bref historique du canon néotestamentaire

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 BREF HISTORIQUE DU CANON NÉOTESTAMENTAIRE On entend souvent aujourdhui quil y a eu une sélection de textes lors du 1 er Concile de Nicée en 325. Cest là, dit-on, que lempereur Constantin aurait fait écarter de la Bible plusieurs textes supposément primitifs (Évangiles dits de Judas, de Marie, de Thomas, de Pierre, de Philippe, de Nicodème, etc.), créant ainsi le christianisme que lon connaît de nos jours. Cette information circule allègrement grâce à des fictions comme Da Vinci Code, que beaucoup de personnes prennent malheureusement au sérieux. En réalité, le canon du Nouveau Testament (du grec kanôn, règle) n'a pas été établit à Nicée. Ce concile na même pas été rassemblé pour traiter de cette question, mais pour répondre à la menace posée par l'arianisme, lhérésie non-trinitaire prêchée par le prêtre alexandrin Arius depuis une dizaine dannées. Conséquemment, Le Credo (confession de foi) adopté lors de ce concile ne mentionne aucunement le canon biblique 1 . Lors de conciles importants, en plus dune confession de foi, les théologiens rassemblés prenaient aussi un certain nombre de résolutions communes sous forme darticles et sengageaient à les respecter. Comme on peut sy attendre, les 20 articles du Concile de Nicée ne disent pas un mot sur le canon biblique, mais traitent surtout de christologie et d'ecclésiologie 2 . La plus ancienne ébauche de canon néotestamentaire connue à ce jour est le Canon de Muratori, manuscrit découvert à Milan et daté aux alentours de l'an 170. Il contient une discussion sur les livres religieux admis par les églises que fréquente lauteur et témoigne de la volonté des chrétiens du second siècle de faire le tri entre les nombreux textes circulant alors.  Le Canon de Muratori renferme une liste quasi-identique à celle de notre canon actuel : il y manque seulement deux épîtres mineures : celle de Jacques et la 2 e de Pierre 3 . Lénumération du manuscrit de Muratori comprend aussi des textes compatibles avec le christianisme comme le Berger dHermas et le Livre de la Sagesse mais qui ne furent pas inclus dans le canon néotestamentaire définitif car écrits au second siècle. L'auteur cite également quelques ouvrages considérés être faux par ses contemporains tel que la pseudo- Épître aux Laodicéens. Ce manuscrit atteste clairement quil y avait dès cette époque une série de livres considérés par lÉglise primitive comme faisant autorité. De plus, les ouvrages des premiers Pères de lÉglise qui connurent personnellement les apôtres, comme Clément de Rome ou Polycarpe de Smyrne, témoignent en ce même sens. Dailleurs, ont observe dans la 2 e Épître de Pierre (chapitre 3, versets 15-16), composée dans les années 70, quavant même que la rédaction des documents néotestamentaires nait 1 Fernand LEMOINE, « Symbole de Nicée-Constantinopl e », É tudes bibliques sur ordinateur , http://www.ebior.org/encyc/symbole/symbnic.htm(Consulté le 15 janvier 2011). 2 Romanic THOMAS, « Le premier concile cuménique : Nicée 325 », É  glise Arménienne , http://www.eglise-armen ienne.com/Dogm atique/Conciles/Concile_Nicee.htm (Consulté le 15 janvier 2011) 3 Claude PARIZET, Comment la Bible est venue jusquà nous , Lyon, Association Viens et Vois, 1986, p. 37.  

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5/12/2018 Bref historique du canon n otestamentaire - slidepdf.com

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BREF HISTORIQUE DU CANON NÉOTESTAMENTAIRE 

On entend souvent aujourdhui quil y a eu une sélection de textes lors du 1er Concile deNicée en 325. Cest là, dit-on, que lempereur Constantin aurait fait écarter de la Bibleplusieurs textes supposément primitifs (Évangiles dits de Judas, de Marie, de Thomas, de

Pierre, de Philippe, de Nicodème, etc.), créant ainsi le christianisme que lon connaît de nosjours. Cette information circule allègrement grâce à des fictions comme Da Vinci Code, quebeaucoup de personnes prennent malheureusement au sérieux.

En réalité, le canon du Nouveau Testament (du grec kanôn, règle) n'a pas été établit à Nicée.Ce concile na même pas été rassemblé pour traiter de cette question, mais pour répondre àla menace posée par l'arianisme, lhérésie non-trinitaire prêchée par le prêtre alexandrinArius depuis une dizaine dannées. Conséquemment, Le Credo (confession de foi) adoptélors de ce concile ne mentionne aucunement le canon biblique1.

Lors de conciles importants, en plus dune confession de foi, les théologiens rassemblésprenaient aussi un certain nombre de résolutions communes sous forme darticles et sengageaient à les respecter. Comme on peut sy attendre, les 20 articles du Concile deNicée ne disent pas un mot sur le canon biblique, mais traitent surtout de christologie et d'ecclésiologie2.

La plus ancienne ébauche de canon néotestamentaire connue à ce jour est le Canon de

Muratori, manuscrit découvert à Milan et daté aux alentours de l'an 170. Il contient unediscussion sur les livres religieux admis par les églises que fréquente lauteur et témoignede la volonté des chrétiens du second siècle de faire le tri entre les nombreux textes

circulant alors.  Le Canon de Muratori renferme une liste quasi-identique à celle de notrecanon actuel : il y manque seulement deux épîtres mineures : celle de Jacques et la 2 e dePierre3. Lénumération du manuscrit de Muratori comprend aussi des textes compatiblesavec le christianisme comme le Berger dHermas et le Livre de la Sagesse mais qui ne furent pas inclus dans le canon néotestamentaire définitif car écrits au second siècle. L'auteur citeégalement quelques ouvrages considérés être faux par ses contemporains tel que la pseudo-Épître aux Laodicéens. Ce manuscrit atteste clairement quil y avait dès cette époque unesérie de livres considérés par lÉglise primitive comme faisant autorité.

De plus, les ouvrages des premiers Pères de lÉglise qui connurent personnellement les

apôtres, comme Clément de Rome ou Polycarpe de Smyrne, témoignent en ce même sens.Dailleurs, ont observe dans la 2e Épître de Pierre (chapitre 3, versets 15-16), composéedans les années 70, quavant même que la rédaction des documents néotestamentaires nait 

1 Fernand LEMOINE, « Symbole de Nicée-Constantinople », É tudes bibliques sur ordinateur ,http://www.ebior.org/encyc/symbole/symbnic.htm(Consulté le 15 janvier 2011).2 Romanic THOMAS, « Le premier concile cuménique : Nicée 325 », É  glise Arménienne ,http://www.eglise-armenienne.com/Dogmatique/Conciles/Concile_Nicee.htm (Consulté le 15 janvier 2011)3 Claude PARIZET, Comment la Bible est venue jusquà nous, Lyon, Association Viens et Vois, 1986, p. 37. 

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été terminée, les premiers chrétiens incluèrent immédiatement le recueil des lettres delapôtre Paul dans le corpus des Saintes Écritures, au même titre que lAncien Testament.

Quoi quil en soit, vers 320, lhistorien arien Eusèbe de Césarée reconnaît le canon actueldans son Histoire Ecclésiastique, à l'exception de l'Apocalypse. Vers 365, lévêque Athanased'Alexandrie dresse la liste des 27 livres de notre Nouveau Testament et les reconnais

comme seuls canoniques. En 382, l'évêque Damase de Rome endosse le canon d'Athanase àloccasion dun synode tenu dans sa ville.

C'est seulement lors du synode d'Hippone4 en 393 puis surtout au 3e concile de Carthage en397, conduits par Augustin, lévêque dHippone, que fut finalement ratifié le choix fait parles églises chrétiennes depuis deux siècles et demi en fixant officiellement la liste des livresdu Nouveau Testament 5. (Contrairement à ce quaffirme le Vatican, les Apocryphes nefurent pas reconnus comme canoniques à Carthage6.)

Comme nous lavons vu, le canon biblique existait officieusement sous sa forme actuelle

(grosso modo) depuis le second siècle et il était généralement accepté par l'ensemble deséglises chrétiennes. Les autres textes, essentiellement fantaisistes et attribués à despersonnages qui ne les ont jamais écrits, sont pour la plupart des pseudo-évangilesgnostiques, découverts en 1945 à Nag Hammadi en Haute-Égypte. Ces écrits, rédigés entrele IIe et le Ve siècle, sont beaucoup plus tardifs que les documents du Nouveau Testament et donc dune fiabilité historique très inférieure7.

Certes, ces pseudo-évangiles gnostiques en circulation étaient vénérés par les diversessectes ésotériques et divergentes que constituaient la nébuleuse gnostique. Cependant, cestextes ne furent jamais considérés comme valables par les chrétiens des premiers siècles

qui les rejetaient car ils contiennent une théologie radicalement différente de celle desApôtres et car ils sont remplis dinepties8. Cela, ni le concile de Nicée, ni aucun autre concilesubséquent n'y changea rien. En conclusion, nous pouvons dire que « les livres du NouveauTestament n'ont pas été revêtus d'autorité par le fait d'avoir été inclus dans une listecanonique mais, au contraire, l'Église les a inclus dans son canon parce qu'elle lesconsidérait déjà comme inspirés par Dieu9. »

4 Aujourd'hui la ville dAnnaba au nord-est de lAlgérie. La tombe de Saint Augustin sy trouve dans léglise dumême nom.

5 Charles-Joseph HÉFÉLÉ, Histoire des conciles d'après les documents originaux , Volume 2, Paris, Adrien LeClere et Cie, 1869, p. 245 et 468.6 Michael MARLOWE, « Third Council of Carthage A.D. 397 », Bible Researcher ,http://www.bible-researcher.com/carthage.html(Consulté le 15 janvier 2011).7 Lee STROBEL, Jésus : la parole est à la défense ! (comme dans un tribunal), Nîmes, Éditions Vida, 2001, p. 73-79. 8 Par exemple, le pseudo-Évangile de Thomas se termine en disant quune femme doit se transformer enhomme pour entrer dans le royaume des cieux. Lee STROBEL, opere citato. 9 Frederick Fyvie BRUCE, Les documents du Nouveau Testament Peut-on s'y fier ? , Trois-Rivières, Impact,2008, p. 29. 

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