bilan du métabolisme osseux : vitamine d, pth intacte et autres paramètres

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pratique | rhumatologie 16 OptionBio | Jeudi 12 avril 2012 | n° 470 L’ ostéoporose atteint plus de 3 millions de personnes en France actuellement. Le bilan biologique d’une ostéoporose inclut une exploration phosphocalcique complète dont les principaux paramètres sont rappelés ci-dessous. Biologie de l’ostéoporose L’ostéoporose peut être primaire (post-ménopau- sale, masculine) ou secondaire à une pathologie endocrinienne, gastro-intestinale, rhumatologique, à un cancer ou autre. Son diagnostic repose sur la réalisation d’une ostéodensitométrie osseuse (DMO), dont le résultat est rendu en T-score cor- respondant à la différence entre la valeur obser- vée chez le sujet testé et celle obtenue dans une population d’adultes jeunes du même sexe en bonne santé : – DMO >–1 T-score : situation normale ; – –1 DMO < –2,5 T-score : ostéopénie ; – DMO –2,5 T-score : ostéoporose ; – ostéoporose avec une ou plusieurs fractures ostéoporotiques : ostéoporose compliquée. Le bilan biologique minimal d’une ostéoporose inclut NFS, VS, électrophorèse des protides, pro- téinurie des 24 heures, calcium, phosphate dans le sang et les urines, créatinine, TSH et T4 (en présence d’antécédent et/ou d’argument clinique). Une fois éliminée une cause secondaire d’ostéo- porose, un bilan phosphocalcique complet (avec hormones calciotropes et marqueurs osseux) sera demandé, en présence de facteurs de risque d’os- téoporose : sexe féminin, faible index de masse corporelle, vieillissement, origine caucasienne ou asiatique, antécédents familiaux d’ostéoporose, tabagisme, abus d’alcool, absence de sport, fai- bles apports alimentaires en calcium. Le bilan phosphocalcique Le bilan phosphocalcique comprend en premier lieu un dosage de la calcémie totale (N : 2,25- 2,62 mmol/L). En cas d’hypoalbuminémie, il convient de la corriger : différentes formules sont proposées dont la suivante : Ca corrigé = Ca total (mmol/L) – [0,02 x Alb (g/L)] + 1. Si l’albuminémie est élevée, mieux vaut se référer au calcium ionisé, plus juste (mais dont la phase pré-analytique doit être parfaitement maîtrisée pour le dosage). La calciurie des 24 heures est très utile, notam- ment en cas d’hypocalcémie ; elle représente les apports en calcium absorbé au niveau intestinal. Idéalement, elle doit être interprétée en fonction du poids du patient (N < 4 mg/kg/24 heures). Hormones calciotropes La parathormone (PTH) est hypercalcémiante et hypophosphatémiante : elle augmente la résorption osseuse et la réabsorption rénale du calcium, sti- mule la transformation de la vitamine D en calcitriol et diminue la réabsorption rénale du phosphore. La vitamine D ou 25(OH)D stimule l’absorption intestinale du calcium et du phosphore, favorise la minéralisation osseuse et exerce un rétrocontrôle négatif sur la PTH. La parathormone (PTH) Le dosage de la PTH est difficile au plan pré-ana- lytique car la sécrétion de PTH est pulsatile, suit un rythme circadien (pics à 18 heures et 2 heures, nadirs à 20 heures et 10 heures) et les valeurs varient en fonction du sexe, de l’âge et de fac- teurs génétiques. Les prélèvements de sérum ou plasma se conservent à +4 °C jusqu’à 24 heures pour le sérum et 72 heures pour le plasma EDTA ; Bilan du métabolisme osseux : vitamine D, PTH intacte et autres paramètres L’os a une fonction de réservoir pour deux principaux minéraux : le calcium et le phosphore. Pour que l’homéostasie soit respectée, interviennent trois hormones (la vitamine D, la parathormone [PTH] et la calcitonine) et trois organes (l’intestin, le rein et l’os). Sont rappelés ci-dessous les principaux éléments à ne pas méconnaître concernant le bilan biologique d’une ostéoporose, le bilan phosphocalcique, les dosages de PTH et de 25(OH) vitamine D, ainsi que la conduite à tenir devant une hypo- ou une hypercalcémie vraie. Tableau I. Principales formes circulantes de PTH et leur reconnaissance (OUI) ou non par les dosages. Techniques de 2 e génération : dosages de PTH “intacte” Techniques de 3 e génération : dosages de “Whole PTH” ou PTH “bio-intacte” 1-84 PTH (ou PTH “intacte”) OUI OUI “non 1-84” PTH (appelée aussi PTH 7-84 ou N-terminal truncated PTH) OUI, mais avec des réactions croisées variables NON Fragments C-terminaux (fragments moléculaires variés ne comprenant pas les fragments 1-34) NON NON Amino-PTH ou N-PTH En fonction de l’épitope de l’Ac anti-N-terminal : NON si l’épitope est proximal (13-24), OUI si l’épitope est distal 26-32 OUI D’après Souberbielle JC, Friedlander G, Cormier C. Aspects pratiques des dosages de PTH. Immuno-analyse & Biologie spécialisée. 2006;21:110-8. atémie/ atémie/ Phospha Phospha aturie aturie phospha phospha

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pratique | rhumatologie

16 OptionBio | Jeudi 12 avril 2012 | n° 470

L’ostéoporose atteint plus de 3 millions de personnes en France actuellement. Le bilan biologique d’une ostéoporose

inclut une exploration phosphocalcique complète dont les principaux paramètres sont rappelés ci-dessous.

Biologie de l’ostéoporoseL’ostéoporose peut être primaire (post-ménopau-sale, masculine) ou secondaire à une pathologie endocrinienne, gastro-intestinale, rhumatologique, à un cancer ou autre. Son diagnostic repose sur la réalisation d’une ostéodensitométrie osseuse (DMO), dont le résultat est rendu en T-score cor-respondant à la différence entre la valeur obser-vée chez le sujet testé et celle obtenue dans une population d’adultes jeunes du même sexe en bonne santé :– DMO >–1 T-score : situation normale ;– –1 ≤ DMO < –2,5 T-score : ostéopénie ;– DMO ≤ –2,5 T-score : ostéoporose ;– ostéoporose avec une ou plusieurs fractures ostéoporotiques : ostéoporose compliquée.

Le bilan biologique minimal d’une ostéoporose inclut NFS, VS, électrophorèse des protides, pro-téinurie des 24 heures, calcium, phosphate dans le sang et les urines, créatinine, TSH et T4 (en présence d’antécédent et/ou d’argument clinique). Une fois éliminée une cause secondaire d’ostéo-porose, un bilan phosphocalcique complet (avec hormones calciotropes et marqueurs osseux) sera demandé, en présence de facteurs de risque d’os-téoporose : sexe féminin, faible index de masse corporelle, vieillissement, origine caucasienne ou asiatique, antécédents familiaux d’ostéoporose, tabagisme, abus d’alcool, absence de sport, fai-bles apports alimentaires en calcium.

Le bilan phosphocalciqueLe bilan phosphocalcique comprend en premier lieu un dosage de la calcémie totale (N : 2,25-2,62 mmol/L). En cas d’hypoalbuminémie, il convient de la corriger : différentes formules sont proposées dont la suivante :Ca corrigé = Ca total (mmol/L) – [0,02 x Alb (g/L)] + 1. Si l’albuminémie est élevée, mieux vaut se référer au calcium ionisé, plus juste (mais dont la phase pré-analytique doit être parfaitement maîtrisée pour le dosage).

La calciurie des 24 heures est très utile, notam-ment en cas d’hypocalcémie ; elle représente les apports en calcium absorbé au niveau intestinal. Idéalement, elle doit être interprétée en fonction du poids du patient (N < 4 mg/kg/24 heures).

Hormones calciotropesLa parathormone (PTH) est hypercalcémiante et hypophosphatémiante : elle augmente la résorption osseuse et la réabsorption rénale du calcium, sti-mule la transformation de la vitamine D en calcitriol et diminue la réabsorption rénale du phosphore.La vitamine D ou 25(OH)D stimule l’absorption intestinale du calcium et du phosphore, favorise la minéralisation osseuse et exerce un rétrocontrôle négatif sur la PTH.

La parathormone (PTH)Le dosage de la PTH est difficile au plan pré-ana-lytique car la sécrétion de PTH est pulsatile, suit un rythme circadien (pics à 18 heures et 2 heures, nadirs à 20 heures et 10 heures) et les valeurs varient en fonction du sexe, de l’âge et de fac-teurs génétiques. Les prélèvements de sérum ou plasma se conservent à +4 °C jusqu’à 24 heures pour le sérum et 72 heures pour le plasma EDTA ;

Bilan du métabolisme osseux : vitamine D, PTH intacte et autres paramètres

L’os a une fonction de réservoir pour deux principaux minéraux : le calcium et le phosphore. Pour que l’homéostasie soit respectée, interviennent trois hormones (la vitamine D, la parathormone [PTH] et la calcitonine) et trois organes (l’intestin, le rein et l’os). Sont rappelés ci-dessous les principaux éléments à ne pas méconnaître concernant le bilan biologique d’une ostéoporose, le bilan phosphocalcique, les dosages de PTH et de 25(OH) vitamine D, ainsi que la conduite à tenir devant une hypo- ou une hypercalcémie vraie.

Tableau I. Principales formes circulantes de PTH et leur reconnaissance (OUI) ou non par les dosages.

Techniques de 2e génération :

dosages de PTH “intacte”

Techniques de 3e génération : dosages de

“Whole PTH” ou PTH “bio-intacte”

1-84 PTH (ou PTH “intacte”) OUI OUI

“non 1-84” PTH (appelée aussi PTH 7-84 ou N-terminal truncated PTH)

OUI, mais avec des réactions croisées variables

NON

Fragments C-terminaux (fragments moléculaires variés ne comprenant pas les fragments 1-34)

NON NON

Amino-PTH ou N-PTH En fonction de l’épitope de l’Ac anti-N-terminal : NON si l’épitope est proximal (13-24), OUI si l’épitope est distal 26-32

OUI

D’après Souberbielle JC, Friedlander G, Cormier C. Aspects pratiques des dosages de PTH. Immuno-analyse & Biologie spécialisée. 2006;21:110-8.

atémie/atémie/PhosphaPhosphaaturieaturiephosphaphospha

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17OptionBio | Jeudi 12 avril 2012 | n° 470

à température ambiante, seul le plasma EDTA se conserve jusqu’à 72 heures.Variabilité analytique. La molécule de PTH est hétérogène, constituée de PTH intacte 1-84 (10 % de la PTH totale circulante), de fragments C-termi-naux inactifs (non reconnus par tous les dosages), de fragments N-terminaux N-tronquatés appelés “non 1-84” (4-84, 15-84 et 7-84 le plus abondant) et d’un fragment amino-PTH (N-PTH), encore mal connu (il pourrait être un marqueur tumoral, de carcinome parathyroïdien). Les principales formes circulantes figurent au tableau I.Les dosages de 1re génération, peu sensibles, ont été abandonnés.Les dosages de 2e génération ou “intact PTH”, disponibles depuis 1980 (technique de référence : Allegro® Nichols) et utilisés en majorité, sont des dosages immunométriques en sandwich qui reconnaissent soit la molécule 1-84 et non 1-84, soit la molécule 1-84 et non 1-84 dont le fragment 7-84 (avec différents degrés de réactivité croisée) et la N-PTH, mais ne dosent pas les fragments C-terminaux.Les dosages de 3e génération ou “whole PTH”, disponibles depuis 1999, reconnaissent la molé-cule 1-84 et la N-PTH. Mais, ils n’ont pas prouvé leur supériorité en pratique clinique. Toutefois, des études sont en cours, particulièrement chez les patients dialysés.Cas des insuffisants rénaux. Chez ces sujets, s’accumulent les fragments 7-84 et les autres non 1-84, conduisant à une surestimation de la PTH, notamment chez les dialysés. Les trousses de 3e génération donnent toujours des valeurs inférieures.Selon les recommandations1 de la K/DOQI® (Kid-ney Dialysis Outcomes Quality Initiative de la National Kidney Foundation), il convient d’établir un facteur de correction spécifique à chaque test disponible sur le marché par rapport au test Alle-gro® (ce qui est peu fait en pratique).Comme la PTH agit en combinaison avec la vita-mine D, les normes de PTH ont été établies dans une population de référence sans insuffisance en vitamine D (ce qui diminue la limite supérieure de ces valeurs de référence de 25 à 35 %) et il faut souligner l’importance d’interpréter une PTH par rapport à la calcémie concomitante.Les recommandations chez le dialysé sont de maintenir la PTH entre 150 et 300 pg/mL.

La vitamine D La vitamine D favorise l’absorption intestinale du calcium. Une hypovitaminose D modérée entraîne

une diminution de l’absorption intestinale du Ca et une hyperparathyroïdie secondaire qui stimule le remodelage osseux (os cortical), diminue la densité minérale osseuse à long terme et stimule l’α-hydroxylase, ce qui augmente la 1,25-diOH vitamine D. D’où l’importance d’une supplémenta-tion en vitamine D pour la prévention des fractures ostéoporotiques.Le dosage de la 1,25-diOH D ne permet pas d’évaluer le statut vitaminique D, mais est utile en 2e voire 3e intention dans l’exploration des troubles du métabolisme phosphocalcique : dans les granulomatoses (elle est augmentée par production ectopique de calcitriol), dans le diabète phosphaté (inhibition de la synthèse de 1,25-diOH D, rarissime), pour le diagnostic de rachitisme vitaminorésistant (RVR), très rare, et dans les insuffisances rénales chroniques de stade 2 ou 3 si les patients sont supplémentés en 1,25-diOH D.

Principales anomalies du métabolisme phosphocalcique1re situation : devant une hypercalcémie vraieDoser la PTH(1,84) : – si elle est augmentée, il s’agit d’une hyperpara-thyroïdie primitive (HPP),– si elle est normale, il peut s’agir d’une hyper-calcémie-hypocalciurie familiale, d’une prise de médicaments (thiazidiques), voire d’une HPP,– si elle est basse, il s’agit d’une hypercalcémie non parathyroïdienne (hyperthyroïdie, métastases osseuses, PTHrp, granulomatose, intoxication à la vitamine D, apports calciques excessifs...).

2e situation : devant une hypocalcémie vraieDoser la PTH(1,84) : – si la PTH est basse : hypoparathyroïdie,– si la PTH est augmentée ou normale : il peut s’agir d’une pseudo-hypoparathyroïdie (résistance à la PTH) ou d’une hyperparathyroïdie secondaire (déficit en vitamine D, insuffisance rénale chroni-que, malabsorption, rachitisme pseudo-carentiel, fuite urinaire de calcium).

Pour rappelL’hyperparathyroïdie primitive (HPP) cor-respond à une production excessive, inappro-priée de PTH. Sa prévalence est de 1 cas/1 000 (sexe-ratio F/H : 5/1), ce qui en fait la plus fré-quente des endocrinopathies après le diabète et les dysthyroïdies.

Dans 80 à 90 % des cas, l’HPP est associée à un adénome, le plus souvent unique. Il atteint géné-ralement les parathyroïdes inférieures, mais des localisations ectopiques sont possibles : médiastin, thymus, péricarde, thyroïde. Les adénomes sont parfois multiples (leur poids peut varier de 200 mg à quelques grammes).L’hypersécrétion de PTH peut aussi être en rap-port avec une hyperplasie diffuse des 4 parathy-roïdes ou, plus rarement, avec un cancer (0,5 à 1 % des cas).Parmi les HPP, beaucoup sont asymptomatiques. Le diagnostic d’HPP est biologique : hypercalcémie modérée (calcémie corrigée de 2,7 à 3 mmol/L), PTH élevée dans 90 % des cas, hypophosphaté-mie dans 60 à 70 % des cas et hypercalciurie.Le traitement est actuellement chirurgical mais toutes les HPP ne sont pas opérées ; les critères chirurgicaux ont été définis lors d’une conférence de consensus en 1990, revue en 20022.L’hypercalcémie-hypocalciurie familiale béni-

gne est due à une mutation sur le gène codant le récepteur sensible au calcium. Elle est caractéri-sée par une hypercalcémie avec hypocalciurie et PTH normale ou augmentée.Les hypoparathyroïdies correspondent à un défaut de synthèse/sécrétion de PTH. Elles sont caractérisées par une hypocalcémie avec hyper-phosphatémie, un rapport TmPi/DFG élevé et une calciurie normale ou diminuée. Leurs étiologies sont génétiques (syndrome de DiGeorge ou muta-tion activatrice du récepteur sensible au calcium), auto-immunes ou bien elles sont associées à des lésions de la thyroïde ou à une carence en magné-sium observée notamment lors des intoxications alcooliques chroniques. |

CAROLE ÉMILE

Biologiste, CH de Montfermeil (93)

[email protected]

L’auteur n’a pas déclaré de conflit d’intérêts en lien avec cet article.

SourceCommunication de F.-C. Oddoze et M. Brazier, lors du 40e CNBH,

Angers, septembre 2011.

Référence1. National Kidney Foundation. K/DOQI Clinical Practice Guidelines for

Chronic Kidney Disease. Evaluation, Classification and Stratification.

Am J Kidney Dis. 2002;39 (2 Suppl):S1-S266.

2. Bilezikian JP, Khan AA, Potts JT Jr; Third International Workshop

on the Management of Asymptomatic Primary Hyperthyroidism.Gui-

delines for the management of asymptomatic primary hyperparathy-

roidism: summary statement from the third international workshop.

Clin Endocrinol Metab. 2009 Feb;94(2):335-9.