un psoriasis pustuleux compliqué d’une amylose …à la fois la peau et les symptômes...
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Images en Dermatologie • Vol. IV • n° 3 • mai-juin 2011104
Psoriasis • Psoriasis pustuleux • Syndrome néphrotique • Amylose AA
Psoriasis • Pustular psoriasis • Nephrotic syndrome • Amylosis AA
Légendes
Figure 1. Psoriasis pustuleux en regard des plantes des pieds.
Figure 2. Lésions psoriasiformes en regard des extrémités des mains.
Cas clinique
Un psoriasis pustuleux compliqué d’une amylose systémiqueA pustular psoriasis complicated by systemic amyloidosisY. Sekkach, A. El Khattabi, J. Fatihi, M. Elqatni, N. Elomri, F. Mekouar, M. Badaoui, S. Hammi, T. Amezyane, A. Abouzahir, D. Ghafir (Service de médecine interne B, hôpital militaire d’instruction Mohammed-V, Rabat, Maroc)
L e psoriasis pustuleux (PP) généralisé décrit par Von Zumbusch est une forme peu fréquente mais grave de psoriasis fréquemment associée à des signes
généraux. Son retentissement extracutané suggère le caractère systémique de cette affection redoutable, assez souvent mortelle. Les atteintes rhuma-tismales, observées dans 20 % des cas, sont les plus fréquentes. Quelques cas d’atteinte rénale ont été plus rarement rapportés. Le PP peut aussi être localisé, sans que l’on sache si c’est une forme de transition vers un PP généralisé.
Nous rapportons ici le cas d’un patient atteint de PP localisé qui présente, concomitamment à une nouvelle poussée de PP, de multiples atteintes extra-cutanées révélant une amylose systémique d’installation rapide.
ObservationUn patient âgé de 38 ans, sans antécédents notables, est suivi depuis une dizaine d’années en dermatologie pour un psoriasis. Il est adressé pour une polyarthrite chronique bilatérale et symétrique, n’épargnant aucune articulation périphérique, sans atteinte axiale, associée à une altération rapide de l’état général contemporaine d’une nouvelle poussée de psoriasis. À l’examen clinique, le patient est grabataire, fébrile à 38 °C. Il existe des lésions cutanées érythrodermiques, surmontées d’une éruption pustuleuse, intéressant les extrémités des membres inférieurs et nettement marquées au niveau des régions plantaires (figure 1). L’examen ostéoarticulaire met en évidence des synovites des métacarpophalangiennes, des interphalangiennes proximales et distales et des chevilles, avec un flessum des genoux à 30 °. Il n’y a pas d’anomalie cardiorespiratoire, neurologique, digestive ou splénoganglionnaire.
Les radiographies standard ne comportent pas d’anomalies, notamment pas de sacroiliite. Il n’y a ni hyperostose ni ostéite à la scintigraphie osseuse. Le bilan biologique note un syndrome inflammatoire important, avec une vitesse de sédimentation (VS) à 120 mm (1re heure), une protéine C réactive (PCR) à 60 mg/ l et une anémie inflammatoire. La fonction rénale est conservée (créatinine à 12 mg/ l). Il n’y a pas d’hypoprotidémie, d’hypo albuminémie, de protéinurie au dosage pondéral ou de perturbations du bilan hépatique. Les explorations infectieuses (hémocultures, ECBU, radiographies des poumons et des sinus) sont négatives. L’examen bactériologique du contenu des pustules cutanées confirme leur caractère amicrobien. Les bilans immunologique (latex, WaalerRose, anticorps antinucléaires, antiCCP) et sérologique (VDRL, TPHA, hépatites virales B et C et VIH) sont négatifs. La biopsie cutanée est en faveur d’un psoriasis, sans vascularite.
Le patient est traité par bolus de corticoïdes (1 g × 3 j) et méthotrexate (20 mg/sem.), interrompu pour cause de toxicité hépatique, puis par azathioprine (100 mg/ j) et colchicine 1 mg/ j. L’évolution est marquée par une légère amélioration articulaire, mais aussi par la persistance des lésions pustuleuses psoriasiformes, sans amélioration du syndrome inflammatoire (VS à 80 mm, CRP à 45 mg/ l). Quatre semaines plus tard, le patient est réhospitalisé pour une nouvelle poussée cutanée et articulaire, avec une polysynovite invalidante des deux poignets. À l’admission, le patient est en
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très mauvais état général, avec une impotence fonctionnelle totale et des œdèmes importants des membres inférieurs. Les lésions psoriasiformes touchent secondairement les extrémités dorsales des deux mains (figure 2, p. 41).
Dès les premiers examens biologiques sont constatés un syndrome néphrotique impur avec une protéinurie massive (> 7 g/ 24 h), une hypoalbuminémie (19 g/ l), une hypoprotidémie (< 40 g/ l) et une insuffisance rénale aiguë d’évolution rapide (moins d’une semaine), qui a nécessité une épuration extrarénale (EER). Des biopsies cutanées (zones non concernées par le psoriasis), synoviales (poignet droit) et des glandes salivaires accessoires confirment le diagnostic d’une amylose AA. La ponctionbiopsie rénale est récusée en raison d’une défaillance hémostatique (taux de prothrombine à 35 %). Le diagnostic d’une amylose AA systémique (cutanée, articulaire et rénale) compliquant un psoriasis pustuleux est retenu. Malgré des bolus de méthylprednisolone, de cyclophosphamide et d’azathioprine, l’évolution se complique, en moins d’une semaine, d’une dégradation rapide de la fonction rénale malgré l’EER et d’un décès dans un tableau de défaillance multiviscérale inéluctable.
DiscussionLe PP généralisé peut se compliquer de manifestations ostéoarticulaires, hépatiques, pulmonaires et oculaires. Ces dernières sont expliquées par une infiltration neurophilique massive et transitoire des tissus extracutanés. Au cours du PP, les manifestations ostéoarticulaires sont dominées par les polyarthralgies. D’authentiques monoarthrites ou oligoarthrites asymétriques peuvent également s’observer (1, 2). La ponction articulaire ramène un liquide synovial de type exsudatif, aseptique et riche en polynucléaires neutrophiles.
La rareté de l’amylose AA au cours du psoriasis s’oppose à sa relative fréquence dans la polyarthrite rhumatoïde (3). Dans les quelques observations rapportées dans la littérature, 85 % des cas se caractérisent par une atteinte articulaire, ce qui suggère que l’arthropathie pourrait être en cause dans l’apparition de l’amylose (4).
Le premier cas d’amylose AA associée à un psoriasis fut décrit par R. Moise et al. en 1965 (5). Chez les 40 cas rapportés depuis, le délai entre l’atteinte cutanée et la découverte de l’amylose était en moyenne de 18 ans, tandis que le délai moyen entre l’apparition des premières localisations articulaires et le diagnostic d’amylose variait de 2 à 20 ans (6). L’observation décrite est particulière du fait du développement d’une atteinte systémique rapidement après l’aggravation des manifestations cutanées et de la survenue rapprochée des premiers symptômes articulaires. L’étendue et le type de l’atteinte cutanée sont très variables dans les amyloses associées à un psoriasis. En 1979, R.M. Mackie et J. Burton ont décrit un patient avec un PP généralisé (sans atteinte articulaire) compliqué d’une amylose sévère, induisant le décès du patient dans les deux années qui ont suivi le diagnostic (7). Une autre observation a été publiée ultérieurement (8).
Les traitements de l’amylose AA reposent sur le contrôle des syndromes inflammatoires mais il y a peu de littérature décrivant des études randomisées. L’effet des antiTNFα a transformé l’évolution clinique de ces affections inflammatoires chroniques (9). Dans une série ayant inclus 25 patients avec une amylose AA rénale traités par antiTNF (22 cas traités par infliximab et 3 par étanercept) avec un suivi sur 70 ± 44 semaines, il a été constaté une réduction significative de la protéinurie, avec une stabilisation de la fonction rénale chez la presque totalité des patients (3). La survie après le diagnostic d’amylose a été de 141 mois chez 95 % de ces patients, dont 12 % sont décédés dans un tableau de défaillance multiviscérale (3).
Le pronostic reste sombre, puisque plus de 50 % des patients décèdent quelques mois après le diagnostic de l’amylose (10). Dans une étude rétrospective portant sur 992 patients ayant un psoriasis, dont 39 % avaient une arthropathie, le décès était lié à différentes complications, dont l’amylose AA.
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ConclusionLes manifestations systémiques du PP peuvent être sévères. Elles ne devraient pas contreindiquer ou retarder le recours aux thérapies ciblées, qui permettent de traiter à la fois la peau et les symptômes extradermatologiques, qui ont parfois un pronostic redoutable, en particulier en cas d’amylose AA. II
Références bibliographiques1. Benomar S, Belgnaoui F, Meziane M, Senouci K, Hassam B. Manifestations systémiques extracutanées du psoriasis pustuleux généralisé. Rev Med Interne 2010;31:e168.2. Kawana S, Nishiyama S. Pustular psoriasis and aseptic purulent arthritis: possible role of leukotrienes B4 and C4 in a flare of synovitis. Dermatology 1995;190:358.3. FernandezNebro A, Tomero E, OrtizSantamaria V et al. Treatment of rheumatic inflammatory disease in 25 patients with secondary amyloidosis using tumor necrosis factor alpha antagonists. Am J Med 2005;118:5526.4. Bergis M, Dega H, Planquois V, Benichou O, Dubertret L. Amyloidosis complicating psoriatic arthri tis. Ann Dermatol Venereol 2003;130:103942.5. Moise R, Asch L, Imbs JL. Rhumatisme psoriasique et amylose. Strasb Med 1965;16:24553.6. Wittenberg GP, Oursler JR, Peters MS. Secondary amyloidosis complicating psoriasis. J Am Acad Dermatol 1995;32;4658.7. Mackie RM, Burton J. Pustular psoriasis in association with renal amyloidosis. Br J Dermatol 1974; 90:56771.8. David M, Abraham D, Weinberger A, Feuerman EJ. Generalised pustular psoriasis, psoriatic arthritis and nephrotic syndrome associated with systemic amyloidosis. Dermatologica 1982;165:16871.9. Gottenberg JE, MerleVincent F, Bentaberry F et al. Antitumor necrosis factor alpha therapy in fifteen patients with AA amyloidosis secondary to inflammatory arthritides: a followup report of tolerability and efficacy. Arthritis Rheum 2003;48:201924.10. Joss N, McLaughlin K, Simpson K, BoultonJones JM. Presentation, survival and prognostic markers in AA amyloidosis. QJM 2000;93:53542.11. Roth PE, Grosshans E, Bergoend H. Psoriasis: development and fatal complications]. Ann Dermatol Venereol 1991;118:97105.
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