associations des inhibiteurs de tyrosine kinase avec la chimiothérapie

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2S12 Communication © Elsevier-Masson, Paris 2007 - Rev Pneumol Clin 2007; 63: 2S12-2S3 Sur quel rationnel se basait l’association inhibiteurs des récepteurs tyrosine kinase (rTKIs)/chimiothérapie ? Quels ont été les résultats ? Quelle est votre analyse de ces résultats ? Quelles sont les hypothèses à retenir pour expliquer ces résultats ? « Au départ, des études in vitro sur des lignées cellulaires et in vivo sur des xénogreffes chez des souris nude avaient montré une synergie des rTKIs et de plusieurs molécules de chimiothérapie utilisées dans les cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC) et les cancers à petites cellules (CBPC) comme les sels de platine (carboplatine, cisplatine), le docétaxel, le paclitaxel et l’étoposide. Le mécanisme biologique exact de ces rTKIs est encore mal connu, mais il semble qu’ils provoquent une accumu- lation des cellules en G1 favorisant l’activité de la chimio- thérapie et majorant l’apoptose. Il faut souligner que dans toutes ces études menées in vitro et in vivo, le niveau d’expression d’EGFR était inconnu. À partir de ces données suggérant une synergie de la chimiothérapie associée aux rTKIs, quatre essais cliniques ont été menés en traitement de 1 re ligne chez des patients atteints de CBNPC avec chimiothérapie et l’erlotinib ou le géfitinib : INTACT-1, INTACT-2, TALENT et TRIBUTE [1-3]. Les résultats n’ont pas montré d’allongement de la survie avec l’association chimiothérapie-rTKIs versus chimiothé- rapie seule. – L’avantage de ce type d’association est que la chimio- thérapie et les rTKIs ont pu être administrés à pleine dose ; or, les triplets de chimiothérapie sont moins efficaces, car la dose intensité est moindre. La tolérance des rTKIs est très bonne et différente de celle de la chimiothérapie. – Un autre point important de ces études est qu’il n’y a eu aucune sélection des patients à l’inclusion. Même si l’expression d’EGFR n’est pas prédictive de la réponse, beaucoup de publications montrent que la présence de mutations du récepteur EGFR constitue un bon indice prédictif de réponse. On peut penser que dans ces grands essais cliniques de phase III, il existe un pourcentage de patients qui ont bien répondu au traitement. On peut regretter l’absence d’ana- lyses de l’efficacité en fonction de la biologie des tumeurs. Aujourd’hui, beaucoup de questions restent posées à propos de l’association chimiothérapie-rTKIs : leurs effets sont-ils antagonistes ? Faut-il les administrer en séquentiel ou en concomitant ? Quelle séquence d’administration ? » Quelles perspectives attendre des associations rTKIs/chimiothérapie ? « Différentes pistes sont en cours d’exploration actuelle- ment : – de nouvelles molécules moins sélectives vis-à-vis du récepteur EGFR sont à l’étude ; c’est le cas par exemple d’une molécule en développement qui associe un effet anti-EGF et une activité anti-VEGF et qui a montré un bénéfice clinique intéressant avec le docétaxel en traite- ment de 2 e ligne chez des patients atteints d’un CBNPC ; Associations des inhibiteurs de tyrosine kinase avec la chimiothérapie Jeanne-Marie Bréchot Service d’oncologie médicale, Hôpital Avicenne, 125, route de Stalingrad, 93009 Bobigny Cedex.

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© Elsevier-Masson, Paris 2007 - Rev Pneumol Clin 2007; 63: 2S12-2S3

Sur quel rationnel se basaitl’association inhibiteurs des récepteurs tyrosine kinase(rTKIs)/chimiothérapie ? Quels ont été les résultats ? Quelle est votre analyse de ces résultats ? Quelles sont les hypothèses à retenirpour expliquer ces résultats ?

« Au départ, des études in vitro sur des lignées cellulaireset in vivo sur des xénogreffes chez des souris nude avaientmontré une synergie des rTKIs et de plusieurs moléculesde chimiothérapie utilisées dans les cancers bronchiquesnon à petites cellules (CBNPC) et les cancers à petitescellules (CBPC) comme les sels de platine (carboplatine,cisplatine), le docétaxel, le paclitaxel et l’étoposide.Le mécanisme biologique exact de ces rTKIs est encoremal connu, mais il semble qu’ils provoquent une accumu-lation des cellules en G1 favorisant l’activité de la chimio-thérapie et majorant l’apoptose. Il faut souligner que danstoutes ces études menées in vitro et in vivo, le niveaud’expression d’EGFR était inconnu.À partir de ces données suggérant une synergie de lachimiothérapie associée aux rTKIs, quatre essais cliniquesont été menés en traitement de 1re ligne chez des patientsatteints de CBNPC avec chimiothérapie et l’erlotinib ou legéfitinib : INTACT-1, INTACT-2, TALENT et TRIBUTE [1-3].Les résultats n’ont pas montré d’allongement de la survieavec l’association chimiothérapie-rTKIs versus chimiothé-rapie seule.

– L’avantage de ce type d’association est que la chimio-thérapie et les rTKIs ont pu être administrés à pleine dose;or, les triplets de chimiothérapie sont moins efficaces, carla dose intensité est moindre. La tolérance des rTKIs esttrès bonne et différente de celle de la chimiothérapie.– Un autre point important de ces études est qu’il n’y a euaucune sélection des patients à l’inclusion. Même sil’expression d’EGFR n’est pas prédictive de la réponse,beaucoup de publications montrent que la présence demutations du récepteur EGFR constitue un bon indiceprédictif de réponse.On peut penser que dans ces grands essais cliniques dephase III, il existe un pourcentage de patients qui ont bienrépondu au traitement. On peut regretter l’absence d’ana-lyses de l’efficacité en fonction de la biologie des tumeurs.Aujourd’hui, beaucoup de questions restent posées àpropos de l’association chimiothérapie-rTKIs : leurs effetssont-ils antagonistes ? Faut-il les administrer en séquentielou en concomitant ? Quelle séquence d’administration ? »

Quelles perspectives attendre desassociations rTKIs/chimiothérapie ?

« Différentes pistes sont en cours d’exploration actuelle-ment :– de nouvelles molécules moins sélectives vis-à-vis durécepteur EGFR sont à l’étude ; c’est le cas par exempled’une molécule en développement qui associe un effetanti-EGF et une activité anti-VEGF et qui a montré unbénéfice clinique intéressant avec le docétaxel en traite-ment de 2e ligne chez des patients atteints d’un CBNPC;

Associations des inhibiteurs de tyrosine kinase avec la chimiothérapie

Jeanne-Marie Bréchot

Service d’oncologie médicale, Hôpital Avicenne, 125, route de Stalingrad,93009 Bobigny Cedex.

J.-M. Bréchot

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– l’intérêt d’identifier des profils de patients meilleursrépondeurs aux rTKIs comme les patients présentant desmutations du récepteur EGFR semble de plus en plusimportant. L’étude de Kris qui vient d’être présentée àl’ASCO a été menée chez 20 patients atteints d’unCBNPC de stade I ou II [4]. À l’inclusion, une évaluationdu statut mutationnel a été réalisée et tous les patients ontreçu un traitement par géfitinib pendant 21 jours avantd’être opérés. Après chirurgie, les patients avec une muta-tion du récepteur EGFR et/ou les patients ayant présentéune réponse pathologique ont poursuivi leur traitement pargéfitinib en adjuvant. Un taux élevé de réponse histolo-gique de 50% a été observé chez les patients avec desmutations des exons 19 et 21 du récepteur EGFR (versus20 % en l’absence de mutations). Cette étude se poursuitavec des patients actuellement traités par géfitinib enadjuvant.Toujours au congrès de l’ASCO, l’étude ONCOBELL,présentée par Capuzzo, a évalué l’efficacité d’un traite-ment par géfitinib auprès d’une population de 39 patientsatteints d’un CBNPC métastatique et sélectionnés : ils’agissait de patients qui surexprimaient le récepteurEGFR (FISH+) et/ou de non-fumeurs [5]. Dans cette popu-lation, comme dans l’étude dont nous avons parlé précé-demment, le taux de réponse était élevé, de 54 % et lamédiane de survie n’est toujours pas atteinte.Les associations de diverses thérapeutiques ciblées sontaussi en évaluation : toujours à l’ASCO, Fehrenbacher amontré la faisabilité et la tolérance acceptable d’un traite-ment associant une chimiothérapie (pemetrexed ou docé-taxel), l’erlotinib et le bévacizumab chez des patientsatteints d’un CBNPC avancé et déjà prétraités [6].Ainsi, beaucoup de pistes de recherche clinique trèsdifférentes sont en cours d’évaluation et les années à venirdevraient permettre de mieux comprendre l’ensemble desmécanismes impliqués et d’identifier des facteurs prédic-tifs de réponse au traitement. »

Références

1. Herbst RS, Giaccone G, Schiller JH, Natale RB, Miller V,Manegold C, et al. Gefitinib in combination with paclitaxel andcarboplatin in advanced non-small-cell lung cancer: a phaseIII trial-INTACT J Clin Oncol 2004 Mar 1;22(5):785-94.

2. Giaccone G, Herbst RS, Manegold C, Scagliotti G, Rosell R,Miller V, et al. Gefitinib in combination with gemcitabine andcisplatin in advanced non-small-cell lung cancer: a phase IIItrial--INTACT 1. J Clin Oncol 2004 Mar 1; 22(5): 777-84.

3. Herbst RS, Prager D, Hermann R, Fehrenbacher L, JohnsonBE, Sandler A, et al. TRIBUTE Investigator Group TRIBUTE. Aphase III trial of erlotinib hydrochloride (OSI-774) combinedwith carboplatin and paclitaxel chemotherapy in advancednon-small-cell lung cancer. J Clin Oncol 2005 Sep 1;23(25):5892-9

4. Kris MG, Pao W, Zakowski MF, Ladanyi M, Heelan RT,Schwartz L, et al. Prospective trial with preoperative gefitinibto correlate lung cancer response with EGFR exon 19 and 21mutations and to select patients for adjuvant therapy. Proc AmSoc Clin Oncol 2006:24:369s:(abstract 7021).

5. Cappuzzo F, Toschi L, Trisolini R, Bemis L, Sujita M, Dome-nichini I, et al. Clinical and biological effects of gefitinib in EGFRFISH positive/phospho-akt positive or never smoker non-smallcell lung cancer (NSCLC) -: Preliminary results of the ONCO-BELL trial- Proc Am Soc Clin Oncol 2006:24:369s:(abstract7023).

6. Fehrenbacher L, O’Neill V, Belani CP, Bonomi P, Hart L, MelnykO, Sandler A, Ramies D, Herbst RS. A phase II, multicenter,randomized clinical trial to evaluate the efficacy and safety ofbevacizumab in combination with either chemotherapy (doce-taxel or pemetrexed) or erlotinib hydrochloride compared withchemotherapy alone for treatment of recurrent or refractorynon-small cell lung cancer. Proc Am Soc Clin Oncol 2006:24:379s:(abstract 7062).