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Master 2 Environnements Urbains mention Recherche 2017 – 2018
URBANISME, INSÉCURITÉ
ALIMENTAIRE ET
ORGANISATION COMMERCIALE
DANS LES QUARTIERS
PRIORITAIRES DE LA
POLITIQUE DE LA VILLE
CAS DE TROIS QUARTIERS PRIORITAIRES EN ÎLE-
DE-FRANCE
Capucine Frouin
Encadré par Sabine Bognon,
Corinne Larrue et
Nicolas Notin
École d'Urbanisme de Paris
Je voudrais remercier en premier lieu Sabine, pour son soutien continu, sa
compréhension, son écoute, son amitié, ses encouragements et ses blagues
discrètes qui m'aident à relativiser la gravité de ma situation, ainsi que pour
ses conseils toujours fins et avisés pour améliorer mes recherches.
Je remercie aussi Corinne pour son accompagnement attentif, ses conseils et
ses lumières expérimentées qui m'aident à mettre les formes là où je vais par-
fois vite en besogne.
Je remercie également Nicolas, pour son accueil, sa patience, son implication
et ses conseils pour orienter mes recherches.
Je voudrais également remercier tous ceux qui ont lu mon travail et participé à
sa redéfinition ; mes interlocuteurs à Pantin, Épinay et Choisy qui ont pris le
temps de me parler et m'ont permis de donner du corps à mon travail.
Je remercie également Brunissende pour l'éclairant déjeuner, Flora qui m'a
accompagnée au marché, mes sœurs Bertille et Hortense qui ont accepté
gentiment que j'exploite leurs expertises, et David qui a supporté sans bron-
cher la lumière allumée jusqu'à des heures indécentes.
4
SOMMAIRE
Introduction
8
Partie 1 : Des organisations urbaines et commerciales souvent
favorables à l'obésité dans les quartiers prioritaires de la poli-
tique de la ville
13
1.1 Entre obésité et pauvreté, un lien largement démontré 14
1.1.1 La prévalence de l'obésité augmente quand les revenus diminuent 14
1.1.2 Les comportements alimentaires varient avec le revenu 16
1.1.3 Des quartiers qui concentrent les populations les plus en difficultés,
et des différentiels de santé importants
17
1.2 L'influence des environnements alimentaires sur l'alimentation et la
santé des habitants des quartiers populaires
20
1.2.1 L'influence de l'environnement alimentaire sur la nutrition dans les
quartiers défavorisés
20
1.2.2 Déserts et oasis alimentaires : le problème de l'accès à des fruits et
légumes frais
22
1.2.3 Le marécage alimentaire : quand les fast-foods inondent l'offre locale 24
1.2.4 Limites et adaptation de notions construites dans des contextes nord-
américains
25
1.3 Des environnements alimentaires moins favorables dans les quar-
tiers prioritaires que dans les autres territoires
28
1.3.1 Une offre commerciale alimentaire plus faible dans les quartiers prio-
ritaires de la politique de la ville
30
1.3.2 Une densité forte de l’offre en fast-food par rapport à l’offre de res-
tauration globale (et de nature/qualité différente)
33
1.3.3 Une disponibilité de fruits et légumes frais moindre dans les quar-
tiers prioritaires
36
Partie 2 : Déserts, marécages et oasis alimentaires dans les
quartiers prioritaires : typologie et analyse de trois quartiers
franciliens
40
2.1 Les marécages alimentaires où offre de fast-foods et alternatives
saines se mêlent : l'exemple des quatre chemins à Pantin
47
5
2.1.1 Les Quatre-chemins : un quartier de faubourg aux portes de
Paris
47
2.1.2 Une population pauvre et peu diplômée dans une commune
en cours de gentrification
49
2.1.3 Une offre commerciale très importante mais peu diversifiée 51
Une offre de restauration dominée par les fast-foods 53
Une vacance importante au-delà des grands axes 55
Le marché du dimanche : un atout important pour la disponibilité de
fruits et légumes dans les quatre-chemins
56
Deux autres points de vente représentent une opportunité potentielle
pour les habitants
59
2.2 Les « déserts alimentaires » dominés par les fast-foods : l'exemple
du quartier Plaine-Cinéastes à Épinay-sous-Sénart
62
2.2.1 Un quartier enclavé dans une boucle de l'Yerres 62
2.2.2 Une population pauvre qui représente presque toute la com-
mune
64
2.2.3 Une offre commerciale très faible en cours de renouvellement 65
Un centre commercial en déclin 67
La rénovation et reconversion en cours 69
Un pôle commercial restreint autour d'un marché en déclin
70
2.3 Les « oasis alimentaires » où la disponibilité de fruits et légumes
frais est plus importante : le quartier sud de Choisy-le-Roi
73
2.3.1 Un quartier mieux relié à Orly qu'à Choisy-le-Roi 73
2.3.2 Une population pauvre dans un quartier déjà en partie rénové 75
2.3.3 Une forte disponibilité de produits frais mais inaccessible pour
les habitants du quartier ?
77
En apparence, une offre favorable à la santé : pas de fast-food et plu-
sieurs points de vente de produits frais
77
Mais des prix inadaptés aux besoins des habitants des grands en-
sembles
80
Partie 3 : Le résultat de politiques publiques successives : la ré-
novation urbaine comme moteur de réimplantation de l'offre
commerciale dans les quartiers prioritaires
84
3.1 La revitalisation du commerce dans les quartiers prioritaires : droit à
la ville plutôt que préoccupations de santé
85
3.1.1 Dégradation de l'offre commerciale dans les quartiers prioritaires 86
3.1.2 Les outils de la PDV pour redynamiser le commerce 88
3.1.3 Mixité sociale et enjeu pour les commerces
90
6
3.2 Des outils juridiques parfois difficiles à mettre en place 92
3.2.1 Le droit de préemption sur les fonds commerciaux 92
3.2.2 Devenir propriétaire des murs : un moyen efficace mais coûteux 94
3.2.3 Choisir les implantations dans les locaux neufs
95
3.3 Des jeux d'acteurs complexes qui ne jouent pas nécessairement en
faveur de la santé des populations
96
3.3.1 Des difficultés pour trouver des commerçants qui correspondent à la
vision de la municipalité
96
3.3.2 Bailleurs sociaux et locaux commerciaux 98
3.3.3 Le rôle des communes et intercommunalités elles-mêmes
99
Conclusion
103
Annexes 107
Bibliographie 107
Table des figures 115
Table des tableaux 116
Liste des entretiens 117
8
Introduction
L'insécurité alimentaire est un déterminant majeur de la santé des populations. Le con-
cept a longtemps été investigué dans les régions de pénurie alimentaire, mais le déve-
loppement rapide de maladies chroniques liées à l'alimentation en fait une probléma-
tique de santé publique majeure dans les pays développés également, ainsi qu'une pro-
blématique de politique publique1. En France, l'atelier 12 des États Généraux de l'Alimen-
tation, qui se sont tenus du 20 juillet au 21 décembre 2017, était consacré à la question
de la lutte contre l'insécurité alimentaire. L'objectif de ces États Généraux était de parve-
nir à une redéfinition de la politique alimentaire française, de la production à la consom-
mation. Ainsi, un projet de loi « pour l'équilibre des relations commerciales dans le sec-
teur agricole et une alimentation saine et durable » a été présenté par le ministre de
l'agriculture et de l'alimentation le 31 janvier 2018 au Conseil des Ministres, et adopté le
30 mai après une semaine de discussion par l'Assemblée Nationale. La notion d'insécuri-
té alimentaire a disparu du texte de loi, remplacé par celle de « précarité alimentaire ».
Nous choisissons ici de parler d'insécurité alimentaire pour décrire la situation d'une par-
tie de la population française plutôt que de précarité alimentaire. La « précarité alimen-
taire » ne fait pas l'objet d'une définition scientifique précise2 , ni même d'une définition
politique : le projet de loi Egalim la présente comme « se [développant] » et la met en lien
avec la nécessité de diminuer le gaspillage alimentaire sans dire ce qu'elle recouvre3.
Globalement, la précarité alimentaire semble désigner l'alimentation des populations
précaires, aussi bien les types d'aliments consommés que la façon dont ils sont con-
sommés. Il s'agit donc d'un objet politique plutôt que d'un objet scientifique, c'est pour-
quoi nous lui préférons le terme d'insécurité.
D'abord pensée comme l'inadéquation entre la production et les besoins alimentaires des
populations, en particulier dans les pays en voie de développement jusqu'à la fin des an-
nées 1980, la notion d'insécurité alimentaire est ensuite élargie et recentrée sur l'indivi-
du4. En 1986, la Banque mondiale définit le concept de sécurité alimentaire comme
« l’accès pour tout le monde et à tout moment à une nourriture suffisante pour une vie
1Charles Dabone et al., « L’insécurité alimentaire selon deux définitions: impact sur la minorité francophone
canadienne à travers divers déterminants socio-économiques » (Journées Annuelles de Santé Publique -
Prendre des chemins convergents, Montréal, 23 novembre 2013), https://www.inspq.qc.ca/jasp/l-
insecurite-alimentaire-selon-deux-definitions-impact-sur-la-minorite-francophone-canadienne-travers-
divers-determinants-socio-economiques. 2Elodie Marajo Petitzon, « Comprendre et prévenir la précarité alimentaire: Le cas des agriculteurs en
France, le rôle des circuits courts » (Université de Montpellier, 2014), 14. 3 Page 5, disponible ici : http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/projets/pl0627.pdf 4INSTITUT NATIONAL DE LA SANTE ET DE LA RECHERCHE MEDICALE (France), Inégalités sociales de santé
en lien avec l’alimentation et l’activité physique, Expertises collectives (INSERM, 2014), 237.
9
active en bonne santé »5. Le sommet mondial de l'alimentation de Rome en 1996 intègre
aussi la notion de qualité sanitaire des aliments et de choix donc de diversité : « La sécu-
rité alimentaire est assurée quand toutes les personnes, en tout temps, ont économi-
quement, socialement et physiquement accès à une alimentation suffisante, sûre et nu-
tritive qui satisfait leurs besoins nutritionnels et leurs préférences alimentaires pour leur
permettre de mener une vie active et saine »6. De ces définitions politiques, on peut
aboutir à la définition scientifique suivante « la situation où la possibilité de
s’approvisionner en nourriture suffisante et adéquate d’un point de vue nutritionnel et de
façon socialement acceptable est limitée ou incertaine »7. Ici, il s'agit surtout d'avoir ac-
cès, physiquement et financièrement, à une alimentation de qualité suffisante, donc une
alimentation saine8.
L'insécurité alimentaire à des conséquences sur la santé des populations. Au-delà du
problème de la faim, qui existe encore de façon plus ou moins marginalisée dans les pays
dits des Nords, les maladies liées à l'alimentation, notamment le diabète de type II, les
maladies cardio-vasculaires et l'obésité sont la conséquence la plus répandue de l'insé-
curité alimentaire dans les pays développés9, et notamment en France.
Les territoires ne sont pas donc égaux face à l'insécurité alimentaire, car ni les revenus ni
les commerces ne sont uniformément répartis. Les facteurs permettant l'accès à une
alimentation saine sont multiples : ils concernent la population, notamment ses moyens
financiers et son niveau d'éducation ainsi que le territoire lui-même, et son organisation
spatiale, institutionnelle et économique.
L'année dernière, notre mémoire portait sur l'alimentation dans les quartiers prioritaires
de la politique de la ville, et sur les liens entre l'offre commerciale, les logiques de con-
sommation et le surpoids. Notre objectif était donc de démontrer comment les pratiques
sociales des habitants, liées à leur alimentation, entraînaient une prévalence plus impor-
5Banque Mondiale, « La pauvreté et la faim. La sécurité alimentaire dans les pays en développement: pro-
blèmes et options. », Etude de politique générale de la Banque Mondiale (Washington DC: Banque Mon-
diale, juin 1986), V. 6Comité de la sécurité alimentaire mondiale, « S’entendre sur la terminologie » (Rome: Comité de la Sécuri-
té Alimentaire Mondiale, 15 octobre 2012), 6. 7Judith Martin-Fernandez, France Caillavet, et Pierre Chauvin, « L’insécurité alimentaire en région parisienne:
prévalences et inégalités socio-territoriales. », Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire 49-50 (1 janvier
2011): 2. 8Notre définition d'une alimentation saine, ou favorable à la santé, correspond à celle du Plan National
Nutrition Santé : « privilégier les aliments qui sont bons pour la santé (fruits, légumes, féculents, eau,
etc.), consommer raisonnablement certaines catégories (viande, poisson, œufs, produits laitiers, etc.) et
consommer moins ceux qui le sont moins (sucre, sel, matières grasses, etc.) ». Recommandations
disponibles en intégralité ici : http://www.mangerbouger.fr/pro/education/s-informer-2/les-
recommandations-de-sante-publique/les-recommandations-en-matiere-d-alimentation.html 9INSTITUT NATIONAL DE LA SANTE ET DE LA RECHERCHE MEDICALE (France), Inégalités sociales de santé
en lien avec l’alimentation et l’activité physique, 253-57.
10
tante du surpoids et de l'obésité, en prenant aussi en compte les différents éléments qui
caractérisaient ces pratiques (pauvreté monétaire, enclavement du quartier, difficulté
d'adaptation...). Dans la continuité de cette première recherche, nous nous attacherons
cette année à analyser l'organisation spatiale des territoires en politique de la ville, en
particulier l'implantation de l'offre commerciale, et l'influence de celle-ci sur la sécurité
alimentaire.
Ainsi, comment, dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville,
l’organisation urbaine et commerciale, issues de politiques urbaines suc-
cessives, participent-t-elles à l’insécurité alimentaire des habitants ?
Je démontre ici comment l'exposition des populations des quartiers prioritaires à une
offre commerciale inadaptée à une alimentation saine (faible disponibilité de fruits et
légumes, forte présence de fast-food) est un facteur aggravant de l'insécurité alimentaire.
Ma recherche a vocation à mettre en évidence les leviers urbains influençant la sécurité
(ou l’insécurité) alimentaire, et la manière dont ils se déploient dans les territoires en
politique de la ville, ainsi qu'à mettre en évidence les marges de manœuvres des collecti-
vités en la matière.
METHODE SYNTHETIQUE :
Il ne s'agit ici que des grands traits de la méthode mise en place, le détail en est donné
dans le texte.
Nous avons choisi l'Île-de-France comme terrain d'étude pour plusieurs raisons. Ce travail
de recherche a été effectué dans le cadre d'un stage à l'Agence Régionale de Santé d'Ile-
de-France (ARS IDF). En dehors du fait qu'il est normal que notre étude se soit donc por-
tée sur le terrain des prérogatives de l'Agence, cela a facilité, dans une certaine mesure,
la prise de contact et l'obtention de rendez-vous avec les municipalités et intercommuna-
lités des terrains d'étude, et nous a permis d'accéder à des données qu'il aurait été diffi-
cile d'obtenir autrement. L'ARS IDF, en tant qu'acteur majeur de la promotion de la santé
en Ile-de-France, s'intéresse aux questions urbaines car l’organisation et le fonctionne-
ment urbain sont des déterminants majeurs de la santé : la ville peut être envisagée
comme le lieu de concentration des inégalités sociales et donc des inégalités de santé,
mais aussi comme un levier de promotion de la santé. Notre lien avec l'ARS a une in-
fluence sur le discours des acteurs que nous avons rencontré, par rapport à celui que
nous avions pu recevoir l'année dernière ou dans d'autres contextes d'études en tant que
11
simple étudiante. Cela a été pris en compte dans l'analyse. D'autre part, l'Ile-de-France
est un territoire où les inégalités entre les territoires sont très importantes10, et où les
contextes territoriaux sont très différents, entre la ville très dense et les espaces périur-
bains plus diffus, et donc particulièrement propice à notre analyse. Enfin, pour des rai-
sons pragmatiques et matérielles de déplacement sur le terrain et de contraintes de
temps, il était plus simple de choisir ce terrain d'étude.
– Dans un premier temps, nous avons procédé grâce à la base SIRENE des entre-
prises à un recensement des différents types de commerces présents en Île-de-France
dans les quartiers prioritaires et en dehors de ceux-ci. L'analyse de ses implantations
révèle que l'offre commerciale dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville
diffère de celle des autres quartiers.
– Ensuite, à partir de ce relevé, nous avons construit une typologie de l'offre com-
merciale dans les quartiers prioritaires. Cela nous a permis de dégager trois grands types
d'environnements alimentaires dans les quartiers prioritaires.
– Dans chacun de ces grands types, nous avons sélectionné un cas d'étude particu-
lier : le quartier des Quatre Chemins à Pantin, celui de la Plaine – Cinéastes à Épinay-
sous-Sénart, et le Quartier Sud de Choisy-le-Roi. Nous avons alors analysé plus finement
l'offre commerciale dans ces quartiers en essayant d'identifier les facteurs qui ont permis
leur mise en place. Pour cela, nous avons procédé à des entretiens avec les acteurs de la
politique de la ville dans les quartiers11, et à des séances d'observation sur les lieux.
Il s'agira d'abord d'établir, à partir d'une revue de la littérature internationale et de l'ana-
lyse globale de l'offre commerciale dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville,
que les environnements alimentaires qui les caractérisent sont d'une part différents de
ceux des autres territoires en Ile-de-France, et qu'ils sont ,d'autre part, défavorables à la
santé pour les populations qui les habitent, et favorisent l'insécurité alimentaire. Ensuite,
seront mises en évidence les différences entre les environnements alimentaires des
quartiers prioritaires, selon trois grands types. Chacun de ces types sera analysé au
prisme de l'influence, positive ou négative, qu'il peut avoir sur les populations qui y réside.
Enfin, nous verrons comment les différents moyens aux mains des municipalités ou des
intercommunalités en charge de la politique de la ville leur permettent d'agir avec effica-
cité ou non sur ces environnements alimentaires pour les rendre plus propices à une ali-
mentation saine.
10Vinciane Bayardin et al., « En Île-de-France, la pauvreté s’est intensifiée dans les territoires déjà les plus
exposés », Insee Analyses (Paris: INSEE, décembre 2017). 11Liste des entretiens en annexe.
13
DES ORGANISATIONS URBAINES
ET COMMERCIALES SOUVENT
FAVORABLES À L'OBÉSITÉ DANS
LES QUARTIERS PRIORITAIRES
DE LA POLITIQUE DE LA VILLE
Il semble exister un lien entre l'organisation urbaine et commerciale et la santé. Ce lien
se concrétise particulièrement autour des modes d’alimentation et les conséquences de
ces choix sur de grandes pathologies chroniques comme le diabète et l’obésité, en
particulier dans les quartiers qui abritent les populations les plus défavorisées. La teneur
de ce lien n'a pas encore été très investiguée en France, mais elle a été l'objet de
recherches importantes dans les pays anglophones, notamment aux États-Unis, en
Angleterre et au Canada. L'objet de cette première partie est donc de faire l'état de l'art
des connaissances sur les liens identifiés dans d'autres pays, et de tester si les concepts
qui en ressortent sont applicables dans le contexte français, et surtout francilien.
Pour cela, nous commençons par revenir sur les liens qui unissent pauvreté et obésité,
qui ont été largement démontrés en France. Nous voyons ensuite comment, dans les
pays anglophones, l'organisation spatiale et commerciale des quartiers défavorisés a été
étudiée comme un facteur aggravant la prévalence de l'obésité, en identifiant notamment
des types d'environnements alimentaires possiblement nuisibles à la santé des habitants.
Enfin, nous verrons comment l'offre commerciale des quartiers prioritaires de la politique
de la Ville est effectivement différente de celle des autres territoires franciliens,
14
notamment en termes d'accès à des aliments sains et à des aliments malsains, et
comment cela représente une difficulté supplémentaire pour les habitants, et joue un
rôle dans l'augmentation de la prévalence de l'obésité.
1.1 Entre obésité et pauvreté, un lien largement
démontré
L'obésité est une épidémie mondiale, qui touche une part de plus en plus importante de
la population. Une étude publiée en octobre 2017 annonce une multiplication par dix du
nombre d'enfants et d'adolescents en surpoids ou obèses depuis 1975, et révèle que
l'épidémie ne touche pas seulement les pays riches mais aussi, depuis une dizaine
d'années, les pays en voie de développement, notamment ceux de l'Asie du sud et du
sud-est12. La masse corporelle augmente quand l'énergie ingérée n'est pas compensée
par l'énergie dépensée : ses principaux facteurs d'impact sont donc à la fois de la qualité,
la quantité et la diversité de l'alimentation et de l'activité physique. Ces deux variables
sont des clés pour agir sur la prévalence de l'obésité, mais nous concentrerons ici sur la
première seulement.
1.1.1 La prévalence de l'obésité augmente quand les revenus
diminuent
Près d’un Français sur deux est en surpoids : une étude publiée fin octobre 2016 dans le
Bulletin épidémiologique hebdomadaire13 le révèle. Ces résultats sont issus du suivi de la
« Cohorte constances », un programme de recherche lancé en 2012, piloté par l’INSERM
(Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale) et la CNATMS (Caisse
Nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés). Ces résultats ont été obtenus
en étudiant les caractéristiques de près de 29 000 participants, hommes et femmes
presque à égalité, entre 30 et 60 ans, représentatifs de la population française. Il
apparaît donc que 56,8 % des hommes et 40,9 % des femmes sont en surcharge
pondérale en France. 41 % des hommes sont surpoids contre 25.3 % des femmes, et
15,8 % souffrent d’obésité, pour 15,6 % de femmes. Ces résultats confirment des
12Leandra Abarca-Gómez et al., « Worldwide Trends in Body-Mass Index, Underweight, Overweight, and
Obesity from 1975 to 2016: A Pooled Analysis of 2416 Population-Based Measurement Studies in 128·9
Million Children, Adolescents, and Adults », The Lancet 390, no 10113 (16 décembre 2017): 2627-42,
https://doi.org/10.1016/S0140-6736(17)32129-3. 13Joane Matta et al., « Prévalence du surpoids, de l’obésité et des facteurs de risque cardio-métaboliques
dans la cohorte Constances », Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire, no 35-36 (25 octobre 2016): 7.
15
tendances observées dans des études antérieures, notamment l’enquête ObEpi 201214,
qui avait mis en avant des chiffres similaires. La répartition dans la population n'est pas
homogène pour autant. La prévalence du surpoids et de l’obésité apparaissent comme
inversement proportionnelles au niveau socio-économique : plus le niveau de revenu
augmente, plus la prévalence de l’obésité diminue, c'est ce qu'illustre le graphique ci-
dessous.
Figure 1 : Prévalence de l'obésité en fonction du revenu en euros, par sexe.
Source : BEH, 25 octobre 2016. Réalisation : Capucine Frouin
Ainsi, près d'une femme dont les revenus mensuels sont inférieurs à 450 € sur trois est
en situation d'obésité, contre à peine plus de 5% pour une femme dont les revenus
excèdent 4200 € par mois. Pour les hommes, le pic de la prévalence est légèrement
décalé : la prévalence de l'obésité est la plus élevée chez ceux qui ont entre 1000 et
1500 € de revenus par mois, avec à peu près 22 % de prévalence, tandis que ceux qui
ont moins de 450 € ont tout de même près d'une chance sur six d'être en situation
d'obésité. Ainsi, si 15,8 % des hommes et 15,6 % des femmes sont obèses en 2013, leur
répartition dans la population diffère. Pour expliquer ce constat, on peut se demander
quels sont les facteurs qui influent sur l'alimentation des populations les plus
défavorisées.
14Eveline Eschwege et al., « Enquête épidémiologique nationale sur le surpoids et l’obésité », ObEpi (Roche
et Kantar Health, 2012).
Moins de
450 €
450 - 999
€
1000 -
1499 €
1500 -
2099 €
2100 -
2799 €
2800 -
4199 €
4200 € ou
plus
NSP NVP
0
5
10
15
20
25
30
35Prévalence (%) de l'obésité en fonction du revenu en euros, par sexe
Femmes
Hommes
16
1.1.2 Les comportements alimentaires varient avec le revenu
Un premier facteur est celui des comportements alimentaires, et la première différence
est celle des budgets consacrés à l'alimentation. Les budgets consacrés à l’alimentation
domestique varient fortement selon le niveau de vie d’un foyer : le diagramme ci-dessous
montre que plus le niveau de vie est élevé, plus on dépense pour l’alimentation, mais
aussi que, de façon générale, moins l’alimentation pèse dans le budget global de la
famille. Ainsi, le budget consacré à l’alimentation pour le premier décile représente 2 881
€ en 2011, soit un peu moins de 18 % du revenu global, et 6 134 € pour le dixième
décile, pour à peu 13,7 % du budget.
Figure 2 : L'alimentation dans le budget des familles selon le décile de revenus.
Source : INSEE, Budget des Familles 2011. Traitement et réalisation : Capucine Frouin
Il est plus difficile de se nourrir sainement avec un budget limité : les aliments réputés
bons pour la santé, notamment les fruits et les légumes, sont aussi souvent les plus
onéreux15. Le ratio entre le prix et l'apport calorique de tels produits est aussi défavorable
dans des budgets contraints16 : les recommandations nutritionnelles journalières ne sont
donc que rarement respectées17.
15Anne Lacroix, Laurent Muller, et Bernard Ruffieux, « Impacts des politiques de prix sur les choix de con-
sommation des populations à faibles revenus. Une approche expérimentale » (Journée du département
SAE2 : Politiques nutritionnelles, régluation des filières alimentaires et consommation, Paris, 25 mai
2009), 1. 16France Caillavet et Nicole Darmon, « Contraintes budgétaires et choix alimentaires : pauvreté des mé-
nages, pauvreté de l’alimentation ? », INRA Sciences Sociales (Paris: INRA, 2005). 17Clothilde Debout, « Ni fruit ni légume vert au quotidien pour un Francilien sur cinq », Regard sur... La santé
des Franciliens (Paris: INSEE Première, 2007).
10%
12%
14%
16%
18%
20%
D1 D2 D3 D4 D5 D6 D7 D8 D9 D10
2 000 €
3 000 €
4 000 €
5 000 €
6 000 €
7 000 €
Décile de revenus
L'alimentation dans le budget des familles selon le décile de
revenus
Somme consacrée à
l'alimentation
Part de l'alimentation dans le
budget des familles en
pourcentage
17
Les contraintes budgétaires ne sont pas les seuls facteurs qui influent sur l'alimentation
des populations précarisées. Certains mécanismes socio-psychologiques aident aussi à
comprendre quels sont ces déterminants. Par exemple, la consommation d'aliments peu
sains, trop gras, trop salés ou trop sucrés est souvent associée au plaisir : la nourriture
permet de compenser facilement des frustrations autrement difficiles à combler, et
particulièrement pour les enfants18. De plus, le manque de temps ou le manque de
motivation pour cuisiner19, qui va de pair avec la perte de la convivialité des repas20 peut
aussi expliquer la plus grande consommation d'aliments qui ne nécessitent qu'une
préparation minimum.
1.1.3 Des quartiers qui concentrent les populations les plus en
difficultés, et des différentiels de santé importants
La politique de la Ville est construite en réponse au constat de l'existence de poches de
concentration de la pauvreté dans certaines zones urbaines. Elle vise à diminuer les
inégalités entre les territoires, en mettant en place des dispositifs de soutien dans les
quartiers les plus défavorisés, et notamment en leur allouant des moyens financiers
spécifiques. Il s'agit donc d'un dispositif politique mis en place pour favoriser une plus
grande équité entre les territoires et les habitants.
Depuis la réforme de la politique de la Ville mise en place au 1er janvier 2015 pour
contrer la « dilution de l’action publique » dénoncée en 2012 par la Cour des Comptes21,
la géographie prioritaire est définie uniquement sur le niveau de revenu des populations.
Grâce aux données carroyées à 200m, l’ONPV (Observatoire National de la Politique de la
Ville) relève les espaces où les populations ont les revenus les plus bas, par rapport à
l’agglomération dans laquelle elles se trouvent d’une part, et de l'autre, par rapport aux
revenus de la France métropolitaine. Les quartiers qui bénéficient de la politique de la
Ville sont ainsi déterminés22 . Ce système remplace les différents zonages en place
jusque-là, notamment les CUCS et les ZUS. On passe donc de près de 2500 quartiers
bénéficiant de la politique de la Ville à 1500, et il n’y a plus de référence explicite ni à la
forme du bâti, ni aux difficultés liées à l’habitat, à part dans quelques territoires ultra-
marins. Parmi ces quartiers, 200 quartiers prioritaires ont été identifiés comme
18Dominique POISSON, « Alimentation des populations modestes et défavorisées : état des lieux dans un
contexte de pouvoir d’achat difficile. », OCHA 19 (2008): 12. 19POISSON, 12. 20Thibaut de Saint-Pol, « Le temps de l’alimentation en France », INSEE Première (Paris: INSEE, 12 octobre
2012), https://www.insee.fr/fr/statistiques/1281016. 21Cour des Comptes, « La politique de la Ville, une décennie de réformes », Rapport public thématique
(Paris: Cour des Comptes, juillet 2012). 22ONZUS, « Rapport de l’observatoire national des zones urbaines sensibles 2014 » (Paris: Observatoire
National des Zones Urbaines Sensibles, 2014).
18
présentant les « dysfonctionnements urbains » les plus importants. Ils sont visés en
priorité par le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU). Ainsi, en
Île-de-France, 37% des habitants des quartiers prioritaires vivent en dessous du seuil de
pauvreté, et l'écart entre le taux de pauvreté dans ces quartiers et les autres quartiers de
l'unité urbaine de Paris est de 38% d'après l'INSEE23.
Outre ce critère financier, les habitants des quartiers prioritaires ont des caractéristiques
communes autres et cumulent les fragilités au-delà de la fragilité économique, comme le
montre le tableau ci-après. Il apparaît donc que, par rapport aux unités urbaines qui les
englobent 24 , les quartiers prioritaires regroupent des populations globalement plus
jeunes, moins diplômées, avec des taux de chômage et d'emplois précaires plus élevés et
une plus forte proportion de famille monoparentales et de familles nombreuses, ainsi
que d'étrangers25.
QPV franciliens UU englobantes
Démographie
Part de 0 à 14 ans 25% 19%
Familles monoparentales 17% 11%
Ménages de plus de 5
personnes 19% 10%
Étrangers 25% 13%
Emploi
Ménages touchant des
allocations chômage 24% 16%
Emplois précaires 17% 12%
Femmes sans emploi 49% 36%
Niveau de
diplôme
Population sans diplôme ou
diplôme inférieur au BAC 69% 46%
Tableau 1 : Caractéristiques de la population des QPV franciliens par rapport à celles des UU englobantes.
Sources : INSEE, RP 2010, Filosofi 2012.
Compte-tenu de la nature même des quartiers prioritaires, il n'est donc pas surprenant
que leurs habitants soient dans des états de santé moins bons qu'en dehors de ceux-ci,
surtout en matière d'obésité. La propension au surpoids et à l’obésité chez les individus
vivant dans des quartiers défavorisés, c’est-à-dire ici les ZUS (Zones Urbaines Sensibles)
et les quartiers ouvriers, a été établie dans une analyse de la cohorte Sirs (enquête
23Auriane Renaud et François Sémécurbe, « Les habitants des quartiers de la politique de la ville: la pauvre-
té côtoie d’autres fragilités », INSEE Première (Paris: INSEE, mai 2016). 24D'après l'INSEE, une unité urbaine est une commune ou un ensemble de communes présentant une zone
de bâti continu (pas de coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions) qui compte au moins
2000 habitants. Ici, pour un quartier de la politique de la Ville donné, on appelle unité urbaine
englobante l'unité urbaine à laquelle il appartient. 25Renaud et Sémécurbe, « Les habitants des quartiers de la politique de la ville ».
19
réalisée en 2005) publiée en 200926. Elle montre qu’en 2005, la prévalence de l’obésité
dans la population des quartiers défavorisés est deux fois supérieure à celle des
quartiers moyens et supérieurs, de 13.6 % à 6,6 %. De même, une partie du rapport de
2014 de l’ONZUS27 traite de la santé dans les ZUS. Il apparaît donc que 66,4 % des
habitants adultes de ces quartiers sont en surpoids : 69 % des femmes, et 63,3 % des
hommes28. Les femmes des quartiers en politiques de la Ville sont 17,7 % à être obèses,
contre 14,6 % dans la population générale. Chez les hommes, 15,8 % en ZUS sont
obèses contre 12,6 % en population générale. De même, chez les enfants et adolescents
vivant en ZUS, il existe une part plus importante d’individus en surpoids et obèses. Les
collégiens scolarisés en éducation prioritaire sont plus facilement en surpoids que ceux
de la population nationale : de 23,2 % contre 16,7 % en 200929. On remarque aussi que
la surcharge pondérale augmente plus vite chez ces enfants. Cette prévalence de
l’obésité et du surpoids est particulièrement remarquable dans les populations
immigrées ou issues de l’immigration30 - 31.
Un lien entre surpoids et obésité et vie quartier politique de la ville semble donc
exister. La nature-même de ces quartiers, qui par définition concentrent des
populations pauvres, rend évidente la plus forte proportion de population en
surpoids ou obèse en leur sein. Au-delà des facteurs individuels déjà présentés
pour expliquer ce différentiel de santé, l'analyse des environnements alimentaires
des quartiers prioritaires permet aussi de mettre en évidence des caractéristiques
peu propices à la mise en place d'une alimentation saine et donc d'une bonne
santé.
26Pierre Chauvin et Isabelle Parizot, Les inégalités sociales et territoriales de santé dans l’agglomération
parisienne. Une analyse de la cohorte Sirs (2005) (Délégation interministérielle à la Ville, 2009),
http://www.hal.inserm.fr/inserm-00415971/document. 27 Ex-observatoire national des zones urbaines sensibles. 28ONZUS, « Rapport de l’observatoire national des zones urbaines sensibles 2014 », 66. 29Olivier Chardon et al., « La santé des adolescents scolarisés en classe de troisième » (Paris: DREES, fé-
vrier 2014), 2. 30Angela Kunz, Muriel Tissot, et Raphaël Reinert, « Les préoccupations des personnes migrantes en matière
d’alimentation en lien avec la santé: proposition de pistes d’intervention pour le programme de préven-
tion cantonal vaudois “ça marche: mon assiette, mes baskets”: travail de Bachelor » (Haute Ecole de
santé Genève, 2013). 31Ainsi, en 2003, 8% des petits garçons maghrébins et d’origine maghrébine et 18% des petites filles
maghrébines et d’origine maghrébine de six ans étaient en surpoids, presque 70% des femmes
tamoules...
20
1.2 L'influence des environnements
alimentaires sur l'alimentation et la santé des
habitants des quartiers populaires
Les recherches menées dans les pays anglophones (Royaume-Uni, Australie, Nouvelle-
Zélande, mais surtout Canada et États-Unis) sur l'influence de l'environnement
alimentaire sur les populations ont conduit à l'identification de types d'environnements
alimentaires dans les quartiers défavorisés, selon les commerces disponibles et donc le
type d'aliments disponibles sur le territoire. Les effets de ces configurations sur la santé
des habitants, essentiellement sur la prévalence de l'obésité et des maladies qui y sont
liées, ont aussi été identifiés, ou à défaut de pouvoir toujours démontrer le lien de
causalité entre offre commerciale et prévalence de certaines maladies, les
caractéristiques sanitaires des populations qui vivent dans ces configurations ont été
relevées. Pour décrire ces différents types d’environnements, les chercheurs ont choisi
de filer une métaphore climatique : on parle donc de désert, d'oasis et de marécages
alimentaires.
1.2.1 L'influence de l'environnement alimentaire sur la nutrition dans
les quartiers défavorisés
La définition de l'environnement alimentaire proposée par Glanz et ses collègues32 prend
en compte à la fois le community nutritionnal environment, c'est-à-dire « l'environnement
nutritionnel communautaire », défini par le nombre, le type, la localisation et
l'accessibilité des commerces alimentaires, et le consumer nutritional environment, c'est-
à-dire « l'environnement nutritionnel de consommation » 33 ,défini par ce à quoi le
consommateur est confronté dans et autour des commerces alimentaires, comme les
prix, les promotions, la qualité nutritionnelle. Nous nous intéressons ici au premier plus
qu'au second. Plusieurs éléments de l'environnement alimentaire sont associés d'une
part aux comportements alimentaires, d'autre part à la santé des populations qui
évoluent dans ces environnements.
Plusieurs revues de la littérature existent déjà sur le thème de l'influence de
l'environnement alimentaire 34 sur la santé et les consommations, qui reprennent
32Karen Glanz et al., « Healthy Nutrition Environments: Concepts and Measures », American Journal of
Health Promotion 19, no 5 (mai 2005): 330-33, https://doi.org/10.4278/0890-1171-19.5.330. 33Santé Canada, « Mesure de l’environnement alimentaire au Canada. » (Ottawa: Santé Canada, 2013),
https://central.bac-lac.gc.ca/.item?id=H164-155-2012-fra&op=pdf&app=Library. 34Pascale Bergeron et al., L’impact de l’environnement bâti sur l’activité physique, l’alimentation et le poids
(Québec: Institut national en santé publique, Direction du développement des individus et des commu-
nautés, 2010), http://www.deslibris.ca/ID/225019; Basile Chaix, « Environnement alimentaire et com-
21
fréquemment les mêmes études. Nous nous sommes servis de certaines pour construire
la nôtre, notamment celle de l'Institut national en santé publique du Québec 35 . Le
Québec est pionnier en termes de politiques publiques pour favoriser la mise en place de
« saines habitudes de vie » en matière d'alimentation, et les actions sur l'environnement
alimentaire sont nombreuses. Notre revue sur l'influence de l'environnement alimentaire
est donc brève et donne les grandes lignes de l'état des connaissances en la matière. La
présence de supermarchés a été corrélée à une plus grande consommation de fruits et
légumes aux États-Unis, particulièrement pour les populations noires, souvent les plus
défavorisées 36 . De même, la présence d'un supermarché limiterait fortement la
prévalence de l'obésité37 aux États-Unis. À l'inverse, une plus grande densité de fast-
foods a été liée à une moins grande consommation de légumes chez les enfants en
particulier38, et à l'inverse à une plus grande consommation de produits gras, salés ou
sucrés39. Concernant la restauration, la densité importante de fast-foods est associée à
un IMC moyen plus élevé dans les quartiers de résidences à caractéristiques socio-
économiques égales, et celle de restaurants traditionnels à un IMC moyen plus bas,
toujours aux États-Unis40.
portements alimentaires », in Les inégalités socioterritoriales de l’insécurité alimentaire dans
l’agglomération parisienne et ses liens avec le surpoids et l’obésité., par Judith Martin-Fernandez et
Pierre Chauvin, Les éditions INSERM, Expertises collectives (Paris: INSERM, 2014), 377-405,
https://doi.org/10.13140/2.1.3294.3367; Russ P. Lopez, « Neighborhood Risk Factors for Obesity »,
Obesity 15, no 8 (2007): 2111-19, https://doi.org/10.1038/oby.2007.251; Lorna K. Fraser et al., « The
Geography of Fast Food Outlets: A Review », International Journal of Environmental Research and Public
Health 7, no 5 (mai 2010): 2290-2308, https://doi.org/10.3390/ijerph7052290; Romain Casey et al.,
« Mesures objectives de l’environnement bâti et statut pondéral des enfants et adolescents : revue de la
littérature », Nutrition et environnement bati 46, no 3 (1 juin 2011): 120-29,
https://doi.org/10.1016/j.cnd.2011.02.008; Stefan Reyburn, « L’urbanisme favorable à la santé : une
revue des connaissances actuelles sur l’obésité et l’environnement bâti », Environnement Urbain / Ur-
ban Environment, no Volume 4 (9 septembre 2010), http://journals.openedition.org/eue/788. 35Bergeron et al., L’impact de l’environnement bâti sur l’activité physique, l’alimentation et le poids. 36Kimberly Morland, Steve Wing, et Ana Diez Roux, « The Contextual Effect of the Local Food Environment on
Residents’ Diets: The Atherosclerosis Risk in Communities Study », American Journal of Public Health 92,
no 11 (1 novembre 2002): 1761-68, https://doi.org/10.2105/AJPH.92.11.1761; Donald Rose et Rickelle
Richards, « Food Store Access and Household Fruit and Vegetable Use among Participants in the US
Food Stamp Program », Public Health Nutrition 7, no 8 (décembre 2004): 1081-88,
https://doi.org/10.1079/PHN2004648. 37Nicole I. Larson, Mary T. Story, et Melissa C. Nelson, « Neighborhood Environments: Disparities in Access
to Healthy Foods in the U.S. », American Journal of Preventive Medicine 36, no 1 (1 janvier 2009): 74-
81.e10, https://doi.org/10.1016/j.amepre.2008.09.025. 38Anna Timperio et al., « Children’s fruit and vegetable intake: Associations with the neighbourhood food
environment », Preventive Medicine 46, no 4 (1 avril 2008): 331-35,
https://doi.org/10.1016/j.ypmed.2007.11.011. 39Lisa M. Powell, Frank J. Chaloupka, et Yanjun Bao, « The Availability of Fast-Food and Full-Service Restau-
rants in the United States: Associations with Neighborhood Characteristics », American Journal of Pre-
ventive Medicine 33, no 4 (1 octobre 2007): S240-45, https://doi.org/10.1016/j.amepre.2007.07.005. 40Neil K. Mehta et Virginia W. Chang, « Weight Status and Restaurant Availability: A Multilevel Analysis »,
American Journal of Preventive Medicine 34, no 2 (1 février 2008): 127-33,
https://doi.org/10.1016/j.amepre.2007.09.031.
22
Ainsi, il semble exister dans les pays anglophones des liens entre l'environnement
alimentaire et l'obésité, ou au moins les consommations alimentaires, dans certains
quartiers défavorisés, notamment parce que ceux-ci présentent des offres
commerciales différentes de celle des autres quartiers.
1.2.2 Déserts et oasis alimentaires : le problème de l'accès à des
fruits et légumes frais
La notion de « désert alimentaire » est relativement récente : elle apparaît dans des
rapports publics au Royaume-Uni dans les années 199041, la première mention officielle
se trouve dans le rapport d'un groupe de travail écossais de la Malnutrition Task Force,
affiliée au Ministère de la Santé, en 199542. Il est repris une dizaine d'années plus tard
aux États-Unis : le Farm Bill de 2008, qui donne les orientations de la politique agricole
des États-Unis pour 5 ans, définit le désert alimentaire comme : « un endroit aux États-
Unis où l'accès à des aliments sains et bon-marché est limité, en particulier les zones
composées de voisinages et de communautés à faibles revenus »43, et en fait un objet de
recherche à étudier pour identifier, entre autre, les conséquences sur les habitants de
ces zones, et améliorer l'action publique en matière d'aide à l'alimentation. Ainsi, le
ministère de l’Agriculture des États-Unis publie en 2009 un rapport intitulé Accès à une
alimentation saine et bon-marché : mesurer et comprendre les déserts alimentaires et
leurs conséquences44 , qui entre autre précise cette définition, en considérant que les
personnes habitant à plus de 1 mile, c'est-à-dire 1,6 km d'un supermarché en zone
urbaine, et 10 miles donc 16 km en zone rurale vivent dans des déserts alimentaires.
En dehors de cette définition juridique, l'objet désert alimentaire est mobilisé par la
recherche scientifique pour décrire certains contextes, en prenant parfois des libertés
quant à cette définition juridique pour l'adapter aux contextes d'étude45, en particulier
dans les pays anglophones : aux États-Unis, au Canada et particulièrement au Québec,
en Nouvelle-Zélande et en Australie et au Royaume-Unis. Ainsi, un désert alimentaire est
une zone où l'accès à des aliments sains, essentiellement de fruits et des légumes, est
limité, et dont les habitants ont des revenus peu élevés. Cela permet de mettre en
41Steven Cummins et Sally Macintyre, « A Systematic Study of an Urban Foodscape: The Price and Availabil-
ity of Food in Greater Glasgow », Urban Studies 39, no 11 (2002): 2115-30. 42Allison Karpyn, Candace Young, et Stephanie Weiss, « Reestablishing Healthy Food Retail: Changing the
Landscape of Food Deserts », Childhood Obesity 8, no 1 (11 mars 2011): 28-30,
https://doi.org/10.1089/chi.2011.0113. 43 Food Bill, Title VI, section 7527, 2008. Traduction de l'auteur. 44Michele Ver Ploeg et al., « Access to Affordable and Nutritious Food: Measuring and Understanding Food
Deserts and Their Consequences » (United States Department of Agriculture, 2009). 45Par exemple : Kathleen Y. Li et al., « Evaluation of the Placement of Mobile Fruit and Vegetable Vendors to
Alleviate Food Deserts in New York City », Preventing Chronic Disease 11 (11 septembre 2014),
https://doi.org/10.5888/pcd11.140086.
23
évidence l'influence de l'environnement commercial en particulier, sur la santé des
habitants notamment. Ainsi, vivre dans un désert alimentaire où l'accès aux grandes
surfaces est réduit augmenterait la prévalence de l'obésité46 dans certains contextes.
Le lien entre prévalence de l'obésité et environnement alimentaire n'a pu être démontré
de façon évidente pour le moment qu'aux États-Unis 47 et particulièrement pour les
adultes Afro-Américains. Les inégalités sociales aux États-Unis sont particulièrement
fortes, et se manifestent notamment par une ségrégation résidentielle très marquée.
Certaines pratiques de la grande distribution, comme le retail redlining, permettent peut-
être aussi d'expliquer cette situation. Le retail redlining consiste en un refus des grandes
chaînes de magasins, d'alimentation mais pas uniquement, d'ouvrir des points de vente
ou de les maintenir dans des territoires où les « risques urbains »48 sont jugés trop élevés.
Ces « risques urbains » sont calculés sur des critères autres que la simple capacité des
résidents à payer, et notamment des critères racisés : c'est donc une pratique
discriminatoire et souvent raciste. Si l'on pourrait discuter de la réalité de cette pratique
en France dans certains contextes, elle a été construite et est démontrée dans des
contextes états-uniens, et concerne particulièrement les quartiers noirs49. C'est donc
sans doute parce que les caractéristiques évaluées dans l'analyse des déserts
alimentaires sont particulièrement marquées aux États-Unis qu'il n'y a que là qu'un lien
avec l'obésité a pu être démontré.
La notion « d'oasis alimentaire » est construite en opposition à celle de désert, pour filer
la métaphore. Elle n'apparaît, à notre connaissance, jamais pour elle-même, mais sert à
illustrer le contraste avec les déserts alimentaires50. Elle est par ailleurs fréquemment
utilisée pour illustrer les effets de l'action publique pour améliorer l'offre alimentaire dans
un quartier : on passe alors d'un désert à une oasis51. Le terme est donc assez largement
46Lopez, « Neighborhood Risk Factors for Obesity ». 47Steven Cummins et Sally Macintyre, « Food Environments and Obesity—Neighbourhood or Nation? », Inter-
national Journal of Epidemiology 35, no 1 (1 février 2006): 100-104,
https://doi.org/10.1093/ije/dyi276. 48Elizabeth Eisenhauer, « In Poor Health: Supermarket Redlining and Urban Nutrition », GeoJournal 53, no 2
(1 février 2001): 125-33, https://doi.org/10.1023/A:1015772503007. 49Naa Oyo A. Kwate et al., « Retail Redlining in New York City: Racialized Access to Day-to-Day Retail Re-
sources », Journal of Urban Health : Bulletin of the New York Academy of Medicine 90, no 4 (août 2013):
648, https://doi.org/10.1007/s11524-012-9725-3.. 50Walker et al., « Factors Influencing Food Buying Practices in Residents of a Low-Income Food Desert and a
Low-Income Food Oasis », Journal of Mixed Methods Research 5 (1 juillet 2011): 247-267.,
https://doi.org/10.1177/1558689811412971; Renee E. Walker, Jason Block, et Ichiro Kawachi, « Do
residents of food deserts express different food buying preferences compared to residents of food oases?
A mixed-methods analysis », International Journal of Behavioral Nutrition and Physical Activity 9 (10 avril
2012): 41, https://doi.org/10.1186/1479-5868-9-41; Renee E. Walker et al., « How Does Food Security
Impact Residents of a Food Desert and a Food Oasis? », Journal of Hunger & Environmental Nutrition 5,
no 4 (30 novembre 2010): 454-70, https://doi.org/10.1080/19320248.2010.530549. 51Elizabeth Howlett, Cassandra Davis, et Scot Burton, « From Food Desert to Food Oasis: The Potential Influ-
ence of Food Retailers on Childhood Obesity Rates », Journal of Business Ethics 139, no 2 (1 décembre
24
repris par les institutions politiques mises en place pour lutter contre les déserts
alimentaires, notamment à Los Angeles. L'oasis alimentaire n'est donc pas défini pour lui-
même de façon générale, mais dans le contexte précis de leur recherche : par exemple, la
présence d'un supermarché à moins de 0,5 mile de la zone étudiée52, ou la présence
d'un supermarché à moins d'un quart d'heure à pied de la zone étudiée53. En reprenant
la définition du désert, on peut proposer une définition de l'oasis alimentaire comme une
zone où l'accès à des fruits et légumes frais est facilité pour les habitants,
particulièrement pour les communautés les plus défavorisées.
1.2.3 Le marécage alimentaire : quand les fast-foods inondent l'offre
locale
Le « food swamp », traduit marécage ou marais dans les publications francophones,
apparaît plus tardivement encore que le désert. La première mention semble avoir eu lieu
lors d'une conférence, pour décrire le paysage alimentaire de la Nouvelle-Orléans54 en
2009. Les auteurs font le constat de l'existence d'une offre alimentaires de produits
riches en énergie, notamment en mesurant l'espace accordé aux produits de snacking
comparé à l'espace accordée aux fruits et légumes dans les supermarchés et dans les
épiceries généralistes, mais aussi en prenant en compte l'emplacement des fast-foods,
dont il a été noté qu'ils sont particulièrement nombreux dans les quartiers les moins
favorisés. D'après eux, cette offre de produits à la valeur énergétique très importante
« inonde » (swamps out en anglais55) l'offre de produits sains. Ils proposent donc le
vocable de « marécages » pour remplacer celui de déserts, tout en précisant que ce choix
n'a rien à voir avec le contexte naturel de la Louisiane et que le concept qu'il représente
peut être appliqué partout dans le monde. Dans les marécages alimentaires, aliments
sains et « malbouffe » sont disponibles, et le choix est donc laissé au consommateur.
Ainsi, le marécage alimentaire apparaît comme complémentaire au désert : quand le
premier se concentre sur l'offre commerciale alimentaire pour la consommation
domestique, le second inclut aussi l'offre hors-domicile, c'est-à-dire surtout les fast-foods.
Un territoire peut donc être la fois un désert et un marécage alimentaire.
2016): 215-24, https://doi.org/10.1007/s10551-015-2605-5. par exemple.
52Renee Erin Walker, « Food Desert versus Food Oasis : An Exploration of Residents’ Perception of Factors
Influencing Food Buying Practices » (University of Pittsburgh, 2009), 6. 53Arwa Hassan Almadan, « Utilizing Geographic Information Systems to Examine the Demographic and So-
cioeconomic Characteristics in Food Oasis and Food Desert in Wayne County, MI » (College of Technology
Eastern Michigan University, 2015), 22,
http://journals.sagepub.com/doi/10.1177/001440296002600509. 54Donald Rose et al., « Deserts in New Orleans? Illustrations of Urban Food Access and Implications for
Policy » (USDA Research Conference on Understanding the Economic Concepts and Characteristics of
Food Access, University of Michigan National Poverty Center, 2009),
http://citeseerx.ist.psu.edu/viewdoc/download?doi=10.1.1.189.2333&rep=rep1&type=pdf. 55Rose et al., 16.
25
Les travaux de recherches sur les marécages alimentaires sont encore peu nombreux, et
aucune étude n'a été menée en France, mais les premiers résultats semblent montrer
que, comparé aux déserts alimentaires, leur effet est plus important sur l'obésité des
adultes aux États-Unis56, en particulier quand les quartiers sont enclavés et les habitants
peu mobiles. Il semble donc que l'équilibre entre les différentes formes de commerces ait
plus d'influence sur les taux d'obésité que la présence d'un point de vente de produits
sains57. Ainsi, l'implantation d'un supermarché ou d'un marché au sein d'un quartier
défavorisés sans traitement de la restauration rapide ne suffit pas à améliorer la santé
des habitants : c'est ce que montrent d'autres recherches par ailleurs. L'implantation d'un
supermarché dans un désert alimentaire semble certes avoir un effet positif sur les
habitants au sens large, car il permet de renforcer la cohésion sociale, de faciliter leur
quotidien58, et améliore la perception du quartier, mais ne semble avoir qu'un impact
minimal sur l'obésité, ou le régime alimentaire, notamment la consommation de fruits et
légumes59 60.
1.2.4 Limites et adaptation de notions construites dans des contextes
nord-américains
Les termes de déserts et d'oasis alimentaires sont beaucoup utilisés dans les politiques
publiques 61 . Le flou des définitions qui les entourent sont une illustration de leur
dimension d'objets politiques plus que d'objets scientifiques. Ils sont donc à manipuler
avec prudence, c'est pourquoi nous nous efforçons de les redéfinir avec précision et de
les adapter au contexte français en général et francilien en particulier.
Les types d'environnements alimentaires présentés précédemment ont été construits
dans des contextes politiques et urbains assez éloignés du cadre français. L'existence
même des déserts ne semblent pas être attestée partout : à Montréal par exemple, les
56Kristen Cooksey-Stowers, Marlene B Schwartz, et Kelly D Brownell, « Food Swamps Predict Obesity Rates
Better Than Food Deserts in the United States », International Journal of Environmental Research and
Public Health 14, no 11 (novembre 2017): 11, https://doi.org/10.3390/ijerph14111366. 57Cooksey-Stowers, Schwartz, et Brownell, 12. 58Benjamin Chrisinger, « A Mixed-Method Assessment of a New Supermarket in a Food Desert: Contribu-
tions to Everyday Life and Health », Journal of Urban Health : Bulletin of the New York Academy of Medi-
cine 93, no 3 (juin 2016): 425-37, https://doi.org/10.1007/s11524-016-0055-8. 59Steven Cummins, Ellen Flint, et Stephen A. Matthews, « New Neighborhood Grocery Store Increased
Awareness Of Food Access But Did Not Alter Dietary Habits Or Obesity », Health Affairs 33, no 2 (1 février
2014): 283-91, https://doi.org/10.1377/hlthaff.2013.0512. 60Tamara Dubowitz et al., « Diet and Perceptions Change with Supermarket Introduction in a Food Desert,
But Not Because Of Supermarket Use », Health Affairs 34, no 11 (1 novembre 2015): 1858-68,
https://doi.org/10.1377/hlthaff.2015.0667. 61Steven Cummins et Sally Macintyre, « “Food deserts”—evidence and assumption in health policy making »,
BMJ : British Medical Journal 325, no 7361 (24 août 2002): 436-38.
26
déserts alimentaires ne semblent pas exister62. Cela tient au fait que, aux États-Unis, la
ségrégation résidentielle est particulièrement marquée. Les minorités ethniques,
notamment les Afro-Américains et dans une moindre mesure les Latinos, sont
remarquablement plus pauvres que le reste de la population, ont des caractéristiques
sanitaires considérablement moins bonnes, notamment concernant l'obésité et les
maladies liées à la surcharge pondérale, et vivent dans des quartiers spécifiques.
Effectivement, si l'on se fie à la définition juridique américaine, il n'existe pas de désert
alimentaire en Île-de-France. Comme le montre la carte qui suit, tous les quartiers
prioritaires se situent dans un rayon de moins de 1600 m d'un supermarché ou d'un
hypermarché.
Figure 3 : Rayon de 1600 m autour des grandes surfaces en Île-de-France.
Sources: IGN, Base INSEE/Sirene, CGET. Réalisation : Capucine Frouin.
En France, les questions ethniques ne sont pas aussi pertinentes63, ainsi que moins
aisément quantifiables. De même, l'étalement urbain qui caractérise les suburbs
62Philippe Apparicio, Marie-Soleil Cloutier, et Richard Shearmur, « The case of Montréal’s missing food de-
serts: Evaluation of accessibility to food supermarkets », International Journal of Health Geographics 6
(12 février 2007): 4, https://doi.org/10.1186/1476-072X-6-4. 63Gabriel Dupuy, Clotilde Minster, et Renaud Watel, « Environnement urbain et obésité : peut-on transposer
en Europe les approches nord-américaines ? », Annales de géographie 682, no 6 (2011): 604-28,
https://doi.org/10.3917/ag.682.0604..
27
américaines ne se retrouve pas dans les banlieues françaises64, et les quartiers d'habitat
des populations les plus défavorisées ne sont pas comparables en termes d'organisation
spatiale aux quartiers prioritaires de la politique de la Ville.
Une autre critique que l'on peut adresser aux déserts alimentaires est de ne prendre en
compte que les grandes surfaces et pas les autres moyens d'acquérir des fruits et
légumes frais, notamment via les marchés, et dans une certaine mesure l'agriculture
urbaine. Les premiers sont pourtant des outils de politique publique fréquemment mis en
place pour limiter les effets des déserts alimentaires à un niveau local65. Les marchés
semblent avoir un effet positif sur les populations des quartiers où ils s'implantent : ils
permettent généralement d'accéder à des prix plus bas qu'en supermarché à des fruits et
légumes frais66. De même, les jardins partagés, s'ils ne peuvent nourrir tout un quartier,
semblent avoir un effet positif sur la perception de leur quartier des habitants et donc sur
la santé mentale67, et dans certains cas sur leur consommation de fruits et légumes68.
Les notions de déserts, d'oasis et de marécages alimentaires ont donc été redéfinies
pour notre travail. Nous avons choisi de conserver la terminologie, mais les définitions
ont été adaptées au contexte francilien. Un désert alimentaire est un territoire où l'accès
à des supermarchés, hypermarchés, des primeurs ou des marchés de produits frais est
très faible, où l'offre commerciale alimentaire de façon générale est réduite et peu
diversifiée, et où les quelques commerces alimentaires sont majoritairement des fast-
foods.
Un marécage alimentaire est un territoire où l'offre commerciale alimentaire est
importante, mais où la restauration rapide représente une part importante de ses
commerces. L'accès à des fruits et légumes frais est possible mais dépend des choix des
consommateurs.
Enfin, une oasis alimentaire est un territoire où l'offre de fast-food est très faible ou
inexistante, où les commerces alimentaires sont peu nombreux de façon générale, mais
où les commerces présents permettent d'accéder à des fruits et légumes frais facilement.
Ainsi, outre les facteurs individuels, les environnements urbains et alimentaires
64Dupuy, Minster, et Watel. 65Karpyn, Young, et Weiss, « Reestablishing Healthy Food Retail », 2. 66Kristian Larsen et Jason Gilliland, « A farmers’ market in a food desert: Evaluating impacts on the price
and availability of healthy food », Health & Place 15, no 4 (1 décembre 2009): 1158-62,
https://doi.org/10.1016/j.healthplace.2009.06.007. 67Dieneke Schram-Bijkerk et al., « Indicators to Support Healthy Urban Gardening in Urban Management »,
The Science of the Total Environment 621 (15 avril 2018): 869,
https://doi.org/10.1016/j.scitotenv.2017.11.160. 68Katherine Alaimo et al., « Amplifying Health Through Community Gardens: A Framework for Advancing
Multicomponent, Behaviorally Based Neighborhood Interventions », Current Environmental Health Re-
ports 3, no 3 (1 septembre 2016): 302-12, https://doi.org/10.1007/s40572-016-0105-0.
28
semblent avoir une influence sur les consommations alimentaires de la population, et
plus particulièrement dans les quartiers défavorisés, en Amérique du Nord en
particulier. La moindre disponibilité de certains produits sains et la surabondance de
produits a priori néfastes pour la santé influencent l'alimentation des populations de
ces quartiers. Il s'agit donc maintenant de comparer les situations décrites dans les
contextes des quartiers prioritaires de la politique de la Ville.
1.3 Des environnements alimentaires moins
favorables dans les quartiers prioritaires que dans
les autres territoires
Au regard de la situation observée dans les quartiers défavorisées ailleurs dans le monde,
il s'agira ici de déterminer en quoi les quartiers prioritaires, et leurs environnements
alimentaires notamment, diffèrent des communes dans lesquelles ils s'insèrent, ainsi
que des autres communes en Ile-de-France.
Pour cela, nous avons procédé à une analyse des données géolocalisées de la base de
données Sirene. La base Sirene est un service de l'INSEE qui enregistre toutes les
entreprises et leurs établissements, en répertoriant leur forme juridique et leur secteur
d'activités, en France métropolitaine et en outre-mer. Elle contient des informations sur
l'identification des entreprises et établissements, notamment leur adresse, des données
économiques, notamment le code de l'activité principale (APE), attribué par l'INSEE en
référence à la nomenclature d'activités française (NAF rév. 2, 2008) et d'autres
informations, comme la date de création69. La base Sirene est disponible en open data
gratuite depuis le 1er janvier 201770. La nomenclature NAF classe avec précision les
entreprises selon leurs activités. Les commerces et établissements que nous avons pris
en compte dans notre analyse sont synthétisés dans le tableau ci-après.
69 https://www.Sirene.fr/Sirene/public/static/contenu-base-Sirene 70 https://www.economie.gouv.fr/entreprises/repertoire-Sirene-gratuit
29
Code Intitulé Description Désignation
47.11 Commerce de détail en magasin non spécialisé à prédominance alimentaire
47.11A Commerce de détail
de produits surgelés
Contient le commerce de détail, en
magasin ou par livraison à domicile, de
tous produits alimentaires surgelés ou
congelés
Commerce de
surgelés
47.11B Commerce
d'alimentation
générale
Contient le commerce de détail non
spécialisé à prédominance alimentaire
en magasin d'une surface de vente
inférieure à 120 m²
Alimentation
générale
47.11C Supérettes Contient le commerce de détail non
spécialisé à prédominance alimentaire
en magasin d'une surface de vente
comprise entre 120 et 400 m
Supérette
47.11D Supermarchés Contient le commerce de détail non
spécialisé à prédominance alimentaire,
réalisant un chiffre d'affaires
alimentaire supérieur à 65 % des
ventes, en magasin d'une surface de
vente comprise entre 400 et 2500 m²
Supermarché
47.11F Hypermarchés Comprend le commerce de détail non
spécialisé à prédominance alimentaire
en magasin d'une surface de vente
égale ou supérieure à 2500 m²
Hypermarché
47.2 Commerce de détail alimentaire en magasin spécialisé
47.21 Commerce de détail
de fruits et légumes
en magasin spéciali-
sé
Comprend le commerce de détail de
fruits et légumes frais, le commerce de
détail de fruits et légumes en conserve
Ne comprend pas le commerce de
détail de fruits et légumes surgelés
Primeur
47.22 Commerce de détail
de viandes et de pro-
duits à base de
viande en magasin
spécialisé
Comprend le commerce de détail de
viandes et produits à base de viande
(y compris la volaille)
Boucherie -
charcuterie
47.23 Commerce de détail
de poissons, crusta-
cés et mollusques en
magasin spécialisé
Comprend le commerce de détail des
poissons, d'autres produits de la mer et
des préparations à partir de ces pro-
duits.
Ne comprend pas le commerce de dé-
tail de poissons et crustacés surgelés.
Poissonnier
47.24 Commerce de détail
de pain, pâtisserie et
confiserie en maga-
sin spécialisé
Comprend le commerce de détail de
confiserie, chocolaterie, pain et pâtis-
serie non auto-produite.
Ne comprend pas le commerce de dé-
tail de confiserie, chocolaterie, pain et
pâtisserie auto-produite.
Boulanger
30
56.10 Restaurants et services de restauration mobile
56.10A Restauration tradi-
tionnelle
Comprend l'activité de restauration
avec un service à la table, les activités
des bars et des restaurants avec ser-
vice de salle installés à bord de
moyens de transport, s'ils sont exploi-
tés par des unités distinctes
Restaurant
traditionnel
56.10B Restauration de type
rapide
Comprend la fourniture au comptoir
d'aliments et de boissons à consommer
sur place ou à emporter, présentés
dans des conditionnements jetables,
donc les restaurants de restauration
rapide, les restaurants proposant prin-
cipalement des repas à emporter, la
vente de crème glacée dans des cha-
riots, la vente de repas dans des équi-
pements mobiles, la préparation de
repas sur des éventaires ou sur les
marchés, les salons de thé.
Ne comprend pas la vente au détail de
nourriture par le biais de distributeurs
automatiques.
Fast-food
Tableau 2 : Synthèse des commerces et établissements pris en compte dans l'analyse.
Source : Nomenclature d'activités française (NAF) rév. 2, 2008
On ne tient pas compte des débits de boissons que nous ne considérons pas ici comme
des commerces alimentaires, ni les cafétérias qui ne sont pas accessibles à tous.
Les données ont été téléchargées le 12 février 2018, les établissements ayant été
ouverts ou fermés à partir de cette date ne sont pas pris en compte dans l'analyse.
À partir des données des entreprises géolocalisées, nous avons pu faire une cartographie
des établissements en Île-de-France, et faire des comparaisons de densités entre
différents territoires, notamment les quartiers prioritaires de la politique de la Ville, les
communes auxquelles ils appartiennent, et les communes d'Île-de-France dans leur
ensemble.
1.3.1 Une offre commerciale alimentaire plus faible dans les
quartiers prioritaires de la politique de la Ville
En comparant le nombre de commerces dans les quartiers en politique de la Ville, celui
des communes qui les contiennent (c'est-à-dire les communes sur le territoire desquelles
ils s'inscrivent) et l'ensemble des communes d'Île-de-France, on constate qu'il existe des
différences importantes entre les territoires.
31
Nombre de commerces
pour 1000 habitants
Toutes les
communes
Moy 5,98
Méd 2,58
Communes
avec un QPV
Moy 6,05
Méd 4,3
QPV
Moy 4,35
Méd 2,47
Tableau 3 : Nombre de commerces pour 1000 habitants
selon les territoires. Source : Base Sirene, INSEE ;
Traitement : Capucine Frouin
Le nombre de commerces pour 1000
habitants illustre la densité de l’offre
commerciale. Tous les commerces
alimentaires mentionnés ci-dessus sont
pris en compte dans le calcul. La ligne
« moy » correspond au taux moyen, et la
ligne « méd » à la médiane des taux.
Les quartiers prioritaires de la politique de la Ville sont les moins bien dotés en offre
commerciale : ils contiennent en moyenne 4,35 commerces alimentaires pour 1000
habitants, soit 1,4 fois moins que dans l'ensemble des communes d'Île-de-France. L’écart
entre la médiane et la moyenne du nombre de commerce dans les quartiers prioritaires
de la politique de la Ville est important : cela illustre la diversité qui existe entre eux. Les
villes qui contiennent des quartiers prioritaires sont les mieux équipées en commerces
alimentaires, sans que la différence par rapport à l'ensemble des communes d'Île-de-
France ne soit très importante.
On remarque que la différence entre la moyenne et la médiane est du simple au double
dans les communes d’Île-de-France dans leur ensemble, et des écarts similaires sont
aussi observables dans les chiffres qui suivent. Cela s’explique par la structure de la
population d’Île-de-France, concentrée autour de Paris.
Sur les 1276 communes franciliennes, 634 sont rurales en 201671, soit presque la moitié.
Les communes rurales sont globalement moins bien dotées en commerces que les
communes urbaines 72 . En France, les zones rurales contiennent en moyenne 58
commerces pour 10 000 habitants, soit deux fois moins que dans les zones urbaines,
même si pour certains commerces de proximité, comme les boulangeries, cet écart est
moins prononcé. Les communes rurales péri-urbaines, comme celles qui forment la
grande couronne francilienne, sont moins bien dotées encore, avec 22 commerces pour
10 000 habitants : leurs résidents travaillent en ville et y font donc leurs achats. À
l’exception des boulangeries, des supérettes, des boucheries-charcuteries et des
stations-service, le nombre de magasin par habitants y est très inférieur à celui des zones
urbaines. Or, la population des communes rurales d’Île-de-France représente moins de 5 %
71Michel Duée, « Les collectivités locales 2016 » (Paris: Direction Générale des Collectivités Locales, mai
2016). 72Corentin Trevien, « Commerces et inégalités territoriales », in Les entreprises en France 2017, Insee, Insee
Références (Paris, 2017).
32
de la population totale73. Ainsi, si les communes de la petite couronne pèsent lourd dans
les moyennes à cause de leur densité, les communes rurales font baisser les médianes.
Figure 4 : Localisation des quartiers prioritaires de la politique de la Ville et des communes qui les
englobent. Sources : IGN, SIG Politique de la Ville. Réalisation : Capucine Frouin.
En revanche, les communes qui contiennent les quartiers prioritaires de la politique de la
Ville sont globalement proches de Paris, en petite couronne ou à proximité de celle-ci,
comme l'illustre la carte ci-avant. Près des trois cinquièmes des quartiers en politique de
73François Clanché et Odile Rascol, « Le découpage en unités urbaines de 2010 » (INSEE Première, août
2011).
33
la Ville sont situés dans le territoire de la Métropole du Grand Paris, quand celle-ci ne
couvre que 131 des 1276 communes d'Île-de-France, et moins de 7 % de sa surface
totale 74 . Ce sont donc des communes assez similaires en termes de densité de
population, ce qui explique la plus grande stabilité entre moyennes et médianes dans
cette catégorie.
1.3.2 Une densité forte de l’offre en fast-food par rapport à l’offre de
restauration globale (et de nature/qualité différente)
On prend en compte ici le nombre de fast-foods pour 1000 habitants pour donner une
estimation de leur densité ; la part des fast-foods dans l’ensemble des commerces
disponibles, ce qui permet d’évaluer la diversité de l’offre commerciale, et finalement la
part des fast-foods dans l’offre totale de restauration : cela permet de mettre en évidence
la qualité de l’offre de restauration.
Fast-food pour 1000
habitants
Part des fast-foods
dans les commerces
Part des fast-foods
dans les restaurants
Toutes les
communes
Moy 2,02 34% 45%
Méd 0,69 25% 35%
Communes
avec un QPV
Moy 2,17 36% 50%
Méd 1,73 40% 56%
QPV
Moy 1,68 40% 63%
Méd 0,92 38% 69%
Tableau 4 : Densité de fast-foods selon les territoires.
Sources : Base Sirene, INSEE. Traitement : Capucine Frouin.
C'est dans les communes qui contiennent un quartier prioritaire que le nombre de fast-
food est le plus élevé en moyenne. Dans les quartiers prioritaires eux-mêmes, le nombre
de fast-foods pour 1000 habitants est le moins élevé, sans être très en dessous par
rapport aux autres catégories. La densité de fast-food est donc moindre dans les
quartiers prioritaires dans l'absolu.
En revanche, la part des fast-foods dans l’offre commerciale alimentaire totale est la plus
élevée dans les quartiers prioritaires, où elle représente les deux cinquièmes de
l'ensemble des commerces alimentaires. Cette part est la plus basse dans l'ensemble
des communes d'Île-de-France. Cela illustre la moindre diversité de l'offre commerciale
alimentaire dans les quartiers prioritaires.
Enfin, on observe que la part des fast-foods dans l’ensemble de l’offre de restauration
est la plus haute dans les quartiers prioritaires de la politique de la Ville, et de très loin :
elle représente presque les deux tiers des restaurants, contre un peu moins de la moitié
74 INSEE, 2014.
34
dans les communes d'Île-de-France dans leur ensemble, et la moitié dans les communes
qui contiennent un quartier prioritaire.
On peut regretter ici le manque de données pour qualifier plus précisément les différents
types de fast-foods. La restauration rapide est définit par la NAF comme « la fourniture au
comptoir d'aliments et de boissons à consommer sur place ou à emporter, présentés
dans des conditionnements jetables ». On y compte donc aussi bien les kebabs de
quartier que les salons de thé / café comme Starbuck's ou Costa, ou les cafétérias haut-
de-gamme, comme Exki.
L’étude des restaurants franchisés peut fournir un premier élément pour qualifier plus
précisément les fast-foods selon les territoires. La majorité des établissements de
restauration rapide sont des indépendants75, ainsi cette étude ne peut à elle seule suffire
à démontrer la différence de qualité entre l'offre de restauration rapide dans les
quartiers prioritaires de la politique de la Ville, mais elle permet tout de même d'avoir un
aperçu de cette différence.
La base LSA Commerces, que nous avons pu consulter grâce à l'IAU-IDF, recense tous les
établissements de restauration franchisés d'Île-de-France. On en compte 1990. Sur ces
1990, 45 seulement sont dans les quartiers en politique de la Ville, et 23 d'entre eux
vendent des hamburgers à bas prix : KFC, Mc Donald's, Burger King et Quick
essentiellement. Tandis que, dans d’autres communes qui présentent aussi une
importante densité de fast-foods mais où la prévalence de l'obésité est considérablement
plus faible, l'offre des fast-foods franchisés est bien plus diversifiée : la carte ci-après
illustre cette différence. Elle montre une partie de l'Est parisien.
75Bénédicte Gualbert, « La restauration rapide monte en gamme », Enjeux Île-de-France (Paris: CROCIS -
CCIP, mai 2018).
35
Figure 5 : Localisation de l'offre de restauration franchisée dans l'Est Parisien. Sources : Base LSA
Commerces, IGN, Open Street Map. Réalisation : Capucine Frouin
On constate que les franchisés sont bien plus nombreux en dehors des quartiers
prioritaires de la politique de la Ville, ce qui semble s'opposer à notre hypothèse selon
laquelle les fast-foods se concentrent dans les quartiers prioritaires. Cependant, il ne
s'agit ici que des fast-foods franchisés, qui ne représentent, on l'a dit, qu'une part réduite
des fast-foods. De plus, les zones où les concentrations de fast-foods franchisés sont les
plus importantes, entourées en noir, sont des zones qui concentrent une forte activité
36
tertiaire, notamment le secteur de la Défense et du « croissant d'or » de l'Est Parisien. On
peut donc supposer que ces restaurants sont destinés non pas aux habitants des lieux
mais aux travailleurs. 29% des actifs déjeunent au moins une fois par semaine en
restauration rapide et 80% de la clientèle se trouve à moins de 6 minutes de marche de
l'établissement. Il s'agit donc d'emplacements stratégiques, où les loyers sont très élevés
que seules les grandes chaînes peuvent se permettre. C'est ce qui explique cette
importante concentration de fast-foods à ces endroits, franchisés de surcroît.
Cela permet aussi d'éclairer la différence importante entre la moyenne et la médiane du
nombre de fast-foods pour 1000 habitants dans les communes d'Île-de-France dans leur
ensemble : certaines communes concentrent une importante densité de fast-foods à
cause des activités économiques qui s'y concentrent aussi.
La carte illustre par ailleurs la différence dans la diversité de l'offre de fast-foods selon le
type de territoire. Dans les quartiers prioritaires, marqués en noir sur la carte, les
franchisés les plus représentés vendent des hamburgers à bas prix. Leur localisation est
marquée par un point rouge. Dans les zones où les fast-foods sont concentrés, le type de
produits proposés est très divers, et permet aussi de proposer une alternative de
meilleure qualité aux grandes chaînes de hamburgers américaines.
1.3.3 Une disponibilité de fruits et légumes frais moindre dans les
quartiers prioritaires
Il s'agit bien ici de disponibilité et pas d'accessibilité : « Alors que l’accessibilité renvoie à
la capacité à accéder à une ressource en fonction de caractéristiques propres à celle-ci et
de caractéristiques propres à l’individu, la disponibilité est liée à la capacité à utiliser de
façon effective cette ressource en fonction des effectifs de population qui y recourent et
de son niveau d’encombrement associé »76 écrit Basile Chaix, en pointant du doigt les
études qui ne font pas cette distinction. Ainsi, l'accessibilité dépend non seulement de la
possibilité d'un individu d'accéder physiquement à un bien, mais aussi de pouvoir
l'acheter, et de savoir qu'en faire une fois qu'il l'aura acquis, tandis que la disponibilité
dépend de la présence d'un bien en quantité suffisante. Par exemple, mettre en place un
restaurant gastronomique dans un quartier peut augmenter la disponibilité d'une
alimentation de qualité, mais n'augmente pas l'accessibilité à une alimentation de qualité
si les habitants n'ont pas les moyens d'y aller. Il était difficile de faire des relevés de prix à
76 Basile Chaix, « Environnement alimentaire et comportements alimentaires », in Les inégalités
socioterritoriales de l’insécurité alimentaire dans l’agglomération parisienne et ses liens avec le
surpoids et l’obésité. Judith Martin-Fernandez et Pierre Chauvin, Les éditions INSERM, Expertises
collectives (Paris: INSERM, 2014), 377-405, https://doi.org/10.13140/2.1.3294.3367.
37
l'échelle de toute l'Île-de-France, ni de s'assurer que les habitants de tous les quartiers
pris en compte était disposés à préparer une alimentation saine, c'est pourquoi nous
avons choisi ici de prendre en compte la disponibilité de fruits et légumes frais plutôt que
leur accessibilité.
On prend en compte ici le nombre de commerce pour 1000 habitants, ce qui illustre la
densité de l’offre commerciale, et le nombre des commerces favorisant la disponibilité de
fruits et légumes frais pour 1000 habitants : cela permet de mettre en évidence la qualité
de cette offre commerciale.
Les commerces pris en compte comme favorisant la disponibilité de fruits et légumes
frais sont les primeurs, les supermarchés, les hypermarchés et les marchés de produits
frais. Le choix d’inclure les supermarchés et les hypermarchés est issu d’une revue de la
littérature, notamment d'études nord-américaines, qui associent la présence de
supermarchés à une plus grande disponibilité de fruits et légumes, à défaut de pouvoir
l’associer à la consommation77. De même, les marchés de produits frais sont désignés
comme augmentant la disponibilité de fruits et légumes frais aux États-Unis et au
Canada78. Il n'y a pas, à notre connaissance, d'études portant sur les primeurs dans les
études sur l’environnement alimentaire, mais comme ils ne vendent que des fruits et
légumes, leur prise en compte nous semblait inévitable.
Nous avons choisi de ne pas prendre en compte l'autoproduction de fruits et légumes, à
titre individuel ou dans des jardins collectifs, car il ne s'agit que de démarches
marginales, mais il en sera question dans l’enquête à l’échelle des quartiers.
77 Chaix. 78Cheryl Brown et Stacy Miller, « The Impacts of Local Markets: A Review of Research on Farmers Markets
and Community Supported Agriculture (CSA) », American Journal of Agricultural Economics 90, no 5 (1
décembre 2008): 1298-1302, https://doi.org/10.1111/j.1467-8276.2008.01220.x.
38
Commerces
pour 1000
habitants
Commerces favorisant
la disponibilité de
fruits et légumes frais
pour 1000 habitants
Toutes les
communes
moy 5,98 0,37
méd 2,58 0,00
Communes
avec un QPV
moy 6,05 0,39
méd 4,3 0,32
QPV
moy 4,35 0,32
méd 2,47 0,27
Tableau 5 : Densité des commerces alimentaires selon les territoires ;
Sources : Base Sirene, INSEE. Traitement : Capucine Frouin.
On constate que les quartiers
prioritaires ont les offres
commerciales les moins
développées, et que les
commerces favorisant la
disponibilité de fruits et
légumes frais y sont les
moins nombreux.
Les communes qui ont sur leur territoire des quartiers prioritaires sont les mieux dotées
en commerces alimentaires de façon générale et de commerces favorisant la
disponibilité de fruits et légumes frais, sans que l’écart avec l’ensemble des communes
d’Île-de-France ne soit très important ni dans un cas ni dans l’autre. Les quartiers
prioritaires sont les moins bien dotés dans les deux cas.
Il apparaît donc que les quartiers prioritaires de la politique de la Ville ont les
environnements alimentaires les moins favorables à la santé. Les densités de
commerces alimentaires y sont les moins élevés, que ce soit de commerces
alimentaires dans leur ensemble, ou de commerces qui favorisent la disponibilité
de fruits et légumes frais. D’autre part, si la densité de fast-foods y est moins
importante en moyenne que dans l’ensemble des communes d’Île-de-France, la
part que ceux-ci occupent dans l’ensemble de l’offre alimentaire est la plus
importante, et encore plus dans l’offre de restauration commerciale. La diversité
de l’offre alimentaire est donc moins importante qu’ailleurs en Île-de-France.
39
À l'issue de cette première partie, il semble que l'environnement alimentaire ait un
effet sur l'alimentation des populations dans les quartiers prioritaires de la politique
de la Ville. Un lien entre surpoids ou obésité et le fait de résider dans un quartier
prioritaire semble exister. Ces quartiers concentrent par définition des populations
pauvres, qui sont globalement plus facilement en surpoids que les populations plus
aisées. Cela s'explique en partie par les habitudes alimentaires, mais aussi par
l'environnement. L'analyse des environnements alimentaires des quartiers
défavorisés à une échelle internationale permet de mettre en évidence des
caractéristiques peu propices à la mise en place d'une alimentation saine et donc
d'une bonne santé. La moindre disponibilité de certains produits sains et la
surabondance de produits peu recommandés pour la santé influencent
l'alimentation des populations de ces quartiers. Or, on retrouve ces caractéristiques
dans les quartiers prioritaires en Ile-de-France. Il apparaît donc que les quartiers
prioritaires de la politique de la Ville ont les environnements alimentaires les moins
favorables à la santé. Les environnements décrits par la recherche anglophone ne
sont pas uniformes, et les quartiers prioritaires non plus : il s'agit donc de
caractériser les différentes configurations des quartiers prioritaires d'Île-de-France
pour identifier l'influence potentielle qu'ont ses différences sur l'insécurité
alimentaire.
40
DÉSERTS, MARÉCAGES ET OASIS
ALIMENTAIRES : TYPOLOGIE ET
ANALYSE DE TROIS QUARTIERS
PRIORITAIRES FRANCILIENS.
Des disparités importantes entre les différents quartiers prioritaires de la politique de la
ville semblent exister : la série de graphique ci-après illustre ces différences.
41
1 2 3 4 5
Figure 6 : Figure 1 : Diagrammes de distribution des QPV d’Île-de-France selon les variables de description
de l’environnement alimentaire suivantes : nombre de commerces alimentaires pour 1000 habitants (1) ;
nombre de fast-foods pour 1000 habitants (2) ; part du nombre de fast-foods dans les commerces (3) ;
part du nombre de fast-foods dans l'offre de restauration (4) ; nombre de commerces augmentant la
disponibilité de fruits et légumes frais pour 1000 habitants (5). Sources : INSEE, Base Sirene, Marchés de
France ; Réalisation et traitement : Capucine Frouin
On observe donc qu'il existe des disparités importantes entre les quartiers prioritaires de
la politique de la ville : outre les écarts parfois importants entre médianes et moyennes,
certains quartiers ont des densités de commerces ou de fast-foods très éloignées de la
moyenne. L’objet de cette deuxième partie est de caractériser les quartiers prioritaires
afin de les classifier. Une typologie des quartiers prioritaires a été réalisée et permet de
dégager trois types de quartiers avec leurs caractéristiques propres, à partir des données
géo-localisées de la base Sirene et de relevés à partir d’un répertoire internet79 et des
sites des municipalités pour les marchés. La classification ne tient en compte que les
quartiers entre 2000 et 15 000 habitants. En effet, il est difficile de parler véritablement de
79 www.marchesdefrance.org
42
« quartiers » en deçà et au-dessus de cette fourchette : l'absence de commerces dans des
zones si réduites est peu étonnante dans le premier cas, et il faudrait faire des divisions
intra-quartiers dans le second cas, car ils représentent des zones très étendues, ce qui est
difficile sans une connaissance minimum du terrain. Nous avons donc choisi d'exclure les
extrêmes de la liste, ce qui laisse 183 quartiers (sur 272) dans la typologie. Elle est issue
d'une classification ascendante hiérarchique. L'éloignement à la moyenne de chacune des
variables choisies est calculé et les entités qui ont les caractéristiques les plus proches sont
regroupées en un type.
Le tableau 5 présente les caractéristiques des trois types issus de la classification. Les « + »
indiquent un écart positif à la moyenne, les « - » un écart négatif. Plus il y a de « + » ou de « - »,
plus l’écart à la moyenne est important.
Type 1 Type 2 Type 3
Effectif 87 56 22
Commerces pour 1000 habitants ++ -- +
Fast-food pour 1000 habitants + - ---
Part des fast-foods dans les commerces - ++ --
Part des fast-foods dans les restaurants -- +++ -
Commerces augmentant la disponibilité de
fruits et légumes frais pour 1000 habitants - - ++++
Tableau 6 : Synthèse des caractéristiques des trois types de quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Sources : INSEE, Base Sirene, Marché de France. Traitement : Capucine Frouin avec Philcarto
Pour qualifier les différents types, nous avons choisi de garder la terminologie de la
recherche anglophone sur les environnements alimentaires.
Ainsi, le type 1 représente des quartiers où les commerces et les fast-foods sont
nombreux : ces derniers ne représentent donc qu’une faible part de l’offre commerciale
dans son ensemble. Beaucoup de restaurants d’autres types sont disponibles. En
revanche, la disponibilité des produits frais est réduite par rapport à la moyenne. On peut
qualifier ce type de quartier de « marécage alimentaire » : on peut y trouver des aliments
sains et malsains, l’arbitrage est effectué par les habitants.
Le type 2 représente des quartiers où l’offre commerciale est faible, et dominée par les
fast-foods : ils représentent une part importante des commerces alimentaires existants,
et l’offre de restauration en dehors d’eux est faible. La disponibilité des fruits et légumes
est basse. On peut les qualifier de « déserts alimentaires ».
Le troisième type représente des quartiers où l’offre commerciale est assez importante,
et celle des fast-foods plus basse que la moyenne. La part des fast-foods est plutôt basse
43
dans l’offre commerciale dans son ensemble et dans celle de restauration. La disponibili-
té de fruits et légumes frais est importante. On peut parler ici « d'oasis alimentaires ».
Quatre quartiers ont été exclus de la typologie, car on n’y trouve aucun commerce. Ces
déserts alimentaires absolus sont majoritairement de taille réduite, moins de 3000 habi-
tants, ce qui peut expliquer l’absence de commerces en leur sein. Nous avons choisi de
ne pas nous pencher sur ces extrêmes plus avant : ils sont peu nombreux, et il nous
semble qu'il est possible d'éclairer leur devenir par les autres types, notamment le type 2.
Nous avons sélectionné dans chacun des types un quartier parmi les cinq plus
représentatifs de chaque catégorie pour y mener une enquête plus fine et analyser leurs
caractéristiques.
Le tableau ci-dessous résume les critères de sélection des quartiers.
Extrêmes de chaque catégorie
Type 1 :
- Nombre de fast-foods pour 1000 habitants > 4,5
- Part des fast-foods dans les commerces < 40%
Type 2 :
- Nombre de commerce pour 1000 habitants < 1
- Part des fast-foods dans les commerces > 66%
Type 3 :
- Nombre de fast-foods pour 1000 habitants < 0,5
- Nombre de commerce renforçant la disponibilité de
fruits et légumes frais pour 1000 habitants > 1
Intérêt des communes pour
les questions de santé et de
nutrition / alimentation
- Projets financés par l'ARS ;
- Présence d'un CLS (Contrat Local de Santé) ou/et
d'une ASV (Atelier Santé Ville) ;
Volonté de redynamiser le
commerce de proximité en
particulier
- Démarche pour redynamiser le commerce d'après les
sites des villes ;
- Financement NPNRU
Autres démarches Présence d'un Agenda 21 ou d'une démarche similaire
Tableau 7 : Synthèse des critères de choix des quartiers étudiés dans l'enquête de terrain.
Tout d'abord, les cinq quartiers les plus « extrêmes » de chaque catégorie ont été
déterminés, c'est-à-dire ceux qui présentaient les traits caractéristiques les plus marqués,
indiqués dans le tableau. Ce choix assure d'avoir des quartiers représentatifs de leur type.
Pour arbitrer entre ces cinq quartiers, dans un second temps, les quartiers où les
municipalités étaient déjà acculturées aux questions de santé et préoccupée par les
questions d'alimentation ont été privilégiés, ainsi que les quartiers bénéficiant d'un
financement ANRU : cela traduit une certaine dynamique à l’œuvre, et des
questionnements déjà engagés.
44
Ainsi, pour le type 1, le quartier choisi est le quartier des Quatre Chemins, à Pantin. Pour
le type 2, le quartier des Cinéastes-Plaine à Épinay-sous-Sénart a été sélectionné, et pour
le type 3, il s'agit du Quartier Sud de Choisy-le-Roi. La carte ci-après montre la position
des communes contenant ces quartiers en Île-de-France.
Figure 7 : Localisation des communes contenant les quartiers d'étude. Sources : IGN, CGET.
Réalisation : Capucine Frouin.
Nous comparons ces trois quartiers aux typologies identifiées dans le contexte américain,
afin de déterminer leur applicabilité dans le contexte français, et d'en dégager les
spécificités.
45
METHODE APPLIQUEE POUR LES ETUDES DE CAS :
Pour mener à bien nos études de cas, nous avons procédé à des entretiens avec
quelques-uns des acteurs de la politique de la ville dans les quartiers étudiés, et
procédés également à des séances d'observation sur le terrain.
– Entretiens avec les collectivités :
Pour nos études de cas, nous avons rencontré quelques-uns des acteurs institutionnels
du renouvellement urbain, de la santé des villes, et du commerce de nos terrains
d'études, et avons mené avec eux des entretiens, collectifs ou individuels, en face à face
quand cela était possible, téléphonique si cela n'était pas possible. Le détail de ces
entretiens est disponible en annexe (entretiens 2, 3, 4, 5 et 7). Les grilles pour chacun
des entretiens varient légèrement selon le contexte des quartiers et les personnes
rencontrées, mais les objectifs globaux restent les mêmes :
- Cerner l’évolution de l’offre commerciale dans le quartier ;
- Identifier les facteurs de cette évolution ;
- Appréhender la politique communale/intercommunale concernant le
développement de ces commerces ;
- Comprendre les objectifs du renouvellement urbain.
- Cerner l’état de réflexion et les représentations de la santé dans les projets de
renouvellement urbain.
– Observation de terrains :
Pour chaque quartier, nous avons mené une séance d'observations sur le terrain, deux
dans le cas de Pantin car nous n'avions pas pu visiter le marché lors de notre première
visite. Ces visites de terrains ont été documentées notamment par des photographies et
des notes d'observation, et ont eu lieu après les entretiens avec les acteurs.
Nous avons fait un relevé des commerces présents dans l'ensemble de la zone d'étude,
pour confirmer les données de la base Sirene, qui ne sont pas toujours parfaitement à
jour. Nous avons visité les marchés pour comprendre les dynamiques qui les animent, et
effectué des relevés de prix quand cela a été possible.
Dans les polarités commerciales identifiées comme remarquables par les acteurs de ter-
rains que nous avons rencontrés, nous avons relevé les commerces présents, alimen-
taires et non-alimentaires, ainsi que la configuration globale des lieux et la morphologie
urbaine. Nous avons aussi échangé avec une usagère du marché Sud de Choisy-le-Roi :
46
nous n'avions pas prévu d'interroger les usagers mais celle-ci nous a fourni des détails
intéressants sur le fonctionnement des commerces dans son quartier, c'est pourquoi
nous avons jugé pertinent d'intégrer cet entretien à notre réflexion.
47
2.1 LES MARÉCAGES ALIMENTAIRES OÙ OFFRE
DE FAST-FOODS ET ALTERNATIVES SAINES SE
MÊLENT : L'EXEMPLE DES QUATRE CHEMINS À
PANTIN
Les deux tiers des quartiers de ce type sont situés en petite couronne ou à Paris-même,
majoritairement au nord de l’agglomération, en Seine-Saint-Denis et au nord des Hauts-
de-Seine. Ce sont globalement des quartiers plutôt densément peuplés, et de grande
envergure. Le quartier prioritaire des Quatre Chemins à Pantin est une illustration de ce
type de quartier.
2.1.1 Les Quatre-Chemins : un quartier de faubourg aux portes de
Paris
Figure 8 : Localisation du quartier des Quatre Chemins dans son environnement proche. Sources : IGN,
CGET, SNCF/transilien, data.gouv, Open Street Map. Réalisation : Capucine Frouin
48
La carte ci-dessus montre la position du quartier des Quatre Chemins dans la ville de
Pantin. Aux Portes de Paris, il est bordé au sud-ouest par le boulevard Périphérique, et le
boulevard Jean Jaurès, qui marque la limite ouest du quartier, débute Porte de la Villette.
Le quartier est à l'ouest de la ville, limitrophe d'Aubervilliers : la géographie prioritaire
continue dans la commune voisine. La séparation des deux quartiers est malgré tout
marquée physiquement : l'avenue Jean Jaurès est difficilement franchissable,
particulièrement au sud du quartier. En effet, les voitures passent dans un tunnel sous la
station de métro Aubervilliers – Pantin (4 Chemins), et la rue n'est donc pas traversable
pour les piétons. La série de photographies ci-après illustre la gradation de la difficulté de
traverser la route du nord au sud de l'avenue.
Figure 9 : gradation de la difficulté de traverser l'avenue Jaurès du Nord vers le Sud.
Photographies prises par Capucine Frouin le 17 mai 2018 en début d'après-midi.
Sur la photo 1, on voit qu'il n'y a qu'un terre-plein central peu élevé, franchissable comme
un trottoir. Puis sur la photo 2, ce terre-plein est plus élevé et est entouré de blocs de
béton, et sur la photo 3 une barrière protège les deux côtés du tunnel. Ainsi, même s'il
semble exister une continuité, l'avenue Jaurès représente une véritable coupure entre
Pantin et Aubervilliers.
Le quartier des Quatre Chemins fait partie des 200 quartiers d'intérêt national du NPN-
RU. Il s'étend aussi sur le territoire d'Aubervilliers, mais comme la séparation est très
marquée, nous nous concentrerons sur la partie du quartier ANRU qui se trouve à Pantin.
Il s'agit tout de même d'une opération complexe : Pantin appartient à l'EPT Est-Ensemble,
et Aubervilliers à Plaine Commune. Quatre-Chemins était déjà visé par l'ANRU 1 et a bé-
néficié de financements pour des opérations de rénovation débutée dans les années
49
2000, et dont les queues de comètes se sont poursuivies jusqu'en 2015, avec notam-
ment l'ouverture d'un nouveau supermarché.
2.1.2 Une population pauvre et peu diplômée dans une commune en
cours de gentrification
Le quartier des Quatre Chemins a la particularité d'être un quartier de faubourg
majoritairement, même si on trouve au nord du quartier le grand ensemble « Bleu
Diderot ». Il compte un peu moins de 10 000 habitants en 2013, soit environ le
cinquième des habitants de Pantin. Le tableau ci-après résume les caractéristiques
socio-démographiques de la population du quartier en comparaison avec celles de la
ville, du département et de la région.
Quartier Pantin Seine-Saint-
Denis Île-de-France
Taux de chômage 25,0% 19,1% 18,9% 12,6%
Part de la population
avec un niveau de
diplôme inférieur au BAC
63,0% 54,1% 58,5% 43,9%
Part de la population
diplômée du supérieur
21,0% 31,0% 24,5% 39,5%
Taux de pauvreté au seuil
de 60% du niveau de vie
médian métropolitain,
par UC médian
47,0% 32,7% 28,6% 15,6%
1er décile du revenu
disponible par unité de
consommation (€)
5541 7406 8092
10223
Revenu médian
disponible par unité de
consommation (€)
12825 15786 16726
22522
9e décile du revenu
disponible par unité de
consommation (€)
25254 32184 32432 46425
Tableau 8 : Comparaison des caractéristiques socio-démographiques du quartier des Quatre Chemins avec
la ville, le département et la région. Source : INSEE, FILOSOFI 2013, RP 2014.
La population du quartier des Quatre Chemins est donc globalement moins diplômée et
plus pauvre que la moyenne de la commune, du département et plus encore de la région.
On observe aussi que la commune dans son ensemble compte proportionnellement plus
de diplômés du supérieur que dans la Seine-Saint-Denis dans son ensemble.
50
La carte ci-dessous illustre la diversité des niveaux de diplômes de la population à Pantin
et autour. On constate que la population au sud de la commune est globalement plus
diplômée : plusieurs IRIS entre dans le quatrième quintile des plus diplômés d'Île-de-
France. Cette situation peut être liée au phénomène de gentrification : des ménages de
classes moyennes et supérieures généralement très diplômés quoique peu fortunés,
chassés par les loyers parisiens, s'installent dans les anciens quartiers populaires des
communes les plus proches de Paris80.
Figure 10: Part des diplômés du supérieur dans la population autour de Pantin.
Source: INSEE RP 2013, IGN, CGET. Réalisation : Capucine Frouin
Si ce phénomène ne semble pas toucher les Quatre-Chemins pour le moment, un des
marqueurs de la gentrification dans l'espace des villes est la mutation des commerces81 :
80Anaïs Collet, « Trajectoires résidentielles de classes moyennes et gentrification des anciens quartiers
populaires. Le cas du Bas Montreuil », Savoir/Agir 24, no 2 (2013): 41-48,
https://doi.org/10.3917/sava.024.0041. 81Marie Chabrol, Mathieu Van Criekingen, et Antoine Fleury, « Commerce et gentrification : Le commerce
comme marqueur, vecteur ou frein de la gentrification. Regards croisés à Berlin, Bruxelles et Paris. », in
Le commerce dans tous ses états. Espaces marchands et enjeux de société, par Arnaud Gasnier et
51
les attentes et exigences des populations qui contribuent à la gentrification sont diffé-
rentes des celles des populations précédentes, et les commerces « s'élitisent »82, no-
tamment du fait de l'action publique. En effet, les pouvoirs publics ont tendance à favori-
ser les besoins des populations plus favorisées, volontairement ou non, en affichant sou-
vent la volonté de diversifier l'offre commerciale83.
2.1.3 Une offre commerciale très importante mais peu diversifiée
Nathalie Lemarchand, Presses Universitaires de Rennes (Rennes, 2014), 277-92,
http://hdl.handle.net/2013/. 82Chabrol, Van Criekingen, et Fleury. 83Antoine Fleury, « Du quartier à la ville durable? Les commerces de proximité dans l’action de la Mairie de
Paris », in Commerce et ville ou commerce sans la ville ? Production urbaine, stratégies
entrepreneuriales et politiques territoriales de développement durable, par Arnaud Gasnier, Presses
Universitaires de Rennes (Rennes, 2010), 171-83.
52
Figure 11 : L'offre commerciale dans le quartier des Quatre Chemins. Source: IGN, Base Sirene/INSEE,
SNCF, Open Street Map, Open Data IDF. Réalisation : Capucine Frouin
53
La carte ci-avant illustre l'offre commerciale aux Quatre-Chemins. On constate qu'elle est
abondante, mais dominée par les fast-foods, et qu'elle se concentre le long des grands
axes. La restauration, en rouge, domine clairement le paysage alimentaire, même si on
peut noter la présence de quelques commerces de bouche (boulangeries et de bouchers
– charcutiers). En dehors de quelques fast-foods, l'offre commerciale en cœur de quartier
est pratiquement absente.
UNE OFFRE DE RESTAURATION DOMINÉE PAR LES FAST-FOODS
L'offre de fast-foods, en rouge clair sur la carte, est clairement dominante dans le
paysage, en particulier le long de l'avenue Jean Jaurès et tout particulièrement autour du
carrefour des Quatre-Chemins et près des entrées du métro.
Figure 12 : L'offre de restauration rapide aux Quatre-Chemins.
Photographies prises par Capucine Frouin le 17 mai 2018 en début d'après-midi.
La série de photographies ci-dessus a été prise sur l'avenue Jaurès et au croisement des
Quatre-Chemins. En dehors du restaurant KFC qui se situe à l'angle en face du métro
(photo 1), ce ne sont pas des restaurants franchisés : on trouve une grande majorité de
kebabs, quelques commerces qui proposent des hamburgers et des sandwiches du
même type. La photo 3 montre une série de devanture de fast-foods, et des traiteurs
chinois en particulier près du supermarché H8, marqué 3 sur la carte (photo 2).
Une partie des fast-foods présentent des problèmes sanitaires importants d'après la
Ville : après des signalements, des inspections sont menées par les services de l'État, et
les restaurants sont fermés quelques semaines le temps de faire des travaux : « ils
54
doivent afficher un panneau [qui dit qu'ils sont fermés pour causes de risques
sanitaires] mais ils le mettent pas, puis quand ils rouvrent ça va mieux mais un mois
plus tard on est revenus au point de départ. »84.
On peut se demander comment autant de fast-foods peuvent survivre dans un territoire
aussi réduit : même si la population des quartiers populaires consomment beaucoup de
fast-foods et que les lycéens et travailleurs en consomment aussi, la concentration de
restaurants rapides semble disproportionnée. La Ville de Pantin suppose que cette
concentration tient en partie à une « géographie de la nuit » 85 : le quartier est identifié
par les travailleurs de nuit à l'échelle de la petite couronne, et notamment par les
policiers, comme un lieu où il est possible de trouver à manger à toute heure, et ce
malgré l'interdit préfectoral d'ouverture des restaurants après minuit en Seine-Saint-
Denis86. La proximité du boulevard Périphérique rend effectivement l'accès au quartier
facile, et les restaurants ouverts toute la nuit augmentent leurs chiffres d'affaires.
On peut aussi constater que l'offre de restauration traditionnelle, en rouge foncé, est
plutôt abondante. Il s'agit en grande majorité de bar-brasseries, hérités du tissu
commercial traditionnel des faubourgs. Dans certaines rues, par exemple le long de la
rue Cartier-Bresson, les bar-brasseries sont présents à presque tous les croisements. On
ne peut pas véritablement considérer ces établissements comme des restaurants :
même à l'heure du déjeuner où nous sommes passée à proximité, ils sont vides ou
presque, en particulier ceux situés en cœur de quartier. Cependant, notre enquête à
Pantin a commencé en même temps que le Ramadan, et comme la population
musulmane est importante dans le quartier, il n'est pas impossible que ces
établissements soient plus fréquentés habituellement.
Les restaurants situés au nord du quartier en revanche, semblent être fréquentés le midi,
par les employés des zones d'activités qui bordent le quartier. Les cartes à l'extérieur
annoncent des prix assez élevés : les menus sont entre 15 et 20 €, ce qui ne semble pas
adapté aux besoins des habitants du quartier eux-mêmes.
84Entretien 3 85Entretien 3. 86Arrêté 2016 – 4124.
55
UNE VACANCE IMPORTANTE AU-DELA DES GRANDS AXES
Un diagnostic de l'offre commerciale a été effectué dans le cadre des études préalables à
l'élaboration des projets ANRU en 2017-2018. Le périmètre de l'étude ne couvre pas
exactement la même surface que le quartier que nous étudions : il s'arrête rue Diderot au
nord et couvre également une partie considérable du territoire d'Aubervilliers. Les chiffres
annoncés ne correspondent donc pas exactement à notre étude mais permettent tout de
même de se faire une idée.
Ce diagnostic fait état de 519 locaux commerciaux, avec une vacance de 24 % « en
progression ». Par ailleurs, la convention partenariale87 signée en 2007 en prévision du
lancement des opérations de rénovation de l'ANRU 1, indique qu'il y a dans le quartier
275 locaux commerciaux (soit 1 local pour 39 habitants, presque le double par rapport
au reste du département) dont 230 en activité, ce qui fait un taux de vacance d'un peu
plus de 16 %. La vacance est donc effectivement importante, et en progression.
Cependant, cette vacance ne concerne pas, ou peu, les linéaires principaux, notamment
autour du carrefour des Quatre Chemins, avenue Jean Jaurès et avenue Édouard Vaillant.
La série de photo ci-après montre le nombre important de commerces fermés dans les
rues moins passantes.
Figure 13 : Une vacance importante des locaux commerciaux.
Photographies prises par Capucine Frouin le 17 mai 2018 en début d'après-midi.
Si, le long des linéaires principaux la vacance est globalement faible, il existe quelques
exceptions assez emblématiques, comme les galeries Tommy (Photo 1), qui vendaient
des articles de mariage et ont déménagés en 2014. Cela représente un espace non-
occupé très important. En revanche, dans les rues adjacentes, la vacance est
87 Disponible ici : https://www.anru.fr/fre/Programmes/PNRU-Conventions/Convention-Pantin-Quatre-
Chemins
56
importante : la photo 2 présente une vue de la première rue qui relient la rue Magenta et
le boulevard Vaillant, la deuxième une autre de ces rues un peu plus loin : on y voit des
devantures fermées par des rideaux de fer manifestement installés de façon durable.
Il existe donc une réserve importante de locaux commerciaux aux Quatre-Chemins, ce qui
peut représenter une opportunité pour la mise en place de nouveaux commerces. À la
différence des autres quartiers prioritaires où la vacance importante traduit des
difficultés à trouver des commerçants acceptant de s'installer dans un quartier
prioritaire, on peut supposer qu'à Pantin cela traduit plutôt une saturation de l'offre
commerciale. Qui plus est, le diagnostic commercial estime à 9 % la part des locaux en
parfait état sur la zone de Pantin en Aubervilliers, et 35 % à rénover : on peut en déduire
que le coût de rénovation pour les propriétaires pourrait être un frein à la résorption de la
vacance.
LE MARCHE DU DIMANCHE : UN ATOUT IMPORTANT POUR L'OFFRE DE FRUITS ET
LEGUMES DANS LES QUATRE-CHEMINS
Le marché Magenta, marqué 1 sur la carte (figure 11), se trouve sur le territoire de la
ville de Paris mais appartient à la commune de Pantin. Une concession d'exploitation a
été mise en place pour en assurer le fonctionnement. Le marché a lieu les dimanches et
les vendredis matins : c'est le marché du dimanche que nous décrierons ici car c'est le
jour où il est le plus fréquenté
D'après la mairie, le marché du dimanche draine « une population très très large », qui
dépasse les frontières du quartier et même de la commune. En effet, quand on se rend
sur place, les usagers du marché qui arrivent et repartent par le métro sont très
nombreux. La circulation autour du marché, et plus encore dans la halle, est difficile.
Le plan ci-après montre l'organisation du marché. Le marché est divisé entre deux
espaces : la halle en elle-même, en gris clair, et l'extérieur, délimité par des grilles et par
le mur anti-bruit qui borde la sortie du Périphérique.
Quarante stands sont détenus par des abonnés, soit 410,5 m de linéaire, en hachures
sur le plan : ce sont surtout des primeurs, on trouve aussi quelques bouchers et
poissonniers, ainsi que quelques commerçants spécialisés. Il s'agit initialement d'un
marché portugais selon les dires de la mairie, on y trouve donc également deux stands
de spécialités portugaises. Seize stands, soit 233,5 m de linéaire, en noir sur la carte,
sont réservés aux commerces « volants » (dont les vendeurs n'ont pas de patente fixe),
qui vendent des produits non-alimentaires. Ils sont plutôt en dehors de la halle. Il y a
57
aussi un nombre important de marchands à la sauvette qui montent de petits stands sur
des cagettes, à l'entrée par la rue Magenta essentiellement, représentés par des points
sur le plan88. Lors de notre passage, ces vendeurs proposaient surtout des aromates en
botte près du marché, et divers produits non-alimentaires un peu plus loin sur l'avenue
Jaurès.
Figure 14 : Plan du marché Magenta et des commerces alentours. Sources : Plan du Marché Magenta,
Département Développement urbain durable, ville de Pantin, Relevés. Réalisation : Capucine Frouin.
Le tableau ci-après présente les prix de quelques produits relevés en moyenne sur les
étals du marché, en comparaison avec le prix moyen de vente au détail dans la catégorie
discount du RNM89 et les prix de gros à Rungis.
88 Un point ne représente pas un marchand, mais délimite la zone où ils sont installés. 89Le Réseau des Nouvelles du Marché (RNM) est piloté par FranceAgriMer. L’objectif du RNM est de suivre
le prix des produits agroalimentaires et de l’horticulture florale sur tout le territoire. La collecte
d’informations est réalisée en région par des équipes d’enquêteurs conjoncturistes du Ministère de
l'Agriculture et de l'Alimentation, en DRAAF. Site : https://rnm.franceagrimer.fr/rnm/ReseauRNM.shtml
58
Prix marché
Magenta
Prix moyen
DISCOUNT
Prix moyen à
Rungis F&L
Avocats 0,66€ pièce
(3 pour 2 €) 0,66 € pièce
0,80 € /
pièces (16 €
les 20)
Abricots 1,80 € / kg 2,82 € / kg 1,30 €/kg
Cerises 2,80 € / kg 5,41 € / kg 2,50 € /kg
Ananas
0,63 € pièce
(4 pour 2,50
€)
1,83 € pièce X
Tableau 9 : comparaison des prix du marché du dimanche aux
prix moyen pour la vente au détail DISCOUNT au 24 mai 2018.
Prix relevés le 3 juin. Sources : Enquête, RNM.
Les fruits et légumes sont donc
vendus à des prix très bas. Ce
sont pratiquement les prix des
grossistes : la troisième colonne
montre les prix à Rungis dans la
halle des fruits et légumes le 25
mai.
D'après la mairie, c'est une des caractéristiques de ce marché que de vendre « des fruits
et légumes en fin de vie (…) à des prix qui défient toute concurrence ». La date limite de
péremption ou l'extrême maturité des fruits et légumes explique les prix si bas : les
commerçants rachètent les invendus à d'autres commerçants à des prix plus bas que
ceux de Rungis quand ils commencent à s'abîmer.
La mairie parle d'un problème d'hygiène : il est difficile d'en juger sur place, mais la foule
importante, qui touche les fruits et légumes pour se servir, la présence tout autour de la
halle de pile de cartons qui encombre la route, la chaleur qui y règne, les fruits pourris ou
explosés sur entre les camions et les étals peuvent donner une image repoussante et
peu hygiénique du marché. Il a été difficile de capturer des images : les commerçants, à
l'intérieur comme à l'extérieur, nous ont très rapidement repérée et nous ont demandé de
ne pas prendre de photos.
Malgré cela, le marché représente un atout pour la disponibilité de fruits et légumes frais
dans le quartier des Quatre-Chemins : d'après la mairie, « pour certaines familles, le
marché du dimanche, c'est vraiment le lieu d'approvisionnement principal ». Le projet de
rénovation urbaine prévoit la démolition de la halle actuelle et sa reconstruction au
même endroit, en partie pour parer aux importants problèmes sanitaires et de vétusté
rencontrés sur le marché actuellement. Le marché sera déplacé à quelques centaines de
mètres pour ses tenues le temps des travaux. On peut se demander si cette rénovation,
qui permettra certes d'améliorer l'hygiène du marché, et donc sans doute d'attirer une
population plus aisée et plus sensible à cette problématique, notamment les populations
des quartiers gentrifiés de Pantin, est véritablement une opportunité pour les habitants
actuels du quartier. La mairie dit vouloir conserver « un marché populaire » mais le prix
59
des emplacements sera probablement amené à augmenter avec la rénovation, et avec lui
le prix des produits proposés, ce qui pourrait réduire leur accessibilité financière pour une
partie de la population.
DEUX AUTRES POINTS DE VENTE REPRESENTENT UNE OPPORTUNITE POTENTIELLE
POUR LES HABITANTS
Le supermarché H8, marqué 3 sur la carte (figure 11), est un supermarché chinois, qui
couvre à peu près 700 m². Il y a à Pantin une communauté chinoise importante. Le
supermarché propose à la fois des plats cuisinés, comme un traiteur, des produits
d'épicerie (photo 2) et des fruits et légumes frais, dans des barquettes sous plastique
(photo 3), vraisemblablement importés d'Asie, ou sans emballage.
Figure 15 : Le supermarché chinois H8. Photos prises par Capucine Frouin le 17 mai et le 3 juin 2018.
D'après nos observations, la clientèle de ce supermarché est essentiellement asiatique.
Les étiquettes sont en sinogrammes, et non traduites en français pour la plupart. Les
commerces ethniques sont un atout important pour l'alimentation des populations
immigrées90, en leur permettant d'accéder à des aliments familiers que l'on ne trouve
pas dans les commerces classiques, et ainsi d'éviter une trop forte « occidentalisation »
de l'alimentation, qui se traduit souvent par une plus forte consommation d'aliments
gras, salés et sucrés à la demande des enfants91.
Les commerces de ce type, que l'on peut qualifier de commerces ethniques dans la
mesure où ils permettent à la population du quartier d'accéder à des produits
90Morris D C Komakech et Suzanne F Jackson, « A Study of the Role of Small Ethnic Retail Grocery Stores in
Urban Renewal in a Social Housing Project, Toronto, Canada », Journal of Urban Health : Bulletin of the
New York Academy of Medicine 93, no 3 (juin 2016): 414-24, https://doi.org/10.1007/s11524-016-
0041-1. 91Dominique POISSON, « Alimentation des populations modestes et défavorisées : état des lieux dans un
contexte de pouvoir d’achat difficile. », OCHA 19 (2008): 21.
60
« culturellement appropriés »92, sont menacés lors des processus de gentrification93 : la
présence de ce supermarché peut être perçue comme un indicateur du fait que dans les
Quatre-Chemins, à la différence d'autres quartiers de Pantin, la gentrification n'a pas
commencé.
Enfin, l'Intermarché Express, marqué 2 (figure 11), a ouvert ses portes en mai 2015, et
représente également une opportunité pour les habitants du quartier.
Ce commerce de 1000 m² a vu le jour grâce aux financements de l'ANRU 1 : les études
commerciales sur le quartier à ce moment-là faisaient état d'une offre commerciale
importante dans le quartier, mais positionnées sur une offre bas-de-gamme. Le projet
prévoyait donc l'ouverture d'une « supérette de qualité » dans le quartier d'après la
Convention Partenariale signée en 2007. Il s'agit donc d'un magasin de nouvelle
génération, qui laisse une large place aux produits frais, à des prix relativement bas,
même s'ils sont plus élevés que ceux du marché du dimanche. Les horaires d'ouverture
du magasin sont très larges : tous les jours de 9h à 21h, sauf le dimanche quand le
magasin ferme à 13h. Mais d'après la mairie, ce qui fait de ce commerce un véritable
atout, c'est qu'il « s'est adapté tout de suite aux demandes des clients » : d'après la ville,
le directeur de l'établissement est très à l'écoute des attentes de sa clientèle, et propose
des produits adaptés à leur besoin. Pour satisfaire les besoins de la population
musulmane, et plus largement maghrébine, importante dans le quartier, on trouve par
exemple une large sélection de produits halal, des bouteilles de deux litres d'huile d'olive
(on peut néanmoins ici s'interroger sur l'atout pour la santé de répondre à une telle
demande), et, des soupes chorba instantanées, la soupe servie traditionnellement lors
de la rupture du jeûne pendant le Ramadan, peut-être parce que notre visite a eu lieu
pendant cette période justement. La part réservée aux produits asiatiques dans le rayon
des produits exotiques est aussi importante.
Ce magasin semble également permettre de compléter les courses effectuées au marché
par certaines familles : le dimanche, on pouvait voir attendre un certain nombre
d'enfants devant le supermarché avec des sacs déjà pleins. Nous ne les avons pas
interrogés pour ne pas risquer d'inquiéter leurs parents, mais c'est une hypothèse
plausible.
92Margaret Everett, « Practicing Anthropology on a Community-Based Public Health Coalition: Lessons from
Heal », Annals of Anthropological Practice 35, no 2 (2011): 10-26, https://doi.org/10.1111/j.2153-
9588.2011.01079.x. 93Komakech et Jackson, « A Study of the Role of Small Ethnic Retail Grocery Stores in Urban Renewal in a
Social Housing Project, Toronto, Canada ».
61
L'environnement alimentaire des Quatre-Chemins correspond tout à fait à la
définition que nous avons du marécage alimentaire. Les habitants naviguent
entre une marée de fast-foods, une restauration traditionnelle inadaptée à leurs
moyens, et quelques commerces qui présentent des atouts intéressants pour la
disponibilité de fruits et légumes frais à des prix abordables. L'orientation vers
l'une ou l'autre de ces options dépend donc assez largement des choix des
habitants.
62
2.2 LES « DÉSERTS ALIMENTAIRES » DOMINÉS
PAR LES FAST-FOODS : L'EXEMPLE DU QUARTIER
CINÉASTES-PLAINE À ÉPINAY-SOUS-SÉNART Plus de la moitié des quartiers de ce type sont hors de la petite couronne, et moins du
dixième sont à moins de 3km de Paris. Le quartier des Cinéastes-Plaine à Épinay-sous-
Sénart illustre ce type.
2.2.1 Un quartier enclavé dans une boucle de l'Yerres
Figure 16 : Localisation des Cinéastes-Plaine dans son environnement. Sources : IGN, CGET,
SNCF/transilien, data.gouv, Open Street Map, IAU-IDF. Réalisation : Capucine Frouin
La carte ci-dessus illustre la position du quartier Plaine-Cinéaste dans son environne-
ment. La commune d'Épinay-sous-Sénart se trouve en Essonne, à une trentaine de kilo-
mètres au sud-est de Paris. Le quartier est situé dans une boucle de l'Yerres, et est tout
proche de la forêt de Sénart, au sud de la commune. Cela l'inscrit donc dans un cadre
naturel agréable, que l'on peut percevoir comme un atout, mais cela contribue aussi for-
63
tement à son enclavement. Il n'y a qu'un pont piéton à l'est du quartier qui permette de
traverser la rivière, et le pont routier de la D94, qui est déjà éloigné du fond du quartier. Il
n'y a pas de gare à Épinay-sous-Sénart : cela accentue l'effet d'enclavement.
La Plaine-Cinéastes est un quartier de grands ensembles : c'est une ancienne ZUP, les
bâtiments ont été construits entre 1963 et 1975. La ville n'est alors qu'un noyau villa-
geois (photo 1), qui voit sa population multipliée par quinze en l'espace une dizaine d'an-
nées. La série de photos aériennes ci-après montre l'évolution de l'urbanisation de la
boucle de l'Yerres en une petite quinzaine d'années : en 1960, les terres sont encore
agricoles mais dès 1963, les travaux débutent pour construire les premiers grands en-
sembles, et s'arrêtent en 1975, quand l'intégralité de la boucle est urbanisée.
Figure 17 : La construction des grands ensembles dans la boucle de l'Yerres.
Sources : IGN Remonter le temps.
Une première opération de rénovation urbaine est lancée avec l'ANRU 1 : la partie nord
du quartier, les Cinéastes, est déjà rénovée aujourd'hui. La rénovation du centre com-
mercial principal, en cours actuellement, est une queue de comète de cette première
opération. La RD94, que l'on voit apparaître sur la photographie de 1967, marque actuel-
lement une frontière difficilement franchissable à l'échelle du quartier : un des enjeux du
renouvellement urbain est sa requalification en boulevard urbain.
64
2.2.2 Une population pauvre qui représente presque toute la com-
mune
Le quartier Plaine-Cinéaste compte 9687 habitants en 2015 d'après l'INSEE : cela
représente presque 80 % de la population de la commune, qui compte 12 526 habitants.
Le tableau ci-après résume les caractéristiques socio-démographiques de la population
du quartier en comparaison avec celles de la ville, du département et de la région.
Quartier Épinay-sous-
Sénart Essonne Île-de-France
Taux de chômage 17,4% 15,2% 11,0% 12,6%
Part des la population
avec un niveau de
diplôme inférieur au BAC
70,2% 58,3% 48,0% 43,9%
Part de la population
diplômée du supérieur
13,1% 22,9% 34,1% 39,5%
Taux de pauvreté au seuil
de 60% du niveau de vie
médian métropolitain,
par UC médian
30,7% 22,2% 10,5% 15,6%
1er décile du revenu
disponible par unité de
consommation (€)
7925 9427,6
11 262,5
10223
Revenu médian
disponible par unité de
consommation (€)
13827 17402 22 954
22522
9e décile du revenu
disponible par unité de
consommation (€)
22267 29810 40852 46425
Tableau 10 : Comparaison des caractéristiques socio-démographiques du quartier Plaine-Cinéaste avec la
ville, le département et la région. Source : INSEE, FILOSOFI 2013, RP 2014.
La population du quartier est donc globalement moins diplômée, moins active et plus
pauvre que celle de la commune, elle-même en dessous du département. L'Essonne est
un département globalement privilégié par rapport au reste de l'Île-de-France, mais
Épinay-sous-Sénart n'est pas privilégiée. Avant la réforme de la politique de la ville, 80 %
de la commune était en ZUS94, donc en politique de la ville.
94https://sig.ville.gouv.fr/Cartographie/QP091012
65
2.2.3 Une offre commerciale très faible en cours de renouvellement
La carte ci-après présente l'offre commerciale dans le quartier de la Plaine-Cinéaste.
Deux polarités commerciales de proximité existent dans le quartier. La première se situe
autour de la halle du marché, la deuxième existe autour du centre commercial principal,
actuellement en rénovation. L'opération devrait être achevée fin 2019.
66
Figure 18 : L'offre commerciale dans le quartier Plaine-Cinéastes. Sources : IGN, Base Sirene/INSEE, Open
Street Map, Open Data IDF. Réalisation : Capucine Frouin
67
On constate que l'offre commerciale alimentaire est pratiquement inexistante dans le
quartier aujourd'hui. Cette situation ne concerne pas simplement le quartier, mais toute
la commune : « il n'y a même pas une boulangerie ! » dit la mairie95.
UN CENTRE COMMERCIAL EN DECLIN
La polarité commerciale la plus importante à l'échelle du quartier est le Centre
commercial Principal, marqué 2 sur la carte (figure 19). C'est un petit centre commercial
d'un peu moins de 4 000 m² de surface commerciale, construit sur dalle et sur deux
étages, en même temps que les grands ensembles. Il est intégré dans le tissu urbain :
des logements sont construits au-dessus des commerces. Le schéma ci-dessous illustre
l'organisation de l'étage supérieur du centre : il est pratiquement vide.
Figure 19 : Schéma de l'occupation de l'étage supérieur du Centre commercial Principal.
Sources : cadastre, enquête. Réalisation : Hortense Frouin.
On y trouve deux pharmacies (l'une d'entre elle, située sous le Franprix à l'étage inférieur,
n'est pas visible sur le schéma), une pizzeria sans salle qui ne fait que de la vente à
emporter ou des livraisons, un cordonnier, une agence bancaire (elle aussi à l'étage
95Entretien 2
68
inférieur donc invisible sur le plan) et le supermarché Franprix, d'une surface d'à peu près
700 m². La grande majorité des locaux commerciaux sont donc vides : la série de photo
ci-après permet d'avoir un aperçu de l'allure du centre aujourd'hui.
Figure 20 : Le centre commercial principal aujourd'hui. Photographies prises le mercredi 2 mai en fin de
matinée par Capucine Frouin.
Si une partie des commerçants ont dû quitter leurs locaux à cause des travaux, le centre
comptait déjà moins d'une dizaine d'entre eux avant qu'ils ne débutent : en plus des
commerces actuels, il y avait une boucherie, deux kebabs et une épicerie exotique, dont
le propriétaire refusait de quitter les lieux et a été expulsé avant les démolitions96. Aucun
d'entre eux n'est amené à revenir sur le site après les travaux. D'après la mairie, il y a
quinze ou vingt ans, une trentaine des locaux étaient encore occupés : sont évoqués un
fleuriste, un poissonnier, du prêt-à-porter.
Pour expliquer le déclin du centre commercial, la mairie évoque plusieurs facteurs. La
forme du centre commerciale sur dalle, comme il en existe dans beaucoup de quartiers
de grands ensembles construits dans les années 1960 – 1970, n'est plus adaptée aux
besoins des populations aujourd'hui, et les bâtiments n'ont souvent pas bien vieilli et
sont aujourd'hui dégradés. Un second facteur est la localisation du centre commercial :
sa position le long de la RD 94, contrairement à ce qu'on pourrait supposer, le dessert.
Effectivement, cette rue est difficilement franchissable, et entourée par des barrières :
des tunnels sont aménagés pour que les piétons puissent traverser la route. Ainsi, il est
difficile de s'arrêter pour des éventuels clients de passage. Enfin, la mairie évoque la
mauvaise gestion par le bailleur social : la mairie a exercé son droit de préemption au
nom de l'intérêt général au moment où celui-ci s'apprêtait à vendre l'ensemble du centre
96Julien Elie, « Essonne: la mairie d’Epinay-sous-Sénart expulse de force un commerçant », Le Parisien, 19
juillet 2017, http://www.leparisien.fr/epinay-sous-senart-91860/epinay-sous-senart-la-mairie-expulse-
de-force-un-commercant-19-07-2017-7144875.php.
69
commercial dont il était propriétaire. La mauvaise gestion aurait, d'après la mairie,
poussé une partie des commerçants à quitter les lieux, et aurait également contribué à la
dégradation de l'image du centre commercial en même temps qu'à sa dégradation
physique, ce qui a causé une moindre fréquentation des lieux.
LA RENOVATION ET RECONVERSION EN COURS
La rénovation de ce centre commercial, initiée en 2015, devrait être achevée fin 2019 et
correspond à la dernière phase des opérations de l'ANRU 1. Le projet doit permettre
l'installation de nouveaux commerces, notamment alimentaires dans le quartier en se
positionnant sur une offre « d'hyper-proximité » d'après la mairie. Les démolitions ont
commencés : la zone fermée au public est marquée par des hachures grises sur le
schéma, et entourée de barrières qui expliquent les ambitions du projet futur, comme
sur la photo 1.
Le nouveau pôle commercial sera bâti et géré par un opérateur privé, mais la mairie
participe aussi à la programmation commerciale, même si l'opérateur aura le dernier
mot. La surface commerciale devrait être réduite de moitié à peu près, et se concentrer
sur des commerces « d'hyper-proximité » : les commerces qui sont encore ouverts sont a
priori appelé à rester, à l'exception de la pizzeria dont le bail ne sera pas renouvelé. La
mairie évoque l'implantation d'un coiffeur et d'un fleuriste, d'une boulangerie, et
l'implantation d'une offre de restauration autre que le fast-food : elle parle d'un
commerce qui fera de la vente à emporter mais où il sera aussi possible de prendre des
repas sur place, et parle en tout cas d'une « offre beaucoup plus qualitative » que celle
d'un fast-food. L'épicerie sociale devrait aussi être ouverte à proximité, et le Franprix déjà
présent devrait être rénové pour devenir un Franprix de nouvelle génération.
La mise en place d'une serre maraîchère sur l'ensemble du toit du Franprix, donc entre
700 et 800 m² est prévue également. Une partie des cultures se feront en pleine terre, et
le reste en hydroponie ou hors-sol. La serre sera exploitée par les employés municipaux,
et une partie des légumes sera vendue dans « un petit corner du Franprix », le reste dans
l'épicerie sociale. Si l'expérience de la serre rencontre le succès escompté, la formule
sera répétée dans d'autres lieux de la ville. Cela fait effectivement partie des orientations
du PADD, voté en novembre 2017, que de « Faire vivre la nature en ville en développant
de nouveaux usages », et notamment son côté productif, en exploitant les possibilités des
espaces différenciés, dans le quartier Plaine-Cinéaste mais aussi en dehors de celui-ci.
70
UN POLE COMMERCIAL RESTREINT AUTOUR D'UN MARCHE EN DECLIN
L'autre pôle commercial du quartier se trouve tout au sud de celui-ci, et s'organise au-
tour de la halle du marché, marquée 1 sur la carte. Ce petit pôle se situe à la limite sud
du quartier. Le schéma ci-dessous montre son organisation. Le seul commerce alimen-
taire est un point chaud, c'est-à-dire qu'on y vend du pain et des produits de boulangerie
qui n'ont pas été cuits sur place. On y trouve aussi un bar-tabac qui vend aussi des jour-
naux, une pharmacie, un point chaud, et la halle du marché.
Figure 21 : Schéma du petit pôle commercial autour de la halle du marché au Sud de la Plaine-Cinéastes.
Source : cadastre.gouv, enquête. Réalisation : Capucine Frouin.
Les jours de marché, celui-ci déborde de la halle, et des commerçants « volants », qui
vendent des produits non-alimentaires, s'installent autour de la halle, en particulier sur la
place à l'arrière. Ils sont plus nombreux que les commerçants alimentaires : on en
compte une petite vingtaine, sur des étals de tailles variées. À l'intérieur de la halle, le
mercredi où nous nous sommes rendus sur place, on trouve huit commerçants : trois
primeurs, deux bouchers, un boulanger, un poissonnier et une buvette. Trois des stands
ne sont pas occupés : il est possible que les commerçants soient plus nombreux les sa-
medis. Il est un peu plus de midi quand nous entrons dans la halle, et il n'y a pas beau-
coup de clients : une quinzaine au total, l'essentiel d'entre eux sont des hommes à la bu-
71
vette. La mairie nous l'a dit : ce marché ne marche « pas trop mal » mais est « un peu en
déclin », peut-être à cause de ce déséquilibre entre l'alimentaire et le non-alimentaire.
Une concertation avec les habitants et les commerçants a été menée courant 2016 pour
décider du déplacement du marché dans le périmètre du projet Cœur de ville, donc à
proximité du centre commercial Principal, afin de concentrer l'offre commerciale en un
seul endroit. Cette idée enthousiasme la ville : d'après elle, c'est encore « tout à fait d'ac-
tualité » et une « vraiment bonne idée » qui permettrait de compléter « astucieusement »
l'offre sédentaire. Ce n'est pas encore tout à fait acté, puisqu'il faut décider du devenir de
la halle du marché actuel avant cela, mais le projet et déjà bien avancé : les infrastruc-
tures nécessaires à l'installation du marché de plein-vent vont être construites.
Ce changement d'un marché dans une halle à un marché de plein-vent pourrait avoir des
conséquences sur l'accessibilité des fruits et légumes frais pour les habitants. En effet,
pour vendre dans les marchés, c'est-à-dire sur l'espace public, les commerçants doivent
payer une redevance, sous la forme d'un droit de place97 fixé par le conseil municipal.
Les différences de tarification ne peuvent se fonder que sur une différence de valeur
commerciale des emplacements, ou dans les superficies accordées98. Or, un marché de
plein-vent coûte en principe moins cher en entretien qu'une halle couverte : il n'y a pas de
frais pour les villes en dehors du nettoyage après le marché. On peut donc supposer que
la redevance payée par les commerçants sera moindre, et donc qu'ils pourront éventuel-
lement à leur tour baisser leurs prix, les rendant plus accessibles à une partie de la popu-
lation (même si les prix sur le marché actuel ne sont pas particulièrement élevés). On
peut aussi supposer qu'avec un droit de place moins élevé, plus de commerçants pour-
raient être amenés à vendre leurs produits sur le marché. Enfin, la relocalisation du mar-
ché en extérieur et au cœur de la cité augmenterait sa visibilité et donc potentiellement
sa fréquentation.
Ainsi, si le statut de désert alimentaire du quartier Plaine-Cinéastes est
remarquable aujourd'hui, cela devrait être amené à évoluer dans les années à
venir. Il est intéressant de noter qu'ici, c'est assez clairement la mairie qui
porte le projet. Sa politique volontariste s'applique aussi bien dans la
rénovation du centre commercial lui-même, que dans la volonté de mettre en
place une agriculture urbaine, et de l'exploiter directement. Épinay est le seul
97 D'après l'article L.2224-18 du Code Général des Collectivités Territoriales 98Etienne Guyot, « Le commerce non sédentaire. Guide 2015. » (CCI Paris - Île-de-France, 2015).
72
de nos terrains d'étude qui n'appartiennent pas à un des territoires du Grand
Paris : on peut supposer que les prérogatives plus importantes laissées aux
collectivités expliquent en partie cette situation.
73
2.3 LES « OASIS ALIMENTAIRES » OÙ LA
DISPONIBILITÉ DE FRUITS ET LÉGUMES FRAIS EST
PLUS IMPORTANTE : LE QUARTIER SUD DE CHOISY-
LE-ROI
Les quartiers du troisième type identifiés sont globalement moins densément peuplés
que la moyenne des quartiers prioritaires d'Île-de-France. Un cinquième d’entre eux sont
à moins de 3km de Paris, et moins de la moitié dans la petite couronne. Le Quartier Sud
de Choisy-le-Roi est représentatif.
2.3.1 Un quartier mieux relié à Orly qu'à Choisy-le-Roi
Figure 22 : Le quartier Sud dans son environnement immédiat. Sources : Sources : IGN, CGET,
SNCF/transilien, data.gouv, Open Street Map, IAU-IDF. Réalisation : Capucine Frouin
74
La carte précédente illustre la situation du quartier prioritaire Quartier Sud dans la ville
Choisy-le-Roi. La Ville se trouve dans le Val de Marne, à une petite dizaine de kilomètres
au Sud de Paris. Elle appartient au T12 du Grand Paris, Grand-Orly Seine Bièvre. La ville
de Choisy est divisée en deux par la Seine : un seul pont permet de relier les deux rives. Il
est éloigné du quartier, on le voit sur la carte, et est fréquemment saturé. Cela
représente donc une véritable barrière entre les deux rives.
Le quartier Sud se situe, comme son nom l'indique, tout au sud de la ville. On le voit sur
la carte, le quartier prioritaire n'est qu'une partie d'un grand quartier prioritaire qui
dépasse sur la ville d'Orly. À la différence de la limite entre Aubervilliers et Pantin dans
les Quatre Chemins, la séparation entre les deux est pratiquement insensible dans
l'espace urbain, en particulier à l'est du quartier. Il s'agit en fait d'un même grand
ensemble divisé en deux : côté Choisy, le quartier s'appelle les Navigateurs, et côté Orly,
les Aviateurs. La photo satellite ci-après montre cette continuité. La limite de commune et
celle du quartier est marquée par un trait noir épais.
Il semble exister des liens étroits de part et d'autre de cette limite, qui n'est pas perçue
comme telle. La carte montre aussi que la gare des Saules, côté Orly, est plus proche du
quartier que celle de Choisy-le-Roi : on y arrive dans moins de quinze minutes à pied,
contre au moins vingt pour rejoindre Choisy-le-Roi.
À l'échelle du quartier, la Départementale 5, appelée aussi Avenue Newton, représente
une barrière : c'est la route qui tourne au sud sur la photo aérienne ci-dessous. C'est une
route deux fois deux voies très large et très empruntée, qu'il est difficile de traverser. Une
opération ANRU 1 a déjà été menée sur une partie de ce quartier, du côté Briand
Pelloutier, à l'ouest du quartier. Les financements de l'ANRU 2 se concentrent donc
aujourd'hui sur le quartier des Navigateurs.
75
Figure 23 : Continuité entre les deux quartiers prioritaires de Choisy-le-Roi et d'Orly.
Sources : Géoportail (2014), SIG Politique de la ville, Cadastre. Réalisation : Capucine Frouin.
2.3.2 Une population pauvre dans un quartier déjà en partie rénové
Le quartier Sud de Choisy-le-Roi compte 2978 habitants en 2015, ce qui ne représente
qu'une part minime de la population totale de la commune, qui compte 43 405
habitants. Cette population est en augmentation depuis une dizaine d'années : la
production de nouveaux logements est continue, notamment dans le sud de la ville. Le
tableau ci-après compare les caractéristiques socio-démographiques des habitants du
Quartier Sud à celles du reste de la ville, du département, et de la région.
76
Quartier Sud Choisy-le-Roi Val-de-Marne Île-de-France
Taux de chômage 20,8% 12,2% 9,8% 12,6%
Part des la population
avec un niveau de
diplôme inférieur au BAC
74,3% 50,9% 46,0% 43,9%
Part de la population
diplômée du supérieur
10,7% 30,8% 36,5% 39,5%
Taux de pauvreté au seuil
de 60% du niveau de vie
médian métropolitain,
par UC médian
36,3% 19,8% 16,2% 12,2%
1er décile du revenu
disponible par unité de
consommation (€)
7 925
9338,8 10090 10223
Revenu médian
disponible par unité de
consommation (€)
13827 19104 21675 22522
9e décile du revenu
disponible par unité de
consommation (€)
22267 34603 42651,6 46425
Tableau 11 : Comparaison des caractéristiques socio-démographiques du quartier des Quatre Chemins
avec la ville, le département et la région. Source : INSEE, FILOSOFI 2013, RP 2014.
La population du Quartier Sud apparaît donc comme particulièrement en difficulté dans
une ville un peu défavorisée par rapport au département et à la région. Le taux de
chômage tout comme le taux de pauvreté sont particulièrement hauts et le niveau de
diplôme des habitants est particulièrement bas par rapport à la moyenne de la ville.
Depuis 2014, le quartier a connu un renouvellement urbain assez important, et de
nouvelles populations plus favorisées se sont implantées dans le secteur. On peut donc
supposer qu'aujourd'hui le contraste entre la situation à l'échelle communale et à
l'échelle du quartier prioritaire est moindre : le nombre d'habitants doit avoir
considérablement augmenté grâce à la construction des nouveaux logements.
Cependant, on l'a dit, la rénovation n'a eu lieu que sur une partie du quartier : nous
n'avons pas de données plus fines mais on peut supposer qu'il existe des différences
importantes au sein-même du quartier : des populations plus aisées à l'ouest du quartier,
et des populations plus en difficulté à l'est. Cela donne lieu à des besoins différents en
termes de commerces alimentaires.
77
2.3.3 Une forte disponibilité de produits frais mais inaccessible pour
les habitants du quartier ?
EN APPARENCE, UNE OFFRE FAVORABLE A LA SANTE : PAS DE FAST-FOOD ET
PLUSIEURS POINTS DE VENTE DE PRODUITS FRAIS
Figure 24 : L'offre commerciale alimentaire dans le quartier Sud. Sources : IGN, Base Sirene/INSEE, Open
Street Map, Open Data IDF. Réalisation : Capucine Frouin
78
La carte précédente montre l'offre commerciale disponible dans le Quartier Sud de Choi-
sy-le-Roi. On observe que cette offre est très limitée, et concentrée sur un pôle au nord. Il
n'y a pas de fast-foods dans l'enceinte même du quartier : un kebab, en rouge sur la
carte, se trouve à très grande proximité, mais, ne semble pas très fréquenté. Quand nous
sommes passés devant, un mercredi en semaine, il était fermé. Cependant, il ne semble
pas que cette situation résulte d'une particulière volonté de la Ville : les fast-foods sont
très nombreux dans le centre de Choisy. On peut supposer qu'il n'y a pas suffisamment
d'habitants dans le quartier pour que l'ouverture d'un fast-food soit rentable. De plus, on
peut le voir sur la carte, une offre de fast-food assez importante est disponible au sud-
ouest du quartier, à Orly, suffisamment proche pour que les habitants puissent s'y rendre
à pied. Qui plus est, il n'y avait pratiquement aucuns locaux commerciaux dans le quartier
avant la première rénovation, donc pas de possibilité d'installer un fast-food : les quatre
boutiques situées au-dessus de la limite nord du quartier étaient les seuls commerces
sédentaires disponibles à proximité du quartier, complétés par le marché qui avait lieu
une fois par semaine dans l'ancienne halle.
Lors de notre entretien avec l'EPT pour discuter du sort des commerces dans le projet de
rénovation urbaine99, nos interlocuteurs ont déclaré qu'il n'était pas question de per-
mettre l'installation de fast-foods dans les nouveaux locaux commerciaux qui seront
créés en pied d'immeuble dans la rénovation des Navigateurs, mais aucun outil particu-
lier pour permettre cela n'est évoqué. On peut supposer que des négociations avec les
aménageurs seront engagées.
Des commerces en pied d'immeubles ont déjà été ouverts côté Briand Pelloutier avec la
première vague de rénovation urbaine. Le schéma ci-après présente cette petite polarité
commerciale. Un nouveau supermarché a été construit, ainsi qu'une nouvelle halle pour
le marché : l'ancienne, de l'autre côté de l'avenue Newburn, a été démolie. D'autres
commerces sont disponibles, notamment une boucherie hallal et une boulangerie.
Le marché a lieu deux fois par semaine, les mercredis et samedis matin. La halle peut
accueillir une vingtaine de stands. Il s'agit d'un marché est exclusivement alimentaire : il
n'y a aucun volants autour du marché, alors que la place piétonne qui s'étend autour de
la halle le permettrait (figures 26 et 27).
99Entretien 4.
79
Figure 25 : Schéma de la place commerciale du Quartier Sud.
Sources : Enquête, cadastre. Réalisation : Capucine Frouin
Le supermarché Franprix a ouvert à la mi-juillet 2017. Une supérette de proximité de Au-
chan « A2Pas », devait ouvrir dans le local à l'été 2015 mais des difficultés avec le fran-
chisé ont retardé cette ouverture de près de deux ans. Il s'agit d'une relativement grande
surface, qui comporte un rayon fruits et légumes frais important, et une partie cafétéria
assez qui semble bien fonctionner les midis, comme le confirme la ville100. Comme l'offre
de restauration est réduite dans le quartier, une partie des ouvriers du bâtiment qui
construisent le quartier, ainsi qu'un peu des employés des zones d'activités proches du
quartier viennent y déjeuner. Les horaires d'ouverture sont assez larges, de 7h30 à
20htous les jours sauf le dimanche où le magasin est ouvert de 9h à 20h. Cette ampli-
tude horaire est un atout pour les habitants : cela permet de faire des courses en ren-
trant le soir, et éventuellement avant de partir le matin. Une ouverture si matinale est
rare, on peut supposer que la partie cafétéria fonctionne aussi aux heures de petit-
déjeuner.
100Entretien 7.
80
Figure 26 : Les commerces de la petite polarité commerciale du Quartier Sud. Photographies prises en
début d'après-midi par Capucine Frouin le 6 juin 2018.
Les commerces sont très visibles depuis l'avenue Newburn : les vitrines de la boulangerie
et du Franprix font l'angle et permettent ainsi de repérer le pôle de loin, comme on le voit
sur la photo 1 de la série ci-après. C'est un atout pour les habitants : on peut supposer
que ces commerces attirent aussi une clientèle de passage. Cela donne une garantie de
leur maintien dans le quartier en complétant le revenu des commerçants dégagé par les
achats des habitants eux-mêmes. La Ville évoque néanmoins des problèmes de station-
nement aux alentours de ce pôle commercial, ce qui peut atténuer ce phénomène.
Le boucher (photo 3) semble connaître un grand succès dans le quartier, d'après une
habitante101, ce que confirme la Ville : il est peu cher, et, comme la population musul-
mane est importante dans le quartier, la viande hallal correspond aux besoins d'une par-
tie des habitants. Pendant la période du Ramadan, il propose aussi des plats cuisinés
divers, et vend même du Selecto, le premier soda fabriqué en Algérie : d'après cette
même habitante, il s'agit d'une « madeleine de Proust » pour la rupture du jeûne. Il s'agit
donc d'un commerce solidement ancré dans son quartier.
Il existe donc une disponibilité assez élevée de produits frais dans le quartier Sud, créé
par les deux points de ravitaillement disponibles.
MAIS DES PRIX INADAPTES AUX BESOINS DES HABITANTS DES GRANDS
ENSEMBLES
Ainsi, en apparence, le Quartier Sud de Choisy-le-Roi est effectivement une oasis
alimentaire. Mais si on se penche de plus près sur l'intérieur des magasins, le constat est
différent. Ainsi, le marché comme le Franprix sont, d'après ceux que nous avons
interrogés, aussi bien la Ville, l'EPT et l'habitante avec qui nous avons discuté, proposent
des prix trop élevés pour les habitants du quartier. D'ailleurs, d'après l'EPT, aucun de ces
101 Femme, 41 ans, trois enfants. Entretien 6.
81
deux commerces ne marchent très bien en ce moment.
Nous nous sommes rendue sur le marché un mercredi matin : il n'y a là que trois
commerçants, un boucher et deux primeurs. C'est devant l'étal du boucher que nous
avons pu engager la conversation avec une habitante. D'après elle, celui-ci propose de la
« très bonne viande » mais « très chère ». Les primeurs « sont très chers aussi, et plus ils
ne sont pas bons » précise-t-elle. Elle indique aussi qu'il y a plus de monde le samedi :
tous les stands sont occupés et il y a plus de clients, mais les produits sont chers aussi.
D'après elle, on y retrouve « tous les bobos des pavillons » situés juste au nord du
quartier, dont elle fait elle-même partie, mais pas tellement les habitants de la cité des
Navigateurs, ce que le boucher confirme. Elle cite par exemple « un très bon fromager »,
commerçant déjà assez cher, présent les samedis, mais si cher qu'elle-même n'y achète
rien sauf pour « des occasions exceptionnelles ». Elle évoque aussi entre autres un
poissonnier, plusieurs primeurs, un boulanger.
Cette habitante nous raconte que, pendant les travaux de construction de la halle, le
marché se tenait sous une halle temporaire et plus ouverte, de l'autre côté de l'avenue
Newton, et qu'il y avait alors « beaucoup plus de monde » qui le fréquentait, et
notamment les habitants des Navigateurs. D'après elle, c'était « le même type de
commerçants », mais on peut supposer que le prix de l'emplacement dans la halle neuve
les a forcé à augmenter les prix, réduisant l'accessibilité des produits proposés. La Ville
confirme cette affirmation : le pic de fréquentation du marché Sud a eu lieu pendant qu'il
se tenait en plein-air, aussi bien pour les clients que pour les commerçants, mais le
retour dans une halle a cassé cette dynamique. D'après notre interlocuteur, la halle est
peu fonctionnelle pour les déchargements, ce qui explique en partie le désintérêt des
commerçants, car, d'après lui, la place n'est pas très chère. Pour expliquer la faible
fréquentation du marché, il évoque à nouveau le problème du stationnement, mais aussi
la tradition du marché. D'après lui, le marché Sud est un marché historique, qui
accueillait autrefois beaucoup plus de commerçants et se concentrait sur une offre de
qualité, avec des produits assez onéreux. Le marché a décliné depuis, mais les
commerçants continuent de se positionner sur une offre de qualité à des prix élevés.
La situation du Franprix est similaire : d'après l'EPT102, le panier moyen est inférieur à 10
€, ce qui signifie que le magasin ne sert que pour des courses de dépannage et non pour
des approvisionnements importants. D'après notre interlocuteur, les rayons du Franprix
ont déjà été plusieurs fois en restructuration car certains produits ne convenaient
102Entretien 5.
82
manifestement pas à la demande locale. Ce supermarché est encore relativement
récent, on peut supposer qu'il s'adaptera peut-être plus aux besoins de la population
dans le futur.
Alors que des études commerciales ont été menées pour déterminer les commerces à
implanter dans le quartier, on peut se demander comment une telle situation a pu voir le
jour. L'EPT évoque plusieurs raisons. D'une part, la volonté de la Ville de ne pas faire
concurrence au Lidl ouvert récemment sur l'autre rive de la Seine en ouvrant dans le
quartier un nouveau supermarché hard-discount. D'autre part, cela correspond à une
volonté de changer l'image du quartier : en proposant des commerces de qualité,
l'objectif est d'attirer une population plus aisée que celle qui se trouve initialement dans
le quartier, afin de favoriser la mixité sociale. C'est aussi la volonté du projet de
renouvellement urbain, qui va construire dans le quartier des logements en accession à
la propriété et des logements privés à la location. Le projet ne prévoit par ailleurs pas la
construction de nouveaux commerces alimentaires dans le renouvellement urbain : des
locaux d'activités seront créés en pied d'immeubles, mais seront plutôt destinées à des
professions médicales (l'offre de soin étant très limitée dans le quartier), à une micro-
crèche, et à des commerces non-alimentaires (comme un fleuriste par exemple) pour
créer de l'animation. Finalement, c'est donc plutôt à la population du quartier qui sera
amenée à s'adapter à l'offre commerciale plutôt que l'inverse.
D'après l'EPT, les habitants font leurs courses dans le Leclerc de Orly, qui est très grand,
très peu cher (« le moins cher du Val-de-Marne ») et qui se trouve à moins d'un quart
d'heure à pied du quartier. De plus, le tramway qui passera par le centre du quartier et
dont la construction est déjà entamée, le mettra à trois arrêts de tram, renforçant encore
son accessibilité. Les habitants se rendent aussi au marché du centre, qui lui est bien
moins cher et bien plus adapté en termes de prix d'après l'EPT. L'habitante que nous
avons rencontrée fait tout de même état de problèmes d'hygiène dans ce marché.
Ainsi, c'est sans doute parce que les études commerciales, auxquelles nous n'avons pas
eu accès, ont estimés que les besoins des habitants étaient satisfaits par l'offre déjà
existante que celle développées dans le quartier a plus été pensée pour les nouveaux
arrivants. Il ne s'agit pas moins d'un parti prix qui, s'il est justifiable, doit être noté.
83
Ainsi, dans le quartier Sud de Choisy-le-Roi, la disponibilité importante de fruits et
légumes frais ne sert pas nécessairement les habitants actuels. L'offre proposée
par les commerces qui augmentent cette disponibilité ne leur est pas accessible
car elle est trop chère. En revanche, elle correspond à la population que le projet
de rénovation urbaine souhaite attirer, c'est-à-dire une population plus aisée, en
concordance avec l'objectif de mixité véhiculé par l'ANRU.
Chacune de nos trois études montre que l'analyse par des données quantitatives ne
suffit pas à qualifier l'offre commerciale d'un quartier. Quatre-Chemins est le quartier où
la réalité de l'offre commerciale est la plus proche de celle décrite par la littérature
scientifique : il s'agit d'un marécage alimentaire, avec à la fois une densité très
importante de fast-foods et la possibilité claire pour les habitants de trouver de quoi
s'approvisionner en fruits et légumes frais « culturellement appropriés »103. Le quartier
Plaine-Cinéastes correspond lui aussi actuellement à notre définition du désert
alimentaire, néanmoins sa rénovation devrait lui permettre de se sortir de cette situation,
et ce sans qu'une augmentation particulière des prix des fruits et légumes ne puisse être
prévue, au contraire : la volonté de la mairie d'améliorer, notamment par l'agriculture
urbaine, l'accessibilité à des produits frais, semble traduire l'inverse. Il n'est pas certain
que des politiques aussi volontaristes puissent être mise en place dans tous les déserts
alimentaires d'Île-de-France. Enfin, le Quartier Sud de Choisy-le-Roi, s'il semble
représenter une oasis alimentaire, car la disponibilité de fruits et légumes est
importante, peut s'apparenter en fait à un mirage : cette offre est adaptée à la
population future (souhaitée) qui habitera le quartier rénové, et non pas à la population
actuelle.
Ainsi, les situations dans les quartiers prioritaires sont très différentes : on peut donc se
demander quelles dynamiques ont mené au façonnage de situations si différentes.
103 Everett, « Practicing Anthropology on a Community-Based Public Health Coalition ».
84
LE RÉSULTAT DE POLITIQUES
SUCCESSIVES : LA RÉNOVATION
URBAINE COMME MOTEUR DE
RÉIMPLANTATION DE L'OFFRE
COMMERCIALE DANS LES
QUARTIERS PRIORITAIRES
Comment expliquer de telles différences entre les quartiers prioritaires et les autres
territoires, et entre les quartiers prioritaires eux-mêmes ? En premier lieu, les
configurations commerciales que l'on trouve aujourd'hui dans les quartiers prioritaires
sont le fruit de politiques publiques successives, plus ou moins volontaristes et plus ou
moins efficaces, pour réguler ou maintenir une offre commerciale acceptable et adaptée
aux populations locales. Mais, on ne peut pas tout mettre sur le dos de l'indifférence des
autorités locales. D'autres facteurs peuvent expliquer les situations parfois difficiles de
l'offre alimentaire dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Nous verrons donc d'abord comment, dans les quartiers prioritaires et particulièrement
dans les quartiers de grands ensembles, les formes commerciales mises en places aux
85
origines ont périclité quand les groupes sociaux plus aisés sont partis et que la
ségrégation résidentielle s'est accentuée et comment la politique de la ville, notamment
par la rénovation urbaine, entend remettre en place une offre commerciale dans les
quartiers prioritaires pour favoriser la mixité, sans considération pour les conséquences
potentielles sur la santé des habitants. Nous verrons ensuite comment les outils aux
mains des collectivités pour favoriser une plus grande diversité dans les commerces ont
eux aussi une efficacité très réduite en dehors d'opérations nouvelles, à cause
notamment des autres acteurs de l'offre commerciale qui sont en jeu : nous aborderons
le rôle de chacun de ces acteurs dans une dernière partie, et l'influence potentielle de
chaque groupe sur la sécurité alimentaire des habitants des quartiers prioritaires.
3.1 La revitalisation du commerce dans les
quartiers prioritaires : banalisation des quartiers
plutôt que préoccupations de santé
Le critère de pauvreté des populations est certes le critère unique de sélection des
quartiers prioritaires104, mais l'idée de la politique de la ville demeure de pallier aux
dysfonctionnements urbains. Parmi les visées de la politique de la ville, l'une est de
« Garantir aux habitants des quartiers défavorisés l'égalité réelle d'accès aux droits, à
l'éducation, à la culture, aux services et aux équipements publics », et à « Favoriser la
pleine intégration des quartiers dans leur unité́ urbaine, en accentuant notamment (...)
leur mixite ́ fonctionnelle et urbaine (...) ; elle veille à ̀ ce titre a ̀ la revitalisation et la
diversification de l’offre commerciale dans les quartiers prioritaires de la politique de la
ville. » 105, donc notamment, garantir aux habitants des quartiers prioritaires l'accès à une
offre commerciale adaptée.
104« LOI n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine - Article 5 »,
2014-173 § (2014). 105« LOI n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine - Article 1 »,
2014-173 § (2014).
86
3.1.1 La dégradation des commerces dans les quartiers prioritaires :
un déclin qui accompagne la dégradation des quartiers
Dans les quartiers prioritaires, l'offre commerciale est en crise depuis le milieu des
années 1980 106 . Il y a vingt ans, le CREDOC fait déjà le constat que les centres
commerciaux, en particulier ceux des grands ensembles, ne répondent plus aux attentes
des habitants107, ni des commerçants, et fait état d'une vacance importante dans les
polarités commerciales des ZUS, en particulier dans les grands ensembles.
Les quartiers de grands ensembles, qui ne regroupent pas tous les quartiers prioritaires
mais dans lesquels vivent près des trois quarts des habitants des quartiers prioritaires en
France108, sont pensés initialement comme des « unités d'habitat » qui regroupent à la
fois « une masse de logements organisée en un ensemble « et « la présence
d'équipements collectifs (écoles, commerces, centre social, etc.) »109 . Résultat d'une
politique publique volontariste pour résorber la crise du logement qui sévit dans la France
de l'après-guerre110, ils sont ainsi fréquemment équipés de centres commerciaux censés
répondre aux besoins quotidiens des habitants, dans un style architectural en cohérence
avec celui des grands ensembles, donc sur dalle, comme le Centre Commercial Principal
d’Épinay-sous-Sénart. Mais les dysfonctionnements liés en partie à la cohabitation entre
classes sociales différentes se font rapidement sentir111, et les classes moyennes et les
franges supérieures des classes ouvrières quittent les grands ensembles pour être
remplacées par des populations plus fragilisées et des travailleurs immigrés 112 . Ce
départ entraîne une paupérisation de la population des zones urbaines sensibles, et une
baisse globale du pouvoir d'achat de ses habitants. Faute de clients, certains commerces
commencent à fermer leurs portes, d'autant que les faiblesses de ces centres
commerciaux apparaissent : d'une part, l'évasion commerciale vers les commerces de
centre-ville est très importante, et d'autre part, l'inadaptation des commerces au contexte
106Bruno Maresca et Laurent Pouquet, « Le commerce dans les cités, un potentiel qui requiert du
volontarisme et de l’innovation », Consommation et modes de vie (Paris: Centre de Recherche pour
l’Étude et l’Observation des Conditions de Vie (CREDOC), 30 juin 2000). 107Maresca et Pouquet. 108ONZUS, « Rapport de l’observatoire national des zones urbaines sensibles 2016 » (Paris: Observatoire
National des Zones Urbaines Sensibles, 2016), 19-21. 109Yves Lacoste, « Un problème complexe et débattu : les grands ensembles », Bulletin de l’Association de
Géographes Français 40, no 318 (1963): 40, https://doi.org/10.3406/bagf.1963.5657. 110Annie Fourcaut, « Qu’elle était belle la banlieue… », L’Histoire, no 315 (décembre 2006): 75-85. 111Jean-Claude Chamboredon et Madeleine Lemaire, « Proximité spatiale et distance sociale. Les grands
ensembles et leur peuplement », Revue française de sociologie 11, no 1 (1970): 3-33,
https://doi.org/10.2307/3320131. 112Cyprien Avenel, « La mixité dans la ville et dans les grands ensembles », Informations sociales, no 125
(2005): 6.
87
urbain dans lesquelles ils s'insèrent est mise en avant : petite taille, absence de parking,
insuffisance des voies d’accès et manque de visibilité, prix de vente excessifs des m²
commerciaux113.
La dégradation des bâtiments d'habitat comme des locaux commerciaux donnent une
image d'insécurité aux quartiers et éloignent les investisseurs potentiels114. Ce constat
est toujours d'actualité, dans les grands ensembles comme dans les autres quartiers
prioritaires, par exemple aux Quatre-Chemins. L'état des lieux menés par l'Epareca sur les
polarités commerciales dans les quartiers prioritaires d'Île-de-France constate « un aspect
dégradé et/ou vétuste » pour la moitié d'entre elles, et « des dysfonctionnements dans
l'entretien et la propreté des parties communes » pour plus des deux tiers115. Cela va de
pair avec la stigmatisation des habitants des « banlieues », qui apparaissent aussi bien
dans le discours des chercheurs que dans celui des hommes politiques et des médias
comme des « exclus », et les « quartiers » comme des « zones de non-droit », des
« ghettos » 116 , et qui continue d'exister. Cette dégradation de l'image des quartiers
prioritaires et de ces habitants pousse aussi les commerçants à quitter les lieux. De
même, et notamment à cause de la vacance importante, près des deux tiers des
polarités étudiées par l'Epareca en Île-de-France « dégagent un sentiment d'insécurité »,
qui n'est réelle que dans moins du tiers des situations. Ce même constat avait été fait par
le CREDOC en 2000, qui montrait qu'en dehors des actes de dégradation de biens
publics et des parties communes, la criminalité dans les ZUS n'était pas plus élevée
qu'ailleurs en ville.117
Ainsi, dans les quartiers prioritaires, la dégradation de l'offre commerciale, notamment
alimentaire, va de pair avec l'évolution de son peuplement et la stigmatisation de sa
population. Les efforts et les moyens mis en place dans le cadre de la politique de la ville
vont dans le sens d'une banalisation des quartiers prioritaires, aussi bien dans la
population que dans le tissu économique, en essayant d'obtenir une mixité, sociale
comme fonctionnelle118.
113Brigitte Guigou et al., « La mixité fonctionnelle au regard du commerce: retour sur 4 quartiers en
rénovation urbaine. », Rapport Final (Paris: IAU IDF, PUCA, mai 2015), 27. 114Maresca et Pouquet, « Le commerce dans les cités, un potentiel qui requiert du volontarisme et de
l’innovation ». 115 Epareca et CCI Paris Île-de-France, « Etat des lieux de l’activité commerciale dans les quartiers
prioritaires de la politique de la ville », Note d’analyse (Paris: Epareca, novembre 2015). 116Cyprien Avenel, « La construction du «problème des banlieues» entre ségrégation et stigmatisation »,
Journal français de psychiatrie, no 34 (2009): 37, https://doi.org/10.3917/jfp.034.0036. 117Maresca et Pouquet, « Le commerce dans les cités, un potentiel qui requiert du volontarisme et de
l’innovation », 4. 118 Objectif 7 : http://www.onpv.fr/donnees/les-10-objectifs-de-la-politique-de-la-ville
88
3.1.2 Les outils de la politique de la ville pour redynamiser le
commerce : un objectif de mixité sans considérations pour la sécurité
alimentaire
Face au constat de la dégradation de l'offre commerciale dans les quartiers prioritaires
de la politique de la ville, plusieurs outils ont été mis en place pour pouvoir y répondre. En
effet, la nécessité de « revitaliser » l'offre commerciale apparaît souvent comme une
priorité dans les contrats de ville, de façon à renforcer la mixité, sociale et fonctionnelle.
Plusieurs mesures mises en place à l'échelle nationale doivent permettre la
réimplantation de commerces, et plus généralement d'activités économiques, dans les
quartiers de la politique de la ville. Les « Territoires entrepreneurs », anciennes Zones
Franches Urbaines (ZFU) rebaptisées et réformées au 1er janvier 2015, permettent des
exonérations fiscales pour les entreprises qui s'y implantent : elles bénéficient d'un
dispositif complet d'exonération de charges fiscales et sociales pendant cinq ans. Il en
existe 100 en France aujourd'hui, dont 25 en Île-de-France : la Plaine-Cinéastes et le
Grand ensemble des Navigateurs qui comprend le quartier Sud de Choisy-le-Roi et le
Quartier Est d'Orly sont des ZFU – Territoires Entrepreneurs : le premier depuis 2004, le
second depuis 2006. En plus de ce dispositif, 500 millions d’euros sont mobilisés, sur la
période 2015-2020, pour « accompagner les investisseurs privés afin d’accélérer la
diversification sociale et fonctionnelle des quartiers »119 en renforçant les fonds propres
des entreprises qui s’installent dans les QPV. Ils proviennent pour moitié de la Caisse des
dépôts et pour moitié, du programme d’investissements d’avenir « ville durable et
solidaire », axe 2 « diversification des fonctions dans les quartiers de la politique de la
ville », mis en œuvre par l’ANRU120. Par ailleurs, la loi de finances rectificatives pour 2014
instaure pour cinq ans une exonération de la taxe sur le foncier bâti et de la contribution
économique territoriale, puis d'un abattement dégressif pour les trois années qui suivent,
pour les commerces qui emploient moins de onze salariés et dont le chiffre d’affaires
annuel hors taxe ou le total de bilan n’excède pas 2 millions d’euros dans les quartiers
prioritaires de la politique de la ville121. Ces dispositions fiscales spécifiques doivent aider
à l'ouverture et à la pérennisation de commerces de proximité dans les quartiers
prioritaires. Toutes ces mesures fiscales sont des mesures d'incitation, et ne peuvent en
119« L’ANRU, Investisseur d’Avenir », disponible ici :
https://www.anru.fr/var/ezflow_site/storage/original/application/d0b7bf9161a2763f98d1784ae0fce0
36.pdf 120Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), « Les commerces dans les Quartiers: une offre à
revitaliser et diversifier », En Bref, no 13 (février 2016): 4. 121« LOI n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014 - Article 49 », 2014-1655
§ (2014).
89
elles-mêmes renforcer la sécurité alimentaire dans les quartiers prioritaires : elles
dépendent aussi de l'existence de porteurs de projet volontaires et capables de tenir une
entreprise.
L'État finance l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des
espaces commerciaux et artisanaux (Epareca), créé en 1996 par la Loi du Pacte de
Relance pour la ville. L’Epareca conduit et porte des opérations d’implantation et de
développement d’activités commerciales dans les quartiers prioritaires sur saisine par les
communes ou les EPCI, « afin d'apporter du confort de vie et recréer durablement du lien
social » et de permettre à terme le « retour au droit commun dans le cadre du
marché » 122 aux polarités commerciales qu'elle accompagne. 33 opérations ont été
menées ou sont en cours en Île-de-France, parmi lesquelles une opération dans le
secteur des Quatre-Chemins, pour la création d'un pôle artisanal et non pas la
restructuration d'un pôle commercial 123 . Ainsi, l’Epareca réalise des travaux de
réhabilitation ou, plus souvent, de construction d’un nouvel équipement commercial,
dans le cadre d'un PRU ou pas, puis assure temporairement le démarrage de
l’exploitation et accompagne les commerçants jusqu’à la stabilisation de leur chiffre
d’affaires. Après quatre ans en moyenne, il met en vente l’établissement auprès
d’investisseurs privés 124 . L’Epareca mène aussi des études sur les polarités
commerciales au sein des quartiers prioritaires, appelées « état des lieux », qu'elle
actualise régulièrement, pour identifier les polarités commerciales les plus fragiles et les
opportunités de développement potentielles au regard de la situation sociale et
économique du quartier. Cependant, l'Epareca intervient uniquement dans des situations
où il est impossible pour un opérateur classique de mener à bien les opérations, pour des
raisons juridiques, s'il faut par exemple mettre en place une DUP ou des expropriations,
ou financières. Il s'agit donc d'une mesure exceptionnelle.
Ainsi, il existe plusieurs dispositifs spécifiques visant à redynamiser les commerces dans
les quartiers prioritaires. Le commerce est décrit par les acteurs, notamment par l'ANRU
et l'Epareca, comme un moyen de créer de la cohésion sociale dans les quartiers en plus
de créer de l'emploi, et de contribuer à la banalisation les quartiers prioritaires. La
question des commerces alimentaires n'est pas du tout traitée comme un élément à part
122D'après : http://www.epareca.org/pourquoi-epareca 123Fiche disponible ici : http://www.epareca.org/les-operations/pantin-les-quatre-chemins/131 124Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), « Les commerces dans les Quartiers: une offre à
revitaliser et diversifier ».
90
du commerce : on peut la rapprocher du commerce de proximité125, mais ce n'est pas le
seul élément qui y soit inclus. L'enjeu du retour ou de l'implantation des commerces dans
les quartiers prioritaires n'est pas donc lié aux questions de santé pour les habitants, ou
de sécurité alimentaire, ce thème étant traité par la politique de la ville plutôt sous l'angle
de l'accès aux soins et à la prévention126.
3.1.3 Mixité sociale et enjeux pour les commerces : de la mise en
place de mirages alimentaires
La mise en place d'une mixité sociale et fonctionnelle est centrale dans les projets de
renouvellement urbain financés par l'ANRU, et passe notamment par la redynamisation
des espaces commerciaux127. Il semble exister une double dynamique : la création de
logements adaptés à une population plus aisée que celle des quartiers populaires
accompagne la création de commerces adaptés aux demandes de ces nouvelles
populations, mais il semble que l'inverse puisse exister aussi, comme dans le quartier
Sud de Choisy-le-Roi. Or, cela peut représenter un risque pour les habitants initiaux des
quartiers populaires, qui perdent alors leurs lieux d'approvisionnement, ou en tout cas ne
voient pas leur situation s'améliorer. Si, à Choisy-le-Roi, le choix de développer une offre
qui pourra être appropriée par les nouveaux habitants peut se justifier au regard de
l'environnement alimentaire alentours qui permet aux habitants initiaux de continuer à
s'approvisionner sans trop de difficultés, ce n'est peut-être pas le cas partout.
Ainsi, alors que le quartier Sud semble représenter un oasis alimentaire, il s'agit plutôt
d'un « mirage alimentaire ». La notion de « mirage alimentaire » émerge aux États-Unis : la
première mention du terme apparaît en 2007128 mais n'est pas reprise immédiatement :
elle réapparaît en 2011129, pour décrire l'environnement alimentaire du nord de Portland,
dans l'Oregon : l'auteure étudie les moyens employés par les parents hispano-américains
pour s'approvisionner pour leurs enfants. Ainsi, si plusieurs grandes surfaces
125Celui-ci est définit par l'INSEE comme « le commerces de quotidienneté, dans lesquels le consommateur
se rend fréquemment, voire quotidiennement » et inclut donc entre autre les commerces alimentaires
spécialisés, les alimentations générales, les supérettes, les marchés, les traiteurs, les cafés-tabacs, les
commerces de livres, journaux et papeterie et les pharmacies. Source : Gwennaël Solard, « Le
commerce de proximité », INSEE Première (Paris: INSEE, mai 2010). 126 D'après : http://www.onpv.fr/donnees/les-10-objectifs-de-la-politique-de-la-ville 127 Objectif 7 : http://www.onpv.fr/donnees/les-10-objectifs-de-la-politique-de-la-ville 128 Anne Short, Julie Guthman, et Samuel Raskin, « Food Deserts, Oases, or Mirages?: Small Markets and
Community Food Security in the San Francisco Bay Area », Journal of Planning Education and Research 26,
no 3 (1 mars 2007): 352-64, https://doi.org/10.1177/0739456X06297795. 129 Margaret Everett, « Practicing Anthropology on a Community-Based Public Health Coalition: Lessons from
Heal », Annals of Anthropological Practice 35, no 2 (2011): 10-26, https://doi.org/10.1111/j.2153-
9588.2011.01079.x.
91
alimentaires existent près de chez eux, les parents préfèrent faire leurs courses ailleurs
car ils estiment que ceux-ci sont trop chers et ne proposent pas suffisamment de
produits culturellement appropriés. L'auteure parle donc de mirage alimentaire : s'il
semble exister des moyens pour les habitants d'acquérir des fruits et légumes frais, ceux-
ci sont inadaptés et ne sont donc pas appropriés. Les conséquences pour la santé des
mirages alimentaires sont, selon elle, les mêmes que celle d'un désert alimentaire. Ainsi,
les mirages alimentaires ne sont pas repérables uniquement en étudiant la localisation
des commerces, il faut entrer dans les commerces et étudier l'achalandage et les prix :
c'est pourquoi nous ne l'avons pas évoquée plus haut. La présence de commerces
alimentaires donnent l'impression d'un oasis quand cette offre est en réalité destinée au
segment plus favorisé de la population et n'augmente pas l'accès aux produits frais du
reste de la population, ou même, le réduit en faisant disparaître les petits commerces,
notamment les commerces ethniques, qui permettaient aux habitants de se fournir en
aliments culturellement appropriés130.
Les auteurs qui mobilisent la notion de mirage alimentaire le relie à un changement de
population, ou à la présence d'une population mixte, et en particulier au phénomène de
gentrification131. On ne peut pas parler de gentrification à Choisy-le-Roi : la ville se trouve
loin de Paris, et n'attirent pas particulièrement une population diplômée. Cependant, la
dynamique à l’œuvre dans le quartier Sud met en lumière une limite de la politique de
mixité sociale dans les projets de renouvellement urbain financé par l'ANRU. Si l'idéal de
mixité est difficile à remettre en cause dans sa théorie, son application est plus
complexe 132 et, dans le cas présent, prendre le parti d'attirer une population plus
favorisée peut revenir à mettre en difficulté la population initiale.
Ainsi, la politique de la ville et ses outils permettent, en promouvant la mise en
place d'une mixité à la fois sociale et fonctionnelle, de favoriser la mise en place
d’une offre commerciale qui avait disparu des quartiers prioritaires en même
temps que l'image de ces derniers et de leur population s'était dégradée. Ces
politiques publiques ne tiennent pas compte des problématiques de santé liées
130Morris D C Komakech et Suzanne F Jackson, « A Study of the Role of Small Ethnic Retail Grocery Stores
in Urban Renewal in a Social Housing Project, Toronto, Canada », Journal of Urban Health : Bulletin of
the New York Academy of Medicine 93, no 3 (juin 2016): 414-24, https://doi.org/10.1007/s11524-016-
0041-1. 131Daniel Sullivan, « From Food Desert to Food Mirage: Race, Social Class, and Food Shopping in a
Gentrifying Neighborhood », Advances in Applied Sociology, 1 janvier 2014,
https://doi.org/10.4236/aasoci.2014.41006. 132Marie-Hélène Bacqué et Patrick Simon, « De la mixité comme idéal et comme politique », Mouvements
no13, no 1 (2001): 22-24, https://doi.org/10.3917/mouv.013.0022.
92
au commerce ou de sécurité alimentaire, et construisent parfois des offres
commerciales qui ne conviennent pas à la population initiale des quartiers.
Ces politiques publiques sont mises en place à une échelle globale, il convient
maintenant d'étudier les outils locaux aux mains des communes pour permettre
la diversification de l'offre commerciale dans les quartiers prioritaires.
3.2 Des outils juridiques parfois difficiles à
mettre en place pour contrôler l'offre commerciale
Les communes et intercommunalités disposent de divers outils juridiques pour agir sur
les commerces dans leurs territoires, mais ceux-ci sont parfois difficiles à mettre en
œuvre : ils sont souvent coûteux, et reposent parfois sur des bases légales délicates.
3.2.1 Le droit de préemption sur les fonds commerciaux : un outil
juridique fragile
La création d'un périmètre de sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité est
un des outils aux mains des municipalités pour limiter la multiplication des fast-foods et
permettre la diversification commerciale. Cela permet à la mairie d'exercer un droit de
préemption sur les fonds de commerces ou les baux mis en vente dans une zone
délimitée. Cette disposition est mise en place par la loi du 2 août 2005 en faveur des
PME, et a été modifiée par diverses lois depuis, dont la dernière ne remonte qu'au 18 juin
2014. Il s'agit de la loi Artisanat, Commerce et TPE dite ACTPE, qui a fait l'objet de deux
décrets d'application en juin 2015, et qui modifie les articles L 214-1 à L214-3 du code
de l'urbanisme, sur le Droit de préemption des communes sur les fonds artisanaux, les
fonds de commerce, les baux commerciaux et les terrains faisant l'objet de projets
d'aménagement commercial133. Dans ce cadre, le cédant (celui qui vend le bien) doit
déclarer la vente à la mairie deux mois avant la signature de l'acte, en précisant entre
autre l'activité de l'acquéreur pressenti. La mairie a alors deux mois pour exercer son
droit de préemption, soit en achetant le fond au prix et aux conditions de la déclaration,
on parle d'accord parfait, soit aux prix et conditions fixés par le juge d'expropriation
qu'elle saisit. Sans réponse au-delà de deux mois, on considère qu'elle a renoncé à son
133 Disponibles ici :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?idSectionTA=LEGISCTA000019295067&cidTexte=LEGITE
XT000006074075
93
droit de préempter134. La raison pour laquelle le droit de préemption est exercé doit être
précisée135.
Dans l'application, l'exercice du droit de préemption sur les fonds et baux commerciaux
peut être difficile à exercer pour la commune, pour plusieurs motifs. D'une part, cela
coûte cher aux communes : la loi ACTPE permet aux communes de transférer la
compétence de préemption à d'autres opérateurs, notamment l'EPCI ou un établissement
public foncier ou d'aménagement, pour parer ce problème financier. D'autre part, la
commune doit pouvoir justifier que la préemption permettra la diversification des
commerces, et cela est souvent difficile, en particulier en cas de recours contre la
procédure. C'est le cas à Pantin : un périmètre de préservation existe sur le territoire des
Quatre-Chemins, mais la procédure « coûteuse et complexe » qu'est la préemption n'est
jamais utilisée ou presque (depuis quatre ans que le chargé de mission que nous avons
rencontré est en poste, aucun commerce n'a fait l'objet d'une préemption) justement
parce qu'il est difficile de justifier de la diversification. En effet, il explique que, ailleurs,
des communes ont tenté d'exercer leur droit de préemption en disant qu'elles refusaient
la restauration rapide mais « on ne peut pas préempter en disant "je veux plus de
restauration rapide", on peut préempter en disant : « je n’ai pas de commerces de
vêtements, et là je vais mettre un commerce de vêtements". » ce qui rend les choses
difficiles. Cela représente tout de même « un bon outil de négociation et d'observation de
l'évolution des commerces » puisque le cédant à l'obligation de déclarer les ventes à la
mairie. Pendant les deux mois d'instruction, la mairie peut en savoir plus sur les
nouvelles activités qui vont être proposées, et peut poser avec le nouvel acquéreur un
cadre d'exercice du commerce, notamment sur les horaires d'ouverture et les conditions
d'hygiène.
L'outil de préemption des fonds de commerces dans les périmètres de sauvegarde n'est
pas suffisant pour empêcher le développement des fast-foods mais permet tout de
même de mettre en place un certain niveau de contrôle et des bases permettant la
négociation.
134Dominique Moreno, « Préemption commerciale en trois questions », Fiche de Synthèse (CCI Paris - Île-de-
France, septembre 2015). 135« Code de l’urbanisme - Article L210-1 », L210-1 Code de l’urbanisme § (2017).
94
3.2.2 Devenir propriétaire des murs : un moyen efficace mais coûteux
En dehors des procédures spécifiques comme dans le cadre d'un périmètre de
sauvegarde de l'artisanat et du commerce de proximité, le maire, en tant que
représentant de l'État, a la possibilité d'exercer un droit de préemption sur les immeubles
dans le cadre d'un projet d'aménagement qui vise notamment à « organiser le maintien,
l'extension ou l'accueil des activités économiques » ou « à permettre le renouvellement
urbain »136 dans une perspective d’intérêt général137 . Ainsi, à Épinay-sous-Sénart, la
mairie a pu exercer son droit de préemption sur le Centre commercial principal quand le
bailleur a voulu le vendre à un groupe d'investissement américain en 2011, et ainsi de se
rendre propriétaire des murs. Cela a été possible en partie grâce aux excédents de la
rénovation du quartier des Cinéastes : c'est aussi ce qui explique le fait que ce projet soit
encore en cours aujourd'hui.
En dehors d'un projet d'aménagement important, c'est-à-dire souvent dans les quartiers
prioritaires d'un projet de renouvellement urbain, cet outil de préemption est certes utile,
mais sa portée est bien moindre. À Pantin, la mairie souhaite développer une stratégie
similaire. Le développement de cette politique est encore en phase d'étude pour
déterminer quel type de murs seront acheté, mais 200 000 € sont déjà budgétés pour
acheter une coque commerciale par an, l'objectif étant d'y installer un commerçant
pendant deux ou trois ans puis, une fois qu'il est bien installé, lui revendre les locaux de
façon à ne pas perdre d'argent. Cette stratégie permet à la mairie de contrôler qui
s'installe dans les lieux et de négocier les conditions : c'est donc une stratégie très
favorable a priori à la mise en place de commerces sains. Mais c'est aussi une stratégie
coûteuse puisque, si à terme le local est revendu il faut tout de même pouvoir l'acquérir
au début. Qui plus est, à Pantin en tout cas, l'objectif est d'acquérir « une coque par an »
sur toute la commune : difficile dans ce cas d'entraîner un changement dans l'offre
commerciale à courts ou moyens termes. Qui plus est, à cause du déficit d'image des
Quatre-Chemins, et de la situation économique de ces habitants, il est difficile de trouver
des porteurs de projet prêts à s'y installer : cette situation est généralisable aux autres
quartiers prioritaires.
Ainsi, entraîner des changements véritables dans l'offre commerciale en agissant sur le
commerce déjà existants des quartiers prioritaires est difficile en dehors d'opérations de
grande ampleur. En revanche, il est plus facile d'agir dans le cadre de constructions
136« Code de l’urbanisme - Article L300-1 », L300-1 Code de l’urbanisme § (2016). 137Code de l’urbanisme - Article L210-1.
95
neuves, les marges de manœuvre des villes et des intercommunalités sont plus
importantes.
3.2.3 Choisir les implantations dans les locaux neufs : une
opportunité pour les communes, à nuancer pour les habitants ?
C'est le moyen le plus efficace d'après la mairie de Pantin : il existe donc dans le cadre de
la rénovation urbaine. Effectivement, dans les Quatre-Chemins, en bordure de quartier
surtout mais aussi dans le cadre de la rénovation d'un îlot qui a permis notamment
l'ouverture de l'Intermarché que nous avons décrit précédemment, de nouveaux
logements sont sortis de terre, et des locaux commerciaux en pied d'immeuble avec eux.
La mairie explique qu'elle peut aller dans ces cas-là négocier avec l'opérateur ou le
bailleur les conditions d’accueil des nouveaux commerçants : « on impose nos candidats,
on négocie les prix de sortie ». Cela lui permet à la fois de décider quel type d'offre
commercial pourra apparaître dans le quartier, mais aussi d'assurer la pérennité de cette
offre : en négociant les prix de sortie des locaux, elle peut s'assurer de la survie du
commerce, et de sa capacité à mettre en place des politiques de prix « intéressantes
pour la population ».
C'est aussi ce que projette de faire la ville de Choisy-le-Roi dans le cadre de la rénovation
du quartier Sud. Cette possibilité ne repose pas sur un outil juridique précis : elle est
définie dans la programmation commerciale que communes et aménageurs définissent
ensemble. Si, à Pantin, la ville estime pouvoir « imposer » ses candidats, à Épinay, les
propos sont plus nuancés : la ville participe à la définition du programme commercial,
c'est-à-dire les surfaces commerciales qui seront construites ou réhabilitées, et du type
de commerces qui seront implantés à l'intérieur, mais l'aménageur « a le dernier mot ».
Finalement, les communes peuvent agir sur le commerce dans les quartiers
prioritaires, dans le cadre de la rénovation urbaine essentiellement : elles ont
dans ce cadre des budgets importants, et des marges de manœuvres pour
participer au choix des premiers locataires de locaux commerciaux tout juste
construits. En dehors de ce cadre spécifique, il semble que les outils, notamment
juridiques, aux mains des communes et des intercommunalités ne leur
permettent que rarement d'avoir un véritable contrôle sur l'implantation des
commerces dans les quartiers prioritaires, donc sur l'insécurité alimentaire liée à
la disponibilité de produits, en dehors des opérations de rénovation urbaine. Les
périmètres de sauvegarde permettent d'observer les changements mais ne
96
représentent pas un véritable moyen d'action et le droit de préemption n'a qu'un
impact limité puisqu'il est trop coûteux pour être vraiment fréquemment exercé.
On peut s'interroger sur les raisons de ce manque d'efficacité.
3.3 Des jeux d'acteurs qui compliquent la mise
en place d'une offre favorable à la santé des
populations
Il est tentant de dénoncer l'indifférence ou le manque d’outils juridiques à la disposition
des mairies pour expliquer l'état actuel de l'offre commerciale dans les quartiers
prioritaires, et l'influence qu'à cette dernière sur l'état de santé des habitants. Seulement,
en s’appuyant sur nos trois cas d’étude, ce constat semblerait à priori erroné et peu
représentatif de la complexité des situations et la diversité des besoins sur ces territoires.
Effectivement, sur nos trois territoires d'étude au moins, les collectivités essaient de
mettre en place une offre commerciale plus saine, en luttant contre les fast-foods et en
mettant en place notamment une offre de supermarché et de marché. Cependant, la
bonne volonté ne suffit pas nécessairement, car tout n'est pas entre les mains des
communes, et des jeux d'acteurs plus complexes peuvent expliquer les difficultés.
3.3.1 Des difficultés pour trouver des commerçants capables
d'améliorer l'offre alimentaire
Une des difficultés concernant l'offre commerciale dans les quartiers prioritaires, c'est la
difficulté à trouver des commerçants capables de proposer une offre. En effet, à Pantin
par exemple, la commune dit tenter d'orienter une partie des « porteurs de projet » qui
demandent des autorisations pour ouvrir des commerces sur le secteur des Quatre-
Chemins, mais ceux-ci refusent, pour plusieurs raisons. D'une part, les Quatre-Chemins
souffrent d'une image négative, comme beaucoup de quartiers prioritaires : des
problématiques similaires ont été évoquées à Choisy et à Épinay. Le quartier a une
mauvaise réputation, notamment en termes de « propreté » et de « sécurité », et cela
repousse les commerçants potentiels. D'autre part, les quartiers prioritaires concentrent
une population pauvre, et quand le processus arrive à l'étape des études de marchés,
celles-ci indiquent que le commerce ne pourrait pas survivre dans le quartier.
À l'inverse, il arrive que les porteurs de projets existent mais ne conviennent pas à la
97
municipalité. À Épinay-sous-Sénart par exemple, les services de la vie économique disent
n'avoir jamais reçu autant de demandes de locaux que depuis la rénovation du centre
commerciale, mais ont des difficultés à trouver des porteurs de projets qu'ils estiment
capables de tenir un commerce : « il n'y a pas vraiment de projet : un jour c'est une
épicerie exotique, le lendemain ils me rappellent pour me dire que finalement ce sera
un magasin de vêtements... ».
Cette situation est la même sur les marchés : le marché Sud de Choisy-le-Roi est un
marché historique qui, d'après la mairie, a toujours été plutôt onéreux et tourné vers des
produits plutôt haut-de-gamme. Sa clientèle a toujours été celle des pavillons au Nord du
quartier, et dans une certaine mesure celle de Thiais, commune voisine plus aisée. Après
la rénovation de la halle, la ville a tenté de faire venir des commerçants plus accessibles
pour les habitants des grands ensembles, notamment sur le parvis extérieur plutôt qu'à
l'intérieur de la halle, mais n'a pas réussi à les maintenir sur le terrain, faute de
rencontrer une clientèle adéquate.
Cette difficulté à trouver des porteurs de projets peut expliquer en partie pourquoi les
fast-foods sont si nombreux, à Pantin mais aussi dans les autres quartiers prioritaires.
Aucun diplôme n'est nécessaire pour ouvrir un restaurant : il suffit qu'un des employés
puisse justifier d'une formation en matière d'hygiène alimentaire, formation courte de
14h138. De plus, les apports personnels pour ouvrir un fast-food sont peu élevés si le
commerce est indépendant plutôt que franchisé, et si le restaurant n'a pas de salle pour
consommer sur place : entre 20 000 et 50 000 € pour le local et la décoration, la petite
publicité et l'achat du matériel, et la formation139. Qui plus est, cela correspond à un type
de situation que les porteurs de projets recherchent : installation à son propre compte,
dans la proximité 140 . Ainsi, ce sont des commerces faciles à monter, accessibles
financièrement pour les populations et qui a priori donc permettent de dégager du profit
pour les propriétaires. Aux Quatre-Chemins, il y a un turn-over très important : d'après la
mairie, ce sont des « roulements sur trois ans » : le fonds de commerce est repris, le
chiffre d'affaire un peu augmenté, puis le fonds de commerce est revendu, « pour se faire
une petite plus-value. ».
138D'après : https://www.guichet-entreprises.fr/fr/activites-reglementees/alimentation/restauration-rapide-
vente-a-emporter/ 139Alain Battegay, « Les commerces ethniques et le milieu urbain : Les commerces de kebabs, analyseurs
d’un régime ambivalent de citoyenneté ? », Migrations Société, no 136 (2011): 143,
https://doi.org/10.3917/migra.136.0137.. 140Battegay, 144.
98
On peut s'interroger aussi sur le rôle de la grande distribution dans la constitution
d'environnements alimentaires défavorables dans les quartiers prioritaires de la politique
de la ville. Nos trois quartiers disposent aujourd'hui tous les trois de supermarchés, ce
qui doit contribuer à la réduction de l'insécurité alimentaire pour les habitants. Mais deux
d'entre eux existent depuis peu : avant l'ouverture de l'Intermarché des Quatre-Chemins
en 2015, il n'y avait qu'un hard-discounter, à l'achalandage plus réduit, dans le quartier.
Dans le quartier Sud, il existait une supérette Sitis, déjà plus réduite qu'un supermarché
puisque les magasins font entre 100 et 300 m²141, démolie par la rénovation urbaine en
2010. Il a fallu attendre presque sept ans avant l'ouverture d'une nouvelle grande
surface dans le quartier.
Le sous-équipement des quartiers prioritaires en supermarchés et hypermarchés est
particulièrement marqué. D'après le CGET, il existe, par habitant, 110 % d’établissements
de cette catégorie en plus dans les agglomérations comportant un QPV que dans les QPV
eux-mêmes142. Or, le développement du format supermarché est stratégique pour les QPV,
car il permet, on l'a dit, d'augmenter la disponibilité des fruits et légumes frais pour les
habitants. L’implantation ou la réimplantation des supermarchés doit donc permettre de
réduire l'insécurité alimentaire dans les quartiers prioritaires, or, il est souvent difficile de
trouver des grandes chaînes volontaires pour ces locaux. Effectivement, les faibles
niveaux de revenus des habitants des quartiers prioritaires jouent immanquablement en
leur défaveur dans les études commerciales mises en place par les grandes chaînes
avant l'ouverture d'un nouveau magasin : ça n'est pas dans leur intérêt que de mettre en
place un commerce déficitaire, sauf peut-être à spéculer sur les possibilités d'attirer une
clientèle plus large dans l'avenir, comme dans le cas du Franprix du quartier Sud : en plus
de la population nouvelle attendue dans le quartier, l'arrivée du tramway 9, qui s'arrêtera
tout près du magasin d'après la ville, peut laisser présager à une clientèle plus
importante d'ici quelques années.
3.3.2 Bailleurs sociaux et gestion des commerces
La question du rôle des bailleurs dans l'offre commerciale des quartiers prioritaires est
un point qu'il est intéressant de soulever : nous l'avons abordé avec un spécialiste de
l'habitat et notamment des politiques de logement social. Selon lui, les bailleurs sont
parfois contraints de construire des locaux commerciaux dans leurs projets de
141 D'après : https://www.diapar.com/enseignes/sitis 142Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), « Les commerces dans les Quartiers : une offre à
revitaliser et diversifier », 2.
99
logements, qu'ils ne sont pas nécessairement en mesure de gérer correctement par la
suite, faute d'expertise ou de moyens financiers : cela ne fait pas partie initialement de
leurs missions que de gérer des locaux commerciaux. Cela peut les pousser à laisser se
dégrader les locaux, faute de moyens pour les entretenir, ou à autoriser l'installation de
tous porteurs de projets volontaires sans considérations pour la qualité de l'offre
commerciale du quartier tant que le local est rentable. Cette hypothèse première est
évidemment à nuancer. Pour l'ouverture d'un fast-food par exemple, et notamment d'un
kebab, il semble qu'il soit difficile pour un porteur de projet de trouver un local en pied
d'immeuble dans les résidences HLM, et ce quelle que soit la qualité du dossier143.
Nous n'avons ici que l'exemple d'Épinay-sous-Sénart, et n'avons pas pu pousser plus
avant cette piste, mais il s'agit d'une piste intéressante pour expliquer la multiplication
des fast-foods dans certains quartiers prioritaires, ou sur le délabrement d'une partie des
locaux commerciaux dans les quartiers de grands ensembles, même s'il faut la nuancer :
dans certains cas, comme par exemple dans la cité des Indes à Sartrouville, où le bailleur
social Logement Français a contribué à l'ouverture d'un marché de produits frais à prix
réduits en 2004, pour « faciliter la vie » des habitants144.
3.3.3 Le rôle des communes et intercommunalités elles-mêmes
Finalement, le dernier acteur qui peut potentiellement faire obstacle à la mise en œuvre
au niveau urbain d'un commerce favorable à la santé des habitants des quartiers
prioritaires, ce sont les communes et les intercommunalités elles-mêmes.
Par exemple, si l'on revient à la notion de mirage alimentaire et de son lien avec la
gentrification, le discours de la municipalité et de l'EPT sur le sujet montre une certaine
ambiguïté. Le quartier des Quatre-Chemins ne peut pas encore être considéré comme
gentrifié, mais les constructions nouvelles, notamment dans l'opération qui a permis la
construction de l'Intermarché mais aussi les opérations de rénovation ailleurs dans le
quartier, menées par des opérateurs privées, ont amené de nouvelles populations dans
le quartier, a priori plus aisées que les populations initiales. À la fois, la volonté de
conserver sur place la population locale est clairement exprimée par la mairie, mais celle
d'améliorer la qualité de l'offre commerciale en proposant des commerces susceptibles
143Battegay, « Les commerces ethniques et le milieu urbain », 144. 144Véronique Beaugrand, « Sartrouville : le marché qui fait revivre la cité des Indes », Le Parisien, 23 mai
2004, http://www.leparisien.fr/paris/sartrouville-le-marche-qui-fait-revivre-la-cite-des-indes-23-05-
2004-2005003180.php.
100
d'attirer la population gentrifiée est sensible aussi, et cette offre sera vraisemblablement
moins accessible aux habitants actuels.
Cette offre appropriée est cependant potentiellement menacée, notamment par les
changements de populations et les changements dans l'offre commerciale qu'elle
amène : le quartier pourrait devenir, comme à Choisy-le-Roi, un mirage alimentaire en
même temps que l'offre commerciale « s'améliore » pour satisfaire les besoins d'une
population aux enjeux différents145. Ce constat peut probablement être étendu à d'autres
marécages alimentaires présents en Île-de-France : on l'a dit, ce sont surtout des
quartiers de la petite couronne, dans des communes voisines de Paris, et notamment en
Seine-Saint-Denis. Le phénomène de gentrification les concerne donc aussi.
À Épinay-sous-Sénart, c'est l'angle de l'auto-production qui apparaît comme une solution
au déficit d’offre locale, et à l'apparente incompatibilité entre ce qui est perçu comme
une offre saine et les moyens des habitants. Ainsi, plutôt que d'installer « un maraîcher
bio (…) que les habitants ne pourraient pas se payer », la ville prévoit l'ouverture d'une
« ferme urbaine » gérée par elle sur le toit du Franprix : « les légumes produits dans notre
serre pourraient être revendus une misère aux spinoliens ». Cette interprétation du rôle
des communes comme fournisseur « en circuits très très courts de bien de
consommations » pour les habitants apparaît comme très volontariste. On peut se
demander si les plus larges marges de manœuvres laissées par l'intercommunalité, et le
contexte du quartier prioritaire de la Plaine-Cinéastes, avec une population moins en
difficulté aussi bien dans le quartier qu'autour du quartier146, ne joue pas un rôle dans
la possibilité de mettre en place une telle politique. Néanmoins, la présence de
personnes motrices dans les communes est un facteur qui joue en la faveur de
l'application de politiques publiques innovantes : c'est ce qui semble être le cas ici. Dans
le cas d'Epinay, les projets sont très clairement portés par la mairie elle-même, sans
véritable appui associatif ni même citoyen : une concertation a été organisée mais,
d'après la ville « ça n'est pas dans [leurs] traditions » d'autant que l'organisation de tels
événements est lourde et que la mairie a déjà du pain sur la planche : « on fait de notre
mieux », « au moins le minimum : de l'information ». On peut s'interroger sur l'avenir de
ces projets si ces personnes-motrices venaient à sortir du paysage.
145Marie Chabrol, Mathieu Van Criekingen, et Antoine Fleury, « Commerce et gentrification: Le commerce
comme marqueur, vecteur ou frein de la gentrification. Regards croisés à Berlin, Bruxelles et Paris. », in
Le commerce dans tous ses états. Espaces marchands et enjeux de société, par Arnaud Gasnier et
Nathalie Lemarchand, Presses Universitaires de Rennes (Rennes, 2014), 277-92,
http://hdl.handle.net/2013/. 146Marie-Angèle Lopes et Muriel Naudin-Adam, « Val d’Yerres Val de Seine, Atlas cartographique IAU Île-de-
France / 8 juillet 2016 Coordination par Marie-Angèle Lopes et Muriel Naudin-Adam, sous la direction
de Anca Duguet » (Paris: IAU IDF, 18 juillet 2016), 22.
101
Ainsi, l'interprétation de ce qu'est une offre favorable pour la santé des habitants qu'ont
les municipalités peut jouer un rôle dans l'organisation commerciale des quartiers
prioritaires.
Finalement, les difficultés que rencontrent les communes quant à la mise d'une
offre commerciale favorable à la sécurité alimentaire en dehors du contexte de la
rénovation urbaine tiennent également aux jeux d'acteurs complexes qui peuvent
se mettre en place dans les quartiers prioritaires : trouver des commerçants
qu'elles jugent capables de mettre en place une offre favorable n'est pas chose
aisée à cause de l'image négative de ces quartiers. De plus, les propriétaires des
locaux commerciaux, notamment les bailleurs sociaux, ne sont pas
nécessairement en mesure de gérer correctement ces locaux, ou de mettre en
place une alimentation favorable : ça n'est pas leur métier initialement. Enfin, les
représentations de la santé et d'une alimentation saine ainsi que les arbitrages
entre différents enjeux des acteurs des communes eux-mêmes jouent un rôle
important dans le choix des commerces mis en place. Il s'agit donc de jeu
d'acteurs complexes, difficiles à mettre en action dans le sens d'un commerce
plus favorable à la sécurité alimentaire en dehors des grands projets.
102
Finalement, les différences que l'on observe aujourd'hui entre les quartiers prioritaires et
le reste du territoire tiennent à des politiques publiques successives et aux idéaux qui
traduisent les représentations de la ville, du commerce, et dans une moindre mesure de
la santé des acteurs qui les mettent en place. À une échelle nationale, la volonté de ba-
naliser les quartiers prioritaires pour en faire des quartiers comme les autres se traduit
par la volonté d'instaurer une mixité sociale, en mélangeant classes populaires et
classes plus aisées, et fonctionnelle, en brisant la monofonctionnalité des quartiers prio-
ritaires tournés presque exclusivement sur le logement. À l'échelle locale, la réimplanta-
tion de commerces dans les quartiers prioritaires va souvent de pair avec la rénovation
urbaine, fautes d'outils véritablement adéquats pour permettre une action efficace en
dehors de ce cadre, et de moyens suffisants. Cette rénovation, si elle va dans le sens
d'une disponibilité accrue de fruits et légumes frais et d'une réduction de la part des fast-
foods, n'est pas nécessairement synonyme d'une meilleure accessibilité à une alimenta-
tion saine, car l'arrivée, voulue ou effective, de populations plus aisées entraînent des
changements dans la demande en terme d'alimentation, que les nouveaux commerces
mis en place suivent plutôt. Car enfin il ne suffit pas d'avoir une municipalité de bonne
volonté pour réduire l'insécurité alimentaire dans les quartiers prioritaires, même si c'est
un facteur facilitant, mais aussi les moyens de mobiliser tous les acteurs de l'offre com-
merciale, dont les intérêts sont parfois différents, dans le sens de la mise en place d'une
offre commerciale favorable à l’équité en santé pour les habitants du quartier.
103
Conclusion :
Il semble que l'environnement alimentaire ait un effet sur l'alimentation des populations
dans les quartiers prioritaires de la politique de la Ville. Un lien entre surpoids, obésité et
vie dans un quartier prioritaire semble exister : ces territoires concentrent des
populations pauvres, qui sont globalement plus fréquemment en surpoids que les
populations plus aisées. Cela s'explique en partie par l'environnement : ainsi, l'analyse
des environnements alimentaires des quartiers défavorisés à une échelle internationale
permet de mettre en évidence des caractéristiques peu propices à la sécurité alimentaire,
et donc à une bonne santé. La moindre disponibilité de certains produits sains et la
surabondance de produits peu recommandés pour la santé influencent l'alimentation des
populations de ces quartiers.
Or, ces caractéristiques défavorables existent aussi dans les quartiers prioritaires de la
politique de la Ville en Île-de-France.
Les environnements décrits par la recherche anglophone ne sont pas uniformes, et les
quartiers prioritaires non plus : la typologie des environnements alimentaires des
quartiers prioritaires nous permet de mettre en évidence trois grands types, qui
correspondent à première vue aux grands types d'environnements identifiés par la
recherche anglophone. L'analyse plus poussée des caractéristiques de ces
environnements par des études de cas permet de nuancer ce constat : l'analyse par des
données quantitatives ne suffit pas à qualifier l'offre commerciale d'un quartier. Nos trois
quartiers, s'ils correspondent dans une certaine mesure aux définitions que nous avons
établies, présentent également des caractéristiques qui s'éloignent de ces normes.
Il n'y a pas que différences entre les quartiers prioritaires, mais également des traits
communs qui tendent à les rapprocher et à les différencier des autres territoires. Cela
tient à des politiques publiques successives, à l'échelle nationale et à l'échelle locale.
Celles-ci traduisent les représentations de la ville, du commerce, et dans une moindre
mesure de la santé, des acteurs qui les mettent en place. À une échelle nationale, la vo-
lonté de banaliser les quartiers prioritaires pour en faire des quartiers comme les autres
se traduit par la volonté d'instaurer dans les quartiers prioritaires une mixité à la fois so-
ciale, en mélangeant classes populaires et classes plus aisées, et fonctionnelle, en bri-
104
sant la monofonctionnalité des quartiers prioritaires tournés presque exclusivement sur
le logement. À l'échelle locale, la réimplantation de commerces dans les quartiers priori-
taires va souvent de pair avec la rénovation urbaine, fautes d'outils véritablement adé-
quats pour permettre une action efficace en dehors de ce cadre, et de moyens suffisants.
Cette rénovation, si elle va dans le sens d'une disponibilité accrue de fruits et légumes
frais et d'une réduction de la part des fast-foods, n'est pas nécessairement synonyme
d'une meilleure accessibilité à une alimentation saine, car l'arrivée, voulue ou effective,
de populations plus aisées entraînent des changements dans la demande en termes de
commerces alimentaires, et l’implantation d’une offre plus qualitative et variée, , avec
des conséquences potentielles sur le niveau d’accessibilité financière à ces produits. Car,
enfin, il ne suffit pas d'avoir une municipalité de bonne volonté pour réduire l'insécurité
alimentaire dans les quartiers prioritaires, même si c'est un facteur facilitant, mais aussi
les moyens de mobiliser tous les acteurs de l'offre commerciale, dont les intérêts sont
parfois différents (rentabilité à court et moyen terme ; facilité d’ouverture du commerce ;
peu de contraintes logistiques, etc.), dans le sens de la mise en place d'une offre com-
merciale favorable à la sécurité alimentaire des habitants du quartier.
Finalement, la réorganisation des configurations urbaines et commerciales dans les
quartiers prioritaires, si elle semble pouvoir renforcer la sécurité alimentaire des habi-
tants des quartiers prioritaires, repose à la fois sur des jeux d'acteurs complexes, et des
moyens réduits en dehors d'opérations de grande ampleur, comme ceux du NPRNRU. En
dehors de cela, les marges de manœuvres des collectivités pour lutter contre l'insécurité
alimentaire sont limitées.
Cependant, d'autres vecteurs peuvent être mis en avant par les municipalités, et notam-
ment l'agriculture urbaine et les opportunités qu'elle représente en termes de support
pour des actions de promotion d’une alimentation saine et comme opportunité de pro-
duction, limitée évidemment mais avec des perspectives de plus en plus ambitieuses
comme en témoigne le projet du bailleur ICF la Sablière, avec une ferme urbaine dans un
parking sous-terrain de près de 3000m². En plus de la serre maraîchère prévue sur le toit
du Franprix, la ville d’Épinay a mis à disposition des habitants du quartier des Cinéastes
un jardin partagé près des bords de l'Yerres, et prévoit de développer des jardins ouvriers
à proximité. De même, à Choisy-le-Roi, deux jardins collectifs sont en projet de part et
d'autres de l'avenue Newton. S'il est difficile d'imaginer pouvoir produire suffisamment
pour nourrir tout un quartier, le développement de ce type d'initiative peut malgré tout
105
servir de complément à une offre classique, en particulier dans des contextes où celle-ci
est limitée147.
D'autres modifications marginales des environnements alimentaires des quartiers priori-
taires peuvent également y participer au renforcement de la sécurité alimentaire. Les
dossiers de candidatures à l'appel à projet de la DRIAAF (Direction Régionale de l'Alimen-
tation, et l'Agriculture et de la Forêt) dans le cadre du PNA (Programme National pour
l'Alimentation) regorgent de propositions innovantes d'associations locales pour favoriser
l'accès de tous à une alimentation saines, qui vont de la distribution des surplus de la
restauration collective à la création de halles alimentaires pour revendre des fruits et
légumes « moches ». Ainsi, l'introduction d'acteurs extérieurs aux circuits classiques du
commerce semble un moyen intéressant de lutter contre l'insécurité alimentaire dans les
quartiers prioritaires en dehors des projets de renouvellement. C'est une piste que nous
n'avons pu explorer dans notre mémoire mais qu'il nous semble intéressant de pour-
suivre.
147Haoluan Wang, Feng Qiu, et Brent Swallow, « Can community gardens and farmers’ markets relieve food
desert problems? A study of Edmonton, Canada », Applied Geography 55 (1 décembre 2014): 127-37,
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115
Table des figures
N° Titre de la figure
1 Prévalence de l'obésité en fonction du revenu en euros, par sexe.
2 L'alimentation dans le budget des familles selon le décile de revenus.
3 Rayon de 1600 m autour des grandes surfaces en Île-de-France.
4 Localisation des quartiers prioritaires de la politique de la ville et des communes
qui les englobent. Sources : IGN, SIG Politique de la ville.
5 Localisation de l'offre de restauration franchisée dans l'Est Parisien.
6 Diagrammes de répartition des variables sélectionnées pour tous les quartiers
prioritaires de la politique de la ville d'Île-de-France.
7 Localisation des communes contenant les quartiers d'étude.
8 Localisation du quartier des Quatre Chemins dans son environnement proche.
9 gradation de la difficulté de traverser l'avenue Jaurès du Nord vers le Sud.
10 Part des diplômés du supérieur dans la population autour de Pantin.
11 L'offre commerciale dans le quartier des Quatre Chemins.
12 L'offre de restauration rapide aux Quatre-Chemins.
13 Une vacance importante des locaux commerciaux.
14 Plan du marché Magenta et des commerces alentours.
15 Le supermarché chinois H8
16 Localisation des Cinéastes-Plaine dans son environnement.
17 La construction des grands ensembles dans la boucle de l'Yerres.
18 L'offre commerciale dans le quartier Plaine-Cinéastes.
19 Schéma de l'occupation de l'étage supérieur du Centre commercial Principal.
20 Le centre commercial principal aujourd'hui.
21 Schéma du petit pôle commercial autour de la halle du marché au Sud de la Plaine-
Cinéastes.
22 Le quartier Sud dans son environnement immédiat.
23 Continuité entre les deux quartiers prioritaire de Choisy-le-Roi et d'Orly.
24 L'offre commerciale alimentaire dans le quartier Sud.
25 Schéma de la place commerciale du Quartier Sud.
26 Les commerces de la polarité commerciale du Quartier Sud.
116
Table des tableaux
N° Titre
1 Caractéristiques de la population des QPV franciliens par rapport à celles des UU
englobantes.
2 Synthèse des commerces et établissements pris en compte dans l'analyse.
3 Nombre de commerces pour 1000 habitants selon les territoires.
4 Densité de fast-foods selon les territoires.
5 Densité des commerces alimentaires selon les territoires
6 Synthèse des caractéristiques des trois types de quartiers prioritaires de la poli-
tique de la ville.
7 Synthèse des critères de choix des quartiers étudiés dans l'enquête de terrain.
8 Comparaison des caractéristiques socio-démographiques du quartier des Quatre
Chemins avec la ville, le département et la région.
9 comparaison des prix du marché du dimanche aux prix moyen pour la vente au
détail DISCOUNT au 24 mai 2018. Prix relevés le 3 juin.
10 Comparaison des caractéristiques socio-démographiques du quartier Plaine-
Cinéaste avec la ville, le département et la région.
11 Comparaison des caractéristiques socio-démographiques du quartier des Quatre
Chemins avec la ville, le département et la région.
117
Liste des entretiens
N° Personnes présentes Type d'échange Date
1 Chercheur spécialiste de l'habitat et des
politiques de logement social
Entretien informel
13/02/18
2 Directeur pôle aménagement urbain et at-
tractivité du territoire, ville d’Épinay-sous-
Sénart ;
Responsable du développement écono-
mique, ville d'Épinay-sous-Sénart.
Entretien enregistré,
45 minutes
02/05/18
3 Responsable du pôle Prévention, Santé, et
Handicap, ville de Pantin ;
Cheffe de projet Politique de la Ville, ville
de Pantin ;
Directrice de projet des PRU Quatre Che-
mins et 7 Arpents / Stalingrad, EPT Est-
Ensemble ;
Chargé de mission Commerce et Marchés
forains, ville de Pantin.
Entretien enregistré,
1h40
17/05/18
4 Chef de projet Contrat de Ville Seine
Amont, EPT Grand-Orly Seine Bièvre Entretien enregistré
35 minutes
18/05/18
5 Chargé de mission développement écono-
mique, Quartiers Est (Orly) et Sud (Choisy-
le-Roi), Direction Projet du territoire - Re-
nouvellement urbain, EPT Grand-Orly Seine
Bièvre
Entretien téléphonique
45 minutes
05/06/18
6 Usagère du marché Sud de Choisy-le-Roi,
voisine du quartier Sud, 40 ans, 2 enfants.
Entretien informel
15 minutes
06/06/18
7 Manager de commerce, Service Commerce-
Marché, ville de Choisy-le-Roi.
Entretien téléphonique
15 minutes
11/06/18
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