cas clinique : fièvre chez un immunodéprimé cours de des médecine interne du 09/11/12 pascal...
TRANSCRIPT
Cas clinique : fièvre chez un immunodéprimé
Cours de DES Médecine interne du 09/11/12
Pascal Biscay
Mr C. 39 ans
Atcd : HSF mis en dialyse en 1991, greffé rénal de 91 à 92,
puis de 94 à 96, puis à partir de 2004. Sous Prograf et Cellcept.
HTA, hyperparathroïdie
Habitus : Electricien, marié En contacts avec des chats Pas de voyage récent, pas de contage, pas de piqure
de tique.
Tableau clinique
Fièvre d’apparition progressive depuis 10 jours, sans sueurs nocturnes, avec perte de 2 kgs, asthénie
Fièvre répondant au paracétamol, en plateau, entre 38°C et 39°C, sans frissons
Adénopathies axillaires droites centimétriques Pas d’HSM palpable Lésion cutanée a priori traumatique du bras droit Reste de l’examen normal
Biologie standard
Pan cytopénie modérée (Hb à 9,5g/dl, PNN à 1500/mm3, Pl à 90 000/mm3), lymphopénie
Cytolyse hépatique à 3N, prédominant sur les ALAT, cholestase à 4N, TP normal, lipase normale
CRP à 30 mg/l, PCT à 1,69 ug/l
LDH à 226 UI/l, ferritine à 336 ug/l (10 à 336), triglycérides à 2g/l
EPS : profil inflammatoire, pas d’anomalie des gammaglobulines
Bilan infectieux standard en transplantation Hémocultures 4 milieux négatives ECBU stérile, pas de leucocyturie Antigénurie pneumocoque et légionelle négatives,
sérologies des atypiques négatives Antigénémie aspergillaire négative PCR CMV dans le sang négative RP : pas de foyer infectieux Myélogramme : moelle riche, quelques éosinophiles
témoignant d’une régénération accrue, pas d’hémophagocytose.
Bilan virologique
PCR CMV, EBV, BKv, VZV, HSV, HHV6, HHV8 dans le sang négatives.
PCR CMV, EBV, PVB19 dans la moelle négatives
Séro VIH, VHC, VHE, HTLV1 négatives, immunisés contre le VHA et le VHB
Bilan bactériologique
Coprocultures négatives Sérologie Salmonelle, Campylobacter et Yersinia
négatives. Sérologies des atypiques négatives. Sérologie fièvre Q négative PCR Whipple dans le sang négative Sérologie Lyme, Brucellose, TPHA/VDRL, Bartonella
henselae et quintana négatives Direct et PCR leptospirose sur urines et sang négatifs.
Sérologie de Martin et Petit négative. Quantiferon/TBspot négatifs
Bilan auto-immun
Hyperactivation lymphocytaire T (HLA DR 47%) CD8 (67%), expansion de LT gamma/delta exprimant le VDelta2 (32%)
AAN, ANCA, FR, Cryo, négatifs
Profil du complément normal
Pas d’anomalie monoclonale à l’IEP
Bilan myco/parasitologique
Sérologie et PCR toxoplasmose dans le sang négatives
Sérologie leishmanie, recherche leishmanie au direct et par PCR dans la moelle négatives
Ag cryptocoque dans le sang négative
Sérologie histoplasmose négative
Examens parasito des selles négatifs
Bilan morphologique
ETT : Valvulopathie mitro-aortique, avec calcifications, sans signe d’endocardite
Echo abdo : pas de dilatation des voies biliaires ,pas de cholécystite
TDM TAP : Hépato splénomégalie associée à des adénomégalies centimètriques cœliaques, rétropéritonéales et axillaires gauches
Donc on commence à creuser (littéralement) Ponction pleurale :
Liquide exsudatif Stérile, direct BK négatif, culture fongique négative
Biopsie ganglionnaire axillaire : nodules faits d’une prolifération vasculaire et d’histiocytesmacrophages (angiomatose bacillaire-like). Lymphome nonretenu en l’absence de clonalité lymphocytaire en biologiemoléculaire. HHV8 négatif.
Biopsie hépatique : foyers inflammatoire granulomateux riches enmacrophages et polynucléaires, sans cellulesépithéliogigantocellulaire, ni nécrose. Pas d’anneau fibrineux.
Diagnostic final
PCR toxo sur le foie et les ganglions négative Recherche Leishmanies sur le ganglion négative Direct BK sur les biopsies négatives, PCR BK négative
sur le foie, le ganglion et l’ascite. Cultures fongiques négatives
PCR bartonella henselae positive sur le foie, le ganglion et dans le sang.
2è Sérologie Bartonella henselae faiblement positive. A noter positivation de la sérologie Chlamydia
pneumoniae (réaction croisée).
Bartonella henselae
Zoonose transmise à l’homme par griffure/morsure de chat, ubiquitaire, avec un gradient nord/sud.
55 cas authentifiés par le CNR en 2008 BGN, du genre Proteobacteria, catalase et oxydase
négatifs, aérobie intra-cellulaire facultatif, tropisme pour les érythrocytes et les cellules endothéliales
Réservoir constitué par les chats de moins d’un an (50% sont bactérièmiques)
Transmission entre les félins par une puce (Ctenocephalides felis)
Plusieurs maladies….
[Médecine et maladies infectieuses 40 (2010), S. Edouard , D. Raoult]
Un peu d’histoire
[Médecine et maladies infectieuses 40 (2010), S. Edouard , D. Raoult]
Pathogénicité Une infection à BGN chronique… Existence de sanctuaire immunologique : cellules endothéliales,
progéniteurs erythroblastiques, matrice extracellulaire, érythrocytes LPS mal reconnu par le TLR 4, et même capable de le down-réguler Capable de résister à la phagocytose
Dans la maladie des griffes du chats, la bactérie n’est plus viable au niveau ganglionnaire
Très différente chez l’immuno-déprimé : prolifération vasculaire Absence de réponse TH1 efficace Persistance de B.henselae dans la matrice péri-endothéliale, avec
expressions de protéines (BepA et BepA2) inhibant l’apoptose des cellules endothéliales
Rôle de l’IL4 et de l’Interferon alpha? Hyper-expression de VEGF de mécanisme inconnu Néo-vaisseaux viables qu’en l’absence d’éradication des bactéries
Maladie des griffes du chat
Chez l’enfant et l’adulte jeune
Lésions papuleuses ou vésiculeuses au site d’inoculation 3 à 10 jours après contamination
Adénopathie (unique dans 85% des cas), dans le territoire de drainage (axillaire, épi trochléenne, cervicale, supra claviculaire ou sub mandibulaire)
Régresse en un à 4 mois.10% de formes suppuratives
manifestations atypiques : erythème noueux, eruptions maculo-papuleuses, PTI… Voire localisations viscérales chez l’enfant
Biopsie ganglionnaire : de l’hyperplasie lymphoïde banale, à la lymphadénite granulomateuse
Formes de l’immuno-compétentEndocardite
valvulopathie préexistante (90% des cas)
lésions valvulaires extensives nécessitant souvent une chirurgie
Autres
Neurologiques encéphalite, myélite, ataxie cérébelleuse, paralysie faciale
Oculaires neurorétinite, syndrome de Parinaud, nodule choroïdien, kératite disciforme
Musculo-squelettiques ostéomyélite, myalgie, arthralgie/ arthrite, tendinite, douleur dorsale
Formes de l’immunodépriméAngiomatose bacillaire : Bartonella
quintana et henselae
Lésions vasculaires prolifératives initialement cutanées ou sous cutanées, se caractérisant par des papules de couleurs violacées ou des nodules hémorragiques, variables en taille et en nombre. Elles peuvent s’étendre à différents organes tels que les os, le cerveau.
Anapath : prolifération capillaire lobulaire et des cellules endothéliales constituant la paroi des néovaisseaux
Peliose hépato-splénique : Bartonnela henselae seule
Tableau de fièvre, douleurs abdos, troubles digestifs
Anapath : prolifération intense des capillaires sinusoïdes, responsable de la formation de larges espaces vasculaires, associée à un stroma myxoïde contenant quelques cellules inflammatoires
Autres
Bactérièmies chroniques
Forme disséminée
Moyens diagnostiques Sérologie : (par IFI, méthodes immuno-enzymatiques, ou micro-immunofluorescence utilisée par le CNR)
IgG < 1/100è : maladie des griffes du chat IgG< 1/800è : endocardite (spécificité 99,5%, sensibilité 100%, VPN 98%) Western blot pour déterminer l’espèce
Culture : à partir du sang, de biopsies ou suppurations ganglionnaires, de valves
cardiaques, de biopsies cutanées, de biopsies ostéomédullaires Sur gélose : pousse en 10 à 15 jours, jusqu’à 45j Culture cellulaire (Vero ou cellules endothéliales) : si une croissance
bactérienne est détectée, une coloration de Gimenez est réalisée, puis identification par Ac monoclonaux spécifiques
PCR : primers communs à toutes les bartonelles (gène ITS), puis à henselae (pap 31)
Anathomopathologie : coloration argentique de Warthin-Starry
En cas de chirurgie valvulaire, sur une endocardite à hémocultures négatives, toujours demander une PCR bartonelle sur la valve
La culture dans la maladie des griffes du chat a peu d’intérêt car bactérie très souvent non viable
Faible intérêt de la sérologie chez l’immunodéprimé
[Médecine et maladies infectieuses 40 (2010), S. Edouard , D. Raoult]
Traitement Généralités :
Pas d’antibiogramme réalisables Aminosides sont les seuls bactéricides in vitro Efficacité des macrolides, tétracyclines, béta-lactamines,
fluoroquinolones, rifampicine
Maladie des griffes du chat
Pas de preuve de l’efficacité d’un traitement antibiotique
Intérêt de la ponction de la collection voire de l’éxèrèse ganglionnaire dans les formes suppuratives
Endocardite
recours très fréquent à la chirurgie
bi-antibiothérapiecontenant un aminoside(qui ont prouvé leurefficacité en terme demortalité et de rechute)
En pratique : Doxycycline 6 semaines et Aminoside 2 semaines
Angiomatose bacillaire
3 mois d’érythromycine (in vitro a un effet anti-angiogénique)
Peliose hépatique
4 mois d’érythromycine
Traitement
[Médecine et maladies infectieuses 40 (2010), S. Edouard , D. Raoult]
Bibliographie
D.Raoult and coll : Outcome and treatment of bartonella endocarditis : Arch intern Med 2003
Frédérique Gouriet, Hubert Lepidi, Gilbert Habib, Frédéric Collart and Didier Raoult : From cat scratch disease to endocarditis, the possible natural history of Bartonella henselae infection : BMC Infectious diseases 2007
MosepeleMosepele, DanaMazo, and Jennifer Cohn : Bartonella Infection in Immunocompromised Hosts: Immunology of Vascular Infection and Vasoproliferation : Clinical and Developmental Immunology 2012
V. Jacomo, P. J. Kelly, and D. Raoult : Natural History of Bartonella Infections (an Exception to Koch’s Postulate) : CLINICAL AND DIAGNOSTIC LABORATORY IMMUNOLOGY 2002
GILBERT GREUB and DIDIER RAOULT Bartonella: new explanations for old diseases : J. Med. Microbiol. 2002
S. Edouard , D. Raoult : Bartonella henselae, an ubiquitous agent of proteiform zoonotic disease : Médecine et Maladie Infectieuses 2010
Kempf VAJ, Volkmann B, Schaller M et al. Evidence of a leading role for VEGF in Bartonella hemselae – induced endothelial cell proliferation. Cell Microbiol 2001
Merci de votre attention