apports et stratégies d’application du commerce électronique

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Apports et stratégies d’application du commerce électronique dans les entreprises hôtelières - Cas de la Tunisie - Thèse présentée à la Faculté des Sciences économiques et sociales de l’Université de Fribourg (Suisse) par Khaled BEN ALI originaire de Tunisie pour l’obtention du grade de Docteur ès Sciences économiques et sociales Acceptée par la Faculté des Sciences économiques et sociales, le 27 mai 2008 sur proposition du Professeur Dr Jacques Pasquier- Dorthe (premier rapporteur) et du Professeur Dr Marino Widmer (second rapporteur) Fribourg 2008

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Apports et stratgies dapplication du commerce lectronique dans les entreprises htelires - Cas de la Tunisie -

Thseprsente la Facult des Sciences conomiques et sociales de lUniversit de Fribourg (Suisse) par

Khaled BEN ALIoriginaire de Tunisie

pour lobtention du grade de Docteur s Sciences conomiques et sociales Accepte par la Facult des Sciences conomiques et sociales, le 27 mai 2008 sur proposition du Professeur Dr Jacques Pasquier- Dorthe (premier rapporteur) et du Professeur Dr Marino Widmer (second rapporteur)

Fribourg 2008

La

Facult

des

sciences

conomiques

et

sociales

de

lUniversit de Fribourg (Suisse) nentend ni approuver, ni dsapprouver les opinions mises dans une thse : elles doivent tre considres comme propres lauteur (Dcision du conseil de facult du 23 janvier 1990).

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Remerciements

Au Professeur Jacques Pasquier-Dorthe, je tiens exprimer ma profonde reconnaissance pour la direction de cette recherche doctorale. Son soutien, ses enseignements, sa patience et sa disponibilit mont t trs prcieux. Sa comptence, sa clairvoyance, sa gentillesse appellent mon admiration. Au Professeur Mustapha Zghal, jadresse aussi mon profond respect pour ses qualits humaines et scientifiques et ma vive reconnaissance pour son aide qui ma t prcieuse lors de la ralisation de mes enqutes en Tunisie. Ses suggestions, critiques constructives et recommandations mont permis de mieux mener une grande partie de mon travail. Ces lignes sont lexpression de mon attachement amical. Aux personnes et organismes de la Tunisie et de la Suisse, qui mont apport leur soutien pour laborer cette thse dans les meilleures conditions, je dis de tout mon cur mes remerciements. Aux membres du jury, qui ont accept aimablement dvaluer mon travail, jexprime ma sincre gratitude et tout mon respect.

Khaled BEN ALI

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Ddicaces

Je ddie cette thse mes parents qui mont apport beaucoup daffection, damour et de soutient durant toute notre vie commune. Les mots ne parviendront jamais exprimer tout lamour que je leur porte au fond de mon cur et de mon me. A ma femme Imen, ma fille aine Rouaa, mes filles jumelles Rawen & Rana, et mon fils Rami-Iyed, qui ont fait preuve de patience, de sacrifice et qui mont encourag durant mes voyages professionnels et scientifiques pour la prparation de cette thse. Jexprime chacune et chacun mon affection et mon amour. A mes frres et surs et leur famille, qui t trs souvent prsents pour partager mes joies et mes souffrances. Je leur dis ma reconnaissance et mon attachement familial. A tous mes professeurs, collgues et amis de la Suisse et de la Tunisie, je ddie ce travail en leur souhaitant tout le succs et le bonheur de la vie.

Khaled BEN ALI

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Abrviations ADSL : Asymmetric Digital Suscriber Line. ATI : Agence Tunisienne dInternet. AV : Agence de voyages traditionnelle. AVE : Agence de voyages lectronique. BDM : Base de donnes marketing. BCT : Banque centrale de la Tunisie. GDS (Global Distribution System) : Systmes globaux lectroniques de rservation et de distribution des produits touristiques. EAI : Enterprise application integration based systems. EDI : Echanges lectroniques des donnes. FAI : Fournisseur daccs Internet. INS : Institut national de la statistique de la Tunisie. JORT : Journal officiel de la rpublique tunisienne. ONS : Office national de statistique de la Tunisie. OMT : Organisation mondiale du tourisme. ONTT : Office national du tourisme tunisien. PIB : Produit intrieur brut. PME : Petites et moyennes entreprises. SSL : Secure Sockets Layers. SET : Secure Electronic Transaction. SI : Systme informatique. SIG : Systme dinformation de gestion. SIM : Systme dinformation marketing. TIC : Technologie de linformation et de communication. TO : Tours oprateurs. VAN : Rseau valeur ajout. WIFI : Wireless Fidelity.

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Table des matiresPAGE Introduction gnrale Chapitre 1. Mthodologie Chapitre 2. Tourisme et Commerce lectronique en Tunisie 2.1. Le tourisme dans le monde et les pays concurrents de la Tunisie 2.1.1. Tourisme dans le monde 2.1.2. Importance du tourisme international par zones gographiques 2.1.3. Importance du tourisme dans les principales destinations concurrentes de la Tunisie 2.2. Le Tourisme en Tunisie 2.2.1. Lancement et croissance de lindustrie touristique en Tunisie 2.2.2. Mise niveau et modernisation de lindustrie touristique en Tunisie 2.3. Le commerce lectronique en Tunisie 2.3.1. Situation actuelle 2.3.2. Tendances et stratgie de lEtat Conclusion Chapitre 3. Commerce lectronique et structures de distribution des entreprises htelires (mthodes de vente) 3.1. Les canaux de distribution traditionnels des produits hteliers 3.1.1. Description des intermdiaires de distribution 3.1.2. Avantages des canaux traditionnels 3.1.3. Inconvnients des canaux traditionnels 3.2. Site web de lhtel (vente directe) 3.2.1. Description des sites web des htels 3.2.2. Perspectives dun site web commercial 60 61 63 64 65 65 67 32 33 42 47 48 50 58 59 11 14 27 27 27 28 29

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3.3. Sites web spcialiss (Agences de voyages lectroniques) 3.3.1. Description des agences de voyage lectroniques (AVE) 3.3.2. Perspectives des agences de voyages lectroniques 3.4. Recours des regroupements de sites web spcialiss (Places daffaires lectroniques) 3.4.1. Places daffaires lectroniques dentreprises spcialises dans les voyages 3.4.2. Places daffaires lectroniques gnralistes 3.4.3. Perspectives des places daffaires lectroniques 3.5. Combinaison de divers systmes de distribution (Stratgie multicanaux) 3.5.1. Stratgie dalliance 3.5.2. Stratgie de concurrence entre les canaux 3.5.3. Perspectives dune stratgie multicanaux Conclusion Chapitre 4. Commerce lectronique et taille du march htelier 4.1. Le march touristique de la Tunisie 4.1.1. Principaux marchs touristiques et hteliers de la Tunisie 4.1.2. Principaux problmes de ventes du secteur htelier tunisien 4.2. Commerce lectronique et stratgie extensive 4.2.1. Elments gnraux des marchs 4.2.2. Marchs gographiques traditionnels 4.2.3. Marchs gographiques en dveloppement 4.2.4. Obstacles et possibilits 4.3. Commerce lectronique et stratgie intensive 4.3.1. Chiffre daffaires par client 4.3.2. Motivations pour les achats rptitifs par le site web dun htel 4.3.3. Obstacles pour les achats rptitifs par le site web dun htel Conclusion

71 72 74 75 76 78 80 82 82 84 85 86 88 90 90 91 95 95 99 103 108 115 116 119 123 128

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Chapitre 5. Commerce lectronique et relation daffaires entre les htels et les organisateurs de voyages 5.1. Structure du march htelier 5.2. Commerce lectronique et collaborations daffaires entre htels et organisateurs de voyages 5.2.1. Collaborations dans le march traditionnel (analyse de la situation) 5.2.2. Collaborations lectroniques grce Internet (analyse des tendances) 5.2.3. Entraves aux collaborations lectroniques travers Internet 5.3. Commerce lectronique et quilibre du pouvoir de ngociation entre htels et organisateurs de voyages 5.3.1. Pouvoir de ngociation entre htels et organisateurs de voyages 5.3.2. Impact du commerce lectronique sur lquilibre du pouvoir de ngociation (analyse des tendances) 5.3.3. Entraves lamlioration de lquilibre du pouvoir de ngociation entre htels et organisateurs de voyages Conclusion

130 131 136 137 139 144 147 148 150 153

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Chapitre 6. Commerce lectronique et comportements concurrentiels dans le march htelier6.1. Politiques de prix bases sur des facteurs internes (analyse de la situation) 6.1.1. Approche par les cots 6.1.2. Approche selon les objectifs marketing 6.2. Politiques de prix bases sur des facteurs externes (analyse de la situation) 6.2.1. La saisonnalit de la demande 6.2.2. La catgorie de clients 6.2.3. La nature de la concurrence (loffre) 6.3. Politique de prix flexible et dynamique 6.3.1. Qest ce quune politique de prix flexible et dynamique ? 6.3.2. Apports et approches dune politique de prix flexible et dynamique 6.3.3. Conditions de succs dune politique de prix flexible et dynamique 6.3.4. Limites dune politique de prix personnalis Conclusion

161163 163 166 171 171 172 178 183 183 184 189 199 201

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Chapitre 7. Commerce lectronique et diffrenciation des produits hteliers 203 (satisfaction des clients) 7.1. Commerce lectronique et diffrenciation par lassortiment complet 7.1.1. Diffrenciation par le produit htelier 7.1.2. Diffrenciation par le personnel de contact 7.1.3. Obstacles et possibilits 7.2. Diffrenciation et mthode de vente par Internet 7.2.1. Convivialit de linterface et de linformation disponible 7.2.2. Procdures de rservation, de paiement et de confirmation par Internet 7.2.3. Obstacles et possibilits 7.3. Commerce lectronique et marketing htelier 7.3.1. Un marketing htelier compatible avec les politiques dassortiment complet et de vente travers Internet 7.3.2. Avantages dune politique de diffrenciation pour le marketing 7.3.3. Moyens dune politique de marketing pour satisfaire et fidliser les clients 7.3.4. Obstacles et possibilits Conclusion Chapitre 8. Essai de synthse des rsultats antrieurs et enqute sur les attentes des hteliers 8.1. Essai de synthse des premires recherches 8.1.1. Avantages marketing du commerce lectronique pour un htel 8.1.2. Evolutions du marketing htelier avec le commerce lectronique 8.1.3. Stratgies dapplication du commerce lectronique au tourisme 8.1.4. Modle de synthse 8.2. Avantages marketing du commerce lectronique pour un htel 8.2.1. Effets du commerce lectronique sur la structure de la distribution 8.2.2. Effets du commerce lectronique sur la taille du march htelier 241 245 246 246 247 249 251 253 255 255 259 235 239 231 233 233 204 204 211 218 222 223 226

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8.2.3. Impact du commerce lectronique sur les relations daffaires entre les htels et les organisateurs de voyages 8.2.4. Impact du e-tourisme sur la satisfaction des clients 8.3. Evolutions du marketing htelier avec le e-tourisme 8.3.1. Nature de la concurrence dans le march htelier de la Tunisie 8.3.2. Nouvelles variables marketing pour la vente directe par Internet 8.4. Stratgies dapplication du e-tourisme en Tunisie 8.4.1. Canaux de vente prsents, traditionnels et par Internet 8.4.2. Stratgies de ventes par Internet sans les organisateurs de voyages 8.4.3. Stratgies de ventes par Internet 8.5. Synthse et conclusion du chapitre 8.5.1. Avantages marketing pour un htel (thme 1) 8.5.2. Evolution marketing avec le e-tourisme (thme 2) 8.5.3. Stratgies dapplication de le-tourisme en Tunisie (thme 3) Conclusion gnrale Rfrences bibliographiques Annexes (liste des figures, liste des tableaux et questionnaire)

263 269 275 275 279 289 289 292 296 301 301 303 304 307 313 324

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Introduction gnrale Les stratgies innovatrices peuvent tre des armes double tranchant (Porter 1998)

Contexte et problmatiqueLa dernire dcennie a t marque par le dveloppement des nouvelles technologies de linformation et de la communication (TIC), et principalement de lInternet. Ce dveloppement technologique a provoqu des mutations profondes dans les environnements conomiques des entreprises et la naissance dune nouvelle conomie ou dun nouveau march appel le march virtuel (Alba 1998, Badoc 2000, Gay 2007). Ce nouveau commerce travers Internet se caractrise par une croissance trs rapide en touchant des secteurs importants de lconomie, comme la distribution, le secteur bancaire et le secteur touristique et htelier. Dsormais, les chances de dveloppement du commerce lectronique dans un secteur conomique sont fortement influences par son potentiel apporter des avantages concurrentiels aux diffrents acteurs conomiques (Dubois 1998). Certains auteurs considrent les nouvelles technologies de linformation et de la communication comme des progrs technologiques qui nont pas de valeur propre mais qui tirent leur importance de leur potentiel aider les entreprises atteindre certains objectifs oprationnels, et qui pourraient offrir aux entreprises des perspectives intressantes en terme de rentabilit et davantages concurrentiels (Badoc 2000, Rayport 1995). Par ailleurs, le commerce lectronique se trouve encore, dans la majorit des secteurs conomiques, un stade embryonnaire. En se rfrant aux travaux raliss dans les divers domaines du commerce lectronique, nous avons remarqu que, malgr la prolifration des sites web et la forte croissance du nombre des utilisateurs dInternet, les interrogations lgard des apports et du rythme futur de la diffusion de cette innovation demeurent encore nombreuses, et les prdictions sur son succs commercial se sont avres souvent trop optimistes et risques (voir notamment Alba 1998, Badoc 2000, Lendrevie et al. 2006, Vellas 2002). Certains auteurs affirment aussi que les checs dentreprises dans le march virtuel sont souvent dus ladoption dune stratgie de marketing non adapte (Badoc 2000, Gay 2007). Ils ajoutent que le succs du commerce lectronique ncessite

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ladoption par lentreprise de nouvelles stratgies marketing en cohrence avec les exigences du nouvel environnement concurrentiel et les caractristiques du march virtuel. Le commerce lectronique se dveloppe dans les divers secteurs conomiques avec des proportions trs disparates qui peuvent tre expliques par des divergences structurelles et les types des biens et services vendus (Lendrevie et al. 2006). Par consquent, une analyse rigoureuse du potentiel de dveloppement du commerce lectronique ne doit pas se limiter la gnralisation ou la transposition des rsultats observs dans un secteur dactivits particulier vers les autres secteurs, sans tenir compte des caractristiques et des spcificits de chaque secteur conomique tudier (Dubois 1998, Lvy 2000). Ces situations et volutions sont prendre en compte pour le secteur htelier tunisien. Elles influencent profondment les objectifs de cette recherche.

Objectifs et enjeuxLes interrogations lgard des apports stratgiques du commerce lectronique et du rythme futur de sa diffusion dans le secteur htelier demeurent encore nombreuses. Dans ce sens, cette tude doctorale voudrait contribuer rpondre la question suivante : quels sont les apports marketing et les stratgies dapplication du commerce lectronique dans le secteur htelier ? Cette question principale peut tre divise en trois sous-questions qui se retrouveront dans chacun des chapitres : Dans quelle mesure le commerce lectronique constitue-t-il une source davantages concurrentiels pour les entreprises htelires ? Quelles sont les transformations induites par le commerce lectronique sur le marketing htelier ? Quelle est la stratgie dapplication du commerce lectronique proposer pour le secteur htelier ? Malgr une perspective trs large, si possible internationale et gnrale, la cible permanente de ltude est reprsente par le secteur htelier tunisien. Ltude est ainsi surtout base sur des enqutes, entretiens, documents lectroniques ou archives papiers concernant la Tunisie.

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Sur le plan thorique, cette tude devrait engager un dbat qui pourrait dboucher sur des vues nouvelles quant aux structures de distribution et de marchs, aux comportements concurrentiels et stratgies marketing, spcialement du secteur htelier, et quant aux possibilits et aux limites du commerce lectronique dans le secteur htelier des pays nouvellement industrialiss. Sur le plan pratique, ces travaux devraient apporter aux entreprises de lhtellerie tunisienne des indications pour se dvelopper dans leurs spcificits, afin de valoriser leurs avantages concurrentiels et de mesurer les possibilits compares des formes de distribution traditionnelles et lectroniques.

Plan sommaireLensemble de lexpos est structur en huit chapitres portant sur les aspects suivants du commerce lectronique (les titres sont rapports ici de faon rsume). Chap. 1. Mthodologie Chap. 2. Tourisme et commerce lectronique en Tunisie Chap. 3. Structures de distribution des entreprises htelires (mthodes de ventes). Chap. 4. Taille du march htelier Chap. 5. Relation daffaires entre les htels et les organisateurs de voyages Chap. 6. Comportements concurrentiels dans le march htelier Chap. 7. Diffrenciation des produits hteliers Chap. 8. Essai de synthse des rsultats antrieurs et enqute sur les attentes des hteliers.

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Chapitre 1. Mthodologie

Ltude est centre sur une mthodologie essayant de combiner les approches documentaires, dentretiens et denqutes. On peut dtailler les divers aspects de cette mthodologie, en suivant son droulement chronologique que lon peut classer en six tapes. 1.1. Situation de dpart et premires explorations 1.2. Etude documentaire et revue de la littrature 1.3. Entretiens 1.4. Exploration des sites web 1.5. Enqute quantitative : questionnaire et collecte 1.6. Enqute quantitative : analyse des donnes et interprtation des rsultats.

1.1. Situation de dpart et premires explorationsDans cette phase, on a exploit les publications tunisiennes et internationales spcialises et les donnes statistiques disponibles, ainsi que les travaux dj raliss ce sujet. De plus, on a contact plusieurs responsables de lindustrie touristique et des TIC en Tunisie, actifs dans des entreprises prives ou dans ladministration publique. La situation de dpart, les premires explorations documentaires et les entretiens prliminaires ont rapidement montr que ltude rpondait un besoin. De ces premires explorations, on a aussi dgag la dmarche mthodologique. On peut le montrer partir des deux aspects fondamentaux du sujet : commerce lectronique et secteur htelier. Commerce lectronique. La recherche en la matire a, comme on pouvait sy attendre, renforc notre conviction relative au dveloppement trs rapide dInternet et de son utilisation comme nouveau canal de vente. On a vu, en outre, que la littrature sur le commerce lectronique est trs diverse, et demeure souvent gnrale. Les travaux sectoriels ont touch principalement le secteur bancaire et des technologies de linformation et de communication (TIC) et souvent dans des contextes amricains ou europens, trs diffrents de lobjet de notre tude qui est la Tunisie. Ainsi, une simple compilation des diffrentes publications dans ce domaine nest pas suffisante pour rpondre notre

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problmatique et atteindre nos objectifs. Il convient de complter ces documents gnraux par dautres moyens mthodologiques, notamment des entretiens, des explorations de sites web et des enqutes. Il reste que la littrature gnrale et les donnes statistiques internationales en matire de commerce lectronique doivent tre utilises pour la prsente tude. La difficult est surtout de grer labondance de cette documentation. Secteur htelier. On a galement exploit plusieurs donnes statistiques et documents provenant de linstitut national de statistique (INS- Tunisien), de la banque centrale de la Tunisie (BCT) et des organismes de promotion touristique nationaux (ONTT) et internationaux (OMT). Cet aspect de la recherche a permis de comprendre la croissance rapide du secteur htelier et son importance dans le dveloppement et la prosprit conomique de plusieurs pays, notamment de la Tunisie, ainsi que le dsquilibre existant en terme de partage des gains de cette croissance entre les pays de dparts des touristes internationaux et les pays prestataires des services touristiques. En outre, durant ces dernires annes, la Tunisie a montr un grand intrt pour le dveloppement du commerce lectronique dans le secteur htelier, ce qui a permis de rcolter une grande quantit dinformations. Cette abondance renforce le dfi du grand nombre des informations traiter. Il faut enfin remarquer que mon origine et ma rsidence tunisienne me permettent aussi de comprendre les contextes, de saisir toutes les finesses de la documentation et des rponses aux entretiens et enqutes, dans un contexte o les hteliers ne sont gure habitus la prsence dun chercheur dans leur entreprise et trs souvent peu convaincu de lutilit dune approche scientifique. Sur la base de ces premires explorations, on a prcis les divers aspects et tapes de lensemble des recherches . Le tableau 1.1 ci dessous prsente une synthse de notre dmarche en trois approches qui essayent dintgrer, de faon logique et systmatique, le droulement chronologique envisag par la table des matires du chapitre.

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Tableau 1.1. Les types dtudes selon les phases de la recherche.Objectifs de la recherche1re approche documentaire Dfinition et confirmation de la problmatique Analyse des secteurs touristique et htelier Analyse des mthodes de vente par Internet 3me approche enqute Application du e-tourisme en Tunisie

Type dtude

Procdures de collecte des donnesAnalyse des publications, rapports, statistiques, tudes, Interviews dexperts Interviews dexperts : secteurs de voyages, TIC, htels Analyse de plusieurs sites web de voyages Enqute : htels en Tunisie

Instruments de mesure et mthode danalyseAnalyse en continu avec mise jour des rsultats Guide dentretien Analyse de contenu

Revues de la littrature et tudes documentaires ; premiers entretiens Entretiens

2me approche exploratoire

Exploration de sites web Enqute quantitative

Critres prdfinis complts selon les entretiens Questionnaires Analyses statistiques

1.2. Etude documentaire et revue de la littrature ObjectifIl sagit dexploiter au maximum les publications scientifiques et documents, en volution rapide, dans ce domaine. A ce sujet, on a analys un ensemble de travaux scientifiques et acadmiques relatifs aux concepts de base de notre thme de recherche savoir : Internet, le commerce lectronique, le marketing htelier, les avantages marketing du commerce lectronique, etc.

ApportsLtude documentaire a permis de comprendre le fonctionnement de lindustrie touristique dans le monde et en Tunisie et de dfinir et confirmer la problmatique. La revue de la littrature cible a permis de placer les rsultats de ltude exploratoire (entretiens et exploration des sites web) dans un cadre thorique pertinent et de tenir compte des travaux en rapport avec les objectifs de cette tude, mme sils sont raliss dans un cadre plus gnral ou dans des contextes diffrents (Vellas 2002, Kotler et al. 2003).

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1.3. EntretiensCet aspect de notre recherche visait un double objectif : Une approche plus approfondie des structures du march touristique tunisien et des obstacles au dveloppement du commerce lectronique dans ce march. La prparation des tapes ultrieures de ces recherches, savoir lexploration des sites web, un approfondissement de la revue de la littrature et lenqute quantitative. Types de donnes collecter. Il sagissait de runir les avis des experts de lhtellerie, du tourisme et du commerce lectronique en Tunisie. Dans cette recherche, des experts actifs dans les secteurs importants pour le dveloppement du commerce lectronique dans le march htelier ont t interrogs. Cette tude a t ralise en deux phases successives et complmentaires. Tout dabord on a procd des interviews auprs dexperts en organisations de voyages et de TIC en Tunisie. Ensuite, des entretiens ont t mens auprs de plusieurs htels tunisiens. Population. Les personnes interroges sont les hauts responsables des entreprises choisies. Pour la majorit, il sagit du directeur gnral ou du directeur commercial et du marketing. On a essay toujours de donner la priorit des personnes haut places avec lesquelles, les informations sont plus faciles obtenir. Mthode dchantillonnage. Bien que beaucoup de travail 1 ai t effectu avant le dbut des entretiens, il sest avr difficile de se procurer, dans des dlais raisonnables, une liste exhaustive et prcise de la population tudier (base de sondage). Cette contrainte nous a oblig opter pour les mthodes dchantillonnage non probabiliste. En effet, pour les agences de voyages et les entreprises de cration de sites web, on a utilis la technique de convenance qui consiste construire un chantillon en fonction de la disponibilit des personnes interviewer (Evrard et al. 2003). Pour les htels, on sest servi de la mthode de Boule de neige , qui trace un itinraire en demandant aux responsables rencontrs de nous indiquer de nouvelles rfrences importantes. De plus, on a recherch autant que possible la reprsentativit et la diversification dans le secteur htelier.1

Pour construire notre chantillon, nos sources dinformation principales taient lOffice national du tourisme tunisien - ONTT (www.tourismtunisia.com) et les principaux fournisseurs daccs Internet en Tunisie : ATI (www.ati.tn), Planet (www.planet.tn ), Global (www.globalnet.tn) et ONTT (www.tourismtunisia.com).

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Finalement la diversification de lchantillon des htels correspond aux critres suivants : villes dimplantation des htels, type dactivit, mode de gestion et catgorie de lhtel. La majorit des entretiens a t ralise Tunis et ses environs (Gammarth- La Marsa). La remarque vaut aussi pour ceux effectus avec les responsables dhtels implants dans dautres villes ctires importantes pour le tourisme tunisien (Nabeul, Hammamet, Sousse, Djerba, Tabarka), parce que beaucoup ont leur sige social Tunis. Mthode de collecte des donnes. Il sagit avant tout dentretiens individuels en face face. Dans la majorit des cas, lentretien a eu lieu la suite dun rendez-vous, sur le lieu de travail du rpondant. Certains entretiens ont eu lieu dans des htels ou restaurants de la rgion de Tunis ou au domicile du rpondant. La date et lheure de lentretien ont t fixes selon la convenance du rpondant. Cette flexibilit a contribu fortement lamlioration du taux dacceptation de lentretien. Dure des entretiens. Globalement, et malgr limportance des tches assumes par les personnes interroges, la majorit des entretiens se sont drouls dans de bonnes conditions. La dure moyenne des entretiens annoncs a t dune heure. Mais, dans la pratique, les entretiens ont dur en moyenne entre 1h30 et 2 heures. Certains responsables dhtels, mme aprs lachvement dclar de lentretien, ont continu expliquer leurs expriences antrieures (dans dautres htels) et mettre en valeur leurs relations personnelles avec des clients et des organisateurs de voyages de renomme internationale. De plus, quelques entretiens non prvus ont pu avoir lieu aprs lentretien officiel grce la prsence sur les lieux de personnes qui assument dautres fonctions importantes (directeur financier, responsable informatique, le propritaire ou lun de ses enfants). Ces discussions informelles ont permis denrichir les rsultats de cette tude par de nouveaux aspects : importance du relationnel dans le march htelier, forte rotation des hauts responsables dhtel, clients importants qui se fidlisent aux responsables et non pas lhtel, etc. Dimension de lchantillon et taux dacceptation de lentretien. Malgr la non disponibilit de certains experts, le taux dacceptation a dpass nos attentes. On a ralis des entretiens avec 11 entreprises de services qui dveloppent des sites web pour les htels et 12 agences de voyages traditionnelles. En outre et afin dtudier tous les aspects de lenvironnement touristique en Tunisie, dautres acteurs importants du tourisme tunisien ont t interviews

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durant cette phase. On peut citer ici principalement, 2 responsables de lOffice national du tourisme tunisien ONTT , un responsable de la commission nationale du commerce lectronique et un responsable de rseau de vente lectronique de produit de voyages Amadeus . Sur les 35 htels contacts, il a t possible darranger 29 entretiens, soit plus de 80% des demandes. Trs souvent, les directeurs qui nont pas particip lenqute taient en voyage durant la priode prvue pour ltude. Le taux dacceptation lev est expliqu principalement par les facteurs suivants : Les relations personnelles du doctorant dans lindustrie de voyage et auprs des organismes de promotion touristique en Tunisie (ONTT). Lintrt port par les hteliers au commerce lectronique et aux rsultats de ltude. La garantie de confidentialit des rponses (publications agrges des donnes). Lanonymat des rpondants. Le fait que ltude doctorale soit ralise dans une universit trangre (Suisse) a augment la courtoisie et la confiance des rpondants. Instruments de mesure ou outils de collecte de donnes. Linstrument de mesure utilis lors des diffrentes interviews est le guide dentretien qui consiste en une grille de thmes, formuls spcialement pour cette tude sous forme de questions poser si les interviews ne les abordent pas spontanment (Evrard et al. 2003). Le guide dentretien utilis avec les agences de voyages traite de la structure du march touristique tunisien et de lapplication du commerce lectronique dans lindustrie du tourisme tunisien. Par contre, celui dont on sest servi avec les experts en TIC aborde la question du dveloppement actuel et futur des TIC et du commerce lectronique en Tunisie. Avec les htels, on a utilis un guide dentretien semi directif dvelopp au fur et mesure des entretiens et qui permet daborder les thmes suivants : Structure de lindustrie htelire (concentration, relations daffaires, etc.). Performances des entreprises htelires (degrs et critres de performances). Structure de distribution actuelle.

Pour ces divers thmes, on a abord chaque fois la question des consquences actuelles et futures du commerce lectronique, chaque fois dans ses aspects positifs et ngatifs. Mthode danalyse. Lanalyse des entretiens a t effectue laide dune grille dveloppe partir des entretiens et qui comprend les diffrents thmes de ltude (matrice danalyse). Cette mthode consiste analyser le contenu des discours des interviews et de dgager19

leurs rflexions sur les principaux thmes abords (Evrard et al. 2003). En effet, lissue de chaque entretien, une transcription intgrale de lentretien a t effectue (souvent aprs 1 heure) selon les thmes du guide dentretien en utilisant les notes manuscrites, les documents fournis et les enregistrements (pour ceux qui ont accept lutilisation dun dictaphone). La synthse des rsultats qui nest pas incluse dans le prsent expos est prsente en deux parties: Une fiche par entreprise qui dcrit ses spcificits et les informations juges importantes pour linterprtation des rsultats. Les fiches des htels appartenant la mme chane sont classes ensemble. Une analyse transversale de lensemble des entretiens a t effectue. Les rsultats sont prsents sous forme de tableaux dont les colonnes dfinissant les variables thmatiques et chaque ligne reprsentant les rponses des diffrentes personnes interroges. Priode des entretiens : Dcembre 2003 Avril 2004. Complt en 2006 (voir 1.6).

1.4. Exploration des sites webUn des objectifs de cette partie est dtudier les principaux types de sites web cres par les htels (statiques, interactifs, dynamiques ou transactionnels). Cette analyse permet de rpartir les sites web des htels de la Tunisie par catgorie et de les comparer avec les plus importants sites web du march virtuel des voyages. En outre cette analyse permet de comprendre limportance accorde par les hteliers chaque catgorie ou type de sites web (proportions relatives). Cette classification des sites devrait permettre plusieurs rsultats qui sont donns ci-aprs. - Disposer dune premire ide sur les motivations et les principales attentes marketing des htels lors de la cration de leurs sites web (dvelopper les communications et lchange dinformations avec les clients et les organisateurs de voyages, les transactions avec les clients et les organisateurs de voyages, la vente directe, les relations avec les clients aprs leurs sjours, etc.) - Evaluer le niveau de performance des sites web (TIC) crs par les htels et en dduire limportance des investissements allous pour leur cration (qualit du site, logiciels) - Vrifier la qualit de la gestion et de la maintenance des sites web (mise jour du site)

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Ces divers rsultats devraient permettre aussi de vrifier certains aspects qualitatifs qui se dgagent de la littrature ou certaines remarques faites par les experts lors des interviews. Echantillon. On a explor les sites web commerciaux dentreprises de lhtellerie tunisienne ainsi que les sites web dentreprises ou organismes tunisiens et internationaux ayant des activits lies au secteur htelier. On sest ainsi fix dexplorer au moins 100 sites web commerciaux rpartis de la manire suivante : 60 sites dentreprises htelires tunisiennes, 10 places daffaires lectroniques tunisiennes spcialises dans les voyages, 10 sites dagences de voyages traditionnelles, 5 sites dagences de voyages lectroniques de notorit internationale, 5 sites de compagnies ariennes et 10 sites dentreprises prestataires de services complmentaires aux produits hteliers. Ces chiffres de chaque catgorie de lchantillon ont tous t atteints et largement dpasss. Les sites ont t slectionns selon la dmarche suivante : - les sites des entreprises tunisiennes (htels, agences de voyages, entreprises prestataires de services touristiques et produits annexes) rfrencs par le site de lagence nationale dInternet (ATI), les sites des deux principaux fournisseurs daccs Internet privs et le site de lOffice national du tourisme tunisien (ONTT) ; - Les sites des agences de voyages lectroniques les plus rfrencs par la littrature scientifique et les bureaux de conseils de renomme internationale, savoir : Boston Consulting Group, International Data Corp., Gartner Group, Forrester Research, Media Group, Mdia Metrix, etc. - Les sites des compagnies ariennes qui desservent la Tunisie depuis les pays do provient la majorit des touristes. Critres dvaluation. Les explorations des sites web se basent principalement sur les variables suivantes : types de site web, qualit des interfaces, performances technologiques et actualisation des sites. Priode des explorations. Juin 2004 septembre 2004, complt pendant la mme priode en 2006. Les sites de lensemble des entreprises qui ont particip ltude exploratoire et lenqute empirique ont fait lobjet de nouvelles explorations afin de vrifier la prsence de certaines remarques exprimes par les htels et comprendre la nature de leur volution.

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1.5. Enqute quantitative : questionnaire et collecteUn des objectifs de cette enqute est de valider les rsultats formuls dans les phases prcdentes, en se concentrant sur certaines variables importantes, et en essayant autant que possible de les quantifier. Population. Les entreprises de lhtellerie tunisienne ayant des sites web. Lenqute a ainsi eu lieu auprs denviron soixante nouvelles entreprises htelires en plus des 29 htels qui ont particip aux interviews prliminaires et qualitatifs. Critres dchantillonnage. Les htels sollicits pour lenqute ont t choisis sur une base raisonne et non probabilistique. On a tabli ainsi un ensemble de critres: spcialisation des htels (htel urbain ou balnaire), catgorie de lhtel (nombre dtoiles) et mode de gestion (chane ou htel indpendant). Par ailleurs, pour cette enqute effectue en 2005, on a utilis comme critre de slection la possession de site web 2 depuis au moins 2002 (trois ans au minimum). Les sites web de lchantillon sont rpertoris dans une base de donnes, dj cre lors des phases antrieures de ltude. On a galement actualis la base de donnes grce de nouvelles consultations des sites web des deux plus importants fournisseurs de services dInternet en Tunisie savoir de Planet et Globalnet , et de lONTT. Comme dj indiqu propos des interviews prliminaires et de ltude qualitative, mme si la majorit des questionnaires a t tablie Tunis et ses environs, les autres villes importantes ont galement t reprsentes (Nabeul, Hammamet, Sousse, Djerba, Tabarka, etc.). Instrument. On a utilis un questionnaire administrer par la personne interroge. Par souci de faisabilit de lenqute et pour respecter le temps allou (contrainte de temps), on stait content dinsrer dans le questionnaire les variables les plus cites par les experts lors de ltude qualitative prliminaire (voir modle de synthse chapitre 8). En effet, limportance des variables de mix marketing traditionnel est largement prouve par les recherches en marketing, et cela pour tous les types de march. Donc, on a limit notre enqute ltude de limportance de quatre nouvelles variables pour le succs commercial et lavantage concurrentiel de lentreprise htelire dans le march virtuel de

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Ces sites sont rpertoris auprs des fournisseurs daccs Internet en Tunisie et lONTT.

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voyages : (1) Qualit du site web et des technologies de linformation et de communication, (2) le savoir-faire, (3) la rputation de crdibilit et (4) la notorit de la marque de lentreprise htelire et de son site web dans le march mondial des voyages. Pr-test du questionnaire. La phase de pr-test du questionnaire a t ralise auprs de 10 htels qui avaient dj fait lobjet dentretiens durant la phase initiale et exploratoire. Cette nouvelle phase a t ralise en deux temps simultans: premirement, le participant a complt le questionnaire dans les conditions relles de lenqute (le rpondant oprant seul), puis il a valu, en prsence de lenquteur, la forme du questionnaire, sa comprhension et lenchanement des questions. Cette phase de pr-test a surtout permis de reprer les ventuelles difficults dans le questionnaire en terme de vocabulaire, de formulation, denchanement des questions, etc. Il en est rsult de nombreuses modifications du questionnaire. En voici les principales : - Taille du questionnaire. On est pass de 14 catgories de questions (12 pages) 10 catgories de questions (7 pages). - Types de questions. On a limin les questions rptitives et embarrassantes, telles que celles qui traitent du chiffre daffaires de lhtel (hsitation avant de rpondre). En outre, certaines questions ont t dcomposes en plusieurs sous-questions afin de simplifier la comprhension, telles que les questions relatives aux apports attendus de la vente par Internet (taille du march). - Types dchelles de mesures. Pour certaines questions, les chelles de Likert ( cinq chelons) ont t remplaces par des questions dichotomiques (oui ou non) et inversement. Par exemple, les chelles dichotomiques utilises pour mesurer leffet du commerce lectronique sur les cots et la concurrence ont t remplaces par des chelles en trois points, savoir : augmenter , rduire et sans effets . Pour mesurer limportance accorde par les htels aux facteurs de comptitivit et afin dviter des rponses de type toutes les variables sont importantes , lchelle dimportance a t remplace par des chelles de classement (rang). Structure du questionnaire. Le questionnaire dfinitif est, comme dj indiqu, structur en 10 grandes catgories de questions. Lordre des questions correspond plutt une logique de droulement dun entretien en face face.

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- La premire et la deuxime catgorie de questions ont pour but de familiariser lhtelier avec le questionnaire, lui prsenter les principaux points traits et le mettre laise. - La troisime catgorie de questions prsente les nouvelles variables marketing et critres de comptitivit pour la vente travers Internet. - Les quatrime et cinquime catgories de questions traitent, respectivement, les apports marketing attendus du commerce lectronique sur la taille du march (4) et la diffrenciation de loffre (5). - Les sixime et septime catgories de questions prsentent, respectivement, le potentiel du commerce lectronique amliorer les cots marketing (6) et les relations daffaires entre lhtel et les tours oprateurs (7). - Les huitime et neuvime catgories de questions sintressent aux possibilits des htels dvelopper la vente directe par Internet sans les tours oprateurs (8) et leurs capacits faire face aux ventuelles ractions dorganisateurs de voyages mcontents (9). - La dixime catgorie de questions porte sur la place de chaque canal de vente lectronique dans le march htelier et son potentiel de dveloppement. Echelles de mesure. Les chelles dattitudes sont apparues les plus souhaitables pour raliser les mesures statistiques relatives aux prises de positions des hteliers sur les variables tudies (Evards et al. 2003). Pratiquement, cette recherche utilise lchelle support smantique (rang, dichotomique, etc.) et lchelle de type Likert qui sont illustres ci-dessous avec lexemple des principales variables retenues pour le modle empirique. - La taille du march. Cette variable est relie la question qui permet au rpondant de sexprimer sur le dveloppement des ventes attendu en adoptant le commerce lectronique. Concrtement, par exemple, laugmentation du nombre de clients (stratgie extensive) est mesurer par lchelle de Likert en cinq chelons, de trs faible trs fort . Laugmentation des ventes par client (stratgie intensive) tant une variable qualitative, elle est value par une question dichotomique (oui ou non). - Le pouvoir de ngociation, les facteurs de comptitivit, les comportements concurrentiels, et la satisfaction des clients. Ce sont des variables qualitatives qui permettent au rpondant de sexprimer sur les effets attendus de la vente directe par Internet. Elles sont mesurer par des questions dichotomiques (oui ou non).

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- La stratgie de vente directe par Internet. Cette variable, qui permet de sexprimer sur la faisabilit et le potentiel de croissance de ce canal de vente directe, est mesurer par une chelle de Likert en cinq chelons, de trs bon pas bon du tout . - Le degr dimportance des nouvelles variables marketing 3. Les questions permettent au rpondant de se prononcer sur le degr dimportance de chacune des variables retenues pour dvelopper la vente directe par Internet et raliser les objectifs marketing attendus. Les quatre variables ont t mesures par une chelle dimportance en cinq chelons, allant de trs important pas important du tout . Pour chaque variable, on a utilis des questions de contrle afin daugmenter la fiabilit des rponses et de bnficier de plus dinformations utiles pour linterprtation des rsultats. Les items utiliss sont dgags de la revue de la littrature et des interviews quon a ralis. Collecte des informations. Les hteliers participants lenqute ont t informs avant lenvoi du questionnaire, soit par e-mail, soit par tlphone. Cette information pralable a port sur lobjectif de lenqute, le cadre de ltude qui est une thse de doctorat lUniversit de Fribourg, la garantie de la confidentialit grce des rponses traites dune faon agrge et garantie de lanonymat des rpondants. Les principaux inconvnients de cette procdure par questionnaires sont relatifs la lenteur dans la rcolte de linformation, aux efforts ncessaires pour motiver les participants rpondre dans les dlais, aux cots des dplacements et au temps investi pour amliorer le taux de rponse. En effet, pour la majorit des participants, il a fallu dabord convaincre la secrtaire pour pouvoir parler au tlphone avec le responsable de lhtel, puis lui envoyer le questionnaire par e-mail ou le dposer lhtel. La meilleure approche a finalement t dattendre une semaine et de se dplacer personnellement pour chercher le questionnaire complt. Dans la majorit des cas, le questionnaire a t complt en prsence de lauteur ou utilis comme un guide dentretien directif. Cette approche a considrablement augment les dpenses dnergie mais a eu pour effet lenrichissement des rponses par les discussions qui ont eu lieu pendant et aprs que le rpondant a complt le questionnaire.

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(1) La qualit du site web et des TIC, (2) le savoir faire, (3) la rputation de crdibilit et (4) la notorit de la marque de lentreprise htelire et de son site web dans le march de voyages mondial (voir Chap.8).

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Dure des entretiens. La dure moyenne de ladministration du questionnaire par les personnes interroges tait dune heure environ. Priode. La collecte des donnes a dur environ six mois, de janvier 2005 juillet 2005. Taux de rponses. Sur les 70 entreprises contactes 61 ont accept de remplir le questionnaire, soit un taux de rponse de 90%.

1.6. Enqute quantitative : analyse des donnes et interprtation des rsultatsLa nature des donnes nous a amen utiliser des mthodes systmatiques et diffrencies danalyse de donnes, savoir : lanalyse univarie (tri simple) et lanalyse bivarie (tri crois) avec les tests de Chi- carr. Lanalyse uni-vari (tris simples). Cette mthode danalyse correspond un classement des rponses selon une seule variable. Elle permet de dcrire la situation du march htelier et de reprer les htels qui ont fournis des rponses extrmes. Pour mieux interprter les rsultats et claircir les motivations des rponses extrmes, on a ralis de nouveaux entretiens avec ces htels durant les mois de fvrier et mars 2006. Les tests dassociations ou de relations entre variables (tri crois ou bi-vari). Leur objectif principal est de mesurer les relations de dpendance existantes entre deux variables afin de dterminer dabord qualitativement les variables les plus explicatives par rapport la variable expliquer. Par ailleurs, on sest pos la question dutiliser lanalyse factorielle pour mieux dgager des classes dhtels selon des critres. Finalement lutilit de cette approche ne sest pas confirme, tant donn les rsultats obtenus. Une mme remarque est faire pour lanalyse de la variance multiple (MANOVA). Outils informatiques. Pour lanalyse des donnes, on a utilis le logiciel SPSS 12.0 Ce logiciel affiche les rsultats des traitements synthtiss dans des tableaux (tri simple et tri crois). En outre, la prparation des donnes issues du questionnaire a commenc par une vrification de la prcision des donnes collectes selon les trois critres suivants: la lisibilit, la compltude et la cohrence. Ensuite, on a transform les donnes en un format compatible un traitement informatis (codage).

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Chapitre 2 Tourisme et commerce lectronique en TunisieObjectif Lobjectif de ce chapitre est de prsenter les principaux aspects du paysage touristique et du commerce lectronique en Tunisie, en se basant sur des documents et des avis dexperts du tourisme et du commerce lectronique. Plan Ce chapitre se dcompose en trois sections. Tout dabord, il traite le contexte du tourisme mondial et de celui des pays concurrents (2.1). Ensuite, il se consacre directement au tourisme de la Tunisie (2.2). Enfin, il tudie le commerce lectronique en Tunisie (2.3). Pour ces divers domaines, on sefforcera de ne retenir que les lments indispensables lclairage de notre sujet qui reste ltude du commerce lectronique dans le tourisme en Tunisie.

2.1. Le tourisme dans le monde et les pays concurrents de la Tunisie2.1.1. Tourisme dans le mondeTableau 2.1. Arrives et recettes du tourisme international dans le monde de 2000 2006. 2000 2001 2002 2003 2004 2005 Recettes en milliards $ 474 462 480 527 633 678 Variation annuelle 8.1% -0.2% 3.9% 9.8% 20.1% 7.0% Arrives de touristes en millions 686 684 703 689 764 802 Variation annuelle 7.2% -0.1% 2.9% -1.5% 10.1% 5.4% Source. OMT, juin 2007. 2006 735 8.5% 842 4.9%

Lindustrie du tourisme dans le monde connat depuis plusieurs dizaines dannes une croissance relativement leve (tableau 2.1). Elle joue un rle important dans le dveloppement et la prosprit conomique de plusieurs pays mergents, comme cest le cas de la Tunisie. Les dpenses et les dplacements des touristes internationaux reprsentant des flux montaires considrables entre les pays de dpart et les pays daccueil et participent dans la mme mesure au dveloppement de lemploi dans cette activit et les secteurs lis.

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Contributions lconomie nationale. La contribution du tourisme dans lconomie nationale des pays, touche des activits relevant directement du tourisme (htellerie, restauration, transport, animation touristique, artisanat, etc.), les investissements privs raliss par les entreprises lies au tourisme (immobilier, financement, etc.) et les dpenses publiques investies pour moderniser et dvelopper lactivit touristique (subventionnement, infrastructures publiques, dpenses de fonctionnements). Evolution. En dpit des risques induits par la hausse des prix du ptrole, la menace de grippe aviaire et les tensions gopolitiques, le nombre des voyageurs dans le monde en 2006 a connu un taux de croissance de 4.5%, pour atteindre environ 842 millions de sjours internationaux. En ce qui concerne lvolution future, lOMT sattend un rythme de croissance de 4.1% par an pour lensemble du monde jusquen 2020 (BCT 2007). 2.1.2. Importance du tourisme international par zones gographiques.Tableau 2.2. Arrives et recettes du tourisme international par zones gographiques, en 2006. Rgions Nombre de touristes internationaux Recettes du tourisme international Nombre en En % Variations Valeurs en En % Variations millions mondial 2006-2005 milliards $ mondial 2006-2005 Europe 456.9 54.3 4.3% 377.6 51.3 4% Asie et Pacifique 167.4 19.9 7.8% 153.4 20.9 9.4 % Amrique 136.0 16.2 2.1% 153.3 20.9 1.8 % Moyen orient 40.7 4.8 5.9 % 26.8 3.6 2.2 % (y compris Egypte) Afrique 40.9 4.9 9.8% 24.2 3.3 10% Total 841.9 100.0 4.5% 735 100% Source. OMT 2007, BCT 2007.

Pour bien comprendre ce tableau 2.2, il faut souligner quil saisit les arrives des touristes internationaux et les recettes du tourisme international dans la rgion gographique considre. Les recettes du tourisme international englobent toutes les dpenses lies la consommation des visiteurs internationaux (hbergement, nourriture et boissons, transport intrieur, divertissements) sans le titre de transport international achet auprs de compagnies situes en dehors du pays daccueil. Lanalyse du tableau permet les conclusions ci-dessous, et relatives lanne 2006. LEurope dtient la premire place des arrives de touristes internationaux et des recettes touristiques pour lensemble du monde, suivie par lAmrique et la rgion de lAsie de lEst et Pacifique.

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La part de lAfrique dans le total du march mondial est denviron 4.9% (40.9 millions) du nombre des touristes internationaux et de 3.3% des recettes mondiales. La premire place revient lAfrique subsaharienne 4 avec 25.6 millions, suivie par lAfrique du Nord avec 14.4 millions de touristes internationaux, dont lessentiel est partag entre les arrives en Tunisie et au Maroc. Les classements par pays selon le nombre de touristes internationaux en 2006 placent la France au premier rang mondial avec 79.1 millions, suivie par lEspagne (58.5 millions), les Etats-Unis dAmrique (51.1 millions), la Chine (49.6 millions), lItalie (41.1 millions), lAngleterre (30.1 millions) et lAllemagne (23.6 millions). Ces pays sont aussi classs dans les six premiers rangs du classement mondial de lOMT pour les recettes touristiques (voir tableau 4.5). Pour lAfrique, en 2006, lEgypte reprsente la premire destination touristique avec 8.6 millions de touristes internationaux 5, suivie de lAfrique du Sud (8.4 millions), de la Tunisie (6.5 millions) et du Maroc (6.4 millions). Daprs nos entretiens avec les hteliers tunisiens, lAlgrie et la Libye sont loin dtre considres comme des destinations touristiques confirmes. Mais, ces pays reprsenteraient deux concurrents potentiels de la Tunisie, ds lors quils se proccupent de faire du tourisme un nouvel axe de leur dveloppement conomique moyen et long terme. 2.1.3. Importance du tourisme dans les principales destinations concurrentes de la Tunisie. La Tunisie est avant tout en concurrence avec les pays qui entourent la Mditerrane, principalement le Maroc et la Turquie et, dans une moindre mesure, lEgypte.Tableau 2.3. Offres htelires en Tunisie et dans les principales destinations concurrentes, en 2006.

Critres de performances Tunisie Nombre dhtels 830 Capacit en milliers de lits 230 Recettes en millions $ 2227 Nombre de touristes en milliers 6550 Nuites en milliers 33587

Maroc 1100 124 5967 6558 15'200

Egypte 1321 542 7591 8641 71668

Turquie 2460 621 16853 18916 61904

Algrie 1057 92 175 1443 483

Sources : Sites web de loffice de statistiques de chacun de ces pays (octobre en 2007).

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Qui comprend tout ce qui nest pas lAfrique du Nord, ni lEgypte. Ce chiffre nest pas compris dans le total de 40 millions indiqu pour lAfrique (tableau 2.2).

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La Turquie 6 vient bien avant la Tunisie et le Maroc pour lensemble des critres de performance du tableau 2.3, suivie par lEgypte. La Tunisie dispose dun nombre darrives de touristes internationale proche de celui du Maroc. Ce pays est toutefois beaucoup mieux plac que la Tunisie quant aux recettes touristiques, qui sont environ le triple de celles ralises par la Tunisie. Ceci pourrait tre expliqu par des recettes moyennes par touriste largement suprieures au Maroc quen Tunisie. Cette remarque est valable aussi pour lEgypte. LAlgrie dispose bien dun grand nombre dhtels, mais seulement un petit nombre dentre eux est class 7. Elle oriente son activit touristique principalement vers les Algriens qui vivent ltranger 8. Pour le tourisme international, lAlgrie a ainsi une importance proche de lle de la Libye qui a toutefois une structure de grands htels daffaires. La Libye dispose en 2005 denviron 194 htels et dune capacit dhbergement de 19'980 lits. La concurrence entre ces pays mditerranens est ainsi moins forte quon pourrait penser, en raison dune segmentation du march. Celle-ci peut tre dtaille dans les aspects suivants : les segments cibls, les pays dorigine des touristes, la place des tours oprateurs, la gamme des prix, et les effets dentranement sur les autres secteurs. Les segments cibls. La Tunisie est souvent considre comme une destination balnaire de masse, avec une importance moins grande du tourisme culturel (archologie, histoire), de congrs et dattractions thme. Le Maroc, lEgypte et la Turquie se prsentent la fois comme des destinations culturelles et balnaires haut de gamme (croisires, yachting, plonge sous-marine, sports nautiques). La politique de ciel ouvert adopte par certains pays concurrents et faite daccords bilatraux entre pays pour les vols de leurs compagnies ariennes respectives a augment la frquence des vols et la prsence des compagnies low-cost . On a ainsi une flexibilit plus grande pour les pays concurrents, alors que la Tunisie ne bnficie pas de tels accords. Les pays dorigine des touristes. Les Europens sont les principaux clients prsents dans les pays mditerranens. On retrouve dans chaque pays daccueil des proportionsSelon les deux critres Recettes touristiques et arrives de touristes internationaux , on observe les classements suivants par lOMT en 2006: Turquie (9me et 11me), Egypte (27me et 24me) ; Marco (31me et 33me) et la Tunisie la 32me place pour les arrives de touristes internationaux et pas classe pour les recettes. 7 Dont en 2006, 105 htels classs entre trois et cinq toiles et 804 htels non classs. 8 Environ 441 milles touristes trangers et un million dalgriens rsidents ltrangers ont visit lAlgrie en 2005.6

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proches quant au pays dorigine. Mais les pays daccueil ciblent aussi dautres marchs non europens. Par exemple, les Amricains sont assez nombreux visiter le Maroc, la Turquie et lEgypte, mais constituent une clientle marginale en Tunisie. Les touristes originaires du Moyen-Orient visitent surtout lEgypte, alors que les Algriens et les Libyens se rendent plus nombreux en Tunisie. La place des tours oprateurs-TO. En Tunisie, la place des TO dans le dveloppement de lactivit touristique, est beaucoup plus importante quau Maroc et quen Egypte. La dominance des TO sillustre travers tout le processus de production, de promotion et de commercialisation des produits touristiques tunisiens. La promotion du tourisme de la Tunisie par des TO spcialiss dans le tourisme balnaire de masse a entran une dgradation de limage du pays sur les marchs trangers, alors que la majorit de ses htels sont de haut standing et classs de trois cinq toiles. Dans le mme sens, on doit noter labsence de TO tunisiens capables de crer des synergies marketing avec les organismes de promotion touristique. Ces facteurs ont contribu lexpansion des voyages balnaires organiss et forfait vers la Tunisie, dont lactivit se limite aux trois mois de lt. Ce constat de saisonnalit de la demande est valable aussi pour la Turquie (environ 40% des entres pendant les trois mois dt) et le Maroc (30%), linverse de lEgypte, dont lactivit touristique stale plus sur toute lanne. Gamme de prix. Les agences de voyages classent la Tunisie parmi les pays daccueil les moins chers du bassin mditerranen. La Tunisie dtient en 2006, les niveaux des dpenses moyennes par touristes les plus faibles (environ 323 $), suivie par la Turquie (500$). Les dpenses moyennes des touristes au Maroc (790 $) sont proches de celles ralises en Egypte (831$). Cette situation a dj t note dans lanalyse du tableau 2.3. Une comparaison des offres de sjours touristiques offerts par Internet en Tunisie et au Maroc (dans les mmes conditions de voyages et de sjour) rvle que les tarifs de la Tunisie sont souvent plus bas que ceux du Maroc. Les carts entre les prix peuvent atteindre parfois quelques centaines deuros, malgr la faible diffrence des prix du transport arien. Effets dentranement sur les autres secteurs. En Tunisie, lessentiel des dpenses des touristes se ralise dans les complexes touristiques, alors que cette proportion est plus faible au Maroc et en Egypte. Dans ces deux pays, lactivit touristique se diffuse31

mieux dans lensemble de lconomie. Les touristes qui sjournent en Tunisie peuvent mme venir avec des porte-monnaie quasiment vides, en optant pour la formule tout compris . La situation saggrave encore si les touristes sjournent dans des htels grs par des chanes trangres. Dans ce cas, le pourcentage des dpenses restant en Tunisie est encore plus faible. La prsence des entreprises trangres sest acclre aprs louverture du march tunisien aux investissements trangers et la concurrence internationale. Les entretiens rvlent que les premiers hteliers tunisiens ont t majoritairement des ex-banquiers ou des entrepreneurs immobiliers locaux qui ont dvelopp des activits touristiques en bnficiant des avantages accords par lEtat (Crdits bancaires, subventions, avantages fonciers). Ces hteliers, sans exprience pralable dans lindustrie touristique, ont sous-trait la gestion de leurs units htelires des entreprises spcialises. Parmi ces entreprises, on dnombre un grand nombre de chanes trangres ou de TO, majoritairement spcialiss dans le tourisme balnaire de masse. Les divers aspects de cette segmentation du march sont plutt jugs comme dfavorables la Tunisie.

2.2. Le tourisme en TunisieLa Tunisie, comme plusieurs autres pays en voie de dveloppement, a opt aprs son indpendance pour une stratgie de dveloppement conomique sappuyant sur le tourisme comme source rapide de devises et de cration demplois. En 2006, la Tunisie a accueilli plus de 6.5 millions de touristes, principalement des Europens (60%) et des Maghrbins (30%). Lindustrie touristique a gnr lquivalent de 2.825 milliards de dinars tunisiens de recette en devises (1 DTN = 1.3 $, en novembre 2007). Elle a contribu avec 5.8 % dans le PIB, et 12 % dans les recettes courantes provenant des biens et des services exports. En plus, elle a occup directement plus de 85'000 personnes et indirectement 260000 personnes (BCT 2007). Le dveloppement du tourisme contribue en plus au dveloppement des autres secteurs lis, tels que le transport arien et lartisanat.

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Durant la priode de 1956 9 2006, la capacit htelire de la Tunisie a pass denviron 3500 plus de 220'000 lits et le nombre de touristes internationaux pass de 36'000 plus de 6.5 millions (ONTT 2007). Cette volution du tourisme tunisien a t marqu par la succession de plusieurs phases que lon peut regrouper selon quelles se situent avant ou aprs 1995. 2.2.1. Lancement et croissance de lindustrie touristique en Tunisie (entre 1956 et 1995)Tableau 2.4. Principaux indicateurs touristiques pour la Tunisie de 1962 1995. 1962 1965 1970 1975 1980 1990 Nombre dhtels 74 85 212 273 319 508 Capacit en lits 4077 8726 35297 62397 71259 94900 Emplois hteliers 1631 3490 14119 24959 28612 46600 Entres en milliers 53 166 410 1014 1602 3203 Nuites en milliers 396 1129 3819 8652 12098 17092 Source : site web Tourisme dans le monde (octobre 2007), ONTT (2000). 1995 612 137700 64600 4120 22995

On peut distinguer pour cette priode des phases successives trs diffrentes. Elles sont toujours associes un fort dveloppement touristique. Chaque priode connat toutefois des orientations nouvelles lis des politiques conomiques, elles-mmes trs diffrentes, tant donn les options des gouvernements qui se sont succds. Ces diverses orientations ont toutefois tendance sajouter aux orientations antrieures dans une certaine complmentarit. Ces diverses squences du dveloppement touristique de la Tunisie se sont aussi accompagnes de profonds changements sociaux-culturels aussi bien dans lindustrie touristique que dans son environnement. On doit donc tudier cette priode 1956-1995 en deux parties : les principales phases de lvolution, et les effets du dveloppement intensif du tourisme en Tunisie Principales phases de lvolution. Durant la priode du protectorat franais, la Tunisie a t considre comme un endroit de repos, destine principalement aux Franais fortuns. Elle disposait dun petit nombre dhtels luxueux rpondant aux exigences des touristes, attirs principalement par les 600 km de plage et les 1298 km de cte mditerranenne de la Tunisie. Le terrain de golf de Carthage, cre la Soukra en 1927 avec 18 trous sur une surface de 28 hectares, a attir trs tt les golfeurs franais.9

La date de lindpendance de la Tunisie par rapport la France est le 20 mars 1956.

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Durant la priode 1956 1961, la priorit de la Tunisie a t de librer son conomie nationale du contrle franais (dcolonisation conomique). Durant ces cinq premires annes aprs lindpendance, lEtat a centr son action sur lagriculture et lextraction minrale plutt que sur lindustrie ou le tourisme. Pour motiver le secteur priv jouer un rle plus important dans lconomie du pays, la Tunisie a offert pendant cette priode des incitations fiscales et des facilits de crdits. Cette politique a engendr lapparition de petites et moyennes entreprises actives dans les divers secteurs de lconomie tunisienne, notamment dans lindustrie touristique. Durant cette priode, lEtat tait le seul agent conomique capable de mobiliser de grands capitaux et dinvestir dans les diffrents domaines de lactivit conomique. Les investisseurs privs disposant de grandes ressources financires et prts lancer de grands projets taient rares. Pour remdier cette situation, la Tunisie a cre, en 1959, la Banque de Dveloppement Economique de Tunisie (BDET), appele lors de sa cration Socit Nationale dInvestissement (SNI 10). Son activit devait ds le dbut stendre une multitude de secteurs conomiques (industrie, tourisme, agriculture, transports, tlcommunications). Durant les annes 1962 1969, la Tunisie a eu un gouvernement dorientation collectiviste qui a mis en place des coopratives et des entreprises publiques dans beaucoup de secteurs conomiques. Durant cette priode, la Tunisie a opt pour une stratgie de continuit pour lactivit touristique, qui a chapp une gestion entirement tatique. Elle a cherch attirer des clients ayant un haut niveau de vie. Sa cible principale tait les Franais, tant donn les liens historiques et conomiques entre les deux pays. Ensuite, la Tunisie a diversifi ses marchs europens en ciblant les touristes originaires de lEurope du Nord, en particulier les Allemands, qui sont devenus nombreux ds la fin des annes 1960. Durant cette priode, plusieurs htels de cinq toiles (quon appelle des palaces) ont t construits par la Socit Htelire et Touristique de Tunisie-SHTT (socit dEtat cre en 1964). Lactivit touristique a connu du succs et les hteliers ont pu raliser de fortes rentabilits. La Tunisie a

SNI est une socit dconomie mixte transforme en banque de dveloppement, avec des actionnariats diversifis grce la participation de la Banque Mondiale et de quelques tablissements financiers europens.

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accord le monopole 11 de la gestion des htels lOffice national du tourisme tunisien (ONTT). Cet organisme dEtat avait pour mission de normaliser lactivit touristique et dassurer un dveloppement touristique au service de lconomie nationale conformment la politique collectiviste (politique de planification). De plus, lEtat a cre en 1969 la Banque Nationale de Dveloppement Touristique (BNDT) appele au dbut la Compagnie Financire Immobilire Touristique (COFIT), spcialise dans le financement des projets touristiques. Ces organismes ont t dun grand apport pour lconomie tunisienne et lindustrie touristique, surtout durant la dcennie suivante, 1970- 1980. Durant les annes 1970 1980, avec un gouvernement libral ( capitalisme sous contrle ), et une orientation progressive vers lconomie de march et la proprit prive, la Tunisie a intgr, dans sa stratgie de vente, les touristes et les familles europennes de classe moyenne. Plusieurs htels balnaires, de catgories deux et trois toiles ont t construits pour hberger ce nouveau segment de march. Cette stratgie a connu un nouveau succs et la Tunisie a attir plusieurs milliers de touristes Europens, ainsi que des Maghrbins de classes plus favorises. Cette dcennie se caractrise aussi par le dveloppement du tourisme daffaires, suite louverture de lconomie tunisienne sur des activits industrielles, aprs lchec de la politique de collectivisation force (1962-1969). Les annes 1970 se caractrisent par la redynamisation de lconomie tunisienne et la rhabilitation du secteur priv, en accordant une priorit la rentabilit conomique des entreprises publiques et prives. Grce aux encouragements de lEtat et la mise en place de lgislations 12 tendant promouvoir les activits exportatrices, plusieurs entreprises trangres et locales ont dvelopp, notamment, les industries du textile et de la transformation (lectriques, mcaniques, mtallurgiques, agroalimentaires). Cette volution industrielle a t accompagne par la croissance de lactivit touristique, surtout dans les zones balnaires et les grandes villes industrielles ctires (programme de construction dhtels de la dcennie 1970-1980). Pour cette priode, lEtat tunisien a mis en place plusieurs mesures pour rglementer lindustrie

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Dcret loi du 19 mars 1963 attribuant le monopole de la gestion des htels lONTT. Loi 72-38 qui a cr en 1972 un rgime particulier au profit des industries exportatrices (Off-Shore).

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touristique, qui influencent aujourdhui encore la lgislation: autorisation douverture dun tablissement touristique 13, gestion et qualification de la direction des htels 14, organisation des agences de voyages 15, organisation de lactivit des guides touristiques 16, expropriation 17. LEtat a aussi encourag les initiatives prives, principalement locales, en accordant des facilits foncires et des incitations conomiques : subventions, allgements et exonrations fiscales, importations sans droits de douane, facilits de crdits pour la construction dhtels et des infrastructures touristiques, acquisition des terrains prix bas, et garantie de rapatriement des profits et dividendes du capital investi par des partenaires trangers. De plus, on note pour les annes 1970, llimination du monopole 18 de la gestion accord lONTT et lapparition dassociations professionnelles dans les principales activits touristiques: Fdration Tunisienne de lHtellerie (FTH) 19, Association Tunisienne des Agences de Voyages (ATAV), etc. Le nouveau rle de lONTT se limite lapplication de la politique de la Tunisie en matire touristique, lencadrement des acteurs privs et publics et la promotion du tourisme tunisien travers ses divers commissariats rgionaux en Tunisie et ses reprsentations implantes dans les principaux pays de dpart des touristes internationaux vers la Tunisie. Durant les annes 1981 -1986, avec une forte crise conomique et financire (baisse des recettes ptrolires, scheresses), lindustrie touristique est devenue le secteur moteur de lconomie tunisienne. Durant cette priode, la Tunisie a connu une forte croissance de ses activits touristiques, et elle a entam un programme de prparation des infrastructures ncessaires pour accueillir plusieurs millions de touristes. Diverses mesures daccompagnement ont t prises : formation du personnel par la cration dun

Dcret loi N 73-4 du 3 octobre 1973 relatif au contrle de la construction des tablissements de tourisme. Dcret-loi N 73-03 du 3.10.1973 relatif au contrle de la gestion des tablissements de tourisme. Dcret N 73-509 du 30.10.73 relatif lagrment des directeurs des tablissements dhbergement touristiques. 15 Arrt du ministre de lconomie du 25 mai 1974 relatif aux conditions dorganisation des circuits et excursions par les agences de voyages de licence A . 16 Dcret-loi N 73-05 du 03.10.1973 fixant les conditions dexercice de la profession de guide touristique. 17 Loi N 85-76 du 11 aot 1976 portant refonte de la lgislation concernant lexpropriation pour cause dutilit publique. Dcret N 216-73 du 15 mai 1973 portant organisation et fonctionnement de lAFT. 18 Loi N 71-22 du 25 mai 1971 concerne la suspension du monopole de lONTT, en abrogeant le dcret loi du 19 mars 1963. 19 Cre le 21 septembre 1960, comme un syndicat national professionnel indpendant.14

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certain nombre dcoles htelires, amnagement de terrains dans les zones touristiques 20, facilits pour le financement des projets touristiques (nouvelles crations, rnovations, extensions). Durant la priode de 1980 1983, six nouvelles 21 banques de dveloppement capitaux mixtes ont t cres pour assurer le financement moyen et long terme des projets dinvestissement dans les divers secteurs conomiques, y compris des projets touristiques. Les recommandations du FMI dans le cadre du plan dajustement structurel (PAS) adopt par la Tunisie en 1986, ont incit le pays adopter un programme de drglementation et de privatisation progressive de son conomie. Ce programme vise aussi renforcer louverture de lindustrie touristique aux acteurs privs locaux et trangers afin de disposer de nouvelles sources de devises (privatisation dhtels grs par des organismes dEtat). Egalement, le dveloppement du transport arien et, en particulier lintensification des vols affrts non rguliers (charters) a facilit les voyages entre la Tunisie et les pays de dpart, principalement europens. La priode des annes 1987 1995, se caractrise par la libralisation de lconomie tunisienne avec la coopration du FMI et de la Banque mondiale. Ds la moiti des annes 1980, lEtat tunisien a intensifi sa politique de dsengagement par rapport lindustrie touristique, au profit des investisseurs privs, censs tre plus performants, dans un march de en plus concurrentiel. Lacteur public SHTT et quelques tablissements publics bancaires ont continu vendre leurs htels aux privs. A la fin de cette priode, les entreprises touristiques publiques sont devenues moins nombreuses que les entreprises prives. Cette priode se caractrise aussi par lapparition de nombreuses difficults dans lindustrie touristique tunisienne, principalement pour les htels tunisiens. La premire guerre du Golfe (1991) a notamment entran une forte chute des nuites vendues aux touristes Europens et Nord-Amricains. Il en est rsult un dsquilibre dans le pouvoir de ngociation et le partage des gains conomiques entre les voyagistes des pays de dpart et les htels de la Tunisie. Les htels, fortement endetts et ayant des problmes de solvabilit, ont accept de baisser leurs tarifs auLagence foncire touristique (AFT) a mis la disposition des promoteurs hteliers des terrains amnags avec de llectricit, de leau potable, du rseau tlphonique, des routes, des infrastructures sanitaires. 21 Ces banques ont des capitaux mixtes entre lEtat tunisien et un Etat ptrolier (Libye ou pays du Golfe).20

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profit des tours oprateurs (TO). Ces TO, pour remplir au maximum les htels sous contrat, ont vendu la Tunisie comme une destination de tourisme de masse. La prise de conscience par les acteurs du tourisme tunisien de la forte sensibilit de leur activit aux conflits rgionaux, sans que la Tunisie soit directement implique dans ces conflits (Israel et Palestine, Algrie, Irak), ont induit llaboration de nouveaux choix stratgiques dans lindustrie du tourisme tunisien. On cite principalement ce sujet la modernisation et la rglementation de lactivit touristique et lacclration de la privatisation dentreprises touristiques gres par des organismes de lEtat. Plusieurs dcrets et lois ont t promulgus durant cette priode, rglementant les activits danimations touristiques et les activits lies 22, lorganisation et lexploitation dun tablissement thermal 23, la ralisation des projets dans les zones touristiques amnages et en dehors de ces zones touristiques 24, limportation des quipements touristiques et loctroi davantages fiscaux 25, des primes pour le dveloppement rgional 26, des incitations fiscales pour le renouvellement des quipements 27, et la rglementation du secteur du transport touristique 28. Effets du dveloppement intensif du tourisme (en Tunisie). La libralisation et la drglementation de lconomie tunisienne et le dveloppement rapide de lactivit touristique ont engendr de fortes restructurations sociales en Tunisie. Le dveloppement du tourisme international, en plus de ses apports conomiques pour la Tunisie, a engendr des rpercussions profondes sur les structures socioculturelles du pays, lattitude de la population locale envers le tourisme, le dsquilibre rgional et la

Dcret N 89-432 du 31 mars 1989, relatif au classement des restaurants touristiques. Arrt du ministre du tourisme et du lartisanat du 24 aot 1989, portant approbation du cahier de charges fixant les normes et les conditions dagrment, dorganisation et dexploitation dun tablissement thermal. 24 Dcret N 94-426 du 14 fvrier 1994, fixant la liste des zones dencouragements au dveloppement rgional. 25 Loi N 90-21 du 19 mars 1990, portant promulgation du code des investissements touristiques. Loi N 93120 du 27.12.1993, portant promulgation du code dincitation aux investissements. 26 Dcret N 94-539 du 10 mars 1994, portant fixation des primes. Dcret N 99-483 du 10 mars 1999, portant dlimitation des zones dencouragement au dveloppement. 27 Dcret N 94-876 du 18 avril 1994, fixant la liste des biens dquipement ncessaires la ralisation des investissements dans le secteur touristique et ligibles au bnfice des incitations fiscales prvues par larticle 56 du code dincitation aux investissements et les conditions doctroi de ces incitations. 28 Dcret N 94-1057 du 9 mai 1994, fixant la liste des biens dquipement ncessaires la ralisation des investissements dans le secteur du transport routier des personnes et de transport international routier des marchandises ainsi que du transport maritime et arien, ligible aux bnfices des incitations fiscales prvues par larticle 50 du code dincitation aux investissements et les conditions de leur octroi.23

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dgradation de son environnement cologique. Comportements des touristes. Aprs son indpendance, la Tunisie tait un pays agricole avec une population attache aux traditions. Les interactions entre la population locale et les visiteurs du pays ont entran la diffusion de nouveaux modles de comportement et de valeurs, principalement dans les grandes villes touristiques. Ces modles ont t rejets par une partie de la population et partiellement adopts par dautres. Certains comportements des touristes ont en particulier entran des ractions de rejet auprs de la population locale, majoritairement non prpare recevoir des millions de visiteurs avec des comportements non familiers (femmes lgrement habilles, couples qui sembrassent publiquement, drague des jeunes). Sgrgation et interventions scuritaires. Le manque dinfrastructures et danimations touristiques dans les zones publiques et non touristiques a motiv les hteliers dvelopper ces activits dans leurs tablissements, qui ont t presque les seuls fournir ce genre de services de loisirs. De plus, plusieurs hteliers tunisiens ont pris des mesures pour limiter les contacts entre la population locale et leurs rsidents. Ils ont interdit laccs des jeunes tunisiens leurs infrastructures touristiques. Par exemple, certains htels exigent une tenue correcte pour danser la nuit au bord de la plage, alors que les touristes sont majoritairement lgrement habills. Il faut aussi tre en couple pour accder aux botes de nuit, alors que rares sont les jeunes femmes tunisiennes autorises sortir la nuit seules ou avec des copains. On exige, pour les divertissements, des droits dentres et des tarifs trop levs pour les Tunisiens. LEtat effectue beaucoup de contrles policiers dans les zones frquentes par les touristes (htels, botes de nuit, bars, plages) afin de garantir la scurit des touristes. Ces comportements ont engendr des frustrations auprs des jeunes tunisiens qui se sentent discrimins au profit des touristes, dont ils disent que tout le pays est leur service et veille sur leur confort. Orientation des investissements. La place prise par lactivit touristique comme principal axe au dveloppement conomique de la Tunisie, a orient les encouragements de lEtat et les dcisions dinvestissements publics et privs vers lindustrie touristique. Ces dcisions ont t perues par la population locale comme de mauvaises allocations des investissements publics. Elle estime que la Tunisie a besoin39

plutt dun dveloppement massif dans ses infrastructures vitales (logements, coles, universits, tablissements hospitaliers, rseaux de transport en commun). Comportement des milieux du tourisme. Le manque de contact avec la population locale a rendu difficile, pour les touristes, la connaissance des traditions et de la culture tunisienne et en particulier la tradition dhospitalit de la population locale, et des volutions de ses modes de vie. Les touristes repartent majoritairement avec des ides et des jugements qui se basent sur leurs expriences avec le personnel htelier (guides, animateurs) et avec les commerants actifs dans les zones touristiques. Ces personnes, de par leur formation et leur situation conomique parfois prcaire, ont souvent pour premire motivation de vendre un maximum de produits aux touristes un prix fort. Habitat et travail des populations locales. Le dveloppement rapide de lactivit touristique dans les annes 1970 1995 a engendr une forte augmentation du nombre des habitants dans les villes touristiques, avec des augmentations de prix des produits alimentaires et des loyers. Cette priode se caractrise en effet par des dplacements massifs des habitants des villages voisins vers les grandes villes ctires pour travailler dans lindustrie touristique. Les htels ont bnfici ainsi dune main duvre docile, et acceptant des salaires et des conditions de travail minimales (le salaire mensuel dun rceptionniste est lquivalent de deux nuites dans lhtel, avec plus de 12h de services). Aussi, plusieurs jeunes habitants des villes touristiques et des villages voisins ont arrt prmaturment leurs tudes, pour travailler dans un environnement premire vue attractif, parce que plein de loisirs et difficilement accessible la population locale (gains plus faciles). La majorit de ces jeunes a t rapidement due de ses choix. Faute de qualifications et de connaissances linguistiques, seuls les emplois les plus mal pays ou prcaires sont en effet rservs aux tunisiens. La plupart des emplois bien rmunrs ont t attribus des employs trangers souvent bien forms. Equilibre et dveloppement rgional. La croissance rapide de lactivit touristique et son importance dans lconomie durant cette priode, ont incit la Tunisie sinvestir fortement dans la mise en place des infrastructures ncessaires la rception de plusieurs millions de touristes par anne : augmentation de la capacit dhbergement, dveloppement dinfrastructures touristiques, construction des routes, cration dcoles htelires et de formation spcialises. Laugmentation du nombre de touristes en40

provenance des pays europens, a motiv la Tunisie a construire, en plus de laroport international de Tunis Carthage, de nouveaux aroports dans les rgions proches des principales zones balnaires et industrielles: Djerba (1964), Monastir (1968), Sfax (1978), Tozeur (1978), Gabs (1978), Tabarka (1992), et Gafsa (2002). La majorit de ces investissements est ralise dans les principales villes et zones touristiques (Nabeul et Hammamet proches de Tunis, Sousse et Monastir au Sahel et Djerba au Sud), cela aux dpens des rgions de larrire-pays, mme si elles disposent dun important potentiel touristique. Il en est rsult un fort dsquilibre en terme damnagement du territoire au profit des rgions touristiques, qui a entran le mcontentement des populations de plusieurs rgions de la Tunisie. Environnement cologique. Lactivit touristique a engendr une dgradation de lenvironnement cologique dans les principales zones touristiques de la Tunisie. La majorit des htels et des infrastructures touristiques se sont construits dans des villes ctires anciennement agricoles (culture des oliviers et production de ses drivs, cultures marachres, agrumes). LEtat tunisien a encourag la construction des grands htels sur plusieurs hectares agricoles de ces villes, en accordant des terrains avec des expropriations. En outre, la baisse de la quantit deau potable en Tunisie29 a amen des problmes dalimentation des grandes villes touristiques. La priorit de lapprovisionnement en eau potable a t accorde aux htels (piscines, terrains de golf, gazons, bains, nettoyages). Lvacuation des eaux uses par les htels dans la mer a engendr plusieurs problmes environnementaux. La construction de stations dpuration des eaux uses, avec utilisation des eaux pour les terrains de golf et les gazons dhtels, a cr des odeurs indsirables. Toutes ces variables ont contribu la frustration des populations originaires des grandes agglomrations touristiques, surtout celles dont lactivit conomique est sans lien avec le tourisme. Il en est rsult une attitude plutt ngative envers lindustrie touristique et les touristes.

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Les eaux profondes sont rares et le taux de salinit lev, principalement Sousse et Hammamet.

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2.2.2. Mise niveau et modernisation de lindustrie touristique en Tunisie (1995- 2006)Tableau 2.5. Principaux indicateurs touristiques pour la Tunisie de 2000 2006 Dsignation 2000 2001 Nombre dhtels 736 755 Capacit dhbergement en 173.9 205 milliers de lits Taux doccupation relatif 30 54.9% 55.2% Investissements en millions 322 331 de dinars Part dans FBCF 31 globale 4.6% 4.8% Emplois directs en milliers 79 82.2 Nombre de touristes 5057 5387 internationaux en milliers Nuites en milliers 32851 32871 Recettes en millions de 2095 2341 dinars Sources : ONTT (1999-2007), BCT (1999-2007). 2002 777 214 43% 353 4.9% 85.7 5063 24366 2021 2003 790 222 42.0% 282 4.2% 88.8 5114 25301 1902 2004 800 226 48.7% 320 4.0% 90.4 5998 33487 2290 2005 816 230 51.5% 310 3.9% 94 6378 36310 2611 2006 830 232 51.5% 330 3.4% 96 6549 36840 2825

Depuis, 1995, la Tunisie a renforc son orientation conomique librale par son adhsion lorganisation mondiale du commerce (OMC) 32 et la signature des accords de libre change avec lUnion europenne (17.07.1995). Pour lindustrie touristique, elle a adopt une nouvelle stratgie afin de remdier aux problmes hrits des dcennies antrieures, savoir une image de destination balnaire de masse, des difficults conomiques des acteurs du tourisme tunisien et une accentuation de leur dpendance des voyagistes des pays de dpart pour la promotion et la vente des produits touristiques tunisiens. Dans cette perspective, la Tunisie a pris en matire touristique toute une srie de mesures que lon peut numrer et ensuite analyser : ouverture du march, investissement et innovation, formation, diversification des marchs gographiques et des segments de loffre. Ouverture du march touristique. La Tunisie a favoris limplantation et le dveloppement de chanes htelires internationales et dentreprises prives locales et trangres (europennes) spcialises dans les programmes danimation touristique. Leur nombre a ainsi largement augment en Tunisie. Paralllement, avec aussi lencouragement des autorits, dautres entreprises se sont spcialises dans limportation de servicesLe taux doccupation absolu est le rapport des nuites globales la capacit dhbergement disponible. Le taux doccupation relatif est le rapport des mmes nuites la capacit dhbergement mise en exploitation. 31 Formation brute en capital fixe, selon la comptabilit nationale. 32 La Tunisie a ratifi les accords du GATT en 1990.30

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danimation pour des vnements ou priodes particulires (cirques, jeux aquatiques, animations dans les htels). La majorit de ces investisseurs trangers sont denvergure internationale et ont fortement influenc les orientations stratgiques et le dveloppement du tourisme tunisien. De plus, les programmes audiovisuels, les chanes de tlvision trangres principalement europennes, lInternet, ainsi que les voyages des Tunisiens ltranger pour tudes, travail ou loisirs ont contribu ouvrir la culture tunisienne plusieurs autres cultures, principalement europennes. Par consquent, des comportements et tenues vestimentaires, auparavant rejets par la population locale, se sont banaliss, ou mme ont t adopts. Ainsi, les touristes sont de moins en moins perus comme de riches profiteurs, mais plutt comme des visiteurs qui contribuent au dveloppement conomique du pays et aux rapprochements culturels. Investissement et innovation dans les infrastructures touristiques. Ds le milieu des annes 1990, la Tunisie prend conscience de la ncessit dinvestir et dinnover dans ses infrastructures touristiques ou lies au tourisme. Plusieurs htels sont considrs comme vieillissants (environ 20%), les infrastructures publiques ne sont plus considres comme adaptes pour accueillir plusieurs millions de touristes : manque de routes, de zones vertes amnages, dentreprises danimations touristiques performantes. Dans le cadre de son programme de mise niveau conomique, soutenu par la Banque Mondiale et lUnion Europenne 33, la Tunisie a ainsi encourag les htels par des subventions destines lamlioration de leurs quipements 34 et de leur gestion. Les normes 35 de classification des entreprises touristiques introduites en 2000 accordent une importance majeure au dveloppement de la qualit au niveau de la gestion et des produits, en plus des infrastructures. Les normes 2005 de classification 36 des tablissements hteliers ont introduit deux innovations majeures savoir le label de qualit et la spcialisation .

Les accords de libre change prvoient un programme de mise niveau de lconomie tunisienne assiste par lUnion europenne et la suppression progressive des droits de douane jusquau 2008. 34 Les primes pour les investissements accordes aux htels par le Fonds de Dveloppement de la Comptitivit (FODEC), sont fixes 70% du cot de ltude de diagnostic avec un plafond de 20'000 dinars, et de 10% du cot de linvestissement avec un plafond de 150'000 dinars. Deux lignes de crdit ont t mobilises pour ce programme de mise niveau : Fonds Arabe de Dveloppement Economique et Social (FADES), soit 200 millions $ et lAgence Franaise de Dveloppement (AFD) avec 50 millions deuros. 35 Arrt des ministres du commerce, du tourisme et de lartisanat de fvrier 2000. 36 Arrt des ministres du commerce et du tourisme et de lartisanat de juillet 2005.

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De plus, la Tunisie a mis en place un programme damnagement des zones touristiques, en crant des espaces vertes, des programmes danimations culturelles et touristiques, des Marinas et ports de plaisances. Dans le mme sens, on sest proccup de valoriser les mdinas et les souks des villes anciennes. Ces investissements ont contribu mieux animer les zones touristiques la journe comme le soir et ont incit les touristes quitter les espaces clos de leurs htels. Formation. Depuis 1995, la Tunisie a cr plusieurs coles htelires spcialises et elle a introduit les filires touristiques dans les tudes universitaires. On peut dire aujourdhui que lindustrie touristique bnficie dune main-duvre locale nettement mieux qualifie, disposant de hautes comptences (technique, gestion, langues). De plus, lintroduction dune taxe pour la formation professionnelle a contribu au financement de lamlioration du personnel dj actifs dans lindustrie touristique. Diversification des marchs gographiques, y compris le dveloppement du tourisme local. Lobjectif de la diversification est de rduire le risque, spcialement en loccurrence celui li aux crises politiques et conomiques. Depuis 1995, la Tunisie a fait de gros effort dans ce sens. Elle sest ainsi efforce de dvelopper son activit dans de nouveaux marchs gographiques. Elle sest aussi proccupe de dvelopper la clientle locale de son tourisme. Dans ce sens on peut remarquer lautorisation officielle daccs aux espaces touristiques en faveur des Tunisiens, sans discrimination. Cette mesure a aussi contribu lamlioration de lattitude de la population locale envers lindustrie touristique et les visiteurs du pays. Diversification de loffre touristique. Malgr la diversit des ressources naturelles, gographiques et du patrimoine historique et culturel de la Tunisie, la majorit des grands tours oprateurs mettent en avant, dans leur publicit, les nombreuses stations balnaires et abordent peu les autres offres touristiques. Cette remarque est confirme par une analyse des brochures publicitaires des voyagistes des pays de dpart qui rvle que pour la Tunisie limage du tourisme balnaire est le plus commercialise, suivi par limage touristique saharienne comme un produit complmentaire au balnaire. Dans ce contexte, depuis la fin des annes 1990, la Tunisie a adopt u