ce numéro t’a plu - l'histoire

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L’AUTEURE Enseignante, chercheuse en sciences et histoire de l’éducation, Laurence De Cock travaille sur l’histoire scolaire et sur les pédagogies alternatives. Elle a publié Sur l’enseignement de l’histoire, Libertalia, 2018. n°8 Février 2021 Manger de la viande Juniors L Histoire en ligne pour les 10-14 ans www.lhistoire.fr DR Repas Détail de Le Mauvais Riche et le pauvre Lazare de Frans Francken le Jeune, vers 1605. ULM, MUSEUM BROT UND KUNST-FORUM WELTERNÄHRUNG/ARTOTHEK/LA COLLECTION Ce numéro t’a plu ? Tu pourras bientôt découvrir La Commune Les vikings L’Histoire, 8, rue d’Aboukir, 75002 Paris [email protected] - Tél. : 01 70 98 19 51 Directrice de la rédaction : Valérie Hannin - Directrice artistique : Marie Toulouze - Rédactrice en chef de la rédaction : Héloïse Kolebka - Rédacteur en chef adjoint de la rédaction : Olivier Thomas - Rédactrice en chef de L’Histoire Juniors : Julia Bellot - Rédaction-révision-correction : Hélène Valay - Activités numériques : Bertrand Clare © L’Histoire 2021 Adapté du dossier « Manger de la viande », Johann Chapoutot, Olivier Christin, Emmanuelle Cronier, Claude Fischler, Marie- Pierre Horard- Herbin, Bruno Laurioux, Pap Ndiaye, Yann Potin, Jean-Noël Robert, L’Histoire n° 466, décembre 2019.

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Page 1: Ce numéro t’a plu - l'histoire

L’AUTEURE

Enseignante, chercheuse en sciences et histoire de l’éducation, Laurence De Cock travaille sur l’histoire scolaire et sur les pédagogies alternatives. Elle a publié Sur l’enseignement de l’histoire, Libertalia, 2018.

n°8Février 2021

Manger de la viande

Juniors

L’Histoire en ligne pour les 10-14 answww.lhistoire.fr

DR

Repas Détail de Le Mauvais Riche et le pauvre Lazare de Frans Francken le Jeune, vers 1605. U

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Ce numéro t’a plu ?

Tu pourras bientôt découvrir

La CommuneLes vikings

L’Histoire, 8, rue d’Aboukir, 75002 [email protected] - Tél. : 01 70 98 19 51

Directrice de la rédaction : Valérie Hannin - Directrice artistique : Marie Toulouze - Rédactrice en chef de la rédaction : Héloïse Kolebka - Rédacteur en chef adjoint de la rédaction : Olivier Thomas - Rédactrice en chef de L’Histoire Juniors : Julia Bellot - Rédaction-révision-correction : Hélène Valay - Activités numériques : Bertrand Clare

© L’Histoire 2021

Adapté du dossier « Manger de la viande », Johann Chapoutot, Olivier Christin, Emmanuelle Cronier, Claude Fischler, Marie-Pierre Horard-Herbin, Bruno Laurioux, Pap Ndiaye, Yann Potin, Jean-Noël Robert, L’Histoire n° 466,décembre 2019.

Page 2: Ce numéro t’a plu - l'histoire

Depuis les origines de l’humanité, manger de la viande, c’est-à-dire manger la chair d’un être vivant, soulève de nombreuses questions.

2 / Manger de la viandeJuniors

A-t-on toujours aimé la viande ?Par Laurence De Cock

Élever des bêtes pour les manger

Durant la première partie de la préhistoire, le Paléolithique, les humains se déplacent réguliè-

rement : ils sont nomades. Pour se nourrir ils cueillent des plantes et chassent des animaux. Lors de la période suivante, dite Néolithique, à partir de 6000 avant notre ère, les humains sont devenus sédentaires : c’est-à-dire qu’ils se sont installés sur la longue durée dans un endroit et ont commencé à pratiquer l’agriculture et à élever des bêtes pour les manger.

En France, les animaux élevés sont principalement les moutons, les chèvres, les porcs et les bœufs. S’y ajoutent ensuite le cheval vers 2000 av. J.-C., quelques volailles (coq, oie, canard, pigeon) vers 600 av. J.-C., le lapin au Moyen Age et la dinde au XVe siècle, très rapidement après la découverte de l’Amérique en 1492.

Qui mange quoi ?

Au cours de l’histoire, les habitudes alimentaires ont beaucoup changé. Grâce à l’ archéozoologie , on

peut reconstituer ce que mangeaient les gens à des périodes anciennes. Pour les Gaulois, la tête de jeune chien est un mets très prestigieux. Peu après, le cheval est lui consommé plutôt par les populations pauvres.

Les manières de manger la viande révèlent souvent l’appartenance sociale. Par exemple, lorsque la dinde arrive en Europe au XVe siècle, elle remplace très vite l’oie dans les assiettes des plus riches, qui montraient ainsi qu’ils consommaient une viande nouvelle et originale. De même, ces derniers privilégient cer-taines parties des animaux, comme le fi let, la tête ou la cuisse, mais surtout pas les pieds ! Les riches préfèrent aussi les animaux abattus jeunes car leur chair est plus tendre.

Bien sûr ces animaux ne servent pas qu’à se nourrir, ils sont également utilisés pour chasser ou pour aider aux travaux agricoles.

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Et aujourd’hui

Amorce d’un déclinAprès avoir presque été multipliée par deux au

XXe siècle, la consommation de viande par les Français décline depuis la fi n du XXe siècle.

CHIFFRES

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200

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Consommation quotidiennemoyenne de viande par Français (en grammes)

1890 1985 2019Source : FAO

Tu as sans doute remarqué que de plus en plus de gens contestent les pratiques des abattoirs et vont jusqu’à refuser toute consommation de produits d’origine animale, ce que l’on appelle le véganisme. Le courant antispéciste dénonce la souff ranceanimale. De plus, l’indus-trialisation a fait perdre une partie de la confi ance dans la nourriture : est-on certain de ce quel’on mange ?

VéganismeMode de vie qui refuse toute consommation de produits d’origine animale.

AntispécismeCourant philosophique qui estime que l’animal n’a pas à être considéré par l’homme comme une espèce inférieure, justifi ant sa mise à mort et sa consommation.

MOTS CLÉS

Déjà les descrip-tions de l’époque faisaient froid

dans le dos. Un roman d’Upton Sinclair, La Jungle, raconte en 1905 l’enfer des abat-toirs. L’auteur s’y était fait recruter pour décrire les choses de l’intérieur. Les

Américains ont donc été les pionniers de la pro-duction industrielle de viande. D’ailleurs, lorsqu’ils entrent dans la Première Guerremondiale au côté de la France en 1917, ils font installer un immense dépôt frigorifi que pour leur consommation de

viande. On disait alors que les soldats devaient consommer des pro-téines animales pourreconstituer leurs forces. C’est la deuxième usine au monde après Chicago ! D’une certaine façon, les abattoirs dé-sacralisent la consom-mation de viande.

Ces questions ont des eff ets sur la consomma-tion de viande, qui ne cesse de diminuer.

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6 / Manger de la viandeJuniors

La viande devient un produit industriel

S i on fait un grand saut dans le temps pour arriver au xixe siècle, c’est alors que se met en place une véritable industrie de production de la viande.

Naissent d’immenses abattoirs, dont les plus importants au monde sont créés à Chicago dans les années 1860. Plus de 1 milliard de bêtes y sont abattues entre 1865 et 1971. Chargées dans des wagons réfrigérants, elles sont acheminées dans des usines où des ouvriers bouchers découpent et préparent à la chaîne les morceaux à commercialiser.

A l’arrière Les Halles de Paris en 1916. La vente de viande frigorifi ée importée permet de limiter la hausse des prix et de faire face à la pénurie alimentaire due à la guerre.

1865

C’est l’année où l’ingénieur français Charles Tellier (portrait) invente un procédé de conservation par le froid grâce à l’ammoniac liquéfi é, bien adapté au froid industriel.

L’usine ultramoderne de GièvresL’usine frigorifi que de Gièvres, en France, est fondée par les Américains. Elle est opérationnelle en 1918 et peut conserver jusqu’à 6 500 tonnes de viande (deux jours de ration pour les soldats américains !). Elle a été construite sur le modèle des usines de Chicago et employait 600 ouvriers, dont 260 venus des États-Unis.

DATE CLÉ

MOT CLÉ

ArchéozoologieC’est une science qui permet, grâce aux fouilles, de reconstituer les relations entre les humains et les animaux.

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Gaule : des chiens cuits à la broche Les traces de découpes et de

brûlures régulièrement observées sur les ossements et sur les dents de chiens retrouvés sur des sites gaulois

prouvent que ces animaux étaient cuits à la broche ou au gril avant d’être consommés. Les chiens étaient élevés, abattus jeunes, dépecés et cuits de la

même façon que les cochons.

Scène d’abattage pour un rituel religieux, peinte sur le mur d’une tombe égyptienne à Thèbes (actuelle Louxor).

Page 4: Ce numéro t’a plu - l'histoire

MOTS CLÉS

4 / Manger de la viandeJuniors

Ancien TestamentPremière partie de la Bible qui raconte la création du monde et contient notamment l’histoire d’Adam et Ève.

Péché originelDans la Bible, Adam et Ève mangent le fruit défendu de l’arbre de la connaissance, provoquant la colère de Dieu, qui décide en retour que les humains seront toujours imparfaits.

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Souvent les tableaux représentent des plats très appétissants, mais celui-ci

cherche plutôt à provoquer le dégoût par l’accumulation,

notamment de viandes : bœuf, volailles, abats,

saucisses. Peint en 1551 par Pieter Aertsen,

il diffuse en fait un message religieux : l’arrière-plan révèle

la scène de la fuite en Égypte vers laquelle pointe

une oreille de cochon. Il s’agit de méditer sur les

excès et de valoriser le jeûne.

Connais-tu l’affaire des saucisses ? Elle a lieu en mars 1522 en plein carême à Zurich (en Suisse). Un imprimeur donne à manger des saucisses à ses employés alors que c’est interdit. Ils sont arrêtés et emprisonnés. Mais le curé Ulrich Zwingli proteste et défend la liberté de manger ce que l’on veut. Cela fait scandale et lance la réforme protestante en Suisse.

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Derrière l’oreille d’un cochon

Des règles imposées par le christianisme

On trouve dans l’ Ancien Testament l’idée que les hommes, avant le péché originel étaient végétariens.

Puis, ayant été considérés par Dieu comme imparfaits, ils ont été autorisés à manger de la viande, mais pas tout le temps.

La viande a une place très ambiguë pour les chrétiens car on lui reconnaît des bienfaits pour la santé mais elle incarne aussi l’impureté de la chair.

On l’estime autant délicieuse que dangereuse. C’est pourquoi les chrétiens devaient respecter des périodes sans viande, comme une pénitence, et ceci quarante jours avant Pâques (c’est ce qu’on appelle le carême) ainsi que deux jours par semaine, le plus souvent les vendredis et samedis. Voilà l’origine du poisson à la cantine le vendredi !

C’est encore plus strict chez les moines, qui ont interdiction de consommer de la viande.

Certains tentent de ruser, par exemple en prétendant que si l’on hache la viande, ce n’est plus vraiment de la viande.

Chez les Juifs et les musulmans le rapport à la viande est un peu différent : certains animaux, comme le porc, sont considérés comme impurs,

et c’est pourquoi il est interdit d’en manger.

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