architecture, espace et capture d’après gilles deleuze et félix guattari

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  • 8/6/2019 ARCHITECTURE, ESPACE ET CAPTURE daprs Gilles Deleuze et Flix Guattari

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    territoire mais la mise du territoire en mouvement, la constitution dun espacedplaable.

    Etre architecte, cest ressentir profondment la variation du mouvement danslespace, et sattacher lune des valeurs quelle prend. Certains sont davantage

    sensibles la vitesse, dautres linertie, tous devant choisir dans quels sensimprimer leur signature. Alors que le pouvoir du despote constitue un espace otous les mouvements obissent au mme rythme, vont du mme pas,lavnement du pouvoir du lgislateur introduit une diffrenciation, et fait durapport au mouvement une caractristique diffrente de chaque positionsociale. Larchitecte doit composer ses choix avec une ralit qui lui chappe apriori et lui impose un travail dvaluation de sa propre position. Sil obit lacommande cest la position sociale normale telle que contractualise par lelgislateur qui simpose ; sil arrive faire passer quelque peu de son propredsir de vitesse ou de lenteur, il fera uvre artistique, arrivera marquer sontemps de sa proposition de propre sens.

    Il ne sagit pas seulement pour larchitecte de savoir sil va rsister auxtendances dominantes du dveloppement de lespace ou au contraire lessuivre, mais de trouver la dimension le long de laquelle il va pouvoir ouvrir unchamp explorable, un champ dinnovation, la possibilit de dvelopper uneligne. Cest moins un largissement de lespace quune intensification, et unnouveau striage, la possibilit de mesurer une ide. Cette mesure peut treconduite selon une ligne exprimentale, faite dapproximations successives dela forme donner aux matriaux et leur agencement pour assurer telle outelle qualit, organiser telle ou telle tension la lgret est un bon exemple ;dune telle dmarche. La limite technique nest pas admise une fois pour toutes,mais remise en question dans une dmarche crative de caractre nomade.

    Lhistoire de larchitecture est une longue suite de captures de pratiquesartisanales explorant la matire sans dessins et avec de faibles possibilits decommercialisation, auxquelles ont t proposes de bonnes formes djconventionnelles admises par les catgories sociales privilgies, susceptiblesde financer les travaux. Do le caractre peu innovant de larchitecture danslensemble et le mythe tenace de la rencontre de larchitecte et du prince, cest--dire dun pouvoir suprieur et singulier, comme condition de la productiondides nouvelles. La capture sorganise aussi par la comparaison systmatique

    des uvres remplissant une mme fonction et la rdaction dune norme, dunmode demploi, dun modle, soit dune mme opration qui occupe le territoire,version technico-bureaucratique de la commande darchitecture.

    Larchitecture se trouve dans une position trange : dun ct elle est art etmachine de guerre par la volont de chacun de ses pratiquants de se constituerune ligne de travail propre, espace nomade investi diffremment chaqueralisation mais dun autre ct, elle est lobligation pratique de se faire,assujetissement lappareil dEtat dans un rle de courroie de transmissionsymbolique. Dun ct elle est multiplicit de ralisations dans le temps pour unarchitecte, dans lespace pour lensemble des architectes travaillant en mme

    temps. Dun autre ct elle est volont dunification, de style, de concentration,position dun ple de rfrence organisateur de lensemble de lespace social.

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    La possibilit de destruction, de ruine, est prsente dans luvre ds saconception, une puissance qui sexerce au concret, ou virtuellement, surlenvironnement, et fonde le parti comme choix, entre un certain nombre depossibles, moment de dliaison o luvre apparat moins assujettie que

    construite, non seulement projete mais matrialisable. Un moment dont larussite implique la dispersion de la gravit dans lensemble des lments, laconstitution de laplomb comme pluriel.

    Ptrie de ncessits disparates, larchitecture, en les articulant en lignesconcourrantes, en les construisant, se fait poteau indicateur des devenirs delhomme, sociaux et technologiques, invitation participer des jeux spatiauxtemprs par ltat des techniques et des rapports sociaux. La machine deguerre de la modernit ne savance pas vers larchitecte, ou vers ceux qui ferontusage de ces espaces, dans un hasardeux corps corps comme laurait fait leguerrier ancien ou oriental, dans une quasi galit. Elle se prsente comme un

    ensemble de contraintes, un striage complexe de lespace, quil va falloir lisserpour pouvoir y prendre pied, lhabiter. Larchitecture se fait discrte,observatrice des rgles de sa mise mort, ruse. Comment noncer le momentde singularit, faire la synthse tactile dun concert de contraintes visuelles etmatrielles, instrumenter des noncs htrognes pour en tirer une forme ?Comment crer le mouvement au cur de ces exigences inertes qui barrenttoutes le dsir ? Quest-ce quun grand programme architectural ? Ce qui restequand on a tout oubli, quand on a propos la forme qui emportera ladhsion.Un striage de plus, mme monumental, ne rpond pas au problme, ne crepas lvnement passible de rptition, le nouveau programme dont ledveloppement de larchitecture a besoin. Au contraire, il lenterre.

    Lhrosme nest pas la somme des contraintes leffectuation de laquellelordinateur sattache, donnant celles-ci une traduction dans la langue mmede la machine de guerre moderne, celle de largent, et faisant du projetlvaluation continue de son assujettissement. Lassistance la conception quidonne la possibilit de faire varier continuement les lments de la forme, faitvivre lassujettissement comme ajustement.

    Le territoire au milieu duquel surgit lobjet construire reste pour le momentgnralement oubli, sauf peut-tre les grandes voies de communication qui

    amnent en pied dimmeuble les humains qui vont le frquenter. Il y a unedisproportion croissante entre la taille en trs faible augmentation de cesderniers et celle fortement croissante des immeubles destins abriter leurscouches successives. Une disproportion qui nuit tellement lchelle desnouveaux vaisseaux de pierre, de mtal, de verre et dartifice, que leurs auteursprfrent les faire photographier dsertiques, objets laisss par la guerreconomique et occupant tout le terrain.

    Si larchitecture territorialise en construisant des btiments usage de travail,dhabitation, de loisir, de commerce, etc elle dterritorialise les territoiresurbains et humains en changeant leurs dimensions de rfrence, et

    principalement en changeant les grandeurs dusage sur quelques dimensions.Cette dterritorialisation, cette rection de la modernit au cur des villes,

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    saccompagne donc de la construction de nouveaux territoires, voire de latransformation dautres en sanctuaires de lintouchable, en patrimoine onassiste une qualification gnrale des espaces grce lusage gnralis desplans. Dans cet univers de la qualification totale, organise parlamnagement/mnagement, larchitecture occupe une place la fois mineure

    et de choix, comme reprsentation des rgles dune qualification russie, qui nepeut donc tre que conventionnelle, tirer les lignes de la tradition jusqu unobjet agrable au site.

    La sagesse acquise grce lge ou la maladie rend capable dune telleposition existentielle, mais elle nest pas celle du jeune architecte ou deltudiant qui se construit de bric et de broc lcole ou luniversit un territoirede rfrences conu comme le dehors du territoire conventionnel qui lui estenseign et le moule de sa production venir. Le style se construit souventcomme un tic, un signe ajouter en signature sur des produits plutt banaux.Le travail sur des rhabilitations ou des maisons en srie, ou avec lassistance

    dordinateurs intgrant les donnes, la rduction des temps de travail consacrsau projet, tout contribue repousser larchitecture vers cette attitude dcorativedans laquelle la construction de lespace nest plus lordre du jour. La questionde lautre est alors pose au futur antrieur, comme ayant dj t traite, sansaucune efficace dterritorialisante, voire avec une efficace retterritorialisante, etcrispe, sans espace pour la construction de la rponse apporter. Cestrsoudre le problme par sa ngation, reculer pour mieux sauter. Mais enattendant, la beaut du combat est oublie.

    La machine de guerre est pour Deleuze et Guattari la forme pure de lextrioritqui convoque la ville ou lEtat se rformer en permanence, sentourer defortifications, inventer des constructions toujours diffrentes pour se dfendreet accueillir le dfi fait leur longvit. Larchitecture est lavant-garde duheurt entre lEtat et la machine du guerre et emprunte donc celle-ci nombre deses traits. Lespace architectur ne peut pas se lire seulement du dedans, partir de lusage, comme espace habit ; il est dabord vnement,surgissement du dehors, question au regard, et comme tel appartient luniversde la machine de guerre. Le propre de celle-ci, comme de larchitecture cest lesurgissement : la fortification nous plat dautant plus quelle est le tmoignagedune autre culture, plus ancienne, ou diffrente, et que nous limaginons enacte se dressant contre nous, se heurtant notre marche comme un bloc de

    dfense qui nous barre la route. La machine de guerre, larchitecture, constitueune rupture dans lordre existant, le signe quun ordre nouveau est en traindadvenir, ou a exist auparavant ; cest ce qui fait que les ruines ou lesmonuments impressionnent plus que larchitecture contemporaine quand celle-ci se veut conventionnelle, et notamment les imite. On na pas de reprsentationadquate de la machine de guerre et donc de lespace architecturermaintenant que la machine de guerre sest molcularise et dissoute dans lasocit. Cest sur le corps--corps avec la nature (les arbres, les nuages, etc)que portent les recherches les plus visibles.

    La machine de guerre serait la nature elle-mme dans les risques

    catastrophiques quelle fait courir lhumanit et dont les ingnieurs cherchent nous prvenir par les contraintes techniques auxquelles sont soumis les

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    btiments. Larchitecture consisterait alors aller caresser la nature au plusprs, comme une tentation, appuye prcisment sur ces calculs dingnieurs,mais avec le risque vident dune vitrification. On constate pourtant que cetteconfrontation avec la nature comme lautre de lhomme, saccompagnepratiquement toujours, en complment, dune mise en scne de la nature

    cultive, apprivoise, campagnarde ; le rapport la nature est en fait dclinsous la forme dune dualit.

    Cela conduit voir dans la machine de guerre non pas la reprsentation delextrahumain, mais une autre modalit dtre de lhumain, un devenir vgtal ouun devenir animal de lhumain qui ferait retour et dfi travers ce jeu de laconfrontation. Une schize constituerait lhumain son bord srigerait luvredart dans les matires et les dimensions quelle choisit de travailler : la pierrepour les uns, le son pour les autres, la couleur pour dautres encore, etc Laguerre est le rapport passionnel une matire, une ligne daction o les corpset les hommes vont au bout de ce quils peuvent, essaient de se dtacher des

    corps de rgles qui les maintiennent lcart de la tentation, du bord, etcontiennent leurs fureurs. Le territoire est lune quelconque de ces matires, laplus visible, la plus animale aussi, la plus relie au corps propre commevaluateur de laction. La dfense ou la conqute du territoire en groupe permetdes prises de risques auxquelles lanimal isol ne se livre pas. Et les hommesont su aligner des groupes animaux de plus en plus importants, au prix depertes colossables jusqu exiger que le territoire ne soit plus le principal objetde la machine de guerre. On ne construit plus de fortifications mme en bton.

    Pour Deleuze et Guattari, la pense procde par le milieu, la fois le milieu dela ligne infinie, du brin dherbe, et le milieu comme environnement, prairiedhtrognit proche, multitude dfinie par les diffrences. Rapporte luvre architecturale, cette double notion de milieu fait de rapport entre lebtiment et son insertion un problme complexe, souvent tenu ngligeable, etrduit aux voies de desserte qui annulent le milieu en le traversant.

    Larchitecture est capture de la machine de guerre, choix face la multiplicitsurgissante dune singularit tablissante. Lenjeu de lart contemporain seraitdu fait de lavance des sciences physiques, de concevoir ce point de contactcomme en mouvement. Mais le plus souvent larchitecture, et peut-tre dautresarts, respecte une unicit de point de vue perspectif qui identifie la place du

    matre duvre une soumission au matre douvrage en considrant laposition de celui-ci comme une donne et non comme un problme. Le succsde certaines architectures contemporaines comme Beaubourg ou la Tour Eiffelme semble tenir au contraire, ce que pratiquent dans une certaine mesurelautoconnaissance quelles donnent voir lenvironnement, le milieu au curduquel elles slvent et sadressent directement au spectateur. De mmelArche de La Dfense et dans toutes les ralisations dotes dune dimensionpanoramique, aucun il nest garanti de capter la mme vision que le voisin.Dautres pouvoirs sexercent en ces lieux que celui de la reprsentation et de lareprsentation et de la captation des regards par limage du pouvoir. Les motsse sont carts des choses et ont laiss la place la pluralit des rcits. Il est

    encore rarissime que larchitecture laisse la place aux rcits des visiteurs,

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    malgr les provocations postmodernes qui nadmettent que les rcits savantsde la corporation des architectes.

    Dans la recherche de la composition entre la pesanteur et llvation se formeune puissance tierce de capture de la prsence humaine, travers lexercice

    dune fonction qui peut se concevoir comme fuite hors de cet exercice (lhabitatpar exemple). Il sagit peut-tre aussi dorganiser la communication entre laprsence humaine et les traits dexpression dune puissance abstraite qui a putre pense comme Dieu ou le pouvoir, et qui est aujourdhui souvent pensecomme vide, avec les risques mortifres que cela comporte.

    Comment continuer de signifier ce devenir commun des hommes quand il naplus la forme humaine et que ses formes abstraites tendent la dispersionplutt quau rassemblement ?

    Larchitecture ralise soppose la force de laffect comme les fortifications se

    sont opposes au boulet. Larchitecture est travail, mise en forme, rsistancequi volue du mme pas que cette force subjective qui lattaque et contrelaquelle elle protge tout en maintenant son contact une sorte de pdagogiequotidienne du monde, ou de la vision artistique des choses.

    Le passage de larchitecture du ct de lEtat, la constitution de luvrearchitecturale en appareil de capture, vient de ce que luvre architecturaleaccepte le plus souvent, avec le respect du programme, la dfinition duneintriorit. Luvre architecturale accepte de dlimiter un dedans et un dehors,de produire une enveloppe dont lintrieur est abandonn aux occupants, ouaux programmateurs qui croient les reprsenter. La dliaison se fait parfoisavec lexigence dune continuit entre les deux faces de lenveloppe, dunpassage continu entre les surfaces intrieure et extrieure, dune mise enrelation permanente de lespace ainsi cr avec lextriorit dans laquelle ilvolue. Lespace ne peut pour autant pas tre habit, car le mouvementtourbillonnant du nomade ne peut se limiter un espace donn. Je prfre eneffet lexpression lespace shabite en nomade , lexpression lespaceshabite en pote , qui en implique lautofabrication alors que pour le citadincontemporain lespace est le plus souvent rceptionn et occuper. Silarchitecte en est le pote, le citadin ne peut en tre que le nomade, celui quisy dplace, alors que sil en est le consommateur, il est celui qu le dtruit, celui

    qui lassimile.

    Larchitecture est charge par lappareil dEtat de garantir le droit au segmentspour chacun dune culture. Larchitecture devient souvent une force deconservation politique par la tension trs grande entre les affects de vie dontelle est traverse et les mises en formes rptitives et conservatoires dont elleest charge. Toutes les formes de vie peuvent alors devenir attentatoires luvre, tous les changements mtorologiques galement. Larchitectureragit ltriqu de son rle par labstraction ou le Kitsch .

    LEtat fusionne les groupes et organise leur vivre ensemble. La guerre est

    repousse lextrieur comme un produit dangereux dont il faut mettre enscne le refoulement. Il en va de mme de largent dans ses manifestations les

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    plus spectaculaires, celles pour lesquelles prcisment larchitecture estconvoque. Dans les grands travaux larchitecte organise le chantier et lareprsentation du pouvoir de lEtat comme double capture du travail intellectuelet du travail manuel sur des lignes spcifiques chacun, que larchitecturepermet de relier. A lheure de la dmatrialisation croissante du travail, de la

    difficult de capter le travail de masse, quel peut tre lavenir de larchitecture ?

    Le milieu des architectes ne dbat gure de son insertion dans le monde, deschangements apporter la pratique professionnelle. La diversit de celle-cirserve une poigne darchitectes la ngociation avec la commande publiquedEtat. Le milieu continue dtre organis de fait sur une chelle de prestigegradue en fonction de la plus ou moins grande proximit avec cet espace dengociation.

    La machine de guerre prend lEtat en tau entre les organisations mondialescumniques comme le capitalisme ou les religions, et les petites meutes

    dsobissantes, marginales, minoritaires formes par les chmeurs, lesmilitants ou les artistes. Les artistes sont dans ces petites meutes ceux que letravail dun filon matriel met les plus en communication avec les organisationsmondialisantes et donc les plus mme de construire sur commande de lEtatdes repres stables, des mdiations, des ritournelles de sduction et dabolition,les flux quils ont eux-mmes distingus. La machine de guerre asservie parlappareil dEtat se transforme en appareil de capture. Cependant cetasservissement met un terme la mtamorphose permanente ncessaire lamise en uvre dune machine de guerre artistique ; lappareil de capture tatisest incapable de manuvrer dans lespace lisse du dehors et se retournecontre les populations du dedans, avec laristocratisme rpressif des pratiquesartistiques officielles. Do la difficult particulirement grande pour larchitectede se maintenir comme artiste.

    La capture de la multiplicit du rel dans la forme se fait grce la variationcontinue de celle-ci que la musique explore peut-tre avec plus de facilit, carelle ne suppose pas la mme mobilisation de main duvre, quelle est un artavec peu de travail assujetti son commanditaire, ritournelle flatteuse pluttquexploration continue.

    Cest dans le cadre de la forme politique de lempire que lassujettissement de

    la machine artistique semble le plus violent, la condamnant une sorte deptrification. Cest particulirement vident pour la discipline architecturale quine cre plus rien dans les conditions et se contente de rpter jusqulcoeurement le triomphe des formes labores auparavant. Les priodestransitoires sont davantage propices la mobilit des meutes de constructeurset lexploration de nouvelles lignes constructives, linterpntration de lafort et de la ville, dans une variation continue entre villes. Le risque du modlede lespace ouvert, ou de lespace lisse qui laisse le choix au nomade desmodalits de son occupation, cest, quavec de nouveaux instrumentstechniques comme ceux dont nous disposons actuellement, la mobilit soitchosifie comme la simple condition dune nouvelle chelle, et non comme

    lexpression dune modalit de ltre ; elle est alors canalise, strie etdshabille de sa libert. De mme certaines architectures monumentales font

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    converger les lignes de devenir vers la dsignation de la mort ou du pouvoir oudes deux la fois comme seul devenir possible, comme loi delassujettissement omniprsent. Comment larchitecture ou lart peuvent-ils treprise de parti contre cette affirmation dune loi suprme, cette invitation lendormissement gnralis que serinent quotidiennement les mdias ? Enjeu

    de la cration comme pratique de quelques uns qui fasse signe tous, et vitelcueil de la dlgation, de la dresponsabilisation, de la monopolisation dutravail.

    Lart de produire les villes est pass de lenceinte dfensive et de largularisation laccompagnement de la mobilit le long de la route, voire lloignement de cette mobilit publique insaisissable tant elle est agie demanire toujours plus prive. Larchitecture sinstalle toujours ailleurs pourconstruire ses uvres, ou au centre quand on le lui commande, pour repousserles limites de lespace soumis la valorisation. Il y a recherche dun espacetoujours plus lev et toujours plus tendu pour rpondre un nombre toujours

    plus grand. Mais lunit de base, individuelle, bouge peu, voire se restreint dufait de la pression conomique, et il se cre une ligne de valeurs diffrentesqui donnent larchitecture la mission darticuler des chelles dabord spatiales,avant mme de rfrer la pluralit des dimensions de ltre ensemble. Letravail sur la mtrique fait cran au dveloppement des lignes dont il est lasynthse. Pour occuper cet espace nouveau, aux chelles plus vastes, auxdensits accrues ici et diminues l, un nouveau striage se met en place, quicherche rendre le centre mobile, rsultante plus quorigine, clatement,composition vnementielle et provisoire, mme lorsque paradoxalement elle sesitue en relation avec de grands axes historiques tablis dans la dure. Cest Paris La Dfense, prolongation, grandissement et concentration, ou Berlinduplication, dcalage et retournement, des oprations qui laissent pour linstantincrdules mais qui prendront peut-tre une autre signification avec le temps.

    Peut-on occuper un espace quon ne connat pas, ou dont on ne connat pas leslois parce quil ne se rpte pas tout en diffrant de proche en proche, commele dsert ou la mer quoccupe le nomade ? Peut-on occuper de concert unespace diffrenci auquel vont saccrocher ces diffrences ? La machine deguerre sacharne dabord lisser lespace pour loccuper, dtruire lesdiffrences perceptibles face auxquelles loccupation devient dsir.Lagencement collectif dnonciation soccupe dabord du marquage de

    lespace, ponctuel, identitaire dans le cas du nomade, ou de lartiste, maisenserre un territoire dans le cas de lEtat. A la diffrence de la troupe nomadeou de la machine de guerre idale, ou de lentreprise artistique mme collective,lEtat ne forme pas un seul corps ; il est sillonn, fractur par des multiplescorps quil sonne de ressusciter la machine de guerre son compte et qui enfait jouent contre lui.

    La position par lEtat-cit dune enceinte ou par lEtat-territoire de frontiresnationales gardes mme quand elles sont naturelles se distingue de laformation progressive dune influence attractive et rpulsive comme celle de laville, qui travaille plus par son centre que par sa priphrie, en rechargeant sans

    cesse la puissance centrale, la puissance globale marque notamment par laverticalit des immeubles qui sy pressent. La ville sapprcie de loin son

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    La machine de guerre cest la puissance symbolique dabstraction, la force deprendre ensemble le proche et le lointain, de prendre le problme bras lecorps, de tendre lagencement vers le cur du problme, et darticulerlensemble dans la prise de conscience du mouvement qui les runit, au lieu de

    rduire les choses ce quon en voit par la fentre comme dans la perspectiverenaissante.

    Rythme et mesure sapprcient, se produisent et scoutent, se tracent et semesurent, comme le mouvement dun corps dans lespace. La ville est saisiepar de nombreux rythmes diffrents. Les pouvoirs lui opposent des mesuresuniques qui lordonnerait, la stabiliserait. Des uvres de composition urbaineagenceraient les rythmes entre eux, avec des figures diffrentes, un rythmepour la fonction daccueil, qui croise celle dapprentissage, qui croise celle durapport leau, etc Voir la ville avec les yeux de lart, la grer ainsi peut-tre Des annes dinnovation en perspective lexemple de la crativit de la

    musique de jazz ; improvisations et plaisir de la reprise, villes en mouvements,et non ptrifies peu peu en patrimoine, copie, continuit, saturation,condamnes lexclusion.

    Un artiste qui se proposerait demble de produire du patrimoine, ne produiraitaucun art nouveau, mme si toute uvre artistique est en fait destine intgrer le patrimoine. Car il ne sagit pas de reprsenter, ni dengendrer, maisde parcourir par le bord proche un espace mental qui arrive du dehors.

    La corporit, le corps artistique des choses, cest loccupation de cet espacedabord mental, et sa traduction dans une pluralit de possibilits despacesphysiques par un mouvement tourbillonnaire qui fonctionne laffect pourexplorer et noter les sensations. Celui qui regarde ou coute ne peut en aucuncas sentir les mmes affects que celui qui a produit car sa corporit nest pasla mme, ni son toucher de la chose, ni son rapport au faire. Lunit exigedes sujets commandant, ralisant, utilisant lart et en particulier larchitecture estune pure mystification, une injection de pouvoir rpressif dans la position dechacun des acteurs, une impuissantation organise, en particulier enarchitecture o elle condamne les usagers la passivit, et la rcrimination, etles professionnels labsence de cration.