bouddhisme et migration : la reconstitution d'une paroisse
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MINISTERE DE LA CULTURE
CONSEIL DU PATRIMOINE ETHNOLOGIQUE
INTITULE DE LA RECHERCHE:
BOUDDHISME ET MIGRATION
"LA RECONSTITUTION D'UNE PAROISSE
BOUDDHISTE LAO EN BANLIEUE PARISIENNE / /
RAPPORT FINAL
CATHERINE CHQRON-BAIX
JANVIER 1986
1
Introduction
L'année 1975 marque/ pour les trois pays de l'ancienne
Indochine française/ le Vietnam/ le Cambodge/ le Laos/ l'installation
d'un nouvel ordre politique. Les bouleversements économiques/
sociaux et culturels qui l'accompagnent sont suivis du vaste exode
de plus de trois millions de personnes (1)/ dont 700 000 furent
prises en charge par l'UNHCR à leur entrée dans les principaux
pays d'asile temporaire/ la Thaïlande, la Malaisie, Hong Kong/
Singapour, l'Indonésie.
La France/ dont la présence dans cette région du monde s'est
prolongée pendant un siècle/ commence/ en mai 1975, à accorder
l'asile politique aux ressortissants de ces trois pays/ et devient
rapidement le troisième pays d'accueil/ après les Etats-Unis (2),
et la Chine (3) avec 80 400 personnes au 31 août 1981.
(1) chiffres UNHCR, cités par Georges CONDOMINAS et R. POTTIER/ dans Les réfugiés originaires de l'Asie du Sud Est. Arrière-olan historique et culturel. Les motivations de départ. Rapport au Président de la République. La Documentation Française. Collection des rapports officiels. Paris 1901. p. 48 (2) au 31 août 1981 : 555 000 réfugiés d'Asie du Sud Est (3) à la même date : 262 500.
2
Cette vague migratoire/ composée pour 26,17% de réfugiés
de nationalité vietnamienne, 36,34% de nationalité cambodgienne,
36,85% de nationalité laotienne, (1) présente une grande diversité
ethnique, reflet du caractère de mosaïque du peuplement de
l'Asie du Sud-est continentale.
Au-delà de la nationalité déclarée, on distingue en effet parmi
ces réfugiés des personnes d'origine chinoise, des Xhmers, des
Vietnamiens (ou Kinh), des Lao, des Hmong, des Yao, des Nung,
des Khmou.
Ainsi, ceux que l'on nomme commodément "les réfugiés indochinois"
appartiennent en fait à des cultures différentes qui, si elles
participent toutes d'une même grande aire géographique, n'en
présentent pas moins des traits spécifiques. La langue, la religion,
l'histoire, varient considérablement d'un groupe à l'autre et
influent largement sur les modes d'insertion dans la société
d'accueil. Les capacités d'organisation de chaque groupe dépendent
pour une bonne part de son mode de fonctionnement et de sa place
dans la société d'origine.
Les réfugiés d'origine chinoise, déjà en situation migratoire
dans les pays de la péninsule indochinoise, et traditionnellement
spécialisés dans le commerce, retrouvent ici le même type d'activi
tés .
Les Vietnamiens bénéficient d'une communauté déjà implantée en
France, qui peut, au moins partiellement, encadrer les nouveaux
venus.
(1) Chiffres du Ministère de l'Intérieur. 1981.
3
Les Khmers ou les Lao, peu représentés jusqu'alors dans notre
pays/ et n'ayant jamais connu dans leur histoire de mouvement
migratoire aussi massif vers l'Occident, doivent/ quant à eux,
trouver des stratégies d'enracinement qui leur sont propres.
Ce sont ces différentes spécificités qui entraînent vite,
dès les premières années de l'installation, une certaine tendance
au regroupement ethnique et la mise en place d'une organisation
interne à chaque communauté.
Des "quartiers" chinois se constituent à Paris, par exemple, dans
les 13è, 18è et 20è arrondissements, mais on voit aussi se former,
dans les banlieues des grandes villes, de petites communautés
khmères ou lao ou vietnamiennes.
A l'intérieur de chaque groupe ethnique se développent des réseaux
de relations propres ; une entraide économique prend le relais
des institutions d'accueil, des liens affectifs et sociaux s'appu
yant sur la párentele ou le voisinage se tissent, des commerces
et des entreprises asiatiques se créent. Une vie associative,
enfin, permet la réactualisation d'activités artistiques, ou
artisanales et cherche à préserver les cultures d'origine.
Les pratiques religieuses tiennent souvent une place primordiale
dans ces initiatives de regroupement. Des lieux de culte khmers,
lao, vietnamiens, chinois s'installent un peu partout en France,
et surtout en région parisienne. C'est à l'un d'eux qu'est
consacrée la présente recherche.
4
Problématique
Ce travail prolonge une observation entamée en 1978
auprès de la population lao réfugiée en France. Celle-ci concernait
différents aspects de l'insertion des réfugiés dans la société
française.
En particulier, l'étude d'un groupe de mo_lam, (m£ = "maîtres",
lam = chant), (1) musiciens et chanteurs du Laos du Sud, qui
perpétuent en France leur tradition artistique, avait permis de
révéler certains des changements en cours dans leur mode de vie,
à travers leur expression littéraire. (2)
Les résultats de ces travaux avaient aussi mis en évidence
l'importance des valeurs bouddhiques dans la culture lao.
Il devenait indispensable, face à la création de monastères
lao dans différents lieux, de prendre en compte la dimension
religieuse dans la vie des réfugiés.
Les travaux ethnologiques menés sur le Bouddhisme lao
montrent en effet le rôle prédominant du vat, la pagode, (3), dans
la société traditionnelle. Ils révèlent la priorité accordée à
la création d'un monastère par toute agglomération nouvellement
constituée qui, par lui, s'affirme en tant que groupe social
organisé.
(1) Le lam est un genre musical et littéraire très populaire au Laos. Interprété sous la forme de chants alternés, et accompagné au khène, orgue-à-bouche en bambou, par des bardes, amateurs ou professionnels, qui se répondent des heures durant, il anime, dans la société rurale, tous les rassemblements festifs.
(2) cf Catherine CHORON-BAIX : Mo lam du Sud Laos réfugiés en France Thèse de doctorat de 3ème cycle. E.H.E.S.S. Paris 1983.
(3) le terme "pagode" désigne en réalité un temple chinois. Il est pourtant utilisé aussi pour le lieu de culte des bouddhistes dans la péninsule indochinoise. Je me conforme ici à cet usage commode.
5
On peut penser que la transposition d'une telle institution, la
pagode, dans la société industrielle française/ est au coeur
d'une sociabilité lao en train de se reconstruire.
Il est probable/ également/ que celle-ci nécessite des aménagements
pour être compatible avec le milieu nouveau.
Cette recherche se propose de vérifier ces deux hypothèses,
en étudiant/ avec les méthodes de l'observation participante,
l'une des pagodes reconstituées en France.
Elle vise, d'une part/ à définir la paroisse bouddhiste qui
se forme autour du monastère, afin de montrer les mécanismes du
regroupement des réfugiés en milieu urbain français.
Elle analyse/ d'autre part/ les éléments de continuité et
de rupture qui caractérisent aujourd'hui les pratiques religieuses
des Lao en exil/ en observant les activités redevenues possibles
au sein du vat.
Ce second axe de la recherche doit alors entraîner une réflexion
sur la place du facteur religieux dans l'insertion de cette
population en France.
Pour répondre à ces objectifs/ les méthodes d'enquête
doivent être souples, consistant en une investigation continue,
à l'intérieur du vat lui-même, mais aussi à l'extérieur, suivant
les trajectoires des fidèles lao.
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Méthodologie
Profitant d'un ancrage déjà ancien dans des communautés de la
région parisienne/ je fus introduite auprès des responsables du
comité de soutien de l'une des deux pagodes lao installées autour
de la capitale, celle de Villiers-le-3el, dans le Val d'Oise.
Bien accueillie par ce comité, j'ai pu en étudier les statuts,
et m'entretenir avec ses membres fondateurs.
Participant, depuis 1981, aux grandes célébrations bouddhiques,
j'ai commencé, en 1983, à me rendre régulièrement à la pagode
hors des grandes dates du calendrier bouddhique, afin de la voir
fonctionner dans son quotidien. J'y rencontrais les responsables
religieux et laïcs, et participais aux activités qui s'y déroulaient
L'analyse du flux incessant de fidèles, les entretiens avec
certains, et les relations développées à l'extérieur de la pagode,
dans les familles, m'ont permis de comprendre la nature des
pratiques religieuses et les motivations des bouddhistes lao.
Le temps passé auprès des bonzes fut bien entendu très important.
Les interrogeant interminablement sur leur rôle au vat, sur
leurs sentiments quant à l'évolution de leur charge en France,
j'ai pu, surtout, les observer dans l'exercice de leurs fonctions.
Témoin discret lorsqu'ils recevaient leurs fidèles, j'ai assisté
aussi à l'accomplissement de certains rites.
Suivant leurs conseils, j'ai dû faire un travail de documentation
sur le Bouddhisme "savant", par la lecture d'ouvrages, fort
nombreux, consacrés à l'enseignement du Bouddha, ou sur le
Bouddhisme populaire lao. (1)
(1) voir la bibliographie sur le sujet à la fin du rapport.
7
Ces différentes informations purent enfin être confrontées aux
observations faites, à deux reprises, en 1983 et 1984, dans la
société d'origine, grâce à deux séjours dans le Nord Est de la
Thaïlande, peuplé de Lao. (1)
Ces divgrs matériaux, ensuite brassés, permettent
aujourd'hui de dresser un premier bilan de la religion lao
réorganisée dans l'exil.
Celui-ci n'est qu'une étape d'une recherche qui devra se
poursuivre dans une perspective plus large et comparative.
Le rapport qui suit est le fruit d'un travail d'une année et
demie, dont l'enquête fut interrompue plusieurs fois, par suite
de longues absences des bonzes constituant le sangha, la communauté
monastique, de Villiers-le-Bel. (2)
Dans ce laps de temps, pourtant, des choses ont changé ;
certains bonzes ont quitté le monastère, des fidèles assidus ont
déménagé, d'autres sont apparus, obligeant à adapter les outils
et méthodes d'enquête à ces revirements. Ceux-ci attestent
l'extrême labilité d'une population immigrée de fraîche date en
France, dans une situation souvent encore précaire, installée, en
outre, en milieu urbain et suburbain.
Pour totalement cerner les processus du regroupement religieux
de ces exilés, il est sûr qu'il faut les appréhender dans une
perspective à long terme, englobant les comportements des jeunes
Lao de la seconde génération.
(l)Les berges du Mékong, qui fait la frontière entre la Thaïlande et le Laos, sont peuplées de part et d'autre de populations lao. Les Lao Isan (Lao de l'Est) qui vivent sur la rive thaïlandaise du fleuve sont d'ailleurs six fois plus nombreux que ceux de la rive Laotienne.
(2) le chef de la pagode est parti plusieurs mois en Australie, et un autre bonze, quant à lui, a séjourné plusieurs mois au Népal
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Il faut pouvoir aussi confronter des matériaux plus amplement
recueillis/ ce qui n'a pu être effectué ici/ pour des questions
de "stratégie méthodologique" ; comme nous le verrons plus tard/
les deux pagodes lao de la région parisienne entretiennent des
relations de rivalité qui m'ont empêchée d'en faire une observation
conjointe. Je risquais en effet un rejet de part et d'autre, et
j'ai préféré m'assurer une insertion sans heurt dans l'une d'elles,
sachant que les processus observables là étaient/ de toute façon/
totalement pertinents pour la compréhension du phénomène étudié.
Néanmoins, il est nécessaire qu'à l'avenir, ce travail de
comparaison entre différentes paroisses bouddhistes lao, en France,
mais aussi dans d'autres pays d'accueil, (aux Etats-Unis, en
Australie, au Canada), soit accompli. Lui seul doit permettre de
dégager des traits permanents sur les modalités d'intégration
des exilés d'Asie du Sud Est dans les sociétés occidentales, et
sur la place et l'évolution qu'y connaît le Bouddhisme.
Pour l'heure, ce qui est présenté ici doit être compris comme
un ensemble de tendances remarquables dans les comportements
religieux des Lao en France. Celles-ci révèlent la prégnance des
valeurs bouddhiques dans la vie individuelle et collective des
réfugiés. La prise en compte de cette dimension était tout à fait
essentielle pour une meilleure connaissance des modes d'insertion
de cette population méconnue de la majorité des Français.
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Je tiens à remercier le Conseil du patrimoine Ethnologique/ au
Ministère de la Culture/ de m'avoir donné la possibilité de mener
cette recherche/ et d'en présenter ici les résultats.
Je veux aussi exprimer ma gratitude à tous les Lao qui ont bien
voulu n'accorder leur temps et leur confiance et ont toujours
réservé à mon travail un accueil très favorable : les bonzes de
Villiers-le-Bel/ les membres du Comité de soutien du Bouddhisme
et d'Action Socio-culturelle Lao (C.S.B.C.)/ les fidèles de la
pagode/ rencontrés régulièrement ou plus fortuitement/ les amis
lao enfin/ que je côtoie depuis maintenant de longues années.
La première partie du document qui suit est une présentation
de la vague migratoire lao dans notre pays. Après avoir brièvement
retracé l'histoire de la fuite du Laos/ elle rappelle les principales
caractéristiques de l'intégration des Lao en France ; implantation
géographique/ insertion économique/ réseaux de relations internes
au groupe ethnique/ y sont tout à tour évoqués.
Suit une analyse de la place des valeurs religieuses dans la
vie des réfugiés. La manière dont ils interprètent/ à la lumière
des principes bouddhistes/ leur situation actuelle d'exilés/ est
tout particulièrement à retenir/ dans la mesure où elle explique/
pour une bonne part/ leur volonté de regroupement autour de la
pagode. Les diverses tentatives/ les obstacles et les échecs y
sont abordés, et introduisent l'étude du monastère du Val d'Oise,
le vat Velouvanaram.
10
Dans la troisième partie, c'est la paroisse formée autour
de cette pagode qui est envisagée. En examinant les origines et
le fonctionnement, à partir notamment des statuts de son
comité de soutien, je recense ensuite les différentes catégories
de fidèles qui la fréquentent, afin d'en délimiter l'aire
d* influence.
La quatrième et dernière partie du rapport décrit le vat
lui-même, dans son organisation spatiale et ses diverses activités-
La description du lieu abritant le monastère, la vie quotidienne
qu'y mènent les bonzes, les fonctions qu'ils y exercent, font
apparaître des transformations, qui suscitent, en conclusion,
une analyse du rôle des pratiques religieuses dans la formation
de l'identité lao en France.
11
1 . L! immigration lao en France
12
1. Histoire
Au 31.12.84/ le nombre de Laotiens entrés légalement en France
est de 33 640, dont 12 192 montagnards. (1)
Deux périodes différentes sont à distinguer dans cet afflux.
- jusqu'au mois de mai 1981 :
Parmi les 27 672 Laotiens entrés dans notre pays au cours de
la période de Juin 1975 à Août 1981, on dénombre environ 20 000 Lao,
5 000 Hmong, 288 Khmou, et une certaine proportion de personnes
d'origine chinoise.
Constituant l'ethnie majoritaire du Laos, (deux millions pour une
population totale de trois millions et demi), les Lao sont aussi
les plus nombreux des réfugiés de nationalité laotienne résidant
dans ce pays.
Comme leurs compatriotes, ils fuient, à partir d'avril 1975, après
la victoire du Pathet Lao sur le gouvernement royal, puis
1' abolition de la monarchie et la proclamation de la République
Démocratique Populaire du Laos (RDPL), en décembre 1975.
Les premiers partis sont essentiellement des citadins, dont
les motivations sont surtout politiques : militaires échappés des
séminaires, personnes menacées d'être envoyées dans les camps de
rééducation politique, étudiants, fonctionnaires et policiers
compromis avec les Américains, commerçants d'origine chinoise ou
Vietnamiens en difficulté. (2)
(1) Chiffres du Ministère de l'Intérieur..
(2) Pour une étude de ce mouvement migratoire, voir G. COtIDOMIîIAS et R. POTTIER, on. cit.
13
En 1976/ les départs/ moins nombreux que l'année précédente/(1)
sont le fait d'une forte proportion de Hmong et de montagnards/
mais commencent aussi à toucher les paysans lao/ qui voient leur
niveau de vie baisser considérablement sous l'effet des mesures
économiques prises par le nouveau régime.
Cet exode des paysans lao s'amplifie en 1978 et 1979 et s'accélère
en 1980.
Tous ces réfugiés lao séjournent/ pour la plupart/ plusieurs
mois/ voire plusieurs années/ dans les camps de Thaïlande/ à
NongkaI pour ceux du Nord Laos/ à Ubon Ratchathani pour ceux du
Sud.
Malgré des conditions de vie difficiles/ surtout pendant les
premiers mois suivant l'exode massif du Laos/ ils beneficent là
d'un environnement, écologique/ et socio-culturel/ qui leur est
familier. La population locale du Nord-est thaïlandais, d'ethnie
lao, participe encore largement, malgré la pression économique/
politique, sociale et culturelle exercée par le pouvoir central
thaïlandais/ des valeurs et modèles de la culture lao. Une
communauté de langue/ de croyance/ des relations de parenté et
des échanges économiques constants lient depuis toujours les Lao
installés sur les deux rives du Mékong. Ils ont permis à quelques
70 000 réfugiés du Laos de se fondre dans la population lao isan.
(1) Deux raisons essentielles peuvent expliquer ce ralentissement temporaire ; d'une part les opposants les plus déterminés au nouveau régime sont déjà partis, d'autre part/ il devient plus difficile de quitter le Laos, les autorités renforçant le contrôle des frontières.
r
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Mais cette possibilité est tout à fait exclue dès 1976, les
autorités thaïlandaises prenant de sévères mesures contre toute
clandestinité/ et les populations locales elles-mêmes commençant
à rejeter ces migrants qui menacent leur fragile équilibre
économique.
Les réfugiés lao doivent alors se diriger vers un pays tiers.
La France semble être, pour la majorité d'entre eux, le meilleur
choix possible. (1) Celle-ci, de son côté, retient en priorité
entre 1976 et 1979, les personnes ayant rendu des services au
pays, dans le passé, celles qui maîtrisent notre langue, et celles
qui ont déjà des parents installés ici.
Ces critères de sélection sont encore plus précis à partir de
mai 1981 et modifient l'arrivée des réfugiés lao.
- de juin 1981 à aujourd'hui :
A partir de mai 1981, la politique française d'accueil des .
réfugiés du Sud Est asiatique se fait plus restrictive, notamment
vis à vis des Laotiens. (2) En juin 1981, le gouvernement fixe
le quota pour les réfugiés de la péninsule indochinoise, toutes
origines confondues, à 1 500 par mois. En août 1982, il est ramené
à 450 par mois, dont moins de 100 pour les réfugiés en provenance
des camps de Thaïlande, la priorité étant accordée aux personnes
en transit en Indonésie, à Galang, ainsi qu'aux regroupements de
Vietnamiens.
(1) R. POTTIER, op. cit, écrit à ce propos, p. 175 : " pour les Lao, s'il3 pouvaient vraiment choisir, la très grande majorité préférerait la France à tout autre pays occidental. Beaucoup de réfugiés affirment qu'ils aiment les Français parce qu'ils les connaissent et que, réciproquement, les Français les connaissent"
(2) cf le rapport de G. CRUNEL rédigé début 1984, et publié dans le ÎI° 27. 28 du Bulletin d'information et de liaison du CCRL
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En janvier 1983/ alors que le quota est de 700 réfugiés du
Sud-est asiatique par mois/ dont 300 pour ceux de Thaïlande/ la
France accueille principalement des Cambodgiens (70 à 80%)/ les
Laotiens ne représentant qu'environ 10% de ce chiffre.
Une procédure mise en place par le Secours Catholique et le
Comité National d'Entraide permet d'accélérer la venue de 5 600
personnes pour lesquelles des visa d'entrée avaient été signés
avant mai 1981. Celles-ci sont arrivées en août et septembre 1984.
Actuellement/ les possiblités d'entrée en France diminuent
encore pour les réfugiés de la péninsule indochinoise/ dont les
quota, ramenés à 200 ou 250 par mois, sont considérablement
réduits afin de permettre l'accueil de réfugiés d'autres origines,
Iraniens, Afghans, Polonais, etc..
Ne sont plus désormais pris en compte que les regroupements de
famille dits de "première catégorie" (parents-enfants, ou époux
séparés).
Cette restriction rend la situation des réfugiés d'Asie du
Sud Est en transit en Thaïlande très préoccupante, surtout pour
les Laotiens qui continuent d'y affluer ; alors qu'on enregistrait
une baisse des demandes d'asile des Laotiens en 1982 (5 019), et
en 1983 (7 491), les difficultés économiques actuelles du Laos,
le manque de débouchés professionnels pour les jeunes rentrés de
stage de formation au Vietnam ou en URSS, la crainte de devoir
partir pour un pays de l'Est, entraînent une recrudescence des
passages en Thaïlande.
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En 1984, 15 000 Laotiens supplémentaires demandent l'asile, ce qui
porte le nombre de réfugiés du Laos, toutes ethnies confondues,
à 88 985 en juin 1985, (1) soit 65% des réfugiés du Sud Est
asiatique hébergés en Thaïlande.
Pour eux, la situation semble se bloquer totalement ; les restric
tions d'accueil des pays occidentaux, l'échec de la politique de
rapatriement volontaire au Laos, qui ne concerne que 2 546 personnes
(essentiellement des montagnards) (2), et le refus depuis 10 ans
de la Thaïlande, d'une installation définitive sur son territoire,
laissent des milliers de Laotiens en camp face à un avenir des
plus incertains...
Ils n'ont en tous cas pratiquement plus aucune chance de venir
en France, puisque cette dernière accorde l'entière priorité
aux Cambodgiens et aux Vietnamiens ; en 1984, le nombre de Laotiens
arrivés légalement est de 750, et diminue encore en 1985. De
janvier à septembre 1985, 232 Laotiens ont été accueillis
officiellement sur un total de 2 110 personnes en provenance de
l'Asie du Sud Est. (3)
Pour ceux qui ont obtenu l'asile en France, cette situation
est parfois préoccupante, car ils ont peu d'espoir de voir arriver
ceux des membres de leur famille aujourd'hui en camp en Thaïlande.
De plus, leurs conditions d'insertion en France ne sont pas
toujours faciles.
(1) chiffres de l'UNHCR
(2) il semble que les raisons principales de cet échec soient liées à la crainte de représailles, à l'obligation de suivre une "rééducation", et à -la réinstallation, bien souvent, en dehors de son village d'origine.
(3) statistiques de la Croix Rouge Française chargée de l'accueil aux aéroports.
17
Une insertion parfois difficile
Pour les Laotiens résidant dans notre pays/ on peut aussi noter
une situation évolutive/ marquée par deux périodes différentes.
- une rapide autonomisation se remarque pendant les premières
années d'exil.
Les Lao connaissent pour la première fois de leur histoire une
migration massive vers les pays occidentaux, et sont confrontés
à une transplantation brutale à laquelle ils sont souvent mal
préparés. Les premiers contingents/ en particulier/ ne peuvent
bénéficier/ à leur arrivée/ de l'encadrement de compatriotes
anciennement implantés. Ils n'étaient que 1096 en 1975. Ils doivent
donc/ pour la plupart/ passer par le dispositif d'accueil mis en
place avec l'association France Terre d'Asile.
Dirigés vers des ¿entres provisoires d'hébergement créés un
peu partout dans le pays,' ils disposent de trois à six mois pour
trouver une insertion socio-professionnelle et s'initier aux
rudiments de la langue française. Affectés au hasard des places
disponibles dans ces centres dispersés sur l'ensemble du territoire,
les réfugiés s'installent généralement, dans un premier temps,
à proximité de ceux-ci, là où les possibilités d'emploi et de
logement sont favorables.
Ils ne tardent pas, pourtant, comme d'autres réfugiés d'Asie du
Sud Est d'ailleurs, à rechercher un rapprochement vers Paris et
les grandes villes.
18
La capitale; qui; au Laos déjà/ puis dans les camps de
Thaïlande, jouissait d'une image prestigieuse, continue d'exercer
un grand attrait sur les nouveaux venus ; on pense y obtenir plus
aisément du travail, on sait pouvoir s'y procurer, dans les
commerces asiatiques nombreux des 13è, 18è ou 20è arrondissements,
les biens et services nécessaires à la continuation de certaines
pratiques culturelles, comme les habitudes alimentaires. On sait,
enfin, y retrouver des compatriotes, parents, amis, voisins, avec
lesquels entretenir des relations régulières indispensables à
l'équilibre. Les Lao sont, en effet, issus d'une société encore
essentiellement rurale, et sont habitués à se situer dans le cadre
d'un espace social restreint, le village, ban. Le développement
urbain au Laos, ces dernières années, est profondément calqué sur
ce modèle rural, la ville apparaissant comme un agglomérat de
villages un peu plus important que les regroupements en milieu
rural. Et c'est à l'intérieur de cette unité d'appartenance, le ban,
que se définit l'individu.
Au-delà de la famille nucléaire, structure certes fondamentale
de la famille lao, la párentele et le voisinage fondent en effet
les relations sociales. Elles permettent un partage des
responsabilités, qui s'effectue à l'intérieur de structures
associatives, les samakhom. L'entraide, durant la période des
grands travaux, ou la coopération au sein d'une association
d'irrigation, le soutien financier dans des associations de type
tontines, ou encore les réalisations collectives au profit de la
communauté villageoise constituaient les formes les plus courantes
de la solidarité économique au village.
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Les Lao sont donc habitués à une grande proximité dans leurs
relations de parenté et de voisinage, proximité concrétisée par
des actions collectives.
Exilés/ ils ne peuvent envisager la coupure du groupe ethnique
et familial et 1'atomisation.
La peur.de l'isolement entraîne très vite des déplacements de
familles/ qui réduisent à néant les tentatives d'insertion en
province, dans les petites villes et les villages.
Jusqu'à ces dernières années, les réfugiés ont su, en faisant
jouer leurs propres réseaux de relations, s'émanciper des
institutions d'accueil pour se procurer eux-mêmes une intégration
socio-économique.
Depuis deux ou trois ans, toutefois, cette solidarité tend à
décroître.
une solidarité ethniaue aui tend à faiblir : i
La pénurie d'emploi et de logement retient plus longtemps les
nouveaux arrivants dans les centres provisoires d'hébergement, et
alourdit leur prise en charge par les collectivités. L'aide social
en effet, augmente pour les asiatiques et concerne surtout ceux
qui sortent, souvent sans emploi, des foyers d'hébergement, ceux
qui sont licenciés économiques, les jeunes quittant le milieu
scolaire sans pouvoir s'intégrer dans des programmes de formation,
faute de place. La communauté ethnique, pour les mêmes raisons
économiques, mais aussi sous l'effet de certains changements de
mentalité sur lesquels nous aurons à revenir, ne joue plus autant
20
} son rôle d'encadrement. Il est vrai que les nouveaux venus viennent
souvent de passer de longues années/ désoeuvrés et assistés/ dans
des camps. Devenus passifs/ ils attendent une aide que la
\ communauté ethnique/ aux prises avec des difficultés économiques/
n'est plus en mesure de leur donner. En outre/ l'accoutumance \
au système social français/ qui offre des possibilités d'assistanat/
réduit le sens de la solidarité anciennement fort chez les Lao.
Face à cette situation de crise/ le repli sur Paris et les
grandes villes tend à s'amplifier.
Et l'implantation géographique des Lao en France est ainsi
déterminée à la fois par le marché du travail et de l'immobilier,
et la volonté d'un certain regroupement ethnique.
Une implantation urbaine et suburbaine
S'installant dans les zones urbaines et suburbaines, les Lao
se concentrent dans les banlieues Nord et ' Est de Paris, en
particulier dans le Val d'Oise/ la Seine Saint Denis/ la Seine et
Marne/ le Val de Marne/ et en province/ à la périphérie de grandes
villes comme Lyon, Montpellier, Marseille/ Toulouse, Limoges,
Rennes, Metz, Bourges.
Bien qu'il soit très difficile d'obtenir des données précises,
on estime que plus de la moitié des Laotiens ayant trouvé refuge
en France vit dans la région parisienne, et qu'on y compte environ
12 à 13 000 Lao.
21
Ceux-ci habitent généralement les grandes cités et investissent
certains quartiers des villes nouvelles/ à Marne-la-Vallée; par
exemple/ ou Courcouronnes / Evry/ etc..
Cette implantation/ précaire à ses débuts/ se stabilise
progressivement/ marquée souvent par l'accession à la propriété
immobilière. Grâce au recours au crédit bancaire et à l'entraide
financière au sein du groupe ethnique/ des Lao de plus en plus
nombreux achètent aujourd'hui des logements dans des immeubles des
banlieues proches/ ou font construire des pavillons dans les
périphéries plus lointaines.
L'installation/ devenue durable/ permet alors la constitution
de petites communautés, au sein desquelles ressurgissent certaines
pratiques communautaires/ organisées selon un modèle associatif
qui leur est coutumier.
22
2. Une sociabilité en reconstruction
Le développement d'une vie associative
Apparu dans les années 1978 - 1979/ ce mouvement associatif
ne cesse de se développer depuis. On compte actuellement une
trentaine de samakhom/ dont la durée d'existence et l'efficacité
sont très variables.
Beaucoup d'entre elles ont un organe de publication/ rendant
compte de leurs activités et diffusant les informations entre les
différentes communautés.
Nous n'en citerons/ à titre d'exemples/ que quelques uns des plus
importants : le Bulletin de Liaison de l'Amicale France-Laos, à
Chartres-de-Bretagne/ le trimestriel Khouan Nay de l'Association
des Femmes Lao en France (A.F.L.F)/ à Paris/ le bi-mensuel
Muong Lao à Fontenay-sous-Bois/ le bi-mensuel Champa Muong Lao
à Paris 13ème, le mensuel Lane Xang de Solidarité Lao/ à Créteil/
le bulletin mensuel du Centre de Culture et de Recherche Laotiennes/
à Paris 18ème, lu trimestriel Enfants du Mékong d'Asnières, le
mensuel de l'association Phuean Noum Lao de Sainte-Foy-les-Lyon/
etc. . . .
23
A côté de cette fonction de documentation et de diffusion
de l'information/ les associations lao proposent à leurs adhérents
de nombreuses activités : activités sportives/ avec la constitution
d'équipes de jeunes et l'organisation de rencontres inter-équipes/
activités artistiques et artisanales/ avec la formation de groupes
de musique traditionnelle ou moderne/ de troupes de danse,
création d'ateliers de tissage/ de vannerie/ de sculpture, de
peinture, activités intellectuelles, avec l'ouverture de cours
de langue laotienne, de centres de documentation/ de bibliothèques,
pratiques religieuses, enfin, avec la reconstitution de monastères
bouddhistes.
Au travers de ces entreprises diversifiées, les associations
répondent à des objectifs précis. L'exemple de l'une de ces
associations suffira à' les mettre en évidence, puisqu'ils sont
explicitement évoqués dans les statuts mêmes.
Il s'agit de l'Association des Artistes Lao de Melun, créée dans
le courant de l'année 1984.
24
Article 1 :
"L'AALM regroupe tous les artistes lao (musiciens, chanteurs,
danseurs, sportifs), de Melun, qui éprouvent le besoin, en tant
que réfugiés, de se rassembler au sein d'une association pour
développer leurs activités artistiques et culturelles, résoudre
leurs problèmes matériels et faire connaître le patrimoine lao
en France".
Article 2 :
"L'AALM a pour buts :
. de préserver le patrimoine culturel et artistique lao
. de développer l'amitié entre les réfugiés et de permettre
l'entraide dans leur vie quotidienne
. de créer des liens d'amitié entre les Français et les Lao
habitant Melun
. d'établir des contacts entre les réfugiés lao de France et
ceux des autres pays d'accueil (Etats-Unis, Canada, Australie,
Japon....)."
Une telle association définit clairement ses objectifs ; visant
la sauvegarde d'un patrimoine culturel menacé tant par les
changements survenus au Laos que par les processus acculturatifs
nés de la transplantation en Occident/ elle veut aussi contribuer
à l'organisation de la communauté lao en France et assurer son
intégration harmonieuse en facilitant les contacts entre membres
du groupe ethnique et avec la société globale.
25
Cette volonté de protéger la culture d'origine/ commune à
toutes les communautés en provenance de la péninsule indochinoise
en France/ les différencie d'autres groupes allogènes installés
dans notre pays/ chez lesquels elle est apparue souvent plus
tardivement. Ce phénomène est sans doute lié à l'histoire de ces
populations, déjà confrontées, avant 1975, à la pénétration
sauvage de modèles culturels étrangers, notamment américains et
thaïlandais, dont il fallait se protéger, et brutalement agressées
par les bouleversements politiques de 1975. Il est dû aussi aux
conditions de leur installation dans la société française.
Celle-ci leur a réservé, dans son ensemble, un accueil favorable,
nourrissant une image positive des cultures d'Asie, héritée pour
une part du passé de la France dans cette région du monde, pour
une autre de la campagne médiatique très mobilisatrice sur le
drame indochinois. L'encouragement, voire la collaboration directe
de certaines organisations françaises, tels que le Secours
Catholique, ont dû jouer comme facteur stimulant et facilité les
démarches des Lao.
Parallèlement à ce souci de sauvetage de la culture lao, une
autre dimension, qui influe sur le mode d'insertion des réfugiés
dans la société globale, se fait jour dans le mouvement associatif.
Organisant entre les différentes associations des échanges de
prestations qui démultiplient les réseaux de relations, il rétablit
en effet une sociabilité spécifiquement lao.
Alors que les plus importantes des amicales cumulent diverses
activités, la plupart sont connues pour une "spécialité". On sait,
26
par exemple; qu'il existe à Melun un groupe de mo lam qui peut
animer les fêtes et participer à la célébration de certains rituels.
On sait que l'Association des Femmes Lao forme de jeunes danseuses
capables de donner des spectacles pour le Nouvel An lao/ etc.. i
On finit par se connaître d'une banlieue à l'autre, d'une région à
l'autre, tissant sur l'ensemble du territoire français, et hors de
ses frontières aussi, des réseaux où s'entrecroisent les liens de
parenté, de voisinage, et l'appartenance à un samakhom. Ce "commerce"
dans son sens large, entre les groupes de réfugiés, n'est pas sans
rappeler celui, constant, qui reliait les villages dans la société
rurale. Pour se désigner, en France, les Lao se réfèrent désormais
à cette nouvelle appartenance, comme ils se situaient, au Laos, à
partir de leur ban, leur village, d'origine.
Pour ces exilés, issus d'une société qui ne sépare guère ses
arts de sa religion, et qui sanctionne ses pratiques communautaires
par la célébration du culte, il n'est pas étonnant que le temple
soit au coeur de la sociabilité retrouvée.
La pagode qui, dans la société traditionnelle, est un
investissement prioritaire pour toute agglomération nouvelle, est
le centre de la vie communautaire et la plaque tournante des
échanges, économiques, sociaux, religieux, festifs. Sa transposition
dans l'exil est indispensable, car c'est autour d'elle que peuvent
se multiplier les relations à l'intérieur du groupe ethnique. C'est
grâce à elle, aussi, que redevient possible la pratique d'une
religion qui fournit au Lao les cadres spirituels, moraux, sociaux,
culturels, sans lesquels son identité est menacée.
27
2 » Bouddhisme et migration
28
3. le Bouddhisme lao et l'exil
"Je souffre pour ces vieillards si respectueux de nos règles,
Qui pratiquaient l'aumône chaque matin.
Se rendaient chaque jour à la pagode,
Ramassaient des fleurs pour les donner en offrandes,
Priaient le Bouddha.
Nos temples .superbes
N'ont plus aujourd'hui leurs bonzes.
Nos monastères sont vidés, totalement.
Le son des cloches, des gongs, du tambour,
S'est tu à jamais. —
C'est le silence.... •
Plus de gongs, plus de cymbales, plus de tambours,
Plus personne pour faire les offrandes.
Qui donc va soutenir les chefs de nos pagodes ?
Qui recevra le vénérable aîlleul dans sa robe jaune ?
Où se cachent aujourd'hui les robes jaunes ?
Nos vénérables bonzes ne sont plus là pour la prière,
Ils ne vont plus à la quête matinale,
Ils ne se déplacent plus.
Le supérieur de la pagode ne prie plus,
Il ne prodigue plus ses conseils.
Qui donc va nous enseigner ?
Qui va nous aider à réfléchir ?
Nous ne pouvons plus compter que sur les divinités du ciel (1)
pour nous porter secours".
(1) devata désigne les divinités célestes correspondant aux _then des croyances nimistes thaï.
29
Cet extrait d'un chant composé et interprété par la mo lam
Soubane, lors d'une fête familiale, dans la banlieue de Paris/
en mars 1983/ résume bien le désarroi de nombreux exilés arrachés
à leur monde religieux.
L'abandon de la pagode villageoise et des moines hante les
mémoires/ entretenant une culpabilité constante.
Les Lao interprètent parfois la tragédie de l'exil comme la
sanction de conduites passées reprehensibles (1). Le démantèlement
du groupe familial et ethnique en est le prix à payer. Mais
séparés désormais de leurs bonzes, et privés du monastère qui
faisait l'unité de leur communauté, les réfugiés sont en perdition.
C'est le cas surtout des plus âgés/ pour lesquels la dévotion
et l'attachement au clergé bouddhique sont une structure essentielle
de leur être social.
Il est vrai que le Bouddhisme lao/ Bouddhisme dit du "Petit
Véhicule", Hinayana, (2), d'un terme péjoratif attribué au
Bouddhisme des anciennes écoles par les tenants du Mahayana, le
"Grand Véhicule", et aujourd'hui remplacé par Theravada, "doctrine",
ou "Opinion des anciens", (3) a su se fondre harmonieusement dans
la société lao, au point d'en devenir le fondement principal. (4)
(1) Nous reviendrons longuement sur ce phénomène.
(2) littéralement "moyen inférieur de progression".
(3) le Bouddhisme Theravada est considéré comme l'orthodoxie originale, pratiquée à Ceylan, en Birmanie, en Thaïlande, au Cambodge, au Laos, et à Cnittagong dans le Pakistan Oriental. Le Mahayana qui se développa plus tard est pratiqué en Chine, au Japon, au Tibet, en Mongolie.
(4) Pour une étude détaillée, nous renvoyons aux multiples ouvrages consacrés au Bouddhisme, dont certains figurent dans la bibliographie, en fin de ce rapport.
30
Comptant quelques 2, 8 Millions d'adeptes, soit 95% de la
population, il fut introduit au Laos, selon la tradition écrite,
au I4èrae siècle (1). Il s'y est mêlé au fonds animiste thaï et
proto-indochinois qui préexistait alors sous la forme du culte
des Phi, les Génies, communs aux populations de langue thaïe, mais
aussi aux Vietnamiens, aux Cambodgiens, aux Birmans.
Ne parvenant jamais à faire disparaître cet ancien culte local (2)
le Bouddhisme Theravadin s'y est progressivement adapté.
Il a son plus grand rayonnement aux 16ème et 17ème siècles, à
l'apogée du Lan Xang, le "Pays du Million d'Eléphants", nom ancien
du Laos, pour connaître ensuite un déclin qui, lié à la décadence
du royaume, (3) entraîne une recrudescence de l'animisme.
Celui-ci a gardé depuis une grande vigueur et la religion des Lao
apparaît ainsi comme une acculturation de ces deux ensembles de
croyances, auxquelles s'ajoutent encore certains éléments de
l'Hindouisme, probablement hérités de la pénétration du Bouddhisme,
tels que la croyance en la transmigration et la référence à
des déités du panthéon hindouiste.
Dans ce syncrétisme religieux, le Bouddhisme reste toutefois
l'élément dominant qui dicte largement la vie du Lao.
(1) Selon la tradition écrite, ce serait le roi Fa Ngoum, premier souverain du royaume de Lan Xang, et sa femme, la princesse khmère Nang Keo Lot Fa, qui auraient introduit le Bouddhisme au Laos. En réalité Fa Ngoum en a été le propagateur actif, mais les données archéologiques et l'histoire des pays voisins attestent la présence du Bouddhisme au Laos avant le 14ème siècle. Cf Présence du Bouddhisme. N° spécial France-Asie, Fév. Juin 1959, pp. 889.892.
(2) un édit du roi Pothisarath en 1527 proscrit le culte des Phi et ordonne la destruction de tous leurs sanctuaires.
(3) aux 17ème et 18ème siècles, le Lan Xang est morcelé, envahi par r,.::;-'\KSi3in3 siamois et Ho, qui réduisent en ruines les monuments religieux, et ravagé par des guerres intestines.
31
Celui-ci vénère les trois Joyaux/ (Pha Tay)/ le Bouddha/
(pâli Pha Phout/ sanskrit Buddha), sa Doctrine, (pâli Dhamma/
sanskrit Pharma), et la Communauté (pâli Pha Sang, sanskrit Sanggha)
Il recherche/ à l'instar du Sage qui atteignit le Niphan (pâli
Nibbana/ sanskrit Nirvana) 1' abolition du cycle des transmigrations.
La mort est en effet normalement suivie d'une renaissance dont
la qualité dépend des actes accomplis antérieurement/ kam.(pâli
kamma, sanskrit karma).(1)
Il doit donc le respect absolu à toute vie, selon l'un des
fondements principaux de la morale bouddhique. Il lui faut aussi
pratiquer le détachement de toute chose, le désir et la passion
n'étant que sources de souffrance. Seule la bonté envers tous les
êtres vivants et le renoncement aux biens de ce monde sont
susceptibles de conduire à l'Illumination, à l'état de Bouddha,
à la libération du cycle des réincarnations.
Dans la vie quotidienne du Bouddhiste lao, cette morale
trouve son application dans l'obligation de faire le bien, de
donner l'aumône, hed boun (du pâli punna, sanskrit punya, le mérite,
la vertu)/ c'est-à-dire d'acquérir des mérites pour le futur.
Cette notion de boun est devenue centrale dans la société lao
et régit tant l'ensemble des rapports sociaux que la vie de chacun. (2)
(1) Le kam ou karma, désigne l'ensemble des actes, bons ou mauvais, qui déterminent l'incarnation prochaine.
(2) Dans son étude sur le Bouddhisme lao, Thao Nhouy Abhay écrit à ce propos : " si le Bouddhisme a deux sortes d'adeptes, les clercs et les laïcs, il ouvre aussi deux voies contraires de salut : le chemin du Nirvana aux abstinents et aux contemplatifs, celui des bonnes renaissances aux gens de biens attachés aux plaisirs de la terre mais qui font l'aumône et vénèrent les reliques. Les boun procèdent de cette dernière foi. "Faire un boun, c'est donner un disciple au Bouddha en organisant une ordination ou un ondoiement de bonzes ; "faire un boun" c'est participer aux offrandes des fêtes du Paravana (sortie du carême) ; c'est faire don de nourriture et d'habits ; c'est aux principales dates de la vie du Bouddha, méditer ses actes, suivre les processions autour des reliquaires". "Le Bouddhisme lao" in Asoicti du Pays Lao . P- 50
32
Les bonzes/ "représentants directs du Bouddha" (1) sur la terre
sont les destinataires désignés de ces aumônes méritoires.
L'état monastique correspond en effet à l'idéal de désintéressement
et de détachement proné par la morale bouddhique. Celui qui y
satisfait en entrant dans les ordres provoque un enrichissement
de mérites non seulement pour lui-même mais aussi pour des tiers :
le donateur (chao sattha)/ parent ou étranger/ qui lui procure
l'équipement nécessaire/ et l'ensemble des donateurs quotidiens/
les laïcs qui pourvoient à ses besoins matériels/ et notamment lui
procurent chaque jour la nourriture qu'il doit quêter.
Le Bouddhisme lao permet à tout homme/ sans distinction d'origine/
de prendre l'habit jaune/ bouat (ou konq bouat : prendre l'habit/
ordination)/ à un moment de son existence/ et pour la durée qu'il
désire. Cette retraite monastique asseoit définitivement son
prestige au sein de la communauté/ lui permettant même de faire
précéder son nom du titre qu'il y obtient lorsqu'il quitte le
froc (2).
En dehors de cette période de total détachement et de profonde
piété, il peut continuer d'enrichir son karma grâce aux offrandes
destinées à ceux qui vivent sous le froc. Ceux-ci jouissent donc
d'une autorité morale incontestée, d'ailleurs tout à fait
perceptible dans l'improvisation de la chanteuse Soubane que nous
avons vie toute à l'heure.
(l)citation de Thao Nhouy Abhay, op. cit/ p. 922.
(2) celui qui a été novice a le titre de Xieng, celui qui, ayant été bonze, n'a reçu aucun ondoiement, a le titre de Thit/ le Somdet devient dans la vie laïque/ Chane, le Xa_ est appelé Chane Xa le Nha Khou, Chane khou. Maha est le titre des bonzes ayant^suivi au moins les trois premières années d'études à l'école de Pâli.
33
Bien entendu/ l'autorité morale du bonze est d'autant plus
grande qu'il s'élève dans la hiérarchie du clergé bouddhique.
Son ancienneté et son savoir/ sa réputation/ lui permettent, par
des cérémonies successives d'ondoiements (kong hot ) / de gravir
l'échelle des grades religieux, au nombre de six, par ordre
décroissant : Notkheo, Loukkeo, Lakkham, Khru, Sa et Somdet.
Mais plus que le titre, c'est le temps passé dans les ordres qui
fait la notoriété d'un moine.
Les supérieurs de pagode (pha athikane ou pha oupassa), sont
souvent choisis pour leur longue expérience au monastère, plus
que pour leur grade. Elus par les bonzes, le chef et les notables
du village, ils sont consultés pour tous les problèmes et très
écoutés.
L'exil qui sépare les moines de leurs fidèles prive ceux-ci
d'un soutien moral extrêmement précieux.
C'est pour retrouver cet appui auprès de leurs bonzes, et à travers
eux encore, accomplir les actes méritoires, que des groupes de
réfugiés tentent aujourd'hui de reconstituer leurs monastères.
Entreprise difficile, exigeant de trouver des religieux capables
de prendre la direction d'un sanqha, alors même que la diaspora
lao, en France, et plus généralement en Occident, manque cruellement
de bonzes.
34
4- L exode du clergé
L'exode des religieux ne fut en effet nullement comparable
à celui des laïcs. Tandis que les plus âgés des moines sont
demeurés au Laos après 1975/ la grande majorité de ceux qui ont
franchi le Mékong se sont intégrés dans les monastères de
Thaïlande/ dans le Nord Est du pays souvent/ mais aussi dans
la plaine centrale, et autour de Bangkok. Le Patriarche du Laos
lui-même, autorité supérieure du clergé bouddhique, déjà fort
âgé en 1975, et de santé fragile, était installé à Bangkok, où
il est .'mort -. récemment.
Certains bonzes ont aussi séjourné, pour des périodes variables,
dans les camps de réfugiés lao de Nongkaï et de Ubon Ratchathani.
A Ubon Ratchathani, par exemple, une pagode fut construite
en 1977, dans l'enceinte du camp. Elle y jouait un rôle centrale
dans la vie des réfugiés. On y stockait les provisions alimentaires
(dont la plus grande partie provenait de dons à la communauté
monastique) destinées aux maquisards basés dans les environs.
Les bonzes, par leurs exhortations et leurs conseils, contribuaient
a l'organisation de la résistance et travaillaient à la
réunification des exilés.
En témoignent ces quelques extraits d'un sermon enregistré en 1981
dans ce camp (1) :
(1) j'effectuai, en 1981, une recherche dans le Nord Eût de la Thaïlande, et particulièrement dans ce camp de réfugiés, grâce à une bourse "Jeunes Chercheurs" du Ministère de l'Education Nationale.
35
"Si nous autres, hommes de ce bas monde, savons vivre en harmonie
les uns avec les autres, nous montrer solidaires et unis, nous
sentir frères, alors nous connaîtrons le bonheur, la dignité,
l'équilibre, l'invulnérabilité. Cette sagesse là est notre bien
le plus cher. (...)
Dans un pays, dans un village, quand il y a désaccord et désunion,
on court immanquablement au désastre. Voyez le Vietnam, le Cambodge,
et notre Laos !
En fondant une nation, on institue des principes spirituels, une
éthique, et une culture qui dictent les pensées, les actes, les
élans de coeur de chacun, jour après jour. Sans ces règles, sans
cette morale, sans cette culture, une nation ne peut qu'encourir
le mépris. Une nation qui n'a pas de règles est comme un homme
sans vêtement. (...)
Tous, nous connaissons l'amour et la jalousie. Tous, sans exception,
aimons notre père, notre mère. Lorsqu'on éprouve un amour sincère,
authentique, on doit être prêt à consentir des sacrifices pour
l'être qu'on aime et qu'on désire. (...)
Celui qui aime sa nation, qui aime le Bouddhisme, qui désire
l'indépendance de son pays, celui-là doit consentir aux trois
sacrifices suivants : savoir faire don de sa force physique, savoir
faire don de son intelligence, savoir faire don de ses biens
matériels. Celui qui est capable de cela fait la preuve d'un
amour vrai, authentique, pour sa nation".
36
S'appuyant sur la morale bouddhique et les valeurs de la
société lao; cette homélie tente de réveiller le sentiment
patriotique et la solidarité chez les réfugiés déchirés par
l'histoire. Sans jamais prendre parti explicitement/ les moines
ont ainsi joué un rôle actif sur la scène politique pendant ces
années difficiles.
C'est parmi ces bonzes réfugiés des camps de Nongkhal et de
Ubon Ratchathani que les comités de.soutien au Bouddhisme créés
en France à partir des années 80 peuvent recruter les religieux
susceptibles de diriger des monastères. Mais les obstacles sont
nombreux et les projets ont parfois la plus grande peine à être
menés à leur terme.
La création de vat en France : une difficile entreprise
En 1982, une trentaine de Lao installés dans la région de
Metz, rejoints par ceux de toute l'Alsace, de Nancy, et même de
Belgique, font venir de Nongkaï un moine ayant une longue
expérience de la vie monastique au Laos, le vénérable Phombuangdi,
afin de fonder un vat à Borny, dans la banlieue de Metz. L'état
de santé de celui-ci, gravement dégradé par un séjour de six
années dans le camp thaïlandais, ne lui permet pas d'exercer
longtemps son rôle de chef du monastère. Hospitalisé longuement
à Nancy, il ¡naurt à Metz en mars 1983. Le bonze qui prend sa
succession à la tête du vat ne remplissant pas ses fonctions
comme le souhaiterait son comité de soutien, la pagode de Borny
\
37
cesse de fonctionner au début de l'année 1984. (1)
Il n'existe actuellement/ pour l'ensemble de la France/ que quatre
monastères lao : trois en région parisienne/ celui de Villiers-le-
Bel/ anciennement à Gonesse, le plus ancien/ puis celui de
Choisy-le-Roi/ anciennement à Villeneuve-Saint-Georges/ et/ depuis
1984, celui de Saint-Leu-La Forêt ; en province, un bonze exerce
les fonctions monastiques à la périphérie de Caen, à Hérouville-
Saint-Clair. Une pagode dirigée par un moine d'origine thaïlandaise/
à Tournon, est fréquentée par des Lao installés dans le Sud de la
France/ mais surtout par des méditants européens. Deux nouvelles
pagodes pourraient s'implanter prochainement dans la banlieue
parisienne/ rattachées à celle de Choisy-le-Roi. (2)
D'autres projets sont en cours/ mais n'ont pu aboutir à ce jour.
A travers la fragilité de certaines expériences/ telle celle
de Borny/ se mesurent les difficultés rencontrées par les
bouddhistes lao dans la réorganisation de leur culte.
Pourtant/ le processus qui amène les réfugiés à tenter la
reconstitution de monastères dans l'exil semble bien de même nature
que celui qui conduisait/ dans la société d'origine/ à la création
d'une paroisse bouddhiste.
"Lorsque des cultivateurs} après avoir défriché un pan de forêt et
l'avoir ameubli en rizières, se trouvent former ainsi un hameau
suffisamment étoffé pour transformer leurs abris de rizières en
(1) Nous verrons dans la dernière partie de ce rapport les raisons de la fermeture de vat Borny.
(2) Ce sont là des projets très récents ; le chef de la pagode de Choisy envisage en effet l'acquisition de deux pavillons, l'un en proche banlieue Sud, l'autre à Marne-la-Vallée. Il n'en était pas question au moment de l'enquête menée pour cette étude.
38
demeures fixes, leur premier souci sera, pour "animer" en quelque
sorte cette nouvelle collectivité, de créer un vat va.
Ce "monastère de forêt" permettra d'affirmer l'existence du groupe
de maisons en tant qu'unité sociale. Désormais, il ne s'agit plus
d'une agglomération d'immigrants et de pionniers, mais d'une
collectivité possédant un centre d'intérêt qui sera à la fois son
forum et son temple et qui, au yeux des étrangers, la représentera,
lui servira d'emblème et de symbole. Bref, cet ensemble de maisons
de défrichement, se détachant de son village d'origine, deviendra
une nouvelle paroisse". (1)
Cette longue citation de Georges Condominas décrivant la naissance
d'une paroisse bouddhiste en milieu lao traditionnel nous renvoie
au coeur de notre sujet ; dans la société rurale, dès qu'un groupe
est suffisamment établi sur le plan socio-économique pour former
une communauté en tant que telle, il se dote aussitôt de
l'institution qui vient sanctionner définitivement son existence,
le vat.
C'est bien ce processus qui, transposé dans la société
française, semble en oeuvre, lorsque des groupes de réfugiés
entreprennent la constitution d'un monastère.
Pourtant, la congrégation qui se forme ainsi paraît d'emblée
moins aisée à délimiter que dans la société d'origine. Car, si,
là-bas, le vat rassemble une population géographiquement et
socialement stable, il ne peut en être de même en situation
migratoire.
(1) Georges CONDOMINAS : "Notes sur le bouddhisme populaire en milieu rural lao", in Archives de sociologie des religions, N° 25, 1968, p. 91.
39
/ L'unité villageoise lao n'a, en effet, rien à voir avec
I villes et banlieues françaises, et les frontières de la
en sont nécessairement autrement définies.
C'est à partir de l'histoire d'un de ces monastères de
banlieue, celui de Villiers-le-Bel, que nous voulons appréhender
cette réalité nouvelle.
Observant les origines, et la composition de l'association
responsable de la pagode, analysant les fonctions respectives de
ses membres, étudiant, enfin, le mouvement de population au sein
du monastère, nous pouvons en effet cerner les limites du
rayonnement d'un vat dans la société urbaine occidentale.
Du même coup, nous découvrons aussi les mécanismes, économiques,
sociaux, psychologiques, par lesquels se réalise une entreprise
communautaire visant la réorganisation du culte religieux.
les
paroisse
40
3 . La paroisse lao en banlieue parisienne
41
5 . Naissance du Vat Velouvanaram
Le Comité de Soutien du Bouddhisme et d'Action Socio-culturelle
lao (C.S.B.C.)
En 1976/ arrive en France un moine bouddhiste de grande
notoriété dans son pays, disciple du Patriarche du Laos/ (1)
le vénérable Maha Chanty. (2) Mal installé dans un petit studio,
au sixième étage d'un immeuble vétusté du 18ème arrondissement de
Paris, celui-ci commence rapidement à célébrer des cérémonies
religieuses pour de nombreux réfugiés lao. Il est alors l'unique
moine lao en région parisienne. Il lui devient vite difficile de
répondre aux besoins des bouddhistes lao, de plus en plus nombreux.
Une association se constitue alors pour soutenir son action.
Composée pour l'essentiel de phrania, mandarins ennoblis par le
souverain du Laos, déjà organisés sur le plan politique en un
Front National de Libération du Laos, elle est dénommée "Association
Bouddhiste Lao" (A.B.L.). Elle se charge de collecter des fonds
pour l'entretien du moine. Mais les problèmes matériels, liés à
l'exiguïté des lieux, dans le lSème arrondissement, et surtout
d'importantes dissenssions au sein de l'A.B.L. amènent le vénérable
Maha Chanty à émigrer aux Etats-Unis, en 1979.
A nouveau privé de religieux, les bouddhistes lao de Paris se
tournent alors vers la pagode khmère de Créteil, dirigée par le
vénérable Boukri.
(1) c€ p. 32 '
(2) Maha est, rappel^m-I-j, la titre réservé aux moines lsttréa. (voiF~cïï que nous avons dit de la hiérarchie du clergé tpuddhique p. 31.)
42
Lao et Khmers/ comme les Siamois/ les Birmans et les Singhalais/
nous l'avons dit/ partagent la même religion, et leurs moines,
en France/ collaborent volontiers dans la célébration du culte.
La présence, à la pagode de Créteil, d'un prince de la province
de Champassak, au Sud du Laos, renforce encore ces liens. Le prince
Chao Saï entre en effet à la pagode de Créteil en mars 1980, pour
une retraite monastique à la suite du décès de son père. Il amène
de nombreux Lao à fréquenter ce monastère.
Toutefois, la nécessité d'un lieu de culte spécifiquement lao
se fait sentir chez les fidèles ; les plus âgés notamment, très
attachés aux valeurs religieuses, veulent disposer d'un vat
abritant des moines lao capables de leur apporter le soutien moral
dont ils ont le plus grand besoin.
Sous leur pression, des dissidents de l'A.B.L. décident la création
d'une nouvelle association, le Comité de Soutien du Bouddhisme et
d'Action Socio-culturelle Lao. (CS.B.C.).
Les objectifs en sont :
Article 1 :
•Il est fondé entre les adhérents aux présents statuts un Comité
régi par la loi du 1er juillet 1901 et le décret du 1er Août 1901,
donommé CS.B.C.
Article 2 :
Ce Comité a pour buts :
- de soutenir la communauté religieuse des moines bouddhistes,
43
- de faciliter les activités de ces moines dans le culte et la
pratique du Bouddhisme,
- d'effectuer des publications et d'exercer les diverses activités
charitables selon les rites, la croyance et les coutumes lao en
France.
Ayant déposé ses statuts à la Préfecture du Val d'Oise/ le
4 février 1981 (1), le C.S.B.C. publié au Journal Officiel le
14 février rappelle alors le vénérable Mana Chanty/ afin de fonder,
sous sa direction/ la pagode de Gonesse, appelée vat Velouvanaram.
La première partie de l'article 7 du règlement intérieur précise
en effet :
"Le siège du C.S.B.C. est sis au N° 2 allée Rembrandt, 95500 Gonesse
Il porte le nom de vat Velouvanaram et sert provisoirement de
pagode, de lieu de résidence aux moines et à la pratique du culte.
Ce monastère est placé sous la responsabilité du C.S.B.C qui
s'occupe de son entretien".
En novembre 1981/ le sangha de Gonesse, composé de trois bonzes,
porte à la direction du vat le vénérable Mana Chanty (2).
Dans le même temps, un autre moine lao, le vénérable
Maha Thavan, arrive lui aussi en France. Il crée à son tour, avec
le soutien de la fraction restante de l'A.B.L., un autre monastère
lao, installé dans un premier temps à Villeneuve-Saint-Georges,
puis plus tard à Choisy-le-Roi.
(1) Le texte intégral des statuts du Comité, ainsi que de son règlement intérieur figurent en annexe p. 150, 151, 152 et 153.
(2) voir en annexe p. 157 1e document intitulé "Acte portant choix d'un supérieur du Sanoha lao au monastère Velouvanaram".
ERRATUM
Le texte de la note (1)/ page 44, n'a pas été imprimé.
(1) le terme pâli Nikaya, signifiant "multitude/ assemblage, collection", désigne "le corpus canonique". Il a aussi le sens, comme ici, de "classe, ordre, groupe, secte, association, congrégation".
44
En quelques mois/ les Lao, totalement inorganisés sur le plan
religieux jusqu'alors/ se dotent de deux monastères/ dont les
fondateurs et les orientations sont en opposition, reproduisant
ainsi l'antagonisme historique/ au Laos, de deux traditions/
Nikaya (1) dans le Bouddhisme Theravadin : la tradition Mahanikaya
dominante au Laos comme au Cambodge/ à laquelle se rattache le
sangha de Gonesse/ et la tradition Dhammayout/ d'introduction plus
récente dans ces pays/ et à laquelle appartient le vénérable
Maha Thavan.
La secte Dhammayout/ née en Thaïlande à l'initiative du
futur Rama IV, lorsqu'il était encore moine, en réaction à une
certaine dégradation de la conduite des moines au Siam/ fut
introduite au Laos vers 1890, dans le Sud du pays, par un moine
d'origine Kha qui avait longtemps vécu à la cour de Champassak.
Une grande partie de la province se rallia à ce courant. Mais il
s'est éteint par la suite, sous la pression des tenants de la
tradition Mahanikaya, pour ne se maintenir que dans la province de
Khong, au sud du pays.
Les divergences qui opposent ces deux traditions sur le plan
religieux portent essentiellement sur certaines règles de la
discipline monastique, bien difficiles, d'ailleurs, à discerner
pour un non bouddhiste ; les moines Mahanikava portent le bat
(bol à aumône), suspendu à l'épaule par une bretelle appelée yog,
tandis que les Dhammayout le portent à la main. La prononciation
du pâli diffère aussi, les Mahanikaya ayant conservé la phonétique
khmère datant de l'introduction du Bouddhisme.
45
Ces dissemblances sont, on le voit, mineures ; pourtant/ les deux
traditions n'ont jamais pu coexister véritablement au Laos, pas
plus d'ailleurs qu'au Cambodge, alors qu'en Thaïlande, une
politique d'harmonisation est menée à l'instigation de la cour.
C'est qu'en réalité, l'opposition est d'ordre politique et renvoie
aux tensions historiques entre la Thaïlande et ses voisins. Les
moines Dhammavout qui, il est vrai, ont utilisé les rois de
Champassak, vassaux de ceux de Thaïlande, pour s'introduire au
Laos, sont perçus comme les instruments privilégiés d'une certaine
ingérence¡thaïlandaise dans la société lao. Accusés de s'appuyer
sur les autorités princières pour asseoir leur influence, ils sont
réputés soutenir les mandarins et les seigneurs, les moines
Mahanikava apparaissant, eux, plus proches des milieux populaires.
L'opposition entre les deux Nikaya est donc totalement mêlée à
l'hist oire de l'Eglise bouddhique qui, dans le cadre de la
féodalité classique, fut toujours étroitement liée au pouvoir
politique. Elle le fut d'ailleurs partout, et notamment au
berceau même du Bouddhisme, à Ceylan, où les détenteurs de
l'orthodoxie pactisaient aussi avec les autorités politiques.
Cette liaison constante dans la société traditionnelle lao,
entre pouvoir laïc et pouvoir religieux, semble donc se rétablir
dans l'exil. Les groupes de pression qui, en France, se chargent
de la création de monastères, recherchent l'appui des bonzes, dont
l'autorité incontestée auprès des fidèles leur assure une clientèle
politique.
46
Avec l'A.B.L. d'un côté/ le C.S.B.C. de l'autre/ la
population lao immigrée de la région parisienne se trouve divisée.
Les deux associations entretiennent des relations de rivalité qui/
en réalité, concernent surtout leurs responsables.
Chacune/ en effet/ rassemble d'anciens hommes politiques/ militaires
hauts fonctionnaires et aristrocrates qui s'opposent aujourd'hui
sur les stratégies de reconquête du Laos et sont en relation avec
des mouvements de résistance agissant en Thaïlande/ dans les zones
limitrophes du Laos. Ce débat politique recoupe les clivages entre
clans qui marquent la politique laotienne avant les événements de
1975, puis après. Il sépare les politiciens entre courants adverses,
regroupés autour de personnalités proches/ d'un côté/ de la voie
neutraliste/ d'un autre, de représentants de la famille royale
de la province méridionale de Champassak/ d'un autre encore/ de
partisans plus marqués à gauche.
Il ne nous appartient pas, dans le cadre de cette étude, de
discuter le fond; de ce débat, pour deux raisons essentielles :
d'une part, il reste interne aux communautés réfugiées et n'a pas,
pour l'instant, d'incidences sur la scène française, si ce n'est
sous la forme d'éventuelles affinités avec certains partis
politiques français. D'autre part, et surtout, il n'intéresse
guère une majorité des Lao d'origines plus modestes, anciens petits
fonctionnaires, employés, cultivateurs, qui, au Laos déjà, s'en
tenaient à l'écart.
47
La plupart des réfugiés savent, certes, à quelle tendance
se rattache chaque comité de soutien. Ils n'en tiennent pas
nécessairement compte dans leur propre fréquentation de l'un ou
l'autre monastère. D'autres critères semblent intervenir dans leur
choix, dictés par les contraintes du nouveau mode de vie et du
paysage urbain dans lequel ils s'inscrivent ici.
A Gonesse, par exemple, des bouddhistes lao, soucieux avant tout
du respect des valeurs religieuses, se rendent à la pagode pour
une célébration, sans se préoccuper de son appartenance à tel ou
tel Nikaya.
S'associant, par leurs dons et leurs actions, à l'entretien
du monastère, ils contribuent à en élargir l'aire d'influence
au-delà des limites habituelles d'une paroisse bouddhiste lao.
Celle-ci, stable et géographiquement délimitée dans la
société d'origine, comprend, en France, outre les adhérents de
son comité de soutien, de multiples fidèles venus d'horizons très
divers.
Pour cerner les contours de cette nouvelle paroisse, il nous
faut donc examiner tour à tour ces différentes catégories de
paroissiens que sont, d'une part, les membres du CS.B.C. et,
d'autre part, les fidèles plus épisodiques du vat Velouvanaram.
48
6. Laire d'influence du Vat
Les membres du C.S.B.C.
On peut les considérer, globalement/ comme faisant partie de
la paroisse du vat Velouvanaram. Pourtant/ ils ne sont pas tous
impliqués de la même manière dans les activités de la pagode.
Les statuts du Comité/ dans l'article 5/ distinguent en effet
quatre sortes de membres :
"- les membres fondateurs sont ceux qui ont créé ou soutenu sans
réserve le comité aussi bien par leur apport d'aide matérielle
que morale".
Il s'agit essentiellement des quelques trente familles de Gonesse
et des environs qui sont à l'origine du Comité. La plupart sont
membres du conseil d'administration.
" - les membres d'honneur sont ceux qui ont rendu au Comité des
services eminent s".
Ce sont par exemple des personnalités Laotiennes ou Françaises
ayant participé aux démarches auprès des administrations pour
la création du C.S.R.C.
49
- les membres actifs, notamment des personnes d'origine lao, sont
ceux qui paient les cotisations ou les droits d'entrée avec voix
deliberative à l'assemblée générale et d'une façon générale à
l'administration et à la direction du comité".
L'article 3 du règlement intérieur en précise la définition :
"On entend par membre actif toute personne ayant adopté le
Bouddhisme comme principale religion et qui, de façon constante
et régulière, apporte un soutien moral, matériel et financier aux
activités culturelles et manifestations religieuses organisées
par le CS.B.C.
C'est parmi ces derniers, notamment/ que s'organise un tour, trois
fois par semaine, pour assurer les repas des bonzes et l'entretien
matériel du vat.
" - les membres sympathisants sont des personnes qui désirent
témoigner à la communauté religieuse lao en France leur amitié et
leur encouragement à la bonne marche du comité".
Ce sont souvent des Français proches des milieux laotiens, qui
prodiguent conseils et aide aux responsables du comité.
Le Conseil d'administration du C.S.B.C est choisi parmi ces
différents membres. Il comprend un Président, deux Vices-Présidents,
un Secrétaire Général, deux Secrétaires Généraux adjoints, un
Trésorier, et un Trésorier adjoint.
Le Président du C.S.B.C. est un ancien haut fonctionnaire de
l'administration fiscale, de religion catholique. Présent lors de
toutes les célébrations importantes, il veille au bon déroulement
50
des opérations sans jamais prendre part au culte lui-même.
La nomination d'un responsable non bouddhiste à la tête du C.S.B.C.
témoigne de la tolérance des Bouddhistes/ mais surtout de leur
capacité à évaluer les contraintes imposées par l'environnement
nouveau ; les membres du comité choisissent des personnalités bien
insérées dans la société française pour assurer efficacement
la gestion de la pagode- Le président du C.S.B.C. a une formation
de juriste et des accointances nombreuses en France/ qui facilitent
les démarches. Cette stratégie dénote une faculté d'adaptation
mais laisse aussi supposer que des enjeux, autres que religieux,
se jouent dans la réorganisation des pratiques religieuses en exil.
Nous aurons à y revenir.
Ainsi, la majorité des membres du C.S.B.C. se compose, on le voit,
de personnes d'origine lao, ayant exercé des responsabilités
importantes au Laos ; mais le présence d'étrangers, et particuliè
rement de Français est aussi souhaitée. Elle est d'ailleurs
explicitement prévue par l'article 2 du règlement intérieur :
"Tout Lao né bouddhiste, touts personne d'ethnie ou de peuple
différent qui a su témoigner son profond attachement au Pays du
Million d'Eléphants et qui respecte et suit l'enseignement du
Bouddha peut adhérer librement au C.S.B.C. et en devenir membre
de plein droit".
Cette volonté d'ouverture doit permettre au C.S.B.C. d'accueillir
en son sein des non Lao, par exemple des personnes appartenant
à certaines ethnies minoritaires du Laos, mais aussi des Français
51
susceptibles de faire la liaison entre la communauté lao et la
société globale/ et de garantir la crédibilité de son action.
Les membres du CS.B.C. constituent indéniablement
des paroissiens du. vat Veloùvariarar:. ... % '.l'-' ' "•
Participant de façon régulière à l'entretien de la pagode/ ils
font partie intégrante de la paroisse bouddhiste telle qu'elle se
définissait dans la société d'origine ; celle-ci englobait en effet
toutes les maisonnées donnant chaque jour l'aumône de nourriture
aux bonzes d'un vat. Pour les adhérents qui apportent leur
contribution/ en nature/ en argent/ en main d'oeuvre/ au monastère
de Gonesse, tout se passe presque comme autrefois/ à quelques
aménagements près. Les distances/ d'une banlieue à l'autre/ les
horaires du travail salarié/ les problèmes de voisinage, le climat
même/ ne permettent pas de faire l'offrande quotidienne de
nourriture aux bonzes et obligent à la mise en place d'un tour.
Le principe/ néanmoins/ reste très comparable à celui de la
tradition. Ces vieilles dames que leurs enfants viennent
accompagner en voiture/ plusieurs fois par semaine/ à la pagode/
où elles passent la journée en prières auprès des bonzes/ sont
bien de ces fidèles assidus pour qui la fréquentation régulière
du monastère est constitutive d'une certaine identité sociale.
Pour ces bouddhistes la., l'attachement au vat est de même nature
que le sentiment d'appartenance que suscitait la pagode dans
la société rurale lao.
52
En effet/ bien entretenue, la pagode est le témoin de la
générosité de ses fidèles, elle est source de fierté, et symbole
du groupe ; aussi chacun déploie-t-il tout son zèle pour satisfaire
au mieux les besoins du sangha et donner de son vat la meilleure
image possible.
Un sentiment communautaire comparable à ce que nous appelons
"l'esprit de clocher" se développe ainsi autour du monastère,
entraînant aussi une certaine concurrence avec d'autres vat.
Les rivalités entre le C.S.B.C. et l'A.B.L. ne sont pas sans
rappeler les relations de compétition qu'entretenaient des
agglomérations voisines au Laos. Celles-ci sont un vestige du
modèle de relation sociale pré-bouddhique fondé sur le piep, la
"face", qui instaurait entre les individus et les groupes des
rapports de force et de lutte. Remplacé, avec l'avènement du
Bouddhisme, par la notion de mérite, il continue de sous-tendre
les rapports sociaux, faisant du prestige, lié au mérite, un
élément essentiel de l'identité individuelle et collective.
A Gonesse, le noyau des fidèles les plus constants ne ménage pas
ses efforts lorsque la réputation du vat est en cause. (1)
Nul doute que se manifeste là un sentiment d'appartenance à la
paroisse.
(1) Il n'est que de voir l'accueil extrêmement favorable qui fut toujours réservé à cette étude, susceptible, aux yeux des fidèles, de mettre en valeur les activités du vat.
53
Pour les autres fidèles du vat/ ceux qui n'appartiennent
pas au C.S.B.C. et viennent/ de façon beaucoup plus irrégulière/
s'y acquitter de leurs obligations religieuses/ ce sentiment
d'appartenance est sans doute plus diffus.
Il s'exprime néanmoins par la participation ponctuelle à des
actions communautaires au profit du monastère.
Les nombreux Lao qui/ venus des différentes banlieues de
Paris ou de province/ s'associen.t _epls.odiquemen.t-.aux. activités
du monastère/ font/ eux aussi/ partie de la population paroissiale
du vat Velouvanaram.
Un brassage de fidèles
Un incessant va-et-vient se fait/ chaque jour/ à la pagode/
de réfugiés lao qui/ faute de disposer d'un lieu de culte a
proximité de chez eux, doivent se déplacer vers les seuls vat
existants pour pratiquer leur religion.
Celle-ci/ il est vrai/ est peu contraignante/ et les visites
au monastère peuvent s'espacer largement dans le temps.
"Il n'y a. pas de rites ou cérémonies extérieures qu'un Bouddhiste
soit obligé d'accomplir. Le Bouddhisme est une voie de vie > et ce
qui est essentiel, c'est de suivre le Noble Sentier Octuple",, écrit
54
Walpola Rahula (1). Mettant davantage l'accent sur "voir"/
"comprendre"/ plutôt que sur la foi et la croyance/ la doctrine
bouddhique/ dhamma, l'essentiel du Bouddhisme/ doit être pratiquée/
perfectionnée par chacun..Aucun élément charismatique ou sacré
n'y est attaché et elle n'a guère à voir avec l'adoration. Dès lors,
pour le Bouddhiste, point d'office obligatoire/ point de prière
régulièrement imposée.
"On est son propre refuge, qui d'autre pourrait être le refuge ?"
enseigne le Bouddha. (2) Et c'est à chaque individu de fixer la
fréquence et la forme de sa piété religieuse.
Pour le Bouddhiste lao, nous l'avons vu, celle-ci prend toute sa
dimension dans la pratique de la charité/ hed boun.
Et la pagode constitue/ par excellence/ le lieu où accomplir les
actes méritoires. En se montrant généreux dans ses offrandes aux
bonzes, le Lao gagne des mérites et assure sa bonne réputation au
sein du groupe social. Sans cette structure communautaire qui lui
permet d'enrichir son karma/ il ne dispose que de peu de repères
pour s'identifier à sa religion.
Emigré dans une société occidentale où il est pour une grande
part livré à lui-même, aux prises avec des difficultés d'intégration,
où l'environnement, enfin, n'incite guère à la dévotion, il a fort
peu d'occasions de manifester sa piété dans son quotidien.
Dans l'incapacité de faire, chaque jour, l'aumône de nourriture
aux bonzes, il peut certes encore respecter certaines des préceptes
bouddhiques.
(1) Walpola RAHULA L'enseignement du Bouddha d'après les textes les plus anciens. 1961. Paris, Ed du Seuil.p. 111
(2) Dhp XII, 4.
55
Il peut se reconnaître dans les cinq sila ("préceptes"),
"ne pas tuer"/ "ne pas voler"/ "ne pas commettre l'adultère",
"ne pas mentir"/ "ne pas s'enivrer". Mais l'exode a bousculé ses
structures familiales et sa manière de vivre. Le respect de ces
règles, avec lesquelles/ au Laos déjà/ il prenait certaines
libertés/ n'a plus ici guère de sens. Les familles sont dispersées/
des conflits éclatent entre parents et enfants/ entre amis/ des
couples de plus en plus nombreux se déchirent ou se séparent/ sous
la pression de la société ambiante qui propose des modèles et des
rôles nouveaux. L'interdit de l'adultère ou de l'alcool, que les
Lao ont eu tendance à enfreindre largement lors des fêtes profanes
par exemple, n'a plus ici beaucoup de poids, dans une société
perçue comme très libre/ de moeurs faciles. En outre/ les
préoccupations matérielles envahissent le quotidien et ne portent
pas à la spiritualité ou à la charité.
A l'intérieur de son foyer/ le réfugié lao peut encore/ seul
ou avec les membres de sa famille/ réciter chaque soir, avant le
coucher, la prière au Bouddha devant le petit autel érigé au-dessus
de son lit. Mais, là encore, le rythme de vie nouveau tend à lui
faire abandonner cette habitude. Si l'on trouve dans la quasi
totalité des appartements lao le petit autel dédié au Bouddha, et
parfois/ quoique plus rarement/ aux génies tutélaireS/ rares sont
les familles qui s'y recueillent de manière régulière.
56
Hors du milieu ambiant qui, dans la société d'origine/ portait
l'ensemble du groupe social à accomplir/ chaque jour, le plus
naturellement, les gestes simples du rituel et de la prière, le
Lao se dispense progressivement de ces derniers. Il lui faut
désormais une occasion particulière, dans sa vie familiale ou
sociale, pour qu'il les effectue.
Il continue, ainsi, de marquer certains épisodes de la vie de
ses enfants par la célébration de rituels qui peuvent être
faits chez lui, sans la présence de bonzes ; les anniversaires du
jeune enfant sont une de ces circonstances.
De même, certains troubles, dans sa vie personnelle, l'amènent
aussi à invoquer le Bouddha et les divinités tutélaires héritées
de l'ancien culte des Phi. Par exemple , les insomnies ou les
terreurs nocturnes d'un bébé, souvent interprétées comme la marque
d'un mauvais génie, donnent lieu à ce type de'rituels.
Le plus couramment célébré est le sou khouan, l"appel des
âmes".
Cette cérémonie est un des vestiges des croyances animistes
intégrées au Bouddhisme. Rite propitiatoire, elle est destinée à
conjurer le mauvais sort qui pourrait résulter de la fuite de
certaines âmes hors du corps de l'individu. Rite de guérison,
elle est accomplie chaque fois que le maladie est attribuée à la
perte des âmes. Rite honorifique enfin, elle accroît le prestige
du bénéficiaire. Dans les occasions solennelles où elle est
célébrée en l'honneur d'une personne de notoriété, elle prend le
57
plus savant de baci, que les refuges retiennent aujourd'hui
prioritairement.
Selon la croyance lao/ l'individu est doté de 32 "âmes vitales" (1)/
qui; chacune; appartiennent à une partie du corps; et peuvent à
tout moment s'en échapper; attirées par quelque force maléfique.
On prépare donc un plateau d'offrandes (pa khouan = "plateau" des
"âmes")/ destinées aux âmes dont on va faire le rappel. (2)
L'officiant, généralement un bonze défroqué/ s'adresse aux
divinités tutélaires afin d'obtenir le retour de toutes les âmes
vagabondes vers le bénéficiaire de la cérémonie. Celui-ci peut
être le nouveau-né à qui l'on souhaite longue vie et bonne santé,
le mère qui vient d'accoucher, le convalescent, le voyageur qui
s'en va ou qui revient....
Après les invocations aux génies; tous les participants se
souhaitent bonne chance en se passant au poignet un cordonnet
blanc, auparavant béni par les bonzes, et symbole de l'emprisonne
ment des âmes. (3) .
(1) les ethnies thaï non bouddhisées attribuaient à l'être humain 120 âmes, 60 "âmes de la tête"; 60 "âmes du corps"; que les Lao ont réduites à 32 afin de les faire correspondre au nombre des organes du corps. Pour une étude complète sur ce sujet; voir Richard POTTIER, Le système de santé lao et ses possibilités de développement; Thèse de doctorat es Lettres. Univ. R. Descartes. Mars 1979. p. 765 (2) Le contenu des offrandes varie suivant l'importance de la cérémonie. Pour un grand baci, le plateau d'offrandes forme une pyramide; faite de coupes en argent. Pour un petit sou khouan, des cornets; wan ou souaï suffisent.
(3) Pour une description détaillée du rituel et du contenu des invocations; voir T. N. ABHAY; op. cit, p. 12 à 15.
58
Ce- rituel peut être accompli aussi pour des animaux ou des-objets.
Car khouan désigne/ dans son sens large/ une force occulte
présente non seulement chez les êtres vivants/ mais aussi dans les
choses. (1)
On pratiquait ainsi/ dans la société rurale, l'appel des âmes pour
la charrette à boeufs, les pirogues/ les tambours de pagode/ les
instruments de musique/ etc....
Le baci/ rituel très spécifiquement lao, reste pratiqué par
les réfugiés/ non seulement pour toutes les circonstances
habituelles/ mais aussi en des occasions nouvelles qui découlent
de la vie en France. On organise un sou khouan pour l'ami ou le
parent qui vient d'obtenir l'asile dans notre pays, pour celui
qui part vers un nouveau pays tiers/ pour celui qui part en visite
aux Etats-Unis ou au Canada, pour celui qui vient d'obtenir un
emploi, pour la réussite à un examen, etc.... On l'accomplissait
même, ¿ans les premières années de l'exil, pour l'acquisition
d'une automobile ou d'un logement. Mais ces événements se sont
banalisés, et ne donnent plus lieu aujourd'hui au rituel.
A l'issue du baci, a toujours lieu une fête profane, au
cours de laquelle on chante, on danse, on mange ensemble.
L'organisation de ces réjouissances est une manière de "hed boun','
faire le bien.
Mais ces rituels et ces fêtes, largement empreints de restes
animistes, ne suffisent pas à l'enrichissement du karma.
L'offrande la plus génératrice de mérites, ne l'oublions pas, reste
celle destinée aux bonzes.
(1) Mous aurons l'occasion de revenir sur cette notion de khouan,
59
En outre/ la présence de ces derniers est tout à fait
indispensable lors de certaines circonstances très précises : les
rites funéraires ou la bénédiction d'un mariage/ par exemple/
exigent leur intervention. Enfin/ les bonzes sont des guides
spirituels, des conseillers, dont les réfugiés ont le plus grand
besoin pour affronter les difficultés de la vie en exil.
C'est pour satisfaire ces exigences que le réfugié lao se
tourne vers les monastères constitués en France, permettant à
ces derniers d'étendre leur influence au-delà de ce que pouvaient
être les limites d'une paroisse bouddhiste dans la société
traditionnelle.
Sans tenir compte du rattachement du vat à tel ou tel
Nikaya, il a tendance à choisir celui qui rassemble des personnali
tés prestigieuses ou connues de lui, ou, plus simplement encore/
celui qui est le plus facile d'accès pour lui.
Le monastère d'Hérouville Saint Clair/ dans la banlieue de Caen,
par exemple/ est fréquenté essentiellement par les Lao installés
dans le Calvados. Celui de Borny/ quand il fonctionnait, l'était
par ceux de l'Est de la France.
Toutefois, ce sont les deux pagodes de la région parisienne
qui connaissent la plus grande affluence.
De par sa position centrale sur la carte de France, mais surtout
parce qu'il fournit aux réfugiés disséminés sur notre territoire
de multiples prestations introuvables ailleurs, Paris constitue
un pôle de rassemblement régulier. On profite généralement d'un
60
voyage à la capitale pour faire tout à la fois l'approvisionnement
en denrées alimentaires nécessaires à la cuisine asiatique/ dans
les commerces spécialisés des 13ème/ 18ème ou 20ème arrondissements/
pour y rencontrer les parents et les amis, pour y effectuer, enfin/
une visite aux moines.
Les Lao de province se regroupent pour se rendre ensemble à Paris,
une fois par mois, par exemple/ et y acheter/ en grosses quantités/
les sacs de riz/ le nam pla (1)/ les piments et légumes indispensa
bles à la préparation de certains plats. Ils saisissent cette
occasion pour se rendre au vat et y recevoir la bénédiction des
bonzes, avant de se retrouver entre amis pour "faire la fête".
Cette organisation/ calquée sur le modèle de solidarité et
de gestion collective qu'ils connaissaient au village/ au Laos/
bénéficie pleinement aux deux monastères de la région parisienne/
ainsi fréquentés par des groupes venus de toutes les régions de
France.
Le vat Velouvanaram voit en 1981, de nombreux Lao se rallier
à un projet communautaire à son profit, qui va lui permettre de
venir s'installer à Villiers-le-Bel.
(1) saumure de poisson d'un usage très fréquent dans les préparations culinaires des Lao.
61
L'investissement communautaire au profit de la pagode
Très vite à l'étroit dans l'appartement de Gonesse, le
sangha doit envisager, dès le courant de l'année 1981, d'agrandir
le lieu du culte. Une propriété de 430 m2 est trouvée à Villiers-le-
Bel, pour laquelle, en décembre 1981, est signée une promesse de
vente et effectué un premier versement de 50 000 F. (1)
Le montant global de la propriété étant de 500 000 F, le C.S.B.C.
lance un appel de fonds auprès des bouddhistes lao pour réunir la
somme nécessaire à l'achat définitif.
La collecte des fonds a lieu le 7 février 1982, lors de la
célébration d'une importante fête du calendrier bouddhique,
le Boun Makha Bouxa, qui commémore le premier grand concile des
moines bouddhistes en Inde, près de Rajagrha, en 500 ac. (2)
La cérémonie se déroule dans un restaurant scolaire de Gonesse
loué par le C.S.B.C. afin d'accueillir la foule des fidèles.
Cinq moines sont présents ce jour-là, le supérieur du monastère,
et ses deux bonzes, ainsi que deux moines khmers. Participe aussi
à la célébration un pho khao, dévot ayant pris l'habit monastique. (3 )
(1) Voir en annexe les photocopies des documents concernant ces opérations.
(2) Ce concile réunit 1250 disciples de Bouddha, qui les accepta dans sa communauté religieuse, leur remit les règles du Canon pâli et leur prédit sa mort.
(3)Les pho khao ("pères" "blancs") et meh khao ("mères" "blanches") sont des dévots qui, pour gagner des mérites, prennent l'habit monastique, blanc pour eux, et non pas ocre jaune comme celui des bonzes. Ces hommes et ces femmes, le plus souvent vers la fin de leur vie, s'engagent, lors de la prise de voeux, à suivre 8 des règles du Dhamma. (Les novices doivent en suivre 10 et les bonzes 227) .
62
Du côté des fidèles/ sont là, arrivés par groupes , dans des
voitures bondées où s'entassent les adultes, les vieillards/ les
enfants, des Lao de toutes les banlieues Nord et Nord Est de Paris :
Gonesse biensûr, mais aussi Sarcelles, Saint-Denis, Aulnay-sous-Bois
Bondy, Chelles, Lagny, Melun. Ils sont rejoints par les "provinciaux!'
de Montereau, Reims, Limoges, Bourges....
C'est pendant la quête des bonzes, vers onze heures, qu'a
lieu la collecte des fonds. Outre les aumônes habituelles faites
aux moines, nourriture, vêtements, savon, cigarettes, et autres
biens nécessaires à leur entretien, on offre ce jour-là des sommes
d'argent qui seront utilisées à l'achat du pavillon de Villiers-le-
Bel. Deux cent mille francs sont réunis en quelques heures, avec
des dons spectaculaires pouvant; atteindre 10 000 F pour une seule
personne ! Les noms des donataires et le montant de leurs offrandes
sont annoncés par microphone à l'assemblée, qui peut ainsi mesurer
la générosité des participants ! (1)
Grâce à cet appel de fonds, venu s'ajouter au capital dont
disposait déjà le C.S.B.C. sous forme de droits d'adhésion réglés
par ses membres, l'achat comptant du pavillon, 8 avenue des
Charmettes, à Villiers-le-Bel est réalisé dans le courant de
l'année 1982. Le vat Velouvanaram peut être transféré là-bas,
continuant d'ailleurs d'être appelé par ses fidèles "vat Gonesse".
(1) un avait là à faire à ce que Georges CONDOMINAS appelle des "dons ostentatoires" à propos des dons ayant pour objet l'extension de la communauté ou l'accroissement du nombre de ses membres, ou l'élévation en grade de certains d'entre eux, ou encore la création d'un nouveau monastère. OD. cit p. 115.
63
Ceux-ci se réfèrent en effet davantage à ce qui fut le noyau
premier de la paroisse/ celui des fondateurs du C.S.B.C. qu'au
lieu d'installation de la pagode.
"Vat Gonesse", pourtant/ rassemble/ on le voit/ une foule de
Lao géographiquement éclatés, capables de se mobiliser pour une
action communautaire au profit du monastère bouddhique/ comme ils
l'auraient fait/ dans le cadre du village/ dans la société
d'origine.
Comme là-bas, les motivations religieuses qui poussent à cet
engagement sont très étroitement mêlées au système de valeurs
sociales.
En faisant pour la pagode des dépenses parfois somptuaires/ le
réfugié lao s'acquitte/ à la manière du paroissien d'un vat
traditionnel/"de 1'obligation.du don prescrite par la morale
bouddhique. En même temps/ il en retire un prestige (piep) accru,
et très important pour lui, car, s'intégrant dans une société de
consommation/ il accorde une part grandissante aux signes
extérieurs de richesse. Sa générosité à 1' égard du monastère
témoigne de son adaptation réussie/ ce qui constitue, en soi/ une
valeur positive.
Le bouddhiste lao tient en effet le bien-être économique pour une •
condition du bonheur, et y voit la preuve d'une conduite méritoire.
64
Au Laos déjà/ avec la diffusion de modèles de comportement
d'origine urbaine et étrangère (thaïlandaise en particulier), le
piep était fortement lié à la possession de certains biens très
appréciés/ tels que l'automobile. En France/ le Lao est d'autant
plus sensible à ces consommations prestigieuses qu'elles lui sont
désormais plus facilement accessibles. Etre possesseur d'une
maison individuelle ou d'un appartement/ d'une voiture de grosse
cylindrée, c'est manifester sa capacité d'intégration dans la
société française.
Le réfugié pourrait être tenté de privilégier ces consommations
individuelles au détriment des dépenses destinées à la collectivité/
telles les dons au monastère. Ces dernières gardent pourtant leur
place dans le budget des familles/ sans doute parce qu'elles
répondent à un double besoin : permettant d'afficher aux yeux de
tous une certaine réussite matérielle/ elles satisfont le sens de
la face/ tout en opérant une redistribution des richesses, à
travers laquelle c'est l'unité du groupe ethnique qui s'affirme.
Issus d'une société fortement hiérarchisée/ les Lao n'accordent
pas une valeur première à l'égalité/ mais savent/ par
l'intermédiaire de structures communautaires aussi fortes que
la pagode, corriger certaines disparités et rétablir la cohésion
du groupe social.
En participant au financement des activités des bonzes en France,
activités qui, nous allons le voir, débordent largement le cadre
strictement religieux, les réfugiés lao restituent au groupe
65
ethnique démantelé par l'exil une communauté de croyance/ de
pensée/ indispensable à son équilibre.
Par là même/ ils donnent à voir à la société qui les accueille
la spécificité de leur culture/ leur capacité d'organisation/ et
leur dynamique.
Peut-être cette dernière dimension devient-elle même/ pour
certaines catégories de Lao au moins/ la raison première de leur
adhésion au projet du C.S.B.C. Pensons au président du comité/
qui/ catholique pratiquant/ consacre une part énorme de son temps
à la réorganisation d'un culte religieux dont il ne se réclame pas.
C'est que; au-delà des préoccupations religieuses/ se joue,
dans la création puis l'entretien d'un monastère, l'affirmation
d'une identité. Celle-ci explique le ralliement multiple des
réfugiés vers cette structure capable de répondre à leurs
aspirations religieuses tout en leur fournissant une unité
d'appartenance.
La paroisse bouddhiste lao apparaît désormais comme une nébuleuse,
reflet de la dispersion des Lao dans le paysage urbain français.
Rompant avec la stabilité qu'elle avait dans la société d'origine,
elle se conforme au cadre de vie nouveau, et s'adapte à des
besoins nouveaux.
L'observation du fonctionnement interne de la pagode, et des
activités qui s'y déroulent doit maintenant nous permettre d'aller
plus avant dans l'analyse des transformations que doivent subir
les pratiques religieuses des Lao pour se maintenir en France.
66
4 . Le monastère reconstitué: continuité et rupture
67
7. Vie quotidienne
L'espace
A cinq minutes de la gare SNCF/ adjacente à la rue commerçante
de Villiers-le-Bel, l'avenue des Charmettes est calme/ bordée de
jardins et de petits pavillons.
Au N° 8, une maison de taille moyenne, avec sa façade blanche et
ses persiennes closes ; c'est, insoupçonnable et insoupçonné, le
vat Velouvanaram. On est loin des superbes constructions de l'Asie,
et pourtant, cette petite propriété, jadis habitée par une famille
française, abrite aujourd'hui.le culte bouddhiste lao et sa
communauté monastique.
Entourée d'un jardinet à l'avant et d'une longue bande de
terrain à l'arrière, l'habitation est tout à fait caractéristique
des pavillons de nos banlieues, dans son aspect extérieur, comme
dans son agencement intérieur : au sous-sol, une buanderie, une
chaufferie, une cave ; au rez-de-chaussée, une entrée, une cuisine,
une salle de bains, des toilettes, une chambre, une salle de
séjour ; à l'étage, un palier, une chambre mansardée, un grenier.
Une telle distribution de l'espace intérieur ne pouvait être
conservée par le sangha, tenu au respect de certaines normes, dont
celle, essentielle, de la séparation entre aire du culte et aire
profane.
Un vat est en effet normalement situé sur un vaste terrain et
réparti en plusieurs bâtiments indépendants : l'un pour le logement
68
des religieux, un autre pour le sanctuaire, un autre enfin pour
la sala, sorte d'édifice public servant d'entrepôt, d'hébergement
pour les visiteurs, de salle de réunion et de salle à manger pour
les bonzes.
Contraints à une unité de lieu inhabituelle, les bonzes de
Villiers-le-Bel ont dû faire effectuer quelques travaux afin de
respecter les règles de la vie monastique.
L'ancien sous-sol du pavillon est aujourd'hui transformé en une
sala ; 1 ' ex-buanderie est maintenant un entrepôt pour le matériel
nécessaire au fonctionnement du monastère et les provisions des
bonzes. La chaufferie est devenue une cuisine où sont,préparés les
repas des bonzes. La cave est aménagée en salle à manger, salle de
réunion pour le conseil d'administration du C.S.B.C. et de réception
pour les gens de passage. (C'est là que se sont déroulés la plupart
des entretiens avec les religieux et les fidèles, durant l'enquête).
Le sous-sol du pavillon, qui possède un accès direct sur le jardin,
est ainsi réservé' aux affaires matérielles du vat, au monde profane,
tandis que le rez-de-chaussée constitue le lieu du culte.
Ce qui était une salle de séjour est transformé en sim, le
sanctuaire, au fond duquel est érigée une grande statue du Bouddha.,
entourée d'autres, plus petites, et de multiples offrandes, de
fleurs, de bougies en cire d'abeille, de bâtons d'encens. Les volets
en sont toujours fermés, et la pièce est totalement dénudée, à
l'exception de l'autel, et, détail insolite dans ce décor, d'un
téléphone....
69
C'est là que se déroulent les célébrations religieuses et la
réception des fidèles. Ceux-ci accèdent directement au sim par la
porte d'entrée du pavillon/ et l'on peut voir; sur le perron/ les
multiples paires de chaussures que l'on retire avant d'y pénétrer...
Les religieux sont logés dans la chambre du rez-de-chaussée et à
l'étage. Eux qui/ au Laos/ pouvaient se retirer dans les petites
constructions individuelles sur pilotis; koutdi/ qui leur étaient
réservées/ dans l'enceinte du monastère/ pour s'adonner à l'étude
ou à la méditation, ont ici beaucoup de difficultés à s'isoler.
L'exiguïté des lieux et l'impossibilité de disposer d'un logement
tout à fait séparé du reste du vat les obligent à se mêler
davantage à ses affaires matérielles.
En outre, l'énorme et très diverse demande des fidèles est une
sollicitation permanente/ qui les amène à modifier quelque peu
leurs rythmes et leurs activités au sein du monastère.
Le temps
Dans le Bouddhisme Theravadin/ "les devoirs des moines qui
vivent dans les villes et les villages sont doubles ; ils doivent
passer une partie de leur temps à étudier et à méditer} pour leur
propre développement intellectuel et spirituel. Ils doivent d'autre
part enseigner les enfants qui viennent étudier au monastère,
70
s'occuper des besoins religieux des laïcs et entretenir le
monastère, prononcer des sermons régulièrement à la congrégation
qui s'assemble certains jours, ainsi que donner des conseils et
des instructions religieux aux individus et aux groupes, régler
les cérémonies religieuses, organiser des associations pour le
bien-être social, etc.." (1)
Sont là résumées par Walpola RAHULA les principales attributions
des moines. Celles-ci rythment leur vie de chaque jour au
monastère.
A Villiers-le-Bel/ les moines voient certaines de ces fonctions
prendre une importance particulière/ tandis que d'autres sont
réduites. Les règles de la discipline monastique y sont aussi
bousculées.
S'efforçant de respecter le vinhaya, (la discipline monastique)/
ils doivent répondre à la demande de leurs fidèles et sont souvent
contraints de modifier certaines de leurs activités.
Levés/ en période normale/ vers cinq heures le matin/ ils s'adonnent,
seuls dans leur chambre, à la méditation/ à la prière et à l'étude
des textes/ jusqu'à sept heures environ/ temps de leur premier
repas. La matinée est ensuite consacrée à la méditation encore et
à l'étude de l'enseignement du Bouddha.
Veillant à ne pas gêner leur voisinage, ils ont abondonné certaines
des techniques de méditation ; celles qui consistent, en pays
lao, dans les vat pa, les pagodes de forêt, en une marche
(1) Walpola RAHULA, op. cit. p. 108
71
ininterrompue de plusieurs heures/ sur un même parcours/ sont
en particulier abandonnées. Les prières sont aussi plus discrètes/
évitant la psalmodie qui risquerait d'attirer l'attention alentour.
Avant midi/ comme le veut la tradition/ les bonzes prennent leur
deuxième et dernier repas de la journée. L'après-midi est alors
réservé à la réception des fidèles. Et les bonzes devront attendre
le départ/ souvent tardif/ des derniers visiteurs/ pour pratiquer
à nouveau la méditation avant de se coucher.
Il est rare que cet emploi du temps soit tout à-fait respecté
au vat Velouvanaram.
L'incessant va-et-vient perturbe en général le déroulement normal
de la journée. Certaines situations d'urgence amènent parfois les
bonzes à recevoir en toute hâte un fidèle en difficulté qui vient
demander une intervention ou une aide. Interrompant alors sa
méditation matinale/ le bonze doit réfléchir avec l'intéressé à la
manière de régler un conflit avec un employeur/ de faire rentrer
au foyer un conjoint en fugue, de solutionner un problème de carte
de réfugié/ etc...
Sollicité par des fidèles souvent en détresse/ il doit aujourd'hui
s'engager dans le monde extérieur bien davantage qu'il ne le
faisait dans la pagode de village/ au Laos. Lui qui/ dans la
tradition bouddhique/ doit se tenir à l'écart de toutes contingences
matérielles/ et laisser aux laïcs le soin de régler les affaires
d'intendance, est ici contraint de faire face à ces problèmes.
72
Bien que l'essentiel de son entretien soit assuré par les fidèles/
il est davantage mêlé à la vie matérielle courante«.fdu vat.
Des familles de Gonesse/ de Saint-Denis/ d'Aulnay-sous-Bois/
viennent, chaque jour, en alternance, préparer et servir les repas
du sangha.
A tour de rôle encore, des femmes et des hommes viennent faire le
ménage, la lessive et le jardinage. Ils sont aidés par un homme
d'une cinquantaine d'années qui, sans famille en France, est
hébergé de manière permanente avenue des Charmettes et fait office
de salavat, sorte de marguillier et sacristain chargé de l'entretien
du vat.
Mais la promiscuité à laquelle oblige l'exiguïté des lieux et
l'incapacité de certains fidèles, qui ne parlent pas le Français,
à prendre des initiatives, amènent les bonzes à prendre eux-mêmes
en charge la bonne marche matérielle du monastère ; ils répondent
le plus souvent eux-mêmes au téléphone, qui sonne sans arrêt, ils
décident des achats nécessaires, etc..
Ainsi le sangha, et son chef surtout, prend de plus en plus
de responsabilités en matière de gestion du vat. C'est lui, en
particulier, qui décide, avec le C.S.B.C., de l'utilisation des
fonds recueillis sous la forme de dons auprès des fidèles. Le choix
de certains investissements, en matériel, en accessoires nécessaires
au culte, se décide en conseil d'administration, avec sa participa
tion. Ceci suppose qu'il se préoccupe de questions d'argent qui
normalement devraient lui échapper totalement.
73
Afin de préserver/ dans ce domaine/ un minimum de la règle
bouddhique/ les bonzes ont fait modifier l'article 7 des statuts
du CS.B.C. concernant les conditions d'adhésion. Celui-ci
prévoyait de soumettre celle-ci au "paiement de droits d'entrée
ou de cotisations fixées par l'Assemblée générale" et à la
"souscription volontaire et formelle de fournir des cotisations
annuelles ou des subventions quelconques au Comité".
Les moines/ appuyés par les plus fervents des fidèles de Gonesse,
considérèrent qu'il y avait là une entrave aux règles bouddhiques
et que l'adhésion des membres devait prendre la forme de dons au
vat et à sa communauté monastique/ par conséquent laissés à la
discrétion des fidèles.
L'article 3 du règlement intérieur prévoit donc désormais :
"Par dérogation aux articles 5 et 7 des statuts du CS.B.C.,
l'admission d'un membre n'est pas impérativement soumise au
paiement de droits d'entrée ou de cotisations ; le C.S.B.C. s'en
remet à la discrétion de l'intéressé".
Bel exercice d'acrobatie/ qui permet de concilier les impératifs
français et lao : le C.S.B.C, association loi 1901/ s'assure des
rentrées d'argent régulières ; la morale bouddhique est sauve, et
les fidèles peuvent gagner des mérites en fournissant des dons à
la pagode !
Se transformant/ dans certains cas, en de véritables hommes
d'affaires, brassant des problèmes techniques/ administratifs,
74
juridiques/ financiers qui leur sont normalement étrangers, les
moines voient une partie de leur quotidien au vat accaparée par
des préoccupations matérielles.
Pourtant, parallèlement à celles-ci, ils doivent s'acquitter
de leurs fonctions de clercs, et notamment de celle qui constitue
la principale, celle d'officiers du culte.
75
8. La réorganisation des fonctions monastiques:
La célébration du culte
Le culte bouddhiste comprend/ traditionnellement/ la
célébration de cérémonies fixées par le calendrier bouddhique/
d'une part/ celles de la vie familiale et sociale des Lao d'autre
part.
La vie en France oblige parfois à en modifier la fréquence et les
dates.
. les fêtes du calendrier bouddhique
L'année bouddhique est ponctuée de nombreuses fêtes/ que les
conditions de vie en France ne permettent pas de toutes célébrer.
Le travail salarié et les distances réduisent la disponibilité des
Lao. Ne sont par conséquent maintenues que les plus importantes
des grandes fêtes bouddhiques/ dont les dates/ déterminées par les
bonzes eux-mêmes/ sont couvent en léger décalage par rapport au
calendrier bouddhique. Elles sont toujours célébrées en fin de
semaine/ pour permettre à tous de venir y assister.
Les bonzes procèdent généralement entre eux, au vat/ à la
célébration de la fête à sa date réelle, et une deuxième fois,
pour leurs fidèles/ à une date leur convenant davantage. (1)
(1) Voir en annexe p. 165 photocopies d'invitations envoyées par le C.S.B.C. aux Lao pour ces fêtes.
76
L'année bouddhique débute avec le Nouvel An/ Pi May, fête à
la fois religieuse et profane; comprenant des rites de purification
au cours desquels on lave à grandes eaux les statues du Bouddha,
dans les maisons et les pagodes. Les fidèles doivent aussi
s'asperger abondamment/ ce qui donne lieu, au Laos,, à des scènes
de rue colorées et d'une grande gaieté I De telles pratiques sont
bien.sûr ici abandonnées, et la nouvelle année est célébrée de
manière plus discrète/ autour de la statue du Bouddha/ au cours du
mois d'avril. Pi May est très largement fêté par toutes les
associations lao qui/ en dehors de la cérémonie religieuse/
organisent des. réjouissances profanes/ avec spectacles de danse/
de musique/ bal/ etc..
Aussitôt après/ à la pleine lune du 6ème mois, a lieu la
grande fête commemorative de la naissance, l'illumination et la
mort du Bouddha, dans le courant du mois de mai, à Gonesse.
En juillet/ c'est l'entrée du carême' bouddhique (1) qui
enjoint aux bonzes de ne plus quitter leur monastère durant trois
mois, règle fort difficile à respecter en France, tant les
obligations extérieures sont nombreuses !...
Au mois d'août, c'est la fête des morts, et en septembre,
l'offrande du 9ème mois.
La sortie du carême est célébrée en octobre, et en novembre,
les fidèles de "vat Gonesse" font l'offrande de Kan thin, au cours
de laquelle on fait don aux bonzes des pièces d'étoffe servant à
leur habillement.
(1) le carême bouddhique débute le 15ème jour de la lune croissante du 8ème mois pour prendre fin le 15ème jour de la lune croissante du Heme.
77
Ces fêtes sont l'occasion de grands rassemblements qui ne
peuvent avoir lieu au monastère lui-même/ trop petit. Le sanqha
doit donc/ situation tout à fait nouvelle, se déplacer vers un
local capable d'accueillir la foule des fidèles. Le C.S.B.C. loue
parfois la pagode de Vincennes/ et, le plus souvent, nous l'avons
déjà vu, un restaurant scolaire, à Gonesse, qu'il prépare, la veille
de la cérémonie, à recevoir le culte. Le matin même de la
célébration, une statue de Bouddha et les accessoires nécessaires
au culte sont amenés par les bonzes sur place.
Le sangha de Villiers-le-Bel et le C.S.B.C. envisagent d'élever
sur le terrain situé à l'arrière du pavillon de l'avenue des
Charmettes un bâtiment permettant de recevoir une assistance
nombreuse pour célébrer les grandes fêtes. Mais la crainte de
gêner le voisinage et l'hypothétique obtention du permis de
construire ont, jusqu'à ce jour, retardé la réalisation de ce
projet.
Au cours de ces grandes cérémonies, les moines prononcent des
sermons qui sont, biensûr, une exaltation des vertus bouddhiques
mais aussi un moyen de diffusion d'informations pour les différentes
communautés présentes. Des bonzes en provenance d'autres pagodes,
en France et dans d'autres pays d'accueil, hôtes de passage au
"vat Gonesse" , assistent à ces célébrations et font aussi circuler
les nouvelles de la diaspora lao à travers le monde.
Ces homélies sont aussi le moyen, pour le chef du vat Velouvanaram,
de faire pour ses fidèles un bilan de ce qu'ils vivent aujourd'hui
en France et de leur rappeler leurs devoirs conformément à la
règle bouddhique.
/ 78
En 1984, par exemple, lors du boun Mackha Bouxa, le
vénérable maha Chanty s'adresse en ces termes à l'assemblée
présente :
"Aujourd'hui est le jour de Mackha Bouxa. C'est le jour le plus
important de l'ère bouddhique. C'est le jour où Bouddha a offert
une grande oraison à ses disciples et ses fidèles. Il y avait là
1250 disciples. (...) (1)
Nous, Bouddhistes, croyons en Mackha Bouxa. Tous les ans, nous
devons faire une grande réunion pour célébrer cet événement.
Dans le Pattimokka, (2)Bouddha parle souvent des règles de vie des
bonzes. (... )
Quand on prend le Dhamma, il faut de la tolérance, pour que la
vie collective soit possible.. Cest là la base de notre religion.
Il nous faut pratiquer la tolérance, la patience, pour atteindre
la libération, comme le Bouddha. Il faut surtout éviter le mépris,
la mésentente et la haine. Dans la vie de tous les jours, il faut
respecter les cinq sila : ne pas tuer, ne pas voler, ne pas
commettre l'adultère, ne pas mentir, ne pas s'enivrer.
Il ne faut pas consommer plus que de mesure, il faut éviter le
superflu et savoir se contenter du nécessaire.
Dans leur vie quotidienne, les fidèles ne doivent pas vivre au-
dessus de leurs moyens, pour que les fins de mois ne soient pas
trop difficiles. Si l'on ne prend garde à ses dépenses, alors on
tombe dans la misère et on ne peut plus compter sur personne.
(1) suit un passage rappelant ">i l'assistance la signification ce cette célélv/ation.
{?.) n':t Pratimoksa ; texte fondamental dans la discipline bouddhique qui comprend la liste des prescriptions disciplinaires et des sanctions aux manquements.
79
Dans la maison, là où l'on mange, là où l'on dort, il faut que
tout soit propre, et bien en ordre ; sans hygiène, on se ruine
la santé.
Dans la vie de famille, il ne faut pas prendre seul les décisions.
Il faut être au moins deux, et consulter une autre personne de
la famille. Si un couple veut avoir un enfant, il faut que l'homme
et la femme décident ensemble. Et quand l'enfant est né, il faut
encore que tous deux ensemble ils l'éduquent. Il faut surtout que
les parents montrent la bonne voie à leurs enfants. Il faut faire
le boun, être généreux, pour que les enfants, plus tard, fassent
de même.
C'est ainsi encore dans la vie communautaire ; tout le monde se
dit patriote, mais l'esprit patriotique, c'est d'abord au sein
de la famille qu'il faut l'exprimer. Dans un groupe, on doit
savoir être tolérant à l'égard des autres, éviter les disputes.
Celui qui se comporte ainsi peut alors avec fierté se dire patriote"
Après avoir retracé les origines et la signification du boun
Mackha Bouxa, le vénérable rappelle à l'assemblée les devoirs des
fidèles, consignés dans le Pattimokka. La tolérance, vertu
première dans le Bouddhisme, et tout à fait remarquable dans
l'histoire des religions, et l'observance des sila, sont les
principales obligations des laïcs. Elles doivent trouver leur
application dans le quotidien. Le bonze reprend donc, un à un, les
domaines de la vie familiale et sociale des Lao en France, afin de
les exhorter à respecter ces règles et à corriger certains de leurs
défauts.
80
Il dresse/ du même coup, implicitement/ un bilan plutôt négatif
de leur intégration. Lui qui connaît parfaitement/ pour être le
confident de nombreux fidèles/ les difficultés actuelles des
réfugiés/ tente de recentrer ces derniers/ grâce à l'évocation des
valeurs bouddhiques.
La soif de consommation/ pourtant contraire à la règle du
détachement/ entraîne/ chez beaucoup/ des dépenses excessives et
une gestion parfois catastrophique de leur budget. Ils sont souvent
dans l'incapacité de redresser seuls la situation/ mais ne peuvent
plus/ aujourd'hui/ compter sur les mécanismes de solidarité
traditionnels. Ceux-ci se basaient sur le principe de la réciprocité
que la société française ne favorise nullement. Avec le recours
au système d'assistanat français, les Lao sont de plus en plus
individualistes, et ne trouvent plus, à l'intérieur du groupe
ethnique, les structures institutionnelles permettant d'organiser
l'échange de dons et de services. Lorsqu'une famille lao est en
difficulté, elle devient vite assistée, perdant la face aux yeux
de tous et discréditant l'ensemble du groupe ethnique.
La tenue du foyer et l'organisation de la vie familiale sont une
autre des difficultés rencontrées par les réfugiés. Des mères de
famille, sollicitées à l'extérieur du foyer par une activité
salariée, par le modèle occidental de la femme "libérée"/ ne
s'acquittent plus toujours de leurs obligations domestiques.
Des hommes soumis à un rythme de vie rapide auquel ils ne sont pas
81
habitués, négligent leur famille. Le jeu, pratique très ancrée
dans les moeurs lao, ou l'excès d'alcool, sont parfois source
de conflits familiaux et d'importants problèmes matériels. (1)
Un certain laisser-aller dans la gestion des affaires familiales
s'installe, qui désorganise complètement l'équilibre des rôles.
La société lao reconnaît la complémentarité des sexes et des
classes d'âge. L'individu, au sein de la famille nucléaire, et plus
largement dans sa párentele, jouit d'une certaine autonomie sans
être jamais isolé ni écarté de l'exercice des responsabilités.
Ici, en France, le noyau père-mère-enfants, coupé de sa párentele,
est déstabilisé par les multiples pressions de la société
environnante. Les enfants, tôt scolarisés, maîtrisent la langue
française et les règles sociales beaucoup plus sûrement que leurs
aînés ; ils savent donc résoudre nombre de problèmes plus
efficacement qu'eux. L'autorité parentale souffre de cette mise
en infériorité, qui entraîne souvent des comportements de démission,
laissant les enfants livrés à eux-mêmes. C'est pourquoi le
vénérable rappelle le devoir du couple dans l'éducation des jeunes.
Le dernier passage de son sermon est une allusion très
directe aux incessants différends qui éclatent dans des groupes
informels ou organisés et qui réduisent à néant toute tentative
d'action communautaire efficace.
(1) Il arrive que des hommes ou des femmes perdent des sommes d'argent considérables au jeu ; on voit par exemple des salaires à peine perçus dilapidés en quelques heures autour d'une table de jeu....
82
Les conflits se soldent presque toujours par la dissolution ou
l'éclatement en factions adverses, suivant un schéma très
traditionnel chez les Lao.
Dans la gestion des affaires collectives, en effet, dans la
société rurale, toute prise de décision supposait un consensus.
Quand celui-ci ne pouvait être atteint, il fallait l'arbitrage des
anciens et des bonzes. Si, finalement, la conciliation n'aboutissait
pas, il y avait alors scission.
Ce processus se reproduit ici, très largement amplifié par
l'absence d'arbitres. Les vieillards, trop peu nombreux, ne sont
plus aptes à évaluer les situations nouvelles et à prodiguer les
conseils pertinents. Les bonzes, trop rares, n'ont pas la
disponibilité suffisante pour être à l'écoute de tous.
Dès lors, faute de mécanismes de régulation interne, c'est un peu
la loi de la jungle qui prend le dessus parmi les groupes lao,
divisés par des querelles intestines, des inimitiés de clans,
des intérêts antagonistes. Cela nuit profondément, rappelle Mana
Chanty, à l'esprit patriotique dont se réclament précisément de
nombreux Lao qui s'opposent, le plus souvent, sur des questions
de politique laotienne.
Dans un tel sermon, le bonze s'efforce donc d'aider
l'assistance à prendre conscience de ces problèmes et à les
résoudre avec le secours de la foi religieuse.
83
Pour les laïcs, la contribution à la fête, bien qu'elle ne
soit nullement obligatoire, est bien entendu génératrice de
mérites. Aussi la plupart des familles s'arrangent-elles pour
assister, au moins une fois dans l'année, à l'une de ces grandes
célébrations du calendrier bouddhique.
Les jeunes eux-mêmes, dont la ferveur religieuse, pourtant, tend
à diminuer, viennent à ces rassemblements. Ils sont pour'eux
l'occasion de retrouver des compatriotes, de rencontrer ceux de
leur classe d'âge, conjoints possibles, de se tenir, enfin, au
courant des nouvelles de la communauté et d'établir des contacts
utiles pour l'obtention d'un emploi, d'un logement, d'une aide
quelconque... Parfois poussés, aussi, par leurs aînés, à fréquenter
la pagode, ils gardent par là une certaine proximité avec leur
religion et leur culture.
La participation au culte joue pour tous ces fidèles un rôle
d'intégration ; occasionnant des retrouvailles, elle favorise le
développement d'échanges, affectifs, matrimoniaux, économiques,
et dynamise le sentiment d'appartenance au groupe.
Mais, plus encore que ces grandes fêtes annuelles, les
cérémonies familiales gardent une grande vigueur dans la vie des
réfugiés.
. Les cérémonies privées
Celles-ci occupent une large part dans les activités des
moines, les amenant à se rendre de foyer en foyer pour bénir un
nouveau-né, célébrer des funérailles, etc.. Car les familles lao
s'adressent au sanana pour tous ces événements importants.
84
Le mariage/ cérémonie civile chez les Bouddhistes, exige, par
exemple, pour être tout à fait réussi, l'intervention des moines.
Traditionnellement, on se marie au Laos les mois pairs : 2ème,
4ème et 12ème mois, et surtout le 6ème mois, le plus faste,
puisqu'il est celui du boun Bang Faî, la fête "des fusées", rite
de fécondité se déroulant avant la venue des pluies. On évite
généralement la période entre le 8ème et le 12ème mois, consacrée
aux travaux des champs et marquée par le carême bouddhique.
En France, on tente de respecter cette coutume, et l'on consulte
généralement le bonze pour fixer avec lui la date la plus
favorable et lui demander de venir bénir les fiancés.
La tradition veut que, la veille du mariage, ceux-ci soient réunis
par un fil de coton à un chapitre de bonzes, qui bénissent l'eau
dont ils seront aspergés le lendemain. Après avoir offert un
repas aux moines, les fiancés reçoivent leur bénédiction.
Celle-ci, appelée souat mon lot nam yen, continue de consacrer
l'union de nombreux jeunes mariés en France.
Elle est suivie d'un sou khouan qui clôt la cérémonie du mariage.
Si les jeunes Lao qui se marient aujourd'hui ici négligent la
tradition de la dot (kha dong, payée par le futur époux à la
famille de la jeune fille), s'ils refusent presque toujours
l'intervention d'entremetteurs, chargés autrefois des négociations
entre les familles, préférant, à la manière française, faire eux-
mêmes le choix de leur mariage, ils restent par contre très attachés
85
à la bénédiction des bonzes ; celle-ci est une sorte de garant de
la réussite du couple Í S'en dispenser risquerait de porter
malheur et ferait/ en outre/ perdre la face !
De la même manière/ s'il n'existe pas, dans le Bouddhisme,
de cérémonie comparable au baptême chrétien/ il est toujours de
bon augure de faire bénir l'enfant qui vient de naître par les
bonzes. Afin de le protéger contre tout danger/ on lui remet un
bijou/ petite chaîne ou bracelet/ sur lequel sont inscrits quelques
signes en pâli. On profite généralement de l'occasion pour faire
ensuite un sou khouan, suivi de réjouissances.
Il arrive que certains parents, les plus dévots, consultent
les religieux pour le nom à donner à leur enfant.
Ceux-ci savent, en principe, faire correspondre les conjonctions
des astres, le jour et l'heure de la naissance avec les lettres et
les syllabes. Lorsque des parents, sur l'avis des bonzes, savent
leur enfant en situation de fragilité, ils lui donnent un nom
"fort", du type Singh, le "lion". Si au contraire, sa conjonction
astrale est favorable, on lui attribue un nom à résonance plus
douce.
Le prénom tient en effet une place privilégiée chez les Lao et
c'est pourquoi il convient de bien le choisir.
L'état civil ne fut institué au Laos qu'en 1943, (par un arrêté
du gouverneur général de l'Indochine), et l'usage du nom de famille
ne fut rendu obligatoire qu'à cette date.
86
Jusqu'alors/ le nom patronymique n'existait pas, et les appellations
étaient limitées. On s'appelait/ par exemple/ Deng (qui signifie
"Rouge") ou Dam ("Noir"), ou Singh (le "lion"). Plusieurs personnes
pouvaient avoir le même nom. Pour distinguer entre les individus,
on ajoutait au nom d'une personne celui de son enfant ou de son
conjoint : Deng, père de Singh, par exemple. On utilisait aussi
le titre qui indiquait l'origine et le rang social : Chao
désignait les princes et les nobles, Thao les mandarins, Naï les
gens de basse extraction. On pouvait, enfin, comme nous l'avons vu,
faire précéder le nom du grade acquis à la pagode. (1)
Cette coutume s'est maintenue jusqu'à nos jours, et les réfugiés
accordent toujours assez peu d'importance, au moins lorsqu'ils-sont
entre eux, au nom de famille, considérant les noms de personnes
comme la véritable appellation.
Ils donnent à leurs enfants des prénoms lao pour la plupart, et
demandent parfois l'avis des bonzes. Certains prennent aussi le
conseil de membres de la parenté restés au Laos, moyen symbolique
de restituer une certaine réalité à des liens familiaux perdus.
La majorité des petits réfugiés nés en France s'appellent Orassa,
Anuloï, Konesavane, etc..
Certains d'entre eux se voient attribués des prénoms français,
choisis parmi les plus classiques, ils s'appellent alors Jacques,
ou Pierre. D'autres encore reçoivent deux prénoms : l'un, français,
(1) cf p. 33
87
pour l'école/ l'autre, lao, pour la maison. D'autres, enfin,
ont des noms capables de s'harmoniser tant avec la sonorité lao
qu'avec celle du Français ; les parents forgent alors des prénoms
qui, disent-ils, "passent bien à l'école et partout en France,
dans les administrations, etc.. et ne choqueront pas s'ils
retournent au Laos un jour".
Tous ces enfants de la seconde génération, en tous cas,
quelque soit leur nom, sont le plus souvent accueillis en ce bas
monde par la bénédiction des bonzes.
A l'autre extrémité de la vie, ces derniers ont encore un
grand rôle à jouer.
Les rites funéraires n'ont chez les Lao rien à voir avec ceux de
l'Occident chrétien. Mourir pour un Lao, c'est entrer dans une vie
nouvelle et meilleure, c'est un événement heureux, que l'on
celé bre dans la liesse. (1)
Mais il demande, dans la tradition, de longs rites qu'il n'est
pas possible ici d'accomplir.
Alors qu'il faudrait pouvoir.veiller le mort pendant sept jours
avant de procéder aux cérémonies de crémation qui, elles, durent
six jours et six nuits, les règles en vigueur en France ne
permettent plus de telles pratiques.
Néanmoins, l'essentiel du rituel se maintient pour ceux qui
meurent en sol français ; car, sans de bonnes funérailles,
sanctionnées par la présence des moines bouddhistes, le mort
risquerait de rester hanter les vivants.
(1) la maison où l'on veille le mort, au Laos, est d'ailleurs appelée huan di : la "maison" "heureuse".
88
Autrefois/ les Lao distinguaient entre la mort naturelle/ qu'ils
considéraient comme une "bonne" mort/ et la mort violente/ qu'ils
voyaient comme une "mauvaise" mort/ à laquelle on refusait la
crémation. Cette discrimination s'était perdue au Laos ces dernières
décennies ; elle n'est plus du tout prise en compte en France.
Le Lao qui meurt ici/ fut-il un accidenté de la route/ a droit
à tous les hommages de sa famille et de sa communauté ethnique.
Les membres de sa parenté installés ici/ rejoints parfois par ceux
qui sont exilés aux Etats-Unis ou au Canada/ se réunissent autour
de sa dépouille et font appel aux .bonzes, pour qu'ils viennent
prier autour de son cerceuil :
"Mortj o mort, poursuis ta destinée ! Cours au Niphane (1) ou va
naître en une vie meilleure. Ne reste pas hanter les demeures et
les vivants (...).. Ceux que tu laisses se rendent compte de ton
bonheur dans ta libération. Ils attendent patiemment, gaiement}
leur tour. Tu ne leur manques pas. Ils sont heureux sans toi.
Poursuis ta destinée !"
La veuve et les enfants du défunt ne peuvent plus/ comme le voulait
la coutume, se vêtir de blanc et se raser le crâne. Seuls les plus
âgés des réfugiés, ceux qui, n'ayant pas d'activité professionnelle
par exemple, vivent repliés sur leur communauté ethnique, peuvent
aujourd'hui continuer cette tradition.
(1) Niphane désigne le "paradis" auquel peuvent prétendre les bouddhistes laïcs. Le Nirvana est l'état suprême atteint par les sages.
89
Le mort est généralement incinéré/ dans un colombarium/ en
présence de ses parents et amis/ et ses cendres sont ensuite
déposées dans un cimetière. De nombreux Lao souhaiteraient voir
les ossements de leurs défunts conservés/ selon la tradition/ à
la pagode. Mais le supérieur de Villiers-le-Bel est obligé de
refuser j.es demandes/ le vat n'ayant pas la capacité de recevoir
les cendres de tous les Lao décédés dans la région parisienne.
Cent jours après le décès/ on procède à une fête commemorative/
le boun than ha (fête d'aumône à l'intention de...)/ au cours de
laquelle la famille fait don à la pagode d'un équipement de bonze.
Une cérémonie particulière/ enfin/ est célébrée par les réfugiés
en l'honneur des parents décédés' en terre natale. Ce rite funéraire
était accompli lors des décès des guerriers morts sur le champ de
bataille/ par exemple. Il a lieu à Villiers-le-Bel/ en présence
des bonzes et des parents du défunt.
Chargés de la célébration de ces importants événements
familiaux/ les bonzes ont un agenda extrêmement chargé/ qui oblige
les fidèles à fixer longtemps à l'avance la date des cérémonies
qu'ils souhaitent les voir honorer.
Les bonzes voyagent énormément à travers la France entière.
Véhiculés par leurs fidèles le plus souvent, ils se déplacent aussi
en train ou en avion, lorsque leurs obligations les appellent
hors de France. Le supérieur de "vat Gonesse" entretient des
relations étroites avec des communautés lao réfugiées en Australie
90
au Canada/ aux Etats-Unis, où il a fondé un monastère en 1980.
Appelé pour arbitrer un conflit entre groupes rivaux, il y
participe surtout a l'organisation de la communauté ethnique, et
rend des services religieux aux Lao qui n'ont pu trouver de chefs
religieux.
Les bonzes sont aussi invités à certaines rencontres inter
confessionnelles, en France et en Europe, et jouent aujourd'hui
un rôle public entraînant, lui aussi, de nombreux déplacements et
de longues absences hors du monastère.
Ces voyages perturbent leurs activités religieuses et
sociales. Désorganisant leur emploi du temps, ils obligent les
moines à réduire leur temps de prière et ù: étude :
"Nous avons beaucoup de mal à trouver le recueillement nécessaire
à l'étude de l'enseignement du Bouddha, certains jours. Nous
sommes tout le temps dérangés¡ et cela nuit au Vinaya. Mais
comment faire ? Nous ne pouvons pas refuser d'aider les fidèles
qui viennent nous voir", disent-ils.
Leurs absences laissent les fidèles parfois très désemparés.
Car leur demande est forte, et dépasse très largement le cadre
strictement religieux.
91
\
La multi-pie demande ' des" fidèles \
, Les bonzes continuent d'exercer/ pour la congrégation réunie
autour de "vat Gonesse", le rôle de conseiller/ de guide/
d'éducateur/ de devin/ voire de guérisseur/ que lui confiait déjà
la société rurale lao.
Mais ces fonctions doivent s'ajuster aux situations que vivent
aujourd'hui leurs fidèles.
Ceux-ci/ surtout lorsqu'ils sont isolés en France/ se
tournent vers leurs religieux pour solutionner toutes leurs
difficultés/ matérielles aussi bien que morales ou affectives.
Privés du soutien des anciens/ qui/ dans la société lao/ jouissent
du plus grand respect/ des réfugiés sans famille n'ont le plus
souvent que le seul recours aux bonzes pour trouver l'appui moral
qui leur fait tant défaut. Et leur demande est multiple !
On sollicite l'aide du bonze/ nous l'avons vu, pour remplir
un imprimé de sécurité sociale ! Mais on vient aussi lui soumettre
des problèmes très personnels/ qui le plongent dans la vie privée
et sociale des laïcs.
On recherche/ par exemple/ son arbitrage, dans les conflits entre
parents ou amis/ entre membres d'un samakhorti/ non sans lui avoir
largement exposé toutes les données du différend. Le bonze doit
alors émettre son avis sur les torts de chaque partie/ et proposer
une conciliation/ sans que l'une ou l'autre ne perde la face....
92
On vient aussi l'interroger sur le bien-fondé d'un départ
vers un nouveau pays tiers.
"Je n'ai ici aucune famille, vénérable ; je ne trouve pas de
travail ; je voudrais partir rejoindre mon ami aux Etats-Unis."
Le moine doit alors mettre son interlocuteur en garde contre les
difficultés et les risques de déception qu'il encourt.
Si/ finalement/ il approuve le projet/ on lui demande alors de
consulter les astres afin de fixer la date du départ/ et de bénir
le futur voyageur.
Une autre fois, c'est une épouse délaissée qui vient exposer
ses problèmes conjugaux. Après l'avoir écoutée/ le bonze doit la-,
conseiller et souvent consacrer un talisman qui ne la quittera
plus, en prononçant quelques formules sacrées qui parviendront
peut-être à ramener le conjoint infidèle....
Les bonzes sont en effet les détenteurs de ces katha/ formules
magiques/ qu'ils apprennent des recueils sur feuilles de latanier
dans lesquelles elles sont consignées/ ou dont ils ont la révélation
au cours de leurs méditations.
Le vénérable Chao Sal/ qui s'adonne aux techniques de concentration
fondées sur la répétition de mantra et la fixation de points
visuels/ dit entendre des sutta ( skt sutra = discours/ sermon/
texte), au bout d'un certain temps de travail sur lui-même.
"C'est une sorte de voiz intérieure, dit-il , qui monte en moi
et me fait prononcer, sans que je le contrôle, des sutta dans la
langue du Bouddha."
93
•Il peut ensuite les mémoriser pour en faire usage/ lors de certains
rituels/ ou les transmettre/ sous une forme simplifiée/ à se fidèles..
Ceux-ci/ y compris les jeunes/ sont encore très convaincus
du pouvoir de ces katha/ tout comme ils restent confiants dans les
vertus de certaines pratiques empiriques.
Si l'utilisation des plantes médicinales/ qu'il est presque^/'
toujours impossible de se procurer en France/ tend à disparaître/
certaines techniques thérapeutiques traditionnelles ont encore
cours parmi les réfugiés.
La survivance de certaines pratiques empiriques
L'usage des philtres d'amour/ par exemple/ qu'une vieille
dame confectionne toujours, à Dijon, est fréquent parmi les jeunes
gens qui trouvent difficilement à se marier.
Un médecin acupuncteur lao installé dans la banlieue de Lyon connaît
pour sa part la formule de 1'elixir de longue vie, composé, dit-il/
de haricots rouges et noirs/ de corne de rhinocéros et de diverses
plantes que l'on peut trouver dans certains commerces asiatiques...
Les bonzes ont toujours été associés à ces pratiques
empiriques. Car c'est généralement à la pagode, où sont conservés,
dans les bailan, écrits anciens, les recueils de recettes/ que
le mo ya ( "maître"-ès-"médicaments") s'initie à la connaissance
des simples. Aussi beaucoup de bonzes (ou d'anciens bonzes)
çnt-il^ une formation d'herbalistes.
94
Le vénérable Mana Chanty est de ceux-là.
Il lui arrive/ à Villiers-le-Bel, de prodiguer ses conseils pour
quelque malaise bénin. Mais il reconnaît avoir beaucoup oublié :
"Il fallait procéder à des rites avant la collecte des plantes.
Je ne me souviens plus aujourd'hui du contenu des invocations.
Après quoi, on pouvait s'enfoncer dans la forêt pour rechercher
les racines, les feuilles, les lichens. Je ne saurais plus en
reconnaître beaucoup, car il faut en voir énormément, et pratiquer
sans cesse la manipulation de toutes ces plantes pour être un
bon mo va. De toute façon, je crois qu'il est préférable, pour
nos fidèles, d'utiliser la médecine occidentale, car nous ne
trouvons pas ici ce qui est nécessaire à la préparation de la
médecine traditionnelle".
Ces pratiques empiriques ne sont jamais la seule thérapie
utilisée par les réfugiés. Loin de négliger la médecine occidentale/
ils tendraient/ au contraire, à faire une surconsommation de
certains produits pharmaceutiques, tels que l'aspirine ou ses
dérivés.
Mais il leur arrive très fréquemment de se protéger doublement, si
l'on peut dire/ contre la maladie, en associant aux soins médicaux
que leur propose la société française des pratiques mágico- -
religieuses nécessitant l'intervention des bonzes.
95
9. Bouddhisme et magie
Le malheur comme la maladie continuent/ pour nombre de Lao,
d'être liés à l'idée du karma, à laquelle se mêle la croyance dans
les Phi/ les génies.
Ils sont interprétés comme la sanction d'actes mauvais, et la
marque d'une force malfaisante qu'il faut neutraliser.
C'est là l'objet du sou khouan, que l'on peut faire dans un but
thérapeutique, en présence du mo phone, le "maître"-ès-"voeux. (1)
C'est aussi le sens de certains rituels de protection effectués par
les bonzes, au cours desquels se transmettent les katha.
C'est, enfin, la fonction des guérisseurs qui, nombreux et
spécialisés au Laos, manquent aujourd'hui en France, obligeant
les moines bouddhistes à se substituer parfois à eux.
(1) le mo phone, (appelé achan (du skt acara, le "maître",) dans la région de Vientiane, ou pham, dans le Sud du Laos), est un laïc qui, ayant séjourné à la pagode, est spécialisé dans la lecture des prières et invocations en pâli lors des cérémonies.
96
Il existe/ en effet/ dans la société rurale, plusieurs types
de guérisseurs/ tous des "magiciens"/ le plus souvent passés,
quand ils sont des hommes, par la pagode.
Outre le mo ya, 1'herbaliste/ on trouve l'astrologue, mo ke kho,
("maître" "ôter" "mauvais sort"), l'exorciste, mo pao mon ("maître",
"souffler" "mantra"), le shaman, mo mon ("maître" "mantra"), enfin
le rebouteux, mo soui.
D'autres personnages peuvent intervenir, qui ne sont pas de
véritables guérisseurs : les mediums, masculins, mo thiem, ou
féminins, les plus nombreux, nang thiem, qui incarnent les esprits
protecteurs des territoires.
Ces différents spécialistes, formés par des aînés et
consacrés par un rituel initiatique, ont, dans la société lao, un
rôle complémentaire de celui des bonzes.
Le shamanisme, lié structurellement à une certaine conception de
l'univers, qui a su s'harmoniser avec le Bouddhisme, vise à
rétablir la liaison rompue entre le ciel et la terre.
Dans la mythologie lao, le ciel et la terre communiquaient aux
débuts des temps puis furent séparés. (1) L'accès au ciel fut alors
interdit aux humains, à l'exception du shaman qui, semblable aux
premiers hommes, peut encore y aller. Lui seul connaît le chemin
de la terre au ciel et peut, par le rituel, rétablir le contact
avec l'au-delà-
(1) Pour une étude détaillée des mythes lao, voir Richard POTTIER, op. cit.
97
Cette croyance/ qui appartient au substrat culturel thaï/
mêlé d'influences chinoises et mon khmères/ est plus forte chez
les ethnies non bouddhisées que chez les autres ; ces dernières
pourtant/ et les Lao en particulier, ne l'ont jamais tout à fait
perdue.
Et bien qu'amoindrie encore par l'exil/ elle donne lieu, parmi
certains réfugiés, ceux qui vivaient dans les régions les moins
urbanisées au Laos, à des célébrations de type magico-religieux.
Les rituels magico-religieux
Des Lao du Sud, installés actuellement en Seine-et-Marne,
procèdent, chaque année, au rituel d'invocation des génies
célestes, en présence d'une mo phi fa ("maître"ès-"génie" du "ciel")
originaire de la province de Paksé.
Cette femme, accompagnée par un mo khene (maître -ès-khène) (1)/
joueur d'orgue-à-bouche qui lui donne le rythme, effectue une
danse au cours de laquelle elle entre en relation avec ses génies
auxiliaires pour guider les âmes dans l'au-delà ou aller
rechercher les âmes errantes. (2)
(1) les musiciens reçoivent le titre de mo_, parce que, comme les divers guérisseurs, ils sont initiés et considérés comme doués de "pouvoirs".
(2) les rites shamaniques et mediumniques de guérison sont en fait très proches des rites d'appel des âmes.
98
Mais de tels mo sont fort rares en France/ et les bonzes sont
ici appelés à accomplir/ non sans réticence/ des rituels
autrefois réservés à ces spécialistes.
Le vénérable Chao Saï/ qui bénéficie auprès de ses fidèles/
d'une double "aura"/ puisqu'il est à la fois prince et bonze/
se voit ainsi sollicité pour traiter les maux les plus troubles...
Cette dame âgée; qui se dit envoûtée depuis plus d'un mois/
souffre de symptômes mal définissables qu'elle lui demande de
guérir en procédant à la récitation de formules magiques.
Monsieur Vong/ lui/ connaît des maux de tête, des vertiges/
des malaises qui finissent par lui provoquer une syncope.
Hospitalisé pendant une semaine/ il se sent encore très faible à
son retour chez lui. Il vient consulter les bonzes de "vat Gonesse",
accompagné de son épouse.
Reçu deux fois par le vénérable maha Chanty/ les jours précédents,
c'est avec le vénérable Chao Saï qu'il s'entretient aujourd'hui,
après avoir préparé, aidé de Madame Vong/ les petits cornets, kaï,
qu'il souhaite donner en offrandes.
99
Monsieur Vorig :
"Après mon hospitalisation, quand je suis revenu à la maison, je
me sentais encore malade. Tous les jours, entre huit heures du
matin et trois heures de l'après-midi, puis à nouveau le soir,
de vingt heures à une heure du matin, j'aillais très mal. Je sentais
comme un poids sur moi. Même pendant mon sommeil, je sentais que
ça n'aillait pas. Je n'ai pas de fièvre, mais j'ai sans arrêt des
chauds et froids."
Le bonze :
"Est-ce que vos membres sont paralysés ?"
Monsieur Vong : n
Non, mais je me sens trop chaud ou trop froid".
Madame Vong :
"Je voudrais que nous fassionsune offrande, vénérable.
Monsieur Vong :
"Moi aussi, je pense qu'il faut faire une offrande. Si je suis
devenu comme cela, je sens que c'est à cause d'un phi qui est
entré dans notre famille. Je crois que c'est un phi qui vient de
la famille de ma femme. Je voudrais faire une offrande pour ce phi.
Le bonze :
"Je veux bien faire cette cérémonie. Je vais demander qu'on
m'apporte un verre d'eau. Je vais vous donner des katha. Mais tous
les soirs il faut que vous priiez avec ces katha. Et je ne suis
pas sûr que vous soyez guéri. Je ne peux pas vous le promettre.
100
Monsieur Vong :
"Hier et avant-hier, j'ai déjà fait une cérémonie avec un uerre
d'eau. Et le vénérable a craché l'eau en soufflant sur mon visage.
Je me suis senti beaucoup mieux. J'ai eu l'impression qu'une âme
était sortie de ma tête".
Le rituel commence alors.
Le bonze tient une petite bougie de cire allumée à la main gauche;
dans l'autre, il a le livret dans lequel il a consigné des sutta
qui lui furent révélés lors d'une de ses méditations.
Monsieur Vong est assis au sol ; debout derrière lui/ à sa gauche,
le moine récite les sutta. Puis il s'interrompt, introduit la
flamme du petit cierge dans sa bouche, puis souffle sur le malade.
Il reprend ensuite sa psalmodie, se plaçant cette fois à la droite
de Monsieur Vong.
Il renouvelle l'opération plusieurs fois, tandis que Madame Vong
reste assise, recueillie, auprès de son époux.
Après environ dix minutes, le rituel s'achève.
Le bonze :
"Est-ce que vous sentez du frais ?"
Monsieur Vong :
"Oui, c'est vrai. Mais j'ai aussi senti une âme sortir en spirale,
par deux fois."
Il s'avance vers le moine pour lui remettre un cornet d'offrande
contenant de l'argent. Celui-ci refuse.
101
Monsieur Vong :
"Cela m'a fait beaucoup de bien."
Le bonze :
"Si vous le voulez, on peut faire une cérémonie encore pour que
vous soyez complètement guéri. Cela peut provenir de Phi au Laos
qui hantent votre famille.
Peut-être est-ce parce que vous et votre famille ne prenez pas
suffisamment soin des Phi. C'est pourquoi ils continuent de
hanter votre .famille."
Monsieur Vong :
"Oui, au Laos, nous avions un ho phi, il) et, bi en sûr, ici,
il n'y en a plus. Tout seul, je ne sais comment il faut faire. Je
ne sais pas faire les cérémonies pour le phi. C'est pour cela que
je ne m'en occupe plus ici."
Le bonze bénit alors l'eau contenue dans le verre qu'on lui
a apporté, après y avoir éteint le petit cierge de cire d'abeille.
Pendant que Monsieur Vong boit cette eau, le moine récite des
prières en pâli.
Le bonze :
"Est-ce que vous vous sentez léger ?"
Monsieur Vong :
"Oui, je me sens bien, léger, à l'aise".
(1) autel dédié aux génies.
102
Le bonze :
"C'est pavee que tout le monde a quitté le pays, les Phi n'ont
plus de demeure. Chaque famille a ses Phi, et quand on est tous
partis, ils restent sans abri."
Madame Vonq :
"Oui, je comprends bien. Les Phi, ce sont nos ancêtres, nos
parents,, qui cherchent leurs enfants, leurs petits-enfants."
Monsieur Vonq :
"Je me sens bien maintenant parce que c'est la troisième séance.
La première fois, j'ai senti de la fumée qui .sortait en spirales
de ma tête. Je la voyais. Cette fois-ci, j'ai vu deux ou trois
spirales de fumée noire qui sortaient de mon front, de la
commissure des yeux. Cette fois je sens que c'est fini. Il n'y a
plus rien qui sort de moi. "
Le bonze :
"Je vous conseille de ne pas trop vous soucier de tous ces Phi,
de cette fumée. Parce que sinon, ils peuvent revenir vous hanter.
Maintenant il faut oublier tout cela."
Madame Vonq :
"Quand nous étions au Laos, une fois, mon mari s'est senti mal ;
il se grattait partout, il a fait une crise terrible. On a fait
venir un mo phi pour chasser le mal. Il a promis aux Phi de leur
faire des offrandes. Je suis presque sûre que c'était ma mère qui
était revenue. Après la cérémonie, mon mari s'est senti très bien".
103
Monsieur Vong :
"A la même époque, mon fils, qui avait cinq ans, se promenait dans
la rizière quand il a été attaqué par des insectes. IL 'est revenu
en pleurant parce que ces bêtes s'étaient introduites dans ses
narines. On n'arrivait pas à les en retirer. On attrapait leurs
pattes, mais leurs corps restaient dans les narines, et le gamin
saignait du nez. On a fait venir un mo_, qui a dit que c'était ma
mère qui était venue le hanter. Nous avons fait le boun et mon fils
a guéri.
Cela doit vous paraître incroyable, mais c'est vrai. On n'arrivait
pas à enlever les insectes. Et après le boun, ils sont partis
tous seuls. Plus aucune trace dans les narines de mon fils.
Le bonze :
"Oui, cela me paraît très étonnant. Mais je vous crois."
Monsieur Vonq :
"Comme je viens de vous le dire, c'est le phi qui me hante. Je
voudrais bien ne pas m'en préoccuper, mais je ne peux pas faire
autrement.
Avant que je quitte le pays, il ne se passait pas une année sans
que je fasse une cérémonie dédiée aux Phi. Et tous les deux ans,
on faisait le sacrifice du buffle. Cela durait sept jours, avec
tout le village".
104
Dans ce qui vient de se -passer/ et malgré les précautions
prises par le bonze/ la tradition bouddhiste a quelque peu "dérapé".
Certes/ l'influence du Bouddhisme sur les pratiques thérapeutiques
s'est souvent traduite/ dans la société d'origine, par une
intervention directe des bonzes.
Ceux-ci peuvent/ nous l'avons vu, prescrire, gratuitement/ des
remèdes. Ils peuvent bénir/ en récitant des formules auspicieuses/
les fils de coton servant au sou khouan. Ils consacrent l'eau
lustrale utilisée pour conjurer le mauvais sort. C'est ainsi qu'on
purifiait les maisons/ les pirogues/ etc.. dans la société
traditionnelle.
On peut aussi leur demander de déterminer la cause, naturelle ou
surnaturelle/ d'une maladie, grâce à leur pouvoir de clairvoyance
acquis par la pratique de la concentration mentale.
On peut encore les charger de consacrer les talismans qui rendent
invulnérable.
On peut/ enfin/ accomplir des cérémonies strictement bouddhiques
pour obtenir une guérison/ à la pagode. C'est le cas notamment
lorsqu'on attribue la maladie à une dette contractée par le
malade dans cette vie ou dans une autre, envers les esprits de
certains défunts, par exemple envers les parents.
Dans ces cérémonies, les fidèles font aux moines une offrande, tan,
(du pâli dana). Celle-ci génère des mérites qui sont alors dédiés
aux esprits des morts et aux génies considérés comme les
responsables de la maladie.
105
Le rituel qui vient diêtre accompli n'est pas tout à'fait
de cette nature. Il y a certes une relation évidente entre la
maladie de Monsieur Vong et des défunts de sa parenté, qui, dit-il,
viennent le hanter. Mais la technique utilisée par le bonze pour
le traiter est en fait celle du mo pao mon, (le "maître" qui
"souffle" les "formules magiques"), l'exorciste.
Celui-ci récite en effet une formule magique qu'il souffle
sur son patient. Il peut aussi utiliser l'eau lustrale dont il
asperge le visage du malade ou qu'il lui fait boire.
Dans tous les cas, quelque soit la variante des multiples techniques
d'exorcisation utilisée, elle repose sur le principe du souffle
véhiculant le pouvoir magique du mon. (1)
C'est bien là la méthode employée par le vénérable Chao Saï,
qui pratique à la fois la récitation de formules magiques, le
souffle, et fait boire l'eau lustrale à Monsieur Vong.
Les sutta dits par le bonze sont ces formules magiques qui, tirées
de prières et de méditations, font partie du dhamma et tirent leur
p ouvoir des mérites attachés à celui-ci. Elles possèdent en outre
un pouvoir intrinsèque lié à leur expression en pâli.
Pour le bouddhiste lao, les mots pâli sont en effet totalement
"efficaces" parce qu'ils sont la langue du Bouddha. (2).
(1) La magie lao, (thérapeutique, amoureuse, guerrière), emploie toujours ce type de technique. Elle est utilisée aussi par l'herbaliste pour donner toute son efficacité au remede, et par . rebouteux pour ressouder les os.
Cf "Re'chercher¡ur,'ía'"littératüre~Iaotienne", BEFEO Tome XVII, Fase. 5. 1917.
106
C'est donc à l'aide du souffle/ qui porte ces formules
magiques/ que le vénérable entreprend/ comme c'est le rôle de
l'exorciste/ d'expluser du corps du malade les esprits maléfiques
qui s'y sont' introduits.
Il y a là une infraction à la règle monastique ; les bonzes n'ont
pas le droit de "chasser" les esprits/ puisque toute violence leur
est interdite. Mais le bonze accepte l'ambiguïté de la situation,
soucieux/ avant tout/ de créer/ chez Monsieur Vong, un choc
émotionnel capable de rétablir un équilibre psychique perturbé.
Il sait que/ de son côté/ le fidèle vit le rite comme une
exorcisation. Il réalise une sorte de compromis entre le respect
des règles auxquelles il est tenu; et la demande de Monsieur Vong.
Par exemple, il n'a pas à prendre le kaï, et ce pour deux raisons :
le kaï contient de l'argent que le moine ne doit pas accepter,
puisqu'il lui est interdit de gagner sa vie par une activité
lucrative. Il doit vivre de la mendicité et des aumônes. Il refuse
donc l'argent que lui tend Monsieur Vong à l'issue de la cérémonie.
En outre, le kaï contient des offrandes destinées aux génies
protecteurs du guérisseur ; or il est interdit au bonze de rendre
un culte aux esprits.
Pour ces raisons, un moine bouddhiste ne peut, en principe, être
un guérisseur. Sa seule intervention, dans une cérémonie
d'exorcisme, devrait se borner à la lecture de textes édifiants,
qui demandent aux phi de cesser de nuire aux humains et leur
conseillent de faire le bien. Car, dans le contexte bouddhique,
on ne doit pas craindre les esprits, pas plus qu'on ne doit leur
être hostile. On ne doit ni les honorer, ni les combattre. Il faut
107
seulement les aider à atteindre la délivrance/ en leur dédiant
des mérites, et en lisant pour eux des sermons édifiants.
Cette conception/ on le voit dans le cas de Monsieur Vong,
reste très théorique. Celui-ci sait qu'il ne devrait pas se
préoccuper des Phi,' mais, dit-il/ "il ne peut faire autrement¡
car ce sont eux qui viennent le hanter".
Il y a là une trace encore vivace des rapports entretenus avec le
surnaturel dans le pré-bouddhisme. Les relations avec les esprits,
dominées par la peur et l'hostilité, obligent à faire pour eux
des sacrifices, à les "nourrir" (liang phi), ou à leur faire la
guerre, par l'intermédiaire d'autres esprits, les génies
auxiliaires des shamans et des exorcistes.
Le Bouddhisme, nous l'avons dit, n'est pas parvenu à faire
disparaître ce type de relations avec le monde occulte. Il a dû les
intégrer, réussissant tout au plus à les moraliser.
Et le Bouddhisme populaire, celui que vivent et pratiquent au jour
le jour les gens, continue donc de véhiculer ces croyances,
s'opposant en cela au bouddhisme "savant", celui des érudits qui
étudient les textes canoniques.
Apportant à ses adeptes des recettes capables de les aider à
résoudre leurs problèmes quotidiens, il leur fournit une grille
d'interprétation pour tout ce qui leur arrive.
108
La notion de karma est l'une de ces clés essentielles de
compréhension.
Dans la conception savante/ toute action/ rappelons-le/
entraîne des conséquences spirituellement bonnes ou mauvaises/ qui
déterminent le devenir. Une "bonne" action est celle qui/ détachée/
est génératrice de mérites et permet la délivrance du cycle des
renaissances. Une "mauvaise" action est commandée par le désir et
l'envie/ l'attachement aux biens de ce monde/ elle éloigne du
Nirvana.
Mais la conception populaire du "mauvais karma"/ kam ven, !
(kam = action/ ven = haine)/ est toute autre.
Le kam ven est compris comme la conséquence de la haine d'un
esprit que l'on a offensé dans une vie antérieure.
Les infirmités/ par exemple/ ou les maladies incurables/ sont la
conséquence du kam ven.
Lorsque Monsieur Vong se dit hanté par un Phi de sa belle-famille/
il est confusément renvoyé à ses manquements passés. Et son
tourment est aggravé par sa fuite du pays/ qui laisse les esprits
des ancêtres sans abri et sans soin.
La culpabilité qu'entraîne l'abandon de la terre natale
peut s'exprimer de multiples façons. La somatisation en est une/
et le recours à la religion/ qui se confond dès lors avec la
magie/ devient indispensable.
Elle est/ en effet/ le moyen de rétablir le lien/ symbolique il
est vrai, avec la terre natale, avec les parents et les ancêtres
laissés au pays.
109
C'est sans doute pourquoi/ malgré leur extrême réserve vis à
vis de ce phénomène/ les bonzes acceptent de se prêter à
l'accomplissement de rituels de type magico-religieux.
Il n'est pas impossible/ en effet/ que/ dans l'épreuve de l'exil/
la notion populaire du kam ven ne ressurgisse avec une certaine
vigueur dans les consciences lao/ obligeant les moines bouddhistes
à la prendre désormais plus largement en compte.
La chanteuse Soubane/ en tous cas, que nous retrouvons dans une
de ses compositions récentes/ exprime avec force ce sentiment du
kam ven :
"Nous voici loin, mes amis.
Si loin de notre patrie !
Chacun s'est enfui de son côté,
Le père au Nord, les fils au Sud,
Ne peuvent plus se rejoindre.
Les tout-petits ont été abandonnés dans la fuite,
Les époux »ont séparés.
Quel est ce karma qui nous divise ?
( . . . )
Le destin me harcèle.
Moi, votre fille, je suis triste.
( . . . )
Est-ce le ven ou le kam
Qui m'ont faite orpheline ?
( . . . )
110
Le ven me poursuivra et m'accablera
Jusqu'à la mort.
Mon père, qui m'a soutenue.
Qui m'a élevée et ne m'a jamais quittée,
Aujourd'hui n'est plus.
Père, où se trouve ton âme ?
Viens écouter ta petite fille,
Comme le veulent le ciel et la terre.
Si j'ai dû venir m'établir ici,
c'était là mon karma.
Je prie les divinités célestes (1)
Pour que l'âme de mon père aille au paradis.
Mais quel est ce ven qui m'a obligée
A quitter les miens ? 0
( . . . )
Oui, on dit que même si l'on ne veut partir,
Le ven vous y oblige !
Même si l'on ne veut quitter le Laos,
Le ven vous y contraint.
Moi, Soubane, je voudrais savoir quel est ce yen.
Comment est-il ?
Est-il gros comme une coquille,
Ou comme les traces d'un éléphant ?
S'il est ainsi, alors, moi, Soubane,
Je paierai un chasseur pour l'abattre,
Moi, Soubane, je paierai un tireur à l'arc
Pour l'éliminer."
(1) thevada, les génies célestes hérités de l'Hindouisme.
Ill
Ce chant évoque la détresse de ceux qui ont dû quitter
parents/ enfants ou conjoints pour venir s'établir en Occident dans
les années 1975. Il exprime aussi la résignation de ces bouddhistes
qui voient dans la tragédie de l'exode la loi du karma. L'exil y
est présenté comme la conséquence du kam ven/ cette faute passée,
cause aujourd'hui de la souffrance des réfugiés. Soubane se fait
l'écho de tous ces Lao qui s'interrogent sur le mystère des
manquements passés, dont il faut accepter la sanction aujourd'hui.
C'est ici même que l'idée de destinée puise sa force. Et les images
des derniers vers/ celles du chasseur et du tireur à l'arc peuvent
être comprises comme une allusion à ces rituels magico-religieux
où l'on paie un guérisseur/ shaman ou exorciste/ pour combattre les
esprits maléfiques liés à la croyance au kam ven.
Ce texte est bien sûr une création poétique, expression/ en
outre d'une femme qui est elle-même mo_, par conséquent plus proche
du monde occulte que la moyenne des réfugiés. Il traduit bien,
néanmoins, ce que d'autres qu'elle ressentent, peut-être plus
confusément, ou réfreinent, sous la pression du milieu environnant.
Contrairement à Monsieur Vong, qui se dit hanté par des esprits
restés en terre natale, les réfugiés disent volontiers que les
Phi ne les ont pas suivis dans l'exil :
"Ils sont au Laos. Ici, ils ne peuvent rien nous faire"/ disent-ils.
112
Pourtant/ un certain monde occulte semble bien encore se
manifester pour beaucoup.
Ne correspondant plus tout à fait aux génies qui peuplaient
l'espace villageois, des forces, (khouan, pris cette fois dans
son acception large), sont là, qu'il convient de contrôler.
D'où cette nécessité absolue de donner aux morts des funérailles
décentes, d'où le rituel du sou khouan, d'où le recours aux katha
et aux talismans qui protègent, d'où, enfin, ces rituels
d'exorcisation qui manifestent la persistance de l'activité de
certains esprits.
Ceci n'est pas le seul fait des personnes âgées ou des adultes.'
Les petits Lao, largement insérés dans la société française, par
là scolarisation notamment, sont élevés,'à la maison, dans une
atmosphère de superstition dont ils portent l'empreinte.
Ils n'en parlent guère, ou se défendent vigoureusement de croire
en ces "fantômes", comme ils nomment en Français ces forces
mystérieuses.
Pourtant, ils sont facilement inquiétés par d'hypothétiques
menaces. Par exemple, ils n'aiment guère, et jusqu'à un âge assez
avancé, dormir seuls. La nuit est biensûr le moment le plus
propice aux agissements des esprits... Des frères et des soeurs
qui pourraient, dans les logements H.L.M., profiter d'une chambre
individuelle, préfèrent se regrouper dans une même pièce, ou,
mieux encore, partager celle de leurs parents pour dormir.
113
Il est vrai que dans la demeure traditionnelle lao, en milieu
rural/ il n'existe généralement qu'un seul, vaste espace de cepos,
où cohabitent les deux ou trois générations de la maisonnée.
Les adultes trouvent par conséquent plutôt normal que leurs
enfants dorment auprès d'eux.
Et ils savent aussi/ quoique de manière inconsciente/ alimenter
chez ceux-ci une crainte diffuse de certains phénomènes ; les
enfants n'apprécient pas les craquements dans la maison, le soir,
ils se montrent vigilants dans leur contact avec certaines
personnes, notamment les anciens "mo',* dont ils ont entendu parler
par leurs aînés ; ils participent de ce monde trouble dès leur
plus jeune âge et ont ainsi de leur religion une image peu précise.
Ils ont vu leurs parents prendre pour eux des précautions
particulières, à l'occasion de certains anniversaires, ils les
ont vuscélébrer des rituels, ils les accompagnent à la pagode
pour recevoir la bénédiction des bonzes lorsque des événements
familiaux importants surgissent.
Nourris à la fois de la croyance plus ou moins contenue en
certaines forces mystérieuses, et du respect dû aux moines,
ils entretiennent en fait souvent une confusion entre ces deux
domaines que sont la religion et la magie. Ils connaissent fort
mal, en tous cas, les fondements de la croyance bouddhiste, et
la signification des rituels, qu'ils accomplissent par imitation,
et davantage par conformité à la volonté de leurs parents que par
conviction personnelle.
114
Les bonzes de Villiers-le-Bel sont tout à fait conscients
de cette évolution parmi les enfants lao/ et voudraient pouvoir
la contrecarrer, par une action pédagogique et réformatrice/
susceptible de répondre aux aspirations et aux besoins que suscite
le cadre de vie nouveau.
Mais leurs fonctions d'éducation qui/ au Laos déjà/ s'étaient
considérablement affaiblies avec la généralisation de l'instruction
publique/ deviennent ici dérisoires/ face à la prégnance du
système scolaire français et à la pénétration rapide des modèles
occidentaux.
115
10. Bouddhisme et éducation
Autrefois/ le vat était la seule école au Laos/ et les
familles les plus pauvres envoyaient leurs enfants y recevoir un
minimum d'instruction. Ils y apprenaient le calcul, la lecture,
et l'écriture du Laotien, et quelques rudiments de pâli.
Avec l'apparition de l'enseignement public et laïc dans les
villages, ce phénomène avait diminué, mais les familles gardaient
la coutume de faire entrer leurs enfants dans les ordres pour une
période plus ou moins longue, afin qu'ils aient une instruction
religieuse et gagnent ainsi des mérites..
La croyance en la nécessité de l'enseignement est une tradition
remontant aux origines mêmes du Bouddhisme. Le Bouddha ne se
considérait nullement comme un prophète, mais plutôt comme un
maître, dont le devoir était de transmettre aux autres les
résultats de sa recherche. Il voyait donc dans l'ignorance une
source de mauvaise conduite, et l'une des causes de l'attachement
116
aux biens matériels. C'est pourquoi le Bouddhisme confère à son
clergé un rôle d'éducateur de première importance/ auquel la
population lao est restée attachée.
Pourtant/ aujourd'hui/ en France/ seuls quelques rares
garçons, (1) appartenant aux familles les plus ferventes, font
encore une retraite à la pagode de Villiers-le-Bel.
Et celle-ci n'est en rien comparable au séjour que faisaient les
"bonzillons" ou "novices" (choua ou nène ) / dans la société rurale.
Ces jeunes garçons qui/ n'ayant pas encore atteint l'âge de
20 ans à partir duquel on peut devenir moine/ (2), entraient dans
les ordres pour y étudier les textes sacrés/ notamment les Jataka/
récits des vies antérieures du Bouddha.
Portant la même tenue que les bonzes (3), le "novice" s'engageait
lors de son ordination/ à suivre dix règles d'observance.
Soumis à une discipline très sévère/ à un régime alimentaire très
austère, il apprenait à obéir à son maître, (khou/ du skt guru) ,
non seulement comme disciple mais aussi comme serviteur.
Le bonzillon effectuait certains travaux domestiques au vat et
pouvait subir des châtiments corporels. (4)
(1) La faculté d'entrer dans les ordres est refusée aux femmes ; nous allons y revenir.
(2) Pour être bonze, il faut avoir 20 ans au moins, ne pas avoir tué ou volé, ne pas avoir de maladie de peau. On est "bonzillon" de 10 ans, âge minimum, à 20 ans.
(3) seul le drapé de la toge diffère.
(4) lorsque l'enfant entre à la pagode, son père doit déclarer au maître : "faites de lui ce que voua voudrez, traitez-le comme il vous plaira, pourvu toutefois que vous ne le vendiez pas infirme".
117
Son khou, en échange, lui dispensait son enseignement et le
retraitant lui restait reconnaissant pour vie reste.de SGS jours.
Plus question d'imposer de telles règles aux quelques novices
de "vat Gonesse" !
Ceux-ci, soumis aux obligations scolaires, ne viennent à la pagode
que les mercredis, les fins de semaines, et pendant les congés.
Partageant épisodiquement la vie des moines, ils participent, de
façon très limitée, à certains travaux d'entretien du vat, tel que
le jardinage, aux beaux jours.
Le khou chargé de leur éducation religieuse doit opérer des choix
dans ce qu'il peut leur transmettre.
Les novices ne peuvent, faute de temps, espérer maîtriser la
lecture et l'écriture des caractères tham, ceux des textes
canoniques.
Ils apprennent donc par coeur les sutta élémentaires qui leur
permettent de s'associer aux bonzes dans la célébration des
cérémonies.
Ils s'initient d'autre part aux techniques de la "concentration
mentale", samadhi, pendant plusieurs heures, sous la surveillance
du bonze.
A l'issue de ces séances, ce dernier écoute leurs expériences
et discute avec eux des résultats de leur travail.
Il joue là, pour ces quelques privilégiés, un rôle d'encadrement
très important, qui leur permet une réflexion sur leur comportement
118
et leur mode de vie en France.
Certains de ces jeunes montrent pour leur khou un profond
attachement, qui confine parfois à la vénération, et peut être
interprété comme un phénomène de transfert.
Ces jeunes, perturbés par la transplantation dans la société
occidentale, sont souvent aux prises avec des difficultés
personnelles, familiales, ou sociales, graves.
Le khou leur fournit des modèles dont ils sont privés dans leur
vie quotidienne et les. rassure.
L'enseignement dispensé par les bonzes du vat Velouvanaram profite
à quelques jeunes filles lao qui, pourtant, dans la tradition
bouddhique, en sont largement exclues.
La misogynie inhérente au Bouddhisme interdit en effet aux
femmes d'entrer dans les ordres et les empêche donc de recevoir
une éducation religieuse à la pagode.
Cette exclusion des femmes s'expliquerait par la souillure que
représentent les menstruations et l'impossibilité, pour les femmes,
de connaître l'état de sérénité totale et permanente du fait des
cycles. La femme serait, sur le plan karmique, inférieure à
l'homme, mais pourrait, cependant, parvenir a l'état d'arahan,
saint ou sainte ayant atteint le Nirvana, au prix d'un effort
supérieur. C'est pourquoi le Bouddha, qui avait créé l'ordre des
Bikkhuni pour sa belle-mère, avait imposé à ces dernières 500 règle
d'observance, au lieu de 227 pour les hommes.
119
Une telle discipline étant impossible à respecter, l'ordre des
Bikkhuni disparut il y a cinq siècles.
Les femmes peuvent toutefois accomplir une retraite monastique/
nous l'avons vu/ en devenant/ le plus souvent à la fin de leur vie,
des men khao ("mères" "blanches")/ qui respectent huit sila,
(préceptes) et vivent comme des bikkhuni sans en être. Demeurant
à l'écart des bonzes/ elle ne sont pas habilitées à célébrer le
culte et ne jouent pas un rôle social important au sein de la
communauté comme le font les bonzes.
La situation nouvelle qu'engendre l'exil permet donc à des
jeunes filles de venir s'initier aux techniques de la méditation
ou à l'étude des textes sacrés auprès des moines, sans pour autant
être des retraitantes.
Issues de familles très dévotes, ces jeunes filles trouvent au
monastère un refuge moral et affectif qui tend a. les isoler de
la société environnante.
Conscients qu'il y a, dans ce comportement/ un risque de
déviation à 1'-égard du Dhamma/ et d'enfermement très négatif pour
elles, les bonzes s'efforcent de tempérer leur ferveur religieuse :
"Le Bouddha n'a jamais été partisan d'un ascétisme forcené", disent-
ils, "il a toujours prêché une politique du possible, demandant
qu'on ait une règle de conduite raisonnable".
120
Craignant que, dans ces cas limites, la dévotion ne se
transforme en bigoterie, contre laquelle il leur faut lutter,
les bonzes voient, par ailleurs, la grande masse des jeunes
réfugiés échapper à leur autorité.
Les novices sont très minoritaires parmi les jeunes Lao, et la
plupart des enfants et adolescents ne reçoivent plus une réelle
éducation religieuse.
Soumis, sans nuance, à l'influence de la société environnante, ils
ne retiennent de leur religion que ses aspects les plus
spectaculaires : cérémonies et rituels. Par contre, ils ignorent
tout, ou presque, de ses fondements spirituels.
Ce phénomène est sans doute accentué par l'absence
d ' interrelations entre les pratiques religieuses de leur groupe
ethnique et la société globale.
L'absence d'interrelations entre le Bouddhisme lao et la
société globale
Les petits Lao ne voient quasiment jamais de Français au vat
et ceux qu'ils y rencontrent apparaissent comme des cas
particuliers : hommes et femmes mariés à des Laotiens, couples
ayant adopté ou parrainé un enfant asiatique, retraitants attirés
par les philosophies extrême-orientales, qui souhaitent s'initier
aux techniques de méditation, par exemple, auprès des bonzes.
Dans tous les cas, ces occidentaux sont minoritaires et perçus
comme un peu "à part".
121
Pour le reste; il est vrai/ les échanges qui se produisent
autour du vat entre leur communauté et la société française sont
limités.
Le plus souvent ponctuels/ ils ont lieu pour des questions
d'organisation matérielle/ administrative.
Ils peuvent cependant/ quoique très exceptionnellement encore/
être plus circonstanciés.
Ainsi, le bonze de la pagode de Metz fut appelé à intervenir auprès
d'un petit Français que ses parents pensaient envoûté, .i]
La presse locale et nationale s'est/ à l'époque/ saisie de cet
événement/ faisant de l'exorcisation du petit garçon une nouvelle
à sensation ! (1)
Ce cas, pour l'instant unique, semble-t-il/ d'échange direct et
précis entre la communauté lao et française/ sur le terrain
religieux, a sans doute été possible parce qu'il concernait la
population d'une banlieue d'une ville de province, où les relations
de voisinage, même limitées, sont tout de même plus authentiques
qu'en région parisienne.
Paris garantit par contre un anonymat qui protège de l'éventuel
rejet. Les Lao savent qu'il s'y produit un brassage leur permettant
la continuation de leurs pratiques religieuses sans attirer outre
mesure les regards. La contrepartie en est un certain repli ethnique
et des interrelations qui restent fortuites.
(1) Voir en'-innexe, p. 162 à 165, différentes coupures de presse sur cette affaire.
122
Dès lors/ les jeunes Lao ne peuvent comprendre toujours
clairement l'articulation de leur culture d'origine avec celle
de la société globale. Et cette dernière, parce qu'elle est
omniprésente, et pénètre largement à l'intérieur des foyers lao,
par les medias très écoutés, en particulier, tend à s'imposer
plus fortement à eux, entraînant un affaiblissement des valeurs
morales, et religieuses lao.
L'éducation des jeunes échappe aujourd'hui presque totalement
aux religieux, comme d'ailleurs aux parents.
Ce que les adultes ont à proposer à leurs enfants leur paraît
souvent désuet. Ce que les jeunes donnent à voir de leur devenir
à leurs aînés suscite un sentiment d'étrangeté et d'impuissance
que les bonzes n'ont guère les moyens de combattre.
Dans ce contexte, les valeurs bouddhiques authentiques ont le
plus grand mal à se maintenir, et la tâche des bonzes de vat Gonesse
est complexe.
Partagés entre des fidèles qui s'éloignent du Bouddhisme
ou le méconnaissent, d'autres qui l'utilisent à des fins extra
religieuses, d'autres encore qui font montre d'une ferveur très
ritualiste et mêlée de croyances animistes, les bonzes parlent
parfois de crise de leur religion.
123
11. Une religion en crise
"Notre religion est dans une situation difficile, qui n'est
pas seulement due à notre installation en France et en Occident
plus largement. Il y avait déjà des problèmes dans notre pays.
Mais avec l'exil, beaucoup de nos fidèles auraient besoin d'un
soutien moral et spirituel, d'un retour aux sources, que nous ne
sommes pas toujours en mesure de leur donner, parce que nous ne
maîtrisons pas bien les situations.
Notre communauté est trop divisée, et nous, religieux, subissons
trop de pressions !"
Ce constat/ par un des bonzes de Villiers-le-Bel; n'est pas
il est vrai/ tout à fait nouveau.
Une certaine évolution du Bouddhisme/ ces dernières décennies/
au Laos et dans les pays voisins/ fait depuis longtemps l'objet
de contestations.
124
Thao Nhouy ABHAY écrivait, dans les années 50 :
"Derrière l'aimable décor de religiosité, derrière nos bornes en
éternelle prière, et nos fidèles si pieusement attentifs à
l'accomplissement des rites, qu'y-a-t-il ? Il y a - avec un
sentiment religieux profond - de l'ignorance, beaucoup de fatalisme
et une inépuisable résignation. Et tout ceci, hélas, nous conduit
à la mort". (1)
Et de dénoncer le relâchement des bonzes, l'individualisme et
le laisser-aller des fidèles, trop peu exigeants vis à vis de
leurs clercs !
Un mouvement de rénovation entrepris en 1941 a tenté de
redresser la situation, mais il n'a pas été réellement suivi
d'effets. Et le peuple lao, "désabusé, se laisse vivre, convaincu
de l'inanité de toute action" dit encore T. N.ABHAY. (2).
(1) T.N. ABHAY, Aspects du pays lao, p. 59
(2) op. cit. p. 60
125
Le culte lao se réorganise en France en conservant ces écueils.
Certains d'entre eux tendent même à s'y accentuer.
Loin de perdre du terrain, les pratiques magico-religieuses,
nous venons de le voir, perdurent et se confondent dangeureusement,
aux yeux des bonzes, avec les valeurs bouddhistes.
Pour ces derniers, en effet, elles "déforment le Dhamma", et
entretiennent chez les réfugiés des croyances qui "ne sont plus
adaptées à ce qu'ils ont à vivre ici"* disent-ils.
D'un autre côté, la société de consommation dans laquelle
s'insèrent les Lao renforce leur tendance à l'acquisition, leur
goût pour les biens matériels, et les signes extérieurs de
richesse perçus comme des marques de prestige.
Ceci les réconforte dans leur individualisme, entraînant une
extrême précarité de toute action communautaire.
Nous l'avons dit, de nombreuses associations se font et se
défont, minées par des querelles intestines qui empêchent
l'aboutissement de leurs projets.
Ce caractère velléitaire est aggravé, il faut le dire, par des
conditions de vie difficiles.
Occupant des emplois peu ou sous-qualifiés, exigeant de longs
déplacements et un effort physique important, implicant un
rythme de travail et de vie rapide, les réfugiés n'ont pas toujours
le ressort nécessaire pour mener à bien des actions qui sont un
surcroît de fatigue et de souci.
126
La priorité est donc laissée à l'intégration économique/
et l'attachement aux valeurs bouddhiques ne se manifeste plus
guère que dans ses aspects ritualistes et matériels.
Ces comportements, en lesquels les bonzes voient une perte
de la spiritualité, atteignent leur maximum dans les enjeux
politiques qui viennent interférer dans la gestion des monastères
reconstitués.
Un courrier adressé par le chef de la pagode de Tournon à
l'association de Metz, qui lui demandait conseil pour la création
d'un vat dans l'Est de la France, évoque très explicitement
ces problèmes.
En voici quelques extraits les plus parlants : (1)
"Dors du dernier Pimay, un moine de Paris est venu pour honorer
vos cérémonies. Son impression sur la communauté asiatique de
Metz n'est pas très favorable à l'implantation d'une pagode.
Si de faire venir un moine pour honorer leurs cérémonies suffit
aux la€cs} pour le moine que vous allez faire venir, il va avant
(1) Voir la photocopie de la lettre adressée par le chef du monastère de Tournon aux responsables de Metz en annexe p. 161
127
peu se retrouver dans le même cas qui se renouvelle systématiquement
où après la première euphorie, le moine se retrouve seul, sans
soutien et doit même faire face à sa providence.
Notre propre expérience ici à Tournon nous donne aussi raison de
vous mettre en garde. Au début, nous avions espéré le soutien des
communautés asiatiques, qui s'est révélé plus nébuleux qu'efficace..
(...) L'expérience des moines asiatiques à Paris rejoint notre
propre expérience, et même dans la capitale, où les fidèles
asiatiques sont nombreux, ces communautés utilisent davantage la
pagode ou la communauté des moines comme faire-valoir de leurs
associations mais pas du tout pour le bien du Dhamma ni pour le
soutien des moines."
Ces tensions et ces obstacles font perdre à la religion et
son clergé sa crédibilité au/ yeux de certains Lao, et notamment
de jeunes Lao qui/ étudiants au Laos/ poursuivent en France des
études ou une formation professionnelle/ et recherchent une
intégration réussie au sein de la société française.
Ceux-là se montrent très circonspects dans leur fréquentation
des vat.
Refusant d'être assimilés au "clan" qui soutient tel ou
tel monastère/ ils gardent délibérément leurs distances :
"Je ne veux pas qu'on pense que j'appartiens à tel courant
politique sous prétexte que je vais à telle pagode.
Quand on se rend là-bas, il faut surveiller tout ce qu'on dit,
parce que tout le monde est à l'affût de la moindre critique ou
128
du moindre propos pour vous taxer de ceci ou de cela.
Pour moi, il se passe trop de choses qui n'ont rien à voir avec
notre religion, là-bas" , confie Saï.'\
Face à cette désaffection presque forcée de certains jeunes/
les bonzes de Villiers-le-Bel voudraient trouver les moyens de
faire regagner a la religion lao son crédit auprès d'eux/ en
l'adaptant aux préoccupations actuelles.
En particulier/ ils comprennent que la jeunesse lao/ largement
imprégnée de la pensée occidentale/ ne peut adhérer aux croyances
archaïques encore vivaces chez les aînés.
Ils souhaitent expurger la religion de ces "superstitions" qui
pervertissent la foi bouddhique.
Tenant un discours plus rationnel/ ils insistent davantage sur
l'éthique, explicite dans la doctrine bouddhique/ de l'indépendance
et de l'autodétermination/ plutôt que sur le respect inconditionnel
des rites.
"Réfléchissez à ce que vous voulez vraiment, ne vous laissez pas
influencer par l'environnement, par les apparences, par les "on-dit"
conseillent-ils à leurs fidèles.
Aux jeunes qui/ soumis à de fortes pressions familiales/ se voient
contraints de suivre des cérémonies sans signification pour eux,
ils proposent aujourd'hui une attitude plus responsable/ garantie
d'une démarche plus authentique.
129
Dans l'accomplissement des gestes religieux; ils visent à un
plus grand dépouillement et se montrent moins attachés aux règles
de bienséance ; celle qui impose/ par exemple/ au laïc/ de se tenir
au minimum à la même hauteur que le bonze/ ou mieux/ à un niveau
inférieur/ ne leur semble pas essentielle/ et il leur arrive
fréquemment de converser avec les fidèles autour d'une table/ dans
la sala du vat, se situant ainsi au'même niveau qu'eux.
Ils adoptent avec les jeunes adeptes une attitude plus décontractée
afin/ expliquent-ils) " de faciliter le dialogue, et de ne pas
les bloquer par l'observance de multiples règles sans véritable
importance".'
Mais ils se heurtent/ dans ces tentatives réformatrices/
aux plus âgés de leurs fidèles/ très choqués par ce qu'ils
considèrent comme des infractions à la règle monastique.
Pourtant/ les bonzes s'appuient/ dans cette volonté de
rénovation de leur religion/ sur la parole même du Bouddha :
"Ce qui doit être changé doit être changé" dit-il dans le
Tipitaka (1), et s'dressant à son disciple Ananda :
"Quand je serai mort, Ananda, que l'Ordre, s'il le juge à
propos, abolisse tous les préceptes de peu d'importance". (2)
Autorisant à mettre l'accent sur certains de ses éléments/ à en
mettre d'autres en sourdine/ la doctrine bouddhique est assez
souple pour s'adapter aux transformations sociales.
(1) recueil de textes pâli considéré comme les archives les plus anciennes de l'enseignement du Bouddha.
(2) Voir L'évangile du Bouddha, de Paul CARUS, Ed. Ajjarius. PUF, p. 255.
130
La tâche n'est pourtant pas aisée pour les moines réfugiés.
En butte aux plus conservateurs de leurs fidèles/ ils ne
rencontrent pas toujours l'assentiment de ceux auxquels ils
destinent prioritairement ces novations/ les jeunes.
Ceux-ci peuvent se montrer/ eux aussi/ fort traditionalistes.
"Pour moi, des bonzes qui passent leur temps en conversations
téléphoniques, en voyages, en discussions sur des problèmes
matériels, ne sont pas des bonzes. Un vat avec la télévision,
le magnétoscope, n'est plus un monastère. Je ne suis pas d'accord
avec cela" , souligne Tep; jeune étudiant de 20 ans.
Le désaccord peut aller jusqu'à la rupture définitive entre
les fidèles et leurs religieux.
C'est ce qui se passe à Borny/ entre la paroisse de Metz et le
bonze responsable du vat/ en 1984. Lorsque les fidèles de la région
réalisent que leur chef de pagode conserve pour lui et sa famille
certaines des allocations qu'ils avaient réussi à obtenir en son
non.-, (allocation-vieillesse/ logement/ etc...)/ ils considèrent
qu'il y a là un manquement grave à la discipline monastique ;
ces fonds/ pensent-ilS/ doivent être destinés au vat/ puisque
l'entretien du moine est assuré par la congrégation. Ils décident
donc le renvoi du bonze et la fermeture du monastère de Borny.
De tels incidents portent préjudice à l'ensemble des
religieux réfugiés en France/ et augmentent le scepticisme de
nombreux fidèles.
131
Les jeunes Lao ne sont pas opposés à toute rénovation du
Bouddhisme. Au contraire/ certains souhaiteraient/ comme les
bonzes de "vat Gonesse", le voir se défaire de ses aspects
"obscurantistes". Ceux-là suggèrent/ par exemple/ que l'on
traduise les prières pâli/ incomprises de la majorité des fidèles/
en Laotien.
Mais c'est surtout sur les qualités morales et spirituelles de
leur clergé qu'ils se montrent le plus exigeants :
"Ce qu'il nous faut," disent-ils/ " ce sont des bonzes instruits,
capables de nous guider spirituellement. On ne va pas à la pagode
pour entendre parler de questions matérielles, financières, de la
vie de tous les jours. On va là-bas pour se recueillir, pour prier,
pour entendre des paroles pieuses et recevoir des conseils de
sagesse, d'apaisement. Nos cérémonies doivent garder leur
solennité} sinon, elles ne servent plus à rien".
Ce sont ces mêmes jeunes Lao qui/ capables de tenir ce type
de discours/ ne manquent jamais d'effectuer les cérémonies
religieuses les plus importantes/ comme celles qui honorent le
décès d'un membre de leur famille/ en France ou au Laos, ou
la célébration d'un mariage....
132
C'est qu'il y a chez tous les Bouddhistes/ comme le note
P.A. SARAM/ (1) "une référence tendancielle à certains aspects
de la doctrine bouddhique", qui, chez les réfugiés lao, se
perpétue au sein de la société française, même lorsqu'ils s'y
intègrent largement.
Ils conservent en effet un attachement pour les rites et
les préceptes, alors que, par ailleurs, leur histoire, individuelle
et collective, les engage dans des modes relationnels et des
comportements autres.
Le Bouddhisme en tant qu'étiquette continue ainsi d'être
accepté comme constituant leur identité religieuse, et, au-delà,
leur identité culturelle.
(1) P. A. SARAM, "Bouddhisme et société à Sri Lanka", in Revue Internationale des Sciences Sociales, Volume XXIX N° 1977. p. 346
2,
133
Conclusion
134
La culture bouddhique englobe bien plus/ nous l'avons vu,
que le seul accomplissement des rites. Les arts, littéraires/
musicaux, picturaux, chorégraphiques, en sont imprégnés, et les
attitudes morales, spirituelles, sociales, culturelles, y puisent
leur essence- Elle fournit une vision du monde et des modèles que
la transplantation en Occident ne suffit pas à effacer. Elle doit,
cependant, s'y adapter.
Parmi les transformations que nous avons observées au cours
de cette étude, et qui, nous l'avons souligné, étaient déjà
amorcées dans la société d'origine, nous avons noté l'abandon de
certaines pratiques et l'inobservation des interdits ; on ne prie
plus guère devant l'autel familial, on prend une distance toujours
plus grande vis à vis des préceptes.
Par contre, les rites fondamentaux se maintiennent, et coexistent
avec ceux de la société environnante. Les Lao fêtent Noël et le
Nouvel An français, mais continuent de célébrer le Pi May de l'ère
bouddhique. Ils manifestent là une volonté de se fondre dans la
société globale sans perdre leur identité.
La sélection des pratiques bouddhiques maintenues dans l'exil
semble répondre à un certain nombre de choix.
Sont conservés les cérémonies accomplies peu fréquemment, telles
les grandes commémorations, du calendrier bouddhique.
135
Sont conservés encore les rites qui ne nécessitent pas un
isolement social et ne font pas courir le risque d'un rejet de
l'environnement. Les retraites monastiques/ par exemple/ sont de
plus en plus rares, car elles supposent une coupure radicale avec
le monde extérieur. Certaines techniques de prières sont abandonnées
parce qu'elles attirent trop l'attention.
Sont conservés, enfin, les rites qui peuvent être redéfinis dans
une optique moderne ; l'assouplissement de l'étiquette bouddhiste,
l'élimination des croyances archaïques, jugées trop irrationnelles
pour le monde actuel, sont les perspectives réformatrices des
bonzes de Villiers-le-Bel.
Nous avons constaté que ces novations sont mal acceptées
par certains fidèles, les plus âgés souvent, c'est-à-dire ceux
qui n'ont pas à s'intégrer réellement dans la société française.
Entretenus par leur famille/ les vieillards vivent repliés sur
la communauté ethnique, et, pour eux, la tradition est comme
pétrifiée. Les personnes âgées se défendent contre l'étrangeté
ressentie dans la société d'accueil, et l'angoisse face au
changement par une attitude de plus en plus conservatrice.
En revanche, pour tous les autres réfugiés, adultes, jeunes
gens, enfants, impliqués dans les réseaux de relations de la société
globale, la religion est en compétition permanente avec la mentalité
laïque, prédominante. Et ces transformations sont indispensables.
Elles ne témoignent pas d'un déclin absolu de la religion, mais
plutôt d'une évolution de la pratique religieuse, sans renoncement
à la culture bouddhique.
136
Car celle-ci est chargée d'une affectivité qui concerne
moins la doctrine que ses "utilisations". Le rôle symbolique du
monastère/ les notions de bouny le mérite/ et de piepy le prestige
qui s'y rattache/ sont autant d'éléments qui alimentent un
sentiment d'identité individuelle et collective et voilent les
besoins extra-religieux des réfugiés.
Ces derniers, agressés par la transplantation dans le monde
industriel et urbain/ blessés par le statut d'exilés, trouvent dans
la pagode reconstituée le moyen de se "réconcilier"/ pour reprendre
une expression de Malinowski, (1)/ avec eux-mêmes et avec le groupe
ethnique. Pour ces Bouddhistes attachés à l'idée du karma, les
pratiques religieuses sont une manière de résoudre les difficultés
à accepter leur nouvelle condition. Elles font, en outre, la liaison
avec la patrie perdue, car elles maintiennent des' relations
symboliques avec les parents/ les amis, les ancêtres laissés au
Laos. Gardant les empreintes du fonds animiste ancien, elles
entraînent parfois un glissement du rôle des moines, amenés à
se substituer aux guérisseurs de la société traditionnelle.
La religion, qui se confond alors, pour certains encore, avec la
magie, apporte une sécurisation affective importante.
Mais, nous l'avons vu aussi, parallèlement à la piété et aux
émotions qu'ils peuvent exprimer au monastère, les réfugiés
(1) Dans Magic, Science and Religion (N.Y. Doubleday, 1955), Malinowski dit à propos de la religion : "elle réconcilie l'homme avec lui-même. C'est aussi la fonction qu'elle remplit au niveau du groupe". p. 53.
137
y rétablissent encore une sociabilité qui leur est spécifique/
y compris d'ailleurs avec ses dysfonctionnements.
L'organisation de la pagode génère des comportements laïques
autant que religieux. Elle engendre un ensemble de relations
sociales/ un "commerce" au sens large/ où des réseaux/ fondés sur
la parenté/ le voisinage/ l'échange de biens et de services/
se déploient/ et inter-agissent/ sous-tendus/ toujours/ par les
valeurs lao. Le soutien à la pagode, dans cette toile ainsi tissée,
est alors porteur d'une double signification : grâce/ d'une part/
au mérite gagné dans les offrandes, il assure le karma/ valeur
religieuse ; il réaffirme d'autre part/ régulièrement ou plus
ponctuellement, l'appartenance au groupe/ et y garantit la
réputation/ la "face"/ valeur sociale.
Cette ambivalence montre l'interdépendance entre les pratiques
religieuses et les facteurs socio-culturels/ au point qu'il est
impossible d'isoler la composante religieuse dans le mécanisme de
formation de l'identité lao en France.
Car les réfugiés ont/ à côté des rites bouddhiques, d'autres
modes d'identification à leur culture d'origine. La permanence de
leurs habitudes alimentaires, la préservation de leur langue,
la faible mixité de leurs mariages, le choix des prénoms de leurs
enfants sont de ceux-ci. Surtout, leur engagement dans une vie
associative visant la sauvegarde de leur patrimoine culturel et
artistique constitue un comportement identitaire très marqué.
Mais, à y regarder de plus près, celui-ci est largement traversé
par le religieux.
138
La plupart des productions culturelles passent par la- célébration
du culte OU; au moins/ la référence aux valeurs bouddhiques.
La musique, la littérature orale et écrite, la danse, la peinture,
ou la sculpture, sont profondément enracinées dans le fonds
religieux. Lorsque l'identité lao s'affirme par ces éléments
laïques, elle est toujours, plus ou moins explicitement, renvoyée
au Bouddhisme. Aussi peut-on s'interroger sur le devenir de ces
traditions artistiques enseignées aux jeunes Lao qui, dans le
même temps, méconnaissent les fondements spirituels et moraux de
leur société. Il est probable qu'elles perdront vite leur
profondeur, pour se transformer en manifestations purement
folkloriques.
Il en va de même du culte religieux, dont les gestes peuvent,
eux aussi, se vider de leur sens, se "laïciser", perdant alors
leur signification sociale.
Si la notion de boun, le mérite, devait, par exemple, perdre sa
dimension religieuse, pour n'être plus qu'une valeur sociale,
liée à l'idée du prestige, il est sûr que, cessant de jouer son
rôle de régulation des rapports sociaux, elle laisserait libre
cours à l'individualisme déjà fort des Lao. L'identité lao se
diluerait dans des comportements de plus en plus laïques, où
l'indifférence primerait, au détriment de l'esprit communautaire.
Ces changements ne seraient pas nécessairement garants d'une
insertion harmonieuse dans la société française, si l'on en juge
par les alte'rations que subissent déjà les relations familiales
et.sociales de certains réfugiés.
139
Ce processus n'est cependant pas inéluctable. Il menace/
certes/ dans certaines couches de la population lao immigrée :
personnalités politiques/ hommes d'affaires/ jeunes attirés par
les modèles de l'Occident/ tendent à utiliser le monastère
davantage comme un lieu tratégique du rassemblement ethnique/ que
comme un centre religieux.
Mais ce type de comportement peut être contrebalancé par un
certain traditionalisme/ que nous avons relevé chez d'autres
réfugiés/ et qui tient à l'attachement/ dont nous parlions toute
à l'heure, à la doctrine bouddhique.
Ce traditionalisme ne se manifeste pas seulement chez les adultes
et les vieillards. Il est aussi perceptible chez de jeunes Lao
qui, bien qu'insérés dans la société globale, se réclament encore
de la culture bouddhique, et, à travers elle/ de la culture lao.
La présence des moines et la reconstitution des pagodes est/ pour
ceux-là/ de première importance/ puisqu'ils permettent
l'expression concrète de cette appartenance.
Aussi/ au terme de cette étude/ convient-il de souligner
combien la réorganisation du culte/ qui s'est révélée indispensable
dès les premiers moments de l'implantation en France/ est
un enjeu essentiel pour l'insertion des Lao dans notre pays.
Elle s'est opérée rapidement. Elle a entraîné des transformations
pour être viable ici. Elle pervertit parfois la doctrine bouddhique,
entraînant, en particulier, un certain renforcement des croyances
archaïques.
140
Mais cette dernière est souple et peut s'adapter au
changement ; et/ surtout/ l'attachement à la culture bouddhique
reste assez fort pour constituer une marque identitaire.
Transposé dans la société française/ le Bouddhisme continue
d'entretenir un sentiment d'identité collective. Il maintient aussi
la liaison symbolique avec la terre natale. Il est donc un apport
affectif primordial/ dont nul ne peut prévoir l'efficacité à long
terme. Les valeurs de l'Occident/ laïque et individualiste/
reçoivent un écho certain dans l'éthique de l'indépendance et de
l'autodétermination prônée par la doctrine. Sans un ressourcement
à la morale bouddhique/ dans sa globalité/ sans les conditions
requises au recrutement et à la formation de nouveaux adeptes/ il
est possible que celle-ci prenne le pas sur tous les autres aspects
de la culture bouddhique.
Pour l'heure/ les Lao en exil trouvent dans leurs valeurs
religieuses/ singulièrement dans celle du mérite/ source
d'enrichissement karmique, la légitimation d'une insertion réussie
dans la société industrielle.
En les réactualisant dans les pagodes de banlieue, ils leur
restituent leurs fonctions régulatrices des rapports sociaux.
Ils se réapproprient ainsi/ ajusté à leur nouvelle destinée/ l'un
de leurs traits culturels les plus structurants ; ils l'utilisent
à rétablir une sociabilité qui leur est propre et concourt à
définir leur identité en France.
La réorganisation du culte religieux, qui restaure, au sein
du groupe ethnique, des liens spécifiques mais non exclusifs,
apparaît dès lors comme un instrument privilégié de la stratégie
migratoire des Lao dans notre société.
Paris, Janvier 1986.
141
Table des matières
Introduction 1
Première partie : L'immigration lao en France 11
Chapitre 1 : Histoire 12
Chapitre 2 : Une sociabilité en reconstruction 22
Deuxième partie : Bouddhisme et migration 27
Chapitre 3 : Le Bouddhisme lao et l'exil 28
Chapitre 4 : L'exode du clergé 34
Troisième partie : La paroisse lao en banlieue parisienne • •40
Chapitre 5 : . Naissance du vat Velouvanaram 41
Chapitre 6 : . L'aire d'influence du vat 48
Quatrième partie : • Le monastère reconstitué.: Continuité et rupture 66
Chapitre 7 : Vie quotidienne: 67
Chapitre 8 : Réorganisation des fonctions monastiques - 75
Chapitre 9 : Bouddhisme et magie 95
Chapitre 10 : Bouddhisme et éducation 115
Chapitre 11 : Une religion en crise 123
142
Orientation bibliographique 143
Annexes 149
Planches-Phot os 167
143
Orientation bibliographique
elles concernent des revues spécialisées sur
l'Asie du Sud Est/ ainsi que deux ouvrages collectifs
publiés par France-Asie/ l'un consacré au Laos,
l'autre au Bouddhisme.
Asie du Sud-Est et Monde Insulindien. Bulletin du CeDRASEMI. (Centre de Documentation et de Recherche sur l'Asie du Sud-Est et le Monde Insulindien).
Bulletin des Amis du Rovaume Lao. -
Bulletin de l'Ecole Française d'Extrême-Orient.
France-Aàie
France-Asie. Présence du Rovaume Lao/ oavs du Million d'éléphants et du parasol blanc.
N° spécial 118.119.120/ Saigon, Mars, Avril, Mai 1956.
(Version anglaise 1959)
France-Asie. Présence du Bouddhisme.
N° spécial 153.157, Saigon, Février, Juin 1957.
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Les réfugiés originaires de l'Asie du Sud Est. Monographies. Rapport du Président de la République. Coll. des rapports officiels. La Documentation Française. Paris
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1972 Rites et cérémonies en milieu bouddhiste lao. Documenta Missionalia 6. Universita Gregoriana. Ed. Roma.
149
Annexes
Les statuts du C.S.3.C 150
Le règlement intérieur du C.S.B.C 152
La déclaration du C.S.B.C. à la Préfecture du Val d'Oise 154
Lettre du notaire concernant l'achat à Villiers-le-Bel 155
Reçu du notaire après signature de la promesse de vente 156
Acte portant choix d'un supérieur du sangha lao au monastère Velouvanaram 157
Attestation d'achat du pavillon de Villiers-le-Bel par le C.S.B.C 158
Courrier du maire de Villiers-le-Bel concernant cette étude...160
Lettre du supérieur du monastère de Tournon à l'association Franco-Asiatique 161
"Envoûtement à Metz-Borny ? Un enfant de 9 ans exorcisé par un bonze." W. Wirtz. Le Républicain Lorrain. 8 mai 1983 162
"La sorcière est dans l'escalier". E. Favereau. Libération. 19 mai 1983 163
"Dans la seule pagode de l'Est/ un bonze répand à Metz l'enseignement du Bouddha". G. Charut. Est républicain. 20 mai 1983 164
Invitation à la Fête de l'Entrée du Carême bouddhique 165
Invitation à la fête de Vixakhabouxa j_5¿
COMITE DE SOUTIEN DU BOUDDHISME ET D'ACTION SOCIO-CULTURELLE LAO —*• •• 2 , A l i c e Rembrandt
95500 Gonesse
T
S T A T U T S
CHAPITRE - I : DENOMINATION - DUT - SIEGE 150
ARTICLE.- I.
ARTICLE.- 2.
ARTICLE.- 3.
Il est fondé entre les aghérents aux présents statuts un Comité régi par la LOI du 1er Juillet 1901 et le Décret du l6 Août 1901, dénommé : " COMITE DE SOUTIEN DU BOUDDHISME ET D»ACTION SOCIO-CULTURELLE LAO '• ( par abréviation C.S.B.C. ). Ce Comité a pour buts : - de soutenir la communautté religieuse de moines Bouddhistes; - de faciliter les activités de ces moines dans le Culte et la Pratique du Bouddhisme;
- d'effectuer des publications et d'exercer les diverses activités charitables selon les rites, la croyance et les coutumes lao en France.
Son siège social est fixé au N°2, Allée Rembrandt (Orly-Parc) 95500 -Gonesse ( Département du Val d'Oise ). Il pourra être transféré à un autre lieu par la décision du Conseil d'Administration.
CHAPITRE - II
ARTICLE.- 4. Sa durée est illimitée.
DUREE
CHAPITRE - III : MEMBRES - ADMISSION - RADIATION.
ARTICLE.- 5» Le Craoité se compose des membres suivants : - Membres fondateurs sont ceux qui ont créé ou soutenu sans réserves le Comité aussi bien par leur apport d'aide matérielle que morale;
- Membres d'Honneur sont ceux qui ont rendu au Comité de services éminents. Ils peuvent être dispensés au paiement de droits d'entrée ou de cotisations par le Conseil d'Administration.
- Mmebres actifs, notamment des personnes d'origine lao, sont ceux qui paient les cotisations ou de droits d'entrée et participent avec voix deliberative à l'Assemblée Générale et d'une façon générale à l'Administration et à la Direction du Comité;
- Membres sympathisants sont des personnes qui désirent témoigner à la communauté religieuse Lao en France leur amitié et leur encouragement à la bonne marche du Comité.
ARTICLE.- 6. Pour faire partie du Comité, il faut être agréé par le Conseil d'Administration qui statue lors de chacune de ses réunions sur les demandes présentées.
ARTICLE.- 7« L'admission des membres est soumise : - au paiement des droits d'entrée ou do cotisations fixés par l'Assemblée Générale;
- à la souscription volontaire et formelle de fournir des cotisations annuelles ou des subventions quelconques au Comité.
ARTICLE.- 8. La qualité de membres se perd par : - la démission, - le décès, - la radiation prononcée par le Conseil d'Administration pour non paiement de la cotisation ou pour motif grave, l'intéressé ayant été invité par lettre recommandée à se présenter devant le bureau pour fournir des explications.
ARTICLE.
CHAPITRE - IV : RESSOURCES.
9. Les ressources du Comité comprennent : - le montant des cotisations ou droits d'entrée, - les offrandes durant les cérémonies religieuses, dons et subventions des personnes privées ou morales,
- les rétributions ou remboursements des services rendus, - toutes autres ressources autorisées par les textes législatifs ou réglementaires.
CHAPITRE - V CONSEIL D'ADMINISTRATION
<. ..
ARTICLE.- 10. Le Comité est dirigé par un Conseil des membres, élus pour Deux ans par l'Assemblée Générale. Les membres sont rééligibles.
ARTICLE.- 11.
ARTICLE.- 12.
ARTICLE.- 13.
ARTICLE.- 14.
Le Consei l d 'Adminis t ra t ion c h o i s i t parmi s e s membres, au s c r u t i n s e c r e t , un bureau composé de : - Un Prés ident - Deux Sécré ta i res-Généraux-Adjoint3 - Deux Vices -Prés iden ts - Un T r é s o r i e r - Un Secré ta i re -Généra l - Un Trésor i e r -Adjo in t
151
En cas de vacances, le Conseil pourvoit provisoirement au repmplacement de ses membres. Il est procédé à leur remplacement définitif par la plus prochaine Assemblée Générale. Les pouvoirs des membres ainsi élus prennent fin à l'époque où devrait normalement expirer le mandat des membres remplacés. Le Conseil d'Administration se réunit tous les six mois sur convocation du Président ou sur la demande du quart de ses membres.
Les décisions sont prises à la majorité des voix? en cas de partage la voix du Président est prépondérante.
Tout membre du Conseil qui, sans excuses, n'aura pas assisté à trois réunions consécutives pourra être considéré comme démissionnaire.
CHAPITRE - VI : ASSEMBLEE GENERALE ORDINAIRE ET EXTRAORDINAIRE.
Io- L'Assemblée Générale ordinaire comprend tous les membres du Comité à quelques titres qu'ils y soient affiliés. Elle se réunit une fois par an au mois d'Avril.
Les membres sont convoqués par les soins du Secrétaire Général 15 jours avant la date fixée avec ordre du jour bien déterminé. Le Président, assisté des membres du Conseil d'Administration, préside l'Assemblée Générale et expose la situation morale du Comité. Le Trésorier rend compte de sa gestion et soumet ce bilan à l'approbation de l'Assemblée Générale. Il est procédé, après épuisement de l'ordre du jour, au remplacement, au scrutin secret, des membres du Conseil sortants. 2°- Le Président peut convoquer une Assemblée Générale extraordinaire chaque fois que le Conseil d'Administration l'estime nécessaire ou bien la moitié plus un des membres inscrits en font la demande.
L'Assemblée Générale doit se composer de la moitié au moins des membres ayant voix deliberativos. Si cette proportion n'est pas atteinte, l'Assemblée est convoquée de nouveau, mais à 15 jours d'intervalle et cette fois elle peut valablement délibérer quelque soit le nombre des membres présents. Un règlement intérieur sera établi par le Conseil d'Administration et soumis à l'approbation de l'Assemblée Générale.
Ce règlement éventuel est destiné à.fixer les divers points non prévus par les statuts, notamment ceux qui ont trait à l'administration interne du Comité.
En cas de dissolution prononcée par les deux tiers au moins des membres présents à l'Assemblée Générale, un ou plusieurs liquidateurs sont nommés par celle-ci, et l'actif, s'il y a lieu, est dévolu conformément à l'Article 9 de la LOI du 1er Juillet 1901 et au Décret du l6 Août 1901.
Fait à Gonesse, le 05 Janvier 198l
Le Président,
Le Secrétaire-Général,
Jacques PHIMPHAVONG
Raymond PIIOMMACHANH
CCÍMITE DE SOUTIEN BU EÜÜDEHI5ME £ D'ACTION SOCIO-CI<LTUP.2LLE LAO
2 , Al l i ' o Rembrandt y550O Gono«se
l
REGLEMENT INTERIEUR 152
AUTICLX. I.- Uno des grandes Religions du monde, le Bouddhisme: est le Patrimoine "SACHS" et inaliénable du peuple lao dont plus 'de 70?i sont bouddhistes. "Indispon-sable" à sa vie spirituelle, il a façonné ses moeurs, ses coutûaes et marqué do manière durable sa culture, son art et sa littérature.
Conduit par l'histoire à chercher réconfort et consolation au sein de cette religion, le peuple lao y a trouvé douceur, paix et tolérance; toutes choses, belles et élevées, qui ennoblissent le genre humain et con
tri ouent à son bonheur. ARTICLE. 2.- Tout lao né bouddhiste, toute personne d'ethnies ou de peuples différents
qui a su témoigner son profond attachement au Pays du Million d'Eléphant et qui respecte et suit l'enseignement du Bouddha, peuvent adhérer librement au CS.B.C. et en devenir membre de plein droit.
ARTICLE. 3«- Par dérogation aux articles 5 & 7 d93 statuts du C.S.B.C, l'admission d'un membre n'est pas impérativement soumise au paiement do droits d'entrée ou de cotisations; le C.S.B.C. s'en remet à la discrétion de l'intéressé.
On entend par cerabre actif toute personne ayant adopté le Bcuddhismo comma principale Religion et qui, de façon constante et régulière, apports lai soutien moral, matériel et financier aux activités culturelles et manifestations religieuses organisées par le C.S.B.C.
ARTICLE. 4. -La composition du conseil d'administration est ainsi établie : 1.- un Président 2.- deux Vices-Présidents 3«- un Secrétaire-Général 4.- deux Secrétaires-Généraux Adjoints 5.- un Trésorier 6.- un Trésorier-Adjoint 7«- c eux commissaire;* aux comptes
Le Présidant du Conseil d*Administration représente le C.S.B.C. dans tous les actes de la vie civile et est donc habilité à le représentai* en justice. Il est responsable de toutes les activités du C.S.12.C. devant l'Assemblée Générale, à qui il doit on soumettre-annuellement un rapport général
Pour le bon fonctionnement de C.S.B.C, le Président peut donner mandat ou délégation do pouvoir aux membres du Conseil d'Administration pour l'exercice de certains do ses fonctions.
Lea Vices-Présidents doivent seconder le Président dans l'exécution de ses taches, telles qu'elles ont été définies par le Conseil d'Administration du C.S.B.C; et en cas d'absence prolongée ou d'empêchement du Pr03i~
, dent, ils assurent de plein droit tous ses pouvoirs. Le Secrétaire-Général assisté de ses deux adjoints est chargé du Se
crétariat, du registre des membres, des archives et de la correspondance. Il peut être chargé, à la demande du Conseil d'Administration et sur
un ordi*^ du jour déterminé, de convoquer les membres en Assemblée Générale ordinaire ou extraordinaire, et ceci 15 jours avant chaque ouverture de l'As semblée Générale. Il en est le rapporteur des débats.
Le Trésorier est chargé de I'encaissement des recettes et en verse le montant dan-i les comptes eu banque ouverts au nom du C.S.B.C, tient des registres comptables du patrimoine du C.S.B.C. sous la surveillance du Président. Il présente le bilan de toutes les opérations et rend, compte à L'As-nembléc Générale annuelle qui statue sur la gestion.
Le Trésorier-Adjoint reuiplr.ee le Trésorier en C M d'absence ou d'em-pochfîK'jnt de celui-ci. Il apporte son concours dans l'exécution dos taches, dévolues au Trésorier.
Les Cor,Tiis3&ire«j aux comptes sont nommés par l'Assemblé-?. Générale. 13.3 ont pour mi. si.oa do vérifier le..s pièces comptables du C.S.B.C. quant-a leur régularité et li?ur authenticité. Il lour j.ncombo, on cas do déplace-monts jrréçuiici-i ao?> tonde du C.5.U*C, d:j procéder à dec crquStos ot d'en drossc?r un v.-ipport qui acra soumis an:; délibérations de l'Assemblée Genoralo ixtr.ior di.iairti »
" " - 153
ARTICLE« 5»~ Les fonds du C.S.B.C. sont déposés JOJÎS d¿ux comptes qui sont ainsi dénommés :
•. a/- un compte central bloqué (bancaire ou postal) avec proavis de trois mois. Tout retrait d'argent de ce compte est subordonné à deux.signatures,
celle du Président en exercice ez celle du Chef de Monastère "Vat Vélou-vanaram" à la seule condition que ce retrait soit destiné à l'achat ou à la construction de la Pagode et du Centre Socio-Culturel lao. b/- un compte courant (bancair-2 ou postal) dont la gestion est placée sous la responsabilité du Président et du Comité en place.
Les fonds déposés à ce compte sont fixés à vingt milles francs maxi-mun et sont destinés aux dépenses urgentes de fonctionnement du Comité d'Administration et qui doivent faire l'objet obligatoirement de vérifications ultérieures par les commissaires aux comptes.
Tout retrait d'argent de ce compte doit être obligatoirement muni de deux signatures, celle du Préaident et celle du Trésorier ou celles de leur mandataires respectifs. Le3 conditions .fixées pour ce retrait feront l'objet d'une note spéciale du Président accompagnée du spécimen de dépôt de signature auprès des banques.
Tout engagement de dépenses supérieures à cinq milles francs du compte courant doit être soumis préalablement à l'approbation du Conseil d'Administration qui sera convoqué à cet effet par le Président.
ARTICLE. 6.- Les membres du Conseil d'Administration sont é?us pour deux ans par l'Assemblée Générale au scrutin secret (§.Art.lO). Par mesure de simplification, l'Assemblée Générale a la possibilité de n'élire d'abord que le Prénident du C.S.B.C. qui aura toute latitude rie former son équipe et de choisir librement les membres du Conseil d'Administration. L'Assemblée Générale se déterminera en dernier ressort à main levée ou au scrutin secret sur le degré de confiance qu'elle souhaite accorder à ceux-ci.
Ils sont tenus de respecter le secret des délibérations, un minimum de bien séance sociale dans les débats et l'esprit d'amitié et d'entraide du C.S.B.C. Il leur est recommandé de ne rien fai^e qui puisse porter atteinte à la dignité et au prestige, du C.S.B.C., le plus ferme soutien de la religion bouddhique et de la communauté des .moines de la Pagode " Wat Vélouva-naran".
ARTICLE. 7.- Le siège du C.S.B.C. est .SÍ3 au n°2, Allée Rembrandt 95^00 Gonesse. Il porte le nom de Wat Velouvanaram et sert provisoirement de Pagode, de lieu de résidence aux moines et à la pratique du culte. Ce monastère est placé sous la responsabilité du C.S.B.C. qui s'occupe de son entretien.
Guide spirituel, garant de la conformité des activités culturelles et des manifestations religieuses aux usages établis par le Eouddhisme, l'Abbé aide de ses conseils les membres dirigeants du C.S.B.C., qui doivent lui rendre compte avec déférence du déroulement des résultats de chaque fete de l'année en cours.
Arrêté à sept articles.
Fait à Gor.es3e, le 26 Juillet 198l Le Président, ^-
Le Secrétaire-Général • JJ J^(jPUO^
FHBiPHAVONG Jacques
COPIE CERTIFIÉE PÜCMMACHANI! Raymond
CONFORME A L'ORIGINAL
L<¿, fiu$7¿ie«¿-
Direction do l'Administration Ccncrale
efcrie>Ja>fl&jJßmöntafc(fc0
PREFECTURE DU VAL-D'OISE
154
ASSOCIATIONS
(Loi du 1" juillet 1901)
RECEPISSE DE DECLARATION
N» 2 CULT/81 (a rappeler dans la correspondance)
LE PREFET DU VAL-D'OISE reconnaît avoir reçu ce jour une déclaration
déposée par Monsieur PHIMPHAVONG Jacques - Président
demeurant à 95500 GONESSE - 1 , ai l ée Cézanne
relative à la formation SOUS le titre de "Comité de Soutien du Bouddhisme et d'Act ion Socio Culturel LAO"
d'une association dont le siège social est situé à 95500 GONESSE 2, allée Rambrandt
ayant pour objet
Soutenir la communauté Religieuse des Moines Bouddhistes,
fac i l i ter les act iv i tés de ces Moines dans le culte et la pratique du Bouddhisme, effectuer des publications et d 'exercer les diverses activités charitables selon les r i t e s , la croyance et les coutumes lao en France
La déclaration prescrite par la loi du 1 " juillet 1901 sera rendue publique dans un délai d'un mois à compter de ce jour (décret du 16 août 1901).
A cet effet, la demande de publication souscrite par. les déclarants a été transmise par mes soins à l'imprimerie du * Journal Officiel " à la date de ce jour.
Deux exemplaires des statuts étaient joints à la déclaration.
95010 Pontoise. le 4 Fév r ie r 1981
LE PREFET.
fZür 'o Préfet CM Je Bureau.
Signé C. LAÎÏCJSNÎÉ
PUBLIE AU JOURNAL OFFICIEL N C.1599 DU 1 4 / 0 2 / 8 1 95 - VAL D'OISE
'SIOM 4679
102
EDMOND FRICOTEAUX NOTAIRE
SwccMMur *• Hr LOUIS CHASLOT
11 , rue des l'rsulincs ' Boile Postile 30
93203 S A I N T - D E N I S
CEDEX 1
CHEQUES POSTAUX PAÎIS 1529-19 X
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INITIALES A RAPPELER
DANS LA REPONSE :
CF. Dossier DAVESNE
155 £S Í20-S3-77 i:;;ne« e/c.:c.-i)
93203 SAiNT-DENis CEDEX 1. LE 16 d é c e m b r e 1981
•COMITE DE SOUTIEN DU BOUDDHISME• ET D'ACTION SOCIO CULTURELLE LAO 2 , a l l é e Rembrandt 95500 GONESSE
L J
M o n s i e u r l e P r é s i d e n t ,
J e vous in forme q u ' à v o t r e demande, j ' a i o u v e r t en mon étude. , un d o s s i e r c o n s t i t u é s u i v a n t l e s é l ément s qu i m'ont é t é f o u r n i s ve rba l emen t e t que j e n ' a i pu v é r i f i e r , d e s t i n é à l a r é g u l a r i s a t i o n d ' u n e v e n t e e n v i s a g é e p a r M. e t Mme J a c q u e s DAVESNE à v o t r e p r o f i t , de propriété s i se à VTLLIERS l e BEL (Val d 'Oise), 8 av. des Charmettes, cad. sec t . E n° 517 pour 430 m2 comprenant un pavi l lon d 'habitat ion élevé sur sous-sol divisé en buanderie, chaufferie, cave, d'un rez-de-chaussée divisé en entrée, cuis ine, sa l le de bains, W.C., chambre, sa l l e de séjour-salon, e t d'un étage divisé en pa l i e r , chambre mansardée ; grenier ; l e tout couvert en t u i l e s ; eau, gaz (1) moyennant l e p r i x p r i n c i p a l de CINQ CENT MILLE FRANCS (500.000 F.) payable pa r t i e de deniers de l ' associa t ion , e t pa r t i e de deniers d'emprunt.
Cette lettre vous est adressée sous réserve de toutes modifications ultérieures qui pourraient m'être signalées.
V e u i l l e z a g r é e r , Monsieur l e Président, l ' a s s u r a n c e de mes seni-iEEiits- d i s t i n g u é s e t dévoués .
(1) é l e c t r i c i t é , tout à l 'égout , chauffage central au mazout - Ter ra in . / .
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Fortin * U Progrès Part*
156
REÇU DE (sou« reserve d'encaissement des cheques remis)
DÉLIVRÉ AUX CONDITIONS ET
CONFORMÉMENT AUX TEXTES
MENTIONNES AU VERSO
La somme de :V-
- V - . -1
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S OU J H ftttT H fl v)0 N A Cu\¿'*
.ci-Vi-e£iS.ei.
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COMPTES A CRÉDITER
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CAUSE DU VERSEMENT
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SOMMES
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T 1
LIBELLÉ
, , / ^ " ^ W f C Ñ T A N T „ C. ANALYT. „ *\
^ D1 Fait à Saint-Denis
Signature s \ * |
Chèque/Vir1 N°
Chèque/Vir1 N"
VirWersement au C.C.P. Etude du C.C.P. N" V * - > s " l ^ O . j V&ïk
COMITE DE SOUTIEN DU BOUDDHISME & D'ACTION SOCIO-CULTURELLE LAO
2 , A l l é e Rembrandt 955OO Goneaae
157
" WAT VELOUVANARAM "
- * -
ACTE PORTANT CHOIX D»UN SUPERIEUR DU.SANGHA
LAO AU MONASTERE VELOUVANARAM.
Noua conformant à l'enseignement bouddhique et au Vinaya
qui ordonne la vie spirituelle, morale et matérielle des moines
bouddhistes et au nom de Sa Sainteté le Patriarche du Laos, Nous
Phra Souk BOUAHOM, Phra Maha Chanthy SOUPHANTHAVONG et Phra Chao
Saysanasak NACHAMPASSAK reconnaissons par ce présent Acte avoir
porté à la Direction spirituelle de Wat Vélouvanaram Phra Maha
Chanthy SOUPHANTHAVONG.
Fait à Gonesse, le 25 Novembre 198l
Io- Phra Souk BOUAHOM .. j s-, .....
2°- Phra Maha Chanthy SOUPHANTHAVONG .
3o- Phra Chao Saysanasak NACHAMPASSAK
Sous Contreseing du Président du Comité de Soutien du Bouddhisme et d'Action Socio-Culturelle Lao.
Kim PHIMPHAVONG,
\\ s ;•....-. • ••&/£?//
158
COMITE DE SOUTIEN DU BOUDDHISME & D'ACTION SOCIO-CULTURELLE LAO 2, Allée Rembrandt - 95500 Gonesse - Tél. (3) 987.5i.54
Association régie par la Loi du 1er Juillet 1901 et le décret du 16/O8/19OI - Déclarée au Journal Officiel N.C.1599 du l4/02/8l
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IjJBlJ&jn, ai Qt2 cn^lU Q0J2<3 COai «S *U3, lJffiaîlljn3'UJ803UniJ Maître Edmond FRICOTEAUX
"NOTAIRE" 1 1 , Rue des U r s u l i n e s 93203 SAINT-DENIS CEDEX 1, ,LnDJT1lJCíílJS!iJtn<?21tJ a ~ d Si '
CS9Vjma3U321J 8201313 Mr. & Mme Jacques Marcel DAVESNE, 8 , Avenue des Charmettes
954OO VILLIERS-LE-BEL ( VAL D'OISE ) , CÍ1293CS91J U2JTÎJ CCaZ HUSmuSlJ^
^Slânaui d a s 9jlJiIlîl0ClC0at0STJrlS'lU C u ç ) 2 , A l l é e Rembrandt 95500 Gonesse Q * * • "M " " d «
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aas omsnusjiiu . . n . u . a . a . 2sus93^s1ti?siij'L:mniij,tijcaari9jjsiaij. Vd „ Ü d
nnijjacuaeosoiniaijisnouuij, ïiijniiiciciau't'^sçatj'iijïiiutnmiJiJsaaa, nss in U f
Inao : chèque b a n c a i r e b a r r é ou chèque p o a t a l ou mandat p o 3 t e , à l ' o r d r e
de C.S.B:.C. , XtltJD : Phra Maha Chanthy SOUPHANÏIIAVONG, 2 , A l l é e Rembrandt
95500 Gonesse 23 M« K l r a PHIMPHAVONG, 1 , A l l é e Cézanne 05500 Goneaae nnuçaucçiatijxnutmtJij 'ísunnijaen'LusuciJijtnion'iij'ímlaciJijantnii,
qnctJijnnutiJgisij'icsiancaü, misnusmmstJijtnn^atijaijr^ia aas 'ísaenlusu
Ltnacid'ismiijuufiaiüíJsaoEJ'iiil.n. " ' h d . " - d ' i t # K », « d
naiictnnu, 'íos'ííníjansiaiuiJsaoaasmjJsaoiniijtJiGa'íija^a^tJuaxjnatJctjaíioijjanan
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ctüöcduantnu : O M Q Q #>
nnaomuouvju : * . - ^ciaiuitisso Lettre du NOTAIRE du 16/12/81 - o •
¿ . - tüSüC3Ui1iai3Umn Reçu n°64660 du 17/12/81
160 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
VILLE DE VILLIERS-LE-BEL — VAL D'OISE
Tél. 990.54.86 Service Culturel Sportif
etPériscolaire Le courrier doit être adressa à M. le Maire
CM/CR .W
Villiers-le-Bel, le 28 Juin 1983 Le Maire de VILLIERS-LE-BEL Chevalier de la Légion d'Honneur Sénateur Conseiller Général
MadameCHORON-BAIX Catherine CEDRASEMI 25 Sentier du Tourniquet
93100 M0NTREUIL-S0US-B0IS
Madame,
J'apprends avec intérêt votre projet d'entreprendre une étude sur la Communauté Laotienne de Villiers-le-Bel et Gonesse.
Cette Communauté ne s'étant pas manifestée, l'évalutation de son importance sur la Ville est très difficile.
Cependant, je reste très intéressé par toute information que vous pourrez me transmettre concernant son implantation sur Villiers-le-bel.
Veuillez croire, Madame, à l'assurance de ma considération distinguée.
*fáá*#>
La Mairie est ouverte du lundi au vendredi d e 8 h ¿ 1 2 h e t d e 1 3 h 3 0 á 1 7 h 3 0
Le Service des Affaires Générales également le samedi de 8 h à 12 h
tradition de la forêt sous Ja direction du
Vénérable BODHINYANATHERA (ACHAAN - CHAH)
Monsieur,
Le Vénérable Nyanadharo a bien reçu votre lettre avec le questionnaire que voua lui aviez demandé de remplir. L'idée d'établir une Pagode à Metz n'a jamais été évoquée par M. Amphay Doré devant le Vénérable, autrement celui-ci lui aurait dit ce qu'il en pensait. Lors du dernier Pymay un moine de Paris est venu pour honorer vos cérémonies. Son impression sur la communauté asiatique de Metz n'e3t pas très' favorable 9 l'implantation d'une Pagode. Si de faire venir un moine pour honorer leur3 cérémonies suffit aux laïcs, pour le moine que vous allez faire venir, il va avant peu de temps se retrouver dans le même cas qui se renouvelle systématiquement ou après la première euphorie, le moine se retrouve seul, sans soutien, et, doit même faire face à sa providence.
Notre propre expérience ici à Tournon nous donne aus3i raison de vou3 mettre en garde. Au début, nous avions espéré le soutien de3 communautés asiatiques qui s'est révéré plus nébuleux qu'éffi-* cace. Toutes les promesses données n'ont Jamais été suivi d'effet réel. Si le Vénérable Nyanadharo n'avait pas été connu dans le milieu occidental comme un maître de méditation déjà trJès entouré par un noyau de fidèles trè3 dévoués, l'expérience de Tournon, n'aurait pas pu être faite. L'expérience des moines asiatiques à Paris rejoint notre propre expérience et même dans la Capitale où le3 fidèle3 asiatiques sont très nombreux, ces communautés utilisent davantage la^Pagode ou la communauté deo moines comme faire valoir pour leur3 associations mais pas du tout pour le bien du Dhamma ni pour le soutien des moines. Pour votre questionnaire, noua vous informons que nous sommes propriétaires, sans aucune subvention d'un organisme officiel ou privé. Le soutien du Monastère par les communautés asiatiques peut atre considéré comme nul, seul notre activité de Centre de Méditation nous permet d'exister.
Avec no3 sincères salutations dans le Dhamma.
Dhammathina'
6, chemin de Houcharin . 07300 TOURNON • FRANCE
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Un enfant de 9 ans exorcisé par un bonze
II est toujours hasardeux d'avancer sur le ténébreux sentier de la magie noire, d'autant plus qu'il n'était plus temps de se procurer une amulette de protection. Tant pis. Actualité oblige. Depuis plusieurs semaines, une histoire de sorcellerie secoue la rue du Maine à Metz-Borny. Un garçon de 0 ans a été envoûté, selon ses parents, par des voisins. Rassurez-vous il va beaucoup mieux. II vient d'être exorcicé par un bonze laotien dont la pagode est installée quelques immeubles plus loin.
Ames sensibles s'abstenir. En cette ère du Verseau, les puissances maléfiques sont en marche. A Borny notamment, où des portes s'ouvrent sur les travaux mystérieux des praticiens de la magie noire.
Au No 8 de la rue du Maine, Mme Ginette Vemhes, mère de six enfants ne fait aucun secret, au contraire, du mauvais sort que l'on a jeté à son fils Daniel, 9 ans. Elle décrit les symptômes de I'«ensorcellement».
«C'est à l'école que l'on a constaté tout d'abord du changement dans son comportement.. Mon garçon qui était tête de classe n'arrivait plus à suivre. De plus il était sujet à des malaises. Il se mettait à transpirer et tombait quelquefois en syncope ».
A ce stade, objectivement Mme Vemhes pose le problème sur le plan strictement médical. « Nous avons consulté le médecin traitant, puis, il faut l'avouer, d'autres praticiens. Personne ne décelait - l'origine du mal. Finalement Daniel a été ilacé en observation une di
zaine de jours à l'hôpital Bon Secours où il a subi tous les examens imaginables. Sans plus de résultat. Mais pendant le séjour hospitalier il faut noter que ses malaises avaient cessé. Ils ont repris dès son retour à la maison».
Sorcellerie et contre-magie
Puisque le corps médical est impuissant, la famille Vemhes
se tourne vers l'Eglise. La maman de Daniel affirme. «Nous avons consulté l'exorciste de l'évêché. Il nous a dit que l'envoûtement ne faisait aucun doute mais que lui-même étant souffrant il ne pouvait intervenir». Dès lors pour conjurer le mauvais sort, les Vemhes tirent toutes les sonnettes. Finalement ils obtiennent l'intervention des bonzes laotiens de Borny. Une pagode est en effet Installée depuis un an environ au 22, de la rue du Maine. Ce temple bouddhique est dirigé par un Vénérable qui ne quitte qu'exceptionnellement la position du lotus...
• Il accepte, néanmoins, de contre- ' attaquer l'offensive occulte qui a pris pour cible le petit Daniel.
L'enfant, depuis un mois, ne joue plus, ne dort plus, ne mange plus. « Il a perdu six kilos », précise sa mère.
Heureusement le Vénérable est là. Imposition des mains formules cabalistiques et talisman. En une seule séance, Daniel est désenvoûté mais il doit porter jour et nuit un collier magnétisé. Il faudra d'autres Interventions des prêtres bouddhistes pour exorciser l'appartement.
Le démon a bon dos?
Mais plusieurs précautions valent mieux qu'une. Sur le conseil des bonzes, Mme Vemhes répand du sel sur le paillasson, fait figurar dovoiil sa porto Iqsrepró-5oatäi^ns_du_>_dieu_£C3oJIla déesse des... sorciers » entre un crucifix, s'achète, pour elle, une
--'•.•M -....- ••x^rfï-i
Daniel ne quitte jamais son collier magnétisé par les bonzes.
croix du Christ et multiplie les objets religieux dans l'appartement.
Et pour donner bonne mesure à l'événement, M. Vemhes écrit au parquet, a la préfecture, à la présidence de la République I
Cette affaire de sortilège, fait grand bruit à Bomy. D'autant que les Vemhes accusent des voisins de magie noire. Les incriminés retournent ces accusations à l'envoyeur. Il va de soi que dans ce contexte le climat relationnel n'est pas au beau fixe, rue du Maine.
A la limito, toute coito hlstolro n'est peut-être qu'une mauvaise querelle de palier. Mais il est certain que l'enfant Daniol a souf
fert réellement de troubles psychosomatiques graves. Alors ?
Alors la sorcellerie a peut-être bon dos. Elle est contagieuse, qui plus est. Il semble que d'autres personnes témoignent de maléfices dont elles sont l'objet. A moins qu'elles ne prêtent au démon des soucis quotidiens auxquels elles ne savent plus faire front.
Toujours est-il que depuis quelques semaines un quartier de Borny se laisse engloutir par des ténèbres ensorcelées. Qu'y faire ? Le bûcher appartient heu-nniaoniunt au passé. Lo culto mu-gique n'est pas un délit.
Werner WIRTZ.
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V-.;- •':,•'.;, " EA'-^A^uC^ 20 mal 1983 LOR.
! Il a exorcisé un enfant de. neuf ans V
¡Dans la seule «Pagode» de l'Est un bonzeképand à Metz renseignement de Boudha METZ. — Born?. Un quar
tier HLM de Mets où vit la majorité des réfugiés asiatiques arrivés depuis 1978 en Moselle. Plusieurs cental- -nés. Un millier peut-être. Vietnamiens, Cambodgiens, Laotiens. Des rues aux noms de provinces françaises. Rue du Maine, au 22 : des trallltl et un escalier qui perd son carrelage. > On monte trois ¿taces, on sonne. Un bonzil-Ion en robe safran vient' ouvrir. C'est la. On enlevé. ses chaussures à l'entrée, on glisse sur la moquette usée d'un salon désertique. Phra Khamsanr Sourasack est assis sur le coté, à la fols' {rave et enrageant, masquant une petite pièce où l'autel, un magnifique autel, est dressé. On. est dans la • Pagode». La seule pagode bouddhiste laotienne de tout l'Est de la France, en présence du seul bonze.
II y a deux mois vivaient dans ce deux pièces modeste mais lumineux deux Vénérables. L'un est mort le 19 mars dernier. Il s'appelait Kham-' bang Phomleuandl. Son coeur avait été trop ébranlé par la vie dure des camps de réfugiés. Il s'est éteint à Metz, à l'âge de 33 ans, après avoir apporté beaucoup de réconfort à la communauté des laos, les Laotiens des plaines, qui pratiquent le • bouddhisme du petit véhicule».
Toutes les viandes.» sauf l'éléphant
L'autre bonze, Phra Kham-sang Sourasack • qui fut. marié et travailla comme surveillant à l'aéroport de Luang Trapang jusqu'en 1970, avant de fuir le Pathet-Lao et se réfugier dans une • pagode» - vit aujourd'hui avec un jeune bonzillon dans . l'appartement. Le novice suit les enseignements spirituels de son maître et l'aide à faire le ménage et la cuisine.
I » 'vénérable KHAM SANO SOURAZACK devint l'autel où II médite plusieurs heures par jour.
Le bonze, lui, passe. une grande partie de sa journée en méditation. Il sort aussi quand ses fidèles l'Invitent pour purifier la maison d'un malade, animer les cérémonies de mariages, de décès, de naissances, célébrer les fêtes, etc.. .Mine de, rien, la jouméed'un bonze est bien rempile, même dans une
. •pagode' HLM» qui n'a pas encore été consacrée et attend pour cela un bouddha •déjà» consacré, qui doit
1 arriver cet ¿té de Bangkok; si tout va bien.
En attendant, le Vénérable se lève chaque matin à cinq heures ; il prend son petit déjeuner -du café au lait, pas du thé • puis il fait sa prière quotidienne pour la purification de l'esprit et du coeur. D'abord il se concentre et médite pour lui-même • car il faut gagner des «bouns», c'est-a-dire des biens, des sortes d'indulgences, dans la perspective d'une réincarnation meilleure - puis il prie pour les autres, pour le bien-être et la prospérité de tout ce qui est vivant : les hommes et les animaux. A i l h, les fidèles viennent offrir &
manger au bonze; le seul repas de la journée ' qu'il fera : le plus souvent de la ' viande cuite avec des légumes, ou du riz gluant, l'aliment de base des Laotiens :<J'ai le droit de manger toutes les viandes, sauf l'éléphant, le tigre, le chien et le chat», dit-il par l'Intermédiaire d'un traducteur. Comme quoi un bonze ce • n'est pas forcément végétarien. D'ailleurs il fume aussi, des «Benson and Hedges» (•ce n'est pas interdit), et se considère comme un simple réfugié. Ce n'est pas un saint, " mais un guide. Dans la religion bouddhique, s'il y a des commandements proches d'ailleurs de ceux des chrétiens, par contre il n'y a pas de Dieu suprême, mais simplement les enseignements du Bouddha et les Mantra, des prières qui sont plutôt des méditations Incantatoires. Le bonze en est le dépositaire humble et provisoire. Contrairement aux prêtres, il peut en effet quitter à tout Instant la »Pagode« et la toge rouge orangé, reprendre la vie active et revenir plus tard parmi les bonzes.
L"í''-",'-"V.'! i-: nviyz-S'-¿j
La - pagode -, c'esf »vanf touf un appartement HLM où l'on vit aussi, \ comme tout le monde.
Un bonzillon vit avec le bonze et s'enrichit de son enseignement et de sa sagesse, tout en l'aidant a faire le ménage et la cuisine.
(Photos René POSCHBACH).
Pour tous renseignements, Béarn, 37070 Mets - tél. 737 s'adresser i l'Association 23 23 ( lundi, mercredi; ' franco-asiatique d'échanges - . --et de loisirs, 3, rue du Languedoc, Ibis, rue du
vendredi, 11 h • 12 h 30 ;' mardi, 18 h-19 h ; jeudi 14-16 . h)
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• '"'••"' V : ' C - s . B . c • ' ' : " ; . ' • , . . . . . . . . . ; ' - • : . . . : . . . ' /; ; - - . • : - • • • ; • • • -:•• , N ° * ? / ^ ^
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. -, ; '_'•:'•.Le.Comité de Soutien au Bouddhisme & d'Action Socio-Culturelle Lao ..'•*•• ." " ', •• '."..;-vous prie de bien Vouloir honorer de votre présence la Fête :de l'Entrée du Carême '. '
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.. ;•.'-.;--•... - lb,00 \: .Fin de la cérémonie v"' .'-y) _'/. .y" -,". v\. .
Nous vous souhaitons la bienvenue Ce bonne Fête
..-,,"•. " - LE COMITE DE FETE " '.
G*o•B* C« 8,'Avenue des Charmettes 95400 Villiers-Le-Bel
-r-
•N° 26 /CSBC
Gonesse, l e 10 Mai 1983
* ' I N V I T A T I O N
A l a Fê te de V I X A K H A B 0 U.X A
Sous le Patronage du Vén. Chanthy SOUPHANTHAVONG, Chef de la Pagode »WAT VELOUVANARAM'1 â Villiers-Le-Bel & la communauté des Moines Bouddhistes,
Le Comité de Soutein au Bouddhisme & d'Action Socio-Culturelle Lao vous prie de bien vouloir honorer de votre présence la Fête de VIXAKHABOUXA qui aura lieu : ...•-• -, . . LE DIMANCHE, 29 MAI 19Ö3
Au Restaurant Scolaire Claret - Rue Claret - 9550° Gonesso
P R O G R A M M E
09hOO 09,50 11,00 12,30 13,30 16,00
Réunion dos Fidèles & Invités . ! Cérémonie Religieuse Déjeuner des Bonzes Buffet & buvette réservés aux participants Prêche dos Bonze3 Fin de la Cérémonie
MERVI & BONNE-FETE
LE COMITE DE FETE
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Planches photos
Le vénérable .' Mana Chanty officiant lors du Boun Mackha Bouxa dans les locaux du restaurant scolaire Claret/ à Gonesse/ en 1984 168
L'assemblée des fidèles au boun Mackha Bouxa 169
Les offrandes destinées aux bonzes 170
Un exemple d'autel familial dans un foyer lao de la banlieue parisienne ; . . .171
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^
M
Le vénérable Mana Chanty, chef du vat Velouvanaram, officiant lors
du Boun Mackha Bouxa, dans les locaux du restaurant scolaire Claret,
à Gonesse, en 1984,
169
L'assemblée des fidèles au boun Mackha Bouxa/ en 1984.
170
Les offrandes destinées aux bonzes.
171
Un exemple d'autel familial dans un foyer lao de la banlieue
parisienne.