernièresoiréequel’onpartageraensemble.Àlavôtrelesamis!Nousapplaudissonsàcepetitdiscoursimproviséetnoustrinquons.Monregarddévieàdenombreusesreprisesverssasœur,maiselleestconcentréesursontravail.Deuxverresplustard,jen’aipluslespenséestrèsclaires.SametAudeveulentdanser,maisjenesuis

paspersuadéequemelevertoutdesuitesoitunetrèsbonneidée.Lechoixs’imposeàmoiquandchacunem’attrapeparunbras.Ellesmeplantentaumilieudelapiste.Jemetsunmomentàréaliserettrouvermonéquilibre,jecrois

quej’aitropbu.Lamusiqueest trèsentraînante,mais j’ai l’impressiond’êtreau ralenti, cequime fait rire.Audeet

Sam,quantàelles,s’éclatentendansantcommedesfolles.—Rose,viensdanseravecnous!Sammeregardefixement.—Jecroisquejedevraism’asseoirunpeu.J’ail’impressionqueçatourne.—Danse,çavapasser!Audes’approche.—Ehtun’étaispascenséet’éclatercesoir?Ouic’estvrai,j’avaisoublié.Jemeremetsàrire.Ellesm’entraînentavecellesdans leurdélireetc’estvrai,plus jebouge,mieux jemesens. Jesuis

euphorique.Jetournoie,metrémousse,rigole.Jesuisbiendanscetuniversquin’ajamaisétélemien.J’enoubliemêmeRoxanne!Sam semet en tête de nous ramenerLucas etValentin. Ils ont dumal à se laisser convaincre,mais

finissentquandmêmeparnousrejoindre,certainementagacésparlaténacitédenotreamie.Entoutcas,

pourladémonstrationdedanse,ceneserapaspourcesoir:ilssontcatastrophiques!J’improvisedespasavecValentin.Jen’aijamaisautantridemavie!Lamusiquesecalmesoudain,pourlaisserplaceàunesérieslow.Jem’apprêteàmesauver,maisles

premièresnotesm’arrachentunfrisson.Jereconnaisimmédiatement«Unintended»deMuse.Masoiréenepeutpasêtreplusparfaite!JechercheValentindesyeuxpendantquedescouplesseforment.Jeveuxdanser,c’estmachanson!Maisjeneletrouvepas.Àlaplace,Lucasarrivedroitsurmoi.Etbienceseralui!Jeluisouristimidementetavancedanssadirection.Quandsoudain,quelqu’unm’attrapefermementlamainetmetireenarrière.Je sais que c’est lui, je le sens à l’électricitéquiparcourtmoncorps, arrive au creuxdemanuque

avantderedescendrelelongdemacolonnevertébrale.Ilmepousseàtournersurmoi-même.Ilest là,devantmoi. Il amène lapaumedesamainsurmahanche, laglissedansmondospourme

pressercontre lui.Puis ilm’inviteàposermonbrassursonépauleetnouscommençonsàdanser l’uncontrel’autre.Sic’estunrêve,surtout,nemeréveillezpas!Sonparfumm’enivre.Toutenmoin’estqu’émotions!Noscorpss’emboîtentàlaperfection.Lesparolesmesubmergentcommesic’étaitluiquilesprononçait.Pourmoi,àcetinstant,iln’yaplus

personnehormisnousdeux…Pasbesoindemots.Sonregardmeposelaquestionàlaquellejemesuishabituée.Jeluisourisetil

m’entraînedéjàpouréchapperàcemondequin’estpaslemien.—Gabriel,attends,ilfautquejepréviennemesamis!Ilm’escorteletempsquejemefrayeuncheminjusqu’àAude.Celle-cin’estquesourirequandj’arrive

àsescôtésetellemefaitsignedefiler.Gabriel place sa main dans mon dos pour me conduire le plus vite possible vers la sortie. Mais

soudainils’arrêtenetetm’attrapefermementdanssesbras.Ilmesoulèvedeterreetseslèvrestrouventlesmiennes.Cebaiserestintense,presqueirréel,celuidonttouteslesfemmesrêvent.Et je réalise seulementquand ilme reposedélicatement sur le sol, qu’il s’est volontairement arrêté

devantRoxanne.Commentparvient-iltoujoursàdevinertoutcequejedésire?Jejetteunregarddanssadirection.Sonvisages’estdécomposé.Jecomprendsqu’elleamaletj’aimêmeunpeupitiépourelle.J’attrapelamaindemonmagnifiqueCompliquéetnoussortonsduSaphirpresqueencourant.Jesuisheureused’êtredehors.L’airestplusfraiscesoiretilestlà,sonbrasentourantmesépaules,

me bouffant littéralement des yeux. J’ai l’impression en cet instant d’être celle qu’il veut et qu’il nedésirequ’uneseulechose:moietseulementmoi.Cettesensationestlaplusmerveilleusequisoit!Mais il faut me rendre à l’évidence, toutes les filles que l’on croise le dévisagent avec des têtes

complètementdébiles.Çam’énerveàuntelpoint!C’estlapremièrefoisquejeressensunsentimentaussiviolent,cequ’ondoitappelercommunémentla

jalousie.

Jemelaisseguider,essayantd’effacercespenséesetleursvisagesdemonesprit.Jen’aipasenviedelui demander où il m’emmène. Pour quoi faire, puisque de toute façon, je le suivrai dans toutes sesfolies?

Tome3

1.LetourmentdeGabriel

«Magarcedevies’estmiseàdanserdevantmesyeux,etj’aicomprisquequoiqu’onfasse,aufond,onperdsontemps,alorsautantchoisirlafolie.»JackKerouac

Le trajet me paraît plutôt court. Nous n’avons pas échangé un seul mot. Pourtant je ne sens aucunmalaise.MonCompliquén’estpasquelqu’uncommelesautres,toutparaîtdifférentaveclui.Lesilencen’estpasforcémentunmauvaissigne,safolieneveutpasforcémentdirequ’ilestbonpour l’asile,sadouceurnesignifiepasqu’ilnebrûlepasdel’intérieur.

Jesensqu’ilabeaucoupdesecrets,sûrementdeschosesquimeferontsouffrir,peut-êtremedécevront,maisjen’arrivepasàimaginercefutur-là.Jeneveuxpasmerésoudreàluienvouloirencorepourquoiquecesoit.J’aimaldèsqu’iln’estplusprèsdemoi.Laseulequestionquim’importevraimentc’estdesavoirs’iléprouve,luiaussi,touscessentimentsétrangesquimetraversentquandjesuisavecouloindelui.

Ilsegareprèsd’unimmeubleetsortdesclefspourquej’entredanslebâtiment.Tiensdesclefsçaluiarrive?L’immensefaçadedebriquesrougesmeplaîtbeaucoup,maiscequiattireleplusmonattention,c’estlejardinpublicjusteàcôté.Qu’est-cequ’onfaitlà?Lesouvenirdelapiscinedessineunsouriresurmeslèvres.J’observel’escalierunmoment,letrouvantfroidetaustère.

–Rose,estcequetutesensbien?

Jesursauteàcesquelquesmots.

–Oui,j’étaisunpeupensive.–Demandesituveuxsavoiroùl’onsetrouve,cen’estpasplusdifficilequecela.

Sonpetitsourireestpleindesous-entendus.Jecroisqu’ilaimejoueràcepetitjeuavecmoi.

–Turéfléchistrop!

Ilm’attrapeetmejettesursonépauleenunseulgeste.

–Gabriel,qu’est-cequetufabriques?Pose-moi!

Ilmontetranquillement.J’essaiedemedébattre,maisc’estpeineperdue.

–Soisgentille!Tumettaistropdetempsàtedécider!Net’inquiètepas,àcetteheure-cijenecomptepast’emmenerpourunsautenparachute.

Encoreheureux!

–Tuesungrandmalade,tulesais?

Ilreluquemesfessessansaucunegêne!

–Cesoir,jen’aipasbesoindemontersurunegranderoueouenhautd’unimmeuble.Laplusbellevuedumondeestjustesousmesyeux!

Ilsemetàrireetmoijepensequemonvisageadûpasseraurougepivoineenmoinsdetempsqu’ilnefautpourledire.

Ilmedonneuncoupsurlepostérieur,cequim’arracheunpetitcri.

–Nerougispas...

Commentpeut-ilsavoirquej’airougi?Ilmedescenddélicatementsurlepasd’uneporte,passesonindexsurmajoue,m’observantattentivement.

–TuessibellemaRose.

Moncœurbatplus fort. Jene le crois jamaisquandonmecomplimente.Etpourtant, savoix est sidouceettellementsincèreque,mêmes’ilnelepensepasvraiment,ilréussitpresqueàmepersuader.

–Jesuisdésolée,j’auraisdûprendreletempsdet’écouter.–Tun’escoupablederienbébé,etpuisonnevapeut-êtrepasdiscutersurlepasdelaporte.Entre.

Jeluiobéisetmeretrouvedansunimmenseloftausolenbéton,auxescaliersetpoutresmétalliques.Ce qui me marque en premier, c’est le magnifique canapé Chesterfield qui trône sur la droite, pardéfinitionlecôtésalon.Lestyleindustrielesttrèsprésent,maislerendun’estpasglacial.Aucontraire,il est très agréable. Je diraismême unmélange de chaud et de froid, comme lui. Le second étage enmezzaninesurplombelerez-de-chaussée;c’esttrèsimpressionnant.

–Bon,voilà.Cesoir,c’esticiquejevoulaist’emmener.C’estchezmoi...

Jeremarquequ’iln’estpastrèsàl’aise.Iln’arrêtepasdepassersamain,soitdanssescheveux,soitle

longdesanuque.

Mes yeux regardent partout. Je suis émerveillée ; il m’a emmené chez lui. Est-ce qu’il a amenébeaucoupdefillesici?

Non,maisjevaisarrêteroui!

–Tuasbeaucoupdegoût!–C’estvraiçateplaît?–Ohoui,vraiment!

Ilfaudraitêtredifficile!Pourquoiest-ilsiinquietqueçameconvienneoupas?Ilavulatêtedemonappartouilavaitmisdesœillères?!

J’avancedequelquespas et il sedétend. Il jettenégligemment saveste sur lemeuble enmétalgrisanthraciteetboisprèsdel’entrée.

–Jefilesousladouche.Désolédetelaisserseule,maisjenesuispasrepasséiciaprèsleboulot.Tufaiscommecheztoi.Lacuisineestaufondsituasfaimousoif.

Ilposeunbaisersurmonfront.

–Jemedépêche!

Jeleregardegrimperlesescaliersmétalliquesquimènentaudeuxièmeétage.Ilssontimpressionnants.Jepassemachinalementmamainsurlesmursdebriquesrouges.Lecôtédroitdelapiècen’estqu’uneimmensebaievitrée.Lavueestmagnifique,maisçan’auraitpuenêtreautrement.

Jem’approche,essayantd’imaginercequeceladoitdonnerenpleine lumière.Jecontinuemavisitevers le fondde lapièceoùsesitueune immensecuisine. Jemedemandebiens’il saitcuisiner,parcequ’avecunéquipementpareilceseraitdommagequecenesoitpaslecas!Ellecontrastevraimentaveclerestedelapièce: lesbriquesysontblanchesetilyaunimmenseîlotenpierreaucentreavecdestabouretsblancs.Jenesaisplusoùregarder.Toutesttellementbeau.

J’ai toujours détesté les gens riches. Sûrement par jalousie, car moi je n’ai rien eu ; ni la chanced’avoirdesparents,nicelledepouvoirsuivredesétudes,encoremoinscelled’avoirdel’argent.J’aidoncdéveloppéunehainepeut-êtreunpeuexagéréeenversceuxpourquitoutestfacile.

Desbrasm’enlacentpar-derrière,entourantmataille,metirantdoucementdemesréflexions.

–Dis-moiàquoitupenses,Rose.

Jenevaispasluiparlerdecequejeressensausujetdesgensaisés:jen’aipasenviedegâcherlasoiréeavecmespeurs,mesopinionsoutoutcequipourraientnouslancerdansundébathouleux.

Jepivotedanssesbraspourêtrefaceàlui.Ilesttorsenu,neportantqu’unsimplepantalonnoir.Mesmains caressent ses bras. Je n’ai jamais trop aimé ça, les tatouages,mais bizarrement, chez lui c’estdifférent.Ilsluivontsibien.Ilsfontpartiedelui.

–Jetrouvequetuesquelqu’undebienmystérieux,tunem’asjamaisvraimentparlédetoi.–Mystérieux?

Unepetitegrimacerigolotepassesursonvisage.Ilrelâchesonétreinte,etpassederrièrel’îlotdelacuisine,sortdesverres.Jepeuxàloisirl’observer,semouvantavecaisance.

Toutchezluin’estqu’élégance.

Soncorpssiparfaitvamerendrefolle!Etsondos!

Ohsondos,unepuremerveille!Leteinthâlé,muscléjustecequ’ilfaut,etsesfesses…jen’osemêmepas…Rosearrêteça,tuveuxleconnaître,pasluisauterdessus!

–Duvin?–Avecplaisir.

Il attrape une bouteille, se dirige vers le salon. Je lui emboîte le pas et nous nous installons sur lecanapéquejecaresseduboutdesdoigts.Soncuircaramelestfroid,maisagréable.Ilmetendunverre.Jem’enempareet leporteàmeslèvres.Jen’aipresquejamaisbudevin,maiscelui-ciestdeloinlemeilleur.

J’ai l’impressionqu’ilcherchesesmots.Sonvisageestgrave,beaucoupplusfermé.Ilserapprocheplusprès.Jeposecequej’aidanslamain.Sonregardmetroubleetjeneveuxpasprendrelerisquedelecasser,jesuisdéjàassezmaladroitecommeça.

–Rose, jenevaispas te lecacher, jenesuispasunhommetrèsfréquentable.J’ai faitbeaucoupdechosesdansmavie,pastoujourstrèslogiques.Demauvaiseschosespourlaplupart.–Mauvaises?–Ouij’aifaitdumalàbeaucoupdepersonnes.Volontairement.

Jemerendsbiencomptequ’ilobserveattentivementmesréactions.

–C’estarrivéàtoutlemonde,mêmeàmoi.

Unpetitsourirepassesursonvisage.

– Tu es plus innocente que tu ne le crois bébé. J’ai envie que mon passé reste derrière moi. Jen’aimeraispasquetufuies,tuessi…différente.

Un soupir à peine perceptible s’échappe de ses lèvres. Différente ? Je suis différente ? J’aimebeaucoupceterme.

–Jenevaispasm’enfuir.Detoutefaçon,jenesauraispasrentrerchezmoidepuisici.

Apparemment,maréponseestcomiquepuisqu’ilrigole.

Jehausselesépaules.

–C’estvoulu.–Commentça,c’estvoulu?–J’aibienl’intentionqueturestesicicettenuit.

Sonregardsoutientlemien.Jenesaispastropsic’estunequestionous’ilnemelaissepasvraimentlechoix.

–Dis-moioui,Rose.

Ilposesamainsurmajoue.Mesyeuxseferment.J’aimececontactplusquederaison.Jeneveuxpasperdremesesprits.J’aibesoind’enapprendreplussurlui,mieuxconnaîtremonmagnifiqueCompliqué.Maisjecroisquelatâchevaêtreplusdifficilequejenelepensais.

–Jepourraisrester.Enfinsitufaisunpeuplusd’effortpourmeparlerdetoi.–Duchantage?

Iléclatederire,sepassantunemaindanslescheveux.

–Pourquoivouloirsavoirtoutçafranchement,Rose?–Parcequetoituassouhaitéconnaîtremavie.Jetel’airacontée,alorsj’estime…

Ilmecoupedansmalancéeetserapprochedemoncou.

Sonsoufflechaudmedonnedesfrissons.Ilmurmure.

–Vousestimezquoipetitejeunefilletropcurieuse?

Seslèvresseposentsurmanuque.Ladoucechaleurquimetraversekidnappelefildemespensées.–Je…

Ilcontinuel’ascensiondemoncou,frôlantmonoreille.

–OuiRose,jet’écoute?

Savoixestplusrauque.Jesaiscequ’ilestentraindetenter.Jepourraislerepousser,luidirequejeveuxparler,maisest-cequej’enaivraimentenvieàprésent?

Samainpassesurmacuisse,retroussantlentementmarobe.

–Gabriel,arrête.

Mavoix est ridicule, presque unmurmure. Ses baisers descendent versma poitrine pendant que sadeuxièmemainremontel’autrecôtédemarobe,mecaressantavecdouceur.

–Tuessûre?

Il va vraiment me rendre dingue ce mec ! Je me mords machinalement la lèvre. J’essaie de meconcentrer.Ilposesondoigtimmédiatementsurmabouchepourquejemetaise.

–TuesàmoiRose.Cettelèvreestlamienneetcecorpsm’appartient.Tuascompris?

Ilesttrèssérieux.Sesyeuxonttrouvélesmiens.Ilssontincandescents.

Cegenredephrasedevraitprovoquerunepeurmonstrechezmoi,surtoutquec’estcequ’Alexisrépètesans cesse, que je lui appartiens. Alors pourquoi n’ai-je pas envie de me sauver ? Ou encore de leremettreàsaplace?Non,j’aimêmeenviedel’entendreencore!

J’acquiesceetsonsourireilluminesonvisage.Ilmesoulèveducanapé.Jem’accrocherapidementàsoncoupournepasbasculertandisquej’enroulemesjambesautourdelui.Ilsedirigeversl’escalier,montetranquillement,resserrantsesbrasautourdemoi.Jeposematêtecontrelui.J’aimececontact.J’ail’impressionqueriennepeutm’arriver.Ildoitavoirtellementdechosesàcacheretmoijesuissûrementcomplètementfolled’êtreenconfianceàcepoint!

Arrivésenhaut,ilmeposedélicatementsurlelit,soncorpssuivantlemouvement.

Il place ses mains de part et d’autre de moi. Il est juste au-dessus et me dévisage tendrement. Jem’extasiesur labeautédeses traits,desonnez finetdroit,desabouchediaboliquementsexy,desesyeuxlégèrementenamande,delaprofondeurdesonregardquiàluiseulpourraitêtrelemaîtredemaproprefolie.

–Rose,écoute-moiattentivement.

Jehochelatête, intriguée.J’ai toujoursdétestémonprénom,maisdanssabouche, ilsembledélicat,empreintdebeauté.Ilmeparaîtsidifférent.

–Je saisque jenemeconfiepasbeaucoupà toi,mais jeneveuxpasque tu teméprennes surmesintentions.Jen’aipasl’habitudedetoutça.

Jemeredressesurmescoudesetilsuitmoncorps,serelevantlégèrement.

–Explique-toi,j’aiunpeudemalàtesuivre.–Tumeplaisbeaucoup,tropsûrement.Jesuisunepersonnedifférenteavectoi.Maisj’aipeurquemes

folies,mavie,monpassé,t’amènentàmefuir.Celafaitunbonboutdetempsquejen’aieudeconstance,pasvraimentdelimitesnonplus.

Sonvisageesttendu.J’aipresquel’impressionqu’ilsouffredem’avouertoutça.Quedire?J’aipeurégalement,maisfinalementpastantquelui.Jeposemamainsursajoue.Jen’aimepasdutoutlevoircommeça.

–Jeprendslerisque.J’aiapprisbeaucoupsurmoi-mêmeavectoienseulementquelquesjoursetjepenseêtrecapabledesurmonterpasmaldechoses.Plusquejenepouvaisimaginerjusque-làdumoins.

Plusjeparle,plussonregards’enfonceenmoi,commes’ilpouvaitlirelespagesdulivredemaviesanseffort.

–Tuesmontourment,Rose.

Sabouches’écrasesurlamienneavecfermeté.Meslèvress’entrouvrent,s’offrantvolontairementàsalangue.

Jesuissontourment!Unmassagecardiaques’ilvousplaît!

Jeréaliseàpeinecequ’ilvientdem’avouerquesamainestdéjàlelongdemacuisse,remontantma

robelentement,enunecaresselégère.J’ai toujourseuenviedelui,depuis lapremièrefoisqueje l’aiaperçu.Mais ce n’est plus une simple enviemaintenant, la pulsion devient limite vitale. Samainmecaressetoutlecorps,seslèvresexplorentmoncouàl’affûtdumoindrefrisson,sonautremaincherchelafermeturedemarobe,ladescendlentement.

C’estunevraietorture.J’aienvied’êtrecontrelui,desentirsapeaucontrelamienne.

Jedirigemesdoigtsverslesailesd’angestatouéssursontorse.Jelescaresse.Cetatouageestsibeau,fascinant ! Il me soulève pour m’ôter ma robe, toujours aussi lentement, comme s’il prenait soin dedéballerunechoseprécieuse.

Jepassemesmainsdanssescheveux,lestirelégèrement.Saréactionestimmédiate:ildégrafemonsoutien-gorgeetmel’enlèverapidement.Ilsemontreagréablementbrutal.Sesbaiserssontplusintenses.Ilmemordilleauxendroitslesplussensibles.Jemetortillesoussalangueexpertelorsqu’ellearrivesurleboutdemonseinetqu’ellelelèche,letitilleinlassablement.Desfrissonsdeplaisirsmeparcourent.Seslèvresretrouventlesmiennes;jelesluimordsdélicatement.

Jesenscontremoisonérection,tellementdure,dontj’aitellementenvie.Àcecontact,meshanchessesoulèventpouralleràsarencontre.Jedescendslesmainslelongdesontorsebrûlantcherchantàtâtonslehautdesonpantalon.Jeveuxenlevercesvêtementsinutilesquim’empêchentdelesentirentièrementcontremoi.Maisilm’endissuade,lesrelevantd’ungestevifetprécisau-dessusdematête.

Non,j’aienvie,j’aibesoindeletoucher!

Jelesuppliedesyeux,rienn’yfait.Ilprendsontempspourgoûterchaquepartiedemoncorps.C’estundélicieuxsupplice.Jesuisàbout.Jeleveuxenmoi.Jegémissouschacunedesestortureslentesetcalculées.

–Tusenssibonbébé.Tapeauestsidouce.

Savoixestsuave.J’essaiedemelibérerdelamainquimaintientmesbras,maisàl’évidenceilestbeaucouptropfortpourmoi.Ilmefaitbasculerd’unseulcoupsurleventre.Jesuissurprise,maissonassautreprendsurmesreins.Monventreestbrûlantd’envie.Jesenssesmainssurmesfesses.Puisillesdescend,soulevantmonbassinaupassage.Sesdoigtshabilespassentensuitelelongdeladentelledemaculotte.Jesuistotalementàsamerci.

Des baisers couvrent l’intérieur de mes cuisses, durant l’éternité qu’il met à m’enlever mon sous-vêtement.

–Nebougepas!

Ilenlèvesonpantalon,meprivantduspectacle.Quellefrustration…J’entendslepapierdupréservatifsedéchirer.

Jesensqu’ilécartemesfesses,relevantencoreunpeumonbassind’unemain,introduisantsalangue.Jevaisdéfaillir…Unelangueexpertem’arrachedesgémissementsàchaquepassagesurmonclitoris:illesuce,lemordilleetl’aspireànouveau.Jepoussemesfessesencoreplusverslui.J’enveuxencore,c’esttropbon!Salangueremontesurmeshanchesetjemetortillepourtenterdelefairerevenir.Ellecontinuel’ascensionsurmesreins.Puisilarrêted’uncoupetmepénètreviolemment,cequim’arracheuncrideplaisir.Enfinilestenmoi!Ilressortdélicatementetrecommenceunenouvellefois.Leplaisiresttelquej’attrapelesbarreauxdulit.

Ohmondieu!

Jesenssonsoufflebrûlantdansmondos,etsesgémissementsrauquesarriventàmesoreillesàchaquefoisqu’ilentreplusprofondémentenmoi.Ilmaintientfermementmeshanchespendantsesassauts,nemelaissantpasdelibertédemouvements.Jecambreledos.Jesuishaletante.Àl’intérieurdemoncorps,c’estlebrasier.Jeserrelesbarreauxdetoutesmesforces,etilcontinueencoreetencore,plusvite,plusprofondément.Oh la vache, je n’ai jamais ressenti un truc pareil de toutema vie ! Je sens le plaisirmonterentremescuissesàunevitessefulgurante.Jemecontracteautourdelui.Jesaisquejenetiendraipaspluslongtemps.

Moncorpssetendtantleplaisirestintense.Ilaccélèrelemouvementencoreplusbrutalement.Jehurlesonprénomquandl’extasedéferledanstouteslespartiesdemoncorpscommeuntsunami.Ils’écroulesurmoi en un grognement profond,me serrant immédiatement contre lui. Ilmebascule sur le côté, sedébarrassantdupréservatif,etseblottitdansmondos.Sesbrasm’enserrentcommes’ilavaitpeurquejemesauve,sesdoigtsenlacésauxmiens.

Jesuisépuisée.Plusaucunepenséen’atteintmoncerveau.

2.Un…etdeux

«L’amourn’estniraisonnable,niraisonné?C’estuneévidence,uneintuition.»AnneBernard

J’ouvrelesyeux,unpeuperdue.J’ailecorpsendolori.Jecherchedelamainàcôtédemoi,rien...Jemesoulèveunpeu.JesuisdanslachambredeGabriel,maisiln’estpaslà.Ilyaunmotsurl’oreiller.Jel’attrapeprenantletempsd’émergerunpeu.Qu’est-cequej’aisoif!

Bébé,Net’inquiètespas.J’avaisdescontratsàsignercematinetjen’aipumerésoudreàteréveiller,tues

sibellequandtudors.Jefaisauplusvite.Gabriel.PS:Complètementsoustoncharme...

Jeme redresse, serrant lemorceaudepapiercontremoi. Jesouriscommeune idiote,complètementretournéeparcequejeviensdevivrecettenuit.Nosretrouvailles,lebaiserleplusromantiquequisoitdevantcetteconnedeRoxanne,lanuitmerveilleusedanssonappartement...Toutsebousculeetunflotdesentimentselivrebatailleenmoi.Jevoudrairestercommeçalepluslongtempspossible.

Jerestelààrêvasserunmoment,puismesyeuxs’attardentsurlesétagèresmétalliquesquiornentlaplusgrandepartiedesmursde lachambre.Des tonnesde livres,manuscritsetdossierssontentasséesdessus.Mon regard scrute ensuite l’énormebureau surmagaucheoùdes tas depapiers recouvrent leclavierdel’ordinateur.Jenem’attendaispasvraimentàcequejedécouvre.Jepensaisplutôtvoirdesphotosdesesshootingsrecouvrirlesmurs,maisencoreunefoisjesuisagréablementsurprise.Gabrieln’estpascequ’ilparaîtêtre.

J’aitropsoif.Ilfautquejemelève.J’attrapeundesesteeshirtsabandonnéàcôtédemoisurlelitetjel’enfile.J’adore,ilsenttropbon.Jemetraînehorsdulitetm’approchedelarambardemétalliquequisurplombelesalon.Lavueestencoreplusbelled’enhaut.L’escaliernemerassurepas;jen’aimepaslefaitn’yaitaucunebarrièrepourmetenir.

VoyonsRose,arrêtedefairetatrouillarde!

Jedescendsprécautionneusement.Arrivéeenbas, jemedirigeencourantvers lacuisine.Lesolestaffreusementfroid.J’auraisdûremettremesballerines.

J’ouvreleréfrigérateuretmesersunverredejusd’orange,puisjem’installesuruntabouretpourledégustertranquillement,encorelatêtedanslesnuages.

J’entendslesclefstournerdanslaserrure.Jesautesurmespiedspourmedirigerversl’entrée:j’aitropenviequ’ilmeserredanssesbras!

Laportes’ouvreetlà,jereculed’unpas.Jesuisàpeineàquelquesmètres,maisunebarrièreinvisiblem’empêched’avancer.

Qu’est-cequec’estquecelook!

Gabrielestdevantmoi,refermantsoigneusementlaporte,lescheveuxbiencoiffésenarrière,avecunpantalongrisentoileetunpetitpoloblanccolV.Ilseretourneets’arrêtebrusquement.

Ilmefixeavecautantd’interrogationquemoidanssonregard.Sesprunellesgrisaciermedétaillentdelatêteauxpieds.Ilyaquelquechosededifférent!

Nousrestonsànousregarderenchiensdefaïenceun longmoment.Qu’est-cequisepasse?Jesuisaussidéroutéeparsonapparencequeparsonattitude.

–Rose!

J’entendsmonnom,maisilnesortpasdesabouche!

La porte s’est à nouveau ouverte et j’observe MON Gabriel pousser, l’AUTRE Gabriel sansménagement,avantdefoncersurmoi.Iln’apasl’airtrèscontent!Jevoisdouble.

J’aivraimentdûtropboirehiersoir.

–Rose,vat’habillerimmédiatement.Tuasvutatenue!

Savoixestdureet sèche. Je jetteuncoupd’œilàmesvêtementset rougis instantanément, réalisantseulementquel’autreGabrieln’estpasGabriel.C’estquoicedélire?

–Rose!Tum’entends,bordel!

Mespetitesjambessemettentàcourirtrèsviteetjeremontelesmarchesdeuxpardeux.

J’entendsleshurlementsdeGabrielenbas.

–Qu’est-cequetufouslà,toi?–Papam’ademandédet’apporterdespapiers!

Papa!Jepercuteenfin!C’estsonfrère,ohlaboulette!Jemesuistrimballéeàmoitiénuedevantsonfrère.Jemesensmal,trèsmal.Maismacuriositémepousseàécouterlaconversation.

–Ettuesobligédevenirreluquermacopine?J’aiuneboîteauxlettres,jeterappelle!–Je…Jenelareluquaispas.J’aiétésurpris,c’esttout.

Lavoixdesonfrèreestdouceettrèshésitante,contrairementàcelledeGabrielquiluiaboiepresquedessus.

–Ouais,c’estça!–Papaveutsavoir…enfinsieuh…Pourquoitut’esencoresauvéhiersoir?TusaisqueDouglast’a

cherchépartout?–Qu’est-cequej’enaiàfoutredelui,sérieusement!Qu’est-cequ’ilcroit?Quejenesuispasassez

fortpourmedéfendretoutseul?–Non,cen’estpasçaGabriel.Tuprendsdesrisquesconstamment.Arrêtedeteconduirecommeça.–Jesuisassezgrandpourdéciderparmoi-même.Lepaternel,jem’enbalance.Dis-luid’allersefaire

voir!–Mamanétaitinquièteaussi,tut’endoutes.

LavoixdeGabrielsecalmed’unseulcoupàl’évocationdesamère.

–Mais pourquoi a-t-il été lui raconté ça ? Précise àmaman que je vais bien.Non, ne dis rien, jel’appellerai.–Pourquoi,tunevienspasàlamaison?Tuluimanques.–Ouais,jeverrai.–Tudistoujoursça!

Etils’énervedeplusbelle.

–Allez,casse-toimaintenant!

J’entendslaporteclaquer,puisungrandsilenceetdespasquimontentl’escalier.

Jem’assiedsauborddulit.Jenemesuismêmepashabilléeducoup,encorechoquéeparcequivientd’arriver.ChoquéeparlarencontreavecsonfrèreetlafaçondontGabrielluiparle.Quantàsonpère,iln’apasvraimentl’airdeleporterdanssoncœur!

Gabriels’installeensilenceprèsdemoi,lescoudesappuyéssursesjambesetlatêteinclinéeverslesol.Jenesaispasvraimentcommentréagir:metaire?Ouvrirundialogue?Leréconforter?Jenesuispastrèsdouéepourlessituationsfamilialescompliquées.

J’opte pour la dernière solution, en amenant unemain hésitante dans son dos. Il se détend sousmacaresse.Jemerapprochedeluidoucement.

Dansungestevif,ilm’attrapeetmehissesursesjambes.Jepassemesbrasautourdeluietleserrefort.Ilposesatêtesurmapoitrine;j’adorecemomentplusquetout.Pasparrapportàsadisputeavecsonfrère,maisjusteparcequ’ilestlà,vulnérabledansmesbras.

Jesavourececontactplusqu’ilnelefaudrait.Ilrelèveenfinsonvisageverslemien.Jeneluiposeraiaucunequestion.Ilvautmieuxattendrequ’ilsoitprêt.

Ilmesourit,commesitoutçanes’étaitpaspassé.

–TusensbonlesexeRose,c’esttrèsagréable!

Jerougisimmédiatementàsesmotsetilpassesonindexsurmajoue.Ilmesoulèveetmeposeausol.

–Tuasfaim?–Ohoui,très!–Situveuxprendreunedouche,c’estjustelà.Jeprépareunpetitquelquechoseenattendant.Ilm’ouvreuneportequejen’avaispasremarquéeàlagauchedulit.Jen’aipasdevêtementspropres.

Tantpis,onferaavecceuxd’hier.

Je passe de l’autre côté dumur et me retrouve dans un dressing. La vache ! De longs rayonnageslumineux,despenderiespleinesdevêtementsd’hommepartout…ilaplusdefringuesquemoi!Moilesmagasins,c’estunefoistouslesdeuxansetencore,sic’estvraimentnécessaire.

Je trouve la porte de la salle de bain et me faufile à l’intérieur. J’ai le choix entre une immensebaignoireetunedoucheitalienne.Jerêveraisd’unbain,maisjen’oseraispasabuser,alorsceseraunedouche.Elleestimmenseparrapportàlanôtre.

Ohzut !Aude ! Je l’ai complètement zappée ! Je cours cherchermon téléphonedans la chambre etrevienstoutaussirapidement.

Il est déjà une heure de l’après-midi ! J’ai un tas d’appels et demessages.Alexis a essayé demejoindreaumoinstrentefois;ilestvraimentmalade!Lucasatentédeuxfoiscematin.

Je soupire avant d’attaquer mes messages. J’en efface plusieurs d’Alexis sans les lire. Aude medemandesimanuit s’estbienpasséeavecune tonnede smileysdébiles, cequime fait sourire. Je luiréponds rapidement que je lui raconterai quand je rentrerai. Je ne vais pas entrer dans les détailsmaintenant.Valentinm’en a envoyé aumoins quatre pour jouer sa pie curieuse, donc il aura lamêmeréponse.Lucas,jelerappelleraiplustard,jeneveuxpasattiserlacolèredeGabriel.Jenesouhaitepasgâcherlerestedelajournée.

Quandj’ypense,Gabrieln’apasuneseulemarquedesabagarreavecLucas.Jehausseunsourcil,ils’estfaitmassacrerlepauvre.J’aimalpourlui,maisjen’arrivepasàenvouloiràGabriel.

Il faudrait peut-être que jeme lave, non ? Je cherche une serviette. Il n’y a qu’un placard, donc jetrouverapidement.

Jemeplacesouslegrandjet.C’estgénial,beaucoupmieuxqu’àlamaison.Onpourraitrentreràsixoupeut-êtremêmeseptdanscelle-ci!J’attrapelegeldoucheet,quandjereconnaisenluileresponsabledel’odeuraffolantesurlapeaudeGabriel,jen’aiplusqu’uneenvie:enavoirsurmoi!

Jecroisquejesuisbienrestéeunedemieheuretellementj’étaisbien!

Onfrappeàlaporte.

–Bébé,tuviensmanger?–Oui,oui.J’aipresqueterminé!

Jemedépêcheetpassemonsoutien-gorge.Jenepeuxdécemmentpasremettremaculottesale,c’esthorsdequestion.Alorstantpis,jeferaisans!Jesuisdéjàrougedesavoirquejevaismetrimballersansrien.J’espèrequ’ilnevapass’enapercevoir.J’enfilemarobe.

Pourlemaquillage,c’estfoutu,iln’yenapasici.Jemecoiffequandmêmeunpeuetmedépêchederedescendre.

Çasentdivinementbon!

J’ailaréponseàmaquestiond’hier:ilsaitcuisiner.

Jesautesurletabouretoùsetrouvemonassiette.

–Çasenttropbon!–J’espèrequetuaimeslecurrybébé.–Oui,j’adore.Jenesuispasbiendifficiledetoutefaçon.

Ilsouritenmeservant.Jemeursdefaim!

–Pouletsautéaucurry,légumesetriz,j’espèrequeçavateplaire.–Hum!

Ils’assiedàmescôtés,meregardantgoûtersonplat.

–Tropbon!Tuesvraimenttrèsdoué,tupourrastoujoursterecyclersiunjourtuenmarredelaphoto.–J’ypenserai,promis.

Jedévorel’assietteenmoinsdetempsqu’iln’enfautpourledire.Ilestpliéderireàcôtédemoi.

–Etbientoiaumoins,tunefaispassemblant!

Jehausselesépaules.

–Netemoquepas,jesuisarmée!

Jeluidésignemafourchettedesyeuxetjelapointeverslui.

–Jenememoquepas,aucontraire,c’estagréabledevoirunefillemanger.Maissituveuxmedéfier,jesuisprêt.TroisièmeDandefourchette!

Il croise son couvert avec le mien et au deuxième coup de fourchette, nous explosons de rire. Jemanquedetomberdutabouret.Heureusement,ilaleréflexedemerattraper!

Son téléphone sonne sur le plan de travail et cela coupe court à notre petit délire. Il se lève ens’excusant.

–Bonjourmaman…neparlepassivite…oui…ça,c’estencoreJoshquin’apaspuselafermer!…Ouais,jevaisvoiravecelle…oui,promismaman...arrête,s’ilteplaît!…OK,jeterappelle.

Ilseretourneversmoi,unpeugêné.

–Rose,mamèresouhaitenousinviteràmanger.Elleinsistelourdement,maissitudisnonnet’enfaispas,elles’enremettra!

Jeleregarde,trèsétonnée.

–Monfrèren’apaspus’empêcherdeluiavouerqu’ilt’avaitrencontrée.

Je repenseàma tenuedevantsonfrère ; jesuismortedehonte...Etpourquoisamère lui faitun telcinémapourmoi?

Elleadûenvoirpasserdestasdefilles!

–Jenesaispastrop.Tuasenvietoi?

Ils’approcheetm’entouredesesbras.

–Te présenter àmamère, bien sûr que j’ai envie.Mais pour le reste dema famille, si je pouvaiséviter… Je te préviens, ça va sûrement être un repas plus qu’étrange. Mais je lui ai promis de tedemander.Réfléchis.Enfin,pastroplongtemps,c’estpourcesoir.–Quoi?

Déjà!Letempsdelaréflexionvaêtretrèscourt.

–Oui,mamèreesttrèsenthousiasteàproposdecettenouvelle.Tunetravaillespascesoiraumoins.

Ilsoupire.

–Non,jesuisenrepos.Maisjenecomprendspaspourquoielleestsi…«enthousiaste»?

Ilmedéposeunbaisersurlefront.

–Parcequ’aucunefemmenevientjamaisici.

Je reste interloquée par sa confession. Il hausse les épaules avec un petit sourire etme lâche pourdébarrasserlatable.

Jesuis laseulefilleàêtrevenue ici.Jecroisquecette toutepetitephraseaune importanceénormepourmoi!Maispourquoinemel’a-t-ilpaspréciséavant?Aufonddemoi,jesuissuperheureuse.

–Jen’airienàmemettre.

Jeregardemachinalementmarobe.

–Tuestrèsjoliecommeça!

–Cesontmesvêtementsd’hier.–Ilsn’ensaurontrien!

Jesuissupergênée,maislàpastroplechoix,ilfautquejeluiavoue.

–Disonsque…je…jen’aipasdepetiteculottesousmarobe.Jen’avaispasprévu...

Uneassiettese fracasseausol. Ilmeregarde fixementet sesyeuxpassentaugris foncéen l’espaced’uneseconde.

–Jeteconseilledecourirtrèsvitesituneveuxpasquejetesautedessusdanslacuisine!

Iln’apasletempsdefinirsaphrasequejemesauve,courantmeréfugierdanslesescaliers.Jelevoisarriver calmement, le sourire aux lèvres. Je monte rapidement. J’entends ses pas. Où est-ce que jepourraismecacher?Dansledressing!

Etmevoilàcachéederrièresesvestes.Jememordslalèvrepournepasrire.J’entendssesbruitsdepasarpenterlachambre.

–TuesunepetitemaligneRose,maisjetetrouverai!

Monmecestcomplètementfou;j’adoreça!

Laportes’ouvre.Jecroisqu’ilacomprisquejen’étaispasdanslachambre.Ilsedirigeverslasalledebain.Jeplaquemamainsurmabouche;jevaisexploserderiresinon.

–Rosegareàtesfesses!Oùest-cequetutecaches?

Ilressortdelasalledebainetarpenteledressing.

–Jesaisquetueslà.

Ilfouillelespenderiescalmement,uneàune.

Commentm’enfuir?Ilfautquejetrouveunefaillepourmesauver.Profitantqu’ilestdedosjepousselescintresetsaute,prêteàdétaler,maisilseretournerapidementetm’attrape.Jemeretrouveencoreunefoissursonépauleetmeprendsuneclaquesurlafesse.

–Aïe!

Décidément,çadevientunehabitude!Ilmejettesurlelitetôtesontee-shirt.

–Qu’est-cequejevaisbienpouvoirtefairevilainefille?

Je recule jusqu’à la tête du lit. J’essaie deme retenir de rire. Je crois qu’il réfléchit. Il attrape denouveausontee-shirtetd’uncoupdedentarrachelebas,ledéchirantendeux.

Maisqu’est-cequ’ilfabrique?

–Çadevraitsuffire.

Ilm’adresseunclind’œiletgrimpesurlelit.Jechercheceàquoipourraitbienluiservirsesdeuxboutsdetissus,maisnon,là,çanevientpas.

–Enlèvetarobe!–Non!

J’explosederire,c’estfoutu!

–Commetuvoudras!

J’aibienvuqu’ilasouriàmonrefus.Ilm’attrapelesjambesetm’allonge.Ilmetensuitelebouttissudans sa bouche et saisit mon bras pour plaquer mon poignet contre le cadre du lit. Me maintenantfermement,ilattrapel’étoffequ’ilpasseautourd’unbarreaupourm’attacher.

–Maisqu’est-cequetufais?

Ilme regarde un instant. Jeme demande pourquoi ilm’attache comme ça. Ce n’est pas un perverssexuel,j’espère!

Non.PasGabriel.ChassecesdébilitésdetatêteRose!

–TuasconfianceenmoiRose?–Oui,maiscen’estpaslaquestion.–Jeneteblesseraijamaisvolontairement,n’aiepaspeurmonange.

J’acquiesce,jenesuispasvraimentrassuréed’êtreligotéecommeça.Maisavectoutcequ’ilm’adéjàfaitvivre,jenesuisplusàçaprès.

Ilrenouvellelerituelpourmonautrepoignet,selèveetm’observeunmoment,pensif.

–Jetelesenlève,cen’estpasunebonneidée.Jevoisbienqueçanevapas.

Ilcontournelelitets’apprêteàmedétacher.

–Non!Jetefaisentièrementconfiance.

Ma voix est plus autoritaire que je ne l’aurais voulu, mais pas grave. Après tout, j’ai envied’expérimentertoutessesdérives.Iln’yaquecommeçaquejeleconnaîtrairéellement.

Jemesensmieuxd’avoirchoisidélibérément,maisilvafalloirqu’ilréagisseaulieudemeregarderplantélà!

J’écartedoucementlesjambes.

–Tuviensoùtucomptesmetoucherpartransmissiondepensée?

Ilsourit.

–Çanemesemblepasêtreunemauvaiseidée.

Jevoissursonvisagequeledoutesedissipeprogressivement.

–Jetelaisseraisbienattachéeàviesurcelit!

Ilgrimpeavecagilitéetseplaceau-dessusdemoi.

–Quelleidée!

Sesmainsremontentmarobe,etilsepencheàmonoreille.

–Aumoins,aucunmecneseraitenmesuredeserincerl’œilsurtesjoliescourbes!

Ilpassesalanguesurmalèvreinférieure,puismemordillelementon.Jetiresurlesliens.J’aienviedeletoucher,maisimpossible.Jelèvelesjambesetl’entourerapidement,leforçantàêtrecontremoi.

–Jevaist’attacherlesjambesaussisitucontinues!Tiens-toitranquille.

Jerelâchemapriseàgrandregrets,maisjedoisbienmel’avouer,c’estluilemaîtredemoncorps!

Jem’abandonnetotalementàsescaressesdivines.Moncorpss’embrasesoussescoupsdelangueetsesmorsuresdélicates.Cette infinitédecaressesbrûlemapeauet laissesonempreinteà jamais.Moncorps se soulève,mais ilmemaintient contre lematelas sans aucunedélicatesse.Et j’aimeça, j’aimecettebrutalitésavammentdosée.

Putain,jel’aimelui!

Ilmepénètrebrutalementetçaaussi,jesuisdéjàincapabledem’enpasser.Chaqueva-et-vientenmoin’estquepurplaisir.Mespoignetssouffrentdenepouvoirletoucher.Chaquegrognementdeplaisirquifranchit ses lèvres, je les savoure, car je sais que c’estmoi qui les lui provoque.Leplaisir qu’ilmeprocurerendraitn’importequellefemmecomplètementfolle…

Ses accélérations puissantes le poussent au plus profond demoi.Et je perds pied dans un orgasmepuissantqu’ilprendsoigneusementletempsdeprolongerlepluslonguementpossible.

Jel’aime...

3.Leretourdudémon

« Quand on a beaucoup souffert dans la vie, chaque douleur additionnelle est à la foisinsupportableetinsignifiante.»YannMartel

J’entendslavoixdeGabrielauloin.Ellem’appelle,plusproche,plusforte.

–Rose,ilfautteréveiller.

J’ouvreunœil.Jesuistoujoursdanslelit,enrouléedanslacouette.Bienauchaud.Jesuisétonnéequemespoignetsnesoientplusligotés.Jenemesouviensplusd’avoirétédétachée.Jesuisbien.

–Allezbébé,çafaituneheurequetudors!–Non!

Jemecacheaveclecoussin.

–Sijevienstechercher,çavafinirmaletenplusjeterappellequel’onmangechezmesparentscesoir.Ilfautquetuteprépares.

Jemeredressesurlelit.Jedoisavoirunetêteaffreuse.

–Jevaistedéposercheztoi,tupourrastepréparertranquillement.J’aideuxtroisbricolesàréglerdemoncôté.–OK,tuasgagné,jemelève.

Monintonationestencoreembruméeparlafatigue.

Jem’extrais demoncocondouillet,maismoncorps etma têtene sont pasdu tout synchronisés. Jepensequ’ilvafalloirquejenotedemeprogrammerunebonnenuitbiencalmeetbienlongue.

Gabrielestdéjàenbasàm’attendredevantlaporte,toutsourire.Jen’avaismêmepasremarquéqu’ilétait douché et habillé. Je pensememettre au sport, surtout quand je regarde son corps si parfait etl’endurancedontilfaitpreuve.Ilnedortjamaisouquoi?

Ilestdix-septheuresquandilsegaredevantchezmoi.Jeneluirappellepasquejen’aitoujourspas

deculotte,carjenesortiraijamaisdecettevoituresinon.

Ilmesoulèvelementonavecundoigt.

–Tupensesàquoi?–Àtoi,voyons!

Je lui dépose un baiser sur la joue et descends rapidement pour qu’il ne s’aperçoive pas que j’aiencoreenviedelui.

–Bébé,jevienstechercherpourvingtheures.

JeluilanceunvagueOKetmeprécipitepourrentrerauplusvite.Nepasavoirdepetiteculotteaveclui,c’estplutôtexcitant.Maisquandiln’estpaslà,c’estgênant.Jedoisêtrerougedehonte.

J’arriveenhautdesmarchesetlà,jeperdstousmesmoyens.Alexissetrouvejustedevantlaporte,lesbras croisés. La paniqueme prend au ventre. J’essaie de faire demi-tour,mais trop tard, ilm’a déjàattrapéetbalancébrutalementcontrelemur.

Ladouleurqui traversematêtequandellerentreencontactaveclebétonestpresquesourde,passiviolentequeça.Jen’entendsplustrèsbien,toutvacilledanslecouloir.Jecroisquejevaistomber...

Unemainmemaintientcontrelemur.Alexishurle,maisjen’entendsquedesmorceauxdephrases,desbribesd’injures.Ilmesecoueviolemment.

Ilmefautunmomentavantque jenecommenceàmieuxledistinguer,etenfin l’entendreàpeuprèscorrectement.

–Espècedepetitesalope.Tuasentenducequejeviensdetedire!

Sonpoingvients’aplatirsurlemurjusteàcôtédemonvisage.Jefermelesyeux.Jesuisterrorisée.

–Regarde-moiquandjeteparleoujet’enfousune!

Jerouvrelesyeux,meforçantàleregarder.Ilmeterrorise.Mesjambestremblent,j’ailanausée.Sesyeuxsontinjectésdesang;desveinesmonstrueusespassentsursonfront.

–Jetelerépèteencoreunefois.Sijeterevoisaveclui,jeletue!Tuasbiencompris?

Tuerqui?Jenecomprendsrien!Merde,est-cequ’ilparledeGabriel?

–Tusaistrèsbienquej’ensuiscapable,salepetitepute!

Ilme lâche etmes jambes cèdent sousmon poids. Jeme retrouve par terre etme réfugie en boulecontrelemur.

Ilserapprocheencoreunefoisdemoi,pliantlesgenouxpourêtreàmahauteur.Jetrembledetoutmoncorps,mepréparantdéjààencaisserlescoups.

–Tum’appartiens,tuentends!Tum’obéisetilneluiarriverarien.

J’entendssespass’éloigner,enlarmes,jesuisincapabled’amorcerlemoindremouvement.Jerestelàunmoment,maisilfautquejereprennemesesprits.

Jemelèvepéniblement,lâchantmesclefsdeuxfoistellementmesmainstremblotent.J’arriveenfinàentreretchancellejusqu’àlasalledebain.Jeferme,m’accroupisdanslefonddeladouchetouthabillée.L’eaubrûlantecoulesurmoi.

IladûmevoiravecGabriel.Mesmainsneveulentpasarrêterdetrembler.Qu’est-cequejedoisfaire?Jen’aipaslamoindreenviedelequitter,c’esthorsdequestion!Maisjeneveuxpasnonplusqu’illuiarrivequelquechose.Alexisestcomplètementmalade.Ilpourraitletuerça,c’estsûretcertain!

Lapolice,cen’estpaslapeine.J’aidéjàessayé,çanesertàrien.Enparlernonplus,çan’auracommeeffetqued’affolermesamisetpourcequiestdeGabriel,c’estjusteimpossible.Matêteesttellementdouloureuse.

J’entendsfrapperàlaporte.

–Machérie,jesuisrentrée!

Jefaistousleseffortsdumondepourquemavoixaitl’airnormal.

–Jemelave,j’arrive.–Super.J’aihâtequetumeracontestanuit!Jenousprépareduthé.

Jeme redresse, enlèvema robe trempée avec difficulté. Je me lave, me frottant fort, comme si jepouvaiséliminertoutcequivientdem’arriveravecdusavon.Jerefused’avoirsonodeursurmoi.Manauséemereprenddeplusbelle.Jesorsentrombedeladoucheetj’aijusteletempsd’arriverau-dessusdestoilettes.Toutmonrepasdumidiypasse.Jem’assiedsàcôté,trempée:j’aifroid…

Jemedécideenfinàmelever.J’attrapemaservietteetmefrictionnefort.Meslarmesnecoulentplus.

Jemedévisagedanslemiroir.Lapeurestbienprésente.

Rose,ilfauttereprendre,personnenedoitsavoir!

Jesaislefaire.Jesaiscacherleschoses.Jesuisfortepourça.Convaincueparmespropresparoles,jem’enroule dans la serviette humide et me sèche les cheveux. J’attrape le maquillage : il faut que jemasquemespleurs.

À coup de fond de teint, de fard à paupières et de mascara, je dissimule la moindre trace desévénements du couloir. J’efface tout.Rien n’est arrivé. Lemur invisible que je connais si bien prendplace,pierreparpierre.

J’inspireprofondémentetfoncedanslachambrem’habiller,enfilemajolierobenoire.JerencontrelesparentsdeGabrielaprèstout.Bienquej’aidéjàrencontrésonpèreetsonfrère,cen’estpaslecasdesamère.

Monpatron,sonfrèrequim’avueàmoitiénue,latensionquirègneentreGabrieletsonpère…Çanevapasêtresimple.Maisriennepeutêtrepirequecequis’estproduit.Jesuiscapabledetoutaffronter.Jevaislefairepourlui!

Je respire calmement et affiche mon plus beau sourire. La psyché me renvoie une image trèsconvaincante.JemedirigeverslesalonoùAudem’attendavecnostassessurlecanapé.Jem’assiedsàsescôtés.

–Alors,tuétaisoùcettenuit?

Unvraisourireapparaîtsurmonvisageàlaseuleévocationdesinstantspassésaveclui.

–ChezGabriel.–Chezlui?Ehondiraitquec’estsérieuxvousdeux!–Peut-être,jenesaispasencore,j’aiégalementrencontrésonfrère!

Sesyeuxs’illuminentcommeparmagie.

–C’estpasvrai.Ilaunfrère,ilestcomment?–Envéritécommelui.Enfinpastoutàfait,jen’ensuispascertaine,maisjecroisqu’ilssontjumeaux.

Enfin si, ils se ressemblent tellement que ce sont forcément des jumeaux ! Il est juste différentvestimentairementparlant,etpeut-êtreaussidansl’attitude.–Non,tumecharrieslà?–Pasdutout,cen’estpasuneblague.Ils’appelleJosh.

Jevoisàsonsourirequ’elleaquelquechosederrièrelatête.

–Tumeleprésenteras?–Calme-toi,jeneleconnaispas!Etpuisnotrerencontreétaitunpeuspéciale.

Ellefroncelessourcils.

Jeluiraconteendétailsonarrivéeunpeudéconcertantedecematin,puisjedérivesurlerepasqu’ilm’apréparéetluidécrisl’appartement.Jeluiparleégalementdesamèrequiinsistepourmevoir.Elleestpassionnée,commequandelleregardesesémissionsstupides.

Letempspassevite.JesuistellementheureusedeluiraconteràquelpointGabrielestattentionnéavecmoi.J’arriveàpasserau-dessusdelamésaventuredujour:lacarapaceestsolide.

Onfrappeàlaporteetnoussursautonstouteslesdeux.Jemelève,jesaisquec’estlui.

JeluiouvreetrestesurprisedelevoirentraindeplaisanteravecValentin.MonCompliquén’estpascequ’onpeutappelerdespluschaleureuxaveclesgens:illesévitetoujoursaumaximum,oualorsjedevineàquelpointilseforce.Maislànon,ilestdétendu.

J’étreinsValentin rapidement et embrasseGabriel commesi jene l’avaispasvudepuisdeux jours.Désolée,maisj’enaibesoin.

Il est superbe dans son jeans troué aux genoux et son polo noir. Ses manches sont négligemmentrepliées aux trois quarts. Je sais que son coiffé décoiffé et tous les petits détails de son look sontcalculés.Ilestbeauetélégantentoutecirconstanceetillesait.

Aucunhommeneparviendrait à être aussi charismatique et élégant dans les vêtements qu’il arbore.Mêmeavecuncostumetrois-pièces,jen’envoispasunquiluiarriveraitàlacheville.C’esttroublantdeparveniràunetelleconclusion…

Qu’est-cequ’ilmetrouvefranchement?Jenesuisjamaisàlamode,jeneprendspasvraimentsoindemoi, jesuisà l’origined’untasdecatastrophesetdecomplications, jesuis impulsive, jen’aipasboncaractèreetenplusjetraînedescasserolesderrièremoidepuistroplongtemps.

JedemandeàAudedemecoiffercorrectement.Jevaisquandmêmerencontrersesparents,ilfautquejefournisseunminimumd’efforts.Nousleslaissonsdoncentreeuxparlerdesport.

Aude me coiffe d’un joli chignon relevé et laisse dépasser quelques mèches sur le devant. C’estbeaucoupplusclassequecequejefaishabituellement.Elleesttrèsdouée,ilfaudraitpeut-êtrequ’elle

penseàchangerdemétier!

–Dis-moiAude,tuasrevulemecdeladernièrefois?Celuiavecquituasbuunverre?–Ahlui,jeneveuxplusenentendreparler!Ils’estfoutudemoi.Ilestencoupledepuisdeuxans.–Jesuisdésolée.

Ellenesedémontepasetmeregardefixementdanslemiroir,mettantdelalaquesurmescheveux.

–Nesoispasdésolée,tuvasmeprésenterJosh!

J’explosederireettoussoteenmêmetemps.

–Çaempestetontruclà,arrête!–Ilfautsupportercertaineschosespourêtrebellemachérie!Surtoutaveclemecquit’attendlà-bas.

Ellemerelèvelatêteetm’aspergeunenouvellefois.

–Tuvasm’étouffersurtout!

Jebasl’airdesmainspourévacuerlenuagequimepiquelesyeux.

–C’estterminé!Ondiraitunedamecommeça!

Lerésultatestsympa.Jeneferaispascegenredetructouslesjours,maisellebossebien.Onnepeutpasluienleverça.

–Tuasremarquélabossederrièretatête?

Jepassemamaineteffectivementilyaunepetiteexcroissancedansmescheveux.

–Jemesuiscognéedansladouche.

Et c’est reparti pour un nouveaumensonge ! Elle ne répond pas,Aude à l’habitude demes gaffes,heureusementpourmoi.

Deretourausalon,GabrieletValentinsontenpleinediscussionsurl’architecturedejenesaisquelbâtimentrécemmentconstruit.

Illèvelesyeuxsurmoietseredresseaussitôt.

–Tuesprête?–Euh…oui.Attends,jepréparemonsac.J’enaijustepourdeuxminutes.

Jeretournedanslachambre.JetendslerestedemespourboiresàAude.

–Tuferaslescourses.Jedevaism’encharger,maisdisonsquejen’aipasvraimenteuletemps.–Pasdesoucis,profite!

Ellem’attrapeetmeserrefortdanssesbras.Jemerendscomptesurlecoupquemondosestluiaussidouloureux.Lemuradûcauserquelquesbleus;ilnefautsurtoutpasqueGabriels’enaperçoive!

J’attrapeaupassageunepetiteculotteetlaglisseaufonddemonsacàmain.Çapeuttoujoursservir.Jeglousseenrepensantàlapartiedecache-cache.

Jeretourneausalon.

–Jesuisprête,onpeutyaller.–Enroutemabeauté!

Mabeauté.C’estuneblague?

J’adorecettemaindansmondosquandjedescendslesescaliers.Cesimplecontactmerassure;jemesens protégée. Et puis en y repensant, Gabriel n’a sûrement rien à craindre d’Alexis. Vu comme il adéfiguréLucas,ilsaittrèsbiensedéfendre.

4.Planteretrebondir

«Tesjoursdecolère,jelieraitesmainsdanstondospourquetunetefassespasmal,jecolleraimaboucheà la tiennepourétouffer tescrisetrienneseraplus jamaispareil,etsi tuesseulnousseronsseulsàdeux.»MarcLévy

Jereconnaisl’hommeimposantquinousouvrelaportière.

C’estceluiquiavaitdéposéGabrieldevantleSaphirlapremièrefoisquejel’aivu.

–BonsoirMademoiselle.Sivousvoulezbienvousdonnerlapeine.

Ilaccompagnesesparolesd’ungestede lamain,m’invitantàentrerdans lavoiture.Jebafouilleunbonsoiretm’installeàl’arrière,suivieparGabriel.

L’hommeseglissederrièrelevolant.

–Oùallons-nous,monsieur?–Chezmesparents,Douglas.–Bienmonsieur.

C’estquoicecérémonial? Jenesuispashabituéeàcegenredechosesqu’onnevoitquedans lesfilms.Enfinplutôt,quemoi jen’aivuquedans les films.Douglas.J’aidéjàentenduceprénomquandGabrieletJoshsesontembrouillés.Cen’estpaslemomentdeposerdesquestions,maisjenecomprendsrienàleurshistoiresdefamille.Ilfaudraquandmêmequ’ilm’expliquequelquespetiteschoses.

Gabrielposesamainsurmajambeetd’instinct,jeplacelamiennedessus.Lecontactesttoutdesuiteréconfortant.

–Nesoispasinquiète.Detoute,façonsiçasepassemal,onsecasse.

Etbienlà,ilnemerassurepasvraiment.

–Explique-moiunpeupourquoic’estaussitenduavectonpère.–Ceseraittroplong.Onnes’entendpas,c’esttout.

Gabrieldanstoutesasplendeur!Moinsilendit,mieuxilseporte.

–Ettonfrère?–C’estunabruti.Ilfiniraparsuivrelechemindupaternel.Ill’imitedéjààlaperfection!

Jesenssamainserrermacuisse.Sonvisageesttendu.Ilaunetellecolèreenluietjen’arrivepasàsavoirpourquoi.

Pourquelleraisonenveut-ilautantàsonpère?

Le reste du chemin se déroule en silence. Je devinedans son regardqu’il regrette déjà sa décisiond’alleràcedîner. J’ai enviede leprendredansmesbras,mais il est si froidque jene trouvepas lecourage.

–C’estlà,Rose.

Uneimmensegrilles’ouvredevantnous.Lavoitures’engouffreàl’intérieuretsuitl’alléeéclairéedepetites lumières. C’est très joli dans la pénombre qui commence à tomber. Quand j’aperçoisl’impressionnantemaison,moncœurfaituntoursurlui-mêmedansmapoitrine.Ouielleestbelle;elletranspireleluxeàpleinnez.Jemedoutaisbienqu’ilétaitd’unmilieuaisé,maisjenem’attendaispasàça!

Lavoituresegaredevantl’entréeetDouglasseprécipitepournousouvrir laportière.J’aperçoislamèredeGabrielsurlepasdelaporte.Elleseprécipiteversnous.Enfinsurmoisurtout!

Impossibledemetrompertantelleluiressemble!Unetrèsjoliebrune,fluette,avecdebeauxyeuxgriscommeceuxdesonfils.Sajoieestcontagieuse,jenepeuxm’empêcherdesourireàsonapproche.

–Bonsoir,vousdevezêtreRose.OhGabriel,qu’est-cequ’elleestbelle!–Bonsoir,enchantéemadameAlcott.–Appelez-moiEve,voyons!

Elleserresonfilscontreelle.Illadépassed’aumoinsdeuxtêtes.Elleagitesespetitsbrasdanstouslessens.

–Jesuistellementheureusequevoussoyezvenus!Iln’estpasencorerentré.

Bizarrement,Gabrielsedétend;jesupposequ’elleparledesonpère.

–Allezlesenfants,entrezvite!

Elleesttoutejoyeuseetsautillante.Onauraitpresquel’impressiond’êtreàNoël!

L’intérieurest toutaussiclassieuxque l’extérieur.C’est lumineuxet toutestparfaitementàsaplace,toutsembleneuf!Joshestappuyécontrel’embrasurequinousséparedelasalleàmanger.

Ellesetourneverslui.

–ViensdirebonjouràRose.

LavoixsévèredeGabrielrésonnederrièremoi.

–C’estbon,ill’adéjàvucematinjeterappelle!

Celan’apasl’airdesurprendresamère.

–Ahoui,c’estvrai!Installez-vousautourdelatablequ’onfasseunpeuconnaissance.

Eves’assiedenboutdetableetm’indiquedememettreprèsd’elle.Jem’assiedsàsadroiteetGabriels’empressedeseplaceràmescôtés,posantimmédiatementsamainsurmacuisse.

SamèresetourneversJosh.

–Pourrais-tuallerchercherlabouteilledechampagnedansleseauàlacuisine,s’ilteplaît?

Ilsedirigeverslacuisinetranquillement.IlestvraimentdifférentdeGabriel.Mêmequandilmarche,sonpasestbeaucoupmoinsassuré.Ilsembletimide.

Eveposesamainsurlamienne.

–VoussavezRose,Gabrielnenousajamaisprésentéaucunedemoiselle.Jesuistellementheureusedevous voir. Racontez-moi comment vous vous êtes rencontrés, et depuis combien de temps vous êtesensemble.

Ellechantonneetregardesonfilsavectantdedouceur.

–Çanefaitpastrèslongtempsenréalité!NousnousconnaissonsduSaphir,maisnotrerencontreestassezoriginaleàvraidire.

JejetteunregardàGabriel,quimedévisageavecunpetitsourire.

–Maman,nel’assommepasdequestions,s’ilteplaît.–Oui,oui.Désoléemonchéri.

Joshrevientversnous,leseaudanslesmains,débouchetranquillementlabouteille,puiss’approchepourservirsamère.

–Josh,lesinvitésd’abordvoyons!

Ils’approchedemoi,maisGabrielluiarrachelabouteilledesmains.

–C’estbon,jem’enoccupe!

Je lui jette un regard d’incompréhension et celui qu’ilme renvoie est glacial. Et bien la soirée vaêtre…sympa!

Gabrielnousremplitlesverres.Ilaquandmêmeladélicatessedeservirsonfrèreégalement.

Laported’entréeclaqueetJoshseprécipite.Gabriel,quantàlui,lèvelesyeuxaucieletsamèreperdd’unseulcoupdixcentimètres.

–Bonsoirpapa,tajournées’est-ellebienpassée?–Oui,àmerveillemonfils.Etlatienne?

J’entendsGabrielmarmonner.Ilsepencheversmoietmechuchoteàl’oreille.

–Onsecasse?–Onvientd’arriver,attendsunpeuquandmême.–Siçapeuttefaireplaisir.

Ilbougonneetmurmureuntrucquejeneparvienspasàcomprendre,maiscen’estpaslemomentdel’embêter.

Sonpèrenousrejoint,suividetrèsprèsparJosh.Ilcontournelatablepourdéposerunbaisersurlajouedesafemme.JesenslesonglesdeGabrielmerentrerdanslapeau.Jeglissemamainsurlasienne,cequiparaîtlecalmer.

Sonpères’approchedemoi,metendantlamain.

–Rose,c’estbiença?Nousnoussommesdéjàrencontrés,n’est-cepas?Voustravaillezdansundemesétablissementssijenem’abuse.–Oui,auSaphirmonsieurAlcott.

IlsetourneversGabriel,toutens’asseyantàsaplace:faceàsafemme.

– Bonsoir Gabriel, ta mère est heureuse que tu daignes enfin nous rendre visite, et en charmantecompagniequiplusest.–Ouais.

MonCompliquén’estpasàl’aise,jelevoisbien.J’aibeauluicaresserlamain,ilesttenduetserrelesdents.Uneservantearriveaveclesentrées,droitecommeun«I»,etnousannoncetranquillement:

–Foiegrasauxairellessursoncroustillant,letoutaccompagnéd’unlitdeverdure.

J’étouffeungloussement,cequiarracheenfinunsourireàGabriel.Jecontemplelatable.Combienya-t-ildecouvertsetdeverreslà-dessus,sérieux?J’ail’idéedecopierGabriel,maisilmangeletoastavecses doigts ! Forcément ! Au bout d’un moment il me désigne du doigt un couvert. Il a dû sentir madétresse.

–Rose.

SurpriseparlepèredeGabriel,jesursauteetlâchemafourchettequi,danssonélan,fileseplantersurlesiègevideenfacedemoi.

Ohputain!J’aiunproblèmedecoordinationouquoi?

Jeportemamaindevantmabouche.Toutlemondefixeleboutdemétalenfoncédansledossier.

Jevoudraisdisparaître!

IlyaunlongsilencepesantetGabrielexplosederire,suiviparsamère,sonpèreetsonfrère.

Oufj’aieuchaud!HeureusementqueJoshnes’estpasplacéfaceàmoi.Jepâlisrienqued’ypenser.

–Veuillezm’excuser,Rose. J’essaieraideneplusvous faire sursauter. Jeconstateque le lancerdecouvertsn’aaucunsecretpourvous.

L’ambianceestd’unseulcoupmoinspesante,Gabriels’estunpeuaussidécontracté.

J’avalelamoitiédemacouped’untraitetjesensunefourchetteseglisserdansmamain.C’estGabrielquimedonnelasiennediscrètement.Jevaisenfinpouvoirmangerquelquechose.

C’estvraimenttrèsbon.Jesavourechaquebouchée.Enréalité,jemeursdefaim.

–AlorsRose,dansqueldomainesontvosparents?

Jem’étrangleàmoitié.

–Je…commentdire.

Gabrielfulmineàcôtédemoi.

–Ellen’enaplus,alorsarrêteavectesquestionsdébiles!

Jebafouille.

–Non...euh...Cen’estpasgraveGabriel.–Excusez-moiRose.Jenepouvaispassavoiretj’ensuisvraimentnavré.

Etvoilà,lapesanteurétouffanteestderetour,vivementquecesoitfini!Jesenslamaind’Evesurlamienne,ellemesouritaffectueusement.J’aimebeaucoupcettefemme.

Leplatprincipalarriveaveclemêmecérémonialqueprécédemment,àsavoirunetiradeàn’enplusfinir.Cettefois,jemeretiensdefairemonintéressante.Moij’appelleçaungigotetdespommesdeterre!

Ladiscussion s’orientevers Joshqui sedécideenfinàouvrir labouche.Luiet sonpèreparlentdenouvellesaffairesencoursd’acquisition.Joshesttrèsposéquandilparle,c’estassezétrangedevoirlacopieconformedemonGabrieldansuneversionsimplementnormale.Jen’aipasenviequeçasesache,maisçamefascinedeleregarderparler:ilsoupèsechaquemotqu’ilemploie.Mêmesonrireal’airdesortirtoutdroitd’unesitcom.

Eve,quantàelle,meracontesapassionpourlapeintureetmeprometdememontrerquelquestoiles.MonGabrielestbiensilencieux.

Lesdessertsarriventenfin.Unemontagnedeminigâteauxdetoutesortetrônesurunplateauàplusieursétages.

Franchement,j’aienviedetouslesgoûter!

–Gabriel,fils,qu’as-tuenprévisionpourdemain?–J’aiunshooting.–Dommage.Oncomptaitsortirsebaladerenmeravectonfrère.Tudevraisnousaccompagnerunde

cesjours.Etoùenes-tuaveclareprisedetescours?–Nullepart!

LetonagacédeGabrieln’échappeàpersonne,saufpeut-êtreàsonpère.

–Alessandro,laisseGabrielaveccettehistoire,jet’enprie.

Lavoixd’Eveestàlafoishésitanteetsuppliante,maisilnes’intéressemêmepasàelle.

–Écoute-moiGabriel,tabellegueuleneferapasdetoiunhomme!Tudoisterminertesétudes!

Gabrielselèved’unbond,projetantsonsiègeenarrière.Ilposelesmainssurlatable,faceàsonpère.Jesursauteunenouvellefois.Mesyeuxn’arriventplusàquittercevisagesiduretfroid.

–Jefaiscequejeveuxdemavie!Unhomme?Parcequetoituenesunpeut-être?Commencepartraitertafemmeavecrespectdéjà!Jeneveuxpasteressembler!Quandcomprendras-tuça?

Ilbalanceungrandcoupdepoingsurlatableettoutlemondesursaute.

Sonpère,malgrélescrisdeGabriel,rested’uncalmeeffarant.

–Assieds-toi,Gabriel!Tuvasfairepleurertamère.

Illèvelesbrasauciel.

–Ahparcequec’estàcausedemoiqu’ellepleuremaintenant!Situn’asplusd’autresconneriesàmebalancer,jepensequ’onvapartir!

Ilm’attrapeparlebrasetmelève.Jelesuissansdiscuter.

Samèrenouscourtdéjàderrière.

–Attendez!Nepartezpas,Gabriel!

Noussommesdéjàdansl’entrée,Gabrielseretourne.

–Net’inquiètepaspourmoi.Ilfautquetupartesd’icimaman.Tuesencorejeune,tupourraisrefairetavie.

Pourquoiluidemande-t-ildequittersonpère?C’estsigravequeça?

–Voyonsmonchéri,nedispasdebêtises.Revenezmerendrevisitetouslesdeux,çameferaitplaisir.Vousêtessûrdenepasvouloirrester?

J’ail’impressionquesamèrevafiniràgenouxpourlesupplierderester.Depuiscombiendetempsnel’a-t-ellepasvu?

J’observeGabriel,attendantsadécision.Jenecomprendsstrictementrienàcequivientdesepasser.Ilmeregardeàsontour.Sesyeuxsonttristes.

–JepensequeRoseenadéjàassezvupourcesoir.

Jeglissemamaindanslasienneetluisouris;j’aienviederester,justepoursamère.Elleal’airsimalheureuse.J’aimalaucœurpourelle.Ilfautqu’ilsacheàquelpointc’estdifficiledenepasenavoir.Jedevraispeut-êtreluientoucherquelquesmots…Unjour.

–Jevaisbien.–Tuveuxresterbébé?

Samèrenouscoupeavecunpetitsourired’espoir.

–Allezdanslepatio.Onvousserviralesgâteauxetlecafélà-bas.TupourraisemmenerRosevisiterlapropriété.Tonpèreneresterapaslongtemps,iladutravail.–TuveuxRose?

J’acquiesceetnoteleregardreconnaissantd’Eve.

–Onvavisiterlejardinenpremier.Ilfautquejemarcheunpeu.

Ilmetirederrièrelui.Ilmarched’unpasvifetjesuispresqueobligédecourir.

–Ralentis’ilteplaîtjen’arrivepasàsuivre.

Ilseretourne,surpris,commes’ilavaitpresqueoubliémaprésence.

–Embrasse-moi,Rose.

Jemejetteàsoncou,écrasantmes lèvressur lessiennes,glissemesmainsdanssescheveux.Ilmesoulèveetmesjambess’enroulentautomatiquementautourdelui.

Cebaiserestenflammé.J’ail’impressiondevoirdeladouleursursonvisagependantquesalangues’introduitdansmabouche.Ildéchargetoutesacolèredanssapassionpourmeslèvres.

Ilcontinueàavancerd’unpasrapide,tandisquejeresteaccrochéeàsontorseetluimordillelecou,lesjambesautourdeseshanches.

Toutàcoup,ilmeposesuruntrucmou.Jeregardeautourdemoi.Jesuisàl’intérieurd’untrampoline.

Qu’est-cequiluiprend?Ilaenviedes’amuseraveccetrucàcetteheure-là?

Ilgrimpeàsontour.

–Maisqu’est-cequetufais?–Jeteveuxicietmaintenant!

Savoixestautoritaire,saréponsedéconcertante.Jen’aipasletempsderéfléchir;iladéjàenlevésonpolo,mepoussepourque je tombeenarrière.Jerebondisàplusieursreprises,complètementpriseaudépourvu.

–Ici?Maistesparentssontàcôté!–Rienàfoutredemesparentsetpuisonnenousverrapas.

Marobeestdéjàrelevée,maculotteenlevée,etGabrieln’adéjàplusdepantalon.Àchacundesesmouvements, mon corps est soulevé par le tapis. C’est assez étrange comme situation, mais je ne lerepousseraipas.J’enaiautantenviequelui.

Ilm’attrapelesfessesqu’ilmalaxeavecdouceur.Saboucheglissedéjàentremescuisses;unpetitcrim’échappe.

–Bébé,essayed’êtrediscrète,onn’estpasàlamaison.–Pourquoi,jesuissibruyantequeçacheztoi?–Ohqueoui!Etj’aimequandtucriesmonprénomquandtujouis.Tuneterendsmêmepascomptede

l’effetquetuassurmoi.

Ettoi,est-cequetusaisl’effetquetumefais?

Sa bouche repart de plus belle et je fixe le ciel étoilé. Oh ce n’est pas vrai ! Des frissons meparcourentdéjàlecorps...Sesdoigtspénètrentenmoi.Ilsaitexactementquoifairepourquejejouisseetça ne loupe pas.En uneminute à peine je suis prise de convulsions délicieuses que lui seul arrive àm’offrir.

Les vagues engendrées par ses mouvements me bercent dans mon plaisir. J’entends le papier sedéchireretlesenspresqueaussitôtenmoi.Sonrythmeestsaccadéetagréablementintense.Lematelasrendchaquecoupde reinsplusviolentdansma lente agonie.Mesongles s’enfoncentdans sondos. Ilgémitmonprénometj’adoreça!

Jemesensplusaudacieuse.Meshanchesrencontrentlessiennes.Touslesspasmesdeplaisirsquejeressens,jelesconcentresurlui.Sesyeuxbrûlentd’undésirintense.

Sesmainssontbrûlantessurmesseins.

–Jouispourmoi,bébé!

Sesmotsmetranspercent,faisantnaîtreunplaisirviolentdanslebasdemesreins.Ils’accrocheàmoietmoià luidansunbesoindésespéréde l’autre,nousrejoignantpour leplaisirultimedenous libérerensemble.

Nousrestonslà,àregarderlesétoiles,noscorpspresquenus,enchevêtrés,dansunsilenceparfait...

Soudainunevoixauloinmerappellequenousnesommespasseuls.

–Merde,rhabille-toibébé,c’estmonfrèrequinouscherche!

Nousdescendonsdutrampoline.J’essaiedelisserlesplissurmarobe,pendantqueGabrieltentederepasserlesmèchesfollesquiontquittémonchignon.

Nousréapparaissonsmaindanslamainpendantquesonfrèrenousdévisage.Làc’estsûr,jesuistouterouge!

–Ah,vousvoilà.Mamanacruquevousétiezfinalementrepartis.–JefaisaisvisiterlejardinàRose.

AusouriredeJosh,jedevinequ’iln’encroitpasunmot.Jenesaisplusoùmemettre,maiscen’estpaspourautantquejeregrettecequivientdesepasser,loindelà!

Gabrielmeconduitaupatiosousl’escortedeJosh.Evenousyattendavecdestonnesdepâtisserieset

ducaféchaud.L’endroitestmagique;ilyadepetiteslumièrespartout.Lescanapésenboisauxtissusclairs sont tellement confortablesque j’ai presqueenviedem’allonger !Rienàvoir avecnotrevieuxcanapéoùl’onsentdestasdebossesetdetrousdusàl’usure.

–Servez-vous!DucaféRose?–Ellen’aimepasça!Rose,jefiletepréparerunthé,jereviens.

Jen’aimêmepaspurépondre.Enmêmetemps,j’avaisdéjàfourréungâteaudansmabouche.

Ohlala,unpurdélice!

Eveselève.

–Excusez-moi,jedoism’entretenirunmomentavecGabriel.Josh,soisgentil,tienscompagnieàRose,jen’enaipaspourlongtemps.

Lemomentquejeredoutais.Laseule imagequimepassepar l’espritestcelledemoi,àmoitiénuedevantlui,lematinmême.Génial,c’estbienmaveine!

Jesaisqu’ilm’observe,jelesens.

–Excuse-moi,jepeuxteposerunequestion?–Euh…ouibiensûr.

J’essaiedesoutenirsonregard,maisc’est trèstroublant.LaressemblanceavecGabrielmeperturbetotalement.

–Qu’est-cequ’unejeunefemmecommetoipeutbientrouveràmonfrère?

C’estquoicettequestion?

–Jenecomprendspascequetuveuxdire.

Ilserapproche,sûrementdepeurqu’onnousentende.

–Jeneparlepasphysiquement:àceniveau-làiln’yarienàreprocher.Jeparledesoncaractère.

Ilestgonfléluidemedemanderça!

–Désoléedet’apprendreça,maistonfrèreestquelqu’undecharmant.

Jen’allaispasluisortirquej’adoresoncôtécomplètementbarré,qu’enplusdecelailestromantiqueetfaitl’amourcommeundieu!Doncjerestesimple,c’estpréférable.

–Charmant?Vraiment?

Pourquoia-t-ill’airaussisurprisparmaréponse?

J’insistesurmesmotspourluirépondre.

–Oui,vraiment.Ilestsurprenant,c’estvrai,maisj’aimesacompagnie.

–Tuneleconnaispasdepuislongtemps.Unconseil,méfie-toi.Tuesunefilletropbienpourlui,çasevoitaupremiercoupd’œil.

Jen’appréciepasdutoutcetteréflexion.

–Qu’est-cequitepermetdemejugercommeça?Jenesuispasmieuxqu’uneautre,détrompe-toi.–Tuneressemblesenrienauxfemmesqu’iltraîneàsonbrashabituellement.Jeneveuxpast’irriter,

justetemettreengarde.Jesuislemieuxplacépourtedirequemonfrèreagitbeaucoupsansréfléchiretilpourraitteblesser.–Meblesser?– Gabriel est néfaste pour lui-même, ce serait dommage qu’il t’entraîne dans ses travers. Il a un

comportementautodestructeur.Cen’estpaspourquetuaiespeur,j’aimemonfrèremalgréça;j’aimeraisqu’iltrouvelapaixaveclui-même.

Néfaste?Sestravers?Autodestructeur?Sesyeuxmescrutentavecdouceur,commelorsqueGabrielmefixe,attendantmesréactions.Jen’arrivepasàréfléchir.

–Tiens,prendçaavantqu’ilnerevienne.

Ilmetendunboutdepapier.

–Qu’est-cequec’est?–Monnuméro,tuenaurasbesoinunjouroul’autre.

Sûrementpas!C’estluiquin’estpasnet!Jeleglissedanslapetitepochedemarobe.Ilyadéjàeuassezdetapagepourcesoir,jenevaispasmeprendrelatêteavecluiaussi.

Enfinj’entrevoisGabriel,suivideprèsparsamère.

–Désolébébé,maisiln’yavaitpasdethécaramel,ceseraauxfruitsrouges.Tuaimesaumoins?

J’acquiesceavecungrandsourire.Gabrielpoussesonfrèrepoursemettreentrenousdeux.Jevoisàsonattitudequemaproximitéaveccelui-cineluiapasdutoutplu.Etcommentsait-ilquejeneboisqueduthécaramel?

Everegardesesfilsavectantd’admirationquejelesjalousepresquedecettechance.Puissonregardseposesurmoi.

–Quellessontvospassions,chèreRose?–J’aimebeaucoupl’art,soustoutessesformes.–Vraiment ? Je suis heureuse d’entendre ça ! Gabriel, cette jeune fille aime l’art, comme toi. Tu

pourraisluimontrertestoiles.

Ilpeint!Alorslà,jesuissurlecul.

–N’écoutepasmamère,elleparledetrucsquidatentdel’âgedepierre.–Cen’estpassivieuxquecela!Ilfaitaussidelaphoto.Biensûrpascellesoùilestdevantl’objectif,

maisderrière.Ilesttrèsdoué.

Delaphoto,rienqueça!Sonadmirationsansbornespoursonfilsmetouchebeaucoup.J’enapprendsplussurluienunesoiréequependanttouslesinstantsquenousavonspartagés.

Jemetourneverslui,maisilregardesespieds.Pourquoiserenferme-t-ilcommeça,alorsqu’onneditquedubiendelui?Ilyadesmomentsoùjemedemandecequiluitrottedanslatête.

Ilapourtantl’aird’avoirunetelleconfianceenlui.Maisjemerendscomptefinalementquejemesuispeut-être trompée.MonCompliqué est bien plusmystérieux que je l’imaginais. Il vam’en falloir despellesetdespiochespourbriserlerempartderrièrelequelilaplanquésonvrailui.

J’essaieuneapproche,onverrabien.Jeposemamainsurlasienne.

–J’aimeraisbeaucoupvoirtesphotos.–Çanevautpaslecoupbébé,jetepromets.

JesensbienqueJoshnousétudie.Ilmefaitpresquepeur,avecsonregardpesant.Jen’insistepasetconsulte l’heure surmon téléphone. Il estvingt-troisheures.Zut, j’ai complètementoubliéde rappelerLucas!Tantpis,ceserapourdemain.

–Maman,onvayaller.Jemelèvetôtdemain,j’aidelaroute.–Oui,biensûrmonchéri.

Elleselèveetjel’imite.

Lesaurevoirsontassezbrefsetc’esttrèsbiencommeça:Joshmemetvraimentmalàl’aise.Cequ’ilm’a balancéme trotte dans la cervelle. Elle bout sous la pression de cette journée, pas aidée par lefantômed’Alexisquim’ahantéunebonnepartiedelasoirée.

Encoreunpeudecourage.Gabrielacertainementprévuuntrucdinguepourqu’onsedétende.

5.Trottoir,vodkaetconséquences

«Toutn’estpascirrhosedanslavie.»FrédéricDard

Installéeàl’arrièredelavoiture,jemeblottiscontreceluiavecquijemesenslemieux,celuiquimerassuremême desmots proférés à son encontre. Cette soirée a été loin d’être parfaite,mais jem’encontrefiche,j’étaisaveclui.

–Oùva-t-onmonsieur?–ChezRose,Douglas.

Commentça,ilmeramènedéjà?Jeleregarde,surprise.

–J’aidestrucsàrégler.

C’estçasaréponse?Sonintonationesttellementneutre!

Jemeredresse.

–Quelstrucsàcetteheure?–Rienquiteconcerne.–Rienquimeconcerne?

Iladopteuntonplusgrave,limiteagressif.

–Çaneteregardepas,unpointc’esttout!N’insistepas.

Ilm’auraitdonnéuncoupdepiedç’auraitétépareil!Jesaisqu’ilesténervé,maismerde,ilpourraitquandmêmemedire cequi est suffisamment importantpour le retenir !Et enpluspourmeplanter làalorsquej’auraisdonnén’importequoipourdormirencoreunefoisdanssesbras.

Pasunmotdeplusnesortirademabouche!

Arrivésdevantchezmoi,latensionesttellequejesorsdelavoitureenluilançantunvieuxsalutetbonnesoiréeavectoutel’amabilitédontjesuiscapablequandjesuisremontéecommeça.

Il n’essaie même pas de me rassurer, me retenir ou mieux d’obtenir un baiser. La voiture repartaussitôt.

L’enfoiré!

Jemontelesmarchesquatreàquatre.L’appartementestvide.Super,seuleavecmaconscience,quedubonheur!

Jeregardemesmessages.AudeestensoiréeavecValentinetSam.J’auraismieuxfaitdelessuivre!ArrêteRose,tuesencolèreettun’aimespassortir.Maislà,jesuiscommeunanimalencage:jetourne.Sijem’assieds,jevaisrumineràproposdeGabrieletAlexisetjevaispéteruncâble.

J’appelleLucas.Àpeineunesonneriea-t-elleretentiequedéjàildécroche.

–Lucas,c’estRose.

–Ehmabelle!Commenttuvas?Tunerépondsjamaisàtontéléphone?

Jem’abstiensdeluiexpliquerquec’estàcausedeGabriel.Quandj’ypense,c’estgravequandmême:j’éviteLucaspournepasl’énerveretlui,cequ’ilfaitnemeconcernepas.

Benvoyons!

–Excuse-moi,j’aiétépasmaloccupée.–Pasgrave.Jecommenceàm’habituer.

Jel’entendsrireàl’autreboutdufil.Ilesttellementagréableettoujoursdebonnehumeur.RienàvoiravecmonCompliquéquichangedecaractèrecommedechaussettes.

–Tunetravaillespascesoir?–Non,jereprendsdemain.J’aiprofitéaumaxdupetitcongépayéquemonsieurAlcottm’aoffert.

Ohoui,c’estvrai,j’avaismomentanémentoubliéqueGabrielavaitfaitçaaussi!

–Rose,çava?Tuasl’airbizarre.–Euh…oui,oui,çava.–Tuveuxquejepasseteprendre,histoiredeboireunverreetdiscuter?–Oui,bonneidée!–OK,jeseraicheztoidansunedemi-heure.

–Super!

Jesuisétonnéeparmonenthousiasme,maisjen’aipasenviederestericiàcogitercommeça.

Jemechange,passemonslimnoiretuntee-shirt,défaismacoiffureetoptepourunequeuedecheval.Lemaquillageesttoujourslà,plusaussiparfait,maisçaferal’affaire.

Jesuisquandmêmeplusàl’aise!

Unebouteilledevodkatraînesurlatablebasse.Mesamisontdûboireunverreavantdesortir.Jelaregarde,pesantlepouretlecontre.Pourquoipasaprèstout?Jelancemamusiqueetmesersungrandverre. J’ai à peine le tempsd’avaler unegorgéequeLucas arrive. Je lui crie d’entrer.Pourquoi ai-jelaisséouvertmoi?Ilfautquejememéfieunpeuplusd’Alexis.

–Tuasmeilleuremine!

C’estvraiqueçaabiendégonfléetsalèvres’estrefermée.

–Arrête,j’ail’impressiond’êtreàHalloween.Touslesgossesontpeurdemoi!

Nousexplosonsderireetjem’affalesurlecanapésansaucuneclasse.J’attrapemonverre.

–Sers-toi,jenesuispasdeservicecesoir.

Ilsedirigeverslacuisineetattrapeunverrepropresurl’égouttoirdel’évier.Ilm’observeuninstant.

–Vodkapure.Tuessérieuselà?

Jeterminemonverreculsecavecunegrimaceaffreuse.

–C’estdégueulasse!

Ilritetouvrelaporteduréfrigérateur.

–Ilyadujusd’orange.Çaseraitmieux,surtoutpourunejeunefemme.

JeressensleseffetsdansmonsangàvitessegrandV.AjoutéauxtroiscoupesdechampagnebueschezlesparentsdeGabriel,jemesenssoudainementmieux.

–Unejeunefemme,tuparles!Unebelleidioteoui.

Qu’est-cequimeprend!

–C’estencoreleplay-boy?–Sionveut.Ressers-moiunverres’ilteplaît.–Vas-ydoucement.Onsortjeterappelle!–Oui,oui.Justeun.

Jel’observemeprépareruncocktail.Ilcroitquejenel’aipasvulenoyeravecdujusd’orangeetdesglaçons?Ilestadorable.

Ilvients’asseoirprèsdemoietmetendmaboisson.

–Jenesaispastrop,ilestsi…Jenesaispascommentilestenfait.Ilneparlepasbeaucoup.J’adoreêtreavec lui,maisc’est tellementcompliqué…ilya toujoursun trucqui l’énerve.Jeboisdeux, troisgorgées.Jecroisquej’aidéjàtroppicolé.–Pourquoiturestesavecluialors?–Jenesaispas.Parcequ’ilpeutêtresigentiletattentionné.

Ildevinetoujourscedontj’aibesoin.

–Cenesontpasdebonnesraisons.–Ouais,j’ail’impressionqu’ilessaiedecontrôlermavieparmoment.–Ettuenpensesquoi?

Pourquoijeluiracontetoutça?Parcequ’ilfautbienquejeparleàquelqu’unetjen’aiqueluisouslamain.

–Jecroisenvéritéquejelelaissefairesansvraimentm’enrendrecompte.–Iltemanipule,Rose.

Je croisqu’il a raison. Je lui suis complètement soumise et il le sait.Au fond, il lui fautquelqu’uncommemoi,de facilement influençable,car j’aibesoindansmaviede trouverunepersonneàquimeraccrocher.Etsitoutsortaitdemonimagination?Jenesuispeut-êtrequ’unsimplepasse-temps!

Encoreunegorgéeoudeux.

–C’estfiniça!Horsdequestionqueçarecommence!–Qu’est-cequinedoitpasrecommencer?J’aidumalàtesuivre.

–Monexétaitcommeça.Ilm’amanipulétoutaulongdenotrerelation.Audébut,parcequej’étaisseuleetperdue,ensuiteparlapeur.

Leslarmesmemontentauxyeux.Lucasselève.

–Allez,viens,onbouge.Çateferadubien!

Ilm’arracheleverredesmainsalorsquejel’amenaisàmeslèvres.

–Mais!–Tuasassezbu,onsorts’aérerunpeu.

Jesoupireetenfilemeschaussures.Jem’yreprendsàdeuxfois;monéquilibreestassezdouteux.

Lucasfermelaporteàclefàmaplaceetm’attrapeparlebraspourm’aideràdescendrelesescaliers.

–MerciLucas,tuesunamour.

Qu’est-cequejedis?Ladescenteestpérilleuse.Jen’aipasbutantqueçapourtant.Oupeut-êtrequesiaufinal.

L’air frais me gifle violemment le visage. J’aurais dû enfiler une veste, mais je tangue trop pourpouvoirremonterenchercherune.

–Redonne-moilesclefsquejeremontretechercherquelquechose.Ilfaitfroid.

Jefouilleindéfinimentmespochespourlestrouver.Lucasattrapemonsacàmain.

–Regardeplutôtlà-dedans.

Jegloussecommeunedindeetlestrouveenfin.

–Jemedépêche.

Montéléphonesonnedansmapoche.

J’aboieun«Allo»ridiculementlong.

–Bébé?

Jesoupire.Oh,c’estGabrieletjenesuispascapabled’articulerunephrasecorrecte.Tantpis,ilsedébrouilleraavec!

–Salut!–Rose?Tudormais?–Ouais,c’estça!–Tuesivremaparole!

Jericanecommeuneidiote.Ouah,çatangue.

–Jeboissij’enaienvie!Tuascompris?Filefairetontrucquinemeregardepasetjevaisfairemontrucquineteregardepas!–Tuescheztoi?–Non,jefaisletrottoir!

J’entendscrierdansletéléphoneetjegrimace.

–Quoi?–Euh…non...Jesuissurletrottoir.–Oùtetrouves-tu?

Lucasdébarqueavecmaveste.

–Tiens,tuauraspluschaudavecça.

Làcenesontplusdescris,maisdeshurlementsquijaillissentducombiné.J’éloigneletéléphone;ilmetransperceletympan.

–C’estquiça?Rose,putain,réponds-moi!

–T’aspasledroitdedéciderquijefréquente,monsieurje-manipule-les-gens-selon-mon-envie!

C’estquoicebip?Pourquoiilneparleplus?Jeregardeletéléphone.Jevoisdouble.JeletendsàLucas.

–Çamarcheplus!–Jecroisqu’ilaraccroché.Tuveuxquejelerappelle?

Jefaisungrandsignedelamain,malcoordonné,poursignifierquenon,surtoutpas.

Jepouffederire.Lucasmepoussedansledospourquej’avance.

–Àmonavis,turirasmoinsdemainmabelle.–Quoi?–Laissetomber.–Tomberquoi?–Rien,avance.

***

J’ai affreusementmal à la tête.Un trente tonnes est logé dansmon crâne. J’ai la nausée. Je nemesouviens de rien. Je ne me rappelle même pas m’être couchée ! J’essaie d’ouvrir les yeux, mais lalumière qui filtre à travers les vitresm’éblouit. Tiens, la fenêtre a changé de côté… Je pue l’alcool,quellehorreur!

Mesyeuxs’habituentavecdifficulté.

Oùsuis-je?

J’observelachambre.Jen’aijamaisvucetendroit.Jesursautequandj’aperçoisunemassedecheveuxàcôtédemoi.CenesontniceuxdeAude,niceuxdeGabriel.

La panique arrive par vagues, essayant de se frayer un chemin entre la douleur, la nausée et pleind’autressentimentsrefoulésdepuislongtemps.Jemeredresseaussivitequemoncorpslesupporte.Maisputain,c’estquilui?

Jerestefigée,essayantdemesouvenirdemasoirée.

Jemerevoisboiredelavodka.J’étaismal.

JemerevoisaccrochéeaubrasdeGabriel,euh...noncen’étaitpaslui,c’étaitLucas.Ouic’estbiença,c’étaitLucas!Nouveaucoupd’œilàl’hommeendormiàcôtédemoi.Merde,qu’est-cequejefichelà?Jenemesouviensplusderien.

Latignasseébourifféecommenceàgesticuler.Pitié,qu’ilnecesoitrienpassé!Jeglissemamainlelongmoncoudouloureux.Lucasseretourneversmoi.

–Bonjour.–Pourquoijesuislà?

Ilcalesoncoudesurlematelasetmeregardeavecunsourire.

–Tutesouviensdequoi?–Delavodkaetdeladescentedesescaliers.–AprèstoncoupdefilavecGabriel,j’aiessayédetefairemarcherunmoment,maistunedessoûlais

pas.Tuasbataillépourrentrerdansunbar.Je t’enaiempêché, tuascommencéàêtremaladeet tuasvomidansl’abri-bus.

Oh,jesuislamentable!J’aimallatête!

–Rassure-moi...est-ceque…nous…enfin,tuvois?

Sesrireslézardentlesmursdelachambre.

–Turigolesouquoi!Onétaitàvingtmètresdechezmoi,doncj’aichoisilafacilitévutonétat.Tuesrestéelamoitiédelanuitlatêteau-dessusdestoilettes.Quandtuasétéunpeumieux,jet’aienlevétesvêtementsett’aimiseaulit.Voilà,c’esttout.

Jeregardelehautquejeporte.Effectivement,iln’estpasàmoi.AlorsaprèsJosh,c’estLucasquim’amatéeàmoitiénue.BravoRose!

–Qu’est-ilarrivéavecGabriel?–Sij’aibiencompris,tasoiréen’étaitpasautopaveclui.C’étaitapparemmentcompliqué;tuenas

déduitqu’iltemanipulait.Parcontre,surletrottoir,jet’airejointquandilt’a,jesuppose,raccrochéaunez.–Ohmerde…

Jeprendsmatêtedansmesmains.Jeneveuxpluspenserniréfléchiràmavie!

–TusaisRose,vousnevousconnaissezquedepuisquelquesjoursettouslesquatrematinsçapartensucette.Ilyapeut-êtreunmomentoùilfautvousdirequeçanemarcherapas.

Jeleregardehébétée.

Ilasûrementraison.Lessouvenirsdelaveillemereviennent;sonmauvaiscaractèreetsonabandonenfindesoiréeaussi.Cen’estpasaussigravequeçaquandonyréfléchit,maisilnepeutpascontinueràtoutmecacheretànepaspartagerlesdouleursdesonpasséavecmoi.

–Jepeuxprendreunedouche?–Oui.Ouunbainsitupréfères,çatedétendra.Tuascauchemardétoutelanuit.Jemerendorsunpeu.

Lasalledebainestjustelà.

Jemelèveetmedirigeàl’intérieur,ouvrelesrobinets,medéshabilleetm’allonge.C’estagréable.

HeureusementqueLucasétaitlà.Quisaitquelsautresdégâtsj’auraispuengendrer.

C’estdéfinitif,j’arrêtedeboire!

Desimagesdemonpèreaffalésurlecanapémereviennent.Ilyavaituneodeurd’urine,d’alcooletdesueur,maisjerestaisprèsdeluidesheuresentières.

Jemesouviensavoirfouillélespoubellesquis’entassaientdanslacuisinepourtrouverquelquechoseàmanger.Meschaussonsétaienttrouésetbientroppetits,mescheveuxsales,mesonglestroplongs,maisje ne pleurais jamais. J’attendais quemonpère se réveille.Tous les jours jemedisais quepeut-être,aujourd’hui,ilm’emmèneraitjouerauparc…cequin’arrivaitjamais...

Les rares sorties dont jeme souviens, c’était pour rendre visite àmaman au cimetière. J’aimais cemomentplusquetoutaumonde,mêmes’ilpleuraitenluiexpliquantqu’iln’yarriveraitpassanselle,quej’étaisunfardeauetqu’ilnesavaitpasquoifairedemoi.Moi,jeluiparlaisdansmatête,jeluidisaisquej’allaism’occuperdelui,qu’ellenes’inquiètepasetquesiellerevenait,jeseraissage;jeneferaisplusdecaprices.

Je savais quemaman étaitmorte parce qu’elle étaitmalade ;malade à cause demoi parce que jen’étaispassage.Doncjen’avaispasledroitdemeplaindrenipleurer,etàforce,mamandécideraitdeneplusêtremorte.

Cessouvenirsnesontpassidouloureuxqu’ilsleparaissent;jem’ysuishabituée…

Macolèreagrandiplustard,versmeshuitans,quandmonpèreadécidéofficiellementquejen’étaisplussafille.Jemedétestais,jedétestaistoutlemonde…sauflapetitebrunequiavaittoujoursunsourireouuneattentionpourmoi.Aude.Jeneparlaispas,j’étaiscellequepersonnenedésirait.Audébutj’étaisatroceavecelle,maisçanel’apasdécouragée.Unjour,jeluiaimêmecoupélescheveuxderage:samèrelacoiffaittoujourssibienetjecroisquej’étaisjalouse.

Ellenem’enapasvoulu.J’aicomprisquemacolèrenel’atteignaitpasetdepuiscejour,elleestmameilleureamie.Quelqu’unm’aimaitenfin,malgrémesdéfauts,meserreurs,monpasséetmêmependantma période de rébellion à l’adolescence. Elle me pardonnait tout. Je n’ai jamais su exprimer messentimentspourelle.Mêmeaujourd’hui,j’ensuisincapable.

Alexismelereprochaitsouvent.Ilm’aforcéàsortiraveclui.Çaluiaprisdesmoisetj’aifiniparcéder.Audeavaitunpetitamiàcetteépoqueet jene lavoyaisplusaussisouvent, l’appartementétaitquasimenttoujoursvide;j’avaisbesoindequelqu’unàquimeraccrocheretilétaitlà.

C’étaitunerelationchaotique,avecplusdebasquedehaut,mais jepensaisquec’étaitnormal.Mapremièrefoisaétépirequetout.Jerefusais,alorsilm’amenacéeetjemesuislaisséefaire…

Jen’avaispaspleurédepuislamortdemamère;làçaadurédeuxjours.Onm’avaitvolélepeudedignitéqu’ilmerestait...

EtpuisAudes’estséparéedesonmecetelles’estconcentréesurmoi.Ellem’asortiede lamerdedans laquelle jem’étais fourrée.Ellem’a réapprisà sourireet àvivre.Çaaprisbeaucoupde temps.Entredeuxreconstructions,Alexissedéfoulaitsurmoi.Maisplusillefaisait,plusjedevenaisforte.Ilbuvaitbeaucoup;çanemechoquaitpas,jeconnaissaisça.C’étaitpresquenormalpourmoi.

Quand j’aicommencéàme rebelleretà tenterde lequitter, lescoupssontdevenusdeplusenplusviolents.Ce soir-là,dans la ruelle, j’ai cruque j’étaismorte ; j’étaispresque soulagée.Maisnon,macarcasseestplusdurequejenel’avaispensé…Àpartirdecejour,j’aichangé.Jel’aiquittémalgrélesmenaces.Valentinestentrédansnosvies.J’aiapprisàl’apprécier.C’étaitlepremierhommeànepasmeblesser.Jecroisqu’àunmoment,j’auraisaiméqu’ilnesoitpasgay.Jerêvaisqu’ilm’aimeencoreplus,mais en réalité demon côté, ce n’était que l’amour qu’on offre à un frère. Jem’emmêlais dansmessentiments.

Puisj’airencontréGabrieletj’aicomprisladifférence.Lagrandedifférence!

Toutesmesillusionsviennentdevolerenéclat.Jenesaisplusquoipenser.Ilm’emmènechezlui,meprésentelaseulepersonnequial’airdecompteràsesyeuxetpourtantilmerejette,ilneveutpasquej’entredanssavieetessaiedeprendrelesdécisionsàmaplace.Ilchercheàmecontrôleretc’esthorsdequestion!

Jemerelèverai,commetoujours...

L’eau est gelée !Depuis combien de temps est ce que je suis là-dedans ? Je refais couler de l’eauchaudepourmelaver.C’estdécidé:jetournelapage,mêmesic’estdouloureux.

***

Jegarde le tee-shirtdeLucas : lemienne sentpas trèsbon. Jemecoiffed’unequeuedechevaletretournedanslachambre.

Lucasdortprofondément.Jecherchemontéléphone,finisparledénicherdanslesalon.

Jeconsultemesmessages:Audemedemandesij’aipassélanuitchezGabriel.Jehausseunsourcil,contrariée.Jenerépondraipasàcelui-là.

C’esttout.Iln’yapersonned’autre.Jesuisdéçue.Jenemerappellepasdelaconversationquej’aieueavecGabriel,maisvuqu’ilaraccroché,ilm’aprobablementquittéesansremordsniregret.

IlfautquejeréveilleLucaspourleprévenirquejerentre.Çaneseraitpastrèspolidemecontenterd’unmot.Jem’approcheetm’assiedsauborddulit.Jelepousseunpeudelamain.

–Eh,labelleauboisdormant!

Il ouvre les yeux, tout sourire. Cemec est un phénomène, au réveil il est déjà heureux. UneAudeversionmecquoi.Ilsiraientbienensemble.Cetteimagen’estpasdésagréable.Ilfautquejeréfléchisseàça.

–Jerentre.

Ilseredresse.

–Jet’accompagne,mavoitureestrestéecheztoi.Quelleheureest-il?–Treizeheures.

Ilselève,enboxer.Moninstinctmeconseilledemeretourner,maisjenel’écoutepas.

Il n’est pas si mal foutu que ça. Il a des tatouages lui aussi, je ne m’en serais pas doutée. Je mesouviensdelaphrasegravéesurlebustedeGabriel:

«Dreamasifyou’llliveforeverLiveasifyou’lldietoday.1»

J’aienviedemelafairetatouerégalement.Pasparcequec’estsontatouage,maisparcequejeveuxrêver et découvrir plein de choses. On ignore combien de temps on vivra après tout. J’ai loupé lapremièrepartiedemonexistence,jenefoireraipasladeuxième.Alorssijelenoteàmêmemapeau,cesparolesserontunepartiedemoiàjamais.

J’enviensàpenserqueGabrielasûrementsongélamêmechoselejouroùilachoisidegravercesmots sur sa peau.Contrairement à celle écrite dans son dos : il ne la voit pas.C’est plus comme unavertissementpourlesautres.

«Onlygodcanjudgeme.2»

Jenecernepastoutcequecettephraseimpliquepourlui,puisquejeneconnaisriendesonhistoire.Maisjepensequ’iladuréalisercelui-cisuruncoupdetête.Jel’imagine,bienénervé,entrerdansunsalondetatouagepourdéchargersacolère.Jenesuispeut-êtrepassidifférentedeluiaufinal.

–Dis-moi,çacoûtecheruntatouage?–Ouais,pasmal,pourquoi?Après,çadépendaussidelataille,dudessinetdumodèle.–Jecroisquej’aienviedesauterlepas.

Ilmeregarde,étonné.

–Çateprendcommeça,toi?–Ouietj’économiseraidanscecas.–Moncousinesttatoueur,jesuissûrquejepourraisnégocieruntoutpetitprix.–Tuferaisça?–Biensûr,jecomptaiscraquerpourunnouveauégalement;oniraensemble.Tuasuneidéedudessin

etoù?

Génial!

–Oui,jesaisexactementquoi,maispasoùparcontre.J’yréfléchirai.–Jel’appelleraitoutàl’heure.–T’estropgentil!–Ouais.Jepréfèrequandtudisquejesuisunamour!

Jelefixeunmoment,cherchantàdécelers’ilplaisanteoupas.

–J’aiditça?–Oui.Tuétaistropmarrantehier.Enfin,avantdevomir.Tuastentédevolerunemotojusteparceque

tut’étaismisentêtedefaireuntour!

Ilsemarre.

–C’estuneblague?Arrêtedemecharriercommeça!

Illèvelesyeuxaucielavecunpetitsourireironique.

–Jenetecharriepas.Tum’asbaragouinéuntrucàproposdetesentirvivanteoujenesaisplusquoi.

Mêmebourrée,Gabrielprendl’ascendantsurmoi…tristeconstatation.

–Décollons avant que je n’apprenne d’autres choses. Je crois que pour aujourd’hui, ça me suffitamplement!

***

Nous marchons sous un soleil de plomb. Mon mal de crâne s’amplifie à chaque nouveau pas. Levacarmedesvoituresmefaitgrincerdesdents.

Arrivésà l’appartement,Audenousaccueilleavecsabonnehumeurhabituelle.Lucasresteboireuncafé.C’estétrangequ’ellen’abordepaslesujetdemonsieurCompliqué.Danslefond,çam’arrangebien!Etlà,untilt,uneconnexiondansmoncerveau:jesaispourquoiellen’enparlepas!J’ailetee-shirtdeLucassurledos.Qu’est-cequ’elledoitpenserdemoiencemoment?J’aimeraispouvoirliredanslespensées,ceseraittellementpratique.

Etlecomble:jecaptesesregardsquinousscrutentalternativement,Lucasetmoi.Luines’enrendpascompte;ilfautlaconnaîtrepourdécelerl’évidence.Trouvequelquechose,Rose.

–Jefilemechangerpourterendretontee-shirtLucas.Etjenettoieça!

Je balance le petit sac avecmon haut sale pour qu’elle le remarque bien. Jeme précipite dans lachambre.Sacuriosité sera trop forte,elleva lequestionneret il s’occuperade rétablir lavéritéàmaplace.

Deuxièmebilandelajournée:moiaussijemanipulelesgens,àmafaçon.

Jemetsmondébardeurà tremper, j’enfilemonjeansencorehumideetmonuniforme: jeseraiprêtepourleboulot.J’enprofitepourmemaquiller.Jeprendsmontemps,quetouslesragotsdujoursoientracontésquandjeretourneraidanslesalon.

Meregarderdanslemiroirestassezétrange:j’aiunepetitemine.J’insistesurl’anticerne;mesyeuxsontdifférents.Jenetrouvepaspourquoi.Ilssonttristes,maiscen’estpascelaquimetrouble.Jecroisqueduplusloinquejemesouvienne,ilsonttoujoursétéainsi.

Jedévie surmoncorps. J’ôte lehautque j’ai àpeineenfilé etm’inspectede face,puisdedos.Ohmerde!J’aidegrosbleus.L’impactcontrelemuralaisséplusdetracesquejenepensais.Gabrieln’apaspus’enrendrecompte;ilfaisaittropsombrelorsdenosderniersébats.J’espèrequeLucasnes’enest pas aperçu. Non, il aurait déjà posé la question : il est aussi curieux qu’Aude. Personne ne doit

savoir...

Oùest-cequejepourraismettreletatouage?CeluideGabrielluiprendtoutlecôtédroitdubuste.Lelettrage est épais et large. Je l’aimerai plus subtile, plus féminin. Qu’en penserait-il ? Peut-être meconseillerait-il?

Jesaisoù!Làoùiladorem’embrasser!Surlehautdelacuisse;uneécriturefineetlégère.Oui,c’estça,c’estcequejeveux!

Fièredemoi,jeretourneausalon.

Audemefixe.Sonvisagelumineuxalaisséplaceàdel’inquiétude.

–Lucasest reparti. Il revient te chercher à lamêmeheurequed’habitude. Ilm’a racontépourhier.Qu’est-cequit’apris?–J’avaisbesoindetournerlapage.–Tourner lapageàproposdequoi?C’estnouveaudeboirepour temettredanscetétat justepour

oublier?

Pluselleparle,pluslesondesavoixaugmenteetmacervellevaexplosersiellecontinue.Jeplisselesyeux.

–J’aimalaucrâne,neparlepassifort!

Elleattrapesonsacàmainetmebalancenégligemmentuntubed’aspirine.

–ÉcouteRose,raconte-moicequ’ils’estpasséavecGabriel.

Jem’assiedsàsescôtésetlaregardedroitdanslesyeux.

– Je n’ai plus envie de parler de tout ça. C’était une erreur. Je ne suis pas faite pour être avecquelqu’unetencoremoinsquelqu’uncommelui.

Pourquoiest-cequej’aiunaffreuxpincementaucœuraumomentoùjeprononcecesmots?

Samainseposesurlamienne,maisjelaretired’ungestevif.Jenesuispasprêtepourunsermon.Jemedirigeversl’évierpourprendremonaspirine.

Elleseplantedansmondos.

–Rose,s’ilteplaît.

Quelpotdecolle!J’avalemoncompriméetjelapoussesansaucunedélicatesse.Laconversationestterminée!

Elleserésigneetserassiedàlamêmeplace.Jesuisunetêtedemule,cen’estpasunenouveautépourelle.Jelavoistapoterunmessage.ElleestàtouslescoupsentraindeseplaindreàValentin,oualorselleessaiedeleconvaincredemeparler.

Lerestedel’après-midi,jelepasseàenchaînerdeslessivesetàranger.Ilfautbienquejem’occupel’esprit.Jen’ouvrepaslaboucheetmontelevolumedeMuseàfondsurmoniPod,cadeaudeNoëldemoncherValentin.Voilà,commeçajesuisdansmonpetitmonde,lamusiquem’empêchedecogiter.

Je n’entends pas Lucas revenir. Je suis à fond dansmonménage. Je bondis d’unmètre quand il seplantedevantmoi.J’enlèvemesécouteurs.

–Ilestl’heuredepartirbossermabelle.

Jesoupire.Jen’aipasenvied’yaller.J’attrapemonsacetlesuisentraînantdespieds.

–Tuesencoremalade?–Non,çavabeaucoupmieux.–Sourisunpeu!Onal’impressionquetut’escoincéledoigtdansuneporte!

Ce sontmes illusions qui sont restées coincées dans une porte…Laporte d’uneCadillacEscaladenoireplusprécisémentetGabrielestrepartiavec.JecomprendsbienqueLucass’inquiète,maisjenemefendraipasd’uneffortpourautant.

–OK,j’abandonne.Onverraplustard.

Oui,abandonne.Jesuisplustêtuequetoidetoutefaçon!

Letrajetsedérouleensilence.Jemerepassementalement lesparolesentenduesunpeuplus tôt ; jeconnaislestextesparcœur,c’estfacile.

J’aiprislabonnedécision.Çavajusteêtredurquelquesjoursetpuisças’arrangera.Touts’arrangetoujoursunjouroul’autre…enfin,c’estcequ’onraconte.

La soirée est des plus difficiles, j’accumule bourde sur bourde. Lucas tamponne tout ça avecgentillesse.Pourquoilesgenssont-ilstellementadorablesavecmoialorsquejesuisunecatastrophe?

J’inspiresûrementlapitié…

Je suis plus qu’heureuse quand la soirée se termine. Jem’installe de l’autre côté du bar, carLucasterminesonserviceuneheureplustardquemoiet jen’aipasspécialementenviederentreràpied.Jetourne la paille dansmon coca, si longtemps, et avec tant d’acharnement qu’au final, il n’y a plus debullesetuncocasansbulleetbien,c’estcommemavie….d’uneplatitudeaffligeante.

Quelqu’uns’assiedsurletabouretjusteàcôtédemoi.

–Salut!

Jejetteunœilsansgrandeconviction.Jesursaute.J’aicrul’espaced’uninstant...d’uninfimeinstantquec’étaitGabriel.Maisnon,ilyauraiteudel’électricitédansl’airetjeconnaissavoixparcœur.Joshestlà,àmesourire.

Jeluirépondssansenthousiasme.

–Çatedérangesijemejoinsàtoi?

Uneffort,Rose,cen’estpasdesafauteetdansunsensilavaitraison.

–Nondutout,jet’enprie.Jenesavaispasquetuvenaisici.–C’estseulementladeuxièmefois.Jen’aimepastropcegenredelieux,maisdetempsentemps,j’ai

besoindechangerd’air.

Enyprêtantunpeuplusattention,jeremarquequ’ilsembleaussidépitéquemoi.

–Qu’est-cequinevapas?

Je suis de mauvaise foi ; je n’ai pas envie d’écouter quelqu’un se plaindre. Mais après tout, lesmalheursdesautresm’aiderontpeut-êtreàoublierunpeulesmiens.

–Rien de spécial, juste les soucis habituels. Chezmoi, l’ambiance est toujours étouffante, alors jem’évadeunpeuettoi?–Commentça,moi?–Qu’est-cequiterendsitriste?

Alorslà,jeneterévélerairienmongrand!Sûrementpaspourquetut’empressesdetoutrépéter!

–Riendutout.J’étaispensiveenattendantquemoncollèguemeramène.J’aijusteenviederentrer.

Jeremarquebiensonhaussementdesourcil.Maréponsenel’apasconvainculemoinsdumonde.

Jel’observediscrètement.Iln’estpashabilléenfilsàpapacettefois-ci;ilressembleencoreplusàson frère. Il porte un jeans et un tee-shirt simple, blanc. Ça lui va bien. Il n’est pas aussi beau queGabriel,maisnierqu’ilestégalementtrèsséduisantseraitunmensonge.

–Tuveuxquejeteramène?–Nonmerci.Ilabientôtterminé.

Unsilencepesants’installe,bienarrangeant.Jereplongedansmabatailleavecmoncoca,maisJoshl’interrompttrèsvite.

–C’estGabrielleproblème?

Maispourquoiinsiste-t-il?C’estgénétiquelaténacitéchezeux!Jeluirépondsenhaussantlavoix,agacée.

–ToutnetournepasautourdeGabriel!–Biensûrquesi,touttournetoujoursautourdelui!

Ilsoupire.

Il ne va pas bien du tout, je crois. Je commence àme sentirmal à l’aise d’être égoïste. Je le suistoujours.Jen’ai jamaisété très fortepouraider lesautres.Quelqu’undebrisénepeutdécemmentpasaccomplircegenred’exploits…

–Écoute, finalement ramène-moi, j’enaimarred’attendre.Mesmots luiarrachentun légersourire ;c’estdéjàundébut.

JepassederrièrelebarpourprévenirLucas,quimeregardeétrangementendévisageantprudemmentJosh.J’endéduisqu’ilignorequ’ilyaundeuxièmefilsAlcott.Ilmeparleàl’oreille.Commesiaveclamusique,onrisquaitdenousentendre!

–Jecroyaisqu’avecGabriel,c’étaitterminé?–Cen’estpasGabriel.C’estJosh,sonfrère.–J’ycroispas!Tuessérieuse?Ilyenaplusieursdescommeça?

Jeluisourisetl’embrassesurlajoue.

–J’yvais!–Faisattentionàtoi!–T’inquiète!

6.Vite,sortir!

«L’hommeseraitleplusheureuxdesêtressi,duseulbesoinqu’ilad’uneillusionquelconque,nenaissaitaussitôtlaréalité.»MarquisdeSade

Josh,àpeinesorti,metendsonbrascommeungentleman.Je l’acceptesansgrandehésitation.JeneveuxpluspenseràGabriel,celuiquim’amanipuléetquejedétesteàprésent.Pourtant,mevoilàaubrasdesonjumeaudéambulantdanslarue.Lecontactestagréable.Illuiressembletellement,maisilmanquequelquechose,unechoseplusprofondequel’apparence.

–Désolédetedemanderça,maisest-cequemonfrèret’ablessée?

Est-cequeGabrielm’ablessée?Pasvraiment.Enfinsij’aieumal,maiscen’étaitriendegrave.Ilajusterefusédem’avoueroùilserendait.

Monvisagesevidedesescouleurs.

Ilm’asimplementvexée?NonRose,neluicherchepasd’excuses!Stop!

–Sic’esttroptôtpourenparler,jelecomprends.–Non,ilnem’apasfaitdemal.Jenesaispastrop.Cetterelationétaitspéciale,tropcompliquée

pourmoi.–C’esttoiquil’asquitté?

Ilal’airtrèsétonnédesaproprequestion.

–Franchement,jenesaispasvraimentquiaquittél’autre.

Moi,j’aiprislamouchecommeunehystériqueetsonappel…jenemesouviensderien.Maisc’estvraiqu’ilm’arappelé…oubienest-cemoi?

–Hier,ilamisenpiècetoutessestoiles.

Ilmesortçadebutenblanc.Sansgrandeémotion.

–Pourquoi?

–Gabrielestcommeça.Maisiln’avaitpaspétéunplombdepuisunmoment.

Est-cequecelaauraitunrapportavecnotreconversation?

Il m’ouvre la portière côté passager de sa voiture, un joli petit cabriolet gris. Je m’installetranquillementsurlesiègeencuirfroid.

–Oùest-cequejetereconduis?

Je n’ai soudainement plus envie de rentrer. Je n’ai pas envie de parler non plus…Ça aurait étéGabrielàcôtédemoi, ilnem’auraitpasposédequestions, ilauraitcompris toutseulcedont j’avaisbesoin.Ilm’auraitsûrementemmenédansunendroitoriginalpourquej’yvivedessensationsinconnues,oualorsilm’auraitfaitl’amourdansunendroitquemonespritnepourraitdécemmentpasenvisager.Jemedemandeoùd’ailleurs.

–Rose?

Jerevienssoudainàlaréalité.Maréalité.Cellesidureetfroidequiaempliemonâmeetquim’estfamilière.Cellequiestdouloureuseet insidieuse.Cellequis’est infiltréesournoisementpar toutes lesblessures,déchiruresetce,depuismonplusjeuneâge.

–Chezmoi.

Jeprendsquandmêmeunepetiteinspirationpourluiexpliquerlaroute.

J’ai cette pesanteur que je ne connais que trop bien. Il faut que jeme reprenne, je sais le faire.Pourquoijen’yarrivepas?Unelarmecoulecommeunetraînéed’acidesurmajoue.Non,pasça,horsdequestion!Jel’essuiedureversdelamain.Jereconnaisleboutdemarue.Vite,jedoissortirdecettevoiture.

Joshsegarejustedevantl’entrée.

–JeteremerciebeaucoupJosh.–AvecplaisirRose.

Sonsourireestsidoux.Sesyeuxnesontquegentillesse.J’auraisdûmemontrerplusagréable,maisjen’yarriveraipascesoir,mesrempartssonten trainde lâcher. Il fautque jeparte, lapolitesseserapourplustard.

Jenemeretournepas.Jecours.Jemontetrèsvite,sivitequ’arrivéeenhautjesuisàboutdesouffle.Monregardsedirigemalgrémoiverslemursurmagauche.Jerevislascènequis’yestdérouléehier;ellepasseauralentidevantmesyeux.J’entrechezmoi.Jerefusederepenseràça,pascesoir.J’aijuste

besoindedormir.

Àcinqheuresdumatin,jen’aitoujourspastrouvélesommeil.Aude,elle,rêvesipaisiblement.Jel’envie ; j’envie cette fille qui ne se démonte pas, qui trouve toujours un aspect positif aux piressituations.Jemerelèveetmerecoucheunnombreincalculabledefois.Montéléphonen’affichequeduvide.

J’aibesoindelui,tellementbesoindelui…

Jesuisaffligeante.Àcetteheuretardivejen’arriveplusàmebattrecontremoimême.Legouffredansmapoitrineestdouloureux.Jecherchemarespirationavecbeaucoupdedifficulté.

***

Desmainsmecaressentlescheveux.Jelesreconnais.

–Rose,réveille-toi,tudoistravailler.

Mesyeuxneveulentpass’ouvrircorrectement,maisj’entraperçoisAudepenchéesurmoi.

Mavoixestcasséeetencoreensommeillée.

–Quelleheureest-il?–Dix-septheurestrente.Jeteprépareunthéetunpetitquelquechoseàmanger.

Jemeredresseavecdifficulté.Àquelmomentest-cequejemesuisécroulée?Sûrementverslesseptheuresdumatin,puisquec’estladernièrefoisquejemesouviensavoirregardémonportable.

Jemetraînejusqu’àladouche.L’eaumedétend.J’aimeraisresterunpeupluslongtemps,maisleboulotpasseavanttout.

Je cache mes yeux bouffis avec de l’anticerne. Malheureusement, ce n’est pas miraculeuxaujourd’hui.Jefaisl’effortdememaquilleretdemecoiffer.J’enfilelesmêmesvêtementsqu’hiersanstropréfléchiretrejoinsAudequim’apréparédestoastsavecunjusd’orangeetmonthé.

J’observe un instant la table,mais je n’ai pas très faim.Après deux trois gorgées chaudes pouréclaircirmavoix,jedaigneouvrirlabouche.

–Tuastrouvétoutçaoù?–J’aiétépayée,alorsjesuispasséeacheterdeux-troistrucsendébutd’après-midi.

J’avaleuntoastbeurré,avecdifficulté,maisilfautbienquejemange.

Ontambourineàlaporte.Jesaisdéjàquec’estValentinàsamanièrespécialedefrapper.

Ils’estpomponné.Ilauraitunrencart?

Audeetluirestentprèsdelaporteàparleràvoixbasse.Elleleprévientsûrementquejesuisdemauvaispoil.

Jemelèvepourdébarrassermonrepasenlesignorantcomplètement.Desbraspassentautourdemataille.

–Bonjourmabeauté!

J’aimelecontactdesbrasdeValentinquandjesuisauplusmal;ilarrivetoujoursàm’apaiser.EtceuxdeValentin,jesaisqu’ilsnemeferontjamaissouffrir.

–Salut.

Jemelaissetomberenarrière,profitantdeluipourm’appuyerunmoment.

–Tuterminesàquelleheure?–Deuxheures.–OnsortauSaphiraveclesfilles.Tupasseraslerestedelasoiréeavecnous,çat’empêcherade

ruminer.–Ouais,jeverrai.Jenesuispastropd’humeur.–Prendsunetenuederechange,onnesaitjamais.–OK.

Jevaischercheruntee-shirtquejeglissedansmonsacdevantsesyeux.Jenepensepasrester,maisjedoism’efforcerd’êtreplussympaavecceuxquim’aiment.Jefiniraiparlesperdresinon.J’abusedéjàbeaucouptropsouvent.

JedétailleouvertementlatenuedeValentin.

–Pourquoiressembles-tuàunegravuredemode?–Figure-toiquetacolociciprésentem’ainvitéaurestaurant.

IldésigneAuded’ungestedelamain.Je les jaugeduregarduninstant.J’aimeraiavoircegenred’initiatives.Maispourquoicesgestessianodinsnemeviennent-ilsjamais?

Jeleuradresseunsouriregêné.

–C’estcool!

Qu’est-cequej’auraispurépondred’autre?

On sonne à la porte. Ouf,mon sauveur arrive ! Jeme sens tellement coupable d’être incapabled’avoirdesgestesaltruistescommeeux.

Audeseprécipitepourouvrir.Pendantcetemps,jemerapprochedeValentin.

–Jetiensàterembourserpourlesfactures.–Quellesfactures?

Sonairsurprismelaissedubitative.

–Etbienlegazetl’électricité.Tuasbienprislesfacturesquiétaientsurleréfrigérateur?–Non…cecoup-cicen’estpasmoi!Jetepromets.Sicen’estpasluialorsqui?Ohnon,pitié

pas…

Lucasarriveprèsdenousetnoussalue.

–Commentçavamabelle?–Bien.–J’aieumoncousinpourtontatouage.

Enfinunebonnenouvelle!

–Raconte-moivite!

Jetrépigne.Unpetitsourirenaîtsoudainementauxcoinsdemeslèvres.

–Tuluiexpliquerascequetuasentête,maistunepaieraspas.

Jeluisauteaucou.

–Tuesgénial!–Ouais,yajusteunhicetçarisquedenepasteplaire.

Jelelâcheaussitôt,reculantd’unpas.

–Vas-y,annonce!

Ilal’airembêté.Ondiraitungossecoupabled’unebêtise.

–Pourquetunepaiespas,jeluiairacontéquetuétaismapetiteamie.Donconserajustecontraintdejouerlacomédieletempsdelaséance.Etonarendez-vousdemainàquinzeheures.

–C’esttout?Demain,c’estgénial!

Jesautilledejoie.

–Benouais,c’esttout.–Parfait!–Tunehurlespas,ouuntrucdanslegenre«fillehystérique»?–Non,jenepaiepas.Jeseraigonfléedemeplaindre.Parcontre,jetepréviens,pasdetripotageet

toutcequis’ensuit!

Illèvelamaindroite.

–Jelejure.–Etsionallaitbosser?–Oui,tuasraison.C’estpartichérie!

Jelemenacedudoigtengrognant.

–OK,c’étaitjustepouressayer.

C’estétrangecommecettebonnenouvellememetdubaumeaucœur,mêmesielleestquelconque.Aude etValentin ont observé notre petitmanège sans unmot,mais je devine bien qu’ils ont envie des’exprimer. Je ne sais pas ce qu’ils attendent. Ils se conduisent anormalement ces deux-là. Ils cachentquelquechose,c’estsûr!

Demainjemodifieunepartiedemoncorps;c’estuneétrangesensation.J’ensuiscontente,mêmesij’aipeurdesouffrir.Etsi le résultatn’estpasceluiauquel jem’attends?C’estangoissant finalement,maisexcitantégalement!EtpuisLucasm’accompagne.Aumoinsjeneseraipasseule,j’auraiunavis.

Au fonddemoi, je saisque l’avisde…quelqu’und’autre aurait étéplus important àmesyeux,mais,commedepuistoujours,jeprendscequej’aisouslamain.

Toutletrajet,j’aiexpliquéàLucascommentjevoulaismontatouage,oùjelevoulais,etjeluiaiposémillequestionssurladouleur.Lepauvre,jecroisquejel’aisaoulé!

La soirée est vite arrivée à son terme. Il n’y avait pas grandmonde, mais cette fois c’est moncollèguequi,entredeuxclients,m’expliquait la significationdu tribalqu’il imaginaitdanssondos. Jen’aistrictementrienécouté,caràmagrandesurprise,Joshestencorelà.Ilpasselasoiréeavecdesamisetjel’observesansarrêt.

Drôled’idée,maisleregardermerapprochedeGabriel.Celasoulagelepoidsénormequipèsesurmapoitrine.C’est idiot,monhistoire avec lui est terminée,mais jeneparvienspas àm’empêcherdepenseràlui.

C’estseulementverslesuneheuredumatinqu’ilmesalue.Ils’assiedaubar.

–BonsoirRose.–Bonsoir.Jevoulaisteremercierpourhier,jesuispartiecommeunevoleuse.–Net’inquiètepas,jecomprendstrèsbien.Jen’étaispastrèsenformenonplus.

C’estvraiqu’ilameilleureminecesoiretilarboreunsourireàlaGabriel,celuiquandilestsûrdeluietqu’ilmecharme.Maispourquoisecomporte-t-ilcommeça?Ilatropbuàmonavis.

–Rose,tuterminesàquelleheure?–Dansunepetiteheure.–Çatetenteraitdeboireunverreavecmoiavantderepartir?–Oui,pourquoipas?Desamismerejoignentdonc,jepenseresterunpeudetoutefaçon.–Super.À tout à l’heure, je te laisse travailler. J’ai l’impressionque toncollèguen’estpas très

content.

Il s’éloigne et jeme tourne instantanément vers Lucas. Effectivement, il regarde Josh s’éloigneravecundrôled’air.

Jesersunclientetmerapprochedelui.

–Qu’est-cequit’arrive?–Ilveutquoi,celui-là?

Ilssonttousbizarrescesoir,maparole!

–Rien.Ilm’ainvitéàprendreunverreaprèsmonservice.

Maréponsenesemblepasluiplaire.

–Tucomptesterattrapersurlefrère?–Neracontepasn’importequoi!–Non,maistuasremarquéqu’iltebouffaitdesyeuxoupas?–Ilaabusésurl’alcool,c’estaussisimplequeça!

Lucashausse lesépaulesethoche la têtedegaucheàdroite,commesi je lui racontaisn’importequoi.

J’entrevoisenfinValentinetAude.Parcontre,jenesaispastropoùestSam.Çanemesurprendpas;onlaperdpresqueàchaquesoiréeetelleréapparaîtcommeparmagieàunmomentouàunautre.

–Rose,jegèreladernièredemi-heure.C’estcalme,varejoindretesamis.Aupassage,ilyatapaiesousletiroirdelacaisse.

–Pourquoiveux-tuquejeparte?

Jesoulèveletiroir-caisseetattrapemondûavecgrandplaisir.

–Tun’aspasprévudeboireunverre?–Iln’yarienquipresse.–C’estdeboncœur.Etjevoulaistedemandersiçavousdérangeraitquejemejoigneàvous?J’ai

vuqu’AudeetValentinétaientici.–Maisbiensûrqueturestes!J’allaisteleproposer.

Unsouriredesoulagementpassesursonvisage.

***

Jerangemonbazarderrièrelebaravantdepartirmechanger.

MaismesyeuxseposentsurGabriel…pasJosh…làcettefoisc’estsûr…maintenantladifférenceestévidentepourmoi.MonGabriela le regardplussombre,plusmystérieux.Sonallureestbeaucoupplusimposanteetsestraitsplusmarqués.Ilesttellementplusvirilquesonjumeau.

Ilpassedevantmoicommesijen’existaispas…Jeravalemasaliveavecdifficulté,nelelâchant

pas jusqu’à tantqu’ildisparaissederrière le rideaurougeet jenesaispaspourquoi jemetourneversRoxannequime fixepareillement.Pasd’agressivitédans sesyeux, justede la tristesseetmêmede lacompassion.Etvoilààquoij’ensuisréduite,lasuivantesurlalistedeMonsieurSexy!

Et putain, ça fait tellement mal… Le picotement est affreux. J’ai l’horrible sensation qu’onm’enfonce des aiguilles une à une. J’ai aussi l’impression que mes jambes sont sur le point dem’abandonner.

Jesuisheureusedenepasl’avoiraperçuplustôt.Aumoinslà,jevaismechanger,jenecroiseraipersonneletempsderecouvrermesesprits.

Jesuisassisedanslaréservesurlescaissesdeboissons,mesjambesontrefusédemeporterplusloin.Jechangedetee-shirtici.Detoutefaçon,siquelqu’unmevoit,jem’enfiche,c’estbienledernierdemessoucis!

J’aibesoind’aumoinsdixminutespourmecalmeretdixautrespourmemotivermentalement.J’enconclusquejepartageraiunverreavecJoshetmesamistousensemble.Çaseraplusrapide.JedemandeàLucasdemeramener;jenesupporteraipasdecroiserGabrielunesecondefois.

Jesorsenfindelaréserve.Joshm’attend,plantéprèsdubar.Ilmetendlebrasetjelesaisis.Jetombe une nouvelle fois sur le regard deRoxanne, les yeux plus gros que des soucoupes à café et laboucheentrouverte.

Personneneconnaîtl’existencedujumeauoùjerêve?

–Josh,j’aimeraisteprésentermesamis.–Avecplaisir!

Jelescherche,évitantprudemmentlerideaurouge.Ilsnesontpasloin.Jel’entraîneversleurtable.Aude reste bouche bée en nous voyant arriver. Je me penche au-dessus de la table pour qu’ilsm’entendent.

–JevousprésenteJosh.VoiciAudeetValentin,mesmeilleursamis.IldoityavoirSamanthajenesaisoù.Jetelaprésenteraisionlaretrouve.

Je l’inviteàs’installeretValentinentameaussitôt laconversation.JemesersunverredeVodka.Mesbonnesrésolutionsserontpourdemain.J’enproposeunàJosh,maisapparemmentilneboitjamais.

Ah,jemesuisbientrompéetoutàl’heure!

Lucasnetardepasànousrejoindre.Ilal’airbeaucouppluscalme.

Levidemesubmerge.Jesuislà,aumilieudemesamis;jen’entendsriendutout…Jelesobservebouger,rire,s’agiter,maisrien…Plusdemusique,pasdebruit,étrangesensationd’êtreàmillelieuesd’eux,delafouleetdubar.

Jemelèvebafouillantquejedoismerendreauxtoilettes.Jenesuispassûredem’êtreexpriméecorrectement.Lecheminmesemble long...extrêmement long.J’ai l’impressionqueplus j’avance,plusellessontloin.Desgensmebousculent;monéquilibreestincertain.

J’accède enfin aux toilettes et passe devant tout le monde pour arriver devant un lavabo. Jem’appuiedessusetrestelàuninstant,àfixerlemarbregrisdecelui-ci.

Latêtemetourne.Tropd’émotionsauxquellesjenesuispashabituée;certainementmoncorpsquiréclameplusd’attention,lenourrirdéjàseraitunbondébut.

Jemerafraîchislevisageavecdel’eau,pouressayerderetrouverlepeud’espritqu’ilmereste.J’aichaud,j’aifroid,ilfautquejeparted’ici!J’aimonsacavecmoi.C’estbien,jen’auraipasbesoinderetournerlà-bas.

Jesorsdes toiletteset tombesurGabriel.Monregardcroise lesien.Jebloqueuninstantsursesyeuxfroids.Lafillequis’accrocheàsonbrasestmagnifique.Unejoliebrune,grandeetélégante, toutl’opposédemoi.Elleledévisageavectantd’envieetdegourmandisequej’enrestemuetteetpétrifiée.

Jeravalelaboulecoincéedansmagorgeetmesauvelepluspossible.Jezigzagentrelesgens.Vite,sortir!

Notes:

[←1]

JamesDean.

[←2]

Tupac.

Tome4

1.Proximitédangereuse

«Oncombatl’amourparlafuite,etlacolèreparlesilence.»Jean-BenjamindeLaborde

Arrivéedehors,jememetsàcourirvite,trèsvite,jecoursencoreetencore...

Mon téléphone sonnedansmapoche. Il n’arrête que pour reprendre aussitôt.Ce n’est qu’à bout desoufflequejem’assiedssurunbancetregardeautourdemoi.J’ignoreoùjesuis,peuimporte.J’aioubliémaveste,maisjen’aipasfroid;j’ail’impressiondeneplusrienressentir.

Letéléphonevaexplosersouslesappels,maisjem’enfiche.Jerepliemesjambescontremoietlesenlaceavecforce.Jen’avaispasressentiuntelvidedepuissilongtemps.PourtantjeneconnaisGabrielquedepuisquelquesjours.Combienexactement?Peut-êtreunequinzaineetilaréussiàbousillertoutcequej’avaisconstruit.

Unlongmoments’écouleavantquejedécidedeconsultermesappels.Lucas,Aude,ValentinetmêmeSam;toutlemondeaessayédemejoindre.

J’appelleAudepourlarassurer.Ellehurledansletéléphone.

—Rose,tuesdingueouquoi!Pourquoit’es-tusauvéecommeça?Dis-moioùtues!Ontecherchepartoutdepuisdeuxheures!

Deuxheures?Tantqueça...

—Jevaisbien,j’avaisbesoindemarcher.—Oùes-tu?Valentinvateramener.

Aumêmemoment,laCadillacsegaredevantmoi.Gabrielensortentrombe.

Ohnonpaslui!

Jenemesauvemêmepas;jesuistropfatiguée.Jen’aidanslatêtequel’imagedelabellebrunedetoutàl’heure.

—Jeterappelle.

Jeraccrochesansleregarder.Ilresteplantélà,devantmoi,unbonmoment.

—Vat’enjeneveuxpastevoir

Jebalayelevidedelamain.

—Écoute-moiRose.

Jeme camped’unbond surmespieds et le regardedroit dans les yeux, prête à défi er celui qui apiétinémoncœur.Jeluicrieauvisagesansciller.

—Jen’écouteriendutout!Tut’esbienfoutudemoi.J’étaislenumérocombiensurtalongueliste?Allez,annonce-moilacouleur!—Nedispasça.

Ilessaiedeposersamainsurmoi.Jereculed’unpas,lemenaçantdemondoigttremblant.Jesensmeslarmesmonter,maisjeneluidonneraipasceplaisir.

—Jediscequejeveux!Tun’esqu’unpauvretypeetjetedéteste.Dégage!

Luiaussireculed’unpas,commesijeluiavaisenvoyéunbouletdecanonenpleinepoitrine.Sesyeuxontperduleurassurance.Ilal’airpaniqué.Savoixesthésitante.

—Bébé,je…

Jelepoussedemesdeuxmains.

—Dégage!

Jesuis tellementencolèreque jen’arrivepasàmaîtrisermes larmesetc’est trop tard, lapremièrecouledéjàsurmajoue.

—TueslaseuleRose.Laseule,tum’entends!

Jen’entendsquemarageetrepousseunenouvellefoissonapproche.Lesmotsrefusentmaintenantdesortirdemabouche.

—Necroispasquejemefichedetoi.J’aifaitçapourquetupassesàautrechose.Jenesuispasceluiqu’iltefaut.Jenesuispascapabledeterendreheureuse;jesuisunégoïsteRose.Maistevoirdanscetétatm’estinsupportable.

Unevoituresegarederrièrelapremière.Jereconnaislecabrioletgris.Josharrive,déterminé.

—Gabriel,laisselatranquille.Tunevoispasquetuluiasdéjàfaitassezdemal!

Ilseplaceentrenousdeux.

—Maisqu’est-cequetufouslà,toi?—JeprotègeRosedetoi.

JemerendsbiencomptequeGabrielnepigerienàlasituation.Maisquandmesyeuxseposentsursespoingsserrés,jecrainslepire.Savoixaperdusadouceurenuninstant.

—Toutcequetuveux,c’estelle!Jeteconnais,tuesmonfrère,tucherchesàmelavoler!Aurepas,j’aibienvucommenttulamatais,nemeprendspaspouruncon!

Joshnesedémontepasetleursregardss’embrasentdecolère.

Non,non,pasça!

J’essaiedemefaufilerentreeux,maislesdeuxblocsnebougentpasd’unpouce.Jesuissipetiteetridiculementfaible.

—Rosen’estpastapropriété!Ellen’apasàsubirtesconneries!—Rose,suis-mois’ilteplaît!

Gabrielmetendlamain.

—ElleneviendrapasavectoiGabriel,laisse-latranquille!

Qu’est-cequejefais?JenepardonneraipasàGabrielcommeça;ilétaitavecuneautrefilleetsijeparsavecJosh,ilenvoudraàsonfrère.Inévitablement,çafiniramal.

—Josh,dégaged’ici,jeperdspatience!—Qu’est-cequetuattends?Frappe-moi!

Gabrielessaiedesecontenir,maissonvisagetrahitlaragequiboutenlui.Ilestprêtàexploser.Ilfautquej’intervienne.

—Arrêtezçatoutdesuite,bordel!

Ilsnetournentpaslatêtepourautant,s’affrontantduregard.Joshserrelespoingsàsontour.

J’attrapelamaindeGabrielquipenchelatêteversmoiàcecontact.

Mavoixestpluscalmequejenem’yattendais:

—Montedanslavoiture,j’arrive.JeveuxparleràJoshunmoment.

Ilmejaugeuninstantpuisretourneàsavoituresansmêmediscuter.Jenem’attendaispasàcequecesoitsifacile!

QuantàJosh,ilm’observe,ahuritparlascènedontilvientd’êtrelespectateur.

—Écoute-moi,Josh.Jem’occupedelecalmer.Ilmeramènechezmoi,net’inquiètepas.—MaisRose,jel’aiaperçutoutàl’heureaveccettefille,devanttoi…Jetecherchedepuisjenesais

combiendetemps…Tunepeuxpaspartiraveclui.

—Sijeparsavectoi,onnesaitpascommentilréagira.Ilesttropimpulsifpourquenousprenionscerisque;jesaisoùjemetslespieds.—Bien,c’esttonchoix.Parcontre,préviens-moidèsquetuescheztoi.

J’acquiesceetluisourisdumieuxquejepeux,essuiemeslarmesdureversdemamain.Montéléphonesonnesansarrêt;çam’énerveauplushautpoint.Jelecoupeetgrimpeducôtépassager.

Gabrieldémarreaussitôt.Ilrouletropviteàmongoût.Etpuisoùserend-ilcommeça?

—Ramène-moi,s’ilteplaît.—Quoi!—Tuastrèsbienentendu.

J’utiliselemêmestratagèmequelui.Mavoixesttellementcalmeetautoritaire.Jenelaisseraipaslamoindrefailledansmacarapacedanslaquelleilparviendraitàs’infiltreretmepousseràcraquerencoreunefois.–Jepensaisqu’onauraitpu…Jelecoupedanssalancée.

—Onauraitpuriendutout!

Ils’arrêtesurlebas-côté.Onn’estpaschezmoilà,àquoiiljoue?Iltapeunboncoupsurlevolantet

jesursaute.

—PutainRose,laisse-moiparlerbordel!—OK,maistumeramènesaprès.—Ouais.

Unsilenceinterminablesuit.Jedécided’ymettreunterme.—Bonalors,accouches!—Laisse-moirassemblermesidées;tumerendsdingueRose,sérieux!

C’estmoiquilerendsdingue?Lemondetourneàl’envers!

—J’ignorecommentréagir.Jenesuisqu’uncon,cen’estpasnouveau.MaisjetiensàtoiRose,jetejure.J’aiessayédetefoutrelapaix.

Ilsoupire.

—Maisj’ensuisincapable.J’aibesoindetoi.

Sesyeuxcherchentlesmiens;jenel’aijamaisvudansuntelétat.

—Donne-moiunechancedemeracheterpourmaconduitedecesoir.Ilnes’estabsolumentrienpasséaveccettefille.Jenesaispas…jecroyaisquecommeça,tureprendraistavieoùtul’avaisinterrompueetquetum’oublieraiscommeunmauvaisrêve.Maisnontuétaislà,devantmoi,etj’aicomprislemalquetuenduraisparmafaute.Jem’enveuxtellement.

Jenesaisplusquoifaire.Sesmotsentrentenmoicommeunedoucemusique.Jecomprendsqu’iladumalàexprimerleschosesetceteffortdoitêtresurhumainpourlui.Ilfautquejeréfléchisse.Jenepeuxpasmelancercommeça.

Qu’est-cequimeprouvequetoutestvrai?

—Bébé,jet’enprie,donne-moiencoreunechance.

Il pose sa main sur la mienne. Nos doigts s’entrecroisent ; ce contact est si doux, et les petitspicotementsquitraversentmamainmepoussentàadmettrequejesuisdéjàvaincue.Maisjerefusequecesoitsifacile.Jeprendssurmoietluirépondsd’unevoixclaire.

—J’aibesoinderéfléchir.Ramène-moimaintenant,s’ilteplaît.

Ilportemamainàseslèvresetyposeunbaiser.Unbaisertellementdoux;unevéritabletorturepourmoi.J’aienviedemejetersurlui.Jemecontrôleautantquepossible,maisenmoimaconscience,déjàcomplètementfolledelui,affrontemaraisonenduel.Ilmelâchepourredémarrer.Ilestpluscalmeetjel’épieducoindel’œil.

Ilesttellementunique,tellementmagnifiqueentoutecirconstance.Mêmeénervéetàdeuxdoigtsdesebattreavecsonfrère,j’airéussiàletrouverextrêmementbeauetséduisant.

Arrivésdevantchezmoi,jedescendsvitedelavoiturepourm’extrairedecetteproximitédangereuse.

—Rose,appelle-mois’ilteplaît.—Oui,jeleferai.

Jemeretourneaussitôt.Jel’aidéjàtropcontemplépourêtreraisonnable.

2.Fauxcoupleettatouages

«Moncorpsestmonjournaletmestatouagessontmonhistoire.»JohnnyDepp

Danslacaged’escalier,jeremetsenmarchemontéléphonepourenvoyerunmessageàJosh,quandjem’aperçoisqu’enréalitésonnuméroesttoujourssurlepetitpapierdansmarobenoire.Jedécidedoncd’appelerAude,toutenmontant.

—Rose,c’estpaspossible,jevaistetuer!

Ah,çacraintlà!

—Jesuisvraimentdésolée.Jesuispresqueàlamaison,oùêtes-vous?—Onarrive.Onestlàdanscinqminutes.Tuasintérêtàavoirunebonneexplication!

Ellemeraccrocheaunez.Super!J’aidéconné,encoreunefois.Çavaêtremafête!

J’entreetcherchemarobedanslepanierdelingesale.Jel’ai!

Heureusementqu’ellen’estpaspartieàlamachineàlaver.

J’enregistrelenumérodeJoshetcomposeunmessage.

Moi:[Jesuisbienrentrée.Net’inquiètepas.Ças’estbienpassé.Ilestcalmé.Mercipourtout.]

Jem’assiedsdans lecanapé,complètement lessivée. Ilestaumoinsquatreheures trentedumatinetj’aienviededormir,maisjelesentendsarriver.

Laportes’ouvreetAudemefoncedessus,meprenddanssesbrasetmeserrefort.

—Plusjamaistumefaisuntrucpareil!Autrementjetetuedemespropresmains!

Jelaserrefortàmontour.

—Jesuisdésolée.—Tuneterendspascompteàquelpointonétaitinquiet!Maisoùétais-tu?

Ellerelâchesonétreinteetjem’aperçoisqueValentinetLucassontlà,tousdeuxlesbrascroisés.

—J’avaisbesoindemarcher.Etjenemesuispasrenducomptequejem’étaisperdue,excusez-moi.

ValentinetLucasprennentplaceàcôtédenous.

—Beauté,tuabuses.Jet’aimetrèsfort,maislàtumériteraisdesclaques!

C’estrarequeValentinmesermonne,maisilaraison.

—Jesais.

JeleurexpliquequeGabrielafaillisebattreavecsonfrère,sansrentrerdanslesdétails,etqu’ilm’aramenépouréviterqueçanefinissemal.

Puisjelesobservetouràtour;ilsontvraimenttousdesalestêtes.

—OùestSam?

AuderegardeValentind’unairdésespéré.

—Merde,onl’aoubliée!—J’yvais!

Valentinrepartentrombe.

Audesedirigeverslachambrepourtenterdelajoindre.

Lucassejetteàcôtédemoi,las.

—T’ascraqué,hein?—Non.—Vraiment?—Jesuisperdue.Ils’estexcuséetm’ademandéuneautrechance.—Ilsecroittoutpermislui!Tunedevraispasaccepterqu’ilreviennedanstavie,ilt’adéjàfaittrop

demal.—Jenesaispas.

LesparolesdeGabrielrésonnentencoreàmesoreilles;ilabesoindemoi,ilaessayé,maisilnepeutpasetmoiaussij’aiessayé,jenepeuxpasnonplus.Toutesleschosesquejerêvaisd’entendre,mêmes’ilétaitmaladroit,ilmelesadites.

J’aiunmessage.Jem’excuseauprèsdeLucas.

Josh:[J’aimeraisbienteparler.Quandtoutçaseraretombébiensûr.]

Jetentedeluirépondre,maisunnouveaumessagearrive.Oh,c’estGabriel!

Gabriel:[Bébétumemanques...Tellement.]

Toiaussitumemanques...Tellement.

Ilvautmieuxquejenerépondepas,bienquej’enmeursd’envie.

Lucasdortàmoitiésurlecanapé.

—Resteicisituenasenvie.Lecanapén’estpastrèsconfortable,maisilfautqu’onsereposepourletatouagedemain.—Ouais,c’estsympa.Jen’aipaslecouragederepartir.—Jet’amèneunecouverture.

Jereparsdanslachambre;Audesedémaquilledevantlapsyché.Jefouilledansleplacard.

—Lucasrestedormirsurlecanapé:ilestfatigué.ValentinaretrouvéSam?—Oui,toutjuste.Illaramènechezelleetvasecoucher.—Superetelleétaitoù?

Ellehausselesépaules.

—D’aprèstoi!—Ouais,jevois.JedonneçaàLucasetjefileaulitaussi.

Celle-là,elleauradessoucisundecesquatre!

Lanuitvaêtrecourte.Lucasinstallé,j’enlèvemonpantalonetmeglissesouslesdraps.Jeprogrammeleréveil;jen’aipaslecouragepourplus.

Jemeréveilleensueur.J’aiencorecauchemardé.Mondosetl’arrièredematêtesontdouloureux.Ceconnardd’Alexisnem’apasloupée...Jeregardel’heure;iln’estquemidi.Jemelève.Jenedormiraiplus;j’aitropmal.Jepassedanslasalledebainetenlèvemonhaut.Lesbleuscommencentàchangerdecouleur,c’estbonsigne.Parcontre,jen’yavaispastellementprêtéattention,maisl’hématomesurmoncrâneestdebelletaille.Jeterminedemedéshabilleretfilesousladouche.

J’auraispréféréunbonbain.

Qu’est-cequejevaismettrepourmefairetatouerlehautdelacuisse?C’estbienbeaucetteidée,maishorsdequestionquejemetrimballeenculotteendentellesdevantdeuxmecs!SiGabrielsavaitça,jepasseraisunsalequartd’heure!Cetteidéem’arracheunsourire.

J’avaisunshortdansletemps,pourlesport,àl’école.Iltraîneprobablementaufonddel’armoire.Jem’essuie etm’enroule dans la serviette. J’essaie de ne pas être trop bruyante en retournant l’armoire,maispasdebol,Audeseréveille.

—Quelbazar!Qu’est-cequetucherches?—Monshortnoir.—Pourquoi?Tuteremetsausport?—Pourmontatouage.Jenevaispasyallerenculottequandmême!

Elleseredresse.

—Tuétaissérieuseaveccettehistoire?

Pourquoi?Elleendoute?

—Biensûrqueoui!—Ilestdanslefond,avectespyjamas.T’escomplètementdingue!—Merci!

Ah, le voilà ! Je neme rappelais pas qu’il était si petit ; j’espère que je rentre encore dedans.Aupassage,j’attrapedessous-vêtementsetuntopnoir.J’enfiletoutça.Leshortaunpeudemalàmonter.Ladernièrefoisquejel’aiporté,j’avaisquinzeansetj’étaisplatecommeunegalette.Là,j’aiquandmêmeattrapéunbonderrière.

Jem’observeunmoment.Ehbien…c’estcourtquandmême.Jevaisenfilerungiletlongpourpartir.Jerepassedans lasalledebainm’attacher lescheveuxenqueuedechevaletmemaquiller.Tiens, jememaquille tous les jours ; il faudrait peut-être que jem’achète ce qu’il faut et que j’arrête d’emprunterceluideAude.

JeréveilleLucas.Ilestuneheuredel’après-midietdansdeuxheures,nousavonsnotrerendez-vous.Ilsouhaitesûrementrepasserchezlui,selaveretsechanger.

Ilesttoutsourireauréveiletm’observeattentivement.Unpeutropattentivementd’ailleurs.

—Qu’est-cequetuasàmereluquercommeça?

Jepréparemonthé.

—Tut’esregardéedansunmiroir?Jesuisunmec,jeterappelle.—Ouaisetmoijeterappellequej’étaisàmoitiénuedanstonlitilyaquoi?Deux-troisjours?

Cetteremarquelefaitrire.

—J’espèrequetunesorspascommeça.Bienquelavuesoitplutôtsympa!

Jeluilanceletorchonenpleinetête.

—J’aiungiletlong,espèced’idiot!

Ilmelerelance,maisjel’évite,trèsfièredemoi.

—Attentionàtatenue!N’oubliepasqu’aujourd’hui,onestensemble,machérie!

Ahoui,c’estvrai,j’avaiszappécepetitdétail!

—Ouais,ouais.Net’enflammepas,çanecommencequ’àquinzeheure.Uncafé?—Ahouiavecplaisir,chérie!—Arrêteçatoutdesuite!

Jeluiserssoncaféetm’assiedsprèsdeluiavecunpaquetdegâteaux.J’aivraimenttropfaim!

J’entendsAudecrierdepuis la chambre. Jemange ; elle attendra !Mon régimealimentaire est déjàassezbordéliquecommeça.

Ellearriveetmebalancemontéléphone.

—Iln’arrêtepasdesonner,tontruc.

Ahoui,jen’aipasenlevéleréveil.

Oups!

Ah!J’aiunmessage.Moncœurs’emballequandleprénoms’affichesurl’écran.

Gabriel:[Bébédis-moiquetueslibrepourmoicetaprès-midi.PS:As-turéfléchiouattends-tuquejeperdetotalementlaraison...]

J’aimetellementsesmessagescomplètementdécalés;iln’aaucunepatience.ImpossibledeluiavouerquejeparsmefairetatoueravecLucas!Jesuisobligéed’inventeruntruc!Oualors,jel’imite;jen’enajoutepasplus.

Moi:[Jenesuispasdisponiblecetaprès-midi.PS:J’aicommencéàpeserlepouretlecontre.]

Lucasterminesoncaféd’untrait.Ilestmalade!Iladûsebrûler!

—Jefilemabelle.Jerepassechezmoi.Jeterécupèrepourquatorzeheurestrente.—Oui,àtoutàl’heure.

Je m’allonge sur le canapé, attendant une réponse avec impatience. Ça y est, j’ai beau avoirl’impressiondedirigerlejeuavecGabriel,aufinal,j’aireplongélatêtelapremière.

Gabriel:[Etcesoir?PS:Jemeretiensdetedemanderoùetavecqui!]

Ilmefaitcraquer!Ilestvraimentinfernal!

Moi:[Jetermineà2hdumat.PS:Oui,retienstoi,celavautmieux!]

Rienquesespetitsmessagesm’avaientmanqué!Mêmesesréflexions,jelesaime.

Gabriel:[Jesuisprêtàpatienter…PS:Tuaimesmefaireperdrelatête!]

C’estluiquimefaitperdrelatête,complètement!

Moi:[Rendez-vousà2h!Nesoispasenretard!PS:Perdrelatêtepourmoi,jetrouveçatrès…!]

Gabriel:[Aucunrisque!PS:Excitant,sansl’ombred’undoute!]

Jememordslalèvre.Ilesttellementdéroutant,tellementimprévisible,tellementsexy!Mespenséesseperdentdanslesouvenirdesesdoigts,sabouche,salanguesurmapeau…sonparfumsienvoûtant,sesbrassiréconfortants…Chacunedespartiesdesoncorpsestpourmoiunevéritabletorture…Jeledésireplusquejen’aijamaisdésirépersonne.Lasimpleidéequejepuisseluifaireperdrelatête,ceseraittellement…tellement…excitant.Bienjoué,monsieurSexy!

Allezstop,ilfautquej’arrête.Jedoismeconcentreretélaboreruneébauchedecequej’aimeraispourmontatouage.Jenesuispastrèsdouéeendessin,maisj’yarriveraibien.J’attrapeuncrayondepapieretunblocnote.Aucinquièmeessai,jesuisplutôtfièredemoi:lescourbesdeslettressontlégèresetfines.Je tente de faire des ombres pour donner du relief, mais je crois que je préfère abandonner ça auprofessionnel;aprèstoutc’estsonmétier,paslemien.

Onfrappeàlaporte.J’attrapemongiletetglissemafeuilledansmonsac.

J’ouvreetsorssurlepalierrejoindreLucas.

—Jesuisprête!—T’estoujourssûredetoi?—Sûreetcertaine!

Jelecontourned’unpasdéterminéetcommenceàdescendre.Ilm’emboîtelepas,m’ouvrelaportièredelavoiture.

—Tuesdrôlementgalantaujourd’hui.—Cen’estpastouslesjoursquej’aiunepetiteamieaussisexy!

Ilm’adresseunclind’œiletsonregardseportesurmonshort.

—Oh,jelejettedèsqu’onrentrecelui-là!—Nongarde-le,ilyaurapeut-êtredesretouchesàeffectuer,onnesaitjamais.—Ahbon.Tucroisqu’ilyaurabesoindes’yrendreplusieursfois?

Jen’aimepastropl’idéededevoirsupportercettetortureànouveau.

—Çaarrivesouvent.—Jeferaiavecalors.

Larouteestunpeulongue.Jem’endorspresquequandLucassegare.

—Bébé,onestarrivés!—Ahnon,toutsaufbébé!

Ilmeregarde,surpris.

—OK,quoialors?Chérie,mapuce,monamour?—Commeçatechante,maispasbébé.—OKm’dame!

Bébé,c’estdéjàréservéetdanslabouched’unautre,jetrouveçacomplètementdébile!

Ondescend,etilmemontreauloinl’enseigneoùl’onserend.–Tuverras,Cameronesttrèssympa.Ilbossesuperbien.

—Tuasmaconfiance,maisiln’apasintérêtàmelouper!—Justement,j’aidemandéquecesoitluiquis’occupedetoi.Ilssonttroisàbosser,maisc’estluile

meilleur.Jouelejeusurtout.—Oui,oui.

Ilm’attrapeparlataillejusteavantderentrer,c’estvraimentbizarrecommesituation.

L’endroitestbeaucoupplusclassequeceàquoijem’attendais.Ilyaquelquespersonnesentraindefeuilleterdescataloguesremplisdemodèlesdetatouages.

Ungrandblondtatouéetpercépartoutarriveversnous.IlmesalueetserrelamaindeLucas.

—SalutLucas,jepréviensCameron.Iltermineunboulotetdevraitbientôtêtreàvous.

Ildisparaîtderrièreungrandrideaugris.J’observelesphotosdetatouagessurlesmurs; l’angoissemonteprogressivement.

—J’ailatrouille!—Détends-toi,çaira.Cen’estpassidouloureuxqueça;jenerecommenceraispassinon.

Monsieur en profite pourm’enlacer,mais je reconnais qu’un peu de réconfort, là, tout de suite, estappréciable.

—EhLucas!

Noustournonstouslesdeuxlatêteendirectiondelavoix.Lucasmelâchepourdonneruneaccoladeàceluiqui,jesuppose,estCameron.Unmecassezbaraqué,lecrânerasé,etforcémentlesbrascouvertsdetatouages.Ilenamêmesurl’arrièredelatête;c’estassezspécial.

—Alors,c’esttoi,lafameuseRose!JesuisCameron,lecousindeLucas.

Dansquelmerdiermesuis-jeencorefourrée?

—Enchantée.

Cameronmebaiselamain;galantledurtatoué!Jecroisquejesuisentrainderougir.

—Venezavecmoi.

Nouslesuivonsderrièrelerideau.Ilyadeuxtables,plusunsiège.

—Rose,alors,tusaisdéjàcedonttuasenvieetàquelendroit?—Oui,j’aigribouilléuntruc.

Jecherchedansmonsacetluitendslepapier.Lemecblondnousrejoint.

—Lucas,jem’occupedetoi.Tuteplacesici,s’ilteplaît.—Bonmachérie,àtoutdesuite.—Euh...oui,àtoutdesuite.

Lucasparts’installer.J’observeCamerondessineruneébaucheàpartirdemonbrouillon.Sesgestessontprécisetrapides.C’estfascinantdel’observer.

JesursautequandunemachinesemetenrouteetmonregardsetourneversLucas.Letypeblondadéjàcommencéàtraceruntraitsursondos.Jenesuispastrèsrassurée;j’aiunevagueimpressiond’êtrechezledentiste.

Auboutdequelquesminutes,Camerontournelafeuilleversmoi.

—C’estmaproposition.Siçaneteplaîtpas,n’hésitepasàêtrefranche.Onpeutmodifier.Prendstontemps,c’esttonpremier,tudoisêtresûredetoi.

Rienàvoiraveclemien.Enfinsi,l’espritestlà.Ilestincroyable.Exactementcequejeveux!Monsourireenditlong.

—Toutsimplementparfait!—Alorstulevoulaisoù?Voirs’ilyabesoindelemodifieroupas.

Jeluidésignelehautdemacuissegauche.Ilmesourit.

Ilsembleapprouverl’endroit.

—Je t’explique : je t’applique le dessin sur la peau avant d’attaquer.Comme ça, tu as encore uneoccasiondechangerd’avissurl’endroitoulemodèle.Enlèvetongilets’il-te-plaît.

J’obéis et le laisseme tourner en face de lui. Il appose son calque avec précision. Sesmains sontagréablementchaudes.

—Voilàregarde,ilyaunmiroirderrièretoi.

Jemeretourneetcontemplelerésultat.Exactementcedontjerêvais!

—JepeuxlemontreràLucas?—Ouibiensûr.

Jecontournesonsiègeetmeplanteenfacedelui.

—Alors,tuenpensesquoi?—Plusquesympa!

Sonsourireestéloquent.C’estbon,jemelance!JeretourneauprèsdeCameron.

—OK!—Jetedonnequelquespapiersetonyva.

Je remplis les formulairesobligatoires, tandisqueCameron se lave lesmainset enfiledesgants. Ilm’indiquedemontersurlatableetm’installedanslapositionlaplusappropriéepourlaréalisationdemontatouage.

—Tu as de la chance, la cuisse n’est pas très sensible. Tu ne ressentiras que des picotements.Nebougeplus.

Bonnenouvelle!

Ilactionnesonappareildetorture.J’aiunetrouillebleue.Lepremiertraitestassezdouloureux,maisje m’habitue vite. En réalité, c’est supportable ; je m’attendais à pire. J’ignore combien de tempsl’opérationaduré,maisquandCameronm’aideàredescendredelatable,Lucasn’atoujourspasterminélesien.

Jem’observedevantlemiroir.C’estunpeurouge,maisçameplaîténormément.

—Rose,jeteposeunpansementquetugardesvingt-quatreheures.Jenoteégalementcequetudoisacheterpourl’entretien:unsavonantibactérienetunecrèmeàappliquer.Siçagonfletrop,n’hésitepasàapposerdelaglace.Depetitescroûtesseformerontensurface;tun’ytouchessurtoutpas.

Jel’écouteattentivement,jenepensaispasquej’auraisdescroûtesetqu’ilyauraitbesoind’autantdesoinspendantlacicatrisation.

—D’accordetilyauradesretouchesparlasuite?–Pourletien,jenepensepas.MaisturepasserasavecLucas,quejecontrôle.

Jem’observeencoreetencore.

—MerciCameron,ilestsuperbe!—C’étaitunplaisir,avecunmodèleaussiagréable.

Ilm’adresseunclind’œilcomplice.Lucasgrogneuntruc,maisaveclebruitdelamachine,jen’airiencompris.

—Assieds-toifaceàmoi,jetemetsunpansement.

Ilappliqueunecrèmeetunfilmtransparentpar-dessus.

Etvoilà,jesuismarquéeàvie.JemedemandebiencequeGabrielenpenserait…

J’observe ledosdeLucaspendantque legrandblond termine. Il lui faitun tatouagequi lui couvrepresquetoutlehautdudos.Àmonavis,ilserabonpourrevenirplusieursfoisavecuntrucpareil!

Enfin terminé.Lucasseredresse. Ilneseregardemêmepasavantd’enfilerson tee-shirt.Jerepassemongilet.J’ail’airbienavecmonespècedecellophanesurlacuisse.Heureusementqueleridiculenetuepas!Lucasm’enlaceunenouvellefoisetmeplanteunbaisersurlabouche.

Ohl’enfoiré,ilmelepaiera!

Jejouelejeu,biencontrainteetforcée,maisilmériteraitunebonneclaquedevanttoutlemonde.

Cameronnousaccompagnesurletrottoiretallumeunecigarette.

—Eh, les jeunes. Si ça vous intéresse, samedi on organise une fête chezmoi. Ça serait sympa depasser.—Onbosse,maisouais,pourquoipas?Onessayeradefaireunsaut.HeinRose,qu’est-cequetuen

penses?—Euh...oui,onverra.

Nouslesaluonsetenfinjesuisheureusederepartir.

J’attendsd’êtredevantlavoitureetlepousseauniveaudutorseavecmondoigt.

—ArrêtetondéliretoutdesuiteLucas.Horsdequestionquejecontinueàjoueràça!—Oh,c’étaitpourrire,neprendspaslamouchemabelle.—Etlebaiser,tucroisqu’ilétaitindispensable!—OK,j’aipousséunpeuloin.Maiscen’estqu’unbaiser.

Iladelachancequejesoisreconnaissante,carlàjesuisagacée.Jemonteetclaquelaportière.

Calme-toiRose,tuestropimpulsive.Cen’étaitqu’unbaiseraprèstout,ilaraison.

—OK,jem’excuse.Tupensesmebouderencorelongtemps?—Jeneboudepas.— Super, j’aime mieux ça ! Je te ramènerai des produits pour ton tatouage quand je viendrai te

cherchertoutàl’heure.—Mercichéri!—Là,c’esttoiquimecherches!—J’avoue.

Ilmedéposeet jemedépêchede rentrer. Il estdéjàdix-huitheures trente.Auden’estpas là ; elletravaille, je suppose. Je lui pose de l’argent avec un petitmot sur la table basse. Il faut bien que je

participeauxfactures.J’engardeunpeu.JecompterembourserGabriel:jesaisquec’estluiquiapayécellesdugazetdel’électricité.Çanepeutêtrequeluisicen’estpasValentin.

Je n’ai pas gagné grand-chose, vu que je n’ai bossé que quelques jours. Alors je lui donnerai enplusieurs fois. J’aimerais bien m’acheter quelques vêtements aussi. Je fi le me préparer et avale unsandwich.

3.Lewhiskydudémon

«L’insidieuxagissementdelaviolencepsychologiqueestdeloinplusredoutablequelescoupsportésaucorps.»JérômeCamut

Lasoiréecommencedoucement. Iln’yapasgrandmonde ; jenepensequ’à lui.C’estquandmêmeinsensé que quelqu’un parvienne à prendre possession de nos pensées, comme ça, en l’espace dequelquesinstants.

Lucas,quantàlui,esttrèsenforme.Unejolieblondeluifaitdel’œilauboutdubar.Ilressembleàunpaonlà.Jerigoletouteseule.Ceseraitbienpourluiqu’ilsetrouvequelqu’un,ilesttellementadorable.

Je m’ennuie un peu, alors j’observe les gens qui entrent au fur et à mesure que la soirée avance.DommagequeLucas soit occupéà fanfaronner, carhabituellement, quandc’est calmecommeça,nousrigolonsetnotreservicepasseplusvite.J’aimeraisvraimentaccélérerletemps.J’aihâtederetrouverGabriel,maisj’angoissequandmêmeàl’idéequeçatournemalencoreunefois.

J’observe la jeune fille écrire son numéro pour Lucas quand une voix me tire violemment de macontemplation.

—Undoublewhisky,s’ilteplaît!

Nonpasça!Non,jevousenpriepasça!Jesensmesjambestrembler.

Reprends-toi.

JemeretourneetAlexisestlà,toutsourire,àunmètredemoiàpeine.Unsentimenthorribles’emparedetoutmonêtre.

Commentmecomporter?Jemesauve?J’appelleLucas?Non,mauvaiseidée.Jevaisleserviretluidemandertranquillementdepartir.

J’attrapeunverre,maismamaintremblehorriblement.J’aibeauessayerdemecontrôler,impossible.Sesyeuxsurmoimerendentmalade.Jeremplisleverreduliquidebrunâtreet leposedevantluisansdécrocherunmot.

—Etbienalors,Rose?Tun’espascontentedemevoir?

Vatefairefoutre,connard!

J’aitellementenviedeluicrachermahaineauvisage!Maisladernièrefoisquejemesuisrebellée,j’aiétéviréedemonboulot.

JeregardeducôtédeLucas,concentrésursesclients.

EtGabriel?

S’ilarriveenavance!Ohnon,ilfautquejeleprévienne!

Jesursauteànouveauausondesavoixetfrisonnededégoût.

—UnautreRose!

JesersunautreWhiskyetrassembletoutmoncourage.

—Partd’ici,s’ilteplaît,Alexis.J’aibesoindecetravail.—Tumedonnesdesordres,toi?Jepréfèreattendrequetutermines.

Ilestanormalementcalmeetçanemerassurevraimentpas.

—Tucroyaisquoi?Queparceque«Madame»bossedansunclubbranché,jeneteretrouveraispas?—TunepeuxpaspassertavieàfaireçaAlexis,trouvestoiquelqu’und’autre.Jenesaispas,ilyena

pleindefilles.—Horsdequestion!Tunetedébarrasserasjamaisdemoi!

Ettuverras,tureviendras,degréoudeforce.

Ilcommenceàs’énerver.

—Tunepeuxpasmeforceràt’aimer.—Tum’aimes.Tunelesaispas,c’esttout.

Maisilestcomplètementmalade!Commentpourrait-onaimerunmonstrepareil!

IlfautquejetrouveunmoyendeprévenirGabriel.

JetraverselebaretrejoinsLucas.

—Pausepipi,tumeremplacescinqminutes?—Ouimabelle.

Jemedépêchedefilerauxtoilettesdupersonnel,enprenantsoindenepasregarderlemaladeassisaubar.Qu’est-cequejevaisluiraconter?Mesmainstremblentencore.Jesorsmontéléphonedemapocheavecdifficulté.

Moi : [Gabriel, je suis désolée, mais je ne me sens pas trop bien. Je pense rentrer directement.Pourrait-onreporternotrepetitesoiréeàdemain?]

J’attendslaréponseunmoment,maisrien.Tantpis,ilfautquej’yretourne.Lanauséequimesaisitestviolente ; jepanique.Je traverse lasalleensens inverse,unebouleénormeà l’estomac.Commentmesortirdecettesituation?

Ilesttoujourslàquandjereprendsmaplace.Lucasm’adresseunsourire.Déjà,ilnel’apasimportuné.Jesersunclient,undeuxièmeetpluspersonne.

—Rose,unautre.Tuétaispartieoù?

Ilclaquesonverrevidesurlebar.Jemeprécipiteaveclabouteille;jeneveuxpasluilaisserletempsdecommenceràbeugler!

—Tutesouviensdenotredernièreconversation,n’est-cepas?—Oui.—J’espèrebien!Maintenantquejesaisoùtubossesmapuce,jenetequitteplus,commeavant.

Son sourire est écœurant. J’ignore combiende grammes il a dans le sang,mais s’il pouvait tomberraidemort,çam’arrangeraitbien.

Lucasmerejointetmeparleàl’oreille.

—Ilyaunsouciaveccetype?—Je…non.—Tum’enparleraismabelle?—Oui,oui.

J’aimeraisqueLucasm’aide,maisj’aitroppeurqueçaparteenvrille.S’ilm’entendousiLucass’enmêle,c’estsûr,çafiniramal.

Alexisestdéjàcomplètementraide.Sonregardlubriqueestplantésurmoietjen’aiaucunendroitpourluiéchapper.

—Rose,mapoupée,sers-m’enunautre,soisunegentillefille.

Purée,jevaisvomir!

Ilme dégoûte à un point inimaginable. Jem’exécute. Il en profite pourm’attraper par le poignet etm’attireràluipardessuslecomptoir.

—Alorspetite salope, tuascouchépouravoir cetteplaceouquoi?Tu t’es regardé?Ondirait ladernièredesputesaveccehautrouge.—Lâche-moi!S’ilteplaît,non!

Ilm’agrippelepoignetencoreplusfort,j’aimal.Montéléphonevibresansarrêtdansmapoche.

Undescolossesde l’entrée,Diego ilmesemble,arrive sansqu’Alexis s’enaperçoive,et seplantederrièrelui.

—Monsieur, veuillez me suivre. Je pense que vous avez trop bu et vous importunez une de nosemployées.

Ilme lâche.Lucasestprèsdemoietmedemandedemecacherderrière lui. Inutiledem’enprier ;j’obéis.Alexisn’apasl’airperturbélemoinsdumonde.

—C’estmacopine,jemecontentedel’attendre.

LucasfaitsignedelatêtequenonàDiego.

—Jenelerépéteraipasdeuxfois,veuillezmesuivre.—OK,mapuce.Jet’attendsdehors.

Ilaétéfacileàconvaincre,maisenmêmetemps,Diegoestplutôtimpressionnant.Ilfaudraitenvouloirpoursefrotteràlui.

Jesouffleunboncoup.Cen’estpaspossible,iln’arrêterajamais!Maintenantqu’ilsaitoùjebosse,jesuismal.Ilvasedébrouillerpourquejeperdemaplace.Jedoistrouverunmoyenderentrersansmêler

Lucasàça,ilneferaitpaslepoidscontrececonnard.

—Ehmabelle,çava?—Oui,jem’excusepourtoutça.Décidément,jesuisunbouletpourtoi.

J’ai probablement l’air désespérée, car ma voix est complètement tremblante et mes jambes, pasmieux.

—Neracontespasdebêtises,tumetstoujoursdel’ambiance!Macollègueprécédenteétaitàmourird’ennui.

Ilsemetàrire.Jeluisouristimidementenretour,jesaisqu’ilessaiedemeremonterlemoral.

—Tuleconnaiscesaletype?—C’estcequ’onpourraitappelermonex.

Ilmeregardeavecdegrosyeux,choquéparlanouvelle.

—Décidément,tunedonnespasdanslesromantiquestoi!

Onluiinterdiral’entréesitulesouhaites.

—C’estpossible?

L’espoirmeparcoureenflèche,jeréussiraipeut-êtreenfinàgarderunjob!

—Biensûr!J’entoucheraideuxmotsàDiegoavantdepartir.Cesoir,jesuisdefermeture.Tureparscomment?—Justement,est-cequetupermetsquej’appellequelqu’un?—Ouais,prendstontemps.—Merci,tuesmonsauveur!

Jeluiplanteunbaisersurlajoueetjefilederrière.

Gabrielatentédemejoindrecinqfois.J’appuiesurlerappel.Jen’aimêmepasletempsdeprononcerunmot.

—Bébé,çava?—Non.Écoute,ilyavaitAlexisauSaphir…Ilmecoupe.

—Tonconnardd’ex?—Lui-même.Lasécuritél’aviré,maisjepensequ’ilm’attenddehors,est-ce…—J’arrive.

Maisilvamelaisserparler!

—Attends!—Quoi?—Passepar-derrière,s’ilteplaît.Jeterminedanstroisquartsd’heure.—Jevaisplutôtletrouverpourlecalmer!

J’entendsàsavoixqu’iln’estpastrèsenclinàm’écouteretqu’ilperdpatience,maisjerefusequ’ilailleletrouver.

—Nons’ilteplaît.Çan’arrangerarien.—Turigoles!CesalopardmériteunebonneleçonRose.Tuneterappellespascequetuassubiou

quoi?

Gabrielestdéjàbienremonté;ilfautquej’arriveàleconvaincre.

—Pasaujourd’hui.Jet’enprie,n’yvapas.S’ilteplaîtGabriel!

Mavoixestsuppliante,jeveuxàtoutprixéviterlaconfrontation.Horsdequestionqu’Alexispourrissenotrerelationdéjàchaotique.

—Rose,iln’arrêterajamaissionnelecalmepas!—Pascesoir.J’aibesoinderéconfort,pasd’unebagarre.—OK.

Jesaisqu’ilnem’écouterapas.

—Promets-le-moi!

Ilmarqueunelonguepause.

—Jetelepromets…jeparsetonseretrouvederrière.Soisprudentebébé…

Ilraccrocheaussitôt.J’espèrequematêtedemuledeCompliquéestcapabledetenirunepromesse!

4.Lacolèredel’océan

«L’heurelaplussombreestcellequivientjusteavantleleverdesoleil.»PauloCoelho

Jebossedumieuxpossible,nettoiemoncôtédubaretceluideLucaspourqu’ilmepardonnetouteslescatastrophesquej’accumule.J’aimeraisbienqu’onm’oubliequelquetemps.

L’heurearriveenfin.

—J’yvaisLucas.—Quiestcequiteramène?—Gabriel.—Mêmesijenel’aimepasbeaucoupcemec,jesaisdesourcesûrequ’aumoinsilestcapabledete

protéger,onneluienlèverapasça!

Ilfrottemachinalementlecôtédesonvisagequiporteencorelestracesdesonaltercationaveclui.Jelèvelesyeuxaucielàcegesteetm’éloigne.

—Roseattends!Tiens, je t’ai ramenédusavonantiseptiquepour ton tatouage,n’oubliepasde t’enoccuper.—Ahsuper,merci…àplusLucas.—Àplusmabelle,faisattentionàtoi!

Je pousse la porte de la réserve. Gabriel est là, magnifique, appuyé sur la voiture. Il se redresseaussitôtavecunlégersourire.

Jesuisbiencontenteetsoulagéedeconstaterqu’ilestbeletbienlà!Ilouvrelesbrasens’approchantdemoiet jeme jettecontre lui. Il les refermesurmoi,etenfin, je suisbien... tellementbien. J’oublietoutescesconneriesquimepolluentlavie.

Il caressemes cheveux doucement… son parfumm’avait tellementmanqué… si cemoment pouvaitdurerpourl’éternité!

Malheureusement,ilfautqu’onparted’ici...onnesaitjamais.

Jemedétachedeluiàregret.

—Bébé,çava?Rassure-moi,ilnet’apastouchée?

Savoixestsidouce.

—Non,partonss’ilteplaît.Jeveuxêtreloind’ici.

Ilm’ouvrelaportièreetjem’installedanslaCadillac.

—Tun’étaispasvraimentmalade,n’est-cepas?—Non.J’aimenti.Jepréféraiséviteruneconfrontation.—NerecommenceplusjamaisçaRose!J’auraisdûêtrelà.—Cen’estpasaussifacilequetulepenses.Démarre,s’ilteplaît,jeveuxpartir.

Lavoitureestenfinsur laroute.J’aiévité lepirecesoir,maispourcombiendetemps?JeregardemonmagnifiqueCompliquéetmedemandesijedoisl’oublierpourleprotégerdemonpasséouresteretaffronterçaaveclui.

JeprofitedelaroutepourprévenirAudequejesuisaveclui,qu’ellenes’inquiètepas.

Ilroulesilongtempsquejefinisparm’endormir.Ilacompriscequejedésirais,partirloin,trèsloin…Jenesaispascommentils’yprend,maisjecroisquejeneluiposeraijamaislaquestion…

Unemainchaudecaressemajoue.

—Bébé,réveille-toi.

Jeclignedesyeuxetregardeparlavitre.Noussommesaumilieudenullepart.Iln’yaquelalunequiéclairevaguementlesarbreséparsautourdenous.Ilfaitencorenuit.

—Maisoùest-on?—Tuverrasbien,suis-moi.

Pourquoiest-cequejeposeencorecettefichuequestion?

Il sort et ouvre le coffre pour en extirper un grand sac. Je le suis, encore toute engourdie par lesommeil.Ilposesavestesurmesépaules,m’attrapeparlatailleetm’entraîneavecluiàtraversunpetitchemin.Unparfuminconnumechatouillelenez;c’estagréable.

Étrange,ilyadusableausol...Nousarrivonsenfinauboutdulongchemin,etlà,stupéfaction…Jeresteunmomentsansparvenirà réalisercequim’arrive.Quelquesheuresauparavant, j’étaisharceléeparmonexetterrorisée;ilyaquelquesminutes,jedormaisdansunevoitureetmaintenantmevoilàauborddel’océan!Jen’encroispasmesyeux;jenel’avaisjamaisvudemavie!

Jedoisressembleràunepetitefilleencetinstant.Mesyeuxbrillent.Jesavourelemoment.

—Bébé,enlèveteschaussures.

J’obéisetmespiedss’enfoncentdanslesablefroid;c’esttellementdoux!

—Jen’ycroispas!Jesuisfaceàl’océan!

Je commence à courir, sansmême l’attendre, et je tourne comme une enfant. Je saute et je crie debonheur.Ilestplantélà,àmeregarder,avecunsourire:sasurpriseaeul’effetescompté.

J’aimeleregardqu’ilposesurmoi,celuiquiprouvequ’iltientàmoi…àsamanière.

J’avance jusqu’au bord, me retournant par moment pour ne pas le perdre des yeux. Il installe unecouverture.J’essaiedemettreunpieddansl’eau,maiselleestfroide.Queldommage!

Ils’assiedetjerenonceàcetteidée.JecoursversGabrieletluisautedessus,lefaisanttomberàlarenversesurlacouverture.

—Merci!Merci!Merci!

Jelecouvredebaisers;lesjoues,lefront,lementon,lecou,toutypasse.Ilm’attrapeparlanuquepourm’immobiliseravantdem’embrasserbrutalementetpassionnément.

Çafaisaitsilongtempsquejen’avaispuletoucher,oumêmeleregardersourirecommeencetinstant.Plusrienn’existepourmoiquecevisageauxtraitsparfaits…

Nousrestonsunlongmomentànouscontempler,nousdétailleretnoussourireavecjusteenbruitdefondlesvaguesquis’écrasentàquelquesmètresdenous.Unpurmomentdebonheur,tellementidyllique,quicontrastevraimentavecmondébutdesoirée.UnmomentàlaGabriel,toutsimplement...

Ilfinitpars’asseoiretjel’imite.Ilattrapeunecouvertureetlapassesurnosépaules;noussommescollésl’unàl’autreàadmirercetteétenduemagnifique.

—Rose,jesuisdésoléd’êtreaussiconparmoment.

Quellesexcusesmaladroites!Maisçameva…c’esttellementlui.

—Moiaussi,jem’excused’êtreaussiconneparmoment.

Ilesquisseunpetitsourire.

—J’auraibesoindetempspourm’habitueràtoutça.Enfinjeveuxdire,ànous.

Ses yeux sont plantés dans le sable et je remarque à ces gestes qu’il fait des efforts pour réussir às’expliquer.

—Jesais.—Jen’aipasl’habitudedeça,enfinletruc«vraiepetiteamie».

Cetermem’arracheunsourire;jen’aipasnonplusl’habitude.Laseuleetuniquerelationquej’aieueétaitfondéesurlapeur.

—Moi,pasvraimentnonplus.—Jenesuispastropconscientdecequeçaimplique.—Jecroisqu’onestuncouplecatastrophique;voilàcequeçaimplique.

Ilsouritàmaréflexion,acquiesçant,etmedonneunlégercoupd’épaule.

—Regardeàl’horizonbébé,nousavonsdroitàunbeauleverdesoleil.

Jedétachemesyeuxdeluieteffectivementleciels’éclaircitauloin.Lecalmequirègneesttellementapaisant.Gabrieln’estvraimentpascommelesautres,ilnedonnepasdanslegenre«coucherdesoleilromantique»,ildonnedansdesleversdesoleilencoreplusromantiques!

Aubleuprofonddelanuitsemêlelerougeflamboyantdel’aurore.Nosmainssontentrelacées,leplusbeaumomentdecettejournéeestànous…uniquementànous…

Jemeglissejusqu’àêtredanssesbras;jesuistellementbien,enpaix…

***

Il est seizeheuresquand j’ouvre lesyeux. Je suis chezGabriel.Nous avonsdû rentrervers lesdixheuresdumatin.Ildortpaisiblementprèsdemoi.Jenemesuismêmepasdéshabillée,luinonplus;jecroisqu’onnepouvaitplus.Lafatiguenousavaincus.

Jel’observe;ilparaîtsijeunecommeça.Sonvisageestdétendu,toussestraitsdursontdisparu,sescheveux retombent sur son front, sa bouche rosée et délicatement entrouverteme laisse rêveuse... Cethomme-là,allongéàquelquescentimètresetpourtantsiloinaupaysdessonges,estlaperfectionincarnéeàmesyeux.Celuique j’aimeetquipeut sevanterde réussiràme transporter,mêmedans lapiredessituations.

Jelelaissesereposeretdécidedeprendreunedouche.Mespiedssontsalesdenotrebaladenocturne,j’aidusablepleinlescheveux,etjedoisnettoyermontatouage.J’attrapemesproduitsdansmonsacetétudieattentivementlesétiquettes.

Jemedéshabilleetenlèvelepansementavecdélicatesse;c’estbienrougeetunpeugonflé.Jelaveprécautionneusement. Je suis très fière de mon choix. Je ne regrette pas du tout, par contre j’ai hâted’admirerlerésultatfinal.

Jemesèche,coiffemescheveuxmouillés,passelacrèmesurmontatouageetremetlaprotection.Jedevraispouvoirl’enleverbientôt.

Jem’enrouledansmaservietteetchercheuntee-shirtdansledressing.Parfait.Unnoirferal’affaire.Jel’enfile;ilm’arrivejustesouslesfesses,impeccable.

Qu’est-cequej’aifaim!Jeretraverselachambreetdescendsdoucementpournepasleréveiller.Jedétestevraimentcesescaliers!

Je fouille dans le réfrigérateur et dévalise les placards. C’est l’abondance chez lui ! Je grille destoasts,pressedujusd’orange,préparel’eaupourlethéetducafé.Jesourisquandjetrouvedeuxboîtesdethéaucaramel.Jegrimpesurlachaisehauteetj’avalequelquescéréales,unyaourt,puisj’attaquelestartines.Jenesaispassijeréussiraiàm’arrêterdemanger.C’estaffolantlafaimquitiraillemonventre.

J’entends ses pas sur le métal de l’escalier. Un sourire naît immédiatement sur mes lèvres. Ils’approchedirectementpourm’enlacerpar-derrière.

—Bonjourbébé,biendormi?Disdonc,tusensbontoi.

Ilenfoncesatêtedansmoncouetyposededélicatsbaisersquimefontfrissonner.

—Oui, très bien dormi.Désolée, jeme suis permis de prendre une douche et de préparer le petitdéjeuner.—Tuaseuraison.Tutravaillesaujourd’hui?—Non,pascesoir.—Super,onatoutnotretempsalors!—Oui.

Jesuistellementheureusedeprofiterdecesinstantsaveclui.

—Assieds-toi,jetesers!

Jesautedelachaise,presséedem’occuperdelui;aprèstout,c’estmontour.

Jedéposesoncaféetremetsdestoastsàchauffer.Jesaisqu’ilm’observemêmesijesuisdedos;jesenssonregardsurmoi.

—Jenemedoutaispasquemontee-shirtétaitsisexy!

Jememordslalèvre.Ilmetrouvesexy.Mapetiteconscienceexécutedespirouettesdejoie.

Jemeretournepourluiamenersestoasts,maislà,sonsouriresetransformeeninquiétude.Jedéchanteenunefractiondeseconde.—Tut’esblessée?

Quoi?Jemedétaille,cherchantunecoupureouautre.Mesyeuxtombentsurlepansementénormequifaitletourdemacuisse.Mesmotssonthésitants.

—Noneuh...jemesuisfait…tatouerhier.—Quoi!

Son cri résonne dans l’appartement tout entier. Je tressaille. Effectivement, ça ne lui plaît pas. Jemanquedelâcherl’assietteetlarattrapedejustesse.

—Maisqu’est-cequit’apris?ToncorpsRose,bordel!

Merde,ilestfurax!Ilfautquej’aplanisselasituationetvite.

—Netemetspasdanscetétatpourça.—Non,maisçanevapasouquoi?Turéfléchisdesfois?—Gabriel,jefaiscequejeveuxavecmoncorpsquandmême!

Ilcommenceàm’exaspérerlà!Etilnetrouvepasmieuxquedeseplanterdevantmoi.Ilvautmieuxquejeposecetteassiette.

—Non!

—Quoi,non?—Tunefaispascequetuveux!

Voilàautrechose!Mavoixmonted’unton.

—Etenquelhonneur,jeteprie?

Ilpassesamaindanssescheveux;jesensbienqu’ilnesaitpascomments’yprendre.Ilsoupireungrandcoup,attrapematêtedanssesmainsetplantesonregardencolèredanslemien.

—Écoute-moiRose,tuesàmoi!Etjen’acceptepasquetuabîmestoncorpssiparfait!

Jeneretiensque«corpsparfait».

Iltrouvequej’aiuncorpsparfait!

Maisilestodieux!Etçaluiarrivedecomplimenterdansunétatnormal?Nonbiensûr!

—Detoutefaçon,ilesttroptardetjen’étaisplusavectoiàcemoment-là!

Ilmelâched’uncoupettournecommeunfauveencagedanslacuisine.J’observesesallers-retourssansbutprécis.

—Calme-tois’ilteplaît.J’aibienréfléchiavant.

Jeneluiannonceraicertainementpasquejemesuisdécidéesuruncoupdetête!

Etvoilà, une tassequi traverse lapièce et atterrit violemment contre lemur.Unepersonnenormaleauraittrouvécegestegrave,maispasmoi;jesuishabituéeàcegenredescènes.

Jeprendsuntoncalmeetm’assiedsàmaplace,buvantunegorgéedejusd’orange.

—Çayest,tuasterminé?Onpourraitpeut-êtrefinirdedéjeunermaintenant.

Il regarde autour de lui unmoment, comme s’il revenait sur terre. Son regard se pose surmoi et ilrevients’asseoiràmescôtésensilence.

Delonguessecondesdéfilentavantqu’iln’ouvrelabouche.

—Tusaisquejeneteblesseraijamais,Rose…—Jesais…

J’esquisseunepetitemouerigolote,cequiledétendimmédiatement.

—Alors,c’estquoitonfameuxtatouagebienréfléchi?—Regardepartoi-même!

Ilpivotemontabouretfaceausien.J’angoisseunpeuenattendantsaréaction.Jeleregardedétacherlepansementavecdélicatesse.

Ill’observeunmomentetunsourirenaîtaucoindesabouche.

Yes!

—Tum’asvaincuRose.Ilmeplaît…énormément.

Sesmotsrésonnentàmesoreilles.Jeluiappartiensunpeupluscommeça;noussommesmarquésàl’identique,etcepourtoujours,quoiqu’iladvienne.

—Tuvois,çaneservaitàriendesemettredans…

Jen’aipasletempsdecontinuermaphrasequesaboucheadéjàprispossessiondelamienne.

Sesbrasmesoulèventetilm’emmèneenhaut,jusqu’àlasalledebain.Ilmedéposedélicatementausol.

Ilm’ôteleseulvêtementquej’aisurmoi;jesuistouterouged’êtrenuecommeçafaceàlui.

—J’aidéjàprismadouche.—Pasmoi…etnerougispas,Rose…Ilpassesonindexlelongdemajoue.

Cepetitairinnocentluiconvientplutôtbien,maissesyeuxtrahissentsespensées.Jedécidedoncdel’aideràsedéshabiller.Jedétachesaceintureletempsqu’ilenlèvesontee-shirtetjeprendsplaisiràglissersonpantalonlelongdesesjambes,lentement.Aucunepartiedesoncorpsn’échappeàmesyeux;ilesttellementparfait…

Sonboxer enlevé, ilmepousse sous l’eauqui jaillit déjà surmoi.Elle s’infiltredansmes cheveuxpendantquelesdoigtsdeGabrielsuiventleruissellementsurmondos.J’attrapelegeldoucheetenfaitcouler dansmesmains. Je les pose sur son corps tiède et les balade timidement sur son torse ; il ne

regardequemonvisage,sesyeuxgrisn’ontjamaisétésidoux.Mesdoigtssefaufilentsursesépaules,soncou,sesbras.Jemesurprendsàmemordrelalèvre.Ledésirestmontéenmoi,ilesttroptard.

Je m’approche plus près de lui ; il ne bouge pas. Ses yeux sont toujours rivés sur moi, mais sarespiration s’est accélérée. Ses attentes sont lesmêmes que lesmiennes.Mon cœur bat à la chamadequandmespaumesseposentsursesfessesfermes.Jelescaresseavecplusd’audace.

Unedesesmainspressedélicatementmonseinquidurcitimmédiatementsouscecontact.

Saboucheseposesurmoncou,remontantjusqu’àmonoreille.Etdesavoixrauque,ilfaitfrémirmoncorps.

—TuessibelleRose...tellementbelle.

Je bascule la tête en arrière, lui laissant libre accès à ma gorge. Il me mordille et m’embrasseinlassablement.Sonautremaindescend le longdemahanche.Quelledouce sensationd’êtreentre sesdoigts!Ilmeretournedélicatement;messeinsseretrouventencontactaveclecarrelage.Quelleétrangesensationdechaudetfroid!Ilestdansmondos,collépeauàpeau,sabouchesurmonépaule.

Moncœurcognedansmapoitrine.

—C’estquoicesbleus,Rose?

Ahmerde,pasmaintenant!

—J’aiglissédansladouche.C’estrien.Net’arrêtepas...s’ilteplaît!

Mavoixestsuppliante,jepréfèreéviterqu’ilenchaînesurlesujet.

Il commence sa descente le longdemondos, unemain glissant de chaque côté demon corps et salangue surmapeau,puisplusbas surmeshanches.Sesbaisers arrivent jusque surmes fesses etmoncorpstressaillesoussespetitesmorsures.

Je laisse échapper un gémissement quand il arrive entre mes cuisses, prenant soin de les écarterdélicatement. Ses doigts entrouvrent mes lèvres pour laisser passer sa langue. Oh mon dieu ! Je metortillesouslesnombreuxassautsdesabouche,délicieuxetpassionnés.

Moncorpsestemplidedésiretdeplaisir.Salanguemequitte.J’entendslepetitsachetsedéchireretsenssoncorpsbrûlanttoucherlemien.Jeleveuxluietuniquementlui;j’ailebesoinviscéralqu’ilsoitenmoi,auplusprochedemonâme...

Jem’attendsàcequ’ilmepénètreviolemment,commeàsonhabitude.Maisnon,ilestdouxetdélicat,prenanttoutsontemps.Jegeinsàchaquemouvementdeva-et-vientlangoureuxetsensuelqu’ilm’inflige.

Je brûle de l’intérieur… cette douce torture fait trembler mes jambes ; ses mains se joignent auxmiennessurlecarrelageetnosdoigtss’entrecroisent.Enunriendetemps,jebasculeversl’orgasmeleplusdouxetlepluslongquejen’aijamaiseu,celuiquisecouelecorpstoutentier.

Messpasmesdéclenchentsajouissanceetsesdoigtsenserrentlesmiensfortement.

—Rose…

Jen’aiplusdeforce.Jelesensseretirer.L’eaus’arrêteetilm’enrouledansuneservietteavantdemesoulever.C’est unmomentmagique, celui où je n’ai plus à réfléchir, juste àm’abandonner, le laissers’occuperdemoicommepersonnenel’ajamaisfaitetcommeluiseulsaitlefaire…

***

Ilestétendusurlelitprèsdemoi,vêtud’unsimplepantalonnoir.J’aimemesurprendreàleregarder;jenemelasseraijamaisdececorpssiparfait,j’aimeraisqu’ilm’appartienne.Maisilfautmerendreàl’évidence, je ne sais pas combien de temps cela durera. D’un côté à cause de son caractère, maiségalement dumien et aussi ce qui nous entoure. Toutes ces filles qui le convoitent pourraient, en uninstant,melevoler.

Est-ce que ma peur pourrait me pousser à fuir ? Non, hors de question ! Est-ce que la siennel’amèneraitàmequitter?

Peut-être…Ilestsongeur,lesbrascroisésderrièresatête.

—Tupensesàquoi?—J’aimeraisquetumeparlesdetonputaind’ex!

Jem’attendaisàtoutsaufàça!

—Jenesuispascertainequecesoitunebonneidée.

Ilenlèvelesbrasdederrièresanuqueetsetournesurlecôté,s’appuyantsursoncoude.

—Jedoissavoirbébé.J’aibesoindeconnaîtretoutel’histoire,toutecetteputaind’histoire...

Jen’aipasenviedeparlerdeluietjen’aipasenviedeplomberlajournéeavecça,maisdansunsens,

sijeveuxqu’ilseconfieàmoi,mieuxvautéviterdemebraquermoi-même.

—Trèsbien,jeteracontetout.

Jevoisbienqu’ilesttendu,cequejem’apprêteàluiraconterneluiplairapas.Jevaisévitercertaineschosesetnesurtoutpasluiparlerdesmenacesquipèsentsurlui.

Jeprendsunegrandeinspirationetmelancesuruntonassezmorne.

—Tout a commencé quandAude s’est trouvé un petit ami.Elle était folle amoureuse et rentrait demoinsenmoinssouventàl’appartement.Àcetteépoque,jen’avaisqu’elle.Jen’entreprenaisriensansqu’ellem’accompagne.Letempsétaitlong;jepassaisalorsmesjournéesetmessoiréesàlire.Etpuisunjour,j’airencontréunefillequis’appelaitSiana.Onestdevenueamieetj’aicommencéàlasuivredanssessorties.Ellenefréquentaitpasdesendroitstrèsconvenables,maisjem’enfichais.Jenevoulaispasêtreseule,jel’avaisététropsouvent…

Jetoussotepourm’éclaircirlavoix.

— J’avais vingt ans, je ne savais pas très bien où j’en étais, nous sortions beaucoup. Souvent, jerentraisseule,carSianabuvaitbeaucoupetmoinon,donclesnuitsn’enfinissaientplus.C’estcommeçaqu’unjour,unmecaproposédemeraccompagneretj’aiaccepté.Ilétaitplutôtgentiletjen’étaisjamaisrassurée de traverser la ville en pleine nuit. J’ai donc rencontré Alexis. On a passé de nombreusessoiréesaveclui.Ilétaitunpeubagarreur.IlestsortiquelquessemainesavecSiana.Ilssesontséparés,remisensemble,etséparésànouveau;çaaduréunbonmoment.J’aidûtraîneravecSianapendantaumoinssixmois, jusqu’au jouroùAlexisa jetésondévolusurmoi. Ilnem’intéressaitpas lemoinsdumonde,lesmecsavaienttoujoursétéladernièredemespréoccupations.

Le haussement de sourcil de Gabriel me force à marquer une pause. Je suis tellement tendue deraconterça;desimagespassentdevantmesyeuxaufuràmesuredemonrécit.

—Nemesorspasquec’étaittonpremier?—Sietjen’ensuispastrèsfière.

J’aitellementhonted’avoirétésistupide!Samainmecaressedélicatementlescheveux.

—Continue.—Iln’apaslâchél’affaire.Ilm’accompagnaitàtouteslessoiréesetaévincéaufuretàmesureSiana,

sansquejem’enrendevraimentcompte,jusqu’àtantqu’ilneresteplusquelui...Onallaitsouventchezsespotesquiorganisaientdepetitessoirées.Unjourilm’apousséeàboireetj’aicédéàsesavances.Dèsle lendemain, toutachangé: ilnevoulaitplusquejesorte,alors jenelevoyaisquedetempsentemps.Jemeretrouvaisà lacasedépart,seuleàattendrequ’ildécidedemeprêterattention.Ilsortait

beaucoup à l’époque. Son petit jeu, je l’ai bien comprismaintenant : il avait trouvéma faiblesse. Ilvoulaitquejen’aiequeluidansmavie,commeçailmemanipulaitàloisir.Saufquelecoupled’Audebattait de l’aile et elle est revenue plus souvent à la maison. Ses plans sont tombés à l’eau. Je nel’attendaisplusetça l’amisenrage.J’aicommencéàsortiravecAudelesoirsansqu’il lesache.Jecroisquej’avaisdéjàpeurdeluiàl’époque…

Repenseràcettepériodemecolleunebouledansleventre.

Cen’estvraimentpastrèsglorieuxcommehistoire.

—Unjour,noussommestombéssurluietlasituationaempiré.Ilavaitbeaucoupbu,ilm’aempoignéeparlescheveuxetm’atraînéedehors.Audeatentédemeprotéger,maisilm’ajetédanssavoituresansménagement et il l’a menacée pour l’empêcher d’intervenir. Il m’a emmenée chez lui et a utilisé lechantagepourquejecoucheaveclui.Jen’avaisjamaisvoulujusque-là...Ilm’amenacéedes’enprendreàmonamieetjenesavaispascommentm’ensortiralorsjel’ailaisséfaire…

LevisagedemonCompliqués’estfermé.Ondiraitquemesmotsleblessentautantquemoi.Jepasselesdétailsdecettesoirée,celavautmieux.

—Quelques jours après, il a emménagé près de chez nous et ça a été l’enfer. Il s’estmis à boirerégulièrement. Il a commencé par me rabaisser plus bas que terre, à tout casser parce que je ne luiobéissaispas.J’avais tellementpeurquejemecachaischezmoi.Iladûdéfoncer laported’entréeaumoinstroisfoispourmesortirdelà.

Jesoupire,c’estdifficilederacontertoutça,j’aitellementhontedemavie...

—Audeaappelélapoliceplusieursfois,maisàparttenterdel’intimider,cequiaétéunéchectotal,ilsn’ontpasagi.Il leurfallaitdespreuvesplusconcrètesquequelquesbleusquifleurissaientsurmoncorpsouuneportecassée.J’aivoululequitteràdenombreusesreprises,maisauxcoupsdepoingsesontmêléslescoupsdepieds.Ilmerépétaitquec’étaitmafaute,quec’estmoiquilepoussaisàbout,quejen’avaispasledroitdelequitter,carilm’aimaitplusquetout.J’étaisdésespérée.MaisAudeaprisleschosesenmain.Nousavonsdéménagé ; j’aieuun répitd’unesemaineavantqu’ilneme retrouve.Cesoir-là,jesortaisdutravailquejevenaisdetrouver,ilm’attendaitdanslaruelleàcôté.

Ilm’asuppliéederevenir,ils’estmêmemisàgenoux.J’airefusé,j’avaisreprisconfianceenmoietjenevoulaisplusdelui...jen’aijamaisvouludeluid’ailleurs.

J’ai la nausée.Rienquedem’imaginer ànouveau là, terrorisée contre lemur, la peur remonte à lasurface.Gabrielm’attiredanssesbrasetjem’allongecontrelui.

—Tupeuxarrêtersituveux.—Non,jepréfèreenfiniravecça.

Jereprendsuninstantmesespritsavantdecontinuer;sesbrasautourdemoimedonnentducourage,leurcontactestsirassurant.

—Ilavurougequandj’airefusédepartiraveclui,ilaattrapéunebarreenmétalquitraînaitparterre.Jel’aivufaire,j’aitentédem’enfuir,maisc’étaittroptard.Jel’aireçuenpleindansleventreetjemesuisécrouléesurplace.Ils’estacharnésurmoienmefrappantlatêteausolplusieursfois;jenepouvaisplusbouger,j’enétaisincapable,sesinsultesétaientaffreuses.J’aijustesentisesmainssurmoncouetil…

Leslarmesmemontentauxyeux,maisjelesretiens.Horsdequestionquejepleureencoreàcausedececonnard!

—Ilaserréfort...trèsfort,jenepouvaisplusrespirer,j’aicruquej’étaisentraindemourir…jen’aiplussentiladouleuretj’aijusteeul’impressiondepartir…

J’observeGabriel,sonvisagetranspirelahaine,paspourmoijelesais.Sespoingssontfermésetsesphalangestoutesblanches.

—Jemesuisréveilléeàl’hôpital,j’étaisbelleetbienvivante.Audeavouluquejeporteplainte,maisonm’alaisséentendrequeçaneserviraitàrien.Ellem’abeaucoupsoutenue,heureusementqu’elleétaitlà. Plus tard, j’ai appris que le père d’Alexis était haut placé dans la police. Quoique je tente, ilétoufferaitl’affaire.Malgrétout,iladûêtrecalméparquelqu’un:ilmeharcèleautéléphoneets’acharneàdétruiremaviepourquejeresteseule,maisiln’aplusessayédemetuer.

Jesoupire.

—Voilà...tusaistout.

Gabrielfixelemurenfacedelui.Sestraitssonttirés,legrisdesesyeuxestdevenupresquenoir.

—Disquelquechose,s’ilteplaît…

Mavoixestsuppliante.Jesavaisqu’ilréagiraitmal,maislàjenecernepascequiluipasseparlatêteetçam’inquiète.

J’ail’impressionqu’ilnem’entendpas…Jemeredresseetposemamainsursontorse.

—Gabriel!

Sesyeuxsetournentenfinversmoi;ilssontintenses,maislacolèreadisparu.Ilattrapemonvisage

danssesmainsetmeregarde.

—Écoute-moibienRose,ilnetetoucheraplusjamais…Jem’encharge!

Quoi?

—Tutechargesdequoi?—Delui!

Non,maisilestdingue!J’agitemesbrasdanstouslessens.

—Non,non,turestestranquille.C’estdupassé,jeneveuxpasquetutemêlesdeça!

Ilcaressemajoueduboutdesdoigts.

—Rose,ilt’afaitdumalettucroisréellementquejevaisresterlesbrascroisés?— S’il te plaît, je ne veux pas, ça n’aura comme résultat que d’envenimer les choses ; Alexis

commenceàlâcher-prise.

Gabrieldesserresonétreinted’uncoup.

—Ilsepointesurtonlieudetravailettuappellesçalâcherprise,toi?—Net’énervepas.Situtiensunpeuàmoilaissetomber,ilvatoutgâcher!

Ilreprendunenouvellefoismonvisagedanssesmainsetplanteunbaiserpresquedouloureuxsurmeslèvres.Ilreculeetmeregardeànouveau;j’ail’impressionqu’ilestperdu.

—Biensûrquejetiensàtoi!Maisjeneresteraipascommeça...c’estimpossiblebébé.—Si,biensûrquec’estpossible!

Jeremarquebienàsesmainsqu’ilestnerveux.Sesyeuxcherchentquelquechosed’invisiblepourmoi.

—Jen’auraisjamaisdûteracontertoutça…Ilsefige,commechoquéparmesparoles.—OK,j’essayeraiderespectertonchoix.

Ilsauted’unbondulit.

—Viens,onsort!

Quoi,onsort?Jenesuispashabillée!Ilpèteunplomb?

—Tun’aspasl’impressionqu’ilyaunsouci?

Jeluidésignelaservietteenrouléeautourdemoi.Ilmarqueuntempsd’arrêt,medétaillant,semetàrireetsefrottelanuqueengrimaçant;enfinmonCompliquérevientàlaraison.

—Ons’habillealors!

Ilfoncesurmoi,m’attrapeetmebalancesursonépaule,lepetitcriquejepousselefaitriredeplusbelle.J’avouequej’aimecepetitgestedontilaprislafâcheusehabitude.

—Jen’aipasdevêtementspropres!

Ilmeposedélicatement,réfléchissantunmoment.

—Pasgrave,ons’arrêteracheztoi,cen’estqu’undétail.

J’acquiesceavecunsourireetj’enfilemesaffaires,puisjefourrenégligemmentmesproduitsdansmonsac.

5.Mystèreetjalousie

«Quelasouffranceetlajoiecontinuentdenousenseignerauplusprèslavoiedumilieu.Apprendreàaimerrestel’expériencemajeured’unevie.»PauleSalomon

Danslavoiture,mêmesijesuiscontented’avoiravouétoutesceschoses,jemetorturel’espritavecuntas de questions : nous avons beaucoup parlé, mais, de fil en aiguille, je n’ai pas pu dévier laconversationsurlui.

Illefaitexprèsouc’estmoiquiinventedeschoses?

J’aimeraissavoiroù ilétait ladernièrefois.Pourquoi iladétruit tousses tableaux?Pourquoi ilnevoulaitpasmelesmontrer?Qu’est-cequisepasseavecsonpèreoumêmeavecsonfrère?Gabrielestungrandmystèrepourmoi. Joshaffirmequ’il auncomportement autodestructeur,maisqu’est-cequ’ilsous-entend?

Jel’observependantqu’ilconduit.Ilesttellementsexycemec...

Rose,tuarrêtes!

Concentre-toisurunmoyendel’ameneràparler.Unmoyendétournédepréférence.

C’estbiensûrsanscomptersurGabrielquimecoupeenpleineréflexion.

—Bébé,tuprendslapilule?

Gabriel:1–Tact:0

Non,maispersonneneluiajamaisappriscequ’étaitletact!

—Oui,jelaprends.—Super!Jedétestelescapotes,alorsquandjerentre,onpasselestestsnécessaires.

Etsitumeposaislaquestionpourunefois!Non?Quandilrentrerad’où?Qu’est-cequec’estencorequecettehistoire!

—Quandturentres?—Oui,jeparsdemainpourleboulot,justedeuxjours.

J’écarquillelesyeuxenleregardant,maisilneremarquerien,puisqu’ilsegaredevantchezmoi.

—Tucomptaismeprévenirquand?—Benlà!

Ilhausselesépaules,commesic’étaitnaturelchezluidebalancerlesinfosauderniermoment!

Nousdescendonsdelavoitureetilm’annonce,fierdelui:

—Net’inquiètepas,jeconnaistonnuméroparcœur,jenemeferaipasavoirdeuxfois!

Ilestcomplètementdéconcertant...Commentm’ensortiravecunénergumènepareil!Jesuisobligéederire;ilvamerendrefolle!

Lamontéedesescalierss’achèveencoursepoursuite,carmonsieuradécidédemepincerlesfessesdès les premières marches ! J’arrive en haut, complètement essoufflée. Lui non, en pleine forme,forcément!Petitrappel:memettreausport…rapidement!

Arrivés à l’appartement, tout lemondeest là :Aude,Valentin,Sametquand j’aperçoisLucas,monsangnefaitqu’untouretmesyeuxsedirigentautomatiquementversGabriel.Ilmerassured’unregardetmepoussedansledospourquejelelaisseentrer.

Valentinmesautedessusetmeserredans sesbras, jen’avaispasvumonmeilleuramidepuis troplongtempsàmongoût.Jeleserredeplusbelle.Gabriellèvelesyeuxauciel;jesaisqu’iln’approuvepas,maisiltolère.Detoutefaçon,iln’apaslechoix!

—Mabeauté,tum’asmanqué!—Àmoiaussi!—Tudoisenavoirdeschosesàmeraconter.

IlmefaitunsignedetêteendésignantGabriel.

—Plustardsituveuxbien,onsecontentedepasser.

Audeserapprochedenous.

—Ahnon!Onvientdecommanderchinois.Unpetiteffort,restezavecnous!

Elles’exclamebienfortpourquetoutlemondel’entende; jechercheGabrielduregard,maisilestdéjàassis,unebièreà lamainet ilparleà l’oreilledeLucas. Iln’yapasd’animositécomme jem’yattendais. Je remarque juste que Lucas acquiesce plusieurs fois. Je me demande bien ce qu’ils seracontent!

—Sic’estduchinois,tutedoutesbienquejesuisincapablederefuser!Jefilejustemechanger.

Je me dirige vers la chambre, enfile un jeans, un top et décide quand même de me coiffer et memaquillerpuisquel’ondoitaller…jenesaispasoùd’ailleurs...pourchangerunpeu.

Quand je reviensau salon, jen’encroispasmesyeux !La jalousiemepiqueaucœurde sesmilleaiguilles.SamestcolléecommeunesangsueàGabriel.J’aienviedeluisauterdessus.Mêmesic’estuneamie,c’estuneputaind’allumeuseetincroyablementbelleenplus!Jeravalemonveninavecdifficulté.Jem’assiedsfaceàeuxsurunpoufenpaille.

Valentinestàcôtédemoi.Jem’approchedesonoreille.

—Jelatuetoutdesuiteouj’attendsledessert?—Attendsledessert,j’aienviedevoircommentlebeaugosses’ensortira!

Pasfaux.Ilaraison,attendonssaréaction.Aprèstouts’ilselaissefaire,jelesorsd’iciparlapeaudesfesses!Oupeut-êtreautrement,carjenepensepasêtreassezfortepourça.

—Tuastoujoursraison.—Etsitubuvaisunpetitverrependantlespectacle?—Oui,jecroisquej’enauraibesoin!

Ilmesertuntrucassezfort,jenesaismêmepasquoietjel’avaleavecunegrimace,cequimevautlesfoudres de Gabriel. Tiens, il a enfin remarqué que j’étais revenue ! Son bras repousse Samantha etj’entendsdéjàlescommentairesdeValentin.

—Ilpourraits’ensortirmieuxqueça,tunetrouvespas?—Oui,toutàfait!

J’observeun instantAudeetLucasquidiscutentde jene saispasquoiet jem’en fous.Toutcequim’intéresse,c’estl’autresangsueàquij’envoielepiredesregards,maisquinel’amêmepasremarquétellementelleseconcentrepourbaverdevantmonmec!

—Ah,ilperdpatience!Regardeçamabeauté.

Illuifaitsignedesepousser.Ellerecule…dequoi…deuxcentimètres!

—Peutencores’améliorer,jetrouve.—Ouais,c’estvrai.

Onsonne à laporte,Aude se lèvepour réceptionner la commande.Ellepose le tout envrac sur latable.

LeregarddeGabrielestsurmoi;ilmelancedesappelsausecours.

—Ah,pasmallecoupde«sauve-moi-chérie»!Ilremontedansmonestime!

Jeluidonneuncoupdecoude.

—Arrête,jevaisexploserderiresitucontinues.Jefaisquoid’aprèstoi?—Turesteslàbaby!Jesuissûrqu’ilad’autrescartesàjouer.

Monmeilleuramietmoisommessurnotreplanète.JesuisrassuréequeGabrielnerépondepasàsesavances.Jel’observelapousserd’uncoupetboom,elles’écroulelamentablementsurlesol.

Onlaisseéclaternotrejoieenmêmetempsensetapantdanslamain.

Quandnousnousretournons, tout lemondenousregardeetpluspersonneneparle…Oups…Àvoirleurstêtes,l’alcooln’aidantpas,j’éclatederire,suiviedeprèsparValentin.Gabrielaunlégersourireauxlèvres;jecroisqu’ilacomprisnotremanège.

—Bébé,laplaceestlibre.

Ilposesamainsurlecanapé,medésignantlaplaceencorechaude.J’interpelleValentinquin’arrêteplusdesemarrer.

—OùestSam?—Elleestpartieauxtoilettes,jecrois.RejoinstonRoméomabeauté!—Ahnon,pasRoméo,jet’enprie!Çaseterminedanslamortetleslarmescetruc.Nemeportepas

lapoisse!—File!

Ilmepoussepourquejemelève.Jem’empressedemeblottircontreGabrielquim’accueilleavecunplaisirnondissimulé.

Samantharevientdeseslonguesminutesdedisparition.Ellenemarchepastrèsdroit,elleasûrementtrop bu. Mais je ne lui pardonnerai jamais, alcool ou pas ! Ma tendance obsessive pour Gabriel acommencéavecmajalousieenversRoxanne.Cesentimentestpirequetoutetj’aiunbesoinvitaldemevengerdeSam!Est-ceuneréactionnormale?

Jen’ensuispasbiensûre…

Comment y échapper avec sonmétier ? Je ne peux décemment pasm’en prendre à chaque fille quil’approche!Enyréfléchissantbien,ilcroiseprobablementdesfemmesmagnifiquesàlongueurdetemps!Rienqued’ypenser,j’enailachairdepoule!Qu’est-cequ’ilmetrouve?Pourquoimoi?

Samainserrelamienne.

—Bébé,çava?Tunemangespas?

Jesuispartiedansmesdivagationset j’enaioublié lemondeautourdemoi.Retoursur terreRose,profitedeluiletempsqu’ilestàtoi!Çanedureracertainementpas...

J’attrapelaboîteetlesbaguettesqu’ilmetendetjeluioffremonplusbeausourire.

—Çavatrèsbien!

L’ambianceestplutôtbonne.JenepensaispasqueGabriel,bienquetrèspeubavard,puissepasserunesoiréeentièreavecmesamis.

ValentinprofitequeLucasabandonnesaplacepouraiderAudeàdébarrasser,puiss’installerprèsdeGabriel.

—Dis-moiGabriel,tut’yespriscommentpourdevenirmodèle?—Cen’étaitpasvoulu.Onm’arepéréàmesseizeans,maismesparentsontrefusés,enfinsurtoutmon

père.Mais l’agent qui s’occupedemoi actuellementn’apas lâché etm’a recontacté régulièrement.Àvingtetunans,jemesuisdit«pourquoinepasessayer».Etpuistouts’estenchaînétrèsvite.—Etavectonfrère,ilsn’ontpastenté?

Gabrielsemetàrire.

—Si bien sûr, il nous voulait tous les deux au départ. Mais après, le choix s’est arrêté sur moi.

J’ignorepourquoid’ailleurs!

Moijesaispourquoi!Ilsontbeauseressembler,ilssontsidifférents.Joshn’apasdutoutlemêmecharisme. Jen’imaginepas son frèredanscemilieu.Quoique, celam’arrangeraitbienqu’ilprenne saplace!

—Ettugagnesbientavieavecça?

JefusilleValentinduregard.

Non,maiscelui-là!

Pluscurieuxqueluiiln’yapas!

—Audébutpastrop,maismaintenantjenem’enplainspas,jegagnetrèsbienmavie.—Tupensescontinuerçalongtemps?—Jenesaispasvraiment,pour lemoment jenemeposepas trop laquestion.Onmeproposedes

contratstouteslessemaines.—TuasunplanBaumoins?

J’écoute avec attention la conversation.Valentin s’y prend plutôt bien etGabriel est calme pour lemoment,alorsc’estunbonmoyend’enapprendreunpeuplus.

—Oui,biensûr.Jedevraisobtenirmondoctorat,sitoutsepassebien.

Quoi!Undoctorat?Maisilbossequand?Alorslà,jeneseraispasassise,jeseraistombée.Valentin,lui,al’airravidelanouvelle.

—Quelgenrededoctorat?—Enmédecineexpérimentale.Mondomaine,c’estlagénétique.—Sympa!Quiauraitcruça!HeinRose?

Jemesuistotalementratatinéesurmonsiège.Pourquoinemeparle-t-ilpasdetoutça?

Gabrielsetourneversmoi.

—Rose,toutvabien?—Oui,oui,désoléejenevousécoutaispas.

Menteuse!

Jecroisquej’aihontedenerienconnaîtredelui,maisilaunteldonpouréviterderépondreàmesquestionsquejen’aimêmepaspenséàluidemanderdeschosesaussibanalesquecelles-ci.

LetéléphonedeGabrielsonne.Ilregardel’écran.

—Excusez-moi,jereviens.

Ilsortsurlepalier.Jesaisqu’ilyadubruit,maisjen’aimepastropça.Quiest-ce?Habituellement,ilrépondtoujoursprèsdemoi.

Valentinserapproche.

—Etbienmabeauté,iln’estpasbête,enplusd’êtrebeaugosse.Tuasdécrochélejackpot!—Cen’estpascequim’intéresse.—C’estunplusquandmême.Beauetintelligent,neteplainspasnonplus!—Non,jenemeplainspas.

Jesuisagacée.Jeneleconnaispas,c’estsurtoutçaquimecontrarieetilenmetdutemps,qu’est-cequ’ilfabrique?

—Arrêtedetirercettetête!—Quelletête?—Tatêtedeboudeusecontrariée.Qu’est-cequ’ilya?—Jen’arrivepasàl’ameneràmeparler.C’estunmystèrecemec:ilarrivetoujoursàdétournerla

conversationsurmoi,ouilcoupecourtquandjeréussisàapprendrequelquechose.—Pourquoitunel’imitespas,alors?

Valentin hausse les épaules, comme si c’était évident.Ça se voit bien qu’il ne sait pas comment ilfonctionne.

Gabrielrentreenfin!Etrevients’asseoiràmescôtés.

—Bébé,ilfautquej’yaille.

Non,non,non!

—Ahbon,déjà?

—Oui,unpoteabesoindemoi.

Gabrieladesamis?Jen’enaijamaisaperçul’ombred’unseul.

ArrêtetapsychoseRose!

Jesuisdéçuequ’ilnerestepas,surtoutqu’ilpartdemain.

—Onnedevaitpasfaireuntrucensemble?—Jesuisdésolé,nem’enveuxpas.Onremetçaàplustard?Tum’accompagnesenbas?—Oui,jeprendsungilet.J’arrive.

Jesuistotalementdégoûtée!

JemelèvepourenchercherunpendantqueGabrielprendcongédemesamis.

Jeressorsdelachambreet,aupassage,écrasevolontairementlepieddeSam;ellenel’aurapasvolé!

Ellepousseunpetitcri.Jesourisintérieurementetfaiscellequin’arienentendu,niremarqué.LepetitsourireencoindeGabrielparcontre,lui,jenel’aipasloupé.

Danslacaged’escalier,jedécidedeprofiterdumomentpourrelancerlesujet.

—Pourquoitunemeracontesjamaisriensurtoi?

Ils’arrêtenetdanssalancée.

—Commentça?—Etbientumeposesuntasdequestions,jeteracontemavie,maistoitunedécrochesjamaisunmot

surtafamilleoutesamis.Jenesavaismêmepasquetuétudiais.

Sonvisagechangesoudain.Ilseferme,commejeleredoutais.

—Iln’yapasgrandchosesàdire.

Jecommenceàperdrepatience.Çadevientpénibleàlafin!

—Biensûrqu’ilyapleindechosesàdire!Meparlerdetavie,detesrêves,detapeinture,detes

photos!

Jem’énervecommeunpuceronfaceàmongéantd’aumoins1mètre90…Luiaperdusonaplomb,sesyeuxbalaientlecouloircommes’ilcherchaituneportedesortie.

—Bébé,pourquoitumeparlesdeçaquandjedoispartir?—Parcequej’enaimarreetquej’aienviedeteconnaître!

Il attrape mon visage entre ses mains. Ce contact me calme immédiatement. C’est déloyal commetactique!

—Rose,tumeconnaisdéjàmieuxquepersonned’autre,alorsneteprendspaslatêteavectoutça.—Maistoutça,cesontdespartiesdetoi!—J’essayeraidefaireuneffort,promis.

Oh c’est pas vrai. Il a cédé face à moi ! J’ai réussi ! Maintenant, j’ai hâte de voir s’il tient sapromesse...

Jeluisouris,unpeurassuréed’avoireuunsemblantdeconversationaveclui.

Nousreprenonsladescente;jenesaistoujourspasoùilva.Arrivéesurletrottoir,jetentelecoup.

—Quiest-cequiabesoindetoiàcetteheure-là?—Unpote.Qu’est-cequetuveuxquejeteracontedeplus?Ilm’ademandéuncoupdemainurgent,

doncvoilà,jenepeuxpasrefuser.Ceseraitpareilpourtoietundetesamis,jesuppose.

Ehbien,ilestvraimenttropfort.J’abdiquepourcesoir…

—OK,àdansdeuxjoursalors,MonsieurCompliqué!

Ilmedévisage,amusé.

—Monsieurquoi?

Ohmerde!Çam’aéchappé.Jememordslalèvreparréflexe:mamillièmebêtisedelasemaine.

—Ohrien!

Jenepeuxmeretenirderire,maîtrise-toiRose!

Ilposeundoigtsousmonmentonpourrelevermatêteverslui.Sonsourireestmagnifique.

—Toi,tumeraconterascequec’estquecettehistoirequandjerentrerai!Pourlemoment,j’aienviedeça.

Ilposesabouchesur lamienneet sa languen’apasbesoind’autorisationpour franchirmes lèvres.Mesmainss’enfouissentdanssescheveuxetjetiredélicatementdessus,sonétreinteseresserre.Toutàcoup,sesmainsmerepoussent.

—Arrêtebébé,ilfautvraimentquejeparteetlà,tunem’aidespas.

Ildéposeunbaisersurmonfront.

—Appelle-moiquandturentres.—Jen’attendraipasderentrerpourteparlerRose.

Jeleregardemonterdanslavoiture;lasensationdemanques’insinuedéjàenmoi.Jefaisfairedemi-touràmesballerines,àcontre-cœur.Jeremonteenprenanttoutmontemps.

6.QuiestGabriel?

«Mieuxvautuneamitiésincèrequedescamaradessuperficielles.»MarcLévy

Jeretrouvemesamisentraind’improviserunkaraoké…Non,ilssontsérieux?

Valentins’approchedemoi,metendantlemicrosouslenez.

—Allezbeauté,chante-nousunepetiteberceuse!Jepousselemicrodelamain.—Çanevapas?Arrêteavectontruc!

Jem’installe sur le canapé et observemes amis, dépitéepar le spectacle. Ils ont tropbu, c’est unecatastrophe.Enplusilschantenttousfaux,mesoreillesnesupporterontpasçalongtemps.

J’ai envie de balancer ma chaussure sur Sam. Elle m’énerve au plus haut point ; je n’en revienstoujourspasdecequ’elleaosémefaire!C’estterminé.Unechosecommeça,jenepeuxpascautionner.

Lucass’affaled’uncoupàcôtédemoi.

—Jecroisquej’aitropbu!—Oui,jecroisaussi.Tudevraisarrêtermaintenant.

Ilserapproche,commes’ilavaitdumalàmedistinguerdelàoùilétait.

—TusaisquejetetrouvetrèsbelleRose.

Ohnonpasça!

Encoreunquiestamoureuxdetoutlemondequandilestivre!Onn’avaitdéjàpasassezdeSam!

Jereculelégèrement.

—Merci.

Etvoilàqu’ilserapprocheànouveau.Trouverunsujetdeconversationpourleforceràabandonnerl’idéequiluiagerméderrièrelatête.

—Tunechantesplus?—JesuissérieuxRose!

Quelqu’unpourraitm’aider?...Non?Personne?

—Lucas,raconte-moiplutôtcequeGabrielt’asconfiétoutàl’heure.—Ah,levoilàencorelui.Ilmepourritlaviecemec!

Ilsemetàrireetjen’ycomprendsabsolumentrien.

—Quoi?—Non,nonrien.Ilmedemandaitjustedet’emmeneretteramenerauboulotdemain.—Pourquoi?—Jenesaisplus…

Paspossible;ilvaréussiràseconcentreroujeluibalanceunseaud’eau?

—UneffortLucas,s’ilteplaît!—Ahouais,parcequ’ilapeurquetonexnerevienne.—Maistun’aspaslesmêmeshorairesquemoi!—Ilchangerameshoraires.—Commentça?—C’estlefilsdenotrepatron,jeterappelle!

Il recommenceà rire toutseul.Cesnazesnepeuventpasarrêterdebraillerdans leurmicro?C’estinsupportable!

Je ne comprends pas pourquoiGabriel se comporte comme ça. J’avoue que l’attention est louable,maisilauraitpum’enparlerquandmême!

Gabriel,tuesvraimentdifficileàsuivre!

Samsecollecontremoi.Alorsça,non!Jelarepousse,agacée.

—Iltientàtoicemec.

Alorslà,elleexagère!

—Écoute-moibien,toi,lagarcedeservice.Nem’approcheplus.Toncomportementdecesoir,tumelepaieras!

Larageboutenmoi.Jemelève.Jem’aperçoisquetoutlemondemedévisage:Samanthaestbouchebée.J’aimeraisbienqu’ellegobeunemouche,cetteconne!

Jeregardemesamisunparunetdécidedenepasenrajouter,alorsj’annonceavecunaplombpompésurceluideGabriel:

—Jeparsmecoucher,bonnesoirée.

Jefilelatêtehautedanslachambreetclaquelaporte.

Jemejettesurlelitetfourremonvisagedansl’oreiller.

Jen’entendsquedesmurmuresdel’autrecôté.Onparlesûrementdemoi…

Laportes’ouvre.Ohpaspossible,lâchez-moilesbaskets!Jesensquelqu’ungrimperdanslelit.JetournelatêteetregardeAudes’allongerprèsdemoi.

—Çava?—Qu’est-cequeçapeuttefaire!

Jeme retournedans l’autre sens.Pourquoiest-ceque je suisde simauvaisehumeur?Parceque jedéchargemacolèresurSam,ouplutôtparcequeGabrielestparti,ouencoreparcequej’ignoreavecquiilestparti? Jenesaispasvraiment,maismamauvaisehumeurestbeletbien làet s’accrocheàmoicommeunparasite.

—Rose,nesoispasaussiagressive.TuconnaisSam,neluienveuxpas.Elleatropbuetnesaisplustropcequ’ellefait.

Jemeretourneetluibalanceuncoupd’oreiller,puisleremetsàsaplaceetmerecouchedessus.

—Situn’asquedesconneriescommeçaàdire,dégage!—Arrêteunpeu,jeneladéfendspasnonplus!

Jem’assiedsdanslelit,latoisantduregard.

—Biensûrquesituladéfends!Tufaisçatoutletemps,défendrelesgens!Mêmelespluscons!—Pourquoies-tusiencolère?Parle-moiRose.

Elletentedemettrelamainsurmonbras,maisjelarepousse.

—Jenesuispasencolère!

Ellemedévisageavecsespetitsyeuxtoutronds,essayantdejaugercequipourraitbiensetramerdansmatête.

Jedétestequandellefaitça!

—Tul’aimes,hein?

Jehausselesépaules.

—Jen’ensaisrien.

Biensûrquejel’aime,jesuiscomplètementdinguedecemec!

—C’estbiencequejepensais!

Qu’est-cequ’elleraconte?

—Quoi?

Elles’assiedfaceàmoi.

—Tul’aimesettunegèrespasdutoutlasituation.—Sûrement,situledis!—Rose, tu ne peux pas agresser tout lemonde comme ça, juste parce que tu ne contrôles pas tes

sentiments.—Jen’agressepersonne!—Biensûrquesi!

Jesoupire.Ellenemelâcherapas!

J’attrapelecoussin,leposesurmesgenouxettapotedessus,irritéeparlaconversation.

—AllezRose!C’estmoi.Tusaisquejepeuxtoutentendre.Ilt’afaitquelquechose?—Non,ilnem’arienfait!Gabrielestquelqu’undespécial,maisiln’estpasaussiméchantqu’ilena

l’air.

C’estvraiquevudel’extérieur,iln’estpastoujourstrèsagréable,pastrèssouriantetdistantbienquejetrouvequecesoir,ilaquandmêmefaitunpetiteffort.

—J’aiunpeupeurpourtoi:ilestassezimpulsif.Jen’aipasenviequeleschémad’Alexisserépète.IlaquandmêmemisuneracléeàLucas.—NelecomparepasàAlexis,jet’enprie!Gabrielnelèverajamaislamainsurmoi!

Non, mais elle craque ! Bon, elle a peur pour moi, certes, mais je le sais, je le sens. Il ne secomporteraitjamaiscommeça,c’estcommeuneévidence.

—Commentenêtresûre?—Parcequejelesais,point...—Etaufait,Lucasm’aracontépourAlexis.IlétaitauSaphir?Qu’est-cequ’iltevoulaitcettefois?—Commed’habitude,quejerevienne.C’esttoujourslamêmehistoirequiserépèteenboucle.—IlestaucourantpourGabriel?

Biensûr,cetenfoirésaitetestbiendécidéàmepourrirlaviejusqu’àlamort!

—Non,ilignoretout.

Jenepeuxpasluiraconter,mêmesijemeursd’enviedel’avouer,àelleouàValentin.Maisilnefautpas.Jemedébrouillerai.Jen’aipasencoretrouvécomment,maisilnedoitpasapprocherGabriel!Lecacher,çaseradifficile,ilnepassepasinaperçumonCompliqué.Jechercheraiunmoyenquandj’aurailesidéesplusclaires.

Ellesetriturelescheveux,signequ’ellemecachequelquechoseetnesaitpascommentledire.

—Qu’est-cequitetrottedanslatête?—Gabrielm’aposédesquestionssurAlexisquandtutechangeaistoutàl’heure.

Gabriel,tunepeuxpasrestertranquillecinqminutes?

—Quelgenredequestions?—Sijesavaisoùiltraînehabituellementouencoreoùilhabite.

—Tuastenutalanguej’espère!

Jevoisdéjààlamouequiapparaîtsursonvisagequ’elleluiatoutraconté!

—Justelesbarsqu’ilfréquente.Jetejurejen’aipasditoùilhabite!

Ellelèvelamaindroitecommesielleétaitautribunal.

—Pourquoi?Oh,Aude!Qu’est-cequit’estpasséparlatête!—Jesuisdésolée,maisilinsistaitetcen’estpastrèsfaciledeluicacherquelquechose.J’aipensé

quec’étaitmoinsgravequedeluidonnersonnomousonadresse.

JesaisqueGabrielobtienttoujourscequ’ilveut.Sonpouvoirdepersuasionestcommeunesecondenaturechezlui.Etbienvoilàunnouveauproblèmedetaille!Ilfautquejeluiparledeçadèsqu’ilrentre!Horsdequestionqu’ils’ymetteaussi:jenepourraipascontenirtoutlemonde.

—Rose,parle-moidelui.Ilsecomportebienavectoi?

C’estreparti!

—Jel’aime,c’estcequetuveuxentendre?Ilmerenddingue,maisoui,jel’aime!

Aude reste figée devantmoi avec de grands yeux, comme si elle ne s’attendait pas à ce que je luicrachelemorceau.

Oh,çafaitdubiendeledire!

—Etlui?—Etluiquoi?—Ilt’aime?

Pourquoimedemande-t-elleça?Jen’ensaisfichtrementrien.Jepense.Maisenréalité,jen’ensuispassûredutout.

Ilaavouéteniràmoi,maisçanesignifiepasqu’ilm’aime.

—Jenesaispas.C’esttroptôt,jepense.

Elleestinquiète.Enfin…elleesttoujoursinquiètepourmoidetoutefaçon.

Je me lance dans la description de ma nuit au bord de l’océan et je sens que cela l’apaise. Moiégalement.Parlerdecettemagnifiquenuitavecluimerassure.

Aude est une éternelle romantique et je me rends compte qu’elle change d’avis sur lui au fur et àmesuredemonrécit.

7.Moncélibatairedel’année

«La jalousienepermet jamaisdevoir leschoses tellesqu’elles sont.Les jalouxvoient le réelà

traversunmiroirdéformantquigrossitlesdétailsinsignifiants,transformelesnainsengéantsetlessoupçonsenvérité.»MigueldeCervantes

J’entendsmontéléphonevibrer.Jen’aipasenviedemeréveiller,maissic’étaitGabriel...Jetendslebrasetloupemoncoup:iltombeparterre.

C’estpasvrai,c’estbienmaveine!

Jemerapprocheduborden rampant, ilest trop loin. Jem’étireaumaximum, le toucheduboutdesdoigtsetvlan,mevoilàétaléedetoutmonlongsurlesol!

J’aientraînélalampedechevetdansmalamentablechute;elles’estécraséeparterredansunbruitfracassantdeverrebrisé.

Audeseréveilleenbondissant.

—Qu’est-cequisepasse?

Jemerelèveavecunpeudemal.Lachutem’asecouéeetmoncorps,lui,n’apasapprécié.

—Rien,rendors-toi!

Elleserecoucheetserouleenboule.Jeremonteetm’assiedscontreledossierdulit.Pourlalampe,jeverraiplustard.

J’aiaumoinsdixmessagesd’Alexisquej’effaceaussitôt,regrettantcegestelasecondesuivante.Ets’ilmeparlaitdeGabriel!

Zut.Ilyadesjoursoùjeferaismieuxderéfléchirunpeuplus!

J’aiunmessagedeGabriel.Moncœursemetàbattrelachamaderienqu’àvoirsonprénomapparaîtresurl’écran.

Gabriel : [MonsieurCompliquéaimerait savoir siMademoiselleCurieuseapasséunebonne findesoirée.PS:Ilaimeraitégalementsavoirsielleapenséàlui…]

Commentavoirlesourireauréveil,mêmeaprèsunemauvaisechute?AvoirunGabrieldanssavie,çaaidebeaucoup!MademoiselleCurieuse?Mêmepasvrai!

Jepianoteenhâteuneréponse.

Moi:[MademoiselleCurieuseapasséunesoiréemémorableàécouterunebandedepieslégèrementalcoolisées(dontunepievoleuse)chantercommedescasserolesdevantunpetitécrandetélévision!PS:Peut-être,etlui,ilapenséàelle?]

Jeserremontéléphonecontremoi.Qu’est-cequejepeuxêtreidiotedesfois!

Gabriel:[MonsieurCompliquél’aéchappébelle!PS:Commentça«peut-être»???]

Ilcourt,commetoujours.C’esttellementfacileaveclui.

Moi:[MonsieurCompliquéaeuplusdechancequeMademoiselleCurieuse,çac’estcertain!PS:Biensûrqu’elleapenséàlui,ellen’afaitqueçad’ailleurs!Etlui?(2eédition).]

J’attendslaréponse,unsourirefichésurmeslèvres.

Gabriel:[MonsieurCompliquédoithélasreprendreleboulot...PS : Bien sûr ! Il ne fait que ça lui aussi. Pour répondre à une des nombreuses questions de

MademoiselleCurieuse:ilnepeintplusdepuislongtemps.Ilneprendplusdephotosnonplus.Maisilvasûrements’yremettre:sonfondd’écranneluisuffitplus...]

Sonfondd’écran,maisqu’est-cequ’ilraconte?Jenelesuisplus,jesuislarguée!

[Déjà!MademoiselleCurieuseestdéçue…PS:Tonfondd’écran???]

Pasderéponse.Cen’estpasunhasard.Mebalancerçaalorsqu’ilretournejouerlesbellâtresdevantlesappareilsphoto!Jevaiséviterdepenseràça,cars’ilyadesfemmesaveclui,j’enseraimalade.Jedécidedoncdemelaveretdenettoyermontatouage.

Çam’énerve.J’aibeauessayerdemeconcentrersurautrechose,jen’arrêtepasdepsychotersurle

faitqueGabrielpourraitavoirunefilledanschaqueport.Maisqu’est-cequinetournepasrondchezmoi?J’appelleValentin!

Jesorsdelasalledebain,habilléeetmaquillée.J’attrapemontéléphonerestésurlelitetappuiesurlatoucheappel.

—Beauté!—Tufaisquoi?—Bonjour.Oui,jevaisbienettoi?—Ouais.Bonjour.Désolée.—Jeviens,c’estça?—Ouis’ilteplaît.—Poupée,jesuisencourslà.

Pourtouteréponsejegrogne.

—Bonécoute,jefinisdansuneheure.Jeterejoinsdirectçateva?—Jet’adore!—Ouais,jesais.

Ilme raccroche au nez. Il est onze heures. Je sors chercher un petit quelque chose pour préparer àmanger,çam’occupera.

J’attrapemonsacetdévalelesescaliers,directionlesupermarchéducoin.

Ilfaitchaud.Onserabientôtenété,maisons’ycroiraitdéjà.J’attachelegiletquejeportaisautourdema taille. Jem’occupe assez rarement des courses : c’est vrai que c’estAudequi se chargede ça engénéral.Ilfautdirequej’achètesouventn’importequoi,alorsellem’avitedéchargéedecettecorvée.

J’essaiederéfléchiràcequejepourraispréparerpourlerepas,quandmesyeuxcroisentunregardquim’esttropfamilierdevantlekiosque.Jereculededeuxpasenarrière.

Jen’ycroispas,c’estGabrielsurlacouvertured’unmagazine!Etilsontosémettreungrostitre:

GABRIEL,ÉLULECÉLIBATAIRELEPLUSENVUEDUMOMENT!

J’avance:c’estbonj’enaiassezvu.Jemarchevite,jenevaispasdonnerunenouvellechanceàmapsychosenaissante!

Ahetpuismerde!J’exécuteunrapidedemi-touretachètecefichumagazine.Jeleglissedansmonsacetfileausupermarché.Jenesuispasconcentréedutout.Jeprendsdespizzaspourlapeine,ducocaetjefonceà lacaisse, le toutenmoinsdetroisminutes.Jemarcheà toutevitesse,maisplus j’approchedel’appartement,plusjeralentislepas.

Est-cequej’aivraimentenviedesavoircequ’ilyadanscetarticle?Etsicen’étaitpasunebonneidée?Quandj’arriveenhaut,jemesuismised’accordavecmoi-même:jeneleliraipas!

J’ouvrelaporteetlebalancesurlecanapé.Jerangemescoursesdanslacuisine,meprépareunthé,m’assoisetallumelatélévisionpourmechangerlesidées.

Jejetteuncoupd’œilaumagazine.C’estaffreux,j’ail’impressionqu’ilm’appelle!

Rose,pensesàautrechose!

Jeregardel’heure:ilnes’estpasséqu’unetrentainedeminutesetilresteautantdetempsavantqueValentinn’arrive.Jemerongeunonglemachinalement.

QuoiqueValentin,curieuxcommeilest,voudrale lire.Doncj’enconclusqu’ilvautmieuxqueje leliseavantlui,ceseraitpréférable.

Jel’attrapeetcherchelapageavecfrénésie.

Etlevoilà,monbeauGabriel,torsenu.Biensûr!

Àlavuedetous...oudetoutes,devrais-jedire!

Ilsreprennentletitredelacouverture,jenem’attardepasdessus;c’esttropénervant!

Jecommencelalecture,méfiante.

«Deséancesphotoauxquatrecoinsdumondeensoiréesmondainesdansleclubhéritédesonpère,leséduisantetmystérieuxGabrielestlecélibataireleplusconvoitédumoment.»

Benvoyons : la tête des soiréesmondaines !Le plus convoité dumoment…allons-y gaiement ! Jesoupire.Çacommencefort!Deplus,iln’ahéritédepersonne:sonpèreestencoreenvieàcequejesache!Çam’énerve!

«Onneluiconnaîtaucunerelationsérieuseàcejour!»

Jeledéchiremaintenantcefichumagazine,ouj’attendsencore?Jeprendsunegrandeinspirationpourm’attaqueràlasuite.

«Duhautdeses1mètre89etsesmensurationsparfaites,lebeauetsexyGabriel,»

Etonenremetunecouche!C’estbon,onacompris!!!

«vingt-huitans,nepeutenlaisseraucuneindifférente.»

Jechiffonnelemagasineetlelanceàtraverslapiècedetoutesmesforces.

Il fautque jemecalme.Cen’estqu’unarticledemagazineàpotinsaprès tout. J’aiun regret. Je lerécupère.J’essaiedel’aplatircommejepeux.Puisjerecherchel’articlepourarracherlapageoùilyasaphoto.Jegardeaumoinsça!

Audearrivesanspréveniret jesursaute.Enmême temps, jenevoispaspourquoiellepréviendrait.Aprèstout,elleestchezelleaussi.

J’essaiedemeressaisiretl’observeallumerlacafetière.

Ellemeregardeencoreàmoitiéendormie.

—C’estquoicettetête?Tuasvuunovni?—Euh,non…jeréfléchissaisàuntruc.

J’attrapemon thé etm’assieds en planquant lemagazine sous un coussin. J’avale quelques gorgées,fixantlatélévisionunlongmomentsansvraimentm’yintéresser.

Jemerelèvepourmettreàchaufferlespizzas.Valentinnedevraitplustarder.

Justement,onfrappeàlaporteetjemeprécipitepourluiouvrir.Monmeilleuramial’aircrevé.Jenepeuxm’empêcherdeluifaireremarquer...

—Tuenasunetête!—Jetesignalequ’onétaitàlamêmesoiréehieretquemoij’avaiscourscematin!—Ahoui,monétudiantmodèle,j’avaisoubliécepetitdétail.Entre,ilyadespizzasaufour.—Tum’aspréparéàmanger!Sérieusement?

Ilsemetàrireetjeluienvoieuncoupdecoude.

—C’estbon,n’enrajoutepas.Jefaisdesefforts!

Ilmetlesmainsdevantluipoursedéfendre.

—Jen’airiendit!

Jesersdeuxcocas,Audenoussignifiequ’ellefileprendreunedoucheet jeregagnemaplacesurlecanapé,posantnosverressurlatablebasse.

—Valentin,j’aiuntrucàtedemander.—Vas-ypoupée.—Tucroisquec’estnormalquejedevienneparano?—Parano?Explique-toilà.—Jesuisjalouse,jecrois...non,enfait,j’ensuissûre,maisçamerenddingue!—Vraiment?Dustyle,tunesupportespasqu’unefilleluiparle?—Jenesaispastrop.Jen’arrêtepasdepenserqu’ilpourraitavoirquelqu’und’autrequandilestloin

etçatrotteenboucledansmatête,mêmesij’essaiedem’occuperl’esprit.C’estplusfortquemoi!

J’angoisse déjà en attendant qu’il réponde. J’aime lui poser les questions auxquelles je n’ai pas deréponses.Surtoutauniveaudessentiments,carcen’estpasmonfort.Et lui, ilnepassepasparquatrechemins.

—Tusaispoupée,ilestbeau,ilestconnu,ilpartsouventdansd’autresvillesoupaysetenplus,ilcroisedejoliesfemmesàlongueurdetemps.Alorsàtaplace,jeseraiscertainementdanslemêmeétat.

Cetteréflexionestplutôtrassurante:jenesuispasfolle,c’estdéjàça!

—Etjem’arrangecommentpournepasypenser?

Ilsemetàrire.

—Ehbientutedébrouillesavecmapauvrechérie!Çasecalmeraavecletemps.

Cen’est franchementpasmarrant,mais luiça l’amuse. Jedevraicontinuerà supporterçaalors... jem’attendaisàdesconseils,maisnon,apparemment,ilfautvivreavec.Chouette!

J’attrapecequej’aicachéderrièrelecoussinetluibalancedanslesmains.

—Regarde,j’aiachetéçacematin.Commentjevisavecça?

Ilattrapelemagazinetoutchiffonné,l’examineunmomentetlependparuncoindevantmonnez.

—Illuiestarrivéquoi?—Euh…Unpetitcoupdenerfs.

Illèvelesyeuxauciel,ironique,etobserveattentivementlacouverture.

—Pasmaldutoutcettephoto!

Jeluiarrachedesmainsetretrouvel’article.

—Arrêtedebaveretlis!

Ilmemontredudoigtlapagearrachée.

—Etlà,ils’estpasséquoi?

Ilm’énerveavecsacuriositémalplacée!

—Rien,allezlis!—Deséancesphoto…

Jelecoupe.C’estbon,jen’aipasenvied’entendrecesconneriesunedeuxièmefois!

—Danstatête.Moi,j’aidéjàdonné!—OK,net’énervepascommeça,détends-toipoupée.

Ilestmarrantlui,çasevoitquecen’estpassonmeclà-dedans!

J’attends patiemment qu’il termine sa lecture,mais jeme triture les doigts. Je n’arrive pas à restercalme.Ilaterminéetnedécrochepasunmot.Ilm’exaspère!

—Alors?—Ben,cen’estqu’unmagazinepeoplemabeauté.Ilnefautpast’arrêterlà-dessus.

Iljettenégligemmentlebouquinsurlatable.

—Ouais, je suisconscientequecene sontquedes ragotspour lesmégèresdéprimées,maisécrirequ’onneluiconnaîtaucunerelationsérieuseetbienbizarrement,jeleprendspourmoi.—Tusaismapoupée,ilaimeraitpeut-êtregardersecrètesavieprivée.Tutrouveraisçaencoremoins

drôles’ilyavaitunetripotéedefansquilesuivaitpartout.

Expliquécommeça,c’estvraiquej’imaginemalmeretrouverfaceàdesfemmescomplètementfollesdeluietcapablesden’importequoipourl’avoiràelles!Rienquel’idéemeparaîtcomplètementdingue.Ilaraisonaufond.

—C’estvrai,jenel’avaispasvusouscetangle.

Mon sourire revient. Gabriel est plutôt du genre à me protéger, alors memettre sous les feux desprojecteursceseraitbienladernièrechosequiluiviendraitàl’esprit.

Jemelèvepourrécupérerlespizzasquisontprêtesdepuisdéjàunbonmoment.

—Tuasfaim?—Jesuisaffamé!Tun’aspasprisdesalade?—Etpuisquoiencore?Tutecroisaurestaurant?

Jecomprendsàsonregardqu’ilaimemonfichucaractèreetqu’ilconstatequejesuisdéjàpluscalmequ’àsonarrivée.

Nous dînons en regardant une série complètement tordue sur le petit écran, qui d’ailleurs risque denouslâcherd’unmomentàl’autre:ils’éteintenvirontouslesquartsd’heure.

Valentin est à fond devant cette série à laquelle je n’ai absolument rien compris. Mais lui,apparemment,estunfandelapremièreheure.

Audearriveentrombedelachambreetattrapesonsac.

—Jefile,jesuissuperenretard.

Elleclaquelaportesansqu’onaiteuletempsderépondrequoiquecesoit.

LefeuilletondeValentinterminé,nousdébarrassonslatableensembleetjem’affaireàlavaisselle.

—Disbeauté,çatetenteuntourdanslesmagasinsavecmoi?

Jen’aimepaslesboutiques,maisrendons-nousàl’évidence:j’aibesoindequelquespetiteschoses.

Denouveauxvêtementssurtout.J’aienvied’êtreplusjoliepourGabriel:ilyaunesacréeconcurrence.

—Ouais,bonneidée.J’aibesoindenouvellesfringues.

Ilrelèvelatête,surprisparmaréponse,maisiln’ajoutepasunmot.Sûrementdepeurquejenechanged’avis.

***

Nousvoilàdans lesgrandesalléesducentrecommercialbondé. Jenemesenspasà l’aise. Je suisaccrochéeaubrasdeValentinquim’emmènedeboutiqueenboutique.

Jeregardeparmomenttouscescouplesquigravitentautourdemoi,medemandantsiunjourjeseraiaussiàl’aisequ’euxaubrasdeGabriel,àmepromeneraumilieud’unflotininterrompudegens.

Jen’aijamaisaimélafoule.C’estsûrementdûaufaitque,petite,j’aipassépresquedeuxansenferméedansunappartementavecunpèrealcooliquequineprêtaitquerarementattentionàmoi.

Jemesouviensaussidesnombreusesnuitssansdormiraumilieudetousceslitsavecd’autresenfantscommemoi,desenfantsqu’onnedésiraitpas,ouqu’onavaitenlevésàdesparentsnégligentsouviolents.Je voulais être seule. Je ne supportais pas leurs bruits, leurs réflexionsméchantes. J’aurais aimémeréfugierdansmonancienappartement.

Cette période dema vie a fait ressortir enmoi certaines phobies plus oumoins fortes.C’est assezétrange.Jepréfèreresterloindumonde,maisj’aibesoindesavoirqu’ilyadesgenspourmoicommeAudeetValentin.LaseulefoisoùAudem’adélaissée,jesuistombéelatêtelapremièredanslesgriffesd’Alexis.J’aicettepeurconstantedel’abandonetpourtant,jenefaispasspécialementd’effortspourêtreagréableavecceuxquireprésententmastabilité.

Valentinmesorttoutàcoupdemespensées.

—Regardebeauté,tulatrouvescommentcelle-ci?

Ilplaceunerobeblanchedevantlui.Jehausseunsourcil.

—Tuveuxt’acheterunerobe?

Ila l’airagacéetplante levêtementdevantmoienmedonnantvolontairementunpetitcoupavec lecintre.

—Arrêtedefairetonintéressante!

Ilmedirigeverslemiroiràquelquesmètresdenous.

C’estvraiqu’elleesttrèsjolieetpuismonCompliquéaimelesrobes.

—Essaie-la!

Ilnemelaissepasletempsderéfléchiretmepoussedanslacabine.Jemechangeetm’observedanslemiroiravecattention.Ellemevaplutôtbien,vaporeuse,resserréesouslapoitrineetm’arrivantjusteau-dessusdesgenoux.

Jesursautequandj’aperçoistoutàcouplatêtedeValentinpasserdel’autrecôtédurideau.Ilouvreengrand,d’ungestequejequalifieraisdethéâtral.

—Tuesmagnifique,j’adore!

Ilattrapel’élastiquedemescheveuxetl’enlève.J’essaiederésister,maisimpossible,alorsjegrogneetleregardedetravers.Iln’enastrictementrienàfaire!

—Voilà,commeçac’estparfait!Tuasdescheveuxmagnifiques,arrêtedelesattacher,c’estdugrandn’importequoi.

Jeluisouris.C’estvraiqu’ilaraison,c’estmieuxcommeça.Jemetrouvepresquejolie.

—Allez,tulaprendsetonfilechercherdeschaussuresàassortiravec!—Deschaussures?—Tunecomptespasportertesballerineshideusesavecquandmême?Ilnefautpaspousser!—Ellesnesontpashideuses!—Biensûrquesi!

Personnellement,jelesadore.Sanselles,jen’auraispeut-êtrepasrencontréGabriel.Jememetsàrireenrepensantàmachaussures’éloignantsurletoitdelavoiturenoire.

Jeperds immédiatementmon sourirequand jemeprésentepour régler la robe.Cen’est pasdonné,maisValentininsiste.Pourlui,c’estplutôtcorrectcommeprix.Ehbienavecunepairedechaussuresetlemaquillagequejedoisacheter,jeseraitotalementruinée.

Valentin me déniche des talons blancs à brides, me promettant qu’avec un joli vernis ce sera trèsclasse. Vu la taille de Gabriel, des talons seront certainement un grand avantage pour moi. Je ne lecontrariepas:aprèstout,c’estluil’expert,pasmoi.

Leschaussurescoûtentaussicherquelarobe.Jesuisdésespérée…

Quandjeluiannoncequ’ilmefautégalementdumaquillage,sesyeuxs’illuminent.Ilm’attrapeparlamainetm’obligepresqueàcourirdanslesallées.Arrivésdevantl’enseigne,j’hallucinetotalement.Lesrayonssontrecouvertsdeproduitsentoutgenrequin’ontqu’uneseulefonction:nousrendrebelles.

Ehbien,onn’estpasprêtderentrer!

Jesoupire.

Nousressortonsdelàuneheureplustardavecdufonddeteint,dumascara,del’eye-liner,durougeàlèvres etmêmeduvernis àongles !Enbref, j’en ai eupourune fortune et j’ai supportéune tonnedeconseilsquinemeservirontsûrementpas,puisqu’auboutdedixminutes,j’aidécroché.

Quandnousrentronsenfinàl’appartement,jesuislessivée.

—Jenesavaispasquecourirlesmagasinsétaitaussiépuisant!

Valentin,lui,àl’habitudedetoutça.Ilestcequ’onpeutappeler,unefashionvictime.S’iln’achètepasaumoinsunvêtementparsemaine,iltombeendépression.

—Tuapprendrasavecletemps.

Jenesouhaitepaslecontrarier,maisjen’aipasl’intentionderecommencerdesitôt.

Ohj’aiunmessage!Jesorsletéléphonedemapocheavecprécaution,commes’ilétaitenorouuntrucdanslegenre.C’estlui!Jegloussedéjàalorsquejenel’aipasencorelu.

Gabriel:[CommentseporteMademoiselleCurieuse?MonsieurCompliquéapasséunesalejournée.Unpeuderéconfort?PS:Pasdecommentairessurlesujet…]

Là,jeneglousseplus.Jem’assiedslamentablementsurlecanapé.Valentinmetoiseduregard.

—Ilyaunsouciaveclebeaugosse?

Jeluirépondsnégativementdelatêteetmeconcentresurmontéléphone.

Moi:[Journéeéreintanteetpleinededécouvertes.MademoiselleCurieusevoudraitforcémentsavoir

cequis’estpassépourapporterunpeuderéconfortàMonsieurCompliqué.PS:Commentça?Tuenastropditoupasassez…]

Ilvafinirparlâchercequec’estouquoi?Jedétestecettedistance!Jeluiauraissûrementarrachésontéléphones’ilavaitétéprèsdemoi.Laréponsesefaitattendre.Jen’aimepasça…

Valentintentederegarderpar-dessusmonépaule.Jelerepoussed’uncoupdecoude;ilsoupire.

—Tun’esvraimentpasdrôle.Tupourraispartagertonbonheurécœurantavecmoiquandmême!—OK,maispasdecommentaires.

Ilnerépondmêmepasets’amuseàlirelesmessagesdujouravecungrandsourire.S’ilsouritplus,çaferalimitepeur!

—C’estquoivotredéliredemonsieurCompliquéetmademoiselleCurieuse?Maparole,ilestaussibarréquetoi!—J’avaisprécisépasdecommentaires!—C’estunequestion,pasuncommentaire.—Troplongàexpliquer.—Entoutcas,ilchercheduréconfort:jedevineoùilveutenvenir.

Sonriremoqueurmetranspercelesoreilles.

—Tuasvraimentlesidéesmalplacées!

Ilhausselesépaules,commes’ilétaitinnocent.

—Jesuisjusteunmec.

Montéléphonevibreànouveau,enfin!Ahmerde,c’estLucas.Jefaisunegrimace.

Lucas:[Salutmabelle,jepasseraiteprendreavecunepetitedemi-heured’avancesiçanetedérangepas.Ilfautquejeteparle.]

—Teparlerdequoi?

J’avaiscomplètementoubliéValentin,avachisurmonépaule.

—Jen’ensaispasplusquetoi.

Jeluirépondsun[OK],maisjemedemandebiendequoiilaimeraitmeparler.Sûrementqu’ilregrettedem’avoir toutracontépourGabriel.Ouilapeut-êtreoubliécepassage.Iln’étaitpas tropenétatdetenirunevraieconversation.

Montéléphonevibreànouveau.Cettefois,cen’estpasLucas.LepoidsdeValentinmefaitpencher!J’essaiedeluidonneruncoupd’épaule,maisilnebougepasd’unpoil.

Gabriel:[Pleinededécouvertes?Riendetrèsnouveau,jemesuisprislatêteavecmonagent,ilveutquejeresteunjourdeplus.PS:Voirpiècejointe.]

Jeremarquequ’iln’apasécritenmonsieurCompliqué,doncj’endéduisquelà,c’estsérieux.J’espèrequ’iln’apaspétéunplomb.

Piècejointe.Bonalors,ças’ouvre?Nonçaneveutpas.Jecommenceàm’énerveretappuyerpartoutsurletéléphone.Valentinmel’arrachedesmainsetm’ouvrelaphoto.

Moi, endormiedans le lit deGabriel. Je reconnais la têtede lit enmétal derrièremoi. J’ai l’air sipaisible.Jesuistoutehabillée.Iladûprendrecettephotoquandnoussommesrentrésdelaplage…Jememordslepouce.

C’esttellementinattenduetàlafoistellementlui.

—Alorslà,moi,jedisrespect!

JetournelatêteversValentin,surprise.Jel’avaispresqueoublié!

Jen’arrivepasàêtreencolèrequ’ilaitosémeprendreenphotosansmonconsentement.Jesuisjusteheureuse,carpourmoi,celasignifiequelquechose.Ilaemmenéunsouveniravecluietcesouvenir,c’estmoi.Etcommeuneidiote,pendantcetemps,jetapaismapetitecrisedejalousie.Commes’ilsavaitetqu’iltentaitdemerassurer…

Jesouris,maislepetitrappeldesaprisedetêtemerevientquandjebaisseànouveaulesyeuxversl’écran.Etl’idéequ’ilrisquederesterpluslongtempsmerenddéjàmalade.Jeneréussiraijamaisàtenirsilongtemps!

Moi:[Oublionslesdécouvertespouraujourd’hui.J’espèrequeças’estarrangé.Qu’enest-ildujoursupplémentaire?PS:Voleurd’image!J’enveuxuneaussienéchange!]

Valentinacquiesceàmonmessage.

On est comme deux imbéciles à fixer l’écran du téléphone en attendant la réponse. Au bout d’unmoment,jedécidederomprelesilenceetmetourneversValentin.

—Tuenpensesquoidetoutça?

Ilposesesdeuxmainssurmesépaules:ilvam’annoncerquoilà?

—Franchement,pourqu’unmecprenneunephotod’unefillependantsonsommeil,justepourl’avoirenfondd’écranetqu’ilseprennelatêteavecsonagent,carilneveutpasresterunjourdeplus…c’estqu’ilestcomplètementmordudetoimapetitechérie.

Mesyeuxpétillent,jelesens.Touslespapillonsquej’aidansleventres’évadentdanschaquepartiedemoncorps!Drôledesensation.

—Enfin,ne t’enflammepasnonplus.Jepeuxme tromper, ilya toujoursdesmecssuperdouésquiembobinentles…

Je lecouped’unsignede lamain sousmagorge.D’uncoup, il a l’airgênéetmebalanced’un tonbeaucoupplusgai.

—Ouais,oublieça!

Notreattentionsetourneenmêmetempsversl’écran.

Gabriel:[Jeveuxsavoir!Lejoursupplémentaire,illeferalui-même.Horsdequestionquejereste.J’aimieuxàfaire.PS:Unephotodemoi?Sérieusement?]

Mieuxàfaire?

Moi:[Plustard.Mieuxàfaire?PS:Oui,sérieusement,pasunephotodemagazine.Tonvraitoi!]

Jeregardel’heure.Ilestdéjàdix-huitheurespasséesetLucasarriveunpeuavantdix-neufheures,vuqu’ildésireavoirunepetiteconversation.

—Jefilemeprépareroujeseraiàlabourre!—OK,jeréchauffelesrestesdepizzapendantcetemps,quetumangesquelquechoseavantdepartir.

—Merci.

Je préparemes affaires à la hâte etm’enferme dans la salle de bain.Mon portable vibre aumêmemoment.

Gabriel:[Tuparleraissouslatorture?Oui,j’aimieuxàfaire:teprotégerdel’autreconnard!PS:Vosdésirssontdesordres!]

Comment souffler le chaud et le froid avec autant de facilité en un seul message ? ToutMonsieurCompliquéça!

Moi:[Tuseraisvraimentcapabledemetorturer?Changementdesujet(désirouordre,commetul’entendras)PS:J’attends!]

Jesautedansladouchepourmelaverenquatrièmevitesseletempsqu’ilréponde.Jen’aijamaisétéaussi rapide. Je sors en trombe,m’essuie etm’habille le plus rapidement possible. Je suis gravementatteinte!

Gabriel:[Tunesaispasdequoijesuiscapable!Vosdésirsouordressontlesmiens…PS:Voirpiècejointe.]

J’ouvre la pièce jointe avec beaucoupplus de facilité que précédemment. Il l’a fait ! Je détaille lecliché:ilsouritavecunesortedepetitegrimacerigolote.Rienàvoiraveclesphotosdeluiquel’onpeuttrouverpartout.Jefonds.

Ilesttellementcraquantcommeçaettoujoursextrêmementsexy,mêmequandilfaitlepitre!Celle-làestpourmoi,uniquementmoi!Jemedépêchedelamettreenfondd’écran.

Moi:[J’aimeraislesavoir!Merci…PS:Nouveaufondd’écran.]

J’ai juste le temps d’essayer mon nouveau mascara que le téléphone vibre déjà. Tant pis, je memaquilleraid’unemain:ilfautquejemeprépare.J’ouvrelemessagedelamaingaucheetm’appliquedurougeàlèvresavecl’autre.

Gabriel:[Nemetentepas,jeseraiscapabledereprendrel’avion!J’aienviedetoi…]

Àla lecturedecesmots, jemeretrouveavecune tracederougeà lèvressur toute la joue…BravoGabriel ! Je repose le tout pour me nettoyer et reprends uniquement le téléphone, essayant de me

concentrer.Mais le« j’aienviede toi»est tropprésent. J’aiétéchoquéesur lecoup,mais j’aimecequ’il vient d’écrire, bien plus que je ne me l’avouerai. Je rougis en me regardant dans le miroir.Concentre-toi…Mesyeuxretombentsurl’écranpourlirelerestedumessage.

Gabriel:[PS:Bébé,nerougispas…]

Je souffleunboncouppourme remettredemon irrésistibleCompliquéetde sesmessages toujoursaussidéroutants.Jemeursd’enviedeluidemanderderevenir,maismaraisonl’emporte.

Moi : [Je travailledansuneheure, alorsautantquece soitdemain, j’auraimasoiréede libre !Tesdésirssontlesmiens…PS:Troptard!]

Jem’attache les cheveuxenm’y reprenant àdeux fois.Maintenant jedoispartir travailler avec sesmotsquitournentenboucledansmatête.

Gabriel:[Dommagej’avaisdéjàbouclémavalise!Tousmesdésirs?PS:Jesais…]

Ouah!Onnedoitpasêtreloindesquarantedegrésdanscettesalledebain!Ilfautquejesortedelà.Onfrappeàlaported’entréeaumêmemoment.Jeregardel’heure:effectivement,c’estpassétropvite!Tantpis,jerépondraidanslavoiture.

Jesorsdelachambre.Lucasestdéjàassisàm’attendreavecValentin.Jelesalue,attrapeunepartdepizzaauvoletmonsac.

—Jesuisprête!

JelanceunappelmuetdésespéréàValentinendirectiondumagazinesurlatable.Ilcomprendaussitôtet l’enroule pour lemettre dans sa poche. Ilme gratifie d’un clin d’œil et je lui envoie un baiser enpassantlaported’entrée.Ilserasûrementencorelàquandjerentrerai.Jedevraispenseràluidonneruneclef.

J’avalemapartdepizzaendescendantlesescaliers.Lucasestétrangementsilencieux.

La voiture démarre sans que nous ayons prononcé un mot. Qu’est-ce qui se passe ? Aurais-je faitquelquechose?

J’attrape mon téléphone pour répondre à Gabriel. Lucas m’a refroidie, voire gelée. J’en viens àregretterlasalledebain.

Moi:[Jedoistravailler.Pasdeçaavantleboulotçarisquedetropmedistraire!PS.Lasoiréesemblemalpartie.]

J’envoie et je regrette aussitôt. C’est du n’importe quoi ce message. J’en ai même oublié notre siadorableéchange.

***

Lucassortunpassd’accèspourleparkingsituéderrièreleClub.

—Pourquoionsegareici?

Ilsecouelepassdevantmesyeux.

—Ordreduchef!

Unegrimacegênéeapparaîtsurmonvisagesansmonconsentementpréalable.

Jedescendsoupas?Lucasnebougepasd’unpoil.Jemedécideàbrisersonsilenceinsupportable:onnevapasypasserlasoiréeaprèstout.

—Tudevaismeparlerdequelquechose,non?

Ilnemeregardemêmepas.

—Ouais,j’avaispensém’excuserpourmoncomportementd’hiersoiretpuisj’airéfléchi.

Ilsetourneversmoietplantesesjolisyeuxnoisettedanslesmiens.

—Jen’aipasbesoindem’excuser,parcequecequeje t’aidithier, je lepense,Rose.Je te trouvevraimenttrèsbelleetjenetelecachepas,tumeplaisbeaucoup.

Merde!Pasça!

—Je…Euh...

—Non, tais-toi, laisse-moiparler. Jesaisque tuesavec tonCompliqué. Je respecteça,maissiçadevienttrop«compliqué»pourtoi,tusaurasquejesuislà.

Jemesenstropmal.J’aienvied’ouvrirlaportièreetdemesauver.Qu’est-cequiluiprend?

—Lucas,jenesaispas…—Chut!Jen’aipasterminé.

Mesyeuxs’écarquillent.

—Je ne souhaite pas que ça change entre nous, nous sommes amis et je serai toujours là pour toi.J’avaisjustebesoind’êtrehonnête.

Jerestecommeuneidiotesurlesiègeàmecontemplerlesgenoux.

Lucasestdéjàdehorsetmoijen’aipasbougéd’unpouce.Jen’arrivepastropàréalisercequ’ilvientdem’avouer,commentleschosespourraient-ellesnepaschangeraprèsça?

Audeavaitraisonfinalement.

Tome5

1.Pincez-moijerêve

«Ilyaunesortedeplaisiràs’apercevoirqu’onestunpeudupedeceuxqu’onaime.»Rivarol

Maportières’ouvreetLucasmeregardeavecsonsourirehabituel.

—Oh,mabelle,tudorsouquoi?

JerevienssurTerre:savoixetsonsourirequejeconnaissibienmerassurentunpeu.Ilsecomportenormalement,maismoi,est-cequej’ensuiscapable?

Jedescendsetilclaquelaporte.Jelesuisàl’intérieursansgrandentrain.

—Rose,jetedonneuncadenas:c’estpourtoncasier.

J’attrapelepetitobjetmétallique.Ilestàcode.

—J’aiuncasier?—Oui,celui-ci.

Génial!Ilm’endésigneunduboutdudoigt,del’autrecôtédelapièce.C’estleseulouvert,cen’estpasbiendifficile.

Arrivéedevantmoncasier,jesorsmontéléphonequiavibréilyabienlongtemps.

Gabriel:[Faisattentionàtoi…Préviens-moiquandtuesrentrée.]

Jenerépondspas.Jesuistropcontrariéepourça.Cequevientdem’avouerLucasmeperturbe.Ilesttrèsgentiletplutôtbeaugarçon,maisjen’avaisjamaisenvisagécettepossibilité.IlfautdirequeGabrielmonopolisetoutmontempsettoutesmespensées.Ducoup,jenemerendsmêmepascomptedecequisetrameautourdemoi.Est-cedel’égoïsme?Sûrement…

Jeprendsmonservice,maisjenesuispasdutoutàcequejefais.JemesuistrompéedeuxfoisdanslescommandesetLucasnem’adressepratiquementpaslaparole:enmêmetemps, ilyabeaucoupdemondecesoir.Letempspasseassezviteheureusement!Jesuiscontentequ’onsoitsamedi.Cejouresttoujoursleplusfatigant;jepourraim’endormirviteenrentrantetoubliertoutecettehistoire.

Il estminuit, plusqu’uneheure à tenir !Mesyeuxcroisent ceuxde Joshassit aubar. Ilme regardebizarrement:ilsemblepluscoincéqu’àsonhabitude.Finalement,ilapprécieleSaphir:ilvientdeplusenplussouvent.

Apparemment, ilest làdepuisunmoment,carLucas luiapportesacommande. Ilm’adresseunpetitsourireaccompagnéd’unsignedetête.Iln’apasl’airdanssonassiette.Jel’observeentredeuxclients.Ilestvraimentàcôtédelaplaque.IlporteuncolrouléalorsquelatempératureapprochedelatrentainededegrésdansleClub.

Jem’occupedequelquesclientsetmedécideàlesaluer,voircequinetournepasrond.

Jemesouvienssoudainqu’ildevaitmeparler.Jeneluiaimêmepasdonnédenouvelles.Ohcen’estpaspossible,jesuislapiredeségoïstesquisoit!

Allez,jemelance.

—SalutJosh.Désolée,jecomptaist’appeler,maisj’aiététrèsoccupée.

Jenem’ensortiraijamaisavecmonsemblantdemensonge.

Envérité,jel’aitotalementzappé.

—Pasgrave…

Savoixestàpeineaudibleetjemesenscoupable.Jesaisqu’iln’estpasbiendepuisunmomentetjenemesoucisquedemoi-même.

Jem’aperçoisque sonverre est vide. Je l’attrapepour le resservir quand je remarqueque c’est unverred’alcool.

Oh,çadoitvraimentallermal!

Unebouled’angoisseseformedansmonventre.

Jel’apprécieetçamefaitdelapeinepourlui.

Jeremplisleverreetm’apprêteàleluiposersurlebar.Sesdoigtsfrôlentlesmiensquandill’attrapeetunedéchargeélectriquemetraverselebras…

Jelèvelatêteetcroisesesyeux.Ilsepassequoilà?

Jeresteunmomentàlefixeretledétailler.

Jemepencheau-dessusdubaretempruntelavoixlaplusbizarredetoutemavie.

—Gabriel?

Ilsemetàrire,soulagé.

—Bienjouébébé!

Jeresteboucheouverteàleregarderretirersoncolrouléet jevoisapparaîtreles tatouagessursoncouetsursonavant-bras.Jereculed’unpas,complètementperturbée.Ilébouriffesescheveux.

Je n’y crois pas ! Pincez-moi. Cette soirée est un rêve, c’est obligé ! Il se passe trop de chosesétranges.

Sonsourireestd’unetelleblancheurquec’enestpresquesurréalisteetcommeuneidiote,jemepincelacuissejustepourêtresûre.Aïe!...Bon,conclusion:jenerêvepas.

Lucasarriveprèsdemoi.Ilestpliéderireégalement.

Ilétaitaucourantouquoi?

—Eh,çava?Tuestoutebizarre?

Ilpouffederire.Jelefusilleduregard:ilsavait,çasevoitcommelenezaumilieuduvisage.

—Vousêtesdeuxidiots!

Maisqu’est-cequ’il fiche ici?J’aidumondeàservir : jen’aipas le tempsde luiposeruneseulequestion!

J’espèrequ’iln’apasdéconné. Ilestbiencapabledesebarrer suruncoupde têtealorsqu’ilauncontrat.

OhGabriel,tuesvraimentinfernal!

Lasoiréeestlongue,tellementlongueetilestlà,àm’observeravecsonsourireencoinpleindesous-entendus. Je vais fondre sur place. J’essaie désespérément d’éviter son regard, mais j’échoue

lamentablement.Qu’est-cequ’ilt’afaitRosepourquetusoisdansunétatpareiljusteavecunregard…

Monserviceestterminé,enfin!Jemeprécipiteàmoncasierpourrécupérermesaffaires.J’aijusteletempsdemeretournerqueGabriel,quiétaitderrièremoi,m’attrapelesmains,lescollantsauxcasiersetposeseslèvressurlesmiennes.Sonbaisers’enflammeetsalanguetrouvelamienne.Ilmepoussecontrel’acierfroidavecsoncorps,puislibèremabouchepourmurmureràmonoreille.

—J’aitoujoursenviedetoiRose.Etcetaller-retourenavionteprouvequecen’étaitpasdesparolesenl’air.Viens…Ohlavache!

Ilmetireparlamainsansmelaisserletempsderépondreouderéfléchir.Jelesuissanshésiter.

Nous passons une porte quim’avait interpellée depuis le début. Ellemène à un escalier, sûrementprivé.Cebâtimentestvraimentpleindesurprises.

Mon cerveau a dumal à s’y retrouver :Gabriel en Josh, Lucas et sa déclaration à demi-mot.MonCompliquéquimefait totalementtournerlatêteavecsonaller-retourjusteparcequ’ilaenviedemoi.Alexisquin’enfinitpasderefuserdesortirdemavie.J’ail’impressiond’êtredansunedessitcomsqueValentinadoreetoùtoutesttoujourscomplètementdécaléetinvraisemblable.

Mavie est un tourbillon incessant d’événements et je pourrais bienme laisser emporter un jour oul’autre.Mais il y a cettemain, celle quime tient fermement en cet instant : peut-être est-ce elle quim’empêchedemeperdre.Oupeut-êtreest-ceellequim’entraîneraverslefond…

Sonregardsetourneversmoiaumomentoùnousaccédonsauxbureauxau-dessusduClub.Ilsortuneclefdesapocheetenouvreun.

Jemefigequandjem’aperçoisquec’estceluidesonpère.

Ilrefermesoigneusementderrièrenous.

—Gabriel,qu’est-cequ’onfaitici?

Mes yeux balayent la grande pièce aux couleurs neutres. Le bureau en bois noir est colossal etimpeccablementrangé.

Àl’imagedupèredeGabriel:impressionnant.

—Ça.

Ilmesouritetmepoussecontrelaporte,m’embrassantdanslecou.C’estbonj’aidéjàperdularaison

audeuxièmemordillementdemonlobed’oreille...

—Onnepeut…—Chut!

Ilmepousseverslebureau.Mesfessesetmesbrascognentcontreleboisfroid.Sesmainsontrelevémonteeshirtetsontdéjàsurmapoitrine.Marespirationaccélèreàunevitessevertigineuseàchacunedesescaresses.Jenecontrôleabsolumentrien…c’estluiquimecontrôle,commetoujours.

Qu’est-cequ’on fait ?Et si sonpèrearrivait !Ohmondieu, il adéjàenlevémonpantalonet ilmeretournepourmepenchersurlebureau.C’estincroyablementimprobableetexcitant.Jesenssonérectioncontre mes fesses et il attrape mes mains pour les mettre à plat sur le bureau. Je prends appuiimmédiatement.Jecroisques’iln’avaitpasanticipémesjambesauraientlâché.

J’entendslebruitdelaceinturedesonpantalonclaquersurlesol.

Ohputain,qu’est-cequ’onestentraindefaire!

Salangueestdansmondos.Jefrissonneetjesensmapetiteculottedescendrelentementlelongdemesjambes.Iltiremonbassinenarrièreetm’écartedélicatementlescuissesaveclessiennes.

J’entends lepapier sedéchireret je suisdéjààbout.Toutmoncorps ledésire...Samainest fermequandellem’attrapelahanchepourmepénétrer.Unpetitcrim’échappeetjesensqu’ilaappréciérienqu’àsentirsonsoufflesurmoi.Quelquesvasetvientenmoisuffisentàmepousserauborddugouffre.

Maistoutàcoup,ils’arrête.Non,pasmaintenant!

Savoixestincroyablementrauqueetsexy.

—Jen’aipenséqu’àcemomenttoutelajournée.Tuveuxquejecontinuebébé?—Oui.

Biensûrquejeveux!J’essaiedemetortillerpourleforceràréagir.Iln’apasledroitdemetorturerpluslongtemps!

—Dis-lealors.—Continue…Jet’enprieGabriel…

Mavoixestsupplianteetmonâmeégalement.

Ilm’attrapepar laqueuede cheval et l’enroule autourde samain, tirant légèrementdessus. Je suiscomplètementàsamercietçameplaît:jen’auraisjamaispuimagineràquelpoint!

Sesvas et vient sontplusbrutaux,mais tellementbon. Jeme retrouveunenouvelle fois auborddugouffre et je le supplie encore, de peur qu’il ne s’arrête. Le râle qui sort de sa boucheme propulseimmédiatement dans unorgasme ravageur qui fait trembler toutmon corps et je tombe en avant sur lebureaufroid,l’entraînantavecmoidansleplaisir.Ils’abandonnecontremoi,murmurantmonprénom,enprenantgrandsoindenepasm’écrasersoussonpoids.Sesdoigtss’enroulentautourdesmiens.

Jefermelesyeuxenmemordantlalèvre.Jen’enrevienspasdecequ’onaoséfaire...

Soudain,ilmetiredematranseenmesoulevant.Ilmerhabilleavecunegrandepatienceetjelelaisses’occuperdemoi.Detoutefaçon,jenesuisplusmaîtredequoiquecesoit.

Je l’observe ensuite se rhabiller, en extase totale devant son corps si parfait. Si j’osais, je luidemanderaisderecommencer.Mesjouess’empourprentàcettepensée.

Le petit sourire qui pointe aux coins de ses lèvres quand il s’en aperçoit m’arrache un frisson. Ils’approchedemoietm’enlace.Seslèvrescherchentlesmiennes.Elless’ouvrentautomatiquementpouravoirlebonheurd’accueillirsalanguecontrelamienne.Jem’arracheàluiàcontrecœur,maislaréalitémerattrape.

—Ondevraitpeut-êtrepartird’iciavantquetonpèren’arrive.—Rienàfoutredemonpère!Maistuasraison,partons.

Nousreprenonslechemininverse.Ilfautquejerepasseauvestiaire:jecroisquemoncasierestrestéouvert.Ilm’acomplètementperturbée.Effectivement,lecadenasestparterre,cequim’arracheunpetitrire.

—C’estdelanégligenceça,bébé!Tudevraisêtreplusconsciencieusesurtonlieudetravail.

Etenplusilsemoque!Ilaledroitàungentilcoupdecoude.

—Si le fils du patron n’était pas si incroyablement sexy et si impatient, ça ne serait sûrement pasarrivé.

Illèvematêteversluidesonindex.

—Continuedemediredeschosescommeçaetjeloupevolontairementmonavionpourteremonterenhaut!

Jefroncelenez.J’avaistotalementzappélefaitqu’unaller-retourimpliquequ’ilestvenu…maisqu’ildoitaussirepartir.Déception,quandtumetiens...

IlpassesonbrasautourdematailleetmeramèneaubaroùLucasestassisseuldevantunverre.

Pourquoin’est-ilpas rentréchez lui?Gabriel luiparleà l’oreille.Pourquoine luiparle-t-il jamaisdevantmoi?C’estquoi leurdélireà tous lesdeux?Gabriel revientversmoietm’enlace : jecroisefurtivementleregarddeRoxanne.Jemesensvraimentgênéecettefois;jeconnaismaintenantladouleurqu’elleaendurée.

—Jedoisfileroujerisquesérieusementderatermonvol.

Lucastereconduitcheztoi.

—Déjà?—Désolé,jenepouvaispasfairemieux.Maisonsevoitdemain.Jepassetechercherversdix-neuf

heuressimonvoln’estpasderetardé,OK?

J’acquiesce,superdéçueetenmêmetempsheureusedecettesurpriseplutôtoriginale.Jenetrouvepaslemotappropriéàcequ’ilvientdesepasser.

Ilposeunbaisersurmonfront,lanceunregardétrangeàLucasetjesuisdéjàentraindel’observers’éloigner.

Jerestesilencieusejusqu’àlavoiture.LescachotteriesdeGabrielarriventàempiétersurlesmerveilleuxmomentsquejepasseaveclui.Enfincesoir,c’étaitplusquespécial.Jen’auraisjamaisimaginéfaireuntrucpareil.Rienqued’ypenser, jesuissûrementencoretouterouge.Il fautquejepasseàautrechoseavantqueLucasnes’enrendecompte.J’espèreaumoins...ohquellehorreur,ilattendaitenbaspendantquemoietGabrielons’envoyaitenl’airdanslebureau.J’espèrequ’ilnes’estpasimaginélascène!

2.Choixetconséquences

«ToutacteadesconséquencesPasseulementleschosesqu’onfait,maisaussicellesqu’onnefaitpas.»EliseBroach

Lapetitechosequivitàl’intérieuredemoietqu’onappelleplusfamilièrementconsciencemedétestedéfinitivement.StopRose!Regardeparlafenêtreetarrêtedetordretonespritdanstouslessens!

C’estLucasquimetuntermeaucombatquisetramedansmatête.

—Tuarrêtesdebouderàquelmoment?

Mesyeuxsetournentverslepetittrucsebalançantàsonrétroviseur.Unesortedefeuillerouge,quiàl’originedevaitsentirlesfruitsdesboisouunparfumdanslegenre.

—Jeneboudepas.—Si,tuesencorerestéesurmesaveuxdetoutàl’heure.—Oublie,cen’estpaslafindumonde.Jem’enremettrai.

Jesourismalgrémoiàsaremarque.

—Tupassesboireunverre?

Pourquoijedemandeça?

Sonvisagechangelittéralementd’expression.JeretrouveleLucasjoyeuxetrieurquej’apprécie.

—Avecplaisir!—Entoutbientouthonneur,hein?

Ilhausselesépaules.

—Biensûr.Jenesuispasunabruti!—Jenesuispascertainequ’onaitencoredel’alcoolàlamaison.Situpeuxm’arrêteràlastation-

serviceunpeuplusloin,pourregarders’ilsontquelquechose.—Onn’estpasobligédeboire!

—Lucas,aprèslasoiréeétrangequejeviensdevivre,jepensequemoi,j’enaibesoin.—Ouais,j’imagine!

Ilsemetàpouffercommeunidiotensegarant.Jesuisàdeuxdoigtsdepenserqu’ils’étranglequandilrelèvelatêteavecbeaucoupdesérieuxpourexaminerl’endroit.

—Tun’avaispasplusglauque?—Àcetteheure-là,ilnefautpasêtretropdifficile.

—Jereviens.

J’ouvrelaportièreetilm’imite.Jel’interrogeduregard.Ilfourresesmainsdanssespoches.

—Jenevaispastelaisserallerlà-dedanstouteseule.Enplus,s’ilt’arrivequelquechose,mêmeunepiqûredemoustique,ilyaunquirisquequejesubisseunremakedemassacreàlatronçonneuse.

Jeluiadresseunehorriblegrimaceetjefonceàl’intérieur.Ilmesuitdeprès.

Jetournedanslesallées.Enyrepensant,jesuispasséeunmillierdefoisparicietjenesuisjamaisentrée.Lucasaraison,c’estglauqueetpastrèspropre.J’attrapeunebouteilledevodka,deschipsetdesbonbonsetjefileàlacaisse,mongardeducorpstoujoursàmoinsd’unmètre.

Legrandgarsderrièrelecomptoirpourraitsortirtoutdroitd’unfilmd’horreur:illuimanqueunedentsurdeux,sescheveuxsontlongsetgras,sonmaillotn’apasdûêtrelavédepuisaumoinsunanvul’état.

Lucasinsistepourpayeretfranchement,jenelecontrariepas.Jen’aipasdutoutenviequelesdoigtsauxongles toutnoirsdu typeentrentencontactavec lesmiens.Lesbraschargés,nous retournonsà lavoiture.

—Rose,tucroisqu’onavaitbesoindetoutescescochonneries?

J’observelesquatrepaquetsdechipsdifférentsdanslesbrasdeLucas.

—Moi,oui.—Ahbon!

Iln’insistepasetlesjettesurlesiègearrière.

Arrivésàl’appartement,jetrouveunmotd’Audequim’informequ’elledortchezValentin.Dommage,jeluiauraisbiendemandécequ’ellepensaitdemonescapadebureaucratiquedecesoir,pendantquej’ai

encorelecouragedepartagerl’information.

J’allumela télévisionetchercheunDVDàregarder,maisAuden’apasgrand-chose.Quedesfilmsdontjen’aijamaisentenduparler.Lucasfaitleserviceetinstallemontasdecochonneriesenvracsurlatable.

J’étalelesboîtesdevantmoi.

—Lucas,donne-moiunchiffreentreunetneuf.—Pourquoifaire?—Pourlefilm.—Ben,deux.—OK,donctuaschoisi«Letempsd’unautomne».

Ilfroncelessourcils.

—Jen’airienchoisidutout!—Si,si,tuasditdeuxpourleDVD.—ÇaexisteencorelesDVD…?J’abdique.Allez,metstonnanar.Aprèstout,c’estpeut-êtrebien.

Jelelanceetmejettesurlecanapé,attrapantunpaquetdechipsaupassage.C’estquoicefilm?Ilaaumoinsvingtanscetruc!Lucassetait,maissesgrimacesendisentlong.

Lepremierquartd’heure,jem’empiffredechipsetdebonbonsdansn’importequelordre.Lucas,lui,meregarde,amusé.Aprèsdeuxverres,jecommenceàapprécierlaséance.

C’est l’histoire d’un lycéen un peu rebelle, Landon, qui tombe sous le charme d’une fille, Jamie,habilléecommeunsacàpatatesetquidoitêtrelameilleuredanstouteslesmatières,quoiquepeut-êtrepasensportàmonavis.Elleestaussiintrovertiequediscrète.

Montéléphonevibre.Jel’extraisdemonpantalonenmetortillantcommeunver.

Gabriel:[Bébé,rassuremoi,lebarmant’abiendéposéecheztoi?PS:Jeneregrettepasmonaller-retour...]

Lebarmanaunprénom.Ilabusequandmême.

Moi : [Oui,Lucasm’a ramenée entière. Ilm’amême escortée à la station-service et on regarde unfilm...

PS:Encoretouterouge...]

Voilàquidevraitlerassurer.J’attrapeunnouveauverreetmereplongedanslefilm.

Landonest tombéamoureux.Ça,ons’yattendait.Parcontre,elleneveutpasdelui.Elleestbizarrecettefille,çasevoitqu’elle l’aime…Ilapourtant tournéledosà toussesamisunpeuspéciauxpourelle.Ilamêmefaitbeaucoupd’effortspourluiplaire.

Lucasme tapote sur l’épaule. Jeme retourne et il se penchepourmeparler tout bas. Il se croit aucinémaouquoi!

—Vouslesfilles,vousnecraquezquesurdesrebelles.C’estçalesecret,non?—Tumedemandesçaàmoi!Jen’aieuquedeuxmecsdansmavie!

J’explosederire.Ilal’airsurpris.

—Deuxseulement?—Ouais.

Ilal’airperplexe.

Oh,non!Maintenant,Jamieluiannoncequ’elleestsurlepointdemourird’unemaladieincurable!Jesuisdégoûtée!Maisilnes’enfuitpasetmettoutenœuvrepourréalisersesrêves.Tropchou.Jel’aimebienceLandon!

Montéléphonevibre,maisjenem’enpréoccupepas.Jeveuxconnaîtrelafindel’histoire.Jejetteuncoupd’œilàLucas.Ilfixeattentivementl’écran.

Ohpurée, ellemeurt ! Je croisque jevaispleurer ! J’auraisdû regarder çaavecValentin, il auraitsûrementchialéavantmoiet j’auraiseu l’airmoins idiote. Je retiensma larmequiest sur lepointdecouleretrenifleunpeu.

—Netegênepasmabelle,pleure.J’enaieudescopinesquiregardaientcegenredefilms, jesuisrodé.

Tiens,ilm’intéresse.

—Tuenaseubeaucouptoi,despetitesamies?

Ilfaitsemblantderéfléchirquelquesinstants.

—Destas!Çaaide,lemétierdebarman.—Autantqueça?—J’exagèreunpeu,maisouipasmal.J’aieuunepériode,plusjeune,oùjechangeaisassezsouvent.—Jenetevoyaispascommeça.

J’aisûrementdesyeuxtoutronds.J’aimeraisbienensavoirplussurlui.

Ilselaisseglisserunpeuversmoi,intrigué.

—Tumevoyaiscomment?

Jen’yaipasvraimentréfléchi.Maisvusapatienceavecsadernièrepetiteamie,jel’auraiscruplusposé.Peut-êtremêmegrandromantique.Montéléphonevibreunenouvellefois.

—Plus…commentdire…mecquiaimeraitêtreencouple.Plusdugenreromantique.

Ilhausseunsourcil,amuséparmaréponse.Sesyeuxcroisentlesmiensetilredevientplussérieux.

—Jepourraissûrementdevenircommeça.Celadépenddelafilleaussi.

J’enaidesfrissons.Pourquoiçamefaitceteffet?J’attrapeunpaquetdebonbonspourm’occuperlesmains.

—Etc’estquoitonstyledefille?

Pourquoij’insiste,moi?Gabrielaraison,jesuisunecurieuse,mesamisdéteignentsurmoi.

—Jen’aijamaisvraimenteudegenreprécis,maisjecroisqu’aufond,jesuisattiréparlesfillesavecuncaractèremerdique!

Jenemesenspasvisée…enfinsi,peut-être.Maisc’estvraiquesadernièrepetiteamieétaitvraimentinsupportable.

—C’estproblématique.

Illaisseretombersatêteenarrièresurledossier.

—Tul’asdit!

Ilsembleenpleineréflexion.J’enprofitepourattrapermontéléphone.

Gabriel:[C’estquoitondélire?Qu’est-cequetufousdansunestation-serviceàcetteheure!Unfilm????Pourquoitunecouchespasavec,tantquetuyes!Tuasenviequejepèteunplombouquoi?]

Jerestefigée,lesyeuxrivéssurl’écran.Jereprendslemessagedudébutpourêtrecertainedecequej’ailu.Jemesensblêmir.Jepasseausuivantavecunsacrémaldeventre.

Gabriel:[Rose,putain,réponds!!!S’ilteplaît…Nemelaissepasimagineruntasdechoses!]

Illuiarrivequoi?J’aiquandmêmeledroitdemerendredansunestation-serviceetderegarderunfilmavecunami.J’ail’impressionqu’ilmetraitecommeunemoinsquerien!

Moi:[Jefaisencorecequejeveuxàcequejesache!Jesuismajeureetvaccinée!Jenesuispasunetraînée,malgrécequetupenses!]

Jesuisfuraxlà!C’estquoicettefaçondemeparler!

—Rose,çava?Unemauvaisenouvelle?—Non,justemonCompliquéquipiqueunecrise!

Jen’approfondiraipasplus.Çaneleregardepas.

—Onnepeutpasdirequetuaieschoisilafacilitéaveclui.—Commentça?—Jeleconnaissuffisammentpoursavoirqu’ilaunsalecaractère.Jet’avaisprévenu,ilmesemble.

Iltendunpaquetdechipsdevantmoi,commesiçaallaitrésoudreleproblème,etmeregardeavecunepetitemouerigolote.

—Tuenveux?—Jenepeuxplusrienavaler.Regardemonventre,ilvaexploser!

Ah,unmessage.J’espèrequ’ils’excuseaumoins!J’abandonneLucasàl’observationdemonventre.

Gabriel:[Jen’aijamaispenséunechosepareille!Dis-moiqu’ilestparti!]

Jepréfèrerépondreparunmensonge,çaéviteraqu’ilnereprenneunavion.Ilenseraitbiencapable!

[Ilestparti.Bonnenuit.]

J’éteinsmontéléphonepournepasêtretentée.Pourquoisens-jeunvideàl’intérieurdemapoitrine?Parcequ’hormis cettedouleur auventredûà l’abusdecochonnerie, jene ressens riend’autrequeduvide.

3.D’uncauchemaràunautre

«C’estlesortdesplusbeauxrêvesdesetransformerencauchemars.»ItaloCalvino

Jerespiremal,tropmal.Lesmainssurmoncoum’empêchentderespirer.Jen’arriveplusàouvrirlesyeux…Legoûtmétalliquedansmabouchemedonnelanausée.

J’essaiedebouger.Ilyaunpoidssurmoncorps.Jevaismourir,jevaissûrementmourir...

Unegifleme réveille. J’avaleunegrandeboufféed’air.Mesyeux embrumésbalaient la pièce avecprécipitation.

Jesuisdansmachambre.

Iln’yapersonne.

Lasueurcouledemonfront.Jepassemamainsurmabouchesèche.Jel’observeunmoment.

—C’estquoiça!

J’aiparléàvoixhauteàlavuedusangsurmamain.J’aimal,maboucheestdouloureuse.Jeveuxmelever,maisjeposeunpiedsurlesmorceauxdelalampebriséequigisenttoujoursausol.Jerepliemajambeimmédiatement,passedel’autrecôtéetmedirigeverslasalledebain.Mesmouvementsnesontpastrèsadroits.

J’aidusangsurmonmaillot.Lemiroirmerenvoieunhorrible reflet.Demonstrueuxcernessesontinstalléssousmesyeux,preuvesdemoninsomnie:aprèsledépartdeLucas,jen’aipasréussiàdormir.

J’attrapeuncotonquej’humidifiepournettoyerlesangquiacoulédemabouche.J’ailalèvreouverte,j’aidûmemordrependantmoncauchemar.Jejettelecotondanslelavabo,abandonnantl’idéeetentredansladouchehabillée.

Je laisse couler le jet d’eau froide sur mon visage pour m’éclaircir les idées. J’enlève mon seulvêtementetlebalancenégligemmentàmespieds.J’augmentelatempératuredel’eauetmesavonne.Jesuiscommeunrobot,toutestmachinal.Jen’aipasl’impressiond’avoirréussiàm’extirperentièrementdemondélirenocturne.J’aicommelasensationd’avoirlaisséunepartiedemoilà-bas…

Jemesècheetenfileunautrehautpourallermepréparerunthé.Jesuisdépitéequandj’arriveausalonet constate le bazar que j’ai laissé hier soir. Je soupire et me dirige vers la cuisine. Je pousse lescochonneriesducanapépourqu’elles tombentpar terreetm’installe.Jeboisàpetitesgorgées,carmalèvrenemepermetpasdefairemieux.Montéléphoneestlà,devantmoi,etjemerappellel’avoiréteinthier.Jedevraislerallumer?Jenesuispassûre,maisdanstouslescas,ilfautquej’envoieunmessageàJosh,auvraiJosh.Celuiàquijen’aipasdonnédenouvelles.

Jel’attrapeetleremetsenfonction.J’aiunetonned’appelsmanqués.Maiscen’estriencomparéauxmessages !D’ailleurs,yenadeAudeetValentin : ilsmedemandent si jedésiremangeraveceuxcemidi.Ah, zut, il est déjà quatorze heures !Un de Lucas pourme demander si j’ai bien dormi. Je luirépondsqueoui,j’aitrèsbiendormi.Jesuisvraimentunementeuse!J’enaiaussiundeGabriel.

Gabriel : [MonsieurCompliqué te souhaite égalementunebonnenuit et s’efforcerademaîtriser sesmotsquandilestencolère.Ilauraitdûsedéfoulerunpeuplussurlesmeublesdelachambred’hôteletnonpassurMademoiselleCurieuse.]

Jeréprimeunsourireàcemessageidiot.Idiot,maisadorablequandmême!

C’estvraiquemaintenant,avecdurecul,s’ilavaitpassésasoiréeavecRoxanneetqu’ilnerépondaitplus,ilauraitreçuunmessagepirequecelui-ci.

Tuestropimpulsive,Rose!

Bon,après,ilauraitpuéviterdeparlersimal.Maisjen’auraissûrementpasétéplusaimablequelui.

Ilseraitjaloux?J’aimecetteidée.Remarque,aveccequ’ilm’amontréjusque-là,jepeuxenconclurequ’effectivement,ilestjaloux.

Onsonneàlaporte.J’enfileungiletsurmonpyjamapourouvrir.

—VousêtesbienmademoiselleAmlynn?

J’observeunmomentl’hommeavecunpullrougeetunecasquetteportantunénormebouquetderoses.Unbouquetuniquement composéde rosesde couleur rose. Je souris face à la situation. Jene connaisqu’uneseulepersonnecapabledeça.

—Oui,c’estmoi.—J’auraisbesoind’unesignatures’ilvousplaît.

J’attrapelepapier,legriffonne,luirendetlelivreurmetendlebouquet.

—Unebonnejournéemademoiselle.

Jetourneaussitôtlestalonsavecmongrosbouquetdefleursdontjesuistrèsfière,c’estlapremièrefoisquej’enreçoisun.Alexisnem’ajamaisrienoffertenyrepensant,àpartdesmauxdecrâneetdesbleus…

Je m’assieds sur le canapé pour observer ces jolies fleurs. Est-ce qu’on a un vase au moins ? Jeréfléchisunmoment.Ah,oui,peut-êtresousl’évier!Jeposedélicatementlebouquetsurlatablebasseetparsfouiller.

Jedénicheunvieuxvase.Qu’est-cequ’ilestmoche!Tantpis,jeferaiavec.Jelenettoie,yversedel’eauetvais chercher lebouquet. Je l’installe enévidence sur leminiplande travailde la cuisineetattrapelapetitecarterougeaccrochéesurlepapiertransparent.

19h?

S’ilteplaît,Please,Porfavor,Prego,Parakalo...

Jerigoletouteseule,àlafoiscontentedel’attentionetsurpriseparlemessage:lessienssonttoujoursoriginaux!

Commentluidirenon?

J’attrapemontéléphone.

Moi : [MadameCurieusea réfléchi longuementdevantunbouquetderoses rosequ’un inconnu luiaenvoyé.Ellepensequ’ellenepourrapasêtredisponiblepourMonsieurCompliqué,vuqu’elleadéjàrendez-vousavecleditinconnu.]Laréponseestpresqueimmédiate.

Gabriel:[Quisait,ilestpeut-êtrecharmantcetinconnu…Maiss’ils’avèrequec’estunpsychopathe,neteplainspasaprès!]

Monrirerésonnedansmesoreilles.Iln’yaqueluipoursortirdeschosescommeça!

Moi:[Jeprendslerisque…]

J’entendslaclefdanslaserrure.Audeentre,traînantsongrossac.Ellemedévisage.

—Tuesencoreenpyjamaàcetteheuredel’après-midi?

Jetesignalequ’onaessayédetejoindre.

—Jedormais.

Sesyeuxsedirigentverslegrosbouquet.Elleenlâchesavaliseetseprécipitedevant.

—Oh,disdonc!IlestdeGabriel?—Jenesuispassûre,lacarten’estpassignée.

Jevaislafairemarcherunpeu.Elleattrapeleboutdecartonetleretournepourvérifiers’iln’yauraitpasunnomquelquepart.

—Ilestplutôtétrangecepetitmot!QuiçapourraitêtreàpartGabriel,detoutefaçon?

Elleposesondoigtsursonmentonenobservantlebouquet.

—Etsicen’estpaslui,tucomptesquandmêmeyaller?—Biensûrquej’irai!

Elleplacesesmainssurseshanchesensetournantversmoi.

—Tutemoquesdemoi,hein?—Ouais.

J’éclatederireetmelèvepourrangerlebazarquiencombrelesalonavantderecevoiruneremarque.Jedoiségalementm’occuperdelachambreetramassercequ’ilrestedelalampe.

Elles’approchedemoietpassesondoigtsurmalèvre.

—TuascroiséAlexis?—Non,biensûrquenon!Jemesuismordue.

Elleal’airplutôtsceptiqueetpourtant,jesuishonnêtecettefois.Elleestinquiète,jelevoisbien.Ellepense que je lui mens. Il faut avouer que ça m’est déjà arrivé plusieurs fois. Ses yeux verts sontsoudainementemplisdetristesse.

—Rose,tumeledirais?—Oui,jeteledirais.Net’inquiètepascommeça.

Ellememetvraimentmalàl’aise;maconscienceestdéjàentraindepréparersesvalises.

—Biensûrquejem’inquiète,Rose!Jet’airamasséeassezsouventàlapetitecuillèrepouravoirledroitd’avoirpeur!

Bon,cettefois,j’aicarrémentlesboules,maisjeluimenspoursonbien.

—Ouais,jesais.Jevaisrangerlachambre,j’aicassélalampe.

Etcommed’habitude,jemedéfile.Jemedépêched’atteindrelaportepouréviterd’autresquestionsencoreplusgênantes.

Jeramasselesmorceauxquandelleréapparaîtderrièremoi.

—Rose,j’aiuntrucàt’avouer.—Quoi?—OnaaperçuAlexishierenpassantdevantleSaphir.

Ilfallaits’yattendre...Jemelèveetmedressefaceàelle.

—Jesais.Net’inquiètepasavecça,iln’aplusledroitd’yentrer.

Jeveuxpasseràcôtéd’elle,maisellemeretientparlebras.

—Pourquoitunem’enaspasparlé?

Faitchier!

—Écoute,iln’yarienàdire.Ilpeutattendretouslessoirs,ilnemeverrapasdetoutefaçon.Jenevoulaispas t’inquiéteraveccettehistoire.Toutvabien, j’arrive trèsbienàm’occuperdemoi.Jen’aipluspeurdelui.

Tuparles,j’enaiunetrouillebleue!

Je luisourispour la rassureretgardemonaplombpour lui faire face.Elleenchaînesurun tonplusdoux.

—Maistuasledroitdem’inquiéter.Çasertàçalesamis,non?—Oui,maisjedoism’occuperdemoitouteseule.Tuneseraspastoujoursderrière.

—Biensûrquesi,Rose!—Et tu te débrouilleras comment quand tu auras unmari et des enfants ? Tu crois qu’on habitera

encoreensemble?

Idiote,réfléchis!

—C’estlointoutça!—Oui, c’est certain.D’ici là, on aura sûrement trouvé un plan pour le tuer et le découper pour le

mettredanslecongélateur.

Elleprendunairfaussementoutréparmesparoles.

—Rose!—Nestressepas,c’estmoiquiledécouperai!—Tuabuses!

Jesautesurlelitpourluiéchapperetjefoncedanslasalledebain,meprenantaupassageuncoussindansledos.

***

Voilà. Il est dix-huit heures trente, j’ai tout rangé et nettoyé. Je portema jolie robe blanche etmesnouvelles chaussures. J’ai demandé à Aude de me boucler les cheveux. Il n’y a plus qu’à attendre.Pourquoisuis-jestresséecommeça?Cen’estquandmêmepaslapremièrefoisquejelevois!J’ailesmainsmoites,çadoitêtrelatroisièmefoisquejeleslave.Lafenteàmalèvren’estpasaussimochequejel’auraispensé:avecunpeudemaquillage,jetrouvequeçanesevoitpastrop.Parcontre,cen’estpastrèsagréablequandjeparle,maisj’aiconnupire.

Jetournedansl’appartementquandmonespritmerappellequejen’aitoujourspasprisdenouvellesdeJosh.

Moi:[Bonjour,justeunpetitmessagepoursavoirsituteportesmieuxqueladernièrefoisquenousnoussommesvu.Désoléedenepasavoirdonnédenouvellesplustôt.Rose.]

Ça,c’estfait!

Aude est, pour la cinq ou sixième fois de l’après-midi, la tête dans le bouquet de fleurs. Elle avraimentquelquechosequinetournepasrond.

Onfrappeàlaporte.Jemeprécipitepourouvrir,maisjemedécomposequandjetombenezànezavec

Samantha.Jeneluilaissepasletempsdeparleretjeluiclaquelaporteaunez.

Jemerassiedstranquillementsurlecanapé.

—Aude,c’estpourtoi!—Quic’est?Pourquoias-turefermé?—Jeneconnaispas.

Intriguée,elleouvreetlaisseentrerSamquin’osepasmeregarder.Monamieparcontre,mejetteuneœilladeassassine.Arborantunairinnocent,j’yrépondsparunsimplehaussementd’épaules.

L’atmosphèreambianteestd’unseulcoupétouffante.Jenelasupportepluscettefille.C’estviscéral,jen’ypeuxrien.J’attrapemonsacetfilesansdireaurevoiràpersonne.Jedévalelesescaliersmalgrémestalonsetsorsprécipitamment.J’attendraiici.

J’exécutedesallers-retourssurletrottoirdepuisaumoinsvingtminutes,lorsquelavoituredeGabrielsegareenfinàquelquesmètresdemoi.Ilsortducôtépassager,beaucommeundieuavecseslunettesnoires.J’ail’impressionqu’ilaprisdescouleurs.Ilatroquésonéterneljeansnoircontreungrisdélavéquiluisiedàravir.

—Bébé,tuesvraimentmagnifique!

Ilmeregardedehautenbas,soulevantseslunettespourlescalersursatête.Ilm’attrapeparlataillesansm’offrirleloisirderéfléchiretm’embrassepresquedeforce.Bon,OK,jel’ailaisséfaire!

J’aimalàlabouche.Ilfroncelessourcils.

—C’estquoiça?—Jemesuismordue!

Ilmeregardesceptique,maisjel’empêched’enchaîner.Jereculeettendmondoigtdevantsonnez:

—Tuneparlesplusjamaiscommeça,onestbiend’accord?

J’essaiedegardermonsérieuxetd’avoirl’airencolère.Jenesaispascequeçadonne,maisentoutcas,ilnebronchepas.

—Bien,madame.—Jeneferaisjamaisunetellechose,alorsarrêted’insinuerdesineptiespareilles!

—Jelesais,Rose...c’estjustemoiquidéconne.

Çayest,sesyeuxsontfuyants.Jesaisdéjàqu’ilnem’endirapasplus.

Jel’embrasseàmontour,heureusederetrouversesbras.Mêmesijepensaispiqueruneplusgrossecrise,quandjesuisarrivéedevantlui,lamoitiédemesressentimentssesontenvolés.

Ilm’ouvre la portière pour que je puissem’installer à l’intérieur etmonte àmes côtés.Douglas seretourne.

—BonsoirmademoiselleAmlynn.—BonsoirDouglas.—Oùallons-nous,Monsieur?—AuSaphir,Douglas.

Jeleregarde,intriguée.

—Net’inquiètepas.Jepassejusterécupérerdespapiers.

Çatediraitd’alleraurestaurant?

—Oui,biensûr.

Jen’auraipasmismabellerobepourrien.Ilglissesamainjusqu’àmajambeetmecaresselacuisse.Jesuistrèscontented’avoirprisladécisiondepassersurl’accrochaged’hier.Riennevautlesmomentspassésaveclui.

Unemultitudedequestionsassaillentmonesprit.Etcommetoutecurieusequiserespecte,ilfautbienquej’enposeaumoinsune.

—Tuasvraimentcasséquelquechosedanslachambred’hôtel?

Ilregardeparlafenêtrepouréviterdecroisermonregard.

—D’aprèstoi?

C’étaitidiotcommequestion,puisqu’aufonddemoi,jeconnaisdéjàlaréponse.

—J’espèrequetun’aspaseudeproblèmes,aumoins.

—Rassure-toi,çava.Ettoi,bébé,qu’est-cequit’asprisdepasserlasoiréeaveclebarman?

Àsatête,jecomprendsqu’ilpèsesesmots.Ducoup,j’éviteuneréflexionsurle«barman».

—C’est juste un collègue et également un ami qui vient régulièrement à lamaison. Tu sais, il estcopainavecAudeetValentinaussi.

Ilpassesamainsursanuque.Jeconstatequ’ilesttendurienqu’àvoircepetitticnerveux.

—Tu es tellement innocente, Rose. Tu ne te rends pas compte de tes actes, comme aller dans unestation-serviceenpleinenuit.

Pourquoi ? Il pense que je suis si bête ? Je ne suis plus une gamine naïve. Et puis, Lucas est unepersonnequej’apprécie.

Jeposemamainsurlasienne.

—Rassure-toi,jesaistrèsbiencequejefais.J’étaisaccompagnée.

Ilsemetàrire.Jenecomprendspastroppourquoi.Ducoup,j’ôtemamain.

—Tucroisfranchementqu’ilestcapabledeteprotéger?—Cen’estpasdrôle,Gabriel!

Ilarrêteimmédiatement.

Lavoituresegareàl’arrièreduClub,surl’ordredeGabriel.Ildescend,maisj’ignores’ilfautquejelesuiveounon.Ilpassesatêteparlaportière.

—Tuattendsquoi?—Jenesavaispassituvoulaisquejevienne.—Voyonsbébé,biensûrquetum’accompagnes.Jenevaispast’abandonnerici.Jenesaispaspour

combiendetempsj’enai.

Jemedécideàdescendreetilm’attrapeparlamain.LeSaphirn’estpasencoreouvert.Iln’yaqueStéphanequejesaluerapidementenpassant.Gabrielmarchetellementvitequej’aidumalàlesuivre.Tiens,voilàlesescaliersdeladernièrefois.Jerougisrienqued’yrepenser.

Arrivésenhaut,Gabrielsortlesclefsdubureaudesonpèreetouvrelaportepourquej’entre.Jerestefigéedansl’embrasure,incapabledebougeroudeprononcerunmot.Gabrielmerentrededansenvoulant

mesuivre.

L’horreurdevantmesyeux:LiaassisesurlebureauavecsajuperemontéeetlepèredeGabrielentresesjambes!

Je ne sais plus quoi ni qu’est-ce... je me sens tellement mal... décomposée. Je tourne la tête versGabriel. Il est livide, la bouche entrouverte. J’observe le masque de douleur sur son visage setransformerencolère.

Ilsnousontaussitôtremarquésetseredressent,serhabillant.LepèredeGabrielamorceunpasdansnotredirection,maisjesensmoncorpssesouleverdeterre.J’atterrissurl’épaulequejeconnaissibien.

Auloin,j’entendsmonsieurAlcottappelersonfils,maisGabrieldévalelesescaliers.Jem’accrochecommejepeux.

Stéphaneécarquillelesyeuxennousvoyantpassercommeçadevantlui.Gabrielrestesilencieux,cequim’inquiète.

D’autantplusquejenetrouveabsolumentrienàdire.

Ilmepose,toujourssansunmot,àl’intérieurdelavoiture.

—Douglas,ramène-lachezelle.Tunelalaissesdescendresousaucunprétexte!

Quoi?

—Bienmonsieur.—Gabriel!

Ilestdéjààl’intérieurduClublorsquemaboucheréussitàprononcersonprénom.J’essaied’ouvrirlaporte,maislasécuritéestenclenchée.Jetirecommeunefollesurlaportière.

—Douglas,s’ilvousplaît,j’aimeraissortir!

Lavoituredémarre.J’essaiededescendrelavitre,envain.

—Jesuisdésolé,mademoiselle.Jenepeuxpasvousdonnersatisfaction.

Je bougonne et tape des pieds à l’arrière de la voiture. J’attrapemon téléphone et tente d’appelerGabriel,sanssuccès.C’estcertain,ilvaexploser!Jesuistellementinquièteetpaniquée.

QuandDouglasmedéposesur le trottoir, j’aidéjàappeléGabrielvingtou trente fois.Et je suis là,commeuneidiote,àfairelescentpas.RéfléchisRose,réfléchis!

Montéléphonevibredansmamain.Jemedépêchederegarder,maiscen’estpasGabriel,c’estJosh.

Josh:[BonsoirRose,jesuistrèscontentdetelire.Jemeportebien,jet’enremercie.Est-cequemonfrèreestsupportable?Jeseraistrèscontentdepasserunmomententacompagnie.Contacte-moiquandtuenaurasl’envie.]

Josh, oui, c’est lui que je vais appeler ! J’appuie sur la touche appel. J’essaie d’articuler quelquechosedecorrectmalgrémavoixtremblante.

—BonsoirJosh,estcequejetedérange?—Nondutout.Qu’est-cequisepasse,tuasl’airaffolée?—Écoute,jen’aipasletempsdet’expliquer.Est-cequetupeuxmerejoindreauSaphir?Jeparsà

pieddechezmoi,onseretrouvelà-bas.—Euh,oui,biensûr.J’arrive.

J’avanceàtoutevitesse.J’aimalauxpiedsavecmeschaussuresneuves,maismesjambescontinuentquandmême.J’espèrejustenepastombersurAlexis.Ceneseraitvraimentpaslemoment.J’aiunebouleauventre.L’imagedeLiaetdupèredeGabrieltournedansmacabocheàunevitessefolle.

Ilmerestetroisruesetj’yserai.J’entendsklaxonneretj’aperçoislavoituredeJoshderrièremoi.Jefonceetmonteàl’intérieur.

Ilredémarreaussitôtsansmeposerdequestions.Jeressemblesûrementàunedingue.Jesuismontéesurdumillevolts.

JescrutelafaçadeduSaphiravantdedescendre.Pasdetraced’Alexis.JenesaispastropsijedoisparlerdetoutçaàJosh.Jeneveuxpasprendrelerisqued’énerverGabrielplusqu’ilnel’estdéjà.

—Attends-moiici,s’ilteplaît.Sij’aibesoin,jet’appelle.—Jenebougepas.—Merci.

Jefonceàl’intérieur,passantdevanttoutlemonde.JebousculepresqueDiegoettraverselafoulequicommenceàs’amonceler.Liaestderrièresonbaretbaisseleregardquandj’arrivedevantelle.

—OùestGabriel?

—OhRose,jesuis…

Jen’aipasletempspourcesconneries.

—Fermelà!Répond,oùest-il?

Roxanne et Stéphane nous regardent, abasourdis. Lia bafouille avant de réussir àme sortir quelquechosedecompréhensible.

—Ilaretournélebureau...Il…Ilestpartiaussitôt.Ilétaittellementfurieux.

Jerevienssurmespasencourant,bousculantdeuxtroispersonnessurmonchemin.Jelesentendsrâlerderrièremoi,maisc’estbienledernierdemessoucis.Jefoncejusqu’àlavoiture,préparantmentalementcequejepourraisdireàJosh.

Jemonte,essoufflée,etprendsdeuxminutespourrecouvrermesesprits.Joshmedévisage.

—C’estencoreGabriel?

Jemetourneverslui,déterminée.

—Écoute-moibien,Josh.Tonfrères’estgravementembrouilléavectonpère,nem’endemandepasplus.C’estluiquit’expliqueras’illedésire.Maisilestpartihorsdeluietfranchement,j’aipeur.Est-cequetusaisoùilauraitpualler?—Ouais,jepense.

Surcesmots,ildémarreaussitôt.Joshestvraimentunhommetrèsgentil.

Je regardemon téléphone. Il est presque vingt et une heures et je n’ai toujours aucune réponse. Jegigotesurmonsiège.

—Ilyadelaroute,tudevraistedétendre.—J’aimeraisbien.Commenttufaistoi?

Unefossettesursajouesecreusequandilesquisseunsourire.

—J’ail’habitude.

L’habitude?Etbien,c’estmouvementéchezeux!

4.Routeabrupte

«Tunesaispasàquelpointtuesfortjusqu’aujouroùêtrefortrestelaseuleoption.»BobMarley

Letrajetesthorriblementlong.Certainementdixfoispluslongqu’ilnedoitl’êtreenréalité.

Joshsegareenfinsuruneespècedeplaceperdueaufinfonddenullepart.

Il me montre du doigt une route sinueuse à flanc de colline. J’aperçois plein de voitures et unattroupement,maisjenedistinguepasvraimentbien.Ilcommenceàfairesombreetnoussommesunpeuloin.

—Regardelesdeuxvoituresenhaut,tuvascomprendre.

Je les observe, arrêtées l’une à côtéde l’autre.Elles démarrent enmême temps et accélèrent à unevitessefolle.Mesyeuxs’arrondissentlorsquejelesvoisdéraperdanslesviragesaubordduprécipice.Jen’enrevienspas,iln’yamêmepasdebarrièresdesécurité.Ilssontcomplètementtaréscesgens!

—C’estquoiça?Ilssontmalades!

JeregardetouràtourJoshetlesvoituresquidévalentàtoutevitesse.

—Tuvoislanoirequisepréparelà-bas?—Oui,jelavois.

J’observecequiressembleàunevoituredecourse.

—C’estGabriel.

Moncœurbatàtoutrompredansmapoitrine.Lapaniquemeprendetjen’aipasletempsderéaliserque je suis déjà en train de traverser la plaine devantmoi. J’entends Josh crier et jurer pour que jerevienne.

J’aitellementmalavecmeschaussuresneuvesquejelesenlèveetcontinueàcourirpiedsnus.

J’arrivedevantl’attroupementdemecstatouésetflippantsquimejettenttouràtourunœilamusé.Ilya

beaucoupdefillesavecdestenuescomplètementindécentesetdumaquillageàoutrance.Forcément,jedénotedansleurdécoravecmarobeblancheetmeschaussuresàlamain.Pasétonnantquejesentetouslesregardssedirigerversmoi.Montéléphonevibre.Jesaisquec’estJosh,maisjenerépondspas.

Jecommenceàmesentirmalàl’aiseenentendantcertainesréflexionsassezdéplacéessurmonlook.Lebruitdelamusiqueetdesmoteursestassourdissant.

—Eh,petitefleur,qu’est-cequetufaislà?

Je me retourne sur la voiture verte qui s’arrête à mon niveau. Cameron ! Mon tatoueur ! Je suissoulagéedelevoir,enfinunetêtequejeconnais.

—Jenesaispastropettoi?—Jeparticipeàlaprochainecourse.

LesmotsdeJoshmetraversentl’esprit.Ilm’abienditqueGabrielsepréparaitpourlasuivante?

—Contrequi?—Gabriel.—Jepeuxmonteravectoi?Jesuisfolle,c’estofficiel!—Génial.Vas-y,monte!T’asducranpetitefleur.

Je contourne la voiture enme demandant si je n’ai pas complètement perdu l’esprit. Je prends unebonneinspirationetjegrimpe.

—OùestLucas?—Ilbosse.

Jenesaismêmepasenréalité.

—Attache-toi.

Jeregardeautourdemoi,maispasdeceinturedesécurité.

—Lesharnais.Attends,jem’enoccupe.

Ilm’attacheetserrelessanglesaumaximum.Lavoituredémarredansunbruitinfernal.J’ailesjambesquitremblentàlapenséedesvoituresdévalantlacollineenrisquantl’accidentàchaquevirage.

—Merci.—Tunel’asjamaisfait,pasvrai?—Non,jamais.—Tupeuxtoujourschangerd’avis,situaspeur.

Nousmontonstranquillementlarouteabrupteetmoncœurseserre.Courage,Rose.Tupeuxlefaire!

—Jen’aipaspeur.

JeregardelevideetimagineJoshmecherchantenbas.

J’aiundecesvertiges!

Regardedevanttoi,Rose!Marespirationestcomplètementdésordonnée.

Nousnous approchonsde lavoiturenoire et nousnous alignons.Mesyeux tombent surGabriel, là,juste à côté demoi.Nous sommes séparés uniquement par les carrosseries. Il fixe la route, les dentsserréesetlesjouescreuses.Ilnesetournemêmepasànotrearrivée.

—Eh,Gabriel!Tuasvu,j’aiunejoliepetitefleuravecmoi.Alorspourunefois,laisse-moigagner!

Cameron éclate de rire etGabriel jette un coup d’œil furtif dans notre direction.Quand son regardcroiselemien,ilseretourned’uncoup,commes’ilavaitvuunfantôme.

—Rose,putain,qu’est-cequetufouslà?

Ilalesyeuxnoirsdecolère.Jen’arrivepasàarticulerunseulmot.C’estCameronquimesortdematranse.

—Tuleconnais?—Euh...C’estcompliqué...

Unefilleseplaceentrenous.

Gabriel hurle,maisCameron a remonté la vitre et le bruit desmoteurs étouffe ses paroles.La fillebaisselesbrasetmontatoueurdémarredansuncrissementdepneus.Gabrieln’estpasàcôtédenous.Jeregardedanslerétroviseur.

Ildémarreseulement.

—Ilnouslaissedel’avance,c’estcool!

Cameronn’arienpigé.J’ailecœurquirisquedemesortirparlabouche…Ilroulevite,trèsvite.Jen’arrivepasàfermerlesyeux.Jefixelevideàcôtédemoi.

—Neregardepasenbas.Resteconcentréesurlaroute.

Ondérapeunefois,deuxfois.Gabrielseplacedemoncôtéavecsavoiture.

—Maisqu’est-cequ’ilfout?Pourquoiilnemedépassepas?Ilavaitlargementlechamplibre!

J’essaiedemeconcentrersurlesparolesdeCameron.Jem’accrocheauxharnais.Jedoisêtreblanchecommeunemorte.

Nousdérapons,violemmentcettefois.Jefermelesyeuxetentendsunbruitdetaule.Jevaismourir!

—Qu’est-cequiluiprendbordel!Ilafaillisetuerlecon!

Ohnonpasça!

Cameronaccélèreencore.Moncœurvalâcher...JechercheGabrieldesyeuxdanslerétroviseur.Ilesttoujourslà,justederrière,surladroitedelavoiture.Ducôtéleplusdangereux,forcément!

—Onvagagnerpetitefleur!Tumeporteschance.

Ma bouche ne coopère plus du tout. Nous arrivons en bas et Cameron passe la ligne d’arrivée endérapant,cequifaiteffectueruntourentieràlavoiture.CelledeGabrielsuitlemouvement.

Cameronmedévisage.

—Çava?—Ouais,jecrois...

Jevérifiequetoutmoncorpsestenplacequandlaportières’ouvreavecuneviolenceinouïe.Cameronetmoisursautonsenmêmetemps.

Gabrielmedétacheenunclind’œiletm’éjectedelavoituretoutaussivite.

—Eh,Gab,ilsepassequoilà?

—Toi,fermelà!

IlmenaceCamerond’unseulregardetcelui-cihausseunsourcild’incompréhension.

Gabrielmesecoue.Ilcommenceàouvrirlabouchequandsoudain,toutlemondecrieautourdenous.

—Putainlesflics!MonteimmédiatementRose.

Ilmepousseàl’intérieurdesavoiture.

Il ne prend pas le temps de faire le tour, passe au-dessus du capot et s’installe au volant en deuxmouvementstrèsfluides.Jetiltetoutàcoup,Joshestseulaumilieudecettefoule.

—MerdeJosh!—QuoiJosh?—Ilestlà,ilmecherche.—C’estpasvrai!

Sesmains se crispent sur le volant, les jointures sont blanches tellement il le serre. Il démarre etcontourne la foule. Je l’aperçois unpeuplus loin devant nous.Un tas de voitures démarrent enmêmetemps.C’estaffolantcebruit!

—Là!

Jeluiindiquedudoigt.Gabrieldérapeencoreunefoisprèsdelui.

—Monte.Grouille,ilyalesflics!

Joshnesefaitpasprieretgrimperapidementàl’arrière.Gabrieldémarreentrombe.Jemeretourneetaperçoislesgyropharesauloin.Jesuisenpaniquetotale.J’essaiedem’attacher,envain:moncorpsestballottédanstouslessens.Jecaptesonregardaffolésurmoi.

—Josh,attache-labordel!

Ilpassesesmainsdechaquecôtédemoietsatêteapparaîtau-dessusdemonépaule.Leharnaisestenrouléetilgalèreaveclessecousses.

—Démerdetoi,fautquej’accélèreouonvasefairechopper!

Ça y est, je suis attachée. Il accélère immédiatement sans attendre que son frère n’ait le temps deretourneràsaplace.J’entendsJoshjurerderrièreetsecognerdeux,troisfois.

Gabriel roule à une vitesse de dingue et dépasse en zigzaguant dangereusement entre les voiturespartiesavantnous.Bizarrement,j’aibeaucoupmoinspeurqu’avecCameron.

Toutàcoup,ilemprunteunpetitchemin,avancedequelquesmètresetcoupelemoteur.

—Jeneveuxpasvousvoirbougerd’unpouce!

Je crois qu’on retient tous notre souffle quand deux voitures passent derrière nous à toute vitesse,suiviesdepeuparlapolice.

Letempsestinterminable.LamaindeGabrielcherchelamienneetjesuispresquesûrequemesonglesluirentrentdanslapeautellementjelaserre.

Savoixrésonnedanstoutl’habitacle.

—Jecroisquec’estbon.Vouspouvezdesserrerlesdents.

Nousnousmettonstouslestroisàrirenerveusement.Jem’éventeavecmamain,essayantderetrouverunpeudecontenance.

Ilsetourneversnous.

—Onadeuxoptions:soitondortlà,soitonrentreàpied.Lesflicstourneronttoutelanuit.

Joshprendlaparole.

—J’aimavoituregaréeàlademi-lune.—Super,onyvaàpied.Jeplanquelamienneavant.

Il redémarre et suit le chemin unmoment. Le bas de caisse couine tous les deuxmètres etGabrielgrimaceàchaquefois.

Nous descendons et mes pieds nus s’enfoncent dans la terre. Je regrette déjà mon jeans et mesballerines.GabrieléclairemespiedsavecsoniPhone.

—Oùsontteschaussures?—DanslavoituredeCameron.

Ilgrogne.Jecomprendsqu’ilaenviedemebalancerunevilaineréflexion,maisilsecontient.Joshserapprochedenous.

—EtsionappelaitDouglas?Roseneserapascapabledefairetoutcechemincommeça.—Ouais,etpuisilrépéteraaupaternel!Quellemerveilleuseidée!

La voix tranchante deGabriel résonne àmes oreilles. Il n’est pas vraiment calmé.Ce n’est pas lemomentdelecontrarier.

—Çaira,jenesuispasensucre!

J’ouvrelamarchesanslesattendre.Montéléphonen’éclairepasgrand-choseetj’aihorriblementmalàcausedescailloux.Maishorsdequestionquejemeplaigne!

Gabrielmerattrapeetsemetdedosdevantmoi.

—Allez,grimpe!—Çaira,jepeuxmarcher.—Cen’estpasuneoptionRose.Grimpeetarrêtedediscuter!

Mevoilàperchéesursondos,lesbrasautourdesoncou.Jenesuispasmalinstalléefinalement.Jeneregrettepassonentêtement.Sonalluremeberceetsonparfummechatouillelenez.C’estagréable.

Nousmarchonsunlongmoment,ensilenceauborddelaroute.Iln’yariend’éclairé;c’estvraimentpauméici.

—Gabriel,tuveuxquejeterelaiepourRose?—Danstesrêves!

Ilestvraimentdétestablequandilesténervé.LepauvreJosh…

—Jeproposaisçapourt’aider.Onestencoreloin.

Ilneprendpaslapeinedeluirépondre.Jem’enseraisdoutée,maisonpouvaittoujoursespérer.

Misàpartlesbruitsdepasrépétitifs,nousmarchonsdansunsilencereligieux.Etdanslenoir,qu’est-cequec’estennuyeux!Mêmes’ilyaquelquesétoilesdansleciel,lestéléphonessontbienutilespouryvoirquelquechose.

—Gabriel,jesuiscapabledecontinuerseule.—Non!

Superambiance…

Joshestàlatraîne,jetenteunpetitcoucoudelamainetilmerépondenesquissantunsourire.JeluidésigneGabrieldudoigtetfrottemajouepourluisignalermonennui.Ilrigoleensilenceetmemontresesdeuxpoucesqu’il tournevers lebas. J’essaiedemeretenirde rire. Ilmetson téléphonesoussonvisageetimiteunzombi.Troptard,jeglousse.

Gabrielmeposeetnousregardetouràtour.

—Vousfaitesquoiderrièremondosvousdeux!

Nousluirépondonsencœur.

—Rien!

Nousavonsjustel’airaussigênésl’unquel’autreenréprimantnosrires.

—Rose?

Ilmejaugeduregardetjedétesteça.

—OK.Oui,onrigolaitparcequetufaistatêtedemuleetqu’ons’ennuie!Cen’estpasdenotrefautecequis’estpassécesoiraprèstout!

Ils’approchedemoi,menaçant.

—Ahbon?C’estquilatêtedemule?Toioumoi?Réfléchibien.C’estquil’idiotequimontedanslavoitured’uninconnupourrisquersaviesansréfléchir?

Pasfaux,maisc’estdesafauteaussi!

—Deun,cen’estpasun inconnu.Dedeux,si tune t’étaispasenfui, jen’auraispasétéobligéedevenir!

LetonmonteetJoshregardesespieds,nesachantpasoùsemettre.

—D’où tu connais Cameron ? Ce n’est pas parce que je fais un truc dangereux qu’il faut que tu

m’imites!

—C’estmon tatoueur.Bien sûr que si, j’étais obligée de venir ! J’étais folle d’inquiétude et tu nerépondaispas!Etenplus,tum’asobligéeàrentrer.Çat’arrivedetecomporternormalementetdeparler?

Mesmainss’agitentdanstouslessensetGabrieltourneenronddevantmoi.

—Tontatoueur!Tudeviensamieavecchaquemecquetucroisesouquoi?Jen’avaispasenviedeparler,unpointc’esttout!

Joshtented’intervenir.

—Tun’asjamaisenviedeparlerdetoutefaçon!

Gabrielsetourneverssonfrèreetfoncesurlui.

—Ettoilà!C’esttoiquil’asamenéeici?AvoueJosh.Tuesinconscientouquoi?

Gabrielserredéjàlespoings.

—Qu’est-cequetuvoulaisquejefasse?Luicacherlavérité,commetoi?Etpuis,çaauraitserviàquoi ? Elle aurait été inquiète et aurait certainement passé sa nuit à pleurer. Eh bien non ! Finies tesconneries.Oudumoins,assume-lesmaintenant!

Jem’interposeentreeux.Gabrielmepoussedelamain,maisjerésiste.Ilbaissesesyeuxversmoi,encolère.

—Çasuffit!—Pousse-toiRose!—Non!Josharaison.AssumeunpeuGabriel!Etsituasbesoindeparler,ilyatonfrèreetmoi!

Illèvelesbrasaucielavantdelesrabaisserdansungestederas-le-bol.

—Vousmefaiteschiertouslesdeux.Jemecasse!

Et le voilà en train de marcher à vive allure. Josh et moi nous regardons pendant un moment,complètementabasourdisparsaréaction.Ilestvraimentinfernal!

J’avancesurlaroutedéfoncée,allantaussivitequemespiedsmelepermettent.

—Gabriel,attends!

Josh m’emboîte le pas. Quant à mon infernal Compliqué, il trace, ne me prêtant aucune attention.J’arrivepresqueàsonniveaulorsquequelquechoseseplantedansmonpied.

—Aïe!

Jetiensmajambedansmamainensautillantsurl’autre.Josharriveprécipitamment,metenantaussitôtparlebraspourquejenetombepas.

—Assied-toiquejeregarde.

Je luiobéiset il soulèvemonpiedpour retirer lemorceaudeverreplantédedans. Iln’estpas trèsgros,maisquandill’enlève,jememetsàcouineretàsaigner.

—Jevaisteporter,OK?

J’acquiesce,maisGabrielestplantéàcôtédenous.Jenel’avaismêmepasvufairedemi-tour.

—Dégagetespattesdelà!

Joshrecule,surprisluiaussiparsaprésence.

Gabriels’accroupitdevantmoi.

—Bébé,çava?—Enquoiçat’intéresse,puisquejetefaischier?

Ilfroncelessourcils,maissoulèvemonpieddélicatementpourregarder.

—Jeteporte!—Non!

Sesyeuxontchangé.Iln’yaplusdecolère,maisdel’inquiétude.Ilmefixe,désemparé.

—S’ilteplaît,nemerepoussepasbébé.—Tum’exaspères,Gabriel.Tutecomportescommeungamin!

Jemelèveenrepoussantsamain.Jemarchesurlapointedupiedetavancedroitdevantmoi.

Jeboitille,encadréparlesjumeaux.Jesuisénervéeauplushautpoint!J’essaied’allerplusvite,maisimpossible.JesenslamaindeGabrielessayerd’attrapermataille,maisjelarepousseencoreunefois.Jen’aijamaisvuuncaractèrepareil!Jemerongel’intérieurdelajoue.

Gabriels’arrêted’uncoupderrièremoi.Jecontinuemarouteetl’entendsparleràsonfrère.

—Rose.

Savoixestdoucetoutàcoup.Malgrémacolère,jemeretourne.

—Joshvateporter.Tuesd’accord?

Alors là, c’estdu jamaisvu !Ma têtedemuleademandéà son frèredemeporter ! Il acceptequequelqu’und’autremetouche…

Joshs’approcheetjegrimpesursondos.

Heureusementquenoussommesseuls,carlespectacleestpitoyable.Nousavonsl’airridicules.Nousnesommesquetroisconsquisefontlagueulesurlebordd’uneroute:moi,piedsnussurledosdeJoshetGabriel épiant lemoindremouvementde son frère.Quand je dis quemavie est une sitcomàdeuxballes!

J’aperçoisenfinlavoitureunpeuplusloin.Jesoupire.Cettesoiréeestunenfer!

Joshmedépose et jem’apprête àmonterdevantquandGabrielm’attrapepourme forcer àgrimperderrière.Jen’aipluslaforcedeluttercontrelui,alorsj’obéisàcetordremuet.Ils’installeàcôtédemoietm’attache.

—Rose…Excuse-moi,jet’enprie...Jetel’aidit,jenesuisqu’uncon.

JesuispartagéeentremacolèreetlefaitquejesaistrèsbienqueGabrielabeaucoupsouffertcesoir.Je glisse ma paume contre la sienne, mais je ne lui réponds pas. Je n’ai pas envie d’excuser soncomportementaussifacilement.

Sentirsamainquienlacelamienneestungrandsoulagement,commesitoutpouvaitdisparaîtregrâceàce simple contact. Je posema tête sur son épaule ; il n’y a rien à faire, j’ai tellement besoin demonCompliqué...

***

NousarrivonsenfinenvilleetJoshnousregardedanslerétroviseur.

—Lesamoureux,jevousdéposeoù?

Àcesmots,j’esquisseunsourire.

—Bébé,tuasenviedevenirchezmoi?

Gabrielquimedemandemonavis?Encoremieux!

—Jen’aipasdechaussures!—Ons’enfout!Josh,dépose-nouschezmoi.

Jemeglissecontreluietilm’enlace.J’enaitropbesoin.Pourlereste,j’aviseraidemain.

Un quart d’heure plus tard, je suis perchée sur l’épaule de Gabriel qui m’emmène jusqu’à sonappartement.Jemedemandecommentrécupérermeschaussures.

Nous entrons. J’ai faim, mais est-ce que c’est le moment de demander ça ? Ne devrais-je pas lequestionner sur ce qui s’est passé au Saphir, au risque de nous embrouiller encore un peu plus ? JesursautelorsquelavoixdeGabrielinterromptlefildemespensées.

—Unsandwich,çatetentebébé?

MercimonCompliqué,detoujoursdevinermesenvies!

Ilyaaumoinsçaquinechangepasaveclui.

—Absolument!—Poulet,crudités?—Hummm!

Jeboitilleetmeperchesurcequiestofficiellementmachaise.Jeposemescoudessurl’îlotpourleregardersemouvoirdanslacuisine.Ilal’airtellementfatigué.Enmêmetemps,lanuitdernièren’apasdûêtretrèsreposantepourlui.Quantàcelle-ci,ellen’apascommencétrèsfort.

Je l’observe sortir les ingrédients. J’adore sa façon de bouger : si on ne le connaissait pas, on nepourraitjamaisdevineràquelpointilestrongédel’intérieur.Ilatellementl’airsûrdeluietbiendanssoncorpsalorsque,pourtant,ilestauborddugouffre.D’aprèscequejecomprends,jesuisunedecelle

quicompte lepluspour lui. J’aimerais tellementqu’ilprenne lamainque je lui tends…Quandva-t-ilfaireunpasversmoiaulieudereculersanscesse…

Ilesttrèsfierdemeprésentermonsandwich.Jecroquedirectement.C’esttropbon!Ilestdoué,mêmepourpréparerunsimplesnack.

—Tiens.

Ilpoussedesclefsversmoi.

—Qu’est-cequec’est?—Desclefs.

Ilsemetàrireetjelèvelesyeuxauciel.

—Çava,j’avaisremarqué!

Ilmemontrelaported’ungestedelatête.

—Cellesd’ici.

Mes yeux s’agrandissent et je manque de m’étouffer avec l’énorme bouchée que j’étais en traind’avaler.

Ilmetendunverred’eauqu’ilavaitpréparé,commes’ilavaitanticipémaréaction.

—Tumedonneslesclefsdecheztoi?—Benouais.

J’aurais aiméqu’ilm’annonce les choses autrement.C’est très troublantpourmoi,maispour lui oncroiraitquecen’estqu’undétail.Jesaisqu’aufond,çanel’estpas.C’estjustesafaçond’être.

Ils’installeàmescôtés,sonassietteàlamain.

—Situveuxamenerquelquesaffaires,tupeux.Jeteferaisdelaplace.—Carrément?—Ouais,carrément.—Çameva.

Ilmedonneungentilcoupdecoudeetcroquedanssonsandwich.

Jemerendsàl’évidence:ilesttroptôtdansnotrerelationdecouplepouraccepterlesclefsdechezlui.Maisdansunsens, jen’enauraisûrement jamais l’utilité ; jeneconnaispas lecheminpourvenirjusqu’icietjen’aipasdevoiture.Pourtant,cegestedeGabrielestcommeunbondenavant.

J’ail’impressionqu’ilmefaituneplacedanssavie.

Finalement,ilamorceunpasdansmadirectionàsafaçon.

Je n’ai pas envie de gâcher cemoment en lui parlant de ses démons. Et puis, je suismentalementfatiguée.Cettesoiréeétaitépuisante.

—Onpeutmettrelatélévision?—Vas-y,tuescheztoi,bébé.

Jenedemandepasmonreste.Jel’allumeetmeglissesurlefauteuilenrepliantmesjambessousmoi.Gabrielrangelacuisine.J’esquisseunsourire:ilesttrèsproprepourunhomme.Ilrevientavecunplaidetleposesurmoi.Ilesttoujourstellementattentionnéaussi.J’aimececôtésidouxdesapersonnalité.

Ils’assiedetamènedesproduitsdésinfectants.

—Donne-moitonpied.

J’obéisetleluitends.Ilnettoieavecprécautionetjeluttepourgarderlesyeuxouverts.Ilm’apposeunpansementetjesensmesidéespartirloin.Jesuisépuisée.

5.Pointure37!

« L’amour est une passion qui ne se soumet à rien, et à qui, au contraire, toutes choses sesoumettent.»MadeleinedeScudéry

Jetraînedanslacuisine.Jesuislevéedepuisunbonboutdetempsdéjà:j’aiprismadouche,lepetitdéjeunerestprêtetGabrieldorttoujours.Jeneleréveillepas,ilabesoinderepos.Iladûmeporteraulithier,parcequejen’aipaslesouvenird’êtremontée.

Jen’avaisjamaistropprêtéattentionàlaportearrièredelacuisine.J’aitoutdesuitepenséquec’étaitunsellierouunechosedanscestyle-là,maiscematin,macuriositéesttropforte.Jepousselaporteetentredansunminusculecouloiravecuneportedechaquecôté.

Jenepensepasêtreindiscrète,puisquej’ailesclefsdel’appartement.Jesupposequej’ailedroitdevisiter.Etsiçaneluiplaisaitpas?Tantpis.Aprèstout,jesuisMademoiselleCurieuse,c’estluiquiledit!

Jepousselaportedegauche.L’intérieurestsombre.Jecherchel’interrupteurduboutdesdoigts.Lalumièreest rouge,c’estétrange. J’entredans lapetitepièceauxmursgris : ilyadesbacsvides,desmallettes,despincesétranges...

—C’estunlabophoto,petitecurieuse.

Jesursauteetmeretourne.Gabrielestappuyé,torsenu,contrel’embrasuredelaporte.

—Désolée,je...—Tun’aspasàêtredésolée.

Jeregardeautourdemoi.

—Pourquoin’ya-t-ilpasdephotosalors?—Parcequejen’enfaisplus.Jetel’aidit.—Etjepeuxsavoirpourquoituasarrêté?

Ilhausselesépaules.

—Parcequeçan’envalaitpaslapeine.Jenevoyaispluslabeautédeschosesautourdemoi.

—C’estdommage.

Ilentreetattrapeunemallette,l’ouvreetensortunappareilphoto.Jeleregardeinsérerunepelliculeàl’intérieur.Ilenattrapeplusieursetlesrangedanslapochedesonpantalon.

—Viens.

Jelesuis.Qu’est-cequ’ilcomptefaireavecsonappareil?Pourquoimonte-t-il?J’aidumalànepasm’écrouleràcausedemonpiedencoredouloureux.

Ilposerapidementl’appareilsursonbureauetsetourneversmoipourm’installersurlelit,debout.Ilmetde lamusique sur sonpcetpousse levolumeà fond : et je trouveçagénial !Tout l’appartementbaignedanslamusique.

Ilretournechercherl’objectifetlepointesurmoi.

—Oh,non,non!C’estunetrèsmauvaiseidée!

Jemecachelevisageavecmesmains.

—Souris-moibébé.Autrement,jetephotographieentraindegrimacer.

Sonvisage s’illumine. Il a tellement l’air heureux. Je fais un effort etm’assieds en tailleur avecunsourireplutôttimide.

Gabrielmebombardedephotoaumoindregeste.D’abordgênée, je fais lamoueavantd’éclaterderire.

Ils’approchedemoipourm’embrasser.

—TuesmagnifiquemaRose.Alors,n’aiepaspeur.Etpuis,ellesnesontquepourmoicesphotos.

Illeremetdevantlui.Désormaisrassurée,jecommenceàmedétendre.Jefaisleclown:jemultiplielespositions,debout, assise, allongée, jedanse, je saute sur le lit, je rigole, jememords la lèvre.LegrandregardgrisdeGabrielsurmoiàcemoment-làvauttouslesregardsdumonde!

—Montre-moitontatouagebébé.Jeleveuxaussi.

Jemelèveetsoulèvejusqu’au-dessusdunombrilleteeshirtquejeluiaiempruntéafindedécouvrirmontatouage,ainsiquemapetiteculotteaupassage.

—Nebougeplus.

Ilprendplusieursclichés.J’aimeraisvraimentpouvoirenavoirunedenousdeux.

—Etunedenousdeux,c’estpossible?

Ilchangelapellicule,grimped’unbondsurlelitets’allonge,m’entraînantaveclui.Iltendl’appareilau-dessus de nous et c’est reparti.Nousgrimaçons, nous envoyonsdes baisers à l’objectif, nous nousregardons,nousnousembrassons,nousessayonsd’êtresérieux,maisc’estassezdifficile.

—Jepeuxessayer?—Biensûr,jetemontre.

Ilm’expliqueavecunegrandepatience.Jel’écouteattentivementenledévorantdesyeux.CecôtédemonCompliquéestunepuremerveille!Jesuisentotaleadmirationdevantlui.

Etvoilà,c’estmontour.Jem’appliqueetilrit;enmêmetemps,jenesuispastrèsdouée,j’aimêmefaillilâcherl’appareil.Auboutdequelquesphotosmalcadrées,jecommenceàcomprendreletruc.

Iln’arriveplusàreprendresonsérieux;jel’aiprissoustouteslescouturesentraindesetordrederire.

—Unpeudesérieux,monsieurletopmodel!—Quoi?Tuveuxunephotodemagazinebébé?—Oui,posepourmoi!

Ilarboretoutàcoupunairgraveetunregardfrancetténébreux.

Ouah!Jevaisluisauterdessus!Cen’estpaspossible,ilestàtomberparterre!

Jemeconcentresurl’appareilpourévitermesmauvaisespensées.

Ilchangedeposeplusieursfoisetjemerapprochedeplusenplus,endansantsurlamusique.

—Tueslaphotographelaplussexyquej’aivue!

Ilattrapemesfessesdesamainpourmerapprocherdelui.

—Ettoi,tueslemodèleleplussexyquej’aivu!

Jemeretrouveàchevalsurlui,jecontinuedeleprendreenphotojusqu’àcequ’ilmel’ôtedesmainspourlebalancersurlelitetm’embrasser.Jemeredressepourcaresseretadmirersestatouages.Jepassemesdoigtssurchacund’entreeux,puisjemebaissepourlesembrasser.Sesyeuxsontbraquéssurmoietj’aimecequej’ylis.Ceregard-làestpourmoietjesaisqu’ilneregardepersonned’autrecommeça.

Ses mains sont sur mes hanches, les caressant doucement. Mes baisers continuent leur ascensionjusqu’àsoncou.Jel’embrasseencore.J’aiapprispasmaldechosesaveclui,alorsjevaislesmettreenpratique. Je monte jusqu’à sa bouche, lui mordille la lèvre, puis l’embrasse à nouveau, introduisantdélicatementmalanguepourtrouverlasienne.Ilpasseunemaindansmescheveuxetl’autresurmondospourmerapprocherunpeuplusdelui.

Jemedégagedesonétreintepourenleversonpantalon.Jeleglisselentementlelongdesesjambes.J’admiresoncorpsnusousmesmains.Cethommeincroyablementbeauestàmoi!

Lasonneriedel’iPhonesemêleàlamusiqueetjetressaille.Jetournelatêteversl’appareil.Gabrielse redresseet colle son torsecontremoi,m’enlaçantd’unbras. Il attrape sonportableet lebalanceàl’autreboutdelachambre.

Ilsesaisitdemonmentonpourlefairepivoterverslui.

—Ons’enfout!

Seslèvressontsurmapoitrineetj’oublieinstantanémentcequiadétournémonattentiondelui.D’unemain, il ôtemonhaut et de l’autre, ilmemaintient toujours sur lui. Il neveut pasque je lui échappe.J’adorececontrôleconstantqu’ilasurmoi.

Lachaleurdesoncorpscontrelemienestleplusdouxsupplicedontonqu’onpuisserêver.Sesmainssoulèventmonbassinpourmeredresseretildescendmapetiteculottelelongdemescuisses.Ellesmepoussentensuiteàmedressersurmesjambes.Ilembrassemontatouagetoutencontinuantdem’enlevercemorceaudetissugênantqu’iljetteleplusloinpossibledenous.

Mevoilàdebout,totalementnue.Lesbaisersqu’ilposeentremescuissesenmemaintenantfermementpar les fessesme font chavirer. J’aimerais prendre le contrôle,mais je l’ai totalement perdu. Je suiscomplètementfolledelui,maisjen’oseraijamaisluiavouerl’effetqu’ilasurmoncorps.

Ungémissements’échappedemeslèvresquandsalangues’enfonceenmoi.J’ancremesmainssursesépaulespourm’aideràtenirdebout:gérermonéquilibreetsesassautsincessantsdevienttropdifficile.J’accrochefinalementmesdoigtsdanssescheveuxalorsquemesjambestremblentsousleplaisirqu’ilmeprocureetquim’envahitàunevitessephénoménale.

Jefinispar tomber,submergéepar l’orgasmequiravagemoncorps.Jeprononcesonprénom,tandisquesesmainsmeretiennentetmeramènentcontre lui. Ilm’enlace,melaissant le tempsdeprofiterdumoment... Ilme bascule d’un seul coup sur le lit. J’ai juste le temps d’entendre le petit papier, qu’ils’introduitdéjàbrutalementenmoi.Jelaisseéchapperuncri,mesongless’enfoncentdanslachairdesondos.

Ilattrapemonbassinpourlesouleveretsonva-et-vientestbestial,interminable,presquedouloureux,maistellementbon.Jesuishaletante,jemedélectedesmusclesdesoncorpstenduàl’extrêmeàchacundesesmouvements...

Ilestmagnifique...

J’enveuxencore...Saboucheentreouverteestjustesublime.Jelamords...

J’enveuxencore...

Oh,oui,encore!

Pourquoiilarrête?Non!Jemetortillepourlefaireréagir,maisluimesourit.

—Tuenveuxencorebébé?—Oui,encore!

Ilseretireetmebasculesurleventre,relevantmesfessesd’unemainpourmepénétrerànouveau.Ilgrogneetjegémisenréponse.

Ohputain!

Mesmainss’accrochentdésespérémentauxdrapsetjecreuseledosenrelevantmesfessesplushaut.

Ilcommenceàmurmurerdesmotsd’amoursaucreuxdemonoreilleenaccentuantsescoupsdereinsetleplaisirmonteunenouvellefoisenmoi,plusviolentqueprécédemment.J’attrapemalèvreentremesdentspournepascrier.J’explose,l’emmenantavecmoidanslegouffreoùseplaisentnoscorps.

—Putain,Rose!

Il se laisse tomber délicatement surmoi etme retourne pourme regarder dans les yeux tout enmecaressantlajoue.

Jenesaispascombiendetempsilrestecommeça,àmecontempler,maisjeprofitedechaqueseconde

oùsesyeuxgrissontposéssurmoi,oùsesmèchesdecheveuxretombentsursonvisage,oùsaboucherestelégèremententrouverteetoùsoncorpsestagitédelégerssoubresauts.

Merde,jel’aimetellement!J’aienviedelehurler,àtelpointqueçaendevientdouloureuxdansmapoitrine…Maisnon,j’ensuisincapable.Jerefusedeconnaîtrelerejet,jenelesupporteraispas...

***

Letéléphonesonneànouveau.Gabriels’arracheàmesbras,enfilesonpantalonetramassesoniPhonequigîtparterre.Aupassage,iléteintlamusique.

—Bonjourmaman…Oui,jesais.C’estàquelleheuredéjà?

Ilpasseunemainnerveusedanssescheveux.

—Etlà,ilest?Déjà…Ecoute,jepasseteprendreàdix-septheures.

Sonregardaperdusadouceur,sesyeuxsontfuyants.

—Ouijelesai…Àtoutàl’heure.Oui,elleestlà.

Ilposesonregardsurmoietm’adresseunpetitsourire.

—Jeluidis,OK.

Ilraccroche.

—Qu’est-cequisepasse?—Jedoisemmenermamèreàunrendez-vous,maisavantça,jefilesousladouche.Profites-enpour

mangerquelquechosebébé.

Ilposeunbaisersurmondos.

—Jenet’invitepaspourladoucheouonypassel’après-midi.

Il ricaneenfranchissant laporteet jemelèvepourchercher le tee-shirtquiavolé jenesaisoù.Jepasseraisbienl’après-midisousladoucheaveclui,moi!

Jeleretrouveenfin,l’enfileetdescendsàlacuisine.J’avalecequej’avaispréparétoutàl’heure.Lestoastset lethésontfroids,maisjem’enfiche.Jerepenseànotreséancephotoetjeris,heureusetoute

seulesurmontabouret.

Jeconsultemesmessages.Joshmedemandecommentvamonpied.Ilesttellementgentil,jelerassureenquelquesmots.

Alexis.

Rienqu’àliresonprénom,toutelabulledebonheurquim’entoureexploseenmillemorceaux.J’ouvrel’uniquemessage,àcontrecœur.

Alexis:[Cen’étaitpasdesparolesenl’air!Jepassetevoirbientôtmapuce.]

Jerenversematassequisefracasseausol.

—Merde!

Jeme lève, toute tremblante,pour ramassermoncarnage. Ilyadu thépartout. J’entends lavoixdeGabrielettournelatêteverslarambarde.

—Çava,bébé?

Il se tient là, accoudé contre la barrière, ses cheveux dégoulinants d’eau.Mes yeux s’attardent unmomentsurlui.J’aienviedepleurer,jeneveuxpasqu’illuiarrivequoiquecesoit.

—Oui,oui.Jevaisnettoyer,désolée.

J’entendssespassurlemétaldel’escalier.J’essaiedemaîtrisermesnerfs,maisiladéjàcomprisquequelquechosen’allaitpas,c’estsûr!

—Bébé,netemetpasdansunétatpareiljustepourunetasse!

Ils’accroupitetcommenceàramasser,unesimpleservietteenguisedevêtement.

—Prépare-toi,jem’enoccupe.

Jenedemandepasmon reste. J’attrapemon téléphoneet je fi le à toutevitessem’enfermerdans lasalledebain.

Jem’écroulecontrelaporte.Lapeurestrevenue,plantantsesgriffesenmoi.J’effacelemessage.Ilnefautpasquejepleure,Gabrielrisqueraitdes’enapercevoiretça,c’esthorsdequestion!Jepassesous

ladouche. Jedois trouverunmoyende l’éloigner auplusvite. Jeme sèche. J’aibeau réfléchir, jenepensequ’àGabriel.Rienn’estcohérent.

Jereprendsmesesprits.J’attrapemesvêtementsqu’ilarepliésetrangés.Jelesenfileetmecoiffe.

Quandjeredescends,iladéjàtoutnettoyé,petit-déjeunercompris.Ilestdéjàhabilléetboitsoncaféenlisantlejournal.Illerefermeàmonarrivéeetsesyeuxm’invitentàapprocher.Jemecolleàsondosetl’entouredemesbras.–Aufait,mamèret’envoielebonjour.Onessayeradepasserlavoir,elleseracontente.

Jeréfléchisunmoment,maisilfautquejeluiposelaquestion.

—Net’énervepasàcausedecequejevaistedemander,maisest-cequetucomptesluiparlerdecequetuasvu?—Non.

Sontonestsecetsansouvertureàladiscussion.Jeresserreunpeuplusmesbrasautourdelui.Iln’apasl’airtendu,cequimerassure.Jenecomptepasinsister.Jevoulaisseulementenavoirlecœurnet.

Ilseretourne,m’attrapedanssesbrasetmeplanteunbaisersurleboutdunez.

—Onarendez-vousdansunedemi-heurepournotreprisedesang.

Oh,jel’avaisoubliécelle-là!

—OK.—J’arrive.J’aidespapiersàprendre.

Ilmonteàl’étage,quandjemerappellequejen’aipasdechaussures.Onnevapasdansunlaboratoirepiedsnusquandmême!

Je l’attends devant la porte en regardantmes pieds. Il redescend aussi vite qu’il estmonté avec undossiersouslebras.

Ilmesoulève.

—AllezCendrillon!Onpasset’acheterunepairedechaussures,ilyaunmagasinpasloin.

J’aimaréponse...

Nousvoilàenroute.Moiquin’aimepasça,j’ail’impressiond’yallerunpeutropsouvent!

—J’aihâted’enlevercesputainsdecapotes!

Jesursaute.

Gabriel:2–Tact:0

Je rougis et il éclate de rire en se garant sur une place libre devant lemagasin. Je descends et ilm’attrapeauvolpourmedéposeràl’entrée.

Lesdeuxvendeusesseprécipitentdevantlui,enenfaisantbeaucouptropàmongoût,luidemandantàluietnonàmoisiellespeuventl’aider.

J’aienviedeleurenvoyertouteslespompesdumagasindanslatête.

Ilattrapeunepairedeballerinesblanchesetlatendàunedesfemmesquiluisouritdetoutessesdents.Quelleconne!

—Celle-cien37.

Commentconnaît-ilmapointure?EllerevientensetrémoussantcommeunedindedevantGabrielquinelaregardemêmepas;ilestoccupéàchercherunsiège.

Ilmeramèneunpoufrosetrèsmoche.

—Assieds-toi,bébé.

Ilattrapelachaussureetlapasseàmonpied.

—Tuaimes?—Oui,j’adore!

Ilatrèsbongoûtetilmeconnaîtbienapparemment.Ellessontsimplesetvraimentjolies,beaucoupplusbellesquemesvieillesballerines.

Ilsetourneverslabécasseetluitendlaboîtevide.

—Onvouslesprend.Mettez-leségalementengriseetennoires’ilvousplaît.

—Gabriel,unepairesuffit.

Jenevaisjamaispouvoirluiremboursertoutça!Déjàquejenel’aipasencoreremboursépourlesfactures…

—Tuasunsacréproblèmedechaussures,bébé.Jepréfèreenavoirsouslamain.

Etenplus, ilsemoquedemoi!Ils’acharneàenleverlesétiquettes,quandladeuxièmebécasseluiproposesonaideensepassantlamaindanslescheveux.

Non,maisjerêve!Youhou,jesuislà!

—Çaira.

J’apprécielefaitqu’ilnelèvepaslesyeuxpourlaregarderenluirépondantavecuntondénuédetoutintérêt.

—Donne-moitespieds.

Ils’accroupitànouveaupourmemettreleschaussures.Jeregardelabécasseàcôtédemoiavecunpetitsouriremaléfique.Ilestàmoi,compris!

Jelesuisdeprèsquandilsedirigeverslacaisse.Bécasseuneestderrièrelecomptoir,rougecommeunepivoine.Jesoupiremalgrémoi.

Il paye et jem’étouffe àmoitié quand j’entends lemontant. Par contre, lui, cela n’a pas l’air de lechoquerlemoinsdumonde.

Bécasse une lui tend le paquet,mais il est en train de ranger son portefeuille, alors je lui arrachelittéralementlesacdesmains.

Ilm’attrapeparlataillepoursortiretBécassedeuxluisouhaiteunebonnejournée.Moi,jedoisêtretransparente!

Ilneluirépondpasetrigole.

Arrivéesurletrottoir,jeluidonneuncoupdesac.

—C’estpasdrôle!—Biensûrquesi,tuesmarrantemonpetitboutdenerfs!

Ilm’ouvrelaportièredelavoiture,jegrimpeenboudant.

Ildémarre,toujoursenmetoisantironiquement.Bon,jesuisjalouseetalors?Luiaussiaprèstout!Jehausselesépaules.

—Jeterembourserai.—OnneremboursepasuncadeauRose,ça,cen’estpaspoli!—Etpourlesfactures?—N’ypensemêmepas!—Biensûrquej’ypense!—Ladiscussionestclose.—Non!

Le regard qu’ilme lanceme fait comprendre qu’il ne vautmieux pas que j’insiste. Il est tellementénervantquandilsecomportecommeça!Jenem’avouepasvaincuepourautant.

Jesuisencoreen traindebouder, lesbrascroiséssur lapoitrine,quandnousnousgaronsdevant lelaboratoire.Etmaintenant,cerisesurlegâteau,unepetiteprisedesang…

J’ouvrelaportièreetmejettedehors.Marobeestfroissée,jeneressemblevraimentàrien!

Il passe son bras autour de mes épaules pour me faire entrer et nous nous plantons dans la fi led’attente,devantlecomptoir.Lasecrétairecommencedéjààledévisager.

Non,maisc’estlajournéeouquoi?

Jesuisàboutdepatiencequandonarrivedevantleguichet.Elleprendsonnom,etc.Jen’écoutepasetessaiedemeconcentrersurautrechosequeBécassetroisquisetortillelamèchedevantlui.

Mesyeuxpassentsurlesmursvertpistacheetleschaisesenboisalignéesdanslasalled’attente.Ilyaunnombreincalculabled’affichesdepréventionssurlesmaladiessexuellementtransmissibles,lesvirusetj’enpasse.

—Bébé,avance.Ondoitallers’asseoir.

Ilseplaceàcôtédemoisurunedeschaisesenbois.Deuxpersonnespassentetjetrouvedéjàletempslong.GabrielenvoiedesmessagespourqueDouglasaillerécupérersavoitureabandonnéeaufinfonddenullepart.

J’entendsmonnom:c’estàmoi.Unjeuneinfirmierplutôtséduisantm’attendàlaported’unbox.

Ah,iltombebiencelui-là!

Jeluioffremonplus jolisourireet,bizarrement, ilyrépondavecenthousiasme.Jenem’yattendaispas,maistantmieux.JejetteunœilàGabrielquiestàdeuxdoigtsdenouspoursuivredanslecouloirquandonl’appelleàsontour.

Ilnefautpasplusdecinqminutespourqu’onressortedulaboratoire.Aumoins,çan’apastraîné.

—Ilnet’apastripoté,aumoins?

J’explosederire.Jeneluirépondspasetmontedanslavoituresansl’attendre.

—Rose!—Etbiensi,figure-toi.Ilaosémetoucherlebrasetilamêmeplantéuneaiguillededans!

Jememoquedeluietcettefois,c’estluiquifaitlagueule.

Devantmonappartement, jeveuxdescendre, le laissantàsabouderie,mais ilm’attrapepar lebras,m’attirecontreluietm’embrasse.

—Tutravaillescesoir?—Non.—Trèsbien,jet’appellequandj’aiterminé.Laisse-moiunepairedechaussuresquejelamettedans

lecoffre:avectoi,çaservirasûrement!

Etvoilà,ilrecommence!Jegrogne,sorsuneboîteetlaposesurlesiège.

—Tuenaspourlongtemps?—Jenesaispastrop.

Jeluisourisetm’éloigneenmeretournantverssavoiturequitournedéjàaucoindelarue.

6.Lecommencementdelafin

«Chaquehommeest,ennaissant,assortid’unmonstre:Lesunsluifontlaguerreetlesautreslui

fontl’amour.»LéonBloy

Je grimpe lesmarches quatre à quatre. Je vole surmon petit nuage :mes chaussures sont vraimentconfortables. La porte n’est pas fermée, je la pousse et entre. Lucas est assis dans le canapé avecValentin.

JejettemonsacparterreetsautesurValentinquiatoutjusteletempsdeselever.

—Tum’asmanqué!—Toiaussi,poupée.

JesalueLucasqui,commed’habitude,alesourireauxlèvres.

Lucasmedétailledehautenbas.

—Trèsjoliecetterobe.—Tutrouves?C’estValentinquil’achoisie.

Monmeilleuramiseredresse,fierdelui.

—Tiens,jet’airamenéteschaussures.Moncousinmelesadéposéesendébutd’après-midi.—Euh…merci.

Ohlaboulette!

—Ilm’ademandédetedirequec’étaitquandtuvoulais.—C’esttout?—Ouais,pourquoi?—Non,commeça.

Valentinmeregardeattentivement:jesaisquesacuriositéestplusfortequetout,autantledevancer.

—Jel’aicroiséhiersoiretonafaituntourenvoiture.Ilestvraimentsympa.

Tais-toiValentin,jet’enprie!Maisnon,forcément,ça,c’estimpossible…

—Etpourquoituaslaisséteschaussuresdanssavoiture?—J’avaismalauxpieds!

Ça,aumoins,cen’estpasunmensonge.Horsdequestiondeleuravouerquej’aiétéemportédanslacoursedevoiturelaplusdangereusequisoitàcauseducaractèremerdiquedemonmec!

Jesaiscommentdévierlaconversation.

—Regardemesnouvelleschaussures!

Jebalancemonpiedsouslenezdemonami.

—Ouah,ellessontvraimentsympas!Maisavecquimetrompes-tubeauté?Lesmagasins,c’estmonjob!—C’estuncadeaudeGabriel.—Jesavaisqu’ilavaitdugoûtcemec!

Lucasnepeutretenirsaréflexion.

—Ouais,ilestsurtoutpleindetunes.Çaaide!

J’évitedoncdepréciserqu’ilenaachetédeuxautrespaires.

—Etdanslesac,ilyaquoid’autre?

MerciVal!

—Uneautrepaire.

Lucaslèvelesyeuxauciel,maisn’ajouterien.QuantàValentin,ilestdéjàentraindefouillerdanslesac.Encoremieux,ilaleticketdecaisse.Ilmemontrediscrètementlemontantinscritenbas,secouantsamainetouvrantlaboucheengrand.Quelclowncelui-là!

JemedirigeverslachambreetValentinmesuitenmepoussantpresquededans.

—Beauté,c’estdequil’énormebouquet?—C’estdeGabriel.—J’aiditàLucasqu’ilétaitàAude.—Ahbon,pourquoi?—Parcequej’aibiencomprisqu’ilavaitlebéguinpourtoi.Jesuishomo,pasdébile!—EtAude,elleestaucourant?—Oui,biensûr,j’aiassurémesarrières.J’espèrequ’elleauraregardésesmessages.—TuesunpromonVal.

Jeluiplanteungrosbisousurlajoue.Ilm’attrapelevisagefermementdanssamainenpointantsondoigtsurlecoindemabouche.

—C’estquoiça?—Jemesuismordue.

Ilnemelâchetoujourspas.

—Net’imaginepasn’importequoi.Jetelejure,jemesuismordue!—OK,OK,jetecroispoupée.—Allez,sorsdelà,jemechange.Sers-moiunverre.

Jelepoussedehors,jechangedesous-vêtementsetenfilemarobenoire:jen’aijamaismisautantderobesdemavie!Jepassememaquiller.Cesoir,jefaisunpeuplusd’effortsetjem’applique.J’essaiede me boucler les cheveux, mais j’abandonne très vite en voyant la fumée blanche et ma mèche decheveuxcramée.

Jegrimaceetessaied’arrangerlecarnage,sanssuccès.C’estencorepire.Enplusd’êtrebrûlée,elleestemmêlée.

JehurleetValentinaccourtlaminutesuivante.Jeluimontrelamèche.

—Tuesenmesurederéparerça?—Oh,Rose,qu’est-cequetuasfait?—Jevoulaisdesboucles.

Ilattrapel’après-shampoingetmepenchelatêteau-dessusdel’évier.

—Onnelaissepaslamèchetroisheures!Heureusementquetunet’espascramétoutelatête.

—J’aiencoredeschosesàapprendrepourêtreunevraiefille!

Jeglousse.

—Déjà,ilfaudraitpasserparlacasecoiffeur;tuasdesfourchesetilssontbeaucouptroplongs.—Ahbon?—Oui,unpetitrafraîchissementneseraitpasduluxe.Allez,relèvelatête.

Ilattrapeunciseauets’affairesurlamèche.Ilatoutemaconfianceetenplus,cen’estpascommesij’avaisd’autresoptions.

Lucaspasselatêteàlaporte.

—Vousfaitesquoi?Jepoireautedepuistoutàl’heure.

Valentinrigole.

—Unateliercoiffure,çatetente?—Ohquenon,cen’estpaspourmoicegenredechoses!—Onaterminédetoutefaçon.Ontesuit.

J’attrapeleverrequeValentinmetend.

—Tunouspréparesàmangerbeauté?—Danstesrêves!

Valentinselève.

—Merdeuse!—Toi-même!

Ilfouilledanslesplacards,puisouvrelecongélateur.

—J’annonce:cesoir,c’estpizza!

Qu’est-cequejemangemal!

—Super.EttoiLucas,çateva?

—Impeccable!

Ilestpresquevingtheureset toujourspasdenouvellesdeGabriel.Commej’aifaim, jene l’attendspas.Etlà,bonneidéedeValentin:nousmettreencoreuneautresérietordue.Enplus,c’estimpossibled’ycomprendrequelquechose,puisquejen’aipasvulesépisodesprécédents!

Cequiestbien,c’estqueLucasal’airaussiperduquemoi.Nousposonssansarrêtpleindequestionsàmonmeilleurami,cequiluipourrittotalementsonépisode.

Jeterminemapartdepizza,quandlatélévisions’arrête.Jemelèvepourregarderpourquoielleneserallumepas.J’éteins,puisrallume,unefois,deuxfois,maisrien.Jedébranche,jerebranche...Toujoursrien.Çacommenceàm’agacer.Jetentelebongroscoupdepoingsurledessus.

—Bon,jevousannonceofficiellementquelatélévisionarendul’âme!

Valentinestdépité;ilneverrapaslafindesonfeuilleton.

—Tuessûredetoi?

Il se lève, suivi par Lucas. Et les voilà en train de refaire la même chose que moi avec latélécommandeenrenfort.Àtrois,onn’estpasdetrop!

Onfrappeàlaporte.Jemedétournepourouvrir,leslaissantsedébrouiller.C’estGabriel.

—J’aiessayédetejoindre,maisjetombesurtamessagerie.—Ahbon?C’estétrange,iln’apassonné.Entre.

JemedirigeverslecanapépendantqueGabrielsaluelesdeuxscotchésdelatélé.

Jeregardel’écranduportableetletendsàGabriel,iln’yarien.Illemanipulequelquessecondesetmelerend.

—Rose,tun’asmêmepasdecodepin.—Etalors?—Jesuisbienplacépoursavoirqu’untéléphonesevolefacilement.

Valentins’approche.

—Ellen’apasàavoirpeur,personnen’oseraitlevoler,sonvieuxmachin.

Gabrielréprimeunrire,maistroptard,jel’aivu!

—Allez-yvousdeux,moquez-vous!JetournelestalonsetrejoinsLucas.—Alorsdocteur?—Jesuisdésolé,jen’airienpufaire.

Gabrielseplanteentrenousdeux.

—Ilsepassequoi?

Lucassetourneverslui.

—Jecroisqu’elleestfoutue.Tun’auraispasuneidée,carlà,onatoutessayé?— Je pourrai regarder,mais il faudrait l’ouvrir.Àmon avis, vu à quel point elle sent le chaud, le

mieuxseraitd’enacheterunenouvelle.

Ehbienvoilà,demieuxenmieux…Jereprendsmaplacesurlecanapé.

—Gabriel,tuveuxunepartdepizza?

Ilsetourneversmoietvients’asseoiràmescôtés.

—Ouais,pourquoipas?

IlattrapeunepartetValentinsedécideàmettredelamusiquepourmeublersadéceptiond’avoirloupélafindesonépisode.

Gabrieln’estpastrèsbavard.Enmêmetemps,pourquoicelam’étonne-t-ilencore…Ilal’airailleurs,maisjenelequestionnepasdevantmesamis.Jesaistrèsbienquejen’entirerairien.Ilaimeraitpeut-êtrepartir.

—Tuasprévuquelquechosepourcesoir?—J’aiduboulotbébé,jeneresteraipaslongtemps.

Oh! Je suiségoïste, j’aienviede resteravec lui,maisc’est sûrqu’ildoitavoirun tasdechosesàfaire.IlmemontrediscrètementLucasdelatête.Jesaisqueçal’énervequ’ilpartealorsqueluireste.

—Vousavezprévuquoilesgarçonscesoir?

Lucasregardel’heure.

—Moijenevaispastarder,j’assurelarelèveaubarcesoir.

Valentinenchaîne.

—J’aidesrévisionsetilfautquejemecalmeunpeusurlessorties.

JejetteunœilàmonCompliquéquifixesesmains.Jemedemandesic’estparcequ’ilavusamèrequ’ilestcommeça.Ilfautdirelasituationnedoitpasêtreévidente.Jeglissemamaindanslessiennes:j’aimeraispouvoirleréconforter,maisjenesaispascommentm’yprendre.

Gabriel attendqueLucas soitpartipourprendrecongéetme laisseravecValentinquin’apas l’airdécidéàplongerdanssesrévisions.

Jedébarrasselatable.

—Valentin,jeterappellequandmêmequetesexamensapprochent.Ilfaudraitpeut-êtreteréveiller.

Mevoilàenpleineleçondemorale.

—Tuasraison.Allez,j’yvais.Ettoi,tuasprévuquoimabeauté?—Meslessivesetmereposer.Jepensequ’unpeudecalmeneserapasderefus.

Dansunsens,c’estvrai.MêmesiunmanqueexisteàchaquefoisquejesuisséparéedeGabriel,neserait-ce que quelques heures, me retrouver avec moi-même pour seule compagnie sera plus quereposant.Mavieestplutôtmouvementéedepuisquejel’airencontré!

***

Je referme laportederrière lui. J’éteins lamusiqueetmedirigedans lachambrepourpréparerunelessive quand quelqu’un frappe de nouveau à la porte.Valentin a encore oublié quelque chose, il estvraiment tête en l’air. Je me précipite pour ouvrir et, d’un coup, une main me pousse violemment àl’intérieur.

Jetombesurlesfesses,n’ayantpasanticipél’éventualitéd’unetelleviolence.Jen’aipasletempsderéalisercequim’arrivequ’unemainm’attrapeparlescheveux.JemeretrouvefaceàfaceavecAlexis,penchésurmoi.Ilmemaintientfermement.

—Alors,laputainn’exécuteplusmesordresapparemment!

Ohnon,pasça!Non!Ilfautquejelecalme,vite.Mesmainstremblentetjecherchedésespérémentquoirépondre.J’aimal!

—Jet’enprie…—Ferme-la!

Ilmetireparlescheveuxpourmetraînersurlecanapé.

—Alexis,arrête,tumefaismal!—Tantmieux!—S’ilte…

Je me prends une grande claque et j’essaie de m’échapper. Mais il m’attrape par le mollet et jem’écroule lourdement par terre enme cognant la tête sur la table base. Je suis étourdie par le coup.J’essaiedemeredressersurmesavant-bras,maisilposeunpiedsurmoipourmeplaquerausol.

—Jel’aivusortird’ici,espècedesalope!—Tutetrompes,il…—Maistuvaslafermer,bordel?

Il appuie plus fort sur mon dos, me coupant la respiration. Je cherche du regard quelque chose àattraperpourmedéfendre,maisiln’yarienàmaportée.Qu’est-cequejevaisfaire?Sijenelecalmepas,jenem’ensortiraipas,ilestàdeuxdoigtsd’exploser!

—Tuascouchéaveclui,petitetraînée!

Ilmeretourned’ungestebrusque,m’attrapantparlehautdemarobe.Jesuisterrorisée,ilalesyeuxinjectésdesang.

—Non!

Sonrireestdiabolique.

— Arrête de me raconter des conneries. Tu es à moi. C’est terminé tout ça, je reprends ce quim’appartient!

Il m’attrape par le cou et me soulève pour me jeter une nouvelle fois sur le canapé. J’atterrislourdementdessusetilgrimpeaussitôtsurmoi,relevantmarobejusqu’àlataille.Jerepoussesesmainsetmetortillepourmedégager.Uneautregifledouchemesespoirs.

—Situbougesencore,jeteplante,OK?

Ilagiteuncouteausousmonnez.J’écarquillelesyeux.

—AUSECOURS!

J’aihurléaussifortquejelepouvais.

Ilposelecouteausousmoncou.

—Ferme-la!

Leslarmescoulentsurmesjouesquandildébouclelaceinturedesonpantalon.J’aienviedemourir,là,toutdesuite...

Jefermelesyeuxdedésespoir.

Tome6

1.Sanglots

«Quidescenddansl’abîmedelaMortetmonteensuiteàl’ArbredelaViearrivedanslaCitéduPossible,d’oùoncontempleleToutetoùsedécidentlesChoix.»ItaloCalvino

L’abîme.Àcemomentprécis,c’est làoù jepenseêtre.Celanepeutêtreautrement.Surtout lorsquej’entendscerirediabolique,lorsquejesenssonsouffledansmoncou.

J’entendsungrandfracasetlepoidssurmoncorpss’envole.

Çayest?Jesuisdéjàmorte?

Desbrasm’enlacent.

Qu’est-cequ’ilsepasse?Ilmesemblereconnaitrecettevoix.

J’ouvrelesyeuxetmejettesurAudequimeserredetoutessesforces.Jepleuretoutesleslarmesdemoncorps.

J’entendsdesbruitsetdescris,maisjen’arrivepasàregarder.Jesuislà,àsangloter,sansarriveràmereprendre.

—Jevaistebutterconnard!

Jetournelatêteàcesmotsetj’aperçoisCameron,unflinguesurlatemped’Alexis.Qu’est-cequisepasse ! Cameron ? Je ne comprends absolument rien ! Il décolleAlexis du sol et le balance dans lecouloir.

—Dégageoujeteprometsquejetetue,espècedepauvremerde!

J’entendsAlexisjureretdesbruitsdepasretentirdansl’escalier.Cameronfermelaporteàclefetseprécipiteversmoi.

—Eh,petitefleur,çava?—Non…

Jem’écrouleunenouvellefoisdanslesbrasd’Aude.J’aieusipeur,toutmoncorpstremble.

Je mets plus d’une heure à me reprendre et à réaliser ce qui vient de se passer. Je suis toujoursaccrochéeàAude.

—Heureusementquejesuis tombéesurCameron.Ilcherchaitnotreadressedans larue.Mapauvrechérie,ilfautqu’ondéménage.Onnevapaspouvoirresterici.

Jenesaispasquoirépondre.

—Tuveuxquej’appelleGabriel?

Horsdequestion!

—Non,surtoutpas!

Cameronfroncelessourcils.Qu’est-cequeGabrielvientfairelà-dedans?

—C’estsonpetitami.

Voilà,Audeavendulamèche...

—Gabriel?TunesorspasavecLucas?

Ohc’estbon,jenesuisplusàçaprès.

—Non.Lucasestjusteunami,jesuisdésolée.

Jem’effondreunenouvellefoisenpleurs,j’enaimarredetoutça,detouscesmensonges,dedevoirdéménagerencore,demettreendangerGabrieletAude.

—Cen’estpasgravepetite fleur. Jecomprendsmieuxpourhieralors. J’aipris tonadressesur lespapiersquetuasremplisetjevenaisjustementpourteparler.Etc’estquil’autretaré?

Je supplie Aude des yeux et elle lui résumemon histoire avec Alexis. Je n’écoute pas, replie lesjambessousmoi.

PourquoiCameronsepromène-t-ilavecunearme?S’iln’avaitpasétélà,commentcettehistoireseserait-elle terminée?J’enfrissonnerienqued’ypenser.S’ilyabienquelquechosedont jesuissûre,c’estqueGabrielnedoitabsolumentriensavoirdetoutça.

—Jevousensupplie.Surtout,neparlezpasdetoutçaàGabriel.

Jelesregardetouràtour.

—Machérie,ceseraitpeut-êtremieuxqu’ilsoitaucourant.—Non!Iln’apasbesoind’êtremêléàtoutecettemerde!

Montonestrevêcheetsansappel.

Ilenadéjàassezdanssaviepourdevoirassumerçaenplus.Et jesaisqu’ilserait fouderage.Jen’osepasimaginersaréactions’ilapprenaitquoiquecesoit.

Cameronmedévisage.

—Ettucomptesinventerquoipourexpliquerlabossequetuasaufront?

Jetâtemonfrontetdécouvreeffectivementunebellebosse.

Je baisse les yeux ; il va trouver que je tombe souvent. Je suismaladroite, c’est un fait,mais je letrouvedéjàméfiant.Là,c’estsûr,ilnemecroirajamais!

Audeselève.

—Jet’amènedelaglace.

Je devrais peut-être l’éviter un moment. Justement, mon téléphone vibre. J’ai un message etétrangementaufonddemoi,jesuiscertainequec’estlui.Jel’attrapepourlelire.

Gabriel:[Bébé,jetermineetvienstechercherd’iciuneheure.J’aibesoindetoicettenuit!]

Jemeremetsàpleurer.Audeattrapeletéléphoneetlitlemessage.Elleadûcroirequec’étaitAlexispour que jem’effondre à nouveau comme ça.Gabrielme réclame, c’est la première fois qu’il avoueexplicitementqu’ilabesoindemoi.Ilnevasûrementpasbien,c’estsafaçonàluidemel’exprimeretmoi,jevaisêtreobligéederefuser.

Audeposelaglacesurmonfront.

—Tuveuxêtreaveclui?—Impossible,regarde-moi!

—Lève-toi,tufilestedoucher.Onvateremaquilleretpourtabosse,jem’enoccupe.

EllesetourneversCameron,balayantlapiècedelamain,désignantlebazarquel’autreconnardamisdansnotreappartement.

—Cameron,tupeuxrangertoutçapendantquejem’occupedeRose?—Pasdesoucis,allez-y.

Jesuissousladouche,àmefrottercommeunemaladepouressayerd’effacerlemalenmoi,effacerlessalespattesdececonnardsurmoncorps.

Malgrélafaçondontilm’amaltraitée,jen’aipasd’autrestracesdecoups,justedeuxtroisbleus,maisminimes.Audeestassiseparterre,àm’attendre.

Jesorsetmesèche.Elleapréparélepetittabouretetjem’installe.Jenepleureplus.Detoutefaçon,jen’aiplusdelarmesàverser.

—Appliquelaglacesurtesyeuxpourqu’ilsdégonflent.

J’obéissansdiscuteretlalaisses’occuperdemescheveux.

—Jechercheraiunautreappartementdemain.Tun’aimeraispasqu’onpartedansuneautreville,loind’ici,toietmoi?—Soisréaliste.Ontravailletouteslesdeux.—Onpourraitrecommenceràzéroetsetrouverdenouveauxemplois.—EtValentin,tuypenses?Etpuis,ilyaGabriel.—Oui,c’étaitjusteuneidéecommeça,maisceseraitsûrementlameilleuresolution.Onfiniraparenarriverlà.

JepréfèreencoremeprendredesracléesquedepartirloindeGabriel.Rienquel’idéemedonnelanausée.Mes forces reviennent, hors de question que ce qui vient de se passerme sépare de lui et deValentin. Je seraiplus fortequececonnard ! JecomptemeprocurerdequoimedéfendreetCameronm’aidera!

Monmaquillageterminé,jedemandeàAudedemelaisserseulequelquesminutesavecCameron.Elleestsurprise,maisnemeposepasdequestions.Jefermelaportedusalonpourêtretranquille.

—Cameron,ilfautquejeteparle.

Jel’inciteàs’asseoirsurlecanapéprèsdemoienletirantparlebras.Jechuchotepourquemonamie

nem’entendepas.

—Oùas-tueutonarme?—Ça,jenepeuxpasteledirepetitefleur.—Ilm’enfautune!

Sesyeuxs’agrandissent.

—Quoi?Maistuescomplètementfolle!C’esthorsdequestion!—Écoute,Cameron.Ilfautquejepuissemedéfendre.

Laprochainefois,tuneserassûrementpaslà.

Ilréfléchitunmoment.

—TudevraisvraimentenparleràGab.Ilsaurat’aider.—J’aiditnon!—J’essayeraidetedénicheruntruc,maishorsdequestionquejeteramèneunflingue!

J’acquiesce.

—Mercipourtout,Cameron.

Ilnemeconnaîtpasbeaucoup,maisjedécèledel’inquiétudedanssonregarddegrosdurtatoué.

Onfrappeàlaporte:jesursauteetj’aiunmouvementdereculinvolontaire.Cameronleremarqueetselèvepourouvrir.

Audequiadûentendre,nousrejointets’assiedsurlecanapé.

Gabrielpoussed’uncoupCamerondanslesalon.

—Qu’est-cequetufousici,toi?

Cameronal’airsurpris.

—EhGab,qu’est-cequiteprend?

Audeselève.

— Bonsoir, Gabriel. Cameron est venu me chercher, on va à une soirée ensemble. Vous vousconnaissez?

Gabrielsecalmed’uncoup.Mameilleureamieesttrèsmaligne.

—Désolémec!Ouais,onseconnaîtplutôtbien.

Ilssesaluentavecuneaccoladebizarrecommeseulsdespoteslefont.Ilsseraientamis?

Gabriel salueAude etme regarde fixement. Il est très tendu.Un rien le branchedirect surdumillevolts.

—Putain,maisc’estquoiça?

Ilattrapemonvisagedanssesmains.Audearriveaussitôt.

—Jesuisdésolée,c’estentièrementdemafaute!Jeluiaiclaquélaportedanslatête,jenesavaispasqu’elleétaitderrièremoi.Jem’enveuxdéjàassezcommeça!

Ilposeunbaisersurmabosse.Elleestforte,trèsforte!

—Bébé,qu’est-cequetupeuxêtremaladroite.Cen’estpaspossible,tuarrivesàteblessertouslesjours!

Jen’enrevienspas, iln’yavuquedufeu!Ilpassesonbrasautourdemesépaulesetmeplanteunautre baiser sur la tête. Cameron l’observe étrangement ; il a l’air décontenancé. Le pauvre, il vientd’assisteràunépisodechaotiquedenotrevie.Ildoitnousprendrepourunebandedetarés!

Jeveuxapaisertoutça.J’attrapelavodkadansleplacard.

—Pourquiunverre?

Cameronenchaîneetjel’enremercied’unregard.

—Ahoui.Ça,c’estunebonneidée!

Gabrielmeprendlabouteilledesmains.

—Jem’enoccupe,c’estplussûr!

Sapetitefossettesecreuseaucoindesabouche.J’aitrèsbiencomprissonsous-entendu.Ilapeurquejecommetteuneautrecatastrophe.Jenel’enblâmeraipas.J’encumulepasmalencemoment.

J’essaiedemedétendresurlecanapéetlaprésencedeGabrielm’aidebeaucoup.Ilm’apaisetoujours,quoiqu’ilmesoitarrivé.

Auboutdedeuxverres,mesyeuxdériventdeplusenplussouventsurAude.Jen’arrivepasàycroire,ellerougitquandCamerons’adresseàelle!

J’observe plus attentivement le grand baraqué. Il est assez impressionnant, surtout avec ses brasentièrement tatouésetsoncrânerasé,mais ilaunvisageagréableetdebeauxyeuxnoirs.Jem’étonneencorequ’ilpuisseluiplaire,maisplusjeladétaille,plusjelavoissetortillersursonpoufouencoreledévisagerquandils’adresseàGabriel.

Jesuisagréablementsurprisedelavoircommeça.Bienquejenetrouvepasrassurantlefaitqu’ilsebaladeavecunearmeetrisquesaviedansdescoursesdevoiturestrèsrisquées.

Qu’est-cequejeraconte?Onn’enestpaslàdetoutefaçon!Etpuis,ceseraitmalvenudemapartdecritiquer:entremonCompliquéetmonexcomplètementàlamasse,jebastouslesrecords!

Nousdevrionspeut-êtreleslaisserentêteàtête.Ilesttardenplus.

JemetourneversGabrielmaisjen’aipasletempsd’ouvrirlabouche.

—Onyvabébé?

J’acquiesceavecunsourire.J’adore,ilanticipetout.Ilyauneconnexioninvisibleentrenous.Jenepourraisplusvivresanscelienunique.

Gabrielselèvelepremier.

—Vousn’aviezpasunesoirée?

Audes’empressederépondre.

—Sisi,d’ailleursjefilemepréparer!

Lapauvre,j’espèrepourellequeCameronresteraunpeu.Jeculpabilisedel’abandonnersisouvent.

Douglasnousattendetnousnousrendonsdirectementàl’appartementdeGabriel,cequimeconvientparfaitement;jen’aiplusenviedenouvellesaventures.Iln’estvraimentpasbavardcesoir.Ilnel’estdéjàpasbeaucoupd’habitude,maislà,c’estencorepire.Pourtant,ilsecomportenormalement.Danslavoiture,ilnedécrochepasunmot.

Jesaisqu’ilestperturbéavecl’histoiredesonpère,maisjenesaispascommentm’yprendrepourluiparleretsurtout j’ignorecequejepourraisdire…Commentréconforterquelqu’unaprèsunévénementpareil?

Àpeinearrivés,jefonceenhautpourluivoleruntee-shirtetmemettreàl’aise.Jen’enaipastrouvéquitraînaitdanslachambre,alorsjemerésousàluienpiquerundansledressing.

J’avanceendirectiondu tiroirhabituel,mais je reculeenapercevantdes robespenduesprèsdeseschemises.C’estquoi ça ? Jem’attardedessus, toutesplusbelles lesunesque les autres, sur labarre.Ellessontétiquetées,cequimerassure;j’aieupeurl’espaced’uninstant.J’ouvreletiroiretrougis,ilyamêmedessous-vêtements!

—Bébé,tuenmetsdutemps!

J’entendssavoixdanslachambre.

—Jesuisdansledressing.

Ilentreets’accoudeaumontantdelaporte.

—Ellesteplaisent?—Non…enfinsi…enfinc’estque…tunepeuxpasfaireça!—Tefaireplaisirtuveuxdire?—Nonachetertoutça…C’estinsensé!

Ils’approcheetseplacederrièremoipourregarderledressingsouslemêmeanglequemoi.

—Jenevoispascequetutrouvesd’insensé.

Ilvamerendredingue!Quoiquenon,jecroisquec’estdéjàtroptard…

—Maistoutça!

Jebalaiede lamain lapartiedudressingquim’appartientdésormais. J’approcheducôtédroit.Enplus,ilaaussiachetédesvestesetdesgilets!Jen’ycroispas,ilestcomplètementmalade!

—Ilfautbienquetuaiesquelquechoseici,tuneprévoisjamaisrien.

Ilaréponseàtout,cettebourrique!

—Onrendratout.Jenepeuxpasaccepter,c’esttrop,beaucouptrop!

Ilm’attrapeparlatailleetmeretourneverslui.Ilestd’uncalmeolympien.

—Tun’espasobligéedelesportersiellesneteplaisentpas.—Maissi,çamefaitplaisir…cen’estpasleproblème.

Voilà,ilessaieencoredem’embrouiller,ilestinfernal.Jemedégagedesonétreinteetsorsentrombedudressing,oubliantdemechanger.

Jem’assiedssurlelitpourréfléchir.J’aibesoinqu’ilcomprennequec’esttrop,sansqu’ilytrouveàrétorquer.

Ilarrivequelquesminutesaprèsmoi,enlèvesonhautetmeletend.

—Etça,est-cequec’estraisonnable?

Jel’attraped’ungestevifetluiadresseunepetitemoueboudeuse.

—Oui.

Ilresteplantélà,devantmoi,torsenu,avecsesmagnifiquesyeuxgrisbraquéssurmoi.Jesoupire;jen’aipaslaforcedemebattreaveclui.

Jemelève.

—Tum’aides?

Jeluidésignelafermeturedemarobe.Ilesquisseunsourire:ilsaitquej’abandonnepourcesoir.Ilm’embrassedanslecouendescendantlafermeture.

—Bébé,tuaimeraisregarderunfilm?

Gabriel et la télévision ? Je ne suis pas certaine que ce soit compatible... Je ne l’ai jamais vu laregarder, ni même l’allumer. J’enfile son haut imprégné de son odeur. J’adore ! – Parce que toi, ça

t’intéresse?

—Pasvraiment.C’estplutôtrare,maissitoituasenvie,çanemedérangepasd’essayer.

JesuissûrequecetteidéeluivientdemasoiréeavecLucas.

—Tuasdeschips?—Ilmesemble,autrementj’envoieDouglasenchercher.—Sérieusement?—Ouais.

Ilsefrottelanuque.

—CeDouglas,ilestchauffeurouhommeàtoutfaire?

Ilpouffederire.

—C’estmongardeducorps.Enfin,àlabase.Cesontmesparentsquiinsistent,maiscommetuasput’enrendrecompte,cen’estpasmontrucd’avoirungarscolléàmesfesses.

Ungardeducorps…Ilvafalloirquejeleconvainquedesortiraveclui.Çal’empêcheraitsûrementdefaired’autreschosesdangereusesetjeseraisrassuréeparrapportàAlexis.

—Jesuisdeleurcôté.Ilyatellementdemaladesquitraînent!—Jevaischercherleschips.

Ilmeplanteetdescend.Jemetsunmomentàréaliserqu’ilvientdemettreuntermeànotrediscussion.Jecoursderrièrelui.

—Gabriel!—Ouibébé?

Jelerejoinsàlacuisine.

—Tuterendscomptequetuviensdemeplanterenpleinmilieud’uneconversationsérieuse?

Ilfouilledanslesplacards.

—Oui,jem’enrendscompte.

Ilcontinueetesttrèsfierdemetendreunpaquetdechips.

—Tunepeuxpastecomportercommeça!—Biensûrquejepeux,puisquejel’aifait.

Etilsemarreenplus!

—Cen’estpaspoli!—Jenesuispasbienélevé.

Ilsedirigeverslesalonavecunebouteilledejusdefruitsetdesverres.Jesuissursestalons.

—Tunet’entireraspascommeça!

Il se tourne vers moi avec un regard tellement chargé de sous-entendus que ça en devient limiteindécent.

—Ettucomptesmepunircomment?

Ilestdéjàcolléàmoietsesmainsseposentsurmesfesses.

—Jepourraistrèsbienallermecoucher!—Jepourraistrèsbientesuivrebébé.Tusaisquetuestropcraquantequandtuesencolère!

Jerepoussesesmainsdemesfesses,maisillesreplaceaussitôt.

—Toi,tuesexaspérant!

Ilplantesabouchesurlamienne.J’essaiedemedégager,maisilresserresonétreinte.Jecède;ilesttotalementdéloyal!Ilembrassetropbienpourquej’arriveàluirésister…

Ilmesoulèveetmeposesurlecanapé.

—Jeteprendraisbienparterre,làtoutdesuite,maisnousavonsunfilmauprogramme.

Gabriel:3–Tact:toujours0!

Jesuissûrequejesuisrougecommeunepivoine…Maissonmanquedetactcommenceàmeplaire

plusquemaraisonnelevoudrait…

Ilmerejointetmetendlesdeuxtélécommandes.Jelesétudieattentivement.J’aimeraisbienpourunefoisnepaspasserpourunecruche.J’arriveàlamettreenroute,c’estdéjàpasmal.Puisj’appuieunpeupartout, affichant un tas de trucs sur l’écran. Je ne suis pas certaine de comprendre comment çafonctionne, il y a trop de choses. Ah, j’aimis la télévision,mais les petites fenêtres ne veulent pluss’enlever.Jecommenceàm’énerveraprèsl’unedesdeux.

Ilasoudainpitiédemoietmelesprenddesmains.

—Tuaimeraisregarderquoi?—Jenesaispas,tuproposesquoi?—Unfilmd’horreur.

Ilnemelaissepasrépondreetregardelagrilledefilmsurl’écran.Jenesuispassuperemballéeparl’idée,maiscommeils’efforcedemefaireplaisir,jenelecontrariepas.

Ilarrêtesonchoixsurunfilmdontjen’aipaseuletempsdevoirletitre.Maisrienqu’àlamusiquedugénérique,jelesensmal.J’attrapelecoussinderrièremoietleposesurmesgenoux,enprévention,aucasoùilfaudraitquejemecachelesyeux.

Dixminutesdefilmplustard,jesuisdéjàblottiedanssesbrasetjepassejusteunœilau-dessusducoussin.Gabriel,lui,nebronchepasd’unpoiletjoueaveclesbouclesdemescheveux.Jesuisenstresstotaletsursautepourunrien.Envérité,iln’yapasgrand-chosed’horrible,maislesuspenseestàsonparoxysme.Etneparlonspasdesmusiquesqu’ilsontchoisies!

—Tuveuxchanger?Tun’asmêmepastouchéaupaquetdechips.

Biensûrquejemeursd’enviequetuchanges!

Mais non, je vais jouer la grande fille qui n’a pas peur. Je n’ai pas envie de passer pour unetrouillarde,monegoenprendraituncoup.

—Non,c’estbien.

Espècedementeuse!

Mapetiteconscienceestcarrémentpartieseplanquerderrièrelecanapé.J’attrapeleschipsetGabrielfroncelessourcilsquandj’ouvrelepaquet.Lebruitquejefaisenmangeantrésonnedanstoutelapièceetillèvelesyeuxaucielavecunsourire.

Je l’ai englouti en entier, mais comme je n’ai plus rien pour me déstresser, j’attaque mes ongles.Gabrielmetapesurlesmainstouteslesdeuxminutespourquej’arrête.C’estimpossible,jenepourraiplusjamaismeregarderdansunmiroirquandjeseraiseule!Lecoussinestsurmatête,c’esttroppourmoi!

—Bébé,jechange.—Non!Jetepromets,jeregarde.

S’ilyavaitundiplômedumensonge,jel’auraishautlamain!

Ilsoulèvelecoussin,pliéderire.

—Jenesuispasconvaincuquetuvoisgrand-choselà-dessous!—C’estjusteunepause.

Ilme resserre un peu plus et je pousse légèrement le coussin.Enfin un passage plus calme, il étaittemps.Saufqu’iladurémoinsdecinqminutesetçaredémarrepuissancedix.Hop,lecoussinretrouvesaplacesurmatête!

J’entendsdescris.Horsdequestionquejeregardelafillesefairetrancherendeux!

—Bébé,tupeuxsortirdetacachette,lefilmestterminé.

Jesorsunœilpourêtrecertaine,puisledeuxième.Ilmeregardeensemordantlalèvrepournepasrire.Jesuisridicule,jesais.

Jemelève,sortantenfindemacachette.Jenesuispasbien;masoiréemerevientenpleineface.J’aibeaucoupdemalàjouerlacomédie.Desflash-backdéfilentdevantmesyeuxmalgrétoutlemalquejemedonnepouroublier,pourfairecommesiçan’avaitjamaisexisté.

LavoixdeGabrielmesortdugouffreoùjesuisentraindem’enfoncer.

—Metsçasurtoi.

Gabrielmetendunplaid.Jen’aipasfroid.

—Pourquoi?—Onsort.—Quoi!Commeça?

—Oui,commeça.Allez,arrêtedediscuter.Viens.

Je le suis sur lepalier.Non,mais il estvraiment sérieux?Onvasortircommeça? Ila totalementperdularaison!

Ilattrapelapoignéed’unetrappesituéeau-dessusdenousetl’ouvre,faisantdescendreuneéchelle.

—Grimpe!

Je le regarde un moment, cherchant une réponse aux mille questions qui se bousculent dans moncerveau.Ilmesoulèveetmedéposesurunbarreaudel’échelle.

—Cessederéfléchir.

Je me décide à l’écouter et je monte. J’arrive sur une terrasse immense ou plutôt, sur le toit del’immeuble.

C’esttropbeau:Gabrielapréparéunlitsousunetonnelle!Lecielestpleind’étoiles,laterrasseestbaignéeparlalumièredelapleinelune.Quantàlavue,n’enparlonspas,elleestmagnifique…

Oh,monCompliqué,tuesleplusmerveilleuxdeshommes!

Ilestàl’affûtdemesmoindresréactions.Jen’aipasbesoindeluipréciserqueçameplaît,carillesaitdéjà.Ilestcommeça,ilesttellementdifférent…

Samainpasseautourdemataillepourm’accompagnersurlelitetnousnousallongeonsl’unprèsdel’autre,nosdoigtsentrelacésdansleplusmerveilleuxsilencequisoit:desregardsetdessouriresnoussuffisent.Mesdémonssesontenvolés,balayésparsaprésence.C’estleseulàavoirceteffetsurmoi,commes’ilétaitcapabled’effacertousmesmalheureuxsouvenirspourlesremplacerparceuxqu’ilcréejustepourmoi…

2.Respectemeschoix!

«Labeauténefaitpasl’amour,c’estl’amourquifaitlabeauté.»LéonTolstoï

Le soleil me chatouille le bout du nez ; j’ai déjà le sourire. Je m’étends et Gabriel est là, à mecontempler.Ilestsûrementréveillédepuisunmoment.

—Bonjourbébé,biendormi?—Merveilleusementbien.

Sionm’avaitdithiersoirquejedormiraisaussibiencettenuit,jen’enauraispascruunseulmot.

Ildessinedescerclesavecsondoigtsurmajambe.J’enaidesfrissons.

—J’adoretapeau.Tuessidouce,Rose.

Jemerapprochedelui,leforçantàs’allongerpourpouvoirposermatêtesursontorse.Jeglissemamainsurchacunedesescourbesquidessinentàlaperfectionsoncorps.Jemesensaudacieuse:jelesglisseplusbasversl’érectionquipointedéjàsouslacouverture.

Ilm’arrêteensesaisissantdemonpoignet.Eh!

—J’adoreraisça,bébé!Maisjedoismepréparer,jenesuispasenavance.J’aiunentretienpouruncontratdansmoinsd’uneheure.

Ilm’attrapedanssesbras.Jefaislamoue,déçueparcerefus.Ilmeplanteunbaisersurlenez.

—Tumegardesçapourcesoir?

Bon,cen’estpasdesafauteaprèstout.

—Ouibiensûr,maisici.—Toustesdésirssontdesordresbébé!Viens,onrentresedoucher.

Ilselèveetm’entraîneavecluienmetirantparlebras.

—Avecmoiladouche?—Ilnevautmieuxpas!—S’ilteplaît,jeseraisage.

Nousredescendonsparl’échelleetj’atterrisdanssesbras.

—Toioui,maismoi,non.

Lajournéerisqued’êtrelongue!

Jeprépareunpetit-déjeunervitefaitpourquandilsortiradelasalledebain.Jen’aiqu’uneenviec’estdecourirlerejoindreetluisauterdessus!

Jeresterêveuse,accoudéeauplandetravail,quandcelui-ciarriveavecunpantalondecostumenoirquiluisiedàmerveilleetunechemiseblancheouvertededeuxboutons.Moncoudedérape,jemanquedeperdre l’équilibreetmerattrapede justesse.Pourune fois, ilest impeccablementcoifféet rasé. Jefondssurplace.Vite,del’air!

—Bébé,qu’estcequit’arrive?Tutesensmal?

Sonregardestinquietetmoijecontinuedeledétaillersoustouteslescoutures.

—Tuvasoùhabillécommeça?

Ilrassembledesdossiers.

—J’aiunentretien.C’estunegrandemarque,jenepeuxpasmepointerlà-basenjeans.

Dedos,c’estencoremieux!Ilaunculd’enfer là-dedans!J’aichaudet jemesersdemonassiettepourmeventiler.Jeneveuxpasqu’ilsortecommeça!Maraisonmerappelleàl’ordreavecunegrandegifle.OK,jemetais...

—Tuestrèsbeaucommeça.—Vraiment,çateplaît?

Bon,ilfautquejelelâchedesyeuxoujenerépondsplusderien.

J’acquiesceavecungrandsourireetmesauveàtoutesjambesparl’escalier.Arrivéeenhaut, jemerendscomptequejemesuisenfuiecommeunefollesansdireunmot.Jepassedoncmatêtepar-dessuslarambarde.

—Jem’habille,tupourrasmedéposer?

D’enhaut,cen’estpasmieux:ilestàtomber!Unepuremerveillepourlesyeux.J’espèrequ’ilnesechangerapaspourcesoir!

—Tunerestespasici?

Je jette le tee-shirt sur le lit et enfilema robe. Je prendraima douche à lamaison pour ne pas leretarder.

—Jeterappellequej’aiunboulot.

Jel’entendsgrognerd’ici.

—Tuveuxquejechangetonplanning?—Horsdequestion!

Jemedébarbouillerapidementdanslasalledebainetredescends.

—Rose,justepourcesoir?—Non,nousdevonsrespectermoncontrat:sijenetravaillaispaspourtonpèretuferaiscomment?—Tuquitteraistonboulot.

Enplus,ilhausselesépaulescommesic’étaittoutàfaitnormal!

—Quoi?—Tum’astrèsbienentendu.—JesuismajeureGabriel!Tun’aspasledroitdedéciderpourmoi!

Là,ilabuse!

—Écoutebébé,jenesupportedéjàpasquetubossesderrièreunbar,avectouslestordusquiserincel’œilsurtoi,maisaumoinsjesaisoùtues.Ailleurs,çaseraithorsdequestion!

Jetapedupiedsurlesol,lesmainssurleshanches.

—Non,maistumesorsçacommeçaettoutteparaîtnormal?—Onendiscuteraplustard,jevaisêtreenretard.

Ilessaiedem’attraperparlataille,maisjel’esquiveetleprécèdedansl’escalier.Ilvautmieuxquej’évitedeleregarder.

Douglas est debout près de la voiture. Le temps que Gabriel lui donne ses instructions, je montedirectementàl’arrière.Jenecomptepasenresterlà.C’estcommeçaqueças’estpasséavecAlexisetjerefusequeçarecommence.Iln’apasledroitdedirigermavie…enfin,pourmonplaisirsi,maispourlereste,non!

Ilmonteprèsdemoi,essayantdeposerlamainsurlamienne,maisjel’enempêche.Jeveuxcontinuercettediscussion!

—Qu’est-cequeturépondraissijet’empêchaisd’êtremannequin?—Rose,çan’arienàvoir.—Non,c’estsûr.Toi,c’esttoutelaplanètequiserincel’œilsurtoncorps!

Ilmeregarde,étonné.

—Çatedérange?

Évidemmentqueçamedérange!

—Jerespecteteschoix,c’estdifférent.Mêmesiçaneplaîtpas.

Pourunefois,jemarqueunpointetjeluiaiclouélebec!

Arrivés devant chezmoi, il n’a pas desserré les dents,mais jeme sensmal, car il n’est pas vexécommejem’yattendais.Ilajustel’aircomplètementperdu.Ilfautquejeluidiseunpetitquelquechoseavantdepartir.Onnepeutpasresterenfroidcommeça,surtoutavantsonentretien.

—Àcesoir.

Ilmejetteunrapidecoupd’œiletsontonestglacial.

—JepassetechercherauSaphir.

Jedescends.Jenesuispastrèsfièredemoi.Jeresteunmomentsurletrottoir.

Je n’ai pas été si méchante que ça, après tout il faut bien qu’il comprenne qu’il doit faire desconcessions.Gabriel souhaite tout contrôler et jenepeuxpascéder aumoindrede sescaprices. Ilva

réfléchir,onenreparleracesoirpluscalmement.

Jefranchislaportedel’appart.Audedortàmoitiésurlecanapé.Elleseredresseàmonapproche.Jevoisbienqu’elleessaiedejaugerlesdégâtsdelasoiréed’hiersurmasantémentale.

—Commenttuvas?

Jem’assiedscontreelle,posantmatêtesursonépaule.

—J’aitoutematêtesiçapeutterassurer.—Tuasdormi?—Oui,commeunbébé.Net’inquiètepas,jesuishabituéeàtoutça.Jesuisplusfortequ’avant.Parle-

moiplutôtdetasoirée.

Jemeredressepourl’observer:ellepiqueunfard.

—Cameronestrestéjusquequatreheuresdumatin.

Jejouel’étonnement.Jesaisqu’illuiplaît,maisellenel’avouerapas.

—Ahbon?—Oui,onabeaucoupparlé.—Riend’autre?

Ellemeregarde,offusquée.

—Commentça,riend’autre?

Jemelèvetranquillementpournouspréparerunthé.

—Nemeprendpaspouruneidiote,Aude.J’aivucommenttuleregardais.

Ellesoupire.

—Çasevoittantqueça?

J’éclatederire.

—Tunepeuxrienmecacher!

Elleselèveets’adosseauréfrigérateur.

—Tuletrouvescomment?—Commentjeletrouve?Gentil,aussidinguequeGabriel,leflingueenplus.C’estàdiredangereux!—Sympa!

Ellepapillonnedesyeux.

—Ilesttropbeau!Tunetrouvespasqu’ilressembleàVinDiesel?

C’estquicelui-là?Encoreunchanteurouunacteur,àtouslescoups!Pourquoiellefaittoujoursdescomparaisonsaussidébiles…

—Jeneconnaispas.

Oh,çayest,ellemecherchelaphotosursontéléphone,commesiçam’intéressaitdesavoiràquiilressemble!

—Jetemontre.

Jeretournem’asseoiraveclestasses.

JelalaissechercheretjetteunœilàmonportablepourvoirsiGabrielauraitenvoyéunmessage.Non,rien...

—Jel’ai!

Ellemefourresontéléphonesouslenez.Jel’attrapepourlereculerunpeuetj’observelemecsurlaphoto.Pourunefois,ellearaison,illuiressembleunpeu.

—Oui,c’estvraiilyaunair.Surtoutlescheveux!

Jeglousseenmetenantleventre.

—Oh,Rose,tuesméchante!—Çava,c’étaitpourrire!

Ellefinitquandmêmeparsourireàmablaguepourrie.

—J’aimeraislerevoir.—Etbien,propose-lui!—Jen’aipassonnuméro.—Etlui?

C’estquoicepetitairdésespéréquis’accrocheàsonvisage?

—Non,ilnemel’apasdemandé.

OK,ilsontdiscutéjusquequatreheuresdumatinetiln’apasprissonnuméro.RéfléchisRose!Ellenel’intéressepeut-êtrepasoualors ilest timide.Jeraye ladeuxièmemention ; iln’apas l’air timidedutout.Ets’ilétaitavecquelqu’un?JepeuxtoujoursenparleràLucascesoir.Ah,j’aiuneidée!

—Tun’auraispasenvied’untatouage,parhasard?

Ellemedévisage.

—Tudérailles?Pourquoitumedemandesça?—Ilnet’apasexpliquécequ’ilfaisaitdanslavie?—Ah,si.C’estvrai,c’estsonmétier.Jenesaispastrop.—Réfléchi,cen’estpassiterriblequeça.

Jesoulèvemarobepourluirappelerquej’enaiun.

Ellel’observeattentivement.

—C’estjoli,maistun’aspaslemêmecorpsquemoi.

C’estreparti!Jevaisavoirledroitàtoutlecérémonialhabitueldu«Jesuisronde,ilnevoudrapasdemoi,etc.»Jevaiscoupercourtàsondélirecomplètementridicule.

—Jemechargedetrouverunmoyendelerevoirettoitumepréparesàmanger.Jefilesousladouche.

Jeneluilaissepasletempsderépondreetjem’enfuie.

Unefoislavée,maquilléeetcoiffée,j’enfilemonjeansetmonhautduSaphir.

J’attrapemaroberougeetlaglissedansmonsac.Jevérifiemesmessages.

Gabriel:[Bébé,j’aidécrochélecontrat.J’aidéconnécematin.PS:Letoitmemanqueaffreusement...]

Qu’est-cequ’ilmemanque!Mêmesoncaractèredemerdememanque…

[Normalc’esttoilemeilleur!Àfond,MonsieurCompliqué...PS:J’aihâte!]

Audedébouledanslachambre.

—C’estprêtdepuisdixminutes.LâcheunpeuGabrieletviensmanger.

Jemelèvepourlasuivre,letéléphoneàlamain.

—Commenttusaisquec’estGabriel?—Àtonsourireidiot!

C’estpirequecequejecroyais!

Jem’installesurlecanapéetattrapemonassiette.J’avalelesharicotsvertsetmonpoisson.Tiens,unrepasnormal,çafaisaitlongtemps.

Audeaterminéetmeregardeattentivement.

—J’aipenséacheterunetélévisiond’occasion,parcontreilnenousresteraitplusrienpourfinirlemois.Doncj’aibesoindetonavispourdécider.—Ilnousfautlatélé,autrementonneverraplusValentin.

Ellesemetàpouffercommeunedinde.

—C’estpasfaux!—Net’inquiètepas.Avecmespourboires,ons’ensortira.Etpuis,cen’estpascommesic’était la

premièrefoisqueçanousarrivait.—OK,j’iraivoirdanslasemaine.JerejoinsSam,tut’occupesderanger?—Pasdesoucis.

Elleattrapesonsacetm’envoieunbaiserensortant.

Jedébarrasseetlavelavaisselle.Iln’estquequatorzeheures,j’ail’impressionquejen’aipaseuunmomentpourmoidepuisuneéternité.Qu’est-cequejevaisfaire?Montéléphonesonne,c’estunnuméroquejeneconnaispas.Jedécroche,aveccommed’habitudedanscescas-là,lapeurquecesoitAlexis.

—Oui.—Salutpetitefleur!—Cameron?—Lui-même.—Commentvas-tu?—Çavasuper,j’aiuncadeaupourtoi.Ilfaudraitqu’onsevoie.

Iln’apastraîné!

—Génial!Parcontre,jetravaillelestroisprochainssoirsettoilajournée.—Jesuisuncouche-tard,çanemedérangepas.

Ilfautquejem’organise;avecGabriel,çanevapasêtreévident.

—Onserappelledemain?—OK,tuasmonnuméroducoup.Àdemainpetitefleur.—Àdemain.

J’aisonnuméroetçatombebien,j’aiaussibesoindeluiparler!C’étaitfacilesurcecoup-là,ilafaittoutleboulotpourmoi.J’enregistremonnouveaucontactetj’ouvrelemessagequejeviensderecevoir.

Gabriel : [Très touché par ce compliment… Tu ne m’as toujours pas expliqué le pourquoi du“Compliqué”.PS:Tuescertainedevouloirtravailler?]

Iln’estpasdutouttêtucelui-là!

Moi:[Onfêteçatouslesdeux?Es-tuvraimentsûrdevouloirlesavoir?PS:Certaine!]

Jelerevoiscematin;ilétaitvraimenttropsexy!Uncorpsetuneclassepareille,çan’existequedanslesfilms.Enfin,c’estcequejepensaisavantdelerencontrer.Commentrivaliseravecça?Jemedétailledanslemiroiravecmonvieuxjeans,monhautrouge,malèvrefendueetmabosse.Iln’yariendetrèsattirantdansmonreflet.

Ilvavraimentfalloirfairedesefforts.Finalement,jeregarderaipeut-êtredeplusprèslesrobesqu’ilm’aoffertes.De toute façon, impossibledem’enacheteruneautre, lemois seraencoredifficile.Montéléphonevibre,cequimetiredemespensées.

Aude:[J’aitrouvéunappartement.Onpeutlevisiterendébutdesoirée.Maisjesupposequecommed’habitude,tuneviendraspas.Enclenchelasécuritédelaporte!]

Est-ce une bonne nouvelle ?Oui, dans un sens. Je respirerai un peu le temps qu’Alexis trouvemanouvelleadresse,maisaufinal, il reviendratoujours.Etpuis, toutemballerànouveauetrecommencerpourlaénièmefoislesallers-retours,encoretoutréinstaller.Çamefatiguedefuirtoutletemps.

Moi:[Super,tusupposesbien!Moiaussij’aiunebonnenouvelle:j’ailenumérodeCameron.]

J’imaginedéjàsaréactiondémesuréeàmonmessageetjesouris.Bon,allez,jecogitetrop.J’appelleValentin;j’espèrequ’iln’apascours.

—Beauté!—Dis-moiquetun’espasoccupé.—Jenesuispasoccupé,enfinsi,jesuisausupermarché,maisjesuisprèsdecheztoi.—Toutcequejevoulaisentendre.—J’arrive!

Ilmeconnaîtsibien...Aïe,j’aimalauventre.Enyréfléchissantbien,j’espèrequecenesontpasmesrègles,jen’aipasenviedefoirerleprogrammedecesoir!

IlestquinzeheuresquandValentindébarque;ilal’airfatigué.

—Tuenasunedecestêtes!—Bonjouràtoiaussipoupée!—Ouais,bonjour.—J’aipassépresquetoutelanuitàréviser.Aufait,Audem’aappeléetm’aracontépourhier.

Ellenepeutpass’enempêcher!Ilfonces’installersurlecanapé.

—Jem’endoute.Onvaencoredéménager.—Rose,ilfautvraimentréagir.Vousn’allezpasvivrecommeçaindéfiniment.Ilenpensequoilebeau

gosse?—Ilnesaitpas.

Ilhausseunsourcil.Laissez-letranquille;c’estquoicettemaniedevouloirl’impliquer?

—Jem’endoutais!—Onparled’autrechose?Jen’aipasbesoind’unenouvelleleçondemorale.—Situveux.—Uncafé?—Vuquetumeleproposessigentiment,jenerefusepas.

Jemetslacafetièreenrouteetpréparemonthécaramel.

—Poupée,çatedérangesiLucasvientici?Jedevaislerejoindreetducoup,jel’aiplantépourtesbeauxyeux.—Pasdeproblème,maisparcontre,pasunmotsurcequis’estpassé!—Jesais,net’inquiètepas.

Ilpianotesursontéléphoneetj’enprofitepourregarderlemien.

Aude:[T’assuregrave!]

Biensûrquej’assure!

Gabriel:[Déjàauprogramme…Peut-êtrepasfinalement...PS:J’aitéléchargétonplanningsurmoniPhone,unsimpleouietjelechange.]

Maisriennel’arrête,c’estpaspossible!

Moi:[Tun’aspasoséfaireça?!]

Laréponsenesefaitpasattendre.

Gabriel:[Jeplaidecoupable!]

Gabriel!LaissetomberRose,tuluiparlerascesoir.Jedécidedenepasluirépondre,ilcogiterapeut-être.

JeboismonthépendantqueValentinmedétailleplusquederaisonlesnouvelleschaussuresqu’ilrêvedes’acheter.

J’aimêmeledroitàlaphototoutdroittiréed’internet.

—Alors,tuenpensesquoi?

Unprixpareilpourça,franchement,c’estdel’arnaque!Ellesnesontmêmepasjolies,c’estjustelanouvelletendancedumoment.

—Bof.—Quelenthousiasme!—Jenevaistesortirqu’ellesmeplaisentsicen’estpaslecas.

Ilmeplanteunbaisersurlajoue.

—C’estpourçaquejet’aimemapetitepeste!

Enguisederéponse,jeluitirelalangue.

OnfrappeàlaporteetValentinselèvepourouvriràLucas.Jefiledanslachambretenterdemettreduvernisàongles.Ceseraunepremière,maisjemesuispromisedefairedesefforts.Jenesaisplusoùjel’airangé.Jedémontetoutelasalledebainetaufinal,jemerendscomptequ’ilestrestédanslesac.Jenel’aimêmepassorti!

JeretourneausalonsaluerLucasetm’assiedssurlecanapéàcôtéd’eux.

Iln’yastrictementriend’écritsurlevernis;pasdenoticed’utilisation.

J’ouvre et sors unpinceau. J’ai déjà vuAude s’en servir,mais je regrette de nepas avoir été plusattentive.Valentinm’observeducoindel’œilavecsonpetitsouriresatisfaitauxcoinsdeslèvres.

Allez,jemelance!J’imiteAude,posemamaingauchesurlatablebasseaveclepotàproximitéetmebarbouillel’ongle.

Çanevapasdutout!J’aidébordéetenplus,c’estmocheetilyadespâtés.J’attrapeunmouchoirenpapierpourl’enleveretrecommencer.

Oh!LemouchoirrestecolléetValentinexplosederire.MêmeLucasalesourire.

—Nevousmoquezpasoujemesersdevouscommecobayes!

Lucasdétourne le regard etValentin s’enfuit dans la chambre. J’arrache tantbienquemal lepapiercollé.

Tant pis, je passe au suivant. Je suis lemême rituel. Le deuxième estmieux,mais je suis loin desongles parfaitement peinturlurés d’Aude. Valentin revient avec une trousse remplie de vernis etd’accessoiresinconnus.

—Donnetamainpoupée:jet’enlèvetonœuvred’art.Ilverseunproduitsurunmorceaudecotonetj’observeLucasfairedegrosyeuxagrémentésd’unegrimace.—Çapuecetruc!

Il a raison. L’odeur est horrible, mais j’ai l’habitude : Aude l’utilise souvent. Valentin lui répond,concentrépoureffacermoncarnage.

—Ouvrelafenêtre!

Trèsbonneidée.Lucasseredressepourouvrir.Valentins’assiedenfacedemoi.

—Posetamainsurmacuisse.

J’obéiset ilcommenceàpeindremesonglescommeunpro.Je l’observeattentivement :çapourraitêtreutile.J’ailongtempsévitétouscestrucsdefilles,maisj’avouequelerosepâlesurmesonglesestplutôtjoli.

Jen’aijamaiseuenviedeplaire,maismaintenant,toutestdifférent.J’ail’impressionquejesuisuneautre.Gabrielm’adéfinitivementchangée.Jeressenslebesoindeluiplaire.

J’aienvied’êtrejoliejustepourlui.Quecesoitlesrobes,lemaquillageoulevernis,jesuisprêteàbeaucoupdeconcessionspourlegarder!

C’estmaplusgrandepeur.Jenel’avoueraijamaisàpersonne,maisdepuisquejel’airencontré,c’estce qui m’effraie le plus... le perdre, ne plus sentir ce regard qu’il pose sur moi, ne plus voir sonmerveilleux sourire, sa petite fossette quand il m’observe du coin de l’œil, ne plus toucher sa peaudivinementdouce…

—Rose,youhou!

JeregardeValentin,lesyeuxgrandsouverts.

—Oui.—Jeteparledepuisaumoinscinqminutes,redescendssurterre.—Désolée,jeréfléchissais.

—Qu’est-cequit’absorbeàcepoint?

Jeleluiauraisbienavoué,maislàilyaLucasquinousobserve.

—Ledéménagement.

Lucasmeregarde,intrigué.

—Queldéménagement?—Audenousatrouvéunnouvelappartement.—Loin?—Jenesaispastrop,ellelevisitetoutàl’heure.

Il sembledéçu.C’estvraiquec’estpratiquequ’ilhabite lequartier.Pour leboulot, celam’arrangebien.

—Jet’endiraiplus,dèsquejesauraimoi-même.—Sivousavezbesoind’uncoupdemain,entoutcas,n’hésitezpas.—Avecplaisir.Ondéménagetoujoursàtrois,maisj’avouequedesbrassupplémentaires,ceneserait

pasduluxe.

Valentinnousinterrompt,fierdelui.

—Voilà.Est-cequeçateplaît?

J’observemesongles;c’estvraiquec’estlargementplusjolicommeça.

—Oui,j’adore!—Netoucheàrien,attendsqueçasèche.

J’acquiesceensouriant.

Jeme demande siGabriel le remarquera. Ilme semble avoir vu une robe de cette couleur dans ledressing, ce serait vraiment sympa avec.Me voilà contaminée par la folie deValentin et ses tics derappeldecouleurs.Masantémentaleestpeut-êtreplusatteintequejenel’imaginais.

3.Pitié…

«Lamortn’estpasunechosesisérieuse;ladouleur,oui.»AndréMalraux

NoussommesenroutepourleSaphir.Valentinm’aharcelépourm’appliquerduvernissurlespiedsetj’aipasséuneheureàrire,car ilmechatouillait.J’aihâtequecettesoiréesetermine; jecroisquejevaisoublierladiscussionquej’avaisprévupourcesoiretmejeterdirectementsurGabriel.Jesuisenmanquedelui,c’estdéraisonnable,maisjem’enfichetotalement.Quandils’agitdelui,rienn’estnormaldetoutefaçon,alorsjenesuisplusàçaprès.

Lucasn’arrêtepasdejacasser,maisjel’écoutedistraitementenregardantparlafenêtre.J’auraispeut-êtredûaccepterdechangermonplanning.Letempss’étireinlassablementquandilest loindemoi.Lavilledéfilesousmesyeux,lecheminestbientroplong.

Onarriveetjemerendsàmoncasier.Jeposemonsacetquelquechosetombeparterre.Jeramasselepetitpaquet,ilyaunmotdessus.

Rose,Jesaisquej’abuse,Tuvassûrementmel’envoyerenpleinetête,alorsjevaism’excuseravant,cequinousferapeut-

êtregagnerdutemps.Rose,jem’excusedet’offrirça,maisj’aimeraisquetuleportes.TonCompliqué.

Moncœurbat lachamadequandj’ouvre lepaquet.Uncollieravecunpendentifenargent,desailesd’ange.Jeleserrecontremoi...JesursautelorsqueLucasinterromptlefildemespensées.

—Alors,qu’est-cequetufabriques?—Euh…j’arrive.

Jeremetstoutenvracdanslecasier,sauflecollierquejem’empressed’accrocherautourdemoncou.Jenereprocheraiaucunementcemerveilleuxcadeau…Ilestjusteparfait…

JemedépêchederejoindreLucaspourpréparerl’ouverture.Jen’arrêtepasdemecontemplerdanslemiroir,justepourapercevoirlepetitpendentifsebalanceràmoncou.

Sonpetitmotétait tellementadorable.Enfin,pournotrenotionpropreànousde l’adorable,c’est-à-dire,totalementdécalée.Iladittoutcequ’ilmefallait.

—Rose!Tuesavecmoioupas?

Jesursaute.Lucasestdébordéetjerêvasse.Allez,auboulot.

Jemeconcentreaumaximum;ilyadumondecesoir.Pourunmardi,jetrouveçaplutôtétonnant.

Lasoiréepasseplusvitequejenelecraignais.Dansuneheurej’aurai terminé.Jesuis toutsourire,lorsquedescrisàl’extérieurattirentmonattention.JequestionneLucasduregard.

—Net’inquiètepasmabelle,c’estencoreunebagarre.DiegoetIgors’enchargent.Tuenasloupéunelasemainedernièrejustedevantlebar,c’étaitchaud!—Jesuisbiencontentedenepasavoirassistéàça!

Çasebousculedevantnousetj’entendsparlerd’unealtercation,maisjen’ensaispasplus.

Jeperçoiscequimesembleêtrelasirèned’uneambulance;çadoitêtregrave.

Je continue mon travail, quand tout à coup, Diego se pointe au bout du bar me faisant signed’approcher.Qu’est-cequi sepasse ? Il avraimentune sale tête. Il se sentpeut-êtremal.Savoix esttremblanteetpourungrosmalabarpareil,c’estrelativementétrange.

—Rose.—Oui,Diego,quesepasse-t-il?—C’estGabriel.

Jesensmonpoulsaccéléreretmagorgeseserrer.

—Qu’est-cequ’ila?—Rose,quelqu’unl’apoignardé.

Jerestemuetteetcomplètementfigée,mesjambestremblent.Jevaism’évanouir!Diegocontournelebaretme rattrapede justesseaumomentoùelles lâchent. Ilmesoulèveet je l’entendséchangeravecLucas,maisjenedistinguepas.

Diegomepoussesurletrottoiretlesportesdel’ambulancesefermentjustedevantmoi.

Non…

Attendez-moi!

Jeretrouvemesforcesetcoursderrière,maistroptardelleestdéjàloin.Diegoessaiedemecalmer,maisjel’ignoretotalement.

Putain,qu’est-cequejefais?Gabriel!Non,pasça,jevousensupplie!Unevoiture.Ilmefautunevoiture!Jecoursàl’arrièreduClubpourvoirsiDouglasyserait,maispersonne.

Lucas!

Jefonceàl’intérieuretmepencheau-dessusdubar.

—Lucasdonne-moitesclefsdevoiture!

J’ailesmainsquitremblotent,maisj’essaiedenepasypenser.

—Horsdequestion.Tuasvul’étatdanslequel tute trouves?Ilresteunedemi-heure, je t’emmèneaprès.

Jehurle.

—Donne-moitesputainsdeclefsdevoiture!Toutdesuite!

Ilmeregarde,choquéetfouilledanssapoche.

—Tiens.Jesuisgaréaucoin,soisprudente.

Jesuisdéjàloinquandilterminesaphrase.

Jetrembletellementquej’aidumalàouvrirlaporte.Jegrimpeàl’intérieur.Jen’aipasconduitdepuisplusd’unan.Cen’estpaslemomentdepenseràça.Jedémarreetcaledeuxfoisavantdem’engagersurlaroute.Jefonce.Jecroisquejeviensdegrillerunstop.Etpuisjem’enfous!Ilfautquej’arriveleplusvitepossible!

Larouteestlongue.Jedoublejenesaiscombiendevoitures.J’aifaillicausertroisouquatrefoisunaccident,maisjeneralentispas.J’ailesmainscrispéessurlevolant.

Pitiénemefaitespasça!Pitiénon,pasGabriel,paslui!J’aideslarmespleinlesyeux.Jemegare

n’importecommentsurleparkingdesurgencesetfonceàl’accueilavecunmaldeventreaffreux.

Labonnefemmedevantmoin’estpaspressée.Ellecherchetranquillementsonnom.J’aienviedeluienfoncerlatêtedanssonordinateur!

—Ilfautpatienterensalled’attente,mademoiselle,onn’ensaitpaspluspourlemoment.—Quoi?Jen’attendsriendutout,dites-moioùilest!—Ons’occupede lui,nevous inquiétezpas.Lesmédecins font leur travail,asseyez-vouss’ilvous

plaît.

Je n’y crois pas ! Jem’assiedsmalgrémoi sur un siège libre dans le couloir. Je n’ai pas envie derejoindrelasalled’attente:ilyatropdemonde.

Jeprendsmatêteentremesmains.Jen’aipasdetéléphone;toutestrestélà-bas.Jesuismal.J’aichaud,j’aifroid,j’aimalauventre,mespoumonsmebrûlent.Combiendetempsest-cequeçavadurer?

—Rose!

Jesursaute,Joshestdevantmoi.Jemelèveetfoncedanssesbras.Ilmeserrefort,j’enaitellementbesoin.Jepleuretoutesleslarmesdemoncorps.

—Monpèreetmamèrearrivent.Calme-toi,ondevraitensavoirplusrapidement.

Commentréussit-ilàresteraussizen?Ilm’obligeàm’asseoiretseplaceàmescôtésenmeserrantlamain.

Jesanglote.

—C’est…c’estdemafaute.—Pourquoipenses-tuça?

Jerenifledisgracieusement.

—Il…Ilnevoulaitpasquejetravaillecesoir…Etjen’aipasvoulul’écouter.

Ilmecaresselescheveux.J’aitellementmaldanslapoitrine.

—ArrêteRose,çan’arienàvoiravectoi.—Si,c’estmoi…ilneseseraitrienpassésijel’avaisécouté.

Pourquoijenel’aipasécouté!Pourquoijenel’écoutejamais...

—Tun’asabsolumentrienàtereprocher.Tiens,voilàmesparents.

Samèresejointànous.Elleestdanslemêmeétatquemoi.Sonpèrenes’arrêtemêmepasetfonceàl’accueil.Lafemmedetoutàl’heureluidonneletéléphone;onluiexpliquejenesaisquoi.Ilacquiesceplusieursfoisetgesticuledanstouslessens.

LamèredeGabrielattrapemonautremain.

—Rose,machérie.

Etelles’écrouledansmesbras.Nouspleuronstouteslesdeux.Joshestcomplètementperdu.Lessecondesparaissentdesheures.Jenesaispasdepuiscombiendetempsjesuislà,maisj’aperçois

Lucasquiarrive.Ilestessoufflé,s’agenouilledevantmoi.

—J’aieuunedecespeursRose!Commentva-t-il?

Jesuisincapabledeparler.Joshluiexpliquequenousn’ensavonsencorerien,maisquesonpèreserenseigne.

MonsieurAlcottrevientversnous.

—Sonpronosticvitaln’estpasengagé;aucunorganen’aététouché.Nouspouvonspartir.Ilsm’ontexpliquéqu’ilsluiontadministréunsédatif,carilatentédes’enfuir.Ildevraitdormirjusqu’àdemain.

Horsdequestion.Moijerestelà!Ilaessayédesesauver,c’esttoutluiça…Jesuiscertainequ’ilavaitenviedevenirmechercher.Ehbienmoi,jel’attendraiici!

Ilattrapesafemmeparlebras.

—AllezEve,onrentre.Çanesertàrien,onnepourrapaslevoir.

Ellem’embrasseetilss’éloignentaprèsnousavoirsalués.

Joshareprismamaindanslasienne.

—Jeteramène.

Jedéclinel’invitationdelatête.Lucasselève.

—Rose,ilfautrentrer,çanesertàrien.—Jepréfèreattendre.

Lucasinsiste.

—Jeteramène.Ondortquelquesheuresetonrevient.—Allez-y,jenesuispasfatiguée.

Horsdequestionquejebouge!Jeroulemonpendentifentremesdoigts.

—Tun’asmêmepastesaffaires.Tuastontéléphoneaumoins?

Jefouilledansmespochespourluirendresesclefsdevoitureetrépondsparlanégative.

—Donne-moilecodedetoncasier,jevaisleschercher.—Quatrefoiszéro.

Illèvelesyeuxauciel.

—Josh,turestesavecelle?—Jenelaquitteraipasd’unpouce.

JeregardeLucass’éloigneretjefixelapendule;ilestquatreheuresquarante-deuxexactement.

—UncaféRose?

Gabrielauraitétélà,illuiauraithurlédessusd’avoirosémedemandersijevoulaisuncafé.Jesourisintérieurementàmaréflexion.Monhommen’estpastrèsdélicat,ilestjustelui.

—Jeneboispasdecafé.—Ahoui,duthé!Tuasenvied’unthé?—Oui,pourquoipas,merci.—Jen’enaipaspourlongtemps.Lesmachinessontàl’entrée,nebougepas.

Comptelà-dessus!

J’aiuneidée:jefoncerevoirlafemmeàl’accueil.Jenel’aimepascelle-là,maisjeluioffreunjolisourire.

—Excusez-moi, je pars,mais j’aimerais juste connaître le numéro de chambre demonsieurAlcottpourdemain,s’ilvousplaît.

Elleseconcentreuninstantsursonordinateur.

—Lachambre106,mademoiselle.—Mercibeaucoup.

Jefaiscommesijerepartaistranquillement.Joshn’estpasenvue.Jememetsàcouriretentredansl’ascenseur.

Jesuiscomplètementfolle!Ilvasûrementpaniquerquandilcomprendraquejemesuissauvée,maistantpis.Jem’arrêteaupremierétage.Coupdebol,c’estleboncouloir.Jecherchelachambreleplusdiscrètementpossible,cequin’estpasbiendifficile,puisqu’iln’yapersonne.

106,c’estlà!Moncœurbatàtoutrompre.Jepousselaporteenpassantlatêtepourvérifiers’iln’yapasd’erreur.Ilestlà!J’entreetfermelaporteensilence.

Il dort paisiblement. J’approche le petit fauteuil le plus près possible et grimpe dessus. Je plie lesjambessousmoietposematêtesurlelitpourleveiller.

4.Dangereusepossession

«Leverbeaimerseconjuguetropsouventàl’imparfaitdupossessif.»MarcEscayrol

Jesensunemainmecaresserlescheveux,c’estagréable.J’aimalpartout;jesuisfatiguée.Jesoulèvematête,lourdedesommeil.J’ouvrelesyeux.

—Bébé.Ilmesourit.Ilvabien.ToutmerevientàvitessegrandV.Ilvabien.Jemelerépèteaumoinsdixfois

pourm’enconvaincre.Jeposemajouedanssamainetfermelesyeux.

C’estparfait,nemedérangezplus,jeveuxrestercommeça.

—Viens,bébé.

J’ouvreànouveaulesyeux.Ilsoulèveledrapetsedécaleengrimaçant.J’aperçoislebandageautourdesonbuste.

—Jenepensepasqu’onaitledroit.—Qu’est-cequ’ons’enfout!

C’est vrai, qu’est-cequ’on s’en fout ! Il a raison. Je grimpe etmeblottis contre lui. Jeme rendorsaussitôt.

Cesontdescrisquimeréveillent.Unefemmeenblousehurleàl’autreboutdelachambre.Gabrielluirépondavecde jolismotsdont luiseula lesecret.Jecroisqu’onnousengueule,maisuneautredameplusâgée,enblouseégalement,arrivederrièreelleetdemandeàlapremièredesortir.

—Gabriel!Tuasencorefaitdestiennesd’aprèscequetonpèrem’adit.

Ellesepenchepourmeregarderetmesourit.

—C’estellelaraisondetoutcebazar?

Quiestcettefemmeetcommentconnaît-elleGabriel?

—Rose,jeteprésenteledocteurDévraux.C’estuneamiedelafamille.

Ellemesouritplusfranchementcettefois.Elleamêmel’airravie.

—Enchantée,Rose.—Enchantée,docteur.

Jeluisourisenretour,maisjenesuispastrèsàl’aise.JemerendscomptequejenesuispasmieuxqueGabriel.Jen’enfaisqu’àmatête.

Ellevérifielaplaquetteaccrochéeauboutdulitetlaperfusionqu’iladanslebras.

—Alorscommeça,ilsontétéobligésdet’assommeràcoupsdecalmants.

Pourtouteréponseilrit.Ilal’airtrèscalmeavecelle.

—Jevouslaisseencoreuneheure.Après,lajoliedemoiselledevrapartirettupasserasdesexamenssupplémentaires.Çaneserviraàrienqu’ellereste.Ellen’auraqu’àrevenircetaprès-midi.

—Jesorsaujourd’hui!

Jeleregarde,choquée.Contrairementaumédecinqui,visiblement,nel’estpas.

—Gabriel, sois raisonnable. Jem’arrangeraipourque tu sortes rapidement,mais tudois aussi êtreattentifàtasanté.

Ellemesalued’unsignedelatêteetluiadresseunclind’œilavantdenouslaisser.

L’heure passe à une vitesse hallucinante.Gabriel ne sait pas ce qui est arrivé. Il a pris le coup decouteaudanslebasdudos.Iln’apaseuletempsderéaliserqu’ilétaitdéjàparterre.

Rienqued’ypensermerendmalade.Toutàcoup,moncerveauconnectelesélémentsentreeux.

Etsic’étaitAlexis?Jechassel’idée,maisledouterestefichéenmoi.Jemelève,essayantdenepasl’inquiéteravecça.

—Reste,bébé!—Tuasentendutondocteur.Jerentremedoucheretrevienscetaprès-midi.—J’appelleDouglaspourqu’ilpassetechercher.

—Situveux.

Jedéposeunbaisersursonfrontetsorsaumomentoùuneribambelled’infirmièresarrive.

Jemedirigevers la sortiede l’hôpital,quand, surprise, je remarquequeJoshest toujoursaumêmeendroit.Ildort,appuyécontrelemur.Monthéestàmaplace.Jel’attrape.Ilestfroid,maiscen’estpasmauvais.Jelepousseduboutdesdoigts.

—Josh,réveille-toi.

Ilsursaute.

—Rose!

Ilselèved’unbondetseplanteenfacedemoi,l’airmenaçant.Iljettemesaffairesdansmesbras.

—Alorsvousdeux,vousvousêtesbientrouvés!Vousmefaitesroyalementchier!

Ilavanceàgrandspasetjesuisobligéedecourirderrière.

Jecroisqu’ilestencolère.

—Jerentreàpied,jenevaispastedérangerpluslongtemps.

Ilseretourne.

—Tumontesdanscetteputaindebagnoleettutetais!

Jenel’aijamaisvucommeça.Etpuis,c’estquoicelangage?Jemontesansdiscuter.Jen’enmènepaslarge.

Je termine mon thé sur la route. Je n’ose pas le regarder, il est en pétard. Il n’est pas aussiimpressionnantqueGabriel,mais jen’aipas l’habitudeavec lui. J’enprofitepour jeterunœil àmontéléphone.Gabrielaessayédem’appelerdel’hôpitalcettenuit.

Quelleconne!

J’auraisdûpenseràmontéléphone!Pasdemessaged’Alexis.Sic’étaitlui,ilseseraitsûrementvantéauprèsdemoi.AudeetValentinnesontpasaucourant.

EtLucas,est-cequ’ilm’enveut?IlalaissémesaffairesàJosh,maisjen’ensaispasplus.Jen’osepasluidemander.

Arrivésdevantchezmoi,Joshn’atoujourspasouvertlabouche.Jemelance.

—Jem’excusepourtoutesleschosesquejet’aifaitessubir.

Ilnemerépondpas,alorsjesorsdelavoitureetmedirigeversl’entrée.

—Rose,attends!

Ilmerejointsurletrottoir.

—Excuse-moipourmoncomportement,maiscettenuit,c’étaittrop.Monfrèreàl’hôpitaletpuistoiquidisparais,tuneterendspascompteàquelpointj’étaisflippé!

J’ail’impressionqu’ilvacraquerets’effondrersurletrottoir.

Jel’attrapedansmesbrasetposematêtecontrelui.Ilpasselessiensautourdemoiavecunsoupir.Nousrestonsunlongmomentcommeça.Jen’aipenséqu’àmoicettenuit.Jesuislapireégoïstequisoit!

—Si,jem’enrendscompte,maisquandils’agitdelui,riend’autren’ad’importance.C’estplusfortquemoi.—JesaisRose.J’aimeraistedirequec’estnormal,maisçanel’estpas.

Quesous-entend-il?

—Jenecomprendspas.—Votre relationn’estpassaine.Sivousnevouscalmezpas,vousdétruirez toutsurvotrepassage.

Gabrieln’aaucunelimiteettulesuistêtebaissée.Pourl’instant,çapasseencore,maistuvasdevoirlecontenirpourvivrenormalement.

Qu’est-cequ’ilraconte!Aucunelimite?Biensûrqu’iladeslimites!

Quand j’y pense, nous avons enfreint la loi à plusieurs reprises. Nous nous sommes conduitsdangereusement. Rien que cette nuit, j’ai failli causer des accidents en voiture. Mes amis sontconstammentinquietsàcausedenous.Jepensecomprendresonpointdevue.

— Je vois. Ça me fait réfléchir. Je ne nous ai jamais vus sous cet angle là, mais je suis aussiresponsablequelui.

—Rose,sachequesituasbesoindeparler,jesuislà.—MerciJosh.—J’yvais.Onsecroiserasûrementàl’hôpital.

Ils’éloigneetjeprendsl’escalierpourrentrer.

Audes’affaireàlaverlesol.J’enjambeetsautesurlecanapé.

—Tuasencoredécouchécettenuit!—Oui.Gabrielestàl’hôpital,quelqu’unl’aagresséhier.

Elleposesonattirailetmerejoint.Sonregardesttellementinquiet.

—Pourquoitunem’aspasappelée?Commentva-t-il?Ques’est-ilpassé?

Je lui raconte l’histoire depuis le Saphir jusqu’à maintenant, en omettant volontairement laconversationavecJoshetaussimapetitefuguenocturne.Elleestscotchée.Jevoisbienqu’ellenesaitpasquoirépondre.

—IlvabienAude,c’estleprincipal.Jevaismelaver:j’yretourneendébutd’après-midi.

Jefile,lalaissantterminerleménage.

Ilfautquej’appelleCameron.Jedoislevoiraujourd’huietjenesaispassiceserapossible.

Çasonne,j’espèrequ’iln’estpasoccupé.

—Hé,petitefleur!—Cameron.Finalement,ças’annoncecompliquépouraujourd’hui.Gabrielestàl’hôpital,j’aimerais

resteraveclui.

Savoixchangetoutàcoup.

—L’hôpital,pourquoi?—Quelqu’unl’apoignardéhierdevantleSaphir,maisilaeuunesacréechance,aucunorganen’est

touché.—Écoute,jerefourguemesrendez-vousdefindejournéeetjeterejoinslà-bas.—MerciCameron.—Àtoute,petitefleur.

Je file me laver et ressors une demi-heure plus tard. Mon téléphone sonne ; je ne connais pas lenuméro.Jen’aimepasça,j’aitoujourspeurquandjenesaispasquic’est.Jem’installesurlelit.

—Bébé.—Gabriel!—Ouais,jet’appelledutéléphonedel’hôpital,jen’aiplusdebatterie.Douglasnepourrapaspasser

techercher,monpèrel’avirécematin.—Oh,pourquoi?—Ilétaitcenséassurermasécurité.

EncoreundégâtcollatéraldeGabriel.Aprèstout,c’estluiquijoueauchatetàlasourisavecDouglas.Josharaisondansunsens.

—Oui,maispourquoitun’étaispasaveclui?—Jel’aiseméaveclamoto.

Benvoyons!

—Tunepeuxpasfairequelquechose?—Pourêtrefranc,çam’arrangedeneplusavoirquelqu’unsurmestalonstoutelajournée.—Gabriel!Tuasvucequit’esarrivéhier?—Cen’estrien,cen’estpaslapremièrefoisqueçam’arrive!

Paslapremièrefois!Ilmesortçanaturellement!Qu’est-cequejenesaispasencoresurlui?J’aipeur…

—Commentça,paslapremièrefois?—J’aidéjàprisuncoupdecouteaudansunebagarre.—J’exigequetuaiesungardeducorps!—Tuexiges?—Tousmesdésirssontbiendesordres,non?— Bébé, tous tes désirs sont des ordres. J’essaierai d’arranger la situation. Je te laisse, les flics

arrivent.Àtoutdesuite.—Oui,àtoutdesuite.

Mon Compliqué est vraiment, vraiment… je cherche le mot… vraiment... non, c’est ça, il estcompliqué!

Joshm’aperturbéavecsondiscoursàproposdenotrecouple.J’aidumalàréfléchir, il fautque jetrouve quelqu’un pour m’emmener à l’hôpital. Je n’oserais pas appeler Lucas, je ne sais pas s’ilm’adresseraencorelaparoleaprèsmafugued’hiersoir.Josh?Paslapeine,ilenaassezbavéparmafauteetsijeluiavouequeDouglasaétéviré,çaneferaqu’étayersathèse.Valentin?Jenevoisplusquelui.

J’essaiedelejoindre,maisilnerépondpas.Ildoitêtreencours,ilestquatorzeheuresquinze.Cequimerappellequejen’airienmangédepuisuneéternité.Jevaisàlacuisinemepréparerunthéetsorsdesgâteaux.Tantpis,ceseraàpied,mêmesic’estloin.

Auden’estpluslà.Jenel’aimêmepasentenduesortir,jedevaisêtresousladouche.

Montéléphoneseremetàsonner,encorelenumérodel’hôpital.

—Bébé.—Oui.—Jet’envoieuntaxi,ilseralàdansunedemi-heure.—Euh…Oui,d’accord.—Tupourraispassermechercherdesaffaires?—Ouibiensûr,maisjeneconnaispastonadresse.—Impassedesjardinssecrets.Jet’interdistouteremarque!

J’étouffeunrire.Cenomluivaàravir.

—C’estnoté,àtoutdesuite.—Àplusbébé.

Quelqu’unpeut-ilm’expliquercommentils’yprend?Ducoup,jemangemesgâteauxtranquillement.Ilatoutprévupourmoi,commeàsonhabitude.

Letaxiestàl’heure.Jedonnel’adressedechezGabrieletm’installe.

Lemecestunevraiepipelette: ilmeparledelui,desesclients,safamille.Qu’est-cequej’enaiàfairemoiqu’ilaitcoursdecuisinetouslesmardissoir!Ouencorequesasœursoithypocondriaque?Iln’aqu’àmedonnerlecodedesacartebancaire,ceseraitdéjàplusintéressant!

EnfindevantchezGabriel!Jeluidemandedem’attendre.

Je sorsmes clefs ; j’y ai accroché une petite breloque pour signifier que ce sont officiellement les

miennes.

Jetrouveunsacdansledressing.J’attrapedestee-shirts,unjeans,unpantalondepyjamaetdessous-vêtements.Puisjepréparesatroussedetoiletteetenprofitepourrécupéreruneserviette.

Ah,sonchargeur!

Peut-êtresonordinateurportable?Oui,c’estunebonneidée.Unoudeuxlivresaussi.Jebalaiedesyeuxl’appartementpourvérifierquejen’airienoublié.Jevaiségalementluiamenerdujusdefruitetdesgâteaux.Jeprendsunautresacpourmettretoutuntasdeconneries.

Me revoilà avec la pipelette ; cette fois il me parle de son ex-femme. Help ! Quandmême, c’estamusant de savoir qu’il a été fait cocu par l’amant de la fille de la voisine de sa mère. J’apprendségalementqueGabriell’adéjàpayécequi,dansunsens,m’arrangebien,carjen’avaispaspenséàçadutout:jen’aipresqueriensurmoi.J’aivraimentdelachanced’avoirunhommetrèsprévoyant…

J’arriveenfinàl’hôpital.C’estlorsquelechauffeurdetaximetendsacartedevisitequejeréalisetoutlebazarque j’ai amené : sacde sport contenant lesvêtements sur le dos, sacochede l’ordinateur surl’épaule,cabasdecourseaccrochéàmamaindroite,sacàmainavecmesaffairesderechangesdansl’autre.

Etbien,allons-y!

J’arrivedevant lachambre.J’essayed’êtresilencieuseaucasoùildormirait,maisnon, ilestbeletbienréveillé.

Iléclatederirelorsquej’arrivedevantlui.

—Tuemménagesbébé!—Arrêtedetemoquer.

Jelâchetoutparterre;c’étaitlourdquandmême.Ilsetordderire,cequisembledouloureux.

—Tuasvidél’appartouquoi?

Ilamal,maisilcontinue!

J’ouvrelesacdevêtementsetluienvoiesonpantalondepyjamaenpleinetête.Sonchargeursuitlemouvement.Ilal’aircontent.

—Tugères.—Tularamènesmoinsd’uncoup!

Iltapotelaplacevideàcôtédelui.

—Tuviensregarderlatélévisionavecmoi?Ilyaaumoinsdixchaînes,toutespluspourrieslesunesquelesautres.—Etavecça?

Jem’amuseaveclasacoched’ordinateurdevantlui.

—Respectbébé!

Jegrimpeprèsdeluietildémarresonordinateur.

—Alors,lapolice,tunem’aspasraconté.—D’aprèslestémoinsetlescamérasdesurveillance,c’estunmecdematailleetmétisse.Àpartça,

onn’ensaitpasplus.Ilavaitunecapuchesurlatête,doncàmonavisilsneleretrouverontjamais.

Soulagement.Cen’estpasAlexis!Enfinnon,çasignifiequequelqu’und’autreenaaprèslui!

—Tuasdesennemis?—Quelques-uns.

Rassurant!Jedésespèrelà…

Ilpassesonbrasautourdemoiavecunegrimace.Jen’aimepaslevoircommeça,maisentoutcas,ilneseplaintjamais.

—Net’inquiètepas,ilsnesontpastrèsdangereuxetjenepensepasquecesoitl’und’entreeux.

Ilestmarrantlui,çanelechoquepaslemoinsdumonde!

Ilfouilledanssesdossierssursonpcetjeregardemontéléphonequivientdevibrer.

Lucas:[Salutvilainefille!Onachangétonplanning,tunebossespluscesoir.CommentvaGabriel?]

Ehbien, ilnesemblepas tropm’envouloir. Jem’attendaisàpire.Enplusd’être toujoursdebonnehumeur, il n’est pas rancunier. Il irait vraiment bien avec Aude, mais elle n’a pas craqué sur lui,

forcément.

Commentça,onachangémonplanning?JetournelatêteparréflexeversGabrielquiestconcentrésursonpc.

JepianoteunmessagepourleremercieretluidonnerdesnouvellesdeGabriel.

—C’estqui?

Ilessaiederegarderpar-dessusmonépaule.

—Lucas.—Ilteveutquoiencore,celui-là?

Samâchoiresecrispe.Ilabeaupasserdutempsaveclui,jesaisqu’ilnel’appréciepas.

—Ilprenaitdetesnouvelles.—Ouais,c’estça!J’aimeraisbienquetumettesunpeud’espaceentreluiettoi,Rose.—JetravailleavecluiGabriel!—Jevaischangerça.—Tunechangerasriendutout!Déjàquetuasmodifiémonplanning!

Ilmeregarde,surprit.

—Jen’airienchangédutout!

Commentça,iln’arienchangé?Ilrespecteplusmeschoixquejenem’yattendaisaufinal,mêmes’ilfaitsabourriqueparmoment.

Quelqu’unfrappeàlaporte.Gabriel,énervé,répondsèchementd’entrer.

—Quelaccueil!

Camerons’approchecalmement,railleur.Gabrielletoiseducoindel’œil,maisjevoisbienqu’ilaunpetitsourire.

—Cameron,qu’est-cequetufouslà?—Rien.Jepassaisparlàetj’aireconnutonsalecaractère,alorsjesuisentré!

Jesuisobligéederireàsaréflexion.Gabrielagitcommes’iln’avaitrienentenduetCameron,fidèleàlui-même,s’assiedtranquillementdanslefauteuil.

—Alorsmec,tuaslapeaudure!Çafaitcombiendefoisquejeterendsvisitedanscethôpital?Cinqousixfois?

—Ondiraitbien.Quatreseulement.

Quatre!Jeleregarde,complètementabasourdie.Ilmesourit,maisn’approfonditpaslesujet,préférantleversonmajeurendirectiondesonami.Undoigtd’honneur!Charmant!

—Petite fleur, commentarrives-tuà supporterun typepareil ? Il est aussi aimablequ’uneportedeprison!

CameronensaitlongsurmonCompliqué.Ilseraitpeut-êtrebondeserapprocherdeluipoursoutirerdesinfos!Modeenquêtriceenclenché!C’estbon,j’enaimarredesescachotteries.

—Ferme-làetjet’interdisdel’appelercommeça!—Jeconstatequetuesenforme,c’estrassurant.

Cameron semet à rire de bon cœur quand on frappe à nouveau à la porte.Gabriel, toujours aussiaimable,râle.

Sesparentsentrent,suivisdeJoshetd’unautrehommequejen’aijamaisvu.Letypemedévisagetoutde suite, j’en ai froid dans le dos. Il est très beau, châtain aux yeux bleus très foncé avec une classeindéniable.JemelèvepourserrerÈvedansmesbrasetsaluerlepèredesjumeaux,ainsiquel’inconnuquimerépondfroidement.

Gabriellanceuncoupd’œilàCameronquiselèveimmédiatementetm’attrapeparlebras.

—Vienspetite…Rose.Onvaboireuncaféetleurlaisserunpeudeplace.

Jesuissurprise,maisj’attrapemonsacetlesuissansdemandermonreste.

Nousatteignonsàl’ascenseuretygrimpons.Cameronfourresesmainsdanssespoches.

—Çacraint,ilsontramenéHaley.—Quic’est?

Ilmeregarde,commesijevenaisdeluirévélerquejenesavaispasquiétaitlePèreNoël!

—Ledemi-frèredeGabrieletJosh.Ilestplusjeunequ’eux,situvoiscequejeveuxdire.

Ilsortdel’ascenseuretjelesuisdeprès.Ledemi-frère?

J’aidûlouperunépisode.

—Non,jenevoispastropcommentc’estpossible.—Réfléchisunpeu,petitefleur.

Ilm’arrêtenetquandjemetournepoursortir.Ilm’attrapeparlebras.

—Viens,onpasseparderrière,ilyatropdejournalistesparlà.—Desjournalistes?

Ilm’entraîne.Jesuisperduelà!D’abordladécouvertedesquatrehospitalisationsdeGabriel,puis«Machin»,sondemi-frèredontjenemesouviensplusduprénometmaintenantlesjournalistes.

Nousnousretrouvonssurleparkingarrière.

—Jecroyaisqu’onallaitboireuncafé?—Jetesortaisdelàsurtout;c’estsûrqueçavamalsepasser.Jesaisqu’avecsonpèrec’estdifficile,maisGabrielestsurunlitd’hôpital,ilpourraitfaireuneffort.—Pourquoi?—DemandeàGab,moijemetais.Jet’airévéléassezdechosespouraujourd’hui,monte.

Zut!

Jem’installedanscequidoitêtresavoiture.Ilyaundecesfoutoirs!Entrelespapiers,lesflyersetlesgobeletsvides,jesuisobligéedetoutpousserpourpouvoirm’asseoir.

Ilsepenchesurmoipouraccéderàlaboîteàgantetextirpeuntrucaumilieudutasdepapiers.Illesortd’unétuietmeletend.

—C’estuntaser.

Jesaisisl’objetetleretournedanstouslessens.Ilmeleretiredesmains.

—Ce n’est pas un jouet, attention ! Je temontre : tu appuies sur ce bouton et tu le colles sur ton

agresseur.IlvafaireunbonddecinqmètresetseraKOaumoinsuneheure.

Ilmeletendànouveauetjel’observeavecbeaucoupplusdeprécautions.J’identifiebienleboutonetrangel’objetdansmonsac.

—Jetedoiscombien?

Ilsemetàrire.

—Riendutout.Çavaudrapeut-êtreunserviceundecesjours.

Ilm’adresseunclind’œil.

Quel servicepourrais-je bien rendre à un type commeça ? Il n’a pas vraiment besoinde l’aidedequelqu’uncommemoi.Enfin,j’acquiesceavecunsourire.

—Merci.

Jel’observeallumerunecigarette.Ahnon,cen’estpasunecigarette!Merde,c’estunjoint!Iltireunelatteetmeletend.

—Tufumes?

Jegrimace.

—Nonmerci,çavaaller.

J’ouvremafenêtrepournepasétouffer.J’aidéjàlecerveauassezembrouillécommeça.

—Tudevrais,çatedétendrait.Tuesunevraiebouledenerfs.

Ilyadequoi!Ilnousarriveuntrucdedinguetouslesquartsd’heure!

Jemerongelesongles.Nousallonsattendrecombiendetempsdanscettevoiture?

Alorscommeça,Gabrielaundemi-frère.Ils’estbiengardédem’enparler!Ilestplusjeune?

Jetilt!

Celasignifiequ’undesesparentsaeuuneaventureetqu’unenfantestnédecetteliaison.

Oh!Ça,c’estunesacréenouvelle!

Jemedoutequ’ils’agitdesonpère.C’estcertainmême.Samèreneferaitjamaisunechosepareille.JecomprendsmieuxpourquoiGabrielluienveutautant.

Je suis complètement chamboulée par cette nouvelle. Comment vivre avec un fardeau pareil ? Pasétonnantqu’ilnes’envantepas!Etsapauvremère,pourquoiest-ellerestéeavecsonmari?…C’estincompréhensible.

5.Bêtisesetnouvellesexpériences

« Ne regardez pas en arrière avec colère, ni devant avec crainte, mais autour de vous avecconfiance.»JamesThurber

Cameronestpartimechercherun thé.Nouspoireautonsenbasdepuisaumoins troisquartsd’heurelorsquejereçoisunmessagedeJosh.

Josh:[Rose,s’ilteplaît,reviens.Gabrielestentrainderemballersesaffaires,ilveutpartir.]

Merde!

J’attrapeCameronquiarriveavecmaboissonetluihurlequ’ilfautviteremonter.Ilappuiesursaclefpour fermer sa voiture et abandonne nos boissons sur un chariot pour pouvoir se dépêcher sans toutrenverser.

Nousentendonshurlerdepuislasortiedel’ascenseur.Jecoursaussivitequejepeuxàtraverslelongcouloir.

Jefoncedansl’entrebâillementdelaporte.Gabrielestdebout,ilrangesesaffairesdansunsac.Ilaarrachélaperfusionetdusangdégoulinelelongdesonbras.Samèrepleure,Joshessaiedelecalmer,sonpèrehurlepourqu’ilsecoucheetlefrèreinconnusetientcontrelemursansvraimentd’expressionsursonvisage.

J’approchedoucementdeGabriel.Ilestfurieux,jelevoistoutdesuite.J’adoptelavoixlaplusdoucepossiblemalgrémonstress.

—Gabrielqu’est-cequit’arrive?—Onsecasse!

Le tondesavoixest spécial :empreintdecolère,dedouleuretde l’effortqu’il fournitpour restercorrectavecmoi.Jeprendssurmoipourluirépondrelepluscalmementpossible.

—Pourquoi?Noussommestrèsbienici.

Iltourneenfinsonregardversmoi,apparemmentsurprisparmaréponse.Camerons’avachitdanslefauteuil.

—Ellearaison,c’estpasmalici.Enplus,ont’amèneàmangeraulit,lepiedquoi!

D’unsignedelamain,jedemandeàJoshdesortirtoutlemonde.

—Etpuis,onaunfilmàregarder.

Gabriellesobservedécamper.Ilesttotalementailleurs.

Jegrimpesurlelit.

—Bonalors,tuviens?

Ilcontempleencoreunefoislachambreetmeregardesurlelit.Ilsetientdetravers,jesaisqu’ilamal.Surcecoup,safamilleavraimentdécrochélepompondelaconnerie!

Sansunmot,ils’installeàcôtédemoi.Ilsouffre,jeledevineàsonvisagecrispé.

—Tuveuxquej’appelleuneinfirmière?

Ilsecouelatêteenguisederefus.Plusentêté,onnetrouvepas!

Jesuissoulagéed’avoirréussiàlerecoucher.Cameronsetortillesursonfauteuil.Jelequestionneduregard.

—Àquelleheuremange-t-onici?Leroomservicen’estpasautop.

Gabrielsortenfindesatranse.Ilfautabsolumentqu’ons’occupedesonbras,maisiln’estpasencoreassezcalme.

—Iln’estquedix-septheures.DemandeàRose,elleadévaliséleréfrigérateuravantdepartir.—TuassuresRose!

Jemelèveetdéballesurlatablettetoutlesacquej’aiapporté,jesavaisbienqueçaservirait!

Cameron se précipite, emportant des gâteaux et du jus de fruit. J’attrape des chips que je pose surl’espècedetabledechevetetmerassiedsauprèsdemonCompliqué.

J’aiuneidéequimetrottedanslatêtedepuisunmoment,maisavectoutça,jen’aipaseuletempsdem’enoccuper.JesorsmontéléphonepourenvoyerunmessageàAude.

[Suis à l’hôpital,Cameron est là ! J’espère queValentin est dans le coin, ça serait chouette que tupasses.Dépêche-toi,jenesaispass’ilresteralongtemps!]

Jenem’ensuispasaperçue,maisGabrielregardecequej’écris.Oups!

Ilalesourireauxlèvres.Enfin!

—C’estbiencequejepense?

Je suis affreusement gênée. Je lui demande de se taire pendant que Cameron regarde l’émissionnullissimeàlatélévision.

Ils’approchedemonoreilleetmurmure.

—J’espèrequetunecomptespasinvitertropdemonde,j’aibienenviedetestercelit.

Quoi?Jeleregardeendeuxfois.Non,maisilestconscientoupasdel’étatdanslequelilsetrouve?

—Tuescomplètementdingue!—Pirequeça!

C’estbon;ilaretrouvésabonnehumeur.

—Jevaistenettoyerça.

Jedésignesonbrasdudoigtetilsemetàsourireenpensantàsaconnerie.Jenesuismêmepassûrequ’ils’enétaitaperçu.

Jemelèveetjetteuncoupd’œilàCameron;ils’estendormi!JefixeGabrieletluimontresonamidela tête.Jefileà lasalledebain,attrapeunecompresseet lamouille,puis retrouvemonCompliquéetm’occupedesonbras.

Ilnebronchepasetm’observeattentivementpendantquejenettoielesangquiacoulélelongdesonbras.Jemultiplielesallers-retours,ils’enestmispartout.

Ilcaressedélicatementmajoueavecsonautremainpendantquejesèchesonbras.

—Tuesbelle,Rose...Tellementbelle.

Ilm’attrapeparlanuquepourm’obligeràvenirjusqu’àluietm’embrasse.

—Oh!Siçadevientchaud,prévenez-moiquejesorte!

NousnousretournonsenmêmetempssurCameron,tandisquequelqu’unfrappeàlaporte.

JemeredresseetGabrielgrogneuntrucincompréhensible.

AudeetValentinentrent.JemelèvepourlessalueretCameronm’imite.Gabrielsecontented’unpetitcoucoudelamainetjeprofitedel’intrusionpourtrouveruneinfirmièrepourlaperfusion.Qu’est-cequejevaisraconter?C’estd’ailleursétonnantquepersonnen’aitétéattiréparlescrisdetoutàl’heure.Ilyauraiteuunmort,tantpis!

Jedénicheenfinquelqu’unetquandjeluiexpliquepourquic’est,elleappelledirectementledocteurDévraux.Elleseralàd’iciunedemi-heure.Jeretournedanslachambre.

Jesuisfatiguéedetoutesceshistoires.J’aihâtederentreravecGabriel.Jecroisquejevaisl’enfermerquelquesjours,histoiredemarquerunepauseetdeprofiterdeluiloindesautres.Personne,absolumentpersonne,justeluietmoi...

Je rentredans lachambre, toute joyeuse.Mesamis sont làet l’ambianceestbeaucoupplus sereine.Valentinmontre des logiciels àGabriel sur le pc. Il semble très intéressé ; j’aime le voir comme ça.CameronacédésaplaceàAudequilemangedesyeux.Cen’estpeut-êtrepaslegenred’hommequ’illuifaut,maisonpeuttrèsbienêtreagréablementsurprisparceluiquiestnotreopposé.

Mesyeux dévient encore une fois surmonCompliqué. J’observe chacun de ses gestes, sa façon deparleretdetenirtêteàValentin.Ilestsidifférent,toutchezluiestfascinant...

Ledocteurnetarderaplus,ilfautquejerangeunpeu.Jejettelescompressesetlespaquetsdegâteauxvidesdanslapoubelledelasalledebain.Montéléphonem’indiquequej’aireçuunmessage.

Gabriel:[Tuestropsexypourquejesoisraisonnable!Onpourraitpeut-êtretouslescongédier?PS:J’adoretonvernis...]

Jem’assiedssurletabouret.Êtreraisonnablen’estpasdanssonvocabulaire,ça,c’estcertain!

Moi:[MonsieurCompliqué!Vousallezvoustenirtranquille,ordredumédecin!PS:Trèstouchéequetuaiesremarqué…]

Je souris toute seule dans la salle de bain, c’est complètement ridicule, mais ce sont de petites

attentionsquej’aime.

Gabriel:[Commentveux-tuquejemetiennetranquille?Ilfaudraitm’attacherpourça!PS:Jeremarquetoutquandils’agitdetoi.Aupassage,j’aimebeaucouptoncollier…]

L’attacher…Jecroisquejeviensderougir.L’idéenem’estpasdéplaisante...Jetripotemoncollier.Effectivement,ilremarquetout.Jenesavaispasqu’ilétaitsiattentifàtouscesdétails.Ilfaudraitqu’ilarrête,carlà,c’estmoiquinevaisplusmecontrôler.

Moi:[Jepourraisbienréfléchiràcetteproposition…PS:Jenesavaispasquetuportaisdel’attentionauxpetitsdétails.Jel’adore!]

Jemerelèvepourm’observerdanslemiroir.J’essuielenoirquiacoulésousmesyeuxetmerecoiffe.LespetitsdétailsRose?Ilfaitattentionaumoindredétail!

Gabriel:[Vire-lesoujem’encharge!Complètementdéraisonnableetirraisonné.PS:Delapetitecicatricedanstoncou,auminusculegraindebeautésurtacheville,jusqu’aunombre

defoisoùj’arriveàtefairerougirenunejournée…]

Je retombeassise sur le tabouret. Ilvientdeme scotcher…Je relisplusieurs fois lemessage.MonGabriel…

J’entendslavoixdudocteurDévraux,dégringoledemonnuageplusvitequejenel’auraissouhaité.Jefroncelessourcils,complètementdégoûtéeparcetatterrissageforcé.

Jeretournedanslachambreaumomentoùelledemandeàtoutlemondedesortiruninstant.Jesuislemouvementetnousnousretrouvonsdevantlaporte.

Valentinpassesonbrasautourdemesépaulespournousamenerauboutducouloir.

—Beauté,Audem’aracontécequis’estpassé.Dis-m’enplus,jesuisprêtàparierquetumecachesdeschosesdepuisunmoment.

Horsdequestion.J’aienviedemeconfieràmonmeilleurami,maismaraisonguettemaréactionenmemenaçantdupoing.

—Jen’ensaispasplusquetoi.Situpensesquec’estAlexis,cen’estpaslecas.J’yaipenséaussi,maisceluiquiafaitçaétaitaussigrandqueGabrieletmatedepeau,rienàvoiravecmonex.

Valentinadopteunregardgravequejen’aipaseul’occasiondevoirsouvent.

—Poupée, tumecachesdeschoseset jen’aimepasça.S’il teprendl’envied’enparler, jesuis làpourtoi,jouretnuit,OK?

J’acquiesce,neniantpas l’évidencedemes secrets. Jevais enpleurer, j’aurais tellementbesoindequelqu’unpourm’aideràyvoirclair,maisc’estimpossible.Jeneveuxpluspourrirlaviedepersonneaveclamienne.

NousrejoignonsCameronetAudequirigolent.J’essaiedemeressaisir.Valentintapesurl’épauledemacoloc.

—Bon,Aude,onyva,j’aiencorepasmalderévisions.—Oui,onyva.

Elleal’airdéçueetm’enlace.

—Repose-toiunpeu,Rose.Turessemblesàunfantôme,tuestouteblanche.EmbrasseGabrielpournous.

NouslesregardonspartiretCameronm’attrapeparlebras.

—Viens,onvasechercherunvrairepas.Ilaraison,tuesblancheetpuismoi,j’aiencorefaim.

LesinfirmièresdévisagentCameronsurnotrepassage;jesaisqu’ilestimpressionnantavecsoncorpstouttatoué,maisçan’estpaslapeined’enfaireautant.JesuiscertainequelavuedeGabrielleurplaîtbeaucoupplus,bandedebécasses!

Nousnousrendonsàlacafétériadel’hôpitaletnousnouspréparonsdeuxplateaux.CeluideCamerondéborde.Ilmangebeaucoup!

—Cameron,tucroisqu’onpeutremonteravec?—Jenesaispas,maisonvatenterlecoup.

Noussortonset,puisquepersonnenenousinterrompt,nousremontons.

—Dis-moi,petitefleur.J’aibesoind’unserviceaujourd’hui,finalement.

Déjà!

—Jet’écoute.

—Tunevoudraispasmedonnerlenumérodetacopine?—Aude?

Ilparaîtgêné,cequiluidonneunairassezmarrant.

—Ouep!

Yes!Ilfautquej’ensacheplus.

—Pourquoituveuxsonnuméro?—T’esbienunegonzessetoi,avectesquestionsàlacon!

Jen’insisteraipas.Monserviceétaitridiculeparrapportausien,maisçameva.

—OK,jetel’envoieparmessagedèsqu’onarrive.

Ilmesouritetmepousseavecsonplateaupourquej’avanceaulieudeleregarder.Jetrébuche,monplateauvoleetl’infirmièrequisortaitdelachambredeGabrielseprendletoutenpleinetête.Jem’étalelamentablementàplatventrepar terre.Ma fourchette atterrit justedevantmonnezet lebruitdumétalrésonnejusqu’àmesoreilles.

L’infirmièrequisetient,dépitée,àl’entrée,alescheveuxpleinsdesaladeetlablouserecouvertedesaucebolognaise.

J’entendsleriredeGabrielquirésonnejusqu’aufonddemoncerveau.

—Bébé,jesuissûrquec’esttoi!

Ilestperspicace!

Cameronm’enjambeensebidonnant.Ilcontournel’infirmièreenladétaillantetentredanslachambre.

—Ouais,c’estelle!

Jemerelèveetm’excuseauprèsdel’infirmière.Elleal’airfuraxetsescollèguesquinouscroisentsemoquent d’elle. Jeme suis encore faite repérer ! Je suis tellement gênée, j’essaie de l’essuyer,maisj’étaleencoreplus.LedocteurDévrauxsortdelachambreetréprimeunsourire,maistroptard,jel’aivu.

—Denise,allez-vousnettoyers’ilvousplaît.

L’infirmièredétalecommeunlapinàtraverslecouloir.

—BonsoirRose,toutestarrangévousavezlapermissionderestercettenuit.Aumoins,ilneferapasenragerlepersonnelcettefois-ci.J’envoiequelqu’unpourlesdégâts.

Ellem’adresseunpetitclind’œilenpassantprèsdemoi.Jelaremercieetfoncedanslachambreencontournantmonbazarétalésurlesol.

Àquelpoints’est-ilmalcomportépourquecesoitpréférablequejereste?Jecroisquejevaiséviterlaquestion;ilestinfernaletjedoisfaireavec.

Jesuisdégoûtée,j’avaistropfaim.Cameron,quantàlui,adéjàattaquésonplateau.

—Bienjouébébé,jenel’aimaispascelle-là!Eh,Cameron,bougetonculetvaluichercherunautreplateau,elleafaim!

Cameronlèvelesyeuxaucieletenfournesonpetitpaindanssaboucheenselevant.

—Jepeuxyaller,tusais.—Non,jepréfèrequecesoitlui.Tuasvraimentungrossouciaveclavaisselle.D’ailleurs,rappelle-

moid’acheterdescouvertsenplastique,ceseramoinsrisquépourmoi.

Ilestvilain!Cen’estpasdemafaute,c’estCameronquim’apoussée...

—Ettupenserasàprendredestassesenplastique!

EtBing!

—Tumarquesunpoint,bébé.

Ilm’attrapepourquejegrimpesurlelit.Jel’enjambeavecbeaucoupdeprécautions.Ilavitefaitdemecolleràlui.Salanguerencontredéjàlamienneetsesmainspassentsousmonhaut.Ouah!Ilaledondemeretournerlecerveauenquelquescaresses.

—Vousnesavezpasvoustenirtranquillemaparole!

Je sursaute à la voix de Cameron, je l’avais totalement oublié ! Gabriel rabaisse mon haut et lecongratuled’unautredoigtd’honneurpendantquejemerassiedscorrectement,rougecommeunepivoine.

Il pose mon plateau et retourne à sa place. Je me rappelle soudain que je devais lui envoyer unmessage.J’attrapemontéléphoneetleluiexpédie;jeremarquesonpetitsourirequandillereçoit.

C’esttropmignon!

Aprèsqueladamedel’entretienaitterminédenettoyermonfoutoir,uneaide-soignanteentreavecleplateaudeGabrielquiseredresse.

Ellecroitquejenel’aipasvueledévisager?Enplus,ellepapillonnedesyeuxquandillaremercie.Celle-làaussiseprendraitbienunplateauenpleinetête!Délibérémentcettefois!Elleavraimentdelachancequejemeuredefaim!Jegrognesansm’enrendrecompte.

Lamêmebécasserevientchercherlesplateauxunedemi-heureplustardensedandinant.Jememordsl’intérieurdelajoueàlaregardersetrémousser:elleprendtoutsontemps.Ellecroiseenfinmonregard,jenebaissepaslesyeuxjusqu’àcequ’ellesesentegênéeetsorteenfindecettechambre.

CameronetGabriel,tellementabsorbésparlereportagemoto,n’ontmêmepasremarquésaprésence.

Je me lève d’un coup, pas du tout passionnée par leur émission. Et puis, je dois avouer que jecommenceàavoirmalauxfessesderesterassise.

—Jevaismechercherunthé,quelqu’unvoudraitquelquechose?—Ouais,ramène-nousuncafébébéetévited’ébouillanterquelqu’un!

Jenerelèveraipascetteremarque...

Jesorsetdescendsdansl’entrée.Forcément,ilyauntasdemondequiattenddevantlaseulemachinefonctionnelle.J’attendsunlongmoment,maisj’aienviedeprendreunpeul’air.Ilfaittropchauddanscethôpital,c’estinfernal.

Jenemerappelaisplusqu’ilyavaitdesjournalistesdevantl’entrée.J’essaiedelescontournerquand,tout à coup, ils se jettent sur moi comme des piranhas sur un morceau de viande. Au milieu du flotincessantdequestions,j’endistinguecertaines.

—S’ilvousplaît,êtes-vousencoupleavecGabrielMademoiselle,depuiscombiendetemps?—Pouvez-vousrépondreànosquestions?—Mademoiselle,pourrait-onavoiruneinterviewavecGabriel?—Gabrielaétépoignardé,pouvez-vousnousdonnerdesdétails?

J’essaiedereculer,maisjesuisencerclée.Lesquestionsfusentdetouslescôtés.J’ailatêtequitourne,

onmebouscule.

—Laissez-moitranquille.

Les flashesm’éblouissent.Qu’estcequi sepasse?Jesuis totalementperdue ; jen’arrivepasàmefrayeruncheminpourm’échapper.

J’aienviedehurlerquandunemainm’attrapeetjetoutlemondes’écarte.C’estCameron.Ilpassesonbrasautourdemesépaulesetlesbousculepourmesortirdelà.

Nousrentronsrapidementdanslehall.

—Petitefleur,tuasvraimentlechicpourtemettredansdessituationspaspossibles!

Jesuisencoresonnée,lesflashscrépitenttoujoursdevantmesyeux.

—Assieds-toi,j’appelleGabriel.

Jeluiobéisetessaiederetrouvermesesprits.

Cameronfaitlescentpasdevantmoi.

— Je l’ai retrouvée, on a un problème…Ouais, ces salopards l’avaient bloquée… Je ne sais paspourquoielleétaitdehors...Arrêtedehurler,ellen’arien,calmetoi!…Jesais…Appelletonpèrepourétoufferça.Ilssaventquielleestapparemment...Ouais…Ellereprendsesespritsetonarrive.

Ilraccrocheets’agenouilledevantmoi.

—Çava?—Jenesaispastrop.Jecrois.

Qu’est-cequis’estpassé?Commentsavent-ilsquijesuis?

—T’asdelachancequeGabsoitréactif.Quandonavuquetuneremontaispas,ilyapenséaussitôt.Quellebandedeconnards!—Jenecomprendspastroppourquoiilssesontjetéssurmoi.— Maintenant qu’ils savent qui tu es, ils ne te lâcheront pas. Mais ne t’inquiète pas Gabriel va

brouillerlespistes.—Comment?

—Avecdefaussesrumeurs,sûrement,etavecl’aidedesonpère.—Sonpère?—Iln’apastroplechoix.Sonpèreabeaucoupd’influence,plusdelamoitiédelavilleluiappartient.

Non!Plusdelamoitiédelaville?Jesavaisqu’ilavaitdel’influenceàforced’entendreparlerlesclientsduClub,maisjenemerendaispascomptequec’étaitàcepoint-là.Gabrielvadevoirluiparleràcausedemoi.Etvoilà,onajouteçaàlalistedesbourdesdeRose.

— Petite fleur, il faut y aller avant qu’il n’arrache une deuxième fois sa perfusion pour venir techercher.—Oui,tupourraismeprendreunthéquandmême?—Ouais,j’yvaisettunebougespas!

Ilinsistebeaucoupsurladeuxièmepartiedelaphrase.

Jeregardemespiedssebalancerdanslevide.

—Salut!

Jelèvelesyeuxverslemecenfacedemoi.Zut,c’estMachin!Ledemi-frère;pourquoiest-illà?Jenesaispassijedoisluiparleroupas.

—Salut.—Qu’est-cequetufouslàtouteseule?

Ilaunevoixtrèsdouce.

—J’attendsunami,ilestpartimechercherunthé.—Tut’appellesRose,c’estbiença?—Oui.

Qu’est-cequ’ilmeveut?Jenesaispaspourquoi,maisjesensquecettesituationestétrange.

—Ravidet’avoirrencontréRose.J’yvais,jecroisquetonamiarrive.

JetournelatêteversCameronquitoiseméchammentMachinduregard.Jesensquejevaismefaireengueuler!

Ilmetendmonthé.

—Qu’est-cequ’ilvoulait,lui?—Rien,justesavoirpourquoij’étaistouteseule.—OnéviteraderaconterçaàGab.Allez,viens.

C’estunetrèsbonneidée!Jemelèvepourlesuivre.

—Pourquoin’est-ilpasparti?—Jecroisqu’ilbosselàcommeinterne.

Ehbien,voilàautrechose!

JerentredanslachambreetfoncedanslesbrasdeGabrielpourytrouverrefuge.Oui,j’aibesoindesesbrasquandçanevapas.Jemedemandecommentjesurvivraissijedevaisêtreprivéedececontactsirassurantqu’ilm’estdevenuindispensable.

Pourlapremièrefoisdemavie,jemesensensécuritédanslesbrasd’unhomme…

***

Ilestvingt-deuxheures,Cameronestpartiàl’instant.Enfin...Gabrielluiaplutôtfaitcomprendrequesaprésenceétaitgênante.Jefileàlasalledebainpasserunteeshirt,jeseraiplusàl’aise.J’attrapemonpaquet de chips abandonné quelques heures auparavant et remonte près de mon Compliqué. J’auraistellementdequestionsàluiposer,maislecouragem’aquitté.Jesuisvidéeetnoussommesenfinseuls.J’inspirelonguementpourm’apaiser.

Gabrielmeregarde.

—Enfinseuls,bébé.

Ilm’aenlevélesmotsdelabouche.

—Ilétaittemps,tavieestdrôlementfatigantequandmême.

Ilmedéposeunbaiserdélicataucoindelabouche.

—Onseprendradesvacancesensembleaprèstoutça.Situleveux,biensûr.—Noustravaillonstouslesdeux,tusaisbienquec’estimpossible.—Ontrouveraunmoyen.Mêmesicen’estqu’unweek-end.Detoutefaçon,ilfautqu’onsecasseun

peud’ici!—J’aimeraisça!

J’adorerais partir juste avec lui, penser seulement à nous deux, ne plus avoir peur, juste oublierquelquesjoursnotrequotidienhouleux.

—Nemedispasquetun’asrienlàdessous.

Ildésignedudoigtmonespècedechemisedenuit.

—Jeneteledispasalors.

Unhommequisemordlalèvrecommelui,etbienfranchement,c’esthot!

Jecroisquej’aimêmeloupéunbattementdecœur…Sesregardssuggestifsetsessourirescomplicesm’amènent à comprendre que je ne pourrai pas lui résister plus longtemps. J’enfouis délibérémentmaraisonsouslelitetlabâillonne.

Mesgestespourletouchersontmaladroits.J’aitellementpeurdeluifairemal.Lessienssontfermesetprécis, ses doigts brûlants parcourent mon corps et m’enlève mon seul vêtement pour que ses yeuxpuissent se délecter de mon corps. J’aime lorsqu’il me regarde comme ça. Il prend le temps de medétaillersansaucunepudeur.

Lesdrapsvolent,suivisdesonpantalon.Noussommesentièrementnussurcelit.Lesbruitsducouloirnenousatteignentplus,iln’yaqueluietmoi.Sesmainsmesoulèventpourquejegrimpesurlui.Mêmes’il a mal, il n’en montre pas le moindre signe. Je me penche pour goûter sa peau, son parfum esttellement délicieux. Je sens son érection entre mes cuisses et je frissonne à ce contact exquis. J’aitellementenviedeluiqueçaendevientinsensé.

Jenesaispascommentm’yprendre,jen’aijamaistentécegenred’expérience,maistoutmoncorpsressentledésird’êtrecellequileferabasculer.Jeveuxavoircepouvoirsurlui.

Lepetitsouriresurseslèvresmelaissepercevoirqu’ilatrèsbiencompriscequisepassait.

Savoixrauqueetsexymerassure,sesdoigtsquicourentlelongdemondosm’apaisent.

—Jevaistemontrer,n’aiepaspeur.

Ilmepenchesurluipourembrassermapoitrine,memordiller,pendantquesonautremainpassesurmesfessesjusqu’àcequesesdoigtstrouventmonintimitépourlacaresser.Ladélicieusesensationqu’ilme procure se diffuse dans tout mon corps. Je me redresse sous cet effet dévastateur et ses doigts

s’enfoncentenmoi.J’étouffeungémissementenposantmamainsurmabouche.Il l’attrapeet laretirepourlaposersursonérectionetguidermesdoigts.

Seslèvress’entrouvrentsousmescaressessavammentguidées.Ilmelâchepourreposersespaumeschaudessurmoncorpsetjem’appliqueàreproduirelemouvement.Chaquepetitfrémissementprovoquéparmesdoigtsm’emplitencoreplusdedésir.

Ilsoulèvemeshanchespourquesonsexepuisses’immiscerenmoi.Puisilm’attireàlui,appuyantsurmesfessespourquejedescendelentementlelongdesonérection.

—Doucementbébé.

Sensationsublimedelesentirtotalementenmoi.Legémissementdeplaisirquisortdemaboucheestincontrôlé.Soudain,jemerendscomptequ’iln’apasmisdepréservatifetmonregardcherchelesien.Enuncoupdereins,j’oublielepourquoidemarecherche.

Il maintient mes hanches et me soulève pour que j’amorce un long va-et-vient. Il recommence,inlassablement.C’esttellementbonquec’enestpresqueirréel.Sonsoufflesaccadém’entraînebientropviteaubordduprécipice.Ilm’arrêtejusteavantetjeleregarde,désespéréed’avoirperducemoment.J’essaie debouger,mais sesmains sont fermes et intransigeantes, aucunmouvement n’est possible. Jel’observe et ilmedésigne avecunpetit sourire la table de chevet où trônent deux lettres ouvertes, jecomprendsimmédiatementetsespaumesmelibèrent.

—Cettefois,tuesvraimentàmoi.Jusqu’auplusprofonddetonêtre.

Je frémis.Ses yeux sont enflammés etmon corps réclame sondû.Savoir qu’il n’y a plus rienpourséparer nos corpsme fait l’effet d’une tornade. Je n’ai plus peur, j’ai le contrôle.Chaquemouvementautour de lui provoque un gémissement et je savoure la sensation dansmon ventre qui va croissante,s’emparant de la totalité de mon corps. Ses hanches rencontrent les miennes ; la perle de sueur quidescendlelongdemacambrureestplusbrûlantequelalaved’unvolcan.

Jechavireautourdelui;moncorpssecambreenarrièresousleplaisirquim’envahitàgrandevitesse.Underniercoupdereinsetilserépandenmoi,prononçantmonprénomdansunultimeeffortavantdelâcherprise.

Jemelaissetomberdélicatementsurlui,moncorpssursautantsoussescaresses.

—Tumerendsdinguebébé,tulesaisça?

Jelerendsdingue,putain!Moi,Rose,jerendsdinguelemecleplussexyquelaplanèteaitporté!

—Jeveuxl’entendre,encore.

Ilmeserredanssesbras.

—Tumerendscomplètementdinguebébé.

Jelibèremaraisonpourqu’ellemereprochemonimprudenceetmonirresponsabilité.Finalement,jela remets sous le lit et lui remet son bâillon. Je pourrais bien l’oublier ici quandGabriel sortira del’hôpital.

Cettenuit-làj’airéitérémanouvelleexpériencedeuxfoisdeplus,pourêtresûredebienmaîtriserlesujet. Et je dois bien avouer que vu l’effet sur mon Compliqué, je pense avoir passé l’examen avecsuccès.

6.Machin

«Unedispute,c’estcommelestempêtes:c’esttemporairemaisçafaitdesdégâts.»InconnuC’esttrèsdurcematin,lesinfirmièrespourlessoinsnousontréveilléstôtetvulanuitagitéequenous

avonspassée,j’erredanslecouloircommeunzombienattendantquecesoitterminé.Gabrielainsistépourquejereste,maisfranchement,voirtoutescesmainsletripoternemetentepas.

Je travaille ce soir.Çava être assezdifficile : lesnuits sont trop courtes cesderniers temps.Cettepropositiondepartirquelquesjoursavecluimeparaîtêtrevraimentunebonneidée.Jerêvasse,appuyéecontrelemur.

—BonjourRose.

Oh!RevoilàMachin.Effectivement,iltravailleici:ilportel’uniformedel’hôpital.

—Euh…Bonjour.—Pastrèsenforme,ilsemblerait.—Non,pasvraiment.—Depuiscombiendetempses-tuavecmon…enfin,avecGabriel?

Pour être franche, je n’en sais rien du tout.Une éternité sûrement, vu le nombre de souvenirs et deconneriesquej’aipuaccumuleraveclui.

—Quelquessemaines.

Ilécarquillelesyeuxàmaréponse,maissereprendaussitôt.Pourquoiont-ilstousl’airsurpris?

—Etçasepassecomment?

Ilestjournalisteouquoi?Enquoiçal’intéresse?

—Trèsbien.

Ilmesourit.

—J’ensuisravi.

Ahbon?Cettesituationestplusqu’étrange.Autantj’aiaccrochéassezviteavecJosh,autantlà,j’aibeaucoupdemal.

—Tuvoudraisvenirboireuncaféavecmoi?

Oh,ça,Gabrielneseraitsûrementpascontent!

—C’estgentilmerci,maisjedoisyaller.Gabrielvas’inquiéter.—Jecomprends.Situpeuxéviterdeluiraconterquel’ons’estvu.Jenepensepasqueçaluiplaise.

Totalementd’accord!

—J’yréfléchirai.

Jetournelestalonsetreparsaussivitequepossibleverslachambredésertéeparlesinfirmières.

J’hésite vraiment à lui parler de ma rencontre. Je n’arrive pas à me lancer dans une conversationsérieuse,carj’aipeurqu’ilnes’énerveetparte.Oupire,qu’ilserefassemal.Gabriel,pourquoies-tusidifficileàaborder?

J’auraistellementbesoindeteparlerdetoutça,demesdoutes,demespeurs…

Tais-toi.Ildoitrestercalme.Onverraçaquandiliramieux.

—Bébé,tun’auraispasprismonrasoirélectriqueparhasard?

Ilpassesamainsursabarbeenmeregardant.

—Si,ilestdanstatroussedetoilette.Jeteleramène.

Jesuistrèsfièredemoisurcecoup!Montéléphonevibre,jelesorsdemapoche.

Gabriel:[MerciMademoiselleParfaite!]

J’adorequandilfaitça!Oh,encoreunautre.

Gabriel:[PS:Ramènetonjolipetitcul,ilmemanquedéjà.]

Etvoilà, jesuisdéjàrougedès lematin.J’attrapelerasoiretretournem’allongerprèsdelui. Ilmecongratuleduplusbeaudessouriresquandjeluitendsl’appareil.Lebruitdurasoirmeberceetjefermelesyeux.

Quand jeme réveille,Gabriel dort à côtédemoi. Je sorsmon téléphonedemapoche, il est treizeheurestrente.J’aifaim.Sonplateauestsurlatablette,iladûmanger.Jenemesuisrenducomptederien.Jemelèveetattrapemonsacàmain.Jevaisdescendrechercherquelquechose.Jeprendssoindenepasleréveiller,ildortsipaisiblement.

***

Jeremonte,accrochéeàmonplateau.Cettefois,jesuisprudenteetregardeoùjemetslespieds;jemesuisassezmislahontecommeça.

Ilestdéjàréveilléetn’apasl’airtrèscontent.Jeposemonplateausurlatablette.

—Rose,j’aimeraisquetumepréviennesquandtuparscommeça!

Çava,jesuisgrandequandmême!

—Gabriel,calme-toi.J’étaisjustepartiechercheràmangerettudormaissibienquejen’aipasvouluteréveiller.—Tumeréveillesetpuisc’esttout.Tuasvucequ’ils’estpasséhier!—Jeneremettraipluslespiedsdehorstouteseule,rassure-toi.

Lespiranhas,unefois,çam’aamplementsuffi!

—Jenesuisjamaisrassuréquandtun’espasavecmoi.—Jeterappellequejem’ensuissortiependantvingt-cinqanssanstoi!

Ilhausseletonetcommenceàm’énerver;ilveuttoutcontrôler!

—Parlons-en!Tonenfoiréd’ex,tuappellesçat’ensortir?

Oh,lecoupbas!

—Toiaumoins,tuconnaismavie!Ett’enservircontremoi,c’estminable!—Jenem’enserspascontretoi,j’établisdesfaits.

Ilm’acoupél’appétit.Jerepousseleplateau.Illeremetdevantmoi.

—Mange,Rose.

Jemelèveenlerepoussantunenouvellefois.

—Arrêteça,Gabriel!

Jetournedanslachambre.Ilregardeparlafenêtrelevisagefermé.Ilnecroitquandmêmepasquejevaistoutluipassersousprétextequ’ilestsurunlitd’hôpital.Tantpis,j’enaimarrequ’ilnemeparlejamaisdelui,notrecouplenevaquedansunsens!

—Ettoitucomptaismeparlerquanddetondemi-frère?

Ilneprendpaslapeinedemeregarder,savoixesttranchanteetraisonnejusquedanslecouloir.

—Jen’aipasdedemi-frère!

Etvoilàj’essaied’avancerd’unpasetilreculededeux.

—Biensûrquesituenasun!

Iltourneversmoiunregardquimeglacelesang.Ilestsifroidetagressif.

—Çaneteregardepas!Mêle-toidetesaffaires!

Jerecule,choquéeparlabrutalitédanssavoixetsespropos.J’aileslarmesauxyeux.Commentpeut-ilêtresiméchantsubitementalorsquetoutallaitsibien?

J’attrapemonsacetlacolèredanssesyeuxdevientd’unseulcoupdel’inquiétude.

—Rose,qu’est-cequetufais?

Ilfautquejesorte.Mavoixesttremblante.

—J’aibesoindem’aérerlatête.—Non,nepartpasbébé!

Ilrepoussedéjàlesdrapspourselever.

—Restecouché,jevaisjustem’aérer.

Ils’estquandmêmelevé!

—TureviendrasRose?

Pourquoipense-t-ilaussitôtquejenereviendraipas?Ilyatantdepeurdanssesyeuxquejecontournelelitpourleprendredansmesbras.Jen’auraispasdû,jesais,maisj’aiencorecédé;j’aimalàchaquefoisquejelevoisdanscetétat.

Ilme serre tellement fortquec’enestdouloureux.Qu’est-cequ’il adoncpuvivrepour refuser sonpasséenbloc?Jeleraccompagnejusqu’aulit.

—Turestestranquille.Jereviens,j’aijustebesoinderéfléchir.

Il acquiesce à contrecœur. Je le remarque immédiatement,mais j’ai besoind’unmoment seule avecmoi-même.

Jedécided’alleracheterunthéàlacafétéria,jeneprendraipaslerisquedesortir.

Jem’installedanslecoinleplusreculé.

Dixminutesplustard,unplateauavecuncafés’installeenfacedemoi.Jelèvelesyeux.Ohnon,paslui!

—Jepeux?

J’acquiesce.Jemedemandebienpourquoiilmesuitcommeçacelui-là?Machins’assiedenfacedemoi.J’avalequelquesgorgées;j’auraispréféréêtreseule,maisapparemment,cen’estpaspossible.

—Çanevapas?

Maisqu’est-cequeçapeutbienluifaire?

—Jevaistrèsbien.—Ehbien,onnediraitpas.

Ilm’exaspère!Maissijeveuxdesréponsesetilestpeut-êtreleseulàpouvoirmelesdonner.

—VousnevousparlezpasavecGabriel,n’est-cepas?

Cemecesttoutl’opposédesonfrère.Ilestcalmeetesquissemêmeunpetitsourireàmaquestion.

—Non,pasvraiment.Ilatoujoursagicommesijen’existaispas.

Jenesuispasétonnée.

—Vousnevousêtesjamaisparlé?—Si,enfinsionpeutappelerçaparler.

Ilmedésignelacicatricesoussonœil.Jegrimaceàlascènequej’imaginedansmatête.

—EtJosh,ilenpensequoidetoutça?—Onaplusd’affinitésavecJosh.Ilm’aplutôtbienaccepté,maisildéfendratoujoursGabriel,malgré

cequ’ilasubitparsafaute.

Qu’est-cequ’illuiafait?

—Dis-m’enplus.—Gabrielétaitunpetitgarçondétestable.Ilatoujoursétéexécrabled’aussiloinquejemesouvienne

etJoshenpâtissaitsouvent.Ilarattrapépasmaldesesbêtises.Tusais,Gabrielnes’intéressequ’àsapetitepersonne.

Mensonge!

—Gabrieln’estpascommeça!

Ilsemetàrireetçam’énervequandjem’aperçoisqu’ilaexactementlemêmesourirequelui.Jelestrouvaisvraimentdifférents,maiseny regardantdeplusprès, ilsont lamêmefaçondese tenir.C’estvraimentunbelhomme,onnepeutlenier.

—Onnechangepascommeçaetvucommentils’estencorecomportéhier,jedoutequ’ilyaiteuunmiracle.

Ahoui,j’avaisomiscettehistoire.S’ilpouvaitvoircommeilpeutêtregentiletattentionnéavecmoi,ilchangeraitsûrementd’avis.

—Tusais,iln’estpascommeçaavecmoi.Ilestadorableettrèsattentif.

Ilmejugeduregarduninstant.

—Alorspourquoitueslàavectonairtriste?

Jenesaisplusquoirépondre,ilvientdemelancermapropreréalitéàlafigure...

JemesurprendsàagircommemonCompliqué,àchercherdesyeuxlasortiedelacafétéria.

Reprends-toietréponds-luiRose!

—Çan’arienàvoiraveclui.

Jevoisbienqu’iln’apasl’airconvaincuparmaréponse.

Jemelève,biendécidéeàcoupercourtàlaconversation.

—Jedoispartir,Gabrielvas’inquiéter.

Ilselèveetmebarrelaroute.

—Jesuistrèscontentd’avoirpuparleravectoi.Tuesquelqu’undebienRose,prendsgardeàtoi.

Pourquoimegonflent-ilstousavecça?Ilnem’arriverarienavecGabriel!Ilneleconnaîtpas,moioui!Enfin,jen’ensuisplustrèssûre…

—Peut-êtreàundecesjours.—Tum’enverraisravi.

Je ne cherche pas à prolonger cette conversation et repars directement par où je suis arrivée. J’ail’impressionqu’àchaquefoisquejesorsdecettechambre,ilm’arrivequelquechose.

Je n’ai pas envie d’y retourner ; je crois qu’il m’a vraiment blessée cette fois. Je suis triste et jen’arrivepasàeffacercetteimagedeGabriel,sifroidavecmoi.Oùpeutmeconduirecettehistoire?

J’entredanslachambresansleregarderetm’enfermedanslasalledebain.Jemelaisseglisserlelongdumurpouratterrirparterre,leslarmess’échappentsurmesjouessansquejelesyaiautorisées.

Onfrappedoucementàlaportedelasalledebain.

—Bébé,ouvre-mois’ilteplaît.

Savoixestdouce.Maispourquoiest-ilencoredebout?

—J’aibesoind’êtreseule,laisse-moi.

Qu’est-cequ’il fabriqueavec laporte? Je lavois s’ouvrir, jen’ycroispas, il l’acrochetée ! Il setraîneprèsdemoiavecunegrimacededouleur.

—Gabriel,retournet’allonger.

Ilessuiemeslarmesduboutdesdoigts.

—Rose,jenesaispasquoidirepourjustifiermoncomportement.—Iln’yarienàjustifier.—Tuasraison,jen’aiaucuneexcusevalableàtedonner.Est-cequetuveuxpartir?

Est-cequejeveuxpartir?Sesmotsrésonnentenmoiavecviolence.Ilyaquelquesminutesj’enavaisenvie,maislelaisser,jen’ensuisplusvraimentcertaine.Quesous-entendcettequestion?

Toutàcoup,j’aipeuretmoncœurseserredansmapoitrine.

—Commentçapartir?—Jepeuxt’appeleruntaxipourteramenercheztoi.

Jenesaisplustrèsbienoùj’ensuis.Sijepars,estcequeçasignifieraitquelquechose?

—Est-cequetoi,tusouhaitesquejeparte?

Ilpassesonbrasautourdemesépaulesetjemeblottiscontrelui.

—Ceseraitpeut-êtrepréférable.Pourquoimonenviedesolitudes’est-elleévanouieetestremplacéeparlemanquedelui,alorsqu’il

estjusteàcôtédemoi?Jelesenssiloind’uncoup,quemoncœurs’affole.

Jeme redresseen le regardantpouressayerdedécelerquelquechosedanssesyeux.Ses traits sonttendusetsesyeuxmefuient.

Putain,merde.Ilmequittelàouquoi?Horsdequestionqu’unecriseàdeuxballesfoutetoutenl’air!

Jesuisaussifollequeluidelepoussercommeçaversseslimites,alorsquejeconnaissesréactions!

Jesuisaussicoupablequelui.

Dansmatêterepassentlesimagesdenotrenuitensemble,desapatienceavecmoi,desesriresfaceàmonaccumulationdebêtises.Jetortillemonpetitpendentif.Jerepenseàcettefoisoùils’estdéguiséenJoshpourmefaireunesurprise,àlaséancephoto,àlaplage,aulitquinousattendsurletoit…

—Rose.

Jeclignedesyeux.

—Horsdequestion.Jenevaisnullepart!

Ilmeregarde,surprisparmaréponse.

Jemejetteàsoncou;jeveuxqu’ilm’embrasseettoutdesuite,avantqu’iln’aitletempsderéfléchir.

Mabouche trouve la sienne et je lui donneunbaiser aussi passionnéque désespéré qu’il accueilleavecautantdeferveur.Jemeretrouveàcalifourchonsurlui.Jemecramponneàsescheveux.

Horsdequestionqu’ilmelaisse!

Mabouchenequittepaslasienne.Ilmepoussedoucement.

Non,jeneveuxpas.Jemeresserrecontrelui.

—Attendbébé,jecroisqu’ilyaunproblème.

Ilmetsamainpleinedesangdevantmesyeux.Jemerelèverapidementetregardel’auréolesursontee-shirt.Lapaniquemeprend.Jel’aideàseredresseretl’accompagnesurlelit.

—Jevaischercherquelqu’un.

Ilacquiesce.

Sij’appuiesurleboutond’appelellesvontmettreuneplombeàarriver;jecoursdanslecouloiretparchancej’entendslavoixdudocteurDévrauxdanslasallederepos.

—Docteur!

Monvisagedoittraduiremonaffolement,carelleselèveaussitôt.

—Quesepasse-t-il,Rose?—Ilsaigne,venezvite!—Allez-y,j’arrivetoutdesuite.

Jeretourneàtoutesjambesdanslachambre.Gabrielestlivide,ilnevapasbiendutout.Ledocteurarrivequelquesminutesplustard,suivieparaumoinscinqpersonnes.

—SortezRose,s’ilvousplaît.

Jeneveuxpassortir,maisjeneseraipastrèsutileetilsontbesoindeplace,alorsilestpréférablequej’attendedanslecouloir.

Le temps est interminable. Je me sens tellement coupable. Je m’étais promis d’attendre qu’il aillemieuxavantd’aborderlesujet,maisjen’aiécoutéquemoncaractèred’entêtéeetvoilàlerésultat!

Jerongelevernissurmesongles.

Montéléphonesonne,c’estLucas.

—Oui.—Mabelle,commenttuvas?

Pasbiendutout,jesuisvraimentladernièredesidiotes!

—Nickel.—EtGabriel?EtbienGabrielvatrèsmalàcausedemoi.

—Çava.—Tuasunevoixétrange,tuessûrequetutesensbien?

Non,j’aiencoreenviedepleurer.

—Oui,trèsbien,jesuisjustefatiguée.

—Jevoulaissavoirsijepassetecherchercheztoiouàl’hôpitalpourleboulot?

C’estvraiquejedoistravailler,jen’enaivraimentpasenvie,maispaslechoix.

—Àl’hôpital,siçanetedérangepas.Autrement,jepeuxprendreuntaxi,tusais.—Tuplaisantes!Jet’envoieunmessagequandj’yserai.—Tupourraism’attendrederrière,s’ilteplaît?Jet’expliquerai.—Ouipasdeproblème,àtouteàl’heuremabelle.—Àtoutàl’heure.

Ilestpresqueseizeheures,c’estdrôlementlong!Qu’est-cequileurprendautantdetemps?

Ledocteursortenfin.

—Pasd’inquiétude,sessuturesontsimplementsauté,ilvabien.Jesaisquecen’estpasévident,maisilvafalloirqu’ilsetiennetranquilles’ilveutsortir.—Jeferaidemonmieux.—Vouspouvezlerejoindre.—Mercidocteur.

J’entreetgrimpedirectementm’allonger.Ilal’airépuisé,c’estraredelevoirdanscetétat.

Jeviensdeprendreconsciencequejesuisvraimentterroriséeparl’idéequ’ilmequitte.Jenepensaispasquecepouvaitêtreunsentimentsiviolent.

Jeleregardes’endormir,contemplesesyeuxlutteretsescilsseposerdélicatementsursesjoues.Ilestpâle,maisilirradiedebeauté,sestraitssesontdétendus.J’observelepetitrebonditdesalèvredubassurlaquellejecraquetant.J’adorelemordreàcetendroit.

Laroncedanssoncouressortencoreplusqued’habitude.Jemedemandebiencequepeutsignifiercetatouage…

Gabriel,jeveuxtoutconnaîtredetoi,lemeilleur,commelepire...

***

Montéléphonevibre.J’aipassélafindemonaprès-midiàm’extasiersurGabrielquidorttoujours.Jemelève.

Lucas:[Jeserailàdansdixminutes.]

JeneveuxpasréveillerGabriel,maissijeparscommeça,ilvaencorem’envouloir.Jefonceenfilermonhautpourleboulotetjerangemesaffairesdansmonsac.

Jeluiécrisunmot.Jenemesauvepas,jeparsseulementtravailler.J’attrapeunefeuilledepapiersurleblocnoteprèsdeluietlestylo.

MonCompliqué,Netefâchepassijenet’aipasréveillé.Jenepeuxpasm’yrésigner.Jeparstravailler.Jenesaispastropsi j’ail’autorisationderevenircettenuit,alorsjerentrerai

chezmoi.Ilmefautdetoutefaçondesvêtementsderechange.Jeneveuxplusjamaisavoiràmedisputeravectoi.PS:Mercipourmonnouveaufondd’écran.

Jedessineunpetitcœursurle«i»de«toi»etj’ensuistrèsfière.C’estridicule,maistantpis…

J’attrapemessacsetjemeprécipitedanslecouloir:j’aiprispasmaldetempspourécriremonpetitmot.Jefonceversleparkingarrière.Lucasestdéjàarrivé.

—Salutmabelle!

Commeàsonhabitude,ilesttoutsourire.C’estagréablequeleschosesn’aientpaschangéentrenous.

—Mercid’êtrevenujusqu’ici.—Tusais,iln’yapasqueluiquis’inquiètepourtoi.

Ah,j’aiparlétropvite!

—Lucas!

Ildémarre.

—Faiscommesijen’avaisriendit.

Maisbiensûr!Commesic’étaitévident.

Avantdedescendre,Lucastientabsolumentàmemontrerl’évolutiondesontatouage.Ilyestretournécetteaprès-midi.Etlevoilàentraindesedéshabilleretd’enleversonpansementdanslavoiture.C’estplutôtgênant,maisjevaisprendresurmoi.

Letatouageparcourtlehautdesondos;c’estpasmaldutout.J’aileréflexedetoucherlesénormestraitsnoirsetLucastressaillesousmesdoigts.Jeretireimmédiatementmamain.

BravoRose!

Je descends, encore plus gênée qu’auparavant. Je dois arborer de jolies couleurs surmes joues. Jefonceàl’intérieurpourqu’ilnes’enaperçoivepas.Jeposemessacsdansmoncasier.Lucas,quantàlui,m’attenddéjàaubar.

Iln’yapasgrandmondeencedébutdesoiréeetnousnousamusonsànouslancerdesglaçonsaveclebar d’en face. Étonnamment, la tension avec Roxanne a disparu et dans un sens, c’est beaucoup plusagréable.Lian’estpaslà,c’estunautregarsquilaremplace.Jenel’aiencorejamaisvuavant,maisilal’airplutôtgentil.

C’estdelafolie,onglisseàcausedesglaçonsfondusausol,maisrireactuellement,cen’estpasderefus!Lepeudeclientsprésentparticipeaucomptagedespoints.

Cen’estpastrèséquilibré,carilssonttrois,maisonsedéfendpasmal.Lenouveauesttrèsadroitetilmetouchepresqueàchaquefois.Jeglisseenessayantd’évitersesassautsetmeretrouvesurlesfesses.JememarretellementqueLucasestobligédem’aideràmerelever.

Lesclientscommencentàaffluer,alorsnousarrêtonsnotrepetitjeusurunedéfaitecuisantepourLucaset moi. Je passe un coup de raclette pour éviter d’autres pirouettes. Je ne vais pas prendre d’autresrisques,jesuisbientropmaladroite.

Montéléphonevibredansmapoche.Jeprofited’uneaccalmiepourregarder.

Gabriel:[Bébé,ceseraitégoïstedemapartdevouloirquetureviennes,maiscommej’ensuisun,jeteledemande:Viens,s’ilteplaît!Promis,jeseraisageettelaisseraitereposer.S’il n’y a plus de disputes, il n’y a plus de réconciliations non plus. À méditer. Ce petit cœur

m’interpelleagréablement.PS:Tuasosé?]

Tuparlesqu’ilserasage!Jesuistrèstentéeparsaproposition,maisilfautabsolumentquejedorme,jesuisépuisée.J’aiaussibesoindevêtementsetfranchement,jen’enpeuxplusdecethôpital!

Moi:[Jeviendraidemain,jesuisvraimentfatiguée,nem’enveuxpas…Ilfaudraittrouverlemoyendeseréconciliersansdisputes.Àprévoir.PS:J’aiosé…]

Jejetteunpetitcoupd’œilàGabrielendormisurl’écrandemontéléphone.J’adorecettephotovoléeàsoninsu.Jeleglissedansmapocheetretournetravailler.Jen’aipasletempsdevérifierànouveaumesmessages,lasoiréeestpasséetropvite.

Lucasmedéposeenbasdechezmoietjefoncedansl’escalier.J’aihâtederentreretdeprendreunedouchepourenlevercetteodeurd’hôpitalquia imprégnémapeauetmescheveux.J’ouvrelaporteensilence,Audedortsûrement.J’enlèvemesballerinesetlislemessagedeGabrielquiadûarriverilyadéjàunsacréboutdetemps.

Gabriel:[Repose-toi.Ilsm’ontdonnéuncalmant,ilparaîtraitquejesuisinsupportable.PS:Unchâtimentestuntraitementviolentquiestinfligéenréponseàuneattitudeconsidéréecomme

répréhensible,immoraleoudéplacée.Ilconsisteàimposerquelquechosededésagréableàunepersonne,danslebutdelarappeleràl’ordreetdeladissuaderdeconservercetyped’attitude…]

Quoi?Jenesaispastrèsbiencommentprendreça…Jeresteperplexe.Gabriel:[Jeplaisantemapetitevoleuse...]

J’aieupeurl’espaced’uninstant,maisjesupposequec’étaitlebut.Quelidiotcelui-là!Jememetsàriretouteseule.Jevaismelaveretmecoucher,çanesertàrienquejerépondeàcetteheure.

Je pousse la porte de la chambre et me retrouve avec deux corps nus devant moi. Je reste figéel’espaced’uninstant.J’entendslescrisdeAudeetreferme,restantcomplètementinterdite.

Jemetsuncertaintempsàréaliserquejeviensdevoir:mameilleureamie,nue,enpleineactionavecCameron.Jen’aipaseuvraimentletempsdeledistinguer,maisvulestatouages,jen’aipasbeaucoupdedoutes.

Ohlaboulette!

Audedébouleavecledrapautourd’elle.Sesjouessontrougesetellen’osepascroisermonregard.

—Rose,maispourquoitueslà?—J’habiteici,jeterappelle!—Euh...Ouais,maisjepensaisqueturesteraisàl’hôpital.Enfin,tuvois...

Benvoyons! Ilssontdégueueux, jedors làquandmême! Il faudraitpeut-êtrequ’ellesesouviennequ’onpartagecettechambre!

—Vousnepouviezpasallerchezlui?Sérieux,dansnotrelit?—Jecomptaischangerlesdraps.

—Encoreheureux!

Jesuispartagéeentrelacolèrequ’ilsaientosés’envoyerenl’airdansNOTRElitetlajoiequ’ilsepassequelquechoseentreeux.

—Rose,ças’estfaitcommeça,jenepouvaispasprévoir.

Oui.Ça,jeconnaisplutôtbien.Allez,uneffortRose.

—Ouais,bon,jedorssurlecanapé.

Cameronpasselatêteparl’embrasuredelaporte.

—Salutpetitefleur!

Jeluiadresseuncoucoutoutegênée.

—Allez,dégagez.Jesuisnaze.Etpastropdebruits’ilvousplaît!

Cameronadisparuaussitôt.Audemedéposeunbaisersurlajoue.

—Jeteramèneunecouverture.—Ouais.

Pourladouche,c’estrâpé.Jesoupireetenlèvemonpantalonenvérifiant troisfoisqueCameronnerepassepassatêtedansl’entrebâillementdelaporte.JemeprendslacouvertureenpleinefaceetAudes’enfuitencourantdanslachambre.

Jem’allongeet,dans lefond, jesuisheureusepourelle.Parcontre, j’espèrequ’ilsnecomptentpass’envoyerenl’airtoutelanuit!

Sij’avaissu,j’auraisrejointGabriel.

Bon,Rose,dors!Tuenasbesoin!

7.Trèsjolierobe

«Votrecœurestmort,votreâmeerredanslesténèbres.Ledémonquivousaccompagnealesourire,parcequevousêtesentrédanslejeuqu’ilaréglé.»PauloCoelho

J’aitrèsmaldormi.J’aimalaudosetjesuisdemauvaisehumeur.Jeboismonthéetmedemandebienàquelleheureilsvontselever,carj’aidésespérémentenviedeprendreunedouche.

Ilestdéjàmidiet jedois rejoindreGabriel ; lemanquede luiestbien tropprésent. Jecomptemespourboirespourvérifiersij’aiassezpouruntaxiafindemerendrechezluipourmepréparer.Çadevraitsuffire.

Jecompose lenumérode lacartedevisitede lapipelette.Jenesuispasenchantée,maisaumoins,celui-là,jeleconnais.Ilseralàdansquinzeminutes.

Jem’attachelescheveuxetenfilemonpantalondelaveille.Latêtequejedoisavoir!Jeterminemonthéetlaisseunpetitmotàl’attentiondemacoloc.

EtmerevoilàencoreunefoissurlesiègearrièredutaxideDaryl.Ilesttrèscontentdemerevoiretcommencedéjààjacasser.Siçacontinue,j’ensauraiplussurluiquesurGabriel!

Etnousvoilàrepartispour l’impassedes jardinssecrets.Non,mais ilachoisi lenomdesarue,cen’estpaspossibleautrement…

Je sorsmon trousseauet jouemachinalement avec lepetitporte-clefsqui est censé ressembler àunpanda.Ilsl’ontunpeufoiré,maisc’estlecadeauquej’aieuaveclatonnedemaquillagequejemesuisachetée.Ilsauraientpufaireuneffort,vulemontantexorbitantquejeleurailaissé!

Daryl sera bientôt tonton de sa sœur hypocondriaque et il prévoit de partir en vacances avec sanouvellevoisineavecquiilaeuunrencarthiersoir.Jeluiconseillequandmêmed’attendreunpeu;ellerisquedefuirsinon.Jenesuispasspécialisteenrelationsdecouples,maisj’aiquandmêmeunminimumdelogique.

Finalement, jecommenceàm’habitueràsespetiteshistoires.Jepaiemacourseet luiprometsdelerappeleraubesoin.

J’ouvre la porte. Comme lorsque je suis venue hier, l’appartement me paraît déroutant. Il manque

quelquechose,leplusimportant:saprésence.Sanslui,toutparaîtbeaucoupplusfroid.

Jemonteaupremieretmerendsdansledressing.Finalement,jen’aipastroplechoix:ceseraunerobe.Maislaquelle?J’opteauboutd’unlongmomentpourunenoiretoutesimple,ceserapluspratiquepourl’hôpital.J’ouvreletiroirdesous-vêtementsetlemêmeproblèmes’imposeàmoi.

Mais ilenaachetécombien?Jedéballe tout. Ilyaunmagasinmaparole ! Jenesaispasalors jefermelesyeuxpourchoisir.Hop!Noir?C’esttrèsbien.Jevérifie:c’estlabonnetaille.Ilalecoupd’œil,c’estindéniable.

Enypensant,iladéjàeutellementdeconquêtesqu’ildoitêtrehabituéàcegenredechoses.Jechasselavilaineidéequivientdemetraverserl’espritetfoncedanslasalledebain.

Une douche, une tenue et unmaquillage plus tard, me voilà prête. Je retourne dans la chambre enrêvassantàmessouvenirsici.Jelerevoisencoreàgenoux,surlelitprenantmontatouageenphoto.

Cemomentestundemespréférés!

Mesyeuxsontattirésparunpapier.Qu’est-cequec’est?LenouveaucontratdeGabrielestrestésursonbureau.Jeregardeoupas?Non,cen’estpasbien.Tuestropcurieuse,Rose.

Jereparsdansl’escaliertranquillement.

Oh,puiszut!

Jefaisdemi-touretattrapelecontratenm’allongeantsurlelit.

Lavache!

Ilestpayéautantpoursouriredevantunappareilphoto?Jesuiscertainequejenegagneraipasunetellesommeenuneannée,mêmeendixansd’ailleurs!

Jelisattentivement.Jenecomprendspastout,jen’aipasl’habitudedecegenredepapiers.Quoi?Cen’est pas pour un contrat photo, mais pour une publicité ! Il comptait me l’annoncer quand ? Il seral’égériedelamarqueetdesonnouveauparfum!Oh,merdealors!Maisjeneveuxpas!Quoiquemaraisonn’estpastoutàfaitd’accordavecmoi,maisçasevoitqu’ellen’estpasjalouse!

MonmagnifiqueGabrielsurtouslesécransdetélévision…C’estdifficileàimagineretàencaisser.

Je devrais être ravie pour lui,mais je n’y arrive pas.Mabataille intérieure commence :ma raisonaffrontemeshormonesdansunduelàl’épée.

Commentréagir?Jenesuispascenséeêtreaucourant,maisjeneréussiraijamaisàmetaire.

Oh,là,c’estlefoutoirenmoi!

Etenplus,c’estprévupourlasemaineprochaine!Jemelèveetreposelecontratlàoùjel’aitrouvé.Jesursautelorsquemontéléphonesonne.

Forcément,c’estlui,commes’ilavaitdevinéquejemecomportaismal!

—Bébé,jepensaisquetuviendrais.Tumemanques.

Jesourisauxanges.

—C’estprévu,j’aijusteeuquelquespetitscontretemps.

Tumemanquesaussi.

—Qu’est-cequisepasse?—J’aiétéobligéedemelaveretmechangercheztoi.Monlitestmomentanémentindisponible,donc

l’accèsàlasalledebainégalement.—Momentanémentindisponible?C’estquoicettehis-toire?—Disonsqu’AudeetCameronsesontrapprochésrapidement.—Ouais,ilsbaisentensemblequoi!

Toutdanslafinesse...

Gabriel:4–Tact:encoreettoujours0.

—C’estça.—Danstonlit?—Accessoirement,c’estaussiceluid’Aude.

Ilsemarreautéléphone,lanouvelleneleperturbepasplusqueça.

—Ettuesarrivéecommentjusqu’àchezmoi?—Entaxi.—Etpourquoitunem’aspasappelé?

Çayest,c’estl’interrogatoire!Sijeprécisequejen’yaipaspensé,çavaforcémentmalsefinir.

—J’étaisunpeuperturbée.Jesuistombéesureuxpendantl’acte.—Non?—Si.

Ilrisquedemecreverletympanavecsesrires.J’attendsunlongmomentqu’ilsecalme.

—Bébé,tunousaurastoutfait!

Etilrecommenceàrire!

Mabatailleintérieure,quantàelle,s’intensifiepoursavoirquiréussiraàprendreledessus,tandisquej’attendscommeuneidiotequemonCompliquéarrêtedesemoquerdemoi.

—Gabriel,youhou!Jesuislà,jeterappelle!—Excuse-moibébé,jet’envoiequelqu’un?

Jen’aiplusd’argentetpasdutoutlecouragedem’yrendreàpiedcommejel’avaisprévu,alorspastroplechoix.

—S’ilteplaît.—OK,soisenbasdansunedemi-heure.Àtoutebébé.—Àtoutdesuite.

Jerassemblemesaffairesetprendsdessous-vêtementsderechangeaucasoù.Commejenetravaillepascesoir,jecompteresteravecluisic’estpossible.Jedescendsattendresurletrottoirpourprofiterdubeautemps.J’aibesoindem’aérerpuisqu’onvaencoreresterenfermésdanslachambre.

Jemedirigeverslejardinjusteàcôté.D’icijeverrailetaxiarriver.Jem’assiedssurunbanc;ilfaitmerveilleusementbonettoutestfleuriencettesaison.Ah,unmessage.

Alexis:[Jolierobe,tun’enmettaisjamaispourmoi.]

Moncœurarrêtedebattre;monsangsefigedansmesveines.Alexis…

Cen’estpaspossible,c’estuneblague!

Jemelèveetcherchepartout.Jenevoisrien.JemedépêchederetournerchezGabriel.

Jetremble,jesuismortedetrouille.Jecherchelesclefsquej’airangéesdansmonsac.

Jestoppenet;ilestjustedevant.Jereculepouressayerdem’enfuir,maisilm’attrapeparlebras.

—Alors,monavertissementnet’apassuffi?Àcequejevois,tutraînesencoreici!

Ilmesecoue.Jecherchemonsacdelamain.J’aidumalàcoordonnermesmouvements.Toutdevientflou.

—Petitepute!Tun’écoutesdoncrien!Laprochainefois, jenele laisseraipasserelever.Je te lepromets!

Jelefixe.J’aibienentendu?Je…Il…C’étaitlui!Noncen’estpaspossible.Mavoixs’étrangle.Jenemerendsmêmepascomptequejeluiréponds,presquemachinalement.

—Cen’étaitpastoi,tumens!—Tunecroisquandmêmepasquejesuisassezstupidepourexécuterlesaleboulotdemespropres

mains?

Sonriresadiquemetransperce.Unriredémoniaquequimedétruitlecœur.MonGabriel…

Unemontéed’adrénalinemeramèneà laréalité.Ilmelâched’uncoup.J’attrapele taseret le tendsverslui,lemenaçant.

—Laisse-moitranquille!—Nepaniquepas.Jenesuispaslàpourça.Dumoins,pasaujourd’hui…

Est-cequemoncœurs’estarrêté?Jenesaispas,jenesaisplus…J’aipeurdecomprendrecequ’ilsous-entend…Ilobservemesréactions.Jecroisquemamaintremble.

Jen’arrivepasàquitterdesyeuxceregardsadique.

Ilenseraitvraimentcapable?

—Quitte-le!C’esttadernièrechance!

Ilmesalued’ungestedelamainets’éloigne,commesiderienétait.

Non,non,non!Réveille-toiRose!

C’estforcémentunmauvaisrêve.Oui,c’estça,c’estforcémentuncauchemar!Cenepeutpasêtrelui!

Toutmonbonheurs’écrouledevantmesyeuxcommeunchâteaudecartes.Jen’arrivepasàycroire,ouplutôt,jen’aipasenvied’ycroire.

Jeramasselesmiettesdecequirestedemoncœurexploséparterre.

Jeredescendslentement.LaCadillacnoires’arrêteàmonniveau,maisjeneréagispas.

—Bonsoir,mademoiselleAmlynn.

Douglascontournelavoitureetm’ouvrelaporteavecunlargesourire.Jemeglisseàl’intérieuresansunmot.Gabriell’afait.Ils’estarrangépourreprendreDouglas.Jedevraisêtrecontente,maisjenesuispassûredevraimentréaliser;jen’aipluslemoindresentiment,toutestcommebloquéenmoi.Jenesuisplusqu’unecoquillevide,uneenveloppeguidéeparsaraison.

Lecheminestlong,trèslong.JecroisqueDouglasmeparle.Dumoins,jepensevoirseslèvresbougerdanslerétroviseur.J’aifroid.Est-cequemoncœurbatànouveau?

En tout cas, ma raison m’intime un ordre, une dernière action à réaliser avant de définitivementsombrer.

8.Quatremots

«Ilestdifficilededireadieulorsqu’onveutrester,compliquéderirelorsqu’onveutpleurer,maisle

plusterribleestdedevoiroublierlorsqu’onveutaimer.»Inconnu

Jeneme rappellepluscomment je suis arrivée là.Devantcetteporte106. Je fixe lapeinturebleucobaltdecettedernière.Mon regardne semblepas s’en lasser.Depuiscombiende tempssuis-je là?Aucune idée.Mais je sais que j’ai toujours détesté le bleu.D’ailleurs, est-ce que c’est du bleu ça ?Remarque,jenesaispassijeseraiscapablededifférencierlescouleursdansl’étatoùjemetrouve.

Jen’arrivepasàentrerdanscettechambre.Maraisonvacilledèsquejem’enapproche.Pourtant,levidemesubmerge.Monâmeestrestéesurletrottoiravectousmessouvenirs;ilnerestequequelquesbrins de douleur par-ci par-là. Cemoment intense partagé avec Gabriel dans la piscine ? Vidée parAlexis.

NotrenuitsurletoitduSaphir?Gâchéeparlalunequireflètelesouriresadiqued’Alexis.

Notretourdegranderoue?Lerired’AlexisremplacelamusiquedeMuse.

CetteséancephotoimproviséeparGabriel?Déchiréeparlalamed’Alexis.

Ils sont tous déchiquetés par cette épée de Damoclès qu’Alexis a placée au-dessus de ceux quim’approchent.

Je posemamain sur la poignée. Je ne distinguemême pas si elle est chaude ou froide. J’ouvre etobserveGabriel,deboutàcôtédesonlit.Jecroisqu’ilmesourit…Cesourire…

—Bébé,c’estbon,jesors.Jet’attendaispourpartir.

Ils’approcheetm’enlace.Étrangement,cecontactestdouloureux,presqueinsupportable.

—Tuestrèsbellecommeça.

Machinalement,j’arboreleplusbeaudessourires,maisiln’yapersonnederrière.J’ail’impressiond’êtrelaproprespectatricedemonmalheur...

Douglas passe près demoi et ramasse toutes les affaires deGabriel, puis il nous précède dans lecouloir.

IlmesemblequeGabrielmeparle,maisjen’entendsrien.

J’acquiesceautomatiquementparmoment.

Danslavoiture,ilestautéléphoneavecjenesaispasqui.

Ilal’airheureux,sonsourireestéblouissant.

Savoixatteintfinalementmesoreilles.

—Bébé,onfêteçacesoir.Jeteréserveunepetitesurprise.

Stop.C’esttrop.Jeneveuxplusrienentendre.Jeluisourisexactementàl’identique.

Noussommesarrivés.Douglasmontelessacs,maisjerestesurletrottoir,commeparalysée.Jefixel’entréedansuneléthargietotale.

Jecroisquequelqu’unmesecoue.

—Rose,tutesensbien?

MaintenantRose!

—Gabriel.Ilfautquejeteparle.

Mavoixestmonocorde.Sonregardestinquietetjelevoispassersamainsursanuque.

—Bébé,quet’arrive-t-il?Viens,onmonteenparler,tum’inquiètes.—Jepréfèreparlerici.

Douglasrepassedevantnous,noussalue,remontedanslavoitureets’éloigne.

—Trèsbien,commetuvoudras!

Ilplongesamaindanssescheveux.Ilestnerveux.J’entrouvremeslèvresetlesrefermeaussitôt.Je…Maintenant,Rose!

DIS-LE!

Répètecesquatremots.Répètecesquatrepetitsmots.

—Gabriel.Jetequitte.

Voilà.Jesuisfièredetoi,Rose.

Mesmotsraisonnentdanslaruetotalementvide.Ilreculed’unpas,choqué.

Il estplantédevantmoi.Labouche légèrement entrouverte.Un longmoment s’écoule avantqu’ilneréagisseàcequejeviensdeluiannoncer.Jesuisstatique.Plusriennemetouche.Mespropresparolesnem’atteignentpas,commesic’étaitquelqu’und’autrequilesavaitprononcéesàmaplace.

—Bébé,qu’est-cequeturacontes?

Ilyadelapaniquedanssavoix.Elletremble.Sonaplombatotalementdisparu.

—Gabriel,jetequitte.

Jemetaisquelquessecondes.C’estmoiquiprononcecesmots.

Ettusaistrèsbienpourquoitulesprononces,Rose.

—Maisqu’est-cequiteprend?Ils’estpasséquelquechose?Parle-moi,Rose.

Iltented’attrapermamain,maisjelerepousse.

—Iln’yarienàajouter.

Ilpaniqueetsesyeuxmesupplient.Lesmienssontvides;lapetitelueurquilesanimeadisparu.

—Non,c’estimpossible,tun’aspasledroit!Explique-moiaumoinspourquoi!—Jen’aiaucunsentimentpourtoi.—Tumensbébé,pourquoitufaisça?

Ilarpenteletrottoirdevantmoi.Jeluirépondsd’unevoixcinglante.

—Non.C’estlavérité.—Toutcequ’onavécualors,c’étaitquoipourtoi?—C’étaitsympa.C’esttout.

Ilseplaceàunmètredemoietletondesavoixaugmenteaumoinsdedeuxoctaves.

—Quoi?Alorsjesuisquoimoi,pourtoi?Unpasse-temps?Unplancul?QuoiRose?Dislebordel!—Tun’esrien.

Gabrielperddixcentimètresetlapaniqueenvahitsonregard.Ilposesesmainssursonvisagecommepouressayerdeseréveillerd’unmauvaisrêve.

Ilseplantesubitementjustedevantmoi,ayantregagnéenhauteuretenassurance.

—Regarde-moidanslesyeuxRoseetrépète-le.Jenetelaisseraipartirqu’àcettecondition.

Jeplantemesyeuxavecdéterminationdanslessiens.J’appuiesurchacundemesmotsvolontairementpourqu’ilenregistrebienl’information.

—Jen’éprouveaucunsentimentpourtoi,Gabriel.C’estterminé.

Ilsedétournerapidement,prendsontéléphoneetappelleDouglaspourqu’ilmeramènechezmoi.Ilattendcontrelemur,lesmainsdanslespoches,têtebaisséeentapantdelapointedupiedsurlesol.

Un long moment se passe avant que la voiture ne se gare. Gabriel se redresse et m’ouvreimmédiatementlaportière.

Je m’assieds et il m’attrape le menton pour poser un baiser tendre sur mes lèvres, me regarde unmoment.

—Adieu,Rose...

Sesyeuxontl’airtellementtristes.

—Adieu,Gabriel…

Je détourne le regard. La dernière image que je garderai de lui sera donc celle-ci. Celle dans lerétroviseurdelavoiture.Ilestassissurleborddutrottoir,latêteplongéeentresesmains…

Moncœuradéfinitivementfuitmapoitrine.Ilestrestéentresesmains.Ilestrestédansmonparadis,alorsquejemedirigeversl’enfer.

FIN

Auteur:Lanabellia

Directeurdecollection:ValentinMoulin

NishaEditions

Cognaclaforêt

N°Siret51078346700044

N°ISSN:2491-8660

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