situation, enjeux et perspectives sur le marché des energies renouvelables en afrique de l'est
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Situation, enjeux et perspectives sur le
Marché des énergies renouvelables en Afrique de l’Est
L’Afrique de l’Est dispose d’un fort potentiel, encore largement sous utilisé, dans les cinq filières des
énergies renouvelables (EnR). Le secteur de l’hydroélectricité couvre les capacités installées les plus
importantes, tandis que la géothermie (Kenya) et l’éolien (Ethiopie) sont également des sources
significatives dans certains pays. La vallée du Rift, à cheval sur plusieurs pays, concentre un important
potentiel géothermique. Située sur l’équateur, la région dispose également de taux d’ensoleillement records
propices au développement du photovoltaïque, et de vents réguliers qui favorisent l’énergie d’origine
éolienne. Le potentiel de la biomasse est également important mais son développement est plus lent. Le
développement des EnR doit permettre de répondre aux besoins en énergie dans la zone, amplifiés par la
croissance de la population, l’urbanisation rapide et les stratégies d’industrialisation. Mais, alors que
l’électrification s’accélère, l’accès des populations à des services d’énergie efficaces et durables doit encore
être amélioré, en particulier dans les zones rurales.
Les gouvernements des pays de la Communauté de l’Afrique de l’Est (Kenya, Tanzanie, Ouganda, Rwanda,
Burundi) et l’Éthiopie ont bien compris les enjeux des EnR, ressources disponibles en abondance et durables.
Ils ont développés des politiques énergétiques nationales volontaristes afin de soutenir leur développement,
notamment des mécanismes incitatifs (tarif de rachat garanti, exemptions de TVA, système d’enchères, etc.).
En parallèle, des stratégies de développement et d’exploitation des capacités de production électrique ont
été développées à l’échelle régionale. L’enjeu des interconnexions régionales est essentiel dans la mesure
où un marché régional régulé pourrait permettre à la région de devenir indépendante énergétiquement à
moyen terme, et exportateur net à long terme.
Le rôle du secteur privé pour libérer le potentiel EnR dans la région est essentiel. Cette note présente la
situation et les enjeux des EnR dans la région. Elle permet de comprendre les évolutions des politiques
énergétiques, qui dessinent les grandes tendances des marchés. Elle identifie également des perspectives
d’investissements sur les marchés de la région, dans un climat général dominé par la rationalisation et
l’optimisation (libéralisation du secteur, mise en place d’enchères négatives, efficacité énergétique, etc.).
1. Situation et enjeux des énergies renouvelables en Afrique de l’Est
La part de la biomasse dans la consommation d’énergie primaire est très élevée dans la région, avec
une moyenne de 80% et une valeur extrême de 95% au Burundi, contre 68% au Kenya. Les ménages
dépendent fortement des combustibles solides issus de la biomasse (bois, charbon de bois) pour cuisiner et
se chauffer, ce qui a un très fort impact sur l’environnement (déforestation, émission de gaz à effet de serre
qui contribuent au changement climatique) et la santé (pollution de l’air).
La part des produits pétroliers dans la consommation d’énergie primaire est faible en comparaison de la
biomasse (de 2,5% au Burundi à 22% au Kenya) mais en forte augmentation car tiré à la hausse par le secteur
des transports. Les produits pétroliers servent aussi à combler le déficit hydroélectrique en période de
sécheresse, lorsque le débit des cours d’eau est insuffisant pour faire tourner les centrales, ainsi qu’à
alimenter les générateurs de secours au diesel qui prennent le relais dans le résidentiel haut de gamme et
certaines industries lors des fréquentes coupures du réseau électrique.
La part d’électricité dans la consommation d’énergie primaire est relativement faible dans la région (9% au
Kenya, la plus forte de la région). La demande d’électricité devrait néanmoins croitre de 5% par an jusqu’en
2030 en Afrique de l’Est1, ce qui signifie que la capacité de production électrique des pays de la région va
devoir augmenter de manière significative. Dans l’hypothèse d’une croissance annuelle de 5% de la
demande, la capacité électrique de chaque pays devrait augmenter de 20% d’ici 2010 et de 100% d’ici 2030
pour couvrir la demande additionnelle.
Le taux d’électrification de la région est très faible par rapport au reste de l’Afrique. Il était compris
entre 20 et 30% en moyenne en 2014 et relativement homogène entre les pays de la région, à l’exception du
Burundi (cf. tableau 1). Il augmente toutefois rapidement ces dernières années. Des progressions
spectaculaires de 10% sur trois ans entre 2010 et 2013 ont été enregistrées au Rwanda et en Tanzanie. Au
Kenya, le taux d’électrification atteint 40 à 50% en 20172 grâce à un ambitieux programme d’électrification
mis en œuvre par les pouvoirs publics. Le taux de pénétration reste néanmoins très faible dans les zones
rurales en comparaison des zones urbaines dans l’ensemble des pays de la région.
Tableau 1 : Electrification en Afrique de l’Est en 2014 (Source : World Energy Outlook 2016)
Pays
Population sans
accès à
l’électricité
(millions)
Taux
d’électrification
Taux
d’électrification en
zone urbaine
Taux
d’électrification en
zone rurale
Burundi 10 5% 28% 2%
Ethiopie 73 25% 85% 10%
Kenya 36 20% 60% 7%
Ouganda 31 19% 52% 12%
Rwanda 8 27% 72% 9%
Tanzanie 36 30% 57% 18%
Chaque pays a formulé une cible pour l’accès à l’électricité. Le Rwanda et le Kenya sont les plus ambitieux,
avec l’objectif de garantir un accès à 70 % de la population d’ici 2017 pour le premier, et de 100% d’ici
2020 pour le second. La Tanzanie vise 50% d’accès d’ici 2050 et l’Ouganda au moins 98% d’ici 2030.
La production électrique repose principalement sur l’hydroélectricité, qui représente 90% de la capacité
installée en Ethiopie, 80% en Ouganda ou encore 40% au Kenya. Malgré des épisodes de sécheresse de plus
en plus fréquents et les risques qu’ils font peser sur le rendement de l’hydroélectricité, les autorités
développent toujours des projets hydroélectriques (Ethiopie, Ouganda, Tanzanie, voire Kenya), pour réduire
leur dépendance aux modes de génération thermique. Les efforts d’intégration régionale (cf. infra) devraient
permettre à terme d’atténuer les risques de production liés à l’hydroélectricité, notamment grâce aux
importantes réserves des futurs barrages éthiopiens de forte capacité et à la diversification géographique des
sources de production dans des zones différemment soumises aux aléas hydriques.
Dans le même temps, la diversification des mix énergétiques est encouragée dans tous les pays grâce à des
objectifs quantifiés et/ou des politiques de développement des EnR. Par exemple, l’Ethiopie poursuit la
construction du barrage de Grande Renaissance (6000 MW) et l’énergéticien Ethiopian Electric Power
prévoit le développement concomitant de 5200 MW de capacité solaire, 5 200 MW de capacité éolienne,
500 MW de géothermie, et 420 MW de biomasse d’ici 2020. Si ces chiffrent affichent une volonté de
diversification, à l’instar de la plupart des pays de la zone, le réalisme de cette ambition doit être évalué au
regard de la capacité installée actuelle totale de 4100 MW du pays.
1 4-5% correspond à un scénario réaliste. Les plans de développement (optimistes voire utopiques) des différents pays visent plutôt entre 7 et 15% de croissance
de la demande. 2 Les chiffres varient selon l’AFD, la Banque Mondiale et le gouvernement kenyan, le moins conservateur sur ces chiffres.
Depuis les années 2000, la région a connu une croissance régulière de la capacité électrique installée
d’origine renouvelable, qui atteint aujourd’hui plus de 7 GW au total (cf. tableau 2). La région bénéficie
d’un fort potentiel dans les cinq filières des EnR : l’hydroélectricité est la ressource renouvelable la plus
développée ; la vallée du Rift a permis au Kenya de développer la géothermie et d’autres pays explorent cette
possibilité (l’Éthiopie et la Tanzanie sont les plus avancés en matière d’exploration alors que le Rwanda et
l’Ouganda s’y intéressent aussi). Située sur l’équateur, la région dispose de taux d’ensoleillement records
propices au développement du photovoltaïque, mais aussi de vents réguliers qui favorisent l’énergie d’origine
éolienne. Les grands pays de la région disposent en outre de zones relativement peu peuplées favorables à la
réalisation d’installations photovoltaïques ou éoliennes de grande dimension. Par ailleurs, le Kenya et la
Tanzanie offrent une façade de respectivement 536 km et 1424 km sur l’Océan indien, ouvrant des
possibilités d’exploitation de l’énergie marine (force marémotrice, hydroliennes, éoliennes offshore, etc.).
Tableau 2 : Mix électrique des pays d’Afrique de l’Est (Source : AFD et Service Economique Régional de
Nairobi et Services économiques des pays concernés, 2017)
Resource
en MW
Ethiopie Kenya Ouganda Rwanda Tanzanie Burundi
Total 4284 2328 858 186 1564 55
Thermique 143 595 100 76,5 971
Hydro 3810 770 696 101 565
Géothermie 7 630
Eolien 324 5
Solaire
25
8,5
Biomasse
26 61
28
Pour répondre à la croissance de la demande en électricité, les cinq pays de l’EAC et des pays voisins
(Libye, Égypte, Éthiopie, Soudan, RDC) se sont associés à partir de 2005 pour former le pool
énergétique Eastern African Power Pool (EAPP). L’EAPP a pour mission de faciliter la mise en commun
des ressources électrique au sein de la région de manière coordonnée et optimisée, en facilitant la signature
d’accords bilatéraux et multilatéraux, afin de garantir aux populations une électricité abordable, durable et
fiable. On ne peut cependant encore parler de développement et d’exploitation de capacités de production
électrique à l’échelle régionale. L’EAPP est aujourd’hui un réseau régional permettant des échanges
d’électricité entre pays voisins. L’intégration reste à poursuivre, et est ralentie par les stratégies nationales
des pays qui préfèrent concentrer leurs efforts sur le développement de leur capacité nationale. L’institution
en elle-même est plus une simple chambre d’enregistrement qu’un organisme multi-pays qui gérerait le
réseau électrique.
A moyen-terme, l’équilibre offre-demande pourrait être compromis si l’on s’en tient aux ambitions et
objectifs respectifs de chaque pays. En effet, si chaque pays atteint son objectif de production et devient un
exportateur net d’électricité, il pourrait y avoir une surcapacité de production générant une situation sous
optimale avec des prix moyens de l’électricité supérieurs à une situation sans surplus. Ce risque est
néanmoins faible car les projections nationales des différents pays seront probablement retardées si la
demande nationale ne suit pas, tandis que des réserves de capacité sont par ailleurs nécessaires pour assurer
la gestion des aléas de production et les pointes de demande. L’intégration énergétique requiert par ailleurs
une coopération politique et économique très forte, et un cadre de règles communes qui doit être approfondi,
pour répondre à des questions ouvertes - définition d’un volume maximum de ressources à exporter ou
encore spécialisation d’un pays dans l’exportation d’un type de ressource envisagés. L’intégration régionale
prendra donc encore beaucoup de temps, et s’amorcera par des accords bilatéraux afin que le marché se mette
en place progressivement. Le prix élevé de l’électricité et les surcapacités de production planifiées à moyen-
terme, notamment en Ethiopie, militent pour des interconnexions régionales à mettre en œuvre dès à présent
(cf. images 1 et 2).
Image 1 : Interconnexions régionales en 2016 (Source : AFD de Nairobi)
Image 2 : Projets d’interconnexions régionales pour 2025 et 2035 (Source : AFD de Nairobi)
Les pays de l’EAC (à l’exception du Burundi) et l’Éthiopie ont adopté des objectifs quantifiés en
matière de développement des énergies renouvelables (cf. tableau 3). Ces objectifs sont souvent
ambitieux, voire irréalistes et s’apparentent davantage à des déclarations d’intention plutôt qu’à de réels
plans de développement. Ainsi, le Kenya s’est donné en 2013 l’objectif d’ajouter 5000 MW de capacité
électrique d’ici fin 2016. Cet objectif n’a pas été atteint en 2016 et le ministère de l’énergie a finalement
annoncé que l’objectif des 5000 MW + devrait être réalisé d’ici 2020. Bien qu'une variété de plans
énergétiques régionaux existent, les stratégies et politiques énergétiques dans des pays de l'EAC+ restent
pilotées principalement au niveau national.
Tableau 3 : Cibles EnR par pays et secteur (Source : SER de Nairobi)
Pays
Capacité
installée en
2016
Capacité additionnelle à ajouter par secteur à moyen terme
Hydro Géothermie Biomasse Eolien Solaire
Ethiopie - GTP II 2015-2020
17 350 MW d’ici 2020 4 284 MW
7580
MW 500 MW 420 MW 5200 MW 5200 MW
Kenya - 5000+ MW Project
+ 5000MW d’ici 2020 2328 MW
790
MW 1900MW 45 MW 635MW
Ouganda
2500 MW d’ici 2020 853 MW x x 100 MW
Rwanda – ESSP 2013-2018
450 MW by 2018 186 MW 85 MW 40 MW
Tanzanie Electricity Bill 14
10 000 MW by 2025* 1564 MW x 200 MW 200 MW 100 MW
* cible tout type d’énergie confondu. Les cibles renouvelables sont faibles alors que les cibles pour le
développement des énergies fossiles (charbon) et du gaz naturel sont élevées.
x = cible quantifiée indisponible
Des changements critiques en matière de politique énergétique ont considérablement modifié le paysage de
l'énergie dans la région au cours des dernières années. Trois tendances peuvent être soulignées :
- une libéralisation du secteur de l’énergie qui a entrainé une séparation des sociétés en charge de la
production de celles en charge de la transmission, de la distribution ou encore de la maintenance au Kenya,
en Ouganda, au Burundi et en Éthiopie. Au Kenya, l’entreprise publique spécialement chargée de
l’exploration géothermique, GDC, prend en charge les risques liés à l’exploration et se rémunère sur la vente
de la vapeur aux producteurs d’électricité : la compagnie nationale en charge de la production d’électricité
KenGen et les producteurs indépendants (IPP). La Tanzanie et l’Ethiopie réfléchissent à la création d’un
système similaire pour développer la géothermie.
- une évolution vers une privatisation partielle des actifs publics, essentiellement pour la production
électrique. La mise en place de tarifs de rachat garantis (FIT) dans tous les pays de l’EAC, à l’exception du
Burundi, et en Éthiopie a permis aux producteurs énergétiques indépendants (IPP) de signer des accords
d’achat d’électricité. Les investisseurs identifient des projets d'énergie potentiellement viables et acquièrent
des licences pour produire de l’énergie électrique à un tarif de vente négocié avec le distributeur public en
gré à gré. Au Kenya et en Ethiopie, les FIT couvrent les cinq filières des EnR, avec des tarifs variables selon
la ressources et la capacité produite. Un FIT avait été mis en œuvre en Ouganda sur les cinq filières, mais le
FIT solaire a été abandonné en 2014 au profit d’un système d’enchères négatives. Au Rwanda, le FIT pour
l’hydroélectricité, mis en place pour trois ans, a expiré en 2015 et est en cours de révision. Un projet de loi
pour la mise en œuvre d’un FIT pour le photovoltaïque a été rédigé mais n’a jamais été approuvé. En
Tanzanie, des FIT ont été mis en œuvre dans les secteurs de l’hydroélectricité et de la biomasse pour des
projets supérieurs à 10 MW, et pour des projets inférieurs à 1 MW dans les secteurs du solaire et de l’éolien.
Les réseaux de transmission et de distribution sont encore la propriété des gouvernements qui en assurent
également la gestion. La privatisation du réseau de distribution est un sujet discuté par les parties prenantes
du secteur au Kenya - publiques comme privés - mais n’apparait pas crédible aujourd’hui.
- un rôle croissant des entreprises publiques de transport et de distribution d’électricité, à travers les
projets de connexion à la grille pour le dernier kilomètre ou de connexion hors-réseau (cas du Last Mile
Connectivity Project au Kenya). Ces agences publiques ont pour mission de favoriser l’accès à l’électricité
dans les zones rurales.
Le mécanisme des enchères négatives pour l’attribution des projets a pris une ampleur considérable
au cours des dernières années. Le mécanisme introduit une plus forte concurrence entre les investisseurs,
et permet de fournir l’électricité au consommateur final à un tarif plus bas. Mais il peut également induire
une plus forte sélectivité des projets et réduire l’attrait du marché pour les investisseurs. Dans la région, il a
été utilisé en Ouganda dans le photovoltaïque et au Rwanda dans le photovoltaïque et l’hydroélectrique.
La Tanzanie a annoncé en 2015 qu’elle instaurerait un mécanisme similaire pour l’éolien et le solaire lors de
la révision de la politique sur les accords d’achat d’électricité (SPPA). Un tel système n’a pas encore été
développé à ce jour.
Au Kenya, le ministère de l’énergie a annoncé en octobre 2016 la substitution du tarif de rachat garanti au
profit d’un mécanisme d’enchères négatives. Le projet de loi devait initialement entrer en vigueur dans les
trois mois et permettre au ministère de l’énergie de sélectionner des projets de production d'électricité et de
les attribuer aux soumissionnaires qui proposent le tarif de rachat le plus bas au distributeur public. Le
secrétaire d’état à l’énergie a finalement annoncé que le système n’entrerait en vigueur que lorsque les
développeurs qui ont reçu des licences dans le cadre du dispositif de tarif de rachat garanti auraient développé
1342 MW de capacités supplémentaires, ce qui correspond aux capacités représentées par les projets en ayant
reçu une autorisation et à 56 % de la capacité actuelle du pays, contre environ un tiers assurée aujourd’hui
par les producteurs indépendants, soit a priori vers la mi-2018. Par ailleurs, le mécanisme d’enchères
négatives ne concernerait que les projets solaires de moins de 40 MW, éoliens de moins de 50 MW et
géothermiques de moins de 70 MW. Les experts du secteur indiquent néanmoins que le développement de
ces capacités supplémentaires pourrait prendre plusieurs années.
2. Perspectives d’investissements sur le marché des énergies renouvelables en Afrique de l’Est
Depuis les années 2000, les investissements gouvernementaux se sont concentrés sur le renforcement
et le développement de capacités de production. Si l’accent a d’abord été mis sur la génération dans la
chaine de valeur, on assiste aujourd’hui à une mise à niveau des réseaux de transport et de distribution. L’Ouganda, par exemple, a annoncé que 2 Mds USD seraient consacrés à l’extension du réseau, dont 800 M
USD dans des lignes basse tension. Au Kenya, le nombre de connexions électriques a doublé au cours des
trois dernières années. La mise en place d’un réseau de transmission à niveau nécessitera des investissements
estimés à 6,5 Mds USD. Ketraco, l’opérateur public chargé de la construction et de la maintenance des lignes
de transmission, devrait lever les financements nécessaires au renforcement du réseau par le biais d’un
dispositif de partenariat public-privé dont l’élaboration des lignes directrices a débuté au premier trimestre
2017. Le gouvernement étudie actuellement divers modèles de partenariat tel que l’EPC (engineering,
procurement & construction).
L’optimisation des réseaux de distribution d’électricité offre un fort potentiel de développement à
court terme. Les pertes sur les réseaux sont importantes, avec une moyenne de 22% pour la région EAC et
de 18% environ pour le Kenya et l’Éthiopie. Elles sont attribuables à la configuration non-optimale des
réseaux d'alimentation mais également aux pertes techniques et commerciales. Des technologies
d’optimisation de la production à l’échelle de la grille tels que des systèmes de contrôle et d'acquisition de
données (SCADA) devront être développés pour rendre plus efficiente la gestion du réseau. Elles permettront
notamment une meilleure gestion des pics de demande, de l’allocation de la charge de base et de l’intégration
des énergies intermittentes sur la grille. Des projets de SCADA sont en cours de développement au Kenya
et en Éthiopie. Un autre secteur porteur est celui du stockage de l’énergie, tant sur la grille que pour les
projets hors-réseau. Les questions de stockage sont encore peu traitées à ce jour dans la région, mais l’intérêt
pour celles-ci est fort.
L’optimisation de la consommation énergétique par la mise en œuvre de mesures d’efficacité
énergétique apparait comme une priorité à moyen terme. Jusqu’à présent l’efficacité énergétique a été
traitée sous l’angle de l’insertion des énergies renouvelables dans le mix, principalement par le régulateur,
avec le déploiement expérimental de compteurs intelligents au Kenya, en Tanzanie et en Ethiopie.
L’efficacité énergétique comme facteur d’optimisation de la ressource énergétique n’a pas encore été
réellement abordée. Le potentiel est très important tant dans le secteur privé – sites industriels en
autoconsommation - que dans le secteur public - écoles, universités, hôpitaux – mais les programmes encore
peu nombreux.
En 2015, une première ligne de crédit pour le développement des ENR et l’efficacité énergétique a été
développée par l’AFD au Kenya, en Ouganda et en Tanzanie (programme SUNREF) à destination du secteur
privé. L’AFD a également financé 3,3 millions d’ampoules basse-consommation dans le cadre du Program
Access Scale-up. Après un retard sur la campagne de communication de la compagnie de distribution
kenyane KPLC, la distribution des ampoules a été lancée en décembre 2016. Environ 25% des ampoules
auraient été distribuées à ce jour.
En 2012 le Kenya a voté une loi sur les chauffe-eau solaires qui oblige les bâtiments utilisant plus de 100
litres d’eau à installer un chauffe-eau solaire d’ici mai 2017. Cette loi est rétroactive et s’applique aux
bâtiments construits avant 2012, qui devront être mis à niveau. Environ 140 000 chauffe-eau solaires étaient
installées dans le pays en 2015, et la demande devrait atteindre 800 000 d'ici 2020. La Commission de
régulation de l’énergie (ERC) a indiqué qu’elle sanctionnerait le non-respect de cette règlementation à partir
de juin 2017. En Ouganda, le gouvernement subventionne l’achat de chauffe-eau solaires à hauteur de 50 %
sur l’achat et l’installation afin d’encourager leur déploiement dans le secteur public et l’hôtellerie.
L'énergie hydraulique est la première source de production électrique dans la région, avec plus de 5.9
GW installés. Le potentiel inexploité est considérable, notamment sous la forme de petites unités au fil de
l’eau. L’énergie hydraulique compte pour 75% de la capacité électrique installée dans les pays de l’EAC en
moyenne, et 90% en Éthiopie. Le coût marginal du MW hydraulique supplémentaire produit augmentant à
mesure que les sites potentiellement exploitables pour de nouvelles grandes installations hydrauliques se font
plus rares, les projets de petite et moyenne dimension devraient être plus facilement développés à l’avenir.
Le potentiel de la petite hydraulique (entre 250 kW et 10 MW de puissance installée) est estimé à 4 GW.
Les coûts de développement associés aux petits projets sont par ailleurs moins élevés et la durée de mise en
œuvre des projets plus courte. La fluctuation des pluies et les sécheresses, dont la fréquence et l’intensité
sont aggravés par le changement climatique, rendent l’exploitation de l’énergie hydraulique incertaine3, d’où
un besoin de diversifier les mix électriques.
3 Ceci est à relativiser pour les grands barrages car ils ont de grandes capacités de stockage leur permettant de palier au moins en partie aux variabilités interannuelles
et saisonnières.
Le Kenya est le seul pays de la région qui dispose d’une capacité géothermique installée. L’Ethiopie et
la Tanzanie souhaitent explorer cette possibilité mais sont à des stades plus ou moins avancés. Le
Rwanda et l’Ouganda ont également des projets de géothermie dans leur plans nationaux, à moyen voire
long terme.
Avec 630 MW de capacité installée depuis la mise en service en 2016 d’une nouvelle unité à Olkaria III, la
géothermie représente 47% de l’énergie produite dans le mix électrique kenyan (8ème rang mondial). Le
potentiel de développement est fort avec environ 600 MW à installer d’ici 2020, et entre 500 et 1000 MW
supplémentaires à installer sur la période 2020-2030.
L’Ethiopie est le pays le plus crédible dans sa démarche d’exploration géothermique. Le pays dispose de
ressources évaluées à 5000 MW et a réalisé un projet pilote. Le gouvernement éthiopien prépare actuellement
une stratégie nationale pour développer la géothermie, y compris un cadre règlementaire qui s’inspire du
modèle kenyan. Le pays souhaite installer 500 MW d’ici 2020, mais ce calendrier est très ambitieux au vu
des avancées réalisées. La Tanzanie souhaite également exploiter son potentiel géothermique, mais la
capacité de financement à long terme de TANESCO est très incertaine, ce qui rend la signature de contrats
d’achat d’électricité risquée pour les investisseurs potentiels.
Des missions de prospection ont enfin eu lieu au Rwanda et en Ouganda avec le soutien de la coopération
japonaise (JICA), sans toutefois donner de résultats jusqu’à présent.
Des applications géothermiques pour la production de chaleur sont également en cours de réflexion. Au
Kenya, GDC a installé sur le site de Menengai plusieurs unités de démonstration des applications directes de
la chaleur (serriculture, pisciculture, stérilisation du lait). Les marchés kényans et éthiopiens (notamment des
malteries) présentent des opportunités dans le domaine.
À bien des égards, le développement d’installations biomasse/biogaz à grande échelle est plus complexe
que celui d'autres sources d'énergies renouvelables. Malgré un fort potentiel, l’adoption est lente car
les quantités de déchets disponibles sont souvent insuffisantes, en raison des spécificités de l’agriculture
régionale. Jusqu’à présent, la coopération allemande (GIZ) a largement soutenu le développement de projets
biogaz avec son programme Energies Renouvelables - Fabriqué en Allemagne, qui a fortement soutenu
l’implantation des entreprises allemandes. Les pays de la zone reconnaissent le potentiel du secteur et
l’intègrent progressivement dans les plans énergétiques nationaux, mais le soutien public est faible ce qui
n’encourage pas son développement. La valorisation des déchets, quasi inexistante à l’exception
d’installations développées par les industriels, offre pourtant un fort potentiel.
Les projets de méthanisation des déchets de l’agriculture ou des industries de transformation sont les plus
nombreux au Kenya et en Ouganda. Au Kenya, le potentiel pour développer de nouveaux projets de
valorisation des déchets dans les usines sucrières est estimé à 300 MW.
Le développement de l’énergie solaire en Afrique de l’est a suivi la baisse du coût des équipements
solaires dans le monde. La région totalise 9,2 MW de capacité solaire installée raccordée au réseau.
Malgré une ressource très abondante, le développement des projets d’énergie solaire raccordés au réseau n’a
pas été aussi important que les projets géothermiques ou éoliens. Le Rwanda est l’exception avec sa centrale
photovoltaïque d’Agahozo Shalom Youth Village de 8,75 MW raccordée au réseau.
La baisse continue du coût des panneaux photovoltaïques rend le solaire connecté au réseau de plus en plus
compétitif. Néanmoins, de lourdes incertitudes pèsent sur le secteur au Kenya. L’une des barrières
principales est la lenteur des négociations du tarif de rachat garanti. Plusieurs projets de centrales solaires
raccordées à la grille ont été menacés par la perspective de mise en œuvre du système d’enchères négatives,
mais les annonces récentes du ministère de l’énergie ont rassuré les acteurs déjà positionnés sur des projets
solaires avec tarifs de rachat garanti.
Le potentiel éolien est important au Kenya, en Éthiopie et en Tanzanie, mais cette source d’énergie
n’est pas exploitée pleinement en raison des problèmes d’acquisition foncière, de l’insuffisance
d’infrastructures pour acheminer les composantes sur les sites, et de la nécessité d’optimiser
l’intégration des énergies intermittentes sur la grille.
L’Éthiopie est le premier pays, avec 370MW raccordés au réseau (ferme d’Ashegoda de 120 MW et ferme
d’Adama de 250 MW). Le Kenya compte 25,5 MW d’électricité d’origine éolienne raccordée au réseau, et
la réserve de projets est importante, avec notamment le projet du Lac Turkana de 310 MW, et le projet de
Meru dont l’AFD a financé la première phase (80MW), mais qui a terme pourrait être étendu (400 MW)4.
Le développement du sous-secteur est l’une des priorités du gouvernement qui a pour objectif d’installer 630
MW d’éolien d’ici 2020. Mais cette ambition a été revue à la baisse dans le dernier plan de développement
du secteur datant de 2016.
L’Éthiopie soutient également le développement de l’éolien, avec l’objectif d’installer 5200 MW d’ici 2020.
La capacité éolienne installée étant actuellement de 370 MW, la réalisation de cet objectif semble néanmoins
peu vraisemblable. Le gouvernement éthiopien a annoncé que 70% des 5200 MW seraient développés par le
secteur privé au moyen de tarifs de rachat garantis, dans un secteur toutefois largement dirigé par le
gouvernement laissant peu de place à l’initiative privée. La Tanzanie compte quelques projets en cours de
développement dans une plus faible mesure.
Les systèmes de mini-réseau et de réseau autonome sont en plein essor depuis plusieurs années déjà,
particulièrement dans le solaire au Kenya et en Tanzanie. Les deux pays sont les chefs de file du continent
en matière d’installations de systèmes pico-photovoltaïques et de systèmes solaires domestiques dans les
zones rurales, avec 20% de la population rurale alimentée qui accède à l’électricité grâce à ces systèmes au
Kenya et plus de 50% en Tanzanie. Au Rwanda, le développement des mini-réseaux hydroélectriques est
fortement soutenu par le gouvernement.
Le potentiel pour les systèmes de mini réseau et hors réseau est fort : la demande devrait continuer de croitre
car de nombreux ménages ne sont pas raccordés dans les zones enclavées où les investissements dans le
réseau seraient trop importants. Par ailleurs, des programmes gouvernementaux visant à développer
l’hybridation des mini réseaux existants sont développés, principalement dans le solaire et l’éolien, afin de
réduire la dépendance aux énergies fossiles.
Qu’il s’agisse de mini-réseaux, hors réseau ou de projets d’hybridation, la capacité installée par projet est
faible, mais le nombre de projet à développer élevé. La stratégie de développement et le cadre règlementaire
doivent être précisés afin de donner confiance au secteur privé. Le Kenya a par exemple une stratégie de
raccordement pour tous dans le pays, qui évolue progressivement vers l’intégration des mini-réseaux pour
atteindre 100% d’accès à l’électricité dans le pays d’ici 2020. Le modèle prédominant de mini-réseau est
actuellement le modèle opéré par le distributeur public KPLC, qui a développé un programme d’hybridation
des mini-réseaux qui fonctionnent aux énergies fossiles. Les procédures actuelles de licence et de permis
pour le secteur privé sont longues (trois ans en moyenne) et ne sont pas adaptées aux petites installations,
qui pour la plupart opèrent sans permis. De plus, à mesure que la grille nationale s’étend, les questions de
modèle économique pour le raccordement des installations à la grille se posent notamment le rachat de
l’installation, le tarif de rachat, les normes, etc.
Les modèles commerciaux doivent eux aussi être affinés afin de rendre viables les projets. Les défis pour la
mise à l’échelle sont nombreux (par exemple des dépenses d'investissement initiales élevées et des banques
qui ne maitrisent pas la gestion des risques spécifiques associés aux financements de ces projets).
Le secteur privé a acquis une très bonne réputation pour le développement de systèmes hors réseaux, et se
distingue par les modèles innovants proposés. M-KOPA au Kenya fournit par exemple aux ménages un
4 Le projet n’est pas encore assez mûr pour une telle extension à l’heure actuelle précise l’AFD.
système solaire complet, qui comprend un panneau solaire, deux lampes suspendues, une lampe de poche,
une radio et un boîtier de commande pour recharger un téléphone portable. Le système coûte initialement 35
USD puis l’acheteur rembourse quotidiennement 43 cts USD pendant un an, grâce au système de paiement
mobile. Les développeurs de systèmes hors-réseau cherchent à proposer des systèmes complémentaires de
stockage d’énergie, ouvrant un marché nouveau qui devrait se développer rapidement et où les opportunités
pour le secteur privé sont fortes.
La Tanzanie laisse beaucoup plus de libertés aux développeurs d’installations non raccordées au réseau
public, qui peuvent négocier librement le tarif consenti aux usagers et opérer l’installation. Le retard pris par
le Kenya par la Tanzanie pour la couverture des populations rurales par les réseaux autonomes tient à la
volonté des autorités publiques de préserver le monopole de la distribution à l’opérateur public KPLC.
Le fort potentiel en énergies renouvelables est un réel atout pour l’Afrique de l’Est. Les cinq filières des EnR
sont encore largement sous utilisées alors que la demande privée progresse, tant de la part des ménages que
des industriels.
La France s’attache à soutenir des investissements structurants pour la région, en finançant des projets
d’énergies renouvelables qui favorisent une trajectoire de développement vertueuse et faiblement émissive
en gaz à effet de serre, mais également en soutenant l’intégration énergétique régionale, qui devrait
permettre à terme l’optimisation des capacités installées dans les différents pays, alors que le prix élevé de
l’électricité et les surcapacités de production planifiées à moyen-terme, notamment en Ethiopie, militent
pour une rationalisation du réseau au moyen des interconnexions régionales.
A très court terme, deux enjeux majeurs sont identifiés dans la région auxquels le développement des
énergies renouvelables devrait permettre de répondre plus efficacement.
D’une part, l’utilisation massive de la biomasse comme source d’énergie primaire, qui provoque une
déforestation massive en Afrique de l’est et soulève de graves problèmes de santé publique. Des solutions à
petite échelle sont développées et financées par les bailleurs de fonds, visant à substituer des énergies
alternatives issues de la valorisation énergétique des déchets – biogaz – au charbon de bois, tandis que des
campagnes de reforestation sont entreprises par le secteur privé, grands groupes industriels et ONG. Mais
sans mobilisation des autorités et de la société civile, l’usage massif de la biomasse constitue un des défis
les plus urgents à traiter au regard des enjeux climatiques pour l’Afrique de l’est.
D’autre part, la faible prise en compte dans les politiques publiques des gains potentiels liés à la gestion de
l’énergie électrique, dans des systèmes économiques qui ont jusqu’alors donné la priorité au renforcement
des capacités de production au détriment de l’amélioration de l’efficacité énergétique. Si certaines
dispositions s’orientent vers une approche plus économe de la consommation électrique, beaucoup reste à
faire encore dans le domaine normatif et fiscal pour encourager les investissements orientés vers la
réduction de la consommation électrique dans le bâtiment, l’industrie ou les transports.
Au Kenya, certains grands projets tels que la centrale à charbon de 900 MW à Lamu ou à plus long terme
le développement d’une filière nucléaire civile, qui présentent une rationalité économique et une rentabilité
faibles, illustrent cette prépondérance de la course aux capacités sur une approche plus raisonnée des
besoins réels. Une articulation renforcée des enjeux énergétiques avec les problématiques climatiques et
environnementales en Afrique de l’est permettrait dans doute de faire évoluer progressivement cette
orientation vers un modèle plus équilibré.
JUIN 2017
Rédigé par Anne Joncheray, Attachée sectorielle, Energies Renouvelables
Revu par Benoit Gauthier, Chef du Service Economique Régional, et
Joël Hamann, Conseiller Régional Développement Durable
Contact : nairobi@dgtresor.gouv.fr
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