bat'carré n°5

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BA CARRÉ T’ NUMÉRO 5 // AVRIL - MAI 2012 ON DIRAIt LE SuD VOyAGE EN AfRIquE RENCONtRE RAphAëL ChANE NAm DIORÉ LA VALLÉE SuSpENDuE Luc Schuiten L'ÉCOLOGIE VISIONNAIRE

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En un clic, Bat’carré nous plonge dans l’océan Indien à la découverte de ce carrefour d’influences à découvrir, à savourer, à partager… Bat’carré : Allons faire un tour avec un beau magazine qui met en relief paysages cultures et personnages inédits !

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BA CA

RR

É T’NUMÉRO 5 // AVRIL - MAI 2012

ON DIRAIt LE SuDVOyAGE EN AfRIquE

RENCONtRERAphAëL ChANE NAm

DIORÉLA VALLÉE SuSpENDuE

LucSchuiten

L'ÉCOLOGIE VISIONNAIRE

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ÉVASION CULTURELLEÉVASION ROMANS DU MONDEÉVASION JEUNESSEAU CŒUR DE L’ÎLE DIORÉ, ENTRE DEUX ÉPOQUESRENDEZ-VOUS AVEC RENÉ ROBERT :LA VALÉE SUSPENDUE DE PETIT TROUCHRONIQUE AKOUTGRÈN SÉMÉDÉVELOPPEMENT DURABLELUC SCHUITEN, L’ÉCOLOGIE VISIONNAIRESAVOIR-FAIRECLAUDE COVINDIN, COLLECTIONNEUR DE GÉNIERENCONTRERAPHAËL CHANE NAM, LE MERLE BLANC DANS TOUTE SON EXCEPTIONHORIZON SAUVAGEÀ MADAGASCARVOYAGE-VOYAGEON DIRAIT LE SUD, VOYAGE EN AFRIQUEAU FIL DES FESTIVALSIMAGES DU MONDE QUI VIENTRENDEZ-VOUS BDFRANÇOIS SCHUITEN, LE GOÛT DE L’AVENTUREPAPILLES EN FÊTERECETTE DE L’ATELIER DE BENTENDANCESHIGH TECH ET SHOPPINGRÉUNIONNAIS DU MONDEUNE RENCONTRE AU SOMMET, ÉPISODE 2JEUXRÉSULTATS DES JEUX

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Couverture Illustration de Luc SchuitenÉditeur BAT’CARRÉ SARLbimestrielAdresse 16, rue de Paris97 400 Saint-DenisTel 0262 28 01 86www.batcarre.comISSN 2119-5463

Directeur de publication Anli [email protected] 29 47 50Directrice de la rédactionFrancine [email protected] 28 01 86RédacteursRené Robert, Stéphane MaïconVéronique Lauret, Guillaume PerouxMarine Veith, Rodolphe SinimaléFrancine George

Secrétaire de rédactionAline BarreDirecteur artistique P. Knoepfel, Crayon [email protected] Serge Marisy, Hervé DourisStéphane Maïcon, Jean-Noël Enilorac, Gaël Sartre, Thierry Hoarau, Sylvain Brajeul, Pierre ChoukrounIllustrateurs Luc Schuiten, François Schuiten

Création & exécution graphique Crayon noirVifs remerciements à René Robert, Luc Schuiten,Raphaël Chane Nam, René Bouvet Caroline, Benoît Vantaux, Yves Bosquet,pour leur précieuse collaboration

Développement web Anli Daroueche, Axe DesignPublicitéFrancine George : 0262 28 01 86Anli Daroueche : 0692 29 47 50DistributionTDLImpression Graphica 305, rue de la communauté97440 Saint-André

ErratumMalgré le grand soin apporté à la relecture, quelques erreurs se sont glissées dans le précédent numéro. Nous tenons à présenter toutes nos excuses en particulier à Christian Vaisse, ainsi qu'à son épouse Jacqueline, pour avoir oublié de signer ses photosdans le reportage de Rodrigues (page 50 et la photo sur la double page 52/53).

Tous droits de reproduction même partiels des textes et des illustrations sont réservés pour tous pays. La direction décline toute responsabilité pour les erreurs et omissions de quelque nature qu’elles soient dans la présente édition.

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Dans ce numéro dédié au développement durable, nous évoquonsquelques pistes prouvant qu’il existe bien d’autres façons de vivre plusen harmonie avec la nature. Pendant que Luc Schuiten invente les citésvégétales et les transports modulaires, son frère François dessine sesutopies en BD. Il était l’invité du Festival Étonnants Voyageurs à Saint-Maloqui s’interroge, lui aussi, sur le monde de demain en organisant plus detrois cents rencontres avec des écrivains venus des quatre coins de laplanète.

À La Réunion, René Robert, quant à lui, nous interpelle sur la valléesuspendue de Dioré. Hier et aujourd’hui, la terre a creusé son sillon et ilserait grand temps maintenant de la préserver avant que ses ressourcesnaturelles ne disparaissent. Une belle utopie que de penser que nousdevons changer de comportement ?

Raphaël Chane-Nam nous raconte sa trajectoire atypique d’entrepreneur,fleuron pour un temps de l’économie réunionnaise, tandis que ClaudeCovindin, bricoleur dans l’âme, passe sa vie à chiner les trésors du passé.Dans ces portraits, la balade que nous vous proposons apporte un autreregard sur les ressorts de la nature humaine.

Sur le site www.batcarre.com, vous pouvez découvrir en photos et envidéos des compléments aux articles que vous avez appréciés. Ce siteest le vôtre, n’hésitez à poster vos commentaires, vos idées, vos réactions,vos coups de cœur, vos coups de gueule…

Autre nouveauté, l’abonnement au magazine pour un an. Si vous souhaitezrecevoir, en premier dès la parution, le magazine mis sous pli, chez vous,dans votre boîte aux lettres, c’est maintenant possible grâce au bulletind’abonnement qui figure en dernière page.

Bonne balade à tous !

Francine George

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LES MURS RACONTENT

Jean nous livre un récit captivant de la vie quotidienne au Continental, l’hôtel de son pèrependant l’occupation. Il n’a qu’une dizaine d’années et pose un regardintrépide sur le drame qui se noue. Pau est alors en zone libre et nombre de réfugiés s’arrêtent là avant de fuir en Espagne. En 1942, la Wehrmacht s’y installesur deux étages, tandis que son père continued’héberger clandestinement des familles juives.Cette autobiographie incroyable dépasse largement le premier cercle des Palois qui s’y reconnaissent, pour toucher tout le monde par sa forte authenticité.

PASSEPORT POUR L’ÉMIGRATION

Ce livret de la taille d’un passeport interpelle les adolescents, mais s’adresse également aux parents. C’est la guerre en France. Le jeune héros quitte son nid douillet et se trouve transplanté dans un camp de réfugiés en Egypte. Fuite, exil, survie sont décrits au scalpel.Quelques illustrations de Jean-François Martinrythment judicieusement cette descente aux enfers.

TITRE L’HÔTEL DES OMBRES

AUTEUR JEAN TOUYAROTEDITIONS DU SEUIL

TITRE GUERRE – ET SI ÇA NOUS ARRIVAIT

AUTEUR JANNE TELLEREDITIONS LES GRANDES PERSONNES

SÉLECTION FRANCINE GEORGE

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B(R)AISES

Un rappel sur ce livre qui ancre son histoire sulfureuse sur les pentes du volcan. Prix Vanille 2012, nous tenons à présenter nos excuses à l’auteur pour le bug sur sa présentation parue dans Bat’carré N°4.

LA RÉVOLUTION DE L’INTIME

Xinran, pseudonyme d’une journaliste chinoise émigrée à Londres, évoque, à la manière d’un récit de fiction, des tranchesde vie bien réelles de nombreuses femmes chinoises qui se confient dans la terreur des représailles. Expérience vécue par l’auteur,qui a réussi à imposer chaque soir dans sonémission de radio les témoignages laissés sur son répondeur. Avec une grande tenacitéXinran mène ses enquêtes pour témoigner de la souffrance des Chinoises quelle que soitleur condition sociale. Ce livre poignant ne manque pas d’humour et raconte avec beaucoup de fraîcheur le combat de ces femmes, leur intimité et leur éveil à une nouvelle vie.

TITRE B(R)AISESAUTEUR JOËLLE ÉCORMIER

EDITIONS OCÉANS ÉDITIONS

TITRE CHINOISES

AUTEUR XINRANEDITIONS PICQUIER POCHE

ÉVASION ROMANS DU MONDE · 5

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ÉVASION JEUNESSE · 6

À L’EAU OU À L’HUILE ?Long poème en vers où il est question de Robert, une sardine qui préfère vivre sur une étagère, Un Cœur de sardine resplenditdes couleurs de Claire Gaboriau qui nous fait voyager entre mer et cuisine, à travers une jolie histoire d’amitié, de celle qui heurteparfois mais toujours soutient quand les cœursdeviennent gris.

INFINIE BEAUTÉ DU BLEULe dernier album d’Anne Herbauts fait partiede ces livres qu’on s’offre pour le plaisir, pour la beauté. Et l’offrir à nos enfants n’est finalement qu’un prétexte. D’une histoire simple, celle de Theferless, hirondelle blesséeaccueillie le temps d’un hiver dans une famille,Anne Herbauts fait de la magie : celle d’un textetout en poésie douce et d’illustrations éblouissantes qui donnent des envies de liberté, d’infini, d’aller se perdre dans les bleus des ciels et des mers lointaines.Époustouflant !

HISTOIRE GOURMANDEUn livre à partager à l’heure du goûter. À lire d’abord pour tout connaître des ingrédients nécessaires à la confection d’un bon gâteau. Un livre qui nous fait voyagerentre champs de cannes, mers lointaines,usines, champs et fermes. Une fois le livre refermé, on n’a plus qu’une envie : déguster un bon gâteau à la vanille dont la recette nous est gentiment fournie par l’auteur. De quoi réveiller les âmes de pâtissiers !

C’EST MON CHOIX !Le soir de ses dix-sept ans, Aurélien s’apprête à faire, à sa famille, une déclaration qui devraitbien faire l’effet d’une bombe. Roman choral,Déclaration d’anniversaire livre tour à tour la voix des six personnages réunis autour de la table. Dans cette famille pas tout à faitcomme les autres où il semble régner un grandvent de liberté, il n’est pas toujours facile d’imposer sa voie. Mais avec une bonne dose d’amour, tout est possible. Et l’amour, cette famille-là n’en manque pas !

SÉLECTION VÉRONIQUE LAURET

TITRE UN CŒUR DE SARDINE

AUTEUR JOËLLE ÉCORMIER ET CLAIRE GABORIAU

EDITEUR OCÉAN JEUNESSE

TITRE GUERRE – THEFERLESSAUTEUR ANNE HERBAUTS

EDITEUR LES ALBUMS CASTERMAN

TITRE MON VOYAGE EN GÂTEAU

AUTEUR ALICE BRIÈRE-HAQUET ET BARROUXEDITEUR OCÉAN JEUNESSE

TITRE DÉCLARATION D’ANNIVERSAIREAUTEUR ELÉONORE CANNONE

EDITEUR OCÉAN ADOS

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PETIT ÉCART PERCHÉ SUR LES HAUTEURS DE SAINT-ANDRÉ,

DIORÉ ATTIRE RÉGULIÈREMENT PIQUE-NIQUEURS ET RANDONNEURS.

LES QUELQUES FAMILLES QUI Y MÈNENT AUJOURD’HUI

UNE VIE TRANQUILLE ONT ÉCRIT LE PASSÉ DU VILLAGE.

UNE HISTOIRE LIÉE À LA CANNE, EMPREINTE D’ENGAGISME

ET DE MARRONNAGE.

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TEXTE & PHOTOGRAPHIE STÉPHANE MAÏCON

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9 · AU CŒUR DE L’ ILE

entre deux époques

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Pierre-Benoît Dumas. Hélie Dioré de Pérignymourra en 1741, laissant derrière lui sept enfants,tous nés à Bourbon.

Parmi eux, Claude Elie Dioré de Périgny, né le 26mars 1727 à Saint-Denis. À l’âge de 20 ans, il quitteson île natale et rejoint la première compagniedes Mousquetaires du Roi. Il fait la guerre desFlandres, sous les ordres du Maréchal de Saxe etprend part aux célèbres batailles de Fontenoy etde Roccaux. Il épousera Marie Madeleine Panonle 9 septembre 1755 et passera ensuite dansl’armée des Indes, avec le grade de Capitaine. En 1761, il sera fait prisonnier, au moment de lachute de Pondichéry. Dioré retrouvera Bourbonen 1763, où il assurera le commandement ducorps des gendarmes, puis celui du quartier deSainte-Suzanne. Le 23 décembre 1772, il est faitchevalier de Saint-Louis et en 1777, il retourne àPondichéry où il sera aide de camp du gouverneurBellecombe. Il prend part au glorieux combatnaval livré au large de Pondichéry en 1778 etdevient lieutenant-colonel en 1780. En mai 1785,Claude Elie Dioré de Périgny est nommé gouver-neur de Bourbon à la place d’Alexandre FrançoisChalvet, Baron de Souville.

Créole, il connaît les hommes et les dossiers etmontre son attachement à Bourbon alors que lapolitique française, dans l’Océan Indien, est enpleine mutation. Réorganisation administrative etcontraintes budgétaires dominent la période quisuit le Traité de Versailles. C’est désormais à L’Islede France que siège le gouvernement généraldes établissements français, à l’Est du Cap deBonne Espérance. Bourbon compte alors 44 717habitants, dont 8227 libres (Blancs et libres decouleur) et 36 490 esclaves. Sur le plan écono-mique, l’île jouit d’une certaine prospérité. Malgré les crises, le café occupe une place pré-pondérante et continue d’assurer la réputation dela colonie. Claude Elie Dioré de Périgny estfinalement remplacé par David Charpentier deCossigny qui prendra les fonctions de gouverneurde Bourbon, le 9 mars 1788. Dioré meurt à Saint-André le 2 août 1803. C’est vraisemblablement àla suite de son décès, et en hommage au travailaccompli par le premier gouverneur créole dela colonie, que ce futur camp d’esclaves serabaptisé Dioré.

UN NOM CHARGÉ D’HISTOIRE

Quelques spécialistes ont tenté de se penchersur l’histoire de Dioré, mais il n’existe que peude traces écrites des premiers temps du village.Pour autant, tous s’accordent à dire que des esclaveséchappés des grandes plantations de l’Est de l’îlesont venus trouver refuge dans ces parages. Uneprésence marquée par des noms, comme celuide Sarabe, autre écart limitrophe de Dioré. Sarabene serait autre qu’un Noir marron qui profitait dece superbe balcon sur la côte pour guetter l’ar-rivée des chasseurs d’esclaves. La forêt prodiguaitalors une profusion de cachettes et constituait uneréserve de nourriture et d’eau. D’ailleurs, l’on ytrouve encore aujourd’hui des lianes patates,voire d’autres légumineuses qui attestent de cetteprésence. Et si le danger devenait trop important,il suffisait d’un rien pour s’engouffrer dans lecirque de Salazie.

Aussi étrange que cela puisse paraître, Dioré,quant à lui, tient son nom de la famille Dioré, ori-ginaire de La Rochelle. En effet, Hélie Dioré dePérigny débute sa carrière militaire au régimentVivian Saint-Christeau, en 1704, avant de passerl’année suivante au régiment de Cayeux. Il seranommé capitaine au régiment de La Tour, puisréformé en 1723 avant de prendre pour épouseHenriette Juppin, au mois de novembre de lamême année, à La Rochelle. Le sieur Hélie Dioréde Périgny touche nos côtes en 1725, accompagnéde son épouse et de son beau-frère, JacquesJuppin de Fondaumière, qui lui sert de secrétaire,le commandant Dioré étant illettré ! Pour lui confé-rer une certaine aura, nécessaire à ses nouvellesfonctions, il sera fait chevalier de Saint-Louis. Ilest alors chargé par la Compagnie des Indesd’enquêter sur les activités de son prédécesseur,accusé de faire du commerce pour son proprecompte et par là même, de négliger les intérêtsde la Compagnie. Il est également à l’origine dela création du quartier de Saint-Louis, dans le Sudde l’île, ainsi nommé en l’honneur du Roi Louis XV.Malheureusement pour lui, son nom est associé àla crise du café, dont les cours chutent. Finalement,en mai 1727, Hélie Dioré de Périgny prendra laplace du Chevalier de Nyon comme gouverneurà L’Isle de France (Maurice). Sicre de Fontbrunele remplacera à Saint-Denis, en attendant l’arrivéedu nouveau gouverneur :

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LES ANCIENS RACONTENT LES PREMIERS TEMPS

Dans l’histoire contemporaine de Dioré, la doyenne,Simone Imiza a disparu en 2010. Edwige Rivière,de la même génération, est arrivée à Dioré à l’âgede 27 ans. Elle nous raconte ses souvenirs. Originaire de Mont-Vert où elle plantait le vétiveret le géranium sur le domaine Vidot, elle arrivesur la propriété Payet le 9 mars 1966. La sociétéPayet avait eu l’idée de faire construire un lotis-sement au beau milieu de sa propriété pour logerses employés. « Mon mari était venu chercher dutravail, comme journalier dans la canne. Je suisarrivée avec mes trois enfants ; deux autres naîtrontici. La semaine était payée une misère. En cetemps-là, c’était le mari qui ramenait la paye. Etcomme, en chemin, il s’arrêtait toujours à la bou-tique pour boire un coup, je priais pour qu’il restequelque chose ! J’en étais réduite à compter lenombre exact de pintes de riz nécessaires pourla semaine et c’était à une près. Il n’y avait pas debus scolaire, de sorte que mes enfants partaientà l’école à pied.

Nous n’avions pas beaucoup de vêtements nonplus. Nous pouvions garder le même linge trois ouquatre jours de suite. La semaine, nous mangionsdu riz, des pois et des brèdes. La viande, quandil y en avait, ça n’était rien que le week-end. Notreseule satisfaction était d’avoir une case en dur etd’avoir l’eau courante, quand elle coulait ! Sinon,il me fallait aller à la rivière, un fer-blanc sur la

LES ENGAGÉS DU SUCRE ARRIVENT À DIORÉ

En l’espace d’un demi-siècle, la culture du cafésera abandonnée à Bourbon pour laisser placeau roseau magique : la canne. Après l’abolitionde l’esclavage proclamée en 1848 par SardaGarriga, les engagés du sucre ont déferlé surl’île. Les premiers calbanons (ou casebanons)seront bâtis à cette époque. Des familles entièress’entassaient dans ces constructions de formeallongée. Ce furent les premières habitations deDioré, sans oublier les cases en paille des campsmalgaches, aujourd’hui totalement disparues.Pour autant, les calbanons de pierre ont presquesubi le même sort. Il ne demeure que deux outrois pans de murs, dissimulés derrière des ri-deaux de canne. Bien souvent, les nouveauxpropriétaires ont abattu ces vestiges, pour gagnerde la place ou parfois par peur des servicesmalgaches que certains y organisaient encore.L’histoire des gens modestes n’est jamais écrite.Elle est orale et se passe de génération en géné-ration. Et la mémoire s’efface au fur et à mesureque les anciens disparaissent. Voilà pourquoi ilest si difficile de raconter les quelques décenniesqui séparent Dioré du XX e siècle. C’est aussi laraison pour laquelle, aujourd’hui encore, les ha-bitants du village tiennent tant à ces ruines. Ellessont leur unique livre d’histoire, écrit dans la sueuret la peine, sous le soleil brûlant des tropiques.Elles sont les sépultures que ces gens pauvresn’ont jamais eues. On vient s’y recueillir.

Allons pren’Dioré en main

0262 97 30 42

ou 0692 56 08 32

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dans les bas et bien des enfants pratiquent desactivités de loisirs en ville. Et l’ADSL a fait le reste…En somme, ce qui fut un inconvénient s’est trans-formé depuis en qualité de vie. Dès lors, Dioré nevoit pas toujours d’un très bon œil ces nouvellesbâtisses qui champignonnent de-ci de-là.

La forêt de Dioré est classée en Espace NaturelSensible (ENS) sur 250 hectares afin de protégerla biodiversité qu’elle abrite. Comme dans les 21autres ENS de La Réunion, le Conseil Général estpropriétaire des terres et confie la gestion etl’entretien des sites à des associations locales. ÀDioré, c’est à l’association « Allons pren’ Dioré enmain » qu’incombe cette tâche. Qu’ils soient emploisverts, animateurs d’ateliers, guides de terrain ousimples administrateurs, tous sont extrêmementmotivés et investis par leur mission et le résultatest là.

BALADE INSOUCIANTE À DIORÉ

L’itinéraire qui conduit au départ de la balade esttrès bien signalé. Il débute sur une large pistebétonnée, à l’ombre des tulipiers du Gabon. Unpeu plus haut, de forts jolis kiosques ont été ins-tallés. Mais il faudra se lever tôt pour profiterdes meilleures places, car elles sont chèrementdéfendues par les habitués ! À chaque pas, lespanoramas sur la côte prennent un peu plusd’ampleur. L’on comprend mieux alors la retraitede l’esclave Sarabe et l’on imagine sans peinel’homme scrutant l’horizon. Passées les dernièrescultures vivrières, le sentier serpente au milieude murailles de goyaviers qui ont égalementcontribué à faire la réputation des lieux. Puiss’annonce la forêt, dense et zébrée de ravines.L’ascension est parfois rude, mais au bout del’effort, c’est un superbe point de vue sur le cirquede Salazie qui attend le marcheur au sommet. Unpoint de vue méconnu qui ouvre sur le profondcassé de la Rivière du Mât. À gauche, le rempartde Bélouve, à droite, celui de Sainte-Marie, au fond,le Piton des Neiges, tandis qu’au beau milieutrône la tour de guet du Piton d’Anchaing.

Et soudain, l’on prend toute la mesure de l’île : un cœur vert, refuge nourricier où histoire etlégendes s’unissent pour donner naissance àl’âme créole.

tête. Nous allions aussi y laver le linge et ramasserdu bois.

Et puis mon mari a été nommé commandeur, ondisait aussi garde-champêtre. Il avait trois ouquatre journaliers sous ses ordres. Grâce à cestatut, le maire a fait installer l’unique téléphonede Dioré chez nous et j’en étais responsable. Les gens me payaient leur communication et jereversais l’argent à la mairie qui ne me payait pasgrand-chose. Le téléphone sonnait à toute heuredu jour et de la nuit. J’étais chargée d’apporterdes messages à tout le monde. S’il était trop tardou que c’était trop loin, j’attendais le lendemain.J’annonçais les mariages, les décès. On m’a faitaussi beaucoup de blagues, pas toujours dumeilleur goût, comme cette fois où un hommem’a appelée en pleine nuit pour que j’aille racon-ter à sa famille qu’il avait été poignardé et qu’ilétait à l’hôpital ! »

En 1962, le cyclone Jenny a détruit les dernièrescases en paille. Les maisons du lotissement Payetvenaient d’être terminées mais n’avaient pasencore été livrées. Aussi, les sans-abris ont forcéles portes pour y trouver refuge. Dioré connaîtrasa première école en 1963, sous l’impulsion dumaire de Saint-André de l’époque, Monsieur JeanRamassamy. La première institutrice fut madameLucette Grondin et elle venait de Saint-Louis. En1970, la SAFER a repris les terres Payet et chaquecolon a obtenu une parcelle et une maison dans lelotissement. Les quelques maisons encore dispo-nibles ont été achetées par des gens qui n’étaientpas agriculteurs. Dans la foulée, le nouveau maire,Jean-Paul Virapoullé a fait installer l’électricité. En1984, l’école actuelle est inaugurée. L’ancienneécole deviendra la future église.

LE LENT CHEMINEMENT DU VILLAGE

Aujourd’hui, Dioré est à la croisée des chemins.En effet, le petit village d’à peine 300 âmes, nichéà sept petits kilomètres du centre-ville de Saint-André, a longtemps fait partie d’un autre monde.Démunis et livrés à eux-mêmes, les habitants ontappris à s’entraider et une formidable solidarités’y est développée. Maintenant, les bus montentà Dioré, la plupart de ses administrés travaillent

13 · AU CŒUR DE L’ ILE

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LA CONSTRUCTION CLASSIQUE DES VALLÉES ENCAISSÉES

Dans l’évolution des paysages de l’île, on a coutume d’opposer les périodes de constructions,généralement volcaniques, aux périodes de destructions, liées aux effondrements de terrain et àl’érosion de nombreux torrents. Dans l’histoire des reliefs de l’île, il y a eu une foule de séquences où des masses imposantes deconstructions volcaniques ont disparu à jamais de la surface pour se retrouver sur les pentes sous-marines du volcan, à des kilomètres de la ligne de côte. Le long de la route forestière du Volcan, lesgrandes cicatrices, les remparts, témoignent de ces épisodes violents.Pareillement, de nombreuses vallées ont disparu de cette même surface parce qu’elles ont étéennoyées par des coulées qui ont utilisé cette canalisation pratique pour aller vers l’océan. C’estl’exemple de la vallée de la Rivière Saint-Denis ou de celles, proches, de la Rivière Langevin et dela Rivière des Remparts…En général, les torrents se taillent une vallée de plus en plus profonde, avec des remparts qui restentproches : ce sont des vallées encaissées, ou des « gorges ». C’est l’exemple de Takamaka ou celuiencore de la Rivière de l’Est. Sur la carte (car ce n’est pas toujours possible de l’observer par laroute : exemple la vallée du Bras de Caverne jusqu’au Trou de Fer, seulement visible en survol), onsuit aisément l’encaissement de ce torrent, de l’aval jusqu’à loin en amont. Plus l’érosion est puissanteet plus elle a eu du temps de travail, et plus l’encaissement remonte loin en amont.

TEXTE RENÉ ROBERTPHOTOGRAPHIE HERVÉ DOURIS

AU CŒUR DE L’ ILE · 14

LA VALLÉE SUSPENDUE

DE PETIT TROU

UN RÉSUMÉ FACILE SERAIT DE DIRE QUE LES PAYSAGES NATURELS DE LA RÉUNION SONT LA CONSÉQUENCE D’UN MATCH, LOIN D’ÊTRE TERMINÉ, ENTRE LE FEU DU VOLCAN ET L’EAU DESTORRENTS. MAIS L’HISTOIRE NATURELLE RÉSERVE BIEN DES SURPRISES.

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15 · AU CŒUR DE L’ ILE

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AU CŒUR DE L’ ILE · 16

La Rivière du Mât répond à cette définition : le CD 48 emprunte une vallée encaissée de la sortie deSaint-André jusqu’à l’Ilet Morin, soit à l’entrée du cirque de Salazie. Mais du fond de la vallée, certainsreliefs, étranges et somptueux, échappent totalement au regard. Les travaux menés pour le dossierde candidature de l’île au Patrimoine Mondial de l’UNESCO, l’utilisation de moteurs de recherchecomme GOOGLE EARTH, ont permis de les découvrir et de s’interroger sur leur histoire.

L’EXEMPLE SINGULIER D’UNE VALLÉE « SUSPENDUE »

Le survol en ULM a permis au photographe de mettre à notre portée une forme de vallée très nette,située à environ 250 m au-dessus de la vallée actuelle de la Rivière du Mât, approximativementau-dessus de la zone comprise entre le Pont de l’Escalier et la sortie du village de Petit Trou. Elle estmoins encaissée que la vallée actuelle, mais elle l’est suffisamment pour s’imposer au regard despromeneurs qui vont de Dioré à la Plaine des Fougères, ou à celui des personnes qui font le survolde l’île.Que fait à cette altitude une vallée qui ne sert plus à l’écoulement des eaux de la Rivière du Mât,c'est-à-dire des eaux qui viennent du cirque de Salazie ? Il est assez facile d’imaginer que la Rivièredu Mât, jadis (mais il y a combien de temps, combien de milliers d’années ?), devait emprunter cettevallée. Mais pourquoi cette vallée a-t-elle été abandonnée, certainement brusquement ? Les questions ne manquent pas.Les réponses ne peuvent être que des hypothèses, des essais d’interprétation d’une histoire quis’est déroulée bien avant l’arrivée des hommes dans l’île. La plus probable est que cette région ait étévictime d’un effondrement de terrain, suffisamment important pour entraîner les eaux d’écoulementdans une autre direction, la direction actuelle de la vallée de la Rivière du Mât. Dans des thèses dela fin du XXe siècle, certains géologues font état de mouvements de terrain importants dans cettezone. Par ailleurs, la difficulté d’accès et la difficulté d’observation du site compliquent la tâche descurieux de la nature réunionnaise. En attendant, la beauté des images suffit à notre plaisir de découvrirl’un des nombreux charmes de l’île.

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CONCLUSION

Des exemples de vallée suspendue au-dessus du vide ne manquent pas dans l’île : la Fenêtre desMakes (Bras Patate), la Fenêtre au-dessus de Grand Ilet (Bras Sainte Suzanne), les ravins du Dimitile…mais ces vallées ne sont « suspendues » dans le vide que du côté amont. Et pourtant, en cherchantbien, il existe un autre exemple de vallée suspendue, c’est celui de la vallée de la Grande Ravine.Elle est visible sur la nouvelle Route des Tamarins, surtout en aval du pont. Ceux qui s’intéressentde près à leur île l’ont sans aucun doute déjà repérée…

René Robert

Directeur scientifique du dossier Patrimoine mondial de l’UNESCO

A lire

Regards sur le patrimoine naturel de La Réunion de René Robert

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CHRONIQUE AKOUT · 18

Bonjour Carlo. L'écriture et la poésie te fascinent, tu es un homme de mots.Peux-tu nous définir l’univers artistiquede Grèn Sémé ?

Grèn Sémé est à l’image de La Réunion, c’est-à-dire mélangé. Tout d’abord au niveau desinfluences propres à chaque membre du groupe.On peut retrouver des touches de rock, dereggae, de seggae, de jazz, de musique élec-tronique et aussi de chanson française. Ce mélange vient servir un Maloya métissé oùla tradition et la modernité se mêlent, toujoursau service des mots. J’ai la double culture, française et créole. Dansnotre maloya les deux cultures se fondent etse servent réciproquement. Nous faisons,peut-être malgré nous, un pont entre ces deuxcultures.

Après avoir semé cette petite graine à Montpellier en 2006, quel vent t’a poussé à revenir sur la terre réunionnaise ?

Né à La Réunion, je faisais tout simplement mesétudes à Montpellier. Même si j’y ai passé detrès belles années, j’ai toujours été pressé derentrer. La Réunion, c’est la terre qui me res-source. Je trouve mon équilibre dans la naturequi, ici, nous entoure. J’espère voyager le pluspossible avec la musique, faire des rencontresartistiques et humaines. Mais continuer devivre à La Réunion. Et puis, il y a mes parents,ils ne sont plus très jeunes, je voulais être là.

TOUJOURS EN RECHERCHE DE NOUVELLES SONORITÉS, GRÈN SÉMÉ FAIT VARIER SA MUSIQUE SUR LE THÈME DE LA RENCONTRE DES CULTURES ET DES GÉNÉRATIONS. LE MALOYA DEVIENT ENTRE LEURS MAINS UNE COULEURDE PLUS DANS LA PALETTE DES DIVERSITÉS CULTURELLES ET MUSICALES FRANÇAISES. CARLO DE SACCO, À L’ORIGINE DU GROUPE, NOUS LIVRE SES IMPRESSIONS AU RETOUR DU PRINTEMPS DE BOURGES OÙ IL REPRÉSENTAITLA RÉUNION.

Retrouvez Grèn Séméen vidéo sur la scène du Printemps de Bourges :www.edition2012.printemps-bourges.com

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PROPOS RECUEILLIS PAR GUILLAUME PEROUX - PHOTOGRAPHIE FATCHRetrouvez Grèn Sém

ésur Akout le portail de la musique réunionnaise :

www.akout.com

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Dis-nous quelques mots sur ta rencontre etcollaboration avec le musicien, compositeuret arrangeur, Dominique Fillon ?

Ma rencontre avec Dominique s’est faite lorsdes répétitions du spectacle « DOM-TOM folies ».Il m’a complimenté sur le morceau « Papiyon » etm’a dit qu’il voulait le mettre à la fin du spectacle,pour « clôturer en beauté ». J’ai été très touché parses mots. Moi je ne le connaissais pas réellement.J’ai tapé son nom sur internet et j’ai compris qui ilétait, aussi bien au niveau personnel que musical.En plus d’avoir accompagné les plus grands artistesfrançais, il a réalisé les albums de Sanseverino etobtenu un disque d’or. Nous avons tellement accroché que nous noussommes dit que nous allions travailler ensembledans le futur. Nous sommes donc restés en contactpar Skype où nous échangions nos idées. Un projet artistique a pris forme au cours deces échanges et Dominique Fillon est arrivé àLa Réunion en mars 2012 accompagné de sesmusiciens Kévin Reveyrand, Francis Arnaud etOlivier Roman-Garcia.Nous avons fait une résidence de création tousensemble (Grèn Sémé + Dominique Fillon quartet)au théâtre Canter de Saint-Denis. Cela a débouchésur trois concerts, dont un au théâtre de Saint-Gilleslors du festival Total Jazz.C’était une très belle collaboration tant au niveauhumain que professionnel. Dominique a jazzifiénotre maloya et nous avons mis du maloya dansson Jazz.

Le premier album est prévu pour courant2012 et devrait être enregistré dans le studiode Yann Costa. Sans dévoiler de grand secret,à quoi peut-on s'attendre sur cet opus ?

Nous pouvons nous attendre à un Pavé dans laMare ! C’est notre premier album ! Avec tous lesquestionnements que cela comporte.Je travaille depuis toujours avec David Kolm.Lorsqu’on réfléchissait ensemble vers qui setourner pour enregistrer l’album, Yann Costaétait une évidence. J’aime Yann en tant qu’hommeet en tant qu’artiste. J’aime sa sensibilité et sonregard sur notre musique. Notre maloya estpsychédélique et Yann aime ce genre d’ambianceset il a les capacités de les sublimer. Cela va êtreune belle co-réalisation entre son univers et celuide Grèn Sémé.

En tant que lauréat 2011 du concours « 9 semaines et 1 jour », tu as pu te produireau Printemps de Bourges. Tout juste de retour, peux-tu nous dire comment tu as vécu cette aventure ?

Grèn Sémé a été séléctionné pour représenterLa Réunion dans le cadre des « Découvertes prin-temps de Bourges 2012 ». Au départ, le concours« 9 semaines et 1 jour » sélectionnait seulementle chanteur, ce dernier était accompagné par desmusiciens professionnels, mais comme dans lemaloya le Roulèr est indispensable, j’ai insisté pourque Moana Apo, le percussionniste du groupe,puisse venir jouer avec moi. Ça a été accepté etnous avons fait cette grande expérience ensemble.Nous avons eu la chance de travailler avec desmusiciens internationaux, dont le talent était à lamesure de leur simplicité. J’ai rencontré à cetteoccasion Mr Dominique Fillon, qui était directeurmusical du spectacle et avec qui j’ai réellementsympathisé tant au niveau humain qu’au niveauartistique.

Quel impact cette expérience personnelle a-t-elle eu au niveau du groupe ?

L’impact a été très positif ! En fait c’est le groupequi m’a poussé à m’inscrire à « 9 semaines et 1jour ». Au début, je ne le voulais pas, car je medisais que c’était un concours télévisuel avec toutce qu’on peut y voir de péjoratif. Puis j’ai réaliséque c’était en fait un concours récompensant les« Auteurs/Compositeurs ». Le groupe était trèsheureux quand j’ai été lauréat. De plus, cetteexpérience nous a fait grandir, pousser ! Nousavons réalisé que notre musique en plus de nousplaire, pouvait plaire également aux autres. Notre objectif, dès mon retour, était de pouvoirrenouveler une expérience de ce type, mais avecla formation complète.

CHRONIQUE AKOUT · 20

découvrezGrèn Sémé surwww.akout.com

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EDFLa forêt des énergies

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UNE BELLE INITIATIVE AU SERVICE DU PATRIMOINE NATUREL

Louis Hoarau, agent EDF, est un amoureux de lanature et se désespère en voyant pendant plus d’unmois le spectacle de désolation qu’offre le Maïdoen feu. Mais il n’est pas homme à se laisser abattreet suggère en haut lieu une action de replantation.La direction d’EDF, touchée par cet élan du cœuret soucieuse d’agir positivement pour l’environ-nement, prend alors contact avec les spécialistesen ce domaine. La reconstruction des terres brûléesdu Maïdo est encore prématurée. Par contre, leParc National conduit une action de sauvegardede la forêt semi-sèche dont il ne reste qu’1% dela surface d’origine. Pascal Truong, responsablede ce projet COREXERUN 1 est de suite mobilisé :« La préservation du patrimoine naturel de l’île nedoit pas être qu’une affaire de spécialistes, elle doitconcerner tous les Réunionnais ». Un troisième acteurentre en scène avec enthousiasme, le lycée agricolede Saint-Paul, chargé de la croissance des plants.Le temps presse, les plantations ne peuvent sefaire qu’en saison humide sur ce terrain chaotiquepréalablement labouré à la pelle araignée. Unedate est arrêtée : le 31 mars 2012.

Toute l’opération a été montée en l’espace dedeux mois seulement.

UNE CONJUGAISON D’EFFORTS SOLIDAIRES

Ce samedi matin, le rendez-vous est fixé à laGrande Chaloupe au lever du jour. Près de 200agents EDF et leur famille, accompagnés des élèvesdu lycée agricole de Saint-Paul, se répartissenten groupes pour participer à cette grande journée.La montée par le chemin des Anglais est éprou-vante, mais l’ambiance est très animée, d’autantqu’une joyeuse cavalcade d’enfants s’est emparéedes lieux. Un livret de reconnaissance des plantesleur est remis pour qu’ils puissent, tout en s’amu-sant, enrichir leurs connaissances en botanique.Puis, chacun, conscient de participer à la recons-truction de la forêt, s’applique à suivre les direc-tives des personnels du parc qui encadrent lechantier. 300 arbres sont mis en terre ce jour-là.Un souffle d’énergie solidaire mobilise tous lesacteurs présents sur cet hectare replanté avecconviction : « c’est quelque chose qui nous touche,on a envie de mettre notre grain de sel pour lesgénérations futures ». Enfin, après tant d’efforts,tout le monde partage sa joie autour de cariscuisinés par l’association de la Grande Chaloupe.Rendez-vous pris pour l’année prochaine !

Sur trois ans, 2 000 arbres seront plantés, unarbre par an pour chaque agent EDF.

23 · PUBLI-REPORTAGE BAT’CARRÉ

1 Conserver, Restaurer et Reconstituer les habitats semi-Xérophiles du massif de La Montagne sur l’île de la Réunion (COREXERUN)

© Gaël Sartre

© Thierry Hoarau

© Gaël Sartre

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1 EntreprisesPubliquesLocales

2 Janine Beyrus est la fondatrice du mouvement aux États-Unis, son livre « Biomimicry, Innovation inspirée de la nature » est disponible en français aux éditions de L’échiquier.

LUC SCHUITEN, ARCHITECTE VISIONNAIRE ET DESSINATEUR DE GRAND TALENT, EST VENU EN NOVEMBRE DERNIER À LA RÉUNION PARTICIPER AU PREMIER FORUM PARTICIPATIFSUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE ORGANISÉ PAR LES EPL 1. NOUS L’AVONS RENCONTRÉ À CETTE OCCASION POUR QU’IL NOUS EXPLIQUE SON CONCEPT D’« ARCHIBORESCENCE » ET SA VISION D’UN URBANISME LIÉ À DE NOUVEAUX MODES DE VIE ÉCOLOGISTES. ENTOURÉ DE BIOLOGISTES, CHIMISTES, INGÉNIEURS, MEMBRES, COMME LUI, DU BIOMIMICRY EUROPA, ASSOCIATION CRÉÉE À BRUXELLES EN 2006 ET CO-FONDÉE PAR JEANINE BENYUS 2, IL VA ALLER TRÈS LOIN DANS SES RECHERCHES ET NOUS EMBARQUE DANS UN FUTUR LOINTAIN, SANS DOUTE, MAIS QUI PORTE EN LUI L’ESPOIR DE VIVRE EN HARMONIE AVEC LA NATURE.

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du biomimétisme à l’archiborescence

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À partir du biomimétisme, c’est-à-dire de l’étudedes formes, des matériaux et de l’organisationdes écosystèmes, il imagine des habitations enharmonie avec l’environnement, des villes quiintègrent sur l’existant inerte des structuresvivantes, et enfin le développement de citésarchiborescentes. L’arbre est pour lui le modèledu vivant par excellence et sa démarche s’articuleautour de cette notion d’archiborescence, contrac-tion d’architecture et d’arborescence, c’est-à-dire« l’architecture qui utilise principalement pourmatériaux de construction toutes formes d’orga-nismes vivants ». Habiter dans un arbre n’est plusun rêve d’enfant, il devient une réalité Schuiten.

Luc Schuiten se sent mal à l’aise dans le mondecontemporain voué au pouvoir de l’argent quis’effondre. « Les ressources fossiles s‘épuisent,la société de consommation pousse à achetertoujours plus pour finalement remplir la poubelle.Les champs d’OGM progressent autant que ladéforestation, les bouleversements climatiquesnous rappellent à l’ordre sans qu’il y ait vraimentde changement radical de comportement. Et quelavenir proposons-nous aux futures générations ! »Face à ce constat qui date maintenant de plusieursdécennies, il essaye de proposer des solutionsen concevant d’autres modes de vie qui soient enosmose avec la nature. Il ne s’agit pas d’un rêved’utopiste, mais d’une démarche construite,pas à pas, sur le modèle de la nature : « L’exempleest dans la nature. La nature c’est 3,5 milliardsd’années de recherche et développement. Nousn’avons pas cette sagesse… ».

POURQUOI L’ARCHIBORESCENCE ?

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Plus tard, dans la maison Dassonville, l’arbre sty-lisé au centre distribue les plateaux de vie, tel lepilier du monde dans les habitats de cultures tra-ditionnelles qui relient la terre au ciel. Award1991, elle est ainsi décrite : « une habitation danslaquelle la variété des espaces intérieurs et l’ar-chitecture extérieure constituent une promenadearchitecturale de grande qualité. » Puis, apparaî-tront au fil du temps les habitats biosolaires deville où la mitoyenneté n’empêche pas de cultiverla singularité.

Le projet de la maison papillon en est un exem-ple. Issue d’un livre pour enfant, la façade mi-toyenne donnant sur la rue est pourvue d’unecolonne d’eau pluviale qui s’élargit en éventail àchaque demi-niveau pour former des bacs àplantes. « Ces bacs remplis de buddleias, arbresà papillons, sont arrosés par l’eau de pluie enprovenance de la toiture ». Une invitation à ima-giner des interprétations de la nature selon lespréférences de chacun.

Il a voulu expérimenter personnellement sonconcept avant de le développer. La preuve parl’exemple. En 1976, après le premier choc pétro-lier, il crée avec sa famille et ses amis sa premièremaison entièrement auto-suffisante avec énergiesolaire (en Belgique), éolienne, récupération d’eaude pluie, jardin potager et verger bio. À cette époque, la maison Oréjona est un défi au-quel personne ne croit. Avant d’y installer sa famille,il analyse les besoins et les aspirations des uns etdes autres et conçoit un art de vivre ensemble, oùl’espace permet à chacun d’y trouver ses marques.Il a également fabriqué lui-même le mobilier enbois brut pour rester ainsi en symbiose avec laforêt environnante. Cette maison recèle des trésorsd’ingéniosité avec du mobilier multi-fonctions,une volonté de tendre vers l’autonomie complèteappuyée par cette recherche constante d’esthé-tique qui conduit sa réflexion. La maison Oréjana pose un jalon précurseur dansla prise de conscience écologique et le mouvementunderground des années 70.

LE PREMIER EXEMPLE DE MAISON ÉCOLOGIQUE

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invente d’autres moyens de transport, des cyclos,des voitures, des trams, des avions, tous plus lé-gers et plus amusants les uns que les autres, engardant comme ligne de fond l’autonomie éner-gétique et l’envie de changer de mode de vie. Ilremplit des carnets de dessins tous inspirés del’observation de la nature, en cherchant à faireévoluer les comportements humains vers d’au-tres aspirations que celles de la domination ma-chiste, développée par la civilisation automobile. Ici, des cycles se déplaçant par l’énergie muscu-laire avec assistance électrique à la demande. Denombreuses formes sont possibles, allongées,debout, semi–couchées, empruntées au mondeanimal, sauterelles, fourmis…elles varient selonles goûts et la fantaisie de leurs utilisateurs. Parexemple, le cycliste introverti, tel un scarabée dudésert promenant sa carapace, s’abandonne àses rêveries intérieures tout en protégeant avec

Luc Schuiten soulève l’enveloppe de l’habitacleet s’en extrait pour lancer, le sourire aux lèvres,que cette voiture est un bonheur à conduire enville. Il se redresse, l’œil vif et lumineux, les che-veux en bataille, l’allure svelte du sportif d’endu-rance, et de sa voix ferme au timbre enfantin,explique le fonctionnement de l’automobile qu’ila conçue : silencieuse, propulsée par énergieélectrique et régulée par la force musculaire, ellelui permet d’être totalement autonome dans sesdéplacements. Avec des capteurs solaires, le coûtà l’année est de zéro, sans capteur solaire, il estde 40 € ! Le futur existe déjà pour Luc Schuiten.Ce prototype est actuellement son mode régulierde déplacement, mais il en a bien d’autres dansses cartons. Tout commence par un dessin avecLuc Schuiten. Depuis une quinzaine d’années, il

LES NOUVEAUX MODES DE TRANSPORT SANS ESSENCE

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LES TOITS JARDINS DE BRUXELLES

Luc Schuiten vit à Bruxelles. Il aime cette villecosmopolite qui offre aux artistes un cadre de viestimulant. C’est ici qu’il développe ses re-cherches de villes bio-futuristes et ce n’est pasun hasard si la première exposition Vegetal Cityse passe dans cette capitale européenne. Il seplaît donc à anticiper les évolutions de cet urba-nisme mis sous pression. Sa démarche étant dese réconcilier avec son environnement, il nes’agit donc pas de détruire ce qui existe, maisplutôt d’apporter des structures végétales aubéton inerte dans un premier temps. Puis, les jar-dins verticaux investissent peu à peu les toitures.Des passerelles légères permettent de créer desliens et de redécouvrir le plaisir de se promenersur les toits avec le ciel comme horizon. La villeretrouve le clapotis du ruisseau, l’asphalte ne faitplus crisser les pneus, les arbres sur les toitsjouent leur rôle protecteur tout en absorbant legaz carbonique, les façades arrières forment desespaces de vie captant l’énergie solaire, les fa-çades donnant sur la rue sont composées de log-gias potagères, de cultures en espaliers jouantleur rôle d’isolation thermique… la nature respireet s’épanouit sans entrave, formant une nouvellestructure vivante, telle une forêt dans la ville. Laville est redonnée à ses habitants qui la transfor-ment, la chérissent, lui donnent un nouvel élan.

ses grandes roues son espace personnel. Là, desengins aériens nés de l’observation des grandsrapaces qui planent, immuables dans le ciel. Cesornithoplanes sont constitués d’une membranequi capte l’énergie solaire pour la transformer enénergie électrique apte à actionner l’hélice et lebattement des ailes. La transparence des ma-tières gonflables permet d’observer tranquille-ment le panorama vu du ciel.Ou encore des véhicules urbains électriquesemboîtables, comme le chenillard à la forme al-longée d’une musaraigne, agrémenté d’un dos-sier arrière « bien fessu ». Il transporte deux àtrois personnes et peut s’assembler à d’autres enconvoi. Cet engin prend aussi la tangente dansdes rues de traverse grâce à une certaine auto-nomie énergétique. En pilote automatique, il sedirige là où son ordinateur de bord lui indiqued’aller. Ce n’est pas la course, il n’y a pas de dé-passement possible et chacun circule à sa guise.Dans le même esprit, les tractainers transportentdes convois de marchandises à leurs lieux de li-vraison. Luc Schuiten propose un cadre dans le-quel s’installent de nouveaux rapports auxmoyens de transport. L’individualisme et l’effetde puissance ne sont plus de mise, le ludique etl’esthétique priment. Imaginons les rues, les ave-nues des villes parsemées de ces véhicules lé-gers comme autant de gouttelettes d’eau restantsur une feuille après la pluie ! Il en est de même pour les transports en com-mun. Souple, fonctionnel, modulable, le tramodu-laire roule sur des rails alimentés en électricitépar le sol (système APS), sans câble venantbrouiller le paysage, comme le font actuellementles tramways de Bordeaux. Chaque engin, àl’image des ailes repliées d’un papillon, com-porte sept places, trois en position assise à l’avantet quatre en position debout à l’arrière. Il est pro-grammé pour se rassembler en convoi si besoin,ou en petites voitures urbaines autonomes. Lesystème fonctionne sur demande et la voiture nes’arrête que s’il reste de la place. Plus de gaspil-lage, de transports vides aux heures creuses. Auxheures de pointe, l’assemblage de voitures règlela densité du trafic à partir d’un central informa-tique. Envolé le stress !

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L’aventure commence en 1850. La révolution in-dustrielle transforme le paysage de la ville, fu-mées des usines au-dessus des toits d’habitation,chauffage au charbon, l’eau va se chercher à lafontaine. En 1900, le boom immobilier transformela ville, les infrastructures se développent, lessalles de spectacles se multiplient. En 1950, ledéveloppement économique efface le trauma-tisme des deux guerres mondiales, la voiture estréservée aux plus nantis, le cinéma est à sonapogée.

D’Où venons-nous, Où sommes-nous et Où allons-nous ? À ces questions d’ordre philosophique,Luc Schuiten répond par la trajectoire d’une ruesur trois siècles. Le dessin reste pour lui le plusapproprié pour imaginer l’architecture, l’urba-nisme et les moyens de transport du futur. C’estaujourd’hui un exercice difficile que de se proje-ter dans l’avenir tant les prédictions plombenttout espoir de mieux vivre. Pourtant, Luc Schuitenrefuse le fatalisme et, à partir d’un même lieu, parsauts de cinquante ans, il inscrit les mutationsécologiques sur la trajectoire du temps en enjam-bant le pont du passé au futur.

LA MUTATION D’UNE RUE SUR TROIS SIÈCLES

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L’EXEMPLE EST DANS LA NATURE.

1850 2000

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LA NATURE C’EST 3,5 MILLIARDS D’ANNÉES DE RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT !

En 2150, la fin de l’histoire raconte une sociétéqui a pleinement retrouvé le temps de vivre dansun cadre multidimensionnel où les écosystèmess’emboîtent les uns dans les autres du sous-terrainjusqu’à l’aérien.

Des valeurs collectives des années 1900, onpasse à l’ère de l’individualisme et de la réussitecommerciale en 2000. Voilà brièvement retracéesles grandes mutations du passé. 2050, la révolu-tion informatique, l’achat par internet ne requiè-rent plus de se déplacer constamment, les moyensde transport deviennent collectifs. La rue n’a plusbesoin de parcmètres, de panneaux de signali-sation. En 2100, les technologies utilisant l’archi-borescence permettent d’inventer de nouvellesformes d’espaces de vie. L’expression théâtralehabite la rue, les gens se déplacent en chenillards.

2050 2150

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LA CITÉ DES HABITARBRES « La cité des habitarbres se développe dans unenvironnement forestier remodelé, adapté auxbesoins d’un nouveau mode de vie. Les habitantsn’y sont plus des consommateurs de nature, maisles acteurs d’un nouvel écosystème dont la ges-tion permet l’épanouissement de chacun et ga-rantit une durée et une évolution à long terme dela cité. Les parois extérieures sont constituéesd’une peau inspirée de la chitine des ailes de li-bellules.»

LA CITÉ TRESSÉE « Les habitats de cette cité sont constitués d’unmaillage végétal produit par les racines d’un fi-guier étrangleur ayant poussé sur un arbre sup-port. Celui-ci peut atteindre des hauteurssuffisantes pour concevoir des édifices élevés.Les parois extérieures des logements sont enbiotextiles, comparables à la substance du cocondes vers à soie. La circulation dans la cité se faitpar des passerelles surplombant la prairie sau-vage, permettant ainsi aux cycles naturels de sepoursuivre »

LA CITÉ LOTUS « Née de la rencontre entre Luc Schuiten et leréalisateur François Vives, cette cité est imaginéelors du tournage d’un film sur le lotus au Japon.Cette fleur, symbole ancestral de la spiritualité,se révèle aujourd’hui comme un emblème d’in-novations technologiques, offrant d’innombrableschamps d’investigations et d’applications possi-bles. »

LES CITÉS VÉGÉTALES Luc Schuiten a imaginé le futur d’autres villes queBruxelles. Lyon, Nantes par exemple et leur revé-gétalisation possible à l’horizon du prochain siè-cle. Souvent sollicité à participer aux expositionsuniverselles ou à des colloques sur des ap-proches utopiques de l’avenir, il a conçu des citésarchiborescentes qui s’adaptent à leur environ-nement naturel. Sa capacité à se projeter au loinpour explorer les potentialités du futur et inventerun monde meilleur est extrêmement rare.

LA CITÉ DES VAGUES « Cette ville en mouvance se renouvelle en per-manence en une lente progression autour d’unlac, où la transhumance de ses habitants s’effec-tue au rythme de la durée de vie de la structureprincipale de la cité : l’arbre. C’est un réseaucomplexe indissociable où les symbioses pren-nent une place primordiale. Les habitations setrouvent dans des immeubles, vagues orientéesau sud vers un plan d’eau situé en contrebas. »

L’URBACANYON« Situé sur un plateau découpé par de largesfailles labyrinthiques comme autant de craque-lures dans un sol trop sec, chacun de ces îlots estconstruit suivant un procédé de découpaged’une nouvelle sorte de béton de silicate, dansun coffrage d’aspect rocheux. Tous ces îlots sontreliés entre eux par des passerelles permettantle déplacement à vitesse réduite des piétons etdes cyclos, dans un environnement calme et bu-colique. »

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Luc Schuiten a tellement conçu, imaginé, dessiné ces nouveaux modes de vie écologiques qu’il dit aujourd’hui en substance : « J’habite beaucoup plus dans le monde que je dessine que dans le monde dans lequel je vis. Et j’ai voulu le rendre le plus agréable possible. » C’est ainsi qu’il nous invite à le rejoindre dans l’une de ses cités végétales. À vous de choisir et de rêver maintenant à un futur meilleur.

http://www.archiborescence.nethttp://citevegetale.net

livrez-nous vos impressions surwww.batcarre.com

Les livres de Luc Schuiten aux Éditions Mardaga

- Archiborescence (nouvelle édition)- Vers une cité végétale

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LA POSTE CONTINUE SA PROGRESSION DANS LA VOIE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

AVEC LA VOLONTÉ DE PROMOUVOIRUNE UTILISATION RESPONSABLE

DU PAPIER. LE LANCEMENT DE LA LETTRE VERTE

EN OCTOBRE 2011 S’INSCRIT DANS CETTE DYNAMIQUE,

ET MAINTENANT, DE JOLIS TIMBRES ÉCOLOGIQUES VIENNENT COMPLÉTER LA GAMME.

ILS SONT DISPONIBLES À LA RÉUNIONDEPUIS LE MOIS DE MAI.

deécologiques en complément

de la lettre verte jolistimbres

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Le timbre vert est beau, totalement recyclable,et célèbre douze interprétations de gourman-dises fruitées au tarif lettre verte (0,57 cts au lieudu tarif courant à 0,60 cts).

LA LETTRE VERTE PORTE SES FRUITS

La lettre verte respectueuse de l’environnementavec moins d’émission de CO2, plus économiqueavec trois centimes de moins, est distribuée sous48 heures. Au mois d’avril, le premier carnet detimbres écologiques de 20g est imprimé sur dupapier issu de forêts gérées durablement avecdes encres sans solvant.

UN BEL OISEAU POUR CHANTER LE MOIS DE MAI

Au mois de mai, le premier bloc de quatre timbrespour la lettre verte fête les cent ans de la Liguede Protection des oiseaux. Des oiseaux en voiede disparition comme le Balbuzard pêcheur,l’Outarde canepetière, la Gorgebleue à miroiret le Macareux moine, emblème de la Ligue,illustrent la volonté de sensibiliser au respect dela nature.

MAFATE ESTAMPILLÉ « TIMBRE EUROPÉEN »

Toujours en mai, autre nouveauté avecla version 2012 du circuit « Visitez laFrance ». Cette édition française dutimbre Europa publié par les paysmembres de PostEurop, accompagnela lettre prioritaire de 20g vers l’UnionEuropéenne et la Suisse. Sa valeur fa-ciale est de 0,77 cts. Et, grande surprise,le cirque de Mafate fait partie descinq sites sélectionnés aux côtés dela Tour Eiffel et du Mont Saint-Michel !

timbres

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SAVOIR-FAIRE · 36

BRICOLEUR DANS L’ÂME ET PASSIONNÉ DE MÉCANIQUE,CLAUDE COVINDIN N’A QUE DIX ANS LORSQU’IL RÉPARE SON PREMIER RÉVEIL.À 18 ANS, EN SUIVANT LES TRACES DE SON PÈRE,COMMERÇANT, AGRICULTEUR ET FERRAILLEURÀ SES HEURES PERDUES,CLAUDE DÉBUTE SA GRANDE COLLECTE D’OBJETS DU QUOTIDIEN, MÉMOIRES VIVANTES DU MODE DE VIE DE NOS ANCIENS.

Claude Covin

TEXTE & PHOTOGRAPHIE STÉPHANE MAÏCON

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din collectionneur de génie

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La plupart du temps, Claude était de corvée.Corvée de boutique et de cour.« Le soir après l’école, il fallait confectionner lescornets de papier qui servaient à emballer le rizet les grains. Ou bien nous accompagnions papalorsqu’il allait acheter le vin et le rhum en gros.Notre tâche consistait ensuite à transvaser l’alcooldes dames-jeannes dans des bouteilles d’un litre.Nous collions ensuite les étiquettes sur les bou-teilles. Sinon, je devais aller chercher l’eau, lebois et les herbes pour les animaux ».

Le père de Claude ne jetait rien, il récupérait toutet surtout beaucoup de ferraille. Et quand safemme lui demandait ce qu’il ferait de tout ce bazar,il répondait que cela servirait sûrement un jour.Un réflexe qui a profondément marqué Claude.« Pour moi, les appareils et leur mécanisme étaientmagiques. Ainsi, alors que j’avais à peine 10 ans,j’étais persuadé qu’il y avait des gens dans leposte de radio qui parlaient. Aussi, un jour quemes parents avaient le dos tourné, j’ai pris uncouteau et j’ai commencé à démonter l’arrièredu poste pour voir les gens ! J’y ai gagné quelquescoups de fouet, mais ma curiosité n’en a passouffert ! J’ai continué à démonter des réveils etmon père a fini par s’y faire. Il disait à ma mèrequ’à force de casser, je parviendrai bien à trouver.Me voyant manuel et touche-à-tout, il décida deme faire travailler dans un garage. J’avais 17 ans ».C’est alors que Claude commence à récupérerles appareils en panne de la famille : le vieux postede radio de son père, la machine à coudre de sagrand-mère, le mécanisme d’une vieille horloge…

Et puis, durant ses congés, il part sur Saint-Denisrendre visite à son oncle. Durant son séjour, ilapprend que l’armée cherche un mécanicien àla caserne Lambert. Suite à un entretien, il estembauché et débute une carrière dans l’arméequi va durer plus de 25 ans.

« Comme mes supérieurs voyaient que j’étaishabile, ils m’ont fait passer dans tous les ateliers :mécanique, carrosserie, peinture et même labourrellerie ! »

L’ATTRACTIVITÉ DES MÉCANISMES

Septième d’une fratrie de treize enfants, ClaudeCovindin passe les premières années de sa vie àTerre Sainte où ses parents tiennent un commerce.Lorsqu’il parle de son enfance, il évoque unepériode heureuse bien que modeste, sans oublierde préciser qu’à cette époque, c’était le lot du plusgrand nombre.« Les parents étaient sévères, mais je ne le regrettepas. Nous n’avions pas tous les loisirs d’aujourd’hui. Nous jouions aux canettes et surtout à la toupie.Mon père était un des rares du quartier à posséderune radio et un Pathéphone, de sorte que lesvoisins venaient souvent à la maison écouter lesinformations et même danser un petit peu. Je mesouviens de ces dimanches passés l’oreille colléeau poste, lorsqu’étaient diffusés les sketches dePaul et Lolo, un duo comique tout en créole !C’était dans les années 50 ».

SAVOIR-FAIRE · 38

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Dans le même esprit, une boîte de sardines etdeux boîtes de cirage faisaient une charrette pourun marmaille. Une bouteille en verre devenaitune lampe.

Avec les caisses de morues, l’on fabriquait dupetit mobilier, les bobines de fil se transformaienten pieds de table de nuit et les capsules de bou-teille de vin en nappes de table ! Enfin, commetout collectionneur, Claude va trouver à l’usinesucrière de Grands-Bois sa pièce rare : un réchaudà alcool tout en cuivre, entièrement découpé etmartelé à la main par les ouvriers de l’époque. « Ce réchaud me tient à cœur, car j’ai travailléune dizaine d’années à l’usine de Grands-Bois.J’y étais aide-chimiste. Toute la tuyauterie était encuivre et c’est avec les chutes de tuyaux que lesouvriers ont façonné cet objet. »

A l’ère du développement durable, ClaudeCovindinet son musée nous donnent une magnifique leçonde recyclage qui donne également, en filigrane,une belle leçon de vie pour peu que l’on sacheécouter la parole des anciens.

Musée dan tan lontan2208 chemin du Centre, Saint-André

0262 58 47 89 ou 0692 82 87 79

Et pendant toutes ces années, Claude ne cesserajamais de chiner, de récupérer, de réparer et decollectionner.« Avant même que je n’aie des enfants, je medisais qu’il fallait que je conserve tous ces objetspour montrer aux générations futures commentils fonctionnaient et à quoi ils servaient. La collection est un virus. Il suffit de voir une pièceque vous n’avez pas, pour vouloir vous la pro-curer. Je suis allé jusqu’en métropole, aux pucesde Saint-Ouen ou à la grande braderie de Lille,pour retrouver les objets de mon enfance. À LaRéunion, nous n’avions ni cave, ni grenier. Aussi,lorsqu’un appareil plus moderne se vendait, onjetait le précédent. Le problème, c’est que j’aicommencé à avoir des soucis de rangement. Mamaison était devenue un entrepôt ! L’idée du muséeest venue ainsi. J’ai tout agencé moi-même, surmes fonds propres. C’était il y a 11 ans ».Et depuis, le « Musée dans tan lontan » attiredu monde de toute l’île. Des anciens venusreplonger dans leurs souvenirs et beaucoup descolaires, avides de découvrir ce passé inconnu.Il faut dire que ce petit musée recèle de formida-bles trésors, des pièces parfois uniques. Maissurtout, il a parfois l’impressionnante rigueur dela série ou la douce poésie du fouillis organisé.Et puis, il y a cette passion que Claude sait com-muniquer à son auditoire.Lorsqu’il raconte le quotidien de nos gramouns,il prend un immense plaisir à parler du recyclagedes objets et de leurs nombreuses vies. Les gonis, par exemple, ou sacs en toile de jutequi devenaient des vêtements ou des souliers. Enperçant un trou à chaque coin du fond du sac eten y glissant deux bâtons, on obtenait un tacon,soit une brouette sans roue ou une civière. Le fer-blanc est également emblématique de lavie lontan. En effet, ces bacs qui arrivaient sur l’îleremplis de pétrole ou d’essence étaient ensuitenettoyés et réutilisés pour le transport de l’eau.Quand le fond commençait à rouiller, on le rem-plaçait par du bois et lorsqu’il était à bout decourse, il était aplati et servait de rustine pourconsolider les murs des cases. Ou alors, il finissaiten grègues à café, en timbales, entonnoirs,arrosoirs…

L E M U S É E D U R E C Y C L A G E

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RENCONTRE · 40

JOVIAL, RAPHAËL CHANE-NAM AIME RACONTER À CELUI QUI L’ÉCOUTE.CE GRAND ENTREPRENEUR A PRIS BEAUCOUP DE RISQUES DANS SA VIE ET SA PUGNACITÉ A PORTÉ LE GROUPEQU’IL A CRÉÉ AUX PREMIERS RANGS DE L’ÉCONOMIE RÉUNIONNAISE. L’AVENTURE INDUSTRIELLE, FAITE D’AUDACE ET DE BEAUCOUP DE TÉNACITÉ, PREND DES ALLURES DE ROMAN D’AVENTURE QUAND IL SE LANCE DANS L’ACQUISITION DE LICENCES OU DANS LA RECHERCHETECHNOLOGIQUE. UN JOUR, POURTANT, LA CHUTE VA BRUTALEMENT FRAPPER À SA PORTE. GÉNÉREUX, TRÈS DIRECT, IL PARLE SANS ARTIFICE DES FORCES ET DES FAIBLESSES DE SON ENTREPRISE FAMILIALE. LE MODÈLE CHINOIS DE LA REPRISE DES AFFAIRES PAR L’AÎNÉDE LA FAMILLE N’EST PEUT-ÊTRE PLUS PERDURABLE. RAPHAËL CHANE-NAMA VOULU TÉMOIGNER DE CETTE BELLE EXPÉRIENCE SOUS LA PLUME DE SON COMPÈRE ET AMI YVES BOSQUET. AUJOURD’HUI, IL RELÈVE UN NOUVEAUDÉFI, CELUI D’EXCELLER EN CALLIGRAPHIE.

C h a

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R a p h aël

n e N a mLe Merle Blanc dans toute son exception

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Comment est arrivée cette idée de vos mémoires « le Merle Blanc » ?J’écrivais sans savoir où ça allait me mener. Je n’avais pas l’intention de faire un livre, c’était plutôt unpasse-temps. J’avais envie de garder une trace écrite de tout ce dont je me souvenais. Je voulaissurtout raconter à mes enfants et à mes petits-enfants toute cette histoire. Et puis, en 1980, j’ai arrêté,j’ai compilé et archivé tous les articles de journaux sur moi et sur mon entreprise. Il y en avait 745.Des journaux de métropole aussi qui parlaient de la recherche avec INRA. Et ensuite, j’ai cherchéquelqu’un pour écrire ma biographie, et c’est là où Yves est entré en scène.

Parlez-nous de votre rencontre avec l’auteur de vos mémoires, Yves Bosquet ?C’est une longue histoire, je connais Yves depuis 1972, c’est un ami. Il partage ma vie, connaît toutema famille, il habite juste à côté et n’a qu’à sauter le mur pour venir à la maison. C’est un universitairequi s’est depuis longtemps intéressé à la vie industrielle ; tous les week-ends, je le tenais au courantdes évolutions du groupe. J’ai voulu faire un premier test sur un fascicule de calligraphie où Yvesécrit des haïkus un exercice difficile et il a très bien réussi. La vie industrielle intéresse les industriels,or je voulais intéresser un public plus large. Il a rédigé le premier chapitre en cherchant à écriredans un style littéraire et pas seulement narratif, comme la plupart des biographies, et j’ai été enchantédu résultat. Le livre est sorti en septembre 2011.

Pourquoi le Merle blanc ?C’est l’emblème de la famille. Mon père était un fin chasseur et un jour un braconnier est venu luivendre son Merle Blanc. Mon père l’a mis en cage dans la boutique. C’était l’attraction de tout lequartier. Par la suite, mon père l’a inscrit sur le fronton de sa boutique à Saint-Pierre.

Comment votre histoire a commencé ?Mon histoire est celle de 99% de familles chinoises émigrées qui tiennent un commerce de détail.Mon grand-père est mort très jeune, mon père, Antoine, n’avait que neuf ans. À cette époque, danscette région du sud de la Chine, il n’y avait pas de travail dans les campagnes. Ma famille vient duvillage de Shajiao, dans le district de Shunde, au sud de la province de Guangdong. Ma grand-mèretravaillait dans une usine de soie qui a fermé à cause de la maladie des vers. Le pionnier de la famille,l’oncle de mon père, Chane-Pak-Yun est ainsi arrivé à La Réunion en 1890.Mon oncle a ensuite ouvertun commerce de charcuterie-boucherie-épicerie à l’Entre-Deux qui a vite prospéré. Mon père estvenu le rejoindre à l’âge de onze ans. En fait, à La Réunion, tous les Chan viennent de la région deCanton. Le cantonnais est très différent du mandarin, ce n’est pas le même dialecte. À l’arrivée dubateau, à la Pointe des galets, quand il fallait donner son nom, chacun le prononçait avec son accent,Chane, Chang, Chen… et tout dépendait de ce que l’administrateur comprenait…

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PROPOS RECUEILLIS PAR FRANCINE GEORGE

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Et ensuite ?Une dizaine d’années plus tard, mon père ouvre avec ses économies un commerce à Saint-Joseph,entre l’église et la mairie. Un bel emplacement. Les affaires prospèrent et ma grand-mère lui envoieune jeune épouse de 17 ans, Sam Sing, ma mère. En 1934, mon père ouvre un nouveau commerceet s’installe à Saint-Pierre, rue des Bons Enfants. C’est là où je suis né, le 28 septembre, le même jourque Confucius ! Mon père était ravi, après avoir eu quatre filles, j’étais le premier fils ! J’allais reprendreles affaires…

Votre enfance en quelques mots ?Mon père avait gardé un grand attachement à la Chine et on parlait cantonnais à la maison. Beaucoupde Chinois, comme mon père, ont dans l’idée de gagner le plus d’argent possible pour pouvoirensuite rentrer en Chine. Il a donc trouvé un professeur, on était douze, quinze élèves avec lui. Puis,il est parti, et mon père m’a envoyé à l’école chinoise de Saint-André au pensionnat. Je ne revenaisà la maison, à Saint-Pierre que deux fois par an. Le professeur poussait les élèves qui apprenaientbien, il leur donnait des devoirs en plus. Je suis sorti avec un bon niveau de cette école, qui malheu-reusement, ne conduisait les enfants que jusqu’au certificat d’études. J’ai demandé à mon père dem’envoyer au collège chinois à Madagascar. Il père n’a pas voulu et m’a dit « Tu es plus fort que moien français, tu es plus fort que moi en chinois, tu vas maintenant travailler. » Et c’est comme ça quej’ai commencé à le seconder, j’avais quinze ans.

Vous faisiez quoi ?Il y avait beaucoup de travail. On recevait par exemple le vin en tonneau de 225 litres. C’était un vind’Algérie, il fallait laver les bouteilles avec le goupillon, les faire sécher et y transvaser le vin. Quandj’avais fini, j’étais comme saoul avec les vapeurs d’alcool ! Mon père fabriquait des sorbets dans desmoules remplis d’eau et de sirop. À moitié congélation, on mettait les bâtonnets. Puis, on mettait dansdes sachets. Je vendais les glaces sur la plage aux zoreilles, car les créoles n’allaient pas à la plageen ce temps-là. Mon père faisait du commerce de détail et du semi-gros, il fallait donc faire lesdéclarations de douane pour les importations et c’est moi qui m’en chargeais. Je connaissais tout lemonde, le receveur des douanes était devenu un ami. Et puis, dans les années 50, mon père a ouvertun bar sur la plage. Je m’en occupais aussi et c’est là où j’ai sympathisé avec beaucoup de monde.

PHOTOGRAPHIE JEAN-NOËL ENILORAC

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Arrive ensuite l’accident qui va finalement se transformer en tremplin pour vous. Comment ça s’est passé ?J’étais jeune marié, je venais de passer mon permis de conduire et je suis allé chercher mon beau-frère à l’aéroport. J’ai eu un accident grave, une voiture est venue me percuter de plein fouet et jeme suis fracturé le fémur gauche. Je suis resté plusieurs semaines à l’hôpital de Saint-Pierre, l’ancienhôpital délabré, à l’hygiène plutôt douteuse. J’ai attrapé un staphylocoque doré et la plaie continuaità suinter un an plus tard. Là, je suis parti à Paris me faire opérer à la clinique des frères Judet grâceà un cousin médecin. Ils m’ont bien soigné. J’y suis resté 15 jours, mais j’avais hâte de rentrer. Il merestait deux jours de libre avant mon retour et par curiosité, je suis allé à la foire de Paris qui setenait Porte de Versailles. J’ai été très surpris, j’ai discuté avec pas mal de monde sur les standsd’équipement. Il n’y avait pas encore de libre-service à Saint-Pierre. J’ai demandé des devis et j’enai parlé à mon père qui me dit pourquoi pas ! J’y mets toutes mes économies, on fait un prêt à labanque et on commande le matériel. Quelque temps plus tard, nous transformons la boutique demon père en un libre-service de 150 m2. Sans le savoir, un concurrent ouvre aussi un libre-servicede 250 m 2 ! Qu’à cela ne tienne ! Mon père était réputé pour ses bonnes pâtisseries, nous décidonsde faire du haut de gamme, de proposer de bons produits que l’on ne trouve pas ou difficilementailleurs. C’était ma première pierre à l’édifice. C’est là où je commence à prendre confiance en moi.

Un an plus tard, vous prenez un nouveau virage toujours à l’occasion d’un voyage…Oui, je reviens à Paris pour me faire opérer à nouveau de la jambe et le médecin me dit qu’il ne peutpas me prendre comme ça. Il y a deux mois d’attente pour un rendez-vous ! Je me suis dit, je ne vaispas repartir pour revenir. Il y avait une foire industrielle à New York. Je téléphone à ma tante avec quije n’avais jamais eu de contact auparavant. J’étais le premier du côté de mon père à renouer avec lafamille du côté de ma tante. Quand je suis descendu de l’avion, ma tante m’a dit « Pince-moi Raphaël,dis-moi moi que c’est bien toi ! » J’ai été reçu comme un roi, j’ai rencontré mon oncle, mes cousins,ils m’ont fait visiter plein de choses. J’ai été surpris par le gigantisme, tout est géant aux États-Unis.Je me suis rendu plusieurs fois à la foire internationale. J’avais dans l’idée de fabriquer des glaces,je voulais me lancer dans l’industrie. J’avais à peine vingt ans ! Grâce à mes cousins, j’ai pu rencontrerles dirigeants des plus gros fabricants de glace. Il y avait une boîte internationale, un Danois et unItalien. Finalement, j’ai choisi le Danois, il avait une grosse cuve, plus économique, pas de perte. Enfait, quand vous débarquez dans un autre monde, c’est un nouvel éclairage qui s’offre à vous.

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C’est ici le point de départ…Lorsque je suis rentré, mon père est parti avec ma mère voir sa sœur aux États-Unis pendant un bonmois. Et à son retour il m’a dit « je ne sers plus à rien dans cette entreprise ». La coutume chinoiseveut que le fils aîné prenne la succession du père. Et c’est là où j’ai tout pris en main. Mon frèreJacques est un très bon bricoleur, mon frère Marc un très bon pâtissier et Jean un bon ouvrier. Aucunde mes frères ne s’occupait de la gestion. Mes sœurs avaient leur place aussi, elles s’occupaient dela boutique et dans les usines, Marcelle et Jeanne, par exemple, supervisaient les ouvrières. J’avaiscomme rôle de nourrir toutes ces familles.

Vous rencontrez alors Louis Ortiz, une rencontre décisive…Je n’avais pas pour vocation d’être glacier. Je voulais trouver une marque en franchise. Je me suisappuyé sur les études techniques de Marcel Charrier qui m’a suivi depuis le début, à la création dulibre-service. J’étais convaincu que nous avions un bel avenir dans ce domaine. J’ai d’abord écrit àMotta qui m’a reçu à Paris. Très sympathique, mais il met en doute le fait qu’il y ait du lait frais à LaRéunion pour fabriquer ses glaces ! De retour dans ma chambre d’hôtel, je me paye le culot d’écrireà Gervais pour lui expliquer que j’aimerais bien monter une usine sous licence à La Réunion. Il mereçoit gentiment, lui aussi. Nous sommes devenus amis, par la suite. Mais la direction suisse décrètequ’il faut d’abord importer ses produits pendant un an avant de passer au stade de la fabrication. Ilétait impossible d’avoir un prix compétitif face à la concurrence d’Adélis, bien en place sur le marchéréunionnais. Le projet semble tomber à l’eau. De nouveau à Paris pour des réunions professionnelles,je profite de mes soirées pour aller au cinéma où je découvre ces pubs pour Miko. Je prends rendez-vous avec le directeur Louis Ortiz qui est installé à Saint-Dizier. Une rencontre dont je me souviendraistoujours. Je lui présente mon projet et il m’invite à déjeuner. Nous discutons de choses et d’autres, ilme fait parler de ma famille, me demande comment j’en suis arrivé là. Nous sommes en 1965, jen’ai que 31 ans ! À la fin du repas, alors que nous n’avions plus du tout abordé le domaine des affaires,il me dit : « Vous êtes originaire d’une famille chinoise, moi d’une famille portugaise. Vous avezcommencé par vendre des glaces sur la plage, moi en poussant mon chariot devant l’église. Vousêtes mon miroir. Vous êtes très franc. Vous êtes Miko Réunion et je suis Miko Saint-Dizier. »J’ai vraiment reçu un choc à ce moment-là ! Nous avons travaillé à la confiance sans même de contrat au début. Dans le milieu industriel, il parlaitde moi à tout le monde. Il m’avait vraiment pris en sympathie. Quand je suis allé voir le PDG de « Lu »qui était à l’époque vice-président du CNPF, j’ai toujours été très bien reçu. À l’assemblée généraledes glaciers, il m’a rendu hommage à la fin de son discours : « C’est grâce à Raphaël Chane-Nam… ».Partout, il parlait de moi avec sympathie, le « petit chinois » parti de rien… En fait, j’ai été le premierà obtenir une licence Miko dans le monde, pareil pour « Lu » et pour « Capri-Sonne » !

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Et là, commence votre ascension galopante…Oui, avec tout ce que cela comporte d’avantages et d’inconvénients quand il s’agit d’une entreprisefamiliale. Rien n’est simple. La force de la famille c’est de vous, soutenir, et quand tout va bien, çavous permet d’aller plus loin dans votre lancée, mais il y a aussi des freins, des doutes quand çacommence à aller mal. J’ai toujours été le moteur et ce n’est pas sans susciter des jalousies qui sontapparues où la machine s’est grippée. Le groupe s’est constitué au fur et à mesure, après Miko, il ya eu les bonbons Devé, le rachat de la SICAP. En 1977, la création de Sovipar, les produits « 3 Cœurs ».En 1982, les produits « Lu », à suivre les produits « Capri- Sonne », Propain en 1989 pour la fabricationindustrielle de pains et de pâtisseries, Océane production créée en 1991 pour la production deboissons rafraîchissantes….

Il y a eu aussi l’aventure technologique…Oui, là aussi c’est toute une aventure ! L’extraction des arômes avec la création d’Aurore-Développement, un laboratoire de recherche eten 1994, la participation de l’INRA. Le procédé de « flash-détente » a été inventé, à l’origine parmégarde à partir d’une marmite dans l’arrière-cour de la maison, par Jean-Claude Pieribattesti etle chaudronnier Marcel Hunez. Ce procédé sera utilisé au niveau international, notamment dans lavinification.

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« QUAND VOUS DÉBARQUEZ DANS UN AUTRE MONDE,

C’EST UN NOUVEL ÉCLAIRAGE QUI S’OFFRE À VOUS »

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Et aussi l’investissement patronal…Oui, je me suis beaucoup investi dans la profession. J’ai été président de l’ADIR. Je me suis beaucoupimpliqué à la CCI aussi.

Le rachat de Solpack marque le début de la fin de cette grande aventure entrepreneu-riale?Oui, ça a été la ruine de toute l’œuvre de ma vie. Plus de trente ans à construire le groupe industriel,à le hisser dans les trois premiers groupes agro-alimentaires de l’île, à rendre prestigieux le nom deChane-Nam. Et là, tout s’écroule à une vitesse incroyable. Je me suis fait avoir sur la valeur del’entreprise. Je manquais de trésorerie, j’ai voulu délocaliser l’usine à Saint-Pierre et j’ai alors vécula première grève de toute ma carrière... C’était une pression énorme quand il a fallu mettre 150ouvriers sur le carreau. J’ai essayé de vendre l’entreprise, je me suis adressé à tous les groupesindustriels pour ne pas laisser tomber les salariés. Je me suis démené comme un diable pour trouverdes repreneurs en morcelant les entreprises du groupe. Mais les syndicats n’étaient pas d’accord. Ily a même eu une réunion ou l’un d’entre eux est venu avec un fusil ! Les banques aussi m’ont lâché.D’autant que j’avais attaqué trois banques en 1998 sur les conseils d’un ex-directeur parce qu’ellespratiquaient des taux d’intérêt abusifs qui dépassaient largement le taux d’usure. Bref, la liquidationjudiciaire a été prononcée en 59 jours, c’est la plus rapide de toute l’histoire économique réunionnaise !C’était en 2002, et dix ans plus tard, je n’ai toujours pas reçu les comptes du commissaire auxcomptes.

Quel est votre principal regret ?J’aurais dû embaucher un cadre de haut niveau venu de l’extérieur. J’ai fait appel à mes fils. Il y en aun qui a été broyé par la machine et l’autre qui s’en est remis, mais qui garde une certaine amertumede cette expérience.

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Vous vous en êtes remis comment ?Je suis resté KO pendant un certain temps. Et puis, j’ai cherché à faire autre chose et je me suis tournévers la calligraphie.

Pourquoi la calligraphie ?Dans le mot calligraphie, il y a la racine grecque Kàllos qui veut dire « beau ». Cette notion deperfection m’intéresse. D’ailleurs, la calligraphie, comme la peinture, la poésie ou l’art du jardin sontdes arts sacrés en Chine. Je ne voulais pas faire n’importe quoi pour simplement m’occuper et j’aipris des cours avec le professeur Wong pendant presqu’un an, à raison d’une heure trente parsemaine. Il existe tout un éventail de styles calligraphiques qui donne la possibilité de s’exprimer etd’atteindre un très haut niveau. Je suis toujours à la recherche de l’excellence.

Et maintenant ?Je regarde devant moi et dans le ciel il y a encore plein de choses à voir. J’ai retrouvé la paix avecmes enfants et mes petits-enfants. Ma fille Camille a deux filles, mon fils Victor a une fille, mon secondfils Augustin n’a pas d’enfant et Hugues le dernier a une fille et un garçon. Les enfants courent partoutdans la maison et je suis maintenant un grand-père heureux ! Cette nouvelle énergie me donne lapossibilité de m’investir auprès de personnes en difficultés en leur transmettant un peu de monexpérience.

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PHOTOGRAPHIE JEAN-NOËL ENILORAC

À MADAGASCAR, POSSIBILITÉS INFINIES DE PAYSAGES ENTRE RIZIÈRES ET NUAGES

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le goût de l’aventureTEXTE MARINE VEITH

PHOTOGRAPHIE SERGE MARIZY

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EN PARTANT DE JOHANNESBURG, LA ROUTE QUI MÈNE AU MYTHIQUE PARC KRUGER PASSE PAR DES PAYSAGES À COUPER LE SOUFFLE ET DES LIEUX CHARGÉS D'HISTOIRE. BLYDE RIVER CANYON, LE TROISIÈME CANYON DU MONDE PAR LA PROFONDEUR ET PILGRIM'S REST, RECONSTITUTION DU PREMIER VILLAGE DE CHERCHEURS D'OR, SONT DES ÉTAPES INCONTOURNABLES AVANT UNE PLONGÉE DANS L'UNIVERS MAGIQUE DES BIG FIVE, MAIS AUSSI D’ANIMAUX PLUS PARTICULIERS COMME LE GRAND KOUDOU OU LES ÉLÉGANTS IMPALAS.

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Des paysages à couper le souffleCap à l'est. La route est belle. Puis, les arbres seraréfient, la température devient accablante... Sixheures de voiture nous séparent de la région deMpumalanga et du parc Kruger. Le Blyde RiverCanyon se dessine. Il s'agit du troisième canyonle plus profond au monde. Paysages grandiosesde gorges, de reliefs abrupts, de cascades alimen-tées par des pluies abondantes. Les points devue sont exceptionnels comme celui de la« Fenêtre de Dieu » où a été tourné le célèbrefilm « Les Dieux sont tombés sur la tête ». Les troisRondavels en forme de huttes traditionnellessurplombent la rivière, tandis qu’à la lumière dusoir les massifs du canyon flamboient, là où lavégétation n’a pas eu de prise. Toujours sur laroute des cascades, là où se rejoignent les rivièresBlyde (joyeux) et Treur (triste), le torrent dans sestourbillons a creusé des marmites de roches detailles et de formes impressionnantes. Ces paysagesmajestueux attisent bien des convoitises. Grâceà sa structure géologique particulière, l'Afriquedu Sud possède d’énormes ressources aurifèreset demeure le deuxième producteur d'or aumonde.

L’aventure de l’orQuand la première pépite a été découverte en1873, les chercheurs d'or ont débarqué parmilliers dans cette jolie vallée du Lowveld. Lesprospecteurs ne pensaient pas s’attarder long-temps et ont construit un village en bois et en tôleondulée, Pilgrim's Rest (ou le repos du pélerin).Et dès qu'un filon a été trouvé à Johannesburg, lesorpailleurs ont déserté les lieux. Aujourd'hui, levillage a été entièrement reconstitué et classémonument national. La rue principale, l’église, lecimetière, l’atelier d’imprimerie témoignent del’histoire de ce village à l’époque de la ruée versl’or. L'occasion d'expérimenter le mode de viedésuet des chercheurs d'or en séjournant à loisirdans l’une de ces habitations. Il est même possiblede tenter sa chance à la recherche d'une pépite.Une expérience peu banale dans une Afrique duSud insoupçonnée.

À seulement trois heures d'avion de La Réunion,Johannesburg bâtit sa société post-apartheid. Lacapitale économique de l'Afrique du Sud estaussi la capitale du continent. 350 des 500 plusgrandes entreprises africaines y sont domiciliéeset 25% de la richesse de l'Afrique y est produitetandis que la plus grande pauvreté continue à sévirdans les townships. La ville est à l'image du pays :une terre de contrastes à la diversité singulière etaux richesses considérables. Des gratte-cielsimmenses du centre-ville à Soweto, on passe de laplus grande modernité aux cabanes numérotéesoù l'eau coule encore au robinet collectif.

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dessinées de noir et de blanc. Les oiseaux nesont pas de reste et la nature crie partout « je suislà ». La chaleur devient torride, il faut rentrer. Dansles hébergements immanquablement luxueux deces réserves privées, le déjeuner est dressé face àune rivière où crocodiles et hippopotames peuventsurgir à tout moment. D’ailleurs, il y en a un quivient d’ouvrir sa grande gueule en montrant sesaffreuses dents, de quoi vous donner la chair depoule ! Puis vient l’heure de la sieste, réparatrice.Le safari repartira dans l'après-midi jusqu'à latombée du soir, l'oeil aux aguets pour cette foisscruter les mystères de la nuit, la course du léopardet le bruit inquiétant du silence avant l’attaque.

Les nombreuses réserves sont autant de sanc-tuaires de biodiversité fermés et étudiés pourprotéger l'équilibre de ces écosystèmes menacés.Mais le braconnage reste l’ennemi public numéroun. Un exemple, le rhinocéros avec sa corne estune des cibles lucratives des chasseurs illégaux.Sur les marchés asiatiques, un kilo de corne peutatteindre 50 000 euros.

Le safari inoubliableL'aventure continue. Six heures du matin en hiveraustral, le soleil peine à réchauffer la terre. À lasortie du canyon, la plaine s’offre de toute part aumythique parc Kruger où vivent les Big Five enliberté. Lions, rhinocéros, léopards, éléphants etbuffles sont les rois d'une nature sauvage etpréservée dans ce parc considéré comme l’unedes plus riches réserves du monde. Il faut s'yprendre tôt pour apercevoir ces majestés de lanature. À l'aube, elles vont boire, se réveillentdoucement. Les croiser au hasard d'un cheminest un enchantement. Couvrant une surface de20 000 km 2, le parc Kruger est bordé à l’est parle Mozambique et à l’ouest par toute une sériede réserves privées. Long de 350 km, il est en faittrès étroit, 60 km en moyenne. 2500 km de routeset de pistes y sont aménagées. Les accords de1994 ont permis d’enlever les clôtures électriquesqui empêchaient les animaux de circuler librement.Cette immense réserve nationale n'offre aucunechance à ceux qui en manquent. Seul dans savoiture, le visiteur peut tomber sur une scènemagique ou... ne jamais rien voir ! Dans ce parcvisité par de nombreux touristes, beaucoup devéhicules suivent le premier qui s’arrête, espérantqu’il y ait matière à observation. Le safari en réserveprivée est plus sûr. Guidé par des hommes expé-rimentés, un tracker assis sur un siège à l’avantdu capot pour déceler toute trace animale et unranger en contact radio permanent pour localiserles animaux. Dès qu'ils sont repérés, les jeeps n'ontde limite que la témérité de leur conducteur.Rivières, rochers, branches, ils roulent sur tout etn'hésitent pas à emmener les visiteurs au plusprès d'une scène de chasse. Une marche avecles guépards, les rhinocéros, une bataille de lionsou un galop de girafe comptent parmi les expé-riences inoubliables d'un tel voyage. À l'écoutedes bruits de la savane, les rangers se dirigent àla trace. Une odeur de pop-corn ? Un léopard estpassé par là, il y a peu. Un effleurement decoussinets sur la terre rouge ? C'est un lion quidoit se prélasser dans un buisson proche. Un cride bébé à la limite de l'angoisse ? Des hyènesont attrapé un phacochère... Observer, admirer,s'extasier pourquoi pas retrouver son âmed’enfant... La magie opère de fait. Ici, une famillede lions rentre tranquillement de sa baignade àla rivière, là un troupeau d’impalas se régale defeuilles gorgées de suc, plus loin encore leszèbres montrent leurs crinières incroyablement

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AU FIL DES FESTIVALS · 62

Une consécration pour Michel Le Bris, corsaire infatigablequi écume les océans de littérature en passe de révéler le monde de demain.

Nouvelle étape cette année, Étonnants Voyageursa rejoint la prestigieuse World Alliance qui rassemble les plus importants festivals de littérature dans le monde, Jaipur, Pékin, Édimbourg, Berlin, Melbourne, Tokyo, New York… et Saint-Malo, seul festival francophone de ce big eight planétaire.

>>> images du monde qui vient

TEXTE FRANCINE GEORGE

PHOTOGRAPHIE KEVIN14 - FOTOLIA.COMILLUSTRATION ÉTONNANTS VOYAGEURS

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AU FIL DES FESTIVALS · 64

Saint-Malo dans laquelle le festival s’est merveilleusement bien intégré invite au voyage,à la découverte dans l’euphorie revisitée par les auteurs venus des quatre coins de laplanète semer autant que partager une étincelle de vie. Plus de 300 rencontres-débats surtrois jours avec des écrivains faisant vibrer le Palais du Grand Large. Juste en face, le quaiDuguay-Trouin accueille sur un demi-hectare libraires et éditeurs où le festivalier espèrediscrètement échanger avec l’auteur qu’il vient de découvrir au café littéraire de MaëtteChantrel.

Étonnants Voyageurs, c’est aussi une centaine de films présentés dans toute la ville, à l’au-ditorium du Palais, au cinéma Le Vauban, mais aussi au Théâtre Chateaubriand ou àl’école Nationale Supérieur Maritime. C’est encore le Festival Jeunesse et B.D. avec desateliers, des rencontres avec les illustrateurs. Sans oublier les nombreux prix littéraires,la dizaine d’expositions qui permet de poser le regard sur un ailleurs quand l’oreilledécroche, le petit-déjeuner en compagnie d’écrivains ou l’apéro des auteurs au café del’Univers, la saveur des mots mise en scène par le grand chef Olivier Roellinger, la maisonde l’imaginaire, le tour du monde en poésie avec Yvon Le Men… La mer est aussi aurendez-vous de l’aventure avec son espace dédié. Pas une seconde à perdre et toujours la même frustration de ne pas avoir tout vu et tou-jours le même bonheur d’avoir néanmoins vécu un moment d’exception. Chaque année,Étonnants Voyageurs émerveille sans que le festivalier ait besoin de courir après des têtesd’affiche. La foule est bien sûr au rendez-vous dans une ambiance particulièrementchaleureuse et authentique.

>>> Retrouvez le festival en direct sur www.etonnants-voyageurs.com

une penséepour le mondequi vient sur batcarre.com

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Respirer les lieux dans ce tourbillon de folie, c’est aussi prendre conscience du monde, par touches impressionnistes.Le festivalier sort de sa coquille et va,comme à l’aventure, côtoyer la planètedans toutes ses dimensions. Printemps arabe, Cultures urbaines, Mers du Sud, une Belgique à découvrir(avec François Schuiten notamment),France plurielle et bien évidemment la littérature-monde dans le droit fil du manifeste pour une « littérature monde en français » comme l’explique Michel Le Bris : « Le XXI e siècle naît sous nos yeux. Il naît, avec une puissance,une rapidité qui mettent à mal tous nos repères. Ce sont les artistes, les écrivains, les cinéastes, qui nous le donnent à voir, à entendre, à lire – comme toujours… Et très vite s’est imposée à toute l’équipecette évidence que la mise en relation de toutes ces effervescences devenait nécessaire. Plus de thème unique, donc,au festival, mais les images multiples du nouveau monde. »

Toujours pendant le week-end de Pentecôte, ce grand rendez-vous du dialogue des cultures ne manque jamais d’enthousiasmer les participants,auteurs qui font partie d’une grande famille à l’esprit inventif, festivaliers toujours en quête de pépites à découvrir et l’équipe qui conçoit le programme avecune passion chaque année renouvelée.

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le goût de l’aventure

COURONNÉ PAR LE GRAND PRIX DE LA VILLE D’ANGOULÊME EN 2002, FRANÇOIS SCHUITEN,FRÈRE CADET DE LUC, EST ANIMÉ PAR L’ENVIE DE RACONTER DES HISTOIRES. L’ÉPOPÉEFANTASTIQUE DES CITÉS OBSCURES, AVEC SON AMI D’ENFANCE BENOÎT PEETERS, LEPLONGE DANS UN MONDE OÙ SE DESSINENT DE BELLES UTOPIES. ARTISTE AUX TALENTSMULTIPLES, IL N’EST PAS SEULEMENT AUTEUR DE BD, IL RÉALISE AUSSI DES SCÉNOGRAPHIESDE FILMS, DE SPECTACLES VIVANTS, CONÇOIT LA DÉCORATION DE LA STATION DE MÉTRO« ARTS & MÉTIERS » À PARIS, OÙ IL REND HOMMAGE À JULES VERNE, ENTRE AUTRES CHEFS-D’OEUVRE…

DANS LE BERCEAU SCHUITEN

Robert, le père, architecte et peintre, très sensible à la nature, guide sa famille sur les chemins de l’art.Le dessin est le mode d’expression de toute la maisonnée. Les vacances se passent plutôt au muséequ’à la plage, et chacun des huit enfants doit restituer dans son carnet les tableaux longuementobservés. Robert Schuiten transmet sa passion à ses enfants avec une exigence impérieuse. Luc etFrançois savent le mieux fixer par le dessin « les étincelles de l’imagination » et composer un récitpar l’image.

RENDEZ-VOUS BD · 66

François Schuiten

TEXTE FRANCINE GEORGE - ILLUSTRATION FRANÇOIS SCHUITEN

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LE PARCOURS DE FRANÇOIS

À l’âge de 16 ans, François Schuiten publie ses premières planches « Mutation » dessinées au Bic.Puis, il intègre l’atelier de l’Institut Saint-Luc où il rencontre Claude Renard avec qui il réalisera deuxalbums. En 1978, en compagnie de son frère Luc, il élabore au fil des ans le cycle des « TerresCreuses ». Depuis 1981, il travaille avec son ami d’enfance Benoît Peeters à la série « Les CitésObscures », publiant successivement Les Murailles de Samaris, La Fièvre d'Urbicande, L'Archiviste,La Tour, La Route d'Armilia, Le Musée A. Desombres, Brüsel et l'Echo des Cités (Casterman). En complément, Le guide des Cités explore cet univers fantastique imaginé pendant près dequinze ans et, comme une chasse au trésor, livre cartographies, façades d’immeubles, portraits, toussomptueusement illustrés dans des couleurs lumineuses, de l’ocre au brun orangé. En 2000, FrançoisSchuiten conçoit le pavillon des utopies pour l’exposition universelle de Hanovre, et ses travauxscénographiques en collaboration avec Benoît Peeters sont publiés dans Voyage en Utopies. Danstous ces albums, l’architecture est très présente, ennoblie par un trait de crayon qui restitue lesperspectives avec maestria. Mais le livre est aussi un élément culte, et le magnifique Book of Schuiten,réalisé en collaboration avec Benoît Peeters, en témoigne. Cette année, pour la première fois, FrançoisSchuiten publie un album en solo, la Douce, qui raconte l’histoire de la belle locomotive à vapeurmise hors des rails par l’arrivée de l’électricité. Une histoire en noir et blanc qui sublime le rapportdu mécanicien à sa machine.

Le site des Cités obscures : www.urbicande.be

Les albums de François Schuiten sont principalement édités chez Casterman

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PUBLI-REPORTAGE BAT’CARRÉ · 68 Les Instituts & Spa Indriya

Indriya Saint-André550, rue Andropolis97440 Saint-André

Indriya Saint-Denis27, rue Bouvet97400 Saint-Denis

Indriya Saint-Pierre165 rue Albert LuthuliLe Patio97410 Saint-Pierre

Un numéro de téléphone 0262 466 466

Plus d’information www.indriya.fr

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LES SERVICES INDRIYAAu-delà d’un accueil en service continu, lesInstituts Indriya offrent une grande palette deformules de soins, d’abonnements, selon lespossibilités des uns et des autres. Des cabinesdoubles sont mises à disposition pour que lescouples profitent ensemble de ces grands momentsde mise en beauté, ou les copines, ou la mamanet sa fille… les occasions de prendre soin de soià deux sont multiples.

Enfin, une dernière nouveauté. L’équipe dirigeanted’Indriya a été la première à proposer les cadeauxbeauté en ligne par SMS ou par e-mail. Un vraiservice qui permet d’offrir un cadeau à son amieau dernier moment ou à l’heure souhaitée viaun e-mail ou un SMS :- Vous choisissez votre bon d’achat ou votresoin à la carte. - Vous rédigez le message qui accompagne le cadeau.- Vous composez le numéro de téléphone ou l’e-mail de la personne concernée.- Votre cadeau est envoyé directement à son destinataire avec un message de votre parten accompagnement !

Simple, rapide, efficace, personnalisé, le cadeau par excellence !

À L’INSTITUT DE BEAUTÉ INDRIYA, LA CLIENTE APPRÉCIE DE SE SENTIR CHEZ ELLE, PRISEEN CHARGE POUR UNE MISE EN BEAUTÉ PARFAITE. LES HOMMES NE SONT PAS EN RESTE ETCOMMENCENT À SOIGNER LEUR PEAU EN PRENANT LE TEMPS NÉCESSAIRE. IL EXISTE TROISINSTITUTS & SPA SUR L’ÎLE, À SAINT-ANDRÉ, À SAINT-DENIS ET À SAINT-PIERRE. DEPUIS SA CRÉATION, SEPT ANS, UN CHIFFRE MAGIQUE, L’ÉQUIPE DIRIGEANTE SE MOBILISEPOUR QUE LES 25 SALARIÉS RÉPONDENT AUX ATTENTES DE LA CLIENTÈLE. LE MOINDREGESTE EST ÉTUDIÉ POUR QUE LA CLIENTE RETROUVE, À CHAQUE VISITE, LA MÊMEAMBIANCE, LE MÊME ACCUEIL, LA MÊME QUALITÉ DE SOIN. CE QUI EXPLIQUE SON SUCCÈS. EN FAIT, INDRIYA EST LE MOT MAGIQUE QUI LIBÈRE LA FACULTÉ DE SE SENTIR RAYONNANTE.

LE SAVOIR-FAIRE D’INDRIYALa cliente se sent de suite à l’aise dans une atmo-sphère de détente où tous les sens sont agréable-ment sollicités. Huiles essentielles aux parfumsdoux flottant dans l’air, bougies et lumières adouciespour faire tomber la pression que chacun porteen soi, statues de Boudha pour donner à l’espritsa part de rêve, décoration chocolat où vient seposer la fleur de lotus, emblème de l’Institut debeauté. Indriya, dans la philosophie indienne,représente une vingtaine de facultés liées à laperception et à l’action. C’est dans cette optiqueque l’Institut propose une gamme infinie de soinspour prendre en main le bien-être des clientes.

Spa et relaxation pour le corps avec des modelagestoniques, aux pierres chaudes, aux quatre mains.Pas de machine, chez Indriya, tout se fait au doigté.

Spa et Balnéothérapie avec hammam, bain hy-dromassant, rituels aromatiques dans la traditionorientale des produits à l’huile d’argan bio.

Soins du visage avec la gamme Decléor, experten Aromathérapie, pour révéler le rayonnementnaturel de la peau en conjuguant les énergiesvitales aux huiles essentielles actives.

Salon de coiffure avec conseil, diagnostic, soin,coupe, couleur, effet sunlight, coiffage… toutes lesfantaisies sont possibles. Et bien sûr, épilations,manucures et maquillages font également partiede la gamme de soins des Instituts & Spa Indriya.

Poussez la porte d’un Institut Indriya, une mise en beauté intégrale vous attend !

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Les ingrédients Pour 12 moules bouchons individuels200 g de farine70 g de beurre8 g de levure de boulanger déshydratée8 g de miel5 œufs1 pincée de selVariante - 20 grammes de chocolat à mélanger à la pâte

Pour le sirop1 kg de sucre2 l d’eau1 écorce d’orange et de citron1 gousse de vanilleet selon votre goût, Grand Marnier, rhum, liqueur d’orange…

AU RHUM OU À LA LIQUEUR D’ORANGE, À LA VANILLE OU AU CHOCOLAT ?

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Recette de l’Atelier

de Ben

© Pierre Cho

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Étape 1Faire un puits avec la farine et le sel. Incorporer les œufs et le miel. Bien mélanger puis ajouter la levure. Monter avec le beurre pommade.

Étape 2Chemiser les moules avec du beurre et de la farine. Les remplir à moitié. Laisser pousser la pâte presque jusqu’en hautdu moule et enfourner à 180 °C pendant 10 minutes environ.

Étape 3Pour le sirop : Chauffer le sucre, l‘eau et les épices. Laisser cuire environ 15 minutesaprès le début de l’ébullition. Ajouter le rhum ou la liqueur de votre choix. Y tremper les babas encore chauds avant de les servir.

Une recette en apparence facile à réaliser, mais qui demande un bon tour de main, notamment dans le chemisage des moules à opérer deux fois. Chaque étape est soigneusement décortiquéedans la rubrique « Café coulé » de notre site internet www.batcarre.com, où nous avons filmé le chef Benoît Vantaux dans la cuisine de son restaurant l’Atelier de Ben, au 12 rue de la Compagnie.

Pour accompagner le baba si moelleux de Ben, La Cave de La Victoire vous conseilleune coupe de Champagne DEUTZ. Et maintenant, vous pouvez fermer les yeux et ne penser qu’à buller… !

retrouvez cetterecette filméedans la rubriquecafé coulésurwww.batcarre.com

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t e nLa SmartWatch, nouveau gadget Avec son écran tac-tile OLED, la montre ordinateur de Sony reliée à unsmartphone Androïd via une connexion Bluetooth 3.0vous permet de consulter vos SMS/MMS, vos e-mails,vos réseaux sociaux, votre agenda, d’écouter de lamusique, de regarder photos, vidéos…Vous pouvezpersonnaliser votre modèle grâce aux nombreusesapplications synchronisées via le LifeWare de Sony. Dequoi vous faire oublier l’heure !

La tentation du coucou design Le petit oiseau blancsonne l’heure comme son ancêtre le coucou, mais sonchalet prend la forme joliment colorée d’une penduleà balancier, d’un carré ou d’une boîte à oiseau au gréde l’imagination des designers italiens DIAMANTINI &DOMENICONI. À l’heure venue, arrêtez-vous devantla vitrine de la boutique Origine, 59 rue Jean Chatel àSaint-Denis, pour écouter le temps qui passe. u

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HIGH TECH & SHOPPING · 72

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t e nd a n c e ( s )MAIS QUELLE HEURE EST-IL ?

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une rencontre

au sommet

// épisode 2

TEXTE RODOLPHE SINIMALÉ & NIRINA DONATO

PHOTOGRAPHIE SYLVAIN BRAJEUL

QUELQUE PART À 1700 MÈTRES D’ALTITUDE, UNE VIEILLE PORTE EN BOIS AUX CONTOURS OCRE ET OR, ORNÉE DE COMPLEXES ET HYPNOTIQUES TANTRAS S’IMPOSE, PRESQU’IRRÉELLE DANS L’IMMENSITÉ DU PAYSAGE. LA DOUCE ET INTIME MÉLODIE D’UN SILENCE TOTAL ME SÉPARE ENCORE, POUR QUELQUES SECONDES MAINTENANT, DU MAÎTRE.

RÉUNIONNAIS DU MONDE · 74

en partenariatavec Réunionnaisdu monde

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Un novice, qui n’a pas encore entièrement pris les vœux du Vinaya dans la tradition bouddhiste.

La naissance, la maladie et la vieillesse, la mort, être lié à ce que l'on n'aime pas, être séparé de ce que l'on aime, ne pas avoir ce que l'on veut.

Divinités indiennes liées à des éléments particuliers (son, couleur…)

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Avant même qu’il ne prononce un mot, je fondsen larme…

Il n’y a pas d’auréole de lumière immaculée, nide manifestations de célestes devas 3. Pourtant, lapièce s’est remplie d’un amour incommensu-rable. Ce ne sont pas des larmes de tristesse - etencore moins de joie. C’est plutôt le sentimentd’un bonheur durable, comme lorsqu’on rentre àla maison après une longue absence, ou encorelorsque l’enfant retrouve sa mère.

Je respire profondément, décolle du coussin,m’approche et… Il y a dans ces yeux bleus tantde compassion ! D’un geste enfantin, le Maîtrepose sa main sur mon catogan et, rieur, s’écrie :

« Bouddha ! Bouddha ! ».

L’interprète éclate de rire, le novice aussi. J’esquisse un petit sourire timide mais sincère, etregagne ma place parmi les mortels. L’interprète- une jeune américaine qui manie avec dextéritéle tibétain et le sanskrit - m’encourage à prendrela parole et à poser ma question.

« Quel est mon Chemin ? Quelle est ma voie ? »

Enveloppé dans sa longue robe, le Maître me fixeinterminablement, puis m’offre doucement cetteréponse :

« Vous devez être indépendant. »

Immédiatement, le singe de mon esprit saute surles branches d’une forêt d’idées - quelque partentre passé et futur : « Indépendant de quoi,de qui ? » « Indépendant matériellement ? Spirituellement ? »

Comme s’il entendait cet interminable dialogueintérieur et fou, le Guru sourit, pour m’inviter àlâcher prise. La graine a été semée.

Personne dans la pièce n’a prononcé uneparole. J’aurais pourtant juré de toute mon âmeavoir entendu cet échange.

« J’attends ce moment depuis si longtemps ! ».Pourtant, j’hésite encore, tiraillé par une folle im-pulsion qui me pousse à rebrousser chemin. Lapeur de réussir, peut-être, cette lointaine quête ?En réalité, je fais un pas en avant et franchis leseuil sacré quand, tout à coup, déchirant le tempset l’espace, un moine apparaît.

Un jeune samanera 1 se tient debout devant moi.25 ans environ, dont 20 passés à étudier lesécritures sacrées et libératrices du Bodhisattva.Le teint est clair, les yeux sont doux, soutenus parun sourire équanime et une présence sereine.

« Tashi delek ! », m’offre le bouddhiste solaire,avec une sincérité toute désarmante. J’ai l’im-pression d’être unique sur cette Terre.

D’un pas vif, nous nous enfonçons dans un couloirsombre puis arrivons dans une immense pièce.Une autre dimension : des volutes d’encens parais-sent dessiner des mantras au plafond. En face,une large estrade claire, surmontée de ce qu’ilme semble être un trône. À droite, une fenêtretout en longueur s’ouvre sur l’Himalaya. À gauche, une fresque sans fin relate le cheminde la maîtrise de l’esprit. Je m’assois sur un zafujaune et confortable, emporté par la magie dulieu.

« Le Maître arrive », me confie l’ami spirituel.

Nous, occidentaux, ne sommes définitivement pasà l’aise avec la notion de « Maître », appelé « Guru »dans cette partie orientale et élevée du monde.Ce sont des termes par trop sectaires, péjoratifsmême. Pourtant, dans cette tradition séculaire, leMaître est le garant des nobles Enseignements,ceux qui libèrent des sept types de souffrance 2

et du « Samsara » - l’Illusion.

J’ai de longue date préparé 10.000 questions,mais je ne peux en poser qu’une seule. Je sors mesfeuillets et, la main tremblante, essaye de meconcentrer sur le crayon que Sangye m’a donné.À l’autre bout de la pièce, charismatique etpuissant, le Vénérable s’approche du trône ets’assoit en un parfait lotus.

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HORIZONTALEMENT

Offre

Pleins aux as

Vérifié. Potence

Colère d’aïeul. Gestionnaire

Miraculeux, en somme. Article de sport

Démonstratif. Production de cancres

Explorer. Indice de puissance

Bouquinée. Périodes de départs

Epars

Petite roue. Rendre stérile

Entrepôt. Tonus

Eau glacée. Va au hasard

Piste. Subsiste

Soufflées. Oté

Très fatigant. Parties d’une pièce

Travaux de recherche. Se situe

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Pas de la capitale. Colorée

Ouvertes. Cafés

Soldés. Insulaire. Grosses béquilles

Explosion de grenade. Partie de campagne. Avant thêta

Risque. Intimidées. Langue des Highlands

Introduire dans l’estomac. Pour coordonner. Jouas d’astuces

Charmer. Résulter

La maison de Russie. Il rend jaune. Choix

Premier de portée. Kidnappe. Mécontents

Cadenettes. Sujet d’un seigneur. Carapace de crustacé

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La grille du jeu est compose e de 9 lignes, 9 colonnes

et de 9 regions (les 9 carre s).

La grille du jeu contient toujours des chiffres de 1 a 9 et des cases vides,

le but est donc de remplir entie rement la grille de manie re logique.

La regle du jeu est simple : chaque ligne, colonne et region

ne doit contenir qu’une seule fois tous les chiffres de un a neuf.

Formule autrement, chacun de ces ensembles doit contenir

tous les chiffres de un a neuf.

La plupart du temps, le jeu est propose sous la forme d’une grille de 9×9,

et compose de sous-grilles de 3×3, appelees « regions ».

Quelques cellules contiennent des chiffres, dits « de voiles ».

Le but est de remplir les cellules vides, un chiffre dans chacune,

de facon a ce que chaque rangee, chaque colonne

et chaque region soient composees d’un seul chiffre allant de 1 a 9.

En consequence, chaque chiffre dans la solution apparait une seule fois

selon les trois « directions »,

d’ou le nom « chiffre unique ». Lorsque qu’un chiffre peut s’inscrire

dans une cellule, on dit qu’il est candidat.

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NUMÉRO 1 // JUILLET - AOUT 2011

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LISBONNEÀ L’OMBRE DES CONQUISTADORS

RENÉ ROBERTLE FEU SACRÉ DE LA TRANSMISSION

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NUMÉRO 2 // OCTOBRE - NOVEMBRE 2011

VOYAGE DANS LE PATRIMOINEÀ LA RÉUNION

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& DES HOMMES

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NUMÉRO 3 // DÉCEMBRE 2011 - JANVIER 2012

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É T’NUMÉRO 5 // AVRIL - MAI 2012

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LucSchuiten��� ����� �����

Une année en compagnie de Bat’carré, le magazine de toutes les balades.

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POUR NUMÉROSAU TARIF DE 42,50 € *

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NOUS TENONS À REMERCIER NOS PARTENAIRES QUI SOUTIENNENT NOTRE PROJET AVEC UNE BELLE CONSTANCE :

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K C K G R E C Q U E

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RÉSULTATS DES JEUX DU NUMÉRO PRÉCÉDENT ·80

NOS PARTENAIRES

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