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Biologie médicale : la coopération en pratique N° 83 | Décembre 2014 www.jurisante.fr

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Biologie médicale :la coopérationen pratique

N° 83 | Décembre 2014

www.jurisante.fr

Hervé Tanguy

Manon Quillévéré

Stéphanie Ségui-Saulnier

Jean-Yves Copin

SOMMAIRE

La biologie à l’hôpital en mutations accélérées

Les mutations ne se décrètent pas, elles s’accompagnent

Un GCS certes, mais mutualisant ou restructurant ?

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Édito par leDr Frédéric Poujade

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Dossier

BIOLOGIE MÉDICALE : LA COOPÉRATION EN PRATIQUE

L’équipe du Centre de droit JuriSanté

Isabelle Génot-Pok

Brigitte de Lard-Huchet

Clothilde Poppe

Nadia Hassani

Petit vade-mecum de la création d’un GCS en mode projet

L’interview du Dr Philippe Aucher

GCS (de biologie médicale) et gestion du personnel : tout sauf la politique de l’autruche !

Les ristournes, à tout prix ?

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ÉDITO

La biologie médicale : initiation d’un mouvement d’ampleur préfigurant la future offre publique de santé

A l’instar des autres disciplines médico-techniques, la biologie médicale a été qualifiée de « centre de coût », de « service prestataire ou fournisseur » pour finir par être identifiée à travers le vocable de « logistique médicale ». Elle relève, depuis trois ans maintenant, le double défi de la restructuration massive et de l’obligation d’accréditation complète de ses activités et constitue un objectif d’efficience pour les directions hospitalières.

Quelle trajectoire de comète pour une des plus jeunes disciplines médicales initialement structurée en 1975… Il s’agit sans doute de la rançon d’une évolution fulgurante en matière d’automatisation, d’informatisation, de miniaturisation. Mais il n’est plus temps de regretter le passé au risque de disparaître au profit de structures étrangères dont la philosophie de production se rapproche de l’industrie pure et dure. La biologie hospitalière porte donc les quêtes d’économies pour les directions et les politiques de mutualisation prônées par les tutelles. Il suffit de parcourir le volet « biologie » de chaque SROS / PRS voire les SROS « biologie » individualisés pour s’en persuader. Pour aller plus loin, les ARS ont fait établir des cartographies de l’offre de biologie hospitalière pour passer du principe à la mise en pratique : les établissements ne sont plus libres d’engager des collaborations avec des partenaires de leur choix, au niveau d’échanges voulus mais doivent s’inscrire dans le schéma déterminé avec un taux de mutualisation d’au moins 30 % de l’activité de l’ensemble des partenaires. Ce taux n’est pas fixé au hasard mais parce qu’il engage irrémédiablement la restructuration. Au-delà d’un objectif d’efficience accrue pour cette discipline de logistique médicale, il s’agit bien de préfigurer les futurs groupements hospitaliers de territoire (GHT). Le scénario est aisément identifiable : débutant par les autres disciplines des « logistiques médicales » que sont la pharmacie et l’imagerie, se prolongeant par les réseaux thématiques ou de disciplines. Ces derniers apporteront une réponse partielle aux situations de pénurie médicale : pédiatrie, obstétrique, anesthésie.

Il est donc impossible de sortir de la nasse et le retour en arrière est illusoire : la dynamique engagée ira à son terme avec ou sans les acteurs de terrain, sans états d’âme. Il est donc indispensable de transformer cette contrainte en une opportunité et de savoir évoluer au risque de subir le sort des dinosaures. Il faut reconnaître que ce chantier est considérable : repenser la production en processus automatisés, massifier, partager des dispositifs que l’on n’a pas choisis, accepter un nomadisme des échantillons biologiques. Mais le défi le plus complexe à relever reste celui des ressources humaines : changer de lieu de travail, changer d’environnement humain, changer de pratiques, changer de hiérarchie ; en somme perdre tous ses repères et se poser des questions sur ce qui reste d’un métier jusqu’alors pratiqué. Effectivement, le métier de technicien, principal concerné par la nouvelle donne, a évolué rapidement au cours du temps mais pour le coup, peu d’éléments initiaux perdureront : le choc psychologique est fort. Il appartient donc aux managers biologistes de fixer des objectifs clairs et ambitieux à ces réorganisations pour entraîner leurs équipes à leur côté. Le dispositif d’accompagnement social, que ne manquent pas de déployer les ARS et les directions hospitalières, doit rester le dernier recours à un renoncement bien compréhensible ou à une impasse.

Dr Frédéric Poujade,

Directeur du secteur plateau médico-technique, CNEH

Directeur de la publicationAndré Lestienne

Rédacteur en chefHervé Tanguy

Coordinateur du numéroStéphanie Ségui-Saulnier

AssistanteNadia Hassani

CommunicationDelphine Draux, Julia Garbuzova,Pauline Josnin, Constance Mathieu

Comité de rédactionLydie Brecq-Coutant, Avocat, Expert auprès du Centre de Droit Jurisanté du CNEH ; Patrick Chiche, Directeur des affaires juridiques, CHU de Nice ; Lin Daubech, Directeur des affaires juridiques, CHU de Bordeaux ; Cécile de Boisset, Chargée d’administration, Centre départemental de repos et de soins de Colmar ; Robert Haas, Affaires juridiques, Fondation Hôpital Saint Joseph ; Eric Rossini, Directeur Général adjoint, Centre de lutte contre le cancer Paul-Strauss de Strasbourg ; Christian Vallar, Professeur, Doyen de la faculté de droit et science politique de Nice, Avocat au barreau de Nice ; Claudine Bergoignan-Esper, Professeur des Universités ; Hervé Tanguy, directeur d’hôpital.

ConceptionAgence WebpublicationTél. : 01 84 17 85 96

Coordonnées du CNEHCNEH - Centre de droit Jurisanté3, rue Danton - 92240 MalakoffTél.: 01 41 17 15 43Fax : 01 41 17 15 31

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L’ECHO ACTUALITÉS JURISANTÉ N° 83 - DECEMBRE 2014

ChristopheFeigueux

Consultant plateau médico-technique, CNEH

LA BIOLOGIE À L’HÔPITAL EN MUTATIONS ACCÉLÉRÉES

La biologie hospitalière porte, depuis dix ans maintenant, le qualificatif de centre de coût. Il est vrai qu’une analyse rapide voire simpliste du financement par la T2A pousse les directions et les tutelles à encourager la baisse du coût de production de l’unité d’œuvre par tous les moyens. La massification de la production par la mutualisation constitue une des réponses.

De fait, plusieurs facteurs nous poussent à nous interroger sur la coopération en biologie médicale : les contraintes médico-économiques, les mutations technologiques passées ou à venir, les incontournables réorganisations qui visent à maintenir le niveau d’excellence des laboratoires français en lien avec l’ordonnance du 13 janvier 2010 ratifiée par la loi du 30 mai 20131 et une démographie des biologistes médicaux jusque-là peu favorable.

Mais lorsque nous parlons de coopération, de quoi parlons-nous vraiment ? Quels sont les points clés pour préparer un projet de coopération ? Quels éclairages contextuels peuvent structurer un projet de coopération ?

Depuis plus de trente ans, la biologie médicale apparaît comme comme une discipline en évolution constante qui oc-cupe une place majeure en médecine et santé humaine. En appui des disciplines cliniques, la biologie et l’imagerie médi-cale constituent les fondamentaux2 de la prise en charge médicale, permettant de poser un diagnostic, de proposer une thérapeutique, de réaliser un suivi médi-cal et de santé publique. C’est également une discipline qui contribue fortement à la recherche et au développement des connaissances. Au cours des dernières années, le recours à la biologie médicale s’est accru avec un niveau d’exigence

1Ordonnance n° 2010-49 du 13 janvier 2010, loi n° 2013-442 du 30 mai 2013.2La biologie médicale est devenue un élément central du parcours de soins des patients, déterminant pour l’élaboration d’environ 60% des diagnostics (site www.sante.gouv.fr).

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toujours croissant. Nous savons égale-ment que cette demande ne s’infléchira pas au regard des besoins de santé pu-blique, du vieillissement de la population et des besoins liés aux maladies chro-niques.

Cependant cette discipline porte en elle une composante « industrielle » au sens où elle ne requiert pas nécessairement la présence physique du patient et que l’automatisation s’est imposée sur tous les pans de la biologie et sur toutes les disciplines. Ses prestations sont multiformes et les processus qui contribuent à la production de biologie médicale sont divisibles, donc plus facilement mutualisables.

Ces arguments n’ont pas échappé aux pouvoirs publics qui y voient un moyen de pression économique pour réguler les dépenses de santé liées à la biolo-gie médicale. Cette dynamique d’évo-lution est confortée par le jeu des in-vestisseurs nationaux et extranationaux dont les capacités en matière de pro-duction et d’investissement participent à la remise en question du modèle de « biologie à la française » pour un modèle plus capacitaire et plus industriel.

Se réorganiser et coopérer : les points clés

Tout projet de coopération en biologie médicale doit débuter par la définition de la nature et du périmètre de celle-ci. Cette phase initiale,

bien qu’évidente, n’est pas aussi simple qu’il y parait. Au cours de cette phase préalable au projet, il est nécessaire d’apporter des réponses à une série de questions, ce qui n’est jamais facile pour les acteurs. La prise de distance par rapport au projet est fondamentale. Un accompagnement par une société externe est fréquemment réalisé pour définir les modalités de coopération adaptées et choisir le vecteur juridique ad hoc. Qu’elle soit construite selon un mode organique ou conventionnelle, cette coopération pourra consister à :

» Sous-traiter, mutualiser les moyens nécessaires à l’activité de biologie médicale qui sera gérée par un ou des laboratoires partenaires ;

» Ou collaborer et restructurer l’activité de biologie médicale avec l’exploitation commune d’un laboratoire unique multi-sites.

Il convient dans un premier temps de mesurer tous les éléments impactant le projet de coopération, de s’interroger sur les nouvelles organisations à mettre en place et les activités de biologie médicale à mutualiser. Il est également indispensable de considérer les nouvelles technologies qui rendent possible le projet ou le soutiennent. Ensuite les questions suivantes, sans être exhaustives doivent être traitées : quelle partie de l’activité de biologie médicale pourrait être de nouveau internalisée ? Le laboratoire dispose-t-

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il de pôles d’excellence ? Quels sont les moyens, les équipements, les personnels, les compétences actuellement disponibles ? Quels sont les processus de production au sein du laboratoire ? Comment sont organisées les activités péri-analytiques (prélèvements, transports, accueil, prétraitement, suivi et rendu des résultats…) ? De quelles structures supports dispose-t-on ? Quel est le niveau d’informatisation du laboratoire ? Y-a-t-il un projet d’investissement vers un nouveau système de gestion de laboratoire ? Les infrastructures sont-elles cohérentes avec l’activité réalisée ? Y-a-t-il une structure en capacité d’accueillir l’activité de biologie médicale ?

Les besoins de la clientèle doivent être caractérisés rapidement afin de bâtir le projet sur des données réelles. Il faudra d’une part définir l’articulation du projet et l’activité du laboratoire avec les projets et les activités médicales des établissements membres, et d’autre part maintenir une interaction souple mais stable avec les pôles et tous les partenaires du laboratoire. Si le projet de coopération tend vers une structure organique, quelle sera la place des clients actuels dans le groupement constitué, son pilotage et sa gouvernance ?

Fondamentalement toutes ces décisions seront étayées par une étude médico-éco-nomique qui viendra renforcer le propos autour des incidences financières inhé-rentes à la coopération et donnera éga-

lement pour la suite du projet quelques pistes visant à inciter les personnels et futurs membres à coopérer.

Dès lors que ces questions ont été trai-tées, il convient assez rapidement de réflé-chir à l’organisation cible pour les équipes médicales et non médicales, quelles se-ront les responsabilités et les postes clés identifiés ? Comment sera désigné le bio-logiste responsable ? Quelles seront les instances de gouvernance et les instances de représentation des personnels ?

Envisager la réorganisation à la lumière de l’innovation et des équipements

Les progrès technologiques incessants en biologie médicale conduisent à adapter de plus en plus les prestations aux demandes des cliniciens (maintien d’un menu analytique étendu et adapté à la typologie des patients pris en charge, la fréquence de réalisation de ces paramètres et le délai de rendu des résultats lors de la prise en charge des para-mètres d’urgence). Dans de nombreux cas, un laboratoire isolé ne peut plus répondre à toutes ces exigences.

D’une demande de biologie médicale impli-cite s’appuyant sur des paramètres fiables, reproductibles, compilés, comparés si né-cessaire, rapidement disponibles et rendus en temps voulu, nous tendons progressive-

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ment vers une demande de biologie délibé-rément plus explicite. La réponse attendue doit être à la fois innovante et proposer au-tant que possible de nouveaux paramètres. Dans de nombreux cas, un laboratoire ne peut plus seul assurer la veille technologique, l’ac-tualisation des compétences techniques, les échanges scientifiques c’est-à-dire maintenir des activités de routine en même temps que de la recherche et de l’innovation.

L’intrication entre la biologie médicale et les autres intervenants de santé n’est plus à démontrer. En France, les textes concernant la biologie médicale dataient de 1975 : ils entraient en contradiction avec la règlementation européenne concernant la santé et ainsi que celle concernant les marchandises et le commerce. L’ordonnance du 13 janvier 2010 ratifiée redéfinit le principe de non marchandisation de la biologie médicale en la médicalisant et en la structurant autour d’une biologie de qualité prouvée.

S’emparer de l’accréditation des laboratoires comme un cadrage des réorganisations

Concernant la réorganisation et la coopé-ration en biologie médicale, les messages associés à l’ordonnance sont clairs : le la-boratoire de biologie médicale peut-être multi-sites en instaurant le principe d’uni-

cité, de direction unique, de pôle de bio-logie unique.L’accréditation des laboratoires constitue un paramètre pouvant contribuer à soutenir un projet de coopération en biologie médicale. Bien que la qualité ne soit pas une nouveauté3 dans ce domaine, le challenge à relever est de passer d’une dynamique assurance qualité à un système de management de la qualité. Nous ne reviendrons pas sur l’opportunité qui constitue en terme de management la mise en place de l’accréditation selon les normes ISO EN NF 15189 et 22870 mais dans tous les cas de figure le calendrier de déploiement reste inchangé pour l’ensemble des laboratoires nationaux : l’accréditation du laboratoire est obligatoire dès 2013 avec une montée en charge progressive pour que 100% des activités soient accréditées en 2020.

Toutes les exigences législatives, régle-mentaires et normatives opposables aux laboratoires de biologie médicale français peuvent constituer des freins si le labora-toire de biologie médicale ne dispose pas des ressources nécessaires à leur implan-tation. Elles peuvent aussi permettre, dans le cadre d’un projet de coopération, d’at-teindre des seuils critiques nécessaires ou justifier l’investissement et la mise en en œuvre d’un système de management de la qualité (mutualisation du pilotage, partage des équipements et des logiciels,

31979 : début du contrôle national de qualité, en 1992 et 1999 GBEA, etc.

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mutualisation des fonctions clés, etc). Pour certains laboratoires hospitaliers, il s’agira clairement de concentrer les activités afin d’assurer la permanence des soins 24h/24 et de s’associer afin d’obtenir l’accréditation pour l’ensemble des activités.

Lever l’ambigüité du coût de biologie médicale en valorisant le service rendu

Le calcul des coûts de la biologie hospitalière constitue une des difficultés du projet. Pour le patient hospitalisé, ils ne relèvent pas directement de l’assurance maladie et, de ce fait, ils n’ont jamais été valorisés au niveau national. En dehors de l’activité faite pour des clients externes ou lors de consultations, l‘activité de biologie ne génère pas de ressources directes pour l’hôpital. Elle n’est valorisée qu’à travers les charges et le suivi de l’activité (nombres d’actes et coefficient B/BHN). Pourtant, le laboratoire de biologie médicale contribue, par le service rendu, au diagnostic et au suivi des patients. Son positionnement et son activité permettent une optimisation du séjour et engagent la qualité de la prestation de soins.

La biologie médicale est présente tout au long du parcours de prise en charge des patients et cette organisation invisible, tant elle est intégrée dans les pratiques quotidiennes, constitue la base d’une relation client-fournisseur. Nous serions à même d’évaluer le service attendu, le service rendu à travers une écoute client et la caractérisation des besoins. Cette notion de qualité de prestation introduit en premier lieu un a priori négatif mais il permet dans un second temps d’objectiver et de suivre le service rendu tout en valorisant l’expertise développée par les biologistes en renforçant la place fondamentale du conseil, l’aide à l’interprétation et, dans de nombreux cas, la rapidité d’intervention.

Anticiper l’émergence de nouveaux métiers, de nouveaux besoins

En s’appuyant sur les trois éléments majeurs que constituaient la mise en demeure de l’ouverture du marché français de la biologie, les mutations technologiques et l’essor des technologies de communication et de transmission des informations, la profession de biologiste a évolué. D’une discipline scientifique à une spécialité médicale, le caractère médical du métier est scellé et le périmètre redéfini. Les biologistes médicaux sont impliqués dans le parcours de soins à travers l’aide

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à la prescription, la supervision de la juste prescription, le conseil et l’appui dans l’interprétation des résultats et lors de la mise en œuvre de traitement.

Avec la mise en œuvre de la norme ISO 15189, les relations vont tendre vers plus de forma-lisme, les compétences seront prouvées et valorisées. Les perspectives d’évolution des métiers associés à la biologie médicale sont à examiner à moyen et long terme avec la nécessité d’accompagner et de soutenir une offre de prestations qui ne sera plus la même qu’actuellement : évolution croissante des systèmes d’information, des bio-statistiques, de la métrologie, des disciplines émergentes (protéomique, génomique, génétique, méta-bonomique et métabolomique, axes médi-co-économiques et juridiques…).

En conclusion, la constitution d’une coopéra-tion en biologie médicale dans sa composante organique ou conventionnelle, ne marque pas le point de départ du projet, il constitue une des étapes. Les réorganisations en biologie médicale sont des enjeux forts, il convient de réfléchir et de trouver, pour donner du sens et favoriser l’adhésion des acteurs au projet, des éléments et des objectifs s’inscrivant dans les projets médicaux en cours, dans la dynamique des établissements d’appartenance et en rela-tion directe avec le service rendu aux patients grâce aux activités de biologie médicale.

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LES MUTATIONS NE SE DÉCRÈTENT PAS, ELLES S’ACCOMPAGNENT

La constitution d’une coopération dans le domaine de la biologie médicale s’appuie sur un ensemble de contraintes juridiques qui amène très souvent les établissements de santé à constituer de nouvelles structures, en l’occurrence des GCS.

Ces GCS constituent pour l’ensemble des acteurs concernés, un environnement inconnu, complexe et parfois plus difficile à maîtriser.

Le caractère évolutif et innovant de ces GCS ne peut être ignoré. C’est pourquoi, il est nécessaire de l’adosser à une vision claire et ambitieuse.

Lors de la création d’un GCS, de nouvelles composantes sont introduites et justifient pleinement de mener ce projet en y intégrant toutes les bonnes pratiques de conduite du changement (organisation et gestion de projet, démarches de résolution des problèmes complexes, analyse de la valeur, etc). Disposer d’une convention constitutive solide et s’appuyer sur un projet clair et défini en amont sont deux préalables mais se révèlent, en pratique, insuffisants pour conduire la coopération sur le long terme.

Deux éléments sont fondamentaux pour mener le changement : d’une part la maî-trise, la définition, l’affichage clair et le partage par les responsables du projet de ce qu’est ou sera la nouvelle organisation et des raisons qui l’obligent à évoluer ; d’autre part l’identification des principaux facteurs qui l’ont suscitée.

Sur le premier point, celui de « la per-ception de ce qu’est une organisation et des raisons qui l’obligent à évoluer », il est important de signaler que tous les laboratoires s’organisent pour se donner un cadre de référence cohérent, respec-tueux des bonnes pratiques et des re-commandations qui permet d’apporter un sens et une sécurité aux actions en-treprises et réalisées par ses acteurs.La création d’un GCS constitue une réor-ganisation. C’est souvent, pour le labora-toire, un choix subi. C’est pour répondre à des facteurs internes ou externes que le laboratoire doit adopter d’autres com-portements, adapter son cadre de réfé-rence ou encore modifier son processus d’organisation.

Sur le second point, celui de « la connais-sance des principaux facteurs qui peuvent

ChristopheFeigueuxConsultant plateau médico-technique, CNEH

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susciter un changement », plusieurs fac-teurs sont habituellement avancés pour jus-tifier l’initialisation d’un processus de chan-gement : les évolutions technologiques et culturelles, les adaptations stratégiques, la nécessité économique, les enjeux de pou-voir, l’adaptation à l’environnement et aux besoins.

Dans le cadre de la création d’un GCS, il faut souvent faire face à la combinaison de tous ces facteurs. La volonté d’obtenir des laboratoires de biologie médicale plus flexibles, adaptables aux besoins et aux évolutions et, de surcroît, compétitifs montre combien il est important de prendre en compte cette composante et d’en tenir compte dans la gestion des projets de restructuration des laboratoires de biologie médicale.

L’importance du management

Pour le chef de projet ou le responsable médical du GCS, trois dimensions sont à investir :

» La dimension symbolique ou le chef représente, à la fois, la référence, l’autorité, l’exemplarité, celui qui rassure et qui donne le cap.

» La dimension de leader pour impul-

ser la dynamique, mobiliser les ac-teurs, indiquer et maintenir le cap, garantir la cohérence du projet, prendre des décisions qui seront organisées et planifiées.

» La dimension d’interface puisque qu’il assurera l’ancrage et le lien avec l’environnement et maintien-dra le relationnel avec les services et les différents partenaires.

Pendant toute la période de mise en œuvre du projet, les éléments de communication et de suivi sont fondamentaux. Le chef de projet doit assurer le reporting des informations, veiller à la diffusion et à la compréhension des messages, rester en alerte, en veille, et en observation de tous les signes susceptibles d’indiquer un problème d’appropriation. Enfin, les rôles de régulation ne sont pas à sous-estimer tant ils conditionnent la réussite du projet. Il s’agit d’arbitrer, de réguler et d’entreprendre sur la base d’outils et de moyens adaptés.

La gestion des aspects émotionnels

Les modifications inéluctables dues à la créa-tion d’un GCS ont un impact psychologique fort sur les individus concernés.Ces modifications réduisent la connaissance sécurisante d’un milieu, d’un environnement,

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d’une situation, d’un état et augmentent, de fait, l’incertitude, la crainte, l’appréhension et l’aléa. Ces deux conséquences évoluent de manière inversement proportionnelle et provoquent souvent des réactions dites de « résistance ».

Pour faire face à cela, on cherchera à apporter le plus de réponses possibles sur la nécessité d’une gestion globale et coordonnée du changement, les résultats attendus, les objectifs à atteindre, les moyens à mobiliser (nouvelle structure, nouveau profil de poste…). Sans idéaliser, on veillera à ne pas éluder les éventuelles conséquences négatives. On se concentrera sur la réponse à apporter aux questions suivantes: pourquoi et pour quoi faut-il mettre en place ce GCS ?

Des croyances sont à combattre. Le chan-gement ne peut se faire instantanément et sans douleur. Il engendre inévitablement des perturbations. Il ne résout pas les an-ciens problèmes de l’organisation. Il faut sortir rapidement du « c’était mieux avant » afin de se préparer à traverser une pé-riode de doutes et d’incertitudes.

Les causes de la résistance au changement sont très diversifiées. En premier lieu, ces causes sont individuelles car le changement est générateur d’anxiété pour les individus. Rappelons que le changement est syno-

nyme de rupture, de remise en cause, qu’il contribue à la perte des points de repère antérieurs (architecturaux, temporels, com-portementaux, relationnels) et qu’il favorise les interrogations sur soi, son devenir, sa qualification. En second lieu et sans négli-ger les causes individuelles, il semble que les causes structurelles et conjoncturelles (conditions de travail, fonctionnement or-ganisationnel du laboratoire et climat au sein du laboratoire de biologie médicale), associées aux causes collectives, sont souvent sources des premières. Agir sur celles-ci est, de toute évidence, primordial.On entend par causes collectives les normes, les rites et stéréotypes qui s’érigent généralement en un système de valeurs. Elles déterminent pour les membres d’un groupe (formel ou informel), ce qui est bien ou non, ce qui est souhaitable ou non, aussi bien au niveau des attitudes que des com-portements, des avantages recherchés et des contraintes ressenties et combattues.Ces causes collectives favorisent le dé-veloppement de comportements corpora-tistes et catégoriels.Il est primordial d’identifier les systèmes de valeurs qui caractérisent les divers labora-toires à réunir afin de les intégrer et d’en te-nir compte dans le management du projet.

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Tout au long de la mise en œuvre du GCS, on s’attachera à actionner quatre leviers, étroitement imbriqués, combinables et in-terdépendants que sont le management, la structure, les systèmes et la culture.

Dans le cadre de la conduite d’un processus de changement, le levier management doit être actionné en priorité car il constitue le démarrage du projet et influence fortement son succès. Ce levier fait référence au mode et à la stratégie de gestion des hommes par l’équipe d’encadrement au sens large.

La structure définit la manière dont les res-sources d’un laboratoire sont organisées. Elle précise le cadre dans lequel se situe chaque ressource (ressources humaines, équipements…) de même que les rela-tions existantes entre chaque niveau de la structure et le rôle de chacun au sein de la structure. En définitive, il s’agit de défi-nir les organigrammes de fonctionnement du GCS et les fonctions associées. Dans le cadre de la constitution d’un GCS de biologie médicale (laboratoire multisites), les problématiques d’interfaces risquent d’être particulièrement importantes entre les différentes directions d’un établisse-ment de santé (services économiques et

achats, affaires financières, logistiques, travaux, système d’information…). Une attention toute particulière doit être ap-portée pour définir en amont qui fera quoi et dans quelles conditions.

La réactivité d’un GCS de biologie médicale est fondamentale pour faire face à son environnement. Le changement de structure doit être accompagné parallèlement d’une évolution des systèmes dont l’objectif sera de soutenir et converger vers l’organisation définie au sein de la nouvelle entité. Les systèmes définissent la manière dont les flux circulent formellement ou informellement dans la structure. Cette réactivité est très dépendante des processus qui seront mis en place et qui vont influencer directement les prises de décision, la fluidité de l’organisation et la capacité de mobilisation de tous les acteurs concernés. Dans le cadre de la création d’un GCS de biologie médicale, les systèmes plus particulièrement concernés sont le processus de gouvernance (pilotage et suivi, préparation et prise des décisions), les processus financiers et administratifs (facturation, allocation des ressources, de dépenses, pilotage médico-économique…), les processus de production (gestion des

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stocks, gestion des différents secteurs d’activités du GCS), les processus de gestion des ressources humaines (recrutement, formation, information, communication, évaluation, responsabilisation, délégation, etc).

La culture d’un laboratoire de biologie médicale change lentement et ne se décrète pas. La structure nouvellement constituée changera beaucoup plus sous l’effet des actions quotidiennes, que sous celui des décisions prises ponctuellement par les dirigeants ou des efforts de formation entrepris. Ces aspects culturels sont trop souvent négligés. Ils sont à l’origine de nombreux échecs de processus de changement. Un des points essentiels, déjà abordés, est la clarté du projet et les ambitions définies par le(s) responsable(s) du GCS. Ces ambitions fixeront dès le début du projet, les objectifs à atteindre à court et moyen terme et permettront de maintenir tout au long du projet la mobilisation des acteurs. Un processus de changement prenant du temps, il importe de communiquer sur des résultats tangibles à intervalles réguliers afin de maintenir un fort degré de mobilisation.

Conclusion

Dans le cadre d’un projet de restructuration de laboratoires de biologie médicale, il convient de communiquer régulièrement et de manière organisée afin de favoriser l’implication. Il s’agit là d’un prérequis indispensable à la bonne conduite du projet et de son devenir.

Aussi, lors de la création d’un GCS, le choix d’une équipe projet, pluridisciplinaire et motivée disposant d’aptitude et de compétences à gérer le processus de changement sur toute sa durée, est déterminant.

Il faudra donc s’assurer de sa disponibilité et de sa capacité de travail en groupe, de son degré de maîtrise de la culture de management de projet et, surtout, de deux notions essentielles et solides que sont la capacité d’animation et de négociation.

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StéphanieSégui-Saulnier

Juriste consultante, Centre de droit JuriSanté, CNEH

Un GCS certes, mais mutualisant ou restructurant ?

Avec la réforme sur la biologie médicale (ordonnance n° 2010-49 du 13 janvier 2010 ratifiée par la loi n° 2013-442 du 30 mai 2013 relative à la biologie médicale), le GCS est devenu l’un des modes d’exploitation des laboratoires de biologie médicale mutualisés entre établissements publics et privés de santé.

Et, de ce fait, les GCS de biologie médi-cale se sont multipliés.

Pour autant, sur le terrain, ces GCS re-couvrent des réalités bien différentes tant ils correspondent, en pratique, à des ni-veaux plus ou moins intégrés et aboutis de coopération, au regard du champ de celle-ci. C’est ainsi que l’on peut distin-guer le GCS de biologie médicale dit « mutualisant » du GCS de biologie médi-cale dit « restructurant » qui recouvrent, pour chacun d’entre eux, de nombreux sous-ensembles possibles.

Concernant ces GCS, les documents constitutifs supports, convention constitutive et règlement intérieur, s’attacheront à définir précisément, au travers de l’objet du groupement, le niveau de la coopération. Mais là

où le jeu de la coopération pourra être faussé c’est lorsque certaines habiletés rédactionnelles laisseront à penser que les partenaires restructurent leur activité de biologie alors qu’ils n’en font rien. En d’autres termes, tout change sur le papier mais rien ne change dans les faits ! Et la coopération ne génère pas réellement d’économies !

Alors, comment décrypter la réalité d’un GCS de biologie médicale ?

A chacun de ces GCS ses spécificités qu’il convient de caractériser …

Le GCS de biologie médicale «mutualisant»

Ce type de GCS consiste en une mise en commun des moyens nécessaires à la mise en œuvre de l’activité de biologie médicale.

Cette mise en commun des moyens peut porter, selon les projets, sur les équipements (ex : analyseurs, autoclaves, équipements pré-analytiques…), les compétences humaines (ex : dans le cadre d’une mise à disposition, partage d’une secrétaire, de techniciens de laboratoire, de biologistes), les systèmes d’information (ex : acquisition commune d’un logiciel), le système qualité (ex: travail commun sur les procédures qualité facilité par le

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partage d’un temps de qualiticien)... Bref, le champ de la mutualisation peut être particulièrement vaste.

Mais, in fine, chacun des partenaires conserve en propre son activité de biologie médicale et produit son « B ». Un laboratoire est maintenu sur chaque site. Seuls certains des moyens nécessaires au fonctionnement du laboratoire de biologie médicale de chacun des membres sont partagés.

Selon le champ de la mutualisation généré par le GCS, les économies seront plus ou moins importantes et il existera un intérêt financier à coopérer plus ou moins grand. Tout au plus, ce type de GCS aura le mérite, pour les partenaires, de donner un gage à l’Agence régionale de santé concernant leur volonté de coopérer dans le domaine de la biologie médicale.

Le GCS de biologie médicale « restructurant »

Le GCS exploite l’activité de biologie médicale c’est-à-dire qu’il produit directement le « B ». Un laboratoire unique et commun est mis en place. Il fonctionne sur la base d’une centralisation de l’activité et des moyens des membres, même s’il peut être implanté sur différents sites pour garantir une biologie d’urgence.

Il s’agit d’une restructuration complète de l’activité de biologie médicale. Cette restructuration aboutit à une externalisa-tion de l’activité de biologie médicale des membres auprès du GCS, ces derniers re-nonçant en propre à leur activité.

D’expérience, plusieurs configurations semblent possibles :

» Un laboratoire unique multi-sites, avec une redistribution des activi-tés de biologie médicale entre les membres, peut être constitué.

Il existe un seul laboratoire mais celui-ci est réparti sur plusieurs sites. L’intérêt est d’une part d’assurer, sur site, une biologie d’urgence pour les membres qui seraient dotés d’un service d’urgence ou encore d’une unité de gynécologie-obstétrique ; d’autre part de redéployer l’activité de biologie médicale par site et par activité de biologie médicale pour limiter les investissements en équipements à réaliser.

Ce type de laboratoire permet de procéder à des économies du fait notamment du partage de certains personnels et équipements. Néan-moins, force est de constater que la nécessité de maintenir une biolo-gie de proximité réduit le potentiel

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d’économies, car il faut maintenir sur chacun de ces sites un mini-mum d’équipements et d’agents.

» Un laboratoire unique monosite peut être mis en place.

Il est créé un seul laboratoire localisé sur un site. Ce laboratoire assure l’intégralité de l’activité de biologie médicale de ses membres, à l’exception des analyses de biologie médicale spécialisées habituellement transférées à des laboratoires spécialisés.

Ce type de laboratoire reste exceptionnel. Il s’agit même d’une hypothèse d’école dans la mesure où il n’est pas rare que l’activité de l’un des membres justifie la mise en place, sur son site, d’une biologie d’urgence dont il faut assurer la prise en charge dans les plus brefs délais.

Pour autant, et de toute évidence, ce type de laboratoire garantit une extrême rentabilité du B produit, dans la mesure où équipements et personnels sont centralisés et partagés au niveau du laboratoire unique monosite.

En toute hypothèse, la question du niveau de restructuration de l’activité de biologie médicale n’est pas simple. Il n’existe pas UN schéma de GCS de biologie médicale « restructurant » que l’on pourrait modéliser, mais DES schémas. Tout dépend des organisations, des distances entre les sites des partenaires et des sources d’économies potentielles ; tout est donc question de projet, de contexte et d’enjeux.

En conclusion…

Le GCS de biologie médicale peut correspondre à une coopération plus ou moins aboutie. Un GCS de biologie médicale « mutualisant » peut constituer le temps 1 de la coopération et s’analyser comme un préalable (indispensable ?) avant l’engagement des partenaires dans une restructuration plus

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BIOLOGIE MÉDICALE :LA COOPÉRATION

EN PRATIQUE

DOSSIER

complète de leur activité. Ce temps 1 peut être laissé aux équipes de terrain pour se connaître et lancer un travail commun ; il peut être opportun tant les coopérations «restructurantes» modifient les conditions et habitudes de travail des agents. Il peut limiter, dans leur portée, les résistances au changement.

Mais à l’heure où les établissements doivent compter et rendre des comptes aux agences régionales de santé, ce temps 1 est peut être révolu. Car, il faut aujourd’hui penser ou plutôt repenser les organisations et la manière de travailler en établissement de santé. Le domaine de la biologie médicale n’y échappe pas.

Aussi, la mise en place d’un GCS de biologie médicale est de toute évidence l’occasion de procéder à une mise à plat, dont l’objectif principal doit être de produire une activité de biologie médicale de qualité et cela à un moindre coût. L’on perçoit bien ici la principale difficulté pour mener à bien ces projets et la raison profonde du peu d’ambition pour ne pas dire la mollesse de certains d’entre eux.

Alors, demeure une question : pourquoi freiner encore et toujours le changement des organisations pour un résultat auquel l’on aboutira inexorablement dans un temps 2 ?

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PETIT VADE-MECUM DE LA CRÉATION D’UN GCS EN MODE PROJET

Coopérer implique très souvent de renoncer à la gestion en interne d’une activité. L’activité est alors externalisée auprès d’une personne morale nouvelle qui se superpose à celle des partenaires et l’exploite pour leur compte.

La coopération dans le domaine de la biologie médicale, avec la multiplication des GCS, en est la parfaite utilisation.

Le pilotage de ces projets de GCS de biologie médicale est en pratique loin d’être simple.

De multiples questions se posent : la pertinence du projet au regard de l’existant au niveau du territoire, les besoins, les enjeux, les impacts financiers, sociaux, organisationnels …

Et les résistances au changement peuvent être particulièrement tenaces. Tous les pré-textes sont parfois bons pour faire échouer un projet : nouvelle organisation de l’ac-

tivité de biologie médicale, définition de nouveaux processus, changement des lieux et des conditions de travail des agents du laboratoire, désignation d’un nouveau biologiste responsable, change-ment du logiciel informatique, inadapta-tion des textes juridiques, modification de la nomenclature comptable… La liste est particulièrement longue.

Chaque acteur du projet (représentants de l’agence régionale de santé, chefs d’établissement, directeurs des affaires financières, président de la commission médicale d’établissement, biologistes, techniciens de laboratoire, syndicats…) aura son mot à dire et ses intérêts particu-liers à défendre.

D’expérience, un temps incompressible doit donc être laissé aux partenaires et aux acteurs pour répondre à ces questions incontournables. Car, ces questions permettent de « maturer » le projet de GCS et d’en mesurer la viabilité dans toutes ses composantes, stratégique, financière, sociale, juridique.

Voici un florilège de ces questions liminaires incontournables pour vous éclairer dans le pilotage de vos projets.

Isabelle Bouscaud

Consultante finances, CNEH

ChristopheFeigueuxConsultant plateau médico- technique, CNEH

StéphanieSégui-SaulnierJuriste consultante, Centre de droit JuriSanté, CNEH

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BIOLOGIE MÉDICALE :LA COOPÉRATION

EN PRATIQUE

DOSSIER

AU PLAN STRATÉGIQUE

Les objectifs sont multiples :- Définir et fixer clairement l’objectif de la coopération - Fixer les grandes lignes des moyens à mettre en œuvre- Montrer ce que l’on a à gagner à s’engager dans ce processus de coopération

Quelles organisations et quelles activités de biologie médi-cale seront mutualisées ? Quelles sont les nouvelles tech-nologies (équipements, logistiques, système d’informa-tion…) qui pourraient permettre ou soutenir ce projet ?Quelles sont les activités d’excellence des potentiels membres du GCS ? Dans le cadre des projets médicaux, quelles activités pourraient être développées ou quelle partie de l’activité de biologie médicale pourrait être internalisée de nouveau ?

AU PLAN ORGANISATIONNEL

Les objectifs sont d’une part de comprendre les enjeux de pouvoir afin de réorienter les relations et d’assurer la cohérence et la cohésion des futurs membres au projet ; d’autre part de faire participer efficacement tous les acteurs au processus de création du GCS.

Quels sont les moyens, les équipements, les personnels, les compétences actuellement disponibles ? Quels sont les processus de production au sein des divers sites du laboratoire ?Comment sont organisées les activités péri-analytiques (prélèvements, transports, accueil, prétraitement, suivi et rendu des résultats…) ?Quelles sont les structures supports déjà opérationnelles ? Quel est le niveau d’informatisation du laboratoire ? Y-a-t-il un projet d’investissement vers un nouveau système de gestion de laboratoire ? Les infrastructures sont-elles cohérentes avec l’activité réalisée ?Y-a-t-il une structure en capacité d’accueillir l’activité de biologie médicale ?

Dans tous les cas, il est nécessaire de planifier une étape de benchmarking et une analyse stratégique concurrentielle afin de faciliter la phase d’élaboration de solutions.

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AU PLAN FINANCIER

L’objectif est de sécuriser le montage financier.

A quel coût les appels de fonds du GCS vers les membres sont-ils calculés ?- Sur la base du coût du B réel N-1 ?- Sur la base du coût du B budgété de l’année N ?

A quel rythme le GCS effectue-t-il ses appels de fonds auprès des membres ?

A quel rythme le GCS réalise-t-il les régularisations entre le montant des appels de fonds des membres et la contribu-tion réelle des membres aux dépenses du GCS ?

A quel rythme les membres facturent-ils au GCS le montant des mises à disposition (matériels, personnels) ?

Concernant les investissements, le GCS achète-il en propre ?

Si oui, et s’il contracte un emprunt, quid de la sortie anticipée d’un membre ? Quid de sa contribution au remboursement d’emprunt, qui lui, continue à courir ?

AU PLAN JURIDIQUE

Les objectifs sont d’une part de sécuriser les relations entre les partenaires ; d’autre part de formaliser, au plan du droit, les rapports de force.

Quel sera l’objet exact du GCS de biologie médicale ?- Sera-t-il de mutualiser les moyens nécessaires à la mise en œuvre de l’activité de biologie médicale de chacun des membres (mise en commun des compétences, des équipements, de l’organisation du travail, de la qualité, du système d’information) ?- Sera-t-il de restructurer l’offre de biologie médicale grâce à la mise en place d’un laboratoire unique, le cas échéant, multi-sites ?

Les membres auront-ils tous le même degré d’implication dans le GCS de biologie médicale ?- Les membres seront-ils « producteurs » de B ?- Les membres seront-ils « consommateurs » de B ?

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BIOLOGIE MÉDICALE :LA COOPÉRATION

EN PRATIQUE

DOSSIER

Faudra-t-il doter le GCS d’un capital ?Selon quelles modalités le GCS sera-t-il financé ?

Comment répartir les droits statutaires entre les membres ? - Sur la base de quels critères ?- Quel en sera l’impact sur le partage du pouvoir ?

Quel sera le dispositif de gouvernance à mettre en place pour tenir compte de la spécificité de la coopération et traduire les rapports de force ?- Quelles seront les instances ? - Comment les membres y seront-ils représentés ?- Quelles seront les règles de vote ?

Selon quelles modalités juridiques les personnels interviendront-ils au sein du GCS de biologie médicale ?- Quel sera le cadre juridique ?- Qui exercera l’autorité fonctionnelle sur les agents exer-çant au sein du GCS de biologie médicale ?- Qui exercera l’autorité hiérarchique sur les agents exerçant au sein du GCS de biologie médicale ?- Comment le biologiste responsable du laboratoire de biologie médicale géré par le GCS sera-t-il désigné ?

Quelle sera l’articulation entre la convention constitutive et le règlement intérieur ?- Que mettra-t-on exactement respectivement dans ces documents ? - Jusqu’où aller ?- Quelles seront les formalités juridiques à respecter ?

Quels seront les impacts de la constitution du GCS de biologie médicale sur l’organisation interne des membres ?- Faudra-t-il envisager un nouveau redécoupage polaire ?- Comment les relations entre le chef de pôle et les agents mis à disposition du GCS seront-elles gérées ?- Quel sera le sort de chacun des biologistes jusqu’alors biologistes responsables du laboratoire ?

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INTERVIEW

Interview du Docteur Philippe Aucher, biologiste responsable du « GCS de Saintonge - Laboratoire inter-hospitalier »

Rappel de quelques éléments de contexte

Le « GCS de Saintonge - Laboratoire inter-hospitalier » est né de la fusion des laboratoires de biologie médicale des centres hospitaliers de Saint-Jean-d’Angely, Saintes et Royan en avril 2006. Il couvre la majeure partie des activités de biologie médicale hospitalière du territoire sanitaire du sud et de l’est du département de la Charente-Maritime.

Le GCS de Saintonge en chiffres (2013)

» Plus de 34 millions de B » 800 dossiers/jour » Coût selon plan comptable (M9)

B = 0,2132 € » 8 biologistes » 38 techniciens de laboratoire

médical et 1,5 cadre de santé » 6 secrétaires médicales » 3 agents techniques et logistiques » Deux lignes d’astreinte opérationelle

24h/24h et 7j/7j dont une mutualisée » Une consultation externe par site

hospitalier » Accréditation Cofrac pour la Recherche

des légionelles (Norme EN 17 025) - En attente de la réponse du Cofrac pour la biologie médicale (Norme EN 15189)

Propos recueillis parChristophe FeigueuxConsultant plateau médico-technique, CNEH

ST JEAN D’ANGÉLY SAINTES ROYAN

» Hormonologie » Sérologie bactérienne

virale et parasitaire » Marqueurs spécifiques

(tumoraux et diabètes) » Contrôle de

l’environnement

» Hémostase spécialisée » Toxicologie /

Médicaments » Microbiologie spécialisée

(biologie moléculaire et identification bactérienne)

» Hématologie spécialisée (cytométrie de flux)

» Auto-immunité » Protéines

spécifiques

Chaque site du laboratoire de biologie médicale comporte un plateau technique lui permettant de réaliser des examens de biologie médicale en biochimie, toxicologie, médicaments, hématologie, hémostase, microbiologie et immunologie. L’activité technique spécialisée est répartie comme suit :

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BIOLOGIE MÉDICALE :LA COOPÉRATION

EN PRATIQUE

DOSSIER

C.Feigueux : Qu’est-ce qui a guidé la constitution du « GCS de Saintonge - Laboratoire inter hospitalier » ?

Dr P. Aucher : Une coopération déjà ancienne - La création de notre groupement a fait suite à un partenariat déjà noué entre les hôpitaux du territoire de santé du sud et de l’est du département de la Charente-Maritime.

Pour la biologie médicale, il existait un contexte particulier où le centre hospitalier de Saintes sous-traitait son activité de biologie médicale à un laboratoire privé. Aussi, à l’occasion de la construction d’un hôpital neuf à Saintes, la direction et la commission médicale d’établissement ont fait le choix de créer leur propre laboratoire ; elles ont alors proposé au laboratoire du Centre hospitalier voisin, le centre hospitalier de Saint-Jean-d’Angély, d’élaborer ce projet et de le mettre en œuvre.

Une vision commune et partagée du laboratoire de biologie médicale - Le concept élaboré par les différents biologistes a été d’emblée de construire un laboratoire inter-hospitalier multi-sites, très unifié sur le plan fonctionnel, avec pour objectif une prise en charge des actes de biologie médicale coordonnée et graduée.

Cette vocation inter-hospitalière, pensée sur de multiples aspects (ressources

humaines, suivi des dépenses et des re-cettes, investissements, système d’in-formation), a eu des impacts forts. Elle a rapidement conduit les directions des deux établissements à rechercher la for-mule juridique la mieux adaptée, en l’oc-currence celle du GCS. Pourquoi ? Car, le GCS était l’outil de coopération qui répondait le mieux aux exigences formu-lées d’amélioration et de développement de l’activité de biologie médicale mais également de gestion, et cela tout en fa-vorisant les interventions communes des professionnels y exerçant.

Une nécessité de procéder à des investissements - En 2008, l’un des premiers investissements importants, réalisé par le GCS, a été le renouvellement du système d’information du laboratoire de biologie médicale.

Les biologistes des hôpitaux du terri-toire, associés à d’autres laboratoires hospitaliers non membres du «GCS de Saintonge - Laboratoire inter-hospita-lier», ont souhaité alors faire un appel d’offres commun.

Suite à cette démarche, le Centre hospitalier de Royan a adhéré au GCS de Saintonge nouvellement constitué, ce qui a porté à trois le nombre des membres.

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C.F : D’après vous, et au regard de votre expérience, quels sont les facteurs clés de succès pour qu’un projet de GCS de biologie médicale aboutisse ?

Dr P.A : A mon sens, le facteur détermi-nant est la grande détermination et mo-tivation des biologistes.

Par leur engagement indéfectible, les biologistes vont résoudre progressive-ment les multiples tracas quotidiens ré-sultant d’une coopération intégrée. Ils vont peser sur la cohérence du projet biologique stratégique (qui fait ? quoi ? où ? comment ?). Ils vont donner confiance à l’ensemble des acteurs (techniciens, praticiens, administration) pour que ces derniers se lancent dans un projet par-ticulièrement complexe au départ où se confrontent des injonctions contradic-toires telles qu’elles résultent des lo-giques d’établissement et de la coopé-ration.

C.F : Quels ont été les temps forts de ce projet ?

Dr P.A : Les temps forts sont nombreux. Le premier qui me vient à l’esprit est celui de l’assemblée générale constitutive où nous avons validé le règlement intérieur et le projet biologique stratégique du GCS.

L’ensemble des acteurs était réuni ; des accords de fonctionnement ont été trouvés et formalisés. L’idée initiale prenait enfin corps.

L’adhésion d’un nouveau membre est aussi très intense. Ce fut le cas lorsque le laboratoire de l’hôpital de Royan nous a rejoint.

La gestion des personnels, sous toutes ses formes, constitue des moments importants. Il en a été ainsi des recrutements de personnel sous couvert du GCS - je pense tout particulièrement à la création du poste de qualiticien et ses conséquences particulièrement significatives dans l’amélioration de notre marche vers l’accréditation. De même, l’évolution de carrière de certains de nos techniciens ou secrétaires vers de nouveaux métiers (informatique, assistante de gestion, technicien bio-hygiéniste) a été une étape importante. Enfin, notre dynamique de groupe a permis d’attirer des jeunes biologistes de très bonne qualité et de recevoir prochainement des internes.

C.F : Quelles ont été les avancées notables ?

Dr P.A : De toute évidence, le GCS de biologie médicale a permis d’améliorer, au bénéfice de nos prescripteurs et de nos patients, le niveau de la prestation clinico-biologique.

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BIOLOGIE MÉDICALE :LA COOPÉRATION

EN PRATIQUE

DOSSIER

Des activités de biologie plus spécialisées, en même temps que le maintien d’une activité polyvalente de qualité, ont contribué à développer l’intérêt de l’ensemble du personnel et à renforcer son niveau de qualification.

C.F : En pratique, quelle répartition des rôles et des responsabilités entre l’administrateur du GCS et le biologiste responsable du laboratoire ?

Dr P.A : L’administrateurIl s’appuie sur une équipe de direc-teurs adjoints, qui ont reçu une délé-gation de signature totale ou partielle. La mise en place de processus supports uniques - comme par exemple la création d’une cellule économique et financière -permet à cette équipe de travailler trans-versalement avec les différents centres hospitaliers membres du GCS. Ce prin-cipe d’unité se retrouve aussi au niveau de la qualité et du système d’information.

Le biologiste responsable du laboratoire de biologie médicaleIl a un rôle de chef de pôle, mais avec une dimension inter-hospitalière et exclusivement réservée à son domaine de compétence. Il s’appuie sur des responsables de site, eux-mêmes responsables de structure interne dans leur établissement de rattachement, ainsi que sur des biologistes référents

par spécialité (biochimie, hématologie,

hémostase, microbiologie…).

Le lien entre administrateur et biologiste coordonnateur se fait surtout par l’intermé-diaire du suivi économique et financier et du management de la qualité.

C.F : Quelles ont été les difficultés rencontrées ?

Dr P.A : Le plus difficile pour les équipes médicales est de tendre vers une harmoni-sation pour ce qui concerne les pratiques (ex : harmonisation de la validation biolo-gique pendant la permanence des soins), le choix des matériels (ex : chimie sèche versus chimie liquide) ou encore les fonc-tionnements logistiques (ex : transport sous-traité versus transport interne).

Il est particulièrement complexe de gérer les attentes du personnel dans l’organisa-tion d’une structure nouvelle et le redé-ploiement des activités.

Principalement pour le biologiste respon-sable du laboratoire de biologie médicale, la discussion a été délicate, parfois même tendue, avec la direction et le personnel non médical afin de trouver un consensus entre les différents sites hospitaliers au-tour de la gestion du temps de travail. A noter que, contre toute attente, cette ges-

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tion du temps de travail divergeait d’un établissement à l’autre.

C.F : Quelles parades avez-vous pu trouver ?

Dr P.A : Il faut se laisser le temps et ne pas brusquer. La place du projet straté-gique écrit pour une durée de 5 ans est fondamentale.

Au-delà d’une bonne diplomatie vis-à-vis des acteurs transversaux, il faut dans le temps conserver la confiance de l’un envers l’autre.

C.F : Sept ans après la mise en œuvre de ce GCS, quel bilan en dressez-vous ?

Dr P.A : Le bilan est positif sur de nombreux points. Actuellement, nous sommes en passe de proposer aux patients et aux prescripteurs hospitaliers un examen de biologie médicale hospitalier d’une qualité équivalente sur l’ensemble du territoire de santé. Cette harmonisation est renforcée par un travail au quotidien concernant notre démarche qualité laquelle est axée sur la compatibilité des systèmes

organisationnels et des processus. J’ai la conviction forte, qu’au bout de sept ans, une culture commune a réellement émergé.

Par ailleurs, malgré les contraintes budgétaires fortes au sein de nos établissements respectifs, et grâce à notre capacité d’investissement et d’optimisation de nos ressources, nous pouvons sans trop d’inquiétude maintenir nos sites de proximité. Ainsi, pour chaque site notre activité s’est consolidée au cours de ces sept années, du fait de l’augmentation de l’activité externe des patients consultant à l’hôpital et du développement de nouveaux secteurs (ce qui nous a permis de diminuer le recours aux sous-traitants) et enfin du fait du renforcement des liens avec le secteur médico-social. Le GCS de biologie médicale nous permet d’avoir un positionnement stratégique dans l’activité de biologie médicale publique au sein du territoire de santé, ceci dans un contexte concurrentiel et de recomposition très forte du secteur privé, suite à la loi HPST et à la réforme de la biologie médicale.

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BIOLOGIE MÉDICALE :LA COOPÉRATION

EN PRATIQUE

DOSSIER

C.F : Quelles sont vos perspectives ?

Dr P.A : En 2014, le « GCS de Saintonge - Laboratoire inter-hospitalier » va sûrement conforter sa position territoriale dans le cadre de la mise en place prochaine d’une communauté hospitalière de territoire (CHT).

Cette orientation prise par les établis-sements hospitaliers sera l’occasion de renforcer la place de la biologie médicale dans le cadre d’une réflexion médicale globale de territoire. Plusieurs thèmes se-ront probablement abordés comme évi-demment l’accréditation des laboratoires, le renforcement des pôles de compétence avec le développement de nouvelles ap-proches technologiques (ex : biologie moléculaire, cytométrie de flux, spectro-métrie de masse), le renforcement du lien clinico-biologique au travers des filières médicales de la CHT.

Dans nos échanges autour de la mise en œuvre de la CHT, le GCS de biologie mé-dicale ne semble plus une singularité anec-dotique, d’autres spécialités l’évoquent. La CHT amènera-t-elle une extension du GCS à d’autres spécialités ? Favorisera-t-elle la création d’autres GCS centrés sur une spé-cialité ? Je vous propose de faire le point dans quelques mois.

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GCS (DE BIOLOGIE MÉDICALE) ET GESTION DU PERSONNEL : TOUT SAUF LA POLITIQUE DE L’AUTRUCHE !

Dans un contexte de raréfaction des ressources financières, la mutualisation des moyens est sans cesse recherchée par les pouvoirs publics et/ou les établissements de santé. Pour mutualiser leurs moyens, les établissements coopèrent en utilisant différents outils juridiques, et notamment le groupement de coopération sanitaire (GCS), en particulier dans le cadre d’une coopération en biologie médicale.

Si les enjeux juridiques autour de la constitution d’un GCS sont traités (rédaction de la convention constitutive, apports financiers des membres du groupement …), la question sociale est quant à elle peu traitée. Pourtant elle est essentielle tant elle peut constituer un point de blocage voire d’échec d’une coopération. Parce que la création d’un GCS bouscule l’existant, il convient d’anticiper et d’accompagner les changements induits.

Le GCS bouscule l’existant

La constitution d’un GCS est, par nature, susceptible de modifier les conditions de

travail des personnels concernés. Au sein de l’entité juridique créée vont cohabiter des agents aux statuts différents. S’ajoute à cela un quotidien bouleversé.

Les « statuts » en torsion

Qu’il soit de moyens ou érigé en établis-sement de santé, qu’il soit public ou pri-vé, le GCS constitue une entité juridique au sein de laquelle des personnels vont exercer leurs fonctions. Leur statut est varié : d’une part suivant la nature juridique du GCS (public ou privé), d’autre part suivant la qualité de l’agent (salarié, fonctionnaire ou contractuel de droit public). Mais avant tout, il convient de distinguer selon que le GCS est ou n’est pas employeur.

Si le GCS est employeur

Lorsque le GCS constitué est de droit public, les personnels employés sont soit des agents titulaires détachés soit des agents contractuels de droit public recrutés par le GCS1.

ManonQuillévéré

Juriste consultante, Centre de droit JuriSanté, CNEH

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BIOLOGIE MÉDICALE :LA COOPÉRATION

EN PRATIQUE

DOSSIER

Lorsque le GCS constitué est de droit privé, les personnels sont alors des salariés de droit privé relevant du code du travail.

Si le GCS n’est pas employeur

Lorsque l’établissement d’origine est de droit public une mise à disposition est utilisée. La mise à disposition est la situation du fonctionnaire qui demeure dans son corps d’origine, est réputé occuper son emploi, continue à percevoir la rémunération correspondante, mais qui exerce ses fonctions hors du service où il a vocation à servir2. Ceci est possible tant pour les agents titulaires que pour les contractuels s’ils sont employés pour une durée indéterminée3.

1Dans ce dernier cas, s’appliquent alors les dispositions issues du décret n° 91-155 du 6 février 1991 modifié relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière2Art. 48, alinéa 1 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique.3L’article 31-1 du décret n° 91-155 du 6 février 1991 modifié relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière dispose « I. L’agent contractuel employé pour une durée indéterminée peut être, avec son accord, mis à disposition. (…) ». 4En application de l’article L. 8246-1 du code du travail, toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’œuvre est interdite. A l’inverse, le prêt de main-d’œuvre à but non lucratif est autorisé (lorsque l’organisme d’origine ne facture à l’organisme d’accueil, pendant la mise à disposition, que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de la mise à dispositions).

Lorsque l’établissement d’origine est de droit privé s’applique le prêt de main d’œuvre prévu aux articles L. 8241-1 et L. 8241-2 du code du travail. Les opérations de prêt de main d’œuvre nécessitent la signature d’une convention entre les organismes d’accueil et d’origine et l’accord du salarié matérialisé par la signature d’un avenant au contrat précisant le travail confié dans l’organisme utilisateur (le GCS), les horaires et le lieu d’exécution du travail ainsi que les caractéristiques du poste du travail4.

L’ECHO ACTUALITÉS JURISANTÉ N° 83 - DECEMBRE 2014

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Prérogatives envisagées (exemples)

Statut de l’agent « Employeur » compétent

Prise de décision par rapport aux congés annuels, aux congés de maladie inférieurs à 12 mois et aux congés pour accident ou maladie imputable au service

Mis à disposition du GCSGCS (sauf si l’agent mis à disposition exerce ses fonctions au sein du GCS pour une quotité de temps inférieur à 50%)Employé par le GCS

Fixation des conditions de travailMis à disposition du GCS

GCSEmployé par le GCS

Indemnisation des frais et sujétions éventuels auxquels l’agent s’expose dans l’exercice de ses fonctions

Mis à disposition du GCSGCS

Employé par le GCS

Elaboration d’un plan de formationMis à disposition du GCS

GCSEmployé par le GCS

Prise de décision par rapport aux congés de maladie supérieurs à 12 mois, aux congés de maternité, d’adoption, aux congés pour validation des acquis d’expérience, aux congés de présence parentale (…)

Mis à disposition du GCS Etablissement d’origine

Employé par le GCS GCS

Prise de décision par rapport à l’aménagement du temps de travail

Mis à disposition du GCS Etablissement d’origine

Employé par le GCS GCS

Prise en charge de la rémunération, indemnité forfaitaire relative au congé de formation

Mis à disposition du GCS Etablissement d’origine

Employé par le GCS GCS

Exercice du pouvoir disciplinaireMis à disposition du GCS Etablissement d’origine

Employé par le GCS GCS

Tenue du dossier administratifMis à disposition du GCS Etablissement d’origine

Employé par le GCS GCS

Les prérogatives du GCS varient en fonction de la situation de l’intéressé.

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BIOLOGIE MÉDICALE :LA COOPÉRATION

EN PRATIQUE

DOSSIER

Le quotidien en tension

Avec la création d’un GCS, au sein d’une même structure, des agents aux statuts dif-férents vont donc cohabiter. En découlent des risques d’iniquité et de tension dans le management. C’est le quotidien des agents qui peut s’en trouver bouleversé. Dans un GCS de biologie médicale par exemple, l’im-pact en termes de gestion des ressources humaines est particulièrement important : alors qu’il existait initialement plusieurs la-boratoires de biologie médicale, un labora-toire unique en principe subsiste, en l’occur-rence celui exploité par le GCS, même si, très souvent, ce laboratoire est multi-sites.

Les changements induits par la mise en place d’un laboratoire unique sont multiples pour les agents qui y exercent tant dans leurs quotidiens professionnel qu’extra-professionnel.

» S’agissant des impacts sur leur quotidien professionnel : nouveau biologiste responsable du labora-toire, nouveaux collègues de tra-vail, changement des équipements et outils de travail…

» S’agissant des impacts sur leur quo-tidien extra-professionnel : temps de trajet possiblement augmenté, orga-nisation de la vie familiale modifiée en conséquence…

Des changements anticipés et accompagnés

La cohabitation d’agents aux statuts différents et les changements induits par la mise en place d’un GCS sont de possibles sources de blocage. Si ces éléments ne sont pas anticipés en amont de la création du GCS, c’est toute l’organisation de la structure de coopération qui peut faire l’objet de résistances jusqu’à remettre en cause le projet. Cette dimension du projet de constitution d’un GCS doit donc être anticipée et accompagnée afin que se dégage une « communauté d’intérêts ».

La transparence en amont

Lorsque le GCS est à l’état de projet, la question de la future gestion des ressources humaines doit être abordée avec un maître mot : la transparence. En effet, les éléments contextuels et opérationnels liés à la création du GCS doivent être portés à la connaissance des agents concernés. Ainsi, une dynamique de « vouloir travailler ensemble » peut être dégagée.

Cela concerne très principalement les fu-turs personnels fonctionnaires qui seront mis à disposition. L’article 48, alinéa 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière précise, « elle (la mise à disposition) ne peut avoir lieu qu’avec l’accord du fonctionnaire et doit être

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prévue par une convention conclue entre l’administration et l’organisme d’accueil... »

Afin d’obtenir un consentement « libre et éclairé » du fonctionnaire sur sa mise à dis-position, il est opportun de détailler avec précisions la convention conclue entre l’éta-blissement d’origine et le GCS. Celle-ci doit définir la nature des activités exercées par le fonctionnaire, ses conditions d’emploi, les modalités du contrôle et d’évaluation de ses activités. Elle doit être soumise pour avis à l’agent intéressé.

Une situation particulière doit toutefois être mise en exergue : la mise à disposition de plein droit. En effet, l’article 48 précédemment cité précise en son alinéa 3 que par dérogation, « en cas de transfert ou de regroupement d’activité impliquant plusieurs établissements mentionnés à l’article 2 (de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986), les fonctionnaires et agents concernés sont mis à disposition du ou des établissements assurant la poursuite de ces activités sur décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination ... » Autrement dit, l’accord de l’agent n’est ici pas légalement requis. Cependant, la nécessité de transparence doit demeurer.Quelle que soit la situation de l’agent concerné par la mise en place du GCS, ce dernier doit être associé au projet, à ses objectifs, au processus de réalisation et, surtout, être tenu informé des impacts sur sa situation individuelle. Les agents concernés doivent donc participer au

processus de création du GCS (tenue de réunions d’information, constitution de comités ad hoc…).

Solliciter les agents en amont, c’est possiblement désamorcer les craintes liées au changement, réduire l’anxiété et amorcer la création d’une « communauté d’intérêts » entre eux. Parce que la création d’un GCS est source de changement pour les personnels, parce que le changement crispe, il doit être annoncé, préparé puis accompagné.

L’accompagnement en aval

Un tel accompagnement sous-entend du personnel encadrant à l’écoute des futurs agents du GCS. Pour cela, le choix de l’administrateur du GCS est crucial. A cet égard la désignation d’un administrateur « préfigurateur » peut être intéressante. Le personnel fait face à des bouleverse-ments dans l’organisation du travail. A ce titre, les demandes doivent être écoutées et entendues.

Par exemple, en cas de problème d’adaptation lié à l’utilisation de nouveaux équipements, les étapes suivantes peuvent être mises en œuvre :

» Elaborer un plan de formation qui sera soumis aux établissements d’origine s’agissant des agents mis à disposition ;

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BIOLOGIE MÉDICALE :LA COOPÉRATION

EN PRATIQUE

DOSSIER

» Accorder directement des temps de formation s’agissant des agents di-rectement employés.

Autre exemple, la présence d’agents aux statuts différents oblige au dialogue. Il est indispensable d’expliquer aux agents les différences liées à chaque statut, leurs avantages et inconvénients. C’est ce dialogue qui permettra de faire naître une « communauté d’intérêts » et un désir de vouloir « travailler » ensemble.

De plus, au niveau des changements de conditions de travail, la saisine du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) peut permettre de pré-venir une situation conflictuelle. Même dans l’hypothèse où un CHSCT propre au GCS n’est pas obligatoire, il convient de sensibiliser les comités des établisse-

ments membres sur les problématiques liées aux conditions de travail au sein du GCS.

Force est d’admettre que la question sociale est, en cette matière, essentielle. Il s’agit même d’une des clés de réussite d’un GCS. Sa création induit des changements sur la situation des personnels qui y exercent. En découle une possible résistance au changement. La négliger (volontairement ou involontairement) peut conduire à l’échec du GCS. Ainsi, la gestion des ressources humaines doit être au cœur des débats. Si la question sociale est traitée de manière résiduelle, la résistance des agents ne sera que plus grande et le projet alors plus aléatoire encore !

EN AMONT

- Solliciterles agents

- Expliquer les objectifs du GCS aux agents

- Écouter leurs éventuelles revendications et y apporter des réponses

- Faire des agents devrais acteurs du GCS

- Création d’une “communauté d’intérêt”

- Création d’un désir de “vouloir travailler ensemble”

EN AVALEN FINAL

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StéphanieSégui-Saulnier

Juriste consultante, Centre de droit JuriSanté, CNEH

Les ristournes, à tout prix ?

Ordonnance du 13 janvier 2013 relative à la biologie médicale : un laboratoire de biologie médicale doit désormais facturer les examens de biologie médicale qu’il réalise au tarif de la nomenclature des actes de biologie médicale en vigueur1. Les ristournes sont par principe interdites2. D’ailleurs, le non-respect de cette obligation constitue une infraction soumise à sanction administrative.

Les ristournes, qui auraient été consenties par des laboratoires de biologie médicale

dans le cadre de contrats de collaboration ou d’accords ou de conventions passés avec des établissements publics ou privés avant la publication de l’ordonnance du 13 janvier 2010, doivent cesser d’être versées au plus tard le 1er novembre 2013. A compter de l’ordonnance, le terme de ristourne disparaît complètement des textes3.

Pourtant, dès la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour l’année 2012, des dérogations au principe d’interdiction des ristournes sont introduites, de manière totalement déguisée4. C’est ainsi que son article 58-I mentionne : « Sous réserve des accords ou conventions susceptibles d’être passés avec des régimes ou des

1Ordonnance n° 2010-49 du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale2L’ancien article L. 6211-6 du code de la santé publique prévoyait la mise en place de ristourne à titre exceptionnel et pour des hypothèses particulières. Ainsi, il prévoyait : « Sous réserve des accords ou conventions susceptibles d’être passés avec des régimes ou des organismes d’assurance maladie ou des établissements de santé publics ou privés et des contrats de collaboration mentionnés à l’article L. 6211-5, les personnes physiques et les sociétés et organismes qui exploitent un laboratoire d’analyses de biologie médicale ne peuvent consentir à des tiers, sous quelque forme que ce soit, des ristournes pour les analyses ou examens dont ils sont chargés. Ils ne peuvent passer un accord ou une convention accordant à un tiers la totalité ou une quote-part des revenus provenant de l’activité du laboratoire d’analyses de biologie médicale. »3Pour autant, parce que ce terme est communément utilisé dans la pratique, il sera repris dans la totalité de l’article.4Cf art. 58-I de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale

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organismes d’assurance maladie ou des établissements de santé ou des groupements de coopération sanitaire mentionnés à l’article L. 6133-1 et sous réserve des contrats de coopération mentionnés à l’article L. 6112-6, les examens de biologie médicale sont facturés au tarif de la nomenclature des actes de biologie médicale prise en application des articles L. 162-1-7 et L. 162-1-7-1 du code de la sécurité sociale ».

Enfin, la loi n° 2013-442 du 30 mai 2013 portant réforme de la biologie médicale et ratifiant l’ordonnance du 13 janvier 2013 précise les hypothèses de dérogation au principe d’interdiction des ristournes.

Mais qu’en est-il exactement au terme de ces évolutions législatives ? Peut-on, en établissement public de santé, pratiquer ces fameuses ristournes « déguisées » et selon quelles modalités ? Existe-t-il des risques particuliers ?

Rappel du texte

Désormais, l’article L. 6211-21 du code de la santé publique énonce que, sous réserve des coopérations dans le domaine de la biologie médicale menées entre les établissements de santé dans le cadre de conventions, de groupement de coopération sanitaire (GCS) ou de

communauté hospitalière de territoire (CHT) et sous réserve de contrats de coopération mentionnés à l’article L. 6212-6 du code de la santé publique, les examens de biologie médicale sont facturés au tarif des actes de biologie médicale fixé en application des articles L. 162-1-7 et L. 162-1-7-1 du code de la sécurité sociale.

Il semblerait donc qu’il y ait aujourd’hui la possibilité de déroger à l’interdiction des ristournes dans le cadre d’actions de coopération entre établissements de santé ou dans le cadre d’un contrat de coopération. Les actions de coopération entre établissements de santé concernées sont clairement ciblées : il s’agit des conventions, des GCS et des CHT.

Quelle application de ce énième texte sur les ristournes en établissement public de santé ?

Pour mémoire, l’on distingue traditionnellement la coopération conventionnelle de la coopération organique. La coopération conventionnelle consiste en la signature d’un contrat qui lie les parties. Elle est un outil de coopération simple et souple qui ne nécessite pas la création d’une personne morale nouvelle. Le tableau ci-dessous dresse un synoptique des modes et structures de coopération pour un établissement public de santé dans

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FORME DE COOPÉRATION COOPÉRATION CONVENTIONNELLE COOPÉRATION ORGANIQUE

CARACTÉRISTIQUES Pas de personnalité morale Personnalité morale

Pas de budget Budget

Pas de personnel en propre Possibilité de recruter en propre du personnel

Pas de patrimoine Possibilité de disposer d’un patrimoine propre

Pas d’autorisation Possibilité de disposer en propre d’une autorisation

VECTEURS JURIDIQUES DE COOPÉRATION POUR L’ACTIVITÉ DE BIOLOGIE MÉDICALE

Convention

GCS de moyensCHT

Contrat de coopération

le domaine de la biologie médicale.Revenons à l’application sur le terrain de ce énième texte sur les ristournes, et commençons par l’hypothèse la plus simple : celle de la constitution d’un GCS de biologie médicale.

Et oui, le GCS est bien, en droit, la solution la plus simple ou plutôt la solution juridiquement la plus sûre pour permettre de pratiquer un coût du B à un tarif inférieur à la nomenclature en vigueur. Mais attention, il ne s’agit pas là d’une ristourne. Le GCS, en tant que structure de coopération organique, mutualise l’activité de biologie médicale pour le compte de

ses membres et en partage ainsi les coûts de fonctionnement. Il ne fonctionne pas par contrat à caractère onéreux. Il ne facture pas les actes de biologie médicale à ses membres ; lesdits actes sont financés par les contributions aux charges de fonctionnement du groupement. Ainsi, du fait de la mutualisation de l’activité et des coûts de fonctionnement, le prix de revient du B peut être inférieur au tarif de la nomenclature en vigueur, cela en toute légalité et sans qu’il soit utile de le prévoir par un texte spécifique. On l’aura compris, l’article L. 6211-21 du code de la santé publique, dans sa nouvelle rédaction, n’est pas particulièrement novateur pour

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EN PRATIQUE

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ce qui concerne le GCS ; l’on peut même affirmer qu’il est inutile !

Par contre, si l’on examine l’article L. 6211-21 du code de la santé publique pour ce qui concerne la coopération conventionnelle, le débat est tout autre. Le texte semblerait même laisser une ouverture et encore…

En effet, dans l’hypothèse d’une coopération entre établissements publics de santé formalisée par convention (convention simple ou convention de CHT), l’enjeu est de pouvoir facturer les actes de biologie médicale à un tarif inférieur à la nomenclature en vigueur.

Il faut rappeler, qu’en pratique, ces conventions ont très souvent pour objet exclusif de donner une base légale à la réalisation par un établissement public de santé d’actes de biologie médicale pour le compte d’un autre. Dans ce cas précis, l’article L. 6211-21 du code de la santé publique peut laisser penser qu’une ristourne, appelée par certains aujourd’hui remise, pourrait être appliquée sur le tarif de la nomenclature en vigueur.

Cela n’est pourtant pas si simple. Car, la passation de telles conventions appelle, au plan du droit, de multiples interrogations :

» S’agit-il réellement d’une coopération justifiant que l’on

puisse se prévaloir des dispositions de l’article L. 6211-21 du code de la santé publique ? Il n’est pas rare que ces conventions ne soient assorties d’aucune mise en commun de moyens et ne reposent sur aucune réciprocité, l’un des établissements publics de santé partenaire étant dépourvu de laboratoire de biologie médicale. Sort-on alors de la qualification juridique de la convention de coopération ? Le débat est lancé !

» La convention, qui aurait pour seul objet la réalisation d’actes de biologie médicale au profit d’un établissement public de santé contre le paiement d’un prix, ne risque-t-elle pas d’être requalifiée de marché public ?

N’oublions pas que toute convention qui se traduit par l’établissement d’une relation client-fournisseur, à caractère onéreux, et qui serait passé entre un établissement public de santé et un partenaire pour que ce dernier assure sa biologie médicale constituerait un marché public auquel s’imposeraient les principes et les procédures de l’achat public.

Pour mémoire, les « marchés publics sont les contrats conclus à titre onéreux entre les pouvoirs

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adjudicateurs définis à l’article 2 (dont les établissements publics de santé) et des opérateurs économiques publics ou privés, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services » (art. 1er du code des marchés publics). Or, selon le droit national sous l’influence du droit communautaire, la nature médicale des actes de biologie n’implique pas de régime dérogatoire ; il s’agit bien d’une prestation de service imposant le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence.

Concernant le prix des prestations réalisées, le conseil d’Etat a, dans un arrêt du 7 mai 2013, indiqué : « Considérant qu’aux termes de l’article L. 6211-21 du code de la santé publique, sous réserve des accords ou conventions susceptibles d’être passés avec des régimes ou des organismes d’assurance maladie ou des établissements de santé ou des groupements de coopération sanitaire (…) les examens de biologie médicale sont facturés au tarif de la nomenclature des

actes de biologie médicale prise en application des articles L. 162-1-7 et L. 162-1-7-1 du code de la sécurité sociale ; qu’il résulte de ces dispositions qu’en dehors des exceptions prévues par le code de la santé publique, la facturation des examens de biologie médicale ne sont susceptibles de donner lieu à aucune forme de remise de la part des entités en assurant l’exécution ; que, dès lors, lorsqu’un pouvoir adjudicateur organise une mise en concurrence afin d’attribuer un marché de prestations d’analyse médicale, le critère du prix des prestations prévues par la nomenclature des actes de biologie médicale est dépourvu de toute pertinence pour départager les offres. »5

» Ne contrevient-on pas clairement au droit de la concurrence en re-connaissant la possibilité de prati-quer des ristournes pour les coo-pérations de nature conventionnelle qui seraient passées entre établis-sements de santé à l’exclusion de celles qui pourraient être assurées par des laboratoires de biologie mé-dicale privés de ville par exemple ?

5Cf CE, 7 mai 2013, n° 364833.

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Par conséquent, coopération conventionnelle et ristournes ne paraissent pas ou du moins très peu compatibles. Le risque associé à la passation d’une convention, dans le domaine de la biologie médicale, est trop élevé pour s’engager dans cette forme de coopération. Le tableau ci-dessous procède à un recensement des différentes voies juridiques offertes en la matière.

DISPOSITIF JURIDIQUE

CONVENTION DE COOPÉRATION

GROUPEMENT DE COOPÉRATION

SANITAIRE

MARCHÉS PUBLICS

Quels sont les fondements juridiques ?

Dispositions du code de la santé publique

Dispositions du code de la santé publique

Droit communautaire

Peut-on procéder à une ristourne ?

Oui, car une dérogation au tarif de la nomenclature en vigueur est prévue par l’article L. 6211-21 du code de la santé publique

Hors champ d’application des ristournes, car un GCS de biologie médicale mutualise une activité et des coûts de fonctionnement. De ce fait, il pratique un coût du B à un tarif inférieur à celui de la nomenclature en vigueur

Code des marchés publics

Quels sont les risques ?

Risque de requalification de la convention en marché public

Aucun Non, car le tarif de la nomenclature en vigueur s’applique cf CE, 7 mai 2013, n° 364833

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En conclusion…

La coopération conventionnelle, en ma-tière de biologie médicale, reste de toute évidence frappée d’insécurité juridique. Car, il existe une dualité forte des logiques coopérative et concurrentielle telle que ces logiques résultent respectivement du code de la santé publique et du droit de la commande publique.

Aussi, est-il nécessaire pour sécuriser les coopérations de biologie médicale, de constituer des GCS, et cela malgré la lour-deur qu’un tel montage peut représenter.

Dans ce contexte, l’on peut légitimement s’interroger sur la pertinence d’avoir réin-troduit, même de manière déguisée, le dis-positif des ristournes, sauf à amender une nouvelle fois le droit interne.

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