asolférino, dunantinventele droithumanitairebrauman, ex-président de médecins sans frontières,...
TRANSCRIPT
VENDREDI 13 FÉVRIER 2009TRIBUNE DE GENÈVE Idéesde génie 27
Esprit créatif, vie marginale❚ 1828: naissance à Genève.❚ 1862: publication d’Un souvenirde Solférino.❚ 1863: fondation de la Croix-Rouge.
❚ 1864: adoption de la premièreConvention de Genève.❚ 1867: faillite de Henry Dunant,et début de la vie d’errance.❚ 1901: Prix Nobel de la paix.❚ 1919: mort à Heiden. SD
Bio express
A l’occasion du 450e anniversaire de l’Université de Genève, la «Tribune de Genève» et l’alma mater présentent la genèse de 20 idées nées dans la région et qui ont changé le monde. /202
A Solférino,Dunant invente ledroit humanitaire
SOPHIE DAVARIS
Il fut un homme marginal,très mauvais en affaires, maisGenève doit beaucoup à sonesprit créatif et audacieux.Henry Dunant n’a pas seule-ment créé la Croix-Rouge et ledroit international humani-taire contemporain. C’estaussi en grande partie grâce àlui que notre ville occupe au-jourd’hui une place de choixsur la scène internationale.
«Dunant a quelque chosede fascinant, observe RogerMayou, directeur du Musée dela Croix-Rouge. Ce qui mefrappe, c’est ce destin qui bas-cule. Rien ne prédestine cejeune bourgeois genevois, quia quitté le collège sans matu-rité et fait du business enAlgérie, à s’intéresser aux bles-sés. Un jour, il a l’idée bizarrede suivre Napoléon III en Ita-lie pour lui demander del’aider dans ses affaires. Il ar-rive à Castiglione, près de Sol-férino, au soir du 24 juin 1859.Là, c’est le choc.»
La bataille a fait 6000 mortset 30 000 blessés en un jour,sans personne pour leur por-ter secours, rappelle FrançoisBugnion, ancien directeur duCICR. «Plongé dans un uni-vers hallucinant, Dunant subitun traumatisme et en oublieson premier objectif, ajoute
Roger Durand, président de laSociété Henry Dunant. Entrois jours, il développe desréflexes étonnants.»
Dunant recherche d’abordl’aide des civils et des femmes,ce qui est tout à fait nouveau.Il a ensuite l’idée de soignertous les blessés. A une époqueoù chaque camp ne s’intéressequ’aux siens, il demande auxFrançais de libérer les chirur-giens autrichiens. Au milieudu chaos, il trouve enfin lerecul pour écrire à une Gene-voise fort influente, la com-tesse de Gasparin. «Ayant vuquelque chose qu’il ne peutpas taire, il veut alarmer lemonde. Il invente ainsi ledevoir de communication.
Une évidence, aujourd’hui,dans l’humanitaire», relèveRoger Durand.
Trois ans plus tard, son livreUn souvenir de Solférino poseles bases de la Croix-Rouge.Dunant propose de constituer,en temps de paix, «des socié-tés de secours dont le butserait de faire donner dessoins aux blessés, en temps deguerre, par des volontaires zé-lés, dévoués et bien qualifiés».Il suggère aux grands de cemonde «de formuler quelqueprincipe international, con-ventionnel et sacré, lequel,une fois agréé et ratifié, servi-rait de base à des Sociétés desecours pour les blessés dans
les divers pays de l’Europe.»Il y a là deux innovations
décisives. Jusqu’alors, l’aideaux blessés était organisée parles Eglises et se déployaitaprès l’événement. AvecDunant, les sociétés de se-cours se créent dès le tempsde paix et ne se dissolvent pasà la fin du conflit. L’autrenouveauté est d’asseoir l’aidesur un accord international,ouvert à tous et engageant lesEtats dans la durée.
Premier Nobel de la paix
«Le terrain était mûr, maisla vitesse à laquelle Dunantarrive à convaincre les Etatsde se réunir est sidérante, sil’on compare au temps qu’ilfaudrait aujourd’hui», souli-gne Roger Mayou. En octobre1863, Genève accueille la con-férence constitutive de laCroix-Rouge.
Le 22 août 1864, la premièreConvention de Genève, mo-dèle des conventions actuelles,est adoptée. En 1867, HenryDunant fait faillite. Il doits’éloigner de la Croix-Rouge etde Genève, où il ne reviendrajamais.
L’inimitié avec le cofonda-teur Gustave Moynier persis-tera toute sa vie. «Il y avaitd’un côté un homme rigou-reux, un juriste un peu carré,et de l’autre un visionnaire àl’esprit toujours en ébullition.Il y en avait un de trop»,résume Roger Mayou.
Celui qui a connu la gloire à40 ans mène jusqu’à sa mortune vie d’errance et de misère.Dans l’exil, il lance d’autresprojets, comme la protectiondes prisonniers de guerre. Il
devient pacifiste, combat lenationalisme. En 1901, il par-tage, avec le Français FrédéricPassy, le premier Prix Nobelde la paix.
Henry Dunant. Les 187 sociétés nationales de la Croix-Rouge et les 100 millions de volontaires dansle monde en font sans doute «le Suisse le plus connu au monde», relève Roger Mayou.(BOREL-BOISSONNAS, GAD)
Le CICR face aux nouveaux conflitsLes guerres ont beau changerde visage, le CICR réaffirmel’actualité de sa mission.
Si Genève est devenue uneville internationale, elle le doiten grande partie à HenryDunant. C’est parce qu’elleétait le siège de la Croix-Rouge,ayant gardé un lien avec cha-que belligérant lors de la Pre-mière Guerre mondiale, qu’elleput accueillir la Société desNations, l’une des premièresgrandes organisations interna-tionales.
Mais l’héritage de Dunant vabien au-delà. La Convention de1864 a inspiré chaque jalon dudroit international humani-taire, des Conventions de Ge-nève de 1949 à aujourd’hui.
Avec les traités interdisantles armes chimiques (1993) oules mines antipersonnel (1997),ce droit a connu un grandessor dans les années 1990,relève Philip Spoerri, directeurdu droit international auCICR. Et d’évoquer la créationdes tribunaux internationauxpour le Rwanda, l’ex-Yougosla-vie et la Cour pénale interna-tionale.
L’élan est freiné par le11 Septembre 2001. Que peut ledroit face au terrorisme et àdes conflits asymétriques op-posant des Etats à des groupesnon étatiques? «Le défi est derappeler que le droit interna-tional humanitaire s’appliqueà toutes les parties, note PhilipSpoerri, et d’arriver à travailler
dans des zones dangereuses.Les guerres éclatent parfoisdans des sociétés en désinté-gration, on voit une multitudede groupes s’opposer pour desquestions de drogue, ou deterre. Le risque de proliféra-tion d’armes chimiques, biolo-giques ou nucléaires compli-que encore la donne.»
Difficile, dans ce contexte,de faire entendre sa voix. Maiscomme à l’époque de Solférino,l’objectif du CICR est de serendre sur le terrain et d’aiderde manière indépendante etneutre: «Au Sri Lanka, nousétions les seuls opérationnelsdans les zones de combat. AGaza, nous avons évacué desblessés, envoyé des médecins,visité des hôpitaux.» (sd)
Rony Brauman inaugure la série desgrandes conférences de l’Université
Les festivités du 450e del’Université de Genève commen-ceront mardi 17 février avec laleçon d’ouverture du semestrede printemps. Intitulée «Unhumanitaire désenchanté?»,elle sera prononcée par RonyBrauman, ex-président deMédecins sans frontières, dès18 h 30 à Uni Dufour. L’exposéportera sur les enjeux contem-porains de l’action humanitaire.L’orateur s’interrogera sur seslimites pour mieux en cerner lespoints forts et les zones d’om-bre.
Deux conflits ont joué ungrand rôle dans la définition de
l’action humanitaire moderne:la bataille de Solférino en 1859(lire ci-dessus) et la guerre duBiafra (1967-1970). C’est à lalumière de ces événements resi-tués dans leur contexte queRony Brauman développera saréflexion.
Rony Brauman a longtempsété président de l’associationMédecins sans frontières (MSF).Médecin de formation et intel-lectuel engagé, il anime au-jourd’hui le centre de réflexionet de formation de MSF. Il estégalement professeur associé àl’Institut d’études politiques deParis. Anton Vos
Rony Brauman. Ex-présidentde Médecins sans frontières.(DR)
❚ La semaine prochaine:Hans Wilsdorf et la montre poignet
1899 1912 1949 1971 2008
DE LA RUPTURE À AUJOURD'HUI
Infographie: I. Caudullo. Photos: Georges Gobet, Corbis Données: Sophie Davaris.
29 juillet 12 août22 décembre
30 mai
La Conférence diplomatique de Genève adopte quatre conventions protégeant les blessés, les malades, les prisonniers de guerre et les civils.
Adoption à Dublin de la Conventionsur les armes à sous-munitions.
La neuvième Conférence internationale de la Croix-Rouge, réunie à Washington, décide d’étendre l'œuvre de la Croix-Rouge aux prisonniers de guerre.
Création de Médecins sans frontières par des médecins français (dont Bernard Kouchner) qui s’étaient rendus au Biafra en 1967 et qui estimaient que la réserve de la Croix-Rouge était une erreur, que l’action humanitaire devait s’accompagner d’actions de sensibilisation auprès des médias et des politiques.
La première Conférence internationale de la paix, réunie à La Haye, adopte la Convention sur les lois et coutumes de la guerre sur terre. Les articles relatifs à la protection des prisonniers de guerre suivent mot pour mot les propositions formulées par Dunant vint-cinq ans auparavant.