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n o 56 ARABESQUE Mai 2018

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Page 1: ARABESQUE - CVM

no56

ARABESQUEM

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018

Écrire, comme une danse.

Page 2: ARABESQUE - CVM

Nous tenons à remercier Marie-Ève Albert et tous les membres de la troupe de danse Exit 505 pour leur chaleureux accueil.

La revue littĂ©raire Tric Trac est publiĂ©e par le CANIF, en association avec un comitĂ© mixte d’étudiants et de professeurs de français. Elle s’adresse Ă  tous les Ă©lĂšves du cĂ©gep du Vieux MontrĂ©al. Nos lecteurs peuvent nous soumettre des textes liĂ©s aux thĂšmes proposĂ©s par la revue ou des textes libres. Ceux-ci peuvent ĂȘtre en prose (maximum d’une page, 36 lignes par page) ou en vers (maximum de deux pages).

Parution du prochain numéro : octobre 2018

Vous pouvez faire parvenir une copie de vos textes (format Word)par courriel Ă  [email protected].

Vous devez nous laisser votre nom, votre numéro de téléphone, votre adresse électronique et votre matricule.

Le CANIF est ouvertde 13 h 30 Ă  17 h le lundi, de 9 h Ă  17 h, du mardi au jeudi etde 9 h Ă  12 h le vendredi.

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04(1

538)

Comité de rédaction Marianne Arav-FortierEmiko BermanMarie Chartrand-CauletMilena D. LanasLaurie Daoust-St-JacquesMichelle DesgroseilliersRoxanne DufortCharlotte Fuoco-BenoitJuliette GélinasClément IsaacTamara MartelAmanda Montmeny-HuotEssanie MorinAndré C. MwangaJonathan Vandemeulebroecke

ComitĂ© d’éditionMarie Chartrand-CauletMilena D. LanasLaurie Daoust-St-JacquesMichelle DesgroseilliersClĂ©ment IsaacEssanie Morin

Tric Trac no56Volume 16, numéro 2Mai 2018

© Tous droits rĂ©servĂ©s aux auteurs et au CANIF,le Centre d’animation de français du cĂ©gep du Vieux MontrĂ©al.

Renseignements : 514 982-3437, poste 2164DépÎt légal : mai 2018BibliothÚque nationale du QuébecBibliothÚque nationale du CanadaImpression : Reprographie CVMCe numéro de Tric Trac est accessible sur Internet :www.cvm.qc.ca

Mission photographiqueLaurie Daoust-St-JacquesClément Isaac

ProfesseursSimon Bourgoin-CastonguayCharles Guilbert

CollaborationSuzanne CarriĂšre

Conception graphiqueDominique Rivard

Page 3: ARABESQUE - CVM

EMIKO BERMAN

ESSANIE MORIN

AMANDA MONTMENY-HUOT

MARIANNE ARAV-FORTIER

YIXIN CAO

CLÉMENT ISAAC

MILENA D. LANAS

ROXANNE DUFORT

LAURIE DINARDO

CHARLOTTE FUOCO-BENOIT

MICHELLE DESGROSEILLIERS

TAMARA MARTEL

ALICE BEAUDRY-LAGARDE

JONATHAN VANDEMEULEBROECKE

LAURIE DAOUST-ST-JACQUES

MARIE RIVIÈRE

ARTHURE

SIMON BOURGOIN-CASTONGUAY

ANDRÉ C. MWANGA

TABLE DES MATIÈRES

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ARABESQUE

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ARABESQUE

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Avec l'assentiment de Marie-Ève Albert, chorĂ©graphe, nous avons assistĂ© Ă  l’une des rĂ©pĂ©titions de la troupe Exit 505. ExpĂ©rience multisensorielle, il faut le dire : effluves de pieds libĂ©rĂ©s, chocs des pas qui cognent, souffles bruyants, fluiditĂ© des corps qui se frĂŽlent puis qui ne font qu’un. Il s’agissait de s’asseoir, tout simplement, de sortir son crayon peut-ĂȘtre, d’esquisser le galbe d’une hanche, ou alors de se laisser aller Ă  la passivitĂ© toute pointue de l’observation.

PRÉSENTATION

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Emik

o Be

rman

arabesque-moi mes dunes sont malléablesje me faufileraientre tes orteils

le sable se mouleĂ  ma langue aride s’étire craqueje m’égrainedans la brise de ton souffle

femme volutejusque dans mes doigts

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Je croyais que sije commençais à danser,

la Terre me laisserait la place.

Ce serait enfin à son tourde s’immobiliser

et de me regarder.

C’est peine perdue Plus personne n’y dormiraMĂȘme pas toiToi qui es si seule que voulez-vous que je fassede ces pieds qui s’épuisent de ces genoux qui flanchentde ces muscles qui se tordent de ces os qui se brisentde ces morceaux de moi qui me ralentissentme pĂ©trifient me statufient

je m’exĂ©cute quand on m’érige

je me dénature

je suisun mouvement en moinsun pas en plusune arabesque accessoire

j’essaie d’existerde me chorĂ©graphierje m’intercroise je suis un rythmetrop lent dans l’urgencetrop brusque dans la langueur

je me sculpte me tailleprécieuse

je me démorcelle

AGATHEEs

sani

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orin

Page 9: ARABESQUE - CVM

Am

anda

Mon

tmen

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Elle disait qu'un grand Ă©cart pouvait nous soulager du poids de la rumeur sur nos Ă©paules et que la foule n’était que le fond de l'air. Avec un langage inventĂ© pour la guerre, elle m'a dictĂ© la chorĂ©graphie sulfurique Ă  laquelle peu survivent. Elle m'a gavĂ© de la mer des corps qui flottent. Voyant le paysage pied-de-poule, j'ai compris que c'Ă©tait un prĂ©texte de pattes cassĂ©es. Un peu moins prĂ©cieux, j’apprends Ă  marcher sur les mains.

Il faudrait que je me demande comment tu vas.

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Toi, femme rapiĂ©cĂ©e Ă  la peau diaphaneAvec tes rĂȘves brisĂ©s aux couleurs de l’arc-en-cielTa tĂȘte agrafĂ©e sur ton corps de poupĂ©e

Vois-tu ce plancher bien ciré ?Vois-tu ce ciel de mousse isolante ?

Cette scĂšne est ton petit monde Tu danses, le balai comme partenaireUn tissu blanc reposant sur tes cheveuxPareil Ă  un voile de mariĂ©e Les pieds en pointeTu te meus au son d’une samba, d’un fox-trot ou d’un swingLe menton relevĂ© FiĂšre de ton succĂšsTu le vois comme pour la premiĂšre foisLe ciel

Pas bleu comme dans tes souvenirsMais jaune JauniSemblable à ce drap usé par les ansDélaissé depuis un certain temps

Tu t’obstines à le raccommoderÀ rassembler tous les morceaux Tu couds dans ta danse

C’est peine perdue Plus personne n’y dormiraMĂȘme pas toiToi qui es si seule

Mar

iann

e A

rav-

Fort

ier

COURTEPOINTE

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Yixi

n C

ao

ta voix mielleusese rĂ©fractedans l’aquarium de gĂ©latine

derriÚre toides halles de fruits tous légÚrement pourrisleurs peaux multicolores virant au grÚge

les dattes goĂ»tent la pellicule plastiqueune odeur de goudron omniprĂ©sentetes mains de mastic pillent l’horizon

je rĂ©prime un haut-le-cƓur

alors que tu scrutes les bananes Ă  moitiĂ© vertesune fille aux cheveux courts traverse le marchĂ©son armure blanc poudre s’effrite au soleil

elle exhale des Ă©clairsdes bordĂ©es de boutons-d’orune brise d’étĂ©

entre ses vivants va-et-vientet toi qui te vantes tes verrousle ciel se cicatrise de roseĂ  l’orĂ©e des cargaisons de poissons

je vomis dans ma bouche

FIÈVRE

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Clé

men

t Isa

ac

je vois liĂ©s dans les airsvos ĂȘtres en aplomb d’équinoxe quotidien de spirales

ici s’étendent dans un angle du cieldes mouvements lĂ©gers

vos bras joignent mes doutesje resserre vos gestesles pieds prennent tout le poids de mon départje vois un petit nombre de grands détails

QUE JE M’ABANDONNE ICI

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J’ai treize ans et, comme chaque hiver au chalet, on joue Ă  Just Dance, sauf que moi, je ne prĂ©fĂšre pas. Mes mouvements agitĂ©s, pas sur le time, veulent me faire pleurer. Je sens le rouge me monter aux joues, je prĂ©fĂšre rester assise sur le divan.

*Je danse dans la cuisine. Mon pĂšre me dit, mi-catastrophĂ© mi-amusĂ©, bailas como gringa. C’est dommage : je voudrais la cohĂ©sion des corps Ă  sang chaud, la sensualitĂ© latine ou l’impĂ©rialitĂ© noire.

*SoirĂ©e au ThĂ©Ăątre Corona Ă©toilĂ©e des lampes de cellulaires. Je dis sans cesse on danse on danse, je saute trop haut et trop fort, je pile sur les pieds des filles multifonctionnelles, celles qui savent assister Ă  un show tout en actualisant leur vie mĂ©diatique. L’une d’elles me crie FUCK YOU et sort ses fesses pour me bloquer le passage.

*Il dit te quiero mami, baila baila, de sa voix crapaude pleine de biĂšre ou d’écume lascive. Je dis no bailo, formule Ă©chappatoire facile et honteuse, alors que mes pieds tapotent le sol sans s’arrĂȘter, que mon corps se balance de gauche Ă  droite et que mes bras veulent devenir danseuses du ventre.

SÉQUENCES

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Mile

na D

. Lan

as

Un petit homme s’adonne Ă  une salsa, en fusion absolue avec lui-mĂȘme dans ses guenilles trop grandes et dĂ©colorĂ©es. Je m’entĂȘte Ă  enchaĂźner des mouvements familiers, je suis bien dans le confort de l’imitation. Soudain, je risque un numĂ©ro de couple : des pas cĂŽtĂ© cĂŽtĂ©, des mains qui ne savent plus si elles doivent agripper la hanche ou l’épaule, une finale flamboyante, doigts hauts dans les airs en feux d’artifice, jambe pointĂ©e.

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dehors le temps s’échauffeparade sous ta vitrejardinde givre spontanĂ©

et moije raccroche ma peau mouillĂ©equ’elle te danse toutesa poĂ©sie

les nouveaux hits passagersde la béatitudesaisonniÚre

LE PRINTEMPS SERA FLAMBANT NEUF

Roxa

nne

Duf

ort

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PASSION SKIveux-tu m’avoir Ă  tes cĂŽtĂ©sle temps d’une pinte de roussele temps d’un dernier chair lift

on s’regarderait dins yeuxpis pour une foisce serait vraitu remplaceraisles Ă©toiles absentes de ce soir

ça y estj’suis aveuglĂ©ec’est fou c’que ça peut diredeux p’tits ronds bleus

ASTROLOGIEpatchĂ©e rougele cou dalmatienla tĂȘte enfoncĂ©e dans mes acouphĂšnes

j’me disc’est correct d’échapperle bac de compost j’oublie tout le tempsque j’suis nĂ©e en juillet

j’comprends toutmaintenant

TOUS LES ESPACES QUE J’OCCUPE

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Laur

ie D

inar

do

LANCER DES COMÈTES sweet home alabamaau fond de nos verres

la taverne a gardĂ©sa coupe longueuil l’odeur des cigarettes fumĂ©es en d’dansses cernes de pintesincrustĂ©es dans le comptoir

je forge ma mĂ©moire en boomerang lancĂ© avec l’espoir qu’un joury me r’vienne dins mains

combien de fois j’vais devoir te direqu’à partir d’astheurej’te laisserai pus jamaispartir d’ici sans moi

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tourne sur toi-mĂȘme ton toi-mĂȘmeregarde ta chambre devenir un autre monde une galaxie remplie de livres et de poils de chatorbite autour de tes dĂ©sirs et de ta solitudetouche la voie lactĂ©e sous tes paupiĂšrestraverse la nĂ©buleuse de gaz Ă  tristesse vois tes rideaux empoussiĂ©rĂ©s qui s’effondrent se dĂ©sintĂšgrent font faire Ă  ta vie des backflipsprends l’ampleur de l’univers qui tourne gravite autour de toi stabilise ton astre et enfonce tes pieds dans le tapis dĂ©lavĂ© de ta chambre

Cha

rlotte

Fuo

co-B

enoi

t

CHAMBRE PLANÉTAIRE

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La salle a Ă©tĂ© dĂ©corĂ©e spĂ©cialement pour l’occasion. Des ballons sont attachĂ©s aux chaises et une banderole orne le mur du fond de la salle. Bal de finissants 2015-2016. La musique rĂ©sonne jusque dehors et les lumiĂšres sont tamisĂ©es. Certaines personnes sont assises aux tables ; d’autres, Ă  l’extĂ©rieur ; le reste, en train de bouger sur la piste de danse. Il fait chaud et le tissu de la robe reste collĂ© contre sa peau. Elle a laissĂ© ses talons prĂšs de la fenĂȘtre un peu plus tĂŽt, elle avait mal aux pieds. La musique s’arrĂȘte, puis change. Les premiĂšres notes jouent et son visage s’illumine. Elle adore cette chanson.

Footloose

Des gens crient de joie, avant de se prĂ©parer Ă  danser, fĂ©briles. La jeune fille sourit, sautille. Elle s’amuse, c’est peint sur son visage, dans la fluiditĂ© des mouvements de son corps.

Now I gotta cut loose, footloose

Sa robe rose nacrĂ© virevolte et sa chevelure auparavant attachĂ©e sur le dessus de sa tĂȘte vient cogner sa nuque au rythme de la musique. Elle danse sans se soucier du regard des autres.

PIEDS NUS SUR LA PISTE DE DANSE

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Mic

helle

Des

gros

eilli

ers

Footloose, kick off the Sunday shoes

Elle s’accroche dans les pieds aiguillĂ©s d’une autre, laisse Ă©chapper un couinement qui se mĂȘle Ă  la chanson. Portant son regard au sol, elle voit un Ɠillet blanc, piĂ©tinĂ©, triste et sale, qui appartenait avant Ă  sa coiffe. Immobile, elle touche sa chevelure, dĂ©sormais libĂ©rĂ©e. Haussement d’épaules, elle recommence Ă  bouger.

Please, Louise, pull me off of my knees

L’adolescente danse gracieusement, sans gĂȘne, le sourire aux lĂšvres. Elle s’efforce d’apprĂ©cier le moment. C’est la derniĂšre fois qu’ils danseront tous ensemble.

Lose your blues, everybody cut, everybody cut

La chanson se termine, la foule se dĂ©chaĂźne. La jeune fille serre ses amis dans ses bras, puis va prendre l’air. Elle s’assoit sur un muret de pierre. À cĂŽtĂ©, des fleurs se dressent, fiĂšres, jolies. Elle touche ses cheveux, retire le dernier Ɠillet blanc avant de le dĂ©poser sur la terre. Sa voix s’élĂšve, douce, comme un murmure.

Everybody, everybody cut footloose

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cultures concentriques multicolorespoumons pleins duveteux qui bourdonnentça assoit sa dominance lentement mais sĂ»rementc’est beau mais ça ne devrait pas l’ĂȘtrec’est beau parce que c’est toxiquec’est la gravitĂ© en suspens derriĂšre ma fenĂȘtretout ce qu’on peut faire, c’est tenter le rapprochement pour mieux anticiper la fractureplacer le mauvais cĂŽtĂ© de l’aimant face Ă  son semblableme jeter Ă  terre puis me piĂ©tinerdĂ©formation plastique ou rupturegrappes de violence

impossible de voir Ă  travers ma fenĂȘtrepersonne ne viendra me dĂ©terrertout ce que j’ai, ce sont des fentes dans les paumesdu moisi entre les doigts,de la terre dans la bouche

Tam

ara

Mar

tel

RÉCURE

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Alic

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y-La

gard

eHYMNE AUX TERRES CRIANTES

Aux 29 premiers États, à ceux qui suivent et qui suivront.

Nos peaux s’écorchent parce que le vent n’a pas su les garder ensemble. L’ocĂ©an saigne par la blessure Ă  ton mollet droit. Nous voilĂ  dĂ©sertĂ©s. À Constantinople, nos dos s’effondrent sur le sol qui creuse nos os d’argile. Nos corps se balancent dans le vide, lĂ  oĂč personne ne peut les voir.

Je suis morcelée.

Les soies diluviennes s’arrachent de main en main dans le monde entier, mais les nĂŽtres, couvertes de plaintes et de trous, s’enterrent quelque part en mer Noire. Istanbul s’effrite et les dĂ©serts connaissent la forme de nos pieds. Nous voici dansant sur le fer, tirant une balle Ă  la croisĂ©e des chemins. Les choix enfantent des massacres. Nous voilĂ  rĂ©volution. J’entends une derniĂšre fois la rage de nos corps qui se fracassent contre nos langues estropiĂ©es, sous cette lune rouge tueuse d’enfants.

Le sol nous avale et recrache nos ossements quelque part oĂč nos mĂ©moires s’embrasent.

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Jona

than

Van

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eule

broe

cke

INÉNARRABLES IDÉES

vacarme olfactif quidu bout des doigtsme montre le goĂ»t du temps s’effiler

sordide solitudesentiment sans sensest-ce la mort qui m’attendou la finale d’un dĂ©but mortel

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J’ai la tĂȘte pleine de homards, et les reins creux. Il a les cheveux tige de blĂ© d’Inde qui s’embrasent sur ma peau. La fiĂšvre digĂšre mon lait et, du bout des doigts, je rĂ©flĂ©chis. C’est une longue valse sous une voĂ»te de viscĂšres nuptiaux, un plaisir simple d’ovaires confits et de drogues caramĂ©lisĂ©es. De la statique entre les genoux, une paille entre les lĂšvres, je cherche mon air dans la tempĂȘte. J’écoute l’ocĂ©an dans sa cage thoracique. Les abysses ne renvoient pas d’écho. Le sang des colombes Ă©gorgĂ©es brunit sur la neige. Je parle avec mes mains. Il est mĂ©thodique comme un assassin. Tomber des nues dans sa bouche viandeuse, ses yeux vitreux. J’ai des mots sous la langue et deux seins mentholĂ©s. En piĂšces dĂ©tachĂ©es, les bleus s’ouvrent comme des fleurs au soleil. Toujours valser, le frigo vide, la peur au ventre.

Laur

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LE BRUIT COURT, ON LE RATTRAPE ET ON LE TUE

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Mar

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iviĂš

re

elle voltige

mal de cƓur des gaz des guerres des hommes de plastiquesur sa peau flamme forĂȘts nues montagnes riviĂšres bleues d’orange

tout est trouble fondu flousa vie danse devant ses yeux

elle vertige

elle une écorce vert caramel se pÚle se déchiresa croûte ses plaques saignent sous la chaleur

le regard grugĂ© par le soleilelle cherche Ă  tĂątons l’équilibre mais

ses orteils se fracassent sous le poids de son monde

LE TOURNIS

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soirées postmoderneslumiÚres rouges bleueson danse sur des glitchsdes discours engagés

un soir tu as dit de mon corpsqu’il te rappelait la Renaissanceque je donnais des jambesaux tableaux du Louvre

moi je n’ai jamais voulu m’appeler Marianne brandir un drapeau ĂȘtre la fin du monde passer pour une riche avec mes courbes devant les pauvres couleur Punta Cana

le XXIe siĂšcle m’échappeles culottes taille haute me vont mieuxque les strings roses en polyester

ma peau d’acrylique vaut des millions aux enchĂšres mais rien dans les bars de MontrĂ©al c’est comme ça j’encaisse

Art

hure

RIEN À VOIR AVEC LES DANSEUSES DE DEGAS

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LĂ  oĂč tu jouais, oĂč tu t’arrĂȘtais,lĂ  oĂč habitait le grain des bruits,sous la robe des mains,peau martelĂ©e par l’appel des fins.

LĂ  oĂč s’endormit, sous le verglas des vignes, ta morale, tu grimpas sur le lit,elle s’enfonça dans ton dos.

LĂ  oĂč c’est dĂ©sir, oĂč c’est l’autre qui parlait,quand tu pansais tes cernes, avivais tes lĂšvres,quand tu sautas Ă  pieds joints sur ma tĂȘte,pour faire, disais-tu, une farce, une sorte de sieste.

LĂ  oĂč le pli grimaça,derriĂšre l’abri de la parole,derriĂšre le verbe qui ouvre et qui ferme,pour faire l’amour, disais-tu,lĂ  oĂč la nature aime Ă  se cacher.

Sim

on B

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Cas

tong

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LE PARLEMENT DES FÉES

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boire pour la derniùre foisencore une foisdiluer l’angoissedans un 44 mlcul sec

valser toute la nuitde mes pieds gauchessur la piste denseet rire Ă  en pleurer

au lendemainje laisserai les versà ceux qui saventles tenirles appréciersans les cassercomme moi

la poĂ©sieça m’écƓure

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anga

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5 juin 1923

[...] la question Ă  laquelle je voudrais avoir rĂ©ponse estcelle-ci : Pensez-vous qu’on puisse reconnaĂźtre moins d’authenticitĂ© littĂ©raire et de pouvoir d’action Ă  un poĂšme dĂ©fectueux mais semĂ© de beautĂ©s fortes qu’à un poĂšme parfait mais sans grand retentissement intĂ©rieur ? [...] C’est tout le problĂšme de ma pensĂ©e qui est en jeu. Il ne s’agit pour moi de rien moins que de savoir si j’ai ou non le droit de continuer Ă  penser, en vers ou en prose.

Je me permettrai un de ces prochains vendredis de vous faire hommage de la petite plaquette de poĂšmes que M. Kahnweiler vient de publier et qui a nom : Tric Trac du Ciel.

- Antonin Artaud

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Parution du prochain numéro : octobre 2018

Vous pouvez faire parvenir une copie de vos textes (format Word)par courriel Ă  [email protected].

Vous devez nous laisser votre nom, votre numéro de téléphone, votre adresse électronique et votre matricule.

Le CANIF est ouvertde 13 h 30 Ă  17 h le lundi, de 9 h Ă  17 h, du mardi au jeudi etde 9 h Ă  12 h le vendredi.

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Comité de rédaction Marianne Arav-FortierEmiko BermanMarie Chartrand-CauletMilena D. LanasLaurie Daoust-St-JacquesMichelle DesgroseilliersRoxanne DufortCharlotte Fuoco-BenoitJuliette GélinasClément IsaacTamara MartelAmanda Montmeny-HuotEssanie MorinAndré C. MwangaJonathan Vandemeulebroecke

ComitĂ© d’éditionMarie Chartrand-CauletMilena D. LanasLaurie Daoust-St-JacquesMichelle DesgroseilliersClĂ©ment IsaacEssanie Morin

Tric Trac no56Volume 16, numéro 2Mai 2018

© Tous droits rĂ©servĂ©s aux auteurs et au CANIF,le Centre d’animation de français du cĂ©gep du Vieux MontrĂ©al.

Renseignements : 514 982-3437, poste 2164DépÎt légal : mai 2018BibliothÚque nationale du QuébecBibliothÚque nationale du CanadaImpression : Reprographie CVMCe numéro de Tric Trac est accessible sur Internet :www.cvm.qc.ca

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ProfesseursSimon Bourgoin-CastonguayCharles Guilbert

CollaborationSuzanne CarriĂšre

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Écrire, comme une danse.