un mariage inoubliable - cinq ans à t'attendre (les...
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—Pardon,pouvez-vousrépéter?GretchensefélicitadelaquestionqueNatalievenaitdeposer,carelle-mêmeétaitassezperplexe.
Elle et ses trois associées deFromThisMoment étaient réunies autour de la table de conférences encompagnied’unhommevêtud’uncostumecoûteuxetaffichantuneattitudearrogantequine luiplaisaitguère.Iln’étaitpasduSud,voilàquiétaitincontestable,etiltenaitparailleursdesproposabsurdes.
Pourautant,l’intéressé,RossBentley,semblaitluiaussiagacédelesvoirtouteslesquatreétonnées.—Dansvotrepublicité,vousaffirmezbienquevotreagenceprendenchargelesmariagesdeAàZ,
non?riposta-t-il.—Exact,admitNatalie,maiscelasignifiequenousnousoccuponsdelanourriture,duDJetdes
fleurs.Onnenousaencorejamaisdemandédefournirlacavalièred’undesinvités.Nousnesommespasunserviced’escortgirls!
— Laissez-moi vous expliquer, répondit Ross avec un sourire mielleux qui n’inspirait guèreconfiance.Maisavanttoutechose,commeils’agitd’unarrangementbienparticulier,j’aimeraisquecettediscussiondemeureconfidentielle,conformémentauxaccordsquevousavezsignéspour lemariagedeMurrayEvans.
MurrayEvansétaitunesuperstardemusiquecountryqui, lorsdesadernière tournée,était tombéamoureuxdelachanteuseprogramméeenpremièrepartie.Illuiavaitensuitedemandésamain.Lesdeuxamoureuxavaientdécidédesemarierleweek-endsuivantenconfiantl’organisationdeleurmariageàFromThisMoment.Commelestabloïdsensalivaientd’avance,cegenred’unionsdemandaitengénéraldesclausesdeconfidentialitépouréviterd’éventuellesfuites.
Oh ! en toutehonnêteté,Gretchencommençait à enavoir assezdecesgrandes réceptions tape-à-l’œil.Evidemment,celarapportaitdel’argentàl’entreprise,maisrecopierdansunecalligraphieparfaitel’adressedecentainesd’invitéssurdescartonsd’invitationn’avait riende trèsdrôle.Pasplusquedegérerlesconvivestout-puissantsquivenaientyparader.
—Biensûr,renchéritNatalie.—Jesuisl’agentdel’acteurJulianCooper,quiestlui-mêmeunamidelonguedatedeM.Evans;il
seraprésentaumariageentantquetémoin.Jenesaispassivoussuivezl’actualitédesstars,maisJulianvient de rompre publiquement avec BridgetteMartin qui partageait l’affiche avec lui pourBombs ofFury.Cettedernièreadéjàétéphotographiéeencompagnied’unautreacteurderenom.Entantqu’agentdeJulian,j’estimedoncqu’ilseraitmauvaispoursonimagequ’ilassisteaumariageencélibataire.
Bentleymarquaalorsunepause,puisreprit:—Seulement, encemoment, il n’apasbesoinde se lancerdansune relationqui sera forcément
synonyme de complications. Nous cherchons juste une femme qui se tiendra à ses côtés pendant les
journées de fête et fera comme si elle sortait avec lui. Je vous assure que ce sera en tout bien touthonneur.
Gretchenrestasongeuse.ElleconnaissaitnaturellementJulianCooper—ilauraitfalluhabitersuruneautreplanètepourignorerquiilétait—mêmesiellen’avaitjamaisvuunseuldesesfilms.C’étaitleroi des grosses productions avec explosions, courses-poursuites et scénarios rudimentaires. Bref, cen’était pas le genre de cinéma qu’elle appréciait, mais un très large public adorait ses films. Alorscommentpouvait-ilavoirbesoind’unefaussepetiteamiealorsquesesabdosenaciertrempéfaisaientlaunedetouslesjournaux?D’ailleurs,siellen’appréciaitpassesperformancesd’acteur,ellen’avaitenrevancherienàrediresursonphysique…Bonsang,siunhommedesatrempenepouvaitpassedénichertout seul une petite amie de dernièreminute, elle n’aurait jamais aucune chance de trouver un jour uncompagnon!
Au bout de quelques secondes, Bree, la photographe de l’équipe, finit par demander d’un tonprudent:
— Quel genre de partenaire souhaite-t-il ? Je ne suis pas certaine que beaucoup de mesconnaissancesaientl’airnaturelaubrasd’unestardecinéma.
—C’esttoutàfaitcompréhensible,admitRoss.Cequejevoudrais,c’estunefemme,disons,danslamoyenne.Ilnefautsurtoutpasqu’elleaitl’aird’uneescortgirl,vouscomprenez?Enoutre,ceseraitparfaitsilesgroupiesdeJulianlevoyaientpourunefoisencompagniedeMlleTout-le-monde,sij’osedire.Ellessediraientqu’ellesaussiontpeut-êtreleurchanceetcelaluiferaitunebonnepublicité.
Gretchenneputs’empêcherdeprendreunairsceptique.CequiluivalutunregardnoirdelapartdeRossBentley.
—Biensûr,nousladédommageronslargementpoursaprestation,poursuivit-il.Noussommesprêtsàluiverserdixmilledollars,sanscompterlessommesnécessairespourlesséancesauxsalonsdebeautéetleshopping.
—Dixmilledollars?répéta-t-elleens’étranglantpresque.Vousplaisantez?Celaavaitétéplusfortqu’elle,impossibledes’enempêcher!—Pasdutout,jesuistrèssérieux,répliquaRoss.Bon,pouvez-vousnousfournircequenousvous
demandons,ouiounon?Nataliepritalorsunegrandeinspirationpuishochalatête.—Entendu,nousallonstrouverunejeunefemmequeJulianrencontreraàsonarrivéeàNashville.—Parfait!IlatterritcesoiretdescendraauHilton.Rossportaalorslamainàlapocheintérieuredesavesteetensortitunportefeuilleencuirdontil
retirauneliassedebilletsqu’ilposasurlatable,devantNatalie.—Voilàquidevraitcouvrirtouslesfraisévoqués.Lepaiementintégralseraverséaprèslemariage.Là-dessus,sansunmotdeplus,ilselevaetsortitdelasallederéunion.Gretchenenrestabouchebée.Commesestroisamies,d’ailleurs.CefutfinalementBreequirepritsesespritslapremièreetcomptal’argent.—Deuxmilledollars,annonça-t-elle.Çanouspermettradepayerà l’heureuseéluedessoinsde
beautécompletsetquelquesfringuesvoyantes.Qu’enpenses-tu,Amelia?Amelia,laresponsabledesbuffetsetlafashionistadelabande,acquiesçad’unmouvementdetête.—Effectivement.Maistoutdépenddelacandidate…Quipourraitsechargerdecettemission?—Pasmoi,sedéfendittoutdesuiteBree.Jesuisfiancéeetilfautparailleursquejesoisenmesure
deprendretouteslesphotos.Quantàtoi,Amelia,tuesmariéeetenceinte.Cette dernière passa lamain sur son ventre arrondi : elle était enceinte de quatremois et venait
d’apprendrequ’elleattendaitunepetitefille.— De toute façon, je dois cuisinier pour cinq cents invités, précisa-t-elle. Et puis je suis déjà
débordée,mêmeavecl’aidedeStella.
BreeetAmeliasetournèrentalorsversNataliequiprenaitcompulsivementdesnotessursatablette.— Inutile de me regarder, décréta celle-ci. C’est moi qui gère le mariage, il faut que je sois
opérationnelletoutelasoirée.Gretchenenprofitaalorspourintervenir:—Ondoitbienpouvoirproposercejobàquelqu’un…Uneamie,parexemple.Toiquiasgrandià
Nashville, Natalie, tu ne connais pas une personne qui voudrait bien s’afficher au bras d’une star decinémapourquelquesjours?
—Ettoi,tun’espastentée?répliquaaussitôtcettedernière.—Quoi?Gretchenavaitpresquehurlétantcettepropositionétaitridicule:sesassociéesavaientperdulatête
siellesl’envisageaientcommelasolutionauproblème!—Moi,avecJulianCooper?poursuivit-elled’unevoixétranglée.Nataliebalayasasurprised’unhaussementd’épaule.—Etpourquoipas?Sonagentvientdedirequ’ilvoulaitunefemmenormale.—Cen’estpasparcequ’iln’exigepasun topmodelqu’ilveutpourautantunepersonnecomme
moi.D’ailleurs,jenesuispasvraimentdanslanorme:jesuispluspetitequelamoyenne,grosse,sanscompterquejesuisterriblementgênéeavecleshommes.JemerefermecommeunehuîtrequandlefiancédeBreenous rendvisiteparcequec’estunmusicienconnu.Alorsvousm’imaginezaubrasde lastarmasculinelaplustorridedeHollywood?
—D’abord, tu n’es pas grosse, rétorquaAmelia. Tu es tout à fait normale, beaucoup d’hommesapprécientlesfemmesquiontdesformes.
Desformes?Gretchenlevalesyeuxaucielets’adossaàsachaise.Elleavaitdixkilosdetrop,aumoins,etétait
grassouillettedepuissanaissance.Sesdeuxsœursétaientenrevancheaussiélancéesetfrêlesqueleurmère,uneanciennedanseuseclassique.Hélas,elleavaitpoursaparthéritédessolidesgènesrussesdeson père, à son grand désarroi. Elle dépassait la taille 40 et craquait systématiquement devant desmuffins!C’étaitàdésespérer.
Bref, Amelia avait recouru pour caractériser sa silhouette à un euphémisme bien flatteur. Inutiled’êtredupe.
—Allons,lesfilles,vousn’êtesquandmêmepassérieuses?Etmêmesijen’étaispasladernièrepersonnedelaterreavecquiilsortirait,vousoubliezquemoiaussijetravailleici.Jeseraioccupée,toutcommevous.
—Pasnécessairement,corrigeaBree.Tontravails’effectuesurtoutenamont.Gretchen fronça les sourcils. OK, Bree avait raison, même si ce n’était pas une raison pour
l’admettre…Les invitations avaient été envoyées desmois à l’avance et le programme, ainsi que lesmenus,étaitégalementbouclé.Toutefois,elledevraitdécorerlasallelaveilleetdonneruncoupdemainlejourdumariage,commed’habitude.
—Jegèredenombreuxproblèmesdedernièreminute,tusais.Jenepassepastouslessamedisàmefairelesongles.
—Cen’estpascequejevoulaisdire,fitBree.Gretchenlevaalorsunemainavantderépondred’unetoutepetitevoix:—Detoutefaçon,c’estuneidéeridicule.Franchement!MoietJulianCooper?Parpitié!—Cetargentpourraitt’êtreutile,d’ailleurs,avançaalorsAmeliad’untoninsidieux.Letempsdejeteruncoupd’œilirritéàsonamie,Gretchensoupira.Elleétaitfauchée,c’étaitunfait.Quandelleetsestroisamiesavaientfondél’agence,ellesavaient
convenuquelamajoritédesprofitsserviraientàpayerleursemprunts.Ducoup,impossibledeseverserdessalairesénormes.PourBreeetAmelia,celan’avaitpasd’importancepuisquel’uneétaitfiancéeàun
producteurdedisquesmillionnaireetque l’autreavaitépouséundiamantaire.Encequi laconcernait,ellen’étaitpasuncasdésespéré,loindelà,maisunefoisseschargespayées,illuirestaitbienpeupourlesextra.
—Ilseraitutileàtoutlemonde,répliqua-t-ellealors.—TupourraisallerenItalie,suggéraNatalie.Gretchenpoussa cette fois ungrognement : ses amiesvenaient deviser son talond’Achille.Elle
rêvaiteneffetdepuisdesannéesd’effectuerunvoyageenItalie.Depuislelycée,enfait.Oui,elleauraitaimé passer des semaines au pays des maîtres de la Renaissance pour étudier la richesse de leurstableauxdanstouslesdétails.Maisc’étaitunvoyagequ’ellenepouvaitpassepermettreendépitdeseseffortspourmettredel’argentdecôté.Celadit,Natalieavaitraison:avecdixmilledollarsenpoche,ellepourraittoutdesuiteréserverunvolpourl’Italie…
Alors,àelleFlorence,Venise,Rome…Ellesevitsoudainen traindesavoureruneglacesur lesmarchesdelaplaced’Espagne…
Maisc’étaitunemauvaiseidée.Allons!Elledevaitcesserdefantasmeretreveniràlaréalité.—Noussommescomplètementdébordées, fit-elle remarquer.Etmêmesi lesaffaires ralentissent
toujours un peu pendant les vacances de fin d’année, je ne vois vraiment pas comment je pourraim’absentertroissemainespourallerenItalie.Ilpourraitmedonnerunmillion,çanechangeraitrien.Jen’auraijamaisletempsdem’accorderuntelvoyage.
—NousfermonsentreNoëlet le1er janvier,ça te feradéjàunesemaine,arguaNatalie.Tupeuxaussiyallerauprintemps.Tun’aurasqu’àt’arrangerpourpréparerlescartesd’invitationàl’avanceetonloueralesservicesd’untierspourladécoration.Cequicompte,c’estquetuaiesl’argent,non?Oùestlemal?
—C’estvrai,Gretchen,renchéritBree.C’estunecoquettesommed’argent.Etpourqueltravail?ResteraccrochéeaubrasdeJulianCooperenluijetantdetempsàautredesregardsénamourés,danseravecluiàlaréceptionetéventuellementluidonnerunbaiserdevantlesobjectifs!
Gretchenserralesmâchoires.Aquoibonlenier?Sonamieavaitraison:illuisuffiraitd’êtreauserviced’unestarpendantquelquesjoursetellepourraitdécouvrirl’Italie.Unetelleopportuniténesereprésenteraitpasdesitôt!
—Enoutre,ajoutaBree,fairesemblantavecunestardecinémaaussitorridequeJulian,cenedoitpasêtredésagréable.
***
Si sonagentn’avaitpasétépersonnellement responsabledusuccèsdesacarrière, Julian l’auraitcongédiésur-le-champ.
—Unepetiteamie?Unefaussepetiteamie?Franchement,Ross…—Jepensequeceserabonpourtonimagedemarque.Julianterminasabouteilled’eauets’accoudaaufauteuildesasuite.—J’ail’airsimalheureuxqueçadepuismaruptureavecBridgette?—Biensûrquenon!répliquaRossd’untondoucereux.Seulement,onl’adéjàvueaubrasdePaul
Watson.Situnetebougespas,lesjournauxvontfinirparécrirequetuesencoreamoureuxd’elle.—Ça,jem’enfiche!Endépitdecequetoutlemondepense,ilyadixmoisquej’airompuavec
Bridgette.Etnousl’avonsannoncépubliquement,parcequetuasinsisté.—Pas du tout, protestaRoss.C’est le studio qui y tenait.Votre idylle a représenté un argument
commercialimportantpourlefilm.Parconséquent,lesdistributeursn’ontpasvouluquevotrerupturesesache avant la sortie du film. D’où l’annonce officielle de votre séparation quelque temps après,puisqu’onl’avaitcachée.
—OK,c’estbon,lâchaJuliand’untondédaigneux.Sijeregardeànouveaudetropprèsuneactricequijouedansundemesfilms,rappelle-moiàl’ordre.Detoutefaçon,cequiestfaitestfait,maissachequejemesuisremisdemonhistoireavecBridgetteetiln’estpasquestionquejesorteavecunenouvellefemmejustepourposerdevantlesobjectifs.
Acesmots,Rosslevalesmainsauciel.—Jet’assurequetoutsepasserabien.D’ailleurs,c’estunpeutroptardpoursedésistercarelle
seralàdanscinqminutespourunepremièrerencontre.Cettefois,Julianneputs’empêcherdebondirdesonsiège.Paspossible,ilétaitentrainderêver!—Ross!Tunepeuxpasmanigancerdeschosespareillessansmapermission.—Si,jepeux,etc’estpourçaquetumepaies!Tumeremercierasplustard.Juliansepinçal’arêtedunez.Allons,ducalme.Inutiledes’énerver.—Quiest-ce?demanda-t-ilens’efforçantderetrouversoncalme.Unechanteusedecountry?Une
actricedeHollywood?—Ni l’unni l’autre.C’estuneemployéede l’agencedemariageà laquelle s’estadresséEvans.
Unefilletoutàfaitordinaire.Julianneputs’empêcherdecoupersonagentenlevantbrusquementlamain:—Attends…Jecroyaisqu’aprèscequi s’étaitpasséavec la serveuse, tunevoulaisplusque je
sorte avec des femmes « ordinaires ».Tout ça parce qu’elles représentent un plus gros risque qu’uneautrestarquiaelle-mêmesespropresintérêtsàprotéger.Tum’asbiendemandédesortirdésormaisavecdesfemmesquin’avaientbesoinnidemonargentnidemaréputation,non?
Partantdeceprincipe,iln’avaitfréquentéquedesstarlettes.Etmaintenant,Rossprétendaitqu’unefilleordinaireferaitl’affaire?C’étaitàn’yriencomprendre!
D’ailleurs,cederniersemblaitenêtreconscientpuisqu’ilfitremarquer:— Je sais. Normalement, c’est la règle. D’ailleurs, ta serveuse ne cherchait qu’à découvrir de
sombreshistoiressurtoncomptepourempocherunmaximumauprèsdestabloïds.Etilyadesmillionsde femmes commeelle àHollywood.Mais, en l’occurrence,mon choix est judicieux : les femmesdeNashvillesontdifférentes.Etpuiscetteamourettetrancheraaveclesprécédentes:çaplairaénormémentàtesadmiratricesetdoncauxstudios.Jetechercheprécisémentunrôledepersonnageromantique.Onpeutdirequeçatombebien!
Juliansecoualatête.Iln’avaitaucuneenviedejouerdansunfilm«romantique»ausensoùRossl’entendait!Poursonagent,cetermesignifiaitqu’uneblondeentenuelégèreseraitaccrochéeàsoncorpsàmoitiénupendantqu’iltireraitsurlesméchants.Seulement,ilavaitdéjàjouéetrejouécerôle-là.Ducoup,quandils’étaitplaint,onluiavaitdécrochéunpersonnagedechippendale!DifficilederemporterunOscaravecça…Encorequecen’étaitpasleproblème.Avraidire,ilavaitvraimentenviedetournerunevraiecomédieromantique.Sansexplosionnimitraillettes,pourunefois.
—Jedevraisterenvoyerpourcequetuviensdefaire,gémitJulianens’écroulantdanssonfauteuil.C’étaitunemenacecomplètementvideetilslesavaientbien.Etpourcause:ildevaitsacarrièreà
Ross.Etmêmesisesfilmsàgrosbudgetsnelecomblaientpasartistiquementparlant,ilsluirapportaienténormémentd’argent.
—Toutvabiensepasser,jetelepromets,assuraalorssonagent.Cen’estpasunevraierelation,celanet’engageàrien.Dansquelquesjours,tuserasderetouràHollywoodettupourrassortiravecquituveux.
Julian secoua la tête. Ça, il en doutait.Depuis son emménagement à LosAngeles, il n’avait pasvraimentbonnepresse auprèsdesdames.La serveuseavecqui il était sorti avait eneffet raconté auxjournauxdestasdepetitsdétailscroustillants,inventéspourlaplupart!Cettefillen’avaitreculédevantrienpours’offrirunenouvellepoitrine!
Résultat:Rossl’encourageaitdésormaisàsortiravecdesactricespourlimiterlesdégâts.Malgrétout,illeurdemandaittoujoursdesignerunpactedeconfidentialité.
Julianeutunsourireamer.Celadit,ilavaitviteapprisàgardersavieprivée…vraimentprivée.Ilneparlait jamaisde sa famille, ni de sonpassé.Bref, de rienqui aurait pu faire la unedes journaux.Parcequ’ilnel’auraitpassupporté.Quandlemalestfait,impossiblederevenirenarrière…
Avrai dire, depuis sa rupture avecBridgette, il n’avait pas eu envie de se trouver une nouvellepetite amie. De fait, c’était beaucoup plus pénible qu’amusant. Et puis comment aurait-il pu trouverl’amouralorsqu’ilnepouvaitpasfaireconfianceauxfemmes?
L’instantd’après,ilvitRossreposersonverresurlatablebasseetselever.—Bien,çadevraitdoncfonctionner,déclaracedernier.Surce,jetelaisse.—Tut’envas?s’exclamaJulianenbondissantdesonfauteuil.Maistuviensdemedirequema
«petiteamie»vaarriver!—Exact,c’estpourçaquejem’envais.Quandonesttrois,ilyenatoujoursundetrop.Ilfautque
vousfassiezconnaissanceentêteàtête.Bouchebée,Juliansuivitdesyeuxsonagentquisortitalorstranquillementdesasuite.Bonsang,il
auraitvraimentdûlerenvoyerdepuislongtemps!Ilpouvaittoutàfaits’entrouverunautre,aprèstout.Maispourl’heure,ilneluirestaitplusqu’àpatienter.Ducoup,ilselaissadenouveautomberdans
sonfauteuil.Pourtuerletemps,ilsortitsonsmartphoneafindevérifiers’ilavaitdesappelsmanquésoudesnouvellesdesafamille.SamèreetsonfrèrehabitaientàLouisville,unendroitstratégiqueetsûrpourrester en contact avec eux en toute discrétion, eu égard à l’état de santé de James. L’hôpital luitransmettaitrégulièrementdesinformationsdétailléesafinqu’ilsesenteplusprochedesonfrère.Maisàpremièrevue,iln’avaitreçuaucunmessage.Tantmieuxs’iln’avaitpasàs’inquiéterdececôté-là!
Environcinqminutesplustard,onfrappaàlaportedesasuite.Ehbien,sanouvelle«petiteamie»étaitponctuelle.C’étaitdéjàça!
Julian se leva et se dirigea vers l’entrée.Mais en regardant dans le judas, il ne vit personne…Bizarre.Sansattendre,ilouvritlaporteetcompritpourquoiiln’avaitrienvu:soninvitéedevaitmesureràpeineunmètresoixante-cinq.Parailleurs,ellesemblaitcachersesformessousuncardigantropgrandpourelle.Pasdedoute:c’étaittypiquementlegenredefemmesqu’onpouvaitcroiseràNashville.Rienàvoiraveclescréaturessculpturalesqu’ilavaitl’habitudedecôtoyeràMalibu.
Maiscequiattirasonattention,cefutsonregard:cettejeunefemmeavaitdesyeuxtrèsnoirsquisemblaient le surveiller. On y devinait même une pointe de suspicion. De quoi pouvait-elle bien seméfier?N’aurait-ilpasétélui-mêmeplusendroitdesemontrercirconspect?Aprèstout,ilappartenaitaumondehollywoodiendepuisplusieursannées.Ilavaiteusonlotderelationsdésagréables…
Julianattenditqu’elledisequelquechosemais elledemeuraitmuette et immobile, commesi ellehésitait.
—Salut,dit-ilfinalementpourluivenirenaide.JesuisJulian,mêmesivousdevezdéjàlesavoir.Etes-vousenvoyéeparl’agencedemariage?
—Oui,dit-elleenhochantlatête.Etdesbouclesbrunesrebondirentautourdesonvisage.Ilpensaqu’elleallaitajouterquelquechose
mais elle paraissait toujours aussi peu sûre d’elle. A vrai dire, il avait l’impression qu’elle pouvaits’enfuir à tout instant. Certes, il avait l’habitude que ses admiratrices soient un peu nerveuses en saprésence,maispasàcepoint-là.Enfin,inutiledelabrusquer.Sansquoiellerisquaitfortdeprendresesjambesàsoncou.Rossseraitfurieux!
Julianretintunsoupir…Aquoibonlenier?Iln’avaitaucuneenvied’unetelleimposture.Autantledire toutnet : ilaurait largementpréféré renvoyercette jeune femmechezelleavecunebonneexcuse.Hélas,Rossn’aurait pas laissé tomber aussi facilement.Etd’ailleurs, est-ceque sonagentn’était pas
payépourprendredesdécisionsintelligentesetstratégiquesàsaplace?Ildevaitdoncseplieràcetteexigence,quecelaluiplaiseounon.
—Etvousvousappelez…?demanda-t-ilalors.Elleluilançaunregardaussiintensequefébrile.—Gretchen,ânonna-t-elleenfinenluitendantlamain.GretchenMcAlister.Julianluitenditlamainetellel’attrapa.Bonsang,elleétaitglacéeetsesdoigtstremblaient!Pasde
doute,cettejeuneinconnuesemblaitterrifiée…Curieux!Engénéral,ilproduisaitl’effetinversechezlesfemmes:ildevaitfairedespiedsetdesmainspourqu’elleslelâchentetessuyerlestracesderougeàlèvresqu’elleslaissaientsursesjoues.
Allez, il fallaitaidercette jeunefemmeàsedétendreunpeu.Sansquoi leur«couple»neseraitabsolumentpascrédible,etcertainementpasauxyeuxd’unepressed’embléesceptique.
Julians’effaçaalorspourlalaisserentrer.—Venez,Gretchen,dit-il.Etilrefermalaportederrièreeuxavantdedésignerunsiègedanslesalon.—Jepeuxvousoffriràboire?s’enquit-il.—Unpeud’alcoolseraitbienvenu,marmonna-t-elle.Unsourireamuséaucoindeslèvres,Juliansedirigeaversleminibar.Aprèstout,c’étaitunebonne
idéepourbriserlaglace,dumoinspourelle.Lui-mêmenebuvaitpas,maisl’hôtelavaitsûrementbienapprovisionnésasuite.Ah,ilauraittantaimépouvoirprendreunverre,luiaussi!Hélas,l’alcoolfiguraitsurlalistedesinterdictionsélaboréeparsoncoachpersonnel,aumêmetitrequelesucre,lesglucides,lesproduitslaitiers,lesagentsconservateurs,lescolorantsartificiels,lesarômes.Bref,toutcequiavaitunpeudegoût.
Devantlaprofusiondepetitesbouteilles,ilnesutquechoisir.—Venezvousservir,ceseraplussimple,déclara-t-il.Gretchen lui jeta un regard curieux puis se leva pour se diriger vers le bar où elle prit une
mignonnettedetequila.Sansperdreuneseconde,ellel’ouvritetenavalalecontenuenquelquesgorgées.Julian n’en revenait pas. Eh bien !Cette jeune femme devait vraiment être très nerveuse s’il lui
fallaitunedosedetequilapourresterdanslamêmepiècequelui!— Vous savez, je crois que ça vous ferait du bien à vous aussi, avança-t-elle. Je n’ai pas
l’impressionquecettesituationvousréjouisse.Elle lui jetaalorsun rapidecoupd’œilet jeta lapetitebouteilleà lapoubelleavantdevenir se
rasseoirsurlecanapé.— J’ai bien conscience que je ne corresponds pas aux critères des femmes avec qui vous avez
l’habitudedesortir,poursuivit-elle.M.Bentleyaexpressémentexigéunefemmeordinaire.Toutefois,jenesuissûrementpasdutypequ’ilavaiten tête.Detouteévidence, jen’ai riend’uneBridgette,cequiseraforcémentproblématique…Alorssivousvoulezquejeparte,ilvoussuffitdemeledire.Etjem’enirai.
Juliansepassaunemainsurlevisage.Décidément,iln’avaitpassulamettreàl’aise.—Pasdutout,jesuisdésolé,s’empressa-t-ilderépondreens’asseyantenfaced’elle.Seulement,
monagentm’amisaucourantdelasituationilyaquelquesminutesàpeine…Maréactionn’adoncrienàvoiravecvousouaveclescritèresquevouspenseznepasremplir.
—Sijecomprendsbien,vousn’approuvezpasleplandeM.Bentley?— Pas vraiment, répondit-il en toute sincérité. Je m’y conforme mais ce n’est pas un choix
personnel.AHollywood,ilesttrèscourantdepasseruncontratpournouerunerelationmaiscen’estpasmonstyle.Etjepréfèremerendreàuneréceptionseulplutôtqu’avecunefemmequejeneconnaispas.C’estpourcetteraisonqueRossm’aimposéunepartenaire.Seulement,maintenantquevousêteslà,jemerendscomptequejenesuispasprêt…alorsquejeseraiscensél’être.
—Moi non plus, admit-elle. Je ne sais pas si on peut vraiment être « prêt » pour ce genre derencontreorganiséepardesentremetteurs.
—Desentremetteurs?répéta-t-ilenriant.Julianneputs’empêcherdesourire.L’alcoolsemblaitavoirdéliélalanguedecettejeunefemme.— C’est une façon d’envisager les choses, enchaîna-t-il. Bienvenue dans le jeu hollywoodien,
GretchenMcAlister!Nousavonstousvendunotreâmecontre lesuccès.Etvous,qu’est-cequivousaconvaincudelaisservotrebonsensauplacardpourfinirsurmoncanapé?
A cet instant, il vit un éclair d’irritation passer dans ses yeux et elle se mit à rougir de façoncharmante.Encorequec’étaitpeut-êtrel’effetdelatequila…Tiens,ilauraitpariéquesesmainsétaientbienmoins froides.Mais il n’était pas nécessaire de trouver un prétexte pour les reprendre dans lessiennes.
—Dixmille dollars pour vous accompagner aumariage et deuxmille supplémentaires pourmerendreprésentable.
Julianétudiaalorssanouvelle«petiteamie»etfronçalessourcils:pourvuqueRossn’aitpasétégrossier au point de présenter la chose de cette façon. A vrai dire, ce dernier était en général d’unehonnêtetéassezbrutale.Certes,Gretchenn’étaitpasletypedefemmesquil’auraitnormalementattiréàL.A.maiselleavaitducharmeàrevendre.Sonteintirréprochableetseslèvrespulpeusesconstituaientautant d’atouts en sa faveur. Sans compter ses longs cils épais qu’il avait d’abord suspectés d’êtreartificielsavantdeserendreàl’évidence:ellenedevaitcertainementpasrecouriràdetellesméthodes.
Pour autant, Gretchen n’était visiblement pas repassée chez elle pour se changer en sortant dutravail:elleportaiteneffetunechemisevertkaki,unpantalonentoilebeige,uncardiganmarronetdesmocassinsblanccassé.C’étaitsansdouteunetenuetoutàfait indiquéepourunhiverdansleSudmaispasparticulièrementélégante.Celadit,cettejeunefemmeétaittrèsjolie.Elleluirappelaitsamèrequandcelle-ciétaitplusjeuneetquelavienel’avaitpasencoreusée.
Cependant, au lieu de répondre par les compliments qui s’imposaient, Julian décida de parlerd’autrechose.L’embarrasdeGretchenétaitcertes touchantmais iln’avaitnulle intentiondese laisserattendrir. Si elle était étrangère à lamachine hollywoodienne, elle pouvait cependant se servir de lui.D’ailleurs,nesetrouvait-ellepasdanssasuiteparcequ’onluiavaitremisunefortesommed’argentenéchangedesesservices?
—Vousauriezdûréclamerdavantagepourtenirlerôledemafiancée,fit-ilremarquer.Rossseraitmontéjusqu’àvingtmilledollars,j’ensuiscertain.
Ellehaussalesépaulescommesi l’argentn’avaitpasgrandeimportance.Cequiétait impossible.Personnen’auraitpasséuntelcontratsansavoirbesoindeliquidités!Lui-même,bienquemillionnaire,nerefusaitjamaisunrôlebienrémunéré.Etiltrouvaittoujoursunefaçondefairebonusagedecequ’ilgagnait.
Enoutre,Gretchenn’avait sansdoutepas accepté cet accordparcequ’elle était fande lui : ellen’avait pas du tout le regard ébloui que ses admiratrices posaient en général sur lui. S’il avait lu del’approbationdanssesyeux,ilyavaitaussiperçudelaréserve.Sansdouteseposait-elledenombreusesquestions.Ilauraitdûs’enmoquer,puisqu’ellen’allaitfairequ’uneincursionpassagèredanssavie,maisc’étaitplusfortquelui:ilavaitenviedesavoircequisetramaitsoussesjoliesbouclesbrunes.
JulianétaitarrivéàcetteconclusionquandlavoixdeGretchenleramenaàlaréalité:—Bien,maintenantquevousavezreconnuquej’avaisétébradée,pouvons-nousaborderlesdétails
quimeseraientutilesdurantceweek-endprolongé?Ilhochalatête.Elleavaitraison,autants’enteniràlalogistiquedeleurplan.—Je suis venuquelques jours avant lemariagepour passer du temps avecMurray, ce qui vous
laissera toute latitude pour faire du shopping. Le premier dîner aura lieu le mercredi, ce sera notre
premièresortieofficielleensemble.Toutefois,ondevraitpeut-êtreseretrouveravantafindes’accordersurnotre«histoire»,aucasoùonnousposeraitdesquestions.
Gretchenacquiesçapuisrépondit:— Entendu. Je demanderai à Natalie d’insérer ce rendez-vous dans l’agenda car c’est elle la
manager.D’autresrequêtes?—Commequoi?réponditJulianenfronçantlessourcils.Ellehaussalesépaules.—C’estlapremièrefoisqu’onmeconfieunetellemissionmaisjepensaisquevousaviezpeut-être
despréférencesenmatièredecouleurspourlesvêtementsoulesongles,parexemple.Autantéviterdesfautesrédhibitoiresàvosyeux.
Ehbien,ilavaitdumalàencroiresesoreilles…Jamaisunefemmeneluiavaitformuléunetelledemande.Mêmesidenombreusespersonnesl’assuraientdeleursoutienoudeleuramitié,raresétaientcellesquidemandaientcequ’ilsouhaitait réellement…Il lui fallutunebonneminutederéflexionpourtrouveruneréponse.
—J’aiuneseulerequête.—Laquelle?—Portezdeschaussuresconfortables,s’ilvousplaît.Sivoussaviezàcombienderéceptionsj’ai
dûassisterencompagniedefemmesquiseplaignaienttoutelasoiréed’avoirmalauxpiedsàcausedeleurschaussuresextravagantes!
Là-dessus, Julian jeta un coup d’œil aux mocassins de Gretchen. Qui pourraient parfaitementconvenir.
—Jenecroispasquecesoitunproblème,répondit-elle.Bien,jevaisdoncyaller.Etsurcesmots,elleselevaetluitenditunecarte.Enlasaisissant,ilserenditcomptequec’étaitsacartedevisite.Ledesignétaittrèsrecherché:on
pouvaityvoirunmotifcouleurivoire,surfondblanc.Letexteétaitécritdanslemêmetonfuchsiaquelesrosesstyliséesquiyfiguraient.
—Vous pouvezm’appeler à l’agence en journée et surmon portable le reste du temps. Si vousn’avezbesoinderien,nousnousverronssansdoutemercredi,unpeuavantlebarbecue.Natalievousleconfirmera.
JulianserraalorslamaindeGretchen.Commeelles’étaitréchauffée,ilputcettefoisenapprécierladouceur.Asoncontact, il se surprit à sentirunnœudse formerdans sagorge. Il fixaun instant lesgrands yeux noirs de la jeune femme où flotta furtivement quelque chose qui ressemblait fort à de lasurprise.Puisilrelâchasamain.
Pourtant,ilétaittroubléd’avoirréagidelasorte,inutiledelenier.—Merciduservicequevousmerendez,Gretchen,déclara-t-ilalorsenessayantdesedonnerune
contenance.Onserevoitdoncsouspeu.Celle-ci hocha la tête et se mordit la lèvre avant de regagner la sortie. Une fois seul, Julian
verrouillalaporteetrevintausalon.Quiluiparutsoudainbienvideetfroid…Aufond,cetarrangementneseraitpeut-êtrepassidésastreux.
-2-
Enfin!Gretchenvenaitd’entermineravecsaséancederelooking.Avraidire,l’expérienceavaitété plus pénible qu’amusante. Amelia lui avait réservé une journée à l’institut de beauté où l’agenceenvoyaitsesclientes.Etlesesthéticiennesavaientétéraviesdelarecevoirpourunejournéecomplètedesoins.
A vrai dire, elle s’attendait à ce qu’on lui propose de rafraîchir sa coupe ou de lui faire unemanucure.Maiselleétaitloind’imaginerquesapetitepersonnenécessiteraittantdetravail…
Caron luicoupait lescheveuxavantde leséclairciretde les lisserpourqu’ils formentuncarrégonflémaisbienlisse.Unefoissapeaugommée,tonifiéeethydratée,onl’enroulacommeunemomieafindepurifiersonépiderme.Aprèsquoi,onpulvérisasurtoutsoncorpsunebonnecouched’autobronzantpourluidonnermeilleuremine.Onsoignamêmesespiedsavantdepeindresesonglesenrose.
Parchance,ellen’avaitpasunegosurdimensionné.Sansquoi,ilauraitétéanéanti!Carl’opérationduraaumoinsseptheuresmaiscelafaisaitpartiedesamission,aprèstout.
A présent, Gretchen se trouvait dans la « pièce de relaxation », enveloppée dans un peignoirdouillet.Cettefois,quandlaportes’ouvrit,cefutAmeliaquiapparut—etnonuneénièmehôtesseprêteàl’emmenerdansuneautrepièceafindeluiadministrerunnouveautraitement!
Si cette journéene l’avaitpaséreintée, elle se serait levéed’unbondet aurait frappée sonamieavecsoncoussin.Ducoup,ellesecontentadesirotersoneauminéraleinfuséeauconcombretoutenlafixant.
—Cequetuasl’airdétendue!lançaAmelia.—Détendue?rétorquaGretchen.Enapparence,sansdoute.Encorequ’aprèsseptheuresderituels
debeauté, lecontraireseraitétonnant.LanouvellepetiteamiedeJulianCooperauraaumoinslaminereposée.
—Allons,jet’assure,tuessuperbe!Gretchenfitlamoue.Sonapparences’étaitsansdouteunpeuamélioréeaprèscetteremiseenforme
complète.Delààcequ’onlajuge«superbe»…—Quelleépreuve,entoutcas!s’exclama-t-elledansunsoupir.Sic’estcequelesfemmesendurent
régulièrementàHollywood,jepréfèrevivreàNashville.—Bah, ce n’était pas si terrible ! la gronda gentimentAmelia. J’ai reçu exactement lesmêmes
traitementsquetoi,aujourd’hui.Maisc’estmaintenantqueleschosesamusantesvontcommencer.—Ah,parcequ’onvaenfinserestaurerunpeu?Ameliaposalamainsursonventrearrondi,l’airsongeur.—Non,parcequ’onvafaireunpeudeshopping.Ilsétaientcenséstefournirdequoidéjeuner.Tu
nel’aspaseu?
—Si.Enfin,moi,jen’appellepasçadéjeuner…Etpourcause: lasaladeverteà lavinaigrettecitronnéeetcesquelquesfruitsrougesenguisede
dessertn’avaientpasréellementcomblésonappétit.—Situprometsdenepasfairedecapricespendantleshopping,jet’inviteàdîneraprès.—C’est gentilmais je prendrai surmon « enveloppe », car je veux pouvoirme rassasier sans
scrupule.Amelialuisourit.—Commetuvoudras.Habille-toietonfile!Onachèteraaussidumaquillage.—Dumaquillage?Maispourquoi?J’enaidéjà.Gretchen se rendit alors compte qu’elle commençait déjà à se plaindre. Alorsmême qu’Amelia
venaitdelamettreengarde.Mince…—Jen’endoutepas,repritsonamie.Seulement,avantdesortird’ici,onvatemaquiller.Ilfaudra
ensuitequel’onachètelestonalitéschoisiespardesprofessionnelles.Ehbiensoit…Unefoisdanslevestiaire,Gretchenremitsesvêtementshabituelstoutenpensantàl’Italie.Oui,cela
valaitlapeinedefairequelquesefforts.Allez,magrande,imagine-toiàlachapelleSixtine.Ellecontinuaàserépétercettephrasependantqu’onlamaquillait.Maisaussiàmesurequ’Amelia jetaitdesvêtementspar-dessus laportedesacabined’essayage,
unedemi-heureplustard.Avraidire,Gretchennesuivaitpasvraimentlamode.Elles’achetaitdeshabitsconfortables,bon
marché,etquimasquaientsesformes.Pourtant, ce jour-là, quand elle se regarda dans la glace, elle éprouva une certaine satisfaction.
Certes,elleétaittoujoursGretchen,ellesereconnaissait,maiselleavaitaussil’impressiondevoiruneversion bien plus flatteuse d’elle-même.Ces longues heures dans le salon de beauté avaient vraimentaffinésonteintetlemaquillagemettaitsestraitsenvaleur.Etmêmesiellenevoulaitpasl’avouertoutdesuiteàAmelia,lesvêtementsquecelle-ciavaitchoisisluiplaisaienténormément.
Oui,c’étaitunetransformationsurprenante.Onétaitbienloindel’apparencequ’elleavaitencoreendébut de matinée, au réveil… Elle soupçonnait toutefois ce grand magasin d’utiliser des miroirsdéformantspourquesesclientessecroientplusélancéesqu’ellesnel’étaientenréalité.
Gretchenentenditalorslavoixd’Ameliarésonnerdel’autrecôtédelaporte.—Allez,dépêche-toiunpeu,jeveuxtevoir.Jetepréviens,situn’ouvrespas,j’entre!Acontrecœur,Gretchenfinitparsortirdansunetenuedécontractée:jeantrèsmoulant,topencoton
blancetvesteencuir.Letoutluiplaisait.Maislenombredechiffressurl’étiquette,unpeumoins.— Je n’ai que deuxmille dollars,Amelia, fit-elle remarquer. Je ne sais pas combien on a déjà
dépenséaucentredebeautémaisjesuissûrequejenepeuxpasmepermettred’acheterunevesteencuiràtroiscentsdollars.
Ameliafronçalessourcilsavantderépondre:—J’aiuncompte,ici.Ilsm’envoienttoujoursdescentainesdecouponsderéduction.Nousavons
assezd’argent,jet’assure.Ettuasbesoindecetteveste.—Jeterappellequejevaisàunmariage.Nevaut-ilpasmieuxquejem’achèteunejolierobe?—Si,maisn’oubliepasquetunevaspasjusteassisteraurepasdemariage: il tefautdoncdes
tenuesdécontractées,d’autresunpeupluschicsetdesvêtementsentrelesdeux,aucasoùtudevraisalleràl’enterrementdeviedejeunefilledelafuturemariéeoudansunsalondethé.Enoutre,jeterappellequetuvasgarderceshabitsaprèslemariage.Alorsautantchoisirdebonnespiècespourtagarde-robe.Bref,cettetenuetevatrèsbien.Onlaprend.
—C’estunpeumoulant,non?gémitGretchenentirantsurleT-shirt.Jesuistropgrossepourporterdestrucssicollants.
Ameliasoupiraetrouladesyeuxavantderétorquer:—Désoléemais tuparaisbienplusgrossedansdesvêtementsdeuxfois tropgrands.Moi-même,
j’aiessayépendantdesannéesdecachermapoitrinesousdessweat-shirtsquinecorrespondaientpasàma taille. Seulement, ça ne trompait personne. Par conséquent, si tu as des avantages, montre-les. Etchoisisdeshabitsbienajustéspourmettretesformesenvaleur.
Sansmotdire,Gretchenrentradanslacabine:ilétaitparfaitementinutiledediscuteravecAmelia.Elleretiradoncsesvêtementspourenpasserd’autres.Elleenavaitdéjàessayéaumoinsdouze,etilenrestaitencore!Finalement,ellesoptèrentd’uncommunaccordpourunerobelégère,uneautreenlaineavecdescollantsassortis,unerobedesoiréevioletteetunedeuxièmesansmanchesnibretelles,ensoie,quisemblaitpeinteavecdevraispastels.Elleluiplaisaitparticulièrementpoursoncôtéesthétique.Maisluiallait-ellevraiment?Sansdoutepas.Seigneur,pourvuqu’ellenefassepashonteàJulianCooper!
Enfin…Ce n’étaient pas quelques vêtements,mêmehors de prix, qui allaient rendre leur couplecrédible.Defait,Julianétaitvraimentleplusbeaudeshommesqu’elleaitjamaisvus.Lesfilmsneluirendaient pas justice. Il avait des yeux d’un beau bleu turquoise étincelant, rehaussés par d’épais cilsbruns.Quantàsachevelurechâtaineetsavammentdésordonnée,avecsesrefletscuivrésetchatoyants,elle captait admirablement bien la lumière. Il avait également une barbe de trois jours soigneusementétudiéeetunepeaumerveilleusementbronzée.Parailleurs,quandons’approchaitde lui,onpercevaitinstantanémentleparfumdélicatauxnoteschaudesetépicéesquiémanaitdesapersonne.Uneodeurtoutàfaitenivrante.
Sans parler de son corps… Avec cette large carrure, ces hanches étroites… Julian portait unechemiseetun jean lorsde leurpremière rencontreetpourtant, cette tenue toute simpleavait suffi à lafairefantasmer.
Oui, dès l’instant où il avait ouvert la porte,Gretchen avait eu l’impression de ne plus pouvoiraligner deux mots : un élan de désir l’avait tout de suite submergée tandis qu’elle s’était sentieaffreusement rougir.Heureusementqu’elleportait des talonsplats, ce jour-là, et pasdes escarpins carelleavaitvacilléenlevoyantapparaître.
Carenfin,sionyréfléchissaitunpeu,Julianétaitunevedettedecinéma!Unesuperstardugrandécranqui incarnait toujoursdespersonnageshyper-virils.Enun sens, est-cequecen’était pasunpeucommes’ilvenaitd’uneautreplanète?Uneplanètepeupléedegens terriblementbeaux.En revanche,mêmesielleétaitplutôtjoliedanscesvêtementsneufsquiavaientcoûtéunefortune,mêmesielleavaitétémaquilléepardesmainsexpertes,ellen’enrestaitpasmoinspoteléeetferait toujourstache!Non,ellen’auraitjamaissaplaceauprèsdelui.
Avraidire,lagentmasculineavaittoujoursreprésentéunmystèreàsesyeux.Endépitdesannéespasséesàobserversessœursetleurspetitsamis,ellen’avaitjamaissucommentsecomporteraveclesexeopposé.Sonmanquedeconfianceenellesemblaittenirleshommesàdistance.Lorsdesfêtesparexemple,elleétaitincapabledeflirteraveceuxoudepercevoir,quandilsluiadressaientlaparole,s’ilsenpinçaientpourelleoubiens’ilssouhaitaienttoutsimplementdiscuter.
Gretchenretintunsoupir.Asonâge,laplupartdesfemmesavaientconnuaumoinsdeuxpartenaires,ellesétaientmariéesetmèresdefamille…Alorsqu’ellenes’étaitjamaisdéshabilléedevantunhomme.Lorsdesraresoccasionsoùquelqu’uns’étaitintéresséàelle,touts’étaitdélitéavantqu’ilsn’arriventàce stade.Avec le temps, la situation s’était répétée, cequi la rendait encoreplusnerveuseetd’autantmoinssûred’elle.
Dèsqu’ellesetrouvaitenprésenced’unhomme,ellesesentaitmalàl’aise.Etsicedernierétaitséduisant, c’était encore pire. En l’occurrence, il avait suffi que Julian lui sourie, pour qu’elle soitcomplètementdéboussolée.Cequinepromettaitriendebonpourlasemaineàvenir:puisqu’ellen’étaitmêmepascapabledesetrouverunhomme«normal»,quiallaitcroirequ’unegourdecommeelleavaitattirél’attentiondeJulian?
Uneheureplustard,GretchenetAmeliarapportèrentlessacsàlavoiturepuissedécidèrentpourunrestaurantsituéàquelqueskilomètresdelagaleriemarchanded’oùellessortaient,nonloinduterraindegolf.
— Je suis vraiment contente qu’on ait pu passer une journée entre filles, déclara Amelia alorsqu’elles entraient dans le restaurant. Tyler est reparti pourAnvers et jem’ennuie sans lui, dans notregrandemaison.
Gretchenhochala tête.Lemarid’Amelia,Tyler,étaitnégociantenbijouxetpierresprécieusesetvoyageait régulièrement. L’agence employait quelqu’un pour seconder de temps à autre Amelia encuisine.De cettemanière, elle pouvait parfois suivre sonmari lors de ses pérégrinations à travers lemonde.Seulement,plussagrossesseavançait,moinselleavaitenvied’effectuerde longsvols,sibienqu’ellerestaitsouventseuledanssagigantesquedemeuredeBelleMeade.
— Dans quelques mois, une petite fille te tiendra compagnie et tu ne souffriras plus jamais desolitude,répondit-elle.
—Exact.Etj’aid’ailleursbesoindetesconseilspourluitrouverunprénom.LespropositionsdeTylersonttoutsimplementatroces.
Amelia s’approcha alors d’une serveuse pour lui demander une table. C’est là qu’une voixmasculineretentitderrièreelles.
—Bonsoir,mesdemoiselles!Niune,nideux,Gretchenseretourna…etseretrouvanezànezavecMurrayEvansetJulian.Mais
avantmêmed’avoirletempsd’ouvrirlabouche,ellevitcelui-cis’avancerversellepourlaprendredansses bras. Dans la foulée, il lui adressa un sourire chaleureux. C’était presque unmiracle, après leurpremièrerencontrepeuréussiedanssasuite!Etpourtant,ilétaitbienentraindelaserrerdanssesbrasvigoureuxetcontresontorsemusclé!
Elle se raidit, en attendant que ça passe,mais il semblait peu pressé de la relâcher. Et quand ils’écartad’elle,cefutpourpresserses lèvrescontre lessiennes!Unfrissondedésir laparcourut toutentière… Julian Cooper était en train de l’embrasser.De l’embrasser ! En public qui plus est. Ellen’arrivaitmêmepasàappréciercemomenttantelleétaittétanisée!
—Ilvafalloirqu’ontravailleça,luimurmura-t-ilàl’oreilleavantdeseredresser.Aprèsquoi,JulianenlaçaGretchenparlesépaulesetsetournaversAmelia,unsourireaussilarge
quecharmeurauxlèvres.—Quellechancedetombersurvouscesoir!s’exclama-t-il.Lehasardestavecnous.Çanevous
gênepasqueMurrayetmoi,nousnousjoignionsàvouspourdîner?
***
Julianregardalajolierousseluiadresserunsourireaussiétincelantquelesien.—Non,pasdutout!réponditcelle-ci.Gretchenm’avaitditquevousseriezenvilleaujourd’hui,
maisnousnenousattendionspasàvousrencontrerici,poursuivit-elle.Unelueuramuséebrilladanssesyeux:c’étaitvisiblementunefemmeastucieuse.Maisàlavuede
sonventrearrondietdelapierreprécieusequ’elleportaitaudoigt,ilcompritpourquoicen’étaitpasellequiavaitétéchoisiepourlerôledesafaussepetiteamie.
—Danscecas…,dit-il.Là-dessus, Julian se tourna vers la serveuse pour qu’elle leur trouve finalement une table pour
quatre,sansprêterattentionàl’expressionsurprisedel’intéressée.Ilétaithabituéàdéclenchercegenrede réactionsquand il s’efforçaitdes’immergerdans lavie réelle,endehorsdeHollywood.Cequi lecontraria, en revanche, ce fut de la voir froncer les sourcils quand son regard se posa sur Gretchen.
D’instinct, il attira alors cette dernière un peu plus près de lui et planta un baiser sur ses mèchessoyeuses,àlanaissancedesonfront.
—Quefaites-vousdebeauauFranklin’stouslesdeux?finitpardemanderGretchen.—Nousétionsjusteàcôté,puisquenoussommesallésjoueraugolf,réponditMurray.Depuisque
jevisàBrentwood,jepréfèrevenirici,àForrestHills,caronrisquemoinsdecroiserdespaparazzis.L’instantd’après, l’employéedurestaurant leur fit signede lasuivreet lesconduisitdansunbox
d’angle,aufonddu lasalle.Gretchenseglissad’uncôtéetJulians’assitsur lamêmebanquetteavantqu’elleaitletempsdeprotester.Ellen’étaitpeut-êtrepasprêtepsychologiquementpourjouersapetiteamiemais,commeilssetrouvaientdansunlieupublic,ilsn’avaientguèrelechoix.Iln’avaitpasencorerepérédephotographes.Toutefois,l’undeceuxquilepistaientnuitetjourn’allaitpastarderàsurgirdenullepart.Laserveusepouvaitaussipasseruncoupdefilaujournallocalcontreunpetitpourboire.Entoutcas, sion lesvoyaitensemble,Gretchenet lui, ilsdevraientdonner l’imaged’uncouplecrédible.L’essentielétaitlà.
Letempsdelaisserunserveurleurdemandercequ’ilscomptaientboire,Julianlança:—Etvous,lesfilles,qu’avez-vousfait,aujourd’hui?— C’était une journée relooking, expliqua Gretchen. Au fait, Julian, voici Amelia Dixon, elle
s’occupedelapréparationdesbuffetsàFromThisMoment.C’estaussiunepassionnéedemodequim’aétéd’ungrandsecoursausalondebeautéetdanslesboutiques.
Julianserra lamaind’Ameliamais il luiétaitdifficilededétourner lesyeuxdeGretchen…Elleétait trèsdifférentede la femmequ’il avait rencontréedanssa suite, laveille.D’ailleurs, ilne l’avaitmêmepasreconnuelorsqu’ilétaitentrédanslerestaurant.IlavaitfalluqueMurrayluidonneuncoupdecoude et précise qu’il s’agissait des deux femmesde l’agencedemariage.A cemoment seulement, ils’étaitrenducomptequec’étaitGretchen.Lechangementétaitsubtilmaislerésultatétaitbluffant.Elleétaitéblouissante,radieuse.Sachevelurelisséeyétaitpourbeaucoup:ellesoulignaitlaformedoucedesonvisage.
—Ehbien,elleafaitunexcellentjob,s’exclama-t-il.Vousêtessplendide,Gretchen.JulianvitalorsGretchenl’observeraveccirconspection,commesiellenecroyaitpasunmotdece
qu’il disait. La première fois aussi, elle l’avait regardé de cette façon : c’était de toute évidence unefemme extrêmement méfiante. Il lui sourit pour qu’elle se détende, mais cela la fit rougir des jouesjusqu’audécolleté.Etsansdouteplusbasencore.Seulement,ilnepouvaitpasvérifier.C’étaitcharmant!Luiquiavaitpassétellementdetempsencompagniedepetitespimbêchestropconscientesdeleurbeautépourêtreémuesparlescompliments…Tantdefraîcheurfaisaitvraimentplaisiràvoir!
Après leurbrèveentrevue tenduedanssa suite, il avaitaffirméàRossqueçanepourrait jamaismarcher. Finalement, il s’était peut-être trompé. Gretchen et lui avaient juste besoin de gérer cettenervositéafinqu’ellesecomportedefaçonplusspontanéeaveclui.Pourl’heure,elleétaitraidecommelajusticequandillatenaitdanssesbras.Cependant,s’ilss’exerçaientunpeu,celadevraits’améliorer.Leur rencontre de ce soir était probablement fortuite, mais il était préférable qu’ils accordent leursviolonsmaintenantplutôtquependantlaréceptionofficielle!
Aucoursdelasoirée,Julianserenditcomptequ’ilsuivaitàgrand-peinecequisedisaitàsatabletandis que Murray, qui avait rencontré les deux femmes à plusieurs reprises en vue du mariageextraordinaire qu’il entendait donner, était de toute évidence en terrain familier. Autant se rendre àl’évidence:ilneconnaissaitabsolumentriensurGretchen,Rossneluiayantmêmepasindiquésonnomavant leur premier rendez-vous. Sans compter que leur conversation n’avait pas été extraordinaire.L’ennui,c’étaitqu’ilsnedevraientpasjusteposerpourquelquesphotospendantleweek-endmaisavoirl’air d’un vrai couple. Voilà pourquoi ils devaient en apprendre davantage l’un sur l’autre pour êtrecrédibles.
Heureusement,Murray—quiétaitdésormaisaucourantdecettepetitemiseenscène—vintàsonsecoursenlançant:
—Gretchen, il faut que je vous félicite pour les invitations que vous avez préparées.Elles sontabsolumentsplendides!
Pourlapremièrefois,unlargesourireéclairalevisagedelajeunefemme.—Mercibeaucoup.J’aieubeaucoupdeplaisiràlesfabriquer.C’esttellementstimulantd’essayer
d’exprimersurunsimplemorceaudecartonlapersonnalitédescouplesquifontappelànous.—Ellescorrespondentexactementàcequenousrecherchions,approuvaMurray.—Ellessonttrèsbelles,eneffet,renchéritJulian.Jen’aijamaisrienvudetel.Etc’étaitsincère.Entoutcas,voirGretchenparleravecpassiondesonmétierétaitunvraiplaisir!
Direqu’elleavaiteul’airdenepasoserprononcerunmot,toutàl’heure!Toutd’uncoup,ellesemblaitmétamorphosée.
—C’esttrèsgentilàvous.Maistusais,jemechargeégalementdeladécorationetjetravailleencollaborationaveclesfleuristessurlethèmefloralquiconvientlemieuxàlacérémonieetàlaréception.Enfait,jesuisunesortedetouche-à-tout.Lejourdumariage,jepeuxrecoudreenurgencelarobed’unedemoiselledecompagnie,partiràlarecherched’unfuturmariéindiscipliné,ouencoreaiderAmeliaencuisine…
—Oubienendosserlerôledelapetiteamiedutémoin,complétaJulianenriant.—Apparemment,admit-elleensoupirant.J’étaislaseulequipouvaitlefaire.—Comment ? se récria-t-il.Vous voulez dire que vous ne vous êtes pas battues pour passer du
tempsavecmoi?Jenesaispassijedoism’ensentirflattéouoffensé.Gretchenhaussalesépaulesetluiadressaunsourireencoinmoqueur.—C’esttoutdemêmemieuxquederecoudreunerobedéchirée,non?insista-t-il.Macompagnie
n’estpasdésagréable,dumoinsjel’espère.Jesuisdrôle,n’est-cepasMurray?— Absolument. Je peux vous garantir que vous allez bien vous amuser, Gretchen, avec Julian.
Evitezjustedelefaireparlerdesesfilmscarildevientinsupportable.—Ahbon?Etpourquoi?Qu’est-cequ’ilsontdoncmesfilms?demanda-t-ilavecunbrind’ironie
danslavoix.De fait, il savaitmieux que personne que tous les films qu’il avait tournés ces dernières années
étaientdesblockbusterssansgrandintérêt.Ilavaitcommencésacarrièreàl’universitéduKentucky,dansunepiècedethéâtrefortappréciée,
aprèsavoirfaitsespreuvesaulycéedanslerôle-titred’unecomédiemusicale.Ilprojetaitdepoursuivreses études tout en continuant à jouer. Parce qu’il aimait le théâtre et le contact de la scène, toutsimplement.Etunbeaujour,savies’étaiteffondréeetilavaitdûarrêtersesétudes.Ledésespoirl’avaitpousséàfairedescastingspourdespublicitéset,parunincroyablecoupdechance,ilavaitfinioùilsetrouvaitmaintenant.Oh ! ce n’était pas la carrière créative et satisfaisante dont il avait rêvé dans sajeunesse,loindelà,maisleschèquesqu’ilrecevaitcompensaientcettedéception,enunsens.
Quelquesminutes plus tard, ils étaient plongés dans une vive discussion concernant l’intrigue deBombsofFuryquand leursplatsarrivèrent. Ilsévoquèrentdessujetsvariés.Audépart,Gretchenétaitplutôtréservée,maislefaitd’avoirévoquésontravailàl’agencel’avaitaidéeàs’animer.
Oui,Julianpassaitvraimentunebonnesoirée.Dommagequesonrégimel’empêchedegoûteràladélicieusecuisineduSud!
Après le dîner,Murray et lui raccompagnèrent les filles jusqu’au SUV d’Amelia. Il s’empressad’ouvrirlaportièrecôtépassageràGretchen.
—J’aipasséuneexcellentesoirée,luidit-ilensepenchantverselle.—Moiaussi,dit-elled’untonnerveux.C’étaituneagréablesurprisedevouscroiser,touslesdeux.—Onserevoitdoncdemainaprès-midi,avantlaréceptiondebienvenuechezMurray?
Ceseraitlapremièrefoisqu’ilss’afficheraientenpublicentantquecoupleofficiel.—Onfaitcommeça.Bonnenuit.—Bonnenuit.D’instinct,Julianvoulutluidonnerunbaisermaisellel’arrêtaenposantlamainsursontorse.—Voussavez,personnenenousregardeactuellement,inutiledem’embrasser.—Si j’ai appris une chose depuis que je vis àL.A., répondit-il avec un sourire, c’est qu’il y a
toujoursunintrustapidansuncoinpourvousobserver.Etquandbienmêmeceneseraitpaslecas,jedoismalgrétoutvousembrasser.
—Pourquoi?Gretchen le considéra d’un air paniqué, les sourcils froncés. Julian se sentit frémir. Elle était si
adorableavecsaboucheboudeusequibrillaitlégèrementsousunetouchedegloss…Allons,cesoir,ildevaitseconcentrersurlefaitdedonnerlechangeàunéventuelespion,passurcegenrededétails.
—Jevaisvousembrassercarvousavezbesoindevousentraîner.Chaquefoisquejevoustouche,vousvousraidissez.Ilfautquevousvousrelaxiez!Etjevousembrasseraiautantdefoisquenécessairepourquevoussoyezplusdécontractée.
Cequi,àtitrepersonnel,neledérangeaitpasdutout.Ilavaiteudesmissionsplusdifficiles.Aumêmemoment,Gretchensemorditlalèvre.—Jesuisdésolée,jen’aipasl’habitudequ’onmetouche.Acetinstant,Juliandétachadesontorselesmainsqu’elletenaittoujoursposéespourempêcherun
contactplusintimeentreeux.Oh!iln’yavaitriend’étonnantàcequecettesituationlamettemalàl’aise.Ceseraitdoncàluidel’aideràdépassersesréticences.
—Cen’estpassidifficilequeça,prenezvotrerespiration,tournezlatêteversmoietfermezlesyeux.
Elles’exécutasanssourciller.Ilputalorsposerleslèvrescontrelessiennes…Ilavaitl’intentiond’êtrebref,conscientqu’illeurfaudraituncertaintempsavantdemettreaupointunbaiserconvaincant.Mais,dèsqu’ileffleurasabouche,iln’eutplusenviedes’écarterd’elle!
Gretchenavaitlegoûtdescerises.Seslèvresétaientdouces,bienqu’hésitantes…Ilsentitunfrissonluiparcourirlesreins.Aquoibonsementir?Ilfuttentédel’enlacerétroitementcontrelui,deserrersoncorpssouplecontrelesien…Maisiloptapourlasagesseetposalamainsursonbras.
Immédiatement,ellesetenditet,enuninstant,lamagiefutrompue.Alorsilseredressaetbaissalesyeuxverselle:elleavaittoujourslespaupièresfermées.
—C’étaitmieuxqueladernièrefois,observa-t-il.Gretchenclignalespaupièreset,lesjouescramoisies,posasurluiunregardvide.—Lapratiquepermetdes’améliorer,jesuppose,déclara-t-elle.Julianpoussaunpetitrire:oui,c’étaitindéniable.—Ademain,donc.Etn’oubliezpasvotrerougeàlèvres.—Pourquoi?demanda-t-elleenfronçantlessourcils.Ilsentitungrandsourireluimonterauxlèvresetreculad’unpas,tandisqueMurrayl’attendait.—Parcequeceseraencoreplusbeaudevousembrasser.
-3-
Lelendemain,lorsqu’elleregagnalasuitedeJulian,Gretchenétaitmoinsnerveusequelorsdesapremièrevisitemaiselleavaitmalgrétoutl’estomacnoué.C’étaitsansdouteàcausedecebaiserdelaveille.Avantlui,seulsquatrehommesl’avaientembrasséeetaucunn’étaitunestardecinéma.
Ellen’avaitpaspufermerl’œildelanuit,hantéeparl’idéequ’ilallaitposerànouveausurelleseslèvressensuelles…Etcetteperspective,chaquefoisqu’ellel’envisageait,nemanquaitpasdeluidonnerdes frissons, aussitôt suivis par une affreuse sensation de peur qui venait se loger au creux de sonestomac.
Detoutefaçon,ellenepouvaitrienfaireetdevraitforcémentsurvivre:aprèstout,ils’agissaitjustedequatrejours,ellen’enmourraitpas.
Gretchen venait de frapper à la porte de son hôtel et attendait, anxieuse, dans sa robe à motifscolorésquandJulianpassalatêtedansl’embrasuredelaporte,lescheveuxencoremouillés.
— Salut, Gretchen. Je suis désolé d’être en retard, mais j’ai dû prendre une douche aprèsmonfooting.Entrez.Jefinisdem’habiller.
Etilreculapourluiouvrirengrand.Quandellepénétradanslasuite,elleserenditcomptequ’ilcachaitenréalitésontorsenuderrière
la porte.Des gouttes ruisselaient encore sur son torse et seule une serviette nouée autour de sa taille,visiblementàlahâte,protégeaitsapudeur.
Cespectacleétaitsi inattenduqu’ellenesutquedire. Impossibledenepasregarderfixement lesmusclesvigoureuxdeJulian,sapeaubronzéequ’elleavaitpourtantdéjàvuedanslesbandesannoncesaucinéma et sur les panneaux publicitaires. Seigneur, il avait un corps tellement parfait qu’il semblaitretouchésousPhotoshop.Biensûr,sielleavaittendulamainpourletoucher,elleauraitpuenjugerparelle-même…
—Gretchen?Celle-cirelevabrusquementlatêteettombasursonregardamusé.Unsouriremalicieuxflottaitpar
ailleurssurseslèvres.D’uncoup,ellesentitlefeuluimonterauxjoues:ilvenaitdelasurprendreenflagrantdélitd’inspectiondétailléedesapersonne!
—Oui?parvint-elleàbafouiller.—Asseyez-vous,jen’enaipaspourlongtemps.—Euh…Entendu.Enlui tournantdélibérément ledos,Gretchenseprécipitavers lecanapé.Ouf,elleallaitpouvoir
échapperàlavuedececorpsnuetmouillé.EllepoussaunprofondsoupirdesoulagementquandelleentenditlaportedelachambredeJulian
se refermer… Elle enfouit aussitôt son visage dans ses mains. Tout son être chancelait. Elle n’était
vraimentpaslabonnepersonnepouraccomplircegenredemissions!—Désolé,dit-ilenrevenantquelquesinstantsplustard.Julianportaitunpantalongrisanthraciteetunechemised’unbleusoutenuquirehaussaitl’éclatde
sonregardazur.—Jenevoulaispasvousfairepatienterdanslehall.J’espèrequejenevousaipaschoquée.— Pas du tout, affirma-t-elle d’un ton qui se voulait détaché. Ce n’était pas comme si vous ne
paradiezjamaisàdemi-nudansvosfilms.Ilsemitàrireets’assitàcôtéd’elle.— Effectivement… J’ai abandonné la plus grande partie de ma pudeur il y a quelques années,
concéda-t-il.Unefoisquevousaveztournéunescènedesexeentouréd’unetrentainedepersonnes,puisque troismillionsdepersonnes l’ontvuesurgrandécran,vousn’avezplusàvous inquiéterdegrand-chose.
—Vousaveztournébeaucoupdescènesdesexe?s’enquit-elle.Gretchenneputs’empêcherdefrissonner.Commeceladevaitêtreembarrassant!Entoutcas,c’était
inimaginablepourunepersonnecommeellequin’avaitjamaiseulecouragedesedéshabillerdevantunhomme!
—Ilyenaengénéraluneparfilm,expliqua-t-il.Jesauvepresquetoujoursl’actriceprincipaledesmainsduméchantetellemeremercieensedonnantàmoi. Jesais,c’estunclichéassezstupideetonpourraitcroirequelesréalisateursfinissentparselasser,toutcommelesspectateurs,maisapparemment,jesuistrèsbeauetcettescèneesttoujoursfortattendue.
—Jesuiscertainequevousfaitesfantasmerdenombreusesfemmesdanslavieréelle,aussi.Vousêtesen…excellenteforme.
Julianeutalorsunsouriredeséducteurpatentéquirévélasesdentsd’uneblancheurimmaculée.—Merciducompliment.Jetravailledurpourl’entretenir,voussavez.—Ahbon,vraiment?Maisquefaites-vous?—Sivoussaviez!Jedoism’entraînerdefaçonsoutenuequatrejoursparsemaineeteffectuerun
footingdequinzekilomètrestouslestroisjours.J’aidûrenonceràtousmesvicesetmonentraîneurnem’autoriseàmangerquedesprotéinesmaigres,deslégumesetquelquesfruits.
Gretchen écarquilla les yeux au fur et àmesure de ce récit absolument édifiant.Quelle horreur !Juliann’avaitdroitniauxpizzas,niaupain,niauxcookies…Ilétaitbeau,çaoui,maisàquelprix!
—Detouteévidence,jenepourraisconsentiràdetelssacrifices.—Laplupartdesgensensontincapablesmaismoi,jegagnemaviegrâceàmesmuscles.Cen’était
pas vraiment ce que j’avais prévu enm’installant en Californie. Toutefois, c’est ce qui amarché. Etpourtant,ilyaencoredesjoursoùjetueraispourunebouchéedecookieauchocolat.Justeune.
Comme c’était triste ! Evidemment, elle-même n’était pas l’incarnation de la modération en lamatière,maisildevaitbienyavoirunjustemilieu,toutdemême.
—J’endéduisdoncquevousnegoûterezpasaugâteaudemariage.C’estvraimentdommagecarAmeliaestuneremarquablepâtissière.
Julianplissalesyeux.—Eh bien, voyez-vous, je ferai peut-être une exception pour ce fabuleux dessert.Une bouchée,
voiredeux,soyonsfous!Jevouslaisseraimedonneràlapetitecuillèreunpeudevotrepart.Gretchen faillit rougir. Difficile pour elle d’imaginer une scène aussi intime alors qu’ils se
connaissaientàpeine:ellenesavaitpratiquementriendeluiàpartqu’ilétaitinaccessiblepourunefillecommeelle.
—Jedoisvousfaireunaveu,dit-ellesuruneimpulsionavantdes’enmordrelalangue.Julianhaussalessourcils,l’aircurieux.—Dequois’agit-il?
—Commevousl’avez,jeprésume,devinéetdéploré,jenesuispasdouéepourcegenredechoses.Je ne suis pas sortie avec beaucoup d’hommes, donc cette situationm’est complètement étrangère. Etj’ignoresi,mêmeenm’entraînant,jeseraiàlahauteur.
Gretchens’interrompitetattenditensilencequ’ilmetteuntermeàsatorture,ainsiqu’àleurcontrat.S’ils se dépêchaient, peut-être trouveraient-ils une solution de rechange avant le dîner de bienvenue :touteautrefemmeferaitmieuxl’affairequ’elle.
Pourtant,àsagrandesurprise,ellel’entenditrépondreavecunsouriredésarmant:— Je pense au contraire que c’est charmant. Et rafraîchissant puisque la plupart de mes
connaissancesfémininesmaîtrisentl’artdeflirterdepuislamaternelle.Nesoyezpasinquiète: jevousapprendraicequ’ilestindispensabledeconnaître.
—Commentpourriez-vousm’enseignercequejen’aipassumaîtriserdepuisvingt-neufans?Juliansepenchaalorsverselleetplongeasesyeuxbleuvifdanslessiens.—Ilsetrouvequejesuisacteur,déclara-t-ilsurletondelaconfidencefeinte.Jem’yconnaisenla
matièreetjepourraivousapprendrequelquesastucesquivouspermettrontdevousensortir.Gretchenécarquillalesyeux.Desastuces?Commentquelquesexercicesd’entraînementpourraient-
ils l’aider à surmonter le blocage que quinze années de timidité avec le sexe opposé avaient créé enelle?
—C’est-à-dire?demanda-t-elled’untonméfiant.—Vous pouvez par exemple vous repasser la scène dans la tête.Mais pour commencer, arrêtez
d’êtreobsédéeparmonstatutdestar,carçanevousaidepasàvousdétendre.Jeveuxquevousvousreprésentiezlesjoursquiviennentcommeunjeu:nousytenonslesrôlesprincipaux,jenesuispaspluscélèbrequevous,noussommeségaux.
—L’idéeestintéressante,mais…Julianlevalamain.—Non,pasde«mais»,l’interrompit-il.Noussommesdesacteurs.Vousêtesunebelleactricequi
joue le rôledemapetite amie.Votreplace est àmes côtés et vousn’avez aucunproblèmede contactphysiqueavecmoi.Voilà,c’estainsiqueçavafonctionner.
Gretchensoupira : il lui faudraitbienplusd’une leçonpours’enconvaincre.Commentallait-ellefaire?
—Non,jenepeuxpasteniruntelrôle,protesta-t-elle.—Etpourquoipas?répliqua-t-il,lessourcilsfroncés.Ilétaitvisiblementagacéparsonentêtementàlecontredire.—Pourêtreune«belleactrice»,encore faut-ilêtrebelle.Apartirdecemoment-là,onpeutse
penchersurlestalentsd’interprétation.Julianplissa lesyeuxet la façondont il la scruta lamitextrêmementmalà l’aise.Tous lesdeux
savaientpertinemmentqu’ellen’auraiteuaucunechanceàHollywood,ilétaitdoncinutilequ’ill’observeaussiattentivement.Celaneservaitqu’àattirersonattentionsursesdéfauts.
Soudain,Julianluisaisitlamain.—Saviez-vousqueBridgetten’estpasunevraieblonde?Qu’elleportedesextensionspour ses
cheveux?Quesapoitrineaétérefaiteetsonnezégalement?Toutenelleestfaux!—Etpourtantelleesttrèsbelle,complétaGretchen.S’ildisaitvrai,Bridgette investissaitsavammentsonargentpourservirsacarrière.D’ailleurs,si
elle aussi avait disposé de quelques milliers de dollars, elle aurait sans doute pu améliorer certainsaspectsdesaproprepersonne.
—JuliaMonroeestquasimentaveuglequandelleneportepasseslentilles,enchaîna-t-il.Etsansl’aidedesamaquilleuseprofessionnelle,elleressembleàunboxeurquivientdeperdreunmatch.
Gretchenfaillit sursauter.Comment?MaisJuliaMonroeétait l’unedespluscélèbresactricesdeHollywood.L’unedesplusconvoitées!Franchement,elleavaitdumalàlecroire…
—RochelleVoightaunehaleineinfecte.Jepensequec’estparcequ’ellesenourrituniquementdejusdecrudités. Jedétestequand jedois l’embrasserou filmerdesscènesoù jeme trouve trèsproched’elle.
Aquoibonmentir?Ellen’encroyaitpassesoreilles.Julianplaisantaitouquoi?—Pourquoimeracontez-vousça?— Parce qu’il faut que vous sachiez que tout ça n’est qu’illusion. Chacune des merveilleuses
personnesdumondehollywoodienquevousévoquezestunpersonnagesoigneusement transformépourl’œildelacaméra.Noussommesloind’êtreparfaits.Peud’entrenouspourraientêtrequalifiésdebeauxsans ces bataillons de maquilleuses et coiffeuses qui œuvrent sur nos petites personnes comme desabeillesbesogneuses.
—Vousêtesen traindemedireque tout lemondeàHollywoodestenréalitéhideuxetque,parconséquent,jenedevraispasm’inquiéter,c’estça?
Julianfitlagrimaceetsepenchaverselle.—Non,cequejesuisentraindevousexpliquer,assena-t-ilalors,c’estquevousêtesunefemme
charmante,àlabeautésimpleetnaturelle,etquevousnedevriezpasvouscompareràunidéalirréaliste.Toutn’estqu’artificeettrucage,àHollywood.
Toute surprise, Gretchen haussa les sourcils. Même avec son changement de look, elle avaitl’impressionqueJuliannelatoléraitqu’enraisonducontratquesonagentavaitsignépourlui.Etait-ilsincère ou bien s’efforçait-il juste de l’encourager pour que ces quelques jours en sa compagnie sepassentpourlemieux?
—Chezmoiaussi,toutestfaux,ajouta-t-il.Cette fois,Gretchen refusaitd’ycroire.OK,ellevoulait biencroireque les actricesqu’ilvenait
d’évoquer recouraient à des petits trucs pour atteindre la perfection, mais lui ? Tout était réel,contrairementàcequ’ilaffirmait.
—Arrêtez!leréprimanda-t-elleenretirantsamaindelasienne.Pourlecoup,ilétaitclairqu’ilmentait!—Maisjesuissérieux,protesta-t-il.Simesyeuxsontsibleus,c’estparcequejeportedeslentilles
colorées. La blondeur de mes cheveux est également artificielle. Je porte une prothèse dentaire enporcelaine : quand j’étais enfant, mes parents n’avaient pas les moyens de m’acheter l’appareil dontj’avaisbesoin.Onm’asperged’autobronzanttouteslessemaines.Etmêmemonaccentestfaux.
—Maisvousn’avezpasd’accent!rétorqua-t-elle.— Exact ! Alors que je viens du Kentucky, précisa-t-il avec cette fois un ton nasillard
reconnaissable entremille.Cependant, vous nem’entendrez jamaism’exprimer de cette façon car j’aiapprisàm’endébarrasser.
Gretchensecalacontrelescoussinsducanapéens’efforçantd’assimilertoutcequeJulianvenaitdeluidévoiler:c’étaitbeaucoupenuneseulefois!
—Croyez-moi,Gretchen.Sinousavons sansdoute tousde fauxcheveux, sinous recouronsàunarsenal d’artifices pour atteindre une beauté artificielle et garder notre jeunesse le plus longtempspossible,c’estqu’avanttout,noussommesdesacteurs.Notreapparenceestuncostume.Donc,imaginezquevotre changementde lookest en réalitévotrepanoplie.Onvous a remis tous lesoutilsdontvousaviezbesoin:êtes-vousprêteàendosserlerôledelapetiteamiedeJulianCooper?
Gretchenprituneprofondeaspirationetseredressasursonsiège.—Oui,jecrois,dit-ellealors.Juliainclinaalorslatêtesurlecôtéethaussaunsourcilcommes’illamettaitaudéfi.
— Oui, je suis prête, rectifia-t-elle d’une voix qui se voulait pleine d’aplomb. Bon, par oùcommençons-nous?
Julianluiadressaunbeausourireavantderépondre:— Parfait ! Quand j’étais à l’école d’art dramatique, un demes professeurs estimait qu’il était
indispensable de se jeter d’emblée dans les scènes les plus difficiles. Il ne nous laissait pas nouschauffer:ilfallaittoutdesuiteattaquerparlemonologueleplustragique.Selonlui,unefoisqu’onavaitfaitça,toutleresteétaitfacile.Donc,nousallonscommencerparlapartielaplusdifficiledevotrerôle.
Gretchensetendit.Lapartielaplusdifficile…C’est-à-dire?Toutluisemblait immensémentdur.Elleauraitpréféréprocéderétapeparétape.
—Commentallez-vous…Hélas,ellen’eutpasletempsdefinirsaphrasecarillacollalabouchecontrelasienne.Seulement,
contrairementauxfoisprécédentes,cenefutpasunbrefbaiser.Non!Julianétaitbienplusinsistant…etilmêlabientôtsalangueàlasienne.
Elleauraitvoululerepoussermaisill’enlaçaitd’unemainparlatailleetdel’autreparl’épaule.Oui,illamaintenaitsifermementquelamanœuvrequ’elleavaitentêten’étaitguèreenvisageable.Alors,en fermant lesyeux,elle se rappelaqu’il s’agissaitd’un rôleet cessade lutter…Sielle sedétendait,peut-êtrequepourunefoisellepourraitprendreuncertainplaisir…
Soudain,GretchenentenditJulianpousserungrognementetcesonserépercutadanstoutsonêtreenluidonnantdesfrissons.Toutàcoup,ellenoualesbrasautourdesoncouetleserraàsontourcontreelle:c’étaitplusfortqu’elle!Ellesentitl’étreintedeJulianserelâcherquelquepeutandisqu’ilpartaitàladécouvertedesoncorps…Ilfiteneffetglisserlesmainssurlasoiedesarobeavantdelesplaquersurseshanches.
Aumomentoùelleparvenaitenfinàsedétendreetàappréciercebaiser,ill’étreignitdenouveauétroitementcontrelui.Waouh,cequ’ilétaitfort!Cesmusclesétaientbienréels.Soudain,elleseretrouvajuchéesurlesgenouxdeJulian,saroberelevéesursescuisses,et…elleperçutnettementlachaleurdesondésircolléecontresajambe!
Gretcheneutdumalàlecroire…Defait,ellen’avaitjamaisvraimentvécucegenredesituationsdanssavie.Entoutcas,ellenes’attendaitcertainementpasàdéclenchercetteréaction-làchezJulian.Etait-il vraiment émoustillé par leur baiser ou bien était-il juste un acteur très convaincant ? Cettequestionlatourmentatellementqu’elleparvintàdétacherlabouchedelasienne.Toutefois,dèsqu’elleouvritlesyeux,elleleregretta.Surlemoment,lasituationluiavaitparuexcitanteetunpeueffrayante,certes, mais dans l’ordre des choses. Or, à présent, elle lui apparaissait sans fard. Et elle se sentitaffreusement gênée. Seigneur, elle était assise sur les genoux d’un hommequ’elle connaissait à peine,dansunepositionpourlemoinsosée!Sanscompterqu’elledevaitêtreécarlatecarsesjouesetsagorgelabrûlaientlittéralement,commetoujoursquandelleseretrouvaitdansunesituationfâcheuse.
Seulement,Julianneparutpass’enémouvoir,àencroirelesouriresatisfaitquis’affichaitsursonvisage.Etait-ilheureuxdelaperformancedeson«élève»,cequiprouvaitqu’ilétaitunbonprofesseur,oubienavait-ilvraimentprisduplaisiràcebaiser?
—Excellenttravail,déclara-t-il.Jevousmets10sur10.— Ce qui veut dire que je peux descendre de vos genoux pour que nous passions à la leçon
suivante?Gretchenlevitalorssecouerlatêteetill’attiraétroitementcontrelui.—Pasquestion.Cen’estpasparcequevousapprenezvitequevousavez ledroitde sauterdes
leçons.Nousdevonsencorenousexercerunpeu.—Etcombiendeleçonsserontencorenécessaires,selonvous?—Nousallons resterassis surcecanapé jusqu’àcequecesoitpournousdeux lachose laplus
naturelleaumonde.Sinousvoulonsêtrecrédiblesdevant lescaméras, il fautde l’authenticité, riende
moins.Gretchenravalaunpetitrirenerveux.Etrenaturelleavecunhommecommeluineseraitsansdoute
jamaisévident,maisellen’allaitpasseplaindred’avoircesquelquesleçonssupplémentaires.
***
Auvolantdesavoituredelocation,alorsqu’ilsapprochaientdechezMurraypourparticiperàcefameuxbarbecuedebienvenue,Julianvouluts’assurerd’unechose.Gretchenet luivenaientd’inventerl’histoiredeleurrencontre.Sansdoutevalait-ilmieuxrevoirlesultimesdétails.
—Trèsbien,redis-moicommentons’estrencontrés,carlesquestionsvontbientôtfuser.Pourqueleurcouplesoittoutàfaitcrédible,ilsétaientpassésaututoiement.Ellesoupiraetcessadecontemplerlepaysagequidéfilaitderrièrelavitrepourtournerlatêtevers
lui.—Ilyaquelques semaines, tuesvenu rendrevisiteàMurray.Un jour, tu l’asaccompagnéàun
rendez-vousà l’agenceetc’est làquenousnoussommes rencontrés.Çaa toutdesuiteété lecoupdefoudreentrenousettum’asinvitéeàprendreunverre.Onn’apasarrêtédes’envoyerdestextosetdes’appeleraprès tonretouràLosAngeles.Ducoup, tues revenuplus tôtàNashvilleafinqu’onpuissepasserdutempsensemble.
Julianhochalatêted’unairsatisfait.Bingo!Gretchenconnaissaitsontexteparcœur.Iln’enavaitd’ailleurspasdoutéun instant :soussesairs timides,elleétait la femmelaplus intelligenteet laplusdrôlequ’ilaitjamaisrencontrée.Illuifaudraitjusteunpeudetempspoursurmontersanervosité.Aprèsquoi,elleallaitjouersonrôleàmerveille.Sitantestqu’elleneselaissepasrattraperparsonanxiété.
—Est-cequ’onadéjàcouchéensemble?demanda-t-il.Elleouvritdegrandsyeux.—Non, j’en doute. Je pense qu’on a échangé des textos un peu olé olé, mais je te fais encore
mijoterunpeu.—Tuesunepetitecoquine.C’estbonàsavoir.Julianralentitenempruntantl’alléequimenaitchezMurraypuiss’arrêtadevantlalargegrilleenfer
oùunepetitefouledejournalistesetdefansétaientàl’affût.Allez,ilétaittempsdeselancer.—Souris,tuesfilmée,luidit-il.Etfaiscommes’ilsn’étaientpaslà.C’estfacile,tuverras.Tiens,
onpeutenrajouterunpeu.Et surcesmots, il luiprit lamainenattendantque lesportes s’ouvrent.Une fois à l’intérieur, il
s’engageadansl’alléecirculaireetimmobilisalavoiturejustedevantlegroom.Sanséteindrelemoteur,ilsetournaversGretchen.
—Uneultimequestion,avantlegrandsaut?—Oui:quiconnaîtlavérité,ànotresujet?Julianhochalatête.Laquestionméritaitd’êtreposée,bienvu!—Murray,évidemment.Etjesuiscertainqu’ill’aditàKelly,safuturefemme.Ilsdoiventêtreles
seulsdanslaconfidencepuisqueRossn’assisterapasauxfestivités.Touslesautrespensentquetuesmanouvellepetiteamie.
Gretchenhochalatêteetprituneprofondeinspiration.—Bien…Quelafêtecommence,alors!Legroomvint immédiatement luiouvrir laportière et elledescendit devoiture. Julian fit le tour
pour la rejoindre. Ensemble, ils gravirent les marches qui menaient à la porte d’entrée. Lorsque lesgrandspanneauxenboismassifs’ouvrirent,ilsfurentimmédiatementassaillisparunemultitudedesonset de délicieuses odeurs.Murray n’avait pas regardé à la dépense,même pour les repas demoindreimportance.Ilyavaitplusd’unecentainedepersonnesmasséesaurez-de-chausséeetplusencoresurla
terrassechauffée.Unorchestrejouaitsurlebelvédère,danslejardin,d’oùs’élevaitaussilafuméedesbarbecuessurlesquelscuisaientlescôtesdebœuf.
Unvastebaravaitétéinstallédanslasalleàmanger,justeàcôtédubuffetquidébordaitdepetits-fourssalésdestinésàfairepatienterlesconvivesjusqu’àcequelesgrilladessoientprêtes.Dommagedenepaspouvoirygoûter!Toutcelaavaitl’airsidélicieux!
—Tuveuxboirequelquechose?murmuraJulianàl’oreilledeGretchen.—Volontiers.IlssedirigèrentdoncverslebaroùJuliancommandaunemargaritapourGretchentandisqu’ilse
contentaitd’uneeaugazeuserehausséed’unerondelledecitronvert.Ilrepéraalorsunénormetonneaudebièrequiprovenaitd’unepetitebrasserielocale.Maisilnepouvaithélaspasenboire!Bonsang, lestentationsseraientasseznombreusesceweek-end,iln’allaitquandmêmepascommencerdèslepremierjour ! D’ailleurs, depuis qu’il était arrivé à Nashville, il n’avait même pas fait ses exercices demusculation.Quellenégligence!
—Tuneboispas?luidemandaalorsGretchen.Çafaitpartiedetestrucspourresterenformeoubienest-ceparconvictionmorale?
—C’estpournepasgrossir.L’alcoolcontientdestonnesdecalories:unebièredetropetcesonttousmesprincipesdiététiquesquis’envolent.Jenepourraiplusrienmanger.Tuneveuxtoutdemêmepasquejetombed’inanition?
—Oh!monpauvre!s’exclama-t-elled’untonmoqueur.C’estunscandaledebouderuntelbanquet.—Jesais,répliqua-t-ilenserrantlesdents.Acetinstant,JulianrepéraMurrayetKelly,surlepatio.—TuasdéjàrencontréKelly?enchaîna-t-il.—Lamariée?Biensûr.Elleestvenueplusieursfoisàl’agence.—Trèsbien!Allonsdoncsaluercecoupleheureuxpuisnouspourronsnousinstallerdansunpetit
cointranquilleetretiré.—Pourquoi?Tun’aspasd’amis?Juliansecoualatête.—Pasvraiment.Murrayetmoi,nouspartagionslamêmechambresurlecampus.Quandj’aiarrêté
mesétudespourm’installeràL.A.,noussommesrestésencontactmaisjeneconnaispastrèsbiensesamisdeNashville.
Ilssortirentalorssurlepatiopoursaluerlecoupledefutursmariés.—VousêtesdonclanouvellepetiteamiedontMurraym’atantparlé!déclaraKellyavecunsourire
radieuxetdesétincellesdanssonbeauregardvert.Jesuisraviedevousrencontrerendehorsdutravail,Gretchen.Tout lemondeaadorévoscartesd’invitation.J’aihâtededécouvrircequevousnousavezréservépourlejourJavecvosassociées.Leprogrammem’al’airfantastique.
—Merci,réponditGretchenenluirendantsonsourire.Julian observa les deux femmes qui évoquaient le déroulement dumariage. Depuis leur premier
dîner au restaurant, la réservedeGretchen semblait s’évaporer dèsqu’elle évoquait son travail : elledevenaitalorsunetoutautrepersonne.Seulement,cettebelleconfiancedisparaissaitdèsqu’onluiparlaitd’elle.Encorequecetteattitudeétaitcompréhensible:lui-mêmepréféraitnettementparlerdesesfilms,endépitdeleurmédiocrité,quedes’étendresursafamille.Ilétaitdessujetsqu’ilvalaitmieuxnepasaborder.
—Julian,çane tedérangepassi je te«vole» ta fiancéequelques instants?demandaKelly. Jeveuxlaprésenteràmesdemoisellesd’honneur.
—Pasdeproblème!répondit-il.JuliansepenchaalorsversGretchenpour luidonnerunbaiser justeau-dessousde l’oreille.Elle
frissonnamaisnefitpasminedelerepousser.Elleneparutpasgênéenonplus,tantmieux.Elleréalisait
desprogrèsàgrandspas.—Reviensvite,chuchota-t-il.Elleluiadressaunpetitsignedelamainetdisparutdanslamaison,avecKelly.—Ehbien,commentçasepasse?questionnaMurray.—Mieuxqueprévu.J’airéussiàlarendreplusdétendue,çaaidebeaucoup.—Quellequesoittaméthode,tuesdoué,c’estindéniable.Quandvousavezsurgisurlepatio,il
étaitclairquevousformiezuncouple.—C’estvrai?Julianneputs’empêcherdesourire.Ilétaitcontentdeleurexploit.Finalement,iln’auraitpeut-être
pasà supporter lescommentairesdéplaisantsdeRossà l’issueduweek-ends’ilsdonnaient sibien lechange,Gretchenetlui.
—N’oubliepasquejesuisunacteurquiaétérécompenséparlaprofession,ajouta-t-il.— Enfin, tu n’as pas vraiment été oscarisé, ironisaMurray. Rappelle-moi la statuette que tu as
remportée…Cellede lameilleurescènedebagarredécernéeparMTV,non?Unseaudepop-cornencartondoré,ilmesemble…
—C’estbon,onacompris…,Julianfitlamoue.Murraypouvaitbiensemoquer.Unjour,ilrecevraitunevraierécompensepour
unfilmplusambitieux.Oh! ilavaitdéjàexpriméàRosssondésirde tournerunfilmd’artetd’essai.Hélas, il s’était retrouvé au cœur d’une intrigue avec des terroristes, dans un sous-marin. Encore unblockbusteroù,àlafin,ilperdaitsachemise…
—En tout cas, on n’avait pas du tout l’impression que vous jouiez la comédie, déclaraMurray.C’estcurieux,d’ailleurs,ondiraitqu’ilyauneréelleosmoseentrevous.Mêmesiellenecorrespondpasvraimentàtontypedefemmes,d’ailleurs…Maisonn’estjamaisàl’abridephénomènesétranges.Moi,parexemple,jenem’attendaispasdutoutàépouserKelly,quiassuraitlapremièrepartiedematournée.
Julian écoutait son ami tout en sirotant d’un air songeur son eaupétillante.Murray avait raison :quelquechoseétaitentraindenaîtreentreGretchenetlui,maisilnesavaitpasvraimentquoi…Peut-êtreétait-celiéàlanouveauté,aufond.Gretchenneressemblaitenrienàsescompagnesprécédentes,etpasuniquementsurleplanphysique.
Toutd’abord,cen’étaitpasunepersonnesuperficielle.Lui-mêmepassaitunebonnepartiedesontempsentrelesmainsdecoiffeusesetmaquilleusesquandilétaitsurlestournages.Maisparrapportauxheures que ses partenaires du sexe féminin y consacraient, c’était bien peu. Gretchen, elle, prenaitsûrementsoind’elle-mêmemaisellen’étaitpasuniquementpréoccupéeparlesapparences.C’étaituneartistedouée,unefemmed’affairesavecbeaucoupdebonsens,etcelasemblaitluisuffireamplement.
Parailleurs,elleneparaissaitpastrèsimpressionnéedesavoirqu’ilétaitacteur.Certes,elleétaitnerveuseensacompagnie,maisc’étaitmanifestementlecasdèsqu’ellesetrouvaitavecunhomme.Elleétaitbienconscientequ’ilétaitcélèbre,çaoui,maisilétaitincapabledediresielles’enfichaitpurementet simplement ou si sesmuscles la laissaient indifférente. Pour lui qui avait l’habitude de plaire auxfemmes,c’étaitinédit.Certainesfansétaientmêmesurlepointdes’évanouirquandillesfrôlait.SiunjourceladevaitarriveràGretchen,ceseraitprobablementsouslecoupdelanervosité.Pasenraisondel’effetqu’ilproduisaitsurelle.
D’ailleurs,celafaisaituneéternitéqu’iln’avaitpascôtoyéunefemmequines’intéressaitniàsonargent ni à ce que, par sa position, il pouvait lui apporter.De toute évidence,Gretchenne nourrissaitaucuneenviesecrètederéussiràHollywood.Acequ’ilsache,ellen’avaitpascachédanssonsacunscénarioqu’elles’apprêtaitàluisoumettrepourqu’illeliseoupourqu’illedonneàunproducteur.Enunmot, Gretchen était authentique. Or il vivait depuis si longtemps en Californie qu’il avait fini paroubliercettevaleurcapitale.Surtoutdansunerelation.
En se retournant, Julian aperçutGretchen etKelly près dubuffet, en conversation avecune autrepersonne.Sa«fiancée»souriaittimidementens’efforçantdeprendrepartàladiscussion.Soudain,ilvitsonvisages’éclairercommeunsoleil:nuldoutequ’onvenaitdel’interrogersursontravail.
Direqu’ellenesetrouvaitpasbelle…Etpourtant,iln’avaitjamaisvuunefemmeaussiradieuse!A quoi bon se mentir ? Il commençait à se sentir attiré par elle… Oh ! il n’avait pas du tout
l’intentiondes’énamourerdesafaussepetiteamie,maisc’étaitplusfortquelui.Etil luttaitd’ailleurscontre l’envie d’envoyer un SMS à son frère pour lui parler d’elle. James adorait quand son garde-maladeluitransmettaitlerécitdesesescapades.Gretchenluiplairait,c’étaitcertain.C’étaituneartistetalentueuse,avecunespritvifetunsourirefaussementtimide.Ellesemblaitapprécierlesplaisirsdelavie,àenjugerparlafaçondontellegoûtaitàtouslesplatsdubuffet,sonverredemargaritaàlamain.Ellesavaitquielleétait,etmenaituneviequiluiplaisait.
C’étaitlàdesqualitésappréciablesquilerendaientàlafoisextrêmementjaloux…etdésireuxqueGretchensoitautrechosequ’unesimplefigurantedanssavie.
-4-
Lejeudimatin,Gretchensefaufiladiscrètementdansl’agence.Ellen’avaitpasàvoirJulianenvuedumariage,aujourd’hui.Ducoup,ellesouhaitaiteffectuercertainesmisesaupointpourleweek-end.Sesassociéesavaientbeauaffirmerqu’ellen’auraitpasgrand-choseàfairelejourJ,beaucoupdetâchesluiincombaienttoutdemême.Plusellepourraits’avancerdanssontravailsansqu’onremarquesaprésence,mieuxceserait:ellen’avaitpasenviequ’onlaharcèledequestions,çanon.
—Regardez-moiça!s’exclamasoudainunevoixdansl’entrée.Justeaumomentoùelleallaitouvrirlaportedesonbureau,quelmanquedechance!—Arriverencatiminidansl’espoirquenousneteverronspas,tunemanquespasd’air!Mêmesi
tuaschangédecoupe,noustereconnaissons,tusais.GretchenpivotaalorssursestalonspourseretrouverfaceàBree,lesbrascroisés,quiarboraitun
petitsourireencoin.—Tiens,salut,Bree!s’efforça-t-ellederépondred’untonnaturel.—N’essaie pas de faire comme si de rien n’était, rétorqua cette dernière.Vaposer tes affaires,
maissachequenousvoulonstoutsavoirsurlafaçondonts’estdérouléledîner.Ensoupirant,Gretchenhochalatêteetentradanssonbureau.Pourvuquel’interrogatoiresoitrapide
car lemariagequi lesattendaitceweek-endn’étaitpasuneminceaffaire.Ameliadevaitcuisinerpourdescentainesdeconvives.Ellesn’avaientdoncpasdetempsàperdre.
Sansmêmeprendre lapeined’allumersonordinateur,elle inspecta lesdifférentesboîtesplacéessurlesétagèresetrepérafinalementl’étiquettequicorrespondaitaumariageMurray.
Elle posa le carton sur son bureau et en souleva le couvercle. A l’intérieur se trouvaient lesprogrammes qu’elle avait fait imprimer quelques semaines auparavant. Il y avait également les cartesportant le nom des convives, pour le placement, les numéros de table et les menus. Elle avait déjàprocédé à la vérification de l’ensemble. Comme tout était en ordre, il ne lui resterait plus qu’à lesdisposersurlestables.
Gretchenserenditensuitedanslasallederéceptionquin’étaitpasencoredécorée,misàpartleslustresqu’onnedécrochaitjamaisainsiquelesgrandspansentissublanctendusauplafond.Lepodiumpour l’orchestre et la piste de danse, déserts, étaient prêts à accueillir les musiciens et les fêtardséméchésquiviendraientsetortillerausondelamusique.L’équipedeménageétaitdéjàvenuelaveillepourpasserl’aspirateuretinstallerlestablesetleschaises:parfait.
Néanmoins, il lui faudrait encore des heures pour décorer la salle. Elle espérait toutefois bienavancerpendant la journée,mêmesidenombreuseschosess’effectuaientà ladernièreminute,commemettrelecouvertoudisposerlesarrangementsfloraux.Lescouleursdumariageallaientêtrelenoiretleblanc,enaccordaveclethèmechoisi,enl’occurrencelamusique.Desnappesnoiresetblanchesseraient
livréesdans lamatinée, conformément à cequi étaitprévu.Descheminsde table artisanaux,ornésdeperles,avaientégalementétécommandéspourqueletoutressembleàdespartitionsmusicales.Ilfaudraitparailleursplierlesserviettesetdisposerdescentainesdebougiesblanchesdanslesbougeoirs.
Gretchen scruta nerveusement la salle… La liste des tâches à accomplir lui donnait le vertige.Commentavait-ellepuselaisserpiégerdanscejeuderôlesromantique?Certes,lamajeurepartiedesmissionsquiluiincombaientpouvaits’effectueràl’avance,maisellenesetournaitpaspourautantlespouceslejourdumariage!Aucontraire,ellen’arrêtaitpasdecourirdanstouslessens.
Unevoixrésonnasoudaindanslapièce.—Gretchen,l’équipedupressingestlà.Natalie venait de passer la tête dans la salle de bal, son téléphone à l’oreille. C’était elle qui
assuraitlacoordinationentrelesfournisseurs,discutaitaveclesclients,etplanifiaitlesmariagesàvenir.Unevraiechefd’orchestre!
—Génial,merci.Gretchenaidalesemployésàdéchargerlesnappespuisdécidadanslafouléedecommenceràen
recouvrirlestables,étantdonnéqu’ellen’avaitpasdetempsàperdre.—Jesuisprêteàentendrelerécitdetajournéed’hier,lançasoudainAmeliaenpénétrantdansla
sallederéceptionencompagniedeBree.Mesgâteauxsontentrainderefroidiretj’aiunpeudetempsdevantmoi.
—Tantmieuxpourtoi!répliquaGretchend’untonagacé.Seulement,moi,jen’aipasdetempsàperdrecematin.Alorssituveuxsavoircequis’estpasséhier,tun’asqu’àm’aideràmettrelesnappessurlestables.
—Pasdeproblème,déclaraBree.Avecunhaussementd’épaule,celle-cis’emparad’unenappequ’ellejetasurlatablelaplusproche.—Ilfautalternerleblancetlenoir,expliquaGretchen.Ettoutessemirentàl’ouvrage.Untiersdes tablesétaitdéjàrecouvert lorsqueBreerappelaqu’ellesn’étaientpasvenuesl’aider
parpuregénérosité.—Bonalors,tuvascracherlemorceau?Tul’asembrassé,ouiounon?Gretchensentitaussitôtsesjouess’empourprer.—Oui,etplusd’unefois,finit-elleparavouer.Ilatenuàcequ’ons’embrassejusqu’àcequeje
soisdétendue.Ilveutqueçadevienneunactenaturelpourmoi.—C’est quandmême dingue, commentaBree.On te paie pour que tu embrasses JulianCooper.
Commenta-t-onpuenarriverlà?Toutensecouantlatête,Gretchenrecouvrituneautretabled’unenappeenlinnoir.—Jeterappellequevousm’aveztoutesforcélamainpourquej’accepte.— Et donc, tu es à l’aise, maintenant, quand tu l’embrasses ? enchaîna Amelia sans relever
l’accusation.—Oui.Jepensequelesgenscroirontsansproblèmequenousnousconnaissons.—Ausensbibliqueduterme?Gretchenémitunpetitgrognementagacéavantdelâcher:—Jen’aijamaisconnuunhomme«ausensbibliqueduterme»,alorsjenepeuxpastedirejusqu’à
quelpointnousseronscrédibles.—Est-ceque j’aibiencomprisceque tuviensdedire?demandaBree,en laissantéchapper la
nappequ’elletenaitàlamain.QuandAmeliaplissaégalementlesyeux,Gretchenbaissalatête.Direqu’ellevenaitdepasseraux
aveux,alorsqu’elleavaitréussiàdissimulerlavéritéàsesmeilleuresamiespendanttoutescesannées.Etvoilà,maintenant,cen’étaitplusunsecret!
—Oui,tuasbienentendu,admit-elleavecréticencetoutenlissantlanappedesatable.—Quoi?Tuesvierge?hurlapresqueBree.Maiscommentsefait-ilquenousn’ayonspasétéau
courant?—Chut!sifflaGretchen.Cen’estpaslapeinedelecriersurtouslestoits.—Désolée,réponditsonamieenécarquillantsesbeauxyeuxbleus.Seulement,jen’auraisjamais
imaginéquemonamie,duhautdesesvingt-neufans,mecacheunsecretsiénorme.BreesetournaalorsversAmelia.—Tulesavais?—Non,pasplusquetoi.—Pourquoi ne nous as-tu rien dit ? lança alors la photographe de la bande en se tournant vers
Gretchen.—Moi,elleme l’avaitdit,déclaraalorsNatalieenentrantàson tourdans lapièce.Mais ilya
longtemps,etjepensaisquedepuislasituationavaitévolué.Gretchenhocha la tête.Natalie était effectivement la seule à qui elle s’était confiée au tempsde
l’université, après une soirée où elles avaient révisé jusque tard et fini autour d’une bouteille de vin.Comme elle n’était ni une curieuse ni une incorrigible romantique, elle en avait pris bonne note et nel’avaitpaspresséedequestions.
Breeramassaalorslanappeets’écroulasurunechaise.—Arrêtez-voustoutes,s’ilvousplaît,etasseyez-vous!JeveuxcomprendrepourquoiNatalieétait
laseuleaucourant!—Eh,jen’ysuispourrien,protestacelle-ci.Gretchenfronçalessourcilsetselaissa,elleaussi,tombersurlesiègeleplusproche.—Et toi, Bree, comment as-tu pu nous cacher que Ian était ton ex ? Comment as-tu pu aller le
photographieravecsafiancéedanssonchaletperduaucœurdelamontagnesansbroncher?rétorqua-t-elle.
Breefitunepetitegrimaceetsemorditlalèvre.—Unerévélationnes’imposaitpas,dit-elle.—Ehbien,c’estlamêmechosepourmoninexpériencesexuelle!—Encequiconcernenosaffairesprofessionnelles,certes,maisentantqu’amies,ilmesembleque
nousaurionsdûlesavoir.Gretchensesentitaussitôtbouilliravantderétorquer:—Savoirquoi?Quejesuissimaladroiteavecleshommesquejelesfaisfuirdepuismesquatorze
ans?L’opinionquej’aidemoi-mêmeestsilamentablequejenevoispascommentunhommepourraits’intéresseràmoi.Sanscompterquejememéfietoujoursdeleursmotivationslorsqu’ilsm’adressentlaparole.Lavoilà,lavérité,vousêtessatisfaites,àprésent?
—Maisenfin,Gretchen, tuesunebelle femmebourréede talent ! s’exclamaNatalie.Tun’avaispeut-êtrepascette impressionquand tuétaisadoouétudiante,mais tuvasavoir trenteans !Commentfais-tupournepasavoiruneautreimagedetoi-même,alorsquetuassibienréussidanslavie?
—Ilsetrouvequejemesensmieuxmaintenant,oui,admit-elle.Jem’apprêtaismêmeàm’inscriresurunsitederencontresenligne,maisjepeuxvousassurerqu’iln’yariendetelqu’unestardecinémapourvousretirertoutelamaigreconfiancequevousavezenvous.
—Puis-jetedemandercommenttuaspuarriveràcetâgesansperdretavirginité?questionnaalorsAmeliaenlaregardantd’unairsoucieux.
C’était exactement ce regard que les hommes lui lançaient quand elle leur annonçait la vérité,commesiellesouffraitd’unesortedehandicap.
Gretchenhaussalesépaulesetréponditfinalement:
—Jenesuissortieavecaucungarçonaulycée.Alafac,lachancenem’apasdavantagesouri.Jen’aijamaiseuderelationassezsérieuseavecunhommepourcoucheraveclui,c’esttout.Etavecl’âge,c’estdevenudeplusenplusdifficile…Commeunlourdfardeauàporter…Cesdeuxdernièresannées,les quelques hommes avecqui je suis sortie voulaient absolument coucher avecmoi jusqu’à ce qu’ilsdécouvrentquejenel’avaisjamaisfait.Ilsonttousfaitmachinearrière.Ilsnevoulaientpasprendrelaresponsabilitéd’êtrelespremiers, ilspensaientsansdoutequej’allaism’accrocheràeux…Bref,plusj’attendsetplusc’estdur.
—Onpeutarrangerça,proposaBreed’untonenjoué.Avectonchangementdelookettanouvellecoupe,onvatetrouverfacilementungarsportésurlachose.
—Maisjeneveuxpas…Gretchen chercha un argument, mais ne trouva rien, hélas. A quoi bon se mentir ? Elle était
désemparée.—Elleneveutpasjustecoucherpourcoucher,intervintAmelia.Etnoussouhaitonstoutesqu’elle
trouvelebonheurdansunerelationsaine,cequiinclutdesrelationsintimes.—Jenesuispassûrequeje…—Maiselleaattendutroplongtemps!Maintenant,ilfauttrouveruneméthoderapideetefficace,fit
remarquerBree.Ahnon.Cettefois,c’enétaittrop!—Assez!hurlaGretchen.Cequ’ellepouvaitsesentirencolère!Voilàquesesamiessecreusaientlesméningespourtrouver
unesolutionàsesproblèmesetparlaientcommesiellen’étaitpasdanslapièce!—Vousvoyez?Voilàprécisémentcequejevoulaiséviter!poursuivit-elle.Jen’aipasbesoinque
vousjouiezlesmarieuses.C’estcommeça,c’esttout.—Etlasituationteconvient?s’empressadedemanderAmelia.—Ça dépend des jours. Et actuellement, çame pose un gros problème car ilm’est encore plus
difficiledefairesemblantavecJulian:jesuisdéjàassezgênéeaveclesexeopposépouravoiràsubirlacompagnied’unhommecomplètementinaccessibledanslavraievie.
—Jenesaispas,commençaalorsBreed’untonsongeur.Amonavis,tupourraisleséduire.Tuesvraimenttrèsséduisantedepuistonrelooking.
Gretchensecouala tête.Seigneur,elleavaitdumalàencroiresesoreilles.Commeelledétestaitêtrelecentredel’attention,ilvalaitmieuxchangerdesujetrapidement.
—Bon!enchaîna-t-elle.Maintenantquevousconnaissezmessecretslesplussombres,jevouspriedem’aideràmettrecesnappesouderetourneràvospostes.Iln’yaplusrienàvoir.
Bree disposa encore deux dernières nappes puis imita Amelia et Natalie qui étaient en train des’éclipser.Quelquesinstantsplustard,Gretchenfutvraimentsoulagéedeseretrouverseule.
Çaavaitétéunmomentdésagréableàpasser,maisaumoins,c’étaitfait.Ellen’auraitplusjamaisbesoin de passer aux aveux devant ses amies et associées. Néanmoins, elle était tout aussi certainequ’ellen’avaitpasfinid’enentendreparler!Unefoisquecettehistoiresansqueueni têteavecJulianserait terminée, ses trois amies allaient certainement l’aider à trouver un partenaire. Elles en feraientmêmeunemission.
Letempsderecouvrirladernièretable,Gretchenregardalasallequisedéployaittelunéchiquierdevant elle.Dansdeux jours, elle s’y tiendrait égalementmais en tant qu’invitée, et au bras de JulianCooperpar-dessuslemarché!
CommentBreepouvait-elle imaginerquecelui-cipourrait ladélivrerdufardeaudesavirginité?C’étaitridicule,mêmesielleavaitbienperçuqu’ilétaitexcitéquandilss’étaientembrassés.Maisdelààcoucheravecelle,ilyavaitungouffre…Elleétaitpayéepours’afficherenpublicaveclui,paspour
luitenircompagnieenprivé.Non,comments’imaginerqu’ilavaitenviedel’attirerdanssonlit?Encoreque…
***
JuliangaraleSUVnoirdelocationsurleparkingdeFromThisMoment.Enréalité,iln’avaitpasvraiment besoin de venir à l’agence : c’était un jour de détente, destiné à lui permettre d’effectuerd’ultimes courses et à se préparer au grand événement.Les femmes, en revanche, à partGretchenquiavaitdemandéàenêtredispensée,devaientpasser lamatinéeaucentredebeautéetprendreunthéenguised’enterrementdeviedejeunefille,l’après-midi.Leurspartenairesavaientdoncquartierlibre.
La journéeavait commencépour euxau terraindegolf.Acetteheurematinale, l’air était unpeufraispoursonsangcalifornienmaislecielétaitdégagéetilss’étaientvraimentbienamusés.Ilsavaienttousdéjeunéensembleaustanddegrillades lepluscourude lavilleoù ilavaitalorspusavourerunedélicieuse cuissedepoulet, accompagnéed’unbeignetde légumespeu riche enmatièresgrassesmaisdélicieux.Puisilsavaientregagnél’hôteletchacunavaitvaquéàsesoccupations.
Après quoi, Julian s’était douché et avait vérifié ses messages. Comme aucun ne venait de safamille,ilavaitpuseconcentrersurlespréparatifsdumariage:ildevaiteneffetrécupérerlesmokingdumariéetlesienchezlaretoucheuse,ainsiquelesallianceschezlebijoutier.CommeilétaitletémoindeMurray,celui-cineluiavaitpresqueriendemandéàpartcescoursesetl’organisationdel’enterrementdesaviedegarçon.
C’estlàqu’ils’étaitditqu’ilpouvaitpeut-êtrepasserprendreGretchenpourqu’ellel’accompagnedans les différentes boutiques deNashville.Quelques instants plus tard, il s’était retrouvé à l’agence.Sansmêmes’enrendrecompte,pourainsidire.
Cettearrivéeinopinéeallaitsûrementlaprendredecourt,d’autantqu’elleavaitbeaucoupàfaire.Maisn’était-ilpasnécessairequ’ilchercheàêtreavecelle,étantdonnéquelapresseétaitprobablementàl’affût?Gretchendevaitêtreprêteàaffrontertouteslessituations!
OK,cen’étaitpaslavérité,loindelà.Forceétaitdereconnaîtrequ’ilavaittoutsimplementenviedelavoir…
Julian ne parvenait pas à s’expliquer pourquoi car c’était un sentiment qu’il n’avait pas éprouvédepuis longtemps. Ces dernières années, il était essentiellement sorti avec des actrices qui tournaientaveclui,desfemmesqu’ilcôtoyaitdoncchaquejoursurleplateau.Etils’étaithabituéàcesrelationssans rendez-vous particulier. La veille au soir, quand il s’était rendu compte qu’il ne reverrait pasGretchenavantvendredi,audînerderépétition,ils’étaitbrusquementsentiunpeuseul.Oui,sessourirestimides et ses commentaires sarcastiques, formulés dans un souffle, lui manquaient. Il avait envie del’enlacerparlatailleetdel’embrasserjusqu’àcequ’elledeviennetouterouge.
Lemoteur coupé, Juliandescendit duSUVet se dirigea vers l’entrée.Celle-ci était spacieuse etpermettaitdeserendredanslesdifférentespartiesdel’agence,notammentl’espaceréservéàlafêtequise trouvait accolé à la chapelle.Au centre du large vestibule se trouvait un guéridon recouvert d’unenappe en lin blanc, rehaussé d’un cheminde table sur lequel étaient brodées des notes demusiques àl’aidedeperlesetdecristaux.Uneimposantebranchepeinteencouleurargentéesurplombaitletoutetdesnotesdemusiqueencristalyétaientaccrochées,ainsiquedepetitescartesportantlenomdesinvités.
C’étaittrèsrecherchéetdumeilleurgoût.Juliansedirigeaversladroite,oùsetrouvaientlesbureaux.Devantlaporteoùs’affichaitlenomde
Gretchensurunécriteau,ilfrappadoucement.—Non,jeneveuxpassortiravectoncousin!entendit-ilalorsdel’autrecôté.Ungrandsourireauxlèvres, ilouvritdoucementetpassala têtepar l’entrebâillement…Gretchen
était assise à sa tablede travail, affairée à attacherdes rubansnoirs et blancs autourdebougeoirs en
verrecylindriques.—Maistunel’asjamaisrencontré!Ilpourraitteplaire,lança-t-ilaussitôt.Ausondesavoix,Gretchenlevaimmédiatement la têteetouvritdegrandsyeux.Cequ’elleétait
mignonnequandelleavaitl’airsurprise…—Julian!Désolée,jepensaisquec’étaitBree.Quefais-tuici?Ilyaunproblème?Onn’étaitpas
censéssevoiravantdemain.—Oh! rassure-toi, iln’yapas lemoindresouci !affirma-t-ilen refermant laportederrière lui.
Maisjemesuisditquetuauraispeut-êtreenviedepasserunpeudetempsavecmoi,aujourd’hui.Elleplissalesyeux.— Pour quoi faire ? Tu veux encore qu’on s’exerce ? Qu’on révise la façon dont on s’est
rencontrés?Juliansecoualatête.—Non,onestaupoint,ilmesemble.J’avaisjusteuneoudeuxcoursesàfaireetj’aipenséquetu
pourraism’accompagner,c’esttout.Gretchen haussa les sourcils, l’air sincèrement confus. Encore qu’au fond, c’était peut-être de la
suspicion…Iln’auraitsudire.—Jeneportepaslatenueadaptéepourêtrevueentacompagnie,objecta-t-elle.Etellepassaunemainnerveusedanssescheveux,lesquelsétaientmaintenusparunepinceenforme
de papillon. Elle était légèrementmaquillée, portait un jean et un pull à col enV et des bottines. Lacouleur marron foncé de son haut s’accordait merveilleusement avec ses yeux et soulignait son teintivoireàlaperfection.
Juliansentitsoncœursegonfler.Pourquoilenier?Illatrouvaitvraimentséduisanteet,defait,ilavaitdumalàdétournerleregarddesonfantastiquedécolleté…
—Quereproches-tuàtatenue?Tuesvraimenttrèsbelle,insista-t-il.—J’aiaussibeaucoupdetravail,argua-t-elled’unevoixunpeuincertaine.—Ehbien,ilsetrouvequemoi,jen’aipasgrand-choseàfaire.Parconséquent,onpourraitpeut-
êtres’arranger:tuviensavecmoifairequelquescoursesliéesaumariageetensuite,jetedonneuncoupdemain.
Gretchenfronçalessourcils,d’unairàlafoissurprisetdubitatif.—Toi,tum’aiderais?—Biensûr,répondit-ilavecunsouriretriomphant.Jenesaispasdutoutcequetuexigerasdemoi,
maisjesuisacteur.L’improvisation,çameconnaît.Gretchenpoussaunepetiteexclamationsceptiqueetsecoualatête.—Bon,j’ignoresitumeserasd’ungrandsecours,maistouteaideestlabienvenue.Juliansemitàrire.Enfin,elleavaitditouiàl’unedesespropositions!—Parfait,danscecas,allons-y.Jedoispasserprendrelessmokingsetlesbagues.JulianaidaGretchenàenfilersonmanteauet,quelquesinstantsplustard,ilssortaientdel’agence.— Je n’ai aucune idée de l’endroit où je dois me rendre, déclara-t-il alors qu’ils montaient en
voiture.Est-cequetuconnaisCoutureConnection?C’estlàquejedoisrécupérerlessmokings.Celadit,jepeuxregardersurmonsmartphone.
—Inutile!réponditGretchen.C’estàtroiskilomètresd’ici.Ilfautprendreàdroite.Et c’est ainsi qu’ils se retrouvèrent chez Couture Connection à attendre qu’on leur remette les
costumes.Mais tandis qu’ils s’apprêtaient à ressortir de la boutique, Julian remarqua un hommemunid’unappareil-photo,del’autrecôtédelarue.Desjournalistes.
Ilpoussaunsoupir:ilsavaientfiniparletrouver,mêmesicelaavaitdemandéplusdetempsqued’ordinaire.
—Quelqu’unaavertilespaparazzisdemaprésenceenville,annonça-t-ilàGretchen.
Etillançaunregardsuspicieuxàlavendeusederrièrelacaissecarelles’étaitabsentéebientroplongtemps,àsonsens,dansl’arrière-boutique.Celle-cisemorditlalèvreetluitenditlessmokingssanscommentaire.
—Quefait-on?demandaGretchen.Jet’aiditquejen’étaispasprêteàaffronterlesjournalistes,aujourd’hui.
Ilhaussalesépaules.—Lavienevapass’arrêterparcequ’onnousprendenphoto.Sijechangeaismesplansàchaque
fois,jenesortiraisplusdechezmoi!répondit-ilenluiprenantlamain,lescostumessurlebras.Allons-y.
Une fois chez le bijoutier, ils étaient suivis par trois voitures… Julian avait à peine ouvert laportière côté passager que quatre types encerclèrent le SUV : les flashs de leurs appareils sedéclenchèrentetlesquestionsfusèrent.
—Quiestcettedame,Julian?—Elles’appelleGretchenMcAlister,répondit-ilenaidantcettedernièreàsortirdelavoiture.Engénéral,ilnerépondaitpasàcegenredequestions,maisquelétaitl’intérêtd’avoirunefausse
petiteamies’ilnefaisaitpasunpeudepublicitéàcesujet?—C’estvotrenouvelleamoureuse?JulianjetaunœilàcôtédeluietvitGretchenrougir.D’instinct,illuipritlamainetplongeasesyeuxdanslessiens:commeilétaitfaciledeseperdre
dansleursprofondeurs…Pasdedoute:lessentimentsqu’elledéclenchaitenluidepuisquelquetempsn’étaientpasfeints,loindelà.
—Elleesttrèschèreàmoncœur,répondit-ilavecunsouriresincère.—Etàvotreavis,quevapenserBridgettedevotrenouvellerelation?—Ça,jem’enfiche!répliqua-t-il.Là-dessus,ilsepenchaversGretchenpourluimurmurer:—Rentronsdanscetteboutique,etvite.Lesjournalistesrestèrentàl’extérieurtandisqu’ilpénétraitdanslajoaillerieavecGretchen.Après
lesavoirsalués,lafemmederrièrelecomptoirs’absentaquelquesinstantspourinformerlepropriétairedeleurarrivée.
Julian nota alors queGretchen contemplait d’unœil très intéressé les bijoux dans la vitrine. Engénéral,quandilserendaitdansunebijouterieavecsespetitesamies,celaluicoûtaittoujourspluscherqueprévu.
—Qu’est-cequiteplaîttant?demanda-t-il.Avraidire,l’éclatqu’ilvenaitdesurprendredanssesbeauxyeuxl’intriguait.— Ce collier, dit-elle en désignant une goutte en opale mouchetée de bleu et d’orange. Je n’ai
jamaisvuunepierreaussiéclatante.Julianpritunairsurpris.Certes,lapierreétaitjoliemaisilnes’attendaitpasàuntelchoixparmi
tous lesdiamants et autrespierresdegrandevaleurqui scintillaient à côté.Bridgette et ses anciennescompagnesconnaissaient-ellesl’existencedesopales?Difficileàcroire…
Décidément, Gretchen le surprenait sur toute la ligne. Peut-être méritait-elle à son tour qu’ill’étonne,d’ailleurs!
—MonsieurCooper!s’exclamaalorslebijoutierd’untonenjouéens’avançantverslui,lamaintendue.Toutestprêt,venez!
Etillesconduisitdansunsalonprivéàl’arrièredumagasin,oùilleurfitcontemplerlesalliances.Ellesétaientenor,constelléesdediamants.
—Est-cequejepeuxfairequelquechosed’autrepourvous,monsieurCooper?s’enquitensuitelejoailler.
—Toutàfait.Jesuisintéresséparlecollieraveclagoutteenopale.Jevoudraisl’acheterpourmacompagne.
L’hommehochalatête.—Excellentchoix.Etilappelasonassistantepourqu’elleapportelebijou.Julianfitmined’ignorerleregardstupéfaitdeGretchenquandlebijoutierluiprésentalecolliersur
unplateaurecouvertdevelours.—C’estparfait,merci.—Souhaitez-vousquejelemettedansuneboîte?—Non,monamievaleportertoutdesuite.Letempsdes’emparerducollier,Julianselevapourleluipasserautourducouavantqu’ellen’ait
letempsd’émettrelamoindreprotestation.Ilrepoussadoucementunemècherebellequiretombaitdanssoncoupuisattachalefermoir.Unefoisenplace,lagouttevintselogerentresesseins.
—Superbe!ditlebijoutier.Julian lui tendit alors sa carte de crédit et le bijoutier se rendit dans la pièceprincipale pour le
règlement.Unefoisseuleaveclui,Gretchens’empressadedemander:—Pourquoim’as-tuoffertcebijou?Tuasvuleprix?Pourtouteréponse,Julianhaussalesépaules.—Ilaalluméunsouriredanstesyeuxquivauttouslesdollarsdelaterre,répliqua-t-il.Gretchenpritalorslependentifdanslamainetsecoualatête.— On me paie déjà une somme énorme pour ce travail. Tu n’as pas besoin de m’acheter des
cadeaux.Julian s’efforça de ne pas ciller en entendant ce douloureux commentaire. A vrai dire, il avait
presqueoubliéqu’onlarémunéraitpourluitenircompagnie.Bonsang,Gretchenressemblaitsipeuauxpersonnesqu’ilcôtoyaithabituellement—touscesgensquin’arrêtaientpasdeprofiterdelui—qu’ilfutpresque choqué d’être ramené à la réalité. Et pourtant, il conservait l’intime conviction qu’elle étaitdifférente.
Maispeuimporte:ilavaitenviedeluiachetercecollier.Alorspourquois’abstenir?—C’estuncadeau.Ilestdestinéàtefaireplaisir.Lebijoutierrevintviteaveclacarteetleticketdecaisse.—Puis-jevousêtreutileàautrechose?demanda-t-il.Julianconsidéraalorslesjournalistesàl’extérieur…Ilavaitrepéréuncaféàquelquesmètresdela
bijouterieoù ilavaitenvied’emmenerGretchen—maissansunemeutede journalistesà leurs talons,celavasansdire.Pourquoinepasprofiterd’unmomentdetranquillitéavecelleavantquenecommencelemariage?
—Oui,répondit-il.Auriez-vousuneportearrièreparlaquellenouspourrionsressortir?
-5-
—C’esttoutcequetuvasprendre?demandaGretchen.Honnêtement,imaginequelesjournalistesfassentirruptiondanscecaféetqu’ilsmevoiententraindedégusterunénormesandwichtandisquetugrignotesunesaladed’épinardssansassaisonnement.Cen’estpassérieux!
—Jet’aiditquejemeréservaispourlegâteaud’Amelia,répondit-ilavecunsourire.Gretchenhaussalesépaulesetmorditdanssonsandwich.—Tupourrais aumoins commanderun autreplat pour sauver les apparences, quitte à nepas le
manger.—Maispersonneneprêteattentionànous,Gretchen!Noussommescoincésdansl’anglemortd’un
petitcafé.Détends-toietsavourecequetuasdanstonassiette.Elle avala encore quelques bouchées avant de trouver le cran de lui poser la question qui la
turlupinait.Allez,courage.—Tun’espasfatigué,Julian?—Fatiguédequoi?—D’êtretraitécommeunmorceaudeviande.Pourtouteréponse,ilpoussaunriregrinçant.—Enfait,si,jesuislas,finit-ilparavouer.Maiscettesituationnedurerapaséternellement.Pour
l’instant, je suis jeune, en très bonne condition physique, alors autant en tirer profit. Je pense que jepourraiprétendreàdemeilleursscénariosquandjeseraiunpeuplusâgéetquelesgensneserontplustropintéressésparmesbiceps.
—Cenesontpastesbiceps,maistesabdosquisontimpressionnants,corrigeaGretchen.Julianhaussaunsourcil.—Oh!mercidel’avoirremarqué!Aussitôt,ellesesentitrougir.Mince,quelbesoinavait-ellededireça?—Euh…Jenevoulaispas,enfin,jedisaisjusteça…Ellen’arrivapasàallerauboutdesaphrase.Impossibledesejustifier!—Cen’estrien,Gretchen.Tupeuxtoutàfaitadmirermesabdos,jeseraisbienhypocrited’utiliser
mon corps pour gagner de l’argent et ensuite de critiquer ceux qui m’en font compliment. Cela dit,j’espèreêtreunjourconnupourautrechose.
—Tuasdoncdéjàenvisagédetournerdesfilmsd’unautregenrequedessuperproductions?Juliansoupira.—J’adorerais…J’ai d’ailleurs un scénarioque j’ai apporté et quimeplaît énormément.Rien à
voir avecmes rôles habituels. Là, je jouerais vraiment un personnage qui a de l’épaisseur et quimepermettraitpeut-êtred’êtrereconnupourmestalentsd’acteur.
Gretchenl’écoutaalorsselanceravecanimationdanslerésuméduscénario:onluiproposaitd’yinterpréterunalcooliquequiperdaittoutcequ’ilpossédaitetrevenaitchezluipouraffronterlafamillequ’ilavaitabandonnée.Oui,c’étaitunrôleformidablequiauraitpueffectivementprêterunetoutautretrajectoireàsacarrière.
—Pourquoihésites-tuàlefaire?—Monagentpensequec’estunemauvaiseidée.Etilaraison.Plusj’yréfléchisetplusjemerends
comptequecen’estpaslebonmoment.—Pourquoi?Tuneperdsrienàessayer.Julianpritunregarddistantetsemitàobservercequisepassaitàl’entréeducafé.—Au contraire, je pourrais tout perdre, dit-il. Je peuxm’estimer chanceux de la fortune que je
détiensaujourd’hui.J’aiassezd’argentpourprendresoindemafamille,meneruneexistencederêveetne jamaism’inquiéterquandilyadesfacturesàpayer.Mais l’industrieducinémaest fluctuanteetonpeuttoutperdreenuninstantavecdemauvaischoix.
Gretchenneputs’empêcherdes’exclameraussitôt:—Cen’estpasunfilmquivasuffireàcompromettretoutetacarrière!—Lesgensm’attendentdansdes rôlesd’action, ilsnecomprendraientpeut-êtrepas…Etpuis…
quesepasserait-ilsij’acceptaisdejouerunpersonnagesérieuxetquejen’étaispasàlahauteur?Silacritiquem’éreintaitpourm’êtrecrucapabledefaireautrechosequedetireràlamitrailletteetdevolerenhélicoptère?
—Aumoins, tu aurais essayé, affirma-t-elle sans hésitation.Désolée d’insister, Julian,mais cesfilmsd’actionnesemblentpastesatisfaire.Exerçantmoi-mêmeunmétierliéàlacréation,jecomprendstesfrustrations.Atropfairedecompromis,tuvasfinirparneplusaimertontravail.
—Toi, en tout cas, tu aimes le tien !Ça se voit à la façon dont ton visage s’animequand tu enparles.
Gretchenfaillitsursauter.C’étaitétonnantqu’ilaitremarquécedétail.Elle-mêmen’yavaitjamaisprêtéparticulièrementattention.
—Peut-être…Entoutcas,unechoseestcertaine:j’adoremonmétier.Jenesuispasartisteausenstraditionnelduterme,maismontravailaquelquechosedecréatif.Jenem’ennuiejamaiscaronnemedemande jamaisde fairedeux fois lamêmechose.Sans compterque je travaille avecmesmeilleuresamies,sibienquechaquejourestunvraibonheur.
—Jedoisadmettrequejet’envie.Gretchenécarquillalesyeux.Décidément,elleallaitdesurpriseensurprise!—Toi,tum’envies?Vraiment?Julianhochalatêteavantderépondre:— Absolument. Tu mènes la vie dont je rêve. Tu exerces un métier qui te plaît et qui te rend
heureuse.Etpuistonexistencesembletellementauthentique!—Peut-être,maisjenesuispasmillionnaire,moi!Tescompromiscomportenttoutdemêmedes
avantages.—L’argentnefaitpastout.C’estnécessaire,biensûr,etjesuisreconnaissantaudestind’engagner
autant, mais l’idée de perdre ce qu’on possède peut devenir obsédante. Regarde, en ce moment, parexemple,jesuisdansuncaféoùrègneunedélicieuseodeurdenourriture,jemeursd’enviedemangerunetarteauxmyrtillesmaisjenepeuxpasm’accorderceplaisir.Jenemangepascedontj’aienvie,jenefaispascequejeveux,jenejouepasdanslesfilmsquimeplaisent…Ettoutçaàcausedel’argent!
Gretchensecoualatête.Ellen’étaitpasd’accordavectoutcediscours,loindelà…—Seulslesgensquiontdel’argentestimentquec’estunfardeau.Julianlaconsidérasoudaind’unaircurieux.—Puis-jetedemanderpourquoituasacceptédeparticiperàcettepetitecomédieavecmoi?
Elleéclataderire.Pourquoinel’avait-ilpasinterrogéeplustôtàcesujet?— C’est une bonne question, commença-t-elle. Et je dois dire qu’au début, je me suis posé la
question,moiaussi.Mais ilme fautavouer, àmagrandehonte,quemamotivation,c’est l’argent.Caravec la sommeque jevaisgagnerpour tenirquelques jours le rôlede tapetite amie, jepourrai enfineffectuerlevoyagedontjerêvedepuistoujours.
— Tiens donc ! Moi aussi, j’adore voyager ! répliqua Julian en repoussant sa salade pour sepencherverselle.Etoùcomptes-tualler?
—EnItalie,répondit-elleavecunsoupirpleindenostalgie.C’estmonrêvedepuislelycée,quandnous avons étudié la Renaissance. J’ai envie d’aller admirer de près la beauté des tableaux et del’architecturedecetteépoque.Jesouhaiteaussidécouvrirlanourriturelocale,ainsiquelesItaliens.Jeveuxconnaîtretoutça.Etgrâceàcetargent,monrêvevaseréaliser.
Julianhochalatête.—L’Italieestunbeaupays,tuvasadorer.—Tuyesdéjàallé?—Oui,unefois.NousavonstournéquelquessemainesenToscaneetj’aieul’occasiondevisiter
Florence.C’estunevillemerveilleuse,j’aitoujourseuenvied’yretournermaisjen’aijamaistrouvéletemps.
Gretchenhochalatête.Ilestvraiquel’emploidutempsd’unacteuresttoujourstrèscompliquéàgérer…
— Je comprends.Moi-même jeme demande comment je vais pouvoir prendre des congés pourpartirenItalie.FromThisMomentreprésentetoutemavie.
—Allons,si tuasl’argent,n’hésitepas!Si turaisonnesdecettefaçon,ceneserajamaislebonmoment.Avantquetucomprennescequit’arrive,teséconomiess’amenuiserontettuseraspasséeàcôtédetonrêve.
—Jenecroispasque…—Jetemetsaudéfidet’yrendreauprintempsprochain, lançaJulianavecunsouriremalin.Fin
avril,débutmai,ceseraitparfait,ilfaittrèsbeauetiln’yapasencoretropdetouristes.Gretchencruts’étrangler.Quevenait-ildedire?—Tumemetsaudéfi?—Toutàfait,affirma-t-ilenposantsurelledesyeuxd’unbleusiintensequ’ellesentitdesfrissons
luiparcourirledos.Ettunemesemblespasêtrefemmeàreculerdevantundéfi.Gretchen soutint le regard de Julian avec un petit sourire : on ne lui avait jamais lancé un tel
challenge,maisellenedoutaitpasuninstantdesescapacitésàlerelever!—Trèsbien,j’accepte.Etd’ailleurs,moiaussijevaist’enproposerun.—Oh!vraiment?Ilseredressasursonsiègeetcroisalesbras.Avantdepoursuivred’untonpleind’aplomb:— J’ai hâte de savoir de quoi il s’agit.A l’école, au jeu «Action ouVérité ? », je choisissais
toujoursAction.—Trèsbien,monsieurJ’ai-super-confiance-en-moi,jetemetsdoncaudéfid’alleraucomptoir,de
commander cette tarte auxmyrtilles qui te fait tant envie et de revenir la déguster jusqu’à la dernièremiette.Transgresselesrègles!Aujourd’hui,ils’agitd’unetarteauxmyrtilles,maisquisait?Demain,cesera peut-être une première au festival de Sundance, au milieu des grandes figures du cinémaindépendant.
Julian laconsidéraquelques instants.Oh!elleavaitparfaitementconsciencequ’ilétaitenconflitaveclui-même,maislepropredudéfin’était-ilpasjustementdenousmettrefaceànoscontradictions?
Gretchen décida cependant de lui venir en aide. Elle savaitmieux que quiconque ce que c’étaitd’êtreaurégime.Surtoutavecunefamilleetunentourageprêtsàsaboterinvolontairementvosplans.
—Bon,jelapartageraiavectoi,situveux.Acesmots,levisagedeJulians’éclaira.—Trèsbien!Etilselevapourallerchercherlapâtisserie.Gretchens’adossaalorsàsachaise.Enfinseule!Ellepritunegrandeinspiration.Julianavaitune
présencesimagnétiquequ’elleavaitparfoisdumalàrespirerensacompagnie.Maisétrangement,elleaimaitêtreaveclui!
Etsurtout,elleserendaitcomptequ’ilsavaientbeaucoupdepointscommuns.Pasdedoute:plusilspasseraientdetempsensemble,plusellepourraitvoirl’hommederrièrel’acteur.
Toutefois, si cespensées étaient agréables, elles étaient égalementdangereuses et vaines.Cardequoiétaient-ilsentraindeparler?Del’argentqu’illuidonnaitpourtenirunrôletemporairedanssavie.Autantêtrelucide:aprèslemariage,chacunrepartiraitdesoncôté.Peut-êtreavait-ellel’impressionquelecourantpassaitentreeux,maisJuliann’endemeuraitpasmoinsunacteur,pasquestionde l’oublier.Dansquelquesjours,ils’envoleraitpourL.A.etellen’existeraitpluspourlui.
Seigneur,c’étaitbiensaveine!Pourunefoisqu’ellesesentaitbienavecunhomme,ilfallaitquecesoitunestarhollywoodiennequiallaits’éclipseretneplusjamaisvouloirentendreparlerd’elle.
Acerythme-là,ellenecoucheraitjamaisavecpersonne.
***
Julian poussa presque un grognement de plaisir en dégustant la dernière bouchée de sa tarte auxmyrtilles.Ladernièrefoisqu’ils’étaitautantrégalédevaitremonterà…àunan,peut-être?Engénéral,cen’étaitpasluiquidécidaitdesesrepas.Sescoachsetseschefscuisinierss’enchargeaientpourluietprenaientbiensoindeluiépargnerlamoindretentation.Parailleurs,Bridgettesuivaitunrégimeencoreplusstrictquelesien.Iln’avaitdonceuaucunmal,quandilsortaitavecelle,àéviterlanourrituredontilavaitréellementenvie.Loindesyeux,loinducœur,enquelquesorte.
Gretchen,enrevanche,sefichaitmanifestementdetoutescescontraintes.Ellemangeaitcedontelleavaitenvie,etl’expressionsatisfaitequiéclairaitsonvisageenétaitlapreuve.Allons,qu’est-cequeçapouvaitbienfairesielleavaitquelqueskilosentrop?Elleavaitunesilhouettetrèsféminine,avecdesformes agréables à l’œil, et un sourire sincère. Oui, elle était aux antipodes de Bridgette et de sonphysiquedeplancheàrepasser,sansparlerdesonregardblaséetanxieuxqueriennesemblait jamaiscontenter.
Quisait?Peut-êtrequ’elleauraiteubesoind’unebonnetarteauxmyrtilles!—Vilaingarçon!s’exclamaGretchenenreposantsafourchette.Jesuiscertainequetuasprisau
moinsunkilo!Julianlevalesyeuxverselle.—Non…Cen’estpaspossible?Ellesemitàrire.—Maisbiensûrquenon!Unedemi-partdetarte,franchement,cen’estpaslafindumonde.Après
tout,tuaseuunebonnerationdefibres,aveclesmyrtilles.Ce fut alors qu’il s’aperçut qu’il avait une légère trace de fruits rouges au coin des lèvres.
Machinalement, il saisit sa serviette avant de se raviser : une meilleure idée venait de lui traverserl’esprit!
—Nebougepas!ordonna-t-il.LetempsdepasserunemainautourdelanuquedeGretchen,ilpressasabouchecontrelasienne
pourfairedisparaîtretoutepreuvedudessert,avantd’approfondirsonbaiser…
Commechaquefois,Juliansentitquelquechosedefortnaîtreenlui…SentirleslèvressidoucesdeGretchen et son délicieux parfum avait un goût de paradis. Bon sang, il avait une telle envie del’étreindre.Undésirquiàchaquebaisers’intensifiait…Defait, iln’avaitjamaistantfantasmésurunefemmeauparavant.
Maissoudain,Gretchensedétachadelui:ilnes’yattendaitabsolumentpas.C’étaitcommesionvenaitdel’abandonner.Delerendreterriblementvulnérable…
—Quesepasse-t-il?demanda-t-il.Ellebraquasurluidesyeuxméfiantsavantdelâcher:—Cebaiser,c’étaitquoi?Ellejetauncoupd’œilalentouravantdeposerànouveausonregardsurlui.—Personnenenousépiait,ajouta-t-elle.Julianfit lagrimace.Gretchennes’imaginaitpasqu’il l’avaitembrasséeparcequ’ilenavait tout
simplementenvie,évidemment!—Cebaiser,c’étaitpourmoi,rétorqua-t-ilalors.Acesmots,elleplissalesyeux.—Jenecomprendspas…—Maisiln’yarienàcomprendre,répliqua-t-ilenluiprenantlamain.Tumeplaisetj’avaisenvie
det’embrasser,alorsj’aicédéàmonenvie.C’estunequestiond’attiranceentreunhommeetunefemme.Gretchenhochalatête,maisiln’étaitpascertainquesaréponsel’avaitrassurée.—Jet’aiditquejen’étaispastrèsdouéepourlesrelationshomme-femme.Exact, mais elle exagérait. Comment pouvait-elle ne pas comprendre qu’il avait envie de
l’embrasser ?Avait-elledoncune simauvaise estimed’elle-mêmepournepas se sentir dignede sonattention?Sitelétaitlecas,ilallaitfaireensorted’yremédier.
—Tuasaffirméquejeteplaisais,reprit-elle.Qu’est-cequeçaveutdire,aujuste?—Que tum’attires. Je sais que notre rencontre a été arrangée et je ne veuxpas temettremal à
l’aise,Gretchen,maistuesloindemelaisserindifférent.Jet’assure.Nesachantvisiblementpasquoirépondre,Gretchenavalaunegorgéedethéglacé.C’étaitpresque
commes’ilvenaitdebrûlerlesétapesetdeluidirequ’ill’aimait.Julian se mordit la lèvre. S’était-il mal exprimé ? Pensait-elle qu’il avait des idées pas très
avouables derrière la tête ? Ça aurait été le comble ! Il s’apprêtait à préciser ses ultimes proposlorsqu’elleposasurluisonregardsombresiintense.
—Toiaussi,tum’attires,déclara-t-ellesansdétour.Avraidire,voilàquilerassurait.Ilseretinttoutefoisdesourire.Pasquestiondeluifairecroire
qu’ilsemoquaitd’elle!—Jesuiscontentquenousjouionscartesurtable.Gretchenhochalatêteetbaissadenouveaulesyeux…Lavoiraussigênéedouchaaussitôttousles
fantasmesqu’ilpouvaitavoirentête.Commelefaitdel’emmenerdanssasuitepourfairel’amouravecelle. De toute façon, ils avaient du pain sur la planche ! Quand bienmême elle l’aurait désiré aussidésespérément que lui, ils devaient s’occuper du mariage et, en l’occurrence, décorer la salle deréception.
— Bon, reprit-il, je suppose qu’il est temps de revenir à l’agence. Je t’ai promis de t’aider àinstallerlesdécorations,tutesouviens?
—Tun’espasobligé,tusais,répondit-elled’untonpresquehautain.Tum’asinvitéeaurestaurantet,surtout,tum’asoffertunmagnifiquecollier.Jepeuxtoutàfaitpassermasoiréeàdécorerlasalletouteseulepourcompenserletempsperdu.
Juliansecoualatête.
—Non, tu nevas pas te débarrasser demoi aussi facilement. Il se peut que je n’aie pas unœild’artiste,maisjesuisunformidableexécutant.
—Trèsbien,ditGretchenenreposantsaserviette.Uneheures’estécouléedepuisquenoussommesentrésdanscebar.Penses-tuquelesjournalistesontabandonnéoubienest-cequ’ilsmontenttoujourslagardedevantlabijouterie?
Julianhaussalesépaulesetseleva.—Peuimporte.Jesuisheureuxquenousayonspupassercetteheureentêteàtête.Le tempsdeprendre lamaindeGretchen, il l’entraînahorsde l’établissement : il n’yavaitplus
aucunpaparazzienvueetleurvoiturelesattendaitgentimentàquelquesruesdelà.Tantmieux!Le retourà l’agencesedéroulasansencombreetpourtant,chacungardaunsilencegêné.Comme
lorsdeleurpremierrendez-vous.Cetteatmosphèreétrangeperdurajusquedanslasallederéception,oùGretchenetluiseplongèrentdansunetâchebienprécise:attacherunnœudenorgandinoiràchaquedosde chaise.Mais rapidement, il fut démis de cette fonction— apparemment, il ne savait pas faire lesnœudspapillon—eteutalorspourmissiondeplier lesserviettesde tabledont le tissuétaitbienplusfacileàmanier.
Unefoislesnœudsterminés,GretchenposaàchaqueplaceunverreremplideperlesenformedenotesqueJulianrecouvritsurses instructionsde laservietteavantd’yglisser lemenu.Il l’aidapar lasuiteàtransporterquelquequarantevasessurlascène,ainsiquedescandélabres.
—Doit-onlesdisposermaintenantsurlestables?demanda-t-il.Gretchens’assitalorssurlereborddel’estradeetregardal’heuresursonportable.—Non,pascesoir,ilesttard.Jem’enchargeraidemain.Julianluijetaunbrefcoupd’œilpuisconsidéralasalle:ilsavaientbientravaillé,maisildevaity
avoirencoredenombreusesdécorationsenstock!—Tuescertaine?s’enquit-il.Jepeuxresteraussilongtempsquetuasbesoindemoi.—Tu es àNashville pour passer du temps avecMurray, non ?Vous n’êtes pas censés faire des
partiesdepokerentremecs,ouquesais-je,lesoir?—Pasvraiment…Onadéjà joué augolf etmangédesgrillades avant que je passe ici.Et puis
demain,ilyauralarépétitionainsiquelasoiréed’enterrementdeviedegarçon.JulianvitalorsGretchenluiadresserunsourireentendu.—Etqu’est-cequiestprévu?Desstripteaseusesetdelabière?—Non, répondit-ild’un tonoffensé,ceserabienpluschic. J’ai réservédansunpiano-barde la
ville. Il y aura aussi unCubain qui nous roulera d’authentiques cigares et un brasseur local nous feragoûter ses spécialités. Une compagnie de danseuses burlesques effectuera par ailleurs pour nous sesdernièresperformances.
Julians’efforçadegardersonsérieuxmaiselleavaitmisledoigtdanslemilleavecsasupposition!—OK,finit-ilparconcéderenéclatantderire.Ilyaurabiendesstripteaseusesetdelabière,mais
àunprixtrèsélevé.—Cequisuffitàdonnerbeaucoupdeclasseàlasoirée,ironisa-t-elle.—Toutàfait.—Danscecas,ilestpréférablequeturentrescardemain,unelonguenuitdedébauchet’attend.Etsurcesmots,Gretchense levaet s’essuya lesmainssurson jean.Julian lasuivitpuisattendit
qu’elleéteignetoutesleslumièresetverrouillelesdifférentesportes.Unefoissurleparking,ilconstataquelatempératureavaitrudementbaissé.Enquelquesheures,ils
étaientpassésd’unjourdenovembrecalifornienàunmoisdenovembren’importeoùailleurs.Ilfermasavesteencuirmaisellenelepréservaitguèrequeduvent,pasdufroid.
Contrairement à lui, Gretchen avait été prévoyante : elle portait en effet un épaismanteau ainsiqu’uneécharpeenlaine.Illareconduisitjusqu’àsavoiture.
Quefaire?Prendrecongéoubienprononcerunephrasequiauraitpermisdeprolongerlasoirée?D’instinct,ils’approchaetelles’adossacontrelacarrosseriedesavoitureenposantsurluidesyeuxoùsereflétaitlalumièredulampadaire.
—Est-cequetuasaumoinsapportéunvraimanteau?demanda-t-elle.Julianeutunpetitsourire.Rienneluiéchappait:elleavaitvuqu’iltremblaitdefroid.—Non.J’aiunanorakque jemetsquand jevaisskieràAspen,mais jenepensaispasenavoir
besoinici.C’est alorsqu’il remarqua labuéequi se formaitdevant sabouchequand il parlait.Quel froid !
Commeilregrettaitdenepasavoirregardéplusattentivementlesprévisionsmétéorologiquesavantdefairesesvalises!
—Situveuxmonavis,tudevraist’acheterunmanteau,demain.Onnepeuttoutdemêmepaslaisserletémoinattraperunrhume.
—Oui,c’estunebonneidée.Maisenattendant,peut-êtrequetupourraismetenirchaud.Un sourire aux lèvres,Gretchen l’enlaça par les épaules et l’attira contre elle. Sa bouchen’était
qu’àquelquescentimètresdelasiennequandelledemanda:—Commeça?Enlaprenantparlataille,Juliansepressaétroitementcontreelle.—Oui,c’estbienmieux.Mêmesij’aiencoreunpeufroid…Sansmotdire,elleposalesmainssursonvisageetapprochasabouchedelasienne…Unevague
dechaleurlesubmergeaquandseslèvressensuelleseffleurèrentlessiennesetlorsquesalanguesemêlaàlasienne,ilavaitassezchaudpourretirersavesteencuir.Cesimplebaiseravaitsuffiàenflammerlesangdanssesveines…
Julian fit alors glisser sa bouche le long du cou de Gretchen et elle laissa échapper un petitgémissement.Lavoiraussiréceptiveàsescaresseslefaisaitfrémir!Ledésirqu’elleluiinspiraitmontad’uncran.Enl’étreignantunpeuplusfort,ilfitremontersesmainsdesatailleàsapoitrine.Cequiluivalutd’entendreunnouveaugémissement…Maiselleplaquadanslafouléelesmainscontresontorse,cequilefitreculer.
—Qu’ya-t-il?demanda-t-ild’unevoixhaletante.—Je…C’estjusteunpeutroprapidepourmoi.— Rapide ? Mais nous sommes jeudi, Gretchen. Et lundi prochain, je serai reparti pour la
Californie.Jeneveuxpastemettremalàl’aisemaisnousn’avonspastoutnotretemps!Gretchensoupiraetfixaunpointloinderrièrelui.—Jesais.—Qu’est-cequit’inquiètetant?Dis-moi.A quoi bon le nier ? Julian avait la curieuse impression que le corps et la volonté deGretchen
étaientenconflit.— Je t’ai dit que je n’avais pas rencontré beaucoup d’hommes,mais il y a plus, Julian… Je te
désire, c’est indéniable, et je serais heureuse que nous allions plus loin, si de ton côté tu acceptais.Seulement,situconnaissaislavérité,jecrainsquetu…
—Quejequoi?l’encouragea-t-il.Bonsang, il fallaitqu’il sache !Qu’est-cequipouvaitbienatténuer ledésirqu’iléprouvaitpour
elle?—Jesuisvierge,finit-elleparavouer.Lesmotsétaientsortisdesaboucheprécipitamment,commesielleavaitvoululesprononcerune
bonnefoispourtoutesavantd’avoiràleregretter.Julianécarquillalesyeuxetreculad’unpas,commesiellevenaitdelefrapper.Elleplaisantaitou
quoi?
—Tuesvierge?répéta-t-il.—Oui,etcommejetel’aidit,cen’estpasunproblèmepourmoi.Aucontraire,tumeferaisune
grossefaveursitumelibéraisdecefardeauquejeportedepuisdelonguesannées.Maisengénéral,leshommesneréagissentpastrèsbienàlanouvelle.
Cequ’ilconcevaitaisément:celaneluiplaisaitguèreàluinonplus,carcenouvelélémentdesplusinattenduscompliquaitcequ’ilavaitcruvivreàNashville…
—Etm…!murmuraGretchen.Entendrebruyammentrésonnercejuronlefitsursauteretillaregardaensourcillant.—Quoi?—Jet’aifaitpeur,c’esttoujourspareil.Tuashâtedepartir,àprésent,jelevoisdanstesyeux.—Non,non,larassura-t-ilalorsensecouantvigoureusementlatête.Jenem’yattendaispas,c’est
tout.Maisj’auraisdû…Julian s’interrompit. Oui, il aurait dû s’en douter car tout dans le comportement de Gretchen le
laissaitentendre.Seulementiln’avaitpasimaginéquecesoitpossible.—Ecoute,ilesttardettudoismourirdefroid,reprit-il.Oh!c’étaitlâchedesapartquedeluidireça,ilenavaitbienconscience.—Etcommenousdevonsêtreenformepourdemain,jevaistelaisserrentrercheztoi.Donconse
voità18heurespourlarépétition?—Entendu,marmonna-t-ellesansmêmechercheràmasquersadéception.Bonnenuit,Julian.Là-dessus,sansluiaccorderundernierbaiser,Gretchenmontadanssavoiture.Ilenavaitàpeine
refermélaportièrequedéjàelledémarrait.Lorsquesespharesdisparurentdans lanuit, Julianse renditcompted’unechose : ilétaitunvrai
crétin!Detouteévidence,ilétaitplusàl’aiseaveclesfemmesquandilavaitunscénario…
-6-
Aquoibonsementir?Gretchens’envoulaiténormément.Elleauraitmieuxfaitdesetaire.C’étaitdécidé : laprochaine foisqu’elle rencontreraitunhommeàsongoût,ellene lepréviendraitpas,et lelaisserait découvrir la vérité aumoment fatidique.Aumoins, il ne pourrait plus reculer et elle seraitdélivréedecequil’embarrassaitdepuisdesannées.
Actuellement,Julianetellesetrouvaientautourdelatableavecquelquesautresinvitésaumariageet elle aurait préféréque l’affreuse scènedes aveuxn’ait pas eu lieu ! Ils enétaient audessert et son« fiancé » avait un bras posé sur son épaule tandis qu’un sourire dévoué éclairait son visage.Evidemment, il était acteur, quoi de plus facile pour lui qued’avoir l’air amoureux ?Mais pour elle,c’étaituneautrehistoire,d’autantqueBreenecessaitderôderpourprendredesphotosenluilançantdessouriresentendus.
Seigneur,pourquoiavait-elletoutgâché,alorsqueleschosessedéroulaientsibien?Enluiavouantqu’il l’attirait, elle avait semé le trouble dans leur petite comédie. Elle lui plaisait, il lui plaisait…Qu’est-cequiempêchaitcetterelationfictivededevenirréelle,finalement?
Sipeudechose…Gretchenretintunsoupir.LeregarddeJulian,quandelleétaitpasséeauxaveux,luiavaitbriséle
cœurcar,quelquessecondesauparavant,ilavaitposésurelledesyeuxbleuazurenflammésparledésir.Mêmesonegobienfragileavaitsuenpercevoirl’intensité.Etpuis,enunéclair,lapaniqueavaitprisledessus.D’ailleurs,aumomentoùelleavaitprononcélesmotsfatals,elleavaitcomprisl’erreurqu’ellevenaitdecommettre.
Julianvoulaitune relation légèreet torride :être lepremierpartenaired’une trentenairen’entraitassurémentpasdanssesplans!Ellel’avaitaccusédefuir,maisc’étaitprécisémentellequiavaiteuhâtederentrerchezellepoursemettreaulitetsefustiger.
Heureusement,elleavaiteu tantà faireavant la répétitionqu’ellen’avaitguèreeude tempspourrepenser à cet incident si gênant. Et quand elle avait revu Julian, là encore, ils n’avaient guère eul’occasiondediscuter:MurrayetKellyavaientrépétésurl’estrade,puisilsétaienttouslesdeuxmontésdansuneimmenselimousinepourserendreaurestaurantoùtouttête-à-têteétaitexclu.
Cequiluiconvenaitparfaitementcarellen’avaitaucuneenvied’analyserlascènedelaveilleaveclui.Siseulementlesdeuxjoursàvenirpouvaientseterminerleplusvitepossiblepourquetoutecettehistoiresoitderrièreelle!Maisenl’occurrence,c’étaitdifficilecariln’arrêtaitpasdelatoucher,deluitenirlamain,deluiparleràl’oreille…Résultat:elledésiraitencoreplusardemmentcequ’ellen’étaitpasdestinéeàvivre!
Undes serveursposaalorsdevantelleunsouffléauxpêches surmontéd’unebouledeglaceà lavanille fondante…Tout cela semblait délicieux !Voilàquipouvait l’aider à s’arracher à ses sombres
pensées.D’ailleurs,nedevait-ellepasjouerlerôledelapetiteamieheureuse,quoiqu’ilarrive?Celafaisaitpartieducontrat!
—Commeçaal’airbon!déclaraJulianenexaminantsondessert.C’estmêmehorriblementtentant,enréalité.
—Tun’enprendspas?demanda-t-elle.Gretchenconnaissaitdéjàlaréponse,maisc’étaitunefaçond’entretenirlaconversation…Juliansecoualatêteetavalaunegorgéed’eau.Quelascète!Ilavaitpassélasoiréeàgrignoterdu
poissongrilléetleslégumesquil’accompagnaient.Commentpouvait-ils’encontenter?Cemystèreluiéchappaitcomplètement.
—Cen’estpasparcequetum’asmisaudéfidemangerunetarteauxmyrtillesquej’airenoncéàmonhygiènedevie.
—Tuneveuxpasengoûter justeunepetitebouchée? insista-t-elle.Enfin,comme jesaisque tun’aimespasêtrelepremier,jecommenceetjet’endonneuneensuite.
Gretchenfaillits’envouloir,maisellen’avaitpaspus’empêcherdelancercetteremarqueallusive.Asagrandesurprise,ellevitunsourireamusééclairerlevisagedeJulian.
—Sachequeçanemegênepasdegoûterlepremier.Enrevanche,jemesenscoupablequandjesaisquejenepourraispasresterpourmangertoutleplat.
—Lesoufflén’enserapasoffensé,jepeuxtel’assurer.Ilveutjustequ’onlesavouretantqu’ilestencorechaudetjuteux.Card’icipeu,ilserafroid,duretamer.
— Permets-moi d’en douter. Ecoute, Gretchen, je sais que j’ai eu tort de partir, hier soir, etd’ailleurs,j’aipassédeuxheuresdanslasalledegymdel’hôtel,après.
Gretchencroisasonregard.Qu’essayait-ildeluidire?—Tutesentaiscoupable?Julianhochalatête.—J’avaisdel’énergieàdépenser,aprèst’avoirquittée.15kilomètressurletapisdejoggingm’ont
unpeuaidéàsurmontercetteimpression.—Tupeuxparcourirautantdekilomètresquetuveuxsuruntapisdejogging,tunet’éloigneraspas
detonproblème.—Bienvu!Maisfairedel’exercicem’aideàréfléchir,àyvoirplusclair,àdéfautd’autrechose.Gretchenplissalesyeuxetunregaind’espoirjaillitdanssoncœur.—Queveux-tudire,aujuste?—Quenousdevonsdiscuter.Elleécarquillalesyeuxetsepenchasursondessert.Discuter?Sic’étaittoutcequ’ilenvisageait,
autantqu’ellesauvecepauvresoufflédutragiquedestinquil’attendaitsiellenelemangeaitpastoutdesuite.Maisalorsqu’elleportaitunepremièrebouchéeàsabouche,Juliansepenchaverselle.
—Ettrèsbientôt,précisa-t-il.Gretchens’arrêtadanssongesteetellesentitsamaintrembler.—Etnet’inquiètepas!Taprophétieneseréaliserapas,ajouta-t-ilencore.Elle eut tout d’un coup le souffle court…N’était-il pas en train de lui dire que…Pour le coup,
l’idéedeseretrouvernuedevantJulianluicoupal’appétit.—Alors,Julian,tuesprêtpourlasoiréed’enterrementdeviedegarçon,cesoir?lançaunedes
demoisellesd’honneurdel’autrecôtédelatable.Celui-ciseredressaimmédiatementetadressaunsourirecharmeuràsoninterlocutrice,ainsiqu’à
sesamies.—Toutàfait.J’aiprévuunesoiréeformidableentrehommes,répondit-il.L’unedesfemmeslançaaussitôtunregardmenaçantàunhommequidevaitêtresonpetitami.—Essaiedetelimiteràunedanseaveclastripteaseuse,déclara-t-elle.
L’intéressésemitàrire.— Pourquoi ? Ce n’est pas moi qui me marie demain. Tu as peur que je parte avec une
stripteaseuse?— Pas du tout. Je crains juste que tu ne glisses toute ta paie dans son soutien-gorge et que tu
reviennesfauché.—Bah,danscecas,Julianm’aideraàremontermesfinances!Ilparaîtquetuasgagné15millions
dedollarspourtondernierfilm.C’estvrai?demanda-t-ilentournantlatêteverscedernier.GretchensentitJulianseraidir:c’était lapremièrefoisqu’ellepercevaitdelanervositéchezlui
depuisqu’ilssecôtoyaient.Ilavaitdéjàmentionnélesgensquileprenaientpourunebanque:cequ’ilvenaitd’entendren’avaitpasdûleréjouir.Mêmesic’étaituneblague,biensûr,celle-ciétaitdemauvaisgoût.
—Etvous,combienavez-vousgagnél’andernier?rétorqua-t-elleavantqueJuliann’aitletempsderépondre.
L’hommequisecroyaitdrôleouvritdegrandsyeux,visiblementsurprisparletonsecqu’elleavaitemployé,puislevalesmainsensignedecapitulation.
—Désolé,dit-il, jeplaisantais.Maissi j’empochaisde telles fortunes, je lecrieraissur tous lestoits,vouspouvezmecroire.
—Etcommeça,toutlemonde,mêmedesgensquevouscroisezàundînerderépétition,viendraitfrapperàvotreportepouravoirunepartdugâteau,argua-t-elleencore.
Soninterlocuteur,pourtantsolidementcharpenté,parutsoudaindisparaîtreenlui-même.—Jevaisaubarprendreunverre,annonça-t-il.Là-dessus, ilse levatandisquelesdiscussionsreprenaient làoùelless’étaientarrêtéesavantcet
échangemusclé.QuantàJulian,ilsepenchaverselleetimitatoutbaslegrognementd’unfélin.—Jenesavaispasquetupouvaistetransformerenunetelletigresse.Gretchensemitàrire:—Moinonplus,mais ilm’était impossibledenepas intervenir.Cen’estpasparceque tuesun
personnagepublicquetesrevenusdoiventêtreaucentredel’attention!Illuisourit.—Tusais,plusonad’argent,plusonendépense.Jedoispayerpresquetrentemilledollarspar
moispourmamaisondeBeverlyHills.Celadit,jenesuisbienévidemmentpasàplaindre.—Trentemilledollars?Maisc’estinsensé!s’écria-t-elle.—Ainsivalemarchéimmobilier,enCalifornie.Etjeneteparlepasdestaxes,desassurances,du
salairedeRoss,demoncomptable…—Tuveuxquejeterendelecollier?—Non,biensûrquenon,assura-t-il.Jepeuxtoutàfaitmepermettredemenergrandtrain.Ceque
jevoulaisdire,c’estquel’échelledesdépensesestdifférenteenfonctiondecequ’ongagne.Gretchensecouala têtepuischerchasonportablepourvoir l’heure. Ilsefaisait tardetelleavait
encoredupainsurlaplanchepourquelasallederéceptionsoitprête,lelendemain.—Ilvafalloirquej’yaille,déclara-t-elle.Julianfitlamoueetelleauraitaimél’embrasserpourlafairedisparaîtremaisellesecontentade
luidonnerunbrefbaisersurlajoue.—Amuse-toibienaveclesgarçons,cesoir.EtfaisensortequeMurrayneboivepastrop:Natalie
détestequandlemariéalagueuledeboislejourdumariage.—Entendu,m’dame!Maisenattendant,jeteraccompagnejusqu’àtavoiture.—Non,inutile.Cesoir,c’estàMurrayquetudoisêtreloyal.Etelleseleva.Julianattrapasamainetlaportaàseslèvrespourydéposerunbaiserbrûlant.
Aussitôt,Gretcheneutl’impressiondelittéralements’embraserdespiedsàlatête!—Onsevoittrèsbientôt!dit-il.C’était exactement l’expression qu’il avait utilisée lorsqu’ils parlaient à mots couverts d’une
relationphysiqueentreeux!Gretchenretirasamainets’efforçademasquersonémoiparsonplusbeausourire.—Entendu.Bonnenuit,Julian.Letempsd’adresserunpetitsigneàMurrayetKellyenguised’aurevoir,elles’éclipsa.Unefoisà
l’extérieur,elleserappelaalorsqu’ilsétaienttousvenusdansuneimmenselimousine,ycomprisBree.Ilneluirestaitdoncplusqu’àappeleruntaxietattendregentimentqu’ilarrive.
Aufond,cen’étaitpasplusmal,carl’airfraisdelanuitl’aideraitàapaiserlefeuqueJulianavaitalluméenelle.
***
Julianregardaitlesstripteaseusesd’unœildistrait.IlavaitaccomplisondevoirenversMurray:labière, les filles outrageusement dénudées, le pianiste, tout était parfait.Et pourtant, il aurait aimé êtreailleurs.SurtoutdepuissadiscussionavecGretchen,audîner.
Ilnecessaitdeserepasserlascènedesonaveu,devantlavoiture.Franchement,ilauraiteudumalàimaginerpourquoiGretchenavaittantderéticences.Anotreépoque,etàsonâge,c’étaitdujamaisvu.
Poursapart,iln’avaitpastrèsbienréagiàlanouvelle,forceétaitdel’admettre,etils’envoulaiténormément.Nonseulementilavaitensuiteparcouru15kmsurletapisdejogging,maisilavaitàpeinefermél’œildelanuit,hantéparlafaçondontils’étaitconduit,aprèslaconfessiondeGretchen.Parcequ’ilavaitbrutalementsentiunpoidss’abattresursesépaules.
Eneffet,quellelourderesponsabilitéd’êtrelepremieramantd’unefemme!Quandilavaitseizeansetqu’ilétaitaussiexcitéqu’un jeune taureau, ilnevoyaitpas leschosesdecettemanière.Parcequ’iln’avaitpasconsciencedetoutcequecelaimpliquait,toutsimplement.
Toutefois,Gretchen avait laissé entendre qu’elle serait ravie qu’il fasse d’elle une femme à partentière.N’avait-ellepasprésentélachosecommeunefaveur?
Desoncôté,illadésiraitterriblement,c’étaitindéniable,maisneserait-cepaségoïstedeluifairel’amour,puisderepartirpourlaCalifornie?Etce,mêmesielleleluidemandait…Bon,assez,c’étaitsordide!
Toutcommecettestripteaseusequis’avançaitactuellementverslui,d’ailleursavecdesdizainesdebillets qui dépassaient de son string pailleté. C’était à son tour, et il eut tout à coup l’impressiond’endosserl’undecesrôlesqu’ildétestait tenirdanssesfilms, l’undesesrôlesdontGretchenl’avaitencouragéàs’éloigner.
Ladanseuseenroulasonboaautourdesoncoupourqu’ilserapproched’elle.Letempsdeglisserquelquesbilletsàlatailledelajeunefemme,Julianluidésignaavecunsourirelefuturmarié:c’étaitMurrayquiméritaitd’êtreaucentredel’attentioncesoir,paslui.
Après quoi, il vérifia son téléphone en espérant que tout allait bien à lamaison. Cela étant, unéventuel appel lui aurait fourni un bon prétexte pour s’éclipser.Ayant partagé sa chambre au campus,Murrayétaitaucourantdesasituationfamilialeetilsavaitaussiquetoutpouvaitarriver.
Julianfitlamoue.Bonsang!Iln’étaitque22heures.Sansdoutetroptôtpourpartir…Enoutre,lerouleurdecigaresn’avaitpasencorefaitsonshow.
Ce fut alors qu’il croisa le regard de Murray. Son ami lui sourit et secoua la tête. Il l’avaitmanifestementvuvérifiersontéléphone.Devantsonairmorose, ilavaitdûpenserquel’institut l’avaitappelé.
Toutàcoup,Julianvitsonamiarticulerquelquechoseensilenceàsonintention.Vas-y.
Après quoi, Murray adressa un beau sourire à la sculpturale blonde à demi nue qui s’efforçaitmaintenantd’attirersonattention.
Iln’enfallutpaspluspourqueJulianselèveetsedirigeverslaportesansquecelanesoulèvelemoindreproblème.Unefoisàl’extérieur,ilsefélicitaqu’ilsn’aientpasprisl’immenselimousinepourserendreaunight-club.IlmontadanssavoitureetenvoyasansattendreuntextoàGretchen.
Oùes-tu?
Aumomentoùilmettaitlemoteurenmarche,laréponseluiparvint.
Danslasallederéception,entraind’accrochermonmillièmependantencristal.Tuveuxmerejoindre?
Elle venait de lui donner son accord.Son téléphonedans sa poche, Julian sortit duparkingpourregagnerentoutehâteFromThisMoment.
LapetitevoituredeGretchenétaitlaseulegaréedevantl’entrée.Visiblement,toutlemondel’avaitabandonnée.Ilsedirigeatoutdroitverslasallederéception:aucunetraced’elleàl’horizon.Toutefois,ilputadmirersontravail:lapièceétaitlittéralementtransformée,parrapportàlaveille.Lecouvertétaitdressé,leschandeliersqu’ilavaittransportéssurl’estradesetrouvaientmaintenantaucentredechaquetable,degrandsbranchagesblancsétaientdisséminésdanslasalleetarboraientdespendantsencristaltandisquedesbougiesbordaientl’estrade.Ilnemanquaitplusquelesfleurs!
—Attendsque lespetites lumièresduplafondet lesbougies soient allumées.Tuverras, ce seramagique,entendit-ilsoudaindanssondos.
C’étaitGretchen!—J’imagine,dit-ilenseretournant.Tuestrèsdouée.Ellepoussaungrognement sceptiquepuispassadevant lui,uncartondans lesbras,pouraller le
déposersurl’estradeoùjoueraitl’orchestre,lelendemain.Elleportaittoujourslarobeviolettequ’elleavaitaudînermaisavaitdélaissésesescarpins,desortequ’elleétaitnu-pieds.
—Tuesgentil,maisc’estjustedeladécoration,pasduPicasso.Juliansedirigeaalorsverselletandisqu’ellecommençaitàdéballersoncartonquicontenaitdes
petites surprises pour les invités. Il l’enlaça soudain par-derrière et l’étreignit…Un violent désir letraversaetilenoubliatouteslesbonnesraisonsqu’ilauraiteuesdenepasêtrelà.
—J’aibeaucouprepenséànotrediscussion,audîner,chuchota-t-il.Gretchen poussa un petit soupir : était-ce dû à ce qu’il venait de dire ou au désir évident qu’il
ressentaitpourelle?Impossibledesavoir.—Et?demanda-t-elledansunmurmure.—Et…Julians’interrompitpourluidonnerquelquesbaiserssouslelobedel’oreille.—Tum’asditquetuétaisvierge,maisas-tudéjàeuunorgasme?Ellesemitàrire.—Oui,répondit-elle.Jesuispeut-êtrevierge,maisjesuisuneadultetoutàfaitcapabledegérer
mesbesoins,quandc’estnécessaire.Julianéclataluiaussiderire.Décidément,lafranchisedeGretchenl’étonneraittoujours.—Etunhommet’ena-t-ildéjàdonnéun?—Non.—J’aimeraisêtrecelui-ci,répondit-ildansunsouffle.Ellefrissonnatandisqu’ileffleuraitsoncoudelapointedesalangue.—Euh…maintenant?questionna-t-elle.Cen’étaitpaslelieuidéal,maispourquoipas?
—Oui,maintenant!Niune,nideux, Julianplaqua lamainsur leventredeGretchenavantde semettreà lecaresser
doucement.Ilredescenditensuitelelongdeseshancheset,enfin,desescuissespouratteindrel’ourletdesarobequ’ilremontalentement…
—Saufsitupréfèresattendre,ajouta-t-il.Aprèsunelégèrehésitation,Gretchensecambraensepressantcontresonérection.—Çafaitvingt-neufansquej’attends,c’estsuffisant,tunecroispas?—Si.Etlà-dessus,Julianlafitpivotersurelle-même:endépitdesadéclarationvéhémente,ellesemblait
nerveuseetsemordaitlalèvre.Pourtant,sesyeuxnoirslemettaientclairementaudéfi…Difficiledenepasimaginerlesémotionscontradictoiresquidevaientlatraverser!
Encapturantsabouche, il l’embrassaavecardeuretsentitqu’ellesedétendaitunpeu:ellenouaspontanémentlesbrasautourdesoncoutoutengémissantquandilenroulasalangueàlasienne.Siellecontinuaitainsi,ilallaitavoirdumalàseconcentrersursonseulplaisir.Illefallait,pourtant!
Peuàpeu,ill’entraînaversl’estradeoùillafits’asseoiravantdes’agenouillerdevantelle.Elleouvritdegrandsyeuxquandilposalespaumessursesgenoux.
Le regard rivé à celui de Gretchen, Julian glissa lentement les mains entre ses cuisses tout enremontantletissulégerdesarobe.Instinctivement,elleseraiditetildécidadel’embrasserdenouveaupourl’aideràsedétendre…Ilenprofitapourfaireglisserlesbretellesdesatenuesursesbras,desortequesarobetombasurseshanches.Alorsilattrapal’undesesseinsetsemitàlecaresseràtraversletissudesonsoutien-gorge,sanslâchersabouche.Ellepoussaunpetitgémissementdesortequ’ilfinitparabandonnerseslèvrespoursucersontéton…
Gretchen inclina la tête en arrière tandis qu’elle laissait échapper un cri de plaisir, un cri quirésonna dans la salle de bal comme lamusique d’un orchestre symphonique. Il continua à la titiller àtraversletissumouillé,toutenpassantsonautremainsoussajupe…Quandiltouchasonpointsensible,àtraverssaculotte,ellesemblaitpresqueincapabledereprendresonsouffle…
Gentiment,Julianlafitbasculersurlascène,maisellevoulutprotester.—Fermelesyeuxetlaisse-toifaire,murmura-t-il.Ilcommençaparluiôtersaculottepuis,enpartantdesespieds,déposadesbaiserssursesjambes
avantdesouffler sur son intimité.Elle se tortillait sous lui : sansdoutepensait-elledéjààcemomentqu’elleattendaitdepuissilongtemps.
Etpuis,sansprévenir,duboutdelalangue,ileffleurasachairhumide…Ellepoussauncrietilluilaissaquelquessecondespourseremettre.Puisilrecommençaàlasavourer…Lespetitssoupirsetlesgrognements de Gretchen étaient comme une mélodie qui l’encourageait à poursuivre. Ils allaientcrescendo. Pas de doute : elle n’était pas loin de parvenir au septième ciel. Soudain, un hurlementdésespéréemplitlasallederéceptiontandisqu’elleondulaitlittéralementsoussescaresses…
Quelques instants plus tard, Gretchen se redressait sur un coude, les joues rouges et les yeuxbrillants,maisungrandsourireauxlèvres:ellesemblaitcomblée,etheureuse.
Juliansesentitprofondémentémudelavoirainsi.—Jamaisjeneregarderaicettesalleaveclesmêmesyeux,déclara-t-ellealors.
-7-
—Allonsàtonhôtel,Julian!Acesmots,GretchenvitleregarddeJulianseposersurelle.Ildutforcémentyvoirl’intensitéqui
s’endégageait.Pourtant,ilparuthésiter.—Tuessûre?—Absolument!Aquoibonlenier?Jamaisellen’avaiteuunetellecertitude.Oh!ellen’étaitpasassezfollepour
croire que cette relation perdurerait au-delà du week-end. Elle ne serait bientôt plus qu’un vaguesouvenirpourJulian,maisellenepouvaitpas laisser filersachance!Etd’ailleurs,quandbienmêmeaurait-elle déjà connu un homme, faire l’amour avec une star du cinéma n’était-il pas le fantasme detouteslesfemmes?
Maistoutàcoup,undoutel’assaillit:ets’ilneladésiraitpas?—Saufsitun’enaspasenvie,ajouta-t-ellealorsaveccalme.Julianlevalesyeuxaucieletluitenditlamainpourl’inviteràdescendredel’estrade.—Commesilaquestionseposait!Tunepeuxpassavoiràquelpointjetedésire.Seulement,jene
peuxtefaireaucunepromesse…Gretchenleregardaalorsdespiedsàlatête.— Tout ce que j’aimerais que tu me promettes, c’est énormément de plaisir pour que j’attende
tranquillementleprochainprincecharmant.Acetinstant,illuisouritetellesedétendit:ouf,ilnecomptaitpaslarepousser!—Ça,c’esttoutàfaitdansmescordes,larassura-t-il.Etellevitunéclairmalicieuxtraversersesbeauxyeuxazur.Gretchen et Julian quittèrent l’agence si rapidement qu’elle eut à peine le temps de remettre ses
escarpinsetd’éteindrelalumière.Letrajetjusqu’àl’hôtelluiparutdureruneéternitémaiselles’efforçadeseconcentrersurlemomentprésent.Cequin’avaitriend’évident.TantquesoncorpsvibraitencoredufabuleuxorgasmequeJulian luiavaitprocuré,ellen’avaiteuaucunmalà luiproposerd’allerplusloin.Seulementvoilàquelaréalitéreprenaitpeuàpeusesdroits…Oui,elleallaitenfinavoirunrapportsexuelavecunhomme:laperspectiveétaitàlafoisexcitante…etterrifiante!
Quandilstraversèrentlecouloirdel’hôtel,maindanslamain,Gretchensentaitsoncœurbattrelachamade. Ce qu’elle attendait si ardemment depuis l’âge de seize ans était derrière la porte d’unechambre…
Unefoisdanslasuite,Julialuiproposa:—Tuveuxunverredevin?—Non…Jepréférerais…qu’onailledroitaubut.
Ilfronçalessourcilsetcroisalesbras.—Gretchen,cen’estpasunsprint,plutôtunmarathon.—Jesais…OK,elles’étaitmalexpriméemaisellevoulaitquecesoitfaitpourneplusêtreaussiangoissée.Alors, en laissant retomber lesbras le longde soncorps, Julian s’approcha toutprèsd’ellepuis
posaseslargespaumestouteschaudessurelleetsemitàluimasserdoucementlesépaules.—Détends-toi,luisouffla-t-il.Prendsduplaisir.Amoinsquetunechangesd’avisouquel’hôtelne
prennefeu,jet’assurequenousallonsfairel’amour.Gretchenexpiraunegrandeboufféed’air,desortequ’ellesentittoussesmusclessedétendre.—Tuasraison,jesuisdésolée,jesuissi…Sanscriergare,Julianposalabouchesurlasienneetelleeutl’impressiondevoirtoutessespeurs
s’évanouird’uncoup.Elleseblottitcontreluietl’étreignitdetoutessesforces.Mêmequandellesentitqu’ilouvraitlafermetureEclairdesarobe,elleneseraiditpas.Ilfallaitdirequ’ilétaitdesplushabiles,tantavecsesdoigtsqu’avecsalangue!
Toutenladéshabillant,ildéposadesbaiserssursoncou,sagorge…Puisillaissaunregardbrûlantcourirsursesseinsavantdeplongerlatêtepourgoûteràsapeau.
Aprésent,Gretchenpouvaitconstaterquesarobeétaittombéesursataille,maiselleseretintdelaremontercar,detouteévidence,Julianappréciaitlespectacle.Cesoir,elleallaitsemontrernuedevantunhomme.Autantsurmontersesréticences,c’étaitimpératif.
ApeineJulianeut-ildégrafésonsoutien-gorgequ’ilrecouvritsanuditéavecsaboucheetsesmainsviriles. Elle battit des paupières en le voyant aspirer son téton rose et un élan de plaisir la traversabrusquement,commeunedéchargeélectriquequifitnaîtreundésirpresquedouloureuxenelle…
Gretchen était tellement absorbée par ce qu’elle ressentait qu’elle en oubliait tout le reste. Lapreuve:lorsqu’illasoulevadeterre,ellepoussauncridesurpriseetenroulaimmédiatementsesbrasetsesjambesautourdesoncorps.
—Tuvastecasserlesreins,dit-elleens’accrochantàlui.Ellen’était pas aussi légèreque les topmodelsqu’il fréquentait habituellement, il devait toutde
mêmes’endouter!MaisJulianplissalesyeuxavantdeluidire:—Gretchen,mêmequandjenesuispasenforme,jepeuxsouleverdeuxfoistonpoids,alorscesse
det’inquiéteretlaisse-moiteporterjusqu’àlachambrepourpouvoirtedévorer,OK?Sansrépondre,Gretchenenfouitlatêtedanssoncou:pasquestionquecesstupidesinquiétudeslui
gâchentcemoment.Maissoudain,ellesentitlesmainsdeJulianexplorertoutsoncorps…—Petitecoquine!s’écria-t-ilalorsqu’ilsatteignaientlachambre.—Pardon?—Tun’aspasremistaculotte!Ellesefigea.—Ohnon!Jel’ailaisséedanslasalledebal!s’exclama-t-elle.—Quelqu’unvaavoirunedrôledesurprise,demainmatin!s’esclaffa-t-il.Immédiatement, Gretchen imagina Bree ou Natalie découvrant sa culotte noire et en rougit
d’avance…Maisàcetinstant,Julianlafitbasculersurlelitetlecontactdelacouettetoutedoucesursapeaularamenaauprésent…
Sans ciller, elle le regarda sedéshabiller à son tour.Cequ’il pouvait êtrebeau !On l’aurait ditsculptédansdumarbrefinparMichel-Angeenpersonne.
Ellerivalesyeuxàsesmainsquandildéfitsaceinture,déboutonnasonpantalon…Aprèsquoi,ils’avançaverselle,nu.Etsplendide.
—Ehbien,demanda-t-il,jefaisl’affaire?
Gretcheneutunpetitrirenerveux:Julianétaitmagnifique,vigoureux,etapparemmenttrèsexcité.Ellen’avaitpluslemoindredoutesurl’attirancequ’ilressentaitpourelle…Maisl’angoisselasaisitdenouveau:legrandmomentétaitarrivé!
Toutenessayantdemasquersanervositéderrièreungrandsourire,elleacquiesçad’unhochementdetête.
—J’imaginequeoui.Pourtouteréponse,Julianhaussaunsourcilpuiss’approchad’elleettirasursarobequiglissasur
sescuissesetatterritparterre.Puisilposaleregardsursoncorpsentièrementnu…Gretchen prit une profonde inspiration et lutta contre son envie de se rhabiller immédiatement.
D’ailleurs,pourmieuxs’enprémunir,elleluifitsigned’approcher…Iln’hésitapasunesecondeetrecouvritbientôtsoncorpsdusien,desortequechaquecentimètrede
sapeaubrûlantetouchalasienne…D’instinct,elleentrouvritlesjambesetilvints’yloger,sanspourautantentrerenelle.Pasencore.Juliancommençapars’occuperdesesseinsqu’ilsemitàcaresser,àtoucher,àmordillerjusqu’àce
qu’ellesecambrecontre lui…Toutencontinuantà titiller l’undeses tétonsdressés, ilglissa lamainentresescuissesetsemitàlacaresserlentement,parpetitscercles…Gretchensentitunautreorgasmemonterpeuàpeuenelletandisqu’illuiprodiguaitlescaresseslesplusintimes…Lesyeuxfermés,elleétait complètement concentrée sur les sensations sublimes qu’il lui procurait, prête à tout lui offrir,lorsquesoudain,ilseredressa.
Elleouvrittoutaussibrusquementlespaupières…etlevitchercherquelquechosedansletiroirdela tabledechevet.Unpréservatif.Acet instant, il se retournaetellecompritqu’elleavaitvu juste. Ilrevintalorss’allongersurelleetl’embrassalonguement.Elles’enroulaautourdelui,s’abandonnantsansretenueàsonbaiser.
Etsoudain,Gretchensentit lesexedeJulianàl’endroitoùil l’avaitrenduefolledeplaisir toutàl’heure…Unegrandeexcitationlagagnaaumomentoùiltentaavecdouceurdes’introduireenelle…Oh!oui!Elleallaitjouirunedeuxièmefois!
—Julian,murmura-t-elleens’agrippantàlui.Oui,oui!Alors,d’unvigoureuxcoupdereins,illapénétra…Gretchen se sentit submergée par un mélange de plaisir et de douleur mais cela ne dura qu’un
instant.C’estàpeinesielleserendaitcomptequecequ’elleattendaitdepuisdesilonguesannéesvenaitdeseproduire.Sasurprisecommençaitalorsàsefondredanslesfrissonsdeplaisirquisoulevaienttoutsonêtre…
Quand elle revint des brumesde la volupté, elle constata que Julian était presque figé au-dessusd’elle,lestraitscrispés.
—Toutvabien?luidemanda-t-elle.Ilfronçalessourcils.—N’est-cepasplutôtmoiquisuiscenséteposerlaquestion?—Sansdoute,admit-elle,maisenl’occurrence,c’esttoiquiasl’airdesouffrir.—Non,jenesouffrepas,pasdutout,jemeretiensjuste…Surcesmots,Julianseretiralentementpuisreplongeaenelledelamêmefaçon.Ellesentitalors
toutsoncorpspétillerdesensationsindescriptiblesmaismerveilleuses…— Inutile d’être aussi précautionneux, c’est fait ! lança-t-elle d’un ton enjoué. Fais-moi encore
l’amour,Julian,s’ilteplaît.Ilhochalatêteet,sansattendre,semitàondoyerau-dessusd’elle.Cettefois,cefutluiquipoussa
desgrognements.C’étaitsiexcitantdelevoirprendreduplaisir.D’instinct,Gretchenrelevalesjambespourqu’ilpuisses’enfouirplusprofondémentenelle…
—Tuesformidable,luimurmura-t-ilàl’oreille,maissiturestesdanscetteposition,jenevaisplustenirlongtemps.
—Laisse-toialler,l’encouragea-t-elle.Detoutefaçon,nousavonstoutelanuitdevantnous,commetul’asdittoutàl’heure…
—C’estvrai…Enfermant lesyeux, Julianaccéléra le rythme tandisquesa respirationse faisaitdeplusenplus
haletante.Finalement,ils’écroulasurelle,lecorpsvibrantdeplaisir…Voilà,c’étaitofficiel,elleétaitenfinunefemmeàpartentière!Gretchen eut alors un sourire : Julian et elle venaient à peine de terminer qu’elle était déjà
impatientederecommencer.
***
UnsonfamilierarrachaJulianausommeildans lequel ilvenaitdesombrer. Ilouvritunœilpourregarder l’écrande sonportable, sur la tablede chevet…Aïe !C’était lederniernuméroqu’il auraitvoulu voir, surtout à une heure pareille… Un sombre pressentiment s’empara de lui : il était arrivéquelquechoseàsonfrère.
Unefoisredressé,ils’emparadutéléphone:—Allô?dit-ild’unevoixrauqueetendormie.—MonsieurCurtis?—Oui?— Monsieur Curtis, je suis vraiment désolée d’appeler en pleine nuit. Je suis Theresa, de la
HawthorneCommunity.Ça,ill’avaitdeviné.—CommentvaJames?s’enquit-ilimmédiatement.Soninterlocutricesemblahésiteruninstantavantdedire:— Son état est stable, dit-elle enfin. Il souffre d’une pneumonie et nous allons le transférer à
l’hôpitalpourlemettreenobservation.Juliansemorditlalèvre.Ilfallaits’yattendre,hélas…—Dois-jevenir?demanda-t-ilaussitôt.—Non,pasmaintenant.Sonétats’eststabilisé,commejevousl’aidit.Nousallonsvoircommentil
réagitauxtraitements.Iladéjàtantdedifficultésàrespirer!Cetteinfectioncompliqueencorelasituationpourlui.
—Oui,jelesaisbien…Appelez-moiaumoindrechangement.—Entendu,monsieurCurtis.C’estd’ailleurscequiestinscritdansledossierdeJames,d’oùmon
appel… Vous aviez indiqué que vous vouliez être prévenu de la moindre évolution, quelle que soitl’heuredujouroudelanuit.
Julianhochalatête:oui,telétaitsonsouhait.Sil’étatdesonfrèresedégradait,ilvoulaitêtretenuaucourant.Ilnepourraitpeut-êtrepasêtreàsescôtés,maisilseraitaumoinsenmesuredes’assurerqueJames disposait des meilleurs médecins et du meilleur traitement que son salaire de star de cinémapouvaitluioffrir.
—Merci,dit-il.Julianlaissatomberletéléphonesurluietsemitàexpireretinspirerprofondémentpourchasserla
peurquil’avaitenvahi…Quec’étaitinjuste!Pourquoipouvait-ilsibienrespireralorsquesonfrèreenétaitincapable?Pourquoiavait-ilunesantédeferetpasJames?
—Julian?demandaalorsGretchend’unevoixdouceetsoucieuse.Toutvabien?
Il sentit aussitôt la terreur le submerger. C’était pire encore que d’avoir entendu la sonnerie dutéléphone :Gretchen était avec lui dans le lit, elle avait tout entendu !Bon sang, la situation pouvaitdégénérerdelapiredesfaçons…
—Euh,oui,dit-ild’untonunpeudétaché.Pourvuquecelaladissuadedenepasposerd’autresquestions!Julian serra les poings. Peu de personnes étaient au courant de l’état de James car il ne tenait
absolument pas à ce que la presse s’empare de l’affaire.De plus, son frère n’aurait pas apprécié dedevenirunobjetdepitié.Endépitdesamaladie,ilsouhaitaitmenerlavielaplusnormalepossible,cequiétaitactuellementlecasgrâceàlaHawthorneCommunityoùilrésidaitenpermanence.Ilyavaitsonpropreappartement,sagarde-maladepersonnelleetuneéquipeprofessionnelleauxpetitssoinspourlui.Pasquestiondetoutbouleverser!
Gretchenseredressaàsontourdanslelitetappuyasonépaulenuecontrelasienne.—Pourunacteur,tuesunpiètrementeur,dit-elle.Julianpoussaunpetitrire.Effectivement,saprestationn’avaitguèreétéconvaincante…—A3heuresdumatin,jesupposequejenesuispasaumeilleurdemonart.IlsetournaalorsversGretchenet luidonnaunbaiserens’efforçantd’ignorerl’inquiétudequise
reflétaitdanssesbeauxyeux.—Cen’estrien,rendors-toi.Pourtant,contrairementàcequ’ilespérait,ellerestaassiseetl’enlaçaparlesépaules.—Julian,jet’airévélémonsecretettuasétéenmesuredem’aider.Maintenant,dis-moiletienet
jepourraiterendrelapareille.—Gretchen,répliqua-t-ilensecouantlatête,sic’étaitaussisimplequefairel’amour,jeteledirai
sur-le-champ.Maiscen’estpasunproblèmequetupeuxrésoudre.Nipersonned’ailleurs.Et surcesmots, Julian se retournapour remettre son téléphoneàchargeret seglissadenouveau
souslesdraps.Pourvuqu’elleenfasseautant.Un instant après,Gretchen s’exécutamais elle colla aussi son corps voluptueux contre le sien et
posalatêtesursontorse.Entempsnormal,ilauraitétéenvahiparunefolleenviedeluifairel’amourencoreetencore.Maisenl’occurrence,ilavaitbientropdesoucisentête.
—Raconte-moi,insistaGretchen.Ilfaitnuit,noussommestouslesdeuxàmoitiéendormis.Tun’aspasbesoindemeregarder,siçapeutt’aideràparler.
Julianpritunegrandeinspiration.ApartRossetunepoignéedepersonnesquifaisaientpartiedesavie avant qu’il ne devienne une star, personne ne connaissait la maladie de son frère.Mais ce soir,enveloppédansl’obscurité,iléprouvaunesoudaineenvied’avouerlavéritéàGretchen:ellenevoulaitcertainement pas lui soutirer une histoire pour la revendre à la presse. D’ailleurs, s’il y avait bienquelqu’unàquiilpouvaitseconfier,c’étaitàelle.
—Monfrèreestàl’hôpital,dit-iltoutsimplement.—Jesuisdésolée,Julian,répondit-elleaussitôt.C’estgrave?—Malheureusement,toutpeutl’êtrequandils’agitdemonfrère.Unsimplerhumepouvaitoccasionnerdesérieuxproblèmes,alorsunepneumonie…—Raconte-moi,l’encouragea-t-elle.—Entendu, soupira-t-il,mais il fautme promettre de ne jamais le dire à qui que ce soit. Il est
impératifquesonétatrestesecret.—Tuasmaparole,lerassura-t-elle.Julianhochalatêtemaishésitaàparler.Oh!Gretchenétaitunefemmedeconfiance,maislesujet
étaitsidélicat.—Ehbienvoilà,finit-ilpardire.J’aiunfrèrejumeau,quis’appelleJames.—Ahbon?Jel’ignorais.
—C’est normal, personne ne le sait. Je m’efforce de protéger ma famille car elle ne souhaiteabsolumentpasqu’onbraquelesprojecteurssurelle.Etcommemonfrèreadegrosproblèmes,jesuisd’autantplusvigilant.
—Dequoisouffre-t-il?demanda-t-elle.Denouveau,ilpoussaunsoupir:laquestionétaitsivaste!Jamesn’avaitjamaiseulachancede
menerunevienormale,endépitdetouslesspécialistesqu’ilavaitvus.—Ilestatteintdeparalysiecérébralespastique.Selonlesmédecins,soncerveauasubideslésions
inuteroouaumomentdel’accouchement,cequiaatteintsesfonctionsmotrices.Gretchendemeurasilencieuse.Etait-celasurprisequilarendaitmuetteouattendait-ellejustequ’il
continue?—Lamaladie a été diagnostiquéequandnous avionsdeux ans.Mamère était dans le déni, elle
soutenaitqu’ilétaitjusteunpeupluslentquemoidansl’apprentissagedelamarche,commesilesdeuxminutesd’écartquifontdemoil’aînédenousdeuxreprésentaientuneénormedifférence.Elleatoutdemêmefiniparlefaireexaminerquandlefossés’estvraimentcreusé.Lediagnosticfutterrible.Maislepire, c’était l’incertitude concernant son avenir : on ne pouvait pas prédire la façon dont la maladieévoluerait avec l’âge car la gravité de la paralysie cérébrale varie en fonction de celle de la lésion.Certainespersonnespeuventvivreàpeuprèsnormalementetmamèreespéraitqueceserait lecasdeJames.Maisquandnousavonsétéenâged’alleraujardind’enfants,sesproblèmessesontaggravésetmamèreaeudeplusenplusdedifficultésàresterpositive…
Julianmarquaunepausepourreprendresarespiration.—Ellepleuraitbeaucoupquandellepensaitquepersonnene levoyait,poursuivit-il. Jamesétait
désormaisenfauteuilroulantetdemandaitd’êtresurveilléenpermanente.Al’école,ilbénéficiaitd’uneassistantequirestaitavecluitoutelajournéepourl’aider.Lesfacturesmédicalesétaientsalées,celadit.Mêmesimonpèreoccupaitunbonpostedansunesociétédeproduction,sonsalairesuffisaitàpeineàrégler lesopérationsetsoinsnécessaires.Tun’imaginesmêmepas lenombredefoisoùnoussommesallésauxurgences!Laparalysiecérébralenes’aggravepas,tuvois,maiscesontlescomplicationsliéesàcetétatquisontévolutives.Jamesadesproblèmespourdéglutiretrespirerdepuisqu’ilestnourrissonetilamanquéàplusieursreprisesdes’étouffer.Chaquefoisquel’hiverarrivaitetqu’uneépidémiedegrippesedéclarait,nousétionstousenquarantainepouréviterdelecontaminer.Enfin,àdixans,ilaeubesoind’uneintubationtrachéalepourpouvoirmieuxrespirer.Plus ilgrandissait,plusc’étaitdifficile.Cen’étaitplusunpetitgarçonetdesgestesaussisimplesqueseleverdesonfauteuilpoursemettreaulitouprendreunbaindevenaientextrêmementdifficiles.Nousavionsuneinfirmièreàdomicilequandnousétionsaulycée,maisquandjesuispartipourlafac,mamèren’avaitpluslaforcedes’occuperdelui.Aprèsunegravepneumonie,lesmédecinsnousontconseillédeleplacereninstitutionpourfacilitersontraitement.
JuliansetutetGretchenrepritenfinlaparole.—Ladécisionadûêtretrèsdifficileàprendrepourtesparents.Etpourtoiaussi.—Tunepeuxpassavoiràquelpoint!Depuis,jevisaveccetteculpabilité.—Maisdequoitesens-tucoupable?répondit-elleaussitôt.Tun’asrienàtereprocher.JuliancaressalesbouclesdeGretchen.—Moi, jesuisenbonnesanté,etpasJames.Lavieacommencéde lamêmefaçonpournouset
pourtant, pour lui, tout est allé de travers. C’est peut-être moi qui ai causé cette lésion avant notrenaissance…Danscegenredesituations,ilesttrèsfaciledeculpabiliser,tusais.
—Lesmédecinst’ont-ilsditdefaçonexplicitequetuétaisresponsable?insista-t-elle.—Non,biensûrquenon…Iln’empêche:quandjesuispartipourl’universitéetqueJamesadû
entrerdansuninstitut,ladifférenceentrenosmodesdevieaététrèsdouloureusepourmoi.Ensuite,monpèreestmortlorsdemapremièreannéed’étudesetnousn’avonspluseuderevenus.L’assurance-viede
mon père a permis de finir de payer la maison mais je me devais d’agir. J’ai donc arrêté la fac etdéménagéàL.A.
—Ahbon?—Oui, ça peut sembler stupide, je sais, mais j’étais convaincu que là-bas, je ferais carrière à
Hollywood.C’était unpari fou, j’aurais pu terminer comme serveurmais j’ai eu la chancede croiserRossquiavudupotentielenmoi.Ilpeutsecomportercommeuncrétin,parfois,maisc’estgrâceàluique j’aidécrochédespubs,puisdepetits rôleset,defilenaiguille,onm’aproposéde jouerdansunblockbuster. En quelques années, je suis devenu un acteurbankable, comme on dit. Evidemment,mesrôles ne m’enchantaient guère, mais quand les chèques à sept chiffres tombaient, j’oubliais mesfrustrations. Du coup, James est désormais dans un remarquable établissement spécialisé dans laparalysiecérébrale.J’aidoncremplimamission.
Acesmots,Juliansetut,latêtebaissée.C’estlàqu’ilentenditGretchens’exclamer:—Ah,touts’explique!—Dequoiparles-tu?—Jecomprendsàprésentpourquoi tuacceptescegenrederôles.Cen’estpaspargoûtoupour
flattertonego,maispoursoutenirtafamille.Julianpoussaunsoupir.Oui,elleavaitvujuste.— Exact, mon frère et ma mère dépendent de moi. Je ne prendrai jamais le moindre risque
concernantmacarrière.Etjemegarderaitoujoursderévélermonsecret.PasquestionqueJamesfinissedanslestabloïds…
Aumêmeinstant,ilserenditcompted’unechose:enracontantsonhistoireàGretchen,ilvenaitbeletbiendecompromettrelatranquillitédesonfrère!Evidemment,ellen’allaitpaslivrerdirectementlesecretà lapresse,maisonnesavait jamaiscequipouvaitarriver.Elle s’épancheraitpeut-êtreauprèsd’uneautrepersonneenquielleavaitconfiance,quielle-même le répéterait.Defilenaiguille, Jamespourraitbienfigurerunjouràlaunedelapresseàscandales!Bonsang,siRossl’apprenait…
Julianretintunsoupir:cen’étaitpasengénérallegenredeconversationsqu’ilavaitsurl’oreiller,maisavecGretchen,toutétaitdifférent,semblait-il.
—Jesaisquetuaspromisdeneriendire,reprit-il,maisilvasansdoutefalloirquetusignesuncontratdeconfidentialité.SiRosssaitquej’aiparlé,ilvametuer.Jedemanderaiaussiqu’onajoutecinqmilledollarsenguisedecompensationpourtacoopération.Cen’estpasdetafautesij’aividémonsac.
Acesmots,illasentitseraidiretelletournalentementlatêteverslui.—Tuessérieux?Julianfronçalessourcils.—Désolé,maismavieestunesuitedecontratsetdecompensations.Gretchenleconsidéraquelquesinstants,toujoursaussifigée.—Jesigneraicettestupideclausedeconfidentialité,finit-ellepardired’untonsec.Maisjeneveux
pastescinqmilledollars!Aïe!Detouteévidence,ilvenaitdelablesser.
-8-
Achaqueinstant,Gretchenavaitlasensationqu’onallaitlaréveillerdecerêveinvraisemblable.Assise devant sa coiffeuse, elle se maquillait en suivant les conseils qu’on lui avait donnés à
l’institutdebeauté.Sursonlitétaitdéployéelarobequ’elleallaitporterpourlemariage…Seulement,toutcelaluisemblaitsurréaliste!Etdirequ’elleavaitcouchéavecJulian,laveille.
Seigneur, elle avait attendu ce moment depuis des années sans jamais imaginer un seul instantqu’elletermineraitdanslesbrasdel’hommeleplussexydelaterre.Oh!ellen’avaittoujourspastrèsbiencomprispourquoiilladésirait.Commecelal’avaitmanifestementagacéquandelleavaitabordélesujet,ellen’avaitpasinsisté.
Maiss’ilyavaitunechosequil’avaitconvaincuequecesderniersjoursétaientbienréels,c’étaitcette curieusediscussionqu’ils avaient eue après l’appel au sujet de James.Audépart, griséequ’elleétaitparsapremièreexpériencesexuelle,elles’étaitréjouiequeJulianpartageunsecretsilourdavecelle.Seulement,quand ilavaitcommencéàparlerd’uncontratdeconfidentialitéetd’argent,elleétaitredescenduedesonnuageenunriendetemps!
Aquoibonsementir?Plusilsavaientpassédetempsensemble,pluselleavaitcruàlafablequ’ilsavaient fabriquée.Quitteàoublierqu’elleétait rémunéréepour tenirun rôle !Si, audépart, l’idée luiavait tout de suite déplu, c’était le moins qu’on puisse dire, elle avait peu à peu tenté d’oublier sesréticences.Etpuiscesmomentsdepassionentreeuxétaientvenustoutchambouler.Résultat:maintenantque Julian avait pour ainsi dire essayé d’acheter son silence, elle n’était pas loin de se prendre pourl’escort-girljouéeparJuliaRobertsdansPrettyWoman.
—Bonsang!jura-t-elled’unairdégoûtéenappliquantunedernièretouchedemascara.Ah,elleavaittellementbesoindes’arracheràcespenséesmorosespourselaisserentraînerparle
désordrejoyeuxdumariageàvenir.Faceaumiroir,Gretchenadmirasonœuvre…Cen’étaitpasmaldutout!Elles’étaitfaitunchignon
bienlisseretenuparunepinceencristal,cequiaffinaitsonvisageetluiallongeaitlecou.ElledevaiteneffetêtreunepetiteamiecrédibleauxyeuxdetouslesphotographesquigraviteraientautourdeJulianetd’elle,cesoir.
Ayantdéjàenfilésessous-vêtements,elleseglissadanslarobequ’elleavaitchoisieavecAmelia,enl’occurrenceunfourreausansmanchesavecuneéchancrureenformedecœur.Lehautétaitensatinnoiretruchémaislebasétaittaillédansunemousselineplusvaporeusequisedéclinaitenblanc,violet,bleuetnoir,telunpastel.C’étaitunepiècevraimentmagnifique.
Pourseulaccessoire,elleportaitlecollierqueJulianluiavaitoffert.L’opaleauxcouleursvibrantestombaitexactementaumilieudesondécolletédégagé.Justeaubonendroit!
Gretchenseregardaentièrementdanslaglaceetfutétonnéeparcequ’ellevitdanslereflet:ellen’avaitplusrienàvoiraveclajeunefemmeunpeugriseeteffacéequ’elleétaitencoreunesemaineplustôt.Elleavait l’air sûred’elle, radieuseetmême…belle.Oui, elleétaitprêteà franchir saporteet àjouerlerôledelapetiteamiedeJulian,cequitombaitbien,carilétaittempspourelledepartir.Etpourcause:elledevaitpasseràl’agence,avantlacérémonie.
C’étaitsiétrangepourelledenepasêtreavecsesassociéesentraindedonneruncoupdemain!Encorequ’elleavaitlargementremplisapartavant…Cematin,elles’étaitrendueàlapremièreheureàFromThisMomentpouraccueillirlafleuriste…etfaireaussidisparaîtresaculotteégaréesurl’estrade.Maintenant,elleyrevenaitentantqu’invitée.CommeJulianétaitletémoindumarié,ilsedevaitd’êtreauxcôtésdecedernieretnepouvaitvenirlachercher.Sansdouteétait-ilactuellemententraindel’aiderànouersacravateouluiservait-ilunepetitedosedewhisky.IlsdevaientarriveravantlesautrespourqueBreepuisseprendrelespremièresphotos.
Gretchenavaitpréparéunpetitsacafindenepasêtrepriseaudépourvusiellepassaitdenouveaula nuit avec Julian. Il contenait sa trousse de toilette, des vêtements de rechange et un déshabillé endentellerougequ’ellen’avaitpassortidesonarmoiredepuisqu’ellel’avaitacheté,suruncoupdetête,quelquesannéesplustôt.Avraidire,elleavaittoujoursattendul’occasiondeleporter…
Enarrivantàl’agence,elleconstataquelelieudelacérémonien’étaitpasrestésecret,loindelà.Et pour cause : une foule de journalistes était amassée devant l’entrée, qu’ils n’étaient toutefois pasautorisésà franchir.Toutceque lesphotographespouvaientprendre,c’étaient lesalléesetvenuesdesconvives.Ilsneprêtèrentguèreattentionàsamodestepetitevoitureetellesefaufiladiscrètementparlaportedederrière.
Soudain,uncrilafitsursauter.—Waouh!Gretchens’immobilisadevantsonbureauoùelles’apprêtaitàentrerpourposersonpetitbagageet
seretourna.Natalielaconsidéraitdepuisl’entrée,satabletteàlamainetunairdéterminédanslesyeux,commed’habitude.Toutefois,c’étaitlapremièrefoisqu’onpouvaitvoiruneexpressionaussiadmirativesursonvisage.
—J’ail’airconvenable?—Tuesmagnifique,oui,réponditNatalieens’approchantd’elle.Tuastoutdelafiancéed’unestar,
c’estcertain.Gretchenluiadressaungrandsourire:mêmesiellesetrouvaitjolieaujourd’hui,était-ellevraiment
àlahauteurdesonfiancé?Enfin,siNatalieleluiassurait…—Tuesresplendissante,vraiment!C’estl’autobronzantquitedonneceteint-làouc’estlerésultat
d’unelonguenuitd’amour?Gretchenouvritdegrandsyeuxpuismitledoigtsursabouchepourluiindiquerdesetaire.—Mon autobronzant, bien sûr, répliqua-t-elle d’un tonplein de sous-entendus. Je t’indiquerai la
marqueetlafaçondel’appliquer.Natalieluiadressaunclind’œilmalicieuxetrejetasaqueue-de-chevaldanssondos.—Jen’endoutepas!Lasallederéceptionestmagnifique,alorsdétends-toietprofitebiendeta
journée.—Jevaisessayer.Aprèsquoi,Gretchendéposasonsacdanssonbureauavantd’allervérifieruneultimefoislasalle.
Tout était en ordre, les lumières du plafond étaient parfaites, tout comme les arrangements floraux.Ameliaavaitpréparéungâteauàhuitétagesdécoréderosesensucreblanches.Lesserveursn’avaientplusqu’àallumerlesbougiesetlesinvités,àentrer.
Le temps de traverser le hall et elle retrouva Julian, Murray et les garçons d’honneur dans lachapelle attenante, où Bree était en train de les photographier, en compagnie d’une autre personne
probablementenvoyéeparunmagazineayantl’exclusivitédel’événement.Presquemalgréelle,GretchensentitunsourireluimonterauxlèvresquandellecroisaleregarddeJulian.Etcefutencorepirequandilleluirendit!Cequ’ilétaitbeau,danssonsmoking,onauraitcruqu’ilallaitauditionnerpourleprochainJamesBond!Etilétaitàelle—dumoinspourl’instant.Leurrelationseraitsansdoutedecourtedurée,maisonnepourraitpasdirequ’elleavaitétébanale.Autants’ensouvenirdecettefaçon.
Natalielesrejoignitbientôt.Cettefois,laprofessionnelleavaitreprisledessus.—Bien,messieurs,vousallezvousrendredanslehallcarlesconvivesvontarriver.Sanssefaireprier,leshommessortirent.QuandJulianpassaprèsd’elle,illuidonnaunfurtifbaiser
surlajoue.Sansdoutepournepasluiruinersonmaquillage…—Atoutàl’heure,murmura-t-il.—Entendu,répondit-elleavecunsourirecharmeur.GretcheneuttoutàcouplasensationqueJulianemboîtalepasàMurrayavecréticence,cequisuffit
àlacombler.Quelques instantsplus tard,un flotdeconvivesenvahit lapièce.C’étaitun trèsgrandmariageet
l’endroitmontraitpresqueseslimites.Enunmot,ilfutrapidementcomble.Gretchens’efforçadenepasattraperuntorticolisensepenchanttropostensiblementpouradmirer
lesstarsdemusiquecountryquiprenaientplaceautourd’elle.Enunriendetemps,lachapelleressemblaàune soiréede remisedeprix.Seigneur, c’étaitGarthBrooks etTrishaYearwoodqui étaient assisesderrièreelle.C’étaitpresqueinvraisemblable!Quandelletravaillait,ellen’avaitjamaiséprouvécettesensation—uninvitéétaituninvité.Maiscettefois,faisantelle-mêmepartiedesconvives,elletrouvaitextrêmement bizarre d’être assise parmi toutes ces célébrités. Allons, pas question d’oublier que son«petitami»étaitunestardecinéma:ilfallaitresterleplusnaturellepossible.
Le quatuor de musiciens commença aussitôt à jouer, et elle reconnut bientôt le morceau quiaccompagnaitl’arrivéedesparents,del’officiant,dutémoinetdesgarçonsd’honneur.Julianlacherchaitdesyeux.Quandillarepéra,illuilançaunsourireentenduquilafitfrémirdebonheur.C’étaitplusfortqu’elle!
Puislamusiqueannonçal’entréedesdemoisellesd’honneuretenfindeKelly,aubrasdesonpère.Gretchenselevaenmêmetempsquelesautreslorsquelafuturemariéedescenditl’alléedansune
incroyablerobeendentelleetcristal,digned’unedivadelamusiquecountry.Quand lacérémoniedébuta, elle laissa sespenséesvagabonder…Impossibledequitterdesyeux
Julian.Celui-cisetenaittoutprèsdeMurraypourluidonnersonallianceaumomentvouluoulerattrapers’il s’évanouissait. Il semblait d’un calme olympien, parfaitement décontracté, alors que Murraytranspirait et s’exprimait d’une voix tremblante chaque fois qu’il devait prendre la parole. Maisévidemment,cen’étaitpasJulianquisemariait.
Pourtant,Gretchenétaitcertained’unechose:Julianseraitaussicalmeàsonpropremariage.Aprèstout,c’étaitunacteur,non?Ilprononceraitsesvœuxenlaregardantsanslemoindrebalbutiement.Onneverraitquel’amourrésonnerdanssavoixetbrillerdanssonregard…
Ahnon,assez!Pourquoisemettait-elleàrêvassercommeça?Stop.Ellenageaitpeut-êtreenpleinrêvemais ellen’était toutdemêmepas asseznaïvepour croireque l’hommequi avait fait d’elleunefemme l’aimerait pour toujours et la rendrait heureuse jusqu’à la fin de ses jours. Elle connaissait lavéritéetellel’avaitacceptée,endépitdeladirectionridiculequeprenaitlecoursdesespensées.Quecelaluiplaiseounon,ellejouaitunrôle.JamaisJuliannel’épouserait,point!
Laseconded’après,Gretchensoupiraetbaissalesyeuxenfaisantmined’étudierleprogramme.Aufond,c’étaitsansdouteunebonnechosequecettepetitecomédietouchebientôtàsafin.Carelleavaitdeplusenplusdemalàcontrôlersoncœur…
Oui,son«fiancé»devaitrapidementreprendresonjetpourBervelyHillsavantqu’elleneperdelatête!
***
Aquoibonsevoilerlaface?Julianétaitimpatientquelacérémonies’achèveafindepouvoirtenirGretchen dans ses bras. Elle s’était légèrement tenue à l’écart durant la séance de photos, le regardémerveillé.C’étaitcequ’onavaitdûluiconseillerdefaire.
Pas de doute : leur relation intime avait facilité les choses. Ni lui, ni elle ne jouait un rôle,désormais. Ils se comportaient de façon tout à fait naturelle et formaient visiblement un beau couplepuisque plusieurs de ses amis l’avaient complimenté sur sa fiancée. De son côté, il ne tarissait pasd’élogesàsonsujet.
IltrouvaitGretchensibelle,siintelligente,sidouée!Toutlemondesedirigeaitàprésentverslasallederéceptionpourféliciterlesmariésetprendre
placeautourdelatable.Iln’auraitqu’àporteruntoastàMurrayaucoursdurepasetsonrôleofficielaumariage serait terminé. Cette formalité terminée, il se sentirait enfin libéré. Les mariages étaientréellementépuisants,presqueautantquelessuperproductionsdanslesquellesilavaittourné.
Là-dessus,JulianenprofitapoursepencherversGretchen.—Tuesmagnifique.Onvenait de servir le dessert,mais cela ne l’intéressait absolument pas.Cequi le faisait rêver,
c’était uniquement le cou et les épaules de Gretchen ! Il mourait d’envie d’effleurer sa peau, et d’ydéposermillebaisers…
Gretchenluiadressaunadorablesourireetrougitdevantlecompliment.—Merci.Tuestoi-mêmesuperbe.—Sionveut,marmonna-t-il.Avraidire,ilétaitpeudésireuxdeparlerdelui,cesoir.Cequ’ilvoulait,c’étaitseconcentrersurelle,etelleseule.— J’ai hâte d’aller danser avec toi sur la piste et demontrer à tout lemondemamerveilleuse
fiancée,ajouta-t-il.Gretchen sembla alors se raidir légèrement et une légère inquiétude brilla dans ses beaux yeux
sombres.—Danser?Iln’enajamaisétéquestion.Jen’aiaucuntalentenlamatière.—Allons,tunepeuxpasêtresimauvaisequeça!—Maisjet’assurequesi!affirma-t-elle.Mamèrequiétaitdanseuseclassiqueatentépendantdes
années dem’enseigner son art.Mais elle a finalement renoncé, en décrétant que j’avais la grâce d’unéléphant.
Juliansentitsoncœurfléchir:c’étaitterribled’émettreunetellesentence,surtoutdelapartd’unemère.PasétonnantqueGretchenaitlongtempspenséqu’elleneméritaitpasd’intéresserleshommes!
—Maisilnes’agitpasdedanseclassique,insista-t-il.Ilsuffiraquetutelaissesguideretemporterparlamusique.Cen’estpascompliqué,tusais.Etpuisceseracommedespréliminaires.
—Despréliminaires?répliqua-t-elleenhaussantunsourcilétonné.—Unpeu,oui!Juliann’étaitpasassezfoupournégligerladanse,commelaplupartdeshommes:s’ilsavaientsuà
quelpointlesslowsétaientérotiques,ilsauraienttousprisdescours!Toutàcoup,commes’ilavaitdevinésespensées,lechefd’orchestreinvitaalorslesconvivessur
lapistededanse.—Viens!dit-il.Onnevapasraternotrechance.—Tun’espascensédanseravecunefilled’honneur?—Onnem’apasbriefélà-dessus.Alorspasquestion.
Etsurcesmots,JuliantenditlamainàGretchen.Ellelapritentremblantetlesuivitsurlapistededanse. Le morceau que jouaient les musiciens était lent et romantique, ce qui lui permit de profiterpleinementdumoment.EnlaçantGretchenparlataille,ill’attiratoutcontrelui.Ilfallutunebonneminuteàsacavalièrepoursedétendre,maisellefinitparnouersesbrasautourdesoncouetpousserunprofondsoupir,commepourchasserlatensionquil’habitait.
—Tuvois?lança-t-il.Cen’estpassimalqueça.—Tuasraison!Etsanscesflashsquicrépitentautourdenous,ceseraitencoremieux.Julianhaussa lesépaules. Ilavaitapprisàenfaireabstractiondepuisbelle lurette.D’ailleurs,ce
soir,iln’yavaitquedeuxphotographesprofessionnels.Lesautresétaientdesamateurs.Inoffensifs,donc.—Laisse-lesprendretouteslesphotosqu’ilsveulentettetransformerenunecélébritéquiferala
unedestabloïds,sic’estleprixàpayerpourt’attirerdansmavie.JulianentenditalorsGretchenlaisseréchapperunpetitcridesurprise.Lui-mêmen’enrevenaitpas
desafranchise!Allons,autantserendreàl’évidence:ilnepourraitpaslalaisserderrièreluietrepartirpourL.A.commeilétaitvenu…Oh!ilignoraitencorecommentilsallaients’yprendremaisiltenaitàdonnerunechanceàleurrelation.Peuimportesicelaallaitmarcherentreeux.Ilauraitétébienfoudelaisserunefemmeaussidouceetattentionnéesortirdesavie.
Lemomentétaitparfait,commes’ilavaitétémisenscèneparunréalisateurdetalent.Lalumièreétait tamisée, un faisceau balayait de temps à autre la piste, la musique était suave et leurs corpsbougeaientaumêmerythme,ens’épousantadmirablement.QuandGretchenposalatêtesursonépaule,lerestedumondecessad’existerpourJulian:lesinvités,lesappareils-photo…Ileutlasensationd’êtretransportéàdesmillionsdekilomètresd’ici,seulavecelle,loindetout.
Lasentiraussiprèsluiprocuraitdesfrissons.Maiscelaluifaisaitprendreconscienced’unechose:avecGretchenàsescôtés,ilavaitl’impressiond’êtrecapabledetout.Depouvoiraccepterunscénarioplusréaliste,depoursuivreunecarrièreplussérieusesanscompromettrelessoinsdesonfrère…D’êtreenmesured’avoirtoutcequ’ilvoulait,elleycompris.
Ilnelaconnaissaitquedepuisquelquesjoursetpourtant,elleluiavaitdéjàouverttoutunchampdepossibles.Tiens,ilallaitd’ailleursl’annonceràRossdèslelendemain.Lescénarioqu’ilavaitemmenéàNashville représentait exactement ce qu’il souhaitait faire à présent, pas question de laisser passer sachance. Il était possible qu’il ne décroche finalement pas le rôle ou que la critique l’éreinte,mais aumoins,ilauraitessayé!
Lachansons’achevaetJuliansentitquelamagiedecetinstants’envolaitaveclesdernièresnotes.Cependant, laperspectived’emmenerdenouveauGretchendanssasuiteleremplissaitdejoie.Vite, ilfallaitfuiravantqu’unimprévuneviennesemettreentraversdesonchemin.
—Prêteàpartir,Cendrillon?luidemanda-t-ilenl’entraînanthorsdelapistededanse.—Jenesaispas,ditGretchenenplissantlenez.Notrerelationimaginairerisquedesetransformer
encitrouillesinouspartons.J’aienviederesteretdedanserjusqu’àcequel’orchestres’arrête.A ces mots, Julian l’attira tout contre lui et l’embrassa à pleine bouche, fiévreusement.
Passionnément.—Attendsunpeudesavoircequej’aiimaginé,lança-t-il.Voicileprogramme:nousallonssortir
decettesalleetrentreràl’hôteloùjeteferail’amourjusqu’aupetitmatin.Jusqu’àcequejeprennemonavionpourL.A.Jenesaispascequ’ilenestpourtoi,maisàmesyeux,cequisepasseentrenousn’aplusrienàvoiravecunarrangementcommercial.
—Auxmiensnonplus.Devantcettemerveilleuseréponse,Julianluisourit.—Alorséclipsons-noussansplusattendre.Gretchenparcourutduregardlasalledebalavantdeluidemandertoutbas:—Cen’estpasunpeutroptôt?Entantquetémoin,tun’asriend’autreàfaire,tuesbiencertain?
—Toutàfait.Nousreverronslesmariésdemainpourunpetitdéjeunerd’adieu,commeprévu.Ellesemordit lalèvre.Vulalueurquibrillaitdanssesyeux,ilavaitcertainementremportécette
petitebataille.—Jedoisjusteprendreunsacdansmonbureauetonpeutyaller,dit-elle.Julian l’attrapapar lamainet ils sedirigèrentvers la sortie. Il avançaitd’unpas rapide, saluant
d’un sourire les convives qu’il connaissait, mais sans s’arrêter pour prendre congé en bonne et dueforme : il avait tellement hâte de se retrouver seul avecGretchen ! Il dut pourtant patienter quelquesinstantsdanslehall,letempsqu’elleaillecherchersesaffaires…
C’estalorsqu’ilentenditrésonnerlasonnerieassociéeàl’institutoùsetrouvaitsonfrère.Niune,nideux, ils’emparadesonportable.Pourvuqu’onne luiannoncepasunemauvaisenouvelle.Ouquecesoituneerreurdenuméro!
—Allô?—M.Curtis?demandaunevoixféminine.Julianbaissalatête.Cettequestionvenaitdedouchertoutessesespérances.—Oui?—M.Curtis, jesuisdésoléedevousrappeler,c’estTheresadeHawthorneCommunity.L’étatde
Jamess’estdégradédepuisnotredernièreconversation.—Ilestàl’hôpital,n’est-cepas?—Toutàfait,maisilnerépondpastrèsbienautraitement.Lesmédecinsvontsansdoutelemettre
sousventilationartificiellepourmaintenirunniveausuffisantd’oxygènedanssespoumons,letempsquel’affectionserésorbe.
Julianfronçalessourcils.Comment?Latrachéotomiedesonfrèren’était-ellepascenséerésoudretouscesproblèmesrespiratoires?Ilnecomprenaitplusrien.
—Maiscommentva-t-il?—Nousnepouvonsnousprononcersursonétat.Nousvousavonsappelépourvousteniraucourant
etvousindiquerquevotremèreétaitàsescôtés.Elleespèrequevousallezlarejoindre.Pensez-vousquecesoitpossible?
—Toutàfait,jesuisàNashville.Ditesàmamèrequej’arrivetoutdesuite.Dansquelhôpitalsetrouve-t-il?
—AuCHUdeLouisville.Jepréviensvotremamandevotrearrivée.—Merci.Aurevoir.Julianrangeasonportabledanssapochepuisjetauncoupd’œilpar-dessussonépaule:Gretchen
étaitentraindesortirdesonbureau,unpetitbagageàlamain.—Gretchen…Ils’interrompit.Ilétaitdésoléd’annulerleursprojetsmaisiln’avaitpaslechoix.—Jeviensde recevoirunappelconcernant James, il fautque jeme rende sur-le-champdans le
Kentucky.Elleouvritaussitôtdegrandsyeuxsoucieux.—Est-cequ’ilvas’ensortir?Julianvoulutrépondremaisileutalorslasensationqu’unétauluicompressaitlecœur.—Je…jenesaispas,parvint-ilàarticuler.Cequejesais,enrevanche,c’estquejedoisallerà
l’hôpital.Jesuisdésolé…Cen’étaitpasainsiquejepensaisfinirlasoirée.—Jet’accompagne!lança-t-elleimmédiatement.Ileutdumalàencroiresesoreilles.Quevenait-ellededire?—Pardon?TuveuxveniravecmoidansleKentucky?Ellehochalatêtesanslamoindrehésitation.—Absolument.
Unefoisprèsdelui,elleluidonnaunbaiseretluipritlamainpourl’entraînerverslasortie.—Enroute!ajouta-t-elle.
-9-
Julian détestait les hôpitaux. Il y avait passé tellement de temps dans son enfance, quand il yaccompagnaitsonfrèreavecsesparents.Etencore,ilpouvaits’estimerheureuxcarcen’étaitpassurluiqu’on s’acharnait avec des seringues et des scalpels ! Mais l’odeur, quand il pénétrait dans cesétablissements, était reconnaissable entre toutes : celledes antiseptiques et de lamaladie, et peut-êtred’autrechoseencore.
Cesoir-là, il luifut toutefoisplusfaciled’ypénétreraubrasdeGretchen.Avraidire, iln’auraitjamaispensél’emmenersielleneleluiavaitpasproposé.Maisàprésent,ilserendaitcomptequesaprésence à ses côtés était vitale. Et puis ce serait l’occasion de la présenter à sa famille. Quelsoulagementdepouvoirpartagerjusqu’auboutsonlourdsecretavecelle!
Alorsqu’ilsallaiententrerdansleservicedessoinsintensifs,Julianentenditsamèrel’appeler.Ilseretournaetlaregardaprendreuncaféaudistributeuravantdes’avancerverseux.
Samèreavaitété—etétaittoujours—unebellefemme.Lestressl’avaitfaitvieillirplusvitemaison voyait toujours dans ses yeux gris-bleu dont il avait hérité l’éclat de la jeune femme vibranted’autrefois.Sacheveluresombreétaitaujourd’huiparseméedefilsargentésmaisellearboraittoujourslemêmesourireradieux.
—Commejesuiscontentequetuaiespuvenirsivite!s’exclama-t-elle.EtelleleserratrèsfortdanssesbrasavantdesetournerversGretchen,l’airsurpris.Cequiétait
biencompréhensible.—Etquiestcettejeunefemmequit’accompagne?— Je suisGretchen, répondit celle-ci en lui tendant lamain.Ravie de vous rencontrer,madame
Cooper.Celle-cisouritetsecoualatête.— Je m’appelle Curtis, ma chère, rectifia-t-elle. Copper est le nom de scène de Julian. Mais
appelez-moitoutsimplementDenise.—Maman,Gretchenetmoi,noussortonsensemble,précisaalorsJulian.Depuis peu, c’était vrai, mais il n’en restait pas moins que cette relation n’avait plus rien de
superficiel.Samèrelesregardaavecattentionl’unaprèsl’autre.—Visiblement,vousassistiezàunévénementimportant,commenta-t-elle.Unecérémoniederemise
deprix?—Non,c’étaitjusteunmariage,etiltouchaitàsafin,detoutefaçon.TutesouviensdeMurray,mon
anciencolocsurlecampus?
—Ohoui, bien sûr ! J’ai acheté l’un de ses albums pour James.Voilà donc pourquoi tu étais àNashville.Onpeutdirequeçatombebien.Enfin,façondeparler…
Samèrelissasescheveuxmaintenusenunchignon.—Commentva-t-il?Ellehaussalesépaulesetresserrasoncardiganunpeutropgrandautourdesataille.—Çavarietouteslesheures.Lesmédecinsattendentqueleniveaud’oxygènedanslesangremonte.
Maissicen’estpaslecas,ilsdevrontleplacersousventilateurartificieletilsredoutent,unefoiscetteétapefranchie,denepluspouvoirfairemachinearrière.Etdirequ’ilallaitsibien.Enfin,étantdonnésonétat,biensûr!
Lecœurserré,Julianlaregardasecouertristementlatête.— Son voyage en Europe pour les traitements au Botox lui avait été très bénéfique. Il pouvait
désormaisétendrelesjambeset,grâceauxattelles,nousavionsbonespoirqu’ilremarcheunjour.Maisces nouvelles complications respiratoires vont le faire régresser…Les poumons ont toujours été sonpointfaible.
Julianhochalatête.Aufildesans,lesmusclesnonutilisésdeJamess’étaientatrophiésetilavaitdûsubirdenombreusesopérationspourlesallonger.LetraitementauBotoxn’étantpasencoreautoriséauxEtats-Unis,ilss’étaientrendusenEuropeaccompagnésd’unmédecin.Celaavaitévidemmentcoûtéunefortune,maischaquedollardépenséenvalaitlapeine.
—Peut-onlevoir?demanda-t-il.—Ilfautdemanderlapermissionàuneinfirmière.Et, à cet instant, elle disparut à l’angle du couloir…pour revenir quelques instants plus tard, un
grandsourireauxlèvres.—On vous permet de rester auprès de lui entre cinq et dixminutes, pas plus, annonça-t-elle. Il
faudraquetureviennesdemain.Ilsetrouvedanslelitdufond,àdroite.Jevousattendsici.Jevaisboiremoncafé,pendantcetemps.Lanuitseralongue.
—Entendu,ditJulian.A cesmots, il enlaça samère puis franchit la double porte quimenait aux soins intensifs, avec
Gretchenàsescôtés…Ilpritunegrande inspirationavantde tirer leparaventderrière lequelse tenaitsonfrère jumeau.
C’était pourtant un spectacle qui lui était très familier. James ouvrit les paupières et un faible sourireéclairasonvisage.
—Julian,dit-ilpéniblementdansunchuchotementrauquequilefittousser.—N’essaiepasdeparler,James,exprime-toiparsignes.Julian lâcha alors la main de Gretchen pour s’approcher de son frère. Ils avaient tous les deux
apprislalanguedessignesquandilsétaientjeunesafindepouvoircommuniquerautrementqueparlesmots,cequiavaitétéd’unegrandeutilitéaprèslatrachéotomiequirendaitl’usagedelaparolesipéniblepourJames.
—Mamanm’aditquetuavaisdesdifficultésàrespirer.Tuasencorefumédel’herbe?Cettepetiteplaisanterieeutleméritedefairesouriresonfrère.C’étaitdéjàça!—Impossible,lesinfirmièresmesurveillent,répondit-ilaveclesmains.Puisilrespirabruyammentetavecdifficulté.Juliansentitsoncœurseserrer:ilsesentaitsidémuni
faceàlamaladiedesonfrèrejumeau!—James,enchaîna-t-il,jeteprésenteGretchen,monamie.Elletenaitàterencontrer.Sansbougerlatête,JamestournalesyeuxversGretchenetluifitunpetitsignedelamain.—Trèsbelle,fit-ilremarquerenlanguedessignes.—Oui,elleesttrèsbelle.—Jetelapiqueraisbien,murmura-t-ildansunsourire.
Julian etGretchen éclatèrent de rire, tous les deux stupéfaits par son commentaire.Enfin, surtoutelle,sansdoute.Endépitdetout,Jamesavaittoujoursconservésonsensdel’humour.Quelsquesoientlestraumatismesquil’empêchaientdecontrôlersoncorps,sesforcescognitivesdemeuraientintactes.Ilétait intelligent et drôle ! Décidément, lemonde avait manqué quelque chose à cause de cette fichuemaladie ! Sans cette pathologie, James aurait apporté une grande contribution à l’humanité, il en étaitcertain.
—Euh,merci,James,repritGretchenenrougissant.Est-cequetutesensmieux?Jamessoulevalessourcils.Sesentirbien…Celanevoulaitpasdiregrand-chosepourlui.Ilavait
des joursavecetdes jours sans.Hélas,même lesmeilleures journéesétaientdifficilespuisqu’il avaitalorstoutleloisirderéfléchiràsaconditiond’hommepiégédanssonproprecorps.
Soudain,lamachineàlaquelleilétaitreliésemitàbiper.Juliannotaalorsqueleniveaud’oxygènedanslesangavaitatteintsonniveauleplusbas.Untémoin
rougeclignotait…L’infirmièreaccouruttoutdesuiteetvérifiarapidementlesécrans.— Il faut que vous sortiez, leur ordonna-t-elle. Nous allons devoir le mettre sous respiration
artificielle.Toutens’éloignant,Julianregardalespraticienss’affairerautourdesonfrère…Allez,inutiledese
voiler la face : tourner des films sérieux n’était qu’un rêve. S’il jouait dans des productions à petitsbudgets,certessusceptiblesderemporterunprixaufestivaldeSundance, ilnepourraitplusréglerlesfacturesastronomiquesdel’hôpital.PasplusquelesvolsenEuropepourdestraitementsexpérimentaux.Or,offriràJameslameilleurequalitédeviepossibledemeuraitsaprioriténuméro1:sonnarcissismeetsesambitionsartistiquespassaientausecondplan.
JuliansentitalorsqueGretchenl’entraînaithorsduservicedesoinsintensifs.Bonsang,direqu’ilallaitdevoirannoncerlamauvaisenouvelleàsamère.
Pourtant,ilallaitbiendevoirluiparler.Toutcommeilallaitdevoircontinueràveillersursonfrère.
***
A3heuresdumatin,GretchenetJulianentrèrentenfindansunechambred’hôtelàLouisville,toutprèsdel’hôpital.Avraidire,elleétaitépuisée.Etpourtant,aprèstoutcequiétaitarrivé,ellen’avaitpassommeil.D’ailleurs,vulafaçondontJulianavaitarpentélehallquandilsattendaientqu’onleurattribueunechambre,elleétaitcertainequ’ilnesouhaitaitguèredormir,luinonplus.
Lasuiteétaitmoderneetarrangéeavecgoût,avecunsalon,commedanscelledeNashville.En silence, Julian retira son nœud papillon et sa veste.Nul doute que toutes ses pensées étaient
encoreaccaparéesparJames.Sil’unedesespropressœursavaitétéàl’hôpital,elleauraitréagidelamêmefaçon.
Allons,ellenedevaitpasresterplantéedevant luià le regardersedéshabiller !Sonbagageà lamain,elleentradanslasalledebainspourôterenfinsarobedefête.
Maisquandelleouvritsonsacetregardasoncontenu,Gretchenneputretenirunsoupir:quandellel’avait préparé, elle y avaitmis une chemise de nuit sexy.A cemoment-là, elle était loin d’imaginerqu’elleferaitundétourparl’hôpitaldeLouisvillepourrendrevisiteàcepauvreJames.
Ducoup,Juliannerisquaitguèred’êtresensibleàcettedentellerougeaffriolante.Unsimplepyjamaencotonauraitétébienplusapproprié!
Hélas,ellen’avaitpaslechoix.Gretchenenfiladoncsalingeriefinepuisaperçutunpeignoiraccrochéaumuroùelles’enveloppa.
Une foisdehors,elleconstataqueJuliann’étaitplusdans lachambre.Elle le trouvadans le salon,encaleçondevantleminibar…Incroyable!Iltenaitunemignonnetteàlamain.Duscotch,manifestement.
—Tubois,maintenant?demanda-t-elle.C’était la première fois qu’elle le voyait avaler autre chose que de l’eau depuis qu’elle le
connaissait.—Oui,dit-ilenconsidérantlabouteilled’unairpensif.Moncoachpourramepunirplustard,s’il
veut,maisj’avaisvraimentbesoindem’étourdir.Del’eauetunebarredeprotéinesn’auraientpassuffi.Gretchensecoua la tête.Elledétestait levoirdanscetétat,maisellenepouvaitpas luiêtred’un
grand secours,malheureusement.Une fois assise sur le canapé, elle lui fit signedevenir la rejoindre.Julianavalalerestedesonscotchpuisvints’écroulersurlescoussins,àsescôtés.
Sansprononcerunmot,ellel’attiraàelleetilsseserrèrenttrèsfortdanslesbrasl’undel’autre.—Jeveuxparlerd’autrechosequedemonfrère,déclara-t-ild’emblée.Dis-moi…Commentune
femmeaussibellequetoietpleinedeviepeut-elleavoireusipeud’expériencesavecleshommes?Gretchensemordit la lèvre.C’étaitbienlederniersujetqu’ellevoulaitaborderaveclui,maissi
cettediscussionluipermettaitd’oublierJamespendantquelquesinstants,commentdirenon?Alors, latêteenfouiedanslecreuxdesonépaule,elleselançadanslerécitpeupalpitantdesavie.
—Mamèreétaitdanseuseprofessionnelleauseind’uncorpsdeballetavantqu’ellenesecasselachevilleetnesoitobligéedelequitter.Lorsdesesséancesderééducation,ellearencontrémonpère,quiétaitkinésithérapeute.Elleétaitgrandeetsvelte,luiétaitplutôttrapuetcostaud,maisilssontmalgrétouttombésamoureuxfollementl’undel’autre.
Ellemarquaunepauseavantdereprendre:—Ilssesontmariésetonteu trois filles.Jesuis lacadettede la fratrie.Messœursressemblent
énormément à ma mère, elles sont aussi gracieuses et douées qu’elle, quand il s’agit de séduire leshommes.Moi,j’aihéritédemonpère.Depuismanaissancejesuisbienenchairetmaladroite.Enfant,onm’arenvoyédemonécolededansecarjen’arrêtaispasdebousculerlesautrespendantlesexercices!Sanslefaireexprès,biensûr.Affirmerquej’aiétéunedéceptionpourmamèreestuneuphémisme.
—Elletel’aditencestermes?Gretchenhaussalesépaulesavantdepoursuivre:—Non,maisellem’incitaittoujoursàressemblerdavantageàmessœurs.Maisj’étaistrèstimide
etjepréféraisl’artetleslivresquelesgarçons.Jen’avaispasgrand-choseencommunaveclesmembresdemafamilleet,quandj’aiétéenâgedesortir,jepensequejemesuis,disons,sabotéemoi-même.Jen’avais aucune confiance enmoi, si bien que les garçons neme remarquaientmême pas. En société,j’étaissisilencieusequej’auraispudisparaîtresansqu’onleremarque.Etavecletemps,çaacontinué.Auboutducompte,j’aipenséquej’étaisdestinéeàfairepartiedecesartisteséternellementmalheureuxetdestinésàvivreseuls.
—C’estridicule,décrétaJulian.Letempsdesedégagerdeleurétreinte,illasaisitparlementondesortequ’ellen’eutpasd’autre
choixquedecroisersonregard.—Ilest impossiblequ’unefemmecommetoifinisseseule,poursuivit-il.Tuesbelle, talentueuse,
passionnée…Tuasbeaucoupàoffriràunhomme. Il suffitqu’il soitassez intelligentpourdéceler tesqualités. J’admets que je n’aurais probablement pas été cet homme si Ross n’avait pas exigé un telarrangemententrenous.Jesuistoujoursendéplacement,bientropdistraitpourpercevoirleschosesquisetrouventjustesousmonnez.Etalorsj’auraisvraimentmanquéquelquechose.
Gretchensesentitrougiretvoulutsedégagerpouréchapperàl’intenseregarddeJulianmaisill’enempêcha.
—Jenebluffepas,Gretchen.Tunepeuxpassavoircequetaprésenceàmescôtésasignifiépourmoi,cesoir.Engénéral,c’esttoujoursmoiquisoutienslesautres.Or,pourunefois,onestvenuàmonsecours…Ilestsidifficiledevoirl’étatdeJamessedétériorer.Tum’asvraimentétéd’unegrandeaide.
—Jemeréjouisd’avoirpu t’accompagner.Personnenedevraitêtreseulpour traverserune telleépreuve.
Ilposaalorssonregardsurelleet,pourlapremièrefois,elleremarquaunechose:Julianneportaitpasseslentilles!Lebleucaraïbeauquelelleétaithabituées’étaittransforméenungris-bleuquiévoquaitdavantage les mers du Nord. En toute honnêteté, cette couleur lui allait bien mieux. Il avait fendul’armure,tantmieux!
—J’adorelacouleurdetesyeux,déclara-t-elle.—Paslacaméra,répliqua-t-il.—Ellenesaitpascequ’elleperd.Illaconsidéraquelquesinstantsavantdedéclarer:—Gretchen,jen’aipasenviequenotrerelationsetermine.Lemoins qu’on puisse dire, c’est queGretchen fut surprise par cette déclaration inopinée. Il lui
fallutunebonneminutepourtrouveruneréponseappropriée.— Moi non plus, mais avons-nous vraiment le choix ? Tu dois rentrer à L.A. et ma vie
professionnelle,toutcommemavieprivée,estàNashville.Julianacquiesçad’unhochementdetête,maissesmâchoiresserrées indiquaientqu’iln’allaitpas
abandonnerlapartieaussifacilement,c’étaitunecertitude.—Ceseracompliqué,biensûr,reprit-il,maisj’aienvied’essayer.Jenepeuxpasmeséparerdetoi
comme ça… S’il te plaît, dis-moi que toi aussi tu veux qu’on continue, sans contrat, sans toute cettecomédie.
Gretchenn’encroyaitpassesoreilles.Juliansemblaitdesplussérieux!Ilvoulaitpoursuivreleurrelation, indépendamment de ce qu’exigeait de lui son agent. Une femme comme elle aux côtés d’unhommedesatrempe,c’étaittoutsimplementunrêvequidevenaitréalité.Commentaurait-ellepurefuser,surtout quand un seul regard de Julian l’empêchait quasiment de respirer ?Non, elle non plus n’avaitaucuneenviedeseséparerdelui.Elleavaittentédenepass’investirémotionnellementdanscescénariomaisàchaqueminutequipassait,elleserendaitbiencomptequ’elleétaitentraindeperdrelabataille.Comments’imaginerqu’ilsnesevoientplusunefoisJulianàLosAngeles?Elleavaitelleaussideplusenplusdedifficultéàleconcevoir…
— Je veux également qu’on continue, Julian, déclara-t-elle à son tour d’un ton profondémentsincère.Jenesaispascommentnousallonsnousyprendre,maisjetiensvraimentàcetterelation.
—Danscecas,nenousquittonspas,dit-ilenpressantseslèvrescontrelessiennes.Acesmots,JulianfitbasculerGretchensurlescoussinstoutendéfaisantlecordondesonpeignoir.—Waouh!s’écria-t-ilàlavuedesachemisedenuitensatinrouge.Tuavaisdesidéesderrièrela
tête…—Pasparticulièrementdanslesconditionsprésentes,mais…—Sij’avaissucequetumedissimulais,nousn’aurionspasperdutoutcetempsàparler!Etdenouveau,ilcapturasabouche.Contrairement à la veille, Julian était moins tendre mais c’était sûrement dû à la tension qui
l’habitait.Peuimporte:ellevoulaitqu’ilseperdeenelle.Ilpassaalorslamainsoussondéshabillépuislerelevajusqu’àlataille.—Sais-tuquelerougeestmacouleurpréférée?demanda-t-il.Gretchenfitunlargesouriretandisqu’elleouvraitlesjambespourl’attirerplusprèsd’elle.—C’estvrai?—Çal’est,maintenant!Etsurcesmots,Julianenfouitlevisagedanslecreuxdesanuquepuisfitglisserlesbretellesdeson
déshabillésursonépaulejusqu’àdévoilersesseinsqu’ilsemitalorsàtitiller.
Avraidire,Gretchenn’avaittoujourspasassimilétousleschangementsquis’étaientproduitschezelle.Ducoup,ellesesentaittoujoursunpeumaladroite.MaisgrâceàJulian,elleapprenaitvite…Ellefermalesyeuxensavourantsesmoindrescaresses…
D’instinct,elleenroulaseshanchesdesesjambesetJulianpoussaunlégergrognementquandsonintimitétouchasonérectionàtraversletissu.Rapidement,ils’emparadesonstringetleluiretirasanslamoindre hésitation. Elle laissa échapper un petit crimalgré elle et poussa un petit rire.Mais lorsqueJulian semit à caresser sa chair humide, elle se cambra spontanément et s’abandonna aux sensationspuissantes qu’il venait de déclencher en elle…C’était incroyable, on aurait dit qu’il connaissait soncorpsdepuisuneéternité,carilsavaittoutdesuitecequiluiplaisait.
Gretchenfermadenouveaulespaupières,s’attardantunpeuauborddelajouissanceavantlegrandplongeon…Soudain, elle sentit commeun courant d’air…Elle rouvrit les yeux et constata que Julians’étaitredressé.Appuyésuruncoude,ill’observait!
Maissapassiviténeduraguère!Quelquessecondesplustard,ilretirasoncaleçonetluifitsignedevenirsurlui.
—Qu’est-cequ’onvafaire?demanda-t-elled’untonpresqueméfiant.—Moirien,jevaisjusteteregarderprendrelesrênes.Maisavant,ôtetachemisedenuit.Gretchenluilançaunregardsurpris:ilavaitdoncdécidédel’initieràunenouvellepratiquesansla
prévenir ? Elle devait toutefois avouer que la perspective de le chevaucher était particulièrementexcitante,ôcombien.Et,non,ellenelaisseraitpassatimiditéprendreledessus!
En tendant le bras, Julian plongea lamain dans sa trousse de toilette qui se trouvait sur la tablebasseetensortitunpréservatif.
—Atoil’honneur,dit-il.Alors,d’unairdéterminé,Gretchens’enempara,lesortitdel’emballageetledéroulalentementsur
lesexedeJulian.Ilpoussaunpetitgrognementaucontactdesesdoigtssursonérectionpuissante,puistoutsoncorpssetendit…Peuàpeu,elleserenditcomptequec’étaittrèsagréabled’êtreauxcommandesetquecelaallaitluiprocurerunplaisirfou,endépitdutracquil’animait.
Julianlaguidadanssesmouvementsquandellesejuchasurluietcefutavecunelenteurpresquedouloureusequ’elles’assitsurlui,alorsqu’ellevibraitencoredecesnouvellessensationsetdecellesqueluiavaientprocuréeslescaressesdessoirsprécédents…
Ensemordantlalèvre,GretchenposalespaumessurletorsedeJulianetcommençaàondulersurlui…C’étaitdélicieux.Vulafaçondontils’agrippaitàelle,ilpartageaitcertainementsesimpressions…
Ellesemitàchalouperunpeuplusvite.Pasdedoute,ellen’allaitpastarderàatteindreleseptièmeciel.
—Julian,murmura-t-elle.—Laisse-toialler,machérie.Etemporte-moiavectoi!Acesmots,elles’abandonna.Touteslesdiguess’ouvrirentetunevaguedepurplaisirsoulevason
être…Ellenageaitenpleinevolupté,etpassimplementphysique.Jamais elle n’avait éprouvé une telle sensation auparavant. Sa relation avec Julian s’inscrivait
désormais dans l’avenir : elle n’avait plus besoin de lutter contre ses propres sentiments. Tout étaitparfait. Autant l’avouer : c’était bien l’amour qui la fit jouir, hurler son nom dans les spasmes duplaisir…Illarejoignitpromptement,aprèsunultimecoupdereins.Lamainposéesursoncœur,elleleregardasenoyerluiaussidanslajouissance…
Aprèsquoi,Gretchens’écroulasurJulianetenfouitlatêtedanssoncou,respirantàpleinspoumonsl’odeurquiémanaitdeluietquiluiétaitenunriendetempsdevenuesifamilière…
Çayest,elledécouvraità la fois lesexeet l’amour,cettesublimeosmosequ’elleavaitattenduedepuistantd’années.
-10-
Lelundifinitpararriveret,aveclui,uneréalitéqueJuliann’avaitnulleenvied’affronter.PasplusqueGretchen,d’ailleurs,àenjugerparsonexpression.
Ledimanche, ilss’étaientdenouveaurendusàl’hôpitalpourconstaterquel’étatdeJamess’étaitstabiliségrâceàlaventilationartificielle.Iln’étaitplusensoinsintensifsetsamèrelesavaitquasimentchassésdel’hôpitalpourqu’ilsregagnentNashville.
Ilsavaientalorspasséunesoiréebienmorose,chacunsachantcequelelundiapporterait…Gretchen devant se rendre à l’agence pour sa réunion hebdomadaire, elle s’était glissée de très
bonneheurehorsdulitaprèsluiavoirdonnéunrapidebaisersurlefront.Toutefois,elleluiavaitpromisdereveniraprèssaréunionpourluidireaurevoircommeilfautavantqu’ilneregagnel’aéroport.
Ilsavaientconvenutouslesdeuxdepoursuivrecetterelation,mêmes’ilsavaientconsciencequeladistancereprésenteraitungrosobstacle.
Juliandisposaitd’unpeudetempsavantsonnouveautournage.Seulement,ilredoutaitlaréactiondeRosss’illuiannonçaitqu’ilprolongeaitsonséjouràNashville:cedernierpréféraiteneffetqu’ilsoitàL.A.pourapprendresonscénarioetêtre«vu».Etsansdoute luiavait-ildéjà trouvéunefemmepourl’accompagnerpartout.Maisc’étaithorsdequestion.
Ilfinitparselever.Rossallaitcertainementpasserlevoiràl’hôtelavantdereprendreunvolpourNewYorkoùildevaitdonnerdesconférencesdepresse.CommeilauraitpréféréresteraulitàattendreleretourdeGretchen!
Ilétaitentraind’avalerunsmoothiequandsonagentfrappaàlaporte.Ponctuelcommetoujours!Vêtud’uncostumetaillésurmesure,Rosspénétradanssasuiteetpritplacesurlecanapé.—Ehbien,commentleschosessesont-ellesdérouléesaveccettefaussefiancée?Sij’encroisles
photosque j’aivues, le résultat étaitdesplus convaincants.Bravo, tu as faitdubeau travail car cettepetitecomédien’avaitriend’évident,j’enétaisbienconscient,tusais.
Julianfronça lessourcils. Iln’étaitpascertaindesaisir la réellesignificationdesespropos,carchaqueinstantpasséauxcôtésdeGretchenluiavaitparud’unerareauthenticité.
—Defait,c’estlerôleleplusfacilequej’aieeuàjouer.Etpourtoutavouer,lecourantestsibienpasséentreGretchenetmoiquenousavonsdécidédecontinuerànousvoir.
LesouriredeRosss’évanouitimmédiatement.—Tuplaisantes?—Absolumentpas.Jesuisonnepeutplussérieux.C’estunefemmeformidableetjen’enconnais
pasdeuxcommeelle.Rosssoupiraetpassalamainsursoncrânechauve.
—Jesaisqu’enconcoctantcepetitarrangement,j’aiinsistésurlefaitquecelaserviraittonimagedesortiravecunefemmenormale,ordinaire.Maisjamaisjen’avaispenséqueceladurerait.
—Qu’est-cequeçapeutfaire?Tuvoulaisquejeretrouvequelqu’un,non?Ehbien,voilàquiestfait!Tudevraisteréjouirpourmoi.
—Non,pasavecelle!commençaRossd’unevoixplaintive.Elleest…Julian le regarda alors fixement. S’il insultaitGretchen, il n’hésiterait pas à lui casser la figure.
Depuisletempsqu’ilenavaitenvie…—Elleestquoi,Ross?Vas-y,jet’écoute.Celui-ciluijetauncoupd’œilcirconspect.Ilcherchaitvisiblementsesmots.—Ellenecorrespondpasaugenrede femmesquidoit te tenir lebrasquand tu fouleras le tapis
rougeauxGoldenGlobes,parexemple.C’esttoutcequej’aiàdire.Julianpoussaaussitôtungrognementméprisant.— Et quand, dansmon illustre carrière, m’as-tu déjà trouvé un rôle qui pourrait me valoir une
invitationàcetteprestigieusecérémonie,tupeuxmeledire?—Visiblement, tunemecomprendspas,Julian.JesuiscertainquecetteGretchenestunefemme
charmante et adorable, le genre de femmes que tu pourrais présenter sans problème à ta mère. Leproblème,c’estqu’ellenetepermettrapasdepasserauniveausupérieurentermesdecarrière.PenseàBradetAngelina.OuencoreàTometNicole.
—Jetesignalequecesdeux-làontdivorcédepuisuncertaintemps,maintenant.—Ehbienquoi?Çan’apasmarchéentreeux,maispoureux,si!Et jesuiscertainquec’est la
publicité autour de leur mariage et de leur couple qui a donné un coup de fouet à leurs carrièresrespectives.
—Ilexistedenombreuxacteursouactricescélèbresdontlepartenairen’appartientpasaumondeducinéma.
Devantcetteobjection,Rosss’adossaalorsaucanapéetposalesindexsursonmenton.—Julian,jesuistonagent,tumepaiespoursavoircequiestlemieuxpourtacarrière.Etjepeuxte
direquecegenredefemmesn’estpascellequeJulianCooperestcenséfréquenter!Soit!Maisdanscecas,iln’étaitpluscertaindevouloircontinueràêtreJulianCooper,carsonalter
egoétaitentraindedevenirunepersonnequineluiplaisaitpasdutout!Letempsdeprendreunegrandeinspiration,Julianfinitalorspardire:—Tuaspeut-êtreraison,Ross,maismoijetedisqueGretchenestexactementlegenredefemmes
avecquiJulianCurtisaenviedesortir.En l’occurrence, ilnes’agitpasd’unrôle.Or je tepaiepourgérermacarrière,pasmavieprivée.Jesortiraiavecquijeveuxetj’apprécieraisquetunetemêlespasdecedomaine-là.
A cet instant, le portable de Ross sonna et il regarda son écran. Tant mieux car la tensioncommençaitvraimentàmonterentreeux.Certes,Rossétaitunbonagent,maisildevaitaussiconnaîtreseslimites.
Julianlevitalorsfroncerlessourcilspuislaisserretomberd’ungestefatalistesontéléphoneàcôtédelui.
—Tu peux sortir avec qui tu veux, Julian, tu as raison, reprit son agent d’une d’une voix lente.Cependant,concernantGretchen,tudevraispeut-êtreyréfléchiràdeuxfois…
—Pourquoi?—TuluiasparlédeJames?Julianseraidit.Pourquoicettequestion?—J’aiétéobligé,ellesetrouvaitavecmoiquandj’aireçul’appeldel’hôpital,maisjeluiaidit
qu’elledevraitsigneruncontratdeconfidentialité.—L’a-t-ellefait?
—Pasencore.J’allaisd’ailleurstedemanderdelerédigeraujourd’hui.Acesmots,Rosssoupiraetluitenditsontéléphone.—Ehbien, tuvois,c’estdéjà trop tard !La tragiquehistoiredu jumeausecretdeJulianCooper
vientdes’étaleràlaunedesjournaux.Non,cen’étaitpaspossible…Julianparcourutl’articleaffichésurl’écran.Paspossible,Rossdevaitfaireerreur.Hélas,aufuret
àmesuredesalecture,l’affreuxvertigequil’avaitsaisis’intensifiaaulieudes’effacer…Toutyétait:l’histoiredeJames,samaladie,lerécentépisodeàl’hôpital.Lapersonnequiavaitparléàlapresseétaitbieninformée!
—Apartelle,quid’autreestaucourant,pourJames?Juliansecoualatête.—ToietMurray,marmonna-t-il.—Etcen’estcertainementpasmoiquil’aidivulguéàlapresse!Julianhochalatête.Iln’avaitaucunmalàlecroire.IlétaitparailleursexcluquecesoitMurray,
qui était d’ailleurs parti en lune demiel et avait donc bien d’autres chats à fouetter.Cependant, il nepouvaitpasconcevoirqueGretchenavaitvendusonhistoireauxjournalistes,ellequinesemblaitmêmepas intéressée par l’argent qu’il possédait. Seulement voilà : combien lui avait-on proposé pour cettehistoirejuteuse?Peut-êtreunesommequ’ellenepouvaitpasrefuser…
—Non,insista-t-iltoutdemêmeensecouantlatête.Jesuisrestétoutletempsavecelle,jusqu’àcequ’elleparteautravail,cematin.Ellenepeutpasavoirpriscontactavecunjournalistepourvendrecettehistoireàmoninsu!
Rossrouladesyeuxavantderépliquer:—Cequetupeuxnaïf,Julian!Tun’aspasétédanslamêmepiècequ’elleenpermanence.Tut’es
douché, tu as dormi… Elle a tout à fait pu se glisser en douce hors du lit et envoyer un mail à unjournalistedepuissonsmartphonependantqueturonflaistranquillement,combléetinconscient!
Julians’écroulasurunechaise.Lesdoutescommençaientpeuàpeuàenvahirsonesprit.Illuiavaitfaitconfiance…Etait-ilpossiblequeGretchenl’aittrahi,commelesautres?
Sonagentluitapotal’épaule,l’airforttriste.—Jesuisdésolé,dit-il.Sincèrement.Jesaisquetumeprendspourunhommed’affairesfroidet
sanscœur,avectoutesmesclausesdeconfidentialitéetmesrelationsarrangées,maiscelafaitlongtempsque j’exerce cemétier et j’ai vu de nombreux clients trompés par les gens en qui ils avaient le plusconfiance.J’essaietoujoursdeprotégermesclientsaumaximum,maisjenepeuxpasnonpluscouvrirlemoindrerisque.
Julianbaissalatête.Effectivement,iln’yavaitqu’unepersonneaucourantdel’ultimeévolutiondel’étatdeJames.Seulement,celalemettaitdansuneragefolle…Iln’arrivaitpasàlecroire.Toutsonêtrehurlaitaumensonge,maisRossavaithélasraison:salogiqueétaitimplacable.
—Bon,maintenant,ilfautquenousréfléchissionsàlafaçondetraiterl’affaire,enchaînacedernier.Situignoresl’article,onvacroirequetuashontedetonfrère,cequinuiraitàtaréputation.Ilestsansdoutepréférablequenousdonnionsuneconférencedepresseoùtuexpliqueraspourquoituasessayédelemainteniràl’abrideladuretédesprojecteurs.
—Oui,tuasraison,convintJuliand’untonabattu.En réalité, il n’avait pas écouté un traître mot. Contrôler les dégâts causés par cette fuite était
actuellementlemoindredecessoucis.—Bon,pendantquej’organisetoutça,ilfautquetuparlesàGretchen.Joignantlegesteàlaparole,Rossdéposauneépaisseenveloppesurlatable.—Voicil’argentquenousluidevons,poursuivit-il.Remets-le-luietdis-luidedisparaître,oubien
c’estmoiquim’enchargerai.
Julianhochalatête.Encoreunefois,Rossavaitraison,maiscetteconversationneluiplaisaitguère.—Elleestcenséerepasserici.—Quand?Ilregardal’horlogeaccrochéeaumurdel’hôtel.—Bientôt.Avantquejepartepourl’aéroport.Rossacquiesçapuisseleva.—Bon,ilfautquej’yaille,déclara-t-il.Jegérerail’affairedepuisNewYork.Appelle-moidèston
retouràL.A.etdis-moicomments’estpasséetonentrevueavecGretchen.Surcesmots,RosssortitdelasuitemaisJulianyprêtaàpeineattention.Unétauluiserraitlecœur,
il était partagé entre une forme de stupeur qui l’empêchait de réagir et la rage qui bouillait dans sesveines.Ilsavaitcequiluirestaitàfaire,maisc’étaitunrôlequ’iln’avaitaucuneenviedejouer.Pourtant,c’étaitaussilaseulefaçonderemettredel’ordredanssavie.
***
Lagorgenouée,Gretchensedirigeaitd’unpaslourdverslasuitedeJulian.Etdirequ’unedemi-heureplustôt,elleavaitlittéralementvoléjusqu’àsachambre,toutexcitéeàl’idéedelerevoirpuisqueNataliel’avaitautoriséeàquitterplustôtlaréunion.
Hélas,aumomentoùelleallaitfrapperàsaporte,elleavaitentendudeuxhommessedisputer.Oh!ellen’avaitbiensûrpaseul’intentiond’écouterleurconversation,çanon.Toutefois,illuiavaitsemblédélicatdesignalersaprésenceenpleinmilieudecettequerelle.Elleavaitdoncdécidéd’attendrequ’ilsse calment un peu avant de frapper. C’est alors qu’elle avait surpris, à son corps défendant, uneconversationquidépassaitsonentendement…
LesparolesdeRosslahantaientencore.Julian,jesuistonagent,tumepaiespoursavoircequiest lemieuxpour ta carrière.Et je peux te direque cegenrede femmesn’est pas celle que JulianCooperestcenséfréquenter!Pourêtrehonnête,entendrecethommeprononcerunteldiscoursnel’avaitpasvraimentétonnée.Seulement,quandJulianavaitréponduqu’ilavaitpeut-êtreraison,elleavaitsentisoncœur sebriser.Etdirequedurantcesquelques jourspassésensemble, Juliann’avait cesséde luiaffirmerqu’elleétaitbelleettalentueuse!Orvoilàqu’ilapprouvaitsonagent…Littéralementanéantie,Gretchens’étaitprécipitéehorsdel’hôtelpourseréfugierdanssavoitureoùelleavaitpleurétoutesleslarmesdesoncorpsjusqu’àcequ’ellevoieRosssortir.
Illuiavaitfalluquelquesminutespourseremettrepuiselleavaitremontélesmarchesdel’hôtelàcontrecœur.De fait, ellen’avait plus aucune enviedevoir Julianmais il aurait été suspectqu’elleneviennepascommeprévu.
Letempsdeprendreuneprofondeinspiration,Gretchenfrappaàsaporte.Aquoibonlenier?Elleétaitbienplusanxieuseencorequelorsdeleurpremierrendez-vous.
Julianfutlentàrépondremaisquandilsedessinadansl’encadrementdelaporte,elleauraitencorepréféréqu’ilneviennepasluiouvrir.Labellelumièrequiéclairaitsesyeuxs’étaitéteinteetsonsouriren’étaitplusqu’unlointainsouvenir.Ilavaitlesmâchoiresserréesetétaitvisiblementencolère.Enoutre,illafixaitd’unairinquisiteur,commes’ilfouillaitsanspudeursonâmepourytrouverlapreuvedesaculpabilité.
—Entre!ordonna-t-il.Gretchensentitsoncœurseserrer.Cen’étaitpasvraimentl’accueilespéréet,enmêmetemps,cela
n’étaitguèreétonnant.Elles’assitsurlecanapéenserrantsonsaccontreelle.Juliann’avaitencoreriendit,maiselleavaitcomprisunechose:leurhistoireétaitterminée.
Ilsaisitbrusquementsontéléphonesurlatablebasse,appuyasurquelquestouches,etleluitenditsansunmot.Sicen’estpourlaprierdel’attraper.
Ellehésitamaisfinitpars’exécuter.Toutàcoup,lorsqu’ellebaissalesyeuxversl’écran,ellecrutmanquerd’air…Seigneur, c’était un article sur James. alorsque Juliandéployait précisémentdegroseffortspourprotégerlavieprivéedesonfrère.Elleconcevaiteffectivementqu’ilsoitfurieux!
—C’estaffreux!s’exclama-t-elleenposantlamainsursapoitrine.Commentquelqu’una-t-ilpul’apprendre?Tuessidiscret.Ceneseraitpasparhasardunedesinfirmières,àl’hôpital?
—Bienessayé!rétorqua-t-ild’untonglacé.Maisl’acteur,ici,c’estmoi,pastoi.Gretchendétachalesyeuxdel’écranpourseheurteràsonregardaccusateur.—Queveux-tudire,aujuste?Tunepensesquandmêmepasque…quec’estmoiquiaiparléàla
presse?Juliancroisa lesbraset luiparutplus intimidantquejamais.Onl’auraitditprêtà toutréduireen
poussièreavecunearmeatomique,commedanssesfilms.—Iln’yapasvraimentbeaucoupd’éventualités,Gretchen.Tues la seulequi soit aucourantde
tout.Laseulequiaitrencontrémonfrère.Personned’autrequetoin’auraitpurévélertouscesdétails.Acesmots,Gretchense leva.Elleétaitcertespluspetiteque lui,maisellenepouvaitpasrester
assisesurcecanapépendantqu’illasurplombaitencherchantàl’intimider.—Cen’estpasparcequejedétenaiscesinformationsquejesuisalléelesraconteràlapresse.Je
t’aipromisdeneriendireàpersonneàproposdeJames.Etjemesuismêmeengagéeàsignertonstupidecontratdeconfidentialité!
Julianhochalatêteavantderépliquer:—Ilnem’estpasvenuàl’espritquetuparviendraisàvendrecettehistoireavantd’avoiràsigner
cecontrat.Ça,onpeutdirequetuassumemanipuler!—Temanipuler?répéta-t-elled’unevoixsuraiguëqu’ellenemaîtrisaitplus.Maisjen’airienfait,
je n’ai pas vendu cette histoire ! C’est Ross qui t’a mis ses mensonges dans la tête ? Enfin, Julian,commentpeux-tum’imaginercapabled’unetelletraîtrise?
—Jen’inventerien,lesfaitsparlentd’eux-mêmes.Moinonplus,jenel’auraisjamaiscru.Endépitdesaminesévère,Gretchenperçuttoutàcoupl’ombred’undoutedanslesyeuxdeJulian:
luinonplusne semblaitpascroireà sonaccusation.Mais ilne l’admettraitpas, celane faisait aucundoute.
—Tut’enserscommed’unprétexte,luiassena-t-ellealors.—Unprétextepourquoi?—Pourtedébarrasserdemoi.GretchenentendaitencorelesparolescruellesdeRossrésonnerdanssoncerveau.Cequinefaisait
qu’attisersaproprecolère.— En dépit de toutes les promesses que tu m’as faites à Louisville, poursuivit-elle, tu sais
parfaitementquejenesuispaslegenredefemmesquiserviratacarrière.CespropossemblèrentdéconcerterJuliancarilrépondit:—Pourquoidis-tucela?—J’aisurpristadiscussionavecRoss!Jesuisarrivéeunpeuplustôtqueprévuetj’aientenduque
je n’étais pas le type de femmesqui convenait à JulianCooper.Mais rassure-toi, je le sais depuis ledébut.Jesuisgrosseettimide,jenepossèdepaslamoindreonced’élégance,çava,jesuisaucourant,inutilequ’onmelerappelle!
Juliansecoualatête,l’airfurieux,puisrétorqua:— J’ignore ce que tu as entendu, mais je peux t’assurer que ce n’était pas ça, notre sujet de
discussion.—Ahbon ?Sois honnête, Julian.Même si tu affirmes que tu voudrais décrocher des rôles plus
ambitieux, tu es complètement accro aumodedevieque tesblockbusters tepermettentdemener !Tuprétends que tu ne peux pas faire autrement à cause des dépenses liées à l’état de James, mais que
représentent-ellesparcomparaisonavectamaisondeBeverlyHills,tesvoituresdesport,toustescoachset tes chefs cuisiniers privés ? Et par comparaison avec les cadeaux exorbitants que tu offres à tesmaîtressesauxexigencesextravagantes?Bienpeu,j’imagine.Ettuvasutilisercettehistoiredefuitedanslapressepourmelaissertomberparcequejenecorrespondspasàcemodedevie.Parcequejenepeuxpast’aideràdevenirunestarencorepluscélèbre.
Là-dessus,Gretchenposasurluiunregardnoir.Maisilréponditd’untonimperturbable:—Non,Gretchen,celan’arienàvoir,niavecmonstanding,niavecmacarrière.Detouteévidence,
tun’aspasentendutoutemaconversationavecRoss,sinontuneporteraispasunetelleaccusationcontremoi.J’auraisétéprofondémentheureuxdefouler le tapisrougeauxbrasdelaGretchenquejecroyaisconnaître.Jepensaisvraimentquetuétaisdifférenteetquandjedisaisquetuétaisbelle,j’étaissincère.MaismaconversationavecRossatoutremisencauseetjenepeuxpasrestersansréagiralorsquetuasblessémafamille.
Gretchensentaitdeslarmesdecolèreperleràsesyeux.Etpourtant,ellenevoulaitpass’effondrerdevantlui.Maisplusellerésistait,plusilluiétaitdifficiledelesretenir.
—Jenet’auraisjamaisfaitunechosepareille.NiàJames,niàtamère,assura-t-elle.Etsitum’encroiscapable,alorsc’estquetunemeconnaispas,contrairementàcequetuaffirmes.
—Sansdoute.Celadit,nousnousconnaissonsdepuisunesemaineàpeine,cen’estpascommesinousétionsamoureux.
Acesmots,Gretchensesentitfléchir:l’idéed’amoursemblaitsoudainsiabsurdedanslabouchede Julian…Comme elle avait bien fait de ne pas lui avoir avoué ses sentiments naissants ! Car ellen’auraitpassupportéqu’illestourneendérision.
—Quellesommet’a-t-onoffert,Gretchen?insista-t-ilaussitôt.Seigneur,oùétaitpasséleJulianqu’elleavaitconnu?Sonvisageétaitcomplètementdéforméparla
colèreetlatrahisonqu’ilpensaitavoirsubie…—LesdixmilledollarsnégociésavecRossnetesuffisaientpas?—Contrairementàcequetucrois,jenesuispascupide,s’insurgea-t-elle.Jemefichepasmaldela
sommequ’onauraitpum’offrir.Jen’aurais jamaisvenducettehistoireà lapresse.Etd’ailleurs, jeneveuxpasdetesdixmilledollars!
Julianrouladesyeuxpuiss’emparad’uneenveloppesurlatablebassequ’illuimitd’autoritédanslesmains.
—Ahbon,pourquoi tun’enveuxplus?Tun’enasplusbesoin,après ledédommagementque lapresset’aremis?
Gretchensemorditlalèvredetoutessesforces.Elleétaitsibouleverséequ’elleneregardamêmepascequecontenaitl’enveloppe.
—Maisjen’airienreçudelapresse,jen’aipaseuaffaireàelle!Jenecomprendspascommenttupeuxcroirecemensonge.Etsijeneveuxpasdetonargent,c’estquel’idéenemeplaîtplus,carcettesemaine…Ehbien,nousavonsvécuautrechosequ’unerelationhollywoodiennearrangée.
Acetinstant,Juliandétournasonregardbleuazurdusienpourfixerletapisbeigedel’hôtel.—C’étaitjusteunrôle,Gretchen.Etsijet’aidonnéàpenserquecetterelationétaitréelle,c’était
pourquetusoisplusàl’aisedevantlesphotographes.Notrefauxcouplen’auraitpasétécrédiblesitun’avaispascruquetumeplaisais.
Gretcheneutdumalàencroiresesoreilles.LesmotsdeJulianl’avaientlittéralementassommée…Disait-ilvrai?Avait-ilsimplementjouépourqu’ellesoitmoinsempruntéeetmoinstimide?Biensûr,ellen’avaitaucuneexpérienceavecleshommes,maispouvait-onlamanipuleraussifacilement?Julianavaitbeauêtreacteur,commentaurait-ilpu la tromperdecette façon?D’ailleurs, iln’avaitpaspu laregarder en face en prononçant ces ultimes paroles…Non, il y avait bien plus entre euxque ce qu’ilaffirmait,maispouruneraisoninexplicable,ilsedérobait.
Ellefinitparbaisserlatêteetsesyeuxtombèrentsurl’enveloppequ’illuiavaitremise.—Qu’est-cequec’est?demanda-t-elle.—Lesdixmilledollarsconvenus.Tuasremplitoncontratet,quiplusest,avecplaisir.Uneminute…Est-cequecen’étaitpasdel’ironiequ’ondevinaitdanslavoixdeJulian?Non,ce
n’étaitpaspossible…Ilnefaisaittoutdemêmepasallusionavecautantdedésinvoltureaufaitqu’elleétaitdevenueunefemmegrâceàlui?
—Detouteévidence,ajouta-t-ild’untonamer,lescinqmilledollarssupplémentairesquejet’avaisproposéspourquetutiennestalangueconcernantmonfrèreétaientbiendérisoirespuisquetuavaisdéjàvendulamècheàlapresse.
Gretchenfermalesyeux,lecœurenmiettes…Seigneur,quelcauchemar!Impossiblederespireroud’articulerunmot.Etd’ailleurs,àquoibon?Aucundesesargumentsneleferaitchangerd’avis:ilavaitdécidéqu’elleétaitcoupableetiln’endémordraitpas.
Etquandbienmême…S’ilavaitprétenduqu’elleluiplaisaitpourqueleurcouplesoitcrédible,iln’yavaitplusrienàsauverentreeux.Toutcequiluirestaitàfaire,c’étaitdenepass’écrouleretdes’enalleravantdeperdresadignité.
—Detouteévidence,répéta-t-elleenimitantsontonamer.PuiselleouvritlesyeuxetvitJuliansortirdelachambreavecsonbagageàroulettes.Encoreune
fois,ilévitasonregardetlacontournalargementpournepaslatoucheravantdesedirigerverslaporte.—Amuse-toibienenItalie,lança-t-il.J’espèrequetusaurasmettreàprofitcetargentpourri.Etlà-dessus,ilsortitdelasuitesansmêmeluijeterundernierregard.Gretchenauraitvoulucourirderrièrelui,leconvaincredesasincérité,maissesjambesrefusaient
decoopérer.Aufond,àquoibon?Mêmesielleavaitpeuconfianceenelle,illuirestaitassezdefiertépournepaslesupplier.Alors,lesgenouxtremblants,elles’effondrasurlecanapé.Levisageenfouidanslesmains,ellelaissapourladeuxièmefoisdelamatinéeseslarmescoulersansretenue.
Quelle idiote!Commentavait-ellepucroirequ’elleplaisaitàunhommecommeJulian?Qu’elletrouveraitlebonheurauprèsd’unepersonneaussiinaccessible?Julianétaitunfantasme,etmaintenant,toutecettehistoireavaitprisfin!
-11-
La semaine qui suivit, Gretchen se noya dans le travail, ce qui n’était guère difficile. Il y avaittoujoursdesdécorationspourunmariageàimaginer,uncoupleàrencontrerpourendiscuter,desenvoisàfairechezl’imprimeur.Ettantmieux,carelleavaitbesoindedistraction.
Sesdeuxjoursdecongéavaientétéaffreux:ellelesavaitpassésdanssonappartementàpleureretà manger des cookies, ce qui n’allait guère l’aider à résoudre ses problèmes. Mais quand elle étaitretournéeàl’agence,elleétaitbienrésolueàseconcentrersurletravailetoublierJulianCooper.
Malheureusement,c’étaitplusfacileàdirequ’àfaire…Surtoutavecsestroisamiesetassociéesquiavaient immédiatement remarqué que le rêve avait pris fin.Elle les avait quittées le lundi, un sourireradieux aux lèvres, et voilà qu’elle revenait le jeudimatin avec une tête d’enterrement.Même si ellen’avaitpas réponduà toutes leursquestions,elleavaitbienétéobligéede leurcommuniquerquelquesinformations:oui,c’étaitfiniavecJulian,maistoutétaitsifraisqu’ellepréféraitnepastropenparler.Jusque-là, elles n’avaient pas insisté, mais il est vrai qu’elles avaient fort à faire pour le prochainmariage.
Quandelleseraitprête,elleleurraconteraitl’histoiredanssonintégralité.Etd’ailleurs,queleurdirait-elle?—Ilm’aaccuséed’avoirdivulguéunehistoiretrèsprivéeàlapresseetnousavonsrompu,dit-elle
à voix haute, pour s’exercer. Et vraiment, c’est bienmieux comme ça, car nous n’avions rien à faireensemble.Ils’estbiendivertiavecmoi,voilàtout.
Ce discours lui semblait stupide,mais bien peu de chose comparé à l’inquiétude qui la hantait :Julians’était-ilvraimentservidecesfuitescommed’unprétextepourrompre,parcequ’ilavaitbesoind’unebelleetéléganteactricepourservirsesintérêts,etnond’uneartistemalfagotée?Ilavaitvivementprotesté quand elle avait avancé cet argument et, lorsqu’ils étaient ensemble, il n’avait cessé de luirépéterqu’elleétaitbelle.Maisn’était-cepasjustepourlaflatter?Difficiled’oublierl’échangequ’elleavaitsurprisentreRossetlui.
Le pire, c’était que son agent avait raison : elle ne correspondait pas du tout à la partenairequ’attendait lepublicde Julian.Une femmeaussivaniteuseet artificiellequeBridgetteconvenaitbienmieux,mêmes’ilnel’aimaitpas…
Gretchensoupira.Autantêtrelucide:leurcoupleétaitimprobable.Elleauraitfinitôtoutardsurlacouvertured’untabloïdavecunelégendeindiquantqueJulianl’avaitsomméedeperdredupoids,sansquoi,ilrompait.
Non,çan’auraitjamaismarchéentreeux,elleenétaitconvaincueàprésent.C’étaitunrêvevain,unfantasmequiavaitduréparcequ’ilavaitjouélerôledupetitamiadorableetfoud’amour.
Soudain,elleporta lamainà soncou : ellen’avaitpasenlevé sonopale,depuis la rupture.Elleadoraitcecolliermaisilétaittempsqu’elleleretire.Lefermoirdégrafé,ellelaissatomberlebijoudanssapaumeet contemplapendantquelques instants cettebellepierre avant de la fourrer dans son tiroir,entresesstylosetsestrombones.Dommage.
Après quoi,Gretchen s’empara du carton et sortit de sonbureaupour se rendre dans la salle deréception.Celle-ciétaitencorevide,maislemariagequiavaitlieuceweek-endétaitbienplusmodestequeceluideMurrayetKelly,mêmes’ilrequéraitluiaussidenombreuxpréparatifs.
—Gretchen?Elleseretourna:Nataliesetenaitderrièreelle,surlepasdelaporte.—Bonjour,dit-elle.—Onalivrélesnappes.Tuveuxdel’aide?Ellehaussalesépaules.—Jeveuxbien,situasletemps.Nataliehochalatêteetellesallèrentchercherlalivraisonavantderecouvrirlestablesdecarrésde
linbienrepassés.Gretchenavait naturellement remarquédepuis ledébutque sonamieprenait tout son temps,dans
l’espoird’obtenirquelqueconfidence.Maishorsdequestiond’entamerunediscussionqu’elleredoutait.Allez,elledevaitseconcentrersurlesprésentesdécorations!Pourcemariage,elleavaitchoisidu
marroncouleurchocolat,del’ivoireetdudoréqu’elleregardaitactuellementd’unairpensif…—Toutvabien?finitpardemanderNatalied’unevoixneutre.Gretchenpoussaunsoupiretlissalanappequ’ellevenaitdedisposersurunetable.—Non,maisjevaism’ensortir.Natalie hocha la tête. C’était une femme observatrice et à l’écoute, aussi bien dans sa vie
professionnelle que privée. Ce qui n’était pas si courant, au fond. En tout cas, cela lui permettait depercevoir,mieuxquequiconque,cequelesgensnedisaientpas.
— A ton avis, j’ai combien de temps avant que Bree et Amelia essaient de me caser avecquelqu’un?questionna- t-ellesoudain.
Aquoibonsevoiler?TrouverunpartenairecapablederivaliseravecJulianallaitêtrelanouvellemissiondesesamies:autantprendrelesdevantsetsavoircequil’attendait!
—Jecroisquetuestranquillejusqu’auxvacances,réponditNatalie.Encemoment,noussommestoutesbientropoccupéespouraborderlesujet,maisiln’estpasexcluqu’àNoël,Ameliaorganiseunegrandefêteetinvitequelquescélibatairespourtelesprésenterincidemment.
Gretchenhocha la tête.Après tout, rienne l’empêchaitdediscuteravecunhommeoudeuxàuneréception.Etpuisaumoins,commeelleadoraitNoël,celaladivertiraitunpeuaulieuderuminertouteseule dans son coin sur son pauvre sort. Elle devrait juste prendre garde à ne pas engloutir trop decookiesafindenepasavoirquinzekilosàperdre,aulieudedix!
—Tupeux aussi prendre quelques jours pour hiberner où tu veux et ne réapparaître qu’après laSaint-Sylvestre,proposaNatalie.
Gretchenhaussalesépaules.Quitteàpartirenvacances,ellepréféraitencorefêterNoëlenfamille.CequeNatalienepouvaitconcevoir:sesparentsétaienteneffetdivorcésetelleaffichaitleplusgranddédainpourlesfestivitésdefind’année.
—ToutlemondenedétestepasNoël,observa-t-elle.Etjeveuxbienqu’onjouelesmarieusesavecmoisiçapeutmedistrairependantlesfêtes.
—Pourquoineprendrais-tupasunepetitesommesurl’argentquetuasgagnépourt’offrirunséjouràNewYorkouLasVegas,enattendantl’Italie?
Acesmots,Gretchenéclataderire.—AprèscequiestarrivéàAmeliaàVegas?Nonmerci.
—Jedoutequetufassesunefoliesemblableàlasienne,maistupourraist’amuseraucasino,parexemple.
Elles’assitalorssurunechaiseetsecoualatête.—Non,d’ailleurs,jen’aipasenviedetoucheràcetargent…J’ail’impressionqu’ilestsale.—Tun’astoutdemêmepasrenoncéàl’Italie?s’exclamaNatalie.—Non, j’iraiundeces jours,maispas toutdesuite.Sinon jen’yverraiquedes ruinesetde la
mélancolie. D’ailleurs, si j’attends un peu, je m’y rendrai peut-être en compagnie d’un homme quim’aimera,desortequejepourraipercevoirpleinementlabeautédecepays.Ceseraitpréférable,tunecroispas?
—Sansdoute,déclarasonamied’untonréservé.Gretchen secoua la tête.Décidément,Natalie était aussi enthousiaste au sujet de l’amour que de
Noël!—Sij’aiapprisquelquechoselasemainedernière,c’estquejevauxplusquecequejenepense.Il
fautjustequejeprenneplusconfianceenmoietàpartirdelà,jepourraiavoirunerelationsaineavecunhommenormal.
—Toutà fait,approuvacette foisNatalieavecchaleuren laprenantdanssesbras.Tu trouverasl’hommedetavie,situledécides.L’avenirt’appartient.
Peut-être,mêmesielleavaitprononcécesparolesd’espoirsansvraimentyadhéreretqu’ellenecroyait pasdavantageà celles, réconfortantes, deNatalie.Pourtant, elle essaierait.Pasquestionqu’unhommecommeJulianluipiétinelecœur.Hélas,elleavaitvisétrophautet,telIcare,elles’étaitécraséesur le sol : si elle avait été plus avisée dans le choix de son petit ami, la chute n’aurait pas été sidouloureuse.
—Merci,Natalie,dit-elle.—J’aiunrendez-vousdansquelquesminutes,maisjereviendraitevoirplustard.—Entendu!Gretchenadressaalorsàsonamieunpetitsignedelamainetlaregardas’éloigner.Aprèsquoi,elle
semitàfixerlevide…Oui,unjour,elleiraitenItalie,elleenétaitconvaincue,maiscertainementpasavec l’argentque Julian lui avait donné !Si elleutilisait sesdixmilledollars, ce serait vraimentunetrahison,pourlecoup.
Brusquement,ellerevintdanssonbureauets’assitàsatabledetravail.Puiselleouvritletiroiroùelleavaitrangésonsacetensortitl’épaisseenveloppequ’elleyavaitglissée:c’étaittoutàfaitridiculedetransportercetargentavecsoi,elleenavaitbienconscience,maisquefairedetouscesbillets?
Bree luiavaitvivementconseillédes’envolerpour l’Italieetd’oublierJuliandans lesbrasd’untorrideItalien.Amelialuiavaitsuggérédeluirenvoyertoutsimplementl’argentparlaposte,sicelaladérangeaittantdel’avoiraccepté…Biensûr,laperspectivedesiroterunverredeproseccoàCapriencompagnie d’unhomme sexyqui parlerait peu l’anglaismais enduirait savamment son corpsde lotionsolaireétaitalléchante.Cependant,s’yrésoudrait-t-elleunjour?Elleendoutait…Parailleurs,siellerenvoyaitl’argentàJulian,illerefuseraitetleluiréexpédierait.
Néanmoins, une troisième option se présentait à elle : utiliser cesmilliers de dollars à des finscaritatives, ce qui le purifierait, en quelque sorte, et donnerait un sens à la semaine qu’elle venait depasseravecJulian. Ilpouvaitbienpenserqu’elleétaitunefiefféementeuses’ilenavaitenvie,mais ilétaitloindelavérité.Etd’ailleurs,elleconnaissaitunmoyenbienconcretdeleluiprouver…
UnefoissurInternet,GretchencherchalesitedédiéàlaFondationpourlaluttecontrelaparalysiecérébrale. En quelques clics, elle trouva la solution qu’elle cherchait, et une certaine forme de paixintérieure.Ilneluirestaitplusqu’àdéposerl’argentsursoncompteetfaireundondedixmilledollarsàl’institution.
Ellen’iraitpeut-êtrepasenItalie,maiselleauraitlederniermot!
***
JulianjetasurlecomptoirdesacuisinelescénarioquevenaitdeluifaireparvenirRoss.Ceprojetétaitvraimentd’unenullitéaffligeante.Acôté,BombsofFuryauraitpupasserpourduShakespeare!
Unesemaineplustôt,ilauraitacceptélapropositionsansseposerlamoindrequestion,maisc’étaitavantqueGretchenn’entredans savie…Elle avait semédesgrainesd’espoir en lui, lui avait assuréqu’ilpouvaitaspireràd’autresambitions,puisavaitfaitbrutalementdemi-touretpiétinécesbourgeonsquisortaienttoutjustedeterre…Rossetlapersonneenchargedesonimages’efforçaientquantàeuxdedétournerl’attentiondupublicactuellementfocaliséesurJamessansdonnerl’impressionqueJulianavaithontedesonfrère.Cequin’étaitd’ailleurspasdutoutlecas!Seulement,ilétaithorsdequestionquelesjournalistes aillent camperdevant lesportesdeHawthorneCommunityou lepressedequestionspourobtenirunehistoirequiferaitpleurerdansleschaumières.Ilavaitdéjàreçuunappeld’OphraWinfreyquiluiavaitdemandéd’unevoixcompatissantes’ilaccepteraitdepartageravecellesespeinessecrètes.
Julianserralespoings.Rosspouvaitbiendirequ’uneparticipationàsonshowconstituaitlaseulefaçondesortirdecetteaffairelatêtehaute!Poursapart,iln’avaitaucuneenviedes’exprimersurcesujetsidouloureuxàlatélévision.IltenaitàprotégersonfrèreetilavaitdéjàcommisunegraveerreurenouvrantsoncœuràGretchen…
Bon sang ! Pourquoi lui avait-il fait confiance ? Il faut dire que ses grands yeux semblaient sisincères…Cequ’ilavaitpuêtrenaïf!Toutcommelesautres,ellel’avaitpoignardédansledos…etiln’arrivaittoujourspasàlecroire!
Julianjetaalorsunœilauscénarioindigentfaceàlui.Evidemment,iltourneraitcefilm,biensûr,maisils’envoudraitencoreplus.Tiens,ets’ilsepréparaituncocktailbiencorsé,pourchanger!
C’estalorsqu’ilentenditdespasdansl’entrée…Incroyable!Quiavaitbienpus’introduirechezlui?Avantmêmed’avoirletempsderéagir,ilvit
l’intrussurgirdevantlui,entenuedeyoga.Bridgette!—C’estquoi,cetteplaisanterie?s’exclama-t-ild’unairahuri.Commentes-tuentréechezmoi?—J’aiencoreuneclé,figure-toi!Etellerejetasaqueue-de-chevaldanssondostoutenluiadressantungrandsourire—toutàfait
suspect,d’ailleurs—avantdebrandiruneliassedelettresqu’elleposasurlecomptoir.—Jet’aiapportétoncourrier,poursuivit-elle.Jesuispasséecaronm’aditquetuétaisrevenude
tonfameuxmariage…J’avaisenviedetevoir.Bridgettes’avançad’unpasetJulianreculaimmédiatement.Quesignifiaitcettecomédie?Sonex
étaitbientropcalculatricepourluirendreunepetitevisitedecourtoisie.—Pourquoi?demanda-t-il.Ellefitalorslamoue,cequiprojetaenavantseslèvresgonfléesaucollagène.—Parcequetumemanques,Julian.Cesdernièressemainesontététrèséprouvantespourmoi.—Nousavonsrompuilyasixmois.Ladernièrefoisquejet’aivue,tuavaislatêtedanslecoude
Paul.Tunesemblaispasvraimentsouffrirdelarupture!Elle lui lançaunregarddésapprobateur,sanspourautantfroncer lessourcils.Etpourcause:son
frontinjectédeBotoxnepouvaitplusseplisser.—Paulm’apermisderebondir,j’aicruquejepourraist’oublieraveclui,maisçan’apasmarché.
Etquandj’aivucesphotosdetoiencompagniedecettepetitegrosse,j’enaieulecœurbrisé.Je…—Çasuffit!l’interrompitJulianenlevantlamain.Gretchenl’avaitcertesdéçu,maisilnelaisseraitpersonnelacritiquer.Ilavaitmentienaffirmant
qu’ellen’avaitpascomptépourlui,qu’ilavaitsimplementjouéunrôleàsescôtés.Maisqu’aurait-ilpudired’autre?
—Gretchenestbelle,spirituelle,enjouée,etjel’apprécieénormément,reprit-il.Alorsjeteprieraidenepasl’insulter.Sinon,va-t’en.
De fait, Julian aurait préféré queBridgette s’en aille.Mais il doutait fort qu’elle choisisse cetteoption.
—Tu l’apprécies ? reprit Bridgette d’un ton geignard.Mais tu la connais à peine. Elle a dû sedonnerunmal foupour temettresivite legrappindessus.Tues tombédansunpiège,Julian.Mais jepeuxtegarantirquejevaistrouverunefaçondetereconquérir.
—Tunesaispasdequoituparles.Gretchenn’estpasunemanipulatrice.Etmêmesic’étaitlecas,jen’aifranchementpasbesoinquetuviennesàmarescousse.Sij’avaislechoixentreelleettoi,c’estellequil’emporterait.
Etc’étaitsincère.Endépitdetoutcequis’étaitpassé,GretchendemeuraitbienplusauthentiquequeBridgette. De fait, une telle trahison de la part de cette dernière ne l’aurait nullement surpris. Voilàd’ailleurspourquoiiln’avaitjamaisprononcéleprénomdeJamesdevantelle.
—Commentpeux-tuencorepensertantdebiendetaGretchenalorsqu’elleavendul’histoiredetonfrèreàlapresse?C’estimpardonnable.
Julian allait répliquer quand un déclic se produisit en lui.Uneminute…L’article nementionnaitabsolumentpassessources.EtmêmesiBridgettel’avaitludelapremièreàladernièreligne,pourquoiserait-ellearrivéeàlaconclusionquec’étaitGretchenquiavaitparléauxmédias?Enoutre,commentaurait-ellepusavoirqueGretchenétaitaucourant,pourJames?Maisildétenaitlaréponseàtoutescesquestions!
—C’esttoiquiasparlé,luiassena-t-il.Etlesimplefaitdeformulerceconstatàhautevoixluidonnaimmédiatementlanausée.Bridgetteluijetaalorsunregardbientropinnocentpourêtrehonnête.—Moi?s’insurgea-t-elleavecunedouceurtoutautantcalculée.Julian serra les poings. Impossiblede savoir comment elle s’était procuré les informations,mais
qu’importe:ilauraitdûsedouterdèsledépartquec’étaitBridgettequil’avaittrahi.—Oui,c’esttoiquiasdivulguécettehistoiresurmonfrère.—C’estfaux, j’ignoraisque tuavaisun jumeau!Tunem’as jamaisparléde tafamille.J’ai tout
apprisdanscetabloïd,commetoutlemonde.—Jesuiscertainquec’esttoilaresponsable,affirma-t-ilànouveauavecvéhémence.Iln’allaitpasselaisserconvaincreparsesprotestations:aprèstout,elleétaitactrice,elleaussi,
non?— Tu ne pouvais absolument pas savoir que je tenais Gretchen pour responsable. Cela ne peut
signifierqu’unechose:tuasfaitensortequemessoupçonsseportentsurelle.Tuétaissijalousequetuastoutmisenœuvrepourquenousrompions.Tuferaismieuxd’avoueroujevaisretrouverl’auteurdecetorchonetc’est luiquimeconfirmeratesmanigances.Etsic’estbientoi, jepeuxtegarantirquejevaismoiaussilivrertoustessecretsàlapresse!
Bridgetteouvritlabouchemaisrestamuettetoutenbalayantlapièced’unregardpaniqué.Julian fit la moue. Il avait vu juste, forcément ! Et maintenant, comment allait-elle s’en sortir ?
Allait-ellel’assommeravecl’énormepotencéramiqueposésurlecomptoir?Maisauboutdequelquessecondes,ellefinitparavouer:—C’estbienmoi.Maisj’aiagipardésespoir,Julian,pourquetureviennesversmoi…J’aipayé
undétectiveprivéquit’afilé,àNashville.Audébut,c’étaitjustepourqu’iltesurveille.Cequim’auraitpermisdesavoirs’ilyavaitdeschancespourqu’onseréconcilie.Puisilt’asuivijusqu’àLouisvilleetadécouvertlavéritésurtonfrère.Jamaisjen’enauraisparlésijen’avaispasapprisquetuavaisemmenéGretchen avec toi, à l’hôpital.Tu te rends compte de l’affront que ça a été pourmoi ?Nous sommesrestésunanensembleetpasuneseulefoistunem’asparlédelui.Alorsqu’elle…Tulaconnaissaisà
peineetellet’aaccompagnéàl’hôpital!J’étaisanéantie,Julian.Désemparée…Alorsj’aipenséquesil’affairesortaitdanslapresse,ceseraitellequetuaccuserais.EtquetureviendraissibouleverséàL.A.quejepourraisteconsoler.Cequinousauraitpermisdenousréconcilier.
Juliansecoualatête.Bonsang,Bridgetteétaitencoreplusfollequ’ilnelepensait!—Ehbien,c’est raté,Bridgette ! Je l’aieffectivementaccuséeet je suis rentrébrisé,mais jene
veuxpasdetonréconfort.Aucontraire,j’aimeraisquetupartesimmédiatement.— Julian, s’il te plaît…Nous pourrions être un couple puissant à Hollywood. Admets-le, nous
avonsduchien,toietmoi,ensemble.Rienàvoiraveclecouplequetuformesaveccetteartisteratée.—Sorsd’ici!hurla-t-il.Inutiledelenier:ilétaithorsdelui.Ilnetoléreraitpasunesecondedeplusqu’oninsultelafemme
qu’ilaimait.—Julian,je…Une fois près de Bridgette, Julian lui arracha ses clés des mains afin qu’un tel épisode ne se
reproduiseplus.— Va-t-en avant que j’appelle la police et la presse afin qu’on te photographie lors de ton
arrestationpourintrusiondansunepropriétéprivée.Bridgetteécarquilla lesyeux.Elleessayaitvisiblementdedéterminers’ilplaisantaitounon.Puis
ellefinitparcomprendrequ’ellenedevaitpasjoueraveclefeu.Letempsderejetersaqueue-de-chevalenarrièred’unairhautain,elletournalestalons.
Unefoissurlepasdelaporte,ellejetaunregardpar-dessussonépaule.—Turegretterasunjourdem’avoirperdue,Julian.Pourtouteréponse,ilsecontentadefaireunvaguesignedelamain:bondébarras!Aprèsquoi,il
se hâta demettre le verrou et l’alarme au cas oùBridgette chercherait à s’introduire chez lui par unefenêtreoulaterrasse.
Deretourdanslacuisine,Julianpoussaunlourdsoupirdesoulagementetjetalejeudecléssurlapile de courrier que lui avait apporté Bridgette. Un courrier qu’elle avait sans doute inspectéfiévreusementavantdeluiremettre.C’estalorsquesesyeuxtombèrentsurlelogodelaFondationpourlaluttecontrelaparalysiecérébrale…
Il s’enemparavivement : c’étaitune lettre l’informantd’undonanonyme,effectuéensonnometceluideJames.Lanouvelle lui fitchaudaucœur : finalement,cette fuiteallaitpeut-êtreprésenterdesavantages.Etpuisquelemalétaitfait,pourquoinechercherait-ilpasdésormaisàattirer l’attentionsurlespersonnessouffrantdecettepathologie?Celapermettraitpeut-êtredeleverdesfonds…
Enretournant la feuille,Julianvit lemontantenquestion :dixmilledollars !Cen’étaitpas rien.Soudain,ilsemitàfixercechiffreetuncurieuxpressentimentl’envahit…
Dixmilledollars…C’étaitexactementlasommequ’ilavaitremiseàGretchenavantdesortirdesasuite,àNashville.Ouplutôt : lasommequ’il l’avaitobligéeàprendre.Avait-ellevoululuirendrecetargentetprouverenmêmetempssagrandeurd’âme?
Il eut soudain l’impression d’avoir les jambes en coton. Voilà une sensation qu’il n’avait pasl’habituded’éprouver endehors de la salle degymnastique.Le tempsde s’écrouler sur une chaise, ilreprit la lettre… La somme, la date, tout correspondait : le versement provenait de Gretchen, c’étaitévident!
Quel crétin il avait été ! Si Gretchen s’était laissée embarquer dans l’histoire abracadabranteconcoctéeparRoss,c’étaitavanttoutpourgagnerunesommed’argentquiluiauraitpermisdes’offrirunvoyage en Italie. Or elle était ressortie de cette comédie avec le cœur brisé. Et tout ça pour rienpuisqu’elleavaitrenoncéàl’argent—etàsonrêve…
Julianposalalettresurlecomptoiretfermalesyeux…Gretchenétaitlaseulepersonnedanssaviequine luidemandait rien,àpartde l’amouretde laconfiance.Etsansmêmeserendrecompteàquel
point ilétaitattachéàelle, il luiavaitdonnécedontelle rêvaitavantde le lui reprendrebrutalement.Pire : il l’avait l’accusée des pires bassesses en lui lançant quasiment à la figure dix mille dollars,commesielleétaitunevulgaireprostituée.
Letempsd’attrapersontéléphone,Julianappelasonagencedevoyages:cettefois,ilsefichaitpasmaldecequeRossdirait.IldevaitdetouteurgencereveniràNashville!
-12-
JulianatterritàNashvilleaupetitmatin,lesamedi,parunvoldenuit.UnefoisdanssavoituredelocationréservéedepuisL.A.,ilpritimmédiatementladirectiondeFromThisMoment.
Acetteheurematinale—ilétaiteneffet7heures—, ilpensaitque leparkingseraitvide.Or, ilétait rempli de camionnettes portant toutes des logos de fournisseurs.Visiblement, la préparationd’unmariagecommençaitdebonneheure.Parmi lesdifférentsvéhicules, il repéra lapetitevoiturevertedeGretchen.
Le temps de garer rapidement sonSUV, il s’engouffra dans l’agence par une porte à l’arrière ensuivant un livreur qui portait un vase géant rempli de fleurs rouges, orange et jaunes, et se retrouvadirectementdanslasallederéception.
Lapiècefourmillaitdemonde:desouvriersjuchéssurdesmonte-chargechangeaientlesampoulesau plafond, une demi-douzaine de personnes triaient les fleurs, un orchestre répétait sur la scène etquelquespersonnesplaçaientdesaccessoires enverre sur les tables.Et aumilieude tout cechaos setenaitGretchen…
Julian sentit son cœur fondre. Elle avait les cheveux ondulés, aujourd’hui. Pendant leur pseudo-relation, elle les avait régulièrement lissés pour les photographes. Mais maintenant que leur petitecomédieétaitterminée,elleleslaissaitdenouveauboucler.C’étaitunebonnechose,d’ailleurs:celaluiallaitbienmieux.
Vêtued’unjeanetd’unsweat-shirt,elleluitournaitledosetdonnaitvisiblementdesdirectives.Allez,plusquestiondetergiverser.Niune, ni deux, Julian contournahabilement les tables et les chaises sansquepersonnene fasse
attentionàlui.IldevaitsetrouveràenvironunmètredeGretchenquandelleseretourna…Asavue,ellesefigeaenserrantsatablettecontresoncœur,commeunebouéedesauvetage.
Illuisourit,histoired’atténuerlechoc:peineperdue.Gretchenseressaisitassezviteetserralesdents. Elle était en colère, ce qu’il concevait aisément, mais il n’allait pas pour autant renoncer.D’ailleurs, il s’attendait à cette réaction. Toutefois, il comptait bien la convaincre de ses profondsregrets.Etluidirequetoutpouvaits’arrangercariln’endoutaitpasuninstant.
—Quefais-tuici,Julian?demanda-t-elled’unevoixlasse.Laseulechosequilatrahissait,c’étaitunelueuraufonddesesyeuxnoirs.Etait-cedel’intérêt?De
l’agacement?Del’attirance?Impossibleàdire…—Ilfautqu’onparle,Gretchen,déclaraJulianenavançantd’unpas.Elledemeuraimmobilemais,manifestement,ellen’appréciaitpasqu’ilsoitsiprèsd’elle.—Jecroisquenousnoussommestoutdit,rétorqua-t-elle.
—Non,loindelà…Gretchen,jesuisprofondémentdésolépourcequis’estpassélundi.Jesaisàprésentquetun’asrienàvoiravectoutçaetjeregrettesincèrementdet’avoiraccusée.Tuavaisraisonenaffirmantquetun’auraisjamaisétécapabled’unetelleignominie.Aufonddemoi,jelesavaisbien,maistantdepersonnesm’onttrahi,parlepassé…Etquelqu’unétaitresponsable,etjenevoyaisvraimentpasquipouvaitl’être.
Acesmots,Gretchenhochalatête,posasatabletteetcroisalesbras.—On peut s’attirer de graves ennuis en tirant des conclusions hâtives. Je suis ravie que tu aies
trouvélecoupableetj’espèrequetul’asfaitsouffrirautantquemoi.Ceneseraitquejustice.Acet instant, Julianvitunéclairdedouleur traverser sesbeauxyeux.Bonsang,cequ’ilpouvait
s’envouloird’enêtrelacause.Allez,ildevaitallerdroitaubut.— C’était Bridgette, avoua-t-il. Elle m’a fait suivre par un détective privé à Nashville, puis à
Louisville.Iladécouvert lepotauxrosesetelles’estempresséedelelivreràlapressecarelleétaitjalousedetoi.Ellevoulaitnousséparer.
Gretchenpoussaalorsuneexclamationdédaigneuse:—BridgetteMartin,jalousedemoi?Pourquoi?C’estlaplusbellefemmedumonde.—Allons,Gretchen,toutcelan’estqu’illusion,jetel’aidéjàdit.Jevisdansunmondeoùchacun
estunlouppourl’autre.MêmeunepersonnecommeBridgetten’estpasimmuniséecontrelacritique.Sonego est fragile et tu représentais une menace pour elle. C’est une femme qui a l’habitude d’obtenirtoujourscequ’elleveut.Etenl’occurrence,elletenaitàmeramenerdanssavie,àn’importequelprix.Mais tu vois, son petit plan n’a pas marché. D’ailleurs, même avant de tout savoir, je ne souhaitaisabsolumentpasmeréconcilieravecelle…C’esttoiquejeveuxdansmavie,Gretchen,paselle.
Gretchenplissaaussitôtlesyeux.Celanepromettaitriendebon…—Non,cen’estpasvrai,déclara-t-elled’unevoixferme.—Si,insista-t-il.J’aiétédéchiréparnotredernieréchange,danslasuite,ettouscesjourspassés
sanstoim’ontsembléterriblementvides.J’étaiscommeunautomate,tum’asaffreusementmanqué…Acesmots,Juliann’eutqu’unespoir:voirGretchenluifairelemêmeaveu.Hélas,elledemeura
silencieuse.—Et,alorsquejepensaisavoiratteintlefond,jesuistombésurunelettredelaFondationcontrela
paralysiecérébralequim’informaitd’undonrécentdedixmilledollars.J’aitoutdesuitecomprisqu’ilvenaitdetoi.
—Commentpeux-tulesavoirpuisquec’estanonyme?—C’estvrai,maistoutcorrespond…Jet’aiforcéeàprendrecetargentdonttunevoulaispasettu
mel’asrendud’unefaçonquejenepeuxpascontester.Bravo!Çameprouvequej’aieuraisondepuisledébut,teconcernant.
Acesmots,Gretchenhaussalégèrementunsourcil.—Raison?Etenquoi?—Raisondepenserque tuétais la femmelaplusdouceet laplusgénéreuseque jen’aie jamais
rencontrée.Quetun’attendaisriendemoiàpartdel’amour,contrairementàtouteslesautres.Tuauraistoutàfaitputeservirdecetargentcommetuleprévoyaisaudépart,maisnon.Tuastrouvéunesolutionpourt’endébarrasserdelafaçonlaplusintelligentepossible.Pouraidermonfrère.
—J’espèrequeceserautile,dit-elle.Quequelquechosedepositifressortiraaumoinsdetoutcechaos.
Julianserralespoings.Gretchenpensait-ellevraimentquecettesemainen’avaitétéquedugâchis?—Ehbienmoi,j’aiaiméchaqueminutedetoutcechaos…Ilhésitauninstantpuisrepritsarespirationavantdeprononcerlesmotsquiluibrûlaientlalangue:—Jet’aime,Gretchen.
Elle ouvrit des yeux grands comme des soucoupes,mais ne réagit pas davantage.Aucun souriren’éclairasonvisagetendu,aucunerougeurnesoulignasagêne.Etellenesejetaévidemmentpasdanssesbras.Non,ellesecontentadelefixer,l’airsuspicieux.
— Je le pense vraiment, continua-t-il pour combler ce silence pesant. Ta rencontre m’aprofondémentchangé.Mêmesi tumemetsà laporte,mêmesi tuneveuxplus jamaismeparler, jenepourraipas reprendremonexistenced’avant.J’aidéjàannoncéàRossque j’acceptaisunrôledans lefilm indépendantdont je t’aiparlé.Le tournagea lieuàKnoxville,dans leTennessee,cetété. Jevaissûrementyfaireunsautoudeuxpourdesrepérages,maissinon,jedisposedetoutmontempsjusqu’enjuillet…
JulianvitalorsGretchendéglutiravecdifficulté.—JesuiscertainequeKnoxvilleteplairabeaucoup,dit-ellefinalementd’unevoixmalassurée.—Cequimeplairaitdavantage,c’estd’êtreavectoi.—Pourquelquesmois,sansdoute.Maisaprès?—Après,jem’installeraiàNashville.Ellefitalorsunpasverslui.Pasdedoute:cettefois,ilavaitfaitmoucheetétaitparvenuàattirer
sonattention.—Maisqu’est-cequetuferaisici,Julian,siloindeL.A.?Il haussa les épaules. A vrai dire, il n’avait pas encore tout planifié mais il voulait désormais
habiteràNashville,auprèsdeGretchen.Cequi luipermettrait toutà faitd’effectuerdesallers-retourspourassisteràunévénementhollywoodienparticulier.
—Jeferaicequej’aitoujoursvoulufaire.Duthéâtre,delatélévision,desfilmsàpetitsbudgets.Jepourraiaussienseigner l’artdramatique.Tuavaisraison, j’utilisaismonfrèrecommeuneexcusealorsque j’ai suffisamment d’argent pour lui garantir lesmeilleurs soins pour le reste de son existence. Sij’investissaiscequevamerapporterBombsofFuryetsijenetournaisplusjamais,jepourraismalgrétoutluioffrirunevieconfortablejusqu’àlafindesesjours.Lavérité,c’estquej’avaispeurd’essayerautrechose.Peurd’échouer.
Acesmots,levisagedeGretchensemblas’adoucir.—Tunevaspaséchouer,Julian,j’ensuiscertaine.—Mercidecroireenmoi!Tumedonnesuneforcequimefaisaitdéfaut.Tunepeuxpassavoirce
quetaprésenceareprésentépourmoilorsquenoussommesallésàl’hôpital.Non,tunesaispascequetusignifiespourmoi.J’aibesoindetoidansmavie,Gretchen,jet’aime.
AlorsJulianplongea lamaindanssapocheetensortit labaguequ’ilyavaitcachée. Joignant legesteàlaparole,ilselaissatombersurungenou—pourvuqu’elleaitétéconvaincuedelasincéritédesondiscours!Puis ilouvrit laboîteetun largediamantovale,sertidansunedélicateroseenorelle-mêmeconstelléedediamants,brilladetoussesfeux.
—Gretchen,veux-tu…?—Non!
***
Gretchensesentitenvahieparlasurpriseenmêmetempsqu’elleseheurtaitauregardstupéfaitdeJulian:cecriluiavaitéchappémalgréelle.
Bouchebée,iltentamalgrétoutdeseressaisir.—Lebijoutierm’aspécialement recommandécettebaguepourune femmeà l’espritartistiqueet
libre.Jepensaisqu’elleteplairait.Maiscen’estpasgrave,onpeuttoutàfaitenchoisiruneautre.Gretchen secoua la tête.Bien sûr que cette bague lui plaisait !Elle étaitmagnifique, étincelante,
parfaite,etelleauraitvoululuidireoui.Maislepouvait-elle?
—Ilnes’agitpasdelabague,Julian.—OK,dit-ilenseredressantlentement.Julianrefermaalorslaboîteetlançaunregardnerveuxautourdelui,commes’ilredoutaitqu’onait
surpris le refusqu’ellevenaitde lui infliger.Heureusement, chacunétaitoccupéetpersonnene s’étaitaperçuderien.
Ellelesaisitparlebras.—Julian,ilfautqu’onparle.—J’ail’impressionquetoutaétédit,répliqua-t-ilenserrantlesdents.Tuneveuxpasm’épouser,
jenepeuxpast’ycontraindre.—Non,jen’aijamaisditça!Ilposaaussitôtsurelleunbeauregardconfus.—Maisenfin,Gretchen,jeviensdetedemanderenmariageettum’asrépondunon!Etdefaçon
assezvéhémente,jedoisavouer.Gretchenpoussaunsoupir:ilétaitvraiqu’elleavaitsabotésademande,difficiledelenier.—Mon«non»n’étaitpasuneréponseàtaquestion.Jevoulaisjustet’arrêterafindepouvoirte
direquelquechoseavant.—C’est-à-dire?demanda-t-ild’unevoixméfiante.—Tumeplais,Julianetjepeuxbient’avouermoiaussiquejesuisamoureusedetoi.Maisjene
suis pas certaine que ce soit suffisant pour qu’on semarie. Comment puis-je avoir la garantie que tum’aimesvraiment?Peut-êtrequec’estmatendressequetuapprécies,etlefaitquejenesuispasunefemmeintéressée.Aquiadresses-tutademandeenmariage?Acesentimentdebien-êtrequeturessensenmaprésence,ouàmapersonne?
—Atapersonne,biensûr!répondit-il.Juliansemblaitpresqueoffusquéparlaquestion.Pourtant,Gretchenavait laconvictionqu’ellese
devaitdelaluiposer,carelleavaitbesoindesavoiravantd’engagernonseulementsoncœur,maisaussisavie,danscetterelation.
—Toutçameparaît tropbeaupourêtrevrai…Commentpuis-jeêtrecertainequetun’espasentraindemerécitertonprochainrôle?TuasconvenuavecRossquejen’étaispaslegenredefemmesavecquiJulianCooperdevaits’afficher,jet’aientendu!Est-cequetumelaisserasdenouveautomberquandtonagentt’enconvaincra?
Julianfermabrièvementlespaupières.Puisilfinitpardire:—Exact,c’estcequej’airéponduàRoss.Jeluiaiditquetun’étaispaslegenredepartenaires
avecqui une star internationale devait parader.Mais si tu étais restée deuxminutes de plus, tu auraisaussientenducequej’aiajouté.Asavoirqu’enrevanche,tuétaislafemmeparfaitepourJulianCurtis.Etquel’opiniondemonagentnem’intéressaitpasencequiconcernaitmavieprivée.
Gretchenlaissaéchapperunepetiteexclamationdesurprise.Maisalors,celavoulaitdireque…—Gretchen, repritalorsJulianen l’attrapantpar lesbras, jenesuispasen trainde te réciterun
scénario,cen’estpasJulianCooperquisetientdevanttoi,maisJulianCurtis.UngarsduKentuckyquit’exprimesessentimentsettedemandeenmariage.Est-cequetumecrois?
Gretchensesentitprised’unvertige…Julianétaitsiprèsd’ellequesonparfumauxnoteschaudeset épicées avait empli ses poumons. Par ailleurs, la chaleur de sesmains se communiquait à tout soncorpsà travers le tissudesonsweat-shirt.Abonnedistance,ellepouvait lui résister.Maismaintenantqu’il était planté devant elle et qu’il prononçait exactement les mots qu’elle attendait, elle ne putqu’acquiescer.Aquoibonsebattrevainement?
EllevitalorsunsourireéclairertoutdesuitelevisagedeJulianetilposadenouveauungenouàterre.
—Bon,jevaistenterderefairemademande.Etcettefois,s’ilteplaît,laisse-moifiniravantdemerépondre,OK?
Ellehochadenouveau la têteet il ressortit l’écrindont ilsouleva lecouverclepour ladeuxièmefois.Illuipritaussilamainetplongeasesyeuxgris-bleudanslessiens.
—Jet’aime,Gretchen,detoutmoncœur.Jesaisquebeaucoupdegensvontcroirequetuasunechanceinouïe.Toutçaparcequ’unestardecinémat’achoisie, toi,unefemmeordinaireduTennessee.Mais ils auront tort. Si tu acceptes dem’épouser, c’estmoi qui serai le plus chanceux des hommes !L’idée de me réveiller chaquematin à tes côtés et d’être l’homme de ta vie représente pour moi unbonheurindicible…GretchenMcAlister,veux-tubienmefairel’honneurdedevenirMmeJulianCurtis?
Gretchenattenditunesecondeavantderépondre.Pasparcequ’ellehésitait,non,maisparcequ’ellenesouhaitaitpasl’interrompreunesecondefoisdanssondiscours.Quandellefutcertainequ’ilavaittoutdit,ellelançaun«oui»retentissantetenjouéetluiadressasonplusbeausourire.
AlorsJulianluiglissalabagueaudoigtetelleeutsoudaindumalàvoircemerveilleuxdiamantàsondoigttantleslarmesvoilaientsesyeux.Maisquelleimportance?Elleauraittoutesonexistencepourlecontempler.Unefoisqu’ilseredressa,ellese jetadanssesbras,posala têtesursontorseeteut lamerveilleuseimpressiondeseretrouverlàoùelleavaittoujoursvouluêtre.
Julianlaserratrèsfortpuis,aprèsluiavoirsoulevélementon,pressaleslèvrescontrelessiennespourluidonnerlebaiserleplusexquisdumonde.
Gretchen tentade reprendre son souffle.Enquelques jours, ellevenaitdeconnaîtreun tourbillond’émotionsétourdissant:elleétaitpasséedelaplusgrandejoieauplusgrandabattement,etviceversa.Toutcequ’elleespéraitdésormais,c’étaitdevivredelonguesannéestranquillesentrelesbraspuissantsetrassurantsdeJulian.
—IlfautquenousallionsenItalie,décréta-t-ilalorsenl’arrachantàsespensées.—Là,maintenant?—Non,hélas,répondit-ilavecunsourire.Saufsituacceptesdesauterdansunavionpourqu’onse
marielà-bas.Al’insudelapresse.—Ohoui,ceseraitfantastique!s’exclama-t-elle.—Danscecas,c’estcequenousferons.Tul’asbienmérité.Instantanément,Gretchenlaissasonimaginationvagabonder:—Noustrouveronsunepetiteéglisebucolique,enToscane,entouréedevignes,decoquelicotsetde
tournesols…—Toutcequetuvoudras,luiassuraJulianenl’enlaçantparlataille.Aprèstout,tuépousesunestar
etjenelésineraipassurlesmoyens.JepeuxmêmeappelerGeorgepoursavoirs’ilveutbiennousprêtersavilla,prèsdulacdeCôme.
Gretchenécarquilla lesyeux.George…Il voulait direGeorgeClooney?Elle clignadesyeuxetsecoualatête.DevenirMmeJulianCurtislacomblaitentièrement,maisilluifaudraituncertaintempspours’habitueràtouscesgensimportantsquefréquentaitJulianCooper.
—Non, j’aimerais que la cérémonie reste simple, déclara-t-elle alors.Avec nos proches, de lacuisineraffinée,dubonvinetdesdécorsqu’onnepeutacheternullepart.
Pour être honnête, elle n’aurait jamais imaginé épouser un jour un acteur hollywoodien en Italie.Alorsautantassimilercetteréalité-là.
— Comme tu voudras, mais j’insiste pour que ta robe de mariée mette en valeur tes formesmerveilleuses.Jesouhaiteaussidenombreusesbougiesquiserefléterontsurtapeaud’univoireparfait.Aprèslevinetlanourriturequiserontforcémentexquis,jeveuxdansersouslesétoilesavectoi.Onpeutfixerunedatepourmai,qu’enpenses-tu?Puisonenprofiterapourvisiterl’Italieetsesmusées.
—Parfait,dit-ellesursonpetitnuage.
A quoi bon le nier ? Elle ne pouvait imaginer un mari plus dévoué ni une cérémonie plusmerveilleuse…
Soudain,Gretchenentenditunbruitquelquepartdanslasalle.Enregardantpar-dessusl’épauledeJulian,elledécouvrittroisfemmesentraindelesobserverdufonddelasallederéception:uneblonde,unerousseetunebrune.Touteslestroisavaientlemêmevisagesurpris.Ondevinaitlaquestionqu’ellesse posaient : comment Julian avait-il pu bien s’introduire dans leurs locaux sans qu’elles s’enaperçoivent?
Pasdedoute:ilallaitfalloirleurdonneruncompterendudétaillédecesretrouvaillesinattendues.Enattendant,Gretchen leva lamainet leurmontra labagueétincelantequ’elleportait audoigtet
annonçafièrement:—Réservezunesemaineaumoisdemai,mesdames!NouspartonsenItaliepourunmariage.
Epilogue
—Noëlarrive…GretchenfronçalessourcilsenentendantcettedéclarationmorosedeNatalie.—BiensûrqueNoëlarrive!Noussommesbientôtendécembre,machérie,cesontlesvacances
lesplusprévisiblesdel’année.Nataliereposaalorssatablette,l’airplussoucieuxquejamais.Maisenfin,pourquoi?Certes,elle
détestaitlesfêtesdeNoëlsousprétextequ’ellen’avaitpasenviequ’onluiordonned’êtrejoyeuseàunedateprécise.Maisilyavaitpeut-êtreuneautreraison.
Natalieétaitunbourreaudetravail.Elleredoublaittoujoursd’effortsendécembrecarelledevait«absolument»fairelescomptesafinquel’agencerepartesurdebonnesbasesendébutd’année…
Néanmoins,toutcezèlecachaitforcémentquelquechose,c’étaitunecertitude.Nataliesemblaitpresquebouderdanssoncoin.Parailleurs,elleinsistaitpourquepersonnenese
fassedecadeaux.Toutçaparcequec’étaientdesdépensesinutiles.Pourtant, elle n’était pas de nature grincheuse. D’ailleurs elle n’empêchait pas les autres de
s’amuser:ellevoulaitjustequ’onnelaforcepasàparticiperauxréjouissances.Cequisignifiaitqu’elles’enfermaitchezellependantunesemaine,oubienpartaitenvoyage.
Pourtant, elle ne pouvait pas complètement échapper à tout puisque certains futurs mariéschoisissaienttoujoursendécembrelethèmedeNoëlpourleurcérémonie.Sanscompterquecetteannée,larequêtevenaitdeLily,uneamied’enfancedeNataliequiavaitconfiésonmariageàl’agence…
Gretchenvitalorssonamieretirersesécouteurs,lesrangerdansletiroirdesonbureauets’adosseràsachaise.
—Cetteannée,Noëlm’estencoreplusinsupportablequed’habitude,lança-t-elle.—Tuneparspasenvoyage?—Non,jeresteàlamaison.JevoulaisalleràBuenosAires,maisjen’auraipasletempsavecle
mariagedeLily.Jedevraifairelacomptapendantlesvacances.— Quoi ? Tu ne vas quand même pas travailler à Noël ? se révolta Gretchen. Personne ne te
demandedefairelafête,maistudoisabsolumenttereposer.Tutravaillesbientrop!—Jenesuisjamaisjusqu’àminuitàl’agence,commetoiouAmelia.—Encore heureux, vu toutes les heures que tu fais ! Tu ne voudrais pas t’envoler pour une île
tropicaleoùtutedivertiraisdanslesbrasd’unbelinconnu?Nataliepoussaunesortedegrognement.—Désolée,maisunhommen’estpaslasolutionàmesproblèmes.Aucontraire,celaneferaitque
lesaggraver.
—Jeneteparlepasd’amouroudemariage!Justedeprendredubontempsavecunhomme.Çanefaitjamaisdemal,tusais.
Natalieluiadressaalorsunregardterriblementdouloureux.—Si,çapeutenfaireénormément,surtoutquandl’hommeenquestionestlefrèredetameilleure
amieetqu’ilt’ajetéeaprèss’êtrebienamuséavectoi!
TITREORIGINAL:ONEWEEKWITHTHEBESTMAN
Traductionfrançaise:FLORENCEMOREAU
©2015,AndreaLaurence.
©2016,HarperCollinsFrancepourlatraductionfrançaise.
Levisueldecouvertureestreproduitavecl’autorisationde:
Couple:©ISTOCKPHOTO/PEOPLEIMAGES/ROYALTYFREE
Réalisationgraphiquecouverture:
E.COURTECUISSE(HarperCollinsFrance)
Tousdroitsréservés.ISBN978-2-2803-5789-0
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Celivreestpubliéavecl’autorisationdeHARLEQUINBOOKSS.A.
Tousdroitsréservés,ycomprisledroitdereproductiondetoutoupartiedel’ouvrage,sousquelqueformequecesoit.
Toutereprésentationoureproduction,parquelqueprocédéquecesoit,constitueraitunecontrefaçonsanctionnéeparlesarticles 425etsuivantsduCodepénal.
Cetteœuvreestuneœuvredefiction.Lesnomspropres,lespersonnages,leslieux,lesintrigues,sontsoitlefruitdel’imaginationdel’auteur,soitutilisésdanslecadred’uneœuvredefiction.Touteressemblanceavecdespersonnesréelles,vivantesoudécédées,desentreprises,desévénementsoudeslieux,seraitunepurecoïncidence.
Prologue
—Tuvoulaismevoir,Dillon?demandaBrisbaneWestmoreland.Sonfrèreaînéétaitinstalléàsonbureau.LabaievitréeoffraitunevueimprenablesurGemmaLake,lelacdanslequelsedéversaitlaplus
grande rivière de cette partie rurale de Denver, que les gens de la région appelaient WestmorelandCountry.Baneétaiticichezlui.Iln’étaitpasenAfghanistan,enIrakouenSyrie,etn’avaitdoncpasàredouter les pièges, les ennemis tapis derrière les buissons, ou les terrains minés. A WestmorelandCountry,ilsesentaitensécurité.Et,malgrélescirconstances,ilétaitheureuxd’êtrederetour.
Selon la tradition familiale, après le repas deThanksgiving, tout lemonde s’était réuni pour unepartiedevolley-ballsurneige.Aprésent,lesfemmesdelafamilleregardaientunfilmaveclesenfants,tandisqueleshommesjouaientauxcartes.
—Oui,entre,Bane.Banes’avança.IlsavaitqueDillonl’étudiaitdesonœilaiguisé,etqu’aucundétailneluiéchappait.
Ilsavaitbiencequesonaînépensait:Banen’avaitplusriendel’adolescentrebellequiavaitquittélarégioncinqansplustôt,afindesebâtirunavenir.
Baneseraitlepremieràadmettrequ’ilavaitbeaucoupchangé.C’étaitmaintenantunvraimilitaire,surleplanphysiquecommesurleplanmental.Depuisqu’ilappartenaitauxNavySeals,lecorpsd’élitedelamarine,ilavaitappris,vuetfaitbeaucoupdechoses…toutcelapourlecomptedugouvernementdesEtats-Unis.
—Jeveuxsavoircommenttuvas,expliquaDillon,interrompantlefildesespensées.Bane prit une profonde inspiration. Il aurait aimé répondre avec franchise. En temps normal, il
affirmeraitêtreenpleineforme,maiscen’étaitpaslecas.Durantsadernièreopérationsecrète,uneballeennemieavaitfailliletuer,etluiavaitvaludeuxmoisd’hôpital.Maisilnepouvaitpasl’avoueràDillon.
—Jevaisbien,secontenta-t-ilderépondre,mêmesimadernièremissionalaissédestraces.J’aiperduuncollèguequiétaitaussiunami.
Dillonsecouatristementlatête.—Jesuisnavrédel’apprendre.—LaramieCooperétaituntypebien.Nousnoussommesconnusàl’écolenavale.BanesavaitqueDillonnedemanderaitpasdedétails.Lafamillesavaitdepuislongtempsquetoutes
cesopérationsétaientsecrètesetliéesàlasécuriténationale,etqu’ilnepouvaitdoncriendivulguer.Dillongardalesilencependantuneminute.—Est-cepourcelaquetuprendsuncongédetroismois?finit-ilpardemander.Acausedelamort
detonami?
Bane s’assit dans le fauteuil de cuir face aubureau.Quand leursparents, leur tante et leuroncleavaient péri dans un accident d’avion plus de vingt ans plus tôt, Dillon, l’aîné desWestmoreland deDenver, avait endossé le rôle de tuteur de leurs six frères—Micah, Jason, Riley, Stern, Canyon etBane—etde leurshuitcousinsetcousines—Ramsey,Zane,Derringer,Megan,Gemma, les jumeauxAdrianetAidan,etBailey.Dillonavaitréussil’exploitdesouderlafamilleetdes’assurerquechacunréussissesavie.Etcela, toutenfaisantdeBlueRidgeLandManagementCorporation, fondéepar leurpèreetleuroncle,l’unedescinqcentsplusgrandesentreprisesmondiales.
PuisqueDillonétait l’aîné,ilavaithéritédelamaisonprincipaledeWestmorelandCountry,ainsiquedescentvingthectaresquil’entouraient.Touslesautresavaientreçuquarantehectaresàleursvingt-cinqans.C’étaitunpayssplendide,traversépardesmontagnes,desvallées,deslacs,desfleuvesetdesruisseaux.
Denouveau,Banemesuraàquelpointilétaitbond’êtrechezlui,ensécurité.—Non,cen’estpaspourcetteraison,dit-il.Toutemonunitéestencongéparcequenotredernière
opérationétaitéprouvante.Maisjevaisemployercetempslibreàunbutprécis.RetrouverCrystal.Aprèsuninstant,Baneajoutad’unevoixgrave:—S’ilyaunechosequelamortdeCooperm’aapprise,c’estàquelpointlavieestfragile.On
peutdisparaîtreenuninstant.DillonnesauraitjamaisqueBaneneparlaitpasseulementdeCooper,maisaussidesnombreuses
occasionsoùilavaitfailliperdrelavie.Dillonvint s’asseoir aubordde sonbureaupour lui faire face.Bane ignorait comment son frère
allaitréagiràcequ’ilvenaitd’annoncer.CrystalétaitlaraisonprincipalepourlaquelleDillonetlerestedelafamilleavaientsoutenusadécisionderejoindrel’U.S.Navy.Adolescents,BaneetCrystalavaientvécuunerelationsipassionnellequ’ilsenavaientfaitvoirdetouteslescouleursàleurfamille.
—Commejetel’aiannoncéquandtuesrentrépourlemariagedeJason,lesNewsomesontpartissanslaisserd’adresse, luirappelaDillon.LeurprincipalobjectifétaitdemettreautantdedistancequepossibleentreCrystalettoi.
Ilmarquauntemps,puisreprit:—Maisaprèstavisite,j’avaisengagéundétectiveprivépourlesretrouver.Jenesaispassitues
aucourant,maisCarlNewsomen’estplusdecemonde.Banesecoualatête.M.Newsomenel’avaitjamaisportédanssoncœur,loindelà,maisc’étaittout
demêmelepèredeCrystal.Malgréleursdésaccords,ellel’avaittoujoursadoré.—Jel’ignorais.—J’aitéléphonéàEmilyNewsome,quim’aapprisqueCarlétaitdécédéd’uncancerdupoumon.
Aprèsavoirprésentémescondoléances,j’aidemandédesnouvellesdeCrystal.Samèrem’aditqu’elleallaitbien,qu’elleétudiaitàHarvard,etqu’ellecomptaitobtenirundoctoratenbiochimie.
—Celanemesurprendguère,Crystalétaitbrillante.Aulycée,elleavaitdeuxansd’avance.Banen’allaitpasluirappelerqueCrystalavaitsouventmanquélescourspourpasserdutempsavec
lui.Leurfamille,surtoutlesNewsome,enavaitrenduBaneresponsable.Sanslui,elleauraitétépremièredesaclasse,ilenétaitcertain.C’étaitd’ailleursl’unedesraisonspourlesquellesiln’avaitpastentédelaretrouverdurant toutescesannées. Ilavaitvouluqu’elleréalise toutsonpotentiel. Il luidevaitbiencela.
—Alors,tun’aspaseudenouvellesdeCrystaldepuislejouroùCarll’aenvoyéevivrechezsatante?demandaDillon.
—Non.Commetumel’assi justementdità l’époque, jen’avaisrienàluioffrir.J’étaisunetêtebrûléequicollectionnait lesennuis.Elleméritaitmieux,et j’étaisbiendécidéàdevenirmeilleur,pourelle.
Dillon l’observaensilence,commes’ilhésitaità luiparler.Banesesentitmalà l’aise.Quelquechoseétait-ilarrivéàCrystal?
—Quemecaches-tu,Dil?—Jeneveuxpastefairedepeineouteperturber,Bane,maisjedoistemettreengarde.Tucomptes
retrouverCrystal,mais tu ignoresquels sont ses sentimentspour toiàprésent.Vousétiez jeunes,etunpremieramourn’estpastoujoursledernier.Mêmesitul’aimesencore,pourautantquetusaches,elleapeut-être tournélapageetrefaitsaviesans toi.Celafaitcinqans,Bane.As-tuenvisagélapossibilitéqu’ellepuisseêtreavecunautrehomme?
Banesecaladanssonfauteuil.—Jen’ycroispas.Crystaletmoiavonsconcluunpacte.Unlienindéfectiblenousunit.—Maiscelaremonteàdesannées!insistaDillon.Tuviensdedirequetunel’asjamaisrevue.Qui
sait,elleestpeut-êtremariéeàl’heurequ’ilest.—Non,Crystaln’épouseraitpersonned’autre.—Commentpeux-tuenêtresisûr?Banesoutintsonregard.— Parce qu’elle est déjà mariée, Dil. Crystal est ma femme, et il est grand temps que j’aille
retrouvermonépouse.
***
Dillonselevad’unbond.—Mariée?Avectoi?Crystal?M-maiscomment?Quand?—Quandnousnoussommesenfuis.—MaisCrystalettoin’êtesjamaisarrivésjusqu’àLasVegas!—Cen’étaitpaslebut,ditBanecalmement.Nousavonsdonnécetteimpressionexprès,pourmettre
toutlemondesurunefaussepiste.NousnoussommesmariésenUtah.—EnUtah?Ilfautavoirdix-huitanspoursemariersansconsentementparental,etCrystalenavait
dix-sept.—Dix-septquandnoussommespartis,maisdix-huitanslelendemain.Dillonledévisagea,l’airstupéfait.—Alors,pourquoil’avoircaché?Pourquoin’a-t-ellepasditàsesparentsqu’elleétaittafemme,
etpourquoinenousas-turiendit?— Parce que je savais quemême si elle était ma femme, je pouvais tout demême être accusé
d’enlèvement.J’avaisenfreintl’injonctiond’éloignementdujugequandj’aimislepiedsurlapropriétédesesparents.Situtesouviensbien,lejugeForresterétaitfurieuxetvoulaitm’envoyerenmaisondecorrectionpendantunan.ConnaissantM.Newsome,sij’avaisparlédenotremariage,ilauraitexigéquele juge prononce une sentence encore plus dure. Et il aurait trouvé un moyen de faire annuler notremariage,oudeforcerCrystalàdivorcer.Elleetmoienavionsconscience,voilàpourquoinousavonsdécidédegarderlesecretsurnotremariage,quoiqu’iladvienne…mêmesicelasignifiaitêtreséparéspendantquelquetemps.
—Quelquetemps?Celafaitcinqans!—Jen’avaispasprévuqueceseraitsilong,sedéfendit-il.Nouspensionsêtreséparésseptmois,
le temps que Crystal puisse terminer son année de lycée. Jamais nous n’aurions cru que son pèrel’enverraitchezsatante.Etpuis,j’airepenséàtespropos.Tudisaisquejen’avaisrienàoffriràCrystal.Qu’elleétaitbrillante,etméritaitmieuxqu’unidiotquiaimaitjouerlesmauvaisgarçons.
Banemarquaunepause.—Jen’aipasrevuCrystal,reprit-il,maisj’airéussiàluiparler.
—Tuasrepriscontactavecelle?—Uneseulefois.Quelquesmoisaprèssondépart.—Commentas-tufait?Sesparentssesontassurésquepersonnenesacheoùelleétait!—Baileyl’aretrouvéepourmoi.Dillonsecoualatête.—Celanem’étonnequ’àmoitié.EtcommentBaileya-t-elledécouvertoùétaitCrystal?—Tuessûrdevouloirlesavoir?Dillonsepassalamainsurlevisage.—Çaaimpliquéd’enfreindrelaloi?—Enquelquesorte.LeurcousineBailey,dequelquesannéesplusjeunequeBane,étaitlabenjaminedesWestmoreland
deDenver.Durantl’adolescence,Bane,lesjumeauxAdrianetAidanetelleétaienttrèsproches.Touslesquatreavaientsouventeutoutessortesd’ennuisaveclapolice.Banesavaitquec’étaitl’amitiédeDillonavecleshérifHarperquileuravaitévitélaprison.
Aprésent, les jumeauxétaient diplômésdeHarvard.Adrian était docteur en ingénierie, etAidancardiologueàl’hôpitalJohnsHopkins.Tousdeuxétaientassagis,etheureuxenmariage.Bailey,titulaired’unMBA,épouseraitWalkerRafferty,unéleveurd’Alaska, le jourde laSaint-Valentin,et iraitvivreavecluidanssonranch.L’annoncedesondépartavaitétéunchocpourtoutelafamille,puisqueBaileyavait toujours juré qu’elle ne quitterait jamais Westmoreland Country. Bane avait rencontré Raffertyaujourd’hui,etavaitaussitôtappréciél’ex-marine.
—Alors,situsavaisoùelleétait,pourquoin’es-tupasallélavoir?demandaDillon.—J’ignoraisoùellesetrouvait,etj’aifaitpromettreàBaileydenepasmeledire.J’avaisjuste
besoindeluiparler,alorsBaileyaorganiséunappelentreCrystaletmoi,quiadurévingtminutes.JeluiaiannoncémadécisionderejoindrelaNavy.Etjeluiaifaitlapromessed’honorernosvœuxdemariage,etdevenirlachercherunjour.C’estladernièrefoisquenousnoussommesparlé.
Ilsesouvenaitdecetappelcommesic’étaithier.— Je devais aussi m’assurer qu’elle n’était pas tombée enceinte pendant notre escapade. Une
grossesseauraittoutchangé.JeneseraispasentrédanslaNavy,etjeseraisallélachercheraussitôt.Dillonacquiesça.—Sais-tuoùellesetrouveàprésent?demanda-t-il.—Jel’ignorais jusqu’àilyaquelquesheures.Baileyaperdulecontactavecelleilyaunanet
demi. La semaine dernière, j’ai engagé un détective pour la retrouver, ce qu’il a fait. Je pars demainmatin.
—Pouralleroù?—ADallas.
-1-
Lorsqu’elle quitta les bureaux de Seton Industries, Crystal Newsome rejoignit rapidement savoiture, en jetant des regards furtifs par-dessus son épaule. Elle tenta d’ignorer les frissons qui laparcouraient, etde sepersuaderqu’elle s’inquiétait sûrementpour rien.Mais lemessagequ’elleavaittrouvétoutàl’heuredansletiroirdesonbureaul’obsédait.
«Quelqu’unveutmettrelamainsurvosrecherches.Jevoussuggèrededisparaîtrequelquetemps.Quoiqu’iladvienne,nefaitesconfianceàpersonne.»
Après l’avoir lu, elle avait jeté un regard autour d’elle, mais ses quatre collègues biochimistesétaientplongésdansleurstravauxrespectifs.Elleauraitaiméprendrecemessagepouruneplaisanterie,maisellen’yparvenaitpas.Pasaprèsl’incidentdelaveille.
Elleavaitdécouvertquequelqu’unavaitouvertsoncasier.Iln’yavaitaucunsigned’effraction,cequi signifiaitquequelqu’unconnaissait lecodedesa serrure.Etcettepersonneavaitpris le tempsderemettreleschosespresqueexactementcommeellelesavaitlaissées.
Etmaintenant,cemessageanonyme.Lorsqu’ellearrivaàsavoiture,ellegrimpaprestementàl’intérieur.Aprèsavoirjetéuncoupd’œil
auxvoituresgaréesprèsdelasienne,ellesortitduparkingets’engageadanslarue.Quandelles’arrêtaaupremierfeurouge,ellesortitlemessagedesonsacetlerelut.
Disparaître?Mêmesiellelevoulait,commentlepourrait-elle?Actuellement,elletravaillaitsursondoctoratenbiochimie.Elleavaitétéchoisieauniveaunational
avec quatre autres chimistes pour participer à un programme de recherche d’une année chez SetonIndustries. Crystal savait que d’autres personnes s’intéressaient à ses travaux. Par exemple, le moisdernier,elleavaitétéapprochéepardeuxagentsdugouvernement,quiluiavaientoffertdetravaillerpourle compte de la Sécurité intérieure. Quand ils avaient attiré son attention sur le fait que ses donnéespouvaient tomber entre demauvaisesmains, elle leur avait assuré que son projet n’était encore qu’unconcept théorique. Ils lui avaient tout de même proposé de collaborer avec deux autres chimistesaméricains,quitravaillaientsurdesrecherchessimilaires.Mêmesileuroffreétaittentante,ellel’avaitdéclinée. Elle devait soutenir sa thèse à Harvard au printemps, et avait déjà reçu plusieurs offresd’emploi.
Aurait-elle dû prendre l’avertissement de ces agents au sérieux ? Une personne aux intentionscriminellespouvait-elleenavoiraprèssesdécouvertes?
Elle jetaun coupd’œil dans son rétroviseur, et sentit son cœurbattre.Unevoiturebleuequ’elleavaitprécédemmentremarquéeàunfeuétaitencorelà.Etait-elleparanoïaque?
Unpeuplustard,elleeutsaréponse.Lavoitureétait toujoursderrièreelle,séparéeparquelquesvéhicules.
Donc,ellenepouvaitpasrentrerchezelle,sinoncettevoiturebleuelasuivrait.Alors,oùaller?Qui appeler ? Ses quatre collègues étaient aussi des doctorants, mais elle restait seule la plupart dutemps,etn’avaitnouéderelationavecaucund’entreeux.
ExceptéavecDarnellEnfield.Carilavaitcherchéàavoirunerelationsentimentaleavecelle.Ellen’avaitrienfaitpourl’encourager,etluiavaitrépétémaintesfoisqu’ellen’étaitpasintéressée.Commecela n’avait pas suffi, elle avaitmenacé de déposer plainte auprès du directeur du programme.Vexé,Darnelll’avaittraitéedepimbêche,etluiavaitsouhaitédefinirseuleetmalheureuse.
Ehbien,c’étaitdéjàlecas!Presquetouslesjours,elletentaitdenepass’attardersurlesentimentde solitudequ’elle éprouvaitdepuis cinqans.Et àdirevrai, la solitudeétait saplus fidèlecompagnedepuispluslongtempsencore.
Filleuniquedeparentsâgésetsurprotecteurs,elleavaitsuividescoursàdomicile,nesortantquepouralleràl’égliseoufairedescourses.Lorsqu’elleétaitenfant,sesparentsnel’autorisaientmêmepasàjoueravecsespetitesvoisines.L’uned’elleavaitpourtanttentédedevenirsonamie.MaislemieuxqueCrystalaitpufaireavaitétédediscuteraveclapetitefilleparlafenêtredesachambre.
Cen’étaitquelorsqueleurpasteurlesavaitencouragésàinscrireCrystalàl’écolepubliquepourdéveloppersescompétencessocialesquesesparentsavaientcédé.Elleavaitàl’époquequinzeans,etrêvaitd’avoirdesamis.Maiselleavaitdécouvertàquelpointlemondeétaitcruelquandlesautresfillesl’avaient snobée, et que les garçons s’étaient moqués d’elle à cause de son avance dans toutes lesmatières.Elleavaitétémalheureuse,jusqu’àcequ’ellerencontreBane.
BrisbaneWestmoreland.L’hommequ’elleavaitépouséensecretcinqansplustôt,lejourdesondix-huitièmeanniversaire.
Etqu’ellen’avaitpasrevudepuis.Adolescent,Baneavaitété sonmeilleurami, saplanchedesalut, et sa raisondevivre. Il l’avait
comprisecommepersonne,etelleavaiteulesentimentdelecomprendreaussi.LesparentsdeCrystalavaient fait grand cas de leurs quatre ans d’écart, et avaient tout fait pour les séparer.Mais plus ilsessayaient,pluselledéfiaitleurautoritépourêtreaveclui.
Etpuis,BaneétaitunWestmoreland.Desannéesplus tôt, les arrière-grands-pèresdeBaneetdeCrystalavaientmisfinàleuramitiéàcaused’unedisputeconcernantunterrain,etilsemblaitquelepèredeCrystaltienneàperpétuercettevieillequerelle.
Quand Crystal s’arrêta à un autre feu, elle sortit la carte de visite que les deux agents dugouvernementluiavaientlaissée.Ilsluiavaientdemandédeleurtéléphonersiellechangeaitd’avis,ousielleremarquaitlamoindrechoseanormale.Elleavaitcruqu’ilscherchaientseulementàl’effrayer,afinqu’elleréfléchisseàleuroffre.Maissepouvait-ilqu’ilsaientraison?Devrait-ellelescontacter?Elleremitlacartedanssonsacetrelutlemessageanonyme.
«Quoiqu’iladvienne,nefaitesconfianceàpersonne.»Alors,quefaire?Oùaller?Depuis lamortdesonpère,samèreétaitmaintenantmissionnaireà
Haïti.Crystaldevrait-elleseréfugieràOrangeburg,enCarolineduSud,oùvivaitsatanteRachel?Non,Crystalnevoulaitsurtoutpasluicréerd’ennuis.
Ilyavaitunautreendroitoùellepouvaitsecacher.Lamaisondesonenfance,àDenver.Aprèslamortdesonpère,elleavaitapprisqu’iln’avaitjamaisvenduledomainefamilial,mêmesisamèreetluiétaientallésvivredansleConnecticut.Et,plussurprenantencore,qu’illuiavaitléguéleranch.Avait-ilvoululuifairesavoirqu’ilavaitacceptélefaitqu’unjour,elleyretourne?
Elle se mordilla la lèvre. Devrait-elle y retourner maintenant ? Et affronter tous les souvenirsqu’elleyavaitlaissés?EtsiBaneétaitàDenver?S’ils’étaitentichéd’uneautre,malgrésespromessesdefidélité?
Non, impossible. Le Bane Westmoreland dont elle était tombée amoureuse lui avait promisd’honorersesvœuxdemariage.Avantd’épouseruneautrefemme,ilseraitd’abordvenulatrouverpour
demanderledivorce.Ellesongeaàl’autrepromessequ’illuiavaitfaite.Celledevenirlachercher.Celafaisaitcinqans,
etelleattendaittoujours.Etait-ellestupidedel’avoircru?Gâchait-ellesaviepourunhommequil’avaitoubliée?Ilavaitpusepassertantdechoses!Lessentimentsetlesémotionspouvaientchanger.Lesgenspouvaient changer. Pourquoi s’accrochait-elle à ses souvenirs d’adolescente avec un homme qui avaitpeut-êtretournélapage?
Surleplanlégal,elleétaitmariée,maistoutcequ’elleavait,c’étaitunnomdefamilledontellenese servait jamais, et unmari qui l’avait quittée avec des promesses non tenues. Lors de leur derniercontact,illuiavaitannoncéqu’ilrejoignaitlaNavy.Avait-ilcruqu’ellel’attendraitjusqu’àcequ’ilselassedepasserd’unportàl’autre?Etsiuneurgenceétaitsurvenue,etqu’elleaiteubesoindelui?
Inutilederéfléchirlongtempspourconnaîtrelaréponse.Siuneurgenceétaitsurvenue,elleauraitpulejoindreenpassantparsafamille.MêmesilesWestmorelandignoraientoùellevivaitaujourd’hui,elle,enrevanche,savaitoùlestrouver.ElleauraitputéléphoneràDillon,lefrèreaînédeBane.Aplusieursreprises,elleavaitbienfaillilefaire,maischaquefois,quelquechosel’avaitretenue.NotammentlefaitquelesWestmorelandluireprochaientunegrandepartiedesennuisqueBanes’étaitattirés.
Adolescents,Baneetelleétaientfusionnels.Ellepréféraitéviterdepenseraunombredefoisoùilsavaientenfreintlaloipourêtreensemble.Elleavaitsouventmanquélescours,etcontrairementàcequesesparentsavaientcru,c’étaitsouventellequi l’avaitvoulu,etnonBane.Riendeceque leurfamilleavaitditoufaitn’avaitréussiàlesséparer.Aucontraire,leurlienn’enétaitdevenuqueplusfort.
Etantdonnéleurdifférenced’âge,lesparentsdeCrystalavaientaccuséBanedeprofiterd’elle,etsonpèreavaitmêmeobtenuunemesured’éloignement,etmenacédefaireenvoyerBaneenprison.Maiscela ne les avait pas empêchés d’être ensemble. Quand ils s’étaient lassés de l’ingérence de leursfamilles,ilss’étaientenfuis.
Ellecherchasouslecoldesachemiselemédaillond’argentenformedecœurqueBaneluiavaitoffert,etquiavaitappartenuàsadéfuntemère.A l’époque, iln’avaitpas lesmoyensde luioffrirunealliance.Quandilavaitattachélecollierautourdesoncou, il luiavaitdemandédetoujours leporter,comme témoignagede leur amour.De son amourpour elle.Elle eut la gorgenouée.S’il l’aimait tant,pourquoin’avait-ilpastenusapromesse?Pourquoin’était-ilpasvenulachercher?
LefrèreaînédeBane,Dillon,avaittéléphonéàlamèredeCrystal,àlamortdeleurpère.Selonsamère, la conversation avait été brève,mais Dillon avait pris le temps de demander comment Crystalallait.Iln’avaitparlédeBanequepourdirequ’ilétaitdanslaNavy.Bienentendu,samèrepensaitquesa filleétaitmieuxsansBane,et lesWestmorelandpensaient sansdoutequ’ilétaitmieuxsanselle.Ets’ilsavaientraison,etqueBaneétaitvraimentmieuxsanselle?
Prenant une grande inspiration, elle se força à reporter ses pensées sur la voiture qui la suivait.Devrait-elleappelerlapolice?Elleécartarapidementcetteidée.Lemessagenel’avait-ilpasavertiedene faireconfianceàpersonne?Une idée luivint soudainà l’esprit.C’était ledébutdessoldes,et lesacheteurssepressaientdéjàennombredanslesboutiques.Illuisuffiraitdeprendreladirectionducentrecommercial leplus fréquentédeDallaspourse fondredans lacirculation.Sicelane fonctionnaitpas,elletrouveraitunplanB.
Dans tous les cas, elle ne le laisserait pas cette personne la suivre jusque chez elle.Quand ellerentrerait,elleferaitsavalise,etdisparaîtraitquelquetemps.Elledécideraitdesadestinationunefoisàl’aéroport.LesBahamasluisemblaienttentants.
Quepenseraient sescollègues,quandellene semontreraitpas le lendemaincommed’habitude?Pourl’heure,c’étaitlecadetdesessoucis.Etreensécurité,voilàsapriorité.
Une demi-heure plus tard, elle sourit, satisfaite que le planA ait fonctionné.Elle avait aisémentsemé lavoiturebleuedans la fouledevéhiculesautourducentrecommercial.Mais,par sécurité, elleroulaencoreunpeuavantderentrerchezelle.
Elleétait tombéeamoureusedeDallas,maisellen’avaitpasd’autrechoixquedequitter lavillequelquetemps.
***
Installé dans le monospace qu’il avait loué à l’aéroport, Bane releva le bord de son Stetson etétendit ses longues jambes. Ilvérifia samontreunenouvelle fois.Selon le rapportdudétectiveprivé,Crystal travaillait chez Seton Industries comme biochimiste tout en achevant sa thèse de doctorat.D’habitude,elleterminaitsajournéevers16heures.Ilétaitprèsde19heures,etellen’étaittoujourspasrentrée.Oùétait-ellepassée?
Peut-être faisait-elle les boutiques ? Ou alors, elle passait du temps avec des amies. Il devraitpatienter,voilàtout.
Aucun membre de sa famille n’avait été surpris quand il avait annoncé qu’il partait retrouverCrystal.Toutefois, hormisBaileyqui était déjà au courant, tous avaient été choquésd’apprendrequ’ilavaitépouséCrystalensecret.
Bailey avait serré Bane dans ses bras, et lui avait murmuré qu’il était grand temps qu’il ailleretrouver sonépouse.Biensûr, lesautres l’avaientmisengarde : ilnedevaitpas s’attendreàcequeCrystalsoitlajeunefillededix-huitansqu’ilavaitlaissée.Elleavaitchangé,toutcommelui.
SoncousinZane,quise targuaitd’êtreunexpertenpsychologieféminine,avaitmêmeconseilléàBanedenepasattendredeCrystalqu’elleendossevolontierssonrôled’épouseaimanted’unmaripartidepuis longtemps. Il luiavait recommandédenerienfairedestupidecommelaprendredanssesbraspour la conduire directement dans la chambre. Ils devraient réapprendre à se connaître, et Bane nedevraitpasêtresurprissi,lespremierstemps,elletentaitdedresserdesmursentreeux.
ZaneavaitsoulignéquemêmesiBaneavaitdebonnesraisonspourcela,iln’avaitpaspriscontactavecsa femmependantcinqans. IlétaitdoncprobablequeCrystalaitdesdoutessursonamouret safidélité.
Baneavaitapprécié lesconseilsdesa famille.Certes, ilaimeraitbeaucoupprendreCrystaldanssesbrasetlaconduiredanslachambrelaplusproche,maisilavaitsuffisammentdebonsenspoursavoirqu’il devait être patient. Après tout, ils avaient été séparés longtemps, et ils devaient régler denombreuses questions avant de se retrouver sur le planphysique.Mais il avait une certitude :Crystalsavaitqu’ilviendrait,commeill’avaitpromis.
Ilétaitde retourdanssavie,pourdebon.Mêmesipourcela, ildevaitvivreàDallasavecellequelquetemps.EntantqueSeal,ilpourraitvivren’importeoù.Ildevaitsimplementêtreprêtàpartirenentraînementouenmissionsecrètechaquefoisquesoncommandantlerequérait.EttantquelasituationétaitinstableenIrak,enAfghanistanetenSyrie,sonunitédevaitsetenirprête.
PenseràsonunitéluifitpenseràCoop.Difficiledecroirequesonamilesavaitquittés.Touslesmembresdesonéquipeavaientétédurementaffectéspar samort.Et ilsavaientdécidéqu’un jour, ilsretourneraient en Syrie, afin de retrouver le corps de Coop et de le ramener chez lui. Ses parents leméritaient,etCoopaussi.
Longtemps, Bane avait cru pouvoir cacher son statut d’hommemarié à ses camarades.Mais ilsavaienttantinsistépourluitrouverdespetitesamiesqu’ilavaitfiniparleuravouerlavérité.
Ill’avaitregrettéensuite,carilsn’avaientcessédelenargueravecleursconquêtes,pendantqueluirestaitseul.Auboutducompte,sescollèguesavaientacceptésavolontédedemeurerfidèle.Aprésent,tousl’admiraientetlerespectaientpourcela.
LeSealenluiinspectasonenvironnement.Lequartiersemblaitsûr,cequiétaitunbonpoint.LestyledelamaisondebriquescorrespondaitbienàCrystal.C’étaitunebâtisseenbonétat,etle
jardin était bien entretenu. Contrairement aux autres maisons, remarqua-t-il, elle n’avait aucune
décorationdeNoël.Aucuneguirlandecoloréeautourdes fenêtres,pasd’objetsanimés sur lapelouse.Crystalnefêtait-elledoncpluslesvacances?Pourtant,elleadoraitNoël.C’étaitlejourleplusimportantpourelle,aprèssonanniversaire.
Unanniversairequiétaitdevenuencoreplusspécialdepuisqu’ilavaitdécidédel’épousercejour-là.Ilesquissaunsourireensongeantàtouteslescartesd’anniversairequ’illuiavaitachetées,mêmes’iln’avaitpaspulesluienvoyer.Illuiavaitmêmeacheté,touslesans,descartespourlaSaint-ValentinetNoël. Il lesavait soigneusementconservéesdansuneboîte, sachantqu’un jour, il les luidonnerait.Ehbien,cejourétaitenfinarrivé,puisqu’ellesétaienttoutesdanssonsac.Avectoutesleslettresqu’il luiavaitécrites.Deslettresqu’iln’avaitjamaisenvoyées,puisqu’iln’avaitpassonadresse.
IlavaitfaitpromettreàBaileydenepasluidireoùCrystalvivait.Car,s’ill’avaitsu,ilseraitallélatrouver,gâchantainsitousseseffortspourdevenirunhommemeilleur.
Parfois, il avait cru devenir fou tant elle lui manquait. Il lui avait fallu faire appel à toute sarésolutionpourtenirlecoup.Auboutducompte,ilsavaitquelesacrificeenvalaitlapeine.
Il laisseraitàCrystalunpeude tempsavantd’aller frapperà saporte,pournepas l’effrayer.Etpuis,ilpréféraitnepasattirerl’attentiondesvoisins,surtoutsipersonnenesavaitqu’elleétaitmariée.D’après le rapport du détective privé, son statutmarital était un secret bien gardé.Bane n’était guèreétonné.Difficiledeparlerd’unmariquiétaittoujoursabsent.
Son téléphone sonna, et il sourit en reconnaissant la sonneriede soncamarade,ThurstonMcRoy,plusconnusouslenomdeMac.Touslesmembresdesonunitéavaientdesdiminutifs,cequipermettaituneidentificationplusfacilependantlesdéploiements.CooperavaitoptépourCoop,McRoypourMac.EtBrisbaneavaitgardéBane,lesurnomquesafamilleluiavaitdonné.
—Quoideneuf,Mac?—Tul’asrevue?IlavaitexpliquéàMacoùilserendait,aucasoùsonunitéavaitbesoindelejoindre.—Non,pasencore.Jesuisgarédevantchezelle.Elleestenretard.—Quandellearrivera,neluiposepasdixmillequestionset,s’ilteplaît,net’énervepassurelle
commesituavaisétéprésentcescinqdernièresannées.Tupensespeut-êtrequ’elleestenretard,maisc’est peut-être une habitude pour elle, de rentrer tard de temps en temps. Les femmes aiment sepomponner.Allerchezlecoiffeur,l’esthéticienne,cegenredechoses.
Banesourit.Macsavaitsansdoutedequoiilparlait,puisqu’ilétaitmarié.Ilavaitsouventracontéqu’après chaque longue mission, il traversait une période de réajustement, durant laquelle il devaitréapprendreàconnaîtresonépouse,etréaffirmersonstatutdechefdefamille.
Banevitdespharesapprocher.—Jecroisqu’ellearrive,dit-il.—Bien.Rappelle-toidemesconseils.Lestiensetceuxdetouslesautres,songeaBane.—Net’inquiètepas,jesauraimedébrouiller.—Veilleàcela.PuisMacraccrocha.Tout en regardant les phares se rapprocher, Bane ne put contrôler les battements de son cœur.
Crystalavait-ellebeaucoupchangé?Avait-ellelescheveuxlongscommeautrefois?Semordillait-ellelalèvrequandelleétaitnerveuse?Avait-elletoujourscesjambessplendides?
Peuimportait.IlallaitenfinretrouverCrystal.Safemme.Banelaregardasegarerdevantchezelleetsortirdesavoiture.Dèsquesonregardseposasurelle,
toutel’émotionqu’ilavaitdûcontenirtoutescesannéesdéferlasurlui.La lumière de la rue éclairait son visage.Même à distance, il la trouvait splendide. Elle avait
grandi, et sa silhouette adolescente était devenue celle d’une femme. Son pouls s’accéléra quand il
remarqualescourbesquiemplissaientsonpantalonnoir,lesseinsgénéreuxsoussaveste.Tandis qu’il l’observait, le Navy Seal en lui fut en alerte. Quelque chose clochait dans son
comportement.Ilavaitétéentraînépourêtrevigilant.Reconnaîtrelessignesdudangerluiavaitpermisderesterenvielorsdesesmissions.Peut-êtreétait-celarapiditéaveclaquelleelleavaitrejointsamaison,le nombre de fois où elle avait regardé par-dessus son épaule, ou la façon dont elle ne cessait desurveillerlarue,commepours’assurerqu’ellen’avaitpasétésuivie.
Quandelleentraetrefermalaportederrièreelle,ilrelâchalesoufflequ’ilavaitretenusanss’enrendrecompte.Pourquoiétait-ellesinerveuse?Elleignoraitqu’ilvenait,donccen’étaitpasàcausedelui.Enfait,ellenesemblaitpasseulementnerveuse.Ellesemblaitterrifiée.Pourquoi?Mêmesielleétaitaucourantdesonarrivée,ellen’avaitpasderaisond’avoirpeurdelui.Amoinsque…
Ilfronçalessourcils.Etsiellecraignaitqu’ildécouvrequ’elleavaitunamant?Sielleétaitlamèredel’enfantd’unautre?Etsi…
Il se reprit.Chacunede ces pensées était commeun coupde poing enplein ventre, et il refusaitd’aller surce terrain.Deplus, le rapportdudétectiveprivéétaitclair.Ellevivait seule,etn’avaitderelationavecpersonne.
Pourtant,ellesemblaiteffrayée.Aprèsavoirattenduquelquesminutes,pour luidonner le tempsdeseposeraprèsune journéede
travail,ilsortitdesonvéhicule.Ilétaittempsdedécouvrircequisepassait.
***
Lecœurbattant,Crystaldéposaitdesvêtementsdanssavalise,ouvertesursonlit.Avait-ellerêvé,ouavait-elleétésurveilléeenrentrantchezellecesoir?Elleavaitregardéautourd’elleplusieursfois,etn’avaitrienvu.Pourtant…
Elleprituneprofondeinspiration.Elledevaitgarderlatêtefroide.Ellelaisseraitsavoitureici,etallumeraitquelqueslampespourdonnerl’impressionqu’elleétaitchezelle.Elleappelleraituntaxipourl’emmeneràl’aéroport,etneprendraitquelestrictnécessaire.
Maisl’albumphotoqu’elletenaitdanssamainl’accompagnaitpartout,ellel’emporteraitdoncavecelle. Elle l’avait acheté juste après sa dernière conversation téléphonique avec Bane. Ses parentsl’avaient envoyée vivre avec sa tante Rachel pour finir sa dernière année de lycée. Ils avaient voulul’éloignerdeBane,sanssavoirquetousdeuxs’étaientmariés.
BaneavaitconvaincuCrystalqu’ilétaitimportantqu’elleterminesesétudesavantd’annoncerleurmariage, et qu’il supporterait d’être séparé quelques mois. Ni Bane ni elle n’avaient pensé que sesparents l’enverraient si loin. Pourtant, elle avait été certaine que Bane viendrait la chercher une foisl’annéescolaireterminée,quoiqu’iladvienne.
Quelques mois après avoir quitté Denver, elle avait reçu un appel de lui. Elle avait cru qu’iltéléphonaitpour luidirequ’ilnesupportaitpas leurséparation,etqu’ilvenait lachercherplus tôtqueprévu.Maiselleavaiteutort.Ilavaitd’abordvoulusavoirsielleétaittombéeenceintelorsdeleurfuite.Puis,illuiavaitannoncéqu’ilentraitdanslaNavy,etqu’ilrejoindraitlecampd’entraînementdeGreatLakes,dansl’Illinois,quelquessemainesplustard.Ilavaitaffirméavoirbesoindemûrir,etdedevenirunhommeresponsable.Elleméritaitunmariquipuisseluidonnerlemeilleurdelui-même,etaprèsavoiraccomplicebut,ilreviendraitlachercher,avait-ilargumenté.Ilavaitégalementpromisque,durantleurséparation,illuiresteraitfidèle,etelleenavaitfaitautant.Elleavaittenuparole.
Elleavaitpenséqu’ilresteraitdanslaNavyquatreans.Sepréparantàcetteséparation,elleavaitdécidédedevenirquelqu’un,elleaussi.Pourêtrecellequ’ilméritait.Aprèslelycée,elles’étaitinscriteàl’université.Elleavaitpasséuntestd’entrée,qu’elleavaitbrillammentréussi.Elleavaitainsipuentrerdirectementendeuxièmeannée.
Assiseauborddulit,elleparcourutl’albumqu’elleavaitdédiéàBane.Elleavaitmêmefaitgraversonprénomsurlacouverture.Toutescesannées,elleavaittenucejournalenimagesquiretraçaitsaviesanslui.Ilyavaitdesphotosdesesremisesdediplômesaulycéeetàl’université,etd’autresprisesauhasard.Elles’étaitditquequandelle le reverrait, ilyauraitdeuxou troisansdeclichés. Jamaisellen’aurait cru qu’il y en aurait cinq. Comment aurait-elle pu imaginer qu’ils seraient séparés aussilongtemps,sansaucuncontact?
Ellepensaitsouventàlui.Chaquejour,même.Maiselleessayaitdenepassedemanderpourquoiilmettaittantdetempsàrevenir.Etdenepassedirequ’ilpourraitêtrequelquepart,entraindeprofiterdela vie sans elle. Chassant ces pensées de son esprit, elle rangea l’album dans sa valise. Elle s’étaitdécidée pour lesBahamas.Mais au cas où on fouillerait samaison, elle s’était assurée de ne laisseraucunindicesursadestination.
Avait-elle tortdesuivrelesconseilsdumessagealorsqu’elle ignoraitquienétait l’auteur?Ellepourraitallertrouverlapolice,ouraconteràcesdeuxagentsdugouvernementquesoncasieravaitétéouvertetquequelqu’unlasuivait.Siellenepouvaitpasfaireconfianceàsonpropregouvernement,alorsquipouvait-ellecroire?Ellesecoualatête,décidantdes’abstenir.Peut-êtreparcequ’elleavaitregardétropdesériesoùlegouvernementserévélaitêtredumauvaiscôté.
Elle songea à appeler samère et tanteRachel,mais se ravisa.Quelle que soit la situation danslaquelleelleétait impliquée,mieuxvalait les laisserendehorsdecela.Elle lescontacteraitplus tard,quand elle se sentirait en sécurité. Quelques instants plus tard, elle portait sa valise dans le salon etappelaituntaxiquandonsonnaàsaporte.
Ellesefigea.Personneneluirendaitjamaisvisite.Quicelapouvait-ilêtreàcetteheure-ci?Elleseglissa dans l’ombre du couloir, espérant que le visiteur, qui qu’il soit, la croie absente.Elle retint sarespirationquandlecarillonretentitunenouvellefois.Cettepersonnel’avait-ellevueentrer?
Quelquesinstantspassèrent.Ellesoupira,soulagée.Maisensuite,elleentenditdescoupscontresaporte.Elledéglutit.Lapersonneétaittoujourslà.SoitCrystalrépondait,soitellefaisaitsemblantd’êtreabsente.Puisquejusqu’ici, lapremièresolutionn’avaitpasmarché,ellecourutverssachambreetpritsonrevolverdansletiroirdesatabledechevet.
GrâceàBane,ellesavaitcomments’enservir.Mêmesilequartierétaitsûr,elleavaitpréféréêtrearmée.Unefemmeseuledevaitêtreprudente.
Quand elle regagna le salon, elle entendit d’autres coups. Elle avança vers la porte, s’arrêtant àquelquesmètres.
—Quiest-ce?cria-t-elle,serrantsonrevolver.Unmomentdesilences’ensuivit.Puisunevoixrésonna.—C’estmoi,Crystal.Bane.
-2-
Crystalfaillitlâchersonrevolver.Bane?MonBane?Impossible!songea-t-elleenreculant.C’étaitsûrementunimposteur.Iln’avait
mêmepaslavoixdeBane.Celle-ciétaitplusprofonde,plusrauque.Si c’était une ruse, la personne savait-elle qu’elle étaitmariée àBrisbaneWestmoreland ?Et si
c’étaitréellementBane,pourquoisemontrait-ilaujourd’hui?Etpourquoiprécisémentcesoir?Cen’étaitpaslogiquequ’ilapparaissejusteaumomentoùellesongeaitàlui.Elleenrevenaitdonc
àlapremièrehypothèse:cen’étaitpasBane.—Jenevouscroispas.Allez-vous-en,ouj’appellelapolice!menaça-t-elle.J’aiunearmeetje
n’hésiteraipasàm’enservir.—CrystalGayle,c’estmoi.Jet’assure.C’estBane.CrystalGayle ? Elle inspira profondément. Personne ne l’appelait ainsi hormis ses parents…et
Bane.Plusjeune,elleavaitdétestéêtreappeléeparsesdeuxprénoms,quesonpèreluiavaitdonnésenhommageà sachanteusedecountrypréférée.MaisBane lui avait apprisà lesapprécieren l’appelantainsidetempsentemps.Sepouvait-ilquecesoitvraimentluiderrièrecetteporte?
Baissant son arme, elle regarda par le judas. Son regard rencontra unmagnifique regard noisetteteintédevert.C’étaientlesyeuxqu’elleconnaissait.C’étaitBane.
Elleallaitluiouvrirquandellesesouvintdumessage.«Nefaitesconfianceàpersonne.»Maiscen’étaitpasn’importequi,seraisonna-t-elle.C’étaitBane.
Elle déverrouilla la porte et recula.La faible lumière du perron inonda le vestibule quandBanepoussalaporte.Ilavaittoujoursétégrandetélancé,maisl’hommequientraitdanssamaisonsemblaitbienplusgrandquedans son souvenir.Et il n’était plusmince.Aprésent, il affichait unemusculatureimpressionnante.Al’évidence, ils’entraînaitbeaucouppourresterenforme.Soncorpsétait l’exemplede l’endurance et de la force. Et quand son regard se posa sur son visage, elle prit une brusqueinspiration.Mêmesonexpressionétaitdifférente.Elleétaitplusbrute.Plusdure.
Sonregardétaitlemême,maisellenel’avaitjamaisvuavecunebarbeauparavant.Ilavaittoujoursétéd’unebeautépresquejuvénile,maissestraitsciselésétaientmaintenantparfaitementvirils.Elleavaitdevantelleleplusbeauvisagequ’elleaitjamaisvu.
Nonseulementilsemblaitplusâgéetplusmûr,maisilressemblaitaussiàunmilitaire,mêmes’ilportaitunjean,unechemiseenchambray,unblousond’aviateurencuir,desbotteswesternetunstetson.C’étaitsansdoutelefaitqu’ilsetiennesidroit.EttoutecettetransformationétaitdueàlaNavy?
Ilfermalaportederrièreluietl’observaavecintensité.Ellesentitsoncœurs’emballer.Unepartd’ellevoulaitcourirverslui,luidireàquelpointelleétaitheureusedelevoir,àquelpointilluiavait
manqué…maisellen’yarrivaitpas.Sesjambesrefusaientd’avancer,etellesavaitpourquoi.CeBaneétaitcommeunétrangerpourelle.
—Crystal.Ellen’avaitpasrêvé.Savoixétaitplusgrave.Etterriblementsensuelle.—Bane.—Tuessplendide.Interloquée,elleditlapremièrechosequiluivintàl’esprit.—Toiaussi.Ettuasl’airchangé.Lorsqu’il sourit, elle sentit son souffle accrocher. Il avait toujours le sourire de Brisbane
Westmoreland.Unsourireéclatant,quidévoilaitsesdentsblanchesetparfaitementalignées,encontrasteavecsonteintcaramel.
—C’estvrai,jenesuispluslemêmeBane.L’armée,çavouschangeunhomme,dit-ildecettevoixrauqueàlaquelleelletentaitdes’habituer.
Iladmettaitêtredifférent.Etait-cesafaçondedirequesatransformationavaitégalementchangésespréférences?Notamment
enmatièredefemmes?Ilétaitplusâgéàprésent.Decinqans,précisément.Etait-ilvenuluiannoncerqu’ilsouhaitaitdivorcer?
Soit, elle s’y ferait. Elle n’avait pas le choix. Et puis, de toute façon, elle n’était plus sûred’apprécierlenouveauBane.Illuirendaitsansdouteservice.
—D’accord,dit-elle,posantsonrevolversur la tablebasse.Si tum’asapportédesdocumentsàsigner,donne-les-moi.
—Desdocuments?—Oui.—Quelgenrededocuments?Au lieu de répondre, elle consulta samontre. Elle devait appeler un taximaintenant. Son avion
décollaitdanstroisheures.—Crystal?Dequelgenrededocumentsparles-tu?Elle leva les yeuxvers lui. Pourquoi son regard alla-t-il directement vers sa bouche sculptée, la
même bouche qui lui avait appris à embrasser et lui avait donné tant de plaisir ? Et pourquoi sesouvenait-elledecesbaisersàcetinstant?Elleprituneinspirationtremblante.
—Despapiersdedivorce.—Tupensesquec’estlaraisondemavisite?Avait-elle rêvé ou son ton était-il devenu sec ? Peu importait. A quoi bon cette conversation ?
Pourquoi ne lui donnait-il pas simplement les documents et ne reprenait-il pas sa route, afin qu’ellepuissesuivrelasienne?Aprèstout,cinqansavaientpassé.Elleavaitsaisilemessage,ettantpissielleavaitpassétoutcetempsàl’attendre.
—Crystal?Tupensesquejesuisvenupourça?Pourtedemanderledivorce?insista-t-ildumêmetoncassant.
—Quelleautreraisonpourrait-ilyavoir?Il enfonça les mains dans ses poches et planta ses jambes sur le sol, dans une posture aussi
impressionnantequesexy.Ellemettaitenvaleursesépaulesmassives,sontorseferme.—As-tuenvisagéque,peut-être,j’étaislàpourtenirmapromesse,etvenirtechercher?Avait-ellebienentendu?—Tun’espasvenudemanderledivorce?—Non.Qu’est-cequitefaitpenserquejeveuxdivorcer?Ellepourraitluidonnerplusieursraisons,dèsquelatêtecesseraitdeluitourner.Pourl’instant,elle
n’entrouvaqu’une.
—Ehbien,celafaitcinqans,Bane.—Jet’avaispromisderevenir.Elleplantalesmainssurseshanches.—Certes,maisjenepensaispasqueçaprendraitcinqans.Cinqannéessansunseulmotdetoi.Et
puis,tuviensd’admettrequetuaschangé.Ilsemblaitavoirdumalàlasuivre.—J’aichangé,Crystal.EtreunSeal,celavouschange,maisçan’arienàvoiravec…—Seal?TuesunNavySeal?—Oui.Aprésent,c’étaitellequiavaitdumalàsuivre.—JesavaisquetuavaisrejointlaNavy,maisjepensaisquetuétaissurunbateauquelquepart.—J’auraisdû,maismoncapitaineaucampapenséquejepourraisrejoindreuncorpsd’élite.Ilest
intervenuenmafaveurpourquej’entreàl’écolenavale.—Tuasétéàl’écolenavale?—Oui.Fichtre !Elle se rendait compte àquelpoint elle en savait peu sur cequeBaneavait fait durant
toutescesannées.—Jel’ignorais.Lorsqu’il changea de position, son regard suivit le mouvement, remarquant ses jambes longues,
mouléesdanssonjeanetsesbottes.—Baileym’aditquevousaviezperducontacttouteslesdeux,ilyaquelquesannées.En réalité, Crystal avait délibérément coupé les ponts avec la cousine de Bane. Les appels
périodiquesétaientdevenusdéprimants,puisqueCrystalnepouvaitpasposerdequestionssurBane.ToutcommeBaneneposaitaucunequestionàBaileysurCrystal.
C’étaitBanequiavaitdécidédecetterègle.Ilavaitarguéquemoinsilsensauraientsurlaviedel’autre,moinsilsauraientdechancederenonceràleurpromessedenepasallerretrouverl’autreavantd’avoiratteintleursobjectifs.
Durant l’unede leurs conversations,Bailey l’avait informéequeBane lui avaitouvertuncomptebancaire, au cas où elle aurait besoin de quoi que ce soit.A ce jour, Crystal n’avait jamais retiré lemoindredollar.
—MêmesiBaileyetmoiavionsgardécontact,ellenem’auraitpasditcequetufaisais,seulementcommenttulefaisais.C’étaitnotreaccord,tutesouviens,Bane?
—TuauraispuappelerDil,objecta-t-ilenlatoisant.Ilnotaitsansdouteleschangementsenelle,commeellel’avaitfaitaveclui.Ildevaitsedirequ’elle
n’étaitplus la jeune fillededix-huitansqu’ilavaitépousée,maisune jeune femmedevingt-troisans.Ellelesavaitfêtésdeuxsemainesplustôt.Sesouvenait-ilencoredesonanniversaire?
—Non,jenepouvaispasappelertonfrère,niaucunautremembredetafamilled’ailleurs,ettusaispourquoi.Ilsmereprochentdet’avoirattirédesennuis.
Elle consulta de nouveau samontre. Il avait dit être venu pour tenir sa promesse. Si c’était parobligation,elle l’en libérerait.Mêmesidemander ledivorcen’avaitpasétéson intention initiale,elleétaitcertainequ’ilysongeaitmaintenant.Etpourquoipas?Ilssecomportaientcommedesétrangers,etnoncommedeuxêtresautrefoissiéprisqu’ilss’étaientenfuisensemble.Pourquoinesejetaient-ilspasl’unsurl’autre?Pourquoicesquelquesmètreslesséparaient-ils?Laréponseàcesdeuxquestionsétaitd’uneclartésibrutalequ’elledutravalerseslarmes.
CommeBanel’avaitadmis,ilavaitchangé.C’étaitunSeal.Aprésent,ellen’étaitplussapriorité.Ilavaitchoisicequ’ilvoulaitvraiment.
—Crystal,j’aiunequestionàteposer,dit-il,interrompantlefildesespensées.
—Laquelle?—Pourquoiétais-tuarméequandtuasouvertlaporte?
***
Baneavaitdûfaireappelàtoutesamaîtrisepournepastraverserlapièceetprendresonépousedans ses bras. Combien de fois avait-il rêvé de cemoment ?Mais les choses ne se déroulaient pascommeill’avaitespéré.
IlavaitécoutélesconseilsdeZane,etnel’avaitpasprisedanssesbrasniconduitedanslachambrelaplusproche.Maisilavaitespéréavoiraumoinsunbaiser,uneaccolade…quelquechose.Maisellerestait là, comme si elle ne savait pas comment interpréter sa venue.Et il ne comprenait toujours paspourquoi elle supposaitqu’ilvoulaitdivorcer, justeparcequ’il avaitdit avoir changé. Il avait changépour devenirmeilleur, non seulement pour lui-même,mais aussi pour elle.Aprésent, il avait quelquechoseàluioffrir.Ilpouvaitluidonnerlaviequ’ilméritait.
Ellesemordillalalèvre,cequiétaitchezelleunsignedenervosité.Commeelleétaitsplendide!Letempsn’avaitfaitquerenforcersabeauté.Etd’oùvenaienttoutescescourbesvoluptueuses?
Elle portait un jeanmoulant, un pull et des bottes.Elle était l’incarnation de la douceur et de laféminité. Ses cheveux autrefois très longs atteignaient à peine ses épaules, et cette nouvelle coupe luiallaitàmerveille.Elleétaittoutbonnementmagnifique.Commentavait-elleréussiàgarderleshommesàdistance?Nombred’hommesluiavaientsûrementtournéautouraufildutemps.
Ilmourait d’envie de caresser tout son corps, comme autrefois. Il donnerait tout pour passer lesmainssurlacourbedeseshanches,desonpostérieur,pourprendresesseinsencoupe.
—L’arme?demanda-t-elle.Sa question le ramena à leur conversation. C’était sans doute mieux ainsi, puisque ses pensées
érotiquesl’excitaientterriblement.—Oui. Je t’ai vue sortir de ta voiture, et tu semblais nerveuse. Il se passe quelque chose ?Un
hommeteharcèleoutesuit?Ellehaussaunsourcil.—Unhommequimesuit?Qu’est-cequitefaitpensercela?Ilsoutintsonregard.—Jetel’aidit,j’airemarquéquetuétaisnerveuseet…—Oui,j’avaiscompris,coupa-t-elle.Maisqu’est-cequitefaitpenserqu’unhommemesuit?—Tuesunefemmemagnifique.Tul’astoujoursété,Crystal.Ettul’esencoreplusaujourd’hui.Ellesecoualatête.—Magnifique?Tun’exagèrespasunpeu,Bane?—Jenecroispas.Soisfrancheavecmoi.Unhommetesuit-il?Est-cepourcelaquetuavaisune
arme?Etcettevalise?Tuvasquelquepart?Ellebaissalesyeuxethaussalesépaules.—L’arme,c’estpourmeprotéger.Baneavaitlesentimentqu’elleneluidisaitpastout.Quandilétaitentréchezelle,ilavaitremarqué
la valise,mais son esprit s’était concentré sur elle, fasciné par sa beauté.Cette version plusmûre deCrystalaffolaitsoncœur.Celafaisaitlongtemps.Troplongtemps.
Ilreportasaconcentrationsurcequ’ellevenaitdedire.—Tuasunearmepourteprotéger…jepeuxlecomprendre,mêmesicequartiersembleassezsûr.
Maisçan’expliquepaspourquoituétaisprêteàtirer.Quelqu’unestdéjàentrécheztoipareffraction?—Non.—Alors,quesepasse-t-il?
Même après tout ce temps, il savait encore lire en elle comme dans un livre ouvert. Elle avaittendanceà sepasser la langue sur les lèvresquandelle était nerveuse, et à sebalancerd’unpied surl’autre.Sansdoutecherchait-ellecommentesquiversaquestion.Celaneluiplaisaitguère.Crystaletluin’avaientjamaiseudesecretsl’unpourl’autre.Alors,pourquoimaintenant?
—Aprèstoutcetemps,tun’aspasledroitdemedemanderquoiquecesoit,Bane.Tuastort,chérie.Sansréfléchir,ileffaçaladistanceentreeux.—Jepenseavoircedroit.Tantquenoussommeslégalementmariés,Crystal,j’aitouslesdroits.Ellelevalementon,sepinçantleslèvres.—Soit.Danscecas,nouspouvonsdivorcer.—Horsdequestion.Il se passa la main sur le visage. Que se passait-il ? Non seulement ces retrouvailles ne se
déroulaientpascommeillesouhaitait,maisellesvenaientdeprendreunemauvaisetournure.Illadévisagea,stupéfaitqu’ellerefusederépondre.—Jetereposelaquestion,Crystal.Quesepasse-t-il?Pourquoicettearmeetcettevalise?Commeellegardaitlesilence,l’airbuté,ilposalaquestionqu’iln’avaitpasvouluposerjusqu’à
maintenant.Etilespéraitfichtrementquelaréponsesoitnon.—Fréquentes-tuunhommequitefaitdesproblèmes?
-3-
CrystalfutdésarçonnéeparlaquestiondeBane.Elleavançad’unpas,effaçantlepeudedistancequirestaitentreeux.
—Sijefréquentequelqu’un?Tum’accusesd’êtreinfidèle?s’indigna-t-elle.—Jenet’accusederien,rétorqua-t-ilsuruntontoutaussiindigné.Maisjetrouveétrangequetu
refusesdemerépondre.Pourquoitantdemystères?Tun’asjamaisagiainsiavecmoiauparavant!Non, en effet.Mais leBane qu’elle connaissait, l’homme qu’elle avait aimé plus que sa vie, ne
l’auraitpasoubliéependantdesannées.Ilauraitremuécieletterrepourlaretrouver.—Tun’espasleseulàavoirchangé.Toutcommetun’espluslemême,jenesuispluslamême.Ilsrestèrent là,àsedéfierduregard.Soudain, lecorpsdeBaneeffleura lesien,etelleeneut le
souffle coupé. Le contact avait été électrique. Son esprit fut soudain assailli par les souvenirs de ladernièrefoisoùilss’étaienttouchés,lorsdeleurnuitdenoces.Ellerevitleursdeuxcorpsnus,enlacés.Celasuffitàfairenaîtreunfeuaucreuxdesonventre.
—Tun’espeut-êtreplus lamême,dit-il,brisant lesilenced’unevoixgrave,mais tum’esrestéefidèle.
Ilyavaitunetellecertitudedanssavoix.Commentétait-cepossible?Biensûr,ilavaitraison.—Oui,c’estvrai.Ilacquiesça.—Etavantquelesdoutescommencentàassombrirtonjolivisage,laisse-moitedirequejetesuis
restéfidèle,moiaussi.Impossible.Ilavaitsansdouteessayé,maisellesavaitquecertainshommesvoyaientlesexecomme
unenécessité.ElleétaitbienplacéepoursavoiràquelpointBaneappréciaitcelaautrefois.Iln’yavaitpasde raisondepenserque lenouveauBaneaitchangésurceplan. Il suffisaitde le regarder. Ilétaittellement plusmasculin, plus viril !Même s’il n’avait pas courtisé de femmes, il s’était sûrement faitcourtiser.
—Maintenantquenousavonséclaircicepoint…Ah,oui?—Passivite,protesta-t-elle.LorsquelecorpsdeBaneeffleuralesiendenouveau,elletentadenepasyprêterattention.L’avait-
ilfaitexprès?Etpourquoiaucund’euxn’avait-ilreculé?—Qu’est-cequit’apermisdenepasdevenirfou?—Fou?—Tusaisbiencequejeveuxdire.Ilparaîtqueleshommesontbesoindesexetrèssouvent.Lesourirequ’ilesquissamitsessensenalerte.
—Rappelle-moidet’expliquercommentcelafonctionneuneautrefois.Pourl’instant,revenons-enausujetprécédent.Pourquoicerevolveretcettevalise?
C’étaitdeceladontilvoulaitparler?Peut-êtreétait-cemieuxainsi.Elledevaitappeleruntaxietserendreàl’aéroport.Ettoutcomme
ellenevoulaitpasimpliquer tanteRachelnisamère,ellenevoulaitcertainementpasimpliquerBane.Elleauraitpeut-êtredûmentiretprétendrequ’ellefréquentaitunautrehomme.Ilseseraitmisencolère,serait parti, et elle serait libre de faire ce que lemessage lui avait conseillé, c’est-à-dire disparaître.Quoiqu’ilsepasse,c’étaitsonproblème,etnonceluideBane.
Ellesemordillalalèvre,tentantdetrouveruneexplicationplausibleetquinesoitpasvraimentunmensonge.
—Jeparsenvoyage.Illaregardad’unairincrédule.—Pourletravailoupourleplaisir?—Letravail.—Oùvas-tu?LesBahamasétaientunedestinationpeucrédiblepourunvoyageprofessionnel.—Chicago,mentit-elle.—Bien.Jeviensavectoi.Ellesesentitsubmergéeparl’angoisse.—Commentça?— Je suis en congé, alors je peux venir, répondit-il calmement. Et puis, il est temps que je
réapprenneàteconnaître,etjeveuxquetuapprennesàmeconnaître.Elleinspira,sentantqu’elleperdaitpied.Ceregardnoisetteavaittoujoursétésafaiblesse.Ellesutqu’elleétaitperduequandBanedemandad’unevoixrauque:—Tuveuxapprendreàmeconnaîtredenouveau,n’est-cepas,CrystalGayle?Apprendre à connaîtreBrisbaneWestmoreland la première fois avait été comme un tour sur des
montagnes russes, et elle avait adoré cela.Apprendre à connaître le nouveauBane serait encore pluseuphorisant. Car à présent, elle pourrait apprécier cette aventure comme une femmemaîtresse de sondestin, et non commeune jeune fille dont la vie était dictée par ses parents.Elle étaitmaintenant unefemmeplusâgée,plusmûre,capabled’apprécierpleinementlanatureexplosivedeleurrelation.
Commes’ilavaitdevinésespenséesetqu’ilvoulaitlaconvaincre,ilcaressasonvisageduboutdel’index.
—Jeveuxvraimentapprendreàteconnaîtredenouveau,Crystal.Puis,ilseplaquacontreelle.Ellesentitsonsexeenérectionappuyercontresonventre,etledésir
brûlant qu’elle avait tenté de calmer depuis des années resurgit, la forçant à ravaler un gémissement.Quand il tira sur unemèche de ses cheveux, des sensations qu’elle n’avait pas éprouvées depuis desannéesfusèrentenelle.
Ellefixasesyeux.Ceregardnoisettel’avaitlittéralementfoudroyéelapremièrefoisqu’ellel’avaitcroisé.C’étaientlesyeuxdeBane.SonBane.Etilvenaitd’avouerqu’illuiavaitétéfidèletoutcetemps.Celavoulaitdirequ’ilavaitcinqansdedésiraccumuléenlui.Lapenséeprovoquauneondedechaleurenelle.
Il cala sesgenouxentre les siens,pressantdavantagecontre elle son sexeengorgé.L’avait-il faitexprèsounon,ellel’ignorait.Unechoseétaitcertaine:siellenereprenaitpaslecontrôledesessens,elles’offriraitàlui.Etcen’étaitpasunebonneidée.Carelleneleconnaissaitplus.
Ilsepenchalentement,trèslentement.Surceplanaumoins,iln’avaitpaschangé.Ill’avaittoujourslaisséechoisirlacadence,pournepasprofiterdufaitqu’ilétaitplusâgéetplusexpérimenté.Elleavait
toujourssuqu’ilavaitconnud’autresfillesavantelle,maisilavaitétésonpremieramant.Etill’avaittoujourstraitéeavectendresse.
Illalaissaitprendrelecontrôleàprésent.Acetinstant,ellesefichaitqu’ilsaienttousdeuxchangé;toutcequiluiimportait,c’étaitdesentirsesmainssurelle,d’avoirsalanguedanssabouche.Pourêtretout à fait franche, elle en voulait encore plus, mais elle se contenterait de ces deux choses pourl’instant…mêmesiellesavaitqu’iln’yauraitsansdoutepasdeplustard.
Lorsqu’ellepenchalatête,ellerefusadepenseràquoiquecesoitd’autrequ’àcequ’ellevoulait,cedontelleavaitbesoin,cedontelleavaitdûsepasserpendantsilongtemps.EllepassalesbrasautourdesépaulesdeBaneetsehissasurlapointedespieds,avantdeplaquersabouchesurlasienne.
***
Baneignoraitcequiétait leplusdangereux.Prendred’assautunbastionextrémisteaucœurdelanuit,ouembrasserenfinCrystalaprèsdesannéesdeprivation.Cen’étaitpaslemomentderéfléchir.Ilferaitmieuxdeprofiterdel’instant.
Leurslèvress’épousaientàlaperfection.Etilétaitheureuxqueletempsn’aitpasémousséledésirquiavaittoujoursexistéentreeux.
Quandelleglissalalanguedanssabouche,lessouvenirsdeleurdernierbaiserluirevinrent.C’étaitarrivédurant leurnuitdenoces,dansunpetithôtelenUtah. Il sesouvenait trèspeude lachambre,etsurtoutdecequ’ilsavaientfaitentrecesquatremurs.
Aujourd’hui, ils secréaientdenouveauxsouvenirs. Il avait imaginé,attenduetespérécemomentdepuis si longtemps ! Lorsqu’elle approfondit le baiser, il l’enlaça et l’attira plus près, savourant lasensationdesoncorpsplaquécontrelesien.
Ilavaittoujoursadorésasaveur.Quandellejouaavecsalangue,ilsentitsoncœurcognerdanssapoitrineetsonsexepulsersoussafermetureEclair.Iltentadesemaîtriser.Maisc’étaitau-dessusdesesforces,aprèscinqannéessanselle.
Ilrepritalorslesrênesdeleurétreinte,capturantsaboucheavecuneaviditéqu’ilressentaitdanstoutsoncorps.
Encet instant, lamêmepenséequecellequi l’avaitobsédé le jourde leurmariageoccupait sonesprit:Crystalétaitàlui.C’étaitindéniable,incontestable,indiscutable.
Ilsavaitqu’ildevraitserefréner;sinon,ilfiniraitparl’entraînerverslachambre,cequ’ilnedevaitsurtoutpasfaire…Maiscebaiseravaitprovoquéenluidessensationssidélicieusementenivrantesqu’ilparvenaitàpeineàréfléchir.
Il avait conscience de s’engager dans une mission plus dangereuse que toutes celles qu’il avaitvécuesentantqueSeal.Crystalétaitàlafoissafaiblesseetsaforce.Elleétaitunedouleurqu’ilavaittoujoursvouluapaiser.D’unecertainemanière,ildevaitluiprouverquetousleschangementsqu’ilavaitopéréscescinqdernièresannéesétaientbénéfiques, etqu’ils leurprofiteraient à tous lesdeux.Sinon,cettelongueséparationn’auraitserviàrien.Ilrefusaitd’acceptercetteidée.
Avecréticence,ilmituntermeàleurbaiser.Maisiln’étaitpasencoreprêtàlalâcher.Sesmainss’aventurèrentavecaudacedesatailleverssonpostérieur.AprésentqueCrystalétaitderetourdanssavie,ilnepouvaitimaginerqu’elleensortedenouveau.
Voilàpourquoiilrépétad’untonrésolu:—JeviensàChicagoavectoi.
***
Seremettantdoucementdeleurétreinte,CrystalrejetalatêteenarrièreetobservaBane.Elleavaitposéles lèvressur lessiennes.Mêlésa langueà lasienne.EtBaneluiavaitrendusonbaiseravecundésirégal.Desvaguesdepassionl’avaientsubmergée,etelleavaitbienfaillisenoyer.
Maismaintenant,elleavaitreprislecontrôlesursessens,etlesmotsqu’ilavaitprononcésétaientparvenusjusqu’àsoncerveau.IlétaithorsdequestionqueBanelasuive.Elles’apprêtaità le luidirequandsontéléphoneportablesonna.Elleseraidit.Ilétaitrarequ’ellereçoivedesappels.Quicherchaitàlajoindre?
—Tucomptesrépondre?murmura-t-il,déposantunbaiserdanssoncou.Elledéglutit.Devrait-ellerépondre?C’étaitpeut-êtrelacompagnieaérienne.Elleavaitlaisséson
numéro,aucasoùlevolétaitretardéouannulé.—Oui,dit-elle.Elle alla prendre le téléphone sur la table, à côté de l’arme. Voir son revolver lui rappelait ce
qu’elledevaitfaire,etpourquoiellenepouvaitlaisserBaneladistraire.—Allô?— N’essayez pas de fuir, mademoiselle Newsome. Nous vous retrouverons, assena une voix
masculine.Puis,elleentenditunclicquimarqualafindel’appel.Soncœurbattitdouloureusementdanssapoitrine.Quiétait-ce?Commentcethommeavait-ileuson
numéroprivé?EllesetournaversBane.Quelquechosedanssonregardavaitdûtrahirsontrouble,carilseprécipitaverselle.
—Crystal,quesepasse-t-il?Elle prit une grande inspiration, ne sachant que faire, que dire. Elle le dévisagea tout en se
mordillant la lèvre. Devrait-elle lui expliquer toute l’histoire ? Le message indiquait de ne faireconfiance à personne, mais comment ne pas se fier à la seule personne en qui elle ait jamais euconfiance?
—Jenesaispas,avoua-t-ellecalmement.Ellepritsonsacetensortitlemessage.— J’ai trouvé ce mot au travail aujourd’hui, dit-elle, lui tendant le papier. Et j’ignore qui l’a
envoyé.Elleluilaissaletempsdelirelemessage.—Hier,dit-elle,quelqu’unaouvertmoncasierautravail,etaujourd’hui,j’airemarquéqu’onme
suivait.—Ontesuivait?—Oui. J’ai d’abord cru que jeme faisais des idées,mais quand j’ai vu que le conducteur était
toujoursderrièremoi,jel’aiseméprèsd’undescentrescommerciauxlesplusfréquentésdelaville.—Etcetappel?demanda-t-ilensondantsonvisage.Elleluirépétacequel’hommeluiavaitdit.—J’ignorequic’était,etcommentilaeumonnuméro.Ilgardalesilencependantuneminute.—Est-cepourcelaquetuasfaittavalise?Tudisparaiscommelemessagetel’ordonne?—Oui.Cestypesontditquedeschosesbizarrespouvaientseproduireet…Ilfronçalessourcils.—Quelstypes?—Lemoisdernier,alorsquejedéjeunaisdansunrestaurantprèsdutravail,j’aiétéapprochéepar
deuxagentsgouvernementaux.Ilsm’ontmontréleurscertificats.IlsconnaissaientleprojetsurlequeljetravaillechezSeton,etm’ontavertiequelaSécuritéintérieurecraignaitquemestravauxnetombententre
demauvaisesmains. Ilsm’ontoffertde travaillerpourun laboratoiredeWashington,avecdeuxautreschimistesquieffectuentdesrecherchessimilaires.
—Et?—J’aidéclinéleurproposition.Ilsontacceptémaréponse,maisilsm’ontprévenuequedesgens
auxintentionscriminellesferaienttoutpourmettrelamainsurmesrecherches.Ilsm’ontlaisséleurcartedevisiteetm’ontditdeleurtéléphonersiquoiquecesoitd’étrangeseproduisait.
—Ettul’asfait?—Non. Après avoir lu ce message, je ne savais plus à qui me fier. A ce stade, cela inclut la
Sécuritéintérieure.—Tuasencoreleurcarte?—Oui.—Jepeuxlavoir?—Oui,dit-elle,fouillantdanssonsac.Elleluitenditlacarte,qu’ilétudiaavantd’enprendreplusieursphotosavecsontéléphoneportable.—Qu’est-cequetufais?interrogea-t-elle.— Je vérifie si ces types sont ce qu’ils prétendent être. J’envoie ça à quelqu’un qui pourrame
renseigner.Illuirenditlacarte.—Surquelgenrederecherchestravailles-tu?Ellemarquauntempsavantderépondre.—Surunetechniquepermettantderendrelesobjetsinvisibles.
-4-
Banehaussaunsourcil.—Tesrecherchesportentsurlacapacitéàrendrelesobjetsinvisibles?— Oui. Mes travaux ne sont pas encore tout à fait aboutis, mais je vais bientôt procéder aux
premierstests.En tant que Seal, Bane était au courant des dernières avancées technologiques, surtout dans le
domainemilitaire.Mais iln’avait jamaispenséque lesobjetspouvaientdevenir invisibles. Ilpouvaitimaginerlechaosquecelacauserait,siuntelprocédétombaitentredemauvaisesmains.
—Ettupensesquecemessageestsérieux?s’enquit-il.—Sij’endoutaisauparavant,cetappelmeleprouve.C’estpourcetteraisonquejepars.—Etc’estpourcetteraisonquejeviensavectoi.—Tunepeuxpas,Bane,etjen’aipasletempsdemedisputeravectoiàcesujet.Jedoisallerà
l’aéroport.Sedisputer?Ilsongeatoutàcoupqu’ilsnes’étaientjamaisdisputés.Ilsavaienttoujoursétéenphase.Leconcept
mêmededésaccordentreeuxluisemblaitinsensé.Toutefois,ilétaitlogiquequ’ilsnesoientpasentotaleharmonie,puisqu’ilsétaientdifférentsàprésent.
Maisill’accompagnerait:c’étaitnonnégociable.—Commentcomptais-tualleràl’aéroport?Avectavoiture?—Non,j’allaisappeleruntaxi.—Danscecas,jet’emmène.Nousdiscuteronsenchemin.—D’accord,laisse-moiletempsdetoutfermer.Jen’enaipaspourlongtemps.Illasuivitduregardtandisqu’elleallaitdepièceenpiècepouréteindreetdébrancherlesappareils
électriques. Elle avait toujours eu une jolie silhouette,mais la femme qu’elle était devenue avait descourbesàsedamner.Auxquellesilsentaitsoncorpstropheureuxderéagir.
Toutàl’heure,elleluiavaitdemandécommentiln’étaitpasdevenufoumalgrél’abstinence.Etelle,commentavait-ellefait?Elleavaittoujoursappréciéleursébats,etilétaitconvaincuquelaseuleraisonpourlaquelleellen’étaitpastombéeenceinte,c’étaitparcequ’ilavaittoujoursprissesprécautions.Unegrossessesurpriseauraitétécompliquéeàgérerpourlesadolescentsqu’ilsétaientalors.
Lorsqu’ellesepenchapourramasserquelquechosesurlesol,lafaçondontlejeans’étirasursonpostérieurrebondiprovoquaunedéchargededésirenlui.Ilprituneprofondeinspiration.Cen’étaitpasle moment de se dire que sa femme était incroyablement sexy. Il devrait plutôt songer à découvrirl’identitédel’hommequilafaisaitfuir.Quiquecesoit,ilauraitaffaireàlui.
—Aumoins,jevaislàoùilyabeaucoupdesoleil.
Vraiment?Pensait-ellehonnêtementqu’ilyavaitdusoleilàChicagoàcetteépoquede l’année?Ellecroisasonregard,etilsutqu’ellevenaitdecommettreunebévue.
Ilsesouvintalorsque,mêmesiCrystaletluiavaientprisl’habitudedementiràleursfamillespourêtreensemble,elleneluiavaitjamaismenti,etinversement.
Ilsedirigeaverselle.—Tum’asmentisurtadestination,n’est-cepas?Elleprituneprofondeinspiration,etilputentendresoncœurbattre.Ilbattaitvite,etfort.Etait-ce
parcequ’il l’avaitsurpriseenflagrantdélitdemensonge,ouparcequesaproximitélatroublait?Lui-même était troublé. Alors qu’il devrait être perturbé par ses mensonges, il n’avait qu’une envie,l’embrasserdenouveau.
—Oui,j’aimenti.JenevaispasàChicago,maisauxBahamas.Maisc’étaitpourtonbien.—Pourmonbien?—Oui.Autrefois,jet’aiattiréquantitéd’ennuis.Maintenant,tuesunSeal,etjeneveuxpasquetu
aiesd’autresproblèmesàcausedemoi.Il ladévisagea.Nesavait-ellepasquetoutcequ’ilavaitfaitautrefois, il l’avaitfaitdesonplein
gré?Al’époque,ilauraittoutdonnépourêtreavecelle.Illuiavaitétéimpossiblederesterloind’ellecomme son père l’avait exigé. Les parents de Crystal ne leur avaient même pas laissé une chance,uniquementparcequeBaneétaitunWestmoreland.MêmesiCarlNewsomeavaitprétenduquel’âgedeBaneavaitétélaraisonprincipale,Baneenavaittoujoursdouté.
Tout le monde savait à quel point Bane aimait Crystal. Certains membres de sa famille avaientmêmecruqu’ilétaitfou,etd’unecertainefaçon,ill’avaitété.Foud’amour.
—Crystal,cessedepenserquetueslaraisonpourlaquellej’étaisuntelvaurienautrefois.Quandje t’ai rencontrée, j’avais déjà des ennuis avec la justice.En fait, quand je t’ai connue, j’ai eumoinsd’ennuis.
—Cen’estpasainsiquejevoisleschoses,répliqua-t-elle,incrédule.—Tu te souviens de ce dont tes parents voulaient que tu te souviennes.Oui, j’ai défié ton père
chaquefoisqu’iltentaitdenousséparer,maisjen’étaispasungangster.Ilsourit.—Dumoins,reprit-il,pasaprèst’avoirrencontrée.Avectoi,j’étaisdifférent.Tuasmêmemisle
doigtsurlaraisonpourlaquellej’étaissirebelle.C’esttoiquiassoulignéquec’étaitenrapportaveclamort de mes parents, de ma tante et de mon oncle dans cet accident d’avion. Notre chagrin nous asubmergés,Bailey,lesjumeauxetmoi.Fairelesquatrecentscoups,c’étaitnotreexutoire.Celaprouveàquelpointtuétaisintelligente,déjààl’époque.Tutesouviensdetoutesnoslonguesdiscussions?
—Oui,surlebas-côtédelaroute,oudansnotrerepaire.Nosfamillespensaientquetouteslesfoisoùleshérifnousretrouvait,nousnousembrassions,ouplus,danstonpick-up.Pourtant,nousnefaisionsque discuter. J’ai tenté de l’expliquer à mes parents, mais ils refusaient de m’écouter. Tu étais unWestmoreland,etilsprésumaientlepire.Ilscroyaientàtortquej’avaisuneviesexuelle.
Il s’en souvenait.Manquer les cours était presquedevenu lanormepour eux,mais tout cequ’ilsavaientfait,c’étaitdiscuter.Ilavaitvouluattendrequ’ellemûrisseavantd’avoirdesrelationssexuelles.La première fois qu’ils avaient fait l’amour, elle avait dix-sept ans. A l’époque, ils étaient ensembledepuisdeuxans.
Aumoins,DillonavaitcruBanequandilavaitaffirménepas l’avoir touchée.Mais ilsavaitqueBane etCrystal finiraient par avoir des relations sexuelles.Dillon avait eu l’intelligencedenepas leréprimander,etd’attirersonattentionsurlanécessitéd’êtreresponsableetdeseprotéger.
Banen’oublierait jamaisleurpremièrefois.Etellen’avaitpaseulieuàl’arrièredesonpick-up.Banel’avaitemmenéeauchaletqu’ilavaitconstruitpourelle,enguisedecadeaupoursondix-septièmeanniversaire.Ill’avaitbâtisurleterraindontildevaithériter.
Celaavaitétéunenuitextraordinaire,qu’iln’oublieraitjamais.Cettelongueattenteavaitfaillilesrendrefous,maisauboutducompte,ilsavaientsuqu’ilsavaientfaitlebonchoix.C’étaitlorsdecettenuitqueBaneavaitsuqueCrystalseraitàluipourtoujours,etqu’ilferaitd’ellesafemme.
D’ailleurs,c’étaitpendantcettemêmenuitqu’il luiavaitdemandédel’épouser, lorsqu’elleauraitfinisonannéeaulycée.Elleavaitaccepté.Maisensuite,lasituationentreCrystaletsesparentsavaientdégénéré,etleschosesnes’étaientpaspasséescommeilsl’avaientimaginé.
Crystalmanquantdeplusenplusdecours,sesparentsavaientmenacédefairejeterBaneenprisons’ilpénétraitsurleurpropriété.Alors,Crystaletluis’étaientenfuispoursemarier,plustôtqueprévu.Banen’auraitjamaiscruquesesparentsenverraientCrystaldansunautreEtat,aprèsqueleshérifHarperlesavaitretrouvés.
BaneavaitfaillidireàtousqueCrystaletluiétaientmariés,etquepersonnen’avaitledroitdelesséparer.Maisilétaitconscientques’ilrévélaitleurmariage,Crystalneretourneraitjamaisencours.Or,ilétaitbienplacépoursavoiràquelpointelleétaitbrillante.
Alors,ilavaitdécidédesesacrifieretdelalaisserpartir.Celaavaitladécisionlaplusdifficiledesavie.Heureusementpourlui,BaileyavaitmisàprofitsestalentsdepickpocketetdérobéletéléphonedeM.NewsomepourobtenirlenumérodelatantedeCrystal.
—Jedois partir,Bane, dit-elle, l’arrachant à ses souvenirs. Je te donneraimonnuméro, et nouspourronsdiscuterquandjeseraiarrivéeàdestination.
Elleajoutarapidement:—Jet’appelleraiàmonarrivéeauxBahamaspourtefairesavoirquejevaisbien.Illadévisagea.Al’évidence,ellen’avaittoujourspascompris.Ilétaittempsqu’ilmetteleschoses
auclair.—Crystal, si tu penses que je vais te laisser partir seule, alors tu neme connais vraiment pas.
Autrefois, je t’ai laisséepartirquand tonpère t’aéloignéedemoi, car jepensaisquec’étaitpour tonbien.Maiscettepériodeestterminée.Jerefusequenoussoyonsdenouveauséparés.
Aenjugerparsonairrenfrogné,ellen’étaitguèreenchantée.Elles’apprêtaàrépondre,maisilneluienlaissapasletemps.
—Jesaisqueçafaitcinqans,etquenousavonschangé,dit-il.Maisilyaunechosequin’apaschangé.
—Laquelle?demanda-t-elled’untonagacé.—Quoiqu’ilarrive,nousfaisonsbloc.C’estainsiquecelaatoujoursétéentrenous,non?—Oui,maisc’étaitavant,Bane.—Etc’estainsimaintenant.Noussommesmariés,luirappela-t-ilentouchantlependentifqu’illui
avaitoffertlejourdeleurmariage.Voirqu’elleleportaitencoresignifiaitbeaucouppourlui.—Nousfaisonsbloc,Crystal.Compris?
***
Pendantuneminute,Crystalgardalesilence.—Oui,j’aicompris,marmonna-t-elleenfin.Car ilavaitétéonnepeutplusclair.Ellen’avait jamaisaiméêtredirigée,et il le savait,c’était
pourquoiilnel’avaitjamaisfaitauparavant.Autrefois,ilsprenaienttoutesleursdécisionsensemble.MaisaveclenouveauBane,ilétaitdifficiledenégocier.Necomprenait-ilpasqu’iln’étaitpasdans
sonintérêtdelasuivre?Sans ajouter un mot, elle se dirigea vers la cuisine pour vérifier que la porte de service était
verrouillée.Elleavaitbesoind’êtreseule.Etd’êtreloindelui.Sonarrivéeinattendueavaitbouleversé
sonmonde.Dès qu’elle fut hors de son champ de vision, elle s’appuya contre le comptoir de la cuisine et
soupira, tandis que tout son corps bourdonnait. L’homme qu’elle avait aimé était enfin de retour.Uneheureplustôt,elles’apprêtaitàdisparaître,etmaintenant,elleétaitfaceàBane.Ilsavaientétéséparéssilongtempsqu’elleavaitcru…Quoi?
Qu’iln’étaitpasrevenupourelle.Maissielleavaitdoutélerevoirunjour,pourquoin’avait-ellepasrefaitsavie?
Ilyavaitbeaucoupdequestionsensuspens.Pourquoiavait-ildécidédedevenirSeal?Demettresavie en jeu à chaque mission ? Surtout, pourquoi avait-il voulu s’engager dans une carrière quil’éloignerait d’elleplus longtemps?Etpourquoi s’était-ilmontré aumomentprécisoù savie était enpleinchaos?
Pourcouronnerletout,ilvoulaitprendreleschosesenmain,commes’ilavaittoujoursétéprésent.Commesiellenesavaitpascequ’ellefaisait!Commesiellenes’étaitpasdébrouilléesansluitoutescesannées!
—Tuasbesoind’aide?lança-t-il.Elleserralesdents.—Non,çaira!Ellevérifialaserruredelaporte.Qu’attendait-ild’elle?D’eux?Direqu’aprèsdixminutesenprésence l’unde l’autre, ils s’étaientembrassés !Unbaiserqu’elle
avait initié.Baneavaitpeut-êtrefait lepremiergesteenbaissant la tête,maisc’étaitellequiavaitunileurslèvres.Leseulfaitdepenseràcebaiserfitnaîtreuneondedechaleurenelle.Cetteétreinteavaitprouvésanscontestequ’ilsétaienttoujoursattirésl’unparl’autre.Cebaiseravaitaffolétoussessens.Elleétaitsûred’avoirencorelasaveurdeBanesurseslèvres.
Ecartantunemèchedesonvisage,elle regagna le salon.Baneobservait lesphotosposées sur lemanteaudelacheminée.Exceptéunephotodesesparents,touteslesautresétaientdesphotosdelui,oud’elleetdelui.
Lorsqu’ilseretourna,leursregardssecroisèrent.Elleenoubliapresquederespirer.Elleprituneprofondeinspiration,curieusedesavoircequ’ilpensait.S’était-ilsouvenudechaquemomentcapturésurcesphotos?Serappelait-ilàquelpointilsavaientétéamoureux?Serendait-ilcompteque,mariésounon,ilsavaientchangé,etdevaientréapprendreàseconnaître?
Ledevraient-ils?Lepouvaient-ils?Ellecherchasesaffairesduregard.—Tuasdéjàsortimavalise?—Oui.—Jen’airienentendu!s’étonna-t-elle.Pasmêmelebruitdelaportequis’ouvre.Ilesquissaunsourire.—C’estcommeçaqu’unSealopère.Oh!Seigneur!Cesourireavaitlepouvoirdelafairefondre.Elleavaitenviedeseprécipiterà travers lapièceetdese jeterdanssesbras,commeautrefois.
Maisellenelepouvaitpas.Tropd’obstacleslesséparaient.
-5-
—Jesuisnavrépourtonpère,Crystal,ditBaneunefoisqu’ilsfurentsurl’autoroute.Mêmesinousnenousentendionspas,c’étaittoutdemêmetonpère.
Ilsentaitsonregardsurlui.Ilavaitbienenviedequitterlaroutedesyeuxpourlaregarder,maisc’étaitunemauvaise idée.Crystal était splendide, et chaque foisqu’ilposait lesyeux sur elle, il étaitsubmergédedésir.Or,ildevaitgarderlatêtefroide,pourlaconvaincredelelaisserl’accompagner.
—Merci.Quandilm’aenvoyéecheztanteRachel,çaaagrandilefosséentrenous,maisnousnoussommesréconciliésavantsamort…dumieuxquenouslepouvions,étantdonnétoutcequis’étaitpassé.
Ellemarquaunepause.—Ilm’amêmeditqu’ilm’aimait,Bane.Etjeluiaiditquejel’aimais.Lefaitqu’ilmelèguele
ranchaétéunegrandesurprise,carilavaitditqu’illevendrait,pours’assurerquejen’aieaucuneraisondereveniràDenver.Aprèssamort,j’aidécouvertqu’ilmel’avaitlégué.J’ignoraisqu’ill’avaitencore,jepensaisqu’ill’avaitvenducommeill’avaitdit.
Banel’avaitsupposéaussi.Depuisdesannées,leranchdesNewsomeétaitdésert,maisBaneavaitsimplementcruquelesréparationsnécessairesn’avaientpasfacilitélavente.
Ilyavaitautrechosequ’iltenaitàluidire.—C’estadmirablequetupréparesundoctorat,Crystal.Pourquelqu’unquiprétendaitdétesterles
études,c’estunesacréeréussite!—Pastantqueça.Puisquejen’avaispasdevie,j’aidécidéd’étudieràpleintemps.Toutel’année,
sansm’arrêter.Etquandj’aipasséuntestd’entréeàl’université,ils’estavéréquejen’avaispasbesoindesuivrecertainscours.Mesparentsétaientheureuxquejemeconcentredenouveausurmesétudes.
Etnonsurlui,songea-t-il.—Commentas-tufait?demanda-t-il,posantlaquestionquiletaraudaitdepuistoutàl’heure.—Quoidonc?—Commentas-tu réussi àgarder lesgarçonsàdistance?Tuesune trèsbelle femme,et je suis
certainquebeaucouponttentédeteséduire.Il lui lançaun regard, et constata que le compliment l’avait fait rougir. Il était sincère.Elle était
d’unetellebeautéquelesmotsnepouvaientladécrire.—Ilsmelaissaienttranquille,carilsmecroyaienthomosexuelle.Ilfaillitsedéportersuruneautrevoie.—Jetedemandepardon?dit-ilenserrantlevolant.— Ils me pensaient homosexuelle. Je n’avais pas de petit ami, alors que pouvaient-ils penser
d’autre?Larumeuracommencéàl’université,quandj’airefusétoutesleursavances,mêmecellesdes
joueurs de l’équipe de football, pourtant si populaires sur le campus. Ils en ont conclu que s’ils nem’intéressaientpas,c’étaitparcequej’étaisportéesurlesfemmes.
—Pourquoineleuras-tupasditquetuétaismariée?—Aquoibon,avecunmariquin’étaitjamaislà?Ilpouvaitimaginercequ’elleavaitressenti,sachantqu’unetellerumeurcirculaitàsonsujet.Une
fausserumeur,quiplusest.—Jepensaisàtoichaquejour,Crystal.—Vraiment?Lescepticismedanssavoixneluiavaitpaséchappé.Nelecroyait-ellepas?Ilallaitpoursuivre
quandelleobserva:—Cen’estpaslecheminpourl’aéroport,Bane.—Nousn’allonspasàl’aéroport.—Commentça?Etquandaujusteas-tudécidéça?—Quandj’airemarquéqu’onnoussuivait.
***
Ilsétaientsuivis?—Commentlesais-tu?demanda-t-elle.—Parcequemêmesi leconducteuressaied’êtrediscret, cettevoiturebleuenoussuitdepuisun
moment.—Unevoiturebleue?—Oui.Ellesentittoutsoncorpssecontracter.—Lavoiturequim’asuivietoutàl’heureétaitbleue,elleaussi.Maiscommenta-t-ilsuqu’ildevait
tesuivre,alorsquenousnesommespasdansmavoiture?—Al’évidence,quelqu’unnousavusmonterdanslamienne.Unfrissoncourutdanssoncou.—Sicethommenousavuspartir,alorsilsaitoùj’habite.—Sansdoute.Maisnet’inquiètepas.Soncalme l’agaçait.Commentpouvait-il luidiredenepass’inquiéter?L’hommequi les suivait
allaitsansdoutemettresamaisonàsac,encherchantquelquechosequin’yétaitpas.—Sijetedisdenepast’inquiéter,c’estparcequeFlipsurveilletamaisonpourmoi,expliqua-t-il,
commes’ilavaitludanssespensées.—Quelqu’unquetuconnaissurveillemamaison?Ilquittal’autoroute.—Oui.DavidHollowayestl’undesmembresdemonunité,etilsetrouvequ’ilvitàDallas.Son
nomde code est Flipper, car c’est lemeilleur plongeur de l’unité. Je l’ai appelé àmon arrivée pourl’informer que j’étais en ville. Et je l’ai rappelé après avoir mis ta valise dans le coffre. J’avaisremarquéunevoituresuspectedansl’alléeenfacedecheztoi.
Elle avait du mal à suivre. Bane ne vivait pas dans son quartier, alors comment pouvait-il lesavoir?
—Commentsavais-tuquec’étaitunevoituresuspecte?—Jesuisrestédevantcheztoipendantdeuxheures,àattendrequeturentres,etellen’yétaitpas.Elle remarqua qu’ils traversaient un quartier qu’elle ne connaissait pas. Où pouvaient-ils bien
aller?—C’esttout?Tut’esditqu’elleétaitsuspecteparcequ’ellen’étaitpaslàavant?
—C’étaitsuffisant.Jesuisformépourrepérertouslessignesétranges.Evidemment,songea-t-elle.—EtceFlipperestalléchezmoiaprèsnotredépart?—Oui,justeaprès.Flipetsesfrèresgarderontunœilsurtamaisonpendanttonabsence.—Sesfrères?Banes’arrêtaàunfeurougeetsetournaverselle.—Oui,ilssontquatre.TousSeals.Tamaisonestentredebonnesmains.Elle était heureusede l’apprendre,mais elle nepouvait s’empêcherde se fairedu souci pour sa
maison.Ellen’étaitquelocataire,maisc’étaitleseulfoyerqu’elleaitconnudepuissonarrivéeàDallas.Elleremarquaqu’ilregardaitdanslerétroviseurensouriant:—Qu’ya-t-ildesidrôle?demanda-t-elle.—Monpiège.J’ai laissé leconducteurde lavoiturebleuenoussuivre jusqu’ici,et lesfrèresde
Flipsesontchargésdelui.—Commentont-ilssu?—Quandilsontremarquéquej’étaissuivi,ilsontprislavoiturebleueenchasse.Undesfrèresde
Flip l’a dépassée et s’estmis derrière nous pour qu’onpuisse sortir de l’autoroute.Les autres ont puarrêterletypeàl’intersectionderrièrenous.
Elleeutsoudainl’estomacnoué.—Maintenant,nouspouvonsalleràl’aéroport?—Non,dit-il,s’engageantdanscequisemblaitêtreleparkingd’unentrepôtabandonné.Aprèsavoirgarélavoitureetéteintlesphares,ilpritletéléphonequ’ilavaitposésurletableaude
bordetvérifiasesmessages.—Peut-êtrequed’autresnousycherchent,dit-il.—Qu’est-cequitefaitpenserça?Ilreculasonsiègepourétendresesjambes.— Tu te souviens de ces deux hommes qui t’ont approchée pour travailler pour la Sécurité
intérieure?—Oui,ehbien?—Ilsemblequecesoiteux,lesméchants.
***
BaneauraitvouluembrasserCrystalpourl’aideràseremettredesonchoc.—C’estimpossible,dit-elle.J’aivuleursbadges.—Ehbien,ilsétaientfaux.Leservicepourlequelilsprétendaienttravaillern’existemêmepas.—Tuenessûr?— Certain. J’ai envoyé une copie de leur carte de visite à un ami qui travaille à la Sécurité
intérieure,etilvientdeconfirmermessoupçons.Ellesemordillalalèvre,etilauraitaiméquecelanel’excitepasautant.Ilnedevaitpasselaisser
distraire.—Cemessagemeperturbe,déclara-t-il.—Commentça?— La personne qui l’a écrit voulait-elle ton bien, ou te conseillait-elle de disparaître pour une
raisonprécise?Peut-êtreespérait-ellequ’enfuyant,tusoisplusfacileàenlever?Ellehaussaunsourcil.— Tu penses que la personne qui a déposé cemessage surmon bureau est demèche avec ces
types?
—Tudoisadmettrequec’est fortprobable.Tudisquequelqu’unaouvert toncasier.Quiauraitaccèsàcettezone,sinonunemployé?
Iln’aimaitpasça.Crystaletluidevraientêtrechezelle,àparlerdeleuravenir,àtrouverunmoyendecompenserleurscinqannéesdeséparation.
Lasonneriequ’ilavaitattribuéeàFlipperretentit.Ildécrocha.—Qu’as-tutrouvé,Flip?—Un paquet de bizarreries,mon gars !Dès que vous êtes partis, la voiture bleue et vous, une
berlinenoireestarrivée,etdeuxabrutisencostumenoirensontsortis.OnauraitditunescènedeMeninBlack. J’ignore comment ils comptaient rentrer chez ta femme, mais je suis certain que c’était leurintention.Jusqu’à…
—Jusqu’àquoi?s’enquitBane.—Jusqu’àcequ’ilsremarquentlerayoninfrarougequeMarkapointésurleurtorse.J’imagineque
l’idéequ’onpuisse faireun troudans leurventre leura faitpeur,d’autantqu’onpouvait lesvoirmaisqu’ilsnepouvaientpasnousvoir.Jen’aijamaisvudeuxhommesrepartirversleurvoitureaussivite.
Banesecoualatête.—Tesfrèresettoivousamusezbien,hein?—Oui,onpeutdireça.Même si Bane n’avait jamais rencontré les frères de Flipper, il avait entendu parler d’eux. Ils
avaienthéritéleursoifd’excitationetdedangerdeleurpère,unancienSeal.—Etlechauffeurdelavoiturebleue?—Ilestsortidesonvéhiculeenlaissantlemoteurenmarche,etadétalécommeunlapin.Tuasdit
denetirersurpersonne,alorsmesfrèresl’ontlaissépartir.Tuessûrdenepasvouloiralerterlapolice?—Oui,c’esttroptôt.BanefitpartdesessoupçonsàFlipper.—S’ilssefontpasserpourdesagentsdugouvernement,c’estmauvaissigne,commentaFlipper.—Tuasraison.Aumoins,tuleurasfaitunepeurbleue.Maisnesoispasétonnés’ilsreviennent.—Nousseronsprêts.Prendssoindetoietdetonépouse.—J’ycomptebien.BaneavaitàpeineraccrochéqueCrystaldemanda:—Ilssontentréschezmoi?Envoyantsesépauless’affaisser,ilregrettafinalementdenepasavoirditàFlipperquesesfrères
etluipouvaienttirersurcesordures.—Non,maisc’étaitleurintention.Flipperetsonfrèrelesontfaitfuir.Inutiledeluidirequelleméthodeilsavaientemployée.— Ils reviendront s’ils pensent que tu as des informations ou des données stockées quelque part
cheztoi.—Jen’enaipas.—Jedoutequ’ilslesachent,etlepremierendroitdanslequelilschercheront,c’esttonordinateur.—Alors,quefaisons-nousmaintenant?Oùallons-nous?Ilconsultasamontre.Ilétaittard.—Nousallonstrouverunhôtel.Elleplissalesyeux.—Pourquoi?Pas pour ce que je veux, songea-t-il. Il se remémora la dernière fois où ils avaient partagé une
chambred’hôtel.C’était lesouvenird’elle,nuesurce lit,etde toutcequ’ilsavaient faitavantque leshérifarrivequiluiavaitpermisdetenirlorsdemissionsdangereuses.
—Pourdormiretpourmettreenœuvreunpland’action,Crystal.Mêmesij’aitrèsenviedetefairel’amour,j’aicommel’impressionquecetteenvien’estpasmutuelle.
Cequisignifiaitquelanuitallaitêtrelongue.
-6-
CrystalquittaBanedesyeux,etregardaparlavitredelavoiture.Allerdansunhôtelétaitlogique,cependant…
Elleavaitvusesregardscesoir.Desregardssurlesquelselleavaitmêmefantasmé,aufildutemps,car ils précédaient toujours des moments très sensuels. Elle ignorait si elle pourrait contrôler sonexcitation,sielleseretrouvaitdansunechambreaveclui.Carsonattirancepourluiétaitplusfortequejamais.
—Ounouspouvonsresterici,danslavoiture,lança-t-il,interrompantsespensées.—Toutelanuit?Illuioffritunsourirequifitnaîtreunedoucechaleuraucreuxdesonventre.—Pournous,cen’estpasgrand-chose.Enfait,ceseraitcommeautrefois.Pourquoifallait-ilqu’ilaillesurceterrain?Etredansunevoitureàl’arrêt,aveclui,seraitvraiment
unrappeldupassé,maisellen’étaitplusuneadolescenteénamourée.Elleétaitunefemmeenfuite,avecunmariqu’elleneconnaissaitplus.
—Nousavonspassél’âgededormirdansunevoiture,Bane.—Jesais.C’estpourquoij’aisuggéréunhôtel.Ilétaittempsdebrisersesillusions,décida-t-elle.—Nousprendronsdeschambresséparées.—Pourquoi?Noussommesmariés.Elle tenta d’ignorer la note sensuelle dans sa voix. Et pourquoi fallait-il qu’elle ait remarqué la
tensionélectriqueentreeux?Oui, ilsétaientmariés,maisn’avaient-ilspasdéjàétablique leschosesavaientchangé?Qu’ilsavaientchangé?Pourcommencer,ellen’étaitplus rêveusemais réaliste.Et iln’étaitplusl’hommequiavaitprétenduqu’elleseraittoujoursl’amourdesavie.Apparemment,laNavyl’avaitreléguéeausecondplan.
—Surleplanlégal,oui,maisc’estàpeuprèstout,fit-ellevaloir.Cinqans,c’estlong.Encoreunefois,nousavonschangé.Tun’apprécieraspeut-êtrepaslanouvellemoi,etjepourraistrèsbiennepasapprécierlenouveautoi.
—Jenet’appréciepas,Crystal.Çan’ajamaisétélecas.Jesuistombéamoureuxdetoiaupremierregard.
Pourquoifallait-ilqu’ildiseunetellechose?S’ill’aimaitvraiment,neserait-ilpasrevenudepuislongtemps?Elleseremémoralejourdeleurrencontre.Ellerentraitchezelleaprèslescoursquandilétait passé sur samoto. Il avait fait demi-tour, et lorsqu’il avait retiré son casque et posé son regardnoisette sur elle, elle avait été perdue. Alors, s’il prétendait être tombé amoureux d’elle depuis lepremierjour,ellepouvaitcertainementendireautant.
Maisilyavaitquandmêmecescinqansdeséparationentreeux.—Tutesentiraismieuxs’ils’agissaitdedeuxlitsséparés?Pasvraiment,songea-t-elle.Même après cette longue absence, elle le trouvait toujours captivant, et son corps parcouru de
picotementsne s’y trompaitpas.Ellenepouvaitpas le regarder sansavoirdepenséesérotiques.Etredanslamêmepiècetoutelanuit,ceseraitallerau-devantdesennuis.
—J’endoute,Bane.—Illefaudrabien,carjenecomptepastequitterdesyeuxtantquenousnesavonspascequise
passe.Elleallaitluirétorquerqu’iln’avaitpasledroitdedéciderpourellequandsontéléphonesonnade
nouveau.Ils’empressadedécrocher.—Oui?Ellescrutasonvisage.Ilétaitfurieux,ellelevoyaitàsonregard,àsamâchoireserrée,àsesdoigts
crispéssurl’appareil.Etàsontonagressif.Elleétaitsûrequel’appellaconcernait,puisqu’illaregardaitdetempsentemps.Iln’yavaitplus
danssesyeuxcetteexpressiontorrideetpleinedepromesses,maisunelueurdangereuse.Ellepianotaensilencesurlaconsoledelavoiture.Elleétaitimpatientequ’ilraccroche,afinqu’il
luidisecequisepassait.Dèsqu’ilconclutsonappel,ellesetournaversluipourlequestionner,maisillevaundoigtpourlui
enjoindredegarderlesilence.Carilpassaitdéjàunautrecoupdefil.—Codemauve,l’entendit-elledire.J’expliqueraitoutbientôt.Dèsqu’ilraccrocha,elledemanda:—Quesepasse-t-il?Pendant un long moment, il resta silencieux. Il l’observait, comme s’il tentait de prendre une
décision.—Etnet’avisepasdemelaisserdansl’ignorance,l’avertit-elleenfronçantlessourcils.
***
Bane l’avait justement envisagé.Mais il s’était ravisé, car Crystal était trop vive d’esprit, tropintelligente. Et elle devait savoir de quoi il retournait, et quelles mesures de prudence ils devaientprendre.
Maisplusquetout,ilavaitbesoind’avoirsaconfiance.Ilnelaisseraitjamaispersonnetoucheràunseuldesescheveux,etiltenaitàcequ’ellelesache.
—Bane?Ilpritunegrandeinspiration.—D’abord,donne-moitontéléphone,ordonna-t-il.—Montéléphone?—Oui.Elleledévisageauninstant,puissortitl’appareildesonsac.Illepritetsortitdelavoiture,avant
delejetersurl’asphalteetdelepiétiner,endépitdesprotestationsdeCrystal.—Maisqu’est-cequetufabriques?Tuesfou!s’indigna-t-elle,sortantdelavoiturepourtenterde
sauverl’appareil.Biensûr,ilétaittroptard.—Jedétruistontéléphone.Lespoingssurleshanches,ellelefusilladuregard.—Jevoisça!Cequejeveuxsavoir,c’estpourquoi.
—Ilsepeutqu’ilyaitunmoucharddedans.—Comment?—Leschosessontplussérieusesquejelepensais,ouquetun’asvoulumeledire,Crystal.Elleseraidit.— Je ne t’ai rien caché, rétorqua-t-elle. Tout ce que je sais, c’est que j’ai reçu ce message
aujourd’hui,quequelqu’unaouvertmoncasieretqu’unevoiturebleuemesuivait.Illançaunregardautourd’eux.—Remontonsenvoiture.Jetediraicequejesais.Elleobservasontéléphoneenmiettesd’unairconsterné,puisobtempéra.Dèsqu’ilsfurentinstallés,
elleordonna:—Dis-moitout.
***
Lorsqu’elletouchasonbras,Banesentit ledésirmonterenlui.Apparemment,ellelevitdanssesyeux,carelles’empressaderetirersamain.
—Désolée.Ilsaisitsamainetmêlaleursdoigts.—Net’excusejamaisdemetoucher.Plutôt que de répondre, elle s’humecta nerveusement les lèvres, et il eut encore plus envie de
l’embrasser.Puisqu’ilnepourraitsansdoutepaslefaireavantlongtemps,illuidiraitcequ’ellevoulaitsavoir.Cequ’elleavaitbesoindesavoir.
—MoncontactàlaSécuritéintérieureaeuaccèsàdesinformationsconfidentielles.Apparemment,tuessurveilléedepuisunmoment.
—Parqui?demanda-t-elle,lesourcilarqué.—Desgensdugouvernement.Ilssontaucourantdetestravauxderecherche.—Jem’endoutais.SetonIndustriesenvoyaitdesrapportspériodiquesdanslecadredelasécurité
nationale.Etpuis,mestravauxsontfinancésparuneboursed’Etat.— Eh bien, il semble que les rapports soient tombés entre de mauvaises mains. En résumé, un
groupe avait prévu de t’enlever ainsi que deux autres biochimistes qui travaillent sur des projetssimilaires.Ilsdevaientvousemmenertouslestroisdansunlaboratoiresouterrainquelquepart,etvousforceràtravaillerensemblepourmettreaupointuneformulequ’ilsauraientutiliséeàleurprofit.
—Ceplanestridicule,dit-elleensecouantlatête.Ses cheveux qui dansaient autour de son visagemettaient en valeur son regard sombre.L’espace
d’uneseconde, il futdéconcentré. Ilnepouvait sepermettred’êtredistraitmaintenant.Tropdechosesétaientenjeu.
—Manifestement, celui qui a eu cette idée n’était pas de cet avis.Maintenant, tu es le chaînonmanquant.
Elles’adossaàsonsiègeetfronçalessourcils.—Commentça,lechaînonmanquant?Ilserrasamain.—Lesdeuxautreschimistesontétéenlevéshier.L’unalorsqu’ilserendaitautravaildebonmatin,
et l’autre à sa sortie d’une salle de gym, versmidi. Le plan était de vous kidnapper tous les trois àquelquesheuresd’intervalle.Ilsontéchouéavectoi.Maispuisqu’ilssontdéterminésàmettrelamainsurlaformule,ilsnelaisserontpastomber.
L’étincelle dans ses yeux deCrystal indiquait qu’elle saisissait très bien la situation.Mais cettelueurluidisaitaussiautrechose:elleattendaitcesvoyousdepiedferme.Elleavaittoujourslecranqu’il
avaitdetouttempsadmiréchezelle.Ildéglutitquandelleretirasamainetregardaparlepare-brise.Elleréfléchissait,tentantdetrouver
unplanelleaussi.Unplansanslui.Davantagepoursasécuritéàluiquepourtoutautreraison,devina-t-il.Bienévidemment,iln’accepteraitjamaisdel’abandonneràsonsort.
Ellesetournaverslui,etparcequ’ilavaitlesentimentdesavoircequ’elleallaitdire,ildéclara,sansluilaisserletempsdeparler:
—Jenetelaisseraipasseule,alorsoublieça.Commeellenerépondaitrien,ilajouta:—J’aibesoinquetuaiesfoienmacapacitéàassurernotresécurité.Une tension sensuelle flotta dans l’air, qu’il tenta d’ignorer. En cet instant, savoir qu’il avait sa
confianceétaitplusimportant.—Celameseradifficile,Bane,dit-elledoucement.J’aiétéseulependantlongtemps.Cinq ans.Une fois de plus, il se demanda s’il avait bien fait d’être parti. Il avait cru que cette
séparation était la meilleure chose pour eux. Qu’ils avaient tous deux besoin de grandir et demûrir.Surtoutlui.Etcelaavaitportésesfruits.Mais…s’ilnes’étaitpasmontréaujourd’hui?Sielleavaitétéenlevéecommecesdeuxautreschimistes?Etsi…
—Jetefaisconfiance,Bane.Il hocha la tête. Il était pleinementprêt à être lemariqu’elleméritait,mais il devait luimontrer
qu’ellepouvaitcompterlui.Passeulementpourlaprotéger,maisaussipourbâtirunevieavecelle.—Alors?demanda-t-elleensoupirant.Quefaisons-nous,maintenant?Ilesquissaunsourire.—Maintenant,onleurmontrequ’ensemble,noussommesunduoredoutable.
***
Unduoredoutable.Crystalneputs’empêcherdesourire.C’étaitainsiqueleshérifHarperlesdécrivaitautrefois.Rien,
pasmêmelamenacedelaprison,n’avaitpulesséparer.Une sonnerie signala l’arrivée d’un message sur le téléphone de Bane. Tandis qu’il prenait
l’appareil, elle regarda par la vitre, et constata qu’ils étaient garés dans un endroit sombre. Le seuléclairage provenait des étoiles et de la lune. Alors que Bane lisait le message avec attention, ellel’observa.Elle ne put s’empêcher d’admirer ses épaules larges sous son blousonde cuir, ses longuesjambesmuscléesétenduesdevantlui.
Ellesesouvintdecesjambes,nues,lorsqu’ilsnageaientensemble.Ellelesrevit,mouléesdansunjeancommemaintenant,quandilétaitsursamotoousurl’undeschevauxduranchfamilial.Ellesavaitdéjàmonteràchevalquandelle l’avait rencontré,mais il l’avaitaidéeàs’améliorer. Il luiavaitaussiapprisàfairedelamoto,àtirer,àgravirdesmontagnes.
Ellesongeaqu’ilétaitl’incarnationdesfantasmesdetoutefemme.Cenefutquelorsqu’ils’éclaircitla gorge qu’elle se rendit compte qu’il avait fini de lire lemessage, et qu’il l’avait surprise en traind’admirersoncorpstoutenmuscles.
—Oui?Tudisais?demanda-t-elle.Ilrit.—Jevoulaisjustet’informerquenotrevoitureseralàdansquelquesminutes.—Notrevoiture?—Oui,nouschangeonsdevéhicule.Ilyadeschancespourquelesgensquitecherchentaientdéjà
identifiécelui-ci,alorsnousdevonsnousenséparer.—Quinousamènerauneautrevoiture?demanda-t-elleenregardantparlavitre.
Iln’yavaitqu’unimmensebâtimentvide,etleparkingétaitdésert.—LepèredeFlip.C’estunancienSeal.Quelques instants plus tard, Crystal entendit un autre véhicule se garer et remarqua que le
conducteuravaitéteintlesphares.—C’estnotrevoiture,annonçaBane.
-7-
BanesortitleursbagagespourlesmettredanslecoffredelavoitureamenéeparM.Holloway.Flipressemblaitàsonpère.Mêmesyeuxbleus,mêmescheveuxblonds,quigrisonnaientcependant
chezlepère.OnpouvaitaisémentimaginerquecethommeavaitdirigédesunitésdeSeals.Asoixante-cinqans,ilsemblaitenparfaiteformephysique.
—Jen’aipasbesoindesavoiroùvousallez.Moinsdegenssontaucourant,mieuxc’est.Soyezprudents,ditl’ancienmilitaireentendantlesclésàBane.
—Promis,etmercipourtout,monsieurHolloway.Jevoussuisredevableàvousetàvotrefamille.M.Hollowaybalayasesparolesdureversdelamain.—Oubliezça.Davidnousaexpliquéàsesfrèresetàmoicommentvousluiavezsauvélavielors
devotredernièremission.Etlesamisdemesgarçonssontmesamis.Sivousavezunsouci,passez-nousuncoupdefil.
Banenecomptaitpasenavoir,maisilvalaitmieuxaccepterl’offrequandmême.—Entendu.Banejetauncoupd’œilversCrystal,déjàinstalléedanslanouvellevoiture.— Je suppose que c’est votre épouse, que vous n’avez pas vue depuis un moment, commenta
M.Holloway.—Oui,eneffet.—Etelleaattenduquevousreveniez,toutcetemps?—Oui.—Alors, vous êtes un homme très chanceux, dit-il en souriant. Prenez soin de vous et de votre
épouse.Sonépouse.Celasonnaitbien.—Jeleferai.Encoremercipourcequevosfilsetvousavezfait.Etcequevousfaitesencore.IlsavaitqueFlipetsesfrèressurveilleraientlamaisondeCrystalpendantquelquetemps.—Cen’estpasgrand-chose.M.Hollowayluidonnaunetapesurl’épauleavantdegrimperdanslemonospaceetdes’éloigner.Banemontarapidementdansl’autrevoiture.—Oùallons-nousmaintenant?s’enquitCrystal.Ilavaitperçulafatiguedanssavoix.Ilétaitprèsde23heures,etellesecouchaitsansdoutebien
plustôtd’habitude.—Dansunhôtel,maispasàDallas.Tudevraisdormir,nousavonsquelquesheuresderoute.—D’accord.
Après avoir démarré, il la regarda incliner son siège. Il ne put s’empêcher de poser un regardapprobateursurelle,denotercommentsonjeanépousaitseshanchesetsescuisses.Adix-huitans,elleétaitmince.Aprésent,elleétaitincroyablementvoluptueuse.Seforçantàdétachersonregardd’elle,ilréglalatempératuredel’habitacle.Ilfaisaitplutôtfroiddehors.
Enquittantleparking,ilremarquaqu’elles’endormait.Elleétaitaussibellelesyeuxclosquelesyeuxouverts.C’étaitcedontilavaitrêvé,cequ’ilavaittantdésiré.Etreavecelle,enfin.
Ilavaitparcouruquelqueskilomètresetatteintunpremierfeurougequandill’entenditglousser.Illui lançaunbref regard.Elleavait toujours lesyeux fermés,etunsourires’était formésurses lèvres.Etait-elleentrainderêver?Soudain,elleouvritlesyeux,leregardaetseredressaaussitôt.
—Qu’ya-t-il?demanda-t-elle.—Rien.Turiaisdanstonsommeil.Ellesourit.—Jenedormaispas.Jereposaismesyeux,c’esttout.Etjesongeaisqueçadevientlanormepour
nous.—Quoi?— Etre en fuite. La dernière fois que nous étions ensemble, nous avions fugué et cherchions à
échapperaushérifHarper.Tutesouviens?—Biensûr.Comment aurait-il pu l’oublier ? Ils avaientmis tout lemonde sur une fausse piste, leur faisant
croirequ’ilsallaientàLasVegasalorsqu’ilsétaientalléssemarierenUtah.—Aprésent,nousfuyonsDieusaitqui,commenta-t-elle.—Peuimporte.Cequicompte,c’estquenoussommesdenouveauensemble.Ellegardalesilence,tandisquelefeupassaitauvertetqu’ilredémarrait.Aprèsquelquesinstants,
ilcrutqu’elles’étaitendormie,maiselledemanda:—Combiendetemps,Bane?Ilfutheureuxdepouvoirs’arrêteràunautrefeu.—Combiendetemps?répéta-t-il.—Oui,combiendetempsserons-nousensembleavantqueturepartes?Avantquejesoisseulede
nouveau?TuesunSeal.Çasignifiequetuserassouventabsent,non?Ilhésitauninstant,songeantàsaréponse.Ellesetrompaitsiellepensaitqu’ilallaitluipermettre
d’utilisersontravail.—Oui,jepeuxpartirenmission,chaquefoisquemoncommandantm’appelle.—Ets’ilappellemaintenant?Tudevraspartir,non?Ilserralevolant.Insinuait-ellequ’ellenepouvaitpassereposersurlui?—Amoinsqu’ilyaitunemenacenationale,celan’arriverapas.Jesuisencongé.Commetoutemon
unité.—Pourquoi?Répondreàcelaétaitdélicat.Ildevraitluiexpliquerquecertainespartiesdesontravaildevaient
rester secrètes, mais il garderait cette conversation pour plus tard. Pour l’heure, il se contenta derépondre:
—Parcequenousl’avonsbienmérité.C’étaitvrai,maisilneluidisaitpastout.—Tuprendsdesrisques.Tumetstavieendanger.Cefutàsontourdeglousser.—Qu’ya-t-ildesidrôle?demanda-t-elle.—Jemedisaisjustequepourl’instant,cen’estpaslamiennequiestendanger.Jediraisquenous
avonstouslesdeuxdesoccupationsinhabituelles.
—Lesmiennesn’ontriend’inhabituel.Ilsetrouvesimplementquejetravaillesurunsujetsensible.Ilsourit.C’étaitunefaçondevoirleschoses.—Onpeutdirequemoiaussijetravailledansundomainesensible.—Cen’estpascomparable,Bane,alorsn’essaiemêmepas.Soit,ellemarquaitunpoint.Toutdemême,cen’étaitpasluiquiétaitendanger.—Jesuisbienentraîné.Ilyasixmois,jesuisdevenutireurd’élite.C’étaituneréussitemajeurepourunejeunerecrue.—Tireurd’élite?Çanem’étonneguère.C’esttoiquinousasapprisàtirer,àBaileyetàmoi.C’étaitvrai,sesouvint-ilfièrement.EtlesWestmorelandsavaienttirer,poursûr.Iln’avaitpasété
surprisquand,àsonretour,toutlemondeluiavaitparlédecegrizzliqueBaileyavaitabattuenAlaska,ilyaunmois.EtCrystalétaitaussidouéequeBailey.LaseulepersonnequilessurpassaittouteslesdeuxétaitJo,l’épousedufrèredeBane,Stern.
—Ettuvoudraismefairecroirequetontravailn’estpasdangereux?—Jereconnaisqu’ilestdangereux,maisilestaussigratifiant.—Ça,jeveuxbienlecroire,puisqu’iltedonneuneexcusepourtebattreaunomdetapatrie.Ilneputs’empêcherderire.Encescirconstances,c’étaitbonderire.Surtoutavecelle.Ellesavait
apporterdel’humouràn’importequellesituation.Toutefois,enl’occurrence, ilétaitconvaincuqu’ellen’avaitpascherchéàêtredrôle.
—Maistuveuxenfaireunecarrière,n’est-cepas?Seposait-ellevraimentlaquestion,oupensait-elleavoirdéjàlaréponse?—Jenesaispas.C’estunedécisionquenousdevronsprendreensemble.—Ah,non,nem’entraînepaslà-dedans,Bane!Jenetelaisseraipasmereprocherdet’avoirrendu
malheureux.Malheureux?Dequoiparlait-elle?—Précisetapensée.— Volontiers. J’arrive à t’imaginer en tant que Seal, et je pense que tu es sacrément doué. En
revanche,jenepeuxt’imaginerdansunbureauchezBlueRidgechaquejour.Tudeviendraisfou.Ettunemepardonneraisjamaissitumevoyaiscommelaraisonpourlaquelletudevaistravaillerlà-bas.
Elle avait raison, il ne souhaitait pas travailler dans l’entreprise familiale. Même si ses frères—Dillon,Riley,Canyon, etStern—, ainsi que son cousinAidan étaient parfaitement faits pourBlueRidgeLandManagement,cen’étaitpassoncas.
—JepourraisrejoindreJason,DerringeretZanedansleurélevagedechevaux,dit-il.Adirevrai,celaneletentaitpasdavantage.Iln’avaitpaslemêmeamourdeschevauxquesonfrère
etsesdeuxcousins.—Baileym’aparlédeleurélevagelorsdenotredernieréchange.—Maisellearefusédetedirequoiquecesoitsurmoi,avança-t-ild’untonbourru.—C’étaitlarègle,Bane.Nulbesoindeterappelerquec’esttoiquil’asinstaurée.Encoreune fois, elleavait raison. Il était tempsqu’ilsmettent leschosesauclair.La tensionqui
flottaitsoudaindansl’habitacleétaitpalpable.—Tusaispourquoij’aipriscettedécision,Crystal.—Ladécisiondem’abandonner?Il bifurquabrusquement et s’engagea sur le parkingde cequi ressemblait à une aire de repos. Il
s’arrêtaentredeuxsemi-remorques,pourquel’onnepuissepaslesrepérer,etcoupalemoteur.—Tuessaiesdenoustuer,Bane?s’exclama-t-elled’unevoixessoufflée.Aulieuderépondre,ildébouclasaceintureetsetournaverselle.—J’espèreseulementquetunepensespascequetuviensdedire.
***
Crystal voyait bien queBane était furieux. Elle l’avait déjà vu en colère,mais sa fureur n’avaitjamais été dirigée contre elle. A présent, si. Ses yeux avaient même pris une teinte vert foncé. Sansfléchir,ellelevalementon.
—Etsijelepense?—Danscecas,ilfautqu’onparle.—Troptard.Riendecequetupourrasdirenemeferachangerd’avis.—Aumoins,explique-moipourquoitupensescela.L’ignorait-il vraiment ? Elle pourrait trouver tout cela amusant,mais en fait, elle avait envie de
pleurer.Ellel’avaittantaimé!Ilavaitétélecentredesonmonde.Leyangdesonyin.Leseulêtredontelleavaitcruqu’ilneluiferaitjamaisdemal,qu’ilnel’abandonneraitjamais.Atort.
—Crystal?S’ilvoulaitfeindrel’incompréhension,soit.Elleluidonneraitsonexplication.—Jecomprendspourquoi tu as laissémonpèrem’envoyerdansunautreEtat aprèsnotre fugue,
mais…—C’étaitpourtonbien.Tuvoulaisabandonnerlelycée,Crystal.Jenepouvaispastelaisserfaire
nifaireobstacleàtesétudes.Onétaitennovembre.Toutcequetuavaisàfaire,c’étaittenirjusqu’enjuinpourobtenirtondiplôme.
—Jesaistoutça,assena-t-elled’untonsec.Voilàpourquoij’ailaissémonpèrepenserqu’ilmenaitlejeuquandilm’aenvoyéevivrecheztanteRachel.
Lesouvenirdecejourluinouaitencoreleventrechaquefoisqu’elleysongeait.—Jemesuisditquejepouvaislesupporterparcequetuviendraismechercherenjuin.Asonexpression,ellesutqu’ilsavaitoùellevoulaitenvenir.Elleprituneprofondeinspirationavantdepoursuivre.—Quandtuasfiniparmetéléphonerenjanvier,j’aicruquec’étaitpourmedirequetunepouvais
pasvivresansmoietquetuavaisdécidédevenirmechercherplustôt.QuejepourraisfinirmesétudesàDenverpendantquenousvivrionsdanslechaletquetuavaisconstruitpourmoi.
—Enfin,Crystal, je te connais !Si j’étaisvenuplus tôt, tu aurais trouvé toutes sortesd’excusespourmanquerlescours.Deplus,jen’auraispaspusubveniràtesbesoins.Jen’étaispasassezâgépourprendrepossessiondemesterresouavoiraccèsàmonfondsfiduciaire.Jen’avaisquedesboulots.J’aiquitté lepostequeDillonm’aoffertàBlueRidgeauboutd’unesemaine,car jen’aimaispasquemonchefmedonnedesordres.J’étaisunWestmoreland.Mafamillepossédaitcetteentreprise,etjecroyaisqueçamedonnaitledroitdefairetoutcequejevoulais.
—Jeseraisretournéeencours,Bane.Jet’avaispromisdelefaire.Quantaumanqued’argent,nousnousserionsdébrouillés.
—Tuméritaismieux.—Jepensaistemériter,toi.J’étaistafemme.— Pourquoi ne peux-tu pas comprendre que j’avais besoin de faire quelque chose dema vie ?
s’exclama-t-il.Entantquemari,jeteledevais.Pourquoinevois-tupasquetuméritaismieuxqueceluiquej’étaisàl’époque?J’étaisunjeunehommeindiscipliné,sansaucunbut,quiaimaitdéfierl’autorité.
—Ceschoses-lànecomptaientpaspourmoi,Bane.—Ellesauraientdû.Elleplissaleregard.—Tafamillet’aretournélecerveau,n’est-cepas?Ilst’ontconvaincuquetaplacen’étaitpasavec
moi.C’estpourçaquetun’asditàpersonnequenousétionsmariés.SaufàBailey.
Elleleregardapasserlesmainssursonvisagedansungestedefrustration.Maiselleestimaitqu’iln’avaitpasledroitd’êtrefrustré.C’étaitellequiavaitétémisedecôté,quandilavaitchoisisacarrièredeSealplutôtqu’elle.
—Tuastortausujetdemafamille,Crystal.Ilssavaientàquelpointjet’aimais,maisilsvoyaientcequenousrefusionsdevoir.Ilssavaientquenousnepouvionspascontinuerdanscettevoie.Alors,j’aipris une décision que je pensais être la meilleure pour nous. Et je veux croire que j’avais raison.Regarde-toiaujourd’hui.Nonseulementtuasfinilelycée,maistuvasbientôtobtenirtondoctorat.Tuastoujoursétébrillante,etjetetiraisverslebas.Sij’avaisétéégoïste,jet’auraisemmenéedanscechalet,et je t’auraioffertuneviemisérable.Celan’auraitrienarrangési tuétais tombéeenceinte.Quelgenred’avenirnotreenfantaurait-ileu?
Elle détourna la tête pour qu’il ne voie pas les larmes dans ses yeux,mais elle ne fut pas assezrapide.Iltenditlamainversellepourfairepivotersonvisageverslesien,etl’observaintensément.
—Quesepasse-t-il?Qu’est-cequetunemedispas,Crystal?Elledevaitparler,ellelesavait.Iln’yavaitpasderaisondegardersonsecretpluslongtemps.—Cejour-là,quandtuastéléphonépourm’annoncerquetuavaisdécidéd’entrerdanslaNavy,tu
m’asdemandésij’étaisenceinte,etjet’airépondunon.Ilgardalesilenceuneminute.Ellesutqu’ilavaitdevinélasuite.—Maistuasmenti,c’estça?Tuétaisenceinte,n’est-cepas?lâcha-t-ild’untonaccusateur.Ellerestamuetteunlongmoment.—Jen’aipasmenti,dit-elleenfin.Quandtum’asposélaquestion,jen’étaispasenceinte…jene
l’étais plus. J’avais perdu notre bébé, Bane. Quelques jours plus tôt. Quand tu m’as téléphoné, tanteRachelvenaitdemeramenerdel’hôpital.
-8-
Baneeut l’impressionderecevoiruncoupdepoingdans leventre. Ilpritunegrande inspiration,commepourapaiserladouleur.Illuifallutquelquesinstantspoursereprendre.QuandilregardaCrystaldenouveau,elleétaitassisebiendroitesursonsiège,etdeslarmesstriaientsonvisage.
Ileneutlesoufflecoupé.Leslarmesl’avaienttoujoursému…surtoutcellesdeCrystal.Maisilnepouvait ignorer qu’elle avait porté leur enfant sans l’en informer. Lui ignorait où elle se trouvait àl’époque,maiselleauraitpulejoindre.Etellen’avaitmêmepasessayé.
Ilserappelaittouscesjourspassésprèsdutéléphone,àattendrequ’ellel’appellepourluidireoùelleétait.Puisqu’ellenel’avaitpasfait,ilenavaitconcluquesesparentsl’avaientsansdoutesermonnéecommeDillonl’avaitfaitaveclui.Alors,ilavaitprisladécisiondesuivreleconseildesonfrèreaîné.Sebâtirunavenir,avantd’allerlachercher.
—Commentas-tupumecacherça?luireprocha-t-il,s’efforçantdemasquerlacolèredanssavoix.—Parcequetuavaisdéjàdécidédetonavenir.—Enfin,Crystal,jen’airejointlaNavyqueparceque…—Tupensaisquejeméritaismieux.Tul’asdéjàdit.Unmuscletressautadanssamâchoire.Depuisquandétait-elleaussitêtue?Ilsentitlacolèrevriller
danssonventre,maisils’efforçadelacontenir,cariln’avaitjamaisperdusonsang-froidavecelle.—Oui,jel’aidit,etjecontinueraideledire.Lesilences’étiraentreeux,épaisettendu.—Quandas-tusuquetuétaisenceinte?Elleessuyaleslarmesquicontinuaientdeluimonterauxyeux.—C’estjustementleproblème,Bane,jenesavaispas.J’avaisduretard,maisc’étaitdéjàarrivé,tu
le sais. Alors, je ne me suis pas inquiétée. J’essayais de m’adapter à mon nouveau lycée et de meconcentrersurmesétudes.Onétaitfinjanvier,etjecomptaislesjoursquimeséparaientdejuin,quandtuviendraismechercher.Commeuneidiote,j’aicruquemêmesituignoraisoùj’étais,tumechercheraisjusqu’àcequetumeretrouves.
»Quoiqu’ilensoit,unsoir,j’aieutrèsmalauventre.Quandjesuisalléeàlasalledebains,j’airemarquéque je saignaisbeaucoup, et j’ai réveilléma tante.Ellem’aemmenéeauxurgenceset aprèsm’avoirexaminée,lemédecinm’aannoncéquej’avaisfaitunefaussecouche.Onm’agardéeunenuitenobservationparcequej’avaisperdubeaucoupdesang.»
Denouveau,elles’essuyalesyeux.—Commentunefemmepeut-elleêtreenceintesanslesavoir?Commentai-jepuportertonbébé
—notrebébé—enmoisanslesavoir?Cen’étaitpasjuste,Bane!Vraimentpasjuste.Lemédecinétaitune femmegentille.Ellem’aditque les faussescouchesn’étaientpas rareset seproduisaient souvent
dansleshuitpremièressemainesdegrossesse.Jemesuisditquej’étais tombéeenceintelorsdenotrenuit de noces, et que cela faisait doncmoins de huit semaines.Ellem’a assuré que je n’étais en rienresponsable,etquemagrossessesuivantedevraitbiensepasser.
Uneprofondedouleurletransperça.C’étaitaussisonbébéet,àcetinstant,ilpleuraitlaperted’unêtrequin’étaitjamaisvenuaumonde.Leurbébéàtouslesdeux.IlvoulaitprendreCrystaldanssesbras.La serrer fort.Partager sadouleur. Il avait tout à fait ledroit de le faire.Mais il sentait qu’elle avaitdresséunmurinvisibleentreeux,etqu’illuifaudraitledémolir,briqueparbrique.
—Jesuisdésolépournotrebébé,dit-il,pensantchaquemot.Il se rappelait leur nuit de noces. C’était la première fois qu’ils avaient passé toute une nuit
ensemble,danslesbrasl’undel’autre,et ilétaitsiheureuxqu’ils’était laisséemporteretn’avaitpasutilisédepréservatif.
—Jenet’aijamaisabandonnée,Crystal.J’enseraisincapable.As-tulamoindreidéedecequej’aitraverséquandnousétionsséparés?demanda-t-ilavecdouceur.Sais-tucombienj’aisouffertchaquejourdenepassavoiroùtuétais?
—Jet’aitéléphoné.—Quand?—Dèsquej’aipuéchapperàmesparents.Ilsm’ontsurveilléependanttoutlevolpourlaCaroline
duSud,maisquandl’avionaatterri,jesuisalléeauxtoilettesetj’aidemandéàunefemmedemeprêtersontéléphone.C’étaitenvironcinqheuresaprèsnotredépart.
Baneréfléchit,cherchantàcomprendrepourquoiiln’avaitpaseucecoupdefil.—Jesaispourquoitun’aspaspumejoindre,dit-ilaprèsuninstant.J’étaisauchalet,etiln’yapas
deréseaulà-bas.Ilmarquauntemps,puisajouta:—QuandleshérifHarperm’aditque tuavaisquittéDenver, jesuissortien trombedupostede
police, j’aiprismonpick-up,et j’aifoncécheztesparents.Lamaisonétaitvide.Alorsj’airoulésansbut,deplusenplusfurieux.Etj’aifiniauchalet,oùjesuisrestédeuxjoursentiers.Letroisièmejour,Rileyestvenumechercheretm’aconvaincuderentreraveclui.
—C’est sans doute pourquoi je n’ai pas pu te joindre le deuxième soir. J’ai attendu que tout lemondesoitcouchépourmefaufilerdanslesalonetprendreletéléphonedematante.Jen’aipasputejoindre,cequiétaitaussibienparcequepapam’asurpriseenflagrantdélit.Ils’estemporté.Ilm’aditqu’ilétaittempspourmoideconnaîtrelavérité.
Ilfronçalessourcils.—Quellevérité?—Ilm’aavouéquetonfrèreDillonetluis’étaientvuspendantnotrefugue,etqu’ilsavaientpassé
unmarché.—Quelgenredemarché?—Quandonnousretrouverait,Dillons’engageaitàt’éloignerdemoi,etmonpèredetoi.—C’esttotalementfaux!fulminaBane.—Commentpeux-tuenêtreaussisûr?Saquestionnefitqu’attisersafureur.—D’abord,cen’estpaslegenredeDillon.Ensuite,monfrèren’étaitmêmepasàDenverquand
nousnoussommesenfuis.IlétaitdansleWyomingpourenapprendreplussurnotrearrière-grand-pèreRaphel.Iln’estrentréqu’aprèsqu’onnousavaitretrouvés.
Ilpassaunemainrageusesursonvisage.— Je ne peux pas croire que tu aies cru ton père. Tu savais à quel point il méprisait les
Westmoreland.Pensais-tuhonnêtementqueDillonetluiauraientpasséunaccord?Ellelevalementon.
—Jenevoulaispaslecroire,mais…—Maisquoi?—Jet’aitéléphonédeuxfois,ettun’aspasrépondu.—Parcequejen’aipaseutesappels.—Ehbien,jel’ignorais.—Tuauraisdûledeviner.— Non. Et quand tu m’as enfin appelée… deux mois plus tard… c’était pour me dire que tu
rejoignaislaNavyetqu’ilvalaitmieuxquenousallionschacundenotrecôté.Ilserembrunit.— Deux mois, c’est le temps qu’il m’a fallu pour découvrir où tu étais. Bailey a dû voler le
téléphonedetonpèrepourcela.Etjen’aijamaisditquenousdevrionsallerchacundenotrecôté.—Çayressemblaitbeaucoup.Vraiment?Frustré,ilreculasursonsiège,tentantdesesouvenirdesesparolesexactes.Rejoindre
laNavyavaitétéunedécisiondifficile,maisill’avaitpriseaprèsavoirdiscutéavecsoncousinDare,unancienmarine,etaveclemeilleuramideRiley,Pete.LefrèredePete,Matthew,avaitrejointlaNavy.Grâce à cela, il avait pu mettre de l’argent de côté et être formé par l’armée pour travailler dansl’aviation. Bane s’était dit qu’entrer dans la Navy lui apprendrait non seulement un métier, maisl’éloigneraitaussideDenverquelquetemps.Etrelà-bassansCrystall’avaitrendumalheureux.
Ilcomprenaitmieuxpourquoielleavaitpenséqu’ilavaitvoulurompre,étantdonnélemensongequesonpèreluiavaitraconté.Laseulechosequilesauvait,c’étaitd’avoirpromisderespectersesvœuxetdevenirlachercherunjour.Aprésent,ils’interrogeait…
—Tupensesque je t’avaisabandonnée.Alors, tunem’aspascruquand j’aipromisdevenir techercheraprèsavoirbâtiunavenir?Etquandj’aiditquejeteseraisfidèle?
Elleregardaparlavitreavantdesetournerverslui.—Si,àl’époque,jet’aicru,mêmesijet’envoulaisdem’avoirécartéedetaviependantuntemps,
quellesquesoienttesraisons.Commentpouvait-ellepenserqu’ilaitfaitunetellechose?Etelleavaitdit:«àl’époque,jet’ai
cru ». Cela signifiait-il qu’elle avait cessé de le croire ? A présent, il se demandait s’il n’avait pascommisunegraveerreurencoupanttoutecommunicationentreeux.
— Je ne t’ai jamais écartée dema vie, et j’étais bien décidé à venir te chercher.Ça n’a jamaischangé,Crystal.J’aipenséàtoichaquejour.Parfois,chaqueheure,chaqueminute,chaqueseconde.Tumemanquais terriblement. Ilyaeudes joursoùjen’étaispassûrdepouvoircontinuersans toi,oùjevoulais tout arrêter. C’est pourquoi je me suis assuré que Bailey ne me dise pas où tu étais. Sinon,j’aurais tout abandonné pour te retrouver. Et si tum’avais parlé de ta fausse couche, rien n’aurait pum’empêcherdevenirtevoir.Navyoupas.
Soudain,ildébouclasaceintureetcelledeCrystal.Puisilattirasafemmeàluietlaserradanssesbras.
***
Crystalappuya levisagecontre le torsedeBane.Ellenepouvaitempêcher les larmesdecouler.Elleavaitpourtantcruavoirpleuré toutes les larmesdesoncorpsquand lemédecin luiavaitannoncéqu’elleavaitperdusonbébé.EtquandBanel’avaitappeléeàsonretourdel’hôpital,celaavaitété lecoupdegrâce.
Heureusement,satanteRachelavaitétéd’ungrandsoutien.LorsqueCrystall’avaitsuppliéedenepasparlerdubébéàsesparents,satanteluiavaitpromisdegarderlesecret.
Qu’il l’ait vouluounon, quandBane lui avait téléphoné ce jour-là,Crystal avait eu le sentimentqu’il tournait le dos à leur couple et à leur amour. Qu’il l’abandonnait. C’était sa tante qui l’avaitpersuadéedesereprendre,etdedéciderdesonavenir…avecousansBane.Alors,elleavaitprissesdécisionssanslui.MaischaquefoisqueBaileyl’avaitcontactéeaprèscela,unepartd’elleavaitespéréque ce soit Bane qui l’appelle et non sa cousine. A la fin, quand ces appels étaient devenus tropdouloureux,elleavaitchangédenuméro.
Ellenesesouvenaitquetropbiencommentelleavaitpenséàluichaquejour,parfoischaqueheure,chaqueminute,chaqueseconde,toutcommelui.Illuiavaitautantmanquéqu’elleluiavaitmanqué.ElleauraitvoulualleràDenverpourleretrouver.Maisellesavaitqu’iln’yétaitplus,etignoraitoùilpouvaitêtre.Commentavait-ilpus’attendreàcequ’ellenedoutepasdelui,alorsqu’ilnel’avaitpascontactéeencinqans?
—Jevaisbienmaintenant,Bane,affirma-t-elle,lerepoussantetessuyantseslarmes.Sousl’effetdesonregardintense,ellefrissonna.—Vraiment,Crystal?Tuvasvraimentbien?Ouest-cequetucherchesàfairepayerlefaitd’avoir
voulutedonnerlemeilleurdemoi?—Jepensaisavoirdéjàlemeilleurdetoi,Bane.Jenem’étaisjamaisplainte,quejesache!Ilneréponditpas.Elleprofitadecesilencepourreprendreplacesursonsiège.Elletournalatête
verslavitre,etvitdanslerefletqueBanel’observait.—As-tudécidédenotredestination?demanda-t-elle.Ildémarra.—Oui,jesaisoùnousallons.Sansplusdeprécisions,ilsortitduparkingetretournaverslarouteprincipale.
-9-
—Jeprendrailelitleplusprèsdelaporte,Crystal,ditBaneenposantsonsacaupieddulit.En guise de réponse, elle se contenta de hocher la tête et fit rouler sa valise jusqu’à l’autre lit.
Pensantqu’ellen’avaitpasdîné,ilavaitfaitunepausedansunsnackpourcommanderdupouletetdesgaufres.Aprèsquatreheuresderoute,ilss’étaientarrêtésdanscethôtel.Toutcetemps,ellen’avaitpasditunseulmot.Etsonsilenceleperturbait.Commentpouvait-elleluireprocherdevouloirluioffrirunevie?Commentpouvait-ellecroirequ’ill’avaitabandonnée?Apparemment,nepasavoirgardélecontactavecelleavaitétéuneerreur,maiscequ’elleneparvenaitpasàsaisir,c’étaitqu’elleétaitsafaiblesse.
Elle affirmait qu’elle était satisfaite de l’homme qu’il était autrefois. Avec ses qualités et sesdéfauts.Mais elle méritait davantage. Elle méritait mieux, quoi qu’elle en pense. Certes, il avait étéséparéd’ellepluslongtempsqu’ill’avaitprévu,etsurcepoint,ilvoulaitbienreconnaîtresestorts.Cinqansàmettresavieenattente,c’étaitlong.Maisc’étaitbienlàleproblème:iln’avaitpasvouluqu’ellemettesavieensuspens.Ilavaitattendud’ellequ’elleavanceetaccomplissedeschosesdurantcescinqans,toutcommelui.Etellel’avaitfait.Elleavaitterminélelycée,poursuividesétudes,etmaintenant,elleseconsacraitàsondoctorat.Toutcelagrâceàcescinqannéesdeséparation.Pourquoinepouvait-elle pas comprendre qu’en décidant de rejoindre la Navy, il avait cru leur donner à tous les deuxl’occasionderéaliserleurpotentiel,ensachantqu’auboutducompte,ilsseretrouveraient?Ill’aimaitplusquesaproprevie,mais ilavaitétéprêtàfairecesacrifice.Pourquoinelecomprenait-ellepas?Avait-ileutortdesupposerque,quoiqu’iladvienne,leuramourseraitassezfortpoursurvivreàtout?Mêmeàunelongueséparation?
—Jedoisprendreunedouche,dit-elle.Soncœurtressautaquandilentenditdenouveaulesondesavoix.Aumoins,elleluiadressaitde
nouveaulaparole.—Bien.Nouspartironsaprèslepetitdéjeuner,etnousprendronsladirectionduSud.—LeSud?—Oui,maisc’estsusceptibledechanger,enfonctiondesretoursquemeferontlespersonnesàqui
j’aidemandédevérifiercertainséléments.—C’étaitça,lecodemauve?Donc,ellel’avaitécouté.—Oui.C’estuncodepourmonunité.Ilveutdirequel’undenousadesennuis,etquetoutlemonde
doitêtresurlepont.—Oh!jevois.Elledéfitsavalise,etl’ignoradenouveau.
Ilposasonsacsurlelitetl’ouvrit.Lapremièrechosequ’ilvitfutlasacochecontenanttouteslescartesetleslettresqu’ilavaitgardéespourelle,aufildesannées.Ilavaitétéimpatientdelesluidonnerenfin.Maisàprésent…
—Tun’asrienapprisd’autresurmamaison?Il leva les yeux vers elle.Même si elle avait dormi plusieurs fois durant le trajet, elle semblait
encoreépuisée.Mais,fatigueoupas,àsesyeux,elleétaittoujourssplendide.—Non.Flipcontrôlelasituation.Ellehochalatête.Puis,sansunmot,ellepritquelquesvêtements,sedirigeaverslasalledebains,
etfermalaportederrièreelle.Décidantdenepaslaissersonattitudel’affecter,ilpritlasacocheetlaposasurlelitdeCrystal.Elleluiappartenait.Ilavaitattendudesannéespourpouvoirlaluidonner.Etilnelaisseraitpasl’amertumequ’elleressentaitl’empêcherdelefaire.
Sontéléphonesonna, indiquantunmessage.Ilconsultasamontre:2heuresdumatin.Prenantsonportable,illutlemessage.
Toutestcalme.
Ilrépondit:
Espéronsqueçadure.
Iltentad’ignorerlebruitdel’eauquicoulait.IlpouvaitimaginerCrystalentraindesedéshabilleravantdesedoucher. Il adoreraitêtreavecelle, sous le jetd’eau,pour savonner soncorpset lui fairel’amour. Il la plaquerait contre lemur, lui relèverait les jambes pour qu’elle les enroule autour de sataille,puislapénétrerait.Ilavaitrêvédecelatantdefois!
Pourréprimersondésir,ilsemitàinspecterlachambre,vérifiantquetoutétaitprêtaucasoùilsdevraientlaquitterenurgence.Cettechambreétaitplusspacieusequecellequ’ilsavaientpartagéelorsdeleurnuitdenoces,dansunbelhôteldel’Utah.Danscelle-ci,leslitssemblaientchaudsetaccueillants,etladécorationétaitagréable.
Crystal l’avait accompagné lorsqu’il avait fait la réservation. Il l’avait sentie se tendre quand ilavaitdemandéuneseulechambre.Puisill’avaitentenduesoupirerdesoulagementquandilavaitprécisévouloirdeuxlitsséparés.
Ilhaussaunsourcilquandsontéléphonesonnaetqu’ilreconnutlasonnerie.C’étaitDillon.—Oui,Dil?—Tun’aspastéléphonépournousdiresituétaisarrivéàDallas.Toutvabien?Commentdireàsonfrèreque,non,toutn’allaitpasbien?—Oui,jesuisbienarrivé.Désolé,j’aiétédébordé.—Débordé?TuasretrouvéCrystal?—Oui,jesuisallédirectementchezelle,mais…—Maisl’accueilchaleureuxetaimantquetuavaisespérénes’estpasproduit.C’étaitlemoinsqu’onpuissedire.— Je savais que nous devrions surmonter quelques difficultés, mais je ne m’attendais pas à ce
qu’ellem’ouvrelaporteenpointantsonarmesurmoi,niqu’elleavaitfaitsavalisepouréchapperàdestypesquivoulaientlakidnapper.
Ilyeutunepause,puisDillondéclara:—Jepensequetuvasdevoirreprendredepuisledébut,Bane.
***
Tandisqu’elleseséchait,Crystals’efforçadenepaspenseràl’hommequisetrouvaitderrièrelaporte. L’homme avec lequel elle avait échangé son premier baiser. A qui elle avait offert son corps.L’hommequiavaitétésonmeilleurami.Quiavaitdéfiésonpèreetrisquélaprisonrienquepourêtreavecelle.L’hommequiétaitsonépoux.
Elleregardasonrefletdanslemiroir.Baneavait-ilremarquéqu’elleavaitchangé?Appréciait-ilcetteévolution?Ellenepouvaitattribuersasilhouetteàdeseffortsparticuliers.Dujouraulendemain,justeaprèssesvingtans, lescourbesétaientarrivées,simplement.Al’université, lesgarçonsl’avaientremarquéaussi,etavaientcommencéà luicauserdesproblèmes.Elleauraitaiméavoiruneallianceàsondoigt,pourlesteniràdistance.Alaplace,elleavaitcela,songea-t-elleenregardantsonmédaillon.
Elleleportaàseslèvresetl’embrassa.C’étaitcebijouquiluiavaitpermisdenepasdevenirfolletoutescesannées.IlluisuffisaitdeleregarderpourpenseràBaneetsapromesse.Mêmelesjoursoùelleavaitpenséqu’ill’avaitpeut-êtreoubliée.
Son cœur s’emballa quand elle songea à certains de ses regards ce soir. Notamment le dernier,quand elle avait annoncé aller prendre une douche. Personne ne pouvait l’exciter en un éclair commeBrisbaneWestmoreland.Quandilavaitposésonregardbrûlantsurelle,elles’étaitsentierougir.
ElleenfilaunbasdejoggingetunT-shirttropgrand,ensongeantàBane.Ilétaitsisexy!Plusieursfoisdurantletrajet,elleavaitfaitmined’êtreendormie,pourl’observerencachette.Nonseulementilavaitdebeauxyeux,maisilavaitaussidemagnifiquescils.Presquetroplongspourunhomme.Quandilavaitenlevésaveste,ellen’avaitpus’empêcherd’apprécierlalargeurdesesépaules.Ilétaitsimuscléqu’il devait sans doute s’entraîner tous les jours. Les Seals étaient réputés pour leur grande formephysique.
Consciente d’avoir passé trop de temps dans la salle de bains, elle ouvrit lentement la porte etaperçutBane,installéaubureau,devantunordinateurportable.
Unordinateur?Combien de fois par le passé, quand elle avait tenté de lui apprendre à utiliser Internet, avait-il
prétenduqu’ilneconnaissaitrienàlatechnologieetauxordinateurs?Uneodeurdecaféflottaitdans l’air. Ilenavaitdoncpréparépendantqu’elleprenaitunedouche.
Ellen’avaitjamaisaimélecafé,etluipréféraitleschocolatschaudsoulestisanes.Elles’éclaircitlavoix.—J’aifini.—D’accord.Ilneseretournapas,gardantsonregardrivéàl’écran.Rangeantsesvêtementsdanslepetitsacà
lingequ’elleavaitemporté,elleleplaçadanssavaliseetremarquaunesacoche.—Tuasposéquelquechosesurmonlit,dit-elle.Illuijetaunregardpar-dessussonépaule,quifitcourirdesfrissonsdedésirdanssondos.—Jesais.C’estàtoi.—Amoi?s’étonna-t-elle.—Oui,dit-ilenreportantsonattentionsursonordinateur.—Qu’est-cequec’est?—Situregardaispourlesavoir?
***
Bane fitminede seconcentrer sur l’écrande sonordinateur. Il avait entenduCrystal sortirde lasalledebains,etcelaavaitsuffiàaccroîtresondésir.Ilnefallaitsurtoutpasqu’illaregarde:ilavaitdéjà le plus grandmal à garder lamaîtrise de lui-même.Même s’il avait les yeux rivés à l’écran, il
l’entenditdesserrerlalanièredecuirdelasacoche.Commeill’avaitdeviné,safemmeétaitincapablederésisteràsacuriosité.
—Ilyadescartes.Destasdecartesetd’enveloppes,observa-t-elle.—Jemesuissouvenudetesanniversaires,denosanniversairesdemariage,delaSaint-Valentinet
deNoël.Mêmesijenepouvaispastelesenvoyer,j’aiachetécescartesetjelesairangéesdanscettesacoche.Jesavaisqu’unjour,jepourraistelesdonnerenpersonne.
Ill’entenditfouillerdanstouteslesenveloppesscellées.—Ilyadeslettresaussi,observa-t-elle.—Oui.Laplupartdemescamaradesavaientdesépousesoudespetitesamiesàquiécrire.Mêmesi
jenepouvaispascorrespondreavectoi,j’aiprisl’habitudedet’écrirechaquefoisquetuoccupaismonesprit.
Il espérait qu’elle voie, d’après le nombre d’enveloppes, qu’elle avait obnubilé son esprit unebonnepartiedutemps.
—Merci,Bane.Jesuissurprise.Jenem’attendaispasàcequetufassescela…pourmoi.Cettefois,ilneputs’empêcherdeseretourner.—Jeferaisn’importequoipourtoi,Crystal.Lafacilitéaveclaquelleilpouvaitlafairerougirnecesseraitjamaisdel’étonner.Aumoins,c’était
une chose qui n’avait pas changé. Il scruta son visage, tout comme elle sondait le sien. Soudain, ellebaissalesyeuxetprituneprofondeinspiration.IlpouvaitvoirsestétonspointersoussonT-shirt.Mêmedanscevêtementtroplarge,elleétaitincroyablementsexy.
—Jesuisimpatientedeliretoutça.Lasonneriestridentedesontéléphoneattirasonattention.Ildécrochaaussitôt.—Bane,j’écoute.Samâchoire se crispa tandis qu’il écoutait son ami.NickStover, autrefoismembrede sonunité,
avaitdécidédequitter l’arméeetde travaillerpour laSécurité intérieurequandsa femmeavaitdonnénaissanceàdes triplés.Baneétaitheureuxqu’ilpuisse lui fournirdes informationssûres.MaiscequeNickluiappritlemithorsdelui.
QuandNickeutterminésonrapport,Baneconclut:—D’accord.Mercipourcesinformations,Nick,j’appelleFlip.Cequ’il fitaussitôt. Il savaitqueCrystal l’écoutait. Il lui faudrait luiexpliquer la situation,mais
d’abord,ildevaitluiposerunequestion.—Ya-t-ilcheztoidesobjetsquetuveuillesrécupérer?—Pardon?demanda-t-elle,l’airintrigué.—Ya-t-ildesobjetsquetuveuillessauver?Manifestement,elle tentaitdecomprendrepourquoi il luiposaitcettequestion.Avantqu’ilpuisse
s’expliquer,ilentenditFlipdécrocher.—Flip?C’estBane.IlsavaitqueNickavaittransmisàFlippersesinformations.—Oui,ilyadeschosesqu’elleveutrécupérer.PuisqueCrystaln’avaitpasréponduetcontinuaitde leregardercommes’ilavaitperdula tête, il
déclara:—Jesuiscertainqu’elleveutavoirtouteslesphotossurlacheminée.Crystalseprécipitaverslui.—Attends!Pourquoiluidis-tucela,Bane?Quesepasse-t-ilchezmoi?Banes’adressaàFlip.—Jeterappelledansuneminute.Ilraccrochaetposaletéléphonesurlebureau.
Ilregrettaitd’avoiràrépondreàcettequestion,maisiln’avaitguèrelechoix.—Dansquelquesheures,tamaisonseraenflammes.
-10-
Crystal eut l’impression que la pièce tournait autour d’elle, et se demanda si elle n’allait pass’écrouler.Banepensaitsansdoutelamêmechose,carilselevad’unbondetlasaisitparlebraspourluiéviterdetomber.
—Jecroisquetudevraist’asseoir,Crystal,dit-il,tentantdel’installersurlachaisequ’ilvenaitdelibérer.
—Non,jepréfèreresterdebout.Elleavaitdûrêver.Ilnepouvaitpasavoirditquesamaisonallaitêtreincendiée!Maisilluisuffit
devoirsonairinquietpoursavoirqu’ellen’avaitrienimaginédutout.—Pourquoiquelqu’unvoudrait-ilbrûlermamaison?—Enfait,c’estunordredelaSécuritéintérieure.—LaSécuritéintérieure?s’exclama-t-elle,abasourdie.Pourquoilegouvernementvoudrait-ilfaire
unechosepareille?—Jet’aiparlédesdeuxchimistesenlevés.Maintenant,lesravisseurstententdemettrelamainsur
toi. La situation est grave, Crystal, et c’est une question de sécurité nationale. Tant qu’il existe unepossibilitéquequelquechosedanstamaisonsoitliéàtesrecherches,alors…
—Jet’aiditquenon.Jeneramènejamaisdetravailàlamaison.—LedépartementdelaSécuritéintérieurenepeutprendreaucunrisque.S’ilsnetetrouventpas,
cestypestenterontderassemblercedontilsontbesoin,etlegouvernementnepeutpasleslaisserfaire.—Bien.Appelle-les.—Quiça?—LesgensdelaSécuritéintérieure.Tuassûrementunnuméro.S’ilsnetecroientpas,peut-êtreme
croiront-ils,moi.—Jenepeuxpas.—Pourquoi?Ilmarquauntempsavantderépondre.—Parceque,pourl’instant,nousnepouvonsfaireconfianceàpersonne.Pasmêmeauseindela
Sécuritéintérieure.Dumoins,pastantqu’onnesaitpascequisepasse.Al’évidence,ilyaunetaupechezeux.Sinon,commenttonprojetaurait-ilpuêtresurveillédesiprès?
Ilsedirigeaverslemeubleoùsetrouvaitlacafetière,seservitunetasseetbutunegorgéedecafé.—LaSécuritéintérieureignoreoùtues.Toutcequ’ilssavent,c’estquecesmalfaiteursnet’ontpas
encoreattrapéepuisqu’ilsessaientencoredeteretrouver.Manifestement,lapersonnequit’aenvoyécemessageestduboncôtéetacompriscequiallait sepasser,c’estpourquoi ilouelle t’aconseillédedisparaître.Pourcequecestypesensavent,c’estcequetuasfait.
Ilavalauneautregorgéedecafé.—Donc,endehorsdecesphotos,ya-t-ilautrechosequetuveuillessauver?Ellepritunegrandeinspiration.Techniquement,cen’étaitpassamaison,puisqu’ellelalouait.Mais
c’étaitdevenusonfoyerdepuisunan,l’endroitoùelleavaitlaissésonempreinte.Elleaimaitsurtoutlepatio.Ellepouvaits’yasseoiretyliredesheuresdurant.Ellesongeatoutàcoupquetouslesmeublesqu’ellepossédaitallaientsansdouteêtredétruits,puisqu’ilsétaienttropvolumineuxpourêtredéplacéssansattirerl’attention.Acetteperspective,elleselaissatombersurlachaise.
—Nousn’avonspasbeaucoupdetemps,Crystal.Elleseredressa,contented’avoiremportésoncertificatdemariageetl’albumphotoqu’elleavait
constituépourBane.—Mabible de famille, dit-elle avec résolution.Elle se trouvedans le tiroir demonmeuble de
chevet.Etilyad’autresphotosdansunpetitcoffresousmonlit.—D’accord.Quandilpritsontéléphone,sonbraseffleuralesien.Lecontactluicoupalesouffle.Banesoutint
sonregard,etellesutqu’ilavaitressenticecourantélectrique,luiaussi.—Flip,dit-ilsanslaquitterdesyeux,prendssabibledanssonmeubledechevet.Etilyaunpetit
coffresoussonlit.Quelquesinstantsplustard,ilraccrocha.—Jevoisquetun’aspaspassél’âgepourça.—Quoi?—Rougir.—J’étaiscenséepasserl’âge?Ilsourit.—Jenemeplainspas.Enfait,j’aitoujoursaimétevoirrougir.Elletentad’esquisserunfaiblesourire,maispourl’instant,elleavaitpeuderaisonsdesourire.—Jenet’aipasproposédecafé.Puisquetun’enaspascommandéaurestauranttoutàl’heure,j’en
aidéduitquetun’aimestoujourspasça.—Etjevoisquetoi,tuaimestoujoursça.—Eneffet.—Tropdecaféine,cen’estpasbonpourtoi.—Tumel’astoujoursdit,dit-ilensouriant.—Et je lepense toujours.Surtoutmaintenantque je suisbiochimiste.Cen’est pasbonpour ton
corps.Pourquoiavait-ilfalluqu’elledisecela?Etpourquoisonregarddériva-t-ilaussitôtverssoncorps
ferme?BaneWestmorelandétaittellementattirant!Ilavaittoujourseuunmagnétismeirrésistible.Soncorpsétaitsiattirantqu’ellesongeaqu’ilétaitbiendommagedenepasenprofiter.
Ellereportasonattentionsursonvisage.Sabarbenaissante lerendaitplussexyencore. Ileutunsouriremalicieux,etellesentitsesjouess’empourprerdenouveau.
—Meregarderainsipourrait t’attirerbeaucoupd’ennuis,CrystalGayle,murmura-t-ild’unevoixrauque.
Il était près. Si près qu’elle pouvait sentir son parfum. Une fragrance virile. Délicieusementprovocatrice.
—Danscecas,jevaisregarderailleurs,dit-elle.Enl’occurrence,verslelitettouteslescartesetleslettresqu’elleavaitsortiesdelasacoche.—J’aidéjàassezd’ennuiscommeça,etenplus,legouvernementveutbrûlermamaison.J’aimerais
biensavoircommentilsvontl’expliqueràlacompagnied’assurances.—Ilsn’enaurontpasbesoin,ilsferontensortequeçaaitl’airaccidentel.
Ellelevalementon.—Toutdemême,jen’aimepasça.Elle se leva, supposant qu’il reculerait pour la laisser passer. Mais il n’en fit rien, et elle se
retrouvacontrelui.—Tatenuetevabien,aufait,dit-il,sonsoufflecaressantsonvisage.C’était une plaisanterie ? Ses vêtements étaient vieux et délavés.Mais, se rappelant ses bonnes
manières,ellerépondittoutdemême:—Merci.Dèsqu’elleposalesyeuxsursonvisage,elleleregretta.Sonregarddébordaitd’unetellesensualité
qu’ellesentitsonventresenouer.Posantsatassedecafé,ilavança.Avantqu’elles’enrendecompte,ill’avaitenlacée.Etmaintenant,
ilcaressaitsataille,seshanches.—Jen’arrivepasàm’enremettre,dit-il.D’oùviennenttoutescescourbes?Ellehaussalesépaules.—J’aimeraislesavoir.Jemesuisréveilléeunmatin,etellesétaientlà.Pourquoineluidisait-ellepasd’ôtersesmains?Pourquoisescaressesétaient-ellessiagréables?Ileutunpetitrire.—Iln’yaquetoipourpenserquecescourbessontarrivéesdujouraulendemain!Mêmesiunepartd’elleledéplorait,elleaimaitlafaçondontilluirappelaitavecsubtilitéqu’ils
avaientunpasséensemble.Etelleenavaitbesoin,carparfois,illuisemblaitvraimentêtreunétranger.—Ehbien!dit-elle,faisantunmouvementpourluiéchapper.Maisilserrasataille,etquandilbaissalatête,elleimaginaleurslanguessemêler.Dèsqu’ilpritpossessiondesabouche,elleneputqueluirendresonbaiser.
***
BaneadoraitembrasserCrystal.Depuistoujours.Leursbaisersn’étaientpasseulementexquis,ilsétaientenfiévrés,etenun riende temps, il frissonnadedésir.Etcommeautrefois, ildut réprimer sonenvie;sinon,ildevraitluifairel’amour.Etildoutaitqu’ellesoitprête.
Alors,ilsavouraleurétreinte.Etlafaçondontelleluirendaitaudacieusementsonbaiser.Commetoutàl’heurequandilss’étaientembrassés,ilavaitl’impressionderetrouverenfinlafemmequ’ilaimait.Il avait été privé de sa saveur pendant cinq ans. Il avait tenté de se souvenir à quel point elle étaitdélicieuse,ensachantque les souvenirsne lui rendaientpas justice.Cebaiserétait si intensequesonesprits’embrumait.
Soudain,ellereculaetprituneprofondeinspiration.Quandelles’humectalalèvre,ilfuttentédel’embrasserdenouveau.
—Nousn’aurionspasdûfaireça,Bane,murmura-t-elle.Ledésarroiqu’illutdanssesyeuxletroubla.—Jenevoispaspourquoi.Tuesmafemme.—Jen’aipasl’impressiond’êtretafemme.—Onpeutyremédier,trésor.—Jesais.Maiscoucheravectoinemedonnerapasl’impressiondeteconnaîtremieux.J’aibesoin
detemps,Bane.Jen’aipasbesoinquetumepoussesàquoiquecesoit.—Jenetepousseraipas.Ellecroisalesbras,cequiattirasonattentionsursestétonsdurcisquipointaientsoussonT-shirt.—Alors,cebaiserquenousvenonsd’échanger,qu’est-cequec’était?—Delapassion,répondit-il.Tunepeuxpasnierl’avoirressentie.Jetedésiretant,Crystal!
Ellesemblagênée.—Détends-toi,chérie.Ceseraàtoidemedirequandtuserasprête.Unjour,tuterendrascompte
quemêmesiletempsapassé,jesuistoujourstonmari.Ellesecoualatête.—Maisnousnesommespasvuspendantcinqans.Cherchait-elleàluidirequ’ellen’étaitplussûredel’aimerencoreaprèstoutcetemps?Ilrefusait
delecroire.— Fais-moi confiance, Crystal, dit-il avec douceur, quand tu auras lu toutes mes cartes et mes
lettres,jesuiscertainquetucomprendrascequejeveuxdire.Sontéléphonesonnadenouveau.Elleenprofitapours’écarteretsedirigerverssonlit.—Bane,j’écoute.Ilécoutalerapportdesonami.—D’accord,Flip.Merci,jeterevaudraiça.Quandileutterminél’appel,ilexpliqua:—C’étaitFlip.Ilvoulaitmedirequ’ilavaitrécupérétouteslesaffairesquetuvoulaissauver.Au
fait,tusavaisquetamaisonétaitsurécoute?
***
Crystalsongeaqueleschocss’enchaînaientàunrythmequ’ellen’étaitpassûredesupporterencorelongtemps. D’abord, le retour de Bane après cinq ans. Puis, ces hommes qui voulaient l’enlever. Legouvernementquivoulaitmettrelefeuàsamaison.Etmaintenant,elleapprenaitquesamaisonétaitsurécoute?
—C’estimpossible.Jen’aijamaisinvitépersonnechezmoi.Toutlemondemeconsidèrecommeunerecluse.
—D’oùvientlagirafeenpeluche?—Lagirafeenpeluche?s’étonna-t-elle.—Oui.—Uncadeaud’unecollègue, rapportéd’AfriqueduSud.Elleavaitoffertdessouvenirsà tout le
monde.—Quiétaitcettegénéreusepersonne?—Unebiochimiste,JasmineRoss.—Ehbien,ellet’aoffertcettepeluchedansunbutprécis.Flipl’avuesurtacommodeetapensé
que tuvoudrais lagarderaussi.Quandsondétecteurs’estdéclenché, ilacomprisqu’ellecontenaitunmicro.Sessoupçonssesontvérifiésquandill’aouverte.Amonavis,quelqu’unpensaitpouvoirécouterdesconversationsportantsurtesrecherches.
—Ehbien,c’étaitinutile.Lasituationétaitdeplusenplusinsensée.—Ilyavaitd’autresmicros?s’enquit-elle.—Non,Flipetsesfrèresontpassélamaisonaupeignefinetn’ontriendétectéd’autre.Maintenant,
tucomprendspourquoilaSécuritéintérieureveutbrûlertamaison?Non,ellenecomprenaittoujourspas.—Ilsauraientputrouverunautremoyen.—Biensûrquenon.Ellen’aimaitpasl’attitudedeBane.Ilsemblaittrouverparfaitementnormalquequelqu’unincendie
l’endroitoùellevivait.Elleluitournaledoset,d’ungesterageur,remitlescartesetleslettresdansla
sacoche.Ellen’étaitpasd’humeuràlirepourl’instant.Toutcequ’ellevoulait,c’étaitsecoucheretsereposer.
—Jevaisprendreunedouche.—Bien.Elle fut tentée de se retourner,mais elle résista. Elle comptait dormir à poings fermés quand il
reviendraitdanslachambre.Quand elle entendit la porte de la salle de bains se fermer, elle soupira profondément.Comment
Baneetelleallaient-ilspartagerunechambresans…Ellesecoualatête.Lapenséequ’ilsfassentl’amourlatroublait.Toutd’uncoup,lessouvenirsde
leur dernière nuit la submergèrent. Des souvenirs heureux. Ils venaient de semarier et pensaient quel’avenirétaitàeux.
Quandelleentendit l’eaucouler,elleneputs’empêcherdeserappelerlesdouchesqu’ilsavaientprisesensemble.Ettoutesleschosesqu’illuiavaitapprises.ILavaitétélemeilleurdesenseignants,ets’étaittoujoursmontrédouxetprévenantavecelle.
Enseglissantsouslesdraps,elletentadenepaspenseràlui.Alors,ellesongeaàsamaisonqui,d’uneminuteàl’autre,seraitenflammes.
-11-
Vingt minutes plus tard, quand Bane sortit de la salle de bains, Crystal dormait. Du moins, enapparence. Il trouvaitamusantqu’elle fassesemblantdedormiralorsqu’elle regardaitencachettesontorse nu. Il n’y voyait pas d’objection. Elle pouvait même le toucher si elle le souhaitait, ou, mieuxencore,l’inviteràlarejoindredanssonlit.
Pourpimenterlespectacle,ildécidades’allongersurlesolafindefairesesexercicesquotidiens.Il commencerait par des pompes, et cinq minutes de flexions. Peut-être une séance d’entraînementvigoureusedissiperait-ellecedésirquiletaraudait.Etcelaexciteraitpeut-êtreCrystalsuffisammentpourqu’elleveuillefairel’amour.Celavalaitlapeined’essayer.
Au bout d’une demi-heure d’exercices, il se demanda si elle avait remarqué qu’elle respiraitdifféremment.Entoutcas,luil’avaitremarqué.Aprésent,ilcouraitsurplace.Sonpantalondejoggingdescendaitsursesreins,etsontorseétaitperlantdesueur.
—Cequetufaisn’apasdesens,Bane.Ilréprimaunsourire.—Jetecroyaisendormie,mentit-il.—Commentpourrais-jedormiravectoutleraffutquetufais?—Pardonsijet’aidérangée.Qu’est-cequin’apasdesens?—Prendreunedouchepourtranspirerjusteaprès.—Pasdeproblème,dit-ilenriant,jeprendraiuneautre.Elleseredressasuruncoude.—Tuasfaittroiscentspompes.Quiestassezfoupourfaireça?—UnSealquidoitresterenforme.Elleavaitdonccomptéaveclui,maiselleenavaitmanquéquelques-unes.—Etj’enaifaittroiscentvingt-cinq,rectifia-t-il.Aquoiavait-ellepensépendantqu’ilfaisaitlesvingt-cinqautres?—Peuimporte.J’espèrejustequetuasfini.—Pour ce soir. Je le fais chaquematin.Mais je tâcherai de fairemoinsdebruit pournepas te
déranger.
***
Cen’étaitpaslebruitquiladérangeait,songeaCrystal.Elles’efforçades’empêcherdeleregarder.Seigneur, comment la sueur pouvait-elle être si sensuelle sur un homme ? Si excitante ? Toute cettetestostérone.Cesmusclesondoyants.Cesbicepssaillants.Cesabdominauxfermes.Elles’étaitpasséede
sexedurantdesannées,etcelanel’avaitjamaisdérangée.Maismaintenant,si.Parcequ’elleétaitavecBane,l’hommequiavaittoujoursaffolésessens.
Elleavaitfeintd’êtreendormiequandilétaitsortidelasalledebains.Maisellen’avaitpurésisterà l’envie de contempler son torse nu. Elle avait pourtant essayé de garder les yeux fermés.Mais sesgémissementsavaientsuscitétoutessortesdefantasmesdanssonesprit,etelleavaitcommencéàluijeterdesregardsfurtifs.C’étaitàsedemanders’iln’avaitpasfaitexprèsd’attirersonattention.
—Jemesuisouvertl’appétit.Tuveuxquelquechose?Elleavaitfaimaussi,maissonappétitétaitd’uneautrenature.Cequiluifaisaitvraimentenvie,elle
feraitmieuxdes’enpasser.Ilétaitencoretroptôt,etelledevaitgarderlatêtefroide,tantqu’ellen’étaitpashorsdedanger.
—Non,merci.Jen’aitoujourspasfaimaprèslesgaufresetlepouletdetoutàl’heure.Maistupeuxpasserunecommande.Leréceptionnisteaditquelacuisineétaitouvertevingt-quatreheuressurvingt-quatre.
Maisquivoudraitmangerà4heuresdumatin?—Bonne idée, jevaiscommanderunplat.Quelquechosede léger.Si j’appellemaintenant, cela
arrivera sans doute quand je serai sorti de la douche.Mais si je suis encore dans la salle de bains,n’ouvreàpersonne.Lepersonnelpeutattendrequelquesminutes,voireramenerlacommandeencuisine.
Toutescesprécautionsétaient-ellesbiennécessaires?Illuisuffitdepenseràsamaisonenflammespouravoirsaréponse.—D’accord,dit-elle.Elleespéraitque,cettefois,lorsqu’ilsortiraitdeladouche,elledormiraitpourdebon.Lapremière
fois,lebruitdel’eauetl’imaginernul’avaientmaintenueéveillée.Ilpritletéléphoneetcommandaunsteaketdespommesdeterre.A4heuresdumatin?N’avait-il
pasdit«quelquechosedeléger»?Ilsn’avaientsansdoutepaslamêmedéfinitiondumot«léger».Elle inspira.Pourquoi sa respirationétait-elle soudain saccadée?Sansdouteparcequ’elleavait
suividu regard la transpirationquiperlait sur son torse ferme,coulait sur sesmuscleset se frayaituncheminsoussonbasdejogging.
Ilgagnaitlasalledebainsquandsontéléphonesonna.—C’estNick,annonçaBanequandileutprissonportablesurlebureau.Elle sentit son ventre se nouer. Chaque fois que ce Nick appelait, il annonçait de mauvaises
nouvelles.—Peut-êtreont-ilsdécidédenepasbrûlermamaison,avança-t-elle.LeregarddeBaneluiindiquaqu’ellenedevraitpasycompter.—Oui,Nick?Baneserralamâchoire,etsonregards’assombrit.Quandilrépéta«bonsang»troisfois,elleétait
prochedelapanique.—Mercidem’avoirinformé,nousreprenonslaroute.AppelleViper,ilsauraquoifaire.Crystal,assisesurleborddulit,s’apprêtaitàlequestionnerquandillança:—Oùesttaveste?—Maveste?—Oui.—Accrochéedansleplacard,pourquoi?—Ellecontientunmouchard.—Quoi?Déjà, Bane retirait le vêtement de son cintre. Elle le regarda, horrifiée, tandis qu’il prenait un
couteaudepocheetdéchiraitunecouture.—Bingo!
Ilbranditunpetitobjetquiressemblaitàunboutondoré.—Celaveut-ildire…—Oui.Quelqu’unnousasurveilléstoutcetemps,etilyadeschancespourquecestypessachent
quenoussommesici.—Maiscommentquelqu’una-t-ilpuprendremaveste?—Quandtuesautravail,tulagardessurtoi?—Non,jel’accrocheetj’enfilemablouseblanche.—Alors, tuastaréponse.Jesoupçonnequelapersonnequiamiscettepucedanstavesteestla
mêmequecellequit’aoffertlagirafeenpeluche.Ilpassalesmainssursonvisage.—Bon.Faisonsnosvalisesetquittonscetendroit.—Ettonrepas?Tadouche?—Jem’arrêteraiquelquepartpouravalerquelquechose,etjemedoucheraidansleprochainhôtel.
Pourl’instant,nousdevonspartir.Elleétaitdéjàdeboutetempoignaitsavalise.Iln’avaitsansdoutepasimaginétoutcelaquandil
étaitvenulachercher,songea-t-elle.—Jesuisdésolée,Bane.—Dequoi?dit-ilenprenantsonsac.—D’êtrelacausedetantdesoucis.J’imaginequetunet’attendaispasàça.—Non,maisçan’apasd’importance,Crystal.Tuesmafemme,ets’illefaut,jeteprotégeraiau
prixdemavie.Elle frissonna à cette pensée, et espéra que cela n’arriverait pas.Mais lesmots qu’il venait de
prononcerl’avaientprofondémenttouchée.Elleécartaquelquesmèchesdecheveuxdesonvisagepourl’observertandisqu’ilrassemblaitsesaffaires.
—Prête?—Oui.—Nousdevonsplusquejamaisêtresurnosgardes,etnousassurerquenousnesommespassuivis.
Ilyadeforteschancespourquequelqu’unnousattendesurleparking,c’estpourquoijepasseauplanB.—QuelplanB?—Tuverras.Après queBane eut inspecté le couloir, ils quittèrent la chambre et prirent l’escalier au lieu de
l’ascenseur.Elle lesuivitsansposerdequestions.Etquandilsarrivèrentdevantuneporteverrouilléedonnantsurlacour,ilutilisacequiressemblaitàuneépinglepourcrocheterlaserrure.
—Tun’aspasperdulamain,àcequejevois,plaisanta- t-elle.—Maisjenepratiqueplusautantqu’autrefois.Enuninstant,laserrurecéda,etilsseretrouvèrentdanslacour,situéedel’autrecôtéduparking.—Commentallons-nousgagnerlavoiture?—Inutile.Acet instant,unmonospaceblancapparut, suivid’uneberlinedecouleurgrise.PuisqueBanene
semblaitpasinquiet,ellesupposaqu’ilconnaissaitlesoccupantsdesdeuxvéhicules.Quandlaportièredumonospaces’ouvritetqu’uncolosseensortit,Banesourit.
Unefoisquel’hommeleseutrejoints,Banefitlesprésentations.—Crystal,jeteprésenteGavinBlake,aliasViper.Unautredemescollègues.
***
BanenetrouvarienàredireàlafaçondontViperobservaCrystal.Sonamiétaitcurieux,commelaplupartdesescamarades. Ilss’étaientdemandéquelgenredefemmespouvait rendreunhommefidèlependantcinqans.BanedevinaitqueViper,séducteurnotoire,étaitimpressionné.
—Vousavezoubliédevérifiermadentition,ironisaCrystal.Viperéclataderire.—Etelleaungrandsensdel’humour,commenta-t-il.Çameplaît.Bane,tudoistoutfairepourla
garder.—Jesuisdetonavis,approuvaBane.Tuasinspectéleparking?—Oui,et tuavaisraison.Unevoitureavecdeuxhommesàsonbordestgaréederrièrelatienne.
J’aicommuniquélenumérod’immatriculationàNick.Selonlui,c’estlemêmevéhiculequeceluiqu’untémoinoculaireavudans lazoneoùl’undesdeuxautresbiochimistesaétéenlevé.Tuasbienfaitdem’appeleràlarescousse.
Ilfitunsignedetêteverslemonospace.— Voilà votre nouveau carrosse. Ces types ignorent sans doute que vous les avez repérés. Ils
comptaientprobablementenlevertafemmeàvotresortiedel’hôteldemainmatin.—Ilsenserontpourleursfrais.—Toutàfait,ditViperenriant.Ilsnesaventpasdutoutàquiilsontaffaire.Jevaislesoccuper
pendantquetafemmeettoiprenezdel’avance.Cedevraitêtreamusant.Banefronçalessourcils.—Net’amusepastrop.—Net’inquiètepas.Jesuisvenuavecmoncousin,quiestmarine,pourêtresûrd’éviterlesennuis,
dit-ilentendantàBanelesclésduvéhicule.Tuasunplan?—Oui,ditBane.Monfrèreacontactédesmembresdelafamillequiontdesliensaveclesforces
del’ordre.—Bien,commentaViper.Riendetelquelafamillepourvoussoutenirencasdeproblèmes.IlsouritàCrystal.—Jesuisravid’avoirenfinpuvousrencontrer.Vousavezépouséuntypebien.Bane,si tuasde
nouveaubesoindemoi,iltesuffitdem’appeler.PuisVipers’éloigna,remontantdanslaberline.Leconducteurs’éloignaaussitôt.BanereportasonattentionsurCrystal.—Bien,déguerpissonsavantquecestypescomprennentquenousleuravonsfaitfauxbond.Ilouvritlecoffreetyrangealeursbagages.—Tuveuxquejeconduise,Bane?Tudoisêtrefatigué.Il sourit en lui ouvrant sa portière. Ce qu’il endurait n’était rien comparé auxmissions que ses
collèguesetluieffectuaiententempsnormal.—Non,çava.Noussommesensemble,etc’esttoutcequicomptepourmoi.Unedemi-heureplustard,tandisqueBanes’engageaitsurl’autorouteavecunefacilitéremarquable
pourunhommequines’étaitguèrereposé,Crystalneputs’empêcherderepenseràsesparoles.Noussommesensemble,etc’esttoutcequicomptepourmoi.Nedevrait-ellepaspenser lamêmechosequelui?Unechoseétaitsûre,elleétaitheureusequ’il
soit là. Impossiblededire cequ’il serait advenud’elle s’il n’était pas arrivé.Ellen’auraitpas suoùaller,niquoifaire.Elleavaitdécidéd’allerauxBahamas,sanssedouterquequelqu’unl’auraitattendueàl’aéroportpourl’enleveravantmêmequ’ellepuisseprendresonavion.
Bane, en revanche,maîtrisait la situation.Grâce à son réseau, il avait un tempsd’avance sur lesmalfrats.Sanslui,ellen’auraitjamaissuqu’unmouchardavaitétécousudanssaveste.
ElleétaitsurprisequeJasmineRosssoit impliquéedanscetteaffaire.C’étaitunefemmeenjouée,quiavaitquelquesannéesdeplusqu’elle.Elleavaitmêmetentédedevenirsonamie.Crystaln’avaitpas
trouvéétrangequ’elleluioffreunepeluche,puisqueJasmineavaitoffertuncadeauàtoussescollègues.Quantàsaveste,Crystall’accrochaitsurleportemanteaucommetoutlemonde,doncJasmineavaitpulaprendreetyplacerunepucesanssefaireremarquer.
PourquelmotifJasmineétait-ellepasséedanslemauvaiscamp?Qu’avait-elleàygagner?Crystalpréférait ne pas songer à ce que les deux autres chimistes enduraient. Ils avaient été séparés de leursfamillesetnesavaientsansdoutepasquequelqu’unallaitlesretrouveretleslibérer.Etaient-ilsmêmeencoredanslepays?
—Çava,Crystal?C’était plutôt à elle de lui poser cette question.Aumoins, elle avait pu dormir quelques heures,
contrairementàlui.—Oui,çava.Ettoi?—Jevaistrèsbien.Elle le croyait. Il semblait vraiment dans son élément. C’était unBane différent. Plus sage, plus
discipliné.Cen’étaitpasleBaneimpulsif,irresponsableoutémérairequ’elleavaitconnu.LeBanedontelle se souvenait aurait foncébille en tête sur leparkingpour sebattre aveccesmalfaiteurs.L’ancienBanedétestaitqu’onluidisequoifaire,surtoutquandils’agissaitd’elle.Voilàpourquoiils’étaitdisputéaveclepèredeCrystaltantdefois,pourquoiilavaitdéfiélaloi,etmêmesaproprefamille.
Décidantd’entretenirlaconversationpourlemainteniréveillé,elledemanda:— Alors, quoi de neuf chez les Westmoreland ? Tes frères et tes cousins sont-ils toujours
célibataires?Sonrirechaleureuxemplitl’habitacle.Etrésonnaenelle.—Pasvraiment.Enfait,quandBaileysemarieraàlaSaint-Valentin,toutlemondeseracasé.—Baileysemarie?—Oui,ellepartmêmevivreenAlaska!Sonfiancépossèdeunimmenseranchsuruneîlelà-bas.Crystalétaitabasourdie.—Baileyatoujoursjuréqu’ellenesemarieraitjamaisetnequitteraitjamaisDenver!—Al’évidence,WalkerRaffertyasulafairechangerd’avis.J’aieul’occasiondelerencontrerà
Thanksgiving.C’estuntypebien.Unancienmarine.Ildevaits’agird’unhommeremarquablepouravoirsugagnerl’approbationdeBane.Lesbenjamins
delafamille,BaneetBaileyavaienttoujoursététrèsproches.Etilss’étaientattirésbeaucoupd’ennuisensemble.
—Jesuisheureusepourelle.—Moiaussi.Ellel’écoutatandisqu’illuiracontaitquiavaitépouséqui.Ellefutégalementsurprised’apprendre
quesescousinsZaneetDerringerainsiquesonfrèreRileyétaientmariés,étantdonnéleurréputationdetombeurs.
EllesecaladanssonsiègetandisqueBanecontinuaitsonrécit.Elleadoraitlesondesavoix,etdevinait qu’il était très fier de chacun des membres de sa famille. Il lui apprit aussi qu’ils avaientretrouvélatraced’autrescousinsenAlaska,lesOutlaw.
Tandisqu’ellel’écoutait,ellenesongeapasàluidemanderoùilsallaient.Ilsétaientensemble,etc’étaittoutcequicomptait.
-12-
—Jevaisrapprocherlelitdelaporte.—D’accord.Jetant son sac sur le lit, Bane inspecta la chambre. Celle-ci était encore plus grande que la
précédente,etlelitsemblaittrèsconfortable.Lapremièrechosequ’ilcomptaitfaire,c’étaitprendreunedouche.Ilavaitconduitneufheuresdurant,etildevaitlereconnaître,Crystalavaitfaitl’effortdeluitenircompagnieenluiposantdesquestionssursafamilleetdesacarrière.Illuiavaitexpliquéqu’àcausedelanaturehautementconfidentielledesonmétier,ilyavaitbeaucoupdechosesqu’ilnepouvaitdivulguer.Ellelecomprenait,etsemblaitfascinéeparlepeuqu’ilavaitpuluirévéler.
Illuilançaunregard,etconstataqu’ellesemblaitaussiépuiséequelui.Dehors,ilfaisaitjour,maiss’ils laissaient les rideaux tirés, ilspourraientdormir.De toute façon, il était si exténuéqu’il n’auraitaucunmalàtrouverlesommeil,mêmes’ilétait14heures.Unefoisreposé,ilpourraitseprépareràlaprochainephasedesamissiondeprotectiondeCrystal.
Ilposasontéléphonesurlechevet.IlavaitreçuunmessagedeFlipl’informantquelamaisondeCrystalavaitétébrûlée.Viperluiavaitensuiteapprisqu’avantdedénoncerleshommesduparkingàlaSécurité intérieure, ses cousins et lui leur avaient fait unebelle frayeur.Banen’avait pasdemandédedétails,pensantqu’ilvalaitmieuxnepassavoir.Entoutcas,ceuxquivoulaientenleverCrystaldevaientêtrefurieuxqueleursplansnecessentd’êtrecontrariés.Vraisemblablement,cestypesétaientlesmêmesqueceuxquiavaientenlevélesdeuxautreschimistes,etcesderniersseraientbientôtretrouvés.
—Veux-tuquejetecommandeunrepaspendantquetuprendstadouche?proposaCrystal.—Bonneidée,merci.—Tuveuxquelquechoseenparticulier?Ilfaillitrépondre:Oui,toi.C’esttoiquejeveux.Maisilsecontentadedire:—Cequitesembleappétissant.Après avoir pris desvêtementspropres, il gagna la salledebains et ferma laportederrière lui.
Puis,ils’yadossaetpritunegrandeinspiration.Cettedouchen’étaitqu’uneexcuse.Cedontilavaitvraimentbesoin,c’étaitdes’éloignerunpeude
Crystal. Partager lamême pièce, être si proche d’elle après tout ce tempsmettait au supplice chaquepartiedesoncorps.Chaquefoisqu’illaregardait,ilétaitemplid’undésirsiprofondqu’ilsemblaitsedéverserpartoussespores.
Unesonneriel’avertitqu’ilvenaitderecevoirunmessagedeNick.Sortantletéléphonedesapochearrière,illelutrapidement.
Puis,ilsedéshabillaetsemitsouslejetdeladouche.Froide.Ilnetressaillitmêmepasquandl’eauruisselasursapeau.
PouréviterdepenseràCrystal,ilpassamentalementenrevuetouteslesinformationsqueNickluiavaitenvoyées.LacollèguedeCrystal,JasmineRoss,étaitintrouvable.AlaSécuritéintérieure,certainspensaientqu’une taupe l’avait prévenuede fuir.Nickavait dit queBaneavait eu raisondenevouloiravertirpersonne,etsurtoutpaslaSécuritéintérieure,desonlienmaritalavecCrystal.
Baneavaitétabliunplan.Crystaletluiresteraienticijusqu’aulendemain.Puis,ilsreprendraientlaroutedenuit,pourgagnerlafrontièreentrel’AlabamaetlaGéorgie,oùilsrencontreraientcertainsdesmembres de sa famille.En l’occurrence, ses cousinsDare,Quade,Cole etClintWestmoreland.Dare,ancienagentduFBI,étaitmaintenantshérifàCollegePark,prèsd’Atlanta.ClintetColeétaientd’anciensTexasRangers,etQuadeeffectuaitencorequelquesmissionssecrètespourunebranchedugouvernementdirectementliéeàlaMaisonBlanche.
Ilsortitdeladoucheetcommençaàsesécher,impatientd’avalerquelquechoseetdedormirenfin.AprèsavoirenfiléunjeanetunT-shirt,ilremitsontéléphonedanssapoche.Lorsqu’ilsortitdelasalledebains,Crystalétaitentraindefairelescentpas.
—Ilyaunproblème?demanda-t-il.Elles’arrêta,etleregardapar-dessussonépaule.—Qu’est-cequitefaitpenserqu’ilyaunproblème?—Tufaislescentpas.—C’estvrai.Elleallas’asseoirdanslefauteuildecuirnoirfaceaubureau.—Tropd’énergienerveuse,j’imagine.Jeneveuxpastedéranger.—Tunemedérangespas,dit-il.Maisjeneveuxpasquetut’épuises.—Tucrainsquejem’épuise?Toi?Alorsquetun’aspasdormidepuisvingt-quatreheures?—J’aiconnupire.—Ehbien,jepréfèrenepassavoir.Etait-elleprêteàentendrecequeNickluiavaitappris?Detoutefaçon,ildevaitleluidire.—JasmineRossadisparu.—Disparu?—Oui.Nickpensequ’ellesecroitsurveilléeparlaSécuritéintérieure,etqu’ellesecache.Acetinstant,onfrappaàlaporte,etunevoixannonça:—Serviced’étage.—Justeàtemps,dit-ilensedirigeantverslaporte.Décidantdeneprendreaucun risque, il saisit sonarmesur la tableet regardapar le judasavant
d’ouvrir.Quandleserveureutapportélechariotchargédemetsetfutreparti,Banesourit.—Çaal’airdélicieux.Tutejoinsàmoi,n’est-cepas?—Oui,jemejoinsàtoi.
***
—Jenepeuxplusrienavaler,déclaraCrystalenreculantsachaise.Elleavaitvoulus’assurerqueBanemange,maisc’étaitplutôtluiquil’avaitnourrieenluifaisant
goûteràtout.—Tudevraisessayerça.Lapâteestsifeuilletéequ’ellefonddanslabouche,dit-ilenluitendant
uneportiondetarteauxpommes.Lorsque la fourchette glissa entre ses lèvres, elle ferma les yeux et gémit. Il avait raison, c’était
exquis.Enfait,toutl’était.Plutôtquedecommanderuneentrée,elleavaitchoisiunassortimentd’amuse-bouches.ElleétaitheureusequeBaneaitappréciétoutcequ’elleavaitchoisi.
Elle le regarda finir sapartde tarteet tentad’ignorer lespapillonsdans sonventre. Il était sexymêmequandilmangeait.Poussantunsoupir,elleparcourutlapièceduregard,décidantqu’ellepouvaittoutregardersaufBane.Plusd’unefois,elleavaitremarquéqu’illafixait,aveccettelueurdanslesyeuxqu’elleconnaissaitsibien.
—Difficiledecroirequelesoleilvadéjàsecoucher,dit-ilenregardantparlafenêtre.Elleavaitouvertlesrideauxpendantqu’ilsedouchait,afind’avoirunpeudelumière.Maisbientôt,
lanuittomberait.—Celaferabientôtvingt-quatreheures.—Vingt-quatreheures?demanda-t-elle.Ilsourit.—Vingt-quatreheuresensemble.C’estunbondébut,tunecroispas?Unbondébut?Commentpouvait-ilpensercela,étantdonnélasituation?—Jesuppose,dit-elle.Amontourdeprendreunedouche.Jecomptemecouchertôt.—Moiaussi.Illafixapar-dessusleborddesatassedecafé.Elleneputs’empêcherdesoutenirsonregard.Que
sepassait-ilentreeux,etpourquoinefaisait-ellerienpourquecelacesse?Ilnedevraitpaslaregarderainsi, et elle non plus.Elle devrait dire quelque chose…oumieux, aller dans la salle de bains.Oui,c’étaitexactementcequ’elledevraitfaire.
Elles’éclaircit lagorgeetseleva.Et,parcequ’elleressentait lebesoindebriser lesilence,ellelança:
—Jevaisprendreunbain.J’aibesoindetrempermoncorpsdanslesbulles.Elleenavaitsansdoutetropdit…cequelesouriredeBaneluiconfirmainstantanément.Unsourire
quiprovoquadesétincellesdedésirdanstoutsoncorps.—Bonneidée.Çat’ennuiesijemejoinsàtoi?Pourquoiavait-il falluqu’il lui suggèrecela?Quiplusest,enposant lesyeuxsursesseins?Et
pourquoisestétonssedurcissaient-ilssoudain?—Tuasdéjàprisunedouche.Ettut’ennuieraisàmourir.Ilsefenditd’unrirechaleureux.—Jem’ennuieraisàmourir?Dansunebaignoireavectoi?J’endoutefort,trésor.Enfait,jesuis
certainqueceneserapaslecas.Elleaussiavaitlesentimentqueceneseraitpaslecas,maisjamaisellenel’avouerait.—Maisjesuissûrequ’unSealnevoudraitpassentirlavanille,objecta-t-elle.S’empressantd’allerprendrelesvêtementsqu’elleavaitpréparéssursonlit,ellefiladanslasalle
debains,refermantlaportederrièreelle.
***
Banefinitsoncafétoutenfixantlaporteclose.Safemmevenait-elledefuir?Ilsourit.Aumoins,ilavaitosésuggérerdeprendrecebainavecelle…mêmesielleavaitdéclinésonoffre.Déjà,sonesprits’emballait,échafaudanttoutessortesdescénariosavecCrystal,nue,etunebaignoirepleinedebulles.
Cela tournait à l’obsession. Quoi d’étonnant à cela ? Il était un homme adulte, qui n’avait paspartagélelitd’unefemmedepuiscinqans.Etlafemmepourlaquelleils’étaitabstenuétaitderrièrecetteporte,entenued’Eve,entraindejoueravecdesbullesparfuméesàlavanille.
Ilregardaparlafenêtre.Autanttirerlesrideaux,puisquelanuittombait.Maisaulieudeselever,ilcontinua de regarder par la vitre, pensif. Combien de temps avant qu’il puisse cesser sa cavale avecCrystal?SelonNick,deuxhommesavaientétéarrêtés,maispourl’instant,ilsn’avaientrienavoué.
Acetinstant,sontéléphonesonna.C’étaitsacousine.
—Oui,Bay?— Je voulais juste prendre des nouvelles deCrystal et de toi.Dillon nous a expliqué ce qui se
passait.Banesecalasursachaise.— Jusqu’ici, tout se passe bien, si l’on prend en compte le fait que quelqu’un avait cousu un
moucharddanslavestedeCrystal.Parchance,nousavonspunouséchapperetprendredel’avance.—DillonditquevousallezversleSud.PourquoinepasveniràDenver?—Jenepeuxpas.Ladernièrechosedontlafamilleabesoin,c’estquej’apportedesennuisàtout
lemonde.—Nouspourronsnousdébrouiller,Bane.— Ce n’est plus comme avant, Bay. Mes frères et mes cousins ont des épouses et des enfants
désormais.Nousavonsaffaireàdesdétraqués,etilestimpossibledeprédirecequ’ilssontcapablesdefaire.Jenepeuxpasprendrederisques.
—Alors,viensàKodiak.Walkerm’apriéedetedirequeCrystalettoiêteslesbienvenus.NousquittonsDenverdemainpourrentrercheznous,etnousnereviendronsàWestmorelandCountryqu’unesemaineavantNoël.
Banesourit.—Tuasentenducequetuviensdedire?—Quoidonc?—Kodiak, enAlaska.Tu as dit queWalker et toi rentriezchezvous demain.C’est drôle que tu
considèresunautreendroitqueDenvercommetonchez-toi.Baileyrit.—JecommenceàpenserquepartoutoùestWalker,c’estchezmoi.—Tul’aimesvraiment,hein?—Oui.Aprésent,jesaiscequevousressentiezCrystalettoi,ilyatoutescesannées.Jenepeux
imaginermaviesansWalker.Ellemarquauntemps.—Etcommentcelasepasse-t-ilavecCrystal?Vousvousaimeztoujours,non?—Pourquoidevrait-ilenêtreautrement?—Parcequevousnevousêtespasvusdepuiscinqans,Bane.C’estlong.C’étaitvrai,maisdèsqu’il avait revuCrystal, il avait suquepour lui, rienn’avaitchangé.Mais
pouvait-ilendireautantsurlessentimentsqueCrystalluiportait?Sanslaisserletempsàsacousinedeposerdesquestionsplusdélicates,ilannonça:— Je dois passer un appel,Bay.RemercieWalker pour son offre, et dis-lui que si je décide de
l’accepter,jevouspréviendrai.—Bien.SoisprudentetveillesurCrystal.—Jenepeuxconcevoirdefaireautrement.Il reposason téléphone,puisalla tirer les rideaux.Puis, ildébarrassa la tableet sortit lechariot
danslecouloir.Enfin,ildécidad’appelerNickavantd’allersecoucher.Sonamidécrochaàlasecondesonnerie.
—Quoideneuf,Nick?—Contentquetum’appelles,j’allaist’envoyerunmessage.JasmineRossaétéretrouvée.
***
Crystal enfilaunpeignoir.Elle se sentait revigorée.Ce longbain l’avait vraimentdétendue.ElleespéraitqueBaneétaitendormi,etqu’ellene tarderaitpasà trouver lesommeil. Ilsavaient tousdeux
besoind’aumoinsdixheuresdereposavantdereprendrelaroute.Ouvrantlaportedelasalledebains,ellelaissasonregards’adapteràlapénombre.Lapremière
chosequ’elleremarqua,c’étaitqueBanenedormaitpascommeellel’avaitespéré,maisqu’ilétaitassisaubureau.
Ilseretournaverselle.Dèsqu’ellevitsonexpression,ellesutquequelquechosen’allaitpas.—Bane?Quesepasse-t-il?Ilseleva,enfonçantlesmainsdanssespoches.—J’aiparléàNicktoutàl’heure.Nick,quiétaitsouventporteurdemauvaisesnouvelles,songea-t-elleenresserrantlaceinturedeson
peignoir.—Et?—EtilsontretrouvéJasmineRoss.—Vraiment?ElleavançaversBaned’unpasenthousiaste.—C’estunebonnenouvelle,non?Avecunpeudechance,Jasmineavoueralerôlequ’elleajouéet
négociera un accord avec la justice. Peut-être acceptera-t-elle de révéler où ces deux chimistes sontretenus.
—Malheureusement,Jasminenedirarienàpersonne.Ellefronçalessourcils.—Pourquoi?—Parcequ’elleestmorte.Elleareçuuneballedanslatêteetaétéjetéedansunlac.Despêcheurs
ontretrouvésoncorpsilyaquelquesheures.
-13-
—Tiens.Boisça.CrystalserraleverrequeBaneluitendit,s’efforçantdenepastrembler.Jasmine,morte?Soudain,
toutsemblaitsiirréel.Siincroyable.Elleregardaleliquide.C’étaitdel’alcool,etl’odeursuffitàlafaireseredressersursachaise.—Ehbien!Qu’est-cequec’est?—Duscotch.Ellehaussaunsourcil.—Etd’oùsort-il?—Jel’aicommandéàlaréceptionaprèsavoirparléàNick.Jemesuisditquetuenauraisbesoin.—Jeneboispas,Bane.—Tudoisfaireuneexception.Çat’aideraàfairepasserlechocdelanouvelle.Ellehochala tête,avalaunegorgéeetgrimaça.Pasplusquelecafé,ellen’avait jamaisaiméles
alcoolsforts.—Ellel’acherché,Crystal,ditBane.Al’évidence,cettefemmen’aeuaucunscrupuleàtepiéger.
N’oubliepasqu’elleamisunmicrodansuncadeauqu’ellet’aoffertetunmoucharddanstaveste.—Je sais,mais c’est encoredifficiledecroirequ’elle aitpu faireunechosepareille.Elle était
gentille, la plupart du temps.Dumoins, elle faisait semblant de l’être, dit-elle, posant le verre sur latable.
Unegorgéeluisuffisait.—Commenta-t-ellepuseretrouvermêléeàunplanaussisordide?Ilhaussalesépaules.—Quisaitpourquoilesgensagissentcommeilslefont?Malheureusement,elleaétédépassée.Et
lesgensauxquelsellepensaitpouvoirfaireconfiancel’ontvuecommeunemenaceetnonunatout.Ellefrissonna,etquandiltouchasonbras,ellefaillitsursauter.—Çava?demanda-t-ilavecdouceur.Ellelevalesyeuxauplafond,avantdelesreposersurlui.—Pasvraiment.C’étaitdéjàunchocd’apprendrequel’unedemescollèguesétaitimpliquéedans
Dieusaitquoi.Etsavoirqu’elleaperdulavieàcausedecela,c’estterrible.—Jecomprends.—Jepensemecouchertôtetessayerdedormir.Elleselevaet,sansunmot,allaseglisserentrelesdrapsdesonlit.EtelletournaledosàBane,
pourqu’ilnepuissepasvoirseslarmes.
***
Baneseréveillaensursaut. Ilyeutd’abordunpetitgémissementprovenantdu litàcôtédusien.Puis,ilentenditunesupplique.
—Arrêtez,s’ilvousplaît!Neletuezpas!Jevousenprie!IlluifallutunesecondepourcomprendrequeCrystalfaisaituncauchemar.Ilsortitdesonlitenun
éclair,etallumalalampedechevet.S’asseyantauborddulitdeCrystal,illasecouadoucementpourlaréveiller.
—Crystal,toutvabien.Réveille-toi,chérie.Tuasfaituncauchemar.Réveille-toi.Elleouvrit lesyeux,etaprèsquelquessecondes, se jetadanssesbras.Aussitôt, il l’étreignit, lui
caressantdoucementledos.—Toutvabien,Crystal.—Bane.Elles’accrochaàlui.Elleavaitbesoindelui,etilvoulaitqu’elleaitbesoindelui.—Jesuislà,chérie.S’écartant,elleplongeasonregarddanslesien.—C’étaitunrêveaffreux.Ilssontvenusnouschercher,maistut’esinterposéentreeuxetmoi.Pour
me protéger. Un des hommes a levé son arme pour tirer. Ils allaient te tuer, et je me sentais siimpuissante!
Ilposaunemainsursanuque,etdel’autre,écartadesmèchesquibarraientsonvisage.Lapeurselisaitdanssesyeuxet,plusquetout,ilvoulutlafairedisparaître.
—Cen’étaitqu’unmauvaisrêve,Crystal.Iln’yaquenous,etpersonnenevametuer.—Maisje…—Chut,bébé.Toutvabien.Ilvoulutembrasserlecoindeseslèvres,maisellebougealatête,etsaboucheseretrouvasurla
sienne.D’instinct,elleentrouvritleslèvres,etilglissalalangueentreelles.Ils s’étaient déjà embrassés durant ces dernières vingt-quatre heures,mais rien de comparable à
cela. Cette fois, il s’agissait d’apaiser sa douleur. Il approfondit le baiser, pour goûter pleinement sasaveur.Ellepoussaungémissement,quiprovoquaunaffluxdesensationsenlui.
Et quand elle s’accrocha son cou, tout en lui se tendit de désir. Lorsqu’ellemêla sa langue à lasienne,réveillantchaquecelluledesoncorps,ilneputretenirungémissement.
Une vague brûlante le submergea tandis qu’il continuait d’assaillir sa bouche par des caressesgourmandesetlangoureusesdesalangue.Sondésird’allerplusloinlesubmergeait,lerendantpresquefou.
Ilnevoulaitpassecontenterdel’embrasser.Ilvoulaitluifairel’amourcommeunmariàsafemme.Explorerdesesmainsetdeseslèvreschaquepartiedesoncorps.Tenirsoncorpsnucontrelesien.
Serefrénern’étaitpaschoseaisée.Surtoutquandelleluirendaitsonbaiseravecautantdefougue.Ily avait toujours euune alchimie explosive entre eux.Sur ce plan, rien n’avait changé.Sa saveur étaitincroyablementdélicieuse,commeautrefois.Etmêmedavantage.
Quandilcraignitdeperdrelecontrôle,ilinterrompitleurbaiseretappuyalefrontcontrelesien,toutenreprenantsonsouffle.
—Crystal,murmura-t-il.—Jesuislà,Bane.Ilenvisageauninstantdeluidonnerundernierbaiser,etdelalaisserserendormir.Maisilneput
s’yrésoudre.Ilvoulaitcontinueràlatenirdanssesbras,afinqu’ellesentequ’elleétaitensécuritéaveclui.
Ils’étenditsurlelitetl’entraînaavecelle,puisl’enlaça.
—Tupeuxdormiràprésent,chuchota-t-il,tentantd’ignorersesfessesplaquéescontresonbassin.Ilétaitenérection,etilétaitimpossiblequeCrystalnel’aitpassenti.Elleremuapourtrouverunepositionconfortable,etàchacundesesmouvements,ilsentitsonsexe
engorgésedurcirencore.Alafin,illuimaintintfermementlacuisse.—J’éviteraidetropbougersij’étaistoi,avertit-il.—Pourquoi?Parcequetuasenviedemoi?Dansungrondementrauque,illaplaquasurledosetseplaçaau-dessusd’elle.—Atonavis?Ellebaissalesyeuxuninstant.—Jecrainsdeneplusêtreaussidouéedanscedomainequ’autrefois.—Qu’est-cequitefaitpenserunechosepareille?—Çafaitlongtemps,Bane.Ilsourit.—Tudisçaparcequetupensesquemoiaussi,jepourraisneplusêtreaussidouéqu’autrefois?—Non!Çanem’amêmepastraversél’esprit.—Bien.Sacheque lapenséeque tunesoisplusaussidouéenem’a jamais traversé l’espritnon
plus.—Pasmêmeunefois?—Pasunefois.Ilpensaitchaquemot.—Cependant,ilyaunequestionquejemesuisposée,dit-ilenrespirantsonparfum.—Laquelle?—Malanguepeut-elleencoretefairejouir?
***
Crystal ferma lesyeux tandisque les souvenirsérotiques l’assaillaient.Ellen’avaitguèreà faired’effortspourserappelertoutcequeBanefaisaitautrefois,lorsqu’illaléchaitdelatêteauxpieds,enaccordantbeaucoupd’attentionauxzonesintermédiaires.
Surtoutauxzonesintermédiaires.—Ouvrelesyeux,trésor.Elleobéit,croisantsonregard.Ellesentitlatensionsexuellecroîtreentreeux,jusqu’aupointoùils
ne purent plus l’ignorer ou la nier. Remontant sa main, il effleura son sexe, déjà moite et prêt àl’accueillir.
Crystalnesutpasexactementquandcesannéesdeséparationcessèrentdecompterpourelle.Toutcequicomptaitmaintenant,c’étaitqueBaneladésiraitencore,etqu’iln’avaitpasconnud’autrefemme,toutcommeellen’avaitpasconnud’autrehomme.C’était commesi leurscorps s’appartenaient. Ils lesavaient,l’acceptaient,etavaientsupportélasolitude.Etmaintenant,lecorpsdeCrystalexigeaitd’avoircedontils’étaitpassésilongtemps.
—Sais-tucombiendefois,allongédansmonlit,j’aiimaginétetoucherainsi,Crystal?murmura-t-il.
Lorsqu’ilglissadoucementlesdoigtsentresesreplissecrets,elleentrouvritlescuisses.—Non,combiendefois?demanda-t-elle,savourantsescaressesintimes.—Tropdefois.J’aidûmesoulagertoutseul,c’estainsiquej’airéussiànepasdevenirfou.Mais
jepréfèrececi,dit-il,faisantnaîtreenelleuneondedechaleurquisepropageadanstoutsoncorps.Levraiplaisir.Sansretenue.
Sans retenue. Elle ne parvenait pas à se souvenir de la dernière fois où elle s’était sentie siélectrisée. Pendant très longtemps, elle avait ignoré les exigences de son corps, excepté les raresoccasionsoùellen’yétaitpasparvenue,etoùelleavaiteurecoursauplaisirsolitaire,commelui.
MaislesdoigtsdeBanen’étaientpasunaccessoire.Ilsétaientbienréels,etcequ’ilsluifaisaientétaitonnepeutplusréel.Lessensationsétaientsiintensesqu’elleavaitlesoufflecoupéetquesoncœurbattaitàserompre.Elleavaitl’impressiond’êtresurlepointd’êtresubmergéeparunepuissantevaguedeplaisir.
—Tuaimes?Avantqu’ellepuisserépondre,ilglissasonautremainsoussachemiseetlaposaaucentredeson
ventre.Ellesentitlachaleurbrûlersapeau,etcommençaàs’agiter.—Toutvabien,chérie.Cen’estquemoi.Jeveuxlaissermonempreintesurtouttoncorps.Croyait-ilquesonempreinten’yétaitpasdéjà?QuandilsoulevasonT-shirt,l’aircaressasapoitrinenue.EllesentitleregardbrûlantdeBanesur
sesseins.—Magnifiques… Exactement comme dans mon souvenir. As-tu idée à quel point j’adorais les
suçoter?Oui,elleenavaitunepetiteidée.Ill’avaitfaitsisouventqu’elleavaiteulacertitudequesabouche
avaitétéfaitepoursesseins.Lorsqu’ellelevits’humecterleslèvres,justeavantdesepencherverselle,ellesentitsestétonssedurcirencore,tandisqu’unfeus’embrasaitdanssonventre.
Ilenfouit levisagecontresapoitrine,etprit son tétonentreses lèvres.Puis, il semità l’aspireravecardeur.
—Bane!Unorgasmelasubmergea,luiarrachantuncri.Ilcapturasabouche,étouffantsesgémissements.Etil
n’enavaitpasfiniavecelle.Ilcontinuasescaressesintimes,maintenantundegrédepassionqu’elleneput contenir.Etquand il libéra ses lèvres, ce futpour s’occuperde ses seins,de sonventre, avantdedescendreplusbasencore,jusqu’àcequesaboucherejoignesesdoigts.Ilretirasamainetamenaseshanchesverssonvisage.Dèsqu’ilglissalalangueenelle,ellefrissonna,consuméeparlesflammesd’undésirrenouvelé.
Elletentadelerepousser,maisilrésista.Onauraitditunebêteaffaméedécidéeàserepaîtred’elle,etquandunautreorgasmes’emparad’elle,ellecriasonnom.Pendantunefractiondeseconde,ellecrutavoiratteintleparadis.
Maisellefutrapidementramenéesurterrequandilsereleva.Atraversdesyeuxlanguides,ellelevit sedéshabiller,puis luiarrachersesvêtements.Unbesoinbrutetprimitif s’étaitemparéde lui,quisaturaitl’air,etbrillaitdanssesyeux.
—Cen’étaitqueledébut,murmura-t-iltandisqu’ildéroulaitunpréservatifsursonsexedressé.Puis,ilécartasescuisses,etquandleursregardssecroisèrent,ellevitcequ’elleavaittoujoursvu
quandils’apprêtaitàentrerenelle.Del’amour.Unamourpur,absolu.Banel’aimaittoujours,etellesutà cet instant que quoi qu’ils aient traversé et qu’ils traversent maintenant, elle l’aimait toujours, elleaussi.
Ellerefermalesbrassurlui,sentitlestendonsdesesmuscles,tremblaquandelletouchaplusieurscicatricesqu’elleneconnaissaitpas.Sanslui laisser le tempsd’imaginerquellehistoirecescicatricesracontaient,ilpritdenouveaupossessiondesabouche,réclamanttoutesonattention.Jamaisellen’avaitconnuunetellepassion.Elleledésiraittant.Baneétaitsonmari.L’hommequiavaitétésonseuletsonmeilleur ami. L’homme qui l’avait toujours soutenue et qui avait défié quiconque avait tenté de lesséparer.
Ildétachaseslèvresdessiennespourlaregarder.—Prête?
Ellelevalesyeuxverslui,inspirantuneboufféed’airempliedeleursparfumschauds.—Oui,jesuisprête.Alors,ilmaintintseshanchesentresesmains,etseglissaenelle.
***
Banes’enfonçaenCrystaljusqu’àlagarde,etnesutplusoùcommençaitsoncorpsetoùsefinissaitceluideCrystal.Ilavaitl’impressiond’êtreenfinrentréchezlui.Ilétaitparticinqans,cinqansdetrop.Maismaintenant,ilétaitderetour,etilcomptaitluirappeleràquelpointilsétaientfaitsl’unpourl’autre.
Il lui sembla que tout son sang avait afflué vers l’extrémité de son sexe engorgé, enfouiprofondément en elle. Il se mit à aller et venir en elle, pour s’enfoncer encore plus loin dans sesprofondeurs exquises. Lorsqu’il sentit sesmuscles internes se contracter autour de lui, commençant àextrairesasemence,ilrejetalatêteenarrièreetgronda.Puis,ilaccéléralerythme,deplusenplusfort,jusqu’àcequ’ellesoitsecouéeparunorgasmeintense.
—Bane!—Crystal!Jamaisiln’avaitdésiréunefemmecommeill’avaitdésirée.Rienn’avaitchangé.Et,dansuncertain
sens,toutavaitchangé.Aprésent,Crystaletluiétaientplusâgés,plussages,ilsétaientmaîtresdeleurdestin.Pluspersonnenepouvait leurdicterquandetoù ilspouvaient s’aimer.Désormais, lecielétaitleur limite.Et tandis qu’il continuait d’onduler entre ses replis, les emmenant tous deux vers un autreorgasme,ilsutquecen’étaitqueledébut,exactementcommeilleluiavaitdit.
Ilvoulaitlamarquerdenouveauauferrouge,reprendrepossessiond’elle.Etquandilsatteignirentunautresommetdeplaisir,plusépoustouflantencorequeleprécédent,ilrencontrasonregard,justeavantdeprendresaboucheavecuneaviditéégaleàlasienne.
Lorsqu’il libéra ses lèvres et qu’elle cria son nom, il sut que, quoi qu’il arrive, Crystal GayleNewsomeWestmorelandétaitsadestinée.
-14-
Crystalouvritlentementlesyeux,etplissalespaupièrespourcontrerlesoleilmatinaléclatantquifiltraitparlesstores.EllevitqueBanefaisaitdespompessurlesol,torsenu.Ellel’observaetl’écoutacompter.Ilenétaitàtroiscentquatre-vingt,ettoutsoncorpsluisaitdesueur.Ellesongeaqu’ilavaituneénergieinépuisable.
Cen’étaitqueledébut…Il avait dit vrai. Et il lui avait prouvé que, oui, il pouvait encore la faire jouir avec sa langue
uniquement.Etill’avaitsatisfaited’autresmanières.Apeines’était-elleremised’unorgasmequ’illuiendonnait un autre. Elle ne souvenait pas qu’il ait fait cela autrefois. Dumoins, pas à un rythme aussisoutenu.
Ellejetauncoupd’œilversleréveil.Ilétaitpresque9heures.Aprèscettenuitactive,soncorpsavaiteubesoinderepos.
Elle était un peu endolorie,mais intensément satisfaite.Elle ne put s’empêcher de sourire tandisqu’elles’étiraitdanslelit,encorevibrantedeplaisir.Sil’objectifdeBaneavaitétéderattraperletempsperdu,ill’avaitatteint.
—Bonjour,chérie.C’estagréabledetevoirsourirecematin.Savoixprofondeetrauquefitcourirdesfrissonsdanssondos.Ellereportasonattentionsurlui.Il
avaitfinisesexercices,etavaitunetassedecaféàlamain.—Bonjour,Bane.Tum’asdonnébeaucoupderaisonsdesourirehiersoir,dit-elleavecfranchise.—Jesuisheureuxquetulepenses.Manifestement, ses propos le réjouissaient. D’ailleurs, pourquoi ferait-elle semblant d’avoir des
regretsalorsqu’ellen’enavaitaucun?Etpuis,Baneétaitbienplacépoursavoirqu’ellen’avaitjamaisététimide.Cependant,lerevoiraprèstoutescesannéesl’avaitdéstabilisée.Elledevaitréapprendreàleconnaître.C’étaitunlongprocessuset,pourelle,fairel’amourfaisaitpartiedeceprocessus.
—Jevoulaisattendrequetuteréveillespourcommanderlepetitdéjeuner,dit-il,posantsa tassepourvenirs’asseoirauborddulit.
Elleseredressa,enprenantsoinderemonterledrapsursoncorpsnu.—Tun’aurais pas dû. Je suis sûre qu’après cette nuit…et surtout tes exercices… tu dois avoir
faim.—Jesuisaffamé.—Alors,commandons.—D’accord,maisavant,jedoist’embrasser.Illapritdanssesbras.Celaneladérangeaitpasqu’illavoienuesouslalumièredujour.Autrefois,
elleavaitdumalàsedévoilerdevantlui,puisqu’elleavaittoujourspensénepasavoirassezdecourbes
àmontrer.Aprésent,elleenavait.Lorsqu’ilpritpossessiondesabouche,elles’accrochaàsoncoupourluirendresonbaiser.Elle
sentitsesmusclesdurscontreelle,etrepensaàleurnuitd’amour.Sonpoulss’emballa.LesbaisersdeBane l’excitaientconsidérablement.Siellenese reprenaitpasmaintenant,ellepourraitbienperdre latête.Commelaveilleausoir.
Engénéral,ellen’étaitpasdémonstrative.Laveille,celaavaitétédifférent.Celas’expliquaitsansdouteparsalongueabstinence.Aprèsavoirgoûtédenouveauauplaisir,c’étaitcommesielleenavaitvoulu toujoursplus.Banen’avaiteuaucunproblèmeà la satisfaire,etelleavaitconnuunesuccessiond’orgasmes.Cettenuitavaitétéexceptionnelle,àplusd’untitre.
Elleinterrompitleurbaiserquandellesentitsonestomacgronder.—Monventremefaitsavoirqu’ilabesoind’êtrenourri,dit-elleensouriant.—Alors,jevaiscommanderlepetitdéjeuner,dit-ilenprenantletéléphoneposésurlechevet.Tu
veuxquelquechoseenparticulier?—Despancakes,sipossible.Auxmyrtilles.Dusiropd’érableetdubaconfrit.Desœufsbrouillés,
ainsiqu’unjusd’orange.Ilsourit.—Riend’autre?—Non,paspourlemoment.Enattendant,jevaisprendreunedoucheetm’habiller.—Situveuxresternue,jen’yvoisaucuninconvénient.Ellen’endoutaitpas.—Jepréfèrem’habiller.—Commetuvoudras.Tandisqu’ilpassaitcommande,ellesortitdulitetcherchalesvêtementsqu’illuiavaitretiréshier.
Commeellenelestrouvapas,ellepritleT-shirtdeBanequ’elleavaitaperçusousunoreiller,etl’enfila.—Jolietenue.—Çaferal’affairepourl’instant.Desappels,cematin?—Non.Jepensequenousavonseuassezd’émotionshier.Enacquiesçant,ellesortitdesvêtementsdesavalise.—Quelssontlesprojetspouraujourd’hui?demanda-t-elle.—Nous restons ici lamajeurepartie de la journée.A la tombéede la nuit, nous reprendrons la
route.—Oùirons-nous?—VoirmescousinsQuade,Dare,ClintetCole,prèsdelafrontièreentrel’AlabamaetlaGéorgie.Elle se rappelait avoir rencontré ses cousins au cours d’une réunion de famille, quand les
WestmorelanddeDenveravaientapprisqu’ilsavaientdesparentsvivantenGéorgie,auTexasetdansleMontana.
Elle regarda par-dessus son épaule. Bane s’était remis à ses exercices, et elle s’autorisa àcontemplersesmusclessaillantspendantqu’ilcouraitsurplace.Desgouttesdesueurcoulaientsursonvisage,roulaientsursoncouetsesépaules,descendaientjusqu’àsontorsenu.
Elles’imaginapasserlesmainspartoutsursoncorps,caresserdesendroitsqu’elleavaitoubliéslaveilleausoir,mêmesielledoutaitqu’ilyenaiteu.
Quoique…—Unproblème?demandaBane.Elleserenditcomptequ’elleledévoraitdesyeux.Elledéglutit.—Non,aucunproblème.Elle voulut courir vers la salle de bains mais, étrangement, elle n’arriva pas à bouger. C’était
commesisespiedsétaientvissésausol.
Aprésent,c’étaitluiquiladévoraitdesyeux.Ellesentaitsonregardsurchaquepartiedesoncorps.Elle ferma lesyeuxpour réprimer ledésirquimenaçaitde la submerger,maisquandellecompritquec’étaitinutile,ellelesrouvritetlesposasursoncorpsfermeetpuissant.
Elleretintsonsoufflequandilavançalentementverselle.Ellevoulutreculer,maisunefoisencore,sesjambesrefusèrentdecoopérer.Elleneputqueresterlà,àleregardergagnerduterrainsurelle.Amesure qu’il approchait, elle sentit sa respiration devenir haletante. Et son sexe se mettre à pulserfurieusement.
Aquelmomentsondésirpourluiétait-ildevenusipuissant?Fairel’amourtoutelanuitl’avait-ilrendueinsatiable?Sesdésirsdictaient-ilsmaintenantsafaçondesecomporteraveclui?
Enfait,elleétaitperdue,comprit-elle.Cela faisaitsi longtempsqu’unhommen’avaitpasoccupésonespaceetsontempsqu’ellenesavaitpasvraimentcommentsecomporteravecBanedésormais.
—Tuessûrequetoutvabien,Crystal?dit-illorsqu’ilfutdevantelle.Ilétaitsiprèsqu’elleauraitpuaisémenttouchersesmusclesfermes,sontorsehumide.—Toutvabien,Bane.Illuiadressaunsourireentendu.Carilsavaitqu’ellementait.Non,toutn’allaitpasbien.Grâceà
lui, elle avait eu un aperçu de ce qu’il pouvait lui donner avec tant d’expertise et dont elle avait étéprivée durant cinq ans.Mais avecBane, il y avait toujours eu plus qu’une attirance sexuelle. Elle lesavaitdepuislongtemps.Depuiscesannéesoùilsavaientattendupourfairel’amour.
Durantcettepériode,ilsavaientdéveloppéunecompréhensionmutuelleexceptionnelle.Elleavaitcru que, peut-être, ce lien particulier n’avait pas survécu à leur séparation, mais il semblait que si.Certes,ellenedevaitpass’attendreàcequetoutredeviennecommeavant.Ilsn’étaientpluslesmêmespersonnes. Ilsdevaientencoreréglerquelquespoints,procéderàdesajustements,détermineroù ilsenétaientdansleurrelation.Maisilspourraientyarriver.
—Puis-jefaireunesuggestion?lança-t-il.Elles’humectaleslèvres,pouréviterdecéderàl’envied’embrasserBane.—Laquelle?—Sionprenaitunedoucheensemble?Pourquoi avait-il fallu qu’il suggère cela ? Maintenant, toutes sortes d’images sensuelles
envahissaientsonesprit.—Ensemble?—Oui.J’aifaitunesuggestionsimilaireavant-hier,maistuasdéclinémonoffre.—Jen’étaispasprête.Ilapprochaencore.—Etmaintenant,Crystal?Aprèscettenuit,es-tuprêteàaccorderàtonmariuneautrerécréation?Cen’étaitpassarequêtequilabouleversa.C’étaitlefaitqu’ilaitditêtresonmari.Acetinstant,
elle comprit que Bane lui appartenait, depuis le jour de leur mariage. Peut-être même depuis pluslongtemps.
Illuiavaittoujoursditqu’elleluiappartenait,quoiqu’enpensentleursfamilles.Etellel’avaitcru.Aaucunmoment,ellen’enavaitdouté.Jusqu’àcejouroùilluiavaittéléphonépourluiannoncerqu’ils’engageait dans laNavy.Maismaintenant, il était de retour, et lui faisait savoir quemême s’il avaitchangé sur certains plans, il était le même sur le plan le plus important pour elle. Il lui appartenaittoujours.
—Cettedouchen’estpastrèsgrande,dit-elle.Nousmettrionsdel’eaupartout.—Jenettoierai.Sonsourireétaitsisensuelqu’ellesesentitfondre.—Ehbien,sicelanet’ennuiepasdenettoyer,commentpourrais-jerefuser?
Sansajouterunmot,ellesedirigeaverslasalledebains.Maisellenefermapaslaportederrièreelle.Quandelleseregardadanslemiroir,ellevitdanslerefletqueBanen’avaitpasbougé.Alors,elledécidadeluidonnerenviedelarejoindre.
***
—Toutdoux,marmonnaBane,tentantdecontrôlersondésirpendantqueCrystalgagnaitd’unpasnonchalantlasalledebains.
Tandis qu’il l’observait, immobile, elle passa de l’eau sur son visage et se brossa les dents.Pourquoi voir une femme faire sa toilette était-il si excitant ? Il pouvait répondre aisément à cettequestion.Parcequ’ils’agissaitdesafemme,etqu’ill’avaitrarementvuefaireceschosessianodines.
Ilcontinuadelaregarder,etsentitsonsexesedurcirdavantage.Quandellesepenchaau-dessusdelavasque, ilneputs’empêcherde remarquer la façondontsonT-shirt révélait lehautdesesseins,etcommentlebasduvêtements’étaitrelevé,dévoilantsescuisses.Cesmêmescuissesentrelesquellesilavaitondulélaveille.
Ilrevintàsestétons,quipointaientsouslevêtement,àsesseinssiparfaits,siexquis…ToutchezCrystalétaitbeau.Non,lemotétaitfaible.Ilyavaitd’autresfaçonsdedécriresonépouse.Voluptueuse.Sexy.Fascinante.Torride.Appétissante.
Avait-ilbesoindecontinuer?Tandisqu’illaregardaitpasserunganthumidesursonvisage,ilfutsoudainexcitécommejamaisilnel’avaitété.Ill’étaitmêmeplusquelaveille,alorsqu’iln’auraitpascrucelapossible!
N’ytenantplus,ilgagnaàsontourlasalledebains.Crystalneseretournapasverslui,maiselleôtasonT-shirt.Quandill’eutrejointe,elleétaitnue.
Ilavançaverselle,etsoutintsonregarddanslerefletdumiroir.Ilseplaquacontreelle,etlasaisitparleshanchespourlesplaquercontrelessiennes.Leurscorpss’épousaientàlaperfection.Etquandilsepressacontreelleetquesonsexeengorgéglissalelongdesesfesses,ilfaillits’atomiserdeplaisir.
—Jedoisprendremadouche,murmura-t-elled’unevoixhaletante.—Nousfinironsparenprendreune.Inutiledesepresser.Il sesouvintqu’elleavaitunpointsensible, justesoussonoreillegauchequi, stimulé,pouvait la
rendrefollededésir.Alors,illeléchaetlemordilla.Bienvite,ellesemitàtremblerentresesbras.—Bane…—Jesais,chérie,murmura-t-il.Fais-moiconfiance,jesais.Etjetedésiretoutautant.Jeteveux,
maintenant.Ilfautquejesoisentoi.J’aicinqansdedésirenréserve,rienquepourtoi.—Tuoublieshiersoir,murmura-t-elled’unevoixsensuelle.—Ce n’était qu’un début. Une nuit ne peut suffire à calmermon désir. En fait, je doute qu’une
centainedenuitslepuisse.—Vraiment?—Vraiment.Illafitpivoterverslui,etlahissasurleplandetoilette.—Ecartelesjambespourmoi,Crystal.Commesiellesrépondaientàleurproprevolonté,sescuissess’ouvrirent.Ilsortitunpréservatifde
lapochedesonpantalon.—Tun’aspasbesoindelemettre,saufsitulesouhaites,dit-elleavecdouceur.Aprèsmafausse
couche,matanteasuggéréquejeprennelapilule.Pourrégulermescycles.End’autres termes, elle luidisaitquecette fois, et toutes les autres fois, ilspourraient êtrepeau
contrepeau.Cetteseulepenséeembrasasoncorps.—Alors,jen’enutiliseraipas.
Ilsecalaentresesjambes,prêtàs’uniràelle,plusavidequejamais.Ilpritsonsexeenmainpourledirigerverssesreplisintimes.
—Laisse-moifaire,dit-elle.Cequ’ellevenaitdesuggérerfaillitlefairechanceler.Quand elle referma la main autour de sa verge, il sentit son érection se renforcer encore. Et
lorsqu’elle le guida vers son sexe moite, un puissant courant électrique le traversa. D’instinct, ils’enfonçaenelle,d’unbrusquecoupdereins.Ilsaisitseshanches,etsemitàalleretveniravecfrénésieentresescuisses.
Parcequ’ilnevoulaitfairequ’unavecelle,ilcapturaseslèvres.Ellesavaientlegoûtmentholédesondentifrice.Elleluirenditsonbaisertandisqu’ilcontinuaitd’onduler,allantdeplusenplusloinenelle.
Il l’entendit le supplier de ne pas s’arrêter. Alors, il n’arrêta pas. De toute façon, il en étaitincapable.Illuisemblaitquetoutétaithorsdecontrôle.Lui-mêmeétaithorsdecontrôle.Toutsoncorpsseconsumaitpourelle.
—Bane!Elle cria sonnomet serra les jambes autour de lui.Avant qu’il puisse reprendre son souffle, un
orgasmelebalaya.—Attends,Crystal.Jen’aipasfini.—Bane!Ilrejetalatêteenarrière,etinspiraunegrandeboufféed’airsaturéduparfumdeCrystal.Lorsqu’il
s’enfonçaenelle,ellesesoulevatantlecoupdereinsétaitpuissant.Etiljouitdenouveau,secouéparundésirprimitifquilefittrembler.
Aprésent,ilavaitlacertitudequeCrystal,quiavaitétélecentredesonmondetantd’annéesplustôt,l’étaitencore.Etqu’elleleseraittoujours.
-15-
Quelqu’unfrappaàleurporte.—Cedoitêtreledîner.CrystalressentitaussitôtunmanquequandBanes’écartad’elle.Avaient-ilsdépassél’heuredupetit
déjeuneretdudéjeuner?Unepartd’ellesavaitqueoui,maistoutcedontellesesouvenaitavecclarté,c’étaientdeleursébatspresquecontinus.Ilsavaientseulementprisletempsdegrignoterdesen-casetdes’accorderquelquescourtessiestes.
Ilenfilarapidementsonjean.Ilpritsonarmesurlebureauetlaglissadanssataille,rappelcrueldelasituationgravedanslaquelleilssetrouvaient.Quelquepart,desgensétaientdéterminésàl’enlever,etBaneétaittoutaussidécidéàlaprotéger.
—Oui?ditBaneenregardantparlejudas.—Serviced’étage.—Uneminute,dit-il,setournantverselle.Tuesdécente?ElleenfilaleT-shirtdeBane.—Maintenant,oui.Maiselleremontatoutdemêmeledrapjusqu’àsonmenton.Ilouvritlaporteàuneemployéesouriante,quineputs’empêcherdeleparcourirduregardtandis
qu’elleamenaitlechariotdansleurchambre.—Votrecommande,monsieur.—Merci.Unefoislajeunefemmerepartie,Crystalsortitdulitetjetauncoupd’œilauxplats.Lechariotétait
dressécommeunetablepourdeux.Baneallaitenfinavoirsonsteaketsespommesdeterre,etillesavaitbienmérités.Ildevaitmourirdefaim.
—Jedoismelaverlesmains,dit-elle.—Moiaussi.—Maispasensemble.J’yvaisenpremier,décréta-t-elle,courantverslasalledebainsetfermant
laportederrièreelle.Chaque fois que Bane et elle entraient dans cette pièce enmême temps, ils finissaient par faire
l’amoursurtouteslessurfaces.Lorsqu’ellerouvritlaportedelasalledebains,Baneétaitjustederrière.—Amontour,dit-ilensouriant.Situveuxmetenircompagnie,çanem’ennuiepas.—Non,merci.Jevaist’attendredanslachambre.Jeteprometsdenepascommencersanstoi.—Jeneseraipaslong,carjesaisquetuasfaimtoiaussi.Ildisparutdanslasalledebainsetfermalaporte.
Crystalsepassalamainsurlevisage.Seigneur,cenouveauBaneétaitpresqueinsatiable.Ilavaittoujours euun appétit sexuel assez solidemais, parcequ’ellemanquait d’expérience, il avait toujourscontrôlé cet appétit. A présent, il était évident qu’il ne se refrénait plus. Elle ne put s’empêcher desourire, car cela voulait dire que, désormais, il la traitait comme une égale au lit, et non comme unefragilepoupéedeporcelaine.
—Merevoilà,dit-ilquandilrevintdanslachambre.—Jedevraismechanger.PortertonT-shirtn’estpeut-êtrepasunebonneidée.Illacontournapourrejoindrelechariot.—Jenevoispaspourquoi.Detoutefaçon,nousallonsnouschangerbientôtpuisquenouspartons
dansquelquesheures.Pour aller voir ses cousins, comme il l’en avait informée.Quand elle approchadu chariot,Bane
reculaunechaisepourelle.Ellen’enfutpassurprise.LeshommesdelafamilleWestmorelandavaienttoujoursétégalantsetrespectueuxaveclagentféminine.
—Merci,Bane,dit-elleens’asseyant.—Jet’enprie.Ildéposaunbaisersurseslèvres.—Sais-tuoùnousironsaprèsavoirvutescousins?Ilavalaunegorgéedecaféavantderépondre.—Pas encore.Quade a des contacts à laMaisonBlanche. Il sait peut-être quelque chose sur la
taupeàlaSécuritéintérieure.Crystal commença à manger, mais elle ne put s’empêcher de s’inquiéter pour sa sécurité. Elle
doutait que Bane puisse continuer de la protéger indéfiniment. Et s’il recevait l’ordre de partir enmission?Quedeviendrait-elle?
—Tufronceslessourcils.Tasaladeaupouletgrillén’estpasàtongoût?—Si,dit-elle.Maisjem’interrogeais.—Aquelpropos?—Quesepassera-t-ilsitureçoiscecoupdefil?—Quelcoupdefil?—Celui de ton commandant, pour te dire que l’on a besoin de toi pour l’unede vos opérations
secrètes.Ilhaussalesépaules.—Jetel’aidit,mescollèguesetmoisommesencongé.Etpuis,s’ilarrivequelquechose,jediraià
moncommandantquejenepeuxpaspartir.Tuesmafemme,etjen’irainulleparttantquejeneseraipascertainquetuesensécurité.
—Acausedetonsensdudevoir?demanda-t-elle,curieusedeconnaîtrelaréponse.Unlourdsilences’instauraentreeux.—Jenesaispascequ’ilfaudrapourquetucomprennes,Crystal,finit-ilpardire.—Quejecomprennequoi?—Quetuesplusqu’undevoirpourmoi.Jet’aime.Jet’aitoujoursaimée,etjet’aimeraitoujours.
C’estpourquoij’airejointlaNavyilyacinqans,aulieudetraîneràDenveretd’avoird’autresennuisaveclapolice.Entoutehonnêteté, jepensequesinousavionsvécucommemarietfemmeàl’époque,nousserionspeut-êtredivorcésàprésent.
Sesparoleslastupéfièrent.—Pourquoipenses-tucela?—Parcenousn’avionspasgrand-choseàcemoment-là.—Nousavionsl’amour.
—C’estvrai.Etc’estnotreamourquiauraitfaittenirnotremariagedurantuntemps.Maisjevoyaisbienqueleschosesfiniraientpars’effondrer.J’avaisarrêtél’universitéauboutdedeuxans,ettuétaisdécidée à ne pas retourner au lycée.Tout ce que tu voulais, c’était êtrema femme et lamère demesenfants.
—Ettuvoyaiscelacommeunproblème?demanda-t-elle,nesachantoùilvoulaitenvenir.—Non,pas à l’époque.Mais réfléchis.Combiende temps aurions-nous tenu avantdedemander
l’aidede ta familleoude lamienne?A terme, jem’en seraisvoulud’avoirdûdemanderuncoupdemain.Certes,j’avaismesterres,mais,légalement,ellesnem’auraientappartenuqu’àmesvingt-cinqans.Cequisignifiequenousaurionsdûvivreauchalet,maisseulementsiDillonl’acceptait.Deplus,jenepense pas que le chalet aurait suffi. J’aurais voulu te bâtir unemaison aussi grande que celle demesfrères.Unemaisonassezspacieusepouryélevernosenfants.
Ilmarquauntempsavantd’ajouter:—Nousavionsparléd’avoirunemaisonpleined’enfants,sansvraimentréfléchiràlafaçondont
noussubviendrionsàleursbesoins.Elle hocha la tête.Même si une part d’elle refusait de l’admettre, elle savait qu’il avait raison.
Aprèssafaussecouche,elleavaitpleurédesmoisdurant.Carilsavaientparlétrèssouventd’avoirunenfantensembleunjour.Maisaucund’euxn’avaitsongéàlafaçondontilssubviendraientàsesbesoins.EllesavaitquelesWestmorelandétaientfortunés,etsonjeuneespritimmatureavaitsupposéquesiBaneetelleavaientbesoindequoiquecesoit,safamilleseraitlàpoursechargerd’eux.Baneavaitraison;toutcequ’elleavaitvoulu,c’étaitl’épouseretportersesenfants.Al’époque,elledétestaitlelycée.Dumoins, elle l’avait cru.Les élèves s’étaientmontrés cruels, parcequ’elle réussissait tous ses examenshaut la main. Après quelque temps, elle s’était lassée d’être la vedette de la classe et la cible dejalousies. Elle s’était finalement convaincue qu’aller en cours était une perte de temps. Ses parentsavaientreprochéàBanesondésintérêtscolaire,maisiln’enétaitpasresponsable.
Banes’étaittuetdécoupaitsonsteak.SonBane.Ellel’observa,etcompritenfincequ’ilavaittentédeluiexpliquer,duranttoutescesannées.Ill’avaitaiméeàl’époque,etill’aimaitmaintenant,commeille luiavaitassurédepuissonretourdanssavie.Ilavaitvoululuioffriruneviemeilleure,parcequ’ill’aimaitassezpourcroirequ’elleet leursenfantsméritaientlemeilleur.Pourlaleuroffrir, ilavaitfaitdessacrifices.EtCrystalavaitétél’undecessacrifices.Ellecomprenaitenfinpourquoiillesavaitfaits.
Ilavaitvoulumûrir,mais il luiavaitaussidonnéunechancedemûrir.Cequ’elleavait fait.Elleavaitdécrochédeuxdiplômesuniversitairesetentaméundoctorat,toutcelaencinqans.Cetteréussite,ellelaluidevait.Ill’avaitpratiquementforcéeàexploitertoutsonpotentiel.
—Cesteakétaitdélicieux.Elleregardal’assiettedeBane.Elleétaitvide.—Tuveuxunpeudemasalade?proposa-t-elle.Ilsecoualatêteetsourit.—Non,merci,çaira,dit-ilenrepoussantsonassiette.—Bane?—Oui?—J’aienfinretirémesœillères,ettusaiscequejevois?Ils’adossaàsachaise.—Non.Quoi?—Unhommequim’aime.Unhommequim’aimevraiment,mêmeaprèscinqanssanssevoirnise
parler.Unhommequiétaitprêtàrenonceràmoipourmedonnerlemeilleurdelui.Etpourcela,jeveuxteremercier.
Aulieudesourirecommeelleavaitl’espéré,ilserralamâchoire.—Jeneveuxpasdetesremerciements,Crystal.
Ilnevoulaitpasdemercis,ilvoulaitsonamour,comprit-elle.Reculantsachaise,elleallaversluiets’assitsursesgenoux.Nouantlesbrasautourdesoncou,elleposaleslèvressurlessiennes.
Malgrésasurprise,illalaissal’embrasser,maisneluirenditpassonbaiser.Etc’étaitaussibien,car elle avait besoin qu’il comprenne ce qu’elle voulait lui transmettre par ce baiser. Alors ellel’embrassa,avectoutsoncœur,etquandelleentenditsongémissementessoufflé,ellesutqu’ilavaitsaisisonmessage.Illuirenditsonbaiseravecpassion,etellesentitsamainglisserverssescuisses,puissoussonT-shirt,pourcaressersapeaunue.
Elle savait où leur étreinte pouvait mener si elle n’y prenait garde. Si elle ne lui faisait pascomprendrecequ’elleavaità l’esprit…etdanssoncœur.Alors,elle s’écarta.Mais ilcontinuade lacaresser.
— Je t’aime aussi, Bane, dit-elle contre ses lèvres. Je ne mesurais pas à quel point jusqu’àmaintenant.Ettun’asjamaiscessédem’aimer,commejen’aijamaiscessédet’aimer.Jelecomprendsàprésent.
—Non,chérie,jen’aijamaiscessédet’aimer,murmura-t-il.Sansajouterunmot,illaportadanssesbrasjusqu’aulit.Aprèsl’avoirallongéesurlematelas,il
luiretirasonT-shirt.Puis,ilsedéshabillaàsontour.Déjàmoitededésir,elleadmirasoncorpsnu.Etelledevina,àsonregard,qu’illadésiraitavectoutelapassionqu’ilavaitaccumuléedurantcinqans.
Ilavançaversle lit,etavantqu’ilpuissefairelemoindremouvement,ellerefermalesdoigtssursonsexeengorgé.Ilépousaitparfaitementsamain.
Quandellesemitàlecaresser,etàgrifferdoucementsapeausensibleavecsonongle,ilrejetalatêteenarrièreetémitungrondementpresqueanimal.Etquandellesepenchaetfittournersalanguesursa verge pulsante, il plongea les mains dans sa chevelure. Alors, elle ouvrit les lèvres et l’attirapleinementdanssabouche.
***
Bane sentit un plaisir intense déferler sur lui. Crystal faisait rugir un feu en lui. Un feu qui leconsumait.Etquandellecaressaavecsamainlatoisonboucléedesonpubis,ilsentitsonsexesegonflerencoredanssabouche.Ellel’honoraavecunevigueurredoublée,etildutfaireappelàtoutesamaîtrisepour ne pas exploser sur-le-champ. Il enroula une de sesmèches soyeuses autour de son poing, puisondula des reins, avançant plus loin entre ses lèvres. Au bout de quelques instants, elle caressa sestesticulesetlesserradoucementdanssamain.
Essayait-elledeletuer?Avait-ellelamoindreidéedecequ’elleétaitentraindeluifaire?Savait-elle à quel point il lui était difficile de garder le contrôle ?S’il la laissait continuer ainsi, elle allaitbientôtlesavoir.
—Crystal,murmura-t-il,parvenantàpeineàparlertantsoncœurbattaitfort.Arrête,chérie.Arrêtemaintenant.
Elle l’ignora,sansdouteparcequ’iln’avaitpasmisbeaucoupdeconvictiondanssademande.Adirevrai,ilétaitimpossibled’êtreconvaincantavectouteslessensationsexquisesquiletraversaient.Lefaitqu’elleveuilleluidonnerduplaisirsignifiaitbeaucouppourlui,car,mêmeavecsoninexpérience,elleparvenaitàlefairegémir.
Quandiln’ytintplus,ilcriasonnomettentadelarepousser,maiselles’accrochaàsescuisses,jusqu’àcequeladernièresensationl’aitbalayé.Ilauraitdûsesentirépuisé,maisaucontraire,iln’enétaitqueplusexcité.Parcequ’ilavaitbesoind’êtreenelle,ils’extirpadeseslèvres,etl’allongeasurlelit.
Il la sentit frissonner au moment où il la pénétra. Elle était si moite qu’il n’eut aucun mal às’enfoncerjusqu’àlagarde.Puis,illuirelevalesjambesetlescroisaautourdesataille.
Ilplongeasonregarddanslesien.— Je t’aime, Crystal. J’aime ton parfum, ta saveur. J’aime te faire l’amour. J’aime jouir en toi.
Quandjesuissiloinentoi,c’estsiirréel,simerveilleuxquej’ail’impressiond’êtreauparadis.—Oh!Bane!Il savait qu’elle voulait en dire plus,mais quand il ondula en elle, elle ne put que gémir. Il lui
soulevaleshanches,etaccéléralerythmedesescoupsdereins,pourlarendrefollededésir,commeellel’avaitfaitaveclui.
Quandellecriasonnometenfonçalestalonsdanssondos,ilsutqu’ilallaits’atomiser.Cependant,iln’avaitpasenviedecédermaintenant.Maislorsqu’elleserrasesmusclesintimesautourdelui,ilneputretenirsonexplosionpluslongtemps.
—Crystal!Secouédetremblementsincontrôlables,ilprojetatoutesasemenceenelle.Ilsentitsesbrasautour
delui, l’entenditmurmurersonnom.Quelquesinstantsplus tard,quandla terrecessadetrembleret lemondedetourner,ilparvintàreleverlatête.
Et lesmotsquiemplirentsonesprit tandisqu’il l’embrassaitétaient lesmêmesqueceuxqu’il luiavaitrépétéscesderniersjours.
Cen’estqueledébut.
-16-
—Réveille-toi,petitemarmotte.Crystal ouvrit lentement les yeux, et regarda par le pare-brise. Ils étaient garés devant ce qui
ressemblaitàunrelaisroutier,décoréd’unemyriadedeguirlandesdeNoëlencoreallumées,mêmesilesoleiltentaitdefiltrerpar-delàlesmontagnes.
Laveille, ilsavaientquitté l’hôtelautourde18heures,cequisignifiaitqu’ilsétaientsur laroutedepuisdouzeheuresenviron.L’essentieldutemps,elleavaitdormipendantqu’ilconduisait.Elleavaitproposédeprendre levolant,mais il lui avait réponduquecen’étaitpasnécessaire. Il sedisait sansdoutequ’elleavaitbesoinderepos,etelleluienétaitreconnaissante.
Elleseredressasursonsiège.—Noussommesdéjàarrivés?— Oui, mais il y a un changement de programme. Nous ne sommes pas à la frontière entre
l’AlabamaetlaGéorgie.Elleregardaautourd’elle,curieuse.—Etoùsommes-nousaujuste?—EnCarolineduNord.EnCarolineduNord?Pasétonnantqu’ilssoiententourésdemontagnesquiluirappelaientcelles
deDenver.—Pourquoicechangement?—Mes cousinspréféraient nous retrouver au chalet deDelaney,mais ils n’ont pasdit pourquoi.
J’imagine que c’est parce que le chalet est à l’écart, et que là-bas, on peut repérer quelqu’un à deskilomètres.
—Jevois.Elle avait rencontré sa cousineDelaneyune fois, et se rappelait que celle-ci avait rencontré son
époux,unprinceduMoyen-Orient,dansunchaletdeCarolineduNord.—J’ailuunarticleconsacréàDelaney,ilyaquelquesannées,dit-elle.—Vraiment?—Oui.Sonprinceetellesonttoujoursensemble.—Eneffet.Laseulechosequiaitchangé,c’estquemaintenant,Jamalestroi.Ilaoffertlechaletà
Delaneyenguisedecadeaudemariage.Puisqu’ellevitendehorsdupayslaplupartdutemps,ellenousadonnélapermissiondenousenservirquandnouslesouhaitons.
LetéléphonedeBanesonna.Illesortitdesapocheetdécrocha.—Bane,j’écoute.Aprèsquelquessecondes,ellel’entenditdire:
—Noussommeslà.Etquelquesinstantsplustard:—Oui,jemesouvienscommentyaller.Atoutàl’heure.Aprèsavoirraccroché,ilsetournaverselle.—Jesaisquetoutceciestdifficileetéprouvantpourtoi,Crystal,maisj’espèrequemescousinset
moitrouveronsunplan.Ellehochalatête.—Toujoursriensurlesdeuxautreschimistes?—Non. J’aiparlé àNickpendantque tudormais, et il n’a riendeneuf. Il semblequ’aveccette
rumeurdetaupe,toutlemondesetaise.Ce n’était pas une bonne nouvelle, songea-t-elle. Elle ravala un soupir, se laissant aller contre
l’appuie-tête.—Toutirabien,assuraBaneenluiprenantlamain.D’ailleurs,c’étaitbien,non,hieretcettenuit?Songeràleursétreintestorrideslafitsourire.Etellesentitsestétonssedressersoussonchemisier.—Oui.Etpourtoi?—Oui.C’étaientlesmeilleursmomentsquej’aieconnusdepuistrèslongtemps.Elle ressentait lamême chose. L’alchimie qui avait toujours existé entre eux était toujours aussi
puissante.Ilportasamainàseslèvresetydéposaunbaiser.—Jesuisimpatientdeteramenercheznous.—Cheznous?Ellesongeaàsamaisonenfeu.—Oui,àDenver.Mêmesiellesavaitqu’iln’yavaitplusrienquil’attendeàDallas,celafaisaitlongtempsqu’ellene
sesentaitpluschezelleàDenver.—Pourquoisepresser?—Jesuisimpatientdeteprésenterenfincommemonépouseàtoutemafamille.Etnousavonsune
maisonàimagineretàfaireconstruire.Elleplongeasonregarddanslesien,etsentitsonpoulss’accélérer.Elleremarquaquelesyeuxde
Banefurentattirésverssapoitrine.Précisément,verslestétonsfermesquipointaientsoussonchemisier.Lâchantsamain,ildémarra.—NousferionsmieuxdetrouverlechaletdeDelaney.Sijenem’abuse,ilsetrouveàenvironune
demi-heured’ici.S’ilnetenaitqu’àmoi,nousirionsdansunautrehôtelpournousaccorderunenouvellejournéerécréative.
Ilreportasonattentionsurlaroute.Elledevraitenfaireautant,maisellenepouvaitlequitterdesyeux.
BrisbaneWestmoreland l’avait toujours impressionnée. Ces cinq dernières années n’avaient étéfacilespouraucund’eux,maisilsétaientréunis,etc’étaittoutcequicomptait.S’ilspouvaientarrêterleshommesquivoulaientl’enlever,toutseraitparfait.
Quandils’arrêtaàunstop,illuisourit.—Toutvabien,trésor?Elleacquiesçaenluirendantsonsourire.Elledéfitsaceintureetsepenchaversluipourdéposerun
brefbaisersurseslèvres.—Tuesavecmoi,dit-elle,etc’esttoutcequicompte.Ellerebouclasaceintureetserassit,satisfaite.
***
—Bonsang!marmonnaBaneentresesdents.Crystalseredressaetregardaparlavitredumonospace.—Quesepasse-t-il,Bane?Ilsecoualatêteetobservatouteslesvoitures,lespick-upetlesmotosgarésdevantlechalet.—J’auraisdûleprévoir.—Quoidonc?—Qu’iln’yauraitpasqueQuade,Dare,ClintetCole.Certainsmembresdemafamillesaisissentla
moindreexcusepourseréunir.Avecunpetitrire,ilcoupalemoteuretdéfitsaceinture.Crystalfitdemême.—Avantd’entrer,ilyaquelquechosequejedoistedonner.—Quoidonc?—Ça,dit-il,sortantunpetitécrindeveloursdesaveste.Quand il l’ouvrit, elle retint son souffle en découvrant le solitaire étincelant, accompagné d’une
allianceenorassortie.—Oh!Bane,c’estmagnifique!—Unemagnifiquebaguepourunemagnifiquefemme,dit-il,sortantlabaguedesonécrinpourla
glisseràsondoigt.Ellelevalamain,etlediamantétincelasouslalumièredusoleil.—Maisoùl’as-tuachetée?—ANewYork,dit-ilensouriant.Pour tuer le temps lorsd’une longueescale, j’ai faitquelques
bijouteries.Quand nous nous sommesmariés, je ne pouvaisme permettre de t’offrir quoi que ce soitd’autrequeça,dit-il,posant ledoigt sur lemédaillonqu’elleportait encore. Jemesuisditqu’il étaittempsquejet’offremieux.Etquejemetteunebagueàtondoigt.
Ilmarquaunepause.—Tun’imaginespasàquelpointcelam’ennuyaitque tuneportespasdebague, reprit-il.Jeme
demandaiscommentturéussissaisàtenirlesgarçonsàdistance.—Jet’aiditcequ’ilspensaient.Oui, en effet, et il trouvait encore cela difficile à croire, mais au moins, les hommes l’avaient
laisséetranquille.Il embrassa samain. Puis, il se pencha pour embrasser ses lèvres. Il avait besoin de ce contact
physique.Ilneluiavaitpasfaitl’amourdepuisdouzeheures.C’étaitbientroplong.Comment avait-il pu se passer d’elle pendant cinq ans ? Il découvrait qu’il avait une volonté
insoupçonnéeenlui.Quandill’embrassait,cequ’ilpréférait,c’étaitlafaçondontelleluirendaitsesbaisers,commeil
luiavaitapprisàlefairetoutescesannéesplustôt.Ilappréciaitaussisasaveurdélicieuse.Etsonparfumsienivrant.Sonsouffles’accéléraitchaquefoisqu’illerespirait.
Soudain, quelqu’un frappa à la vitre de leur véhicule. Bane interrompit le baiser pour fusillerl’importunduregard.
—Çasuffit,Bane.Banelevalesyeux,puisseretournaversCrystaletseconcentrasurseslèvreshumides.—Va-t’en,Thorn,ordonna-t-il.— Pas avant que j’aie vérifié que tu es en un seulmorceau. Je dois faire une course demotos
caritativeàDaytona,etjesuispressé,alorssorsdecettevoiture.Bane secoua la tête et recula son siège. Il prit alors Crystal dans ses bras, ouvrit la portière et
descendit.—Bane!Repose-moi,protesta-t-elleens’agitantpourtenterdedescendre.
—Dansuneminute,dit-il.Il la garda dans ses bras quelques instants, avant d’obtempérer. Enfin, il porta son attention sur
Thorn.—C’estbondeterevoir,Thorn.—Contentdeterevoiraussi,ditsoncousinenleserrantdanssesbras.IlattiraCrystaldansleuraccolade.—Toiaussi,Crystal.Çafaitunbail.Banesavaitquelecommentairedesoncousinl’avaitsurprise.ThornWestmoreland,célèbrepilote
demoto,étaitlacélébritédelafamille.Etilconstruisaitaussilesmotoslesplusincroyablesdumonde.Ilavaitpourclientsdesvedettesdecinémaetdeschampionssportifs.
CrystaletThornnes’étaientvusqu’unefois,maisBanesavaitcequeCrystalpensait.Ellesupposaitque la familleWestmoreland la considérait encore comme la raison pour laquelle Bane avait eu tantd’ennuisautrefois.
—Merci, Thorn. Contente de te revoir aussi, dit Crystal, tandis que Bane l’attirait contre lui.Commentvatafamille?
—Bien.Taraestàl’intérieuravectouslesautres.—Etquisonttouslesautres,aujuste?demandaBane.Apeineavait-ilposécettequestionquetoutelafamillesortitduchaletpouralleràleurrencontre.
CeluiqueBanefutleplussurprisdevoirfutDillon.SonfrèreaînéapparutsurleperronavecleurcousinDare.BanesecoualatêteenconstatantunefoisdepluslaressemblancefrappanteentesonfrèreetDare.
Ilsouritenvoyantdéfilersesautresfrèresetcousins.LefrèredeDareetThorn,Stone,étaitprésent,ainsiquelefrèredeQuade,Jared.EnplusdeDillon,d’autresWestmorelanddeDenveravaientfait ledéplacement:sesfrèresRileyetCanyon,ainsiquesescousins,AidanetAdrian.
—Hé,quesepasse-t-il?demanda-t-ilenriant.Crystaletmoisommesenfuite,nousnesommespasvenuspourunevisitedecourtoisie!
—Peuimporte,rétorquaDareensouriant.Nousvoulionstousconstaterparnous-mêmesquevousalliezbien.
—Etnous sommesprêtsàendécoudreavec tousceuxquiveulentnousenleverCrystal,déclaraRiley.
—Nous?s’étonnaBane.Detoussesfrèresetcousins,c’étaitRileyquiavaitétéleplusperturbéparsarelationavecCrystal.
RileyavaitcraintqueBanesouffresiCrystalnel’avaitpasattenducommeill’avaitattenduetoutescesannées.
—Oui,nous.C’estuneWestmoreland,etnousprenonssoindesnôtres,affirmaRiley.BaneattiraCrystalcontrelui.—Oui,c’estuneWestmoreland.Quades’avança.—Laplupartdeshommessontarrivéshier.Nousavonsdécidéd’allerpêcherenattendanttavenue.
Les femmessontarrivéescematin,et sonten trainde faire frire lepoissonsous lavéranda.D’abord,nous allons prendre le petit déjeuner, puis nousmettrons un plan sur pied. Ilmanque encore quelquespersonnes.
Banesedemandadequiils’agissait,maisneposapasdequestions.—Dupoissonfritdebonmatin?J’ensalived’avance,dit-il.
***
Crystal avait vraiment eu l’impressionde fairepartie d’un clan.Surtoutgrâce aux femmes.Elless’étaientextasiéesdevantsabague,l’avaientfélicitéepoursonmariageavecBane,etl’avaientaccueillieofficiellementdanslafamille.
C’étaitlapremièrefoisqu’ellerencontraitl’épousedeDillon,Pam.IlyavaitaussiTara,l’épousedeThorn,dontlasœur,Trinity,étaitmariéeaucousindeBane,Adrian.Crystaltrouvaitformidablequedeux sœursaient épousédeuxcousins.Ellesn’étaientpas les seules,puisque la sœurdePam, Jillian,étaitmariéeaucousindeBane,Aidan.Crystalétaitégalementheureused’avoirfaitlaconnaissancedeShelly, Madison, Dana et Keisha, les épouses respectives de Dare, Stone, Jared et Canyon. Seulel’épousedeQuade,Cheyenne,mèredetriplés,n’avaitpaspufaireledéplacement.
Touteslesfemmesétaient trèsamicales,et leshommesaussi,àsagrandesurprise.Crystalravalaseslarmesquandilsportèrentuntoastensonhonneur.EtquandDillonlapritàpartetdéclaraque,pourlui,elleavaittoujoursfaitpartiedelafamille,etqu’ilétaitheureuxqueBaneetellesoientdenouveauréunis, elle avait dû sortir un instant pour se remettre de son émotion. Venant deDillon, ces parolessignifiaientbeaucoup.
Aprèsêtrealléchercherunebièredansleréfrigérateur,Banelarejoignitauborddulac.Illapritdanssesbras.
—Çava,chérie?—Oui.Toutlemondeesttrèsgentilavecmoi.Ilsourit,caressantsajoue.—Pourquoineleseraient-ilspas?Tuesunepersonnesympathique.—Maisnousleurenavonsfaitvoirdetouteslescouleurs,toietmoi.—C’estvrai.Maisregarde-nousaujourd’hui,Crystal.JesuisunSeal,et tuserasbientôt titulaire
d’undoctorat.DrCrystalWestmoreland,çasonnedrôlementbien,non?—Oui.Jetrouveaussi,dit-elle,essuyantseslarmes.—Nous avons changé,Crystal.Nous sommesdemeilleurespersonnes, plus âgées et plus sages,
mêmesij’admetsquenousdevonsencoremûrir.Maiscequin’apaschangé,c’estnotreamourmutuel.C’estlaseulechosequisoitrestéeconstante.
Ilavaitraison.Leuramouravaitétélaseulechoseimmuableduranttoutescesannées.—Jet’aime,Bane,murmura-t-elle.—Etjet’aimeaussi,chérie.Ellesehissasurlapointedespiedspourl’embrasser.Etquandill’enlaçaetluirenditsonbaiser,
elleseditqu’ellepourraitresterdanssesbraspourtoujours.Unclaquementdeportièreinterrompitleurbaiser.Ilsseretournèrentetvirenttroishommesettrois
femmessortirdeleursvoitures.LaseulepersonnequeCrystalreconnutfutBailey,lacousinedeBane.—C’estincroyable!s’exclama-t-il.Cetype…Celuiquiporteunblousondecuirressembleà…—Riley,finit-elle.Maistonfrèren’apasdejumeau,alorsquiest-ce?—CedoitêtreGarthOutlaw.Jenel’aijamaisrencontré,maisj’aientendudirequesescinqfrères
et sœurs et lui ressemblaient à desWestmoreland.D’ailleurs, ce sont desWestmoreland.Nous avonsdécouvertquemonarrière-grand-pèreRaphelavaitun filsqu’iln’apasconnu,etquiavait étéadoptébébéparlesOutlaw.
—Ehbien,siquelqu’undoutequeGarthOutlawsoitvotreparent,ilsuffitdemettreGarthàcôtédeRiley.
— C’est vrai, approuva Bane. Et l’homme avec Bailey est son fiancé, Walker Rafferty. Je medemandepourquoi ils ont décidé de venir ici au lieu de rentrer enAlaska comme ils l’avaient prévu.Quantautroisièmehomme,encostumenoir,j’ignorequiilest.
IlpritlamaindeCrystal.—Viens,Quadenousfaitsignedelesrejoindre.
Quelques instants plus tard,Quade fit les présentations.CommeBane l’avait deviné, le sosie deRileyétaitl’undeleurscousinsd’Alaska.Crystalsupposaitquel’hommeencostumetravaillaitpourlegouvernement,etnefutdoncpassurprisequandQuadeannonça:
—Bane,Crystal,jevousprésenteHughOakwood.Leprésidentl’arécemmentnomméchefd’uneagencespéciale,rattachéeaudépartementdelaDéfense.
—LedépartementdelaDéfense?PourquoilaDéfenseserait-elleimpliquée?s’étonnaBane.Ellesechargedesactionsmilitairesàl’étranger.C’estledépartementdelaSécuritéintérieurequiapourrôledegérerlesquestionsintérieures.
—D’habitude, oui, concédaHughOakwood,mais ce dossier est inhabituel.Nous pensons avoiraffaireàungroupeinternational.EtilesthautementprobablequedesgensdelaSécuritéintérieuresoientimpliqués.C’estpourquoileprésidentaautorisémonagenceàprendreleschosesenmain.
L’hommeregardaautourdeluietvitqu’ilavaitunpublic.Ils’éclaircitlavoix.—Ya-t-ilunendroitoùnouspourrionsparlerenprivé?demanda-t-il.—Oui,réponditQuade.Venez,Hugh,suivez-moi.
-17-
Bane avait entendu dire qu’après avoir acheté le chalet pour Delaney, Jamal l’avaitconsidérablementagrandi,ajoutant troischambres, troisautressallesdebains,un immensesalonetunbureau.C’étaitdanscespacieuxbureauqu’ilssetrouvaientmaintenant.
Ilvoyaitmalcommentonpouvaittravaillerdanscettepièce,étantdonnélavuemagnifiquesurlesmontagnesetlelacqu’offraitl’immensebaievitrée.
Banes’assitàcôtédeCrystal,suruncanapéfaceàunegrandecheminée.Dillon,Quade,Clint,ColeetDares’installèrentsurdeschaises.Apparemment,HughOakwoodpréféraitresterdebout,cequiétaitlogiquepuisqu’ilallaitprendrelaparole.Al’évidence, tousétaientcurieuxd’entendrecequ’ilavaitàdire.
Ils’adressad’abordàCrystal.—J’ailulesrapportset,docteurWestmoreland,permettez-moidevousdirequevousêtesunesprit
brillant.Bane remarquaque tous les regards se portèrent sur elle, et queCrystal semblamal à l’aise.Sa
familleprenaitconsciencedecequ’ilavaittoujourssu.Sonépouseétaitunefemmetrèsintelligente.— Je ne dirais pas cela, tempéra-t-elle en rougissant. Et, officiellement, je ne suis pas encore
docteur.—Cen’estqu’unequestiondemoisavantquevousn’obteniezvotredoctorat.Aprèsavoirlutous
vostravaux,dumoinsceuxauxquelsj’aieuaccès,jesuiscertainquevousl’obtiendrez,ditOakwood.Et,si cela ne vous ennuie pas, et même si j’ai remarqué que vous n’avez jamais employé votre nomd’épouse,jepréfèrel’employermaintenant.
—Non,çanem’ennuiepas,dit-elle.Baneetmoiavionsdécidéilyadesannéesdegardernotremariagesecret.
—Celapourraitjustementêtreunatout,ditOakwood.Puisquepersonnen’estaucourantdevotremariage,legroupequivouspoursuitnesaitpasoùchercher.
Ilmarquauntemps,puisrepritlaparole.—Grâceàvostravaux,vousavezmisaupointuneformulepourrendrelesobjetsinvisibles.Ilya
déjàeudes travauxsimilairesdanscedomaine,mais ilsemblequevousayezpoussévostravauxplusloin,etquelaformulesoitquasimentutilisable.
—Oùvoulez-vousenvenir?demandaBane.—Cetteformule,entredemauvaisesmains,peutconstituerunemenacepourlasécuriténationale.
En l’occurrence, un groupe terroriste, PPMM,qui signifiePeuplesPour unMondeMeilleur, voit celacommeunmoyend’importeretd’exporterdesobjetsclandestinement.
—Quelgenred’objets?
—Deladrogue,desbombes,desarmes.C’estbiencela,docteurWestmoreland?—Oui.Mêmes’ilyaencoreunpeudetravailavantquecesoitpossible.—PPMMadéjàenlevélesdeuxautreschimistes,commevouslesaveztous,etvousauraitenlevée
aussisansl’interventiondevotreépoux.—Lemessagequel’onm’alaissé,c’étaitdoncpourmemettreengarde,dit-elle.—Oui.PPMMacommencéàrecruterdesmembresilyaquelquesannées.Maisnousavonsréussi
à infiltrer legroupe.C’est laseulemanièrepournousdesavoircequisepasse.Quandonlesrejoint,c’est pour la vie, et la seule façon de s’échapper est la mort. Nous avons de la chance que notreinformateurn’aitpasencoreétéidentifié.
Ilgardalesilencequelquesinstants.—Lathèselaplusplausible,poursuivit-il,c’estque,mêmesiJasmineRossafaitpartiedugroupe,
elleavoululequitteràunmoment,etvousalaissécemessage.Apparemment,elleatentédedisparaître,maisellen’apaseuautantdechancequevous.Ilsl’ontretrouvée.
BaneétaitsûrquetoutlemondedanslapiècesavaitcequiétaitarrivéàJasmineRoss.—Monépousenepeutpassecacheréternellement,souligna-t-il.—Jesuisdevotreavis,approuvaOakwood.Leproblème,c’estquenousnesavonspasàquinous
pouvons faire confiance au sein de la Sécurité intérieure. La seule chose que nous savons, c’est quePPMM veut toujours vous retrouver, docteur Westmoreland. Vous êtes le chaînon manquant. Lesrecherchesdesautreschimistessont limitées.Vousavezunélémentcléqui leurmanque,etc’estvotretravailquiestnécessairepourmettreleurplanenaction.
—Désolé,maisilsnelacapturerontpas,assenaBaneenprenantCrystalparlesépaules.—C’estpourcelaquenousavonsunplan,ditOakwood,prenantfinalementplacesurunechaise.—Quelplan?demandaBane.EnvoyantlesregardsqueQuadeetOakwoodéchangèrent,Banecompritque,quelquesoitceplan,
iln’allaitpasl’apprécier.
***
Baneselevad’unbond.—Non!Jamaisdelavie!Personnen’utiliseramafemmecommeappât!tempêta-t-il.Crystalposalamainsursonbras.—Calme-toi,Bane.Çan’apasl’airsiterrible.—Si!Ilsveulentt’emmenerquelquepart,etensuiteinformerPPMMdel’endroitoùtutetrouves
afinqu’ilspuissentt’enleveret…—Quandilsviendrontmechercher,Oakwoodetseshommesserontprêtsàlesarrêter.Bane leva lesyeuxauciel.En tantqueSeal, il étaitbienplacépour savoirque leschosesnese
déroulaientpastoujourscommeprévu.—Etsiquelquechosetournemal?objecta-t-il.S’ilsneréussissentpasàteprotéger?Etsi…—Leurmissionréussit?suggéraCrystal, tentanttoujoursdecalmersonmari.Jedoisprendrece
risqueetespérerqueleurplanfonctionne.Commetul’asdit,jenepeuxpasmecacheréternellement.Banel’attiracontrelui.—Jesais,chérie,maisjeneveuxpasqueturisquestavie.Jenepeuxpast’avoirretrouvéepourte
perdremaintenant.Elleperçutlasouffrancedanssavoix.Malgrétout,ilfallaitqu’ilcomprenne.—Etjenepeuxpast’avoirretrouvépourteperdre,moinonplus,maischaquefoisquetupartiras
enmission,jedevraiaffrontercettepossibilité.—Cen’estpascomparable.Jesuisformépouraffronterledanger.Tunel’espas.
Ilavaitraisonsurcepoint.—Maisjeseraibiensurveillée,àdistance.N’est-cepas,monsieurOakwood?—C’estvrai.Etnousavonsdesinformationsdel’intérieur.Baneserralamâchoire.—Cen’estpassuffisant,protesta-t-ilencroisantlesbras.Elleneserapasseule.Jeseraiavecelle.Oakwoodsecoualatête.—Çanemarcherapas.Lesgensquilarecherchents’attendentàcequ’ellesoitseule.—Audiablecequ’ilscroient!Jerefusequemafemmeailleoùquecesoittouteseule.Ilsdoivent
soupçonnerqu’elleaeude l’aide,étantdonnélafaçondontnousavonsréussià leuréchapper jusqu’àmaintenant.Jen’aimepasvotreplan,Oakwood,etlaseulefaçonpourquej’accepted’yréfléchir,c’estquejesoislàpourprotégermafemme.
—Puis-jefaireunesuggestion?lançaQuade.— Laquelle ? demanda Crystal quand elle comprit que ni Bane ni Oakwood ne poseraient la
question.Latensiondanslapièceétaitpalpable.—Oakwoodm’aparlédesonplantoutàl’heure,etconnaissantBane,jemedoutaisqu’ilneserait
paspartant.Alorsj’airéfléchiàunplanB,quij’espèresatisferatoutlemonde.IlrequiertqueCrystalsoitl’appât,maisaumoins,Banepourraresteravecelle.
OakwoodfixaQuadeunlongmoment.Enfin,ildemanda:—D’accord,quelleestvotreidée?Quadeseleva.—Avant tout, jedois fairevenirdeuxautrespersonnesquiserontutilesà la réussitedeceplan.
Touslestrois,nousenavonsdiscutéhiersoir,etnouspensonsqueçapeutmarcher.Ilfitvenirlesdeuxpersonnesenquestion.Ils’agissaitdeWalkerRafferty,lefiancédeBailey,etde
leurcousinGarthOutlaw.Garthpritlaparolelepremier.—Quadem’aexpliquélasituation.SivousvouleztendreunpiègeavecCrystalcommeappât, je
suggèrequevouslefassiezenAlaska.—EnAlaska?s’étonnaBane.Pourquoil’Alaska?—Parcequemafamillepossèdeunchaletsur l’îledeKodiak,dansunerégion très isolée.Mais
elleestaussisécurisée,etlechaletdisposed’unegaleriesouterraine.Quades’avança.—SilesgensquilarecherchentapprennentoùCrystalsetrouve,ilslatraquerontn’importeoù.—MêmeenAlaska?demandaCrystal,dubitative.— Oui, même en Alaska, dit Oakwood en se frottant le menton, comme s’il réfléchissait
sérieusement à ce plan. Ils s’assureront tout de même que ce n’est pas un piège. Pourquoi leDrWestmorelands’enfuirait-elleenAlaska?Ilfautquecelaaitl’airlogique.
—Çasembleralogique,affirmaGarth.JesaisqueCrystalaétudiéàHarvard.IlsetrouvequemonfrèreCashyaétudiéaumêmemoment.Leurscheminsauraienttrèsbienpusecroiser.
— Je vois où vous voulez en venir, dit Oakwood d’un air songeur. Les gens qui recherchent leDr Westmoreland supposeront que leurs chemins se sont croisés et que, désespérée,docteurWestmoreland,vousavezcontactéOutlawetqu’ilvousaoffertdevousréfugierdanssonchaletenAlaska.
—Exactement,confirmaQuade.Sij’encroisGarth,cechaletseraparfait.IlsetrouvesurlesterresdesOutlaw,etletunnelsouterrainoffrirauneéchappatoireencasdebesoin.
—Quiplusest,ditGarthensouriant,grâceauxgènesdominantsdesWestmoreland,ilsetrouvequeBaneetCashseressemblent.SansdouteautantqueRileyetmoi.Celajoueraennotrefaveursijamais
quelqu’unsaitqueCrystalaeudel’aideetaaperçul’hommeaveclequelellesetrouvait.Ilss’attendrontàcequecesoitlemêmehommequilaprotège.Ilspenserontquec’estCash,alorsqu’ils’agiradeBane.
—Ceplanfonctionnera,intervintDillon,maisseulementsipersonnenesaitqueCrystalestmariéeàBane.Etes-voussûrsqu’absolumentpersonnen’estaucourant?
— Jusqu’ici, le secret a été bien gardé, affirmaOakwood. J’ai vérifié, leDrWestmoreland n’ajamaisinscritBanecommesonépouxsuraucundocumentofficiel.Jen’étaismêmepasaucourantdecemariage jusqu’à ce que Quade m’en parle. En revanche, dit-il en remuant sur sa chaise, BaneWestmorelanda toujours indiquésur toussesdocumentsofficielsqu’ilétaitmariéàCrystalNewsomeWestmoreland.
Banehaussalesépaules.—Jedevaism’assurerqueCrystalsoitcouvertesiquelquechosem’arrivait,dit-il,l’attirantcontre
luietdéposantunbaisersursonfront.J’aiaussiprisuneassurancemédicalepourelle,aucasoùelleenauraitbesoin,etjeluiaiouvertuncomptebancaire.
—Toutescesinformationssontfacilesàtrouver,siondécidedeleschercher,fitvaloirDare.Al’évidence,sonpasséd’agentduFBIavaitlaissédestraces.—Espéronsquepersonnen’éprouvelebesoindechercheraussiloin,ditClintWestmoreland.Ces
informationsnepeuvent-ellespasêtrebloquées?demanda-t-ilàOakwood.—Si,maiscommej’ignorequiestlataupeàlaSécuritéintérieure,etàquelniveauhiérarchique
ellesetrouve,cachercesinformationspourraientjustementattirerl’attention.Notreobjectifprincipalestdedémasquerlataupe.Al’heurequ’ilest,elleconstitueundangerpournotresécuriténationale.L’idéequ’ilpuisses’agird’unagenthautplacéestencoreplusinquiétante.
BaneetCrystalsetaisaient.Toutlemondelesobservait,carladécisionleurrevenait.—C’estunegrandedécision.Vousdevriezpeut-êtreréfléchirjusqu’àdemain,suggéraCole.Crystalseleva.—Merci,maisinutiled’attendre.J’appréciequetoutlemondeveuillem’aider.Cependant,cequi
m’inquiète leplus,c’estquecesgensmeveulentvivante,maisqu’ilsn’hésiterontpasàéliminerBanes’illeurfaitobstacle.Pourcetteraison,jepréfèrequeBanenesoitpasavecmoi.
—Horsdequestion!s’exclamaBane.Quandilseleva,Crystalposaundoigtcontreseslèvrespourl’empêcherdeprotesterdavantage.—Jemedoutaisqueturéagiraisainsi,Bane.Tunemelaisseraspasmettremavieendangersans
meprotéger,n’est-cepas?Ilretirasondoigtetsoutintsonregard,inflexible.—Non.Ellepoussaungrandsoupir.—Alors,celaveutdirequenousallonsenAlaska.
***
Le vent d’hiver était si frais que Banemit son bras autour des épaules de Crystal tandis qu’ilsgagnaient leur hôtel. Il était presqueminuit. Après avoir pris la décision de se rendre enAlaska, ilsavaientdûétablirunplanconcret.Crystal lui avait fait confiancepour régler lesdétails, et était alléerejoindrelesfemmesdanslepatio.
D’une certaine manière, il était heureux qu’elle soit partie car, à plusieurs reprises, il s’étaitemportécontreOakwood.Celui-ciavait sembléplusdéterminéàdécouvrir l’identitéde la taupequ’àassurerlasécuritédeCrystal.Etcela,Banenepouvaitl’accepter.
IlavaitfalluqueDillon,QuadeetDareleraisonnentetluiassurentquelasécuritédeCrystalétaitlaprioritéabsoluepourqu’ilsecalme.Aprèscela,ilsavaientpusemettred’accord.
Iln’aimaittoujourspasceplan,maisilvoulaitquelesmalfratssoientarrêtés,afinqueCrystaletluipuissentavoirunevienormale…chosequ’ilsn’avaientjamaiseuedepuisleurmariage.
—Tuesbiensilencieux,Bane,observa-t-ellelorsqu’ilssedirigèrentversleurchambre.—Jeréfléchissais,dit-il,jetantuncoupd’œilàladécorationdel’hôtel.Ilsétaientdescendusàl’hôtelSaxon.L’établissementétaitsplendide.Dareleuravaitproposédeprendrel’unedeschambresduchaletdeDelaney,maispuisquecertains
desescousinscomptaientydormiraussi,ilavaitdéclinél’offre.IlpréféraitavoirCrystalpourluiseul,etn’avaitguèreenviedepartagerleurespaceavecd’autres,pasmêmeavecsafamille.QuandBaneavaitannoncéqueCrystaletluipasseraientlanuitdansunhôtelenville,Quadeavaitproposédeleurlaissersachambreàl’hôtelSaxon.Lasuiteterrasse.
Lebeau-frèredeQuadeétaitDominicSaxon,propriétairedeshôtelsdeluxeSaxonetdelalignedecroisière Saxon. Quade avait une chambre réservée à l’année dans tous les hôtels du groupe, maispuisque sa femme, Cheyenne, n’était pas avec lui, il préférait rester avec ses cousins et son frère auchalet,etjouerauxcartes.
—Ehbien!Cetendroitesttoutsimplementmagnifique,s’extasiaCrystalenentrantdanslasuite.Bane s’appuya contre la porte tandis queCrystal s’avançait et jetait un regard circulaire dans la
vastepièce.—Oui,eneffet,dit-il,songeantquelasuiten’étaitpaslaseulechosemagnifiquedanssonchampde
vision.Avantdequitterlechalet,elleavaittroquésonjeanetsonT-shirtcontreunpantalonàpincesnoiret
unpull.PuisquesadestinationinitialeétaitlesBahamas,laplupartdesvêtementsqu’elleavaitemportésétaient légers.Par chance,Baileyet elle avaient lamêmecorpulence, aussiBailey lui avait-elleprêtéplusieurs tenues, parfaites pour le rude climat de l’Alaska. Quelle que soit sa tenue, elle était lasensualitéincarnée.
—Viens,exploronsleslieux,dit-elleenrevenantversluipourleprendreparlamain.Ilauraitaiméque leurnuitdenocesaiteu lieudansunaussibelendroit,digned’unroietd’une
reine. La suite était dotée d’une cuisine ultramoderne. La réceptionniste les avait d’ailleurs informésqu’ils pouvaient faire appel à un chef cuisinier vingt-quatre heures sur vingt-quatre. L’opulente etspacieusepiècedevieoffraitunemagnifiquevuesurlesAppalaches.Ilyavaitaussilebar,avecbarmanpersonnel sur demande, et une salle de projection dans laquelle ils pouvaient regarder les films àl’afficheenappuyantsurunesimpletouche.
Maisleplusbeauétaitlachambreimmense,qu’ilsdécouvrirentderrièredeuxgrandesportes.Lelitétaitunevéritableinvitationàlasensualité.Al’évidence,Crystalétaitdesonavis.Elletraversalapiècepours’asseoirsurlelitetrebonditplusieursfois,commepourtesterlematelas.
—Çaferal’affaire.—L’affairepourquoi?— Pour nos activités. Notre dernier hôtel a sans doute dû remplacer les matelas après notre
passage.Ilrit.Lesimplefaitdelavoirsurcelitprovoquaitundélicieuxfrissonenlui.Quandellesoutint
sonregard,ildécidaqu’ilmanquaitquelquechosesurlelit.Lui.
-18-
CrystalpritappuisursesbrasetregardaBaneavancerverslelit.Verselle.Elletentad’ignorerlespapillonsdanssonventre,etl’accélérationdesonpouls,envain.Ellesavait
ce qu’il avait en tête : la même chose qu’elle. Il avançait d’un pas nonchalant, sensuel et séducteur,emplissantlapiècedesonaurasensuelle.C’étaitcommesiuneforceprimitiveémanaitdelui,etelleneput que rester là, à le contempler, tandis que le désir submergeait les parties les plus intimes de sonanatomie.
Lentement, ilretirasavestesanscesserd’avancer.Puisilarrachasachemiseenfaisantvolerlesboutons.Etavecautantd’énergie,ilôtasaceintureetl’envoyaàl’autreboutdelapièce.
Aprésentquesonjeandescendaitsursataille,elleneputempêchersonregarddeseposersurlatoisondesontorse,quidisparaissaitsoussoncaleçon.
Elleobservasonvisage,captivéeparsonregard incandescent.Plusquequelquespas,et ilseraittoutàelle.
Quand il la rejoignit enfin, elle était tendue de désir, que le parfum enivrant de Bane, mélanged’après-rasageetdevirilité,amplifiaencore.Ellefutsaisied’unlégervertige,tandisqu’ellesentaitlapointedesesseinssedurciretsonsexepulserdefaçonpresquedouloureuse.
—Sais-tucequej’aimelepluscheztoi?demanda-t-ild’unevoixgraveetrauque.—Non,quoi?parvint-elleàdire.—Tout.Etsais-tucequejepensaisquandjeteregardaissurcelit?—Non,quepensais-tu?Ilposaitbeaucoupdequestions,etelleluidonnaitdesréponsesdumieuxqu’ellepouvait.Sonesprit
tentaitdesuivreetdenepasselaisserdistraireparsoncorpsviril.Parsontorsenu,muscléetsexy.—Jemedisaisquejedevraisêtresurcelitavectoi.—Pasdeproblème,celapeuts’arranger.Assieds-toi.Ellevitsonregards’assombrir.—Sijefaisça,tusaiscequisepassera.—Oui,maisnousrattraponsletempsperdu,n’est-cepas?—C’estvrai.—Danscecas…Lentement,elles’allongeasurlelit.—Viens,l’invita-t-elle.Elleleregardafaireglissersonjeanlelongdesesjambes.Unefoisnudevantelle,ildécréta:—Tuestrophabillée,Crystal.
—Tutrouves?dit-elleensouriant.—Oui.—Etqu’allez-vousfairepouryremédier,BaneWestmoreland?
***
Quelquesheuresplus tard,Crystalouvrit lesyeux.Laseule lumièrequ’elledistinguafutcelledusalon,quifiltraitsouslaportedelachambre.Lelitétaitimmense,maisBaneetelleétaientpresqueaubord,blottisl’uncontrel’autre.Ellenevoulaitpasleréveiller,maiselledevaitalleràlasalledebains.
Sajambepar-dessuslasiennelaretenaitprisonnière.Quandelletentadesedégagerendouceur,ilouvritlesyeux.
—Pardon,jenevoulaispasteréveiller.Ilplongeasonregarddanslesien.Unregardensommeillé,satisfait.—Etoùcrois-tuallercommeça?demanda-t-ilenresserrantsonétreinte.—Alasalledebains.—Ah.Ilroulasurlecôtépourlalibérer.—Nesoispastroplongue.Tumemanquesdéjà.Elle souritquand il referma lesyeux.Ellecherchasesvêtementsdu regard,maisne lesvitnulle
part.Commeellenevoulaitpasallumer,elledécidadetraverserlapiècenue,commeBanel’avaitfaitdenombreusesfois.
Aprèsêtresortiedelasalledebains,elleallachercherunvêtementdanssavalise.Leursbagagesétaient là où ils les avaient laissés, non loin de la porte.Elle prit une nuisette.Une fois qu’elle l’eutenfilée,elleremarqualasacochequeBaneluiavaitdonnée.
Puisqu’ellen’avaitpassommeil,c’étaitlemomentparfaitpourlire.Lorsqu’elleouvritlasacoche,elleconstataqueBaneavaitdisposéleslettresetlescartesenpaquets,afinqu’ellepuisselesliredansl’ordre. Il lesavaitaussiattachésensembleetétiquetés.Ellesaisit lepaquetportant l’étiquette :«mapremièreannée».
Elle s’installa sur le canapé face à la cheminée, qu’elle allumaà l’aided’une télécommande.Lalumièreviveetlachaleurdesflammesl’enveloppèrentd’unsentimentdebien-être.
Ramenantsesjambessouselle,elleouvritlapremièrelettreetcommençasalecture.«Crystal,» Je suis arrivé au centre de formation de laNavy dans l’Indiana. Les autres recrues sont assez
sympathiques,maismesfrèresetmescousinsmemanquent.Plusque tout, tumemanques.Unepartdemoi sait que je dois tenir bon, et devenir quelqu’un pour toi, ainsi que pourmoi,mais j’ignore si jepourraisupporterd’êtreloindetoi.Nousn’avonsjamaisétéséparésauparavant,etplusd’unefois,j’aivouluretourneràDenver,pourobligertesparentsàmedireoùilst’avaientenvoyée.Jeveuxcriersurlestoitsquetuesmafemme,etquej’ailedroitabsoludesavoiroùtutetrouves.
»Maislesjoursoùjepensedecettefaçon,jesaispourquoijesupportelasolitude.C’estpourquetu réalises tout lepotentielquiesten toi.Tues intelligente.Brillante.Belle. Jeveuxque tudeviennesquelqu’un,etjeteprometsdedevenirquelqu’un,moiaussi.
»Jenesuispassûrquetulisescettelettre,maisj’espèrequ’unjourtulepourras.Sachequemoncœurt’appartientpourtoujours,quejet’aimeplusquemavie,etquejetelaissel’espacenécessairepourquetupuissest’épanouir.Etquandjereviendrai,noussauronsquecesacrificen’aurapasétévain.
»Avectoutmonamour,TonBane.»
Crystal prit une grande inspiration et essuya une larme. Son Bane. Elle remit la lettre dans sonenveloppe,etpritunecartede laSaint-Valentin.Elle sourit aprèsavoir lu lepoème,etquandellevitqu’ilavaitsigné«tonBane»denouveau,ellesentitsoncœurpalpiter.
Elle continua la lecture de toute la pile.Dans ses lettres, il lui racontait comment son chef avaitremarquéqu’ilétaitunexcellenttireur,capabled’atteindreunecibleavecunœilferméoupar-dessussonépaule.
—Vantard,dit-elleensouriant.C’étaitcetalentquiluiavaitpermisdesefaireremarquer,etd’êtrerecommandépourlecorpsdes
Seals.Elle remarqua que,même si son anniversaire et leur anniversaire demariage tombaient lemême
jour,illuiavaitachetédescartesséparéespourchaqueévénement.Quandelleeutfinilepremierpaquet,elleeutl’impressiondesavoircomments’étaitdérouléesapremièreannée.Sapremièreannéesanselle.Ilavaitsouffertautantqu’elle.Elleluiavaitmanqué.Immensément.Ellelesentaitdanssesmots,etellel’imaginaittrèsbien,allongélesoirsursonlitdecamp,entraindeluiécrire.Illuiparlaitdeshommesqu’ilavaitrencontrés,luiracontaitcommentcertainsd’entreeuxétaientdevenusdesamispourlavie.
Elleenétaitàlamoitiédelasecondepilequandelleentenditunbruit.EllelevalesyeuxetvitBanedanslecouloir.
—Tun’espasrevenue.Ettumemanquais.Acetinstant,uneseulechoseluivenaitàl’esprit.L’hommequisetenaitdevantelleétaitsonBane.
Mettant les lettres et les cartes de côté, elle se leva et le rejoignit. Ils avaient traversé beaucoup dechoses,etentraversaientencore,maisauboutducompte,ilsétaientensemble.
Elleenlaçasatailleetluimurmuralesmotsquiemplissaientsoncœur.—Jet’aime,Bane.—Jet’aimeaussi,Crystal.Illasoulevadanssesbras.—Retournonsnouscoucher,dit-il.—Pourdormir?—Non.Ellesourittandisqu’ill’emmenaitdanslachambre.Unefoisqu’ill’eutreposéeàterre,illuiôtasa
nuisetteavantdel’allongerdenouveausurlelit.—J’aicommencéàlireteslettresettescartes,dit-ellequandils’étenditprèsd’elle.Mercid’avoir
partagé cette période avec moi. Et j’ai quelque chose pour toi, moi aussi. Un album photo. Je te ledonneraiquandnousseronsenAlaska.
Ilcaressasajambe.—Pasdequoi.Etmercid’avoirfaitunalbumpourmoi.Ilsepenchapourl’embrasser.Etellesutque,commetouteslesautresfois,cen’étaitqueledébut.
-19-
—Cetendroitestincroyable,déclaraCrystalquandilsfurententrésdanslechalet.Baneétaitdesonavis.Lechaletétaitimmense,maiscen’étaitpaslaseulesurprise.L’endroitétait
incroyable,toutcommelanaturealentour.Etlechaletavaitétébâticommeunabridesurvie.Ils étaient arrivés à Kodiak quelques heures plus tôt, après avoir passé une autre journée en
CarolineduNord.Garthlesavaitemmenésdanssonjetprivé.LestroisfrèresdeGarth,Cash,SloanetMaverickétaientvenusleschercherdansunpetitaéroport.LeurfrèreJess,candidataupostedesénateurdel’Alaska,étaitendéplacementpoursacampagne,tandisqueleursœurCharmavaitaccompagnéleurpèreàSeattlepourunvoyaged’affaires.
Garthn’avaitpasexagéréendisantqueCashétait lesosiedeBane. Ilsétaientsisemblablesquec’en était troublant.Et les ressemblances entre lesWestmoreland et lesOutlawne s’arrêtaient pas là.SloanressemblaitàDerringer,etMaverick,auxjumeauxAidanetAdrian.LesOutlawavaientaisémentacceptéleurlienbiologiqueaveclesWestmoreland,maisselonGarth,cen’étaitpaslecasdeleurpère.Ilétaitencoredansledéni,etilsenignoraientlaraison.
AprèsavoirdéposéBaileyetWalkerdans leur ranch,Garthet ses frèresavaientconduitBaneetCrystalauchalet,nichédans lesmontagnes,auborddudétroitdeChelikhov,qui s’étendaitde lacôtesud-ouestdel’Alaskajusqu’àl’estdel’îleKodiak.
—Nousallonsvousfairefaireunevisiteguidéeduchaletavantdepartir,annonçaGarth.Sesfrèresetluilesfirentvisitertouteslespièces,toutesplusstupéfianteslesunesquelesautres.
PuislescousinsdeBaneleurmontrèrentlemurmobilequiconduisaitàlagaleriesouterraine.L’endroitétaitbienmieuxquecequeBaneavait imaginé. Ily avaitunepiècedevie,dotéed’unécranplat.Lecanapé, nota-t-il, était convertible. Le cellier était rempli de conserves. Et il y avait l’armurerie, quicontenaitsansdoutetouteslesarmespossiblesetimaginables.
—Notregrand-pèreétaitcollectionneurd’armes,expliquaSloan.Notrepèrenepartageaitpassapassion,alors,ilnousademandédenousendébarrasser.Ilnesaitpasquenouslesavonsgardées.Pournous,ellesontunevaleurinestimable.
—Biensûr,aufildutemps,nousavonsajouténosarmespréférées.Celui-ciestàmoi,ditMaverickendésignantunWinchesterMagnum,unfusiltrèspuissant.Utilisez-leencasdebesoin.
Unefoislavisiteterminée,ilsretournèrentausalon.—J’espèrenepastechasser,ditBaneàCash.—Pasdutout,réponditCashavecunsourire.Jedevaisprendrequelquesjoursloindel’Alaska,de
toutefaçon.Uncoupled’amisetmoinousrendonsauxBermudespourquelque temps.Çam’ennuiedemanquertoutel’action.
Lebut était de faire croire au groupe qui traquaitCrystal qu’elle se trouvait dans le chalet avecCash,unamid’université.Maispourqueceplanfonctionne,etaucasoùquelqu’unenquêterait,levraiCashdevaitdisparaîtrequelquetemps.
Oakwood devait téléphoner dans la matinée pour donner à Bane les dernières instructions, etl’informerdumomentoùlalocalisationdeCrystalallaitêtreébruitée,afinqu’ilspuissentsepréparer.LedépartementdelaDéfenseavaitenvoyédeshommesquisurveillaientdéjàlechalet.EndehorsdeBaneetGarth,personnen’avaitremarquéleurprésence.
Peu après, leshôtesdeBane etCrystal prirent congé.Une fois qu’ils furent seuls,BaneobservaCrystal.Elleétaitdrôlementcalme,pourunefemmequiseraitdansvingt-quatreheuresl’appâtd’unpiègedestinéàcapturersesravisseurs.
—Jelesaimebien,commenta-t-elleavecunsourire.—Qui?—Tescousins.—Etqu’est-cequiteplaîtchezeux?demanda-t-ilens’approchantd’elle.—Pourcommencer,larapiditéaveclaquelleilsontproposéleuraide.Ilsn’étaientpasobligésde
mettrecetendroitànotredisposition.—Non,c’estvrai.Ill’attiracontrelui.—Sinousréussissonscettemission,nousleurdevronsmilleremerciements,dit-il.Cetendroitest
parfait, etpas seulementgrâceà lagalerie souterraine. Ilyaaussi la localisation. J’imagine trèsbienqu’onveuillesecacherici,etjesuissûrqueceuxquisontàtestroussestrouverontcelaplausible.
—JemedemandequandOakwoodenverraseshommes.Ilrit.—Ilssontdéjàlà.—Quoi?s’exclama-t-elle.Tuenessûr?—Tout à fait. Je ne les ai pas vus,mais je sens leur présence. Je l’ai sentie dèsquenousnous
sommesgarésdevantlechalet.EtparcequeGarthestunancienmarine,ill’asentieaussi.Ilmarquaunepause,puisreprit:—Riennepeutt’arriver,Crystal.Jenelepermettraipas.Tusaisàquelpointtucomptespourmoi?Elleacquiesçaetnoualesmainsautourdesoncou.—Oui,jesais.Aprèsavoirlusescartesetseslettres,elleétaitémerveilléeparlapuissancedel’amourqu’illui
portait.—Bien,dit-il.Ilponctualeuréchanged’unbaiser.
***
Plus tard cettenuit-là,Crystalquitta le lit.Dumoins, elle essaya.MaisBane lapiégeaentre sesbras.
—Oùvas-tu?—Lire.J’ensuisàlatroisièmepile.Ilroulasurlecôté.—C’estintéressant?—Très.Celasignifiebeaucouppourmoi,desavoirquetupensaisàmoi.La lecture de ses lettres lui avait permis de comprendre qu’il adorait être un Seal, et que ses
collèguesétaientcommeunedeuxièmefamille.
—Jepensaistoutletempsàtoi,affirma-t-ild’unevoixrauque.Ilcaressasajoue.—Tun’aspasenviededormir?—Jetel’aidit,jeveuxlire.Alors,laisse-moiyaller.—D’accord,situeslàoùjepeuxtevoir.—Jeseraidanslesalon.—Cen’estpassuffisant.Jeteveuxici,avecmoi.Elleallaitluirappelerquelechaletétaitentourédegardes,maiselleseravisa.—D’accord,jevaisliredanslelit,situessûrqueçanetedérangepas.—J’ensuissûr.Jesuisbienréveillé,moiaussi.Illalibéra.Aprèsavoirenfilélanuisettequ’illuiavaitretiréetoutàl’heure,elletraversalapièce
pourallerchercherletroisièmepaquet.Ellepritaussil’albumphotoqu’elleavaitemportéavecelle.Lorsqu’ellerevintdanslelit,ellele
tenditàBane.—Tiens.C’estmoncadeaupourtoi.—Merci,trésor.Il s’assit et commença à tourner les pagesde l’album.Lorsqu’il vit leur certificat demariage, il
esquissaunsourire.—Nousétionssijeunes,observa-t-elle.—Oui.Maissiamoureux.—Nouslesommestoujours,dit-elleens’asseyantàcôtédelui.Dansunsilenceagréable,iltournalespagesdel’albumpendantqu’ellelisaitseslettres.—C’estlaphotodetaremisedediplômesaulycée?demanda-t-il.Ellejetauncoupd’œilàlaphotodontilparlait.—Oui.Cejour-là,jen’aipascessédemedirequej’avaisréussigrâceàtoi.J’avaisobtenuceque
jenevoulaispas,etendéfinitive,j’enétaisplutôtheureuse.Iltournad’autrespages,etarrivaàuneremisedediplômesàl’université.—N’est-cepasétrangequeCashaitfréquentélecampusenmêmetempsquetoi?— Si. Je n’ose imaginer ma réaction si j’avais croisé un homme qui te ressemblait.
Personnellement,jesuisheureusequenoscheminsnesesoientpascroisés.ElleallaitreprendresalecturequandletéléphonedeBanesonna.Ilréponditaussitôt.—Bane,j’écoute.Crystaltentadedéchiffrersonexpression,sansyparvenir.—Commentest-cearrivé?s’emporta-t-ilsoudain.Pourquoi était-il si en colère ? Quelques instants plus tard, il raccrocha et envoya plusieurs
messages.—Quesepasse-t-il,Bane?Illafixasansrépondre.Elledevinaqu’iltentaitdecontenirsacolère.—C’étaitOakwood.Quelqu’undanssonserviceafaitunegaffe.Ilrejetalatêteenarrière.—Talocalisationadéjàfuité.Leseulpointpositif,c’estquelataupeamorduàl’hameçon,etque
seshommesetellesontenroute,pensantquetuesavecCash.—Etlepointnégatif?Carelleétaitsûrequ’ilyenavaitun.Baneinspira.—Qui que soit ce type, il est à l’évidence haut placé à la Sécurité intérieure. Il a contacté le
responsable des hommes d’Oakwood, et a donné l’ordre de les rappeler, en disant que des forces
spécialesallaientvenirprendrelerelais.Crystalfronçalessourcils.—Es-tuentraindedirequeleshommesd’Oakwoodnesontplusdehorsànousprotéger?—Exactement.Maisjeneveuxpasquetut’inquiètes.J’ailasituationenmain,assura-t-il,sortant
dulitetenfilantsonjean.Ilfautquetudescendesdanslagalerie.—Tuviensavecmoi?— Non, dit-il, saisissant son pistolet et vérifiant sa mire. Je devrais peut-être rester ici pour
l’instant.Oakwoodaordonnéàseshommesderevenir,etavecunpeudechance,ilsserontbientôtlà.Crystalnevoulaitpassongeràcequipourraitarriversicen’étaitpaslecas.Banes’attendaitàce
qu’elle secachedans lagalerie, làoùelle seraitensécurité,pendantqu’il sebattait seulcontre leursennemis,jusqu’àcequelesrenfortsarrivent.
—Jepréfèrerester iciavectoi.Jenesuispasaussidouéequetoiautir,maisgrâceàtoi, jemedébrouillepasmal.
Ilfronçalessourcils.—Ilesthorsdequestionqueturestesavecmoi.—Jenevoispaspourquoi,rétorqua-t-elleens’habillantàsontour.Pourêtrehonnêteavectoi,je
mesensensécurité.Ilsecoualatête.—Etpourquoitesens-tuensécurité?Elleluioffritungrandsourire.—Parcequej’ailemeilleurprotecteurquisoit.Toi.
-20-
Quelquesinstantsplustard,Crystalinspectal’arsenalpersonneldeBaneétalésurlatable.—Je croyaisqu’onnepouvait pasprendre l’avion avecune seule arme, encoremoins avecune
panoplieentière.—Onnepeutpas,confirma-t-il.—Alors,commentas-tufaitpourpasserlepointdecontrôledel’aéroport,quandtuasprisl’avion
pourveniràDallas?—Jen’aipaseuàlefaire.Baileys’estditquej’auraispeut-êtrebesoindecesarmesetmelesa
apportéesauchalet.Jesuisheureuxdesoninitiative.Etlesapportericin’apasétéunproblème,puisquenousétionsdansl’avionprivédeGarth.
Crystal le regardavérifier toutes les armeset s’assurerqu’elles étaient suffisammentchargées. Ilétaitprèsde1heuredumatin.
—Tu as des collègues incroyables,Bane. J’ai adoré apprendre des choses sur eux en lisant teslettres. Ils ont été là pour toi. Pour nous.Durant toute cette épreuve. Je suis impatiente de rencontrerCoop,tuparlesbeaucoupdeluidansteslettres.
ElleremarquaquelesmainsdeBanes’étaientfigées,etqueladouleurs’étaitpeintesursestraits.—Bane?Quesepasse-t-il?—Tun’auraspasl’occasionderencontrerCoop,Crystal.Nousl’avonsperdudurantl’unedenos
opérationssecrètes.—Oh!non!Elleravalaseslarmespourunhommequ’ellen’avaitjamaisrencontré.Maisd’unecertainefaçon,
elle l’avait rencontré, à travers les lettres de Bane, et elle savait que Coop et lui avaient un lienparticulier.
—Ques’est-ilpassé?—Jenepeuxpastedonnerdedétails,maisonluiatenduunpiège.Ilaétécapturévivant.Quelques
jours plus tard, notre commandant a reçu les vêtements ensanglantés de Coop ainsi que sa plaquemilitaire,pourquel’onsachecequ’ilsluiavaientfait.
Ellelepritparlataille.—Jesuisnavrée.Aprèsavoirluteslettres,jesaisquelleamitiéparticulièrevousliait.—Oui,c’étaitunamitrèscher.Unfrère.Jesuisdésoléquetun’aiespaspuleconnaître.Emueparsatristesse,ellesehissasurlapointedespiedsetposaseslèvressurlessiennes.Cefut
unbaiserbref,parcequ’ilsn’avaientpasbeaucoupdetempsetquelasituationnepermettaitriendeplus.—C’estétrange,observa-t-elleaprèsunregardversl’horlogemurale.—Quoidonc?
—Que personne n’ait téléphoné. J’aurais cru qu’Oakwood aurait pris de nos nouvelles, et qu’ilnousauraittenusaucourantdecequisepasse.
CommeBaneneréponditrien,ellesondasonvisage.—Tul’asremarquéaussi.Jemetrompe?—J’avaisremarqué,etjecroisavoiruneexplication.—Laquelle?—Quelqu’un a bloqué les appels entrants et sortants.On pense nous avoir piégés,mais j’ai pu
envoyerunmessageàWalkeretauxOutlawjusteaprèsavoirparléavecOakwood,pourlesinformerdelasituation.J’aitouteslesraisonsdecroirequelesmalfaiteurssontenchemin,s’ilsnesontpasdéjàlà.Jetedemandedenouveaudedescendre,Crystal.
—Seulementsitudescendsavecmoi.Ilpoussaunsoupir.—Danscecas,prendsceci,céda-t-il,luitendantunpetitpistolet.Maistunedevraispasavoirà
t’enservir.Elleleglissadanslapochedesaveste.Aumêmemoment,lalumièredelapiècevacilla,avantde
s’éteindretotalement,lesplongeantdansl’obscurité.—Bane?—Jesuislà,dit-il,posantlebrassursesépaules.Ellesursautaquandontambourinaàlaporte.—Sérieusement?Ilspensentquenousallonsouvrir?fulminaBane.—Maiss’ils’agitdeWalkeroudesOutlaw?Oumêmed’Oakwood?—TroptôtpourOakwood.QuantàWalkeretauxOutlaw,nousavonsdécidédecommuniquerpar
unsignal.—Quelsignal?—Leroucoulementd’unetourterelledelaCaroline.Jenel’aipasentendu,tusaisdonccequeça
signifie.Ellehochalatête.Oui,ellelesavait.
***
BaneauraitpréféréqueCrystalobéisseetdescendeausous-sol.Ildevaitseconcentrer,oriln’étaitpassûrdepouvoirlefaires’ilétaitinquietpourelle.
Soudain,unegrossevoixquisemblaitprovenird’unmégaphonesefitentendreàl’extérieur.—Monsieur Outlaw ! Mademoiselle Newsome ! Nous sommes membres du département de la
Sécuritéintérieure!NoussommesicipouremmenerMlleNewsomeenlieusûr!—Tuparles!marmonnaBane.Cessalaudss’attendentàcequ’onlesinviteàentrer,alorsquenous
sommesdanslenoirtotal.Ilsnousprennentvraimentpourdesidiots.—Sivousne répondezpasànotre requête,continua lavoix,noussupposeronsquevousêtesen
danger,etnousentreronsdeforce!Commevousvoudrez,songeaBane.Allez-y.—Tucroisqu’ilsvontvraimentlefaire?chuchotaCrystal.—Apparemmentoui,alorspréparons-nous.Illafitallongersurlesolàcôtédelui.Acet instant, son téléphoneportablevibradans sapoche.Quelqu’unavait réussi à contourner le
blocage.Ilsortitrapidementl’appareiletluilemessagedeWalker.
Ilssont5.
—Walkerm’informeque cinqhommesencerclent le chalet.Dumoins, àpremièrevue. Il y en apeut-êtred’autres.
—Alors,WalkeretlesOutlawsontlà.—Oui,etilssaventqu’ilsdoiventrestercachés,àmoinsquequelquechosedegraveseproduise.
Nousdevonsciblerlechefdelabande.—Alors,pourl’instant,c’estcinqcontredeux.Ilfronçalessourcils.—Jeveuxqueturestesallongée,Crystal.Ilsneferontriencontretoipuisquetuasdelavaleurpour
eux.Çaveutdirequ’ilsvonttenterd’entrerpourtecapturer.Soudain,ilyeutungrandbruit,commesionenfonçaituneporte.—Chut,murmuraBane.Quelqu’unvientd’entrer.
***
Desvoixmasculinesleurparvinrentd’uneautrepièce.—Mademoiselle Newsome, dites-nous si vous êtes là ! Nous savons que vous pensez être en
sécuritéavecCashOutlaw,maisnousavonsdesraisonsdecroirequ’iln’estpasfiable!Nousdevonsvoussortird’icietvousmettreàl’abri!
Ils entendirent des bruits de pas dans différentes pièces, ce qui signifiait que plusieurs hommesétaiententrés.Soudain,lalumièrerevint.
—Resteallongée,ordonnaBaneavantdeselever.—Horsdequestion.Dèsqu’ellefutdebout,deuxhommesentrèrentdanslapièce,braquantleursarmessureux.Banese
postaenbouclierdevantCrystal.—MademoiselleNewsome?Çava?demandal’undeshommes.Tousdeuxétaienthabillésen tenuedecamouflage.L’unsemblaitmesurerplusd’unmètrequatre-
vingts,etl’autre,unebonnetêtedemoins.—Çava,dit-elle,passantlatêtesurlecôtépourlesregarder.Tousdeuxsemblaientavoirunequarantained’années.—Alors,ditesàvotreamidebaissersonarme,ditlepluspetitdesdeux.—Pourquoinebaisseriez-vouspaslesvôtres?rétorquaCrystal.Elle tenta de chasser de son esprit la pensée soudaine que tout se passait comme dans le rêve
qu’elleavaitfaitquelquesjoursplustôt.—Impossible.LaSécuritéintérieureadesraisonsdecroirequ’ilestdangereux.Crystalétaitdecetavis.Acetinstant,laragedeBaneétaitpalpable.—Quiêtes-vous?demanda-t-elleàceluiquiavaitparlé.—NoussommesdelaSécuritéintérieure,intervintl’autre.—Jeveuxdesnoms.Ellevitquesoninterlocuteurcommençaitàêtreagacé.— Je suisGene Sharrod, etmon collègue s’appelleRonBlackmon.Nous sommes tous les deux
chefsdedivisionàlaSécuritéintérieure.—Jesuisimpressionnée.Pourquoidehautsresponsablessedéplaceraient-ilspourmoi?—Ceuxquivousrecherchentveulentvousenlever.Pourdesraisonsquipourraientconstituerune
menacepournotresécuriténationale.—J’aireçuunmessagepourm’avertir.— Oui, et nous pensons que vous avez fait le bon choix en disparaissant comme on vous l’a
conseillé.Maismaintenant,noussommeslàpourgérerlasituation,etassurervotresécurité.
Crystallevalementon.—Commentconnaissez-vouslecontenudumessage?Aenjugerparsonair,l’hommes’étaitrenducomptedesabévue.—Epargnez-nousvosfoutaises!intervintBaned’untonfurieux.Ellen’iranullepartavecvous.—Vousn’êtespasenpositiondedirequoiquecesoit,monsieurOutlaw,rétorqualepluspetitdes
deux hommes sur un ton méprisant. Au cas où vous n’auriez pas remarqué, vous avez deux armesbraquéessurvous,alorsjevoussuggèredebaisservotrerevolver.
—Etjevoussuggèredebaisserlesvôtres,ripostaBaned’untonsec.Leplusgrandeutl’audacedericaner.—Vouspensezvraimentpouvoirnouséliminertouslesdeux,Outlaw?Baneaffichaunsourirenarquois.—J’ensuiscertain.Etmonnomn’estpasOutlaw.CashOutlawestmoncousin.JesuisBrisbane
Westmoreland.NavySeal.Et,pourvotreinformation,jesuistireurd’élite.Alors,vousêtesprévenus.Jepeuxvousbrûlerlacervellesansprojeterlamoindretracedesangsurlecanapé.
Lepluspetit,Blackmon,semblasonné.Maismanifestement,SharrodpensaitqueBanebluffait.—Faites-moiconfiance,ilditlavérité,assura-t-elle.Sharrodeutl’airfurieux.—Nousnepartonspassansvous!—Vousvoulezparier?grondaBane.Mafemmen’iranullepartavecvous.—Votrefemme?s’exclamaSharrod,l’airstupéfait.—Oui,safemme,assuraCrystal,tendantsamaingauchepourmontrersonsolitaireétincelant.—Jesuisfatiguédediscuter,ditBane.Baissezvosarmes!Blackmonplissalesyeux.—Commel’aditSharrod,vousn’êtespasenpositiondedonnerdesordres.Soudain,descoupsdefeuretentirent.AvantqueCrystals’enrendecompte,Baneavaitfaitvolerles
armesdesdeuxhommes.—Maintenant,jelesuis,conclut-ild’untondésinvolte.Lesdeuxhommesseplièrentendeuxenpoussantdescrisdedouleur.L’und’euxs’écriaqueses
doigtsavaientétéarrachés.Unroucoulementdetourterellesefitentendre,justeavantqueWalker,BaileyetGarthentrententrombe,armeaupoing.
—Çava?demandaBaileyencourantverseux.WalkeretGarthsechargèrentdesdeuxassaillants,quigémissaientcommedesbébés.—SloanetMavericks’occupentdesautrestypesdehors.—Vousleregretterez,Outlaw…Westmoreland…ouquelquesoitvotrenom!fulminaBlackmon.
LaSécuritéintérieurevousrégleravotrecompte!Voustrahissezvotrepays!—Non,c’estvousquiletrahissez,intervintOakwoodquivenaitd’entrerentrombe.GeneSharrod
et Ron Blackmon, vous êtes en état d’arrestation. Sortez-les de là, ordonna-t-il à ses hommes qui seruèrentsureux.
—Ilnousfautunmédecin!criaBlackmon,tenantsamainensanglantéequandlesagentslesaisirent.Banefronçalessourcils.—Vous devriez vous estimer heureux que ce soient vosmains et pas vos cerveaux que j’ai fait
exploser.Alorscessezdegeindre.LorsqueOakwoodetsesagentsleseurentemmenéshorsduchalet,BanesetournaversCrystal.—Jet’avaisditderesterallongée,dit-il,lamâchoirecrispée.Ellecaressasonvisage.—Jesais,maistuasoubliécequetuavaiségalementdit.—Quoi?
—Quenousfaisionsbloc,quoiqu’ilarrive.Elledéposaunchastebaisersurseslèvres,maisilavaitàl’évidenced’autresidées,carill’attira
contreluietl’embrassaavecfougue.Elles’accrochaàsoncouetluirenditsonbaiser,sanssesoucierdesregards.
Quand quelqu’un s’éclaircit la gorge, ils interrompirent leur étreinte. Bane murmura contre seslèvreshumides:
—Venez,madameWestmoreland.Rentronscheznous.
-21-
Unesemaineplustard
Crystal n’avait pas voulu déranger Bane. Mais quand il remua dans le lit, ouvrant des yeuxensommeillésqu’unelueurdedésirfitbriller,elleconstataqu’ellel’avaitbeletbienréveillé.
Commentpouvait-ilseréveillerainsi,prêtàfairel’amouraprèstouteunenuitd’ébats?—Bonjour,dit-ildecettevoixgraveetrauquequ’elleadorait.—Bonjour,Bane,dit-elleensouriant.C’était un bon jour, en effet, surtout après le coup de fil qu’ils avaient reçu la veille. Selon
Oakwood,Sharrodavaitcédésouslapressionetavaittoutrévélé,ycomprisl’endroitoùétaientretenuslesdeuxautreschimistes.Cesderniersavaientàprésentretrouvéleurfamille.
Ellejetaunregardcirculairedanslechalet.Leurchalet.Banel’avaitbâtidesannéesplustôtpourenfaireleurnidd’amoursecret.Aprésent,c’étaitleurmaison.Al’origine,iln’avaitqu’unepièceetunesalledebains,mais l’annéeprécédente,BaneavaitdemandéàRileyd’engagerquelqu’unpourajouterune cuisine, un salon, et agrandir la salle de bains. Sa sœur Gemma, décoratrice d’intérieur, s’étaitchargéedeladécorationavantetaprèslestravaux.
Le salon était assez grand pour contenir un canapé, une table et des chaises. Crystal adorait lacheminée,quiprocuraitunedoucechaleurparlesfroidessoiréesd’hiver.Untéléviseuràécranplatétaitaccrochéaumur.Baneluiavaitexpliquéqu’ilavaitprisl’habitudedepassersesjournéesicichaquefoisqu’ilrentraitdemission.IlavaitmêmefaitinstallerInternet,defaçonàêtreenpermanencejoignableparsoncommandant.
Bane et elle avaient décidé de faire construire une autremaison, qui deviendrait leur résidencepermanente,nonloindesterresdontBaneavaithérité.Ilscommenceraientàétudierdesplansdemaisonla semaine suivante. La seule chose qu’ils savaient pour l’instant, c’était que cette nouvelle demeuredevraitêtreassezgrandepouraccueillirtouslesenfantsqu’ilscomptaientavoirunjour.
Elleavaitlutoutessescartesetseslettres,etsielleavaitpul’aimerplusqu’ellenel’aimaitdéjà,elle l’aurait fait. Il avaitmisdans sesmots tout son cœur, toute son âmeet toute la souffrancede cesannéessanselle.Aprésent,elleavaitlacertitudeabsolued’êtreaiméeparl’hommequiluiétaitdestiné,etauquelelleétaitdestinée.
La veille, ils étaient allés au ranch des parents de Crystal. Une propriété qui lui appartenaitdésormais.L’endroitétaitdésertetenruines.Pourl’heure,ilsn’avaientpasdécidédecequ’ilsallaientenfaire.
D’unecertainefaçon,cescinqannéesdeséparationavaienteu l’effetescompté.Elles lesavaientaidésàdevenirmeilleurs.CrystalconstataitunréelchangementenBane.Ilpouvaitencoreêtrerebelle
quand il le fallait, mais il y avait maintenant une sérénité en lui, une discipline, une maîtrise et unedéterminationnouvelles.Ill’avaittoujoursaimée,commeilavaittoujoursaimésafamille.Etmaintenant,ilaimaitsonpaysavecautantdepassion.
Et les Westmoreland étaient merveilleux. Crystal se réjouissait de pouvoir mieux connaître lesfemmesdelafamille.Ellequiavaittoujoursétésolitaire,pourlapremièrefoisdesavie,elleavaitlesentimentdefairepartied’unclan.
Parce qu’elle avait perdu l’essentiel de ses affaires dans l’incendie de sa maison, Pam avaitorganiséunefêteafindecélébrersonretouretceluideBane,durantlaquelleCrystalavaitreçubeaucoupde cartes cadeaux. Il se trouvait justement qu’elles provenaient toutes des boutiques préférées de cesdames.
Puis ilyavait la tradition familiale.Unvendredi soir surdeux, lesWestmorelandse réunissaientchezDillon.Lesfemmescuisinaient,etleshommesarrivaientleventrevide.Aprèslerepas,leshommesjouaientaupoker,et les femmesfaisaientcequi leurplaisait.Engénéral,ellesprévoyaientunesoiréeshopping.Cesoir,ceseraitlepremierdînerfamilialdeCrystal,etelleétaitimpatiented’yêtre.
LorsqueBaneresserrasonétreinte,ellesentitsonsexeenérectionappuyercontresonpostérieur.D’instinct,elleseblottittoutcontrelui.Toutcedésirqu’ilavaitaccumulécommençaitàl’affecterelleaussi.
—Quesepassera-t-ilquandtutelasserasdemoi?demanda-t-elle.—Jamaisjenemelasseraidetoi.Tupossèdesmoncorps,chérie.Etmonâme.Etsurtout,ça,dit-il,
prenantsamainpourlaposercontresoncœur.Sesmotslatouchèrentprofondément.Etcelan’arrangearienquandilposasonmagnifiqueregard
noisettesurelle.—Oh!Bane!Fais-moil’amour.—Toutleplaisirserapourmoi.
***
Plustard,cesoir-là,CrystalétaitassiseàcôtédeBaneàlatabledeDillon,entouréedesfrèresdeBane,desescousinsetcousinesetdeleursconjoints.Etilyavaitlesenfants.Denombreuxetsplendidesenfants, qui faisaient la joie de leurs parents. Passer du temps avec eux avait donné envie à Crystald’avoirunenfant.Unbébé.LebébédeBane.
Dillonavaitportéuntoastenleurhonneur,pouraccueillirdemanièreofficielleCrystaldansleclanWestmoreland, et pour leur dire à quel point tous étaient fiers d’eux. Il leur avait aussi donné sabénédiction, comme ses parents l’auraient fait, et leur avait souhaité un long et heureuxmariage. Sesparoles avaient failli la faire pleurer, car elle avait eu le sentiment de réellement faire partie de lafamille.
Après ledîner, alorsque les femmesdébarrassaient la table et que leshommes se rassemblaientpourjouerauxcartes,letéléphonedeBanesonna.Ilsortitl’appareildesapoche.
—C’estmoncommandant,dit-il.Excusez-moi,jedoisrépondre.Crystaleutlagorgenouée.EllesavaitqueBaneétaitencongéjusqu’enmars.S’était-ilproduitun
événement, et son commandant réunissait-il l’unité pour unemission ? Il ne restait que trois semainesavantNoël.Desurcroît,c’étaitleurpremièresemainedecalmeensemble.Crystalignoraitcommentelleréagiraits’ildevaitsubitementpartir.
TuferascommetouteépousedeSeal,luisoufflaunepetitevoix.Tul’aimeras,lesoutiendras,etl’accueillerasàbrasouvertsàsonretour.
Ellefutsoudainemplied’unepaixintérieure,etprêteàentendrelasuite.—Quesepasse-t-il,Bane?demandaDillon.
Crystal,commetouslesautres,fixaBanequandilrevintdanslasalleàmanger.Ilsemblaitsonné.Mêmesic’étaitDillonquiavaitposélaquestion,cefutellequeBaneregarda.
—C’étaitmoncommandant.IlareçuunappelduPentagonecesoir,pourl’informerqueCoopétaitvivantetretenuprisonnierquelquepartenSyrie.
—TonamiCoop?demanda-t-elle,selevantetseprécipitantverslui.—Oui.Lecommandant réunitmonunitépouraller lechercher,ainsique lesautresotagesqu’ils
détiennent.—Quandpars-tu?demanda-t-elleavecdouceur.Ilposalamainsursonépaule.—Jeneparspas.Lecommandantvoulaitjustememettreaucourant.Ilconnaîtnotresituationetsait
cequenousvenonsdetraverser.Ilm’aditquej’étaisdispensédecettemissionsijelesouhaitais.Ellesondasonvisage.Etsanssesoucierqu’onpuisselesécouter,elledemanda:—Maiscen’estpascequetusouhaites,n’est-cepas?Ilsepassalamainsurlevisage.— Peu importe. C’est bientôt Noël. Si je partais, il serait impossible de prédire quand je
reviendrais.Jepourraisnerentrerqu’aprèslesvacances,or,jeveuxenpasserchaquejouravectoi.— C’est ce que je veux aussi. Mais tu dois partir, dit-elle, n’arrivant pas à croire qu’elle
l’encourageaitàs’enaller.Coopesttonmeilleurami.—Ettuesmafamille.—Jesuisaussil’époused’unSeal,argua-t-elleavecunsourire.Alors,jedoism’attendreàceque
tupartesenmission.Jelecomprends,etjel’accepte.Jemedébrouilleraijusqu’àtonretour,etsitun’espasrentrépourNoël,jeneseraipasseule.Pourlapremièrefois,Bane,grâceàtoij’aiunefamille,dit-elleenjetantunregardcirculairedanslapièce.Unegrandefamille.
—C’estvrai,renchéritDillon.EtchaquefoisqueBanedevrapartir,nousseronslàpourtoi.— Merci, Dillon, dit-elle. Alors, vas-y, Bane, et sois le Seal dévoué et passionné que tu es.
L’hommequiaétéformépourdéfendresonpays.Soisprudent,etfaistoutcequiestentonpouvoirpourramenerCoopchezlui.
Banel’observauninstant.Puis,ill’étreignit.Etill’embrassaavecautantd’amourqueceluiqu’elleressentait à cet instant.Unamourquin’avait jamais faibli.Soudain, elle se retrouva soulevéepardesbraspuissants.
—Bane!Enlaserrantcontrelui,ilsedirigeaverslaporte.— Nous rentrons chez nous, lança-t-il aux autres par-dessus son épaule. Crystal et moi vous
souhaitonsàtousunebonnenuit.
-22-
LaveilledeNoël
—Tuessûredenepasvouloirdormircheznous,Crystal?Sonbeau-frères’arrêtadevantlechalet.—Merci,Dillon,maiscen’estpasnécessaire.—J’aipromisàBanedeveillersurtoi.—Ettul’asfait.J’apprécietonoffre,maisçaira.Bien sûr, cela irait beaucoup mieux si Bane téléphonait. Ni elle ni sa famille n’avaient eu de
nouvellesdepuistroissemaines.Illesavaitprévenusquepersonnenepouvaitprédireladuréedecetteopération.Elleespéraitseulementqu’ilétaitsainetsauf.
Pendantsonabsence,elles’efforçaitdes’occuper.Elleavaitétudiédesplansdemaison,commeBane le lui avait demandé, et avait apporté son aide à Pam, qui tenait une école de théâtre en ville.L’épousedeJason,Bella,l’avaitinvitéeàprendrelethéplusieursfois.Elleavaitfaitlesboutiquesavecles femmes de la famille. Il y avait aussi eu le bal de charité annuel des Westmoreland. C’était lapremière fois qu’elle y assistait, et elle aurait aimé queBane soit là.Mais elle avait été heureuse derevoirlesOutlaw.
La semaine précédente, elle avait été convoquée àWashington. Dillon, Canyon et leurs épousesl’avaientaccompagnée.ElleavaitdûfaireunedéclarationausujetdeSharrodetBlackmon.PersonneneluiayantparlédeBane,elleenavaitconcluquelesinformationsétaientsansdouteconfidentielles.
Le directeur de laSécurité intérieure avait loué la valeur de ses travauxde recherche, et l’avaitinformée qu’elle serait bientôt contactée. Il voulait qu’elle vienne travailler pour le gouvernement,commelesdeuxautresbiochimistes,afindeperfectionnersestravauxtoutenpréparantsondoctorat.Elleavaitpromisd’yréfléchir,maisrefusaitdeprendreunedécisiontantqueBanen’étaitpasderetour.
— Autrefois, je m’inquiétais quand Bane partait en mission, déclara Dillon en débouclant saceinture.Parlasuite,j’aicomprisquecelaneservaitàriendes’inquiéter.Etpuis,Banesaittrèsbiensedéfendre.Nousdevrionsplutôtnousinquiéterpourceuxquidoiventl’affronter.
Crystalsourit,carDillondisaitvrai.ElleavaitvucommentBanes’étaitdéfendufaceàSharrodetBlackmon.Ilavaitpreuved’unegrandeconfiance,decalmeetd’efficacité,alorsqueseschancesavaientsembléminces.
—Banereviendrasainetsauf,Crystal,affirmaDillon.Ellehochalatête,eteffleurad’unairdistraitlemédaillonqu’elleportaittoujours.—Jel’espère,Dillon.—Tunedoispasseulementespérer.Tudoisycroire.
Sonsourires’agrandit.—D’accord,j’ycrois.—Alabonneheure.Ilsortitduvéhiculeetvintluiouvrirsaportière.—TuviendrasaupetitdéjeunerdeNoëletaudînerfamilial,n’est-cepas?demanda-t-il.—Oui,jem’enréjouisàl’avance.—LesOutlawarriverontversmidi,ainsiqueBailey,Walker,etquelquesWestmorelandd’Atlanta.Unefoisqu’ilsfurentdevantlaporteduchalet,Dillonajoutaensouriant:—Tuconnaislamarcheàsuivre.—Oui,jelaconnais.Parcequ’ellevivaitdansunendroitisolé,leshommesdelafamillerefusaientdelalaisserrentrer
seulechezelle.Soit ils la raccompagnaient,soit ils lasuivaientenvoiturepours’assurerqu’ellen’aitpas de soucis. Et avant qu’ils ne repartent, elle devait indiquer que tout était normal en tirant sur lesstores.
—Bonnenuit,Dillon.—Bonnenuit.As-tubesoinquejeviennetechercherdemainmatin?—Non,merci,jeprendraimavoiture.Lorsqu’elleouvritlaporte,ellesefélicitad’avoirlaissélacheminéeallumée.Lechaletétaitchaud
et accueillant. Elle allait se diriger vers la fenêtre pour tirer sur les stores quand elle détecta unmouvementducoindel’œil.Elleseretournaensursaut.
—Bane!Elle courut vers lui et fut engloutie dans ses grands bras puissants, et embrassée par ses lèvres
fermes et exigeantes. Le baiser, fougueux et passionné, dura longtemps, jusqu’à ce qu’ils doiventreprendreleursouffle.
—Tum’asmanqué,trésor.—Tum’asmanquéaussi,dit-elle,passantlesmainspartoutsurluipours’assurerqu’ilétaitbien
sainetsauf.Sapeauétaithumide,etilsentaitbonl’après-rasage.Al’évidence,ilvenaitdeprendreunedouche.—Pourquoinem’as-tupasprévenuedetonretour?Ilsourit.—Jevoulaistesurprendre.Lamissionaétéunsuccès,mêmesielleaététrèsrisquéeàcertains
moments.CoopetdeuxautresAméricainsétaientretenusdansunlieuisolédanslesmontagnes.Arriverlà-basétaitunechose, les faire sortir envie enétaituneautre.Cen’étaitpas facile,maisnousavonsréussi,ettoussontrentréschezeux.Pasdeblessésnidevictimes.
Ilmarquaunepause.—Coopétaitheureuxdenousrevoir,etilsn’ontpasréussiàlebriser,mêmes’ilsontessayé.Ce
qui lui a permis de tenir, c’était de savoir qu’un jour, nous viendrions à son secours.Et nous l’avonssauvé.Lesautresotagesetluisontàl’hôpitalBethesdaduMaryland,pourunbilancomplet.
Crystalallaitluiposerd’autresquestionsquandonfrappaàlaporte.—Mince !C’estDillon. Ilm’a raccompagnéeet j’aioubliéde tirer sur les storespour lui faire
savoirquetoutallaitbien,dit-elle,courantouvrir.—Crystal,toutvabien?Commetun’aspastirésurlesstores,j’ai…Dillons’interrompitquandilaperçutsonfrère.—Bane!Lesdeuxhommespartagèrentunechaleureuseaccolade.—Contentquetusoisrevenuenunseulmorceau,déclaraDillon.Ilobservasonpetitfrèredepiedencapensouriant.
BanepritCrystalcontreluietdéposaunbaisersursonfront.—Etjesuiscontentd’êtrerevenu.— Je vais prévenir la famille de ton retour. Et j’imagine que nous ne vous verrons pas au petit
déjeuner,Crystal,ditDillonensouriantdeplusbelle.—Non,eneffet,réponditBaneàsaplace.Monépouseetmoiallonsfairelagrassematinée.Mais
nousessaieronsd’êtrelàpourledîner.Dillongloussa.—Entendu,dit-ilavantdeconsultersamontre.IlesttoutjusteminuitsurlacôteEst.JoyeuxNoëlà
vousdeux.—EtJoyeuxNoëlàtoi,Dillon,ditCrystalenseblottissantdanslesbrasdesonmari.Pourelle,ceseraitleplusjoyeuxdesNoëls,puisqueBaneétaitauprèsd’elle.Ceseraitlepremier
qu’ilspasseraientensembledepuisleurmariage.QuandDillonfutparti,BaneserraCrystaldanssesbras.—Jolisapin,commenta-t-il.L’arbre provenait des terres de Bane, Riley l’avait abattu pour elle. Elle avait pris plaisir à le
décorer.—Merci,dit-elle.—J’aidéjàdéposétoncadeau,chérie.Elleregardapar-dessussonépauleetvituneimmenseboîterougeentouréed’unrubanargentésous
lesapin.ElleinterrogeaBaneduregard,curieusecommeuneenfant.—Merci.Qu’ya-t-ildanscetteboîte?Ilrit.—Tudevrasattendredemainpourlesavoir.Ilsepenchapourdéposerunbaisersurseslèvres.—JoyeuxNoël,trésor.Ellenouasesbrasautourdesoncou.—JoyeuxNoël,Bane.Lorsqu’ilséchangèrentunbaiser,elleseditquecen’étaitqueledébut.Aprésent,ilsavaienttoute
laviedevanteux.
Epilogue
Saint-Valentin
—J’aimeraisporteruntoastauxjeunesmariés,déclaraRamseyWestmorelandenlevantsaflûtedechampagne.Bailey,nousn’aurions jamais cru tevoirpartirun jour, encoremoinspour l’Alaska,maisnous savons que tu es entre de bonnes mains avec Walker. Cela nous manquera de ne plus te voirdébarquerdansnosmaisonsàl’improviste,pourfairecommecheztoietvidernosréfrigérateurs.
—Ettemêlerdenosaffaires!s’exclamaDerringer.—Oui,approuvaRamseyenriant,elleavaitledondes’immiscerdansnosvies.Mais,jepenseque
toutlemondeenconviendra,pourrienaumondenousn’aurionsvouluquetuchanges.Jesaisque,delàoùilssont,mamanetpapanousregardentensouriant,etqu’ilssontheureuxpourleurbenjamine.
Ilmarquaunepause,commepoursereprendre,puiscontinua:—Walker,elleestàtoimaintenant,etjevaistedirecequej’aiditàCallumetàRicoquandilsont
respectivementépouséGemmaetMegan:tunepeuxpaslarendre.Tul’asvoulue,avecsesqualitésetsesdéfauts,alorsàtoidetedébrouiller.
Toutel’assembléeritdeboncœur.—AWalker et à Bailey, lança Ramsey. Puissiez-vous avoir un long etmerveilleuxmariage. Et
prenezgardeauxgrizzlis!Lesconvivesfirentjoyeusementtinterleursverres.Puis,DillonselevaetrejoignitRamsey.Lacérémonies’étaitdérouléedanslemagnifiqueGarden
ClubdeDenver.L’épousedeRiley,Alpha,organisatriced’événements,avaitfaitdesmiracles.Puisquec’étaitlaSaint-Valentin,elleavaitoptépourunedécorationauxtonsblancetrouge.
—Non,WalkeretBailey,jenevaispasporterunautretoast,lesrassuraDillonensouriant.Puisquela familleestaugrandcomplet, jeveuxprofiterde l’occasionpouraccueillirnoscousins, lesOutlawd’Alaska. Votre patronyme est peut-être différent, mais vous avez prouvé à quel point le sangWestmoreland coulait dans vos veines quand vous avez protégéBane etCrystal, aumoment où ils enavaientleplusbesoin.Etnousvousenremercions.Notrearrière-grand-pèreRaphelseraitfier.Etcela,çamériteunautretoast.
Crystal sentit Bane resserrer son étreinte autour de sa taille.Dillon avait raison, lesOutlaw lesavaientaidésàunmomenttrèscritique.Ilss’appelaientpeut-êtreautrement,maisilsressemblaientàdesWestmoreland,dansleurapparencecommedansleurcomportement.
Plus tard, tandisqueDillonetRamseydiscutaientavecGarthetSloan,elleneputs’empêcherderemarquerlafaçondontlesfemmescélibataireslesregardaient.LesWestmorelanddeDenverétanttous
pris,ellesconsidéraientsansdoutelesOutlawcommedenouveauxespoirs.Lapenséed’allervivreenAlaskanesemblaitguèreleseffrayer.
—Alors,ilparaîtquevousallezvivreàWashington?demandalesénateurReggieWestmoreland,accompagnédesajolieépouse,Olivia.
—Ceneseraquetemporaire,ditBaneensouriant,aprèsqueCrystalauraobtenusondoctorat,enmai.Elle travailleradansun laboratoireàWashingtondurant sixmois.Pendantce temps, j’apprendraiauxjeunesrecruesdesSealsàmanierlesarmesàfeu.
—C’estformidable!Libbyetmoi,nousvousinviterons,quandvousserezinstallés,intervintJessOutlaw.
Reggies’adressaàJess.—Etj’espèretevoirbientôtàWashington.—Jel’espèreaussi,ditJessensouriant.Lacourseausénatestrude,etlescoupsbassemultiplient.—Jesaiscequec’est,ditReggie.Tiensbon,etrestefidèleàtesprincipes.—Mercipourtesconseils,Reggie,etpourtonappui.—Inutiledemeremercier,noussommesdelamêmefamille.Puis,tonprogrammeestbon,etjesuis
sûrquelesgensfinirontpaslevoir.Quelques instants plus tard,Crystal fut seule avecBane. Ils parlèrent desmembres de son unité.
Coopseportaitbien,etleuravaitrenduplusieursvisites.ToutcommeNick,FlipperetViper.ElleavaitapprisàconnaîtretouslescollèguesdeBane,etlestrouvaittousformidables,ainsique
leursépouses.SeulsFlipper,ViperetCoopétaientcélibataires,etilsavaientfaitlesermentdelerester.Puisque les trois hommes étaient très séduisants, elle était curieuse de voir combien de temps ilstiendraient.
—T’ai-jeditaujourd’huiàquelpointjet’aimais?luimurmuraBaneàl’oreille.—Oui,dit-elleensouriant.Maistupeuxmeleredire.—Avecjoie.CrystalGayleWestmoreland,jet’aime.Detoutmoncœur.Elle caressa sa joue, songeant à tout ce qu’ils avaient traversé au fil des années. Beaucoup de
chosesavaientchangé,maisunechoseétaitdemeuréeconstante:l’amourqu’ilsseportaient.—Etjet’aimeaussi,Bane.Detoutmoncœur.Etparunbaiser,ilsscellèrentleursparolesetleuramour.Pourtoujours.
TITREORIGINAL:BANE
Traductionfrançaise:ROSABACHIR
©2015,BrandaStreaterJackson.
©2016,HarperCollinsFrancepourlatraductionfrançaise.
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