assistance médicale à la procréation et pathologies de l’empreinte génomique

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CONGRÈS REIMS SFE 21, 29 septembre – 2 octobre 2004 Ann. Endocrinol. 494 ASSISTANCE MÉDICALE À LA PROCRÉATION ET PATHOLOGIES DE L’EMPREINTE GÉNOMIQUE Chr. Gicquel Laboratoire d’Explorations Fonctionnelles Endocriniennes et Inserm U515, Hôpital Armand Trousseau, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, Paris. Les procédures d’assistance médicale à la procréation (AMP) ont révolutionné le traitement de l’infertilité et sont actuellement à l’origine de 1 à 2 % des naissances dans les pays développés. Le rôle des modifications épigénétiques du génome et de leurs conséquences sur l’expression génique a été largement démontré dans des processus physiologiques comme le développement foetal ou le vieillissement. Ce contrôle épigénétique est aussi crucial pour le phéno- mène d’empreinte parentale différentielle c’est-à-dire l’expression monoallélique, maternelle ou paternelle, d’un gène. Sur le plan moléculaire, les marques d’em- preinte sont des modifications épigénétiques (méthyla- tion différentielle de l’ADN, modifications des histones associées à la chromatine) qui vont changer l’organisa- tion chromatinienne permettant ou non la transcription du gène concerné. Deux étapes du développement em- bryonnaire sont essentielles à la mise en place et/ou au maintien du phénomène d’empreinte parentale : 1) la période entre la fécondation et l’implantation de l’em- bryon, 2) la période du développement des cellules ger- minales primordiales dans la gonade fœtale. Les procédures d’AMP sont responsables de pathologies d’empreinte parentale. La première décrite est un syn- drome de croissance excessive chez l’ovin et le bovin, dont le mécanisme pathogénique est la perte d’expres- sion (par anomalie de méthylation) du gène soumis à empreinte parentale et codant pour le récepteur de type 2 des IGF. Chez l’humain, l’AMP augmente le ris- que de syndrome de Wiedemann-Beckwith (SWB), syn- drome de croissance excessive en rapport avec une dysrégulation de la région 11p15, soumise à empreinte parentale. Alors que les mécanismes moléculaires res- ponsables de SWB sont variés (génétiques ou épigé- nétiques), les patients SWB nés après AMP présentent la même anomalie (déméthylation isolée du gène KCNQ1OT). L’analyse des techniques d’AMP chez ces patients ne permet pas d’incriminer plus particulière- ment certaines procédures, comme l’ICSI, la réimplanta- tion tardive ou la congélation de l’embryon. Une autre pathologie d’empreinte (le syndrome d’Angelman) a aussi été rapportée chez des patients nés d’ICSI et, là encore, les patients présentent la même anomalie épi- génétique (déméthylation du gène SNRPN). Dans ces différents modèles de pathologies d’empreinte après AMP, l’anomalie en cause est toujours la non mé- thylation d’un locus normalement méthylé sur le gé- nome maternel suggérant que les procédures d’AMP empêchent l’apposition de la méthylation sur l’allèle maternel ou favorisent sa déméthylation dans la période préimplantatoire. Au total, l’AMP favorise les pathologies d’empreinte pa- rentale en perturbant la régulation épigénétique des régions chromosomiques soumises à empreinte. La ré- gulation épigénétique de l’expression génique dépasse largement le phénomène d’empreinte parentale diffé- rentielle et il apparaît donc crucial d’analyser de manière exhaustive les marques épigénétiques du génome chez les enfants issus d’AMP. Cette étude permettra d’établir quel est le risque de pathologies liées à des modifica- tions épigénétiques lors de l’utilisation des techniques d’AMP et de déterminer si certaines procédures d’AMP sont plus particulièrement concernées et si certaines régions du génome sont plus vulnérables. Hypogonadismes masculins GÉNÉTIQUE DU SYNDROME DE KALLMANN DEMORSIER C. Dodé (1) , J.-P. Hardelin (2) (1) Institut Cochin, Département GDPM, Paris. (2) Institut Pasteur, INSERM U587, Paris. Le syndrome de Kallmann Demorsier est une maladie du développement embryonnaire. Ce syndrome associe un hypogonadisme, dû à un déficit en gonadolibérine (GnRH), et une anosmie (ou une hyposmie) avec aplasie des bulbes olfactifs. À ces deux signes peuvent s’ajouter diverses autres anomalies. La maladie atteint 1/8 000 garçons, et les filles avec une fréquence environ 5 fois moindre. Plu- sieurs modes de transmission génétique ont été décrits dans les formes familiales : récessif lié au chromosome X (KAL-1, OMIM 308700), autosomique dominant (KAL-2,

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CONGRÈS REIMS SFE 21, 29 septembre – 2 octobre 2004 Ann. Endocrinol.

494

ASSISTANCE MÉDICALE À LA PROCRÉATION ET PATHOLOGIES DE L’EMPREINTE GÉNOMIQUE

Chr. GicquelLaboratoire d’Explorations Fonctionnelles Endocriniennes et Inserm U515, Hôpital Armand Trousseau, Assistance Publique-Hôpitauxde Paris, Paris.

Les procédures d’assistance médicale à la procréation(AMP) ont révolutionné le traitement de l’infertilité etsont actuellement à l’origine de 1 à 2 % des naissancesdans les pays développés.Le rôle des modifications épigénétiques du génome etde leurs conséquences sur l’expression génique a étélargement démontré dans des processus physiologiquescomme le développement foetal ou le vieillissement. Cecontrôle épigénétique est aussi crucial pour le phéno-mène d’empreinte parentale différentielle c’est-à-direl’expression monoallélique, maternelle ou paternelle,d’un gène. Sur le plan moléculaire, les marques d’em-preinte sont des modifications épigénétiques (méthyla-tion différentielle de l’ADN, modifications des histonesassociées à la chromatine) qui vont changer l’organisa-tion chromatinienne permettant ou non la transcriptiondu gène concerné. Deux étapes du développement em-bryonnaire sont essentielles à la mise en place et/ou aumaintien du phénomène d’empreinte parentale : 1) lapériode entre la fécondation et l’implantation de l’em-bryon, 2) la période du développement des cellules ger-minales primordiales dans la gonade fœtale.Les procédures d’AMP sont responsables de pathologiesd’empreinte parentale. La première décrite est un syn-drome de croissance excessive chez l’ovin et le bovin,dont le mécanisme pathogénique est la perte d’expres-sion (par anomalie de méthylation) du gène soumis àempreinte parentale et codant pour le récepteur detype 2 des IGF. Chez l’humain, l’AMP augmente le ris-que de syndrome de Wiedemann-Beckwith (SWB), syn-drome de croissance excessive en rapport avec unedysrégulation de la région 11p15, soumise à empreinte

parentale. Alors que les mécanismes moléculaires res-ponsables de SWB sont variés (génétiques ou épigé-nétiques), les patients SWB nés après AMP présententla même anomalie (déméthylation isolée du gèneKCNQ1OT). L’analyse des techniques d’AMP chez cespatients ne permet pas d’incriminer plus particulière-ment certaines procédures, comme l’ICSI, la réimplanta-tion tardive ou la congélation de l’embryon. Une autrepathologie d’empreinte (le syndrome d’Angelman) aaussi été rapportée chez des patients nés d’ICSI et, làencore, les patients présentent la même anomalie épi-génétique (déméthylation du gène SNRPN).Dans ces différents modèles de pathologies d’empreinteaprès AMP, l’anomalie en cause est toujours la non mé-thylation d’un locus normalement méthylé sur le gé-nome maternel suggérant que les procédures d’AMPempêchent l’apposition de la méthylation sur l’allèlematernel ou favorisent sa déméthylation dans la périodepréimplantatoire.Au total, l’AMP favorise les pathologies d’empreinte pa-rentale en perturbant la régulation épigénétique desrégions chromosomiques soumises à empreinte. La ré-gulation épigénétique de l’expression génique dépasselargement le phénomène d’empreinte parentale diffé-rentielle et il apparaît donc crucial d’analyser de manièreexhaustive les marques épigénétiques du génome chezles enfants issus d’AMP. Cette étude permettra d’établirquel est le risque de pathologies liées à des modifica-tions épigénétiques lors de l’utilisation des techniquesd’AMP et de déterminer si certaines procédures d’AMPsont plus particulièrement concernées et si certainesrégions du génome sont plus vulnérables.

Hypogonadismes masculins

GÉNÉTIQUE DU SYNDROME DE KALLMANN DEMORSIER

C. Dodé(1), J.-P. Hardelin(2)

(1) Institut Cochin, Département GDPM, Paris.

(2) Institut Pasteur, INSERM U587, Paris.

Le syndrome de Kallmann Demorsier est une maladie dudéveloppement embryonnaire. Ce syndrome associe unhypogonadisme, dû à un déficit en gonadolibérine (GnRH),et une anosmie (ou une hyposmie) avec aplasie des bulbesolfactifs. À ces deux signes peuvent s’ajouter diverses

autres anomalies. La maladie atteint 1/8 000 garçons, etles filles avec une fréquence environ 5 fois moindre. Plu-sieurs modes de transmission génétique ont été décritsdans les formes familiales : récessif lié au chromosome X(KAL-1, OMIM 308700), autosomique dominant (KAL-2,