analyse clinique du comportement …obesite-paris.com/docs/comportement_alimentaire_sgougis.pdf ·...

70
ANALYSE CLINIQUE DU COMPORTEMENT ALIMENTAIRE DU « OBESITE et SYNDROMES METABOLIQUES » 2015-2016 Sophie Gougis – Diététicienne GH PITIE-SALPETRIERE 07/12/15

Upload: dinhphuc

Post on 14-Sep-2018

223 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

ANALYSE CLINIQUEDU

COMPORTEMENT ALIMENTAIRE

DU « OBESITE et SYNDROMES METABOLIQUES »

2015-2016

Sophie Gougis – DiététicienneGH PITIE-SALPETRIERE

07/12/15

Prise en charge du patient obèse

1. Analyse du comportement alimentaire

2. Evaluation des apports alimentaires

3. Le conseil nutritionnel

4. Le suivi diététique

Analyse du comportement alimentaire

Qu’est ce qu’un comportement ?

• C’est un ensemble de conduitesintégrées

– concourant à la réalisation d’une ou plusieurs fonctions

– sous l’influence de déterminants internes et externes

– en interaction avec le milieu

Analysons les différentes dimensions du comportement

alimentaire

• Conduites• Fonctions• Déterminants

Préingestif Ingestif Postingestif

Le comportement alimentaire se présente comme une séquence

Conduites pré ingestives

Acquisition Stockage Préparation Cuisson

Les conduites pré ingestives

• Acquisition des aliments :

• Liste de courses

• Stockage des aliments :• Lieu (cachés par une tierce

personne),• Volumes (provisions

importantes ou pas)

• Préparation :• Cuisson, assaisonnement…

• Signaux préingestifs :� Faim : creux à l’estomac ,

fatigue, besoin, privation� Appétit : envie , choix

Conduites ingestives

• Repas ou collations

InitiationChoixConsommationInterruptionContexte : ambiance conflictuelle, convivialité…

Conduites post ingestives

Post-ingestifInterruption de la prise alimentaire

• Facteurs internes :

- Rassasiement : j’arrête de manger en fin de repas, je n’ai plus faim- Satiété : je n’ai pas faim jusqu’au repas suivant

- Rassasiement insatisfaite : J’ai encore envie de manger ou j’ai encore faim en sortant de table

- Rassasiement dépassée : je suis rassasié, je n’ai plus faim, mais je continue à manger

• Facteurs environnementaux- Tierce personne : « ressers-toi pour une fois… » - Absence d’aliments : j’arrête de manger car il n’y a plus rien sur la table

Voyons maintenant les « fonctions » du comportement alimentaire: pourquoi mangeons nous ?

• Conduites• Fonctions du comportement alimentaire• Déterminants

Le comportement alimentaire a trois fonctions

Somatique (biologique)

Hédonique (plaisir)

Relationnelle et symbolique (sociale)

Troisième élément à prendre en compte : les différents déterminants du comportement

alimentaire

• Conduites• Fonctions• Déterminants

Cette séquence comportementale est déterminée par

• Des apprentissages et des conditionnements qui interviennent très précocement dans la vie sous l’influence des habitudes familiales et sociales: l’empreinte est solide et profonde

• L’histoire personnelle de la personne, ses événements de vie

• Les conditions de vie actuelle : modes de vie, profession, facteurs économiques etc.

• et bien d’autres facteurs biologiques, psychologiques et sociaux et éventuellement de déterminants liés à certains traitements ( exemple insuline)

Changer les habitudes alimentaires …

• C’est solliciter des fonctions majeures de ce comportement: – ses effets biologiques,– sa fonction plaisir – son rôle dans la relation sociale

• Ce n’est donc pas anodin d’autant que les « régimes » sont généralement durables

• C’est provoquer une contrainte (force qui va contre ) et une astreinte (contrainte dans la durée) sur un système établi depuis le plus jeune âge et qui s’e st personnalisé au fil du temps pour être une caractéristique forte de la personne, une part de s on identité

Education thérapeutiqueLes 5 dimensions à explorer chez le patient

Prise de poids

Comment l’alimentationpeut favoriser la prise de poids?

• Excès d’apport

• Au moment du repas

• En dehors du repas

Les besoins énergétiques varient d’un individu à l’autre

• Diminution de la dépense énergétique

• Sédentarité

• Dépense énergétique basse

Les besoins énergétiques

Augmententavec le poids

Varient pour un même poids

Quelles sont les causes d’un excès de consommation calorique ?

• Le comportement alimentaire

– Hyperphagie au repas• Convivialité• Habitudes familiales

– Tachyphagie

– Troubles du comportement alimentaire

• L’environnement alimentaire

– La densité calorique

– Taille des portions

– Disponibilité

– Publicité

Comportements individuels

Hyperphagie • Convivialité• Professionnelle..

• Impulsivité• Restriction• Réponse émotionnelle

• Dépression• Hormones• Médicaments • Sédentarité

L’environnement

- Habitudes alimentaires(Familles, culture…)

- Milieu familial- Milieu professionnel- Cantine- Restauration collective- Disponibilité alimentaire

La société de consommation

Système Alimentaire

- Production

- Transformation

- Distribution

- Densité calorique

- Taille des portions

- Prix

- Publicité

Société

Sujet

L’environnement

Evaluation du comportement alimentaire

Excès d’apports

• Aux repas :Hyperphagie prandiale

– Faim ou appétit exagérés

– Satiété : absente

– Convivialité, habitudes familiales

– Tachyphagie

– L’environnement alimentaire

Excès d’apports

• Entre les repas :Troubles du comportement alimentaire

• C’est une réponse à une émotion; à une restriction…

• De manière répétitive la personne a recours à l’alimentation pour calmer une tension, un stress, une anxiété, une dépression

Troubles du comportement alimentaire

• Compulsions : comportement actif, impulsif, sélectif sur un aliment, accompagné généralement de culpabilité

• Grignotages : comportement passif, répétitif, non sélectif, généralement sans culpabilité

• Binge eating desorder : perte de contrôle, s’apparentant à des accès boulimiques sans stratégi e de contrôle de poids (vomissements, prise de laxatifs…)

• Night eating desorder : comportement impulsif de type « somnambulisme »

Troubles du comportementalimentaire

• Impulsivité alimentaire :

- Envie de manger irrépressible et non réfléchie- Avec passage à l’acte immédiat - souvent associé au raisonnement dichotomique- tout, tout de suite.....

La forme la + caractéristique observée dans les syndromes génétiques (Prader Willi, Bardet-Biedl) :- recherche effrénée de nourriture, vol d’aliments- appétit insatiable, tachyphagie

Troubles du comportementalimentaire

• Présente dans les tumeurs hypophysaires (craniopharyngiome)

• déclenchée par certains médicaments (neuroleptiques, certains anti-dépresseurs, anti-épileptiques, corticoïdes...)

Troubles du comportement alimentaire

• Impulsivité alimentaire secondaire à une restriction :

Désinhibition : envers incontrôlable de l’inhibition

Les facteurs déclenchant les prises alimentaires

• Stimuli internes :

� Stimuli sensoriels :Visuel, olfactif, gustatif

� Stimuli émotionnels

• Stimuli externes :

Tierce personne, variété alimentaire

Les facteurs déclenchant les prises alimentaires

• Les sujets obèses, en restriction cognitive sont hypersensibles aux stimuli de l’environnement

Questions posées

• Quelle influence a la restriction sur le comportement alimentaire ?

La restriction cognitive

• Intention de réduire les apports alimentaires dans le but de contrôler son poids ou ne pas grossir

• La restriction cognitive ne s’accompagne pas forcément d’une restriction des apports caloriques

Poids

Prise de poids

- Facteur d’entretien et d’aggravation de l’obésité

- Souvent générépar nos attitudes médicales

Evaluation de la restriction : élément central du bilan nutritionnel

Je me trouve trop grosse

RégimeFrustration

Le cercle vicieux de la restriction

Je me trouve trop grosse

RégimeFrustration

Stimuli del’environnement

Le cercle vicieux de la restriction

« Je suis incapable »Mauvaise estime de soi

« Je craque »

Je grossis

RégimeFrustration

Stimuli del’environnement

Le cercle vicieux de la restriction

« Je mange »

« Je suis incapable »Mauvaise estime de soi

« Je craque »

Je grossis

RégimeFrustration

Stimuli del’environnement

Restriction cognitive

Restriction cognitive

Contrôle des apports

Inhibition Frustration

Sensibilité aux stimuli alimentaires

Impulsivité alimentaireDésinhibition

Prise de poids

Mauvaise estime de soi

Restriction cognitive = Conflit de motivation

• Modernité alimentaire • Normes sociales

Société de consommation

Idéalde la

minceur

Conséquences de la restriction

• Comportementales :

• Troubles du comportement alimentaire : impulsivité alimentaire

• Comportement dichotomique (tout ou rien)• Sous-estimation des apports

• Physiologiques :

• Disqualification des signaux physiologiques (faim, satiété)

• Hypersensibilité aux stimuli sensoriels

• Psychologiques :

• Obnubilation alimentaire• Perte de convivialité• Culpabilité• Mauvaise estime de soi

0102030405060708090

100

pas deprécharge

3

Non restreintRestreint

Par exemple un individu au régime «craquera » plus devant un aliment « interdit » qu’une personne qui n’est

pas au régimeC’est ce que l’on appelle l’effet « restriction/désinhibition »

Troubles du comportement alimentaire

• Il ne faut pas avoir d’ a priori sur les conduites alimentaires :Une conduite s’interprète en fonction du contexte somatique, psychologique et social

• La question n’est pas de savoir si le comportement est « normal », mais s’il est adapté

L’environnement alimentaire

La densité énergétique

Densité énergétique d’un aliment=

Apport énergétique (en kcal) rapporté au poids ou au volume de l’aliment

Protéines : 4 kcalLipides : 9 kcalGlucides : 4 kcalAlcool : 7 kcal

� Les aliments de haute densité calorique sont peu rassasiants

Pour un apport énergétique comparable500 cal

Pour un apport énergétique comparable600 cal

Pour un apport énergétique comparable300 cal

Pour un apport énergétique comparable600 cal

Densité lipidique des aliments

• Graisses « visibles » :

• Huile, beurre, crème fraîche, mayonnaise :

• Déterminer « la durée » d’une bouteille d’huile,d’une plaquette de beurre, pour combien depersonnes

• Graisses « cachées » :

• Déterminer la quantité consommée de fromages, laitages entiers, charcuteries, viennoiseries, chocolat, biscuits…

(Portion de fromage souvent sous-estimé)

Densité glucidique des aliments

• Consommation d’aliments sucréssouvent en extra prandiale

• Consommation de boissons sucrées :

Consommation de soda :

1980 : 134 l/an; 2000 : 186 l/an

Consommation de Soda light :

1980 : 19 l/an; 2000 : 43 l/an

La densité alcoolique

• Vin (à table, en apéritif…) :attention, certains patients n’assimilent pas le vin à del’alccol

• Apéritifs,digestifs, cidre, bière

• Boissons énergisantes alcoolisées

�Binge drinking (adolescents, jeunes adultes..)

Densité caloriqueDensité caloriqueDensité caloriqueDensité calorique

Prix

Taille des portions

Taille des portions

265 calories 570 calories

Taille des portions

Exemple d’évolution de l’offre alimentaire: la taille des portions ( et la teneur en lipides) ne cesse

d’augmenter depuis 20 ans

350 calories

600 calories

1,000 calories

600 calories

(Brownell and Battle Horgen 2003 ; Nestle 2002; Nielsen and Popkin 2003; Seiders and Petty 2004; Young and Nestle 2002)

16%

27%26%24%23%23%

22%

38%35%

32%

29%28%

26%

19%

0%

10%

20%

30%

40%

1977

1979

1981

1983

1985

1987

1989

1991

1993

1995

% C

onsu

med

Aw

ay F

rom

Hom

e% Volume

% Calories

From USDA / Chandon

Evolution de la consommation hors domicile

Evaluation des apports alimentaires

Les apports énergétiques• La quantité :

Evaluation des apports alimentaires quotidiens

• Sous-estimation fréquente chez les sujets en situation derestriction cognitive

• La qualité :Identifier le profil du mangeur :

- Hyperphage prandial- Grignoteur- Impulsif- Sujets restreints …

• Si troubles du comportement alimentaire importantsLe carnet alimentaire jouera un rôle essentiel

La pratique

Quelles implicationspour la pratique ?

• On ne modifie pas impunément des habitudes de vie• Chaque cas est particulier• Les caractéristiques somatiques, psychologiques et

sociales de la personne doivent être évaluées• Il faut évaluer ce qui peut et ce qui ne peut pas être

modifié en tenant compte des objectifs médicaux et du contexte individuel

• C’est un travail de personnalisation• Il n’existe pas de régime standard, de régime miracle

0

20

40

60

80

100

120

140

160

0 2 4 6 8 10 12 14 16

Modifier les modes de vie est difficile:Modifier les modes de vie est difficile:Modifier les modes de vie est difficile:Modifier les modes de vie est difficile:Cela suppose des contraintesCela suppose des contraintesCela suppose des contraintesCela suppose des contraintes

En exigeant trop on peut aggraver la situation..

Psychosomatisation de l’obésité

• « La focalisation du traitement sur le régime, sur le poids expose à un appauvrissement iatrogène de la vie psychique »

• « De façon répétée, la pesée, l’interrogatoire alimentaire, font oublier au sujet, comme au médecin , que les kilos font partie de son corps et que son excès de poids a une histoire »

La bonne attitude

• Pour le soignant :

- Meilleure écoute pour expertiser, pour mettre en confiance le patient- Déculpabiliser

- Revaloriser

• Pour le patient :- Retrouver confiance en lui- Avoir une écoute autre- Meilleure adhésion à la prise en charge

La bonne attitude

• Respecter

• Déculpabiliser

• Revaloriser- Savoir s’effacer devant l’autre tout en conduisant l’entretien- Gratifier- Rendre le patient actif ….

• Ne pas avoir d’ à priori

Conclusions

• Soigner un patient obèse c’est prendre en compte les dimensions médicales, psychologiques et sociales

• C’est s’adapter aux difficultés pratiques liées à la corpulence

• C’est éviter toute discrimination, toute attitude moralisatrice

• C’est faire de l’éducation thérapeutique